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AVANT-PROPOS

On notera d'autre part que Galilée accorde une confiance excessive aux preuves qu'il apporte de
la validité du système de Copernic. Mais faut-il, comme le fait Koestler, aller jusqu'à dire que Galilée
savait fort bien que ces preuves étaient peu valables ? Il ne leur aurait prêté de solidité que parce qu'il
pouvait ainsi les soustraire aux critiques des théologiens : seule, en effet, une proposition scientifique
sûrement établie, pouvait prévaloir sur les interprétations traditionnelles. Aussi Koestler ne voit-il dans
la Lettre à la Grande-Duchesse que des modèles de prose didactique, des plaidoyers magnifiques pour
la liberté de penser, alternant avec les sophismes, les faux-fuyants et la malhonnêteté pure et simple. On
ne peut absolument pas souscrire à une déclaration aussi injuste et partiale. Sans doute, il y a dans la
Lettre à la Grande-Duchesse quelque présomption, et on y rencontre à la fois des habiletés et des
naïvetés. Mais elle n'en constitue pas moins un document solide, équilibré, où, avec cette lucidité
profonde des très grands esprits, Galilée marque la place qu'il convient désormais de faire à la science,
sans que pour autant la valeur et la portée de l'Écriture en doivent être affaiblies. Ce document n'est pas
seulement l'écho de querelles passagères, ou le fruit d'un mouvement d'humeur. Par-delà les
circonstances sociales et politiques du moment, il affronte le problème de fond que posait à la pensée
religieuse l'avènement de la science moderne C'est là ce qui en fait tout l'intérêt et toute la portée.

François Russo
Lettre de Galileo Galilei à Madame Christine de Lorraine,
Grande-Duchesse de Toscane (1615)
A MADAME LA SERENISSIME GRANDE-DUCHESSE MERE

J'ai découvert, il y a peu d'années, comme le sait Votre Altesse Sérénissime, de nombreuses
particularités dans le ciel, qui, jusqu'ici, étaient invisibles ; soit en raison de leur nouveauté, soit en raison
de plusieurs conséquences qui en découlent, ces découvertes, en venant s'opposer à des propositions
communément reçues dans les Écoles des philosophes, ont excité contre moi un grand nombre de ses
professeurs ; au point que l'on pourrait croire que j'ai mis de ma main ces choses dans le ciel pour
troubler la nature et les sciences. Oubliant d'une certaine manière que la multiplication des découvertes
concourt au progrès de la recherche, au développement et à l'affermissement des sciences et non pas à
leur affaiblissement ou à leur destruction, et se montrant dans le même temps plus attachés à leurs
propres opinions qu'à la vérité, ils en vinrent à prétendre déclarer que ces nouveautés n'existent pas,
alors que, s'ils avaient voulu les considérer avec attention, ils auraient dû conclure à leur existence. Ils
se sont alors répandus en démarches diverses et ont notamment publié des écrits remplis de vains
discours ; et, ce qui rend leur erreur plus grave, ils y ont fait intervenir des attestations des Saintes
Écritures, empruntées à des passages qu'ils n'ont pas bien compris et qui ne correspondent pas aux
questions abordées : ils ne seraient pas tombés dans cette erreur s'ils avaient porté attention à un texte
de saint Augustin, très utile à ce sujet, concernant l'attitude à tenir en ce qui concerne les questions
obscures et difficiles à comprendre par la voie du seul discours ; traitant de conclusions naturelles
concernant les corps célestes, il écrit :
Pour le moment, nous contentant d'observer une pieuse réserve, nous devons, sur ce sujet obscur, ne rien
croire à la légère, dans la crainte que, plus tard, nous ne rejetions, par amour de notre erreur, ce que la vérité
pourrait nous découvrir qui ne serait point contraire aux saints livres de l'Ancien et du Nouveau Testament.
Et il est arrivé que le temps a progressivement découvert à tous la vérité de ce que j'avais avancé.
Ceux qui sont au fait de la science astronomique et de la science naturelle sont demeurés persuadés de
la justesse de ma première position. Et tous ceux qui ne refusaient de reconnaître la vérité de ce que
j'affirmais qu'en raison de sa nouveauté inattendue ou du fait qu'ils n'en avaient pas eu une expérience
directe se sont peu à peu ralliés à mon point de vue. Mais il en est qui, outre leur attachement à leur
première erreur, manifestent être mal disposés non tant vers les questions que j'expose que vers leur
auteur ; n'ayant plus la possibilité de nier une vérité maintenant bien établie, ils la couvrent d'un
continuel silence et, irrités plus encore qu'avant par mes affirmations que les autres acceptent
maintenant sans inquiétude, ils cherchent à les combattre de diverses manières. A ceux-ci je
n'accorderais pas plus d'estime que je n'en ai accordé aux autres contradicteurs qui se sont opposés à
moi, étant assuré que la justesse de ce que j'avance sera finalement reconnue, si je n'avais pas vu que ces
nouvelles calomnies et persécutions ne se limitent pas à la question particulière dont j'ai traité. Elles
s'étendent au point de me charger d'accusations qui doivent être et sont pour moi plus insupportables
que la mort. Aussi je ne dois pas me contenter de faire en sorte qu'elles soient reconnues injustes par
ceux-là seulement qui me connaissent et qui les connaissent, mais aussi par toute autre personne. Ces
adversaires cherchent par tous les moyens possibles à me déconsidérer. Ils savent que mes études
d'astronomie et de philosophie m'ont conduit à affirmer, relativement à la constitution du monde, que
le Soleil, sans changer de place, demeure situé au centre de la révolution des orbes célestes et que la
Terre tourne sur elle-même et se déplace autour du Soleil. De plus, ils se rendent compte qu'une telle
position non seulement infirme les arguments de Ptolémée et d'Aristote, mais entraîne des
conséquences qui permettent d'expliquer, soit de nombreux effets naturels dont on ne savait pas rendre
compte autrement, soit des découvertes astronomiques récentes qui contredisent radicalement le
système de Ptolémée et confirment merveilleusement celui de Copernic. Se rendant compte que, s'ils
me combattent seulement dans le domaine philosophique, ils auront de la peine à me confondre, ils ont
entrepris de donner comme bouclier à leur raisonnement erroné le manteau d'une feinte religion et
l'autorité des Saintes Écritures, appliquant celles-ci, avec peu d'intelligence, à la réfutation d'arguments
qu'ils n'ont pas compris.
Ils en sont venus à prétendre que mes propositions sont contraires aux Saintes Écritures et qu'en
conséquence elles sont condamnables et hérétiques. Us n'ont pas eu de peine à trouver quelqu'un qui
eut l'insolente audace de le proclamer du haut de la chaire et d'étendre cette accusation sur les
mathématiques entières et sur tous les mathématiciens ; devenus plus sûrs d'eux-mêmes, ils insinuent
maintenant parmi le peuple la croyance que l'autorité suprême interviendra bientôt dans cette affaire.
Et, sachant qu'une telle déclaration non seulement porterait atteinte à mes conclusions, mais conduirait
à condamner toutes les autres observations et propositions astronomiques et naturelles qui leur sont
liées, ils cherchent à faire croire que mon opinion est entièrement nouvelle et qu'elle m'est propre,
dissimulant que Nicolas Copernic en est l'auteur. Or celui-ci est non seulement un catholique mais un
prêtre et un chanoine, et il est estimé au point que, lorsque le concile du Latran, sous le pape Léon X,
eut à traiter de la réforme du calendrier, il fut appelé à Rome des extrémités de la Germanie pour cette
réforme, qui, alors, demeura imparfaite uniquement parce qu'il n'avait pas encore une connaissance
exacte de la durée de l'année et du mois lunaires. Chargé par l'évêque Semproniense 1, alors responsable
de cette tâche, de poursuivre des études en vue de préciser la nature des mouvements célestes, Copernic
se remit au travail, et, au prix d'un effort considérable et grâce à son admirable génie, il obtint de grands
progrès dans ses sciences et réussit à améliorer l'exactitude de la connaissance des périodes des
mouvements célestes, méritant le titre de sommo astronomo2. Grâce à ses travaux, on put mettre au point
ensuite la question du calendrier et établir les tables de tous les mouvements des planètes. Copernic
devait exposer cette doctrine dans six ouvrages qu'il publia à la demande du cardinal de Capoue et de
l'évêque Gulmense. Et comme il s'était engagé dans cette tâche, sur l'ordre du Souverain Pontife, il dédia

1 II s'agit de Paul de Middelburg, né en 1455 en Zélande, mort en 1534. A partir de 1480, il fut

professeur de mathématiques et d'astronomie à Padoue. Il devint évêque de Fossembrone , en Ombrie.


2 Grand astronome
son livre Des Révolutions célestes à Paul III, successeur de Léon X. Ce livre a été reçu par la Sainte Église,
il a été lu et étudié dans le monde entier, sans jamais soulever l'ombre d'une critique. Et voici que
maintenant, alors que des expériences manifestes et des démonstrations sûres viennent montrer à quel
point cette doctrine est bien fondée, il ne manque pas des personnes, qui, n'ayant même pas lu le livre,
ne savent fournir d'autre récompense à son auteur que celle de le faire déclarer hérétique. Ceci,
uniquement, par opposition, non justifiée, contre un autre auteur qui se propose simplement de
démontrer la justesse de la doctrine de Copernic.
Aussi, devant les accusations dont on cherche injustement à me charger et qui mettent en cause
ma foi et ma réputation, j'ai estimé nécessaire d'affronter ces arguments que l'on m'oppose au nom d'un
prétendu zèle pour la religion et en faisant appel aux Saintes Écritures, mises au service de dispositions
qui ne sont pas sincères, et avec la prétention d'étendre leur autorité, et même d'en abuser, dépassant
leur intention et les interprétations des Pères, en le faisant intervenir dans des conclusions purement
naturelles et qui ne sont pas de Fide, substituant aux raisonnements et aux démonstrations tel passage
de l'Écriture qui, souvent, au-delà du sens littéral, peut être interprétée de diverses façons. J'espère
montrer que je procède avec un zèle beaucoup plus pieux et plus conforme à la religion qu'ils ne le font,
lorsque je demande, non pas que l'on ne condamne pas ce livre, mais qu'on ne le condamne pas, comme
ils le voudraient, sans le voir, le lire et le comprendre. Il faudrait savoir reconnaître que l'auteur n'y
traite jamais de questions qui touchent à la religion ou à la foi, et qu'il ne présente pas d'arguments
dépendant de l'autorité de la Sainte Écriture qu'il aurait mal interprétée, mais qu'il s'en tient toujours à
des conclusions naturelles, concernant les mouvements célestes, fondés sur des démonstrations
astronomiques et géométriques et procédant d'expériences raisonnables et d'observations très
minutieuses. Ce qui ne veut pas dire que Copernic n'avait pas porté attention aux passages de la Sainte
Écriture ; mais sa doctrine étant ainsi démontrée, il était bien persuadé qu'elle ne pouvait aucunement
se trouver en contradiction avec les Écritures dès lors que celles-ci sont correctement comprises. C'est
pourquoi à la fin de sa préface, s'adressant au Souverain Pontife, il s'exprime ainsi :
Il existe de soi-disant mathématiciens, qui, alors qu'ils ignorent tout des mathématiques, prétendent porter
à leur sujet un jugement à propos de tel passage de l'Ecriture dont ils ont détourné le sens à leurs fins ; c'est ainsi
qu'ils ont osé s'en prendre à mes positions ; je n'hésite pas à déclarer que de tels jugements sont tout à fait
téméraires. On sait que Lactance, qui fut un écrivain célèbre mais un médiocre mathématicien, a traité de la forme
de la Terre d'une façon puérile, se moquant de ceux qui disent qu'elle a la forme d'une sphère. Aussi ne doit-on
pas s'étonner de voir de telles personnes se moquer de nous. Les mathématiques sont écrites pour les
mathématiciens3 ; à leurs yeux, mon œuvre, si je ne m'abuse, sera un gain pour la République ecclésiastique que
gouverne Votre Sainteté.

