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SPÉCIALITÉ

HISTOIRE-GÉOGRAPHIE
GÉOPOLITIQUE
PROGRAMME

&SCIENCESPOLITIQUES

LIVRE DU PROFESSEUR
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, édition 2019.

Nous vous rappelons qu’il est destiné à un usage strictement personnel.

Il ne peut ni être reproduit ni être mutualisé sur aucun site (site
d’établissement, site enseignant, blog ou site de peer to peer), même à
titre grâcieux.

Deux raisons principales :

Éviter de rendre le fichier accessible aux élèves dans les moteurs de
recherche.

• Respecter pleinement le droit d’auteurs : en effet, l’ensemble des

guides pédagogiques et livres du professeur mis à votre disposition sont des
œuvres de l’esprit protégées par le droit de la propriété littéraire et
artistique.

Nous vous rappelons que selon les articles L 331-1 et L 335-4 du Code de la
propriété intellectuelle, toute exploitation non autorisée de ces œuvres constitue
un délit de contrefaçon passible de sanctions de natures pénale et civile, soit
trois ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende.
 LIVRE DU PROFESSEUR

1
HISTOIRE-GÉOGRAPHIE re

GÉOPOLITIQUE
PROGRAMME 2019

& SCIENCES POLITIQUES SPÉCIALITÉ

ACQUÉRIR DES CLÉS DE COMPRÉHENSION DU MONDE CONTEMPORAIN

Directeurs d’ouvrage
Anne Gasnier Michaël Navarro
Agrégée de géographie Agrégé d’histoire
Lycée Marguerite-Yourcenar, Le Mans (72) ESPÉ de l’académie de Lyon
Université Lyon 1 (69)
Fanny Maillo-Viel
Agrégée de géographie Henri Simonneau
Lycée Christophe-Colomb, Sucy-en-Brie (94) Agrégé d’histoire, professeur en CPGE
Lycée Marcelin-Berthelot,
Saint-Maur-des-Fossés (94)

Auteurs
Franciane Allaire
Agrégée d’histoire-géographie
Lycée Albert-Châtelet, Douai (59)
Lise Battais
Agrégée d’histoire-géographie
Lycée Lucie-Aubrac, Bollène (84)
Valérie Bodineau
Agrégée d’histoire-géographie,
ESPÉ de l’académie de Nantes (44)
Riselaine Chapel
Agrégée d’histoire-géographie
Lycée Aimé-Césaire, Clisson (44)
Thomas Deguffroy Nicolas Marichez
Agrégé d’histoire-géographie Agrégé d’histoire-géographie
Lycée Guy-Mollet, Arras (62) Lycée Anatole-France, Lillers (62)
Julien Dochez Ugo Rollin
Agrégé de sciences économiques
Agrégé d’histoire,
et sociales (SES), CPGE
Lycee Henri-Wallon, Valenciennes (59)
Lycée La Folie-Saint-James,
Géraldine Féaux Neuilly-sur-Seine (92)
Agrégée d’histoire
Lycée Robert-Garnier, La Ferté-Bernard (72)
Ludovic Vandoolaeghe
Agrégé d’histoire-géographie
Thomas Gangneux Lycée Robespierre, Arras (62)
Agrégé de géographie,
professeur en CPGE
Lycée Descartes, Tours (37)
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Histoire-Géographie, Géographie & Sciences politiques de 1re - édition 2019.
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trois ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende.
 SOMMAIRE

INTRODUCTION 4

THÈME 1 COMPRENDRE UN RÉGIME POLITIQUE : LA DÉMOCRATIE 12

Introduction La démocratie, les démocraties : quelles caractéristiques aujourd’hui ? 13
Axe 1 Penser la démocratie : démocratie directeet démocratie représentative 19
Axe 2 Avancées et reculs des démocraties 25
Objet de travail conclusif L’Union européenne et la démocratie 32
Méthodes Bac 39

THÈME 2 ANALYSER LES DYNAMIQUES DES PUISSANCES INTERNATIONALES 44

Introduction Les caractéristiques de la puissance à l’échelle internationale aujourd’hui 45
Axe 1 Essor et déclin des puissances, un regard historique 50
Axe 2 Formes indirectes de la puissance : une approche géopolitique 56
Objet de travail conclusif La puissance des États-Unis aujourd’hui 65
Méthodes Bac 75

THÈME 3 ÉTUDIER LES DIVISIONS POLITIQUES DU MONDE : LES FRONTIÈRES 80

Introduction Les frontières dans le monde d’aujourd’hui 81
Axe 1 Tracer des frontières, approche géopolitique 88
Axe 2 Les frontières en débat 95
Objet de travail conclusif Les frontières internes et externes de l’Union européenne 101
Méthodes Bac 108

THÈME 4 S’INFORMER : UN REGARD CRITIQUE SUR LES SOURCES ET MODES

DE COMMUNICATION 112
Introduction Comment s’informe-t-on aujourd’hui ? 113
Axe 1 Les grandes révolutions techniques de l’information 117
Axe 2 Liberté ou contrôle de l’information : un débat politique fondamental 123
Objet de travail conclusif L’information à l’heure d’Internet 129
Méthodes Bac 136

THÈME 5 ANALYSER LES RELATIONS ENTRE ÉTATS ET RELIGIONS 140

Introduction États et religions aujourd’hui 141
Axe 1 Pouvoir et religion : des liens historiques traditionnels 145
Axe 2 États et religions : une inégale sécularisation 150
Objet de travail conclusif État et religions en Inde 158
Méthodes Bac 165
 INTRODUCTION
Comme le souligne le programme, « l’enseignement de
spécialité d’histoire-géographie, géopolitique et sciences
politiques développe une approche pluridisciplinaire qui, pour
analyser et élucider la complexité du monde, mobilise plusieurs
points de vue, des concepts et des méthodes variés. Cette
spécialité permet aux lycéens de mieux maîtriser les spécificités
des approches disciplinaires et de mesurer, à l’occasion du
traitement d’un thème, leur féconde complémentarité. »
L’introduction est donc l’occasion de définir les spécificités
de ces disciplines, en partant des prérequis des élèves en
histoire et en géographie, et en les initiant aux particularités
des deux disciplines qui leur sont inconnues : la géopolitique
et la science politique.
Même si, pour des raisons liées au programme et à la lisibilité
dans le manuel, les disciplines sont présentées l’une après l’autre,
les liens qu’elles entretiennent sont forts. La géopolitique
est une branche de la géographie qui étudie les rivalités et
les enjeux de pouvoir entre les territoires. En France, c’est le
géographe Yves Lacoste qui marque cette filiation en publiant
en 1976 un ouvrage retentissant : La géographie, ça sert d’abord
à faire la guerre. Il y montre l’importance des acteurs politiques
dans toute réflexion sur l’espace, et a été suivi de nombreux
livres sur le sujet. Mais l’étude des territoires et des relations qu’ils
entretiennent entre eux est aussi le résultat du passé des sociétés
4 INTRODUCTION
et de leurs mutations sur l’espace. L’histoire d’un territoire est
perceptible dans les paysages. La connaissance historique
est donc indispensable à la géographie pour comprendre les
territoires. Et, à l’inverse, la connaissance géographique est
nécessaire à l’histoire. D’ailleurs l’historien Fernand Braudel
a créé la géohistoire qui étudie la construction des espaces
sur une longue durée. Enfin, le jeu des acteurs, notamment
des acteurs publics, à toutes les échelles est au cœur de la
démarche géographique et géopolitique. La connaissance de
la science politique est donc précieuse à la géographie (et à
la géopolitique) pour comprendre les actions des acteurs sur
les territoires, tout comme la connaissance géographique (et
géopolitique) est utile à la science politique pour comprendre
les conséquences des décisions des acteurs sur leurs territoires.
Or, l’appréhension de ces jeux d’acteurs est le fruit de l’évolution
de leurs rapports sur le temps long.
Une approche pédagogique intéressante pour conduire
la partie introductive du programme peut reposer sur une
présentation rapide des matières à partir des pages 18 à 25,
et d’une mise en pratique à travers un exemple sur lequel
l’élève appliquera la démarche historienne, géographique,
géopolitique et politiste. Les exemples possibles sont variés :
les inégalités de genre, les relations entre deux États (États-
Unis/Russie…), une religion, etc.

L’HISTOIRE p. 18-19
Cette double page introductive a pour vocation de présenter
une des disciplines qui participe à cet enseignement de
spécialité : l’histoire. Si les élèves la pratiquent depuis l’école
primaire, il s’agit ici de leur rappeler comment l’historien
acquiert la connaissance de ce passé et par quels moyens il
peut transmettre ce qu’il a appris. Quatre axes sont donnés
par le programme (la trace, l’archive, le témoignage, le récit)
et donnent donc lieu ici à quatre parties distinctes, que le
professeur peut aborder successivement dans cet ordre ou
de manière différente. Une séance d’une heure suffit à fixer
ces bases avec les élèves de première générale.
❚❚ A / É tudier les traces laissées par les hommes
au fil du temps
La première source dont disposent les historiens est celle de
la trace, l’empreinte laissée par les hommes à une époque
donnée. Il est important pour le professeur d’insister sur la
diversité de ces traces, qu’elles soient des monuments, des
œuvres d’art ou des objets du quotidien. Il convient également
de montrer que, pour certaines périodes ou régions du monde,
peu d’éléments nous sont parvenus. On peut aussi expliquer
aux élèves le problème des cités habitées depuis des siècles,
voire des millénaires, où l’on a réutilisé les matériaux d’époques
précédentes et donc détruit ou modifié beaucoup de traces.
Les documents :
-- Le doc. 1 est un tesson d’ostracisme contre Thémistocle,
conservé au musée de l’Agora d’Athènes. Les élèves ont
déjà abordé la citoyenneté athénienne en seconde et donc
parlé de l’ostracisme. Il est toutefois bon de vérifier qu’ils s’en
rappellent la signification. Il s’agit d’un vote de l’Ecclésia qui
mène à l’exil d’un citoyen pendant dix ans afin de protéger
la démocratie athénienne. Thémistocle (524-459 av. J.-C.)
était un stratège athénien qui fut le héros de Salamine en
480. Il a été ostracisé en 471. Ce tesson atteste des traces
laissées par la démocratie athénienne en dehors de ses
célèbres monuments.
-- Le doc. 2 est une photo des restes de l’abbaye vendéenne
de Maillezais, qui fait l’objet d’une campagne de fouilles par
le ministère de la Culture durant l’été 2019. L’objectif est de
montrer que l’histoire continue de s’écrire, que l’on cherche
toujours de nouvelles traces, de nouvelles informations, sur
le passé, même dans une France dont l’histoire peut nous
paraître bien connue.
❚❚ B / Analyser les archives
Les hommes ont aussi laissé des traces écrites de leur histoire,
que ce soit des livres de comptes, des carnets de voyage, des
traités de paix, des actes notariés ou des lettres personnelles.
Les archives sont des documents sources, qui datent de l’époque
étudiée, mais dont la fiabilité doit toujours être discutée. Le
professeur peut ainsi décider d’expliquer à l’oral un exemple
précis. Cela pourrait être deux points de vue sur un même
événement, comme sur les croisades que les élèves ont étudiées
en seconde.
Le professeur peut également tirer profit de la visite du site des
archives nationales : www.archives-nationales.culture.gouv.fr
Bibliographie
Bailey Roderick, Les voies oubliées du débarquement, personne
ne peut mieux raconter l’histoire que ceux qui y étaient, Ixelles
éditions, 2014.
Demoule Jean-Paul, Giligny François, Le Hoerff Anne et Schnapp
Alain, Guide des méthodes de l’archéologie, La Découverte,
3e édition enrichie, 2009.
Djindjian François, L’archéologie, théories, méthodes et
reconstitutions, 2e édition, Armand Colin, 2017.
Levi Primo, Le devoir de mémoire, Éditions Mille et une nuits, 1997.
Prost Antoine, Douze leçons sur l’histoire, Seuil, 1996.
Ricœur Paul, La mémoire, l’histoire, l’oubli, Seuil, 2000.
Ricœur Paul, Temps et récit, t. 1, 2 et 3, Livre de poche, 1991.
Veyne Paul, Comment on écrit l’histoire, Point Seuil, 1978.
Les documents :
-- Le doc. 3 est une photo d’une partie des Archives nationales
à l’hôtel de Soubise à Paris. L’objectif est d’amener les élèves
à prendre conscience de la quantité de documents que cela
représente. Au professeur ensuite d’expliquer tout ce qui est
archivé, à travers des exemples précis. On peut également
parler des archives privées qui contribuent, elles aussi, à la
compréhension de la grande Histoire.
-- Le doc. 4 présente une page d’un cahier de doléances de
la commune de Méobecq, dans l’Indre. L’objectif n’est pas
de pouvoir lire ce qui est écrit, mais de rappeler ce qu’est ce
document étudié en première dans le cadre du programme
d’histoire de tronc commun. Et d’expliquer en quoi ces
archives locales sont intéressantes pour les historiens (dans
une très bonne classe, on pourrait aborder la microstoria).
❚❚ C / Prendre en compte les témoignages laissés
par les acteurs et les étudier
L’historien s’appuie aussi sur des témoignages, qui peuvent
avoir été consignés dans des carnets ou dans des lettres, ou
enregistrés sur des supports sonores, vidéos ou numériques
plus récemment. Un témoignage n’est pas objectif, c’est un
regard porté sur un événement, un ressenti également.
Les documents :
-- Le doc. 5 est un extrait d’une lettre de Dreyfus adressée
à la marquise Visconti. Ce témoignage est intéressant car il
nous aide à comprendre ce que Dreyfus pense de la politique,
en s’éloignant (juste un peu) des accusations honteuses
dont il a fait l’objet. Cette lettre n’a été publiée qu’en 2017 :
il est judicieux de le faire remarquer aux élèves. Et de leur
faire saisir l’importance des lettres personnelles dans la
compréhension de l’Histoire.
-- Le doc. 6 est une capture d’écran du site du Centre
d’histoire de la résistance et de la déportation de Lyon,
installé sur le site de l’ancienne Gestapo, rue Berthelot. Ce
document a pour but de montrer aux élèves l’enjeu que
représente la sauvegarde des traces laissées par les témoins
d’événements contemporains. Il ne faut pas que la mémoire
s’efface avec le décès des derniers protagonistes. Ainsi, les
5

anciens résistants et déportés sont de moins en moins
nombreux à pouvoir venir témoigner dans les classes de
ce qu’ils ont vécu. Leurs voix, leurs images, maintiendront
ce souvenir pour les générations futures.
❚❚ D / Faire vivre l’histoire par le récit
Raconter un événement historique est au cœur des pratiques
pédagogiques. C’est aussi ce qui plaît le plus aux élèves : les
anecdotes, les péripéties, mettent du piment dans un cours.
Le professeur présentera la diversité des récits qui nous sont
parvenus, des carnets de voyage des grands navigateurs aux
récits d’événements présentés à la télévision ou sur des blogs.
Il faudra bien faire comprendre aux élèves l’importance de
l’exercice d’un esprit critique face à ces sources.
Les documents :
-- Le doc. 7 est une reproduction d’une lettre envoyée par
Christophe Colomb à la couronne, pour raconter son premier
voyage vers ce qu’il croyait être les Indes (ce point a été étudié
en seconde en histoire). Il s’agit donc d’un récit historique
très personnel de l’auteur.
-- Le doc. 8 enfin est un dessin de presse de Christian Creseveur
daté de 2015 : il se moque des chaînes d’information en
continu qui parlent parfois sans ne rien dire. Le professeur
peut prendre des exemples. Ainsi lors d’un remaniement
ministériel qui ne vient pas, les journalistes meublent le vide
comme ils le peuvent (cf. en octobre 2018 après la démission
du ministre de l’Intérieur Gérard Collomb). Il s’agit là d’un
récit qui ne raconte rien, ou pas grand-chose.
❚❚ Réponses aux questions
1. À Athènes, tout citoyen, même le plus puissant, le plus riche,
peut être contraint à l’exil. Ici, Thémistocle, qui a permis la
victoire de Salamine, doit quitter la cité en 471 av. J.C. L’objectif
est de protéger la cité de tout risque d’instauration d’une
tyrannie, d’un pouvoir personnel, anti-démocratique.
2. Pour les historiens, les archives représentent une source
considérable d’informations. Beaucoup d’entre eux continuent à
étudier des documents d’époque pour comprendre une période,
analyser un événement, se représenter la vie des gens dans un
contexte donné. C’est aussi un très bon moyen de s’appuyer sur
l’histoire locale pour traiter les grands événements historiques.
3. Pendant des années, ces témoins ont rapporté leur vécu
dans les classes. Ils ont donné une réalité à des événements
épouvantables. Leur vie dans les camps par exemple regorge de
détails personnels qui font comprendre l’horreur du processus
d’extermination mis en place par les Nazis. Enregistrer leur
témoignage, c’est le conserver pour les générations futures,
c’est s’assurer qu’on ne les oublie pas.
4. Un récit peut tenter de raconter avec objectivité un
événement, et donc favoriser sa transmission aux générations
futures. Mais l’auteur a toujours un point de vue, un ressenti,
qui influence son propos. Aujourd’hui, on peut aussi parler,
raconter, sans avoir rien à dire, sans réel contenu. Il faut donc
garder un esprit critique face à tout récit. Mais beaucoup de
récits qui ne se voulaient pas « historiques » quand ils ont été
écrits le sont devenus par la suite au fil du temps.
6 INTRODUCTION
LA GÉOGRAPHIE p. 20-21
Cette double page introductive a pour vocation de présenter la
deuxième discipline au cœur de cet enseignement de spécialité :
la géographie. Si les élèves la pratiquent depuis l’école
primaire, il s’agit ici de leur rappeler comment le géographe
appréhende le monde et le représente. Trois axes sont donnés
par le programme (espace et territoire ; analyse multiscalaire ;
représentation cartographique) et donnent donc lieu à trois
parties distinctes. S’il semble nécessaire de commencer par la
définition d’espace et de territoire, le professeur peut aborder
la démarche multiscalaire et la représentation cartographique
dans l’ordre souhaité. Une séance d’une heure suffit à fixer ces
bases avec les élèves de première générale.
❚❚ A / Étudier l’espace et le territoire
La géographie vise à comprendre l’organisation des espaces,
à la fois dans des relations « verticales » entre les sociétés et les
milieux qui les portent (ex : pourquoi pratique-t-on telle mise
en valeur agricole ? pourquoi tel espace est-il urbanisé ? quelles
conséquences cette mise en valeur a-t-elle sur l’environnement ?
etc.), et dans les relations « horizontales », c’est-à-dire dans
les relations que les sociétés tissent entre elles (mobilités et
flux, conflits des acteurs, etc.). Elle ambitionne aussi de saisir
l’influence des acteurs sur les territoires, c’est-à-dire la manière
dont les hommes et les sociétés transforment, s’approprient,
parcourent, se représentent, … les espaces. L’appréhension de
la notion de territoire peut être facilitée par la comparaison avec
l’univers animal (territoire du loup, qui y chasse, le défend, le
parcourt…). L’approche géographique conduit à une démarche
critique sur les territoires. Le professeur peut donc partir des
définitions d’espace et de territoire, en insistant sur l’organisation
du premier et l’appropriation du second.
Le doc. 1 illustre la déforestation en Amazonie. L’élève peut
s’entraîner à décrire l’espace en s’appuyant sur la définition
de cette notion. Ici, il s’agit d’un espace rural, à dominante
forestière. La présence humaine est perceptible par les tâches
orange qui témoignent de la mise à nu du sol lors des opérations
de défrichement.
Le doc. 2 est un dessin de presse représentant la politique anti-
migratoire de l’Union européenne. L’UE devient un territoire
vécu, convoité et défendu par ses États membres, face à des
migrants figurés par la petite embarcation.
❚❚ B / Représenter le monde par les cartes
L’outil privilégié du géographe est la réalisation et l’analyse des
cartes, même si les géographes n’en ont pas l’exclusivité. Les
cartes tiennent en effet une place croissante dans la presse et
dans l’édition, et ne sont plus réservées aux seuls géographes.
On ne compte plus les collections d’atlas spécialisés (par thème,
par aire géographique…) et chaque fin d’année civile est
l’occasion pour les éditeurs et les grands médias de publier
des ouvrages présentant, à travers des cartes, la situation
géopolitique du monde. Leurs auteurs sont désormais connus
du grand public (Pascal Boniface, Christian Grataloup, Philippe
Rekacewicz, Franck Tétart…). Malgré, ou en raison de, ce succès
grandissant de la représentation cartographique, un regard
critique s’impose et des clés de lectures cartographiques sont
nécessaires. Or, c’est l’approche géographique qui permettra

Bibliographie et sitographie
Battistoni-Lemière Anne, Le Fur Anne et Nonjon Alain, Cartes
en main, Ellipses, 2013.
Claval Paul, Histoire de la géographie, PUF, 1995.
Clerc Pascal, Géographies. Épistémologie et histoire des savoirs
sur l’espace, Cned/Sedes, 2014.
Merenne-Schoumaker Bernadette, « Pour un renouveau de la
didactique de la géographie », Cybergeo : European Journal
of Geography [En ligne], Les 20 ans de Cybergeo, mis en ligne
le 16 août 2016, http://journals.openedition.org/cybergeo/27746
Robic Marie-Claire et Rosemberg Muriel (dir.), Géographier
aujourd’hui. Enseigner la géographie au collège et au lycée,
ADAPT/SNES, 2016.
http://cafe-geo.net/quest-ce-que-la-geographie-aujourdhui-r-
marconis/
de comprendre que la réalisation cartographique est le résultat
de choix. L’élève de première doit alors les identifier afin de
les justifier dans les nombreuses analyses de cartes qu’il sera
amené à pratiquer dans les cours de spécialité.
Le doc. 3, par les choix de sa construction (projection, centrage,
nature et couleurs des figurés…) et par la source utilisée,
constitue un exemple intéressant d’approche critique de la
représentation cartographique. Sa comparaison avec d’autres
cartes présentant des choix cartographiques différents forme
un exercice simple susceptible de soulever des questions et
d’apporter quelques réponses qui seront approfondies tout
au long de l’année.
❚❚ C / A
 nalyser à différentes échelles :
l’exemple des religions en Inde
La spécificité de la géographie est la pratique continue du
changement d’échelles. L’exemple des différences culturelles,
notamment religieuses, se prête particulièrement bien à la
compréhension de l’analyse multiscalaire.
Le doc. 1 montre qu’au moment où le christianisme s’étend
surtout en Europe, en Amérique et au sud de l’Afrique, l’islam,
partagé entre le sunnisme et le chiisme, domine une vaste
région de l’Afrique de l’Ouest jusqu’en Asie centrale. À cette
échelle, l’Asie est partagée entre le bouddhisme, l’hindouisme
et le shintoïsme alors que le judaïsme est concentré dans l’État
d’Israël. Enfin, l’animisme est dispersé au centre de l’Afrique et
dans les déserts humains (marges australes et arctiques). L’Asie
et l’Afrique présentent la plus grande diversité religieuse et
linguistique. Le choix de plages de couleurs met en évidence
cette hétérogénéité. L’Asie est séparée en 4 ensembles : le
Japon (japonais/shintoïsme), la Chine (mandarin/bouddhisme),
l’Asie du Sud marquée par l’hindouisme (mais aussi par l’islam
et le bouddhisme). L’Afrique présente également une grande
diversité culturelle où les religions opposent l’islam au nord et
le christianisme au sud, tandis que l’animisme persiste.
À l’échelle nationale (ici celle de l’Inde), le doc. 5 prouve que
les contrastes sont forts au sein même du pays. Si l’échelle
mondiale du doc. 1 indique que l’Inde est un pays hindouiste, il
s’avère que la part des hindouistes dans la population varie d’un
indice inférieur à 20 jusqu’à 95. Dans le Nord-Est par exemple,
la part des populations non hindouistes est supérieure à 80 %.
À l’échelle locale (doc. 6), la diversité culturelle de l’Inde
l’emporte. Même si Ahmedabad est une ville située dans une
des régions où l’hindouisme est largement dominant (plus
de 80 % de la population), les différents quartiers soulignent
la diversité comme en témoigne la juxtaposition de temples
hindou, jaïn et de mosquées.
❚❚ Réponses aux questions
1. Le doc. 1 illustre la notion d’« espace » dans la mesure où
la photographie présente un espace terrestre aménagé (ici à
travers le défrichement) par les hommes. Le doc. 2 se rapporte
davantage à celle de « territoire » car l’Union européenne y
apparaît comme un espace vécu et défendu. On peut faire
remarquer que la nuance est délicate car l’Amazonie est aussi
un territoire approprié par différents acteurs (populations
autochtones, grandes exploitations agricoles…).
2. Le doc. 6 figure un espace urbanisé, traversé par un fleuve
et disposant de quelques zones vertes, vraisemblablement des
parcs. Cet espace urbanisé est le territoire des populations qui
l’habitent : elles l’aménagent et se l’approprient comme en
témoigne le nombre important de lieux de culte.
3. Le doc. 3 utilise une projection polaire qui donne une lecture
très différente d’une projection cylindrique (doc. p. 104-105)
puisqu’il place au centre de la carte les pôles majeurs de
l’économie mondiale. Alors que la carte p. 165 est centrée sur la
Chine, ce document adopte un point de vue européano-centré,
habituel dans les ouvrages européens. Le produit intérieur
brut (PIB) qui correspond à la valeur des richesses (biens et
services) produites à l’intérieur d’un État est ici représenté
en valeurs brutes (cercles proportionnels) mais également
en valeurs relatives (figurés de surface du PIB/hab.). Le Fonds
monétaire international (FMI) constitue une source officielle
pour cet indicateur puisque cette organisation internationale
offre des statistiques comparatives, en matière économique
et financière.
4. À l’échelle mondiale, les figurés de surface (plages de couleurs
ou hachures) aident à saisir rapidement la diversité culturelle
du monde, mais ils sont simplificateurs. Il est difficile d’en
tracer les limites et ils mettent en valeur le plus souvent une
religion dominante en gommant la présence de minorités
culturelles. Ils ne montrent pas seulement les évolutions
de ces cultures : elles peuvent être métissées et muter sous
l’influence des réseaux mondiaux (diasporas). Pour saisir la
réalité culturelle de l’Inde, la confrontation des échelles est donc
indispensable. L’échelle mondiale (doc. 4) peine à rendre compte
de la complexité culturelle du pays en réduisant les réalités à
des aires religieuses. Les doc. 5 et 6 contribuent à nuancer ces
informations et donnent une lecture beaucoup plus précise
des espaces étudiés : si l’Inde est majoritairement hindouiste,
d’autres religions coexistent, parfois même à l’échelle du quartier
(Ahmedabad).
7
 LA GÉOPOLITIQUE p. 22-23
Cette double page introductive a pour vocation de présenter la
troisième discipline au cœur de cet enseignement de spécialité :
la géopolitique. Elle désigne tout ce qui concerne les rivalités
et les enjeux de pouvoir sur les territoires. La revue Hérodote,
fondée par Y. Lacoste en 1976 ainsi que l’ouvrage La géographie,
ça sert d’abord à faire la guerre ont contribué à faire de la
géopolitique une discipline à part entière en France. Le terme,
aujourd’hui entré dans le langage courant, est de plus en plus
utilisé à la place des relations internationales. La géopolitique
s’articule avec les trois autres disciplines (histoire, géographie
et sciences politiques) afin de comprendre le monde. L’analyse
géopolitique consiste à la fois à jouer sur les échelles et les
espaces, mais aussi à tenir compte des périodes historiques pour
saisir l’événement aujourd’hui. C’est pourquoi Pascal Boniface
propose de présenter la géopolitique comme « une façon de
comprendre le monde ». Cette double page permet aux élèves
de l’aborder par une méthode et des exemples : identifier les
territoires, objets de rivalités, déterminer les acteurs impliqués
à plusieurs échelles, analyser les arguments, les enjeux et les
représentations qui peuvent expliquer la rivalité.
Une séance d’une heure suffit à fixer ces bases avec les élèves
de première générale.
❚❚ A / Étudier les enjeux de pouvoir
Pendant longtemps, les relations internationales ont été réduites
à des relations interétatiques. Aujourd’hui, le champ des acteurs
s’est nettement élargi. Aux États se sont ajoutés des acteurs non-
étatiques (FTN, ONG) et d’autres supranationaux (organisations
internationales, groupes criminels). De même la mondialisation,
considérée comme nouvelle échelle du monde, a élargi les champs
de la discipline : géopolitique des ressources (pétrole, forêt,
pêche, eau, minerais), de l’environnement, de la démographie,
des diasporas, des mers et des océans, du sport. Les échelles
d’analyse sont variées comme en témoigne la Géopolitique locale
de Philippe Subra, sur le Grand Paris par exemple.
Le doc. 1 montre que les acteurs sont porteurs d’un discours qui
justifie leurs objectifs, leur point de vue sur un conflit ou leur
vision du monde. Ces représentations, parfois contradictoires,
sont à prendre en compte avec un regard critique pour analyser
Bibliographie et sitographie
Bautzmann Alexis (dir.), Atlas géopolitique mondial, Éd. du Rocher,
2018.
Brotton Jerry, Une histoire du monde en 12 cartes, Flammarion,
2013.
Boniface Pascal, La géopolitique, Eyrolles, 2018.
Giblin Béatrice, Les conflits dans le monde, A. Colin, 2016.
Loyer Barbara, Géopolitique. Méthodes et concepts, A. Colin, 2019.
Revue géopolitique en ligne : https://www.diploweb.com/
Revue Hérodote : https://www.herodote.org/
8 INTRODUCTION
une situation : il peut s’agir d’un discours ou d’une carte comme
ici. C’est par exemple à un Australien, Stuart McArthur que
l’on attribue la première carte du monde à l’envers ou, plus
justement, qui place le sud, c’est-à-dire l’Australie, en haut. Le but
est de prouver que les cartes ont plus qu’une visée scientifique.
Elles sont avant tout des images subjectives qui manipulent la
réalité en fonction de son contexte de production.
❚❚ B / Comprendre les coopérations et rivalités
sur et entre les territoires
Yves Lacoste définit la géopolitique comme l’étude des rivalités
de pouvoir ou d’influence sur des territoires et donc sur les
populations qui y vivent. Les exemples de cette rubrique tendent
à fournir une grille de lecture pour aborder la diversité de ces
coopérations et de ces rivalités. Les territoires sont considérés
ici comme constructions politiques, économiques et sociales
autonomes qui renvoient donc à des populations qui font des
choix collectifs. Cette dimension très concrète ne doit pas être
perdue de vue pour impliquer les élèves. Les rivalités peuvent
porter sur des frontières (doc. 2), des ressources (doc. 3), des
identités (doc. 4), des zones d’influence (doc. 5). Il sera possible
de distribuer un exemple à chaque groupe d’élève pour qu’il soit
présenté au reste de la classe (en s’appuyant sur des recherches
effectuées en amont du cours). Le professeur pourra privilégier
ces 4 documents d’autant plus qu’ils ne sont pas traités en tant
que tels dans le manuel.
Le doc. 2 aborde les tensions sur le Cachemire entre l’Inde et
le Pakistan. Cette région himalayenne est revendiquée par les
deux pays depuis la fin de la colonisation britannique, en 1947.
Deux ans plus tard, une ligne de cessez-le-feu a été créée, qui
partage le Cachemire en deux : l’Azad-Cachemire, au nord,
appartient au Pakistan ; au sud, le Jammu-et-Cachemire devient
un territoire indien. Mais pour Islamabad, cette partie, à majorité
musulmane, devrait lui revenir. La région est aujourd’hui la plus
militarisée du monde avec 600 000 soldats et les deux pays,
Inde et Pakistan, disposent de l’arme nucléaire. Les regains de
violence sont récurrents.
Le doc. 3 présente une coopération sur les ressources.
L’acheminement de gaz par le gazoduc Force de la Sibérie doit
commencer dès 2019. Il parcourra 3 000 kilomètres depuis le
gisement de Tchaïanda vers la Chine pour satisfaire la demande
de gaz grandissante de la Chine, qui a récemment imposé des
droits de douane de 10 % aux importations de gaz naturel
liquéfié (GNL), sur fond de guerre commerciale avec les États-
Unis. Le professeur pourra montrer que ce gazoduc russe
constitue aussi un défi géopolitique pour l’Occident.
Le doc. 4 revient sur le mouvement catalan. En octobre 2017, le
« oui » l’emportait largement au référendum d’autodétermination
mettant les militants indépendantistes sur le devant de la scène.
Mais après des arrestations, la région a été placée sous tutelle
sans pour autant mettre fin au mouvement indépendantiste.
Le doc. 5 évoque les opérations d’intimidation de la Corée du
Nord face au Japon et à son allié les États-Unis qui ont ravivé les
tensions en août 2017. Pyongyang n’a pas visé directement les
États-Unis mais a néanmoins démontré son intention de faire
aboutir son programme d’essais balistiques et, par là même,
de s’affirmer comme puissance régionale.
❚❚ C / Prendre en compte le poids de l’histoire 3. Depuis la crise ukrainienne de 2014, le terme de « guerre
Enfin, la géopolitique n’est pas strictement géographique. froide » émerge dans les médias russes et occidentaux. La
Elle intègre les apports des différentes sciences humaines, « remontée » en puissance de l’armée russe encourage l’emploi
notamment l’histoire. Celle-ci aide à comprendre les causes de ce terme pour désigner les relations entre la Russie, les
des conflits qui s’inscrivent dans des échelles de temps États-Unis et l’Union européenne. Sans forcément employer ce
variées. Souvent d’ailleurs, plusieurs éléments historiques terme, il est évident que l’histoire de la guerre froide (entre 1947
sont imbriqués, ce qui explique la complexité des différends. et 1991) est utile à la compréhension actuelle des relations entre
la Russie et les Occidentaux comme le montre la Une du Courrier
Le doc. 6 évoque les formes des rivalités actuelles entre la Russie
international de 2018. Le doc. 7 permet aussi de saisir la place
et les États-Unis : rivalité politique : lieux de pouvoir, rivalité
de la guerre froide dans les relations entre la Corée du Nord
idéologique : monuments qui symbolisent les idéologies et
et son voisin japonais de nos jours. Cependant, l’histoire n’est
les valeurs de l’URSS et des États-Unis, rivalité militaire : poids
qu’un des facteurs de compréhension des enjeux de pouvoir
des armes nucléaires, cyberpuissance. Qualifier ces rivalités
entre les États aujourd’hui, comme en témoigne le doc. 6 qui
de « nouvelle guerre froide » donne une clé d’analyse de ces
illustre un nouvel enjeu de puissance entre la Russie et les
tensions. On pourra faire remarquer aux élèves que, même
États-Unis. L’ordinateur portable en bas de l’image évoque
s’il existe d’indéniables continuités historiques, le poids de
le pouvoir de contrôle des informations et la cyberpuissance
l’histoire seul ne suffit pas à tout expliquer.
de part et d’autre (doute sur l’ingérence des Russes dans les
Le doc. 7 montre comment une cartographie de l’équilibre de la élections américaines de 2016, poids majeur des États-Unis
terreur pendant la guerre froide peut révéler la persistance des dans le cyberespionnage).
tensions entre la Corée du Nord et le Japon à l’échelle régionale,
et entre la Corée du Nord et les États-Unis à l’échelle mondiale.
LA SCIENCE POLITIQUE p. 24-25
❚❚ Réponses aux questions
1. Les États ne sont pas les seuls acteurs de la géopolitique.
Au niveau planétaire, les États peuvent rivaliser avec des La science politique consiste à étudier les processus mettant en
firmes transnationales qui, pour certaines, disposent de plus jeu des rapports de pouvoir entre les individus, les groupes, et au
de ressources financières que certains États (en juin 2019 par sein d’organisations, au premier rang desquelles on trouve l’État.
exemple, Facebook lance sa propre cryptomonnaie tandis Discipline à la fois ancienne (dès l’Antiquité Platon s’interroge
que l’UE cherche à réguler le pouvoir des GAFAM). Les États se sur la meilleure manière de gouverner la cité, doc. 1) et récente
trouvent parfois confrontés à des mafias dont les stratégies se (c’est seulement après 1945 qu’elle se sépare du droit dans les
sont mondialisées. La géopolitique s’intéresse aussi de plus en universités françaises), elle recouvre un champ d’étude vaste
plus aux acteurs régionaux et locaux : mouvements séparatistes dont les frontières ne sont pas simples à tracer. Une première
ou Régions et municipalités (ces acteurs pouvant entretenir approche de cette discipline revient à distinguer l’emploi
un rapport de force et coopérer comme dans le cas de la mise courant de « politique » de ses acceptions plus scientifiques. « La
en place du Grand Paris par exemple). politique » renvoie à l’étude de la vie politique et des stratégies
de conquête du pouvoir, principalement en démocratie. Elle
s’exerce à plusieurs niveaux (vie politique locale, nationale,
2. Des exemples de rivalités ou de coopérations entre des internationale) et accorde une place essentielle à l’étude des
acteurs géopolitiques de nature… ressorts du vote (doc. 2), de l’abstention et de toutes les formes
de participation politique. « Le politique » s’intéresse aux
….politique …..économique ….militaire caractéristiques institutionnelles des États modernes (séparation
et organisation des pouvoirs), aux rapports de force entre les
participants au jeu politique, qu’ils soient institutionnels (États,
Coopération transfrontalière Coopération Rivalité militaire
au sein de l’UE. transfrontalière au entre la Corée
gouvernements, assemblées élues comme dans le doc. 5,
sein de l’UE. du Nord et partis, syndicats) ou issus de la société civile (associations,
Rivalité territoriale entre l’Inde
le Japon. médias à l’image du doc. 4, mouvements sociaux comme dans
et le Pakistan à propos Rivalités entre l’État
du Cachemire. et des opposants Rivalité militaire
Construction d’un gazoduc politiques à propos entre le bloc Bibliographie et sitographie
entre la Chine et la Russie. du pétrole au de l’Ouest et
Soudan du Sud. le bloc de l’Est Cohen Antonin, Lacroix Bernard et Riutort Philippe (dir.),
Rivalité entre l’Espagne et
Construction d’un pendant la Nouveau manuel de science politique, La Découverte, 2009.
e mouvement autonomiste
gazoduc entre la guerre froide.
catalan. Lehingue Patrick, Le vote. Approches sociologiques de l’institution
Chine et la Russie.
Coopération entre la diaspora et des comportements électoraux, La Découverte, 2011.
indienne et l’État fédéral Coopération entre
américain. la diaspora indienne Revue française de science politique :
et l’État fédéral http://www.pressesdesciencespo.fr/fr/revues/
Rivalité idéologique entre revuefrancaisedesciencepol/
américain.
la Corée du Nord et le Japon.
Délocalisations de la Centre de recherches politiques de Science Po (anciennement
Rivalité politique entre le bloc
FTN Mattel en Chine. Centre d’étude sur la vie politique française) : https://www.
de l’Ouest et le bloc de l’Est
sciencespo.fr/cevipof/
pendant la guerre froide.

9
 le doc. 3). Elle cherche in fine à comprendre comment s’exerce travaillé et s’être acquitté de cotisations sociales. Cette prise en
le pouvoir, vu non pas telle une amulette sacrée donnant tous compte institutionnelle du chômage se double, à partir des crises
les privilèges à son possesseur, mais comme une relation pétrolières, d’une reconnaissance du chômage par l’opinion
complexe, faite de prérogatives à réaffirmer sans cesse, de publique comme un enjeu socio-économique majeur appelant
jeux d’influence, de recompositions perpétuelles. Au-delà de une prise en compte du problème par le gouvernement. Inférieur
ces distinctions contestables, la science politique ambitionne à 5 % dans les années 1970, le taux de chômage grimpe à plus
surtout de comprendre la mise sur agenda politique, c’est-à-dire de 10 % au début des années 1990 et devient un phénomène
comment les autorités se saisissent d’un problème économique structurel. D’après l’enquête Cadre de vie et sécurité de l’Insee, le
ou social (ou sont sommées de s’en saisir par l’opinion publique) chômage est continuellement resté la première préoccupation
pour légiférer, et comment les lois qui en résultent modifient des Français jusqu’en 2016, supplanté alors par le terrorisme.
la société. C’est cette étude de la politisation des faits sociaux Institutionnellement, ce surgissement de l’enjeu du chômage
qui donnent un caractère singulier à cette discipline dans le se traduit par la constitution des programmes électoraux
vaste champ des sciences sociales. autour de cette question à partir de la fin des années 1970.
Symboliquement, le ministère du Travail devient ministère de
❚❚ Réponses aux questions l’Emploi et de la Solidarité en 1997 et acquiert la première place
1. dans l’ordre de préséance des ministères.
La politisation des questions environnementales. The Limits To
« Politique »
Growth (1972), rapport du Massachusetts Institute of Technology
ce qui caractérise « La politique » « Le politique »
une activité ou ensemble des les formes du pouvoir, (MIT) commandé par le Club de Rome et plus connu sous le nom
une situation activités concernant la qui déterminent le de rapport Meadows, est publié en France sous le titre Halte à la
en lien avec la conquête et l’exercice fonctionnement et croissance ? Première étude sur les dangers pour la planète de
société et/ou son du pouvoir. l’organisation d’une société. la croissance économique et démographique, il est à l’origine
gouvernement. de l’émergence du concept de développement durable ou
soutenable, qui cherche à concilier les aspects économiques,
La défense de En France, le président En France, le président
sociaux et environnementaux du développement, tel que
l’environnement de la République de la République est élu
est devenue une est élu au suffrage au suffrage universel
défini sous l’égide de l’ONU par le rapport Brundtland (Notre
priorité face au universel dans sa dans sa dimension de avenir à tous, 1987). Sur la base de ces rapports, les autorités
changement dimension de mode caractéristique des régimes publiques vont progressivement inscrire à l’agenda politique
climatique car de scrutin permettant présidentiels ou semi- la problématique du développement durable : sommets de la
l’environnement l’accès au pouvoir. présidentiels. Terre à Rio en 1992, à Johannesburg en 2002 et 2012, mise en
ne devient que L’abstention se L’abstention se développe place d’une convention cadre annuelle des Nations unies sur
progressivement développe dans dans les démocraties les changements climatiques depuis 1995 (COP). En France, la
un phénomène les démocraties dans sa dimension prise en compte de la question environnementale par la sphère
politique depuis dans sa dimension d’affaiblissement du politique s’exprime dès 1971 avec la création du ministère de
le rapport de caractéristique contrôle social et des l’Environnement, en 1974 avec la première candidature d’un
Meadows (1972) nouvelle des élections relations individuelles à la écologiste à l’élection présidentielle, en 1984 avec la création
et le rapport modifiant les démocratie participative.
Brundtland
du parti Les Verts, puis sa transformation en Europe Écologie
stratégies électorales L’autorité de l’État s’exerce
(1987). Les Verts en 2010. Selon une enquête Sofres-One Point pour
des partis politiques. sur l’ensemble du territoire RTL/Le Figaro/LCI de 2018, près d’un Français sur trois considère
+ toutes les autres Aux élections français, territoires
propositions qui que la protection de l’environnement doit devenir une priorité
présidentielles de ultramarins compris car
peuvent être de l’action gouvernementale.
2016, Hillary Clinton a cette reformulation de
qualifiées de obtenu plus de deux l’article 5 de la Constitution La politisation de l’interruption volontaire de grossesse.
phénomènes millions de bulletins de 1958 définit le périmètre Au début du xxe siècle, en France, l’avortement est réprimé
politiques. de vote que son d’action du pouvoir exécutif socialement, condamné par la religion catholique dominante
adversaire, Donald incarné par le président. dans les croyances, interdit par la loi et passible de plusieurs
Trump, pourtant élu La première forme de années d’emprisonnement. Pourtant, d’après Israel NISAND,
président. démocratie est née à Luisa Araujo-Attali et Anne-Laure Schillinger-Decker (L’IVG, PUF,
Athènes, dans l’Antiquité car 2012), 500 000 avortements clandestins se déroulent chaque
il s’agit de la première forme année, causant 300 décès maternels du fait des conditions
d’organisation des pouvoirs d’hygiène précaires des opérations et des techniques employées
dans une démocratie. (usage d’aiguilles à tricoter pour ouvrir le col de l’utérus,
insertion vaginale de pastilles de soude, etc.). À partir des
années 1950 se multiplient les mouvements de revendication
2. pour légaliser l’avortement afin d’instaurer un encadrement
La politisation du chômage. La catégorie des chômeurs est médical et réduire les pertes humaines. À ces préoccupations
relativement récente. En France, d’après les travaux de Robert sanitaires s’ajoutent des questions d’égalité (puisque les femmes
Castel, Nicolas Baverez et Bénédicte Reynaud (L’invention du les plus fortunées vont avorter à l’étranger) et l’aspiration de
chômage, PUF, 1986), elle n’a pu apparaître qu’après l’invention nombreuses femmes à contrôler leur fécondité pour des raisons
et la généralisation du salariat au xixe siècle, et plus encore après personnelles ou professionnelles (ce qui devient possible en
1945 et la mise en place de la Sécurité sociale. Le chômeur relève 1967 avec la légalisation de la contraception, confirmée par
alors d’une catégorie administrative qui lui donne droit à des la loi Neuwirth de 1972). Plusieurs évènements débordent
indemnités compensatrices à condition d’avoir précédemment alors sur la sphère publique et contribuent à faire évoluer

10 INTRODUCTION
l’opinion publique : Le Nouvel Observateur publie en 1971 la
liste des 343 Françaises (doc. 4) qui ont le courage de signer
le manifeste « Je me suis fait avorter » (certaines anonymes,
d’autres très connues comme Simone de Beauvoir, Catherine
Deneuve, Marguerite Duras, Jeanne Moreau, Françoise Sagan,
Agnès Varda), puis, en 1973, le manifeste des 331, signé par
des médecins reconnaissant avoir pratiqué des avortements
malgré l’interdiction légale ; en 1972, au procès de Bobigny,
cinq femmes sont jugées pour complicité ou pratique de
l’avortement après le viol de la plus jeune d’entre elles. Ces
évènements ont un retentissement considérable et conduisent
les hommes et les femmes politiques à prendre position sur la
question de l’avortement. Après le procès de Bobigny, le ministre
de la Justice donne consigne au Parquet de ne plus poursuivre
les avortements et un premier texte dépénalisant l’avortement
est déposé. C’est en 1974 que Simone Veil, ministre de la Santé,
est chargée de préparer le projet de loi sur la légalisation de
l’avortement (doc. 5). Le vote fait l’objet d’âpres débats, mais
la loi est adoptée par l’Assemblée nationale le 29 novembre
1974, puis confirmée au Sénat. D’après un sondage de l’IFOP
en 2014, 75 % des Français se disent favorables à l’IVG sans
restriction, contre seulement 48 % en 1974.
Autres exemples : la revendication du droit de vote pour les
femmes (doc. 1), de droits civiques pour les Noirs dans les années
1960 aux États-Unis, la question des enjeux de la construction
européenne depuis 1957 (traité de Rome) et plus encore après
1992 (traité de Maastricht), l’émergence de la prise en compte
politique des revendications des Gilets Jaunes (doc. 2), etc.
11
 THÈME Comprendre un régime
1 politique : la démocratie
OUVERTURE p. 26-27
❚❚ Introduction
Le premier thème du programme cherche à « comprendre
un régime politique : la démocratie ». En effet, la notion de
démocratie est à la fois très familière aux élèves du lycée, mais
aussi complexe et déclinée de façon différente en fonction
des pays et des cultures politiques. Ainsi, ce sujet d’étude
a un double objectif : réfléchir sur le régime politique dans
lequel les élèves vivent et découvrir d’autres conceptions de
la démocratie, voire l’absence de démocratie. De même, il est
important de donner une dimension historique à la réflexion
pour retracer les évolutions de la démocratisation ainsi que ses
limites. L’introduction propose quelques éléments essentiels
à la compréhension des principes démocratiques : d’une part
des textes fondamentaux, comme la Déclaration universelle
des droits de l’homme (p. 32) et une mise en pratique dans la
Constitution de la Ve République (p. 33). L’étude de la démocratie
américaine (p. 34-35) puis la comparaison entre Corée du Sud
(p. 36) et Corée du Nord (p. 37) doivent permettre d’élargir les
horizons des élèves. La question de l’abstention (p. 38-39) est
aujourd’hui fondamentale dans de nombreuses démocraties,
anciennes ou récentes.
Qu’est-ce qu’une démocratie ?
Le terme de « démocratie » (du grec ancien dêmos, « peuple »
et kratein, « commander ») désigne un régime politique dans
lequel la souveraineté appartient au peuple. Selon la célèbre
formule d’Abraham Lincoln, la démocratie est « le gouvernement
du peuple, par le peuple, pour le peuple ». Cependant, cette
définition large laisse une place importante à l’interprétation
de la notion de « gouvernement du peuple ». Ainsi, il n’existe
pas de définition stricte de la démocratie, mais d’innombrables
variantes. De même, il faut faire la distinction entre « peuple » et
« citoyen ». La citoyenneté n’est pas nécessairement accordée
à l’ensemble de la population.
Le premier axe souhaite insister sur la distinction fondamentale
entre « démocratie directe » et « démocratie représentative ».
Si ces deux acceptions existent aujourd’hui, la seconde est
la plus répandue. Elle s’est développée au terme d’un long
processus qui commence dans l’Antiquité (p. 46 et 47) pour
aboutir à la réflexion de Benjamin Constant sur la notion de
« représentation » dans le texte « liberté des Anciens, liberté
des Modernes ».
12 Thème 1 • Comprendre un régime politique : la démocratie
Bibliographie
Guénard Florent, La démocratie universelle, philosophie
d’un modèle politique, Seuil, 2016.
Müller Jan-Werner, Difficile démocratie. Les idées politiques
en Europe au xxe siècle 1918-1989, Alma, 2013.
Rancière Jacques, La haine de la démocratie, La Fabrique, 2005.
Rosanvallon Pierre, La démocratie inachevée. Histoire
de la souveraineté du peuple en France, Gallimard, 2003.
Sitographie
https://www.coe.int/fr/web/world-forum-democracy/
Le site du World Forum for Democracy
https://laviedesidees.fr/+-Reinventer-la-democratie-+.html
Le second axe cherche à souligner les « forces et les fragilités de
la démocratie au travers de ses avancées et de ses reculs dans
l’histoire ». Trois jalons sont évoqués : tout d’abord la pensée
d’Alexis de Tocqueville sur « la tyrannie de la majorité » et « le
despotisme démocratique » (p. 60-61) ; la défaite du projet
démocratique chilien sous Salvador Allende (p. 62-67) ; enfin, la
transition démocratique au Portugal et en Espagne entre 1974
et 1982. L’objet de travail conclusif envisage d’évoquer les débats
autour de la démocratie à l’échelle de l’Europe, comprendre son
fonctionnement, entre démocratie représentative et démocratie
déléguée, mais aussi les remises en question depuis le traité
de Maastricht en 1992.
❚❚ Choix des documents d’ouverture
Le doc. 1 est une photographie saisissant le moment où Simone
Veil, candidate de l’Union pour la démocratie française (UDF),
vote lors des premières élections européennes au suffrage
universel direct en juin 1979. C’est un moment important de
la démocratie européenne, car l’objectif est d’impliquer le plus
possible les citoyens dans la vie politique et les institutions
européennes. Lors de cette élection, le taux de participation
est légèrement supérieur à 60 %. C’est un enjeu fondamental
pour la Communauté économique européenne, puis l’Union
européenne, de faire participer un grand nombre de citoyens
afin qu’ils adhèrent au projet européen. La photographie en
doc. 2 a été prise lors de manifestations pour la mise en place
de réformes démocratiques en République démocratique
d’Allemagne, en novembre 1989. L’Allemagne de l’Est connaît
alors un profond désir de changement. Les premiers grands
rassemblements commencent en septembre et se répètent
tous les lundis (d’où le terme de Montagsdemonstrationen,
« manifestations du lundi »). Les mots d’ordre sont les suivants :
la tenue d’élections libres, la liberté de la presse, et plus
largement le processus de démocratisation soutenu par le
parti Neues Forum. Ces aspirations à une transformation en
profondeur de la vie politique connaissent alors un tournant
avec la chute du mur de Berlin le soir du 9 novembre 1989 et
le rattachement à la République fédérale d’Allemagne.
THÈME 1
INTRODUCTION
La démocratie, les démocraties :
quelles caractéristiques aujourd’hui ?
REPÈRES 1
Les principes de la démocratie
de l’Antiquité à nos jours p. 28-29
❚❚ P
 résentation des documents et des liens
possibles entre eux
Les repères des pages 28-29 veulent mettre en avant un
certain nombre de principes fondamentaux nécessaires au
développement de la démocratie. Tout d’abord, la démocratie
est un principe qui se décline entre démocratie directe et
démocratie représentative. Dans ce dernier cas, les citoyens
doivent choisir des représentants, par l’élection ou le tirage au
sort. La cité antique d’Athènes était ainsi régie : le klérotérion
(doc. 1) servait au tirage au sort des juges de l’Héliée.
La séparation des pouvoirs est un principe fondamental des
démocraties contemporaines ; il se développe à l’époque
moderne, notamment dans le royaume de Grande-Bretagne
(doc. 2). La grande avancée de la Révolution française dans
l’émergence de la démocratie est la définition de libertés
fondamentales énoncées dans la Déclaration des droits de
l’homme et du citoyen (doc. 3), texte qui reste aujourd’hui
une référence en la matière. Mais toute démocratie nécessite
une alternance politique qui garantisse une transition. Ainsi,
Introduction • La démocratie, les démocraties : quelles caractéristiques aujourd’hui ?
❚❚ Réponses aux questions
1. Cette photographie illustre parfaitement le bon
fonctionnement d’une démocratie : il s’agit tout d’abord d’une
élection libre, celle des élections européennes au suffrage
universel en juin 1979. Mais nous pouvons aussi remarquer que
le personnage central, Simone Veil, est une femme qui peut
voter mais aussi être élue puisqu’elle est candidate. À l’arrière-
plan se trouve un isoloir qui assure la confidentialité du vote.
2. Les revendications des manifestants sont avant tout destinées
à mettre en place les conditions de la démocratie en République
démocratique d’Allemagne : la tenue d’élections libres, la liberté
de la presse, et plus largement le processus de démocratisation
soutenu par le parti Neues Forum.
3. La démocratie se défend de différentes manières : par le biais
des élections régulièrement organisées, par la participation à des
associations ou des manifestations, ou grâce à un engagement
dans la vie publique.
en Espagne, après la mort de Franco, c’est Adolfo Suarez qui
assure la transition démocratique via une libéralisation de la
vie politique (doc. 4).
❚❚ Réponses aux questions
1. La démocratie contemporaine est fondée sur un certain
nombre de principes essentiels : le choix des représentants,
par le biais d’élections libres (que la démocratie soit directe
comme en Grèce antique ou représentative), la séparation des
pouvoirs, principe cher à Montesquieu, le respect des libertés
fondamentales, comme la liberté d’expression ou de culte, selon
le principe formulé dans la Déclaration des droits de l’homme
et du citoyen en 1789, ainsi que l’alternance politique.
2. Le processus de démocratisation est long. En effet, l’expérience
athénienne est relativement unique dans l’Antiquité. Il faut
attendre le xviie siècle pour que des philosophes évoquent
l’importance de certains principes, comme l’Habeas Corpus ou la
séparation des pouvoirs. C’est seulement au cours du xixe siècle
que les principes démocratiques s’affirment en Europe, à la
suite des mouvements libéraux.
13
 REPÈRES 2
L’état de la démocratie dans le monde
 p. 30-31
❚❚ P
 résentation des documents et des liens
possibles entre eux
Les repères des pages 30-31 sont trois planisphères et un
graphique qui donnent des indices sur la place de la démocratie
à l’échelle mondiale à partir de critères différents, et de son
évolution depuis trois décennies. Le doc. 1 est un planisphère
réalisé par l’ONG américaine Freedom House qui mesure l’indice
de démocratie dans le monde. Cet indice est réalisé à partir de
critères touchant de nombreuses libertés et droits fondamentaux.
À partir de ces données, Freedom House distingue trois groupes de
pays : ceux où « les libertés fondamentales sont respectées », ceux
où « les libertés fondamentales sont partiellement respectées »
et ceux où « les libertés fondamentales ne sont pas respectées ».
Ainsi, on peut voir que tous les continents ne connaissent pas un
même degré de liberté : en Afrique et en Asie, les libertés sont
particulièrement menacées. Le doc. 2, planisphère réalisé par
Reporters sans frontières, s’intéresse à la liberté de la presse. De
nombreux pays subissent un contrôle très strict de l’information.
De même, dans le monde contemporain, le libre accès à Internet
(doc. 3) donne une image précise du degré de contrôle de
l’information. Ainsi, nous pouvons constater grâce au doc. 4 que
si la démocratie tend à progresser de 1987 à 2007, l’évolution la
plus récente indique un recul de ce processus.
❚❚ Pour comprendre
1. En effet, les principes démocratiques ne sont pas respectés
partout. Si, globalement, l’Europe et le continent américain
appliquent ces principes, ce n’est pas le cas d’une grande
partie du continent africain, du Moyen-Orient et de l’Asie.
Ainsi, la liberté de la presse n’est pas respectée en Égypte, en
Arabie saoudite ou en Chine. La censure sur Internet est forte
en Chine, en Iran ou en Éthiopie. D’ailleurs le doc. 4 montre
que les pays non-libres connaissent une progression de leur
nombre durant la dernière décennie.
2. La liberté de la presse est un pilier essentiel de la liberté
d’expression et de la démocratie dans le monde. Mais de nombreux
pays ne la respectent pas : ainsi au Moyen-Orient ou en Chine, la
presse est très étroitement surveillée. Ce sont souvent les mêmes
pays qui contrôlent la diffusion de l’information par le biais
d’Internet. Dans un pays en guerre civile comme la Syrie, la liberté
de l’information est devenue très difficile, même via Internet.
ÉTUDE
La Déclaration universelle
des droits de l’homme p. 32
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
Cette première étude vise à donner des cadres généraux sur
les principes de la démocratie à travers un texte fondamental,
la Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée par
l’ONU en 1948 (doc. 1). Ce texte à vocation universelle fixe des
principes que tous les pays devraient respecter. La Déclaration
n’est pas contraignante, mais reste un cadre dont de nombreuses
constitutions contemporaines se sont inspirées.
14 Thème 1 • Comprendre un régime politique : la démocratie
La rédaction de la Déclaration universelle
des droits de l’homme (doc. 1)
La Déclaration universelle des droits de l’homme est un texte
adopté par l’Organisation des Nations unies en 1948. Sa
préparation a pris près de deux ans, rédigée par la Commission
des droits de l’homme. Lors du vote, cinquante États ont voté
pour, aucun contre, huit se sont abstenus. Parmi eux, l’Afrique
du Sud qui refuse l’affirmation de l’égalité devant la loi sans
distinction de naissance ou de race et l’Arabie saoudite qui
conteste l’égalité homme-femme. Les pays communistes,
dont l’URSS, s’abstiennent quant à la définition du principe
d’universalité. Ce texte n’a pas de véritable portée juridique,
mais constitue une proclamation de droits.
Aujourd’hui, Amnesty International (doc. 2) se présente comme
une ONG défendant les droits de l’homme et la Déclaration
universelle des droits de l’homme. Elle milite notamment pour
le droit à la liberté d’expression, la libération des prisonniers
d’opinion, l’abolition de la peine de mort et de la torture. Le
site www.amnesty.fr propose une chronologie des progrès
des droits de l’homme depuis 1948.
❚❚ Analyse de documents
1. La Déclaration universelle des droits de l’homme s’impose
comme un socle essentiel à toute démocratie. En effet, elle
évoque un certain nombre de libertés fondamentales : la liberté
de circulation, d’opinion, de culte, l’interdiction de l’esclavage,
de la détention arbitraire, de la torture. Tous ces éléments sont
indispensables à la démocratie, car la tenue d’élections n’est pas un
élément suffisant si les citoyens ne sont pas libres de choisir leurs
représentants sans que ce choix puisse représenter une menace.
2. La mission d’Amnesty International est de veiller à la défense
de ces libertés et droits fondamentaux partout où ils sont
menacés, que ce soit par les exactions contre les individus ou
par les détentions arbitraires, qui peuvent avoir lieu dans des
démocraties pourtant anciennes.
ÉTUDE
Le fonctionnement
de la Ve République p. 33
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
Cette étude souhaite développer l’exemple de la démocratie
française contemporaine qui fonctionne selon les principes
énoncés dans la Constitution de la Ve République. L’organigramme
de la Ve République (doc. 1) montre bien que la souveraineté
nationale réside dans les citoyens qui élisent les pouvoirs législatif
et exécutif. L’article de publicsenat.fr (doc. 2) souligne le fait
que la Ve République a fait preuve, au cours de son histoire,
d’une capacité d’adaptation qui lui permet de se transformer
en fonction des crises institutionnelles : ainsi le président est
élu depuis 1962 au suffrage universel direct, et l’instauration du
quinquennat en 2000 a évité la multiplication des cohabitations.
Cependant, depuis la naissance de la Ve République, des critiques
se font entendre sur le poids trop important du président de la
République dans les institutions nationales, qui transforme son
rôle d’arbitre des institutions en une fonction partisane (doc. 3).
 Le Coup d’État permanent
Dans l’essai Le Coup d’État permanent paru en 1964, François
Mitterrand s’inquiète de la pratique du pouvoir du général
de Gaulle, alors président de la République, qu’il juge trop
personnelle. Il lui reproche d’avoir transformé l’esprit de 1958
selon lequel le président devait être avant tout un arbitre.
L’ouvrage n’est pas une dénonciation de l’élection du président
de la République au suffrage universel direct, mais plutôt des
conditions de l’organisation des pouvoirs et de leur pratique
dans les premières années de la Ve République.
❚❚ Analyse de documents
1. Au sein de la Constitution de la Ve République, les trois
pouvoirs sont nettement séparés : si le président de la
République a le pouvoir exécutif, le vote des lois est une
prérogative du Parlement. De même le Conseil supérieur de
la magistrature reste une entité indépendante.
2. On peut parfois qualifier la Ve République de « régime
présidentiel » car le pouvoir du président y est important,
il peut notamment dissoudre l’Assemblée nationale, alors que
celle-ci ne peut pas le renverser.
❚❚ Bilan
La Constitution de la V République est démocratique car elle
e des jeunes qui manifestent pour l’encadrement du port d’armes
distingue les pouvoirs et instaure une forme d’équilibre entre
eux. En effet, le président de la République est élu au suffrage
universel, dispose du pouvoir exécutif mais le pouvoir législatif
est dans les mains de l’Assemblée nationale et du Sénat, élus
au suffrage universel. La justice est indépendante, même si
le président nomme des membres du Conseil supérieur de
la magistrature. Certains critiquent le pouvoir important du
président dans ce régime car il peut par exemple dissoudre
l’Assemblée nationale sans que celle-ci puisse le destituer.
ÉTUDE
Les États-Unis,
un modèle de démocratie ? p. 34-35
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
L’exemple américain est en soi un exemple instructif d’une
culture démocratique ancienne mais profondément différente
de l’environnement culturel que les élèves français connaissent
et fréquentent. En effet, le système politique américain est
complexe et la Constitution envisage des contre-pouvoirs
qui empêchent toute dérive vers une forme de dictature.
La démocratie américaine est ancienne ; le système politique
fonctionne encore sur la Constitution adoptée en 1789, et s’est
adapté par le biais d’amendements successifs. Les institutions
américaines sont fondées sur une série de pouvoirs et de
contre-pouvoirs (doc. 1). Ainsi, la Cour suprême contrôle le
président, dont le financement de la politique peut être bloqué
par le Congrès (shutdown). C’est ce qui explique que, dans la
démocratie américaine, le président ne possède pas tous les
pouvoirs (doc. 2). Le doc. 3 souligne le fait que l’élection de
Barack Obama en novembre 2008 a apporté un espoir dans la
capacité des institutions américaines à permettre aux minorités
d’atteindre le sommet du pouvoir. Le doc. 4 présente une des
caractéristiques du système électoral états-unien : Donald
Trump a légalement gagné les élections présidentielles alors
Introduction • La démocratie, les démocraties : quelles caractéristiques aujourd’hui ?
qu’il n’avait pas obtenu la majorité des voix. Cette spécificité
est liée au caractère fédéral des États-Unis d’Amérique et au
système des grands électeurs.
Les élections de novembre 2016 (doc. 4)
Les élections présidentielles de novembre 2016 ont soulevé
une des particularités du mode de scrutin états-unien selon
laquelle le candidat élu peut ne pas avoir recueilli la majorité
des suffrages. La quasi-totalité des enquêtes d’opinion
donnaient Donald Trump perdant, or il est sorti vainqueur
face à la candidate démocrate Hillary Clinton. Près de trois
millions de voix (soit 2,1 % des suffrages au niveau national)
séparaient les deux candidats. Pourtant, Donald Trump est
parvenu à convaincre une large proportion des grands électeurs
(232 contre 306). C’est la cinquième fois dans l’histoire des
élections présidentielles états-uniennes que le président gagne
l’élection sans avoir obtenu la majorité des voix. En effet, les
élections présidentielles aux États-Unis fonctionnent à partir
de l’élection de « grands électeurs » dans chaque État, et celui
qui remporte l’élection dans un État recueille l’ensemble des
grands électeurs. C’est ce qui explique la différence entre
vainqueur de l’élection et nombre de voix au niveau national.
Enfin, le doc. 5 montre l’importance de l’opinion publique, ici
à feu après de régulières fusillades dans des établissements
scolaires américains.
❚❚ Analyse de documents
1. Les États-Unis d’Amérique sont un modèle de constitution
démocratique capable de contrôler les différents pouvoirs.
Parlementaires et président sont élus au suffrage universel.
Le président des États-Unis peut utiliser un veto suspensif,
mais le Congrès peut refuser de voter le budget. À l’inverse,
le pouvoir du président est limité par le contrôle de la Cour
suprême tandis qu’il nomme à vie les juges (qui doivent recevoir
l’assentiment du Congrès).
2. L’élection de Barack Obama a suscité un immense espoir
parmi les minorités car le président élu en 2008 est issu d’une
minorité qui, il y a encore quelques décennies, était frappée
par une politique de ségrégation.
3. Hillary Clinton n’a pas été élue présidente de la République
car elle n’a pas réussi à obtenir le nombre suffisant de grands
électeurs. Ainsi, elle a gagné dans des États très peuplés comme
la Californie, mais elle n’est pas parvenue à l’emporter dans des
États moins peuplés qui sont au contraire surreprésentés en
nombre de grands électeurs.
4. L’opinion publique est un acteur très important de la vie
politique américaine car elle peut influer sur des débats de
société. Ainsi, les manifestations de jeunes devant la Maison
Blanche pour demander l’encadrement du port d’armes à feu
prouvent qu’une partie des jeunes générations, futurs citoyens,
souhaitent un changement de la loi.
❚❚ Bilan
La démocratie américaine est fondée sur une Constitution
ancienne qui assure un équilibre entre les différents pouvoirs
législatif, exécutif et judiciaire. Les trois sont liés les uns aux autres
et se contrôlent afin que l’un ne puisse pas prendre le pas sur les
autres. Ainsi, en 1974, le président Richard Nixon a été obligé de
démissionner devant la procédure d’impeachment mise en place
par le Congrès. C’est un exemple de démocratie qui s’adapte
15
 aux évolutions de la société. L’élection de Barack Obama en ❚❚ Pour aller plus loin
2008 a montré la capacité de ce pays à intégrer des minorités
qui ont, pendant des siècles et jusqu’à une époque récente, été Quelle est la fréquence des élections ? Régulière (2012-2018)
écartées du pouvoir et soumises à une politique ségrégationniste. Comment le président accède-t-il au pouvoir ? Par des élections
Certaines critiques ont pu être formulées, notamment envers le
système électoral qui, par sa complexité, permet à un président Quels sont ses pouvoirs ? Pouvoir exécutif
d’être élu même s’il ne remporte qu’une minorité des voix. Ce Comment la société civile peut-elle Par les manifestations
fut le cas lors des dernières élections de 2016. Il existe aussi un se faire entendre ?
contre-pouvoir fort aux États-Unis, avec une société civile prête à
se mobiliser contre des lois qui lui paraissent injustes. C’est aussi
un droit que garantit la démocratie américaine. ÉTUDE

ÉTUDE La Corée du Nord,

une dictature autoritaire p. 37
La Corée du Sud,
une jeune démocratie p. 36 ❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
L’exemple de la Corée du Nord s’envisage en comparaison
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents de l’étude précédente sur la Corée du Sud. L’idée est de voir
comment deux pays dont l’histoire commune est millénaire
La Corée du Sud est un jeune pays qui doit son existence au
peuvent avoir deux régimes totalement opposés, alors que tous
contexte de guerre froide et à la partition de la péninsule
deux revendiquent le terme « démocratique » : officiellement, la
coréenne. Les premières années de la Corée du Sud sont
Corée du Nord s’appelle « la République populaire démocratique
marquées par la guerre, particulièrement violente. Le pays
de Corée ». Mais la Corée du Nord est une véritable dictature,
bénéficie ensuite du soutien américain, mais le régime en place
dirigée d’une main de fer par Kim Jong-un, dernier président
est entaché par les irrégularités : manipulation des élections,
d’une dynastie de dictateurs : Kim Il-sung de 1948 à 1994,
modification de la Constitution pour pouvoir se représenter.
Kim Jong-il de 1994 à 2011, et Kim Jong-un depuis cette date.
Le pays est surtout durement malmené par la dictature du
général Park Chung-hee, de 1961 à 1979.
L’établissement de la dictature en Corée du Nord
La transition démocratique sud-coréenne (frise) (frise)
La Corée du Nord, comme la Corée du Sud, est née de la guerre
La transition démocratique en Corée du Sud a lieu à la fin des
froide et de la partition de la péninsule coréenne. Le régime
années 1980, à partir de l’institution de la VIe République. Après
est alors soutenu par deux grandes puissances communistes
des années de dictature militaire, les prisonniers politiques sont
frontalières, l’URSS et la République populaire de Chine. Ainsi,
libérés et les élections sont organisées dans un contexte plus
durant toute la guerre froide, le pays reste une dictature de
libre. Mais le régime coréen reste gangrené par la corruption.
type communiste. À la chute de l’URSS, un assouplissement
Kim Young-sam est, en 1993, le premier civil à devenir président
semble intervenir : le pays entre à l’ONU le 23 septembre
de la République. À partir de ce moment, l’armée voit son
1991 (en même temps que la Corée du Sud), mais depuis les
pouvoir décliner, mais l’apprentissage d’une démocratie libérée
années 1990, la dictature reste très forte, malgré les famines
de tout soupçon de corruption est long comme l’atteste la
qui sévissent. Plus récemment, le regain des tensions nucléaires
destitution de Park Geun-hye en 2017 (doc. 1).
laisse peser une menace importante pour la paix dans la région.
C’est pourquoi la jeune démocratie coréenne reste encore
Le doc. 1 est un article du Monde daté du 7 février 2018 faisant
fragile. Ainsi, les scandales de corruption ont mené en 2017 à la
le bilan de six années de présidence de Kim Jong-un. Force est
destitution de Park Geun-hye, la fille du dictateur et présidente de
de constater que les analyses soulignant les faiblesses du jeune
la République entre 2012 et 2017 (doc. 1). Il existe donc en Corée
dictateur étaient erronées, car jamais la dictature n’a été aussi
du Sud une société civile attachée aux valeurs de démocratie
forte dans le pays et les pouvoirs concentrés autour d’un aussi
et de respect des institutions. L’élection de Moon Jae-in (doc. 2)
petit nombre de personnes. Le doc. 2 est une photographie
semble aller dans le sens d’une consolidation de la démocratie.
d’une parade militaire organisée en l’honneur du fondateur
❚❚ Analyse de documents de la Corée du Nord, Kim Il-sung, grand-père de Kim Jong-un.
Elle donne l’image d’une Corée du Nord surmilitarisée. L’armée
1. Les manifestants reprochent à la présidente Park ­Geun-hye
populaire de Corée est la 4e armée la plus importante au monde
des scandales de corruption. Or, une présidente de la République
en termes d’effectifs, avec 1 125 000 soldats d’actifs et 9,5 millions
se doit d’être irréprochable. Pour les Coréens, ces manquements
de réservistes sur une population totale de 25 millions d’habitants.
rappellent la période de la dictature.
2. On peut dire que la Corée du Sud est une démocratie qui ❚❚ Analyse de documents
fonctionne car la société civile qui se mobilise peut contraindre 1. La Corée du Nord est une dictature : en effet, Kim Jong-un
une présidente de la République à se soumettre à la même justice est tout-puissant à la tête du pays ; à lui seul, il dirige le pays
que tout citoyen. Ainsi, son attitude l’oblige à démissionner. d’une main de fer, a éliminé une partie de son entourage et est
3. L’élection de Moon Jae-in suscite de l’espoir dans la démocratie accusé de crimes contre l’humanité. C’est un dictateur militaire
sud-coréenne car le nouveau président se présente comme qui encadre étroitement la population avec l’aide des forces
une alternative face à la corruption. Il a d’ailleurs participé aux armées. Les nombreuses parades militaires doivent montrer
manifestations pour la destitution de la présidente. sa force et sa puissance.

16 Thème 1 • Comprendre un régime politique : la démocratie

2. La Corée du Nord est officiellement une république, car le
nom du pays est « la République populaire démocratique de
Corée ». Cependant, il n’y a aucune démocratie dans le pays ;
tous les pouvoirs sont entre les mains du dictateur et des
institutions de l’État.
Quelle est la fréquence des élections ? Pas d’élection
Comment le président accède-t-il au pouvoir ? Succède à son père
Quels sont ses pouvoirs ? Pleins pouvoirs
Comment la société civile peut-elle se faire Elle n’a pas de moyen
entendre ? de se faire entendre
ÉTUDE
D’où vient l’abstention
dans les démocraties modernes ? p. 38-39
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
S’interroger sur la démocratie aujourd’hui, implique de
s’intéresser à l’abstention croissante dans les démocraties
modernes. Le taux d’abstention mesure la part des inscrits qui
ne se sont pas déplacés pour voter. Il tend à croître en France
et constitue un indicateur utile du niveau de représentation
politique dans une démocratie : en 2017, trois électeurs sur
quatre sont allés voter au second tour de l’élection présidentielle
(doc. 3) et moins d’un électeur sur deux au premier tour
des législatives (doc. 2). Si on ajoute les abstentionnistes
systématiques (12 % du corps électoral) et les non-inscrits,
ce sont environ deux électeurs potentiels sur dix qui restent
toujours à l’écart du vote.
Le taux d’inscription
Ne pas voter, c’est d’abord ne pas pouvoir le faire. Pour participer
aux élections, il faut être inscrit sur la liste électorale de sa
commune de résidence. Au 1er mars 2018, d’après l’Insee, 12 %
des électeurs potentiels ne figurent pas sur les listes électorales
ou sont mal inscrits (par choix, suite à un déménagement…).
Cette proportion reste faible comparée à d’autres pays, mais
elle varie beaucoup selon l’âge et le niveau de diplôme : en
France la part des non-inscrits ou mal inscrits est de 15 % pour
les 18-24 ans et de 24 % pour les non-diplômés, contre 8 %
des diplômés du supérieur.
Les causes de l’abstention relèvent principalement de deux
grands types d’explication. Premièrement, elle exprime un
déficit d’intégration sociale (doc. 3, 4 et 5). L’abstention est
alors appréhendée comme la manifestation d’un sentiment
d’incompétence à comprendre les débats et enjeux des élections
pour des électeurs cumulant des difficultés d’insertion sociale
et peu intéressés par la politique.
Deuxièmement, elle revêt au contraire les formes d’un acte
motivé (doc. 1, 3 et 5), concernant des électeurs intéressés
par les élections et souvent proches d’un parti, exprimant une
protestation à l’encontre de la classe politique, une sanction
pour les candidats ou un refus de choisir entre eux. Jérôme
Jaffré et Anne Muxel (« S’abstenir : hors du jeu ou dans le
jeu politique ? », in Pierre Bréchin (ed.), Les cultures politiques
des Français, Presses de Sciences Po, 2000) proposent une grille
de lecture analogue opposant les abstentionnistes « hors » et
« dans » le jeu politique.
Introduction • La démocratie, les démocraties : quelles caractéristiques aujourd’hui ?
L’abstention comme conséquence de l’exclusion
sociale (doc. 4)
Dans un ouvrage paru en 2015 (Les inaudibles : sociologie
politique des précaires, Paris, Presses de Sciences Po), Céline
Braconnier et Nonna Mayer ont poursuivi ces recherches en
mesurant une forte corrélation entre le degré de précarité et le
comportement abstentionniste. L’exclusion sociale entretient
un sentiment d’éloignement et de distance par rapport au
champ politique et nourrit un abstentionnisme structurel lié
aux prédispositions sociologiques des individus.
L’abstention tient enfin à des variables extérieures à l’individu,
comme le degré d’importance attribué à une élection (locale
ou nationale), la concurrence plus ou moins forte entre les
partis politiques en compétition, l’enjeu plus ou moins
complexe d’un scrutin, la multiplication ou l’absence récente
de consultations électorales, le mode de scrutin (proportionnel
ou majoritaire), etc.
Les votes blancs et nuls
À distinguer du « non-vote » de l’abstention, les bulletins
blancs ou nuls expriment plutôt des formes de « non-choix ».
Voter blanc, c’est glisser un bulletin vierge dans l’urne, alors
que le vote nul consiste à glisser dans l’enveloppe du vote
un bulletin non conforme (griffonné ou raturé) ou plusieurs
bulletins ensemble. On observe en France une progression
de cette forme de participation. Ainsi, lors du second tour
de la présidentielle de 2017, 4 millions d’électeurs se sont
déplacés sans voter pour aucun des deux candidats en lice,
soit 10 % des votants. Les votes blancs et nuls traduisent
l’insatisfaction croissante des électeurs vis-à-vis de l’offre
électorale et nourrissent des débats sur leur prise en compte
dans les suffrages exprimés.
❚❚ Réponses à l’activité
1. Lors du premier tour des élections législatives de 2017,
51,3 % des électeurs inscrits sur les listes électorales ne se sont
pas déplacés pour voter, contre 23 % lors du premier tour des
élections législatives de 1958. Le taux d’abstention a donc
augmenté de 28,3 points entre 1958 et 2017.
2. Près d’un abstentionniste sur trois justifie son non-vote par
le sentiment de ne pas être correctement représenté par les
candidats en lice. Cette raison exprime une insatisfaction vis-
à-vis de l’offre politique et rejoint les explications en matière
d’acte de protestation. Dans ce cas, l’abstention n’exprime pas
un désintérêt pour la politique, mais plutôt une sanction des
représentants (abstentionnisme politique).
3. Les abstentionnistes sont surreprésentés parmi les électeurs
potentiels les plus jeunes (plus d’un tiers des 18-24 ans contre
25,3 % des inscrits, soit 9 points de plus), parmi les professions
et catégories sociales les moins diplômées (2 points de plus
que la moyenne pour les non titulaires du baccalauréat,
5 points de plus pour les employés, 7 points de plus pour les
ouvriers), parmi les populations les plus précaires (11 points
de plus chez les chômeurs, 9 points de plus dans les foyers
aux revenus les plus modestes). On retrouve ici la deuxième
grande explication de l’abstention, qui renvoie à un défaut
d’intégration sociale des électeurs, déconnectés des enjeux
électoraux, faute d’information, de socialisation ou refusant
de s’exprimer en raison d’un fort sentiment d’incompétence
politique (abstentionnisme sociologique).
17
 LEÇON 1
La démocratie, les démocraties :
quelles caractéristiques aujourd’hui ?
 p. 40-41
❚❚ P
 résentation des documents en lien
avec la problématique
Les documents accompagnant ce premier cours « La démocratie,
les démocraties : quelles caractéristiques aujourd’hui »
permettent de répondre à la problématique posée : « Comment
la démocratie se décline-t-elle sous plusieurs formes à travers
le monde selon des principes communs ? ».
La question de la démocratie est aujourd’hui particulièrement
complexe, tant les modèles politiques sont différents et
répondent à des traditions politiques anciennes. Les démocraties
modernes se sont mises en place progressivement, depuis le
xixe siècle pour les pionnières, depuis quelques décennies
pour les dernières. Une démocratie s’appuie sur des principes
fondamentaux : le respect des libertés fondamentales des
individus, la tenue d’élections libres, la séparation des pouvoirs,
le multipartisme et le suffrage universel. Dans les dernières
décennies, de nombreux pays ont connu une transition vers la
démocratie, même si ce processus est souvent assez lent. Ainsi,
en Afrique du Sud (doc. 1), la libération de Nelson Mandela,
prisonnier politique, et la fin de l’apartheid ont été le début
d’un processus de transition démocratique pacifique, et Nelson
Mandela comme le président sud-africain Frederik de Klerk
ont reçu en 1993 le prix Nobel de la paix. Mais la situation
contemporaine reste, à l’échelle du monde, très contrastée.
18 Thème 1 • Comprendre un régime politique : la démocratie
Comment comparer le degré de démocratie ?
Le groupe de presse The Economist Group a créé en 2006 un
« indice de démocratie » qui aide à évaluer, selon ses critères,
le niveau de démocratie sur l’ensemble de la planète. Tous
les ans, cet indice est recalculé. Son élaboration s’appuie sur
soixante critères, répartis en cinq catégories : le processus
électoral et le pluralisme, les libertés civiles, le fonctionnement
du gouvernement, la participation politique et la culture
politique. La notation se fait entre 0 et 10. Ainsi, la Corée du
Nord obtient le score le plus faible tandis que la Norvège affiche
la note la plus élevée.
La liberté de la presse est aujourd’hui un indicateur intéressant
du respect des libertés (doc. 2). Ainsi, Reporters sans frontières
publie chaque année un indice de liberté de la presse pour
mobiliser l’opinion internationale sur la situation de cette
liberté. Elle milite aussi pour la libération des journalistes faits
prisonniers à cause de leurs enquêtes.
Le schéma fléché au bas de la p. 41 a pour objectif de replacer les
études de l’introduction dans une organisation plus systémique.
Il donne du sens au travail d’exemples réalisé dans les pages
précédentes puisqu’il participe à illustrer la leçon sur les
caractéristiques de la démocratie.
THÈME 1
AXE 1 Penser la démocratie : démocratie directe
et démocratie représentative
OUVERTURE p. 42-43
❚❚ Introduction
Le premier axe du thème 1 entame une réflexion sur la
distinction et la complémentarité entre « démocratie directe
et démocratie représentative ». Il s’agit ici d’envisager le sujet
dans une profondeur historique, depuis l’Antiquité athénienne,
bien connue des élèves puisqu’elle est abordée lors de l’année
de seconde, jusqu’au xixe siècle, au lendemain de la Révolution
française, avec les réflexions contenues dans le discours de
Benjamin Constant prononcé en 1819, « De la liberté des Anciens
comparée à celle des Modernes ». Loin de vouloir survoler plus
de deux millénaires d’histoire de la démocratie, il s’agit ici de
réfléchir à des notions centrales dans nos gouvernements
contemporains, la question de la participation à la vie politique
et celle du choix des représentants.
C’est pourquoi il ne faut pas trop développer le contexte de
la cité athénienne au ve siècle avant J.-C. ou de la France de la
Restauration. Il convient surtout de s’intéresser à deux notions
à partir d’exemples particuliers.
Le doc. 1 présente différents instruments de la démocratie
directe à Athènes où tous les citoyens peuvent participer à la vie
politique à travers leurs institutions démocratiques : ces jetons
sont les traces matérielles de cette pratique démocratique. La
photographie (doc. 2) a été prise lors d’une séance à l’Assemblée
nationale, lieu par excellence de la démocratie représentative
en France.
❚❚ Réponses aux questions
1. La démocratie athénienne au ve siècle permet aux citoyens
d’agir directement dans la vie politique par le biais des
différentes institutions. Ils votent et peuvent être élus aux
magistratures, ils votent à l’Héliée dans le cadre des procès,
de même que lors des processus d’ostracisme.
2. Les démocraties modernes sont devenues représentatives
car il n’est plus possible de mobiliser l’ensemble des citoyens sur
toutes les décisions politiques. C’est pourquoi, dans des États où
la très grande majorité des habitants sont des citoyens du pays
(ce qui n’est pas le cas à Athènes), la démocratie représentative
s’impose.
3. Il est possible aujourd’hui de concilier démocratie
représentative et démocratie directe, par exemple grâce au
référendum. Dans certains pays plus petits comme la Suisse,
la démocratie directe est encore une pratique courante.
Axe 1 • Penser la démocratie : démocratie directe et démocratie représentative
J A LON
Une démocratie directe
mais limitée : être citoyen à
Athènes au ve siècle avant J.-C.
❚❚ Introduction
Ce jalon évoque la genèse de la démocratie athénienne à
partir des réformes de Clisthène en 508 av. J.-C., tout en les
inscrivant dans une dynamique plus longue (avec les réformes
de Solon et de Dracon par exemple) et en retraçant les réformes
successives d’Éphialtès, de Périclès ou de Cléon. Le jalon doit
aussi permettre d’étudier le fonctionnement des institutions,
de la pratique politique, la définition du statut du citoyen et
son implication dans la vie de la cité, tout en insistant sur la
portée du régime (une participation théorique de tous les
citoyens du demos à la politeia dans le cadre d’une démocratie
directe) et ses limites (citoyenneté exclusive, utilisation du
tirage au sort). La double page repères p. 44-45 situe dans
l’espace et le temps la démocratie athénienne, puis l’étude p. 46
définit ce qu’est un citoyen athénien, car ce statut ne s’exprime
pas uniquement dans le régime démocratique. L’étude p. 47
invite à travailler sur la notion de démocratie directe à partir
de l’analyse d’une procédure d’eisangelie qui met en jeu les
différentes institutions démocratiques à Athènes (Ecclésia,
Boulé et Héliée). La double page suivante (p. 48-49) analyse
la portée et les limites du régime démocratique athénien tel
qu’il était vu par ses contemporains.
REPÈRES 1
Les citoyens et la démocratie à Athènes
au ve siècle avant J.-C. p. 44-45
❚❚ P
 résentation des documents et des liens
possibles entre eux
La double page repères pose le contexte nécessaire à la
compréhension de l’axe 1. Le doc. 1 est une frise chronologique
qui retrace le processus de démocratisation progressive du
régime à partir des réformes de Clisthène en 508 av. J.-C.
L’évocation de l’oligarchie et de la tyrannie montre d’autres
19

formes de régimes politiques qui existaient dans le monde
grec. Le doc. 2 est composé d’un cartouche de localisation
de la cité d’Athènes (les élèves peuvent réactiver des savoirs
du programme de seconde sur l’empreinte grecque en
Méditerranée), et la carte de la cité (ici l’asty) situe les différents
espaces de vie de la communauté athénienne. On veillera à
expliquer aux élèves que la notion de corps civique est plus
complexe et ne se limite pas au fait de pouvoir siéger dans
les lieux de la démocratie. En effet, la participation aux fêtes
religieuses et civiques inclut en partie les autres groupes sociaux
dans le demos. Le doc. 3, en lien avec la frise chronologique,
inscrit la démocratisation du régime dans un temps long,
évitant de faire de l’œuvre de Clisthène en 508 av. J.-C. une
rupture nette qui fit apparaître soudainement la démocratie.
Les réformateurs de la démocratie athénienne
(doc. 3)
Si pour Solon ses réformes nécessitaient de passer par la
tyrannie, Clisthène chassa les Pisistratides et permit aux citoyens
les plus pauvres de pouvoir participer à la vie politique tout en
cassant le clientélisme d’antan. L’évocation de Périclès prouve
justement que la démocratie ne se résume pas à l’action de
Clisthène et que le processus fut poursuivi pour garantir une
plus grande isonomia et iségôria entre les citoyens.
Le doc. 4 participe au travail sur les institutions de la démocratie
athénienne au temps de Périclès, la séparation des différents
pouvoirs et l’implication du citoyen dans la vie politique.
Il est alors possible de croiser les documents en localisant les
institutions sur le doc. 1 et d’en percevoir les grandes évolutions
dans le doc. 3.
❚❚ Pour comprendre
1. La démocratie s’est installée par des réformes successives
qui ont permis d’organiser les pouvoirs, de mettre en place les
institutions et d’impliquer de plus en plus de citoyens dans
la vie civique. En 594 av. J.-C., Solon a créé les institutions du
régime démocratique athénien et séparé les pouvoirs en trois,
mais l’exercice de la vie politique était réservé aux citoyens les
plus riches. En 508 av. J.-C., Clisthène fonde le système des dix
tribus pour mêler les citoyens et organiser les magistratures (les
bouleutes, héliastes et stratèges sont choisis équitablement
dans chaque tribu). Ses réformes autorisent les citoyens, même
pauvres, à assister aux séances de l’Ecclésia. Enfin, Périclès
instaure le misthos pour indemniser les citoyens qui siègent dans
les institutions, facilitant ainsi l’intégration des plus pauvres qui
peuvent prendre le temps de venir siéger tout en compensant
la perte de la journée de travail.
2. Les citoyens exercent le pouvoir dans différents lieux :
l’Ecclésia qui siège sur la Pnyx où ils votent à main levée la
majorité les lois, l’ostracisme, la guerre et la paix et élisent les
magistrats, l’Héliée sur l’Agora où des citoyens tirés au sort
pour un an rendent la justice, et la Boulé où des citoyens tirés
au sort pour un an préparent les projets de loi. Les prytanes
(50 bouleutes d’une tribu qui siègent pendant un mois de
36 jours) fixent l’ordre du jour à l’Ecclésia et veillent au bon
déroulement de la séance.
20 Thème 1 • Comprendre un régime politique : la démocratie
ÉTUDE
Qu’est-ce qu’un citoyen dans la cité
athénienne ? p. 46
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
Cette étude donne l’occasion de travailler sur ce qui fait un
citoyen (la définition de son statut) et sur la spécificité du
régime démocratique dans le monde grec antique. En effet,
ce rôle existe dans plusieurs régimes, que ce soit l’oligarchie,
la monarchie ou la dyarchie. Aristote rappelle d’ailleurs que
la citoyenneté se définit par le fait de participer à la politeia,
c’est-à-dire la capacité de pouvoir prendre part à l’exercice de
magistratures et de participer à la prise de décisions. Le doc. 1
illustre cette définition selon Aristote car on voit des citoyens
athéniens en train de voter à bulletin secret en glissant un jeton
de vote dans une urne. Cette scène, qui se déroule à l’Héliée
rappelle qu’un citoyen participe à la vie politique en siégeant
dans les institutions où il dispose d’une partie du pouvoir, ici
rendre la justice. Le doc. 2 est un extrait des Politiques d’Aristote
où l’auteur, qui vit à Athènes, étudie le fonctionnement de la vie
politique. Il peint un portrait subjectif en raison de sa fascination
pour son régime politique. Selon Aristote, un citoyen ne peut
se définir qu’en opposition aux autres statuts qui existent et,
selon lui, la seule différence est le fait qu’il puisse exercer une
partie du pouvoir. L’extrait présente l’intérêt de montrer aux
élèves que la citoyenneté n’est pas propre à la démocratie, et
que ce statut existe dans d’autres types de régimes comme celui
des Lacédémoniens. Pourtant, d’après l’auteur, c’est bien dans
la démocratie que la citoyenneté s’exprime le mieux du fait de
l’institutionnalisation de la vie politique et de la participation
régulière du plus grand nombre des citoyens.
La définition du citoyen par Aristote (doc. 2)
Cette définition d’Aristote est aujourd’hui jugée insuffisante,
et le renouvellement historiographique (porté notamment
par Vincent Azoulay) insiste sur le caractère formateur de
cette définition qu’il est désormais nécessaire de mettre à
distance. En effet, pour Aristote, la citoyenneté ne se définit
que par le fait de siéger dans les institutions, or les historiens
actuels évoquent une citoyenneté plurielle, avec des degrés
différents, permettant aux femmes, esclaves et étrangers de
prendre part au corps civique. On parle par exemple d’une
« Athénienne », astè, c’est-à-dire d’une fille ou épouse d’un
citoyen dont la fonction civique est de renouveler le corps des
citoyens, mais également de contribuer à la vie du demos en
participant aux cérémonies religieuses et civiques par exemple.
❚❚ Analyse de documents
1. La scène peinte illustre ce qu’est un citoyen selon Aristote
car, comme l’auteur l’évoque dans son ouvrage Les Politiques, le
citoyen se définit « par sa participation à l’exercice des pouvoirs
de juge et de magistrat » donc, à Athènes, en siégeant à l’Héliée
pour rendre la justice à l’image de la réprésentation sur la coupe.
2. Pour qu’il y ait démocratie il faut que le régime favorise la
participation des citoyens à la vie politique en exerçant des
pouvoirs de juge ou de magistrat, et en réunissant régulièrement
et à période fixe l’Assemblée des citoyens (Ecclésia).
❚❚ Bilan d’eisangelie, et donc la démocratie directe puisque chaque
La réponse à la problématique posée peut s’organiser selon citoyen peut déposer une motion à l’Ecclésia, puis l’ensemble
le plan suivant : du corps civique vote sur la suite à donner à cette motion
I. Un citoyen est une personne qui participe à la vie politique (abandon ou poursuite). En cas de poursuite, ce sont tous les
dans une cité, peu importe le régime politique : être citoyen ne citoyens qui peuvent s’exprimer à son sujet lors des débats et
se résume pas à habiter une cité car d’autres groupes sociaux y des votes à l’Ecclésia et, dans un second temps, à l’Héliée si la
résident également (esclaves, métèques) ; exercer des pouvoirs procédure conduit l’accusé devant les tribunaux.
de juge et de magistrat (comme voter dans les tribunaux pour
rendre la justice).
❚❚ Réponses à l’activité
L’ensemble des arguments à mobiliser pour le débat peuvent
II. Mais c’est dans la démocratie que le citoyen peut participer le
être résumés dans le tableau suivant.
plus à la vie politique : le statut existe donc dans les différents
régimes politiques comme à Sparte où il exerce ponctuellement Groupe défendant Groupe critiquant
ses pouvoirs ; la démocratie, elle, réunit régulièrement et la démocratie directe la démocratie directe
à période fixe les citoyens pour qu’ils puissent participer et ses principes et ses principes
pleinement à la vie politique. Situation initiale Théramène est accusé Les généraux sont accusés
III. La démocratie est donc le meilleur régime pour les citoyens : à tort par les généraux à tort par Théramène
les pouvoirs sont partagés et exercés par ceux qui bénéficient d’être responsable de qui cherche à faire porter
de ce statut ; la Constitution des Athéniens fixe le déroulement l’abandon des morts la faute sur eux.
des séances et le fonctionnement des institutions pour que après la bataille
des Arginuses.
tout citoyen soit régulièrement impliqué dans la vie politique.
Bien-fondé de Une procédure Une accusation illégale
la procédure légale prévue dans car les généraux n’étaient
ÉTUDE démocratique la Constitution des pas présents.
ou critique Athéniens. Accusation portée
La démocratie directe à Athènes p. 47 de la pression L’Ecclésia, c’est-à-dire la par l’ancien accusé,
populaire majorité des citoyens qui Théramène, pour se
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents ont voté, a décidé de la disculper et proposer
Cette étude est l’occasion d’aborder la notion de démocratie poursuite de la procédure. d’autres responsables.
directe à Athènes avec les élèves. Au-delà du simple fait Il y a eu un débat à L’Ecclésia est manipulée
que l’exercice du pouvoir à l’échelle d’une cité-État facilite la l’Ecclésia et un vote à par les démagogues
main levée donc les et les rhéteurs.
participation directe, cette page propose d’aller plus loin dans
règles de la procédure Il y a eu plusieurs votes,
la réflexion en montrant, à travers l’exemple d’une séance à
ont été respectées. donc tricherie.
l’Ecclésia, le fonctionnement de la démocratie directe et le
La condamnation et La décision a été prise sous
poids du demos dans la prise des décisions.
l’exécution sont des la contrainte et la peur
Le doc. 1 est un extrait des Helléniques de Xénophon dans sentences prévues de la foule des citoyens.
lequel l’auteur retranscrit une séance à l’Ecclésia en 406 av. J.-C. dans la procédure.

L’eisangelie de la bataille des Arginuses (doc. 1) Raisons de C’est la volonté du Le demos est influençable,
votre choix demos, c’est-à-dire de la ce qui le conduit à prendre
Dans le contexte de la guerre du Péloponnèse, la flotte majorité des citoyens, qui de mauvaises décisions. Il
athénienne à la tête de la Ligue de Délos a remporté la bataille s’est exprimée et qui doit dirige avec passion et non
navale des îles Arginuses près de Lesbos face à la flotte spartiate. être respectée. avec raison, au risque de
Malgré la victoire, les généraux athéniens ont laissé sur place conduire la cité à sa perte
une flotte commandée par les triérarques Thrasybule et
Théramène, notamment pour récupérer les cadavres et les
citoyens naufragés. Cependant, à cause d’une tempête, les deux ÉTUDE
hommes ont dû mettre à l’abri le reste de la flotte et n’ont pas
pu retrouver les citoyens tombés à la mer. De retour à Athènes, Athènes, une démocratie critiquée
les généraux accusèrent les deux triérarques pour contenter la
foule mécontente. Mais les deux hommes, usant habillement des
 p. 48-49
rhéteurs et démagogues, parvinrent à se défendre et à mettre
en accusation les généraux par une procédure d’eisangelie ❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
qui fut lancée à leur encontre par Callixeinos. Deux camps Cette étude, inscrite dans le prolongement de la précédente,
s’affrontèrent alors à l’Ecclésia (mentionné Sénat dans le texte) : aborde les critiques adressées à la démocratie par des auteurs
celui en faveur des généraux mené par Euryptolémos et celui contemporains, philosophes ou dramaturges. Les documents
favorable aux triérarques dirigé par Callixeinos. présentent à la fois les avantages de certaines pratiques (comme
le tirage au sort qui garantit l’isonomie ou la mistophorie
Dans ce texte subjectif (Xénophon a lui-même subi les foudres permettant à chacun de pouvoir consacrer du temps à la politeia
de l’Ecclésia qui l’a banni de la cité en 394 av. J.-C.), l’auteur quel que soit son rang social) tout en soulignant les dérives
cherche à montrer le fonctionnement de la démocratie directe possibles, lesquelles conduisent régulièrement la démocratie
tout en soulignant les limites de ce système qui fait une part à évoluer vers la tyrannie. Le doc. 1 est un extrait des Enquêtes
belle aux démagogues, lesquels influencent le peuple et donc d’Hérodote dans lequel l’auteur, à travers un dialogue fictif entre
mettent en danger la cité. Le doc. 2 explique la procédure trois dirigeants perses, livre à ses contemporains une réflexion

Axe 1 • Penser la démocratie : démocratie directe et démocratie représentative 21

 sur les atouts et défauts possibles des trois régimes connus des
Grecs : la démocratie, la monarchie et l’oligarchie. Au-delà de
cette classification, il s’agit de montrer que la réflexion sur la
nature des régimes est ancienne et se situe au cœur des débats
chez les Grecs. Pour Hérodote, si la démocratie offre l’avantage
de garantir l’égalité des droits entre les citoyens et que le tirage
au sort préserve l’égalité des chances de pouvoir exercer une
magistrature, elle a néanmoins comme inconvénient d’être le
régime où s’exprime la masse des citoyens pauvres et ignorants (il
envisage ici la politeia comme une science, une technè dont seuls
les « biens nés » seraient dépositaires), gouvernant avec passion
et non de façon raisonnée, conduisant de fait la cité à sa perte.
Le doc. 2 illustre le tirage au sort tel qu’il a lieu à l’Ecclésia pour
l’exercice de magistratures, notamment les charges d’héliaste
et de bouleute. Il est à mettre en relation avec le doc. 3, source
archéologique puisqu’il s’agit d’un fragment d’un klérotèrion,
machine à tirer au sort les juges parmi les 6 000 héliastes afin
de répartir les affaires entre eux. Le doc. 4 est un extrait de la
comédie Les Guêpes écrite par l’auteur athénien Aristophane
en 422 av. J.-C., certes sept ans après la mort de Périclès mais
dans une Athènes démocratique péricléenne en transition.
Les guêpes d’Aristophane (doc. 4)
La scène se déroule dans la neuvième année de la guerre du
Péloponnèse (431-404 av. J.-C.) et Athènes est alors dans une
position délicate après les épisodes de peste qui déciment les
habitants, une moindre présence en mer et la défection de
certaines cités de l’alliance qui profitent de l’affaiblissement
de la cité. Si la pentekontaétie est bel et bien finie, il s’agit
désormais de trouver des responsables aux défaites athéniennes
et la situation de crise qui s’est établie. Grâce à cet extrait, le
professeur peut évoquer le rôle du théâtre dans la vie civique
et le débat politique. Les positions d’Aristophane peuvent
être précisées grâce à la biographie p. 49, les élèves sont
invités à exercer un regard critique sur cette source qui vise à
décrédibiliser et mettre en accusation la pratique du misthos
dans la démocratie athénienne. Cette indemnité a été mise en
place en 454 av. J.-C., notamment grâce à l’action de Périclès,
autorisant chaque citoyen à siéger aux tribunaux populaires.
En 425 av. J.-C., Cléon, un réformateur athénien, augmente
le montant de l’indemnité à trois oboles par affaire jugée,
attirant de fait de nombreux citoyens qui deviennent jurés et
multiplient les affaires pour s’enrichir. Cette pratique et cette
décision, jugées démagogiques par Aristophane, sont mises
en accusation à travers le personnage de Philocléon (« celui
qui aime Cléon »).
Dans cet extrait, Philocléon évoque l’intérêt du misthos qui
lui permet de venir siéger à l’Héliée, d’être rémunéré pour
cela et de pouvoir abuser du pouvoir qui lui a été délégué.
Aristophane critique ici les dérives du système démocratique
qui, en résonance avec le texte d’Hérodote, accorde la possibilité
à des personnes ignorantes de gouverner avec passion et non
avec raison.
❚❚ Réponses à l’activité
- Comment sont prises les décisions dans la démocratie ?
Les décisions sont prises par des votes et c’est la majorité qui
l’emporte, l’intérêt de la majorité s’imposant, de fait, à la minorité.
22 Thème 1 • Comprendre un régime politique : la démocratie
- Comment les citoyens, même pauvres, peuvent-ils participer
à la vie politique ? Les citoyens, même pauvres, peuvent
participer à la vie politique grâce à la pratique du tirage au
sort pour choisir certains magistrats (héliastes et bouleutes)
et au versement d’une indemnité, le misthos, pour pouvoir
siéger dans les différentes institutions (compensant ainsi la
perte d’une journée de travail).
- Quels sont les problèmes liés à ce mode de décision ? Le
problème est que la minorité peut se sentir frustrée et que la
majorité est composée des citoyens pauvres qui n’ont pas de
connaissances suffisantes pour bien gérer la cité.
- Quels sont les problèmes de ces outils ? Le tirage au sort
fait qu’un citoyen, quel que soit son niveau de connaissance,
peut participer à la prise de décision (par exemple juger sans
connaître le droit). Quant au misthos, il est accusé de pervertir
les citoyens qui ne pensent qu’à toucher l’argent et abuser de
leurs pouvoirs plutôt que de gouverner pour le bien commun.
- Quels sont les dangers de la démocratie pour les citoyens
et la cité ? La démocratie peut créer des tensions entre les
citoyens et les pervertir par l’appât du gain et le désir de pouvoir
personnel, les amenant à défendre leur intérêt propre et non
celui de la communauté. Quant à la cité, la démocratie risque
de la mener à sa perte car ce sont les citoyens les plus pauvres
et non instruits qui la dirigent, non avec raison mais en suivant
leurs passions qui leur font prendre de mauvaises décisions.
❚❚ Bilan
La réponse à la problématique peut s’organiser selon le plan
suivant :
I. La démocratie est un objet de débat entre les auteurs grecs
- Hérodote liste les atouts du régime démocratique, mais
pointe ensuite ses dérives éventuelles qui peuvent conduire
à la tyrannie, signe d’une réflexion propre sur les différents
régimes grecs (oligarchie, monarchie et démocratie).
- Au théâtre, des auteurs comme Aristophane se font les chantres
des débats sur le fonctionnement et les dysfonctionnements
de la démocratie, notamment quand Athènes connaît une
crise après la guerre du Péloponnèse.
II. La démocratie garantit l’égalité entre les citoyens par des
outils et des pratiques
- Le tirage au sort pour les magistratures et le choix des affaires
à juger (avec le klérotèrion).
- Le misthos qui consiste à indemniser tous les citoyens pour
garantir leur capacité à participer à la vie politique quelle que
soit leur condition sociale.
III. La démocratie présente des dérives possibles aux
conséquences lourdes pour la cité et les citoyens
- Dans la démocratie c’est la masse qui s’exprime contre une
minorité qui peut se sentir lésée (et créer des tensions au sein
du demos). Or cette masse est composée de citoyens pauvres
et ignorants de la politeia, donc qui n’ont pas le savoir pour
bien décider et qui se laissent guider par leurs passions.
- Le misthos et le tirage au sort portent au pouvoir des citoyens
ignorants, mettant en danger la cité et pervertissant le citoyen
qui ne pense alors plus qu’à son intérêt personnel au lieu du
bien commun.
 JALON
Participer ou être représenté :
Benjamin Constant,
« liberté des Anciens,
liberté des Modernes »
❚❚ Introduction
En lien avec le précédent jalon portant sur la démocratie directe
à Athènes dans l’Antiquité, ce jalon aborde la figure de Benjamin
Constant, homme politique libéral qui questionne, dans l’Europe
post-révolutionnaire du début du xixe siècle, les notions de
« démocratie » et de « libertés ». De cette réflexion découle sa
comparaison entre la liberté des Anciens, qui reposait sur la
démocratie directe, et celle du xixe siècle où les démocraties
libérales ont fait place à des démocraties représentatives
comme en France. Il est d’ailleurs représentant du peuple en
tant que député entre 1818 et 1830. Alors que des régimes
démocratiques réapparaissent dans l’Europe du xixe siècle, les
références à l’Antiquité grecque, notamment à la démocratie
athénienne, se multiplient. La double page repères (p. 50-51)
confronte les notions de démocratie directe et représentative
en France au xixe siècle. L’étude suivante (p. 52-53) développe
la pensée de Benjamin Constant, en particulier les liens qu’il
établit entre liberté et démocratie. L’analyse de l’historien
des idées politiques Olivier Nay porte un regard critique sur
l’œuvre de Benjamin Constant et replace sa pensée dans un
débat plus large.
REPÈRES 2
Démocratie directe et représentative
en France p. 50-51
❚❚ P
 résentation des documents et des liens
possibles entre eux
La double page repères invite à poser les définitions des deux
notions transversales de ce jalon : « démocratie directe » et
« démocratie représentative ». Le doc. 1 est une peinture
allemande illustrant l’intérêt porté à la démocratie athénienne
par les libéraux du xixe siècle. La figure de Périclès, longtemps
décriée, voire tombée dans l’oubli, est dressée en modèle,
érigeant l’image mythifiée d’un réformateur qui a établi une
démocratie directe parfaite, garante de l’égalité entre les
citoyens et de la liberté, par exemple à travers la prise de parole.
La peinture représente l’oraison funèbre prononcée par Périclès
après la première année de la guerre du Péloponnèse. Elle
évoque la participation de tous les citoyens à l’Ecclésia, symbole
de liberté pour les Athéniens du ve siècle av. J.-C. selon Constant.
Le doc. 2 est une peinture d’Armand Cambon réalisée dans le
contexte de la IIe République proclamée après le Printemps
Axe 1 • Penser la démocratie : démocratie directe et démocratie représentative
des peuples français. L’allégorie de la République coiffée de la
couronne de laurier évoque la victoire des révolutionnaires sur
Louis-Philippe en février 1848 (dont la date est rappelée sur le
socle). L’arc-en-ciel tricolore figure le triomphe des Républicains
dont le régime garantit l’égalité, la liberté et la justice, le tout
étant inscrit dans la Constitution de la IIe République qui instaure
le suffrage universel masculin dans un régime démocratique
représentatif. La frise chronologique situe dans le temps les
différents documents des repères et de l’étude sur Benjamin
Constant. Elle permet aussi de travailler sur la notion de
« représentativité » à travers la question du vote, d’abord
censitaire puis universel masculin. Le doc. 3, quant à lui, est un
schéma qui explique les différences entre un système politique
direct et un système politique représentatif, en précisant les
avantages et les inconvénients, à la manière d’un Hérodote
dans l’Antiquité. Le doc. 4, enfin, montre aux élèves que si la
France est aujourd’hui une démocratie représentative, il existe
encore des démocraties directes comme la Suisse. Différentes
formes d’expression directe sont possibles pour les citoyens
même si elles coexistent avec des institutions représentatives.
La démocratie directe en Suisse (doc. 4)
S’inspirant des idées des Lumières et de la Révolution française
(notamment celles de Condorcet), des droits populaires furent
inscrits dès 1830 dans certains cantons de la Confédération
helvétique avant d’être généralisés à l’échelle fédérale en 1848.
À Appenzell Rhodes-Intérieures, le dernier dimanche d’avril,
ou à Glaris, le premier dimanche de mai, il existe encore des
formes de démocratie d’assemblée s’inspirant des pratiques
de la démocratie directe de l’Ecclésia athénienne, bien que
les plus anciens landsgemeinde remontent au xiiie siècle. Les
citoyens sont convoqués à une date précise, se rassemblent
en plein air et votent à main levée pour élire des magistrats
et voter des lois et des dépenses.
❚❚ Réponses aux questions
1. Les démocraties contemporaines sont essentiellement
représentatives car les vastes États-nations très peuplés ne
permettent pas de réunir tous les individus pour statuer
directement. L’élection de représentants facilite la prise de
décision et réduit le nombre de participants aux débats et aux
votes (face à la multitude des libertés individuelles et intérêts
personnels qui pourraient s’exprimer si tout le monde participait).
2. Les citoyens suisses sont consultés directement de plusieurs
manières :
- nationalement de deux façons, soit régulièrement lors de
quatre sessions de vote par an sur une quinzaine de sujets
précis, soit exceptionnellement en lançant un référendum
d’initiative populaire ;
- localement et annuellement par des votes à main levée
ponctuels dans certains cantons suisses.
3. Les votes et les référendums d’initiative populaire offrent
l’opportunité aux citoyens de s’exprimer directement sur la
vie politique en Suisse.
23
 ÉTUDE
Benjamin Constant : participer
ou être représenté p. 52-53
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
Cette étude doit aider à comprendre les différents degrés
d’implication du citoyen dans un régime démocratique à
travers la réflexion menée par Benjamin Constant au début
du xixe siècle.
Benjamin Constant
Alors que la démocratie fait son retour dans l’Europe des
Lumières et post-révolutionnaire, Benjamin Constant est
un libéral qui s’oppose au despotisme sous la Restauration.
S’inspirant des réflexions de Madame de Staël dont il fut un
proche, Constant reprend la distinction entre la liberté des
Anciens et celle des Modernes. En rappelant que l’existence
individuelle ne peut être séparée de la vie sociale, il met en
évidence la forte imbrication entre la sphère publique et
le domaine privé. Si chez les Anciens la liberté consistait à
participer à la vie politique de la cité au détriment de ses
intérêts propres, dans le contexte du libéralisme du xixe siècle
le citoyen a tendance à s’abandonner aux institutions et à ses
représentants pour jouir des libertés fondamentales (qu’il
définit dès 1806) quitte à accepter que ces derniers interfèrent
dans sa vie privée. Partisan du constitutionnalisme, Benjamin
Constant souhaite donc l’établissement d’un ensemble de
règles qui s’imposeraient à tous les dirigeants, seule condition
pour garantir la liberté de chaque individu. Il est également
l’un des premiers à faire le lien entre libéralisme et démocratie.
Le doc. 1 permet d’étudier les réflexions de Benjamin Constant
et de comprendre la différence entre les deux formes de
liberté qu’il considère. À partir de cette étude, on parvient à
travailler sur la notion de « liberté » en lien avec la forme du
régime démocratique (directe ou représentative). Le doc. 2,
davantage illustratif, montre que la France est une république
démocratique représentative dans la lignée des institutions
nées de l’épisode révolutionnaire. Le doc. 3 est une analyse
de l’historien des idées politiques Olivier Nay (professeur
de sciences politiques). Il situe Benjamin Constant dans son
contexte (société post-révolutionnaire) et donne un éclairage
sur la liberté des Anciens et celle des Modernes. Le doc. 4, en
lien avec le doc. 2, indique qu’il existe en France des formes
de démocratie directe à l’échelle locale. On pourra travailler
avec les élèves sur la notion d’échelle (le doc. 3 p. 51 peut être
mobilisé pour approfondir la réflexion). Enfin, le doc. 5 est un
tableau synthétique résumant et approfondissant la conception
des deux libertés selon Benjamin Constant. En lien avec les
doc. 1 et 3, il pousse davantage l’analyse, notamment sur les
notions de « bien commun » ou de « bonheur » comme finalité
recherchée par l’individu-citoyen.
24 Thème 1 • Comprendre un régime politique : la démocratie
❚❚ Analyse de documents
1. Analyse du texte de Benjamin Constant :
Benjamin Constant a été représentant à la Chambre des
députés sous le régime monarchique de la Restauration.
C’est un élu libéral qui, face à la restauration d’une monarchie
constitutionnelle en France, entend faire prévaloir plus de
libertés dans le régime politique représentatif français de
l’époque, notamment face à la politique menée par le roi
Louis XVIII qui entend réduire certaines libertés.
Pour Benjamin Constant, la liberté des Anciens est collective
car elle consiste à ce que chaque citoyen puisse participer à
la vie politique, c’est-à-dire à la prise de décisions pour ne pas
dépendre des choix de représentants. Étant collective et directe,
l’individu est, par conséquent, nié au profit de la communauté
qui seule doit primer dans la prise de décision. Quant à la
liberté des Modernes, Benjamin Constant la définit comme
l’individu le plus libre possible dans sa vie privée, jouissant
ainsi de toutes les libertés offertes par le régime (religieuse,
action, expression, travail, sécurité) mais avec le risque que le
citoyen, s’adonnant à profiter de ses libertés individuelles, ne
se détourne de la vie politique et abandonne de fait la direction
des affaires publiques (donc des choix qui le concernent) à
des représentants dont il devient dépendant politiquement.
Chez les Anciens, le citoyen doit intervenir directement dans la
vie politique en participant aux votes et en siégeant dans les
institutions, alors que chez les Modernes il élit des représentants
qui vont décider pour lui.
Il prononce son discours en 1819 car il craint que le Restauration
ne conduise à un retour de l’absolutisme, donc à une perte de
libertés individuelles pour les citoyens français.
2. Analyse de l’historien :
- Pour Olivier Nay, cet idéal de liberté individuelle est issu de la
Révolution française, notamment des idées des Lumières qui
l’ont nourri. Depuis les xviie et xviiie siècles, l’individu est devenu
une fin en soi. Son émancipation passe par la jouissance de
libertés individuelles dans le cadre d’une société qui définit
et garantit ces libertés.
- Participer directement à la vie politique est une liberté car
on peut exprimer son opinion et défendre ses intérêts pour
ne pas dépendre des choix d’autres personnes, mais cela
présente l’inconvénient d’une présence continuelle dans les
instances de décisions pour participer aux débats et prendre
position. Être représenté offre l’avantage de pouvoir dégager du
temps pour profiter au maximum de ses libertés individuelles
afin d’être autonome et d’accéder au bonheur, mais cela a
pour conséquence négative de dépendre des choix d’autres
personnes en sachant que les représentants peuvent agir
contre mon intérêt personnel.
 LEÇON 2
Penser la démocratie : démocratie
directe et démocratie représentative
 p. 54-55
❚❚ P
 résentation des documents en lien
avec la problématique
L’unique document qui accompagne la leçon revient
sur l’existence de formes de démocratie directe dans le
monde contemporain. Cette photographie s’inscrit dans le
contexte des quatre votes annuels au cours desquels plus de
5 200 000 citoyens suisses âgés de plus de 18 ans se prononcent
pour ou contre un ensemble de décisions du Parlement fédéral
(environ une quinzaine d’objets par an).
Le schéma fléché au bas de la p. 55 a pour objectif de replacer
les études de l’axe 1 dans une organisation plus systémique.
Il donne du sens au travail d’exemples réalisé dans les pages
précédentes puisqu’il participe à illustrer la leçon sur l’évolution
de l’idée de démocratie. Ce peut être un bon point d’appui
pour la préparation d’un sujet de composition susceptible
d’être proposé à l’examen (par exemple, quels débats suscitent
les deux formes de démocraties, directe et représentative ?).
THÈME 1
AXE 2 Avancées et reculs des démocraties
OUVERTURE p. 56-57
❚❚ Introduction
L’axe 2 du thème 1 cherche à souligner les forces et les fragilités
de la démocratie au travers de ses avancées et de ses reculs
dans l’histoire. Trois points sont abordés successivement :
tout d’abord, les interrogations de Tocqueville sur les effets
néfastes de la démocratie, la « tyrannie de la majorité » et le
« despotisme démocratique » ; ensuite l’échec de l’expérience
d’une démocratie chilienne conduite par Salvador Allende ;
enfin, la transition démocratique menée dans la péninsule
ibérique entre 1974 et 1982.
L’expérience chilienne en France
L’expérience chilienne et son échec eurent un écho tout particulier
en France. Au lendemain des manifestations de mai 1968, le
programme de l’Unité populaire résonne dans le pays comme
une mise en application de certains principes défendus par les
partis de gauche et d’extrême-gauche et est très médiatisé. Ainsi,
le coup d’État du 11 septembre provoque une véritable onde de
choc dans le pays. Une grande partie de l’opinion publique est
scandalisée par la violence de la répression. Les partis de gauche
et syndicats se mobilisent dès le 12 septembre pour dénoncer
les exactions et le gouvernement français réagit très rapidement
en proposant dès le 28 septembre 1973 l’accueil des réfugiés
chiliens. Environ 15 000 Chiliens émigrent ainsi vers la France.
La démocratie directe en Suisse (doc. 1)
Le doc. 1 peut compléter le schéma 3 p. 51 qui évoque les
différents dispositifs de la démocratie directe en Suisse.
S’inspirant des idées des Lumières et d’idéaux de la Révolution
française (notamment sous l’influence de Condorcet), ce
système de votation – qui sert de référendum constitutionnel
obligatoire – a été instauré en 1848 en Suisse afin que les
citoyens puissent exercer une forme de contrôle des politiques
fédérales, les autres dispositifs permettant quant à eux
d’intégrer progressivement le droit d’initiative des citoyens.
À travers ces votations annuelles, les citoyens suisses sont
appelés aux urnes pour se prononcer sur des propositions de
celles et ceux qu’ils ont élus auparavant dans les différentes
institutions politiques.
Le doc. 1 fait partie de ces images symboliques de la
démocratisation, avec les œillets rouges des militaires portugais
plantés dans les canons de leur fusil en signe de paix. Ainsi,
la révolution du 25 avril est aussi appelée « révolution des
Œillets ». Le doc. 2, tout aussi célèbre, illustre le siège du palais
présidentiel chilien, la Moneda, par les insurgés lors du coup
d’État du 11 septembre 1973. Enfin, le doc. 3 est un planisphère
qui permet d’observer le mouvement de démocratisation qui
se développe dans le dernier quart du xxe siècle, en Europe du
Sud et en Amérique latine dans les années 1970 et 1980, puis,
après la chute du mur de Berlin, dans de nombreux pays faisant
partie du bloc communiste, en Afrique ou en Asie de l’Est.
❚❚ Réponses aux questions
1. Les œillets sont ici un symbole de paix afin de montrer que le
coup d’État militaire a pour but l’établissement d’une démocratie
au Portugal. Les fleurs sont ainsi souvent un symbole de paix
lors de manifestations ou de révolutions.
2. Le planisphère du doc. 3 prouve que le processus de
démocratisation s’est largement développé depuis les années
1970 en Amérique latine et en Europe, dans une moindre
mesure en Afrique et en Asie. Mais ce mouvement peut aussi
s’inverser, comme l’illustre le coup d’État chilien. Le processus
de démocratisation n’est pas irréversible.
Axe 2 • Avancées et reculs des démocraties 25

JALON
L’inquiétude de Tocqueville :
de la démocratie à la tyrannie ?
Une analyse politique
❚❚ Introduction
À la fois juriste, historien, économiste, philosophe politique,
homme d’État et homme d’action, Tocqueville est un
héritier des penseurs des Lumières, marqué par l’œuvre de
Montesquieu et l’héritage de la Révolution. Sa réflexion se
caractérise par la rigueur du raisonnement, l’ouverture d’esprit
et l’examen attentif des relations entre les principes de liberté
et d’égalité au sein des régimes démocratiques modernes.
Raymond Aron en faisait un des précurseurs du raisonnement
sociologique : Tocqueville est ainsi le premier à souligner
que la démocratie n’est pas seulement un régime politique,
mais surtout un processus affectant la stratification sociale
et les relations interpersonnelles. Selon lui, la démocratie
amorce un mouvement historique inéluctable d’égalisation des
conditions de vie au sein d’une société, préfigurant les réflexions
contemporaines sur la justice et la mobilité sociales. La double
page repères 1 (p. 58-59) vise à montrer que Tocqueville est un
penseur nuancé ; il relève que l’égalisation des conditions et
la passion pour l’égalité des citoyens des États démocratiques
(A) portent en elles le risque d’une privation de liberté (B
et C) dont les démocraties doivent se prémunir (D). L’étude
suivante (p. 60-61) insiste sur les notions de « tyrannie de la
majorité » et de « despotisme démocratique », afin de mieux
les cerner et de signifier leur actualité. Car De la démocratie en
Amérique, outre le succès rencontré du vivant de son auteur,
est un ouvrage majeur pour la fécondité des analyses qui y
sont développées et ses troublantes conjectures sur l’évolution
des États démocratiques.
REPÈRES 1
La démocratie selon Tocqueville p. 58-59
❚❚ P
 résentation des documents et des liens
possibles entre eux
L’égalisation des conditions désigne chez Tocqueville un
processus historique faisant progresser l’égalité dans tous les
domaines sociaux. La démocratie se caractérise ainsi par des
individus qui se pensent égaux, n’acceptent plus les privilèges
et les inégalités. Ce mouvement se retrouve dans la déclaration
d’indépendance des États-Unis, symbole des valeurs américaines
qui se rappellent à tous les Américains quand ils utilisent un
billet de 1 dollar (doc. 1).
Toutefois, tous les citoyens étant égaux, aucune opinion
individuelle ne peut plus s’imposer. Il en résulte que la majorité
a raison. Avec la tyrannie de la majorité, Tocqueville ne
pointe pas le risque que la majorité se trompe, mais qu’elle
impose ses idées et ses façons de vivre à des individus écrasés
par le nombre, d’autant plus s’ils n’ont pas de représentants
pour porter leurs revendications, comme en témoigne la faible
représentation des couches populaires à l’Assemblée nationale
en France (doc. 2).
26 Thème 1 • Comprendre un régime politique : la démocratie
La démocratie porte alors le danger de pousser les citoyens
à se replier sur leur sphère privée, à abandonner l’espace
public à l’État, un despotisme démocratique qui décide de
tout à la place de citoyens renonçant à leur liberté de penser
et d’agir, au profit d’une égalité de traitement. Avec l’essor
de l’État-providence, des critiques ont ainsi été formulées
contre les moyens d’action publique, fondant une « nation
de fonctionnaires », comme l’écrivait Tocqueville et comme
l’illustre le nombre de ses agents en France (doc. 3).
Pour éviter ces dérives, Tocqueville propose l’établissement
d’une démocratie décentralisée avec une séparation stricte des
pouvoirs, comme dans le système fédéral américain (doc. 4).
Il en appelle également à la mise en place de contre-pouvoirs
intermédiaires entre l’État et les citoyens, notamment les
associations qui agitent l’espace public, et à conserver une
morale religieuse pour guider les choix individuels.
❚❚ Pour comprendre
1. Tocqueville observe en Amérique la progression de l’égalité
des conditions (mouvement de transformation de la société
dans laquelle le statut social n’est plus héréditaire). Il se demande
si cet amour pour l’égalité n’est pas de nature à faire renoncer
les individus démocratiques à leur liberté.
Assoiffés d’égalité, ils sont ainsi prêts à sacrifier leur liberté d’agir
et de penser au profit d’une égalité de traitement (« égalité
politique », « égalité des chances ») offerte par un État devenu
tout-puissant (despotisme démocratique). De même, éblouis par
la passion de l’égalité, ils en viennent à considérer que toutes les
opinions se valent (« égalité des considérations »), qu’il convient
donc de suivre l’opinion du plus grand nombre, ce qui revient à
renoncer à sa liberté de penser (tyrannie de la majorité). Ainsi,
Tocqueville pense-t-il que les peuples démocratiques ont
un goût naturel pour la liberté ; mais il ajoute qu’ils ont pour
l’égalité « une passion ardente, insatiable, éternelle, invincible ;
ils veulent l’égalité dans la liberté, et, s’ils ne peuvent l’obtenir, ils
la veulent encore dans l’esclavage ». Liberté et égalité peuvent
donc devenir inconciliables dans les sociétés démocratiques.
2. Le système américain de séparation des pouvoirs (doc. 4)
fonde un régime dit « de séparation stricte des pouvoirs » où le
pouvoir législatif est le seul à disposer de l’initiative et du vote
des lois et le pouvoir exécutif est le seul à pouvoir appliquer la loi.
Les deux pouvoirs ne peuvent pas se révoquer mutuellement,
parce qu’ils tirent tous deux la même légitimité d’une élection
au suffrage universel. En cas de conflit entre exécutif et législatif,
le système politique peut donc se retrouver bloqué. En pratique,
les deux pouvoirs sont contraints de trouver des arrangements
et de passer des compromis pour éviter la crise de régime. C’est
ce qui s’est produit lors du vote de la réforme du système de
santé (Obamacare) et régulièrement pour sortir des shut down
qui empêchent le financement des dépenses de l’État. Il en
résulte qu’un président élu n’est pas omnipotent et qu’il doit
composer avec le pouvoir législatif, lequel représente toutes
les franges de l’électorat. La liberté des citoyens, portée par
leurs représentants, n’est donc pas annihilée pendant la durée
d’un mandat présidentiel.
De même, les États-Unis sont un État fédéral, c’est-à-dire que
si plusieurs domaines sont pris en charge au niveau national
(économie, politique étrangère), les États fédérés conservent
une grande autonomie pour légiférer dans les autres champs.
Il en résulte que le droit américain peut comporter de grandes
différences d’un État à l’autre. Dans de nombreux domaines,
les citoyens d’un État peuvent donc s’opposer à l’application
d’une mesure jugée trop conservatrice ou, au contraire, trop
libérale. L’Alabama a ainsi récemment durci les conditions
du droit à l’avortement, alors que la Californie a largement
dépénalisé la consommation de cannabis pour motif médical.
On peut ajouter que l’élection d’un président noir aux États-
Unis en 2008 illustre la poursuite du processus d’égalisation
des conditions dans la société américaine, mais que l’égalité est
encore loin d’être parfaite dans ce pays, notamment concernant
l’inégalité des chances de réussite scolaire et professionnelle
qui affecte les Afro-Américains.
ÉTUDE
La tyrannie de la majorité
et le despotisme démocratique
chez Tocqueville p. 60-61
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
En lien avec la double page précédente, cette activité vise
à mieux cerner les contours des principes de tyrannie de la
majorité (doc. 1) et de despotisme démocratique (doc. 3), ainsi
qu’à proposer des actualisations à l’analyse de Tocqueville.
Dans la lignée des revendications des Gilets jaunes en faveur
d’une démocratie accrue, le débat actuel sur l’introduction d’un
référendum d’initiative citoyenne (doc. 2) illustre l’opposition
à une tyrannie de la majorité, ainsi que les aspirations
démocratiques à ne pas étouffer les opinions minoritaires,
voire à leur donner un débouché législatif. La question concerne
sans doute de façon plus aiguë la place des citoyens dans des
États démocratiques où la prise de décision est très centralisée.
Ces formes de despotisme démocratique prolifèrent autant
en raison de l’institutionnalisation et de la bureaucratisation
des États modernes qu’en raison du délitement des corps
intermédiaires et de l’abandon ou de l’investissement ponctuel
de la sphère publique par les citoyens (doc. 4).
Le référendum d’initiative citoyenne (doc. 2)
Proposition majeure portée par le mouvement des Gilets jaunes
en 2018-2019, le RIC consiste à « faire une proposition de loi » à
condition d’obtenir « 700 000 signatures » sur « un site lisible et
efficace, encadré par un organisme indépendant de contrôle ».
Dès lors, l’Assemblée nationale peut discuter, compléter et
amender la proposition avant de la soumettre au vote de
« l’intégralité des Français », au plus tard un an après qu’elle a
récolté le nombre de signatures requis. Des divergences existent,
en revanche, sur les types de textes qui pourraient être soumis
aux citoyens (loi, abrogation d’une loi, révocation des élus,
modification de la Constitution et des traités internationaux,
etc.). Quelle que soit la formule choisie, le RIC ambitionne une
plus grande participation directe des citoyens à la procédure
législative que ne l’y autorisent les dispositifs en vigueur. Car
il existe déjà en France depuis 2015 un référendum d’initiative
partagée ; il peut être organisé à l’initiative d’un cinquième des
membres du Parlement et soutenu par un dixième des électeurs
inscrits sur les listes électorales. À l’issue du Grand débat national
lancé par le gouvernement, le président Emmanuel Macron a
annoncé le 25 avril 2019 vouloir « changer beaucoup plus en
profondeur notre démocratie » en abaissant à un million le
nombre de signataires pour un référendum d’initiative partagée,
mais en rejetant l’idée du référendum d’initiative citoyenne
portée par les Gilets jaunes.
❚❚ Analyse de documents
1. Dans les sociétés démocratiques, tous les hommes se voient
égaux, donc toutes leurs opinions personnelles se valent.
Comment savoir alors qui a raison ? En mesurant le nombre de
personnes qui soutiennent une opinion. En effet, l’opinion d’un
seul ne compte pas, mais celle du plus grand nombre apparaît
comme certainement juste. Les citoyens ont ainsi tendance à
penser que la majorité a toujours raison et la minorité toujours
tort. Tocqueville ne pointe pas ici le risque que la majorité se
trompe, mais plutôt qu’un individu, intimidé par le nombre,
n’ose pas s’opposer à l’opinion majoritaire, n’ose pas exprimer
une opinion différente. La tyrannie de la majorité désigne, dans
les sociétés démocratiques, la capacité de la majorité à imposer
ses idées et ses façons de vivre à un individu, lequel renonce
à exercer sa liberté de penser. La décision de la majorité peut
alors être tyrannique si elle nuit aux libertés individuelles et
conduit l’individu démocratique à renoncer à son autonomie.
2. Le principe du référendum est de soumettre une mesure au
vote des citoyens. En France, l’exécutif et les parlementaires
peuvent ainsi proposer, sous certaines conditions, des textes au
suffrage universel. L’idée du référendum d’initiative citoyenne
(RIC) est de permettre au peuple de présenter des propositions
au vote des électeurs, sans avoir à obtenir l’aval d’un certain
nombre d’élus, à la différence de ce qui existe déjà en France.
Les partisans du référendum d’initiative populaire partagent la
volonté de « redonner la parole au peuple » et de proposer des
lois qui ne seraient pas nécessairement portées par la majorité.
3. Si tous les individus sont égaux, ils ne sont plus liés les uns
aux autres par des rapports de dépendance entre inférieurs et
supérieurs. Les hommes n’ont plus besoin les uns des autres.
Ils risquent alors de réduire leurs relations sociales à leur
entourage immédiat (sphère privée = famille, amis) et ne
plus s’intéresser qu’à leurs affaires personnelles. Les citoyens
abandonnent l’espace public à un État qui vient combler ce
vide. Il devient de plus en plus centralisé, omniprésent et
tout-puissant. Il décide à leur place. Les citoyens acceptent
d’autant mieux cette privation d’autonomie que l’État les traite
de façon égalitaire. Le despotisme démocratique désigne
cette insertion d’un État omniprésent, mais non violent, dans
la vie des individus qui renoncent à leur liberté au profit d’une
égalité de traitement. Il se distingue en cela des despotismes
non démocratiques, qui imposent leur volonté par la force et
la violence.
4. Tocqueville observe en Amérique la progression de l’égalité
des conditions (mouvement de transformation de la société
dans laquelle le statut social n’est plus héréditaire). Il se demande
si cet amour pour l’égalité n’est pas de nature à faire renoncer les
individus démocratiques à leur liberté. L’élève pourra reprendre
les arguments proposés en réponse à la question 1 p. 59.
5. Même sur des sujets en apparence essentiels, comme
les questions environnementales et de santé publique (cf.
celles liées à l’usage de pesticides), même quand des corps
intermédiaires interviennent dans le débat public (ici les
médias), le despotisme démocratique est à l’œuvre : les citoyens
se désintéressent des affaires publiques, laissant les gouvernants
agir comme bon leur semble. L’impossibilité faite au président
Hollande de se représenter en 2017 faute de soutien populaire
semble cependant invalider la conclusion de ce dessin datant de
2016 : si les citoyens ne se saisissent pas des affaires publiques,
ils agissent cependant dans la sphère politique au travers de
la participation aux élections.
Axe 2 • Avancées et reculs des démocraties 27
 JALON
Crise et fin de la démocratie :
le Chili de 1970 à 1973
❚❚ Introduction
Ce jalon doit permettre de comprendre pour quelles raisons
le processus de démocratisation de la vie publique au Chili
mis en place par Salvador Allende a échoué après trois ans de
présidence. Si le coup d’État constitue en lui-même la cause de
l’échec de ce régime et du suicide d’Allende, il faut aussi mesurer
l’hostilité d’une partie de la population à l’encontre de l’Unité
populaire. En effet, les racines des difficultés d’Allende tiennent
d’emblée au mode de scrutin des élections présidentielles
de 1970 : un scrutin à un tour au terme duquel le Congrès
national nomme le président. Comme Allende ne gagne les
élections qu’avec 40 000 voix d’avance sur son adversaire
politique Alessandrini et que le Congrès est à majorité hostile
à Allende, son élection n’est possible qu’avec la pression de
la rue, tandis que les États-Unis soutiennent les opposants.
Ainsi, les trois années de la présidence Allende sont marquées
par des réformes ambitieuses et une pression populaire qui
parfois dépasse les attentes du gouvernement, mais aussi
par une hostilité des États-Unis dans un contexte de guerre
froide. Si Allende jouit en France d’une aura particulièrement
importante, c’est notamment lié au fait que de nombreux
exilés chiliens favorables à l’Unité populaire reçoivent l’asile
en France : après septembre 1973, la France accueille environ
15 000 ressortissants chiliens qui fuient la dictature.
REPÈRES 2
La difficile arrivée de Salvador Allende
au pouvoir p. 62-63
❚❚ P
 résentation des documents et des liens
possibles entre eux
Les documents proposés dans cette double page repères
doivent aider à saisir les circonstances de l’arrivée au pouvoir
de Salvador Allende au Chili. Dans les années 1960 (doc. 1),
l’Amérique latine est au cœur des enjeux de la guerre froide.
Si Cuba est la vitrine de l’idéologie communiste dans la région,
les États-Unis interviennent régulièrement sur le continent et
soutiennent les dictatures hostiles aux idéaux communistes.
La population chilienne, composée à 46 % d’ouvriers (doc. 2),
est sensible aux idées développées par les partis de gauche
d’inspiration marxiste, même si le Congrès national est dominé
par des partis de droite (doc. 3). Afin de gagner les élections
présidentielles de 1970, les partis de gauche se réunissent sous
la bannière de l’Unité populaire (doc. 4). Ainsi, aux élections
du 4 septembre 1970 (à un seul tour), Salvador Allende est
le candidat qui obtient le plus de suffrages : il rassemble
36,61 % des voix, quand son adversaire direct, Jorge Alessandri
Rodriguez, en recueille 35,27 % (doc. 5). La victoire est donc
courte, d’autant plus que le président est choisi par le Congrès
national. C’est pourquoi ce dernier subit les pressions des
États-Unis pour élire Alessandri tandis que la rue se mobilise
28 Thème 1 • Comprendre un régime politique : la démocratie
pour soutenir Allende (doc. 6). Finalement, le 24 octobre,
Salvador Allende est nommé président de la République.
Durant tout son mandat, il reste contesté par l’opposition,
forte au Congrès national.
❚❚ Pour comprendre
1. Bien que Salvador Allende ait obtenu la majorité des voix
lors des élections présidentielles, son autorité reste fragile. En
effet, dans la Constitution chilienne, c’est le Congrès national
qui nomme le président, or il est très hostile à Salvador Allende
et soutenu par les États-Unis qui ne veulent pas d’un président
socialiste à la tête d’un pays d’Amérique latine.
2. Durant la campagne électorale, mais aussi pendant tout
son mandat, Salvador Allende peut compter sur le soutien des
milieux populaires, notamment ouvriers, nombreux au Chili.
ÉTUDE
Le projet de société de Salvador Allende
pour le Chili p. 64-65
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
Dans cette étude, il s’agit de comprendre la dimension
démocratique du projet politique, économique et social de
Salvador Allende. Dans le cadre de la guerre froide, il faut
rappeler que, suivant la théorie marxiste-léniniste de l’accession
au pouvoir, à laquelle le parti socialiste chilien adhère (doc. 1),
« la violence révolutionnaire est inévitable et légitime » (l. 5),
« les formes pacifiques ou légales de lutte (…) ne conduisent
pas en elles-mêmes au pouvoir ». La question de l’accession
au pouvoir n’est donc pas nécessairement respectueuse du
cadre institutionnel. Au Chili, Salvador Allende peut compter
sur un mouvement ouvrier puissant qui agit parfois de façon
autonome. Ainsi, en 1973, de nombreuses grèves éclatent
afin d’obtenir de meilleures conditions de travail (doc. 2).
Les réformes mises en place par le gouvernement d’Unité
populaire sont caractéristiques des politiques d’inspirations
socialistes. Parmi les « 40 mesures » prônées par Allende, on peut
distinguer les nationalisations du cuivre, principale ressource
chilienne, et des grandes entreprises du pays, l’augmentation
des salaires et le blocage des prix (doc. 3). Franck Gaudichaud
souligne la démocratisation du monde du travail à travers
l’« Aire de propriété sociale », qui est une spécificité du modèle
chilien (doc. 4).
L’« Aire de propriété sociale » (doc. 4)
L’« Aire de propriété sociale » est un système original de
participation des travailleurs au sein des entreprises nationalisées.
L’État collabore étroitement avec la principale confédération
syndicale du pays, la Centrale unique des travailleurs. Ainsi,
les entreprises ne sont pas gérées d’en haut par l’État, mais en
collaboration avec les travailleurs. C’est là sans doute un des
traits les plus spectaculaires de la démocratie chilienne dans
le secteur économique.
Le doc. 5 tente d’expliquer succinctement comment les
travailleurs peuvent participer au fonctionnement des
entreprises nationalisées.
❚❚ Analyse de documents
1. La démocratie chilienne selon Salvador Allende consiste
surtout en la redistribution des richesses et des rôles politiques
entre les élites et les catégories les plus modestes de la population.
2. Dans le secteur économique, la démocratie fonctionne
principalement au sein d’entreprises nationalisées dont la
gestion est désormais prise en charge par l’État, mais aussi
par les travailleurs dans le cadre de l’Aire de propriété sociale.
3. Pour Salvador Allende, la démocratisation du tissu
économique chilien passe par la cogestion entre l’État et les
travailleurs, les deux piliers de l’économie nationale.
❚❚ Bilan
Salvador Allende arrive au pouvoir au Chili avec un projet
ambitieux de réformes économiques et sociales. Souhaitant
améliorer le sort des populations ouvrières qui constituent
une part importante du pays, il élabore « 40 mesures » qui
doivent transformer en profondeur la société chilienne : la
nationalisation des grandes entreprises du pays et de l’industrie
du cuivre, l’augmentation des salaires et le blocage des prix,
ainsi que la réforme du système de santé et d’éducation qui
doit favoriser l’égalité entre les individus.
La dimension la plus originale du projet d’Allende reste sans
doute son mode de gestion des grandes entreprises, avec
un système de cogestion entre les représentants de l’État et
ceux des travailleurs, par le biais de la Centrale unique des
travailleurs, principal syndicat du pays. Cette organisation
doit, selon Salvador Allende, contribuer à la démocratisation
de la société chilienne.
ÉTUDE
L’échec du projet démocratique chilien
 p. 66-67
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
Cette étude vise à comprendre le contexte du coup d’État du
11 septembre 1973. Les années de présidence Allende au pouvoir
créent une forme de clivage au sein de la société dans le cadre
de la guerre froide. En effet, le rapprochement assumé du Chili
d’Allende avec Cuba suscite la colère du gouvernement américain
(doc. 1). Ainsi, la Banque mondiale, dont dépend largement le
Chili, baisse de façon drastique ses prêts accordés au pays (doc. 2),
ce qui le plonge dans une crise économique très importante.
Le coup d’État du 11 septembre 1973 (doc. 4)
Le coup d’État a été planifié par les commandants en chef des
trois corps d’armée et le chef de la police. Il est dirigé par le
général Augusto Pinochet et est soutenu par les États-Unis.
Il intervient deux mois après une première tentative de coup
d’État, en juin 1973. Salvador Allende se suicide lors du siège
du palais de la Moneda. À la suite du coup d’État, la junte
prononce la dissolution du Congrès national, des syndicats
et des partis politiques. La liberté de la presse est abolie, les
opposants au régime sont arrêtés, exilés, torturés ou exécutés.
La dictature militaire se maintient au pouvoir jusqu’en 1990.
À partir de 1972, l’inflation augmente de façon rapide (doc. 3)
et des manifestations d’hostilité envers le régime, notamment
les « marches des casseroles », soulignent les tensions sociales
et les dissensions qui existent dans le pays. Par ailleurs, le coup
d’État (doc. 4) intervient dans un climat de forte opposition
entre le pouvoir exécutif et les pouvoirs législatif et judiciaire.
Le doc. 5 retranscrit le dernier discours de Salvado Allende,
prononcé quelques heures avant son suicide.
❚❚ Réponses à l’activité
Le 11 septembre 1973, le régime de Salvador Allende est
renversé par un coup d’État et le président se suicide, trois ans
après être parvenu au pouvoir à la tête de l’Unité populaire.
Pourtant, le charismatique président avait à son arrivée un
programme ambitieux de démocratisation et de développement
de l’égalité entre les citoyens. Comment alors expliquer l’échec
de l’Unité populaire et de Salvador Allende au Chili ?
La politique mise en place par Salvador Allende à son arrivée
au pouvoir n’est pas sans susciter une forme d’hostilité. Celle-ci
est tout d’abord liée au rapprochement du président avec le
Cuba de Fidel Castro, principal adversaire des États-Unis dans la
région. Le gouvernement américain considère immédiatement
Allende comme un adversaire politique. Il fait pression sur
les institutions financières internationales comme la Banque
mondiale qui diminue ses prêts, ce qui met le Chili dans une
conjoncture économique très difficile, d’autant plus que la
politique économique et sociale du président est coûteuse.
Ainsi, rapidement, la situation économique de certains Chiliens
se dégrade et une partie de la population se mobilise contre
la politique du président.
Le coup d’État qui intervient le 11 septembre 1973 est en
revanche à l’initiative de l’armée. Ainsi, sentant que le contexte
social est favorable à un renversement et qu’Allende n’est pas
soutenu par la majorité au Congrès national, les insurgés, dirigés
par le général Pinochet, prennent le palais de la Moneda et le
président se suicide. Pinochet bénéficie du soutien d’une partie
de la population, mais surtout des États-Unis qui se réjouissent
de la chute du gouvernement d’Allende.
L’échec de l’Unité populaire est donc dû à une situation
économique difficile au Chili, mais aussi à l’hostilité initiale
des États-Unis à un régime de type socialiste, dans un climat
de guerre froide.
J A LON
D’un régime autoritaire
à la démocratie : le Portugal
et l’Espagne de 1974 à 1982
❚❚ Introduction
Le deuxième jalon de l’axe 2, « D’un régime autoritaire à la
démocratie : le Portugal et l’Espagne de 1974 à 1982 », est une
bonne approche du processus de transition démocratique, telle
qu’elle a lieu en Europe du Sud. Dans les deux cas, il ne s’agit
pas d’une révolution violente mais d’un mouvement pacifique
ou progressif. Au Portugal, la « révolution des Œillets » est
davantage un coup d’État militaire qui met fin à une dictature
incapable de répondre aux attentes des citoyens. En Espagne, la
transition est plus progressive et s’appuie sur la personne du roi
Juan Carlos, dont le statut en fait un garant de la Constitution.
Nous avons choisi d’évoquer la tentative avortée du coup
Axe 2 • Avancées et reculs des démocraties 29

d’État de 1981 pour montrer que, malgré les oppositions,
la démocratie parvient à s’enraciner en Espagne. Il n’est pas
nécessaire de connaître ici précisément le nom de tous les
acteurs de la vie politique ibérique, mais plutôt de comprendre
le processus de démocratisation soutenu par la société civile.
C’est un jalon qui répond bien à celui qui précède sur le Chili
de la même période.
REPÈRES 3
L’Espagne et le Portugal,
deux transitions de la dictature
à la démocratie p. 68-69
❚❚ P
 résentation des documents et des liens
possibles entre eux
Cette double page de repères doit permettre de comprendre
les conditions de la transition démocratique après la disparition
de deux dictateurs très charismatiques, Antonio de Oliveira
Salazar au Portugal et Francisco Franco en Espagne. Salazar
renonce au pouvoir en 1968, mais la dictature reste en place,
même après sa mort en 1970. En revanche, les guerres coloniales
(doc. 1) qui perdurent conduisent à une lassitude du pouvoir.
D’ailleurs, une part importante de la population quitte le pays,
notamment pour la France (doc. 2).
En Espagne, la mort de Franco, au pouvoir depuis 1939, est
un événement fondamental et une rupture dans l’histoire du
pays. En 1969, Juan Carlos avait été associé au pouvoir et il
devait devenir roi à la mort du Caudillo. C’est ce qui se passe,
mais le nouveau roi pousse à la démocratisation du pays, dans
un contexte général d’isolement diplomatique de l’Espagne.
Ainsi, la Constitution de 1978 fait du roi le garant des principes
constitutionnels, et donc de la démocratie naissante (doc. 3).
Mais un deuxième aspect important de l’Espagne post-franquiste
est la reconnaissance des différentes identités et cultures du
pays et la liberté des communautés autonomes, évoquées dès
l’article 2 de la Constitution. L’espoir placé dans le roi en faveur
du respect de la démocratisation est donc immense.
❚❚ Pour comprendre
1. Au début des années 1970, après la mort de Salazar,
l’impopularité de la dictature portugaise est liée au fait que
le pays est engagé dans des guerres coloniales, à une époque
où le Portugal est l’une des dernières puissances coloniales.
Cette guerre coûteuse intervient dans un environnement
économique morose, où beaucoup de Portugais sont contraints
à l’émigration vers la France.
2. Les signes de la transition démocratique en Espagne sont
perceptibles avant la mort de Franco. Ainsi, en 1969, Juan Carlos
est proclamé prince d’Espagne et amené à devenir roi à la mort
de Franco. Il exerce le pouvoir dans les derniers mois de la vie du
dictateur, mais choisit un modèle de transition démocratique
à partir de 1975. C’est donc en partie à l’initiative du roi que la
transition démocratique est mise en place.
30 Thème 1 • Comprendre un régime politique : la démocratie
ÉTUDE
La révolution des Œillets au Portugal,
une révolution douce ? p. 70-71
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
L’exemple de la transition démocratique au Portugal est
intéressant car il montre bien comment une dictature peut
s’effondrer très rapidement. Le coup d’État du 25 avril 1974
est organisé par le Mouvement des forces armées (MFA), avec
à sa tête un certain nombre de militaires prestigieux, dont le
général Spinola, limogé pour s’être opposé à la poursuite de
la guerre coloniale (doc. 1).
Les militaires et la révolution des Œillets (doc. 1)
La révolution du 25 avril a lieu à partir du coup d’État du
général Spinola. Le Mouvement des forces armées, né l’année
précédente, prend le pouvoir. C’est une révolution pacifique
dans le sens où seul le pouvoir politique oppose une résistance
armée et tire dans la foule, faisant quatre morts. Ce sont les
seules victimes du soulèvement. Le pouvoir est aussitôt confié
à un groupe de militaires qui annonce la tenue d’élections
libres. L’armée insurgée apparaît alors comme un facteur de
paix (fin des guerres coloniales), mais aussi un moteur de la
transition démocratique (doc. 2).
Ainsi, le MFA se présente immédiatement comme un mouvement
pacifique qui ne cherche pas à conserver le pouvoir mais à
mettre en place des élections libres (doc. 3). Pour de nombreux
émigrés portugais en France, cet événement a annoncé la
possibilité du retour (doc. 4). En effet, beaucoup d’opposants
comme Mario Soares, premier ministre puis président de la
République entre 1986 et 1996, ont pu alors revenir au Portugal
pour assurer cette transition (doc. 5). Cependant, la chute de la
dictature salazariste a suscité une grande instabilité politique
avant que la vie politique portugaise ne puisse se consolider.
❚❚ Réponses à l’activité
1. À la veille de la révolution, le contexte est marqué par la guerre
coloniale, les difficultés économiques et l’émigration massive.
L’objectif du propos est de répondre à la problématique :
Comment comprendre que la dictature portugaise s’effondre
aussi rapidement ?
2. Le 25 avril 1974 a lieu un coup d’État militaire qui conduit
à la prise de pouvoir par les militaires du MFA.
Cette révolution est pacifique comme le confirment les extraits
du communiqué du MFA à la radio. Des scènes de fraternisation
entre les insurgés et la population ont lieu dans les rues.
La transition démocratique est longue comme l’indique
l’expression du texte 4 : « Le 25 avril, ça s’est passé après ». Elle
passe par le retour des hommes politiques exilés et la reprise
du débat politique.
3. La conclusion peut rappeler la grande fatigue de la population
face à une dictature qui n’arrive pas à assurer le bien-être des
habitants et sans soutien de l’armée. Une alternative politique
devient possible avec le retour des opposants exilés.
 ÉTUDE
Le roi au secours de la démocratie
espagnole : l’échec du coup d’État
de 1981 p. 72-73
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
Cette étude souhaite montrer la solidité de la démocratie en
Espagne par l’échec du coup d’État du 23 février 1981. En effet,
six ans après la mort de Franco et la montée de Juan Carlos
sur le trône d’Espagne, une tentative de prise de pouvoir par
une partie de l’armée et le colonel Tejero menace de remettre
en question le processus de transition démocratique (doc. 1).
Le coup d’État du 23 février 1981 (doc. 1)
Ce coup d’État intervient le jour du vote de l’investiture du
président du gouvernement. À 18h21, un groupe de gardes
civils sous le commandement du lieutenant-colonel Tejero
interrompt le vote et prend en otage l’assemblée. Après ce
coup de force, des militaires tentent de prendre le contrôle de
l’armée, en vain. Le refus de Juan Carlos de soutenir le coup
d’État mène à son échec. Le lendemain, les députés sont libérés.
Mais la survie de la démocratie espagnole tient en grande
partie à la réaction du roi qui réaffirme son attachement à la
démocratie (doc. 2) : « La Couronne, symbole de la permanence
et de l’unité de la patrie, ne peut tolérer d’aucune manière les
actions des personnes qui prétendent interrompre par la force le
processus démocratique que la Constitution, votée par le peuple
espagnol, détermina par référendum. » De même, la société
civile et les médias se mobilisent contre le coup d’État. El Pais
titre « El Pais avec la Constitution » (doc. 3) quand la télévision
transmet le message de Juan Carlos (doc. 4). L’analyse de Benoît
Pellistrandi souligne le fait que les médias ont participé à la mise
en scène de l’événement et de la perception de la crise (doc. 5).
❚❚ Analyse de documents
1. Analyse du discours de Juan Carlos
- Juan Carlos se place comme le défenseur de la Constitution
démocratiquement adoptée.
- Le roi est selon lui le garant de la Constitution.
- L’allocution télévisée est courte, mais son ton est très solennel.
2. Analyse de l’historien
- Pour Benoît Pellistrandi, l’efficacité du discours de Juan Carlos
tient dans sa sobriété et son cadre purement institutionnel.
- Les images, le son et la presse ont été les vecteurs de l’échec
du coup d’État : l’image d’un lieutenant-colonel brandissant
un revolver au milieu du Congrès ; au contraire, un roi sobre,
en habits militaires, prêt à défendre la Constitution. La
presse se range derrière le roi et le maintien des institutions
démocratiques espagnoles.
LEÇON 3
Avancées et reculs des démocraties
 p. 74-75
❚❚ P
 résentation des documents en lien
avec la problématique
Les documents accompagnant ce troisième cours « Avancées
et reculs des démocraties » permettent de répondre à la
problématique posée : « Quels sont les progrès et les limites
de la démocratisation à travers le monde ? » Cette leçon doit
aider les élèves à replacer les réflexions qu’ils ont pu développer
autour des avancées et des reculs de la démocratie dans une
perspective historique ou contemporaine. En effet, l’actualité
récente est régulièrement marquée par des processus de
revendications démocratiques, comme les printemps arabes,
mais aussi par des reculs de la démocratie, partout dans le
monde. Ainsi, la mobilisation de la population tunisienne
contre le président Ben Ali (doc. 1) a montré que des dictatures
solidement ancrées pouvaient vaciller et tomber face à la
société civile.
La Tunisie dans les printemps arabes (doc. 1)
Les printemps arabes ont commencé en Tunisie avec
l’immolation par le feu dans la ville de Sidi Bouzid d’un
vendeur ambulant de 26 ans, Mohamed Bouazizi, symbole
de la désespérance de la population tunisienne. La révolution
tunisienne a été facilitée par l’utilisation d’Internet et des
réseaux sociaux (voir p. 315). Le slogan « Dégage ! » à l’adresse
du président Ben Ali a été repris de nombreuses fois.
Le processus de démocratisation à l’échelle de la planète a connu
de multiples phases de développement : après la chute de l’URSS
dans les pays d’Europe de l’Est qui, pour la plupart, ont adhéré
à l’Union européenne et à ses valeurs, mais aussi en Afrique ;
au-delà des printemps arabes, il faudrait citer le renversement de
Blaise Compaoré au Burkina Faso en 2014 ou les manifestations
en Algérie et au Soudan en 2019. Mais la démocratie reste fragile.
En effet, dans le contexte de la guerre froide, de nombreux
gouvernements pourtant démocratiquement élus ont été
renversés par l’URSS (Tchécoslovaquie, Hongrie) ou par les
États-Unis (soutien des dictatures en Amérique latine, des
régimes anti-communistes en Asie). Patrice Lumumba, élu
démocratiquement premier ministre en juin 1960, est renversé
par un coup d’État soutenu par la CIA car le chef d’État congolais
est jugé trop proche de l’URSS et très anti-occidental. Il est
ensuite assassiné (doc. 2). Encore aujourd’hui, la démocratie
peut être menacée par la dictature, régime qui n’apparaît pas
toujours comme un repoussoir.
Le schéma fléché au bas de la p. 75 a pour objectif de replacer
les études de l’axe 2 dans une organisation plus systémique.
Il donne du sens au travail d’exemples réalisé dans les pages
précédentes puisqu’il participe à illustrer la leçon sur les avancées
et les reculs des démocraties. Ce peut être un bon point d’appui
pour la préparation d’un sujet de composition susceptible d’être
proposé à l’examen, par exemple, en vous appuyant sur les
exemples étudiés en classe, montrez que les démocraties ont
été et sont encore l’objet d’avancées et de reculs.
Axe 2 • Avancées et reculs des démocraties 31
 THÈME 1
OBJET DE TRAVAIL
CONCLUSIF
L’Union européenne et la démocratie
OUVERTURE p. 76-77
❚❚ Introduction
L’objet de travail conclusif du premier thème est consacré à
l’Union européenne et la démocratie, thématique qui touche
directement les élèves en tant que citoyens amenés à voter
lors des élections européennes. La question de la démocratie
dans l’Union européenne est l’objet d’un vaste débat depuis
les débuts de l’histoire de la communauté européenne mais
aussi depuis l’organisation des premières élections en 1979 :
quelle est la place du citoyen dans cette grande structure
supranationale ? Qu’implique pour les États ou les citoyens
la délégation de souveraineté ? Comment rendre cette
institution plus « démocratique » tant les conceptions de la
démocratie peuvent différer ? Ce sont toutes ces questions
qui sont soulevées dans l’objet conclusif. C’est pourquoi la
problématique générale choisie est : « Comment la démocratie
s’incarne-t-elle dans l’Union européenne ? ».
Le doc. 1 est une page Internet issue du site cettefoisjevote.eu,
plateforme lancée par le Parlement européen dans le but de
mobiliser les électeurs de l’Union européenne autour des
élections organisées du 23 au 26 mai 2019. Selon le site du
Parlement européen, plus de 300 000 volontaires ont été
recrutés par ce biais pour convaincre les citoyens de voter.
En effet, les élections européennes sont souvent en Europe
celles qui connaissent le plus fort taux d’abstention. En France
par exemple, depuis 1999, ceux-ci sont supérieurs à 53 %.
Cependant l’élection de mai 2019 en France a vu l’abstention
passer en dessous de la barre symbolique des 50 % (49,88 %),
soit huit points de moins qu’en 2014. Le degré de participation
à une élection est un bon indicateur de la vitalité démocratique
de celle-ci. Le doc. 2 présente une session au Parlement
européen. Ici, c’est le roi des Pays-Bas, Willem-Alexander, qui
est accueilli par le président du Parlement européen, Martin
Schulz, le 25 mai 2016. Lors de ce discours, le roi des Pays-Bas
soulignait la nécessité pour les États d’Europe de travailler
ensemble en faveur de la paix. Le Parlement européen est un
des organes essentiels de la démocratie à l’échelle de l’Union
européenne. Ses membres, élus au suffrage universel direct,
par État, jouent un rôle législatif mais aussi de surveillance des
autres institutions de l’Union et gèrent le budget européen. Si
le Parlement travaille en partenariat avec les autres institutions
de l’Union européenne, les citoyens peuvent aussi demander
au Parlement d’agir sur une question précise en lui soumettant
une pétition.
32 Thème 1 • Comprendre un régime politique : la démocratie
❚❚ Réponses aux questions
1. Cette page Internet montre que le souhait du Parlement
européen est d’inciter le plus grand nombre de citoyens
européens à voter aux élections européennes de mai 2019,
ce qui est le gage de la vitalité démocratique d’une institution
politique. Pour autant, cette initiative – qui a mobilisé plus
de 300 000 volontaires pour convaincre les citoyens de voter
– révèle que la forte abstention pourrait mettre en péril la
légitimité et le bon fonctionnement de l’Union européenne.
2. Le Parlement se veut avant tout une institution démocratique :
en effet, les chefs d’État comme le roi des Pays-Bas, Willem-
Alexander, peuvent venir s’exprimer devant les parlementaires
présents. Cette illustration présente également l’organisation
du Parlement : les parlementaires au premier plan sont élus
par les citoyens de leur pays. Tous les deux ans et demi a
lieu une élection du président du Parlement, présenté par
un groupe parlementaire ou au moins 38 députés. C’est une
élection qui se déroule en deux tours. Martin Schulz, homme
politique allemand, membre du groupe social-démocrate
européen, l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates
du Parlement européen, a été élu président du Parlement en
2012, puis réélu en 2014.
REPÈRES 1
L’Union européenne, une institution
démocratique p. 78-79
❚❚ Présentation des documents et des liens
possibles entre eux
L’objectif de ces pages repères est double : exposer les
grands principes démocratiques de l’Union européenne et
la place des citoyens européens en son sein. Ainsi, la frise
chronologique (doc. 1) servira de repère constant aux élèves
à travers des dates symboliques. L’organigramme du doc. 4
montre ensuite le fonctionnement de la démocratie européenne
entre démocratie directe et indirecte. L’exemple de l’Initiative
citoyenne européenne, ICE (doc. 5), permet de comprendre
les paradoxes de la volonté de beaucoup d’Européens qui
réclament davantage de démocratie directe, mais qui n’utilisent
pas toujours les outils déjà à leur disposition. Pourtant certains
droits et libertés sont bien ancrés dans les habitudes des
Européens : la liberté de circulation (doc. 2), la possibilité
d’étudier en Europe avec Erasmus (doc. 3).

Le succès d’Erasmus : un droit européen
Créé en 1987, le programme Erasmus a permis à plus de
5 millions d’étudiants (en 2017) de poursuivre leur formation
supérieure dans 34 États européens ou partenaires de l’Europe
(Turquie). L’agence en espère 7 millions pour 2020. Depuis
2014, le programme est devenu Erasmus + et a été élargi à
169 pays pour les étudiants en master. Pour la période 2014-
2020, le budget total est porté à 16,4 milliards d’euros (contre
3,1 milliards pour 2007-2013), dont 1,26 milliard pour la France.
Des pistes de débats avec les élèves peuvent émerger à
l’occasion de l’étude de cette double page : l’Union européenne
et ses citoyens souffrent-ils d’un déficit démocratique ou bien
d’un manque d’information et d’éducation politique ?
❚❚ Réponses aux questions
1. Les institutions européennes appliquent les grands principes
démocratiques. Ainsi les documents évoquent les élections (ici
celles des députés au Parlement européen au suffrage direct)
mais également les instances représentatives (là encore, le
Parlement européen). En 1986, l’Acte unique a instauré la liberté
de circulation après les premières élections des parlementaires
européens en 1979.
2. Les libertés des citoyens sont préservées. Ainsi, à la suite d’un
vote, les citoyens britanniques ont décidé le Brexit. Avec l’ICE,
les citoyens peuvent s’exprimer pour réclamer une législation
européenne sur un sujet précis. Pourtant, ce droit aboutit peu.
Entre 2012 et 2019, seulement quatre ICE ont réussi.
JALON
Le fonctionnement
de l’Union européenne :
démocratie représentative
et démocratie déléguée
❚❚ Introduction
Alors que les élections au Parlement européen, en mai 2019,
ont été marquées par un regain de participation et un
bouleversement de l’échiquier politique au Parlement,
elles sont aussi l’occasion de constater combien les
citoyens connaissent mal les institutions européennes et
leur fonctionnement. Ce jalon expose le fonctionnement
institutionnel de l’UE comme exemple d’une expérience
inédite de démocratie à la fois déléguée et représentative.
Il s’agit d’aborder les principes de la démocratie déléguée au
cœur de la construction européenne et de se familiariser avec
ses institutions (p. 80-81) et avec son processus de décision
(p. 82-83) à travers le rôle et les compétences des différents
acteurs de l’UE. Il permet d’expliquer que la délégation de
souveraineté propre à l’UE se fait dans un cadre démocratique.
Les projets de directive plastique (dont le texte final a été
adopté en mai 2019 par le Parlement) et de directive tabac
aident à cerner le fonctionnement de cette délégation de
manière plus concrète et montrent que l’Europe irrigue le
quotidien des citoyens.
ÉTUDE
L’apprentissage de la démocratie
déléguée p. 80-81
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
La démocratie européenne est plus déléguée que directe, ce
qui est une critique récurrente sur son fonctionnement. Cette
délégation touche aussi des domaines de la souveraineté des
États. Le doc. 1 permet d’établir rapidement les principaux champs
de compétence de l’Union européenne. Le doc. 2 reprend ensuite
la nature des compétences déléguées (exclusives, partagées et
de coordination) en les insérant dans le triangle institutionnel
européen. Un lien avec le doc. 4 p. 79 pourra alors rendre plus
précis le fonctionnement de cette démocratie déléguée. Le
doc. 4 de cette double page en donne une application concrète.
La lutte contre la pollution des plastiques
en Europe : de la démocratie à la souveraineté
européenne
L’Union européenne a annoncé en décembre 2018 l’interdiction
d’une dizaine de produits en plastique à usage unique à partir
de 2021. Elle va interdire les bâtonnets de coton-tige, les pailles
en plastique, les couverts et assiettes en plastique, les touillettes
et les tiges de ballons de baudruche. Elle souhaite également
limiter l’utilisation des gobelets et des emballages plastique.
Il s’agit bien d’un domaine de compétence déléguée de l’Union.
Cette décision a pour origine une ICE, « Stop plastic in the sea »
déposée en 2015, mais retirée en 2016 faute de soutien. Pour
autant, l’idée de limiter la pollution plastique a été reprise par
la Commission européenne elle-même, relayant et étoffant
la proposition de cette ICE ; c’est la preuve que la démocratie
indirecte peut aussi fonctionner en Europe.
Enfin, le doc. 3 explique les grands enjeux et défis de cette
démocratie déléguée. Les deux premiers paragraphes précisent la
différence entre démocratie et souveraineté déléguées. Le dernier
paragraphe montre la limite de la délégation européenne : la
souveraineté déléguée a précédé la démocratie déléguée. C’est
aujourd’hui un des enjeux majeurs de l’Union européenne :
remettre la démocratie au centre de son fonctionnement.
❚❚ Analyse de documents
1. Les compétences des États déléguées à l’Union européenne
touchent les domaines de l’économie et du commerce (union
douanière, euro, politique agricole), l’environnement (plan
climat), la culture et l’enseignement supérieur (Erasmus).
2. Cette délégation de souveraineté repose sur le principe
du contrôle direct (Parlement) et indirect (Conseil de l’Union
européenne) par les citoyens et les États. Mais certains États
(et citoyens) sont hostiles à ce partage de souveraineté
historiquement régalienne, comme la monnaie ou la justice.
3. Le fonctionnement de l’Union européenne repose sur
la délégation de souveraineté confiée par les États dans
des domaines exclusifs (monnaie), partagée avec les États
(environnement), ou coordonnée par l’Union (tourisme). Ce
fonctionnement est source de tensions car il produit du droit
européen supranational et qu’il a précédé la mise en place de la
démocratie directe (1979). Certains citoyens peuvent alors avoir
le sentiment que les domaines de souveraineté délégués leur ont
été imposés sans qu’ils puissent donner leur avis directement.
Objet de travail conclusif • L’Union européenne et la démocratie 33
 ÉTUDE
Un processus de décision complexe
 p. 82-83
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
Cette étude permet d’aborder le fonctionnement de l’Union
européenne dans ses prises de décisions et de comprendre les
spécificités de cette démocratie originale. Le doc. 1 présente
le rôle des différents acteurs dans le processus législatif. Les
doc. 2 et 3 expliquent comment ce processus de décision a
évolué et le rôle accru du Parlement. Enfin, le doc. 4, à travers
la directive tabac qui a été décidée pour préserver la santé des
jeunes fumeurs et lutter contre le tabagisme précoce, offre une
entrée susceptible d’intéresser les élèves puisqu’elle impacte
directement certains d’entre eux. Si la procédure de décision
peut apparaître complexe, en réalité, les rôles des différents
acteurs sont clairement déterminés par les traités et il est
important de s’attacher à montrer que le processus législatif,
dans un cadre démocratique qui garantit la consultation
de toutes les parties prenantes, n’est pas exempt de luttes
d’influence avec la présence, très critiquée, des lobbies tout au
long de la rédaction des textes, comme le prouve l’exemple
de la directive tabac.
La transparence des institutions européennes
Le 31 janvier 2019, le Parlement européen, à l’initiative des Verts,
a adopté un amendement obligeant ses élus engagés dans la
rédaction d’un texte de loi et les présidents de commissions
parlementaires à plus de transparence dans leurs rapports avec
les lobbies. Désormais, ils sont tenus de publier la liste de toutes
les réunions et rencontres avec « des représentants d’intérêts
relevant du champ d’application du registre de transparence ».
Géré par la Commission européenne et le Parlement, ce registre
liste les lobbies qui ont le droit d’accéder à ces institutions.
Après la Commission, jugée trop permissive envers les groupes
d’intérêts, qui a recommandé à ses commissaires et à leurs chefs
de cabinet, fin 2014, de rendre publics tous leurs rendez-vous
avec les lobbies, c’est au Parlement de se livrer à l’exercice
de transparence.
❚❚ Analyse de documents
1. Le Conseil européen impulse les grandes orientations
qui feront l’objet d’une proposition de loi rédigée par la
Commission. Le Conseil de l’Union européenne, composé
des ministres concernés par le texte de loi, et le Parlement
adoptent conjointement ou modifient le texte.
2. Le processus de décision a évolué de deux manières. D’abord,
en donnant un pouvoir de codécision au Parlement via le traité
de Maastricht. Ensuite, en étendant au fil des traités les domaines
d’application de la codécision devenue la procédure législative
ordinaire. Entre 2009 et 2014, 89 % des textes législatifs de
l’Union sont votés selon cette procédure contre 21 % durant
la période 1994-1999 et 85 domaines sont concernés.
3. La directive tabac montre le processus de décision au sein
de l’UE. Le projet a d’abord fait l’objet d’un accord informel
entre les ministres de l’UE afin de lutter contre le tabagisme,
notamment chez les jeunes, et d’harmoniser les législations sur
34 Thème 1 • Comprendre un régime politique : la démocratie
le sujet dans toute l’UE. Puis la Commission a rédigé un projet
de loi visant à rendre moins attrayant le tabac ; ce projet a,
pendant toute la phase de rédaction du texte, subi les pressions
lobbying de l’industrie du tabac pour essayer de l’atténuer.
Il a ensuite été soumis au vote du Parlement en février 2014
et approuvé à une très large majorité. Il oblige, dans tous les
pays de l’UE, les fabricants de cigarettes à agrandir la place
des avertissements sur les paquets à 65 % de leur surface
et à comporter des images explicites des dégâts du tabac
sur la santé. Il supprime également les paquets de moins de
20 cigarettes, moins chers et donc plus accessibles aux jeunes.
❚❚ Pour aller plus loin
Commission européenne : Objectif : lutter contre les méfaits du
tabac sur la santé en le rendant moins attrayant chez les jeunes.
Parlement européen : Rapporteur : Linda McAvan, député
britannique ; Date du vote : 26 février 2014 ; Résultat : 514 voix
pour, 66 contre et 58 abstentions.
Conseil de l’Union européenne : Date du vote : 14 mars 2014 ;
Résultat : projet adopté (pas de comptage disponible).
Date de l’adoption finale : 3 avril 2014 et publication au journal
officiel de l’UE le 29 avril 2014.
Date butoir de l’entrée en vigueur dans les pays membres :
deux ans au plus tard après la publication au journal officiel.
J A LON
L’Union européenne face
aux citoyens et aux États :
les remises en question
depuis 1992
❚❚ Introduction
Ce deuxième jalon vise à montrer la place des citoyens dans cette
construction européenne sans équivalent. Il s’agit d’aborder les
critiques qui lui sont adressées autour de son fonctionnement
qui semble souvent difficile à comprendre pour les citoyens
(p. 84-85) et les débats qui la traversent, notamment depuis
l’échec retentissant du traité établissant une Constitution
en 2005 (p. 86-87). L’étude des remises en cause de la libre
circulation des personnes par la Pologne avec la question des
migrants (p. 236-237) prolonge ces débats dans le thème 3 sur
les frontières. Il permet d’évoquer avec les élèves les ambiguïtés
et les contradictions de ces discussions de la part des États,
des partis politiques comme de la société civile. La dimension
citoyenne de ce jalon est l’occasion de commenter avec les
élèves les arguments des eurosceptiques sans éluder la nature
inclassable de l’UE qui en fait un projet en continuelle évolution,
et forcément complexe. L’étude p. 88-89 clôt ce jalon en offrant la
possibilité de revoir le fonctionnement des institutions depuis le
traité de Lisbonne tout en faisant le point, à l’échelle de la France,
sur l’influence de l’Union européenne sur notre législation, une
mise en perspective qui conduit à nuancer la place de l’Union
européenne et à rappeler qu’elle est d’abord ce que veulent
bien en faire les États.
 ÉTUDE
Un fonctionnement démocratique
critiqué p. 84-85
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
Cette étude a pour objectif d’expliquer le fonctionnement de
l’Union européenne du point de vue des citoyens. Le doc. 1, tiré
de l’Eurobaromètre 2018, montre l’inégal sentiment européen
qui ressort du niveau de confiance des Européens.
L’Eurobaromètre (doc. 1)
L’Eurobaromètre a été créé en 1973 par Jacques-René Rabier,
conseiller de la Commission européenne. Il prend la forme
d’enquêtes d’opinion pour évaluer l’évolution du sentiment
européen et les rapports que les citoyens entretiennent avec la
politique et l’Union européenne. Trois types d’eurobaromètres
sont édités. L’Eurobaromètre standard, publié tous les six mois,
dégage des tendances de l’opinion publique. L’Eurobaromètre
ad hoc sont des études portant sur des questions thématiques
ou d’actualité (l’avenir de l’Europe, les élargissements de l’Union
européenne, la protection des consommateurs…). Enfin, des
études qualitatives analysent plus en profondeur l’opinion
sur des sujets précis (les achats transfrontaliers par exemple).
Le doc. 2 offre le constat d’une désaffection constante des
électeurs depuis la mise en place du suffrage universel direct
pour l’élection du Parlement européen, et les doc. 3 et 5
proposent une clé de compréhension de cette désaffection à
travers un mode de scrutin en réalité dévoyé par les partis et la
mise en place de procédures d’expression des citoyens comme
l’ICE qui se révèlent peu prises en compte par les institutions
européennes. Le doc. 4 complète cette présentation en listant
quelques-unes des dispositions prises par l’Union européenne
pour répondre aux critiques des citoyens et faciliter leur
expression. Ces mesures sont à la fois techniques (élection au
suffrage universel puis harmonisation du scrutin du Parlement
européen) et incitatives (initiative citoyenne européenne). Il est
important de faire remarquer aux élèves les dispositions prises
par l’UE pour favoriser une représentativité et une expression
des citoyens de l’Union européenne (doc. 5). Pour autant, ces
derniers les investissent peu.
Les consultations européennes de citoyens (doc. 5)
Entre avril et octobre 2018, pour la première fois, des
consultations de leurs citoyens ont été organisées par 27 États
membres de l’Union européenne (de façon inégale cependant :
en Italie et en Hongrie, la consultation a été presque inexistante),
à l’initiative de la France. Les citoyens étaient invités à s’exprimer
sur leurs critiques, leurs attentes et leurs propositions. En France,
plus de 1 000 consultations citoyennes ont été organisées
sur l’ensemble du territoire. Les résultats ont été publiés en
décembre 2018 (voir le site : https://www.touteleurope.eu/
actualite/consultations-citoyennes-la-synthese-europeenne-
est-publiee.html) mais reste à savoir si le Conseil de l’Union
s’en saisira.
❚❚ Analyse de documents
1. Les citoyens de l’Union européenne ont le sentiment qu’ils
ne sont pas suffisamment entendus et que leur voix ne compte
pas. Le niveau de confiance dans l’UE est faible (42 %) et certains
pays atteignent un niveau très bas (Grèce, France, Royaume-Uni,
République Tchèque…). Les initiatives citoyennes n’aboutissent
que très rarement.
2. Le taux de participation en chute constante jusqu’en
2014 montre une abstention croissante des électeurs qui se
désintéressent de l’UE. Le système de vote peut l’expliquer car
on élit des partis nationaux qui, en réalité, doivent représenter
des intérêts européens. Mais ces partis détournent le système
car ils prennent position sur des enjeux nationaux et ne mettent
pas l’Europe au centre de leur campagne. De ce fait, les électeurs
comprennent mal les enjeux européens car ils ne savent pas
dans quelles coalitions politiques les députés européens
siégeront et ceux-ci ne se positionnent pas en tant que tels.
3. L’Union européenne tente de donner plus de place aux
citoyens par la mise en œuvre d’une citoyenneté européenne
depuis 1992 et la création d’un médiateur pour recevoir les
plaintes des citoyens. Depuis 2007, ils peuvent donner leurs avis
sur l’avenir de l’Union et, par l’intermédiaire de l’ICE, demander
des projets de lois sur des sujets rassemblant plus d’un million
de personnes.
ÉTUDE
Les débats sur le modèle démocratique
de l’Union européenne depuis
les années 2000 p. 86-87
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
Cette étude vise à présenter les débats qui, depuis les années
2000, ont surgi de façon de plus en plus aiguë, au sujet du
modèle démocratique que doit incarner l’Union européenne. Il
s’agit d’exposer tout d’abord les formes prises par l’opposition
à la construction, aussi bien de la part des citoyens à travers
l’abstention aux élections ou les résultats de référendums clés
pour l’avenir de l’UE, que des gouvernements dont certains sont
peu enclins au respect des valeurs de l’UE (doc. 1 et 3). Puis,
on pourra étudier les arguments des opposants au cœur des
débats sur la nature politique de l’UE (doc. 4 et 5). Ces derniers
documents permettent de montrer les courants qui s’affrontent
dans cette opposition aussi bien entre les 28 gouvernements
(doc. 4) que dans les partis politiques ou la société civile (doc. 5).
Les souverainistes reprochent à la construction européenne
d’accroître sans cesse les délégations de souveraineté ; en
France, l’euro en a été le symbole. Les libéraux l’accusent
d’entraver, par les normes et règlements, la libre économie et
fustigent les « technocrates » de la Commission européenne,
boucs émissaires des critiques des uns comme des autres.
Les antilibéraux dénoncent au contraire la priorité donnée à
l’économie aux dépens du volet social et de plus en plus aussi,
environnemental. Enfin, on pourra évoquer à travers le contenu
du TECE (doc. 2), la volonté en partie inachevée de renforcer
la construction politique, ce qui a cristallisé durablement les
oppositions au sein de l’UE (doc. 5).
Objet de travail conclusif • L’Union européenne et la démocratie 35
 Le traité sur le fonctionnement nombreux États pour ratifier le traité de Lisbonne, montré
de l’Union européenne (TFUE) comme un souci d’efficacité dans le reportage, doit être
Le rejet par référendum du traité constitutionnel européen confrontée avec les rejets d’un texte qui n’a que peu changé
par les peuples français et néerlandais au printemps 2005 a par rapport à celui qui fut rejeté en 2005 en France et aux
provoqué une crise institutionnelle européenne. Malgré les Pays-Bas. Les gouvernements, en évitant le risque de nouveaux
modifications des précédents traités, les institutions n’étaient rejets, ont aussi contribué à la perte de confiance des citoyens
plus adaptées à une Union européenne regroupant désormais dans les institutions européennes.
27 pays après l’élargissement du début des années 2000
intégrant 10 nouveaux pays. Mais le rejet du référendum ÉTUDE
initié par la France impose de proposer un nouveau texte
dont le terme « Constitution » sera supprimé. Lors du Conseil
européen des 21 et 22 juin 2007, les 27 chefs d’État convoquent Le fonctionnement
une conférence intergouvernementale chargée de rédiger de l’Union européenne
ce nouveau traité modifié. Le traité sur le fonctionnement de
l’Union européenne (TFUE) est signé par les 27 chefs d’État
depuis le traité de Lisbonne  p. 88-89
européens à Lisbonne le 13 décembre 2007. Ce nouveau
texte n’en est pas moins complexe et comporte près de ❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
300 modifications du traité de Rome et une soixantaine de Dès sa création, l’Europe divise les partisans d’une Europe
modifications de celui de Maastricht. fédérale et supranationale d’un côté, et les souverainistes de
l’autre. L’Union européenne est le résultat d’un compromis
entre ces deux approches, qui n’entraîne ni la constitution
❚❚ Réponses à l’activité d’un nouvel ensemble autonome, ni la disparition des anciens
États. L’élaboration des politiques de l’Union s’établit le long
Une construction sur un modèle …révélateur des d’un continuum allant de la strate communautaire (faible
démocratique fragilisée politique original débats et oppositions souveraineté des États) à la strate intergouvernementale
mais qui progresse… … dans l’Union (maintien d’une forte souveraineté des États). Mais les relations
(doc.1 et 2 ) (doc. 2 et 4) européenne
entre les institutions européennes (doc. 1) sont rendues difficiles
(doc. 1, 3 et 5)
par le fait qu’elles représentent des intérêts différents : la
Le traité de Lisbonne Les pouvoirs Les eurosceptiques Commission est l’organe administratif central de l’Union, dont
permet une représentation de l’Union sont reprochent, soit elle assure la représentation internationale, le fonctionnement
et une information des renforcés par le l’abandon de et la sauvegarde des intérêts ; le Parlement européen vote
citoyens plus importante fait que le Conseil souveraineté des États, les lois et défend les intérêts des citoyens de l’UE ; le Conseil
en élargissant les pouvoirs européen devient soit une liberté bridée européen et le Conseil de l’Union européenne inspirent les
de codécision du Parlement une institution par l’encadrement
lois, assurent leur adoption et veillent à la sauvegarde des
qui élit également le à part entière des règlements et
textes de l’UE qui sont
intérêts des États.
président de la Commission avec, à sa tête, un
proposé par le Conseil président élu qui imposés aux États, soit
européen, en rendant représente l’Union une construction trop Le traité de Lisbonne
publiques les délibérations à l’extérieur. libérale où l’économie Le traité de Lisbonne est signé le 13 décembre 2007 et entre en
et le vote du Conseil de Cependant, les prime. Ainsi, si les application le 1er décembre 2009. Il vise à répondre aux enjeux
l’UE. États restent courants sont divers, institutionnels de gouvernance posés par l’élargissement
Les principes attachés à leur mais les critiques de l’Union. Il ambitionne de donner un cadre institutionnel
démocratiques et les souveraineté et le sont communes unique à l’UE, là où plusieurs traités successifs avaient imposé
valeurs sur lesquels repose Conseil européen pour juger l’UE trop
des logiques différentes. Il fusionne ainsi les cadres de la
l’Union sont fragilisés par garde l’initiative technocratique,
l’abstention importante des grandes antidémocratique
Communauté européenne (traité de Rome de 1957, rebaptisé
dans certains pays comme orientations et illégitime. Les traité sur le fonctionnement de l’Union européenne – TFUE)
la France, le Portugal, de l’UE. conséquences de et ceux de l’Union européenne (traité de Maastricht de 1992,
l’Espagne, et par la montée cet euroscepticisme rebaptisé traité sur l’Union européenne – TUE). D’où parfois
de gouvernements sont la montée d’une l’impression que les institutions de l’UE relèvent plus de
antidémocratiques en opposition prônant la l’empilement des traités que d’une réelle sédimentation. Parmi
Europe de l’Est et en Italie. sortie de l’UE comme les ajouts du traité de Lisbonne aux cadres existants, on peut
au Royaume-Uni. citer l’accroissement du pouvoir de contrôle du Parlement sur
la Commission (audition du président et des commissaires par
❚❚ Pour aller plus loin le Parlement, puis vote d’investiture ; possibilité d’amender les
Ce reportage, réalisé à la veille de la signature à Lisbonne propositions de loi de la Commission ; commissions temporaires
du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, d’enquête ; possibilité de demander des précisions au Conseil
détaille les principales modifications apportées aux règles de européen ou à la Commission) et l’essor du vote à la majorité
fonctionnement de l’Union. Il est intéressant de confronter ce qualifiée au Conseil européen (une orientation peut désormais
reportage avec les doc. 2 et 3. Le commentaire et l’interview être adoptée si elle réunit au moins 55 % des États membres,
présentent de manière favorable ce nouveau traité. Les débats représentant a minima 65 % de la population de l’Union ; mais
qui ont conduit au rejet du texte en 2005 ne sont pas évoqués. l’unanimité est maintenue pour les sujets sensibles : défense,
La mention du renoncement à la voix référendaire par de très fiscalité, politique étrangère, sécurité sociale).

36 Thème 1 • Comprendre un régime politique : la démocratie

De plus, le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne
(TFUE, ex-traité de Rome) établit une distinction entre les 2.
compétences exclusives de l’Union, les compétences partagées
entre l’UE et les États membres et des compétences subsidiaires Argument Explication Illustration
ou d’appui (doc. 2).
La Commission Les lois nationales
La place laissée aux États depuis le traité de Lisbonne, que propose des lois, d’origine communautaire
ce soit dans les dispositifs institutionnels de l’UE ou dans le ensuite votées par concernent surtout
partage de compétences, est donc assez éloignée des prévisions le Parlement, qui l’agriculture (politique
les plus fédéralistes (doc. 3) et doit donc inviter à nuancer le doivent être traduites agricole commune – PAC),
discours répandu sur la perte de souveraineté des nations. dans le droit national les finances (pacte de
L’UE est un édifice institutionnel inédit, superposant logique de chaque État stabilité et de croissance –
supranationale et souveraineté nationale, souvent résumé à C’est l’UE qui membre de l’UE. PSC) et l’environnement.
une « Fédération des États-nations » (Jacques Delors). influence la
législation des La Commission est La politique monétaire des
❚❚ Réponses à l’activité États membres seule décisionnaire pays ayant adopté l’euro
1. dans les domaines de est totalement décidée
compétence suivants : par la Banque centrale
Représente douane, concurrence, européenne (BCE).
Composition les intérêts Rôle commerce extérieur,
… politique monétaire,
Définition conservation des
Chefs d’État et de ressources de la mer.
des grandes
gouvernements
orientations et Les États sont « Quand l’Allemagne et la
+ Président de
Conseil priorités politiques à l’origine des France proposent ensemble
la Commission des États
européen de l’UE grandes orientations un projet de directive,
européenne
(pas de fonction de l’UE (via le le projet a de grandes
+ Président du
législative ou Conseil européen) chances d’aboutir. » (doc. 3)
Conseil européen
exécutive) et adoptent ou
Ministres retoquent les votes
nationaux de Ce sont les États du Parlement (via le
Coordination des Conseil de l’UE).
chaque pays membres qui
politiques des
en fonction déterminent Les États restent L’éducation, la protection
États membres
des domaines la politique de souverains dans sociale, le logement et la
+ mission
Conseil politiques traités l’Union la majorité des défense ne sont presque
des États législative : adopte
de l’UE (par exemple, domaines de pas concernés par
la législation votée
Ecofin réunit compétence, soit l’influence européenne ;
par la Parlement
les ministres directement, soit étendus aux autres
ou fait une autre
de l’Économie via l’application domaines, seuls 19 %
proposition
de chaque État du principe de au maximum des lois
membre) subsidiarité. françaises sont dérivées
Promouvoir du droit européen. (doc. 3)
l’intérêt général de
Une équipe de
l’UE en proposant ❚❚ Pour aller plus loin
des textes de lois 1. Le projet des pères fondateurs de l’Europe était d’établir
Commissaires
(pouvoir législatif )
(1 par État des institutions sans liens avec ce qui était connu ; une
Commission de l’Union et en veillant à
membre) et construction originale qui nécessite d’oublier ses références
européenne européenne leur application,
chacun chargé
ainsi qu’en pour la comprendre. Ainsi, n’y a-t-il pas de véritable séparation
d’un domaine des pouvoirs dans l’UE, alors que, depuis Montesquieu, c’est
mettant en œuvre
de compétence pourtant le critère qui fonde un régime démocratique.
les politiques et
le budget de l’UE Par exemple, la Commission européenne est à la fois :
(pouvoir exécutif )
-- un organe législatif qui est à l’initiative des lois dans la
751 députés élus Mission procédure législative ordinaire,
dans chaque législative : -- un organe exécutif qui administre l’UE et peut sanctionner
Parlement État membre,
des citoyens
vote des lois les États membres,
européen proportionnel- européennes -- un organe judiciaire qui vérifie l’application des directives
lement à leur (mais pas à européennes en droit national, conjointement avec la Cour
population l’initiative) de Justice.

Objet de travail conclusif • L’Union européenne et la démocratie 37

 De même, le Conseil européen, aujourd’hui considéré comme
l’institution la plus influente dans l’UE, n’est pourtant ni un
organe exécutif, ni un organe législatif.
2. L’Union est en fait seule compétente dans un nombre très
restreint de domaines : contrôle des frontières, tarifs douaniers,
concurrence et politique monétaire pour les pays qui ont
adopté l’euro. Il faut donc nuancer le discours répandu sur la
perte de souveraineté des nations.
3. Les États conservent la primauté dans tous les autres
domaines. Certains sont laissés au seul pouvoir de décision
des États (politiques économiques, de l’emploi, de la santé,
culturelles…), alors que pour d’autres l’autorité compétente
est décidée en vertu du principe de subsidiarité (politique
sociale, sécurité, justice, agriculture, transports…). Ce principe
de subsidiarité consiste à privilégier la prise de décision
au niveau le plus proche de l’objet concerné (privilégier le
niveau inférieur d’un pouvoir de décision aussi longtemps
LEÇON 4
L’Union européenne et la démocratie
 p. 90-91
❚❚ P
 résentation des documents en lien
avec la problématique
Les documents accompagnant ce quatrième cours « L’Union
européenne et la démocratie » permettent de répondre à
la problématique posée : « Pourquoi l’Union européenne
constitue-t-elle un modèle démocratique unique au monde ? ».
Le doc. 1 montre, à travers l’affiche du programme Erasmus +,
comment ce modèle inédit d’union volontaire d’États contribue
non seulement à une ouverture culturelle mais également à
la coordination et au soutien des politiques ambitieuses à
l’échelle de 28 États dans des domaines de compétences variés,
ici l’éducation. Le doc. 2 illustre cependant les limites de cette
union volontaire avec la manifestation britannique en faveur du
Brexit, en décembre 2018, qui reflète les profondes remises en
question et la contestation de la délégation de souveraineté de
plus en plus audible en Europe. Ces critiques se sont traduites
aussi par la montée des courants eurosceptiques lors des
élections de mai 2019 et la large victoire du parti europhobe
de Nigel Farrage au Royaume-Uni.
38 Thème 1 • Comprendre un régime politique : la démocratie
que le niveau supérieur ne peut pas agir plus efficacement).
Concrètement, pour une compétence partagée, ce sont les
parlements nationaux qui décident si l’Union ou les États sont
les mieux dimensionnés pour conduire une action.
De plus, on ne peut pas forcer un État à abandonner une part
de sa souveraineté : chaque adhésion à une nouvelle étape
de l’intégration (comme la monnaie unique) relève du ressort
exclusif d’un État (ainsi 9 États membres sur 28 ont refusé l’euro).
4. Oui, car les droits nationaux sont de plus en plus influencés
par les décisions communautaires, et même complètement
soumis dans les domaines des compétences exclusives de l’UE.
D’un autre côté, non parce que la source des droits nationaux
reste principalement les parlements nationaux. Par ailleurs,
contrairement aux idées reçues, ce sont bien les États qui
conservent la primauté des décisions en Europe. Quand un
transfert de compétence a lieu, c’est parce que l’État l’a voulu
et décidé.
Le programme Eramus
Le programme Eramus (EuRopean Action Scheme for
the Mobility of University Students) a été créé en 1987 et
concerne à l’origine les étudiants et enseignants du supérieur.
À partir de 1995, il a été ouvert aux apprentis puis, en 2014,
il est devenu le programme Erasmus+ et se décline autour de
trois « actions clés » : la mobilité à des fins d’apprentissage pour
les élèves de plus de 13 ans, la coopération pour l’innovation et
l’échange de pratiques pour les enseignants et le renforcement
des politiques éducatives. Plus de 300 000 étudiants ont profité
de ce programme en 2018. 34 pays participent à ce programme :
les 28 États membres de l’Union européenne ainsi que l’Islande,
le Liechtenstein, la République de Macédoine, la Norvège,
la Serbie et la Turquie.
Le schéma fléché au bas de la p. 91 a pour objectif de replacer
les études de l’objet de travail conclusif dans une organisation
plus systémique. Il donne du sens au travail d’exemples réalisé
dans les pages précédentes puisqu’il participe à illustrer la leçon
sur la démocratie de l’Union européenne. Ce peut être un bon
point d’appui pour la préparation d’un sujet de composition
susceptible d’être proposé à l’examen.
 MÉTHODES BAC
RÉALISER UN BROUILLON ET RÉDIGER
UNE INTRODUCTION DE COMPOSITION
 p. 92-93
Les citoyens dans les démocraties
de l’Antiquité à nos jours
❚❚ Étape 1 / Réaliser un brouillon
• Étudier des mots-clés
Indiquez quels sont les différents
types de citoyens dans une
démocratie ?
Recopiez la définition de citoyen
Étudiez les citoyens (leur place et
leur implication) DANS le régime
Recopiez la définition de la
démocratie ; et des démocraties
directes, représentatives et
déléguées
Indiquez le siècle de l’apparition
de la première démocratie
Indiquez les grandes périodes où
il y a eu des démocraties entre
ces 2 bornes chronologiques
Il existe les citoyens actifs et passifs.
Parfois ce sont uniquement des
hommes, parfois les femmes
sont également citoyennes.
Un citoyen est un membre d’un
État qui bénéficie de droits (vote,
éligibilité…) et de devoirs (service
civique…).
Il s’agit ici de considérer la
participation et l’action des citoyens.
Démocratie : régime politique dans
lequel la communauté des citoyens
est souveraine et exerce le pouvoir
à travers les institutions.
Démocratie directe : régime politique
dans lequel l’ensemble des citoyens
peut intervenir directement dans
les décisions politiques, sans
l’intermédiaire des représentants.
Démocratie représentative : régime
politique dans lequel les citoyens
disposent de la souveraineté, mais
élisent des représentants à qui ils
délèguent le pouvoir de prendre
les décisions politiques.
La souveraineté déléguée est le
transfert de certaines compétences
des États vers un ensemble
supranational.
Le ve siècle avant J.-C.
Antiquité – Époque moderne –
Époque contemporaine
(xixe-xxe siècles)
Pourquoi un D’après Aristote, le citoyen s’investit pour montrer
citoyen s’investit- qu’il est citoyen, la participation fait partie intégrante
il dans une de sa conception de la citoyenneté.
démocratie ?
Benjamin Constant distingue d’ailleurs la liberté
des Anciens et celle des Modernes, opposant les
démocraties représentatives (où le citoyen recherche
le bonheur individuel) et directes (où le citoyen pense
d’abord au bien commun).
Comment le D’après Aristote, le citoyen s’investit en prenant part
citoyen s’investit- aux décisions et en siégeant dans les institutions
il dans une (tribunaux, conseil) pour choisir directement.
démocratie ? Pour Benjamin Constant, le citoyen peut, soit siéger
en permanence dans le cadre d’une démocratie
directe, soit voter pour élire des dirigeants qui
gouverneront à sa place (démocratie représentative).
Pour Alexis de Tocqueville, le citoyen risque de
délaisser la vie politique pour ne penser qu’à sa
sphère privée (ses libertés individuelles) : c’est
le despotisme démocratique.
Quelles sont les Selon Benjamin Constant, dans une démocratie
conséquences directe, le citoyen est un acteur direct de la prise
de cet de décision qui l’affecte. Dans ce cas, la vie politique
investissement accapare une grande partie de son temps et il a donc
pour le moins le temps de profiter de ses libertés individuelles.
citoyen ? pour la Dans une démocratie représentative, le citoyen
démocratie ? délègue la prise de décisions à des représentants,
dégageant ainsi du temps pour jouir de ses libertés,
mais avec le risque que les représentants prennent
des décisions qui vont à l’encontre de ses intérêts
et interfèrent dans sa sphère privée.
Où y a-t-il eu Il y a eu des démocraties durant l’Antiquité comme
et où y a-t-il à Athènes, une cité de la Grèce égéenne.
aujourd’hui des Aujourd’hui, il existe des démocraties directes
démocraties ? (ex : Suisse), représentatives (ex : France, États-Unis)
et déléguées (ex : l’UE).
Où un citoyen Dans une démocratie, le citoyen s’implique au sein
s’implique- des assemblées (Ecclésia dans l’Athènes antique,
t-il dans une Assemblée nationale en France), dans les lieux
démocratie ? de vote, les tribunaux, les conseils.
Quand y Antiquité – Époque moderne – Époque
a-t-il eu des contemporaine (xixe-xxe siècles)
démocraties ?
Quand un Dans une démocratie représentative et déléguée,
citoyen s’investit- le citoyen s’investit lors des élections. Dans une
il dans une démocratie directe, il participe au quotidien
démocratie ? (ou du moins régulièrement et à des dates fixes).

Indiquez à quelle date vous En 2019

terminez votre étude
• Questionner le sujet pour mobiliser des connaissances
Qui est citoyen Pour être citoyen, il faut remplir des critères qui sont
dans une différents selon les démocraties et les époques. Par
démocratie ? exemple, dans la démocratie athénienne pendant
l’Antiquité, il fallait être un homme libre, fils d’un
citoyen, avoir pratiqué l’éphébie (service militaire
de 18 à 20 ans) et être enregistré dans un dème.
Actuellement, en France et aux États-Unis, il faut
avoir la nationalité du pays concerné, avoir atteint
la majorité, et jouir de ses droits civiques.
❚❚ Étape 2 / Définir la problématique
c. Comment les citoyens s’investissent-ils dans les différents
types de démocratie qui existent depuis l’Antiquité ?
Cette problématique permet de montrer l’implication des
citoyens dans la vie politique du régime démocratique et de
distinguer leur degré d’implication en fonction du type de
démocratie.
❚❚ Étape 3 / Classer ses idées
Le classement des idées au brouillon peut se faire dans un
tableau de ce type.

Méthodes Bac 39
 Dans une première partie, nous verrons que, depuis l’Antiquité,
Paragraphe 1 : Paragraphe 2 : Paragraphe 3 : le citoyen est un acteur essentiel de la vie démocratique par
depuis l’Antiquité, le citoyen les effets de l’investissement ses droits, devoirs et libertés. Puis nous examinerons les
le citoyen est un intervient de plus ou moins important du différentes manières dont le citoyen intervient selon le type
acteur essentiel de différentes manières citoyen dans la démocratie
de démocratie dans lequel il vit. Enfin, nous étudierons les
la vie démocratique selon le type sont l’objet de débats
par ses droits, de démocratie anciens, mais toujours
effets de l’investissement plus ou moins important du citoyen
devoirs et libertés. dans lequel il vit. d’actualité. dans la démocratie et constaterons qu’ils sont l’objet de débats
anciens mais toujours d’actualité
- Les critères de - Dans une - Platon ou Aristophane
la citoyenneté démocratie dans l’Antiquité sur ❚❚ Pour vous entraîner
et leur évolution directe, il intervient l’incapacité des citoyens les Problématique possible : Comment le processus de démocratisation
de l’Antiquité directement sans plus pauvres à bien diriger. entamé au xviiie siècle a-t-il fait de la représentativité le mode
à aujourd’hui l’intermédiaire - Benjamin Constant au principal d’exercice de la vie politique dans les démocraties
(exemple de des représentants début du xixe siècle sur modernes et quelles sont les limites posées par cette forme de
l’intégration des par différentes le débat entre liberté des démocratie ?
femmes à partir du procédures (exemple Anciens et des Modernes
xixe siècle). du cas de la Suisse). Les idées de la composition peuvent s’organiser selon le plan
(participer ou être
- Le statut du - Dans une représenté : atouts et limites suivant :
citoyen (dépositaire démocratie déléguée des deux systèmes). 1. Depuis le xviiie siècle, l’émergence du libéralisme et de
d’un ensemble ou représentative, ce - Alexis de Tocqueville l’individu dans le sillage des idées des Lumières pose la question
de droits, devoirs sont des dirigeants au xixe siècle sur la tyrannie de la représentation des citoyens dans la vie politique (les
et libertés). élus ou nommés de la majorité (la minorité idées de Benjamin Constant et Alexis de Tocqueville peuvent
- Il est dépositaire qui prennent les n’est jamais représentée être mobilisées).
de la souveraineté décisions pour les et peut se sentir lésée) et le
2. Aux xixe et xxe siècles, la représentativité devient un principe
politique donc peut citoyens (qui exercent despotisme démocratique
leur citoyenneté majoritaire dans la plupart des démocraties modernes (les
participer à la vie (les citoyens se détournent
politique. grâce au vote lors de la sphère publique pour exemples des États-Unis et de la France) bien que des formes
d’élections). ne s’intéresser qu’à leur de démocraties directes demeurent (le cas suisse par exemple).
sphère privée). 3. Au xxie siècles, la représentativité est l’objet d’un débat
majeur dans les démocraties où des formes d’expression directe
(les initiatives locales) sont mises en place ou réclamées par
❚❚ Étape 4 / Rédiger l’introduction au propre certains citoyens (le référendum d’initiative citoyenne), alors
La revendication du RIC (référendum d’initiative citoyenne) que d’autres expriment des critiques envers leurs représentants
lors du mouvement des « Gilets jaunes » en France fin 2018 (l’abstention, le mouvement des Gilets jaunes par exemple).
est révélatrice de la volonté exprimée par certains citoyens
d’avoir une plus grande place dans la prise de décision en
France (qui est une démocratie représentative). Ils souhaitent ÉTUDIER ET INTERPRÉTER
donc davantage de démocratie directe (sur le modèle suisse).
La place et le rôle du citoyen dans la démocratie sont donc
UN DOCUMENT p. 94-95
d’une actualité brûlante. L’abstention aux élections européennes,
Un citoyen est un membre d’un État qui bénéficie de droits un défi envers l’Union européenne
(vote, éligibilité…) et de devoirs (service civique…). Le sujet
invite à envisager différents types de citoyens (actifs ou passifs
par exemple) et à étudier leur place et leur implication dans ❚❚ Étape 1 / Présenter le document
la démocratie, c’est-à-dire un régime politique dans lequel la Nature Le document est un dessin de presse
communauté des citoyens est souveraine et exerce le pouvoir
à travers les institutions. Pourtant, le rôle du citoyen varie Auteur réalisé par Vadot
selon le type de démocratie. Dans une démocratie directe, et publié sur la page web « Les décodeurs
l’ensemble des citoyens peut intervenir directement dans les Source
de l’Europe » du site ec.europa.eu
décisions politiques, sans l’intermédiaire des représentants.
Dans une démocratie représentative, les citoyens disposent Date en 2017
de la souveraineté, mais élisent des représentants à qui ils Il a été commandé par la Représentation
délèguent le pouvoir de prendre les décisions politiques. Commanditaire
de la Commission européenne en France
Dans les démocraties déléguées, la souveraineté est déléguée
par le transfert de certaines compétences des États vers un Destinataire pour s’adresser aux électeurs
ensemble supranational. Il s’agit donc d’analyser leur rôle dans Cadre spatial français
les démocraties depuis la première démocratie née à Athènes
au ve siècle av. J.-C. jusqu’en 2019, en étudiant également les afin de les inciter à aller voter lors des prochaines
Intérêt
élections européennes
démocraties de l’époque moderne, des xixe et xxe siècles.
Comment les citoyens s’investissent-ils dans les différents types
de démocratie qui existent depuis l’Antiquité ?

40 Thème 1 • Comprendre un régime politique : la démocratie

❚❚ Étape 2 / Étudier le document
L’abstention désigne le fait qu’un citoyen n’aille
Qu’est-ce que pas voter lors d’une élection.
l’abstention ? Les élections européennes qui ont lieu tous
Quel était le taux les cinq ans enregistrent des taux élevés
d’abstention lors des d’abstention qui ne cessent d’augmenter
trois dernières élections (54,53 % en 2004, 57,03 % en 2009 et 57,39 %
européennes ? en 2014) comme le suggère la flèche du journal
NB : l’élève pourra utiliser datant de 2017. L’élève pourra cependant
le document 3a p. 85 nuancer en rappelant la part de 49,8 % en 2019,
en net recul par rapport à la tendance.
L’homme milite pour dénoncer l’Union
Quels sont les
européenne qu’il accuse d’être non
reproches faits à la
démocratique car, selon lui, les institutions
démocratie dans
l’Union européenne ?
européennes et les représentants élus lors des
élections (les députés européens) prennent des
De quel type de
décisions qui vont à l’encontre de ses intérêts.
démocratie s’agit-il ?
L’UE est donc une démocratie représentative.
Pourquoi le discours
L’homme tient un discours absurde car il
se plaint des dirigeants européens alors qu’il
de cet homme est-il
ne se déplace pas pour élire ses représentants
absurde ?
au Parlement européen.
❚❚ É tape 3 / Interpréter et critiquer
le dessin de presse
- L’auteur a voulu montrer que des citoyens européens se
plaignent du fonctionnement des institutions européennes,
estimant qu’elles ne les représentent pas ou qu’elles prennent
des décisions à l’encontre de leurs intérêts, alors que ces mêmes
citoyens ne vont pas voter pour élire leurs représentants.
- Le commanditaire a demandé de faire passer ce message
pour lutter contre l’abstention, inciter les citoyens européens à
aller voter et faire que la démocratie représentative de l’Union
européenne joue davantage son rôle de représentation.
- Le commanditaire est la Commission européenne, institution
européenne où les commissaires nommés par les gouvernements
des pays membres proposent des lois et disposent du
pouvoir exécutif.
- Ce document est subjectif car le message passé va dans le
sens du commanditaire afin de défendre son point de vue. Il
met en accusation les abstentionnistes qui se plaignent et ne
contribuent pas à dénoncer les dysfonctionnements potentiels
des institutions européennes ou les limites du système de
démocratie représentative.
- Ce document présente l’intérêt de montrer la hausse de
l’abstention aux élections européennes, signe d’une crise de
la démocratie représentative contre laquelle les institutions
européennes entendent lutter, mais cette illustration vise
également à ne donner qu’une explication à cette crise en accusant
les abstentionnistes au lieu d’envisager d’autres causes possibles.
Les réponses aux questions posées en accompagnement du
sujet peuvent donc être résumées comme suit.
1. Le document est un dessin réalisé par Vadot et publié sur la
page web « Les décodeurs de l’Europe » du site ec.europa.eu en
2017. Il a été commandé par la Représentation de la Commission
européenne en France pour s’adresser aux électeurs français
afin de les inciter à aller voter lors des prochaines élections
européennes.
2. Les citoyens européens élisent leurs représentants (députés
européens) tous les ans lors des élections européennes, signe
du caractère démocratique de l’Union européenne.
3. La faiblesse soulignée par le document est le caractère
exclusivement représentatif des institutions européennes. Des
citoyens estiment que les représentants et dirigeants prennent des
décisions absentes de leur programme et qu’ils ne parviennent
pas à tenir compte de l’ensemble des opinions des citoyens.
4. Le document évoque deux critiques principales : le désintérêt
d’un nombre grandissant de citoyens européens pour l’élection de
leurs représentants donc pour la vie démocratique ; les critiques
formulées par certains citoyens à l’encontre du fonctionnement
des institutions de l’Union européenne estimant qu’elles ne sont
pas assez démocratiques et que les représentants élus n’agissent
pas dans leur propre intérêt.
❚❚ Pour vous entraîner
Les réponses aux questions accompagnant le dessin de Plantu
au bas de la page 95 peuvent s’organiser comme suit.
1. Le personnage de gauche représente la France, une
démocratie représentative, et celui de droite la Suisse régie
par une démocratie directe.
2. Le référendum d’initiative citoyenne est un référendum
organisé à la demande de citoyens sans avoir besoin de passer
par leurs représentants.
3. Certains Gilets jaunes ont réclamé le RIC car ils estiment
qu’il renforcerait la démocratie en permettant aux citoyens de
pouvoir s’exprimer plus souvent et directement. Selon eux, en
dépendant moins des représentants, la souveraineté du peuple
s’exprimerait davantage.
4. En France, le président de la République peut consulter
directement les citoyens par référendum d’après la Constitution
de la Ve République sur des sujets divers tels que l’organisation
des pouvoirs, la ratification des traités ou des politiques
économiques, sociales et environnementales. En cas de victoire
du « oui », le président de la République peut promulguer la
loi, mais le référendum reste avant tout une consultation et ne
débouche pas nécessairement sur une prise de décision finale
allant dans le sens de la majorité électorale (exemple : celui
concernant le projet d’aménagement de Notre-Dame-des-
Landes en 2017 ou celui sur la Constitution européenne de 2005).
SUJET D’ENTRAÎNEMENT p. 96
Les modalités de la transition démocratique
en Espagne et au Portugal
1. Le doc. 1 est une photographie datant de 1969. On y voit
le général Franco désigner devant le parlement franquiste
composé de dignitaires acquis au régime, dont de nombreux
militaires, son futur successeur après sa mort, le prince Juan
Carlos. Franco, installé au pouvoir depuis 1939 et vieillissant,
prépare sa succession. Le doc. 2 est un article de presse rédigé
à la mort de Mário Soares le 7 janvier 2017. Il retrace sa carrière
politique et son rôle joué après la révolution des Œillets en 1974
et le rétablissement de la démocratie au Portugal.
2. Les deux photos illustrent des transitions démocratiques
très différentes. En Espagne, elle se fait sous le contrôle étroit
du dictateur, le général Franco, dans un cadre protocolaire.
Il désigne lui-même son successeur, un prince qui, après sa
mort, a assuré la transition vers la démocratie dans le cadre
d’une monarchie parlementaire. Au contraire, au Portugal, elle
se fait aussi avec l’appui de l’armée et de manière pacifique
lors de la révolution des Œillets. Toutefois, après la révolution,
Méthodes Bac 41
 l’armée laisse la place à des leaders comme Mário Soares qui
bénéficie du soutien du peuple portugais du fait de son rôle
d’opposant plusieurs fois arrêté, et déporté durant la dictature
de Salazar. Il contribue au rétablissement d’une Constitution et
devient le chef du gouvernement du nouveau régime.
3. Ces documents constituent des témoignages, notamment
visuels, de la manière pacifique dont se font les transitions
vers de nouveaux acteurs de la vie politique en Espagne et
au Portugal. Cependant, ils ne suffisent pas à comprendre les
raisons qui poussent le général Franco à désigner le prince
Juan Carlos comme son successeur, ni l’armée à reconnaître le
processus constitutionnel qui se met en place après la révolution
des Œillets et le rôle joué par la colonisation dans l’essoufflement
du régime portugais conduisant à cette révolution en 1974.
SUJET D’ENTRAÎNEMENT p. 97
L’Union européenne : une démocratie
représentative originale
1. Le Parlement européen est un organe de codécision législative
avec le Conseil des ministres et de représentation des citoyens
de l’Union européenne depuis qu’il est élu au suffrage universel
direct. Ses prérogatives n’ont cessé de s’étendre depuis les traités
de Maastricht et de Lisbonne. Il a ainsi un pouvoir de décision
égal à celui du Conseil des ministres dans de très nombreux
domaines, notamment budgétaire. Cependant, contrairement
au Parlement français, il ne peut être à l’initiative de textes de
lois, ni décider seul de l’adoption ou non des textes puisqu’il
partage ce pouvoir avec le Conseil des ministres.
2. L’initiative citoyenne européenne permet aux citoyens de
proposer une évolution de la législation européenne, mais
le cadre reste contraignant puisqu’il requiert un million de
signataires issus d’au moins sept pays de l’UE. En outre, le
temps est court car ils ne disposent que d’une année pour
rassembler les signatures. Enfin, la Commission européenne
doit examiner le texte s’il recueille les conditions, mais elle n’est
pas obligée d’en faire une proposition de loi.
3. L’Union européenne est une démocratie représentative
originale car le Parlement représente les citoyens. Cependant,
il n’est pas l’équivalent des parlements nationaux car il doit
partager son pouvoir de voter les lois avec le Conseil des
ministres qui n’est pas la représentation des citoyens mais
des gouvernements de l’UE. Par ailleurs, ce n’est pas lui qui
est à l’origine des lois, mais la Commission qui transcrit les
orientations du Conseil européen.
LE GRAND ORAL p. 98-99
Le fonctionnement de la démocratie française
L’objectif de cette double page est de rappeler aux élèves qui
entrent en première et qui ont choisi cet enseignement de
spécialité comment on peut, en groupe, se documenter sur un
sujet et présenter l’état de ses recherches ensuite collectivement
devant le reste de la classe. Une préparation efficace pour le
grand oral de terminale.
Les documents proposés à titre indicatif et informatif :
- Le doc. 1 est un extrait d’un article d’Emmanuel Brunet
Bommert publié dans le journal économique Les Échos le
30 juillet 2018. Il est très critique sur l’état de la démocratie en
42 Thème 1 • Comprendre un régime politique : la démocratie
France. Pour l’auteur, la France n’est pas une vraie démocratie
car elle a choisi le modèle de démocratie représentative et non
la démocratie directe où les citoyens s’expriment directement
sans passer par des représentants élus. Il rappelle que si les
Français peuvent être consultés par référendum ce n’est qu’à
l’initiative du président de la République. Par ailleurs, selon
l’auteur, le référendum d’initiative partagée est trop restrictif.
Cela rejoint l’actualité de 2018-2019 avec les Gilets Jaunes et
leur revendication d’un référendum d’initiative citoyenne.
- Le doc. 2 est un dessin de presse belge de Sondron publié
le 2 juin 2017 dans Courrier international. Il a pour but de
dénoncer le problème de l’abstentionnisme en France. Quand
un parti gagne les élections (en l’occurrence ici La République
en marche, le parti fondé par Emmanuel Macron en 2016), on
peut se poser la question de savoir si le véritable gagnant n’est
pas le parti des abstentionnistes.
- Le doc. 3 présente les résultats officiels des deux tours de la
présidentielle de 2017.
- Le doc. 4 enfin est une affiche gouvernementale que l’on
peut retrouver en intégralité à l’adresse suivante : www.
gouvernement.fr/partage/3738-la-liberte-d-expression. Elle
vise à montrer l’importance de la liberté d’expression dans
l’exercice réel de la démocratie.
❚❚ Étape 1 / Se documenter par groupe de trois
1. On peut analyser les mots-clés du sujet
Le fonctionnement de la démocratie française
On doit définir le terme de « démocratie » : régime politique
dans lequel la communauté des citoyens est souveraine et
exerce le pouvoir à travers des institutions (p. 43).
Le fonctionnement nous invite à analyser comment s’exerce
concrètement la démocratie en France, tant du point de vue
des élections que de celui des garanties que le régime politique
apporte en matière de respect des droits et des libertés des
citoyens, notamment la liberté d’expression, la liberté de
réunion, la liberté d’association ou le droit de manifestation.
La reformulation de la problématique proposée dans l’encadré
bleu est aussi pertinente et peut aider les élèves à comprendre
le sens du sujet proposé : « En quoi la démocratie française
peut-elle être présentée comme respectueuse des droits et
des libertés des citoyens ? ».
2. On recherche les arguments permettant de répondre au sujet
Exemples non exhaustifs :
Points forts de la
Points faibles de la démocratie française
démocratie française
- des élections libres - un fort abstentionnisme
à plusieurs candidats - la montée des votes extrêmes et contestataires
- des élections régulières - la quasi-absence de démocratie directe
- la liberté d’expression,
de réunion
(pas de référendum d’initiative citoyenne, RIC,
ou populaire, RIP).
- le droit de fonder - la fascination pour des « héros », des
un parti et d’être élu « surhommes » qui surfent sur leur charisme
- le choix des et utilisent la démagogie pour être élus
représentants politiques - les manifestations perturbées par des
à la majorité groupes de casseurs « professionnels »
3. On trouve des exemples pertinents
-- Dans l’histoire, ancienne ou récente, de la vie politique
française : par exemple la baisse de l’abstention aux élections
européennes de 2019 (49,88 % en France)
-- Dans l’actualité : manifestations des Gilets jaunes pour
le RIC, (…)
Churchill disait : « La démocratie, c’est le pire système à l’exception
de tous les autres. »
4. On recherche sur des sites officiels ou de médias bien connus
❚❚ É tape 2 / Présenter l’état de ses recherches
devant la classe
Pour le professeur :
-- Veiller au respect du temps par tous les groupes (équité) ;
-- Bien expliquer aux spectateurs ce qu’ils doivent prendre
en note (lister les arguments apportés par les intervenants) ;
-- Dresser un bilan qui sert de trace écrite aux élèves. Il
reprend les arguments apportant la preuve que la démocratie
française fonctionne et ceux qui présentent les limites ou
remises en cause.
RÉVISION p. 100-101
Les doubles pages de révision des chapitres sont toutes
construites sur le même modèle. La page de gauche offre, sous
des formes graphiques différentes, des outils de mémorisation
des faits essentiels du thème. La page de droite propose des
exercices et des pistes d’approfondissement. À l’occasion de
ce premier chapitre, la démarche est explicitée et pourra être
reproduite dans l’ensemble des thèmes.
❚❚ A / Réviser en mémorisant
L’objectif est de permettre aux élèves de retenir l’essentiel
des informations présentées au fil du thème 1. Il ne s’agit pas
d’être exhaustif, mais de leur fournir les clés pour mémoriser
les grands points, qu’ils n’auront plus ensuite qu’à développer.
• D’où le choix d’un schéma bilan (doc. 1 page 100) qui montre
comment l’étude de la démocratie s’articule autour de trois
axes principaux :
-- Un régime politique où le peuple a le pouvoir : à travers
des institutions solides, comme celles de la Ve République
(née en 1958), définies dans une Constitution comme celle
des États-Unis (en 1787 à Philadelphie), par une démocratie
participative ou représentative, à travers l’exemple de l’Union
européenne dont le Parlement a été renouvelé en mai 2019.
-- Un régime politique qui puise ses origines dans l’histoire
(Athènes, Ve siècle av. J.-C.), qui a été longtemps discuté par
les philosophes et les sociologues (Tocqueville) et qui a
gagné toute l’Europe (retour à la démocratie de l’Espagne
et du Portugal en 1974-1975).
-- Un régime démocratique qui n’est pas exempt de tous
reproches, parfois critiqué pour son manque d’efficacité
ou son éloignement des préoccupations du peuple,
décourageant pour certains citoyens qui ne se retrouvent
pas dans le système actuel et choisissent la voie de
l’abstentionnisme. Un régime toujours sous le coup des
menaces de ceux qui lui préfèrent un régime fort, comme
avec Pinochet au Chili ou actuellement en Corée du Nord.
• La frise (doc. 2 page 100) permet de situer dans le temps les
dates clés du chapitre :
– 508 / – 322 : la démocratie athénienne, des réformes de
Clisthène à la fin de la démocratie quand la cité est soumise
au royaume de Macédoine.
1948 : la Déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée
à Paris par l’Assemblée générale des Nations unies.
1958 : la Constitution qui crée la Ve République en France avec
le général de Gaulle qui en devient le premier président.
1973-1990 : le renversement de Salvador Allende le
11 septembre 1973 par le coup d’État du général Pinochet fait
tomber le Chili dans une dictature de 17 ans. Ayant perdu un
référendum en 1988, Pinochet doit accompagner la transition
démocratique et laisser le pouvoir présidentiel à Patricio Aylwin,
élu démocratiquement en 1990.
1974 : révolution des Œillets au Portugal : le peuple, avec
le soutien de militaires convertis à la démocratie, renverse
pacifiquement la dictature de Salazar.
1975-1982 : la transition démocratique en Espagne : à la mort
du général Franco, vainqueur de la guerre civile espagnole de
1936-1939, son successeur désigné, le roi Juan Carlos, entame
la marche vers la démocratie, avec les premières élections
démocratiques en 1977 et la nouvelle Constitution de 1978.
1992 : le traité de Maastricht crée l’Union européenne et entre
en vigueur en 1993. Il instaure l’unité économique et monétaire.
2007 : traité de Lisbonne : évolution des institutions de l’Union
européenne après l’échec du projet de Constitution européenne.
2016 : le Royaume-Uni, par référendum, vote le Brexit.
❚❚ B / Réviser en s’entraînant
Objectif 1 : maîtriser des notions
Réponses aux questions :
1. Dans l’histoire, c’est à Athènes, au Ve siècle avant J.-C. qu’est
apparu le premier régime démocratique. La démocratie
réapparaît ensuite à la Révolution française. Ce sont des
démocraties imparfaites, car elles ne donnent pas, notamment
(mais pas seulement), de droits politiques aux femmes.
2. Aujourd’hui, les citoyens français et européens sont
régulièrement invités à aller voter pour élire leurs représentants.
La démocratie représentative est à l’honneur, mais la démocratie
directe existe dans certains pays comme la Suisse (possibilité
de lancer un projet d’initiative populaire, existence dans des
cantons d’assemblées publiques où les citoyens votent à
main levée).
3. La démagogie est une négation de la véritable démocratie
dont elle détourne le sens profond. La démagogie consiste à
faire croire au peuple qu’on va répondre à tous ses besoins.
Elle peut détourner des citoyens d’un vote responsable.
Objectif 2 : analyser une carte
Réponses aux questions :
1. Les pays les plus démocratiques se trouvent en Europe, en
Océanie et en Amérique. Cependant, l’Inde est la plus grande
démocratie du monde par son nombre d’habitants.
2. En 2018, les régimes autoritaires dominent encore en Afrique
et en Asie.
3. Les deux cartes ne reposent pas sur les mêmes critères : celle
de l’ONG Freedom House (doc. 1 p. 30) analyse le respect des
libertés fondamentales dans le monde, celle de la p. 101 de
The Economist est basée sur soixante critères démocratiques.
Mais toutes deux donnent finalement un aperçu assez semblable
de la situation démocratique dans le monde.
❚❚ C/Réviser en se documentant
Question sur le site interactif :
Le conseil constitutionnel est un garant de la démocratie car :
-- il veille à la constitutionnalité des lois de la République ;
-- il veille à la régularité des élections ;
-- il protège les lois et les libertés des citoyens.
Méthodes Bac 43
 THÈME Analyser les dynamiques
2 des puissances
internationales
OUVERTURE p. 102-103
❚❚ Introduction
Le second thème du programme a pour objectif « d’analyser les
ressorts et les caractéristiques de la puissance internationale des
États, aussi bien dans leur émergence (étude des fondements
de la puissance) que dans leurs dynamiques » (programme).
L’introduction est donc l’occasion de mener avec les élèves un
large travail de définition du concept de « puissance ».
Définir la puissance
S’inspirant de Raymond Aron (« J’appelle puissance sur la scène
internationale la capacité d’une unité politique d’imposer sa
volonté aux autres unités. »), Serge Sur définit la puissance
comme « une capacité (de faire, de refuser de faire, de faire
faire, d’empêcher de faire) ». Il s’agit donc de la capacité d’un
acteur à agir sur les autres acteurs pour défendre ses intérêts
ou s’affirmer sur le plan international. Robert Kagan résume
la puissance comme la capacité à faire l’Histoire, avec un H
majuscule, opposant ainsi la puissance et la faiblesse. Pierre
Verluise synthétise les approches en montrant que la puissance
est un « concept multiforme, évolutif et complexe qui repose
sur des fondamentaux comme le territoire, les hommes et le
désir ». Il donne ce concept comme synonyme de « pouvoir »,
précisant qu’en anglais ou en allemand, les deux notions sont
réunies en un seul mot (power, macht).
Lors de cette introduction, il s’agit pour les élèves de se
constituer un socle solide de connaissances, en identifiant
les caractéristiques contemporaines de la puissance, ses
fondements et ses manifestations. La démarche adoptée est
inductive, en confrontant différents exemples. La confrontation
des documents d’ouverture p. 102-103 pose la question des
formes multiples que recouvre la puissance (que l’on pourra
conceptualiser sous l’expression hard et soft power). Ce caractère
dual de la puissance est développé dans la double page repères 1
(p. 104-105), puis dans les exemples, notamment celui du Japon
(p. 111) et de la Chine (p. 112). Ainsi, les items du programme
sont traités sous différentes facettes : champ diplomatique
(forum du G7, doc. 1 p. 106 ; diplomatie européenne, doc. 3
et 4 p. 109 ; réseau diplomatique de la France, doc. 2 p. 110 ;
diplomatie du panda, doc. 5 p. 113) ; champ militaire (forces
militaires nationales, doc. 1 p. 104 ; de la France, doc. 2 p. 103, du
Japon, doc. 1 p. 111, de la Chine, doc. 2 p. 112) ; champ culturel
(soft power de la Chine, doc. 1 p. 102, de la France, doc. 1 p. 110) ;
44 Thème 2 • Analyser les dynamiques des puissances internationales
Bibliographie
Collection « Géopolitique » sous la direction de Pascal Boniface,
éditions Eyrolles (Géopolitique de la Russie, des États-Unis,
de la Chine…).
Collection annuelle « Grand atlas », Franck Tétart (dir.),
Autrement, 2019 (et autres).
Fernandes Julian, Relations internationales, Éditions Dalloz, 2018.
Sitographie
Article « La puissance au xxie siècle » sur le site de l’Iris : https://
www.iris-france.org/128934-la-puissance-au-xxie-siecle-3-
questions-a-pierre-buhler/
Article « Puissance » sur le site Diploweb : https://www.diploweb.
com/Geopolitique-La-puissance.html
Site Hérodote : https://www.herodote.org
champ économique et financier (poids économique de l’UE,
doc. 1 p. 108, des Brics, doc. 2 p. 106, du Japon, doc. 1 p. 111).
La double page repères 2 invite à réfléchir sur « la dynamique
des puissances internationales » (programme) en montrant
que, si les puissances établies jouent toujours un rôle essentiel
(États-Unis en tête), elles sont de plus en plus concurrencées
par des « puissances ascendantes » (Chine, Inde, Russie).
❚❚ Choix des documents d’ouverture
Les documents proposés en ouverture de ce thème permettent
de poser d’emblée l’aspect multiforme de la notion de puissance,
mais également les dynamiques de basculement du monde
contemporain. Le doc. 1 peut surprendre les élèves car la
puissance n’y apparaît pas directement (à l’inverse du doc. 2).
Les deux documents ne prennent d’ailleurs sens dans cette
double page que par leur confrontation. La puissance douce
de la Chine émergente est opposée ici à la puissance forte de la
France, puissance ancienne et établie. La vidéo permet à l’élève
de comprendre le choix de la Chine en doc. 1 : aujourd’hui, la
puissance chinoise est incontournable et multiforme.
 Les défilés militaires en France (doc. 2)
Les défilés militaires sont souvent associés dans le monde à
des régimes autoritaires. Leur tradition est ancienne puisque
les Romains les multipliaient, ainsi que les arcs de triomphe,
pendants architecturaux de ces parades. La France est d’ailleurs
l’un des rares pays européens à faire défiler ses armées lors
de commémorations nationales. Mais si dans les régimes
autoritaires, les défilés sont un moyen d’afficher la puissance
militaire, en France, l’objectif est républicain. Établi sous la
IIIe République, le défilé du 14 juillet est aussi l’occasion de
restaurer l’image de l’armée après la défaite subie en 1870
face à la Prusse. Alors que dans certains pays comme l’Italie ou
le Canada, les défilés militaires s’organisent dans une grande
discrétion, voire l’indifférence des citoyens, en France, il reste
un temps fort du lien entre l’armée et la nation.
❚❚ Réponses aux questions
1. Avant 1945, les États-Unis partageaient leur puissance avec
les puissances européennes (France, Royaume-Uni, Allemagne).
THÈME 2
INTRODUCTION
Les caractéristiques de la puissance
à l’échelle internationale aujourd’hui
REPÈRES 1
Les fondements de la puissance
aujourd’hui p. 104-105
❚❚ P
 résentation des cartes et des liens possibles
entre elles
Les cartes permettent de confronter à travers deux exemples
à la fois les formes traditionnelles (puissance militaire et
économique) et plus indirectes (langues et maîtrise du réseau
Internet) du concept de puissance. Ces documents soulèvent
la question de la mesure de la puissance, notamment à travers
des indicateurs. Cela aide à comprendre la complexité des
facteurs de la puissance. Mesurer la puissance d’un État passe
par des indicateurs de plus en plus complexes.
L’indice de puissance militaire (doc. 1) établi depuis
2006 par GlobalFirePower, site américain spécialisé dans les
questions de défense, combine 55 variables qui dépassent le
simple calcul d’un arsenal militaire disponible et des forces
mobilisables ou des dépenses annuelles de défense. Ainsi,
le développement économique, les ressources naturelles,
la stabilité financière ou la main-d’œuvre totale disponible
(éléments clés d’une industrie d’armement en cas de conflit)
sont pris en compte. L’indice maximum (score théorique
impossible à atteindre) est 0,0000. En 2019, les États-Unis au
premier rang ont un score de 0,0615 tandis que le dernier, le
Bouthan a un score de 6,3988. Pour des raisons de lisibilité à
destination des élèves, les données ont été regroupées selon
une classification plus simple et non chiffrée.
Introduction • Les caractéristiques de la puissance à l’échelle internationale aujourd’hui
Après 1945, la bipolarisation du monde oppose les États-Unis
à l’URSS. Aujourd’hui, les deux puissances qui s’imposent dans
le monde sont les États-Unis, et de plus en plus, la Chine.
2. La puissance de la Russie a connu une période d’affirmation,
de domination et de déclin. L’Empire ottoman a connu une
évolution semblable, bien que plus ancienne.
3. La puissance peut s’exprimer de manière forte (puissance
armée) ou douce (don de panda à des zoos étrangers).
4. La multipolarité du monde rend l’équilibre des puissances
plus complexe car de nouveaux États s’imposent, avec de
nouveaux moyens pour peser dans les relations internationales.
Les rapports entre les États sont donc croisés, et les zones
d’influence enchevêtrées.
❚❚ Bilan
Les dynamiques de la puissance évoluent puisque longtemps la
bipolarisation a prévalu, entretenant une course à l’armement,
tandis que la multipolarisation du monde conduit à l’affirmation
de formes nouvelles et indirectes de puissance.
De manière plus classique, le doc. 2 juxtapose des informations
permettant de quantifier la puissance économique des États,
à travers le PIB que les élèves connaissent bien, et deux autres
mesures qui leur sont moins familières mais le deviendront
dans le cadre des cours de géographie du tronc commun :
le PIB et les IDE (nommés ici « stocks de capitaux investis »
pour simplifier).
Pour mesurer les formes indirectes de la puissance, outre le
poids linguistique de certaines langues visible sur le doc. 3, la
carte 4 propose de quantifier le degré de maîtrise du réseau
Internet à partir de l’indice de développement des Technologies
de l’information et de la communication (TIC).
L’indice de développement des TIC (doc. 4), créé par
l’Union internationale des télécommunications des Nations unies
et utilisé depuis 2009, permet de comparer dans 154 pays le
niveau de développement des TIC. Il repose sur onze indicateurs
regroupés en trois axes : l’accès, l’utilisation et les compétences.
Ce dernier axe aide à appréhender la « fracture numérique »
sous un angle social qui dépasse les simples statistiques sur la
part de ménages ayant un ordinateur ou un accès technique et
physique à Internet. En effet, il intègre le taux d’alphabétisation
des adultes, les taux bruts de scolarisation secondaire et
supérieure qui déterminent la maîtrise des usages des TIC et
de leurs contenus.
45
 ❚❚ Réponses aux questions
1. Les formes traditionnelles de la puissance reposent sur la
force militaire et la puissance économique. Si les États-Unis
et la Chine figurent au rang des puissances à la fois militaires
et économiques, le Japon, puissance économique, n’est pas
une puissance militaire de rang très élevé. L’Allemagne, le
Royaume-Uni, la France et l’Inde, puissances militaires de rang
très élevé restent des puissances économiques loin derrière
les deux premières.
2. L’importance d’une langue comme langue internationale ou
la maîtrise et le développement du réseau Internet constituent
des formes indirectes de la puissance que possèdent les États-
Unis ainsi que le Royaume-Uni, la France ou la Russie.
Au terme du travail sur cette première double page repères,
l’élève a déjà en tête une première classification, isolant un
certain nombre de pays susceptibles de bénéficier de formes
traditionnelles ou indirectes de la puissance.
REPÈRES 2
Les dynamiques de la puissance
aujourd’hui p. 106-107
❚❚ P
 résentation des documents et des liens
possibles entre eux
Le rôle des États et, pour les plus puissants d’entre eux,
l’équilibre des puissances sont en profonde mutation. Ce
« basculement du monde » (M. Foucher) est donc au cœur des
enjeux géopolitiques planétaires.
Un monde multipolaire ?
Le programme insiste sur la multipolarité du monde. Cette
vision est à nuancer, notamment par la lecture des spécialistes
en géopolitique. Pascal Boniface, notamment, montre qu’on ne
peut pas encore comparer la puissance chinoise, européenne,
russe à la puissance états-unienne qui reste, et de loin, la
première au niveau mondial. De même, Julian Fernandes
évoque le principe de « zéropolarité », après la bipolarité de la
guerre froide et l’unipolarité des années 1990-2000. Finalement,
la multipolarité évoquée par le programme est en cours.
La double page invite à travailler, par la confrontation des
documents, sur les aspects et les facteurs d’une géopolitique
plus complexe où les puissances traditionnelles, que M. Foucher
nomme « puissances établies » sont concurrencées par des
« puissances ascendantes ». Le doc. 1 présente ces puissances
établies qui, depuis les années 1970, se réunissent annuellement
pour peser sur l’évolution du monde. On peut l’opposer au
doc. 2 qui évoque les Brics vus par un dessinateur indien.
Le document montre comment ces puissances émergentes
(ou ré-émergente dans le cas de la Russie), par leur taux de
croissance économique notamment, menacent l’économie et la
puissance établie du G7. Un regard critique pourra cependant
préciser que les performances des Brics sont aujourd’hui
freinées (coût de la main-d’œuvre en Chine, récession au Brésil,
malédiction des ressources en Russie). Les doc. 3 et 4 illustrent
la complexité d’un monde en cours de multipolarisation,
notamment l’apparition de nouveaux acteurs, parfois non
étatiques (djihadisme).
46 Thème 2 • Analyser les dynamiques des puissances internationales
❚❚ Pour comprendre
1. Les puissances ascendantes sont des puissances émergentes
du point de vue économique, et qui se dotent d’outils pour
peser sur la scène politique internationale. Il s’agit de la Chine,
de l’Inde et, dans une moindre mesure de pays comme le Brésil
ou l’Afrique du Sud. Ces puissances utilisent à la fois leur poids
démographique (Chine, Inde), leur territoire (Russie, Chine) mais
également leur place croissante dans l’économie mondiale
(Chine, Inde) ou leur influence régionale (Brésil, Russie).
2. Le monde est marqué par un « nouveau désordre
international » puisque la bipolarité de la guerre froide a laissé
place à une multipolarisation. Les équilibres mondiaux sont
donc à reconstruire, dans un monde déstabilisé notamment par
l’arrivée de nouveaux acteurs tels que le djihadisme. L’absence
de gouvernance mondiale, ou tout au moins sa remise en cause,
explique le « nouveau désordre international ».
ÉTUDE
Existe-t-il une puissance européenne ?
 p. 108-109
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
Le choix de l’Union européenne répond ici à une question
socialement vive et permet un prolongement du thème 1.
Il s’agit pour les élèves d’analyser les composantes de la
puissance européenne à l’échelle mondiale et ses limites.
L’Union européenne est d’abord un géant commercial fondé
sur le libre-échange et l’interdépendance des États mais surtout
une « puissance normative ». Cette « puissance normative »
décrite par le politologue Zaki Laïdi (La norme sans la force,
2005) fait de l’UE un modèle. Cependant, si sa capacité
technologique (doc. 1) et son vaste marché de 500 millions
d’habitants représentent des éléments de force (doc. 2), les
crispations des gouvernements et des peuples attachés à
leur souveraineté (cf. thème 1) constituent un frein dans
l’élaboration d’une stratégie commune en matière de défense,
de politique extérieure (doc. 3 et 4) susceptible d’en faire une
puissance complète.
La protection des consommateurs européens,
un élément de puissance (doc. 2)
La puissance de l’UE repose sur sa capacité à imposer les normes
de son marché unique de 500 millions de consommateurs.
En effet, si l’UE est souvent critiquée pour son incapacité à se
doter d’une puissance militaire face aux enjeux mondiaux,
elle a en revanche un poids indéniable en matière de normes.
Elles obligent les entreprises hors UE à se conformer à ses
standards (parmi les plus exigeants du monde) s’ils souhaitent
s’y implanter ou y commercer. Ainsi, les importateurs doivent
se plier aux réglementations de la directive REACH de 2007 sur
les produits chimiques qui interdit certaines substances classées
dangereuses comme le Bisphénol A. Le règlement général sur
la protection des données (RGPD), adopté en 2016 et entré en
vigueur en mai 2018, protège les citoyens de l’UE contre les
pratiques abusives des géants du Net. Elle a également infligé
une amende record, en juillet 2018, à Microsoft et Google pour
abus de position dominante sur le marché des smartphones
après avoir imposé leur application sur Android.
❚❚ Réponses à l’activité
Les atouts pour devenir une puissance mondiale
Puissance politique Rôle actif dans certaines négociations internationales
(accord sur le nucléaire iranien en 2015).
Puissance militaire Mise en place de structures :
- Politique étrangère et de sécurité commune (1993) ;
- Politique européenne de sécurité et de défense (1999). post-conflits.
Puissance économique Un marché de 500 millions de consommateurs
et une influence sur ses partenaires qui veulent
commercer avec elle.
Puissance technologique Une puissance spatiale avec l’Agence spatiale
européenne et la base de Kourou en Guyane.
ÉTUDE
La France, puissance mondiale ? p. 110
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
La France a l’ambition de tenir son rang de puissance. Dans
un monde multipolaire, elle est sur le plan économique une
puissance moyenne, mais elle maintient son rang de puissance
mondiale par son pouvoir d’influence et sa capacité à incarner
des valeurs humanistes. Les documents choisis permettent de
mettre en lumière le soft power de la France. Le doc. 1 montre
à la fois les éléments constitutifs de cette « puissance douce »
mais aussi ses faiblesses. La France dispose d’un réseau de
grandes entreprises internationalisées à l’image de Total et
d’une attractivité culturelle dont Paris est le symbole. Pôle
touristique mondial, la réputation de la France en matière
culturelle lui confère une visibilité internationale et sa capacité
à organiser des évènements d’envergure mondiale comme les
Jeux olympiques contribuent à son image de puissance. Par
ailleurs, elle est une puissance diplomatique capable d’héberger
des institutions onusiennes (UNESCO) ou internationales (OCDE)
et elle possède un vaste réseau diplomatique (doc. 2), outil
d’influence et de rayonnement de la France dans le monde.
Le réseau diplomatique de la France
La France dispose d’un vaste réseau diplomatique (doc. 2) avec
163 ambassades et 16 représentations permanentes auprès
d’institutions internationales (Union européenne, ONU, UNESCO,
OTAN, OCDE…). Ce réseau constitue un vecteur d’influence à
travers le monde en accompagnant les entreprises françaises à
l’étranger, mais également les entreprises étrangères désireuses
d’investir en France. Ainsi, l’ambassade de France aux États-Unis
organise chaque année, à Atlanta, avec l’université Georgia
Tech, les rencontres de l’innovation France-Atlanta. En 2018, ce
sont les sciences médicales qui étaient à l’honneur, réunissant
scientifiques français et américains. Dans le domaine culturel,
les 163 services de coopération et d’action culturelle et les
70 pôles de l’Agence française de développement participent
à l’aide au développement et au rayonnement de la France.
❚❚ Analyse de documents
1. La France est une puissance influente grâce à son réseau
diplomatique présent dans 160 pays, ce qui la place au 3e rang
après les États-Unis et la Chine. Son savoir-faire dans l’accueil
Introduction • Les caractéristiques de la puissance à l’échelle internationale aujourd’hui
Les limites de la puissance mondiale de l’UE
Mais des États qui restent jaloux de leur souveraineté.
Pas de mutualisation des moyens militaires.
Rôle essentiellement de maintien de la paix et reconstruction
Poids des États-Unis au sein de l’OTAN.
Mais des activités surtout civiles et un budget annuel très inférieur
à celui des États-Unis.
des grands événements lui offre des marchés à l’étranger.
Paris est une capitale touristique et qui accueille de grandes
institutions comme l’UNESCO. La francophonie participe à la
diffusion de la culture et de la langue française.
2. Mais il y a des limites à la puissance internationale de la
France. Le budget du ministère de l’Europe et des Affaires
étrangères est insuffisant et la France n’a pas une stratégie
d’influence sur Internet, à l’instar du Danemark. L’image de la
France est dégradée dans certains pays comme en Ouganda
où l’entreprise Total est contestée.
3. L’image de la France à l’étranger constitue un enjeu de
rayonnement. L’accueil des JO de 2024 représente un enjeu pour
la mise en valeur de son image sur la scène internationale. Elle
peut aussi s’appuyer sur de nombreux atouts pour asseoir sa
puissance à l’avenir : vitalité de la francophonie, rayonnement
mondial de sa gastronomie, par exemple.
ÉTUDE
Les défis de la faible militarisation
du Japon p. 111
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
Le Japon est souvent décrit comme un « géant économique »
mais un « nain politique et militaire ». Cette étude vise à nuancer
cette vision en montrant que le Japon n’est pas pour autant un
pays démilitarisé (doc. 3) mais que sa puissance est davantage
fondée sur son poids financier (doc. 1), sur un rayonnement
culturel et une maîtrise technologique qu’elle compte bien
afficher lors de l’Exposition universelle qui se tiendra à Osaka
en 2025 (doc. 2).
L’affiche (doc. 2) illustre le cool Japan par deux moyens
identifiables par les élèves amateurs de mangas. La jeune
femme est Shoko Nakagawa, chanteuse, actrice et auteur de
manga très célèbre au Japon et dans l’univers des mangas.
Le personnage à côté est Pikachu, héros des dessins animés
et jeux Pokémon. Le dessin animé a été diffusé en France dès
les années 2000.
D’ici 2025, le pays accueillera également deux grands
événements sportifs internationaux : la coupe du monde de
rugby (20 septembre- 2 novembre 2019), les Jeux olympiques
d’été en 2020.
47
 Le cool Japan
Le cool Japan est une politique développée par le
gouvernement japonais pour promouvoir depuis les années
2000 la culture japonaise et en faire un outil d’influence et de
rayonnement du Japon. Elle comporte un volet économique
autant que culturel visant à renforcer les exportations de
produits de consommation japonais (mangas, jeux vidéos,
cinéma d’animation, J-pop, cuisine), la diplomatie culturelle
et l’augmentation du tourisme international (31,2 millions de
personnes contre 17 millions en 2015). Les TICE ont contribué
à la diffusion de la culture japonaise. Ainsi, les réseaux sociaux,
très réactifs, ont largement popularisé les produits japonais.
La promotion de la gastronomie japonaise a vu l’inscription
au patrimoine culturel immatériel de l’humanité du washoku,
tradition culinaire japonaise notamment lors du Nouvel An
(malgré l’opposition de la Chine et de la Corée du Sud).
❚❚ Analyse de documents
1. À l’échelle mondiale, la puissance militaire du Japon apparaît
relativement faible avec un budget situé au 8e rang mondial
bien loin derrière celui des puissances américaine, chinoise et
même française. Cependant, à l’échelle régionale, elle est une
des puissances militaires de la zone avec 240 000 hommes (mais
loin derrière la Chine) et un budget qui augmente notamment
pour renforcer son arsenal antimissile face aux menaces nord-
coréennes. Le Japon dépend donc du bouclier américain.
2. L’affiche met en valeur le rayonnement culturel et
technologique du Japon. À travers le personnage emblématique
de Pikachu appartenant à l’univers des Pokémons, connus
dans le monde entier, c’est l’importance du cool Japan qui est
visible ici. Par ailleurs, l’Exposition universelle est l’occasion de
lui offrir une vitrine mondiale. Le Japon dispose, en plus, de
la 2e place financière mondiale et d’une capacité d’influence
à travers l’aide publique au développement dans les pays du
Sud et de l’accès privilégié à des marchés de consommation
par ses accords de libre-échange.
3. Malgré sa relative faiblesse militaire, le Japon n’est pas une
puissance secondaire. Il dispose d’un rayonnement culturel
et d’une capacité d’influence par sa puissance financière et
économique.
ÉTUDE
La Chine, puissance globale ?  p. 112-113
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
Cette double page intitulée « La Chine, puissance globale ? »
invite à répondre à cette interrogation en s’appuyant sur une
citation ainsi que cinq documents. Le 19 octobre 2017, le
président chinois Xi Jinping a fait part de son souhait de voir
la Chine devenir la première puissance globale d’ici 2050. Pour
cela, il déclare que le pays va « s’ouvrir davantage », mais il
annonce aussi sa volonté de renforcer le rayonnement culturel
du pays. Dans le doc. 1, Pascal Boniface évoque les différents
48 Thème 2 • Analyser les dynamiques des puissances internationales
éléments qui constituent ce pouvoir mondial de la Chine. En
effet, sa puissance économique n’est plus à démontrer mais
la Chine développe également son soft power à travers les
instituts Confucius ou par l’intermédiaire du cinéma. C’est ce
que montre le doc. 3 qui est une affiche du film Wolf Warrior 2,
le plus grand succès de l’histoire du cinéma chinois. Le doc. 5
nous propose également de nous intéresser à la « diplomatie
du panda », une pratique très ancienne puisqu’elle remonte
au viie siècle.
Soft power ou sharp power
Le 8 mai 2012, le spécialiste des relations internationales,
Joseph Nye, publie un article dans le Wall Street Journal où il
s’interroge sur le « déficit de soft power de la Chine ». Malgré
ses interventions dans de nombreuses universités et think tanks
chinois, il déplore que les investissements entrepris par la Chine
dans le développement de son soft power ne produisent pas les
effets attendus. Globalement, les études menées dans le monde,
et particulièrement en Asie-Pacifique, montrent que l’émergence
de la puissance chinoise continue d’inquiéter. Joseph Nye
regrette que le « sharp power » mené par Beijing, c’est-à-dire
les tentatives de manipulations des opinions publiques en
Chine mais aussi à l’étranger, ne soit contre-productif et freine
l’essor du soft power. Ainsi l’immense succès que représente
le film Wolf Warrior 2 reste national et a eu finalement assez
peu d’écho en dehors des frontières chinoises.
Le doc. 2 atteste de la concurrence très forte entre les États-
Unis et la Chine au point que, dans son livre Géopolitique
de la Chine, Pierre Haski parle de « la relation du xxie siècle ».
Le doc. 4 illustre la puissance financière et économique de la
Chine notamment à travers ses investissements dans le monde
même si le continent asiatique reste le premier récepteur de
ses investissements. Beijing et Shanghai accueillent désormais
les sièges de nouvelles banques de développement (NBD et
BAII) affichant clairement la volonté de la Chine d’être un acteur
incontournable de la finance mondiale.
❚❚ Réponses à l’activité
1. Xi Jinping, le secrétaire général du Parti communiste chinois et
président de la République populaire de Chine depuis le 14 mars
2013 a lancé l’expression de « rêve chinois » (zhongguo meng).
Ce slogan politique est utilisé par Xi Jinping dès son discours
inaugural. Il s’agirait de redonner à la Chine sa grandeur passée,
mais aussi d’en faire un pays riche et puissant. Cependant, il
peut aussi faire référence aux mesures mises en place pour
apporter une stabilité sociale dans le pays.
Pour aller plus loin sur cette notion et la propagande chinoise,
l’élève peut appuyer sa recherche sur l’article de Léo Kloeckner
« L’image de propagande en Chine, outil du contrôle social :
le cas de Pékin », Géoconfluences, 14/02/2016.
http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/
dossiers-regionaux/la-chine/corpus-documentaire/image-de-
propagande-en-chine/
2.
Une puissance globale Un rayonnement international
Les ambitions de la Chine - devenir une puissance financière : - Aide au développement dans le monde, notamment
*doc. 2 : croissance du PIB en Afrique, doc. 4
*doc. 4 : investissements, banques
- puissance économique :
* doc. 2 : 3 FTN chinoises parmi les dix premières mondiales

Les politiques mises en place - les nouvelles routes de la soie, doc. 1 et p 142-143 - instituts Confucius, doc. 1 et p 135
- investissements : - « diplomatie du panda », doc. 5
* financiers, doc. 4 - construction d’infrastructures, doc. 4
* portuaires, doc. 4

Les défis à relever - dépasser le PIB américain, doc. 1 - « donner une image rassurante », doc. 5
- devenir une puissance militaire, doc. 1 et 2 - « la capacité d’agir » de la Chine, doc. 3
- devenir une puissance technologique avec les BATX, p 139 - gérer la méfiance de nombreux États à cause du
cyberespionnage, p. 139

LEÇON 1

Les caractéristiques de la puissance

à l’échelle internationale aujourd’hui
 p. 114-115

❚❚ P
 résentation des documents en lien
avec la problématique
Les documents accompagnant ce premier cours « Les
caractéristiques de la puissance à l’échelle internationale
aujourd’hui » permettent de répondre à la problématique
posée : « Comment les ressorts de la puissance évoluent-ils
dans un monde multipolaire ? ». Les deux documents repères
illustrent l’évolution des caractéristiques de la puissance mais
aussi le « basculement du monde » (M. Foucher). À travers
le doc.1, les États-Unis incarnent un aspect de la puissance
traditionnelle, la force militaire capable de se déployer sur tous
les terrains de conflits de la planète. Mais le doc. 2 offre une
autre lecture de la puissance, avec la capacité d’un petit nombre
d’États à maîtriser les technologies spatiales et l’irruption de la
Chine, symbole de l’émergence de nouvelles puissances, dans
ce club sélectif des nations spatiales, longtemps composé de
quelques puissances occidentales.
La notion de « puissance structurelle »
L’émergence d’acteurs transnationaux a remis en question la
vision d’une puissance uniquement pensée dans le cadre des
relations interétatiques. Ainsi la puissance se mesure aussi,
aujourd’hui, dans la capacité à fixer des règles du jeu dans un
espace mondialisé et interdépendant. L’économiste Susan
Strange a forgé la notion de « puissance structurelle » pour
désigner la capacité d’un acteur, quel qu’il soit, à influer sur
l’organisation de l’espace mondial en façonnant et déterminant
les « structures de l’économie politique globale ».
Le schéma fléché au bas de la p. 167 a pour objectif de
replacer les études de l’introduction dans une organisation
plus systémique. Il donne du sens au travail d’exemples réalisé
dans les pages précédentes puisqu’il participe à illustrer la leçon.

Introduction • Les caractéristiques de la puissance à l’échelle internationale aujourd’hui 49

 THÈME 2
AXE 1 Essor et déclin des puissances,
un regard historique
OUVERTURE p. 116-117
❚❚ Introduction
Le premier axe du thème 2 souhaite aborder la question de
la puissance avec un regard historique, en présentant deux
exemples, celui de l’Empire ottoman et celui de la Russie post-
soviétique. L’intérêt de ces deux exemples est avant tout de
mettre en avant les piliers de la puissance dans une perspective
historique, mais aussi de voir comment une grande puissance
peut se reconstruire après une période d’affaiblissement.
Le palais de Topkapi (doc. 1) est une bonne façon d’introduire
la question de la puissance ottomane : en effet, c’est le lieu
central du pouvoir impérial, autour de la personne du sultan.
Istanbul, autrefois Constantinople, est de plus une ville qui
symbolise la montée en puissance de l’Empire ottoman depuis
la prise de la ville en 1453. D’ailleurs, la disparition de l’Empire
en 1922 correspond au déplacement de la capitale vers Ankara,
au cœur de l’Anatolie.
Les historiens et l’Empire ottoman
La question de l’Empire ottoman a très largement été traitée
par les historiens, y compris en langue française grâce aux
travaux de Robert Mantran (1917-1999). On pourra également
consulter les derniers points de la recherche avec le no 8124 de
la Documentation photographique, « Les Ottomans. Questions
d’Orient », par Olivier Bouquet, publié en juillet-août 2018.
L’illustration de la page 117 (doc. 2) insiste davantage sur
la façon dont la Russie de Vladimir Poutine met en scène sa
puissance et y intègre l’héritage de l’Union soviétique. Ainsi,
le 9 mai 2015 (commémoration du Jour de la Victoire pour
les Russes), le président russe souhaite célébrer le sacrifice
des soldats soviétiques durant la Seconde Guerre mondiale
par un défilé militaire. C’est aussi l’occasion de montrer à ses
contemporains la puissance militaire de la Russie, dans la droite
ligne de la tradition des défilés militaires de l’époque soviétique.
❚❚ Réponses aux questions
1. Le palais de Topkapi incarne à lui seul la puissance ottomane
car c’est, au cœur de la capitale de l’Empire, la résidence du
sultan, le chef suprême, depuis les lendemains de la prise de
Constantinople (1459) jusqu’en 1865. C’est à Topkapi que se
rendent tous les diplomates pour rencontrer le souverain et là
que se trouve centralisée une administration importante, avec
pas moins de 4 000 personnes fréquentant le palais. Enfin, il
renferme le centre de décision par excellence de la politique
de l’Empire (même s’il ne faudrait pas oublier que les diverses
provinces de l’Empire pouvaient posséder à différentes époques
une assez large autonomie).
50 Thème 2 • Analyser les dynamiques des puissances internationales
2. Ce que souhaite mettre en avant Vladimir Poutine à travers
ces défilés militaires, c’est l’ancienneté de la puissance militaire
russe, notamment depuis l’époque soviétique. Dans l’opinion
publique russe, la Seconde Guerre mondiale représente à
la fois une période particulièrement tragique avec près de
25 millions de morts, mais aussi un épisode héroïque par la
capacité de l’Armée Rouge à résister à l’armée allemande puis
à la vaincre. La présence à ses côtés des présidents indiens et
chinois montre qu’il souhaite réaffirmer sa puissance à l’encontre
des Occidentaux et notamment de l’Union européenne au
moment de la crise en Ukraine.
3. Ces deux documents illustrent parfaitement la puissance
des deux pays : le palais de Topkapi, au cœur de la capitale
ottomane, Constantinople/Istanbul, représente le lieu de la
prise de décision mais aussi la richesse architecturale du lieu.
Le défilé militaire est également une façon de montrer sa
puissance, sa force, à la fois à la population et au chef d’État
d’un pays invité, mais aussi à la face du monde. C’est bien ce
que souhaite ici Vladimir Poutine.
J A LON
L’Empire ottoman,
de l’essor au déclin
❚❚ Introduction
Ce premier jalon présente la manière dont la puissance
ottomane s’est construite et s’est inscrite dans le temps long
avant de s’effondrer. Fondé en 1299 et dissout en 1922, cet
empire est l’une des plus grandes constructions de l’époque
moderne et contemporaine. Il s’agit, en début de jalon, de
donner des repères essentiels aux élèves (p. 118-119) pour
appréhender cette question : repères cartographiques, mais
aussi chronologiques, pour montrer l’évolution de l’Empire
au cours du temps. L’objectif de la première étude est ensuite
de mettre l’accent sur une période particulière, le xvie siècle,
qui correspond à l’apogée de l’Empire, c’est-à-dire à son
extension territoriale maximale et à son plus grand rayonnement
international (p. 120-121). Le règne de Soliman le Magnifique
est emblématique de cette période fastueuse pour l’Empire qui
développe des relations avec les pays occidentaux. La deuxième
étude s’intéresse quant à elle au déclin et à la chute de l’Empire,
du xixe siècle à la première moitié du xxe siècle (p. 122-123). Des
documents de natures différentes permettent d’aborder la
Question d’Orient et le démantèlement de l’Empire ottoman.
 REPÈRES 1
La construction de la puissance
ottomane p. 118-119
❚❚ Présentation des documents et des liens
­possibles entre eux
Le doc. 1 permet d’appréhender l’évolution territoriale de
l’Empire au fur et à mesure des conquêtes. Cette évolution
peut être mise en relation avec le doc. 2, une miniature turque
du xve siècle représentant un moment clé de ces conquêtes : la
prise de Constantinople en 1453. On observe l’armée ottomane,
à gauche, et l’armée byzantine, massée derrière les remparts de
la ville, à droite de l’image. On peut souligner auprès des élèves
les éléments qui aident à identifier les deux armées (symboles
du croissant musulman d’une part, et de la croix chrétienne
d’autre part, tenues vestimentaires des protagonistes).
« Le croissant, symbole musulman » (doc. 2)
Le croissant est au Moyen Âge un élément ornemental courant
dans le monde musulman, mais il ne devient un emblème
générique des musulmans qu’à partir de la fin du xviiie siècle, alors
qu’il est identifié comme tel par les Occidentaux dès le xiiie siècle.
D’après Fanny Caroff, « Le croissant des musulmans. La
fabrication d’une identité emblématique au Moyen Âge »,
Les clés du Moyen-Orient, 29/05/2005.
L’organigramme de l’organisation de l’Empire (doc. 3) et le plan
à grande échelle de Constantinople au xve s. (doc. 4) permettent,
quant à eux, d’aborder l’aspect cosmopolite de l’Empire et
son organisation administrative. Le doc. 3 montre à quel point
l’administration était centralisée et hiérarchisée. Celle-ci faisait
l’admiration des voyageurs occidentaux. La sécurité, le contrôle
de la gestion économique et la perception des impôts et des
taxes étaient assurés par des représentants dans les provinces.
❚❚ Pour comprendre
1. L’Empire ottoman, fondé en 1299, est d’abord circonscrit à un
territoire autour de Brousse, sa première capitale, en Anatolie
occidentale. Dans la seconde moitié du xive siècle, l’Empire
s’étend à la fois vers l’ouest, en Europe orientale, et vers l’est, en
Asie Mineure. Andrinople devient alors sa nouvelle capitale. Au
milieu du xve siècle, la très symbolique prise de Constantinople
– dernier bastion de la chrétienté orientale qui devient capitale
de l’Empire ottoman – et une nouvelle extension territoriale à
l’est et à l’ouest montrent le développement de la puissance
ottomane. Le xvie siècle marque l’apogée territorial de l’Empire,
qui s’étend alors sur trois continents, de la Hongrie à la Crimée, et
de la Mésopotamie à l’Afrique du Nord. Les Ottomans échouent
cependant devant Vienne en 1683 pour la seconde fois ; c’est
la fin de l’extension territoriale de l’Empire.
2. L’Empire ottoman est une puissance cosmopolite. Le doc. 3
démontre en effet que chrétiens, juifs et musulmans cohabitent.
Les citoyens non-musulmans de l’Empire sont protégés par le
pouvoir mais ont des devoirs particuliers (comme l’obligation de
payer des taxes). Ce sont des dhimmis. Sur le doc. 4, on constate la
présence conjointe d’églises édifiées à la période byzantine et de
mosquées, dont la construction se développe à partir du xve siècle
Certains bâtiments de la période byzantine sont transformés par
le pouvoir ottoman, comme l’église Sainte-Sophie, convertie en
mosquée, ou l’Acropole, devenue palais (Topkapi).
ÉTUDE
Les piliers de la puissance
de l’Empire ottoman au xvie siècle
 p. 120-121
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
L’Empire ottoman a eu une longévité exceptionnelle. Il s’agit
ici de comprendre les bases de la puissance ottomane en se
focalisant sur le xvie siècle, qui marque l’apogée de l’Empire. Le
long règne de Soliman, le « Législateur » pour les Ottomans,
le « Magnifique » pour les Occidentaux, est emblématique de
cette période.
Les documents permettent de rendre compte à la fois de
la puissance militaire (doc. 1), diplomatique (doc. 2) et
économique (doc. 3 et 4) de l’Empire, tout en évoquant sa
capacité d’intégration des populations étrangères ou soumises
lors des conquêtes, gage de paix et de prospérité.
Les relations diplomatiques franco-turques (doc. 2)
La présence commerciale des Européens dans l’Empire est régie
par des capitulations, actes unilatéraux, concessions accordées
par le sultan autorisant les non-musulmans de l’extérieur
de l’Empire à y circuler librement de manière temporaire.
Les premières sont octroyées à Gênes puis à Venise dans
la deuxième moitié du xive siècle. Au xvie siècle, c’est une
alliance diplomatique d’un type nouveau, liée aux rivalités entre
souverains chrétiens, qui est nouée avec les Français. François Ier
et Soliman ont un adversaire commun, Charles Quint, dont le
frère, Ferdinand, cherche à conserver ses droits en Hongrie face
aux Ottomans. Les Français, quant à eux, souhaitent s’étendre
en Bourgogne et en Picardie, possessions des Habsbourg.
Au xvie siècle, l’Empire ottoman se trouve au cœur d’échanges
transcontinentaux (doc. 3). Les produits venus d’Extrême-Orient
ou d’Inde transitent par la route de la soie qui traverse l’Empire.
Après la chute de l’Empire byzantin en 1453, les Ottomans
imposent de nouvelles taxes aux marchands, notamment sur
les épices qui deviennent très chères. L’expansion territoriale
ottomane a notamment comme objectif d’assurer le contrôle
des routes commerciales entre la Méditerranée et l’océan Indien
(2e paragraphe du doc. 5). La recherche par les Occidentaux
d’une seconde voie commerciale évitant ce passage obligé est
une des motivations de l’exploration des côtes africaines et de
la découverte des Amériques. Cependant, la Méditerranée reste
un espace central du commerce international.
❚❚ Analyse de documents
1. Le poids militaire et diplomatique des Ottomans en Occident
au xvie siècle, dont témoignent les doc. 1 et 2, montre à quel
point cet empire est alors puissant. Le doc. 1 présente l’aspect
militaire de la puissance. En effet, l’Empire ottoman s’est étendu
en Europe jusqu’aux portes de Vienne, dont le premier siège
(1529) est ici représenté sur une miniature turque réalisée en
1558. Le doc. 2, quant à lui, évoque l’aspect diplomatique de la
puissance : le roi de France François Ier et Soliman le Magnifique
nouent en 1535 une alliance contre leur ennemi commun,
Charles Quint, empereur du Saint Empire romain germanique.
Cette alliance, de nature manifestement commerciale, est
officialisée par l’envoi du premier diplomate français en poste
à Istanbul, Jean de la Forest (frise chronologique).
Axe 1 • Essor et déclin des puissances, un regard historique 51
 2. L’Empire ottoman apparaît au xvie siècle au cœur des échanges
méditerranéens. Le doc. 3 montre que l’Empire commerce avec
les Occidentaux, en particulier les Génois et les Vénitiens, et qu’il
se trouve au cœur des principales routes commerciales entre
Occident et Orient. Le commerce des épices, des soieries et des
pierres précieuses orientales transite par exemple par l’Empire
avant de se diriger vers les ports d’Europe occidentale. Cette
place centrale de l’Empire ottoman, en particulier d’Istanbul,
est mise en avant en 1555 par Jean Chesneau, secrétaire de
l’ambassadeur français auprès de l’Empire ottoman (doc. 4).
Il décrit en effet la capitale de l’Empire comme un port très
dynamique, le « plus beau et le plus aisé qui soit au monde »,
et comme une ville cosmopolite peuplée de nombreux
marchands étrangers.
3. Dans les territoires conquis, les populations conservent
leur religion, leur culture et leurs coutumes, ce qui évite
de bouleverser totalement les habitudes des habitants. De
plus, les populations chrétiennes sont intégrées à l’armée
et à l’administration ottomane par le biais du devchirmé. Ce
système de recrutement forcé des enfants chrétiens de 8 à
18 ans permet d’assurer une certaine mixité religieuse dans
l’armée et l’administration, l’ascension sociale des chrétiens
et leur intégration à l’Empire, ce qui rend possible la stabilité
politique, en limitant les révoltes.
ÉTUDE
L’éclatement
de l’Empire ottoman p. 122-123
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
L’étude souligne le déclin et la disparition de l’Empire ottoman,
en mettant en lumière son démantèlement progressif à partir
du xixe siècle (doc. 1) et les conséquences diplomatiques et
militaires de ce dernier (doc. 2 et 3), que l’on désigne en Occident
comme la Question d’Orient.
Les Européens et la Question d’Orient (doc. 2 et 3)
Le siège de Vienne en 1683 et les accords de Karlowitz en
1699 signent la fin de l’expansion territoriale de l’Empire
ottoman en Europe. Au xixe siècle, l’apogée de l’Empire ottoman
est passé et son autorité a considérablement diminué. Dans
certaines provinces éloignées, ce sont des dignitaires locaux,
comme le pacha Muhammad Ali en Égypte, qui exercent la
réalité du pouvoir. Au xixe siècle, l’Empire ottoman doit faire
face au développement des revendications des minorités
nationales, comme dans les Balkans (en Serbie puis en Grèce
tout d’abord – cours de première de tronc commun, point de
passage « Le massacre de Chios ») ou au Proche-Orient (Égypte).
De plus, les grandes puissances européennes s’allient tour
à tour avec ces minorités pour servir leurs propres intérêts.
Face au recul territorial de l’Empire ottoman à partir de la
fin du xviiie siècle, la Question d’Orient divise les Européens
qui hésitent entre le démembrement de l’Empire, dont le
système ne paraît plus viable, et le maintien de son intégrité
territoriale pour préserver un équilibre dans la région. Les
velléités d’indépendance du pacha d’Égypte entraînent la
première crise internationale liée à la Question d’Orient.
La France, avec Thiers, prend position en faveur de l’Égypte – on
le comprend ici dans le discours de Lamartine, qui s’y oppose
(doc. 2) – tandis que l’Angleterre cherche à conserver l’intégrité
52 Thème 2 • Analyser les dynamiques des puissances internationales
territoriale de l’Empire ottoman, notamment afin de préserver
la route des Indes. Ce ne sont désormais plus seulement les
revendications nationales que doit craindre l’Empire ottoman
mais également le jeu des grandes puissances européennes qui
tiennent avant tout à sauvegarder leurs intérêts économiques
et politiques. L’écrasement des armées ottomanes par l’armée
égyptienne en 1839 entraîne ainsi une crise internationale. Pour
la résoudre, la France doit finalement assouplir ses positions sur
l’Égypte et le roi Louis-Philippe remplace Thiers, ferme partisan
de l’Égypte de Méhémet Ali, par Guizot, anglophile. Méhémet
Ali est alors contraint d’évacuer ses possessions syriennes et
le second traité de Londres, en juillet 1841, rétablit le statu
quo entre l’Égypte et l’Empire ottoman.
Le doc. 4 cartographie la situation de la Turquie en 1922. Elle
pourra constituer un repère pour étudier le jalon « La laïcité
en Turquie : l’abolition du califat en 1924 par Mustafa Kemal »
du thème 5 du programme.
❚❚ Réponses à l’activité
1. L’écrivain et homme politique Alphonse de Lamartine a
effectué un voyage en Orient pendant un peu plus d’un an
entre 1832 et 1833 ; il connaît donc l’Empire ottoman. Député,
il évoque la Question d’Orient dans de nombreux discours.
Le doc. 2 est extrait de l’un d’eux. Il a été prononcé en 1850
dans un contexte de tensions dans l’Empire ottoman : le pacha
d’Égypte, Muhammad Ali, cherche à la fois à accroître son
autonomie face à l’Empire et à agrandir son territoire sur ce
dernier. Face au refus de la France d’intervenir pour aider le
sultan à maintenir son pouvoir, Lamartine fait entendre son
désaccord. Il défend en effet la souveraineté ottomane sur
l’Empire et l’intégrité de ce dernier. Le discours montre bien
à quel point l’Empire ottoman se trouve au cœur du jeu des
grandes puissances européennes (l. 6-7), que ce soit la Russie,
l’Autriche ou l’Angleterre (l. 12-13). On comprend que Lamartine
adopte la même position que ces trois puissances vis-à-vis de
l’aide à apporter au sultan face au pacha d’Égypte (l. 15-16).
2. La Une du Petit Journal du 18 octobre 1908 représente
l’empereur d’Autriche, François-Joseph Ier, sur la gauche de
la caricature, tirant à lui la Bosnie et l’Herzégovine. Cela fait
référence à l’annexion de ces territoires par l’Autriche entre 1878
et 1908 (doc. 1). Au centre de la caricature, on peut observer le
roi Ferdinand Ier de Bulgarie, que l’on reconnaît à sa couronne
associée au terme « Bulgarie » inscrit sur le territoire qu’il
tire à lui. La Bulgarie avait acquis une certaine autonomie à
partir de 1878 (doc. 1) et obtient son indépendance en 1908,
dans le contexte de la prise de pouvoir par les Jeunes-Turcs à
Constantinople. À droite de la caricature, le sultan Abdülhamid II
est représenté les bras croisés, mécontent, sur les restes de la
Turquie en partie dépecée. On constate en effet, grâce aux
doc. 1 et 4, que la Turquie est peu à peu démantelée à partir du
xixe siècle, ce mouvement s’accentuant à la fin du siècle dans les
Balkans et en Afrique du Nord. Les doc. 3 et 4 font également
référence aux conséquences de la Première Guerre mondiale,
qui entraîne l’accélération de ce démantèlement territorial et
la fin de l’Empire ottoman, lequel fait partie des vaincus. Cette
disparition de l’Empire est organisée par le traité de Sèvres en
1920 tandis que le traité de Lausanne, en 1923, met en place
les frontières de la Turquie.
❚❚ Pour aller plus loin
Henry Laurens, « Comment l’Empire ottoman fut dépecé »,
Le Monde diplomatique, avril 2003.
L’article de Henry Laurens a notamment le mérite de donner
aux élèves des clés de lecture du Proche-Orient contemporain,
en expliquant les origines des accords Sykes-Picot et leurs
conséquences territoriales.
JALON
Une puissance
qui se reconstruit après
l’éclatement d’un empire :
la Russie depuis 1991
❚❚ Introduction
En 1991, la disparition de l’URSS, une des deux superpuissances
de la guerre froide, pose la question de la reconstruction de sa
puissance. Si les années 1990 sont marquées par des difficultés
importantes pour la Russie, celle-ci a aujourd’hui retrouvé son
statut de grande puissance mondiale. Le deuxième jalon de
l’axe 1 invite donc à comprendre comment la puissance russe
se reconstruit depuis la disparition de l’URSS en 1991 et de
quelle façon elle cherche à s’affirmer comme un des centres
de pouvoir d’un monde devenu multipolaire. La double page
repères 2 (p. 124-125) pose d’abord les bases essentielles du
jalon, concernant le territoire étudié, les acteurs politiques clés
de la période, l’évolution de la richesse du pays et ses priorités
géopolitiques. La première étude apporte un éclaircissement
sur l’éclatement de l’URSS et ses conséquences territoriales
(p. 126-127). Enfin, la deuxième étude conduit à s’interroger sur
la manière dont la Russie s’attache à démontrer sa puissance
sur la scène internationale depuis 1991, et plus encore depuis
l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine en 2000 (p. 128-129).
REPÈRES 2
De l’URSS à la fédération
de Russie p. 124-125
❚❚ Présentation des documents et des liens
­possibles entre eux
Le doc. 1, une carte présentant l’implosion de l’URSS, permet aux
élèves de localiser les quatorze Républiques socialistes soviétiques
qui deviennent indépendantes avec la fédération de Russie lors
de l’éclatement de l’URSS en 1991 et, par la comparaison des
territoires soviétique et russe, de bien saisir les conséquences
territoriales de la disparition de cet État. La carte montre aussi
que ces nouveaux États, à l’exclusion des pays baltes, conservent
des liens en se regroupant dans une Communauté des États
indépendants (CEI) en décembre 1991. Les deux autres cartes
(doc. 3 et 4) et le doc. 5 peuvent être mis en relation pour exposer
les éléments sur lesquels s’appuie la Russie depuis 1991 pour
reconstruire sa puissance. Enfin, en identifiant les présidents
de la fédération de Russie depuis 1991 sur le doc. 2, les élèves
pourront poursuivre la réflexion amorcée avec le doc. 1 sur les
transformations politiques qui ont affecté cet espace, et sur
la participation de ces hommes forts à la construction de la
puissance russe.
❚❚ Réponses aux questions
1. La Russie sort affaiblie de la disparition de l’Union soviétique
car elle se trouvait, dans le cadre de cette dernière, au centre
d’un État fédéral qu’elle dominait largement. L’implosion de
l’URSS entraîne donc une perte de puissance de la Russie sur
la scène internationale.
2. En 1991, quatorze Républiques socialistes soviétiques, en plus
de la Russie, sont devenues indépendantes : l’Estonie, la Lettonie,
la Lituanie et l’Arménie (qui ont proclamé leur indépendance
dès 1990), puis la Biélorussie, l’Ukraine, la Moldavie, la Géorgie,
l’Azerbaïdjan, le Kazakhstan, l’Ouzbékistan, le Turkménistan,
le Kirghizistan et le Tadjikistan.
3. L’OCS est, à l’origine, un traité de coopération signé en
1996, cinq ans seulement après l’éclatement de l’URSS, entre
la Russie, la Chine et trois anciennes Républiques soviétiques
d’Asie centrale devenues indépendantes – le Kazakhstan, le
Kirghizistan et le Tadjikistan – afin de stabiliser les frontières de
ces dernières. Cette coopération se construit dans un contexte
de tensions très fortes en Russie, où le pouvoir central est
en guerre contre les séparatistes Tchétchènes. De plus, le
Tadjikistan a une frontière commune avec l’Afghanistan, alors
très déstabilisé par la guerre et par la prise de pouvoir des
Talibans. En 2001, le groupe est rejoint par l’Ouzbékistan et
devient l’OCS, l’Organisation de coopération de Shanghai, qui
a notamment pour but d’assurer la sécurité dans la zone, dans
un contexte de poursuite du développement du terrorisme
international et des mouvements séparatistes.
4. Un des piliers de la puissance russe depuis 1991 est militaire,
avec une forte présence des bases russes dans certaines des
anciennes Républiques socialistes (doc. 4). La puissance russe
repose également sur la forte croissance du PIB depuis le début
des années 2000 (doc. 5), malgré un recul lors de la crise de
2008 et de la récession de 2014-2016, sous le double effet de
la chute des cours du pétrole et des sanctions internationales
liées à l’annexion de la Crimée par la Russie. Enfin, un autre pilier
de la puissance russe est la stabilité du pouvoir et la présence
d’un homme fort à la tête de l’État, dans le cadre d’un régime
politique marqué par la prééminence présidentielle. Après Boris
Eltsine dans les années 1990, c’est le couple Vladimir Poutine/
Dmitri Medvedev qui incarne le pouvoir depuis 2000 (doc. 2).
ÉTUDE
L’éclatement de l’URSS p. 126-127
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
L’étude de l’éclatement de l’URSS doit permettre aux élèves
de comprendre le processus par lequel cet État a disparu en
1991, cédant la place à quinze États indépendants qui, pour
la plupart, cherchent cependant à conserver des liens étroits
entre eux dans le cadre de la CEI.
Le doc. 1 est une photographie qui montre Boris Eltsine victorieux,
brandissant le drapeau de la Russie, après le putsch militaire
manqué organisé par les communistes les plus conservateurs
du régime entre le 19 et le 21 août 1991 pour renverser Michaël
Gorbatchev, jugé trop libéral. Boris Eltsine, président de Russie,
s’est en effet dressé contre cette tentative de coup d’État. Le
doc. 2, extrait d’un ouvrage rédigé par Nicolas Werth, spécialiste
de l’histoire de l’URSS, fait le lien entre ce putsch manqué et les
proclamations d’indépendance des Républiques soviétiques,
et montre comment les accords de Minsk, le 8 décembre 1991,
Axe 1 • Essor et déclin des puissances, un regard historique 53
 sont le prélude à la disparition de l’Union soviétique. Le doc. 3,
en écho aux deux premiers documents, illustre la décomposition
de l’Union soviétique à travers une caricature datant de 1991. Les
doc. 4 et 5 présentent quant à eux la CEI et ses caractéristiques.
La Communauté des États indépendants,
entité succédant à l’URSS ? (doc. 5)
L’URSS disparaît officiellement le 25 décembre 1991 quand
Michaël Gorbatchev démissionne de ses fonctions de président
de l’URSS, qui n’avaient plus aucune réalité dans une union
privée de tous ses membres. La CEI comprenait, à la suite des
accords de Minsk et du sommet d’Alma-Ata, avant même
la dissolution formelle de l’URSS, toutes les ex-Républiques
soviétiques à l’exception des États baltes, indépendants depuis
août 1991 et reconnus par la communauté internationale
comme continuateurs des pays baltes annexés par l’URSS
lors de la Seconde Guerre mondiale, et de la Géorgie, alors en
pleine guerre civile (et qui adhère à la CEI en 1993). La CEI n’est
pas une entité supranationale et on ne peut pas dire qu’elle
succède à l’URSS, puisque c’est la Russie qui a hérité des dettes
et créances de l’URSS, comme de ses ambassades et de ses
sièges dans les organisations internationales.
❚❚ Analyse de documents
1. Du 19 au 21 août 1991, un coup d’État avorté, qui cherchait
à renverser le président Mikhaïl Gorbatchev, accélère la fin
de l’URSS car il décrédibilise l’armée et le chef de l’État.
Dès le 21 août, les Républiques baltes, qui avaient déjà
cherché à obtenir leur indépendance en 1990, proclament
leur indépendance, reconnue par le gouvernement russe le
6 septembre. Cinq autres Républiques socialistes soviétiques
font de même dans les jours qui suivent. Lors de leur réunion à
Minsk, le 8 décembre 1991 (doc. 2 et 4), les présidents de Russie
(Boris Eltsine), de Biélorussie et d’Ukraine constatent que l’URSS
« en tant que sujet du droit international et réalité géopolitique,
cesse son existence » et créent une « Communauté des États
indépendants » (CEI). Quelques jours plus tard, le 21 décembre
1991, à Alma-Ata, huit autres Républiques reconnaissent à leur
tour cette disparition de l’URSS et rejoignent la CEI (doc. 2).
L’existence d’un « président d’URSS » n’a donc plus alors aucun
sens et Michaël Gorbatchev entérine cette disparition par sa
démission, le 25 décembre 1991.
2. La caricature de G. Million, parue en 1991, fait référence
à l’éclatement de l’URSS, en comparant cette dernière à une
poupée russe qui perdrait toutes ses poupées intérieures.
La partie supérieure de la plus grande poupée, qui représente
l’URSS, gît sur le côté et exprime une triste mine, en référence
à la fin de l’existence de cet État. La poupée intérieure la plus
grosse est la Russie, car c’est le principal pays de l’Union. Son
visage a pris les traits de Boris Eltsine, qui s’échappe de la poupée
mère, l’air extrêmement satisfait. Le dirigeant de la Russie est
en effet celui qui bénéficie le plus de la chute de l’URSS. Au
premier plan sur la gauche, les trois États baltes sortent de
l’URSS avec le sourire, ce qui fait référence au fait que ces pays
sont les premiers à obtenir leur indépendance en 1991. Enfin,
au fond à droite, on peut voir l’Ukraine et la Biélorussie prendre
à leur tour leur indépendance vis-à-vis de l’URSS.
3. Onze des quinze États nés de l’éclatement de l’URSS forment,
le 8 décembre 1991 à Minsk la CEI, Communauté des États
indépendants, dont les principes mettent en avant la coopération
dans de nombreux domaines, la protection des minorités
nationales et le respect des frontières en son sein. La coopération
54 Thème 2 • Analyser les dynamiques des puissances internationales
concerne aussi bien les domaines économique, politique, culturel
ou l’environnement. Ainsi, en matière économique, une politique
globale de développement des transports et des communications
est prévue. En ce qui concerne la sécurité des frontières extérieures
et les politiques migratoires, une coopération est également mise
en place. Ces États, qui avaient l’habitude d’agir au sein d’un
même ensemble auparavant, cherchent donc à conserver des
liens forts tout en étant indépendants.
❚❚ Pour aller plus loin
« 1991 : l’éclatement de l’URSS » (France 2, JT de 13h, 9 déc. 1991)
L’extrait de journal télévisé peut aider les élèves à identifier les
différents acteurs de l’événement et à mieux comprendre la
position très délicate dans laquelle se trouve M. Gorbatchev,
auquel peu d’issues sont offertes après les accords de Minsk.
ÉTUDE
La Russie depuis 1991 p. 128-129
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
Si la Russie d’aujourd’hui apparaît encore loin d’être la
superpuissance qu’incarnait l’Union soviétique pendant
la guerre froide, elle a cependant cherché à se positionner
comme un des centres du monde multipolaire depuis les
années 1990, et semble être aujourd’hui omniprésente sur
la scène internationale. Les doc. 1 et 3 mettent l’accent sur la
situation géopolitique dans ce que la Russie désigne comme
son « étranger proche ».
La Russie et son « étranger proche » (doc. 1)
Ce terme désigne les quatorze anciennes Républiques socialistes
soviétiques autres que la Russie, que cette dernière considère
comme étant sa zone naturelle d’influence et comme l’une
des priorités de sa politique étrangère. De nombreux Russes
ou russophones y résident. Après le conflit d’août 2008, la
Géorgie a quitté la CEI, mais le concept d’« étranger proche »
continue d’exercer une influence sur ses relations avec la Russie,
notamment pour ce qui concerne la situation des régions
séparatistes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud (doc. 3). Une bataille
économique et géostratégique est par ailleurs engagée autour
de la maîtrise des réseaux de transport et d’approvisionnement
énergétique car la Russie cherche à profiter de l’atout de ses
ressources pour imposer une domination économique et
financière à sa périphérie (doc. 1 et 5).
Le doc. 2 évoque l’évolution des stratégies de la puissance
russe depuis 1991, et on peut le mettre en relation avec les
doc. 1, 3 et 4 pour donner des exemples précis des relations
entre la Russie et son « étranger proche », et les localiser.
Le doc. 5, enfin, témoigne du poids stratégique des hydrocarbures
dans la puissance russe aujourd’hui.
L’annexion de la Crimée (doc. 4)
Lorsque la Russie annexe la Crimée en 2014, elle se fonde
notamment sur le précédent de l’indépendance du Kosovo,
proclamée en février 2008 avec l’assentiment des Occidentaux
mais au mépris du principe d’intangibilité des frontières. Elle
s’était déjà appuyée sur cet argument quand elle avait reconnu
en août 2008, l’indépendance de l’Abkhazie et de l’Ossétie
du Sud, deux territoires qui s’étaient détachés de la Géorgie.
❚❚ A
 ctivité : Préparer un oral : Les stratégies 2. et 3. Prélèvement d’informations dans les documents,
de reconstruction de la puissance russe recherches personnelles et plan détaillé
après l’éclatement de l’URSS
Informations des Recherches
1. Analyse du sujet et problématique : La puissance désigne documents personnelles
la capacité d’un État à influencer durablement les autres dans
différents domaines, sa capacité donc à agir sur les autres. Après L’évolution - De 1991 au milieu des - Années Eltsine
avoir été une des deux superpuissances à l’époque de la guerre du facteur années 2000 : un facteur vécues comme celles
militaire dans « revu à la baisse » (doc. 2), du déclassement
froide, l’URSS a disparu en 1991. Depuis, la Russie, héritière
la stratégie de malgré l’importance géopolitique. Volonté
de l’Union soviétique, a adopté différentes stratégies afin de reconstruction maintenue du statut de de maintenir un glacis
reconstruire sa puissance. La politique étrangère menée par de la puissance puissance nucléaire. défensif, mais celui-
Vladimir Poutine depuis 2000 nourrit l’impression d’un renouveau ci a été rongé par les
- Depuis le milieu des
de la puissance russe, après une décennie pendant laquelle la années 2000 : retour en élargissements de l’OTAN.
Russie apparaissait plus en retrait sur la scène internationale. force du facteur militaire - Stratégie de V. Poutine
En quoi l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine marque-t-elle (doc. 2) et volonté de depuis les années
une inflexion dans les stratégies de reconstruction de la puissance consolider l’influence 2000 : quête de
russe depuis 1991 ? régionale. prestige international
→ La Russie cherche à rendue possible par la
s’étendre à nouveau dans reconstitution d’un outil
LEÇON 2 son « étranger proche » militaire. Budget militaire
et apporte son soutien russe = 3e mondial.
Essor et déclin des puissances, aux séparatistes des pays Le prestige de l’État est
voisins (doc. 1, 3 et 4). directement associé à celui
un regard historique p. 130-131
→ Intervention en Syrie à des forces armées, et cela
partir de 2015 (doc. 2). depuis l’époque impériale.
❚❚ P
 résentation des documents en lien
avec la problématique Une stratégie - Facteur économique Transition : dimension
basée sur les devenu prédominant énergétique du conflit
Les documents accompagnant ce second cours « Essor et déclin, hydrocarbures dans les années 1990. ukrainien.
un regard historique » permettent de répondre à la problématique Positionnement - Reconstitution d’un outil
posée : « Comment les puissances se construisent-elles et comme un des centres militaire crédible grâce
disparaissent-elles ? » Le doc. 1 est un portrait de Soliman le d’un monde devenu à la renationalisation
Magnifique, attribué au Titien et réalisé vers 1530, dix ans après multipolaire (doc. 2). du secteur énergétique.
le début du règne du sultan. Il aide à comprendre l’influence - Aujourd’hui, les Ressources fossiles = 70%
de ce souverain ottoman en Europe où l’un des peintres les hydrocarbures sont un des exportations de la
plus renommés de l’époque en fait un portrait. Le qualificatif élément majeur de la Russie en 2012.
accolé par les Occidentaux au nom du sultan montre à quel stratégie de puissance
point la puissance ottomane était incarnée par son souverain et russe (doc. 5), lié à la
rayonnait à travers l’Europe. Pour les Ottomans, Soliman était le hausse de leur prix dans
« Législateur ». Le doc. 2 de cette leçon est un tableau statistique les années 2000 (doc. 2).
présentant les principaux partenaires commerciaux de la Russie Les limites de la Un bilan à nuancer : … mais limite du soft
en 2017, à partir de données officielles de l’Union européenne puissance russe - Volonté de développer power, malgré la diffusion
et des douanes russes. Il indique la place prépondérante de aujourd’hui son soft power (doc. 2)… de médias pro-russes
l’UE et de la Chine dans le commerce russe aujourd’hui, et de - Des relations parfois
en Europe par ex.
relativiser dans une certaine mesure le poids de son « étranger tendues avec l’Occident - Tensions diplomatiques
proche » dans ce domaine. (doc. 1, 2 et 5) : opposition avec l’Occident, en
d’une partie de l’UE et des particulier les États-Unis,
Les principaux partenaires commerciaux États-Unis aux projets de et isolement diplomatique
de la Russie en 2017 (doc. 2) contournement du gaz de la Russie après
russe + tensions russo- l’annexion de la Crimée en
Face à sa grande dépendance vis-à-vis des marchés européens, la 2014 (exclusion du G8).
Russie cherche à développer son partenariat avec la Chine. En effet, occidentales liées aux
interventions russes en Chute du prix du baril à
si l’Union européenne reste le principal partenaire économique
Ukraine et en Syrie. partir de 2009 a fragilisé
de la Russie, la dégradation des relations économiques a entraîné Mais rapprochement la stratégie de puissance
une chute des échanges commerciaux de 44 % entre 2012 avec la Chine. russe.
et 2016. En 2014, Pékin et Moscou ont signé un accord pour
Russie très dépendante
un montant de 400 milliards de dollars afin d’approvisionner du marché européen
la Chine en gaz. Se développe l’idée d’un « pivot asiatique » en (UE= principal client).
Extrême-Orient russe, face à des partenaires européens avec Stratégie de
lesquels la Russie entretient des relations tendues. rapprochement avec la
Chine et la Turquie pour
Le schéma fléché au bas de la p. 131 a pour objectif de replacer limiter cette dépendance.
les études de l’axe 1 dans une organisation plus systémique.
Il donne du sens au travail d’exemples réalisé dans les pages
précédentes puisqu’il participe à illustrer la leçon. Ce peut
être un bon point d’appui pour la préparation d’un sujet de
composition susceptible d’être proposé à l’examen.
Axe 1 • Essor et déclin des puissances, un regard historique 55
 THÈME 2
AXE 2 Formes indirectes de la puissance :
une approche géopolitique
OUVERTURE p. 132-133
❚❚ Introduction
Après avoir étudié l’essor et le déclin des puissances, à travers un
regard historique, le programme interroge les formes indirectes
de la puissance. Il s’agit ici de repartir des enseignements tirés de
l’introduction (caractéristiques, fondements et manifestations
de la puissance) et de considérer qu’aujourd’hui, avec le
basculement du monde, de nouvelles formes apparaissent et
s’affirment. Les documents proposés permettent d’engager
la réflexion dans le but de répondre à la problématique :
« Pourquoi les États recourent-ils à des formes indirectes de
puissance, traditionnelles ou innovantes, pour s’affirmer dans
le monde ? ». Les affiches composant le doc. 1 présentent une
double information concernant la puissance douce de la France.
En effet, elle met à l’honneur le cinéma français, mais également
les moyens déployés pour en faire la promotion. Par les choix
iconographiques, les affiches insistent sur certains stéréotypes
évoquant la France (tour Eiffel, baguette en sandwich) qui
renforcent encore l’intention de marquer le rayonnement
culturel du pays.
Le cinéma français dans le monde
Deuxième exportateur mondial après les États-Unis, le cinéma
français garde un renom à l’étranger. Près de la moitié des films
exportés sont en langue française, même si les productions à
grand succès sont traduites dans de nombreuses langues. Les
exportations concernent surtout l’Europe occidentale (30 % en
2017) et de plus en plus l’Asie (23 %). La Chine est d’ailleurs
le premier marché du cinéma français (15 millions d’entrées
en 2017). L’association Unifrance contribue depuis 1949 au
rayonnement international du film français en organisant des
festivals (My french film festival) et des animations à l’initiative
de publics variés.
Le doc. 2 est une photographie illustrant l’inauguration d’une
des « nouvelles routes de la soie » chinoises à son arrivée à
Londres. Le petit carton de localisation permet aux élèves de
mesurer l’exploit technique et commercial réalisé à travers cette
opération médiatisée par la Chine et ses partenaires (banderole
déchirée comme pour l’inauguration d’un monument ou pour
l’arrivée d’une course sportive).
❚❚ Réponses aux questions
1. Le doc. 1 montre la puissance indirecte de la France à travers le
rayonnement international de son cinéma. Le doc. 2 illustre celle
de la Chine dans la concrétisation d’un ambitieux programme
de connexion ferroviaire entre la Chine et le Royaume-Uni, et
plus généralement l’Europe occidentale.
56 Thème 2 • Analyser les dynamiques des puissances internationales
2. La frise chronologique montre l’ascension récente de la
Chine par les informations portées sur le document, mais
également la couleur rouge utilisée pour les figurer. Si les
États-Unis dominent les technologies de l’information et de
la communication jusqu’aux années 2000, celles-ci voient
apparaître de nouveaux acteurs, chinois, sur le marché. D’autres
manifestations récentes peuvent aussi renforcer l’impression de
puissance donnée par la frise chronologique : la création des
instituts Confucius et celle des « nouvelles routes de la soie ».
J A LON
L’enjeu de la langue
❚❚ Introduction
La puissance des États s’exprime par des formes indirectes ; les
langues sont un des outils de cette puissance. Les ethnologues
ont répertorié plus de 6 000 langues et, de nos jours, environ
3 000 sont parlées ainsi que de nombreux dialectes. La langue
est le système de communication qui permet aux individus
d’échanger, mais elle est aussi porteuse d’une culture et d’une
pensée au point que le linguiste et professeur au Collège de
France, Claude Hagège, la définit comme un « puissant outil de
construction identitaire et communautaire prompt à enflammer
les esprits ». Aujourd’hui, l’anglais est la langue des échanges
par excellence, mais de nombreuses mesures sont mises en
place par d’autres États pour promouvoir leur langue. Celles-ci
se retrouvent donc en compétition, qu’il s’agisse de l’anglais
(Étude p. 134), du français (Étude p. 136-137), de l’espagnol, du
chinois (Étude p. 135 sur les instituts Confucius)… Les langues
ne sont pas seulement un outil de communication, elles sont le
reflet de l’influence d’un État, voire de son hégémonie. L’enjeu
de la langue est donc crucial dans l’étude des puissances et
des stratégies mises en place par ces dernières.
ÉTUDE
L’anglais, un outil de domination
des relations internationales ? p. 134
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
L’anglais est identifié spontanément par les élèves comme
la langue dominante du monde actuel. L’étude propose
d’examiner les fondements de cette domination en établissant
des comparaisons avec d’autres langues pour comprendre son
fonctionnement et les liens qui unissent domination linguistique
et puissance des États.
Le doc. 1 montre d’abord que le nombre de locuteurs n’est pas
le facteur majeur de puissance d’une langue : l’anglais est loin
d’être la plus parlée, bien que les autres indicateurs la désignent
comme la plus influente. En revanche les facteurs liés à l’histoire
(statut officiel, influence diplomatique) lui donnent un rôle
prépondérant et les éléments de dynamique (enseignement,
articles Wikipedia) tendent à les renforcer, même si la fécondité
favorise davantage d’autres langues.
Pourquoi le nombre de locuteurs des langues est-il
si variable selon les sources ? (doc. 1)
L’étude ne décompte ici que les locuteurs de langue maternelle
première. Si l’on y adjoint ceux de langue maternelle seconde
(dans les pays où il s’agit d’une langue officielle par exemple),
leur nombre passe à 508 millions ; et à près d’un milliard
si l’on ajoute les locuteurs réguliers qui ont appris l’anglais
comme langue seconde. L’autre difficulté du décompte tient
à la définition des langues : l’arabe est selon les cas considéré
comme une langue unique ou un ensemble de dialectes dont
les locuteurs ne se comprennent pas.
Le doc. 2, quant à lui, montre que la puissance d’un État
favorise la diffusion de sa langue et, qu’en retour, la langue
est utilisée comme un vecteur de puissance dans des réseaux
culturels. Cependant, ces réseaux ne suffisent pas toujours à
assurer la diffusion de la langue (ex : universités américaines
à l’étranger). Le document invite donc à remettre en question
toute explication simpliste de la puissance d’une langue.
❚❚ Analyse de documents
1. L’anglais domine les langues des autres pays en termes
de statut officiel (64 pays, soit 2 fois plus que la 2e langue la
plus influente), de pages Wikipedia (3 fois plus de pages que
le français), d’enseignement universitaire (quasi-totalité des
universités, contre les trois-quarts pour le français). C’est aussi
le 1er pays ex æquo pour l’influence diplomatique. Il apparaît
aussi comme le 3e groupe linguistique mondial, même s’il est
loin du mandarin (moins de 2 fois inférieur). Cette suprématie
linguistique est liée à la domination mondiale exercée par la
Grande-Bretagne par le passé (Empire colonial), ce qui explique
le nombre d’États possédant l’anglais comme langue officielle.
Le pouvoir économique, scientifique ou culturel des États-Unis
aujourd’hui renforce ce poids de la langue, par exemple via
le nombre de pages Wikipedia. Le rayonnement universitaire
de l’anglais peut en outre s’expliquer par le réseau du British
council ou le développement d’universités américaines à
l’étranger, même si leur rôle est à relativiser.
2. Cependant, d’autres langues peuvent concurrencer l’anglais.
Tout d’abord, le français et l’espagnol disposent d’un rôle proche,
même si leur poids est un peu inférieur : leur rôle diplomatique
est élevé, ils sont fréquemment enseignés et possèdent un
statut officiel dans de nombreux pays. Ils disposent du relais
de leur réseau culturel respectif : Alliance française et Institut
Cervantès. Enfin, le nombre de locuteurs et la fécondité des
femmes parlant l’espagnol devraient constituer un avantage
majeur pour cette langue. Enfin, le mandarin et l’hindi, malgré
un rôle international plus faible, peuvent être favorisés soit par
leur nombre de locuteurs soit par leur fécondité, d’autant que la
Chine mise aussi sur le réseau des instituts Confucius (voir p. 135).
3. Tout d’abord, l’anglais est un outil de domination des relations
internationales. En tant que langue d’une ancienne puissance
Axe 2 • Formes indirectes de la puissance : une approche géopolitique
coloniale, la Grande-Bretagne, cette langue dispose d’une
influence majeure grâce à son rayonnement diplomatique
(1re influence mondiale) et au nombre élevé de pays dont elle
est la langue officielle, ce qui est le cas de 64 pays, soit deux
fois plus que le français, au 2e rang. En second lieu, le pouvoir
économique, scientifique ou culturel des États-Unis renforce
le poids de l’anglais, par exemple via le nombre de pages
Wikipedia, qui est de loin le plus élevé au monde (3 fois plus
que le 2e) ou encore le nombre d’universités l’enseignant (97 %,
soit la quasi-totalité).
Cependant, cette domination peut être nuancée. Tout d’abord,
l’anglais connaît également quelques faiblesses par rapport à
d’autres langues. Elle peine parfois à s’imposer comme langue
d’enseignement dans les universités américaines ouvertes à
l’étranger, comme en Chine ou dans le golfe Arabo-Persique.
En outre, la fécondité de ses locuteurs, de 1,97 enfant par femme,
est assez faible. Par ailleurs, d’autres langues cherchent à rivaliser
avec l’anglais. Il s’agit du français et de l’espagnol, qui sont aussi
les langues d’anciens empires coloniaux, et qui ont donc un
statut officiel dans de nombreux autres pays (respectivement
32 et 21). Mais le mandarin est aussi un rival sérieux : il est la
langue maternelle de 888 millions de personnes et, même si la
fécondité des femmes parlant cette langue est faible, la Chine
utilise le réseau des instituts Confucius pour la diffuser.
❚❚ Pour aller plus loin
Les informations complémentaires suivantes peuvent être
extraites de l’article :
-- L’émergence de nouveaux blocs, par exemple commerciaux
en Asie ou Amérique latine, peut donner un poids nouveau
à d’autres langues.
-- Les locuteurs anglophones natifs sont d’ores et déjà moins
nombreux que ceux dont l’anglais est une langue seconde
ou étrangère.
-- L’enseignement de l’anglais est très dominant, mais son
degré de maîtrise peut être très imparfait.
-- Plus l’anglais est utilisé, plus il développe des emprunts
aux autres langues (l’hindi en Inde par exemple) et perd
donc de son unicité.
-- Grâce à Internet, les émigrés du monde entier gardent un
contact de plus en plus important avec leur langue d’origine.
ÉTUDE
Les instituts Confucius, au service
de la puissance chinoise p. 135
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
Les instituts Confucius sont des centres culturels chinois qui
permettent d’apprendre la langue, mais ils sont surtout un
des symboles du soft power chinois. La Chine a déjà ouvert
plus de 500 instituts et son objectif est d’atteindre un millier
d’ici dix ans. L’affirmation de la puissance passe donc par le
nombre de locuteurs, ce que la Chine, pays le plus peuplé au
monde, atteint aisément. Reste à relever le défi des échanges
internationaux et de voir si le chinois peut s’imposer comme
la langue des relations internationales du xxie siècle achevant
ainsi de faire du pays « une puissance globale » comme le
souhaite Xi Jinping.
57
 Des instituts à l’influence limitée
Dans son livre La Chine dans le monde publié en 2018 (CNRS
Éditions), Alice Ekman affirme que malgré la multiplication des
ouvertures d’instituts Confucius dans le monde, leur rôle est
souvent surestimé. Ainsi, elle remarque que la majorité des
étudiants qui apprennent le chinois dans le monde, le font
en dehors de ces centres culturels et dans des institutions
indépendantes du gouvernement chinois. Depuis quelques
années, les instituts Confucius font l’objet de critiques mises
en lumière par Doris Liu dans le documentaire Au nom de
Confucius (2018). Elle évoque notamment les universités comme
celle du Texas qui ont décidé de mettre fin à leur partenariat
pour retrouver une liberté par rapport aux sujets enseignés.
Les documents permettent d’appréhender les enjeux de la
diffusion des instituts Confucius à l’échelle mondiale. La carte
représente la diffusion et la répartition de ces centres culturels
chinois dans le monde. Le doc. 2 décrit le cas de l’institut
Confucius d’Abidjan, et plus largement du succès des instituts
en Afrique. Enfin, dans le doc. 3, le spécialiste de la Chine,
Thierry Sanjuan, montre que les instituts ne sont pas qu’un
outil du soft power chinois mais aussi de ce que Joseph Nye
qualifie de « sharp power ».
Léopold Sédar Senghor, organise régulièrement depuis 1986
des sommets auxquels participent les États membres (doc. 1).
Elle contribue à financer des programmes médiatiques ou
universitaires, parfois en partenariat avec les alliances françaises
(doc. 3). Il existe également d’autres associations comme la
Caravane des dix mots financée par l’OIF, l’État français ou
québécois. Le doc. 4 ouvre une question qui replace l’étude dans
le cadre de la puissance, en interrogeant l’enjeu de la langue,
le français étant tout autant un outil culturel que politique au
service de la France.
Le français, une langue secondarisée
Il est possible de mettre cette étude en perspective avec le
doc. 1 p. 134. Cependant, la francophonie a des limites. Si
800 millions de personnes parlent français à travers le monde
et qu’il s’agit de la langue officielle dans une quarantaine de
pays, le nombre d’États où la population parle usuellement le
français ne cesse de diminuer. Le français, longtemps considéré
comme la langue des intellectuels (3 universités mondiales sur
4 enseignent le français), est aujourd’hui largement dépassé
par l’anglais qui s’impose dans le langage scientifique et celui
des affaires.

❚❚ Analyse de documents ❚❚ Réponses à l’activité

1. Un outil linguistique Un instrument au service de la
Les instituts Confucius, une forme Les instituts Confucius, une du rayonnement de la France puissance politique de la France
chinoise de soft power forme chinoise de sharp power Acteurs - État français - État français
(doc. 1 et 2) (doc. 1 et 3) - OIF - OIF
Auteur : S. Le Belzic Auteur : Th. Sanjuan - État membre de l’OIF
Argument : Argument : - Alliance française
- « un bras culturel de la Chine, - ils « visent à s’ancrer dans
Moyens - chaîne TV5 - exclusion de pays
notamment en Afrique, et la gratuité les milieux de la recherche
mis en - cours de langue ne respectant pas les droits
des cours n’est pas pour rien dans ce étrangère, non sans ambiguïté »,
œuvre - diffusion de films français de l’homme
succès » doc. 2 + carte : 54 instituts doc. 3 + carte des classes
- expositions - dialogue avec des
en Afrique Confucius par continent.
organisations internationales
- « parler le mandarin m’aidera - « les universités d’accueil
- langue de travail à l’ONU
sans doute davantage dans ma n’abordent pas de questions
- soutien aux minorités
vie professionnelle que l’anglais », « intérieures » comme le Tibet ou
nationales
doc. 2 + « l’image d’une civilisation Taiwan », doc. 3
alternative et des occasions - « un outil de la propagande Limites - poids de l’anglais - poids de l’anglais dans les
d’emplois », doc. 3 chinoise », doc. 2 relations internationales
- « 1 000 instituts d’ici 2030 », doc. 1
❚❚ Pour aller plus loin
Le site de l’Observatoire de la Francophonie offre de nombreux
ÉTUDE
documents statistiques et des rapports qui permettent aux élèves
de voir que le français est une langue encore internationale
La francophonie, outil culturel mais que son poids diminue : si le nombre de locuteurs
ou politique ? p. 136-137 progresse (comme le montre le doc. 2), le nombre d’États ayant
le français comme langue officielle diminue. Le dynamisme
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents démographique des populations francophones est lié à la
transition démographique en cours, en Afrique notamment.
La francophonie a une audience internationale. Héritage
de son passé colonial, la diffusion de la langue française est
multicontinentale (doc. 1) ; elle constitue un des marqueurs de J A LON
l’influence planétaire de la France : il y a autant de francophones
en Afrique qu’en Europe (doc. 2). Au total, 800 millions de
personnes parlent le français (275 millions de locuteurs) Les nouvelles technologies
et 88 États et gouvernements participent à l’Organisation
internationale de la francophonie (OIF). Elle est une langue de ❚❚ Introduction
travail de l’ONU (doc. 5). La francophonie est d’ailleurs dotée Les nouvelles technologies permettent de réfléchir à la
d’outils pour promouvoir la langue française. L’OIF d’abord, redéfinition actuelle de la notion de puissance car elles
créée en 1962 à l’initiative du poète et président sénégalais questionnent la capacité des États à protéger leur indépendance

58 Thème 2 • Analyser les dynamiques des puissances internationales

et leur population. On peut, pour commencer, confronter avec les
❚❚ Réponses à l’activité
élèves les manifestations de puissance identifiées en introduction
et les mécanismes des nouvelles technologies afin de montrer Compléments, critiques
Prélèvement des informations
comment ces dernières les remettent en cause (indépendance / et nuances apportées par
(doc. 1 et doc. 5 p. 151)
dépendance des technologies étrangères ; contrôle du territoire les doc. 2 et 3
/ violation du cyberespace par des groupes étrangers…). Il est Un poids Poids exceptionnel par leurs Semblent au-dessus des
ensuite possible de faire émerger quelques axes de réflexion. exceptionnel revenus (doc. 1) et leur États (doc. 2)
Comment se protéger face à de nouveaux risques, qu’ils résultent présence mondiale (clientèle,
d’aléas techniques, d’une domination technologique étrangère doc. 1 ; infrastructures, doc. 5Exemple : Google se
ou d’entités menaçantes (Étude p. 140-141) ? On peut également p. 151). sert de son moteur
montrer que les nouvelles technologies forment un nouveau Utilisent la gratuité de de recherche pour
domaine d’affirmation des puissances. Comment les États-Unis certains de leurs services pour imposer son service de
(Étude p. 138), la Chine (Étude p. 139) ou la Russie poursuivent- ensuite analyser les usages comparaison de prix
ils leur stratégie d’affirmation nationale (par le soutien aux des consommateurs (doc. 1). (doc. 2).
grands groupes du Web, par les cybermenaces) ? Enfin, en Stratégies d’adaptation À l’échelle européenne :
quoi le domaine numérique constitue-t-il un nouveau champ permanente : investissent mettent à profit
d’affrontement entre puissances ? en dehors de leur cœur de les différences de
métier (doc. 1) ; déploient réglementation entre
leurs propres câbles sous- États européens
ÉTUDE marins (avec Amérique du (optimisation fiscale)
Sud, Asie…) (doc. 5 p. 151). (doc. 2) ; exploitent les
développeurs en France
Les États impuissants face au pouvoir (doc. 3).
des GAFAM ? p. 138 Des États Des revenus comparables De multiples actions des
impuissants au PIB de la France ; États européens et même
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents au Danemark des des États-Unis contre les
Le scandale Cambridge Analytica (2018) a accéléré la prise de « ambassadeurs au GAFAM : audition par
numérique » sont chargés les autorités politiques,
conscience de la puissance des GAFAM en révélant que les
par l’État de suivre l’actualité amendes, taxes (doc. 2),
données personnelles de 87 millions d’utilisateurs de Facebook
des grandes entreprises attaque en justice de la
ont servi à influencer les choix des électeurs dans l’élection américaines du numérique France pour défendre les
présidentielle américaine (2016), le référendum du Brexit (2016) (doc. 1) . développeurs français
ou encore l’élection présidentielle au Kenya (2017). (doc. 3). Malgré tout,
Les documents proposés posent d’abord la question des moyens ces tentatives semblent
par lesquels les GAFAM ont acquis une telle influence (doc. 1). Développent une politique vouées à l’échec.
C’est l’occasion de montrer aux élèves que ces entreprises ne d’indépendance face aux En réalité, le
États, en créant leur propre gouvernement américain
s’identifient pas seulement à l’usage qu’ils connaissent. Dans
réseau de câble (doc. 5 soutient les GAFAM
un second temps, il convient de s’interroger sur les moyens
p. 151). (doc. 3).
de lutte contre leur influence (doc. 2 et 3). Les procès et les
taxes relèvent de logiques étatiques et peinent à s’imposer à Bilan : les Symbole d’une puissance L’État américain lui-
des entreprises transnationales qui jouent de leur capacité à GAFAM, économique très mondialisée même cherche à
se délocaliser. forme qui ignore le découpage du se défendre contre
indirecte de monde en États et l’action de le pouvoir de ces
La France et les GAFAM (doc. 3) la puissance ces derniers. entreprises.
américaine ? Le pouvoir américain
Sous l’impulsion de la France, l’Union européenne a lancé en
mars 2018 un projet visant à imposer une taxe de 3 % sur les utilise ces entreprises
géants du numérique (120 à 150 entreprises, dont la moitié est pour imposer sa
puissance sur les autres
américaine). Ces entreprises payant en moyenne deux fois moins
pays du monde.
d’impôts que les autres entreprises en Europe, il s’agissait de les
taxer là où elles réalisent leur chiffre d’affaires, et non dans les
pays à basse fiscalité où elles déclarent leur siège (Irlande pour ❚❚ Pour aller plus loin
Google et Facebook ; Luxembourg pour Amazon). L’opposition Pistes de réponses possibles :
de ces derniers États et de quelques autres (la Suède pour Taxe à l’étude dans l’OCDE : 127 États (représentant une part
protéger Spotify…) a fait échouer le projet, provoquant la mise majeure de l’économie mondiale) proposent une taxe qui
en place de multiples taxes nationales (Royaume-Uni, Espagne, s’appuie sur le recensement des consommateurs dans les
France…), en attendant une solution à l’échelle de l’OCDE. différents pays. Objectif : mieux prendre en compte la spécificité
des entreprises du numérique, dont l’infrastructure matérielle
Pour conclure, les documents permettent de s’interroger (siège, locaux, salariés) est très limitée, et dont les profits sont
sur la contribution des GAFAM à la puissance américaine : en réalité réalisés là où vivent les usagers. Ces derniers ne
entreprises américaines, elles contribuent à la domination pouvant pas être délocalisés, cela permettrait aux États de
technologique américaine, à l’attraction d’étudiants dans les taxer les géants de l’Internet à hauteur de leur activité réelle
universités américaines, tandis qu’elles constituent en même sur leur territoire.
temps un pouvoir indépendant.

Axe 2 • Formes indirectes de la puissance : une approche géopolitique 59

 Amende de l’Union européenne contre Google : en mars 2019,
l’Union européenne a infligé une troisième amende à Google
pour abus de position dominante. L’entreprise imposait en
effet aux sites Internet qui souhaitaient faire apparaître le
moteur de recherche Google sur leur page des conditions
jugées excessives : meilleures places réservées aux publicités
du groupe Google, possibilité de modification du contenu
des concurrents… Objectif : ces amendes cherchent à faire
respecter le principe de libre concurrence, qui est au cœur
du droit européen, en dénonçant la position dominante
des GAFAM dans certains domaines comme les moteurs de
recherche. Il s’agit donc de faire respecter par les GAFAM le
droit des États.
ÉTUDE
Les BATX, des outils de puissance
pour la Chine face aux États-Unis p. 139
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
Si les liens des GAFAM avec la stratégie de puissance américaine
paraissent parfois flous, ce n’est pas le cas des BATX avec la
puissance chinoise. L’État a favorisé leur succès car ils ont servi
de relais de modernisation à la société chinoise (accès aux
services bancaires et au crédit, aux commerces de détail…).
Ils s’intègrent désormais à la stratégie nationale de maîtrise des
technologies et d’indépendance par rapport aux entreprises
occidentales et de contrôle de l’espace numérique national
(voir doc. 5 p. 141). Cette politique débouche sur une rivalité
avec les États-Unis : sur les vingt premières entreprises du Web
(en valeur boursière), onze sont américaines, neuf chinoises.
Le doc. 1 souligne l’ambition et le caractère multiforme
d’une stratégie nationale cohérente. Le doc. 2, lui, montre
le parallélisme des entreprises et le développement des
groupes chinois, dont certains concurrencent directement
leurs équivalents américains. Ces groupes sont portés par
un marché intérieur privé d’accès aux GAFAM, friand de
nouvelles technologies et très peu sensible aux questions
de protection des données personnelles.
Les BATX sont-ils vraiment le fer de lance
d’une expansion internationale de la Chine ? (doc. 1)
Les activités internationales de Baidu ou Tencent ne
représentent que 4 % de leur chiffre d’affaires, et 8 % pour
Alibaba, la plus internationalisée de ces entreprises. En effet,
le vaste marché intérieur constitue leur premier marché, où
des perspectives de croissance importantes demeurent avec,
à l’heure actuelle, seulement 58 % de population connectée
à Internet (800 millions d’internautes en 2018). Les services
proposés restent peu adaptés au public international et peu
exportables, malgré des efforts récents de diffusion en direction
de l’Asie. Toutefois, ces entreprises ont eu un rôle majeur dans
l’expansion économique de la Chine.
60 Thème 2 • Analyser les dynamiques des puissances internationales
❚❚ Réponses à l’activité
Les BATX peuvent aider la Chine
La puissance des BATX reste
à dépasser les États-Unis
très incomplète
sur le plan technologique
la Chine investit beaucoup cependant, les États-Unis restent
plus que les États-Unis dans dominants par exemple dans
l’intelligence artificielle l’enseignement de ces nouvelles
technologies
la Chine peut obtenir des cependant, la Chine est aujourd’hui
transferts de technologie massifs condamnée à copier les États-Unis
grâce au moyen de pression que par l’espionnage, en envoyant ses
constitue l’accès à son marché étudiants se former sur place, etc.
les entreprises américaines les entreprises américaines restent
de l’intelligence artificielle largement dominantes en termes
dépendent des financements de capitalisation, voire en termes
chinois de croissance pour certaines
ÉTUDE
États et organisations internationales
face à des cybermenaces croissantes
 p. 140-141
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
La maîtrise des réseaux de l’information et de la communication
constitue une forme indirecte de la puissance mais l’irruption
d’Internet et sa nature transnationale se révèlent être une
opportunité de puissance mais aussi une nouvelle menace
pour les États. En effet les réseaux criminels et l’affrontement
entre les puissances utilisent le potentiel de diffusion mondiale
du réseau pour en faire un outil d’une nouvelle forme de
propagande et de criminalité organisée. Les documents visent
à montrer comment le cyberespace représente un enjeu de
puissance, en premier lieu pour les États (doc. 2 à 5). Le doc. 5
expose la stratégie de cybersécurité de la Chine qui voit dans
le contrôle des activités numériques un gage de stabilité
pour le régime, la menace étant à la fois interne (empêcher
les populations chinoises d’utiliser les réseaux extérieurs et
contrôler les flux et informations qui circulent sur les réseaux
étatiques) mais également externe (contrôler les réseaux de
câbles qui desservent le territoire chinois, et les soustraire à la
menace extérieure, notamment russe). Pour la France (doc. 3),
l’enjeu est différent puisqu’il s’agit avant tout de protéger
les citoyens et l’État des diverses malveillances ayant cours
sur Internet.
La stratégie française de cybersécurité (doc. 3)
La cybercriminalité suscite désormais la mobilisation des
institutions internationales (Conseil de l’Europe, Union
européenne, ONU, Interpol, Europol…) autant que nationales.
Dans ce contexte, en 2017, le ministère de l’Intérieur français
a publié une stratégie de lutte intégrant la sensibilisation de
la société civile, entreprises comme particuliers, aux menaces
d’Internet. Elle s’articule autour de quatre objectifs stratégiques :
faire de la France une puissance mondiale de cyberdéfense,
garantir la liberté de décision de la France par la protection
de l’information, renforcer la cybersécurité des infrastructures
vitales nationales, et assurer la sécurité dans le cyberespace.
 Elle est confiée à l’Anssi (doc. 3) qui diffuse des guides de
bonnes pratiques et organise des campagnes d’information
intégrées à l’échelle européenne. En partenariat avec le Club
informatique des grandes entreprises françaises (CIGREF),
l’Anssi soutient la « campagne nationale de sensibilisation
anti-hacking » qui s’adresse aux particuliers et notamment aux
jeunes pour mieux alerter sur les risques de la vie numérique.
Pour protéger le réseau numérique français, des organismes
sont donc mis en place, au niveau national et, de plus en plus,
dans le cadre de la coopération européenne (doc. 4). Cette
coopération internationale – au sein de l’Union européenne ou,
plus largement en lien avec une coopération planétaire (appel de
Paris du doc. 1) –, est rendue nécessaire par l’internationalisation
des menaces. Le cyberspace constitue en effet un enjeu pour
les réseaux criminels transnationaux, plus ou moins organisés
et instrumentalisés. Le doc. 1 présente les différentes formes
de cybermenaces qui pèsent sur les réseaux numériques et
atteste que derrière ces risques, se cachent des acteurs et
des territoires. Une véritable géographie des cybermenaces
est dessinée. Pourtant, parfois, les risques relèvent aussi de
l’aléatoire, comme le montrent les accidents qui ont privé
l’Algérie ou la Somalie d’Internet (doc. 2). L’élève pourra alors
faire le lien avec les notions de risques et de vulnérabilité vues
dans le programme de seconde de géographie. Il convient de ne
pas oublier que le cyberespace a une réalité bien matérielle, celle
des câbles sous-marins qui le composent et que sa vulnérabilité
représente également un enjeu géostratégique (doc. 2).
❚❚ Analyse de documents
1. Les menaces liées au développement d’Internet sont
multiformes. Elles sont d’abord d’ordre matériel car l’essentiel
du réseau repose sur des câbles sous-marins qui peuvent être
l’objet de coupures par rupture accidentelle ou sabotage. Elles
sont aussi d’ordre criminel, les cyberarnaques et attaques
de type ransomware se multiplient et peuvent avoir des
conséquences lourdes sur le plan financier mais aussi en vies
humaines lorsqu’elles visent des infrastructures clés comme
les transports, les systèmes de santé ou les réseaux électriques.
Enfin, une nouvelle menace pour les démocraties se développe
avec la manipulation des opinions publiques via les réseaux
sociaux de manière à influencer le résultat de scrutins électoraux
(élection présidentielle américaine ou référendum sur le Brexit).
2. La Chine répond à ces menaces en créant son propre réseau
Internet et en contrôlant les entrées et sorties de données.
Par ailleurs, elle favorise ses propres acteurs de l’Internet afin
de contrôler les usages du réseau. La France opte pour la
sensibilisation et l’éducation de la population aux cybermenaces
via l’Agence nationale de la sécurité des systèmes informatiques.
Elle participe également à la politique européenne de sécurité
des réseaux informatiques. L’Union européenne mise sur la
coopération interétatique (Europol/FBI) et a mis en place une
Agence européenne de cybersécurité.
3. Les cybermenaces sont de nature transnationale et sont
mondialisées. Elles transcendent les frontières en utilisant
le réseau Internet et nécessitent des actions coordonnées
entre les polices des pays menacés. La coopération entre le
FBI américain et Europol et la création de centres de lutte
internationale comme l’agence européenne chargée de la
sécurité des réseaux basée en Grèce sont des exemples de
lutte commune contre ces nouvelles menaces.
Axe 2 • Formes indirectes de la puissance : une approche géopolitique
❚❚ Pour aller plus loin
Le lien Internet de l’Anssi permet de faire connaître aux élèves
la campagne du CIGREF anti-hacking et de tester de façon
ludique leur niveau de vigilance et de bonnes pratiques. Son
ton décalé, parodiant les stéréotypes des hackeurs diffusés
par le cinéma, évoque avec humour quatre problématiques
de cybersécurité : vol de mot de passe, phishing, logiciels
malveillants, paiement par CB.
J A LON
La maîtrise des voies
de communication : les
« nouvelles routes de la soie »
❚❚ Introduction
Le troisième et dernier jalon de l’axe 2 a pour thématique
« La maîtrise des voies de communication : les “nouvelles
routes de la soie” ». L’objectif est d’étudier ce projet et de
comprendre dans quelle mesure il illustre une forme indirecte
de la puissance chinoise. Ainsi, la première étude (p. 142-143)
proposée pour ce jalon porte sur la nature même du projet
à travers ses différentes matérialités et sur ses ambitions à la
fois économiques, commerciales et géopolitiques. La seconde
étude (p. 144) a pour angle d’accroche les relations de méfiance
et de partenariat qui peuvent se tisser à travers le projet des
nouvelles routes de la soie en prenant ici l’exemple de la Russie.
Le but est de montrer l’évolution du point de vue russe sur le
projet et ses conséquences sur les relations politiques entre les
deux puissances. Enfin, la troisième étude de ce jalon (p. 145)
se penche sur le rapport qu’une nouvelle puissance asiatique,
l’Inde, entretient avec ce projet. Il s’agit ici pour les élèves de
comprendre que le projet chinois peut être totalement rejeté
et que ce rejet s’explique par un faisceau de causes qui entraîne
au final la mise en place d’un contre-projet par l’Inde. Ces deux
études, focalisées sur l’impact des nouvelles routes de la soie
sur des États tiers, placent bien le sujet dans une approche
géopolitique de la puissance.
ÉTUDE
Les « nouvelles routes de la soie »,
le « rêve chinois » de puissance p. 142-143
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
Dans le cadre du second axe consacré aux formes indirectes
de la puissance, une étude est consacrée à la Chine et aux
« nouvelles routes de la soie ». Ce projet, mis en place par le
président Xi Jinping depuis son arrivée au pouvoir en 2013, reflète
l’ambition de puissance mondiale chinoise. Les infrastructures
maritimes et ferroviaires envisagées doivent aider les entreprises
chinoises à étendre leur aire de chalandise et accroître leurs
échanges à travers le monde. Le doc. 1 permet de saisir l’étendue
géographique du projet chinois, sa matérialité à travers les types
de routes, mais aussi ses enjeux économiques et stratégiques
tandis que le doc. 3 en montre la traduction spatiale. Le doc. 2
61
 expose les objectifs du projet selon son initiateur alors que le
doc. 4 caricature les ambitions chinoises. