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Thème 1 : Comprendre un régime politique : la démocratie

A) Penser les formes d’une démocratie

1) Une démocratie directe mais limitée : être citoyen à Athènes au Ve siècle


1.1) Le fonctionnement de la démocratie athénienne
1.2) Une démocratie directe mais limitée
1.3) Le Procès de Socrate (399 av. J.C.)

2) Participer ou être représenté : Benjamin Constant


2.1) Le mythe de la démocratie athénienne
2.2) Penser et pratiquer la démocratie représentative
2.3) Benjamin Constant, la passion démocratique

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Thème 1 : Comprendre un régime politique : la démocratie

Tableau p22 « Le suffrage universel »

Introduction

Pages 21-25
Comprendre les caractéristiques communes des démocraties
Comparaison entre démocraties et régimes autoritaires à partir d’exemples

La démocratie peut être définie selon les termes d’Abraham Lincoln comme « le gouvernement du peuple,
par le peuple et pour le peuple ».

Ce régime requiert trois conditions pour s’exercer pleinement :


- une participation active du peuple dans l’exercice du gouvernement soit directement (démocratie directe),
soit par le biais de représentants élus (démocratie indirecte ou représentative)
- Un pluralisme politique, qui suppose un multipartisme (plusieurs partis indépendants les uns des autres,
en libre compétition pour l’accès aux positions électives).
- L’alternance au pouvoir permise quand le pouvoir n’est pas accaparé par une seule force politique,
souvent par la force et la peur.

A cela s’ajoutent deux exigences qui sont au fondement du libéralisme politique :


- Un système juridique garanti par une justice indépendante dont l’approfondissement constant permet de
faire naître un Etat de droit.
- La protection des droits fondamentaux, libertés individuelles et collectives sur la base de la loi qui
empêche toute forme d’oppression, dont celle de l’Etat. La loi doit en garantir la stabilité.

Ces aspects sont nécessaires et pourtant fragiles. La diversité des législations fait naître un grand panel des
formes démocratiques. C’est ainsi que le néologisme « démocrature » apparaît ces dernières années dans
les médias pour désigner un régime ayant l’apparence institutionnelle de la démocratie tout en s’appuyant
sur des méthodes de gouvernement qui s’apparentent à celles d’une dictature (Russie ou Turquie par
exemple).

Planisphère p38 « 1914 : des Etats démocratiques peu nombreux »


Planisphère p39 « 2018 : la démocratie libérale peine à s’imposer dans le monde »

La démocratie est un régime qui se diffuse dans le monde au cours du XXe siècle. Si une quinzaine d’Etats
sont démocratiques en 1914, dont les Etats-Unis, la France, le Royaume-Uni, la Suisse et l’Australie, nous
comptons 76 Etats démocratiques en 2018 avec l’Espagne, le Portugal, une grande partie de l’Amérique du
sud, le Japon, l’Afrique du sud.

Nous pouvons néanmoins considérer la persistance de nombreux régimes autoritaires malgré les
prévisions du politologue américain Francis Fukuyama qui pensait inexorable et rapide la propagation du
régime démocratique en 1991, date de la fin de la Guerre froide et du monde bipolaire. Mais la chute du
communisme ne signifiait pas la fin de régimes autoritaires.

Un régime autoritaire pratique la concentration de la puissance dans l’exercice du pouvoir au détriment


des libertés. Cette notion s’oppose donc à la notion de démocratie. Une grande partie du continent africain
et de l’Asie est concernée par ce type de régimes : Algérie, Libye, République Démocratique du Congo,
Arabie Saoudite, Chine...

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Thème 1 : Comprendre un régime politique : la démocratie

Toutefois les cartes nous enjoignent à sortir de l’opposition binaire démocratie/autoritarisme parce qu’il
existe une myriade de déclinaisons politiques de ces deux notions. Fareed Zakaria, journaliste américain
spécialiste des relations internationales, explique dans son ouvrage The Future of Freedom paru 2008 la
notion de démocratie illibérale (en France l’historien Pierre Rosanvallon l’utilise dès les années 90). Les
élections seules ne font pas la démocratie. Celle-ci doit pouvoir s’exercer dans le cadre d’un Etat de droit
qui pose des limites à la puissance publique et qui protège les libertés individuelles et collectives.

Les démocraties illibérales ont pour caractéristiques :


- restriction des libertés par la loi sous couvert d’une protection des citoyens
- concentration du pouvoir entre les mains d’une oligarchie politique, économique et judiciaire. Ce
phénomène est très protéiforme. Car la spécialisation politique et la formation de partis politiques créent
de fait un accaparement des fonctions de gouvernement par une élite formée à le faire.
- utilisation de la violence politique pour museler la critique provenant du corps civique.
Ce pourrait être le cas des régimes de la Turquie, de la Hongrie, du Maroc, de la Russie.

Si toutes les démocraties obéissent aux mêmes grands principes, elles se présentent sous
différentes formes. La France, par exemple est une République (forme d’organisation politique dans
laquelle les détenteurs du pouvoir l’exercent en vertu d’un mandat conféré par les citoyens. En ce sens, «
république » s’oppose à « monarchie », mais ne se confond pas avec « démocratie »), unitaire (État dont
l’ensemble des citoyens est soumis au même et unique pouvoir. C’est le contraire d’État fédéral),
gouvernée par un régime semi-présidentiel (régime politique dans lequel il y a séparation des pouvoirs, mais
où le chef de l’exécutif est fort et stable).
Les États-Unis, plus vieille démocratie, sont aussi une République, mais fédérale (État possédant des régions
ou des provinces qui se caractérisent par une certaine autonomie, même si elles reconnaissent l’autorité
fédérale).
En revanche, le Royaume-Uni, autre ancienne démocratie, est une monarchie « constitutionnelle »
(type de régime politique qui reconnaît un monarque comme chef de l'État, mais où une « constitution »
limite ses pouvoirs), parlementaire (système constitutionnel caractérisé par un équilibre des pouvoirs
entre le gouvernement (exécutif) et le parlement (législatif)) et unitaire.

Ainsi, les démocraties, qui se sont répandues ces deux derniers siècles sur tous les continents,
apparaissent sous des formes très variées et se confrontent à des régimes autoritaires.

Problématiques
Comment la démocratie directe fonctionne-telle à Athènes au V° siècle av. J.C. ?
Comment la réflexion sur la participation politique se construit-elle en France dans la première moitié du
XIX° siècle ?
Quelle forme de tyrannie suscite l’inquiétude de Tocqueville ?
Pourquoi la démocratie apparaît-elle comme fragile et instable en Amérique latine ?
Comment l’Espagne et le Portugal ont-ils mené une transition démocratique pacifique et durable ?
Quels sont les fondements démocratiques de la construction européenne ?
Quels défis la démocratie européenne doit-elle relever aujourd’hui ?

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Thème 1 : Comprendre un régime politique : la démocratie

A) Penser les formes d’une démocratie

Tableau p26 « Le siècle de Périclès »


Tableau p27 « Séance à la Chambre des députés en 1907 »

Vocabulaire et notions
Cité Oligarchie
Misthos Métèque
Tyrannie Monarchie limitée
Démocratie directe République
Souveraineté nationale Démocratie représentative ou indirecte
Démocratie libérale Régime totalitaire
Isonomie

Acteurs
Périclès (495 av. J.C - 429 av. J.C) Benjamin Constant (1767 – 1830)
Socrate (470 av. J.C – 399 av. J.C) Charles-Louis de Secondat, baron de Montesquieu
(1689 – 1755)
John Locke (1632 – 1704)

Dates
479-404 av. J.C. : Apogée de la démocratie 1215 : Magnus Carta, Grande Charte en Angleterre
athénienne
1679 : Habeas Corpus en Angleterre 1689 : Bill of Rights en Angleterre
26 juillet 1789 : Déclaration des droits de l’homme 1819 : Benjamin Constant, De la liberté des Anciens
et du citoyen en France comparée à celle des Modernes

1) Une démocratie directe mais limitée : être citoyen à Athènes au Ve siècle

1.1) Le fonctionnement de la démocratie athénienne


Texte 8 p31 « Forces et faiblesses de la démocratie au milieu du V° siècle av. J.C. »

La cité, polis en grec, est une forme d’organisation politique née dans la Grèce antique à partir du VIII°
siècle av. J.C. Elle y est d’abord une communauté d’hommes libres, les citoyens. L’exercice du pouvoir y
est structuré par un conseil, une assemblée (ecclésia) et des magistrats.

Au VI° siècle, la cité d’Athènes connaît une crise politique et de fortes tensions sociales. Ces troubles se
soldent par le rejet à la fois de la tyrannie et de l’oligarchie. Vers 508 av. J.C., Clisthène, un homme
politique athénien, crée les dèmes et les tribus et réforme l’exercice de la politique. Les 500 membres du
Conseil (la Boulè) sont désormais tirés au sort pour un an dans chaque tribu.

Oligarchie : du grec oligos (petit nombre) et arkhê (commandement). Forme de gouvernement où un petit
groupe de personnes détient le pouvoir et l’exerce sur la majorité. Il peut s’agir des meilleurs (aristocratie),
des plus âgés (gérontocratie), des plus compétents (technocratie) ou des plus riches (ploutocratie).
Tyrannie : Du grec tyrannos (maître). Forme de gouvernement ou le pouvoir absolu est détenu par une
seule personne qui l’a obtenu de manière illégale, ou pour une durée déterminée en cas de danger pour
la cité.

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Thème 1 : Comprendre un régime politique : la démocratie

Texte 2 p29 « Périclès fait l’éloge de la démocratie »


Ces réformes assurent un pouvoir égal à tous les citoyens, chacun d’eux exerçant tour à tour des
responsabilités politiques. La cité devient un espace politique égalitaire dans lequel chaque citoyen obéit
aux lois qu’il a conçues et respecte les institutions au sein desquelles il a exercé ou exercera une fonction.
La démocratie donc provient de deux principes égalitaires : l’égalité devant la loi (isonomie) et l’égalité de
parole (isêgoria) des citoyens à l’assemblée populaire, l’Ecclésia.

Le pouvoir de l’ecclésia est renforcé lors des guerres médiques au début du V° siècle av. J.C. Réunie
désormais régulièrement, elle contrôle, par vote à main levée, les choix politiques et militaires. Les
victoires d’Athènes suscitent la confiance dans le régime démocratique.

La citoyenneté est un privilège qui donne des droits. Ces droits sont politiques (participer à la vie politique,
élire et être élu), juridiques (isonomie) et économiques (accès à la propriété). Pour acquérir la
citoyenneté, les jeunes athéniens doivent effectuer l’éphébie et prêter serment de défendre la cité. A
partir de la réforme de Périclès en 451 av. J.C., il faut être né de deux parents athéniens pour pouvoir être
citoyen.
Un citoyen frappé d’atimie perd tout ou partie de ses droits. C’est le cas s’il déserte, vole ou dégrade des
biens publics.

Schéma 4 p 29 « Les institutions d’Athènes »


La démocratie implique la participation de tous les citoyens aux institutions. Chacun doit voter les lois à
l’assemblée, réunie 40 fois par an sur la colline de la Pnyx. L’égalité est assurée par le tirage au sort : 500
conseillers sont désignés à la Boulè, et 6000 juges pour les tribunaux (l’Héliée). Sur les 700 magistrats,
seuls les plus importants, comme les stratèges sont élus, les autres sont tirés au sort.
Une indemnité, le misthos, est mise en place afin de faciliter la participation à la vie politique. La plupart
des charges étant annuelles et non cumulables, tous les citoyens ont dû, sans doute, exercer au moins une
fois une fonction dans leur vie.

Le statut social implique des formes de participation diverse à la vie politique. Les riches citoyens sont élus
aux magistratures les plus importantes et doivent financer des réalisations civiques (entretien de navires,
représentation théâtrales). Les citoyens plus modestes participent activement à la vie politique : ils votent
à l’Ecclésia, exercent des magistratures tirées au sort et contrôlent les magistrats qui peuvent être
condamnés à l’ostracisme.
L’ensemble de la cité se rassemble lors des fêtes religieuses comme les Panathénées, les fêtes en l’honneur
d’Athéna. On peut parler de religion civique.

1.2) Une démocratie directe mais limitée


Texte « Les vertus de l’art oratoire »

L’art oratoire occupe une place considérable dans la vie de la cité. Les multiples prises de parole et
interventions populaires à l’agora montrent l’importance que les Athéniens accordent aux débats
politiques. L’art de bien parler et de convaincre est enseigné dans les écoles de rhétorique que
fréquentent les jeunes gens riches.
Le théâtre, essentiel dans la vie des Athéniens, est aussi le lieu de l’éloquence. Les dramaturges Eschyle ou
Euripide font l’éloge d’Athènes et de ses vertus politiques. Les comédies d’Aristophane en ridiculisent les
travers et en pointent les dangers.

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Thème 1 : Comprendre un régime politique : la démocratie

Texte « La dénonciation des démagogues »


Les critiques de la démocratie s’amplifient au IV° siècle av. J.C. Certains penseurs comme le philosophe
Platon, ont de sérieux doutes sur les capacités du peuple et préféreraient voir un petit nombre d’hommes
compétents diriger seuls la cité (oligarchie).
La rhétorique est suspectée de nombreuses dérives. Platon pointe le risque de la démagogie, de la toute-
puissance d’orateurs professionnels cherchant plus à flatter leur auditoire qu’à servir l’intérêt collectif.

Schéma p30 « Une minorité de citoyens »


Les citoyens ne forment que 10 à 15% de la population athénienne, soit 30 000 à 40 000 personnes.

- Les femmes athéniennes conservent toute leur vie le statut de mineures. Elles sont soumises à la tutelle
d’un homme de leur famille (père, époux, oncle), sans droit politique, exclues du droit d’intenter une
action en justice ou du droit de propriété. Une fois mariées, leur rôle est avant tout domestique : elles
doivent s’occuper de la bonne marche de la maison, de l’organisation du travail des esclaves.
Le terme « citoyenne », politis, existe, même s’il est peu utilisé. Il correspond au statut des femmes nées
de deux parents athéniens. Ce statut donne aux femmes un rôle politique, celui de transmettre la
citoyenneté aux enfants.
Par les fêtes religieuses, les femmes et les filles de citoyens sont intégrées de façon active à la vie de la cité.

- Les métèques sont les étrangers résidant à Athènes. Originaires, généralement d’autres cités grecques,
ils sont souvent artisans ou commerçants. Avec leurs familles, ils sont environ 40 000. Exclus des droits
politiques, ils ont cependant accès à la justice et peuvent participer aux processions lors des fêtes
religieuses. Ils ont le droit de posséder des biens mobiliers et des esclaves, mais il leur est interdit, sauf
décision spéciale, de posséder de la terre, privilège réservé aux citoyens.
Ils sont cependant soumis à des obligations qui les font participer à la vie et à la défense de la cité.
Certaines sont financières (impôt personnel, liturgies, c’est à dire financement d’une réalisation civique,
pour les plus riches), d’autres militaires : les riches métèques servent comme hoplites, les pauvres comme
rameurs.
Parfois proches des Athéniens, les métèques les plus fortunés deviennent des personnalités en vue,
comme Lysias à la fin du V° siècle av. J.C.

- Cité esclavagiste comme toutes les sociétés antiques, Athènes compte plus de 110 000 esclaves.
Hommes, femmes et enfants, ils forment près de la moitié de la population de l’Attique. Le plus souvent,
ce sont des étrangers, puisque depuis Solon au VI° siècle av. J.C., les Athéniens ne peuvent plus être réduits
en esclavage. Juridiquement, les esclaves n’ont aucun droit. Ils n’ont ni famille, ni possession. Leur vie
dépend de leur maître qui peut les vendre, les louer, les laisser en héritage, et théoriquement dispose sur
eux du droit de vie et de mort.
Les esclaves ont une place importante dans la vie de la cité. Ils assurent en effet l’essentiel du travail dans
l’agriculture, les mines, les chantiers de construction publique, l’artisanat et le commerce, qui font la
puissance économique d’Athènes dans le monde méditerranéen. Ils laissent ainsi aux citoyens, surtout les
plus riches, le temps de s’occuper des affaires politiques.
1000 à 2000 « esclaves publics » gèrent les administrations. Ils organisent le tirage au sort des juges,
gèrent les archives, tiennent les comptes de certaines magistratures ou encore sont chargés de la police.
Par de telles missions et bien que sans pouvoir y participer, les esclaves contribuent à assurer le bon
fonctionnement de la démocratie athénienne.

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Thème 1 : Comprendre un régime politique : la démocratie

1.3) Le Procès de Socrate (399 av. J.C.)


Tableau « La mort de Socrate, David, 1787 »
Vidéo « Quand l’Histoire Fait Dates, Arte, 26min (Boucheron/Ismard) »

Que nous apprend le procès de Socrate sur le fonctionnement de la démocratie athénienne ?

Qui est le philosophe que les Athéniens condamnent à mort en 399 av. J.C. ?
Socrate a alors 70 ans : lorsqu’il naît en 470 av. J.C., Athènes vit depuis une petite vingtaine d’années en
régime démocratique : on estime en effet que celle-ci naît des réformes de Clisthène initiées vars 508 av.
J.C. Mais elle ne naît pas toute armée : la démocratie affronte ses premières crises. Socrate a vingt ans
lorsque débute les grands travaux sur l’Acropole (449), trente ans lorsque Périclès se fait régulièrement
élire stratège (443-429), stabilisant la démocratie en même temps qu’il la met à l’épreuve de son charisme
politique, quarante ans lorsque débute la guerre du Péloponnèse (431). Il accompagne donc toute
l’histoire de la démocratie athénienne au Ve siècle av. J.C., que les historiens appelleront justement, plus
tard, « le siècle de Périclès ».
En 423, Aristophane fait jouer une pièce comique, les Nuées, dans laquelle Socrate est un des personnages
de l’intrigue. Celle-ci met en scène son école où l’on apprend les ruses de l’argumentation sophistique pour
mépriser l’autorité des pères et « bafouer les dieux ».

Quel est l’acte d’accusation ?


« Socrate enfreint la loi, parce qu’il ne reconnaît pas les dieux que reconnaît la cité, et qu’il introduit
d’autres divinités nouvelles ; et il enfreint la loi aussi parce qu’il corrompt la jeunesse. Peine requise : la
mort ».
On l’accuse en somme de menacer le consensus politique de la cité dans un contexte de grande fragilité
par son comportement hors norme.

Qui le juge ? Dans quelles conditions ?


A l’ Héliée composée de 500 juges, les débats durent sans doute toute une journée, et ils ont lieu en
public : nos sources évoquent des groupes de soutiens, ou de supporters.

Quel est le verdict ?


Au terme des plaidoiries, on procède à un premier vote. Les 500 juges se prononcent par une trentaine de
voix d’écart en faveur de la culpabilité de Socrate. Rien n’est encore joué, car il appartient ensuite au
tribunal de voter une peine. Si Socrate est raisonnable dans la proposition de sa contre peine, il peut sans
doute s’attirer la clémence du tribunal. C’est à ce moment-là qu’il fait de la provocation, adoptant ce
qu’on appellerait aujourd’hui une stratégie de rupture, affirmant avec ironie qu’il est un bienfaiteur de la
cité, refusant donc les règles de l’éloquence judiciaire. Cela cause sa perte : le second vote tranche plus
nettement (80 voix) pour la peine de mort (la ciguë).

Pourquoi une telle sévérité ?


Ce qui compte pour les Athéniens est moins la philosophie de Socrate que ses mœurs, ses attitudes et
surtout ses fréquentations oligarchiques qui plaçaient Socrate dans le camp des adversaires de la
démocratie, comme Critias qui a fait partie des Trente tyrans et a fomenté le renversement de la
démocratie en -411.

Conclusion sur le procès


Socrate est pleinement un dissident : « je n’ose pas en public, m’avançant dans vos grandes assemblées,
délibérer avec vous des affaires de la cité » lit-on dans l’Apologie. Il se maintient donc prudemment à
l’écart de la démocratie. Mais en même temps, dans le Gorgias, Socrate se présente ainsi : « parmi mes
contemporains, je suis le seul qui fasse de la politique ». Seul le savoir peut fonder la vraie politique.
Pour Socrate et Platon, la démocratie directe se fonde sur des passions populaires pouvant être
manipulées par un démagogue, précisément parce qu’elle ne repose pas sur le savoir.

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Thème 1 : Comprendre un régime politique : la démocratie

Démocratie directe : exercice direct de la souveraineté par le peuple.

Carte 1 p28 « le monde grec au V° siècle av. J.C., des modèles politiques en confrontation »
Bilan sur l’expérience démocratique athénienne

La démocratie athénienne est directe mais complétée par des mécanismes de représentativité. Y faire de la
politique (Politikos : relatif à l’organisation et l’exercice du pourvoir) n’est pas un métier mais une liberté,
les citoyens font de la politique aussi bien à l’Ecclésia, seul organe de démocratie directe, qu’à la Boulè et
l’Héliée, organes représentatifs avec tirage au sort ce qui exclut la formation d’une classe politique
dirigeante fondée sur la naissance ou le mérite. La pérennité du système repose sur des « experts »,
esclaves publics qui forment une administration stable et connaissant les rouages institutionnels. Mais ils
n’ont aucun pouvoir décisionnel.
Ainsi, la souveraineté (pouvoir) de la cité s’incarne dans les citoyens seuls qui n’ont pas de compétences
particulières à l’exercice du pouvoir. Les Athéniens séparent le pouvoir et le savoir ce qui permet la mise
en oeuvre de la démocratie directe.
Toutefois, l’accès à la citoyenneté est limité, le système démocratique est constamment critiqué et la
liberté individuelle n’est pas considérée. De plus l’expérience démocratique athénienne reste limitée dans
le temps (de 507 av. J.C. à 322 av. J.C.) et dans l’espace. Néanmoins, cette construction unique va
connaître une postérité durable notamment en Europe occidentale.

2) Participer ou être représenté : Benjamin Constant


Axe 1 p24 « Les expériences démocratiques »

2.1) Le mythe de la démocratie athénienne

Lors de la Renaissance du XVI° siècle, les références à l’Antiquité idéalisée refleurissent et l’idéal
démocratique se développe en Europe. Seul le royaume d’Angleterre avait déjà envisagé une limitation
des pouvoirs du monarque. En 1215, la Magna Carta donne aux barons anglais des prérogatives nouvelles,
limitant la centralisation du pouvoir royal et établissant une monarchie limitée ; au sein du christianisme,
l’élection de l’abbé dans les monastères, ou l’élection du pape à Rome, s’organisent librement. Seule
expérience de démocratie directe, plusieurs villes suisses décident, dès le XV° siècle, l’assemblée des
citoyens plusieurs fois par an.

2.2) Penser et pratiquer la démocratie représentative

Les démocraties occidentales sont nées de révolutions remettant en cause la monarchie absolue et
instaurant le principe d’égalité des droits. Après deux révolutions, le royaume d’Angleterre met en place le
premier régime démocratique garantissant les libertés fondamentales. Deux textes protègent désormais
les principes démocratiques. L’Habeas Corpus fixe l’interdiction des arrestations arbitraires en 1679 et la
Déclaration des Droits (Bill of Rights) donne des pouvoirs au Parlement qui limitent ceux du souverain à
partir de 1689. Forts de ces évolutions, des philosophes comme John Locke ou des juristes comme
Montesquieu ou Hobbes s’interrogent sur le rôle de l’État dans sa relation aux citoyens.
Un siècle plus tard en 1776, la création des États-Unis d’Amérique s’élabore sur le modèle démocratique
et instaure une république tandis que la Révolution française célèbre la souveraineté nationale en 1789.
Elle encadre les droits et les libertés fondamentales du citoyen (Déclaration des droits de l’homme et du
citoyen) et abolit les privilèges de la noblesse et du clergé.
Depuis l’épisode révolutionnaire, la France tout au long du XIX° siècle multiplie les régimes et les
constitutions, en tentant de concilier participation et représentation.

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Thème 1 : Comprendre un régime politique : la démocratie

2.3) Benjamin Constant, la passion démocratique

Gravure 5 p34 « Benjamin Constant occupe la tribune »


Benjamin Constant est un penseur, écrivain et homme politique (1767-1830) suisse naturalisé français en
1790. Il est fervent républicain sous le Directoire et fait partie Tribunat sous le Consulat mais il en est
écarté par Bonaparte qui le considère trop critique. Il devient alors le représentant de l’opposition libérale.
Napoléon de retour de l’île d’Elbe l’appelle pour écrire une constitution : les Cent-Jours. Critique à l’égard
de la Restauration et des Ultras, il est élu député de la Sarthe en 1819 et s’oppose à toutes les lois bridant
les libertés individuelles et collectives (dont la liberté de la presse) votées sous Louis XVIII et Charles X. Il
soutient les Trois Glorieuses et l’avènement de Louis-Philippe.

Dossier p32-35 « Participer ou être représenté : Benjamin Constant »

Dans son ouvrage, De la Liberté des Anciens comparée à celle des Modernes, paru en 1819 sous la
monarchie constitutionnelle de Louis XVIII, Benjamin Constant revient sur la notion de liberté telle qu’elle
est pensée par les Anciens, notamment à Athènes au Ve siècle d’avant notre ère. Elle recouvre alors le
champ politique : le peuple athénien est libre car il n’est pas gouverné par un tyran. Il participe à la vie
politique de la cité, élabore les lois, les exécute et les fait respecter. En cela il est libre parce qu’il est
souverain. Mais Benjamin Constant souligne que les libertés individuelles et collectives si chères aux
Modernes sont des notions absentes de la pensée ancienne puisque l’individu et son épanouissement
disparaît au profit de celui du corps civique et de la cité. Un canevas de principes religieux, juridiques et
culturels circonscrit le libre arbitre des Anciens et les oblige à penser le collectif comme principe premier.
Leur responsabilité personnelle est même engagée dans le fonctionnement collectif et tout comportement
hétérodoxe peut engendrer une punition divine sur l’ensemble de la cité.

Ainsi, la liberté résonne différemment pour les Modernes. Il s’agit de trouver les conditions d’un
épanouissement individuel au sein de la cité grâce à l’existence d’un Etat de droit qui protège les libertés
fondamentales (libertés d’opinion, d’expression, de presse, de réunion, de conscience, de culte, de
propriété, de sûreté, de circuler, d’entreprendre). Le libéralisme de Constant se déploie dans les sphères
économiques et politiques, et prône un individualisme qui n’est pas de l’indifférence à l’égard du collectif.
Puisque, selon Constant, chaque individu a besoin pour son épanouissement personnel d’un cadre
politique stable, paisible, protecteur et libre. Selon lui, c’est la démocratie libérale qui est le régime le
plus à même d’y répondre.
Démocratie libérale : système politique dans lequel les mécanismes démocratiques sont mis au service de
la promotion des libertés individuelles.

Afin de mener à bien cette quête individualiste, les Modernes ne peuvent s’engager avec autant d’énergie
et de temps dans les instances politiques que les Anciens. C’est pourquoi Constant milite dans cet ouvrage
pour une démocratie représentative dans laquelle le citoyen délègue sa puissance politique à des
représentants sur lesquels il doit exercer une vigilance forte et un contrôle assidu. Il ne s’agit pas d’une
délégation aveugle et passive de sa souveraineté mais une délégation active et critique auprès d’un
homme politique dont le temps sera consacré à l’exercice de cette haute fonction, au nom de la volonté
générale, pour le bien commun.
Démocratie représentative : Régime dans le quel le pouvoir est attribué par le peuple à des représentants
qui l’exercent en son nom. Le pouvoir législatif est exercé par des élus au parlement, le pouvoir exécutif est
exercé par le gouvernement et son chef.

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