3 Par le terme matematici, il faut entendre à cette époque non seulement les mathématiciens au

sens moderne, mais aussi les astronomes et, plus largement, les savants qui appliquaient les
mathématiques aux observations et à l'expérience. Ils s'opposaient aux peripaleci qui développaient une
« physique » philosophique a priori, sur la base des conceptions aristotéliciennes. Au début de ce texte,
De ce genre sont ceux qui s'ingénient à persuader que tel auteur se damne sans même qu'ils l'aient
vu ; et pour montrer que cela n'est pas seulement permis mais est vraiment profitable, ils produisent
des autorités de l'Écriture, des théologiens et des conciles. Ces autorités sont révérées par moi et tenues
en suprême respect ; je considérerais comme extrêmement téméraire de les contredire ; mais, en même
temps, je ne crois pas que ce soit une erreur de parler lorsque l'on a des raisons de penser que certains,
dans leur intérêt, cherchent à les utiliser dans un sens différent de celui dans lequel la Sainte Église les
interprète. C'est pourquoi, par une affirmation solennelle (et je pense que ma sincérité apparaîtra
manifeste par elle-même), non seulement j'entends rejeter les erreurs dans lesquelles j'aurais pu tomber
dans le domaine des questions touchant la religion, mais je déclare aussi ne vouloir en ces matières
engager aucune discussion, même dans le cas où elles pourraient donner lieu à des interprétations
divergentes : ceci, parce que, si dans ces considérations éloignées de ma profession personnelle, il se
présente quelque chose qui soit susceptible de pousser les autres à donner quelque avertissement utile
pour la Sainte Église au sujet de l'incertitude du système de Copernic, je souhaite que ce point soit retenu
et que vous en tiriez le profit que les autorités jugeront bon ; sinon, que mes écrits soient déchirés ou
brûlés, car je n'entends pas en tirer un fruit qui me ferait trahir ma fidélité à la foi catholique. De plus,
bien que j'aie entendu de mes propres oreilles un grand nombre des choses que j'affirme, je concède
volontiers à ceux qui les ont dites qu'ils ne les ont peut-être pas dites, s'il leur plaît ainsi, confessant
avoir pu les mal comprendre ; et alors, que ce que je réponds ne leur soit pas attribué, mais le soit à ceux
qui auraient cette opinion.
Le motif que l'on invoque pour condamner l'opinion de la mobilité de la Terre et l'immobilité du
Soleil, est qu'en beaucoup de passages des Saintes Écritures il est dit que le Soleil se déplace et que la
Terre demeure immobile ; or, comme l'Écriture ne peut jamais ni mentir ni errer, il en résulterait par
voie de conséquence nécessaire que serait erronée et condamnable l'affirmation de celui qui voudrait
prétendre que le Soleil est immobile par lui-même et que la Terre est mobile.
A ce sujet, je dirais d'abord qu'il y a en effet piété à dire et sagesse à soutenir que la Sainte Écriture
ne peut jamais mentir chaque fois que son vrai sens a été saisi. Or je crois que l'on ne peut pas nier que,
bien souvent, ce sens est caché et qu'il est très différent du sens littéral. Il s'ensuit que, si l'on voulait
s'arrêter toujours au sens littéral, on risquerait de faire indûment apparaître dans les Écritures non
seulement des contradictions et des propositions éloignées de la vérité, mais de graves hérésies et même
des blasphèmes : c'est ainsi qu'il apparaîtrait nécessaire de donner à Dieu des pieds, des mains, des yeux
ainsi que des affections corporelles et humaines de colère, de repentir, de haine et aussi parfois l'oubli
des choses passées et l'ignorance des choses futures. De telles propositions furent inspirées par l'Esprit-
Saint aux écrivains sacrés pour leur permettre de s'adapter à la capacité d'un peuple vulgaire ignorant
et illettré ; mais, pour ceux qui méritent d'être séparés du peuple par leur culture, il est nécessaire que
les commentaires donnés à ces textes en dégagent le vrai sens et fassent apparaître les raisons

nous avons traduit par l'expression « soi-disants mathématiciens » le terme de mateologi, forgé par
Copernic.
particulières pour lesquelles ce sens a été traduit par de telles paroles : cette façon de voir est tellement
commune chez tous les théologiens qu'il est superflu d'en donner une justification.
De là il me semble que l'on peut raisonnablement convenir que cette même Écriture Sainte,
chaque fois qu'elle est amenée à traiter de questions d'ordre naturel, et principalement des questions les
plus cachées et les plus difficiles à comprendre, ne s'écarte pas de cette façon de faire ; ceci, afin de ne
pas porter de la confusion dans les esprits de ce même peuple et de ne pas risquer de le détourner des
dogmes qui concernent de plus hauts mystères. C'est pourquoi, si, comme on l'a dit et comme cela
apparaît clairement, c'est dans le seul but de s'adapter à la capacité de la mentalité populaire, que
l'Écriture ne s'est pas abstenue de voiler des vérités fondamentales n'hésitant pas à attribuer à Dieu des
qualités contraires à son essence, qui pourrait soutenir sérieusement que cette même Écriture, lorsqu'elle
est amenée à parler incidemment de la Terre, de l'eau, du Soleil et d'autres créatures, aurait choisi de
s'en tenir en toute rigueur à la signification strictement littérale des mots ? Comment surtout aurait-elle
pu traiter, au sujet de ces créatures, de questions qui sont très éloignées de la capacité de compréhension
du peuple et qui ne concernent pas directement le but premier de ces mêmes Saintes Écritures qui est le
culte divin et le salut des âmes.
Ceci étant, il me semble que, dans les discussions concernant les problèmes naturels, on ne devrait
pas commencer par invoquer l'autorité de passages des Écritures ; il faudrait d'abord faire appel à
l'expérience des sens et à des démonstrations nécessaires : en effet l'Écriture Sainte et la nature procèdent
également du Verbe divin, celle-là dictée par l'Esprit-Saint, et celle-ci exécutrice parfaitement fidèle des
ordres de Dieu ; or, alors qu'il est convenu que les Écritures, pour s'adapter aux possibilités de
compréhension du plus grand nombre, disent des choses qui diffèrent beaucoup de la vérité absolue,
du fait de leur genre et de la signification littérale des termes, la nature au contraire se conforme
inexorablement et immuablement aux lois qui lui sont imposées sans en franchir jamais les limites et ne
se préoccupe pas de savoir si ses raisons cachées et ses manières d'opérer sont à la portée de nos
capacités humaines. Il en résulte que les effets naturels et l'expérience des sens que nous avons devant
les yeux, ainsi que les démonstrations nécessaires que nous en concluons, ne doivent d'aucune manière
être révoqués en doute ni a fortiori condamnés au nom des passages de l'Écriture, quand bien même le
sens littéral semblerait les contredire. Car les paroles de l'Écriture ne sont pas astreintes à des obligations
aussi sévères que les effets de la nature et Dieu ne se révèle pas moins excellemment dans les effets de
la nature que dans les Écritures sacrées. C'est ce que Tertullien a voulu dire par ces paroles :
Nous déclarons que Dieu doit être d'abord connu par la nature et ensuite reconnu par la doctrine : la nature
est atteinte par les œuvres, la doctrine par les prédications.
Je ne veux pas dire par là que l'on ne doit pas avoir une très haute considération pour les passages
de l'Écriture. Mais, lorsque nous sommes arrivés à une certitude dans des conclusions naturelles, nous
devons nous servir de ces conclusions comme d'un moyen parfaitement adapté à une exposition
véridique de ces Écritures et à la recherche du sens qui y est nécessairement contenu, puisqu'elles sont
parfaitement véritables et qu'elles concordent avec la vérité démontrée. J'estime que l'autorité des
Saintes Lettres a pour but principalement de persuader les hommes des propositions qui, dépassant
tout discours humain, ne peuvent être rendues croyables par une autre science, ni par un autre moyen
que par la bouche du Saint-Esprit : de plus, dans les propositions qui ne sont pas de Fide, l'autorité de
ces mêmes Saintes Lettres doit être préférée à l'autorité de toutes lettres humaines, écrites non de
manière démonstrative, mais, ou comme pure narration, ou sur la base de raisons probables. L'autorité
des Saintes Écritures doit ici être réputée convenable et nécessaire dans la mesure même où la Sagesse
divine dépasse tout jugement et toute conjecture humaine. Mais, comme Dieu nous a doté de sens, de
facultés discursives et d'intelligence, ceci signifie qu'il a voulu, qu'usant de ces moyens, nous puissions
connaître tout ce qu'il nous permet d'atteindre. Je ne pense pas que nous devions rejeter les raisons que
nous trouvons dans les conclusions naturelles qui proviennent de l'expérience des sens ou des
démonstrations nécessaires, qui se trouvent ainsi présentées devant nos yeux et notre intelligence. Ceci
vaut plus encore et tout spécialement dans les sciences dont une très minime partie seulement est traitée
dans l'Écriture, et encore dans des affirmations dispersées. Telle est précisément l'astronomie dont nous
ne trouvons dans l'Écriture qu'une si faible partie, que n'y sont même pas nommées les planètes, à
l'exception du Soleil et de la Lune, et de Vénus mentionnée une ou deux fois seulement sous le nom de
Lucifer. Aussi, si les écrivains sacrés avaient eu le dessein de faire connaître au peuple les dispositions
et les mouvements des corps célestes, et si nous avions en conséquence à chercher cette connaissance
dans les Saintes Écritures, nous y trouverions, à ce que je crois, si peu de chose que ce serait comme rien
en comparaison des conclusions en nombre infini qui se trouvent dans une telle science et qui y
reçoivent une démonstration. Aussi, que, non seulement les auteurs des Saintes Écritures n'aient pas
prétendu nous enseigner la constitution et les mouvements des cieux et des étoiles, leurs formes, leurs
grandeurs et leurs distances, mais que, bien que toutes ces choses leur soient parfaitement connues, ils
se soient abstenus de le faire, c'est là l'opinion des saints et savants Pères ; ainsi on lit dans saint
Augustin:
On demande ordinairement aussi quelle forme et quelle figure on doit attribuer au ciel, d'après nos
Ecritures. On a beaucoup disputé sur ces choses que nos auteurs ont laissées de côté par prudence, comme ne
devant être d'aucune utilité pour le salut, à ceux qui s'en occupent, et, qui pis est, comme réclamant d'eux un
temps précieux qui serait beaucoup mieux employé à des recherches plus profitables. En effet, que m'importe à moi,
que le ciel, comme une sphère, renferme la Terre placée en équilibre au milieu de l'univers ou qu'il ne la recouvre
que d'un côté, comme un disque ? Mais comme il s'agit de la confiance que méritent nos Ecritures, pour la raison
que j'ai déjà dite bien des fois, c'est-à-dire dans la crainte que si quelqu'un qui ne comprend pas les livres saints
tombe sur ces matières dans nos divines Ecritures, ou en entend citer quelque chose qui semble contredire les
raisons qu'il a découvertes, ne veuille plus ajouter foi, pour le reste, à leurs utiles recommandations, à leurs récits
et à leurs discours, je rappellerai en deux mots, au sujet de la figure du ciel, que nos auteurs sacrés avaient sur ce
point des notions conformes à la vérité, mais que l'esprit de Dieu qui parlait par eux n'a pas voulu apprendre aux
hommes des choses qui ne devaient être d'aucune utilité pour le salut.
Et aussi, le peu de souci qu'ont eu ces mêmes écrivains sacrés pour déterminer ce que l'on devait
croire des accidents des corps célestes, nous apparaît dans le chapitre 10 de ce même ouvrage de saint
Augustin où il est discuté de la question de savoir si le ciel se meut ou s'il demeure immobile.
Quelques-uns de nos frères se demandent aussi, au sujet du mouvement du ciel, s'il se meut ou s'il reste
immobile ; car s'il se meut, ils ne voient point comment on peut l'appeler firmament, ni, s'il est immobile, comment
les astres qui y sont fixés vont d'Orient en Occident, pendant que les astres polaires exécutent des cercles plus
petits au voisinage du pôle, en sorte que le ciel semble tourner sur lui-même comme une sphère, s'il y a un second
pôle invisible opposé au nôtre, ou seulement, comme une calotte sphérique, s'il n'y a pas un autre pôle ? Je leur
répondrai que la question de savoir s'il en est ou non ainsi, demanderait des recherches trop subtiles et trop
laborieuses, que je n'ai le temps ni d'entreprendre ni de poursuivre non plus que ne devraient l'avoir ceux que j'ai
à cœur de former pour leur salut et pour le bien de la Sainte Eglise.
De là résulte par conséquence nécessaire, que le Saint-Esprit, qui n'a pas voulu nous enseigner si
le ciel se meut ou s'il demeure immobile, si sa forme est celle d'une sphère, d'un disque ou d'un plan,
n'aura pas pu avoir l'intention de traiter d'autres conclusions qui sont liées à ces questions, telles que la
détermination du mouvement et du repos de la Terre ou du Soleil. Et si le Saint-Esprit n'a pas voulu
nous enseigner ces choses, pour la raison qu'elles ne concernaient pas l'objectif qu'il se propose, à savoir
notre salut, comment pourrait-on alors affirmer que de deux affirmations sur ce sujet l'une est de Fide et
l'autre erronée ? Pourrait-il s'agir d'une opinion hérétique alors qu'elle ne concerne en rien le salut des
âmes ? Pourrait-on dire que le Saint-Esprit n'a pas voulu nous enseigner une chose concernant le salut?
Je dirais ici ce que j'ai entendu d'une personne ecclésiastique se trouvant dans un très haut degré de la
hiérarchie, à savoir que l'intention du Saint-Esprit est de nous enseigner comment on va au ciel et non
comment va le ciel.
Mais, venons à la question de savoir quelle estime il convient de donner dans les conclusions
naturelles aux démonstrations nécessaires et aux expériences des sens, et de quelle autorité les ont
réputées les sages et saints théologiens ; de ceux-ci, entre cent autres témoignages, nous avons les
suivants :
On doit prendre garde lorsque Von traite de la doctrine de Moïse à ne pas présenter comme assuré ce qui
répugne à des expériences manifestes et à des raisons philosophiques ou à d'autres disciplines : en effet, comme le
vrai coïncide toujours avec le vrai, la vérité des Saintes Lettres ne peut pas être contraire aux raisons vraies et aux
expériences apportées par les doctrines humaines.
Et on lit chez saint Augustin ceci :
S'il arrive que l’autorité des Saintes Ecritures apparaît en opposition avec une raison manifeste et certaine,
cela veut dire que celui qui interprète l'Ecriture ne la comprend pas de façon convenable ; ce n'est pas le sens de
l'Ecriture qui s'oppose à la vérité, mais le sens qu'il a voulu lui donner ; ce qui s'oppose à l'Ecriture, ce n'est pas
ce qui est en elle mais ce qu'il y a mis lui-même, croyant que cela constituait son sens.
Ceci étant, et puisque, ainsi qu'on l'a dit, deux vérités ne peuvent pas se contredire, il appartient
au commentateur de s'efforcer de pénétrer le vrai sens des passages de l'Écriture, qui sera
indubitablement en concordance avec les conclusions naturelles dont le sens manifeste et la
démonstration nécessaire auront d'abord été établis comme sûrs et certains. Et comme, ainsi qu'on l'a
dit, les Écritures, en maints passages, présentent un sens littéral fort éloigné de leur sens réel, et que, de
plus, on ne peut pas être assuré que tous ses interprètes sont divinement inspirés, car en ce cas il n'y
aurait aucune divergence dans les interprétations qu'ils donnent, je pense qu'il serait prudent de ne
permettre à aucun d'eux de faire état d'un passage de l'Écriture, pour soutenir comme vraie telle
conclusion naturelle que pourrait venir contredire l'expérience ou une démonstration nécessaire. Qui
pourrait prétendre mettre une limite aux pouvoirs de l'esprit humain ? Qui pourrait affirmer que nous
avons vu et que nous connaissons tout ce qui dans le monde est connaissable ? Seraient-ce ceux qui,
dans d'autres occasions, affirment (et avec combien de raison) que les choses que nous connaissons ne
sont qu'une très petite partie de celles que nous ignorons ? Si nous tenons de la bouche même de l'Esprit-
Saint que Dieu a abandonné le monde aux disputes des hommes, pourquoi, au mépris de cette sentence,
leur interdire de philosopher librement sur les choses du monde et de la nature, comme si nous les
connaissions déjà de façon certaine et comme si nous les avions entièrement explorées. L'on ne devrait
pas estimer téméraire de ne pas se reposer dans les opinions communes et on ne devrait pas non plus
s'inquiéter de voir quelqu'un dans les discussions concernant ces problèmes naturels ne pas suivre
l'opinion du moment, surtout en ce qui concerne des problèmes qui ont été pendant des milliers
d'années l'objet de controverses entre les plus grands philosophes ; problèmes ..tels que la stabilité du
Soleil et la mobilité de la Terre : opinion soutenue par Pythagore et par toute sa secte et par Heraclite
du Pont, ainsi que par Philolaos, maître de Platon et par Platon lui-même, comme le rapporte Aristote,
et comme nous l'apprend Plutarque qui, dans la vie de Numa, déclare que Platon, devenu vieux, disait
que c'était une chose parfaitement absurde de tenir l'opinion contraire. L'affirmation de la stabilité du
Soleil et de la mobilité de la Terre se trouve aussi chez Aristarque de Samos, comme nous l'avons appris
d'Archimède, chez le mathématicien Séleucus, chez le philosophe Hicétas, ainsi que le rapporte Cicéron,
et chez beaucoup d'autres encore. Cette opinion se retrouve développée et confirmée par les nombreuses
observations et démonstrations de Nicolas Copernic. Et Sénèque, très eminent philosophe, dans le livre
De Cometis, nous dit qu'il faudrait apporter une grande diligence pour déterminer avec certitude si c'est
le Ciel ou la Terre qui connaît une révolution diurne. C'est pourquoi, aux articles concernant le salut et
le fondement de la foi, contre la solidité desquels il n'y a pas à craindre que personne puisse opposer
une doctrine valable et efficace, il ne semble pas raisonnable d'adjoindre d'autres affirmations sans
nécessité : aussi serait-il vraiment déraisonnable d'accorder crédit aux opinions de personnes qui, outre
que nous ignorons si elles sont inspirées par une vertu céleste, nous apparaissent clairement manquer
de cette intelligence qui serait d'abord nécessaire pour comprendre et ensuite pour discuter les
démonstrations selon lesquelles les sciences les plus affinées procèdent dans l'établissement de leurs
conclusions. Je dirais même plus, si l'on me permet de révéler toute ma pensée : il serait sans doute plus
convenable à la dignité des Saintes Lettres de ne pas tolérer que les plus superficiels et les plus ignares
des écrivains les compromettent, en parsemant leurs écrits de citations interprétées ou plutôt tirées dans
des sens éloignés de la droite intention de l'Écriture, sans autre but que l'ostentation d'un vain ornement.
Je me bornerai à citer des exemples de cet abus qui se rapportent précisément aux sujets astronomiques
en question. Dans les écrits qui furent publiés après ma découverte des planètes médicéennes, on
opposa à leur existence de nombreux passages de la Sainte Écriture : maintenant que ces planètes sont
vues par tout le monde, je serais heureux de savoir à quelle nouvelle interprétation de l'Écriture ont
recours mes contradicteurs pour excuser leur simplicité d'esprit. L'autre exemple a été récemment
fourni par l'auteur d'un texte imprimé où l'on soutient contre les astronomes et les philosophes que la
Lune ne reçoit pas sa lumière du Soleil, mais qu'elle brille par elle-même ; conception que l'auteur
prétend confirmer à l'aide de plusieurs passages de l'Écriture, qui ne pourraient, selon lui, être sauvés
que grâce à son opinion. Or, que la Lune soit en elle-même obscure, c'est là une chose qui n'est pas moins
claire que la splendeur du Soleil.
Ainsi il apparaît manifeste que de tels auteurs, faute d'avoir pénétré le vrai sens de l'Écriture, l'ont
utilisée, en abusant de leur autorité, pour obliger leurs lecteurs à tenir pour vraies des conclusions qui
répugnent à la raison et aux sens : si un tel abus, ce qu'à Dieu ne plaise, devait l'emporter, il faudrait
alors interdire en peu de temps toutes les sciences spéculatives ; parce que, comme, par nature, le
nombre des hommes peu aptes à comprendre parfaitement et l'Écriture Sainte et les autres sciences est
très supérieur au nombre des hommes intelligents, il arriverait que les premiers, parcourant
superficiellement les Écritures, s'arrogeraient le droit de décréter en toutes les questions de science
naturelle, en arguant de quelques passages des écrits sacrés, interprétés par eux dans un sens autre que
le vrai, alors que le petit nombre de ceux qui comprennent correctement les Écritures ne pourraient pas
réprimer le torrent furieux de ces mauvais interprètes. Ceux-ci trouveraient d'autant plus facilement
des adeptes qu'il est beaucoup moins pénible de se rendre savant sans études et sans fatigue, que de se
consumer sans repos dans des disciplines infiniment laborieuses. Aussi devons-nous rendre à Dieu des
grâces infinies pour la bonté par laquelle il nous délivre de cette crainte, lorsqu'il enlève leur autorité à
de telles personnes, en confiant le soin de traiter de questions aussi importantes à la grande sagesse et
bonté de Pères très prudents, et à la suprême autorité de ceux qui, guidés par le Saint-Esprit, ne peuvent
que décider de ces choses saintement, permettant ainsi que la légèreté que nous avons condamnée ne
se trouve pas estimée. Ces mauvais interprètes de l'Écriture sont me semble-t-il ceux contre lesquels
s'élèvent non sans raison les graves et saints écrivains et parmi ceux-ci, en particulier, saint Jérôme qui
écrit :
Cet art-là [celui des Ecritures], la vieille femme bavarde, le vieillard qui radote, le sophiste verbeux, cet art-
là, tous s'en larguent, le sabotent, l'enseignent avant de l'avoir appris. D'autres, le sourcil orgueilleux, balançant
de grands mots dans un cercle de femmelettes, philosophent sur les Saintes Lettres ; d'autres — quelle honte ! —
apprennent des femmes de quoi enseigner les hommes ; c'est encore trop peu : doués d'une certaine facilité
d'élocution, ou plutôt de toupet, ils expliquent aux autres ce qu'eux-mêmes ne comprennent pas ! Je ne dis rien de
mes pareils qui, si, d'aventure ils sont venus aux Ecritures Saintes après avoir cultivé la littérature profane, et si,
par s' imaginent leur langage que toutes recherché, leurs paroles ils ont sont agréablement la loi même flatté de
Dieu, l'oreille et ne du daignent peuple, pas s'informer de l'opinion des prophètes ou des apôtres, mais ajustent à
leur sentiment personnel les textes, comme si c'était une méthode d'expression digne d'être approuvée — et non
pas très fautive — que d'altérer le sens des phrases et de faire violence selon ses désirs à l'Ecriture, même si elle y
répugne .
Je ne veux pas mettre au nombre de tels écrivains séculiers certains théologiens que je considère
comme des hommes de profonde doctrine et de mœurs très saintes, et qui, pour cela, sont tenus en
grande estime et vénération ; mais je ne peux pas nier que je me trouve aux prises avec certains
scrupules, et en conséquence avec le désir que ces scrupules me soient enlevés, lorsque je m'aperçois
que ceux-ci prétendent pouvoir obliger les autres, en usant de l'autorité de l'Écriture, à suivre dans les
discussions naturelles l'opinion qui leur semble à eux la plus conforme aux passages de l'Écriture,
estimant n'avoir pas à se soucier des raisons ou expériences qui conduisent à une opinion contraire.
Pour expliquer et confirmer leur façon de voir, ils disent que, comme la théologie est la reine de toutes
les sciences, elle ne doit en aucune façon s'abaisser à s'accommoder aux propositions des autres sciences
qui sont moins dignes, et qui leur sont inférieures, mais que, tout au contraire, ces autres sciences
doivent se référer à elle comme suprême maîtresse, et modifier leurs conclusions conformément aux
statuts et aux décrets de la théologie : ils ajoutent même que, lorsque dans une science inférieure il se
présente une conclusion que l'on considère comme sûre, parce qu'elle est fondée sur des démonstrations
et des expériences, alors qu'elle se trouve en contradiction avec une affirmation des Écritures, ceux qui
s'occupent de cette science doivent faire en sorte que leurs démonstrations soient modifiées et que soient
mises en évidence les faiblesses de leurs propres expériences, sans recourir aux théologiens et aux
exégètes. Ils affirment qu'il ne convient pas à la dignité de la théologie de se ravaler à rechercher les
erreurs des sciences qui lui sont subordonnées, mais qu'il lui suffit de fixer la vérité à laquelle doivent
aboutir leurs conclusions, ce qu'elle fait avec une autorité absolue et avec l'assurance de son infaillibilité.
Les conclusions concernant les sciences naturelles que ces théologiens et exégètes disent devoir être
acceptées à partir des affirmations des Écritures, sans qu'il y ait lieu de faire intervenir des gloses, et de
les interpréter dans des sens différents des paroles elles-mêmes du texte, seraient celles dont l'Écriture
parle toujours de la même manière et que les saints Pères présentent toujours de la même façon. Au
sujet de cette façon de procéder, je voudrais apporter quelques observations particulières, que je tiens à
exposer afin de m'assurer qu'elles pourront être acceptées par des personnes plus versées que moi en
ces matières, personnes au jugement desquelles j'ai coutume de me soumettre.
D'abord, je craindrais quelque équivoque si l'on ne prenait pas soin de préciser les vertus qui
valent à la théologie sacrée le titre de reine. Elle peut mériter ce nom, ou bien parce que tout ce qui est
enseigné par les autres sciences serait contenu et démontré en elle d'une manière plus excellente et à
l'aide d'une doctrine plus sublime, de la même manière que, par exemple, les règles de l'arpentage et
du calcul sont contenues plus éminemment dans l'arithmétique et la géométrie d'Euclide que dans la
pratique des arpenteurs et des calculateurs. Ou encore la théologie serait reine parce qu'elle traite d'un
sujet qui surpasse en dignité tous les autres sujets qui sont la matière des autres sciences, et aussi parce
que ses enseignements utilisent des moyens plus sublimes. Que le titre et l'autorité appartiennent à la
théologie selon le premier sens, je ne pense pas que cela puisse être affirmé par les théologiens qui ont
quelque pratique des sciences. Aucun d'eux, je pense, ne dirait que la géométrie, l'astronomie, la
musique et la médecine se trouvent de façon plus excellente et plus exacte dans les livres sacrés que
chez Archimède, Ptolémée, Boèce et Galien. Il me semble donc que la prééminence royale n'appartient
à la théologie que dans le second sens, c'est-à-dire en raison de la sublimité de son objet et de l'excellence
de son enseignement sur les révélations divines, qui nous apportent des conclusions concernant
essentiellement l'acquisition de la béatitude éternelle que les hommes ne peuvent pas acquérir et
comprendre par d'autres moyens. Si, dès lors, la théologie, occupée des plus hautes contemplations
divines, occupe le trône souverain parmi les sciences en raison de cette dignité, elle n'a pas à s'abaisser
jusqu'aux humbles spéculations des sciences inférieures et elle n'a pas à s'en occuper parce qu'elles n'ont
pas trait à la béatitude. Aussi ses ministres et ses professeurs ne devraient pas s'arroger le droit de rendre
des arrêts sur des disciplines qu'ils n'ont ni étudiées ni exercées. Ce serait, en effet, comme si un
monarque absolu, pouvant à son gré commander et se faire obéir, s'avisait, n'étant ni médecin, ni
architecte, d'exiger que l'on se conformât à sa volonté en matière de remèdes et de constructions, au
risque de la mort des malades et d'une ruine pour les édifices.
Aussi, vouloir imposer aux professeurs d'astronomie de se défier de leurs propres observations
et démonstrations, parce qu'elles ne pourraient être que des faussetés et des sophismes, est une
prétention absolument inadmissible ; cela reviendrait à leur donner l'ordre de ne pas voir ce qu'ils
voient, de ne pas comprendre ce qu'ils comprennent, et, lorsqu'ils cherchent, de trouver le contraire de
ce qu'ils rencontrent. Avant de s'engager dans cette voie, il faudrait indiquer à ces professeurs la manière
de faire en sorte que les puissances inférieures de l'âme commandent aux puissances supérieures, c'est-
à-dire que l'imagination et la volonté puissent croire le contraire de ce que l'intelligence comprend (je
parle toujours des propositions purement naturelles et qui ne sont pas de Fide et non des propositions
surnaturelles et de Fide). Je voudrais prier ces Pères très prudents de bien vouloir considérer avec
diligence la différence qui existe entre les doctrines opinables et les doctrines démonstratives ; pour cela,
se représentant bien avec quelle force nous pressent les déductions nécessaires, ils se trouveraient plus
à même de reconnaître pourquoi il n'est pas au pouvoir des professeurs de science démonstrative de
changer les opinions à leur gré, présentant tantôt l'une tantôt l'autre ; il faut bien apercevoir toute la
différence qui existe entre commander à un mathématicien ou à un philosophe, et donner des
instructions à un marchand ou à un légiste. On ne peut changer les conclusions démontrées, concernant
les choses de la nature et du ciel, avec la même facilité que les opinions relatives à ce qui est permis ou
non dans un contrat, dans l'évaluation fiscale de la valeur d'un bien ou dans une opération de change.
Cette différence a été parfaitement bien reconnue par les Pères très saints et très doctes, comme le
prouve la manière dont ils ont combattu de nombreux arguments, ou, pour mieux dire, de nombreuses
doctrines philosophiques audacieuses, et comme le montrent aussi, chez plus d'un d'entre eux, des
déclarations très manifestes ; c'est ainsi que nous trouvons chez saint Augustin les déclarations
suivantes :
Nous devons tenir pour indubitable que tout ce que les sages de ce monde nous montrent comme
vrai dans la nature des choses, en s'appuyant sur des documents certains, n'est pas contraire à nos
livres. Mais si, dans leurs écrits, il se rencontre des choses contraires à nos divines Ecritures, c'est-à-
dire à la foi catholique, nous devons montrer à l’aide d'un moyen quelconque, ou regarder comme étant
hors de doute, qu'il s'agit d'une complète erreur, et nous tenir ainsi attachés à Notre Seigneur, en qui
sont cachés tous les trésors de sagesse et de science, pour ne point nous laisser séduire par les belles
paroles d'une fausse philosophie, ni effrayer par les superstitions d'une religion pleine de faussetés.
De ce texte, il me semble que l'on peut dégager la doctrine suivante, à savoir que, dans les livres
des sages de ce monde, il y a des choses concernant la nature qui sont démontrées d'une manière
complète, et d'autres qui sont simplement enseignées ; en ce qui concerne les premières, il appartient
aux théologiens de montrer qu'elles ne sont pas contraires aux Saintes Écritures ; quant aux autres, qui
sont enseignées mais non pas démontrées nécessairement, si l'on y trouve quelques choses contraires
aux Saintes Lettres, on doit les considérer comme indubitablement fausses et faire tout ce qui est
possible pour démontrer leur fausseté. Si donc les conclusions naturelles vraiment démontrées n'ont
pas à être subordonnées à des passages de l'Écriture, mais appellent seulement la déclaration qu'elles
ne sont pas en contradiction avec des passages de l'Écriture, il faut, avant de condamner de telles
propositions naturelles, apporter la preuve qu'elles n'ont pas été démontrées de façon nécessaire : cette
tâche appartient non à ceux qui les tiennent pour vraies, mais à ceux qui les estiment fausses ; car, ce
qui est erroné dans un discours sera beaucoup plus facilement reconnu faux par ceux qui l'estiment tel
que par ceux qui le considèrent comme vrai et concluant ; en effet, plus ces derniers examineront la
question, plus ils en scruteront les raisons, plus ils contrôleront les observations et les expériences sur
lesquelles elles reposent, plus ils se trouveront confirmés dans leurs convictions. Mais Votre Altesse sait
ce qu'il est advenu à ce mathématicien de Pise, qui avait entrepris dans sa vieillesse l'étude de la doctrine
de Copernic dans l'espoir de la réfuter dans ses fondements : alors que, ne l'ayant jamais étudiée, il
l'estimait fausse, il se trouva bientôt persuadé de la justesse des démonstrations sur lesquelles elle
reposait ; aussi, après en avoir été l'adversaire, il en devint le plus ferme défenseur. Je pourrais nommer
d'autres mathématiciens, qui, impressionnés par mes dernières découvertes, ont reconnu qu'il était
nécessaire de changer la conception que l'on avait eue jusque-là du monde, celle-ci ne pouvant
absolument plus être soutenue.
Si, pour écarter cette opinion et cette doctrine, il suffisait de fermer la bouche à une seule
personne, comme le pensent ceux qui prennent leur jugement comme mesure de celui des autres, cela
serait très facile à faire ; mais les choses se présentent autrement : pour obtenir un tel résultat, il serait
nécessaire de prohiber non seulement le livre de Copernic et les écrits de ses partisans, mais encore
d'interdire la science astronomique tout entière ; bien plus encore, on devrait interdire aux hommes de
regarder le ciel, afin qu'ils ne voient Mars et Vénus, tantôt très proches, tantôt éloignés de la Terre, avec
une différence de distance si considérable qu'elle peut varier de quarante fois pour Vénus, et de soixante
pour Mars ; il ne faudrait pas non plus qu'ils puissent constater que Vénus est tantôt ronde, tantôt en
forme de croissant avec des pointes extrêmement fines ; il faudrait interdire aussi bien d'autres
observations admises aujourd'hui par tous, qui ne peuvent absolument pas s'accorder avec le système
de Ptolémée, alors qu'elles concordent parfaitement avec la conception de Copernic. Interdire la
doctrine de Copernic, alors que de très nombreuses observations nouvelles et l'étude qu'en ont faite un
très grand nombre de savants, conduisent de jour en jour à en mieux connaître la validité, tandis que
pendant tant d'années elle n'a été soutenue que par un petit nombre, cela me semblerait, quant à moi,
aller contre la vérité : on la cacherait et on l'écarterait au moment même où elle apparaît mieux
démontrée et plus claire. D'autre part, ne pas la prendre dans son ensemble, mais condamner seulement
l'opinion particulière concernant le mouvement de la Terre, entraînerait une situation encore plus
dommageable, car on donnerait la possibilité de considérer comme prouvées des propositions, dont on
dirait ensuite qu'il y a péché à les croire. Et si l'on devait condamner toute cette doctrine, cela signifierait
que l'on méconnaît des centaines de passages de l'Écriture qui nous enseignent que la gloire et la
grandeur de Dieu apparaissent admirablement dans toutes ses œuvres et qu'elles se lisent de façon
divine dans le livre du Ciel qui est ouvert sous nos yeux. Qui pourrait prétendre que la lecture de ce
livre devrait conduire seulement à reconnaître la splendeur du Soleil et des étoiles, leur montée dans le
ciel et leur déclin, ce à quoi se limite la connaissance des hommes peu instruits et du peuple, alors qu'il
y a dans ces choses des mystères si profonds et des idées si sublimes que les veilles et les travaux des
esprits les plus pénétrants n'ont pas encore permis de les élucider entièrement, en dépit d'investigations
poursuivies durant des millénaires. D'ailleurs, même des esprits peu instruits ne comprennent-ils pas
que ce que leurs sens perçoivent de l'aspect extérieur du corps est fort peu de chose en comparaison de
ce que permettent d'atteindre les admirables moyens dont usent l'anatomiste ou le philosophe lorsqu'ils
étudient la manière dont fonctionnent tant de muscles, de tendons, de nerfs et d'os, lorsqu'ils examinent
le fonctionnement du cœur et des autres organes essentiels, lorsqu'ils cherchent à déterminer le siège
des facultés vitales, lorsqu'ils observent l'admirable structure des organes des sens, lorsque, sans jamais
cesser de s'étonner, ils contemplent toutes les possibilités de l'imagination, de la mémoire et du discours
; de même ce que nous permet d'atteindre le simple usage de la vue n'est quasi rien au regard des
profondes merveilles que, grâce à de longues et minutieuses observations, l'esprit des savants peut
découvrir dans le ciel.
Certes, on soutient que les propositions naturelles qui sont présentées dans l'Écriture toujours de
la même façon et dont les Pères apportent une interprétation concordante dans le même sens, doivent
être entendues conformément au sens direct des paroles, sans glose ou interprétation, et donc qu'elles
devraient être reçues et tenues pour tout à fait vraies. En conséquence, la mobilité du Soleil et la stabilité
de la Terre seraient de Fide ; il conviendrait de tenir cette affirmation pour vraie et de considérer comme
erronée l'opinion contraire. A ce sujet, il me semble nécessaire d'observer d'abord que, parmi les
propositions naturelles, il en est qui, en dépit des efforts de l'esprit humain, ne peuvent faire l'objet que
d'une opinion probable et d'une conjecture vraisemblable, et non pas d'une science sûre et démontrée ;
tel est le cas, par exemple, de l'affirmation que les étoiles sont animées. Mais il est d'autres propositions,
dont de longues observations et des démonstrations nécessaires permettent d'établir la certitude. Telle
est la question de savoir si la Terre et le Soleil se meuvent ou non, si la Terre est sphérique ou non. Quant
aux premières, je reconnais que, là où le discours humain ne permet pas de parvenir à une science
certaine, mais fournit seulement une opinion et une croyance, il convient de se conformer absolument
au sens littéral des Écritures. Mais, quant aux autres, je pense, comme cela a été dit plus haut, qu'il
convient d'abord de s'assurer des faits ; alors seulement se découvrira le véritable sens des Écritures qui
doivent se trouver en parfait accord avec un fait démontré, bien que les mots eux-mêmes puissent à
première vue suggérer un sens différent. Deux vérités ne peuvent jamais se contredire. Cette doctrine
me paraît d'autant plus droite et sûre que je la trouve exposée exactement chez saint Augustin. Celui-
ci, parlant précisément de la figure du ciel et de la conception que l'on doit s'en faire, déclare que lorsqu'il
apparaît que les astronomes déclarent que la Terre est ronde alors que l'Écriture la dit être comme une
peau4, il n'y a pas à se préoccuper de voir l'Écriture opposée aux affirmations des astronomes ; mais il
faut croire à l'autorité de l'Écriture dans le cas où ce que déclarent les astronomes est faux ou fondé
seulement sur les conjectures de l'infirmité humaine ; dans le cas où les astronomes avancent des
propositions qui sont fondées sur des raisonnements indubitables, ce saint Père ne dit pas qu'il y a lieu
d'imposer aux astronomes de modifier leurs démonstrations et de déclarer que leurs conclusions sont
fausses ; il dit au contraire qu'il faut montrer alors que ce qui est déclaré dans l'Écriture de la peau n'est
pas contraire à ces vraies démonstrations. Voici ses propres paroles :
Mais, dira-t-on, n'est-ce point contredire ceux qui attribuent au ciel la forme d'une sphère, que de dire avec
nos livres saints en parlant de Dieu : « II a étendu le ciel comme une peau ? » (Psaume, 103, v. 2) 5. Ce serait bien
de les contredire si ce qu'ils prétendent est faux. Or la vérité est-elle plutôt du côté de Dieu qui parle, que du côté
de la faiblesse humaine qui conjecture ? Mais si, par hasard, nos contradicteurs peuvent appuyer leur sentiment
sur des preuves telles qu'il ne soit pas possible de douter qu'ils sont dans le vrai, nous devrons montrer que, lorsque
nos Ecritures comparent le ciel à une peau, elles ne contredisent point ce qu'il y a de fondé sur la vérité, dans leurs
raisons, autrement il faudrait voir une nouvelle contradiction dans un autre endroit où nos Ecritures représentent
le ciel suspendu comme une voûte (Isaïe, chap. 40, v. 22).
On voit qu'il résulte de ce texte que nous ne devons pas avoir moins de souci de voir s'accorder
un passage de l'Écriture avec une proposition naturelle démontrée, que de voir s'accorder un passage
de l'Écriture avec un autre passage qui présenterait une proposition opposée, et il me semble qu'il faut
admirer et imiter la circonspection de ce saint qui se montre très réservé lorsqu'il s'agit de conclusions
obscures ou de conclusions dont on ne peut pas avoir une démonstration certaine par les moyens

4 Ni saint Augustin, ni Galilée ne semblent avoir compris que la peau concernait la peau d'une
tente.
5La traduction moderne de la Bible de Jérusalem (Éditions du Cerf), respecte l'image biblique en
traduisant le v. 2 du psaume 103 : « Tu déploies les cieux comme une tente », et le v. 22, chapitre 40
d'Isaïe : « II a tendu les cieux comme une toile, les a déployés comme une tente. » Car la « peau » dont
il s'agit ici est non pas une peau étendue à plat « mais la peau d'une tente ». Remplaçant le terme peau
par toile, on suggère mieux au lecteur moderne la figure de la tente.
humains. Voici ce qu'il écrit à la fin du deuxième livre du In Genesím ad literám (cap. 18), traitant de la
question de savoir s'il faut croire que les étoiles sont animées.
Quoique, quant à présent, il ne me soit point facile de le savoir, cependant je pense que, dans le cours de
mes traités sur l'Ecriture sainte, il se rencontrera des endroits plus propices où il me sera possible, sinon de montrer
quelque chose de certain, du moins d'avoir sur ce sujet une foi réglée sur les principes d'une sainte autorité. Pour
le moment, nous contentant d'observer une pieuse réserve, nous devons, sur ce sujet obscur, ne rien croire à la
légère, dans la crainte que, plus tard, nous ne rejetions, par amour de notre erreur, ce que la vérité pourrait nous
découvrir qui ne serait point contraire aux saints livres de l'Ancien et du Nouveau Testament 6.
De ce texte et de plusieurs autres, il me semble ressortir, si je ne me trompe, que, selon les saints
Pères, dans les questions naturelles et qui ne sont pas de Fide, il faut d'abord se demander si elles sont
démontrées de façon indubitable ou sur la base d'expériences exactement reconnues, ou bien s'il est
possible d'en avoir une telle connaissance et démonstration : ayant alors obtenu cette connaissance, qui
est elle aussi un don de Dieu, il faut s'appliquer à rechercher le sens exact des Saintes Écritures dans les
passages qui sembleraient en apparence ne pas concorder avec ce savoir naturel. De tels passages seront
étudiés par de savants théologiens qui feront apparaître les raisons pour lesquelles l'Esprit-Saint les a
présentés de la sorte, que ce soit pour nous éprouver ou pour une autre raison cachée.
Ce que nous venons de dire s'applique même lorsque l'Écriture a parlé en plusieurs passages
dans le même sens. Il n'y a pas de raison de prétendre que, dans ce cas, il conviendrait d'interpréter le
texte dans son sens littéral. En effet, si l'Écriture, pour s'accommoder à la capacité du plus grand nombre
a dû une fois présenter une proposition en employant des termes ayant un sens différent de l'essence
même de cette proposition, pourquoi ne devrait-elle pas avoir procédé de la même façon lorsqu'elle a
répété la même proposition ? Bien plus, il me semble que, si elle avait procédé autrement, elle aurait
accru la confusion et abusé de la crédulité du peuple. Que, traitant du repos ou du mouvement du Soleil
et de la Terre, il était nécessaire pour s'adapter à la capacité du peuple, d'affirmer ce qu'expriment les
paroles de l'Écriture, l'expérience nous le montre clairement : même à notre époque où le peuple est
moins fruste, une telle opinion a été maintenue sur la base de motifs qui, à un examen un peu sérieux,
se révèlent sans valeur, car ils reposent sur des expériences qui sont fausses en totalité ou qui du moins
sont tout à fait hors de la question ; cependant on ne peut envisager de détourner le peuple de cette
croyance, car il n'est pas capable de comprendre les raisons contraires qui dépendent d'observations
trop délicates, et de démonstrations trop subtiles qui sont appuyées sur des abstractions qui demandent,
pour être bien saisies, une capacité d'imagination qu'il n'a pas. C'est pourquoi, à l'heure même où ont
été établis par des hommes savants, comme certains et démontrés, la stabilité du Soleil et le mouvement
de la Terre, il faut encore laisser subsister la croyance contraire chez le plus grand nombre des hommes
; si l'on venait à interroger mille hommes du peuple sur ces questions, sans doute n'en trouverait-on pas
un seul qui ne considère comme parfaitement établi, que le Soleil se meut et que la Terre demeure

6 La dernière phrase de ce texte (« Pour le moment... ») a déjà été citée par Galilée.
immobile. Mais personne ne doit prendre cet assentiment populaire commun pour argument de la
vérité de ce qui est ainsi affirmé ; parce que, si nous interrogions ces mêmes hommes sur les causes et
les motifs de leur croyance, et qu'à l'inverse nous demandions au petit nombre d'autres qui sont
instruits, sur quelles expériences et démonstrations ils fondent la croyance contraire, nous serions
amenés à constater que ceux-ci ont une conviction qui est fondée sur de très solides raisons, et que ceux-
là tirent leur croyance des apparences et de constatations vaines et ridicules. Qu'il soit donc nécessaire
d'attribuer au Soleil le mouvement et à la Terre le repos, pour ne pas troubler la faible capacité du peuple
et pour le rendre capable d'accepter la foi et ses articles principaux, qui sont absolument de Fide, cela est
assez manifeste ; mais, dès lors qu'une telle façon de faire se révèle ainsi nécessaire, il ne faut pas
s'étonner que ce soit ainsi qu'aient procédé les divines Écritures. Je dirai plus : ça n'est pas seulement le
souci de respecter l'incapacité du peuple, mais aussi le souci de respecter les façons de penser d'une
époque, qui font que les écrivains sacrés, dans les choses qui ne sont pas nécessaires à la béatitude, se
conforment plus à l'usage reçu qu'à l'existence des faits. C'est dans ce sens que saint Jérôme peut écrire
:
Il est de nombreux passages de l’Ecriture qui doivent être interprétés selon les idées du temps et
non selon la vérité même des choses (Commentaire du ch. 28 de Jérémie).
Et ailleurs, le même saint déclare :
II est habituel dans les Saintes Ecritures que le narrateur présente beaucoup de questions selon la
manière dont on les comprenait à l'époque (Commentaire du chap. 13 de saint Matthieu).
Et saint Thomas, au chapitre 27 de son commentaire sur Job, à propos du passage qui étend
l'Aquilon sur le vide, et suspend la Terre au-dessus du néant, note que l'Écriture appelle vide et néant
l'espace qui embrasse7 et entoure la Terre, que nous savons, nous, ne pas être vide, mais rempli d'air. Si
l'Écriture parle ainsi, c'est pour s'accommoder à la croyance du peuple vulgaire qui pense que, dans un
tel espace, il n'y a rien. Voici les paroles de saint Thomas :
La partie supérieure de l'hémisphère céleste n'est pas pour nous autre chose qu'un espace plein ďair, alors
que le peuple vulgaire le considère comme étant vide. L'auteur sacré suit celte dernière opinion, entendant parler
selon le jugement habituel des hommes ainsi que Г Ecriture Sainte a coutume de procéder.
De ce passage il me semble que l'on peut clairement conclure que l'Écriture Sainte, pour le même
motif, a eu raison de déclarer que le Soleil était, mobile et que la Terre était immobile, parce que, si nous
interrogions les hommes du vulgaire, nous les trouverions beaucoup moins aptes à comprendre que le
Soleil est immobile et la Terre mobile qu'à comprendre que l'espace qui nous entoure est rempli d'air :

7 Job, en. 25, v. 7. La version moderne de la Bible de Jérusalem est peu différente : « C'est lui qui

a étendu le Septentrion sur le vide, suspendu la terre sans appui. » Elle suggère mieux, pour un
moderne, que le terme Aquilon a le sens de « nord » (l'Aquilon étant le vent du nord, désignait cette
direction). Mais elle a le défaut, comme celle de saint Augustin, citée par Galilée, de ne pas traduire
l'image biblique. « Etendre le nord » n'a pas de sens. Si l'on se reporte au texte hébreu, on voit qu'il aurait
fallu traduire : « II a fixé le nord », c'est-à-dire que Dieu a mis dans le ciel un point fixe afin de pouvoir
y suspendre le monde.
si donc les auteurs sacrés, sur ce point au sujet duquel il n'aurait pas été tellement difficile d'éclairer
l'esprit du peuple, se sont néanmoins abstenus de le persuader, on comprend qu'il était encore beaucoup
plus raisonnable qu'ils aient observé la même façon de faire dans d'autres propositions beaucoup plus
cachées.
Aussi, comme Copernic connaissait la force avec laquelle sont enracinées dans notre esprit les
traditions anciennes, et les manières de concevoir les choses qui nous sont familières depuis l'enfance,
il a pris soin, pour ne pas accroître notre difficulté de compréhension, après avoir démontré que les
mouvements qui nous apparaissent être le fait du Soleil et du firmament sont en réalité ceux de la Terre,
de les présenter dans les tables et de les appliquer, en parlant du mouvement du Soleil et du ciel
supérieur, du lever et du coucher du Soleil, des mutations de l'obliquité du zodiaque et des variations
des points d'équinoxe, du mouvement moyen de l'anomalie du Soleil et d'autres choses semblables qui,
en réalité, sont dues au mouvement de la Terre.
Mais comme nous sommes attachés à la Terre et, en conséquence, à chacun de ses mouvements,
nous ne pouvons pas les reconnaître immédiatement ; il convient que nous fassions référence aux corps
célestes par rapport auxquels ces mouvements se manifestent ; c'est pourquoi nous sommes amenés à
dire qu'ils se produisent là où ils nous apparaissent à nous se produire. On comprend aisément qu'une
telle façon de faire soit tout à fait naturelle.
Si, par ailleurs, on doit considérer qu'il faut tenir comme de Fide une proposition concernant les
réalités naturelles, qui a été interprétée dans le même sens par tous les Pères, je pense que ceci ne devrait
s'entendre que des conclusions qui ont été discutées et analysées par les Pères avec une absolue
diligence. Mais la mobilité de la Terre et la stabilité du Soleil ne sont pas de ce genre ; une telle opinion
est demeurée éloignée des disputes d'école et, pratiquement, n'a été étudiée par personne ; aussi on
comprend qu'il ne venait pas à l'esprit des Pères de la mettre en discussion puisque, en ces questions,
eux-mêmes et tous les hommes concordaient dans la même interprétation.
Il ne suffît donc pas de dire que, tous les Pères admettant la stabilité de la Terre, etc., il faut
considérer cette opinion comme de Fide, mais il faut prouver qu'ils ont condamné l'opinion contraire.
N'ayant pas eu l'occasion de réfléchir sur cette doctrine et de la discuter, ils ne s'en sont pas directement
préoccupés et l'ont seulement admise comme une opinion courante ne prenant pas à ce sujet de
positions vraiment fermes, et assurées. Aussi il me semble que c'est avec raison que l'on peut dire ceci :
ou bien les Pères ont vraiment réfléchi sur cette conclusion, ou ils ne l'ont pas fait ; s'ils ne l'ont pas fait,
s'ils ne se sont même pas posé pour eux la question, leur abstention ne doit pas nous mettre dans
l'obligation de chercher chez eux des interprétations qu'ils n'ont pas songé à proposer ; au contraire, s'ils
avaient eu souci d'en fournir, alors au cas où ils auraient jugé cette conclusion erronée, ils l'auraient
condamnée ; mais rien ne permet d'affirmer qu'ils l'aient fait.
D'ailleurs on observe que, lorsque les théologiens ont entrepris de l'étudier, ils ne l'ont pas
considérée comme erronée ainsi qu'on le lit dans les Commentaires de Didaco à Stunica 8 sur Job au
chapitre IX, vers. 6, à propos des paroles, qui commovet Terram de loco suo, etc., où est présentée une
longue discussion sur la position de Copernic et où l'on conclut que la mobilité de la Terre n'est pas
contre l'Écriture.
D'ailleurs je me demande s'il est bien exact d'affirmer que l'Église oblige à tenir comme
propositions de Fide des conclusions concernant les choses naturelles qui seraient seulement fondées sur
une interprétation concordante de tous les Pères. Je me demande si ceux qui soutiennent cette manière
de voir ne le font pas en vue d'utiliser en faveur de leur propre opinion le décret du Concile 9. Or, je ne
vois pas que ce décret interdise autre chose que d'interpréter dans un sens contraire à celui de la Sainte
Église ou du commun consensus des Pères, les passages qui sont seulement de Fide, ou qui concernent
les mœurs ou bien l'édification de la doctrine chrétienne : ainsi parle le Concile de Trente dans sa session
4. Mais la mobilité ou la stabilité de la Terre ou Soleil ne sont pas de Fide, et ne concernent pas les mœurs
; en outre il n'y a rien dans cette conception qui puisse conduire à modifier l'interprétation de passages
de l'Écriture de telle manière que l'on s'opposerait à la Sainte Église ou aux Pères : en effet ceux qui ont
traité de cette doctrine n'ont jamais utilisé des passages de l'Écriture, en sorte que c'est toujours
seulement à l'autorité des graves et sages théologiens qu'il appartient d'interpréter ces passages
conformément à leur sens véritable. Et il est assez manifeste que les décrets du Concile sont conformes
à la position des saints Pères en ces questions particulières : ils sont à ce point éloignés de l'intention de
vouloir recevoir comme de Fide de telles conclusions naturelles ou de vouloir les rejeter comme erronées
que, se référant à l'intention première de la Sainte Église, ils estiment inutile de chercher à établir la
certitude de celles-ci. Que Votre Altesse veuille bien entendre ce que répondait saint Augustin à ses
frères qui posaient la question de savoir s'il est vrai que le ciel se meut ou bien qu'il reste immobile :
Je répondrai que la question de savoir s'il en est ou non ainsi, demanderait des recherches trop subtiles et
trop laborieuses, que je n'ai le temps ni d'entreprendre, ni de poursuivre non plus que ne devraient l'avoir ceux
que j'ai à cœur de former pour leur salut et pour le bien de l'Eglise.
Mais, même si l'on devait dire que, lorsque dans les passages de l'Écriture l'on se trouve en
présence de propositions naturelles qui sont interprétées de façon concordante par tous les Pères, il
conviendrait de prendre position, soit pour les condamner, soit pour les admettre, je ne pense pas que
cette façon de faire devrait s'appliquer dans notre cas, car ces passages de l'Écriture font l'objet
d'interprétations divergentes de la part des Pères : ainsi Denys l'Aréopagite déclare que ce n'est pas le
Soleil, mais le premier mobile qui s'est arrêté ; saint Augustin pense de la même façon, lorsqu'il déclare

8 Diego (Didacus) de Zuuiga ou Estunica, né à Salamanque en 1536, augustin, professeur de


théologie à Osuna, premier défenseur en Espagne du système de Copernic, mort en 1589, est notamment
l'auteur d'un Commentaire sur Job.
9 Il s'agit du célèbre décret, du Concile de Trente, de 1546 : De editione et usu Sacrorum Librorum,

publié durant la 4e session.


que ce sont tous les corps célestes qui se sont arrêtés ; l'Abulense 10 est de la même opinion. Bien plus,
parmi les auteurs juifs que loue Joseph, il en est qui ont estimé que le Soleil ne s'était pas vraiment arrêté,
mais qu'il avait semblé s'être arrêté seulement en raison de la brièveté du temps dans lequel les Israélites
ont vaincu leurs ennemis. De même, en ce qui concerne le miracle survenu dans le temple d'Ézechias,
Paul Burgense11 estime que l'événement ne s'est pas produit dans le Soleil, mais dans l'horloge. Mais,
qu'il soit nécessaire de gloser et d'interpréter les passages du texte de Josué, quelle que soit la conception
que l'on ait de la constitution du monde, c'est là un point dont je traiterai plus loin.
Finalement, concédant à ces personnes plus qu'elles ne demandent, je déclare être prêt à souscrire
entièrement aux opinions des savants théologiens dans le cas où de telles discussions particulières ne
se rencontrent pas chez les anciens Pères, mais, ceci, à la condition que ces théologiens examinent avec
le plus grand soin les expériences et les observations, les arguments et les démonstrations des
philosophes et des astronomes, soit dans un sens, soit dans un autre. Alors ils pourront avec assez de
sécurité déterminer ce que les divines inspirations leur dicteront. Mais on ne saurait admettre qu'ils
puissent se permettre de formuler des conclusions sans s'être livrés à une étude très attentive de tous
les arguments dans un sens ou dans l'autre, et sans s'être assurés de l'exactitude des faits. Car alors leurs
vaines imaginations porteraient atteinte à la majesté et à la dignité des Saintes Lettres et ils
manifesteraient ne pas faire preuve de ce zèle très saint du vrai et des Saintes Lettres, de leur dignité et
autorité en lesquelles tout chrétien doit toujours se maintenir. Qui ne voit que cette dignité ne sera
vraiment désirée et assurée que par ceux qui, se soumettant entièrement à la Sainte Église, ne
demandent pas que l'on condamne telle ou telle opinion, mais seulement que l'on puisse étudier
certaines choses dont ensuite l'Église décidera de façon sûre. Cette façon de faire est toute différente de
celle de ceux qui, ne voyant que leur propre intérêt, et entraînés par des intentions malignes, exigent
sans autres discussions des condamnations, disant que l'Église a le pouvoir de les prononcer et ne
comprennent pas que tout ce qui peut se faire n'est pas nécessairement à faire. Les saints Pères n'ont pas
eu cette façon de voir : sachant combien il serait préjudiciable à l'Église et opposé à son but premier de
vouloir tirer de passages de l'Écriture des conclusions dans l'ordre du savoir naturel, conclusions dont
on pourrait un jour prouver par des expériences ou démonstrations nécessaires, qu'elles sont contraires
au sens des paroles, ils se sont comportés non seulement de façon très circonspecte, mais ils nous ont
laissé pour notre instruction les préceptes suivants :
Si, en des choses obscures et très éloignées de nos yeux, nous lisons quelques choses dans les livres divins
qui pourraient, tout en conservant sauve la foi dont nous sommes imbus, présenter aux uns un sens et aux autres
un autre, gardons-nous bien de nous prononcer avec tant de précipitation pour l'un de ces sens, dans la crainte

10 Titre sous lequel on désignait couramment Alphonse Tostado, né à Madrigal (Castille),


professeur de théologie et de philosophie à Salamanque, évêque d'Avila (en latin « Abulensis » signifie
d'Avila), mort en 1555.
11 Paul de Burgos, rabbin (Selemoh-ha-Levi), converti par saint Vincent Ferrier en 1388 ou par la

lecture de la Somme de saint Thomas, évêque de Carthagène (1402-1414) et de Burgos (1414 à sa mort
en 1435), qui a joué un grand rôle comme théologien de l'interprétation des Écritures.
que, si la vérité mieux étudiée le renverse, elle nous renverse avec lui. Ce n'est point combattre pour le sens des
divines Ecritures, mais pour notre sens à nous, que de vouloir que notre sens soit celui des Ecritures, quand nous
devrions au contraire vouloir que ce fût le sens des Ecritures qui fût le nôtre.
Et saint Augustin ajoute qu'aucune proposition ne peut être contre la foi si elle n'est pas
démontrée être fausse, disant :
Elle ne peut pas être considérée en opposition avec la foi tant qu'elle n'a pas été réfutée d'une manière
certaine : si cela n'a pas lieu il faut alors considérer que celte proposition provenait non de la divine Ecriture, mais
de l’ignorance humaine.
On voit par-là combien risquent de se révéler fausses des interprétations que nous avons
données de l'Écriture et qui apparaissent un jour ne pas concorder avec une vérité démontrée:
c'est pourquoi il convient de rechercher à l'aide de la vérité démontrée le sens sûr de l'Écriture
et non pas un sens qui serait simplement conforme à la signification littérale des termes,
signification qui pourrait apparaître conforme à notre faiblesse et qui voudrait en quelque
sorte forcer la nature et nier l'expérience et les démonstrations nécessaires.
Votre Altesse voudra bien noter la circonspection dont fait preuve ce très saint homme
avant de se résoudre à présenter une interprétation de l'Écriture comme certaine et tellement
sûre qu'il n'y ait pas à craindre qu'elle puisse se heurter à quelque difficulté. Saint Augustin,
non content de voir que certaines explications de l'Écriture concordent avec certaines
démonstrations, ajoute :
Si une raison certaine nous montre la vérité de celle croyance, il y a encore lieu de se demander si
c'est bien ce que l’écrivain sacré a voulu que l'on comprît par ces paroles el non pas une autre chose
également vraie. Si le contexte rend évident qu'il n'a pas eu cette volonté, alors l'autre chose qu'il a
voulu faire comprendre ne doit pas être considérée comme fausse, mais comme vraie, el plus utile à
connaître que l'autre.
Mais ce qui augmente encore notre admiration, c'est la prudence avec laquelle procède
cet auteur : ne se contentant pas de voir converger dans la même intention, et les raisons
démonstratives et le sens direct des paroles de l'Écriture et son contexte, il ajoute les paroles
suivantes :
Si le contexte ne répugne point à ce que l'on puisse conclure que l'écrivain sacré a voulu que l'on
comprît cela, il restera encore à chercher s'il n'a pas voulu également qu'on entendît l’autre chose.
Et, ne se résignant pas à accepter ce sens ou à l'exclure, et ne croyant pas pouvoir être
arrivé à une conclusion vraiment sûre et satisfaisante, il continue :
Et si nous trouvons qu'il a pu vouloir aussi l'autre chose, on ne sait pas alors laquelle des deux il
a voulue ; mais il n'est pas contraire à la raison de penser qu'il a voulu qu'on les comprît toutes les
deux, si toutes les deux s'appuient également sur des circonstances certaines.
Finalement, comme s'il voulait justifier sa façon de procéder en montrant à quels périls
se trouveraient exposées et l'Écriture et l'Église, si ceux qui, plus soucieux de ne pas se détacher
de l'erreur que de la dignité de l'Écriture, voulaient étendre l'autorité de celle-ci au-delà des
termes qu'elle-même nous prescrit, il ajoute les paroles suivantes qui, par elles seules, devaient
suffire à réprimer et à modérer la licence que certains croient pouvoir s'accorder :
Il arrive, en effet, très souvent qu'un homme, même non chrétien, possède sur la Terre, le Ciel, les
autres éléments de ce monde, le mouvement, la révolution, la grandeur même et les intervalles des astres,
les éclipses de Soleil et de Lune, le mouvement des années el des temps, la nature des animaux, des
plantes, des pierres, el mille autres choses semblables, des connaissances telles qu'il les tienne pour très
certainement démontrées par la raison et l’expérience. Or, il serait très honteux, pernicieux même, et
cela doit être évité par-dessus tout, qu'un infidèle, en entendant un chrétien parler de ces choses, comme
s'il en parlait selon les Saintes Écritures, et en le voyant se tromper sur ces matières, comme on dit, de
toute la distance qui sépare le Ciel de la Terre, ne pût s'empêcher de rire. Ce n'est pas qu'il soit bien
fâcheux qu'un homme qui se trompe soit l'objet d'un sourire moqueur, mais le mal est que ceux qui ne
sont point des nôtres puissent croire que nos auteurs ont pensé ainsi, ce qui les ferait critiquer et rejeter
comme des auteurs dépourvus de science, au grand détriment de ceux dont le salut nous est à cœur. Car,
lorsque ces savants infidèles surprennent un chrétien dans l'erreur sur les matières qui leur sont
parfaitement connues, et qu'ils le voient affirmer ce qu'il avance comme étant tiré de nos livres,
pourront-ils croire à ces livres, qui nous parlent de la résurrection des morts, de l’espérance de la Vie
éternelle, du Royaume du ciel, lorsqu'ils les verront remplis d'erreurs sur des choses qu'ils peuvent
connaître par expérience ou découvrir par des nombres indubitables ?
Et le même saint explique encore combien sont offensés les Pères vraiment sages et
prudents lorsqu'ils voient la façon de faire de ceux qui, pour soutenir des propositions qu'ils
n'ont pas comprises, font appel à des passages de l'Ecriture, venant ainsi aggraver leur
première erreur en produisant d'autres passages moins compris encore que les premiers.
On ne peut assez dire la peine et la tristesse que des chrétiens présomptueux causent, par leur
témérité, aux hommes prudents, lorsque, se voyant repris et convaincus d'erreur, à propos de leurs
fausses opinions, par ceux-là mêmes qui ne croient point à l'autorité de nos Livres Saints, ils
entreprennent de soutenir leurs assertions, aussi légères et téméraires qu'évidemment fausses, en
apportant ces mêmes Ecritures en preuve, ou en citant, même de mémoire, les passages qu'ils croient
favorables à leur opinion, ne comprenant ni ce qu'ils disent, ni la portée de ce qu'ils affirment.
Il me semble qu'il faut compter au nombre de ceux-ci ceux qui, ne voulant pas ou ne
pouvant pas comprendre les démonstrations et les expériences par lesquelles l'auteur et ceux
qui suivent sa position la confirment, font appel aux Écritures, ne se rendant pas compte que,
plus ils persistent à affirmer qu'elles sont claires et qu'elles n'admettent pas d'autre sens que
ceux qu'ils leur donnent, plus ils causent de préjudices à la dignité de celles-ci (même si leur
jugement est de grande autorité), lorsqu'il se produit que la vérité est démontrée
manifestement contraire ; il en résulte une confusion, au moins chez ceux qui sont séparés de
la Sainte Église et que cette Mère très zélée désire voir revenir dans son sein. Que Votre Altesse
veuille bien voir avec quel désordre procèdent ceux qui, dans les disputes sur les questions
naturelles, font appel comme argument à des passages de l'Écriture que bien souvent ils ont
mal compris.
Mais si ces interprètes de l'Écriture estiment avoir saisi complètement le véritable sens
de tel passage de l'Écriture, il faut, par conséquence nécessaire, qu'ils aient aussi acquis
l'assurance d'avoir atteint la vérité absolue de la conclusion naturelle qu'ils entendent
défendre, et qu'en même temps, ils reconnaissent le grand avantage qu'ils ont sur l'adversaire
qui aura à défendre la thèse fausse ; alors que celui qui soutient le vrai peut avoir pour lui
beaucoup d'expériences sûres et beaucoup de démonstrations nécessaires, son adversaire ne
peut faire appel qu'à des apparences, à des paralogismes et à des données fallacieuses. Et puis,
si ceux-ci, s'en tenant à des termes naturels et ne produisant d'autres armes que
philosophiques, sont assurés d'être de toute façon supérieurs à l'adversaire, pourquoi donc
ont-ils soudain besoin de brandir les armes pour effrayer par leur seule vue leur adversaire ?
Pour dire la vérité, je crois que ce sont eux qui les premiers ont peur et que, se sentant
incapables de résister aux assauts de leurs adversaires, ils cherchent le moyen de ne pas se
laisser aborder, évitant l'usage du discours que la divine Bonté leur a donné, et abusant de
l'autorité si juste de la Sainte Écriture, qui, bien entendue et bien utilisée, ne peut jamais,
conformément à l'opinion commune des théologiens, s'opposer à des expériences manifestes
et à des démonstrations nécessaires. Mais, si je ne me trompe, ceux-ci ne devraient trouver
aucun profit à se réfugier ainsi dans les textes de l'Écriture pour couvrir l'impossibilité où ils
sont de comprendre et de réfuter les arguments qui leur sont opposés, car, jusqu'ici, jamais
une telle opinion n'a été condamnée par la Sainte Église. Aussi, s'ils voulaient procéder avec
sincérité, ils devraient, ou bien se taire et avouer qu'ils ne sont pas capables de traiter de telles
matières, ou bien considérer d'abord que ce n'est ni à eux, ni à d'autres, mais seulement au
Souverain Pontife et au sacré Concile qu'il appartient de déclarer une proposition erronée ;
c'est de ces instances seulement que relève la décision qui démontrerait sa fausseté. Si, ensuite,
ils comprennent qu'il est impossible qu'une proposition soit à la fois vraie et hérétique, c'est à
eux qu'il appartiendra d'en démontrer la fausseté. S'ils avaient alors démontré cette fausseté,
ou bien il ne serait plus nécessaire de la condamner, parce que personne ne risquerait plus de
la suivre, ou bien l'interdiction de cette proposition ne serait cause de scandale pour personne.
Aussi que ceux-ci s'appliquent donc à réfuter les arguments de Copernic et des autres et
qu'ils laissent le soin de les condamner comme erronés et hérétiques à ceux à qui il appartient
de le faire ; mais qu'ils n'espèrent pas trouver chez les très sages et très prudents Pères, et dans
l'absolue sagesse de Celui qui ne peut pas errer, ces décisions subites dans lesquelles ils se
laisseraient entraîner par leurs passions ou leur intérêt particulier ; ceci, parce que, sur ces
propositions et d'autres semblables, qui ne sont pas directement de Fide, personne ne doute
que le Souverain Pontife a toujours le pouvoir absolu de les admettre ou de les condamner ;
mais il n'est au pouvoir d'aucune créature de faire qu'elles soient vraies ou fausses autrement
qu'elles peuvent l'être par leur nature et de facto. Aussi il semble qu'il serait de meilleur conseil
de s'assurer d'abord de la nécessaire et immuable vérité du fait sur lequel personne n'a de
pouvoir ; car, si l'on n'a pas cette assurance, on risque de rendre nécessaires des déterminations
qui, dans le présent, sont indifférentes et libres et qui dépendent de la décision de l'autorité
suprême. En somme, il n'est pas possible qu'une conclusion soit déclarée hérétique alors que
l'on n'a pas encore démontré qu'elle n'est pas vraie. Vaine sera la peine de ceux qui prétendent
condamner la mobilité de la Terre et la stabilité du Soleil, si, d'abord, ils ne démontrent pas
que cette proposition est impossible et fausse.
Il me reste finalement à montrer combien il est vrai que le passage concernant Josué peut
être compris sans altérer la signification directe des paroles et comment il peut se faire que le
Soleil, obéissant au commandement de Josué, ait pu s'arrêter sans qu'il résulte de là que la
durée du jour s'est prolongée pendant quelque temps.
Si les mouvements célestes sont conformes à la conception de Ptolémée, une telle chose
ne peut se produire d'aucune façon : en effet, le mouvement du Soleil se faisant d'Occident
vers l'Orient, c'est-à-dire à l'opposé du mouvement du premier mobile, qui se fait d'Orient en
Occident, et qui est la cause du jour et de la nuit, on comprend que, si le mouvement vrai et
propre du Soleil cessait, le jour serait plus court et non pas plus long, et, qu'à l'opposé, si l'on
voulait allonger le jour, il faudrait accélérer le mouvement du Soleil ; en sorte que, si l'on veut
que le Soleil demeure sur l'horizon un certain temps dans le même lieu sans décliner vers
l'Occident, il conviendrait d'accélérer son mouvement au point qu'il se manifeste comme le
mouvement du premier mobile, ce qui reviendrait à accélérer de 360 fois son mouvement
habituel. Si donc Josué avait eu l'intention que ses paroles soient prises dans leur sens tout à
fait propre, il aurait dit au Soleil d'accélérer son mouvement de telle sorte que l'entraînement
du premier mobile ne le porte pas vers le couchant. Mais, comme ses paroles étaient entendues
par un peuple qui, sans doute, n'avait pas d'autre connaissance des mouvements célestes que
ce mouvement très commun de l'Orient à l'Occident, il s'est accommodé à leurs capacités, et,
n'ayant pas l'intention de leur enseigner la constitution des sphères célestes, mais voulant
seulement leur faire comprendre la grandeur du miracle que représentait cet allongement du
jour, il a parlé conformément à leur capacité.
C'est sans doute cette considération qui a conduit d'abord Denys l'Aréopagite à dire que,
dans ce miracle, le premier mobile s'est arrêté et qu'alors, en conséquence, toutes les sphères
célestes se sont arrêtées : saint Augustin est de la même opinion, et l'Abulense la confirme dans
de longs développements. Et comme l'intention de Josué était que tout le système des sphères
célestes s'arrête, on comprend qu'il ait aussi commandé à la Lune de s'arrêter, bien que celle-
ci n'ait rien à faire dans l'allongement du jour. Et ce commandement fait à la Lune doit être
compris comme concernant aussi les déplacements des autres planètes, dont il n'est question
ni dans ce passage, ni dans le reste des Saintes Écritures dont l'intention n'a pas été de nous
enseigner les sciences astronomiques.
Il me semble donc, si je ne me trompe, qu'il résulte de là assez clairement, que, si l'on se
place dans le système de Ptolémée il est nécessaire d'interpréter les paroles de l'Écriture dans
un sens un peu différent du sens direct qu'elle présente. Instruit par les textes si utiles de saint
Augustin, je ne dirai pas que cette interprétation est nécessaire au point qu'aucune autre ne
puisse lui être substituée. Mais, comme ce sens, plus conforme à ce que nous lisons dans Josué,
paraît pouvoir être compris dans le système de Copernic grâce à l'adjonction d'une autre
observation que j'ai faite récemment dans le corps solaire, je voudrais pour terminer
l'examiner. Je tiens bien à dire que je parle toujours avec les mêmes réserves, c'est-à-dire
soucieux de ne pas me montrer tellement attaché à mes idées que je voudrais les préférer à
celles des autres et croire qu'il ne peut pas s'en trouver de meilleures et de plus conformes à
l'intention des Saintes Lettres.
Ayant donc posé d'abord que, dans le miracle de Josué, tout le système des mouvements
célestes s'est immobilisé, conformément à la façon de voir des auteurs cités plus haut, et ceci,
parce que, si un seul mouvement avait cessé, il se serait introduit sans nécessité un grand
désordre dans tout le cours de la nature, j'en viens ensuite à considérer comment le corps
solaire, bien que demeurant immobile dans le même lieu, tourne sur lui-même, accomplissant
une révolution complète dans la durée d'environ un mois, ainsi que je crois l'avoir démontré
de façon tout à fait concluante dans mes Lettres sur les Taches solaires. Ce mouvement apparaît
se faire dans la partie supérieure du globe du Soleil, il est incliné vers le midi et donc vers la
partie inférieure, il s'incline vers l'Aquilon exactement de la même façon que se font les
révolutions de toutes les planètes. Troisièmement, si nous portons attention à la noblesse du
Soleil, qui est la source de la lumière et illumine, comme je l'ai démontré de façon nécessaire,
non seulement la Lune et la Terre, mais toutes les autres planètes qui, par elles-mêmes, sont
obscures, je ne crois pas que ce serait mal philosopher que de dire qu'il est le principal ministre
de la nature et, d'une certaine manière, l'âme et le cœur du monde ; qu'il apporte aux autres
corps qui l'entourent, non seulement la lumière mais encore le mouvement, ceci, par sa
révolution sur lui-même ; aussi, de la même manière que, si le mouvement du cœur d'un
animal s'arrête, tous les autres mouvements de ses membres s'arrêtent aussi, de même, si le
Soleil devait s'arrêter de tourner sur lui-même, aussitôt tous les mouvements des autres
planètes cesseraient. Je pourrais au sujet de cette force et de cette énergie admirables du Soleil
apporter l'assentiment d'un très grand nombre de graves écrivains, mais je me contenterai d'en
citer un seul, le bienheureux Denys l'Aéropagite qui, dans son livre De divinis nominibus, écrit
ceci du Soleil :
La lumière rassemble et fait converger vers elle toutes choses qui se voient, qui se déplacent, qui
brillent, qui échauffent, et, en un mot, toutes choses qui sont contenues dans sa splendeur. C'est
pourquoi le Soleil est dit Ilios, parce qu'il réunit toutes choses dispersées.
Et, un peu plus loin, le même auteur dit encore du Soleil :
Si, en effet, ce Soleil que nous voyons faire converger vers lui toutes les choses qui tombent sur
les sens, essence et qualité, bien qu'elles soient multiples et dissemblables, cependant, lui, qui est Un et
qui répand la lumière ďune manière uniforme, rénove, nourrit, protège, accomplit, divise, rassemble,
échauffe, rend fécond, augmente, change, affermit, déplace, donne à toutes choses la vie, et toutes choses
de cet univers, étant sous son pouvoir, participant d'un unique et même Soleil, et les causes de toutes
les choses qui participent à lui, qui sont en lui également anticipées, etc.
Le Soleil étant donc à la fois source de lumière et principe des mouvements, lorsque Dieu
voulut qu'au commandement de Josué, tout le système du monde demeurât immobile pendant
de nombreuses heures dans le même état, il lui suffit d'arrêter le Soleil. En effet, celui-ci étant
devenu immobile, tous les autres mouvements s'arrêtèrent. La Terre, la Lune et le Soleil
demeurèrent dans la même position ainsi que toutes les autres planètes ; durant tout ce temps,
le jour ne déclina pas vers la nuit, mais se prolongea miraculeusement : et c'est ainsi, qu'en
arrêtant le Soleil, sans altérer en rien les positions réciproques des étoiles, il fut possible
d'allonger le jour sur la Terre, ce qui est conforme exactement avec le sens littéral du texte
sacré.
Mais ce dont, si je ne me trompe, il convient de n'avoir pas une faible estime, c'est que,
grâce à la conception copernicienne, nous obtenons un sens littéral parfaitement clair d'un
autre trait particulier de ce même miracle, à savoir que le Soleil s'arrêta au milieu du ciel. Sur
ce point, de graves théologiens ont soulevé des difficultés : comme il paraît très probable que,
quand Josué a demandé l'allongement du jour, le Soleil était voisin de son coucher et non du
méridien, parce que, s'il avait été dans le méridien, comme on se trouvait alors au solstice d'été
et que donc les journées étaient très longues, il ne paraît pas vraisemblable qu'il ait été alors
nécessaire de demander l'allongement du jour pour obtenir une victoire dans une bataille, à
laquelle pouvait largement suffire la durée de sept heures et même un peu plus de jour qui
restait encore. Impressionnés par ces considérations, de très graves théologiens ont vraiment
soutenu que le Soleil se trouvait alors dans une position proche de son coucher ; et c'est aussi
ce qu'impliquent les paroles : Ferma, Sole, fermati ; car, si le Soleil s'était trouvé dans le méridien,
ou bien il n'y avait pas besoin de demander un miracle, ou bien il suffisait de demander
simplement que le mouvement du Soleil soit un peu retardé. Cajetan ainsi que Magaglianes,
sont de cette opinion et ils la confirment en notant que Josué avait eu à faire ce jour-là tant
d'autres choses avant de donner ce commandement au Soleil, qu'il était impossible qu'elles
aient été expédiées en l'espace d'une demi-journée : ils en sont alors réduits à interpréter les
paroles, in medio coeli, d'une façon quelque peu difficile à admettre, disant qu'elles signifient
que le Soleil s'est arrêté alors qu'il était dans notre hémisphère, c'est-à-dire au-dessus de
l'horizon. Mais si, conformément au système de Copernic, nous plaçons le Soleil au milieu,
c'est-à-dire au centre des orbes célestes et des mouvements des planètes, comme il est
nécessaire de le placer, alors cette difficulté et bien d'autres disparaissent ; parce que, à quelque
heure du jour que l'événement se soit passé, que ce soit à midi ou à toute autre heure du soir,
le jour a été allongé et tous les mouvements célestes ont cessé lorsque le Soleil s'est arrêté dans
le milieu du ciel, c'est-à-dire dans le centre de ce ciel où il réside : ce sens est d'autant plus
accommodé à la lettre, que même si on avait voulu affirmer que l'arrêt du Soleil s'était fait à
l'heure du milieu du jour, la manière propre de parler aurait été de dire : sietit in meridie vel in
meridiano circule, et non pas in medio coeli, puisque, dans un corps sphérique comme est le ciel,
le seul milieu vrai est le centre.
Quant aux autres lieux de l'Écriture qui semblent contraires à cette façon de voir, je ne
doute pas que, lorsqu'elle aura été reconnue comme vraie et démontrée, ces mêmes
théologiens, qui aujourd'hui l'estiment fausse, considérant que ces passages de l'Écriture ne
peuvent pas recevoir une interprétation qui concorde avec elle, en trouveront des
interprétations beaucoup plus convenables, surtout quand ils auront joint à l'intelligence des
Saintes Lettres, quelques connaissances des sciences astronomiques. Et, alors qu'actuellement,
du fait qu'ils l'estiment fausse, ils croient qu'il ne se trouve dans la Sainte Écriture que des
passages qui sont en opposition avec elle, quand ils l'auront reconnue pour vraie, ils
rencontreront de très nombreux passages qui concordent avec elle ; peut-être alors
reconnaîtront-ils combien justement la Sainte Église déclare que Dieu a mis le Soleil dans le
centre du ciel et que, en conséquence, en tournant sur lui-même comme une roue, il assure le
mouvement de la Lune et des autres astres errants lorsqu'elle chante : Dieu très Saint, qui peins
d'une blancheur ignée la surface du ciel lui apportant l’accroissement d'une splendide lumière,
toi, qui, le quatrième jour, as constitué la roue enflammée du Soleil, fixant le cours de la Lune
et des astres errants. Ils pourront dire que le nom de firmament convient parfaitement bien ad
literam à la sphère céleste et à tout ce qui se trouve au-dessus du lieu de déplacement des
planètes et qui est, selon cette disposition, totalement fixe et immobile. Alors comme la Terre
se déplace circulairement, ils comprendront que c'est de ces pôles qu'il s'agit dans le passage
où il est dit : Nec dum Terram fecerat, et flumina et cardines orbis Terrae ; ces pôles apparaîtraient
avoir été attribués au globe terrestre de façon tout à fait inutile, s'il ne devait pas tourner autour
d'eux. Voici le texte latin :

Coeli Deus sanctissime Quarto die qui flammeam


Qui lucidum centrum poli So lis rotam constituens,
Candore pingis igneo, Lunae ministras ordinem
Augens decor o lumine ; Vagosque cursus siderum

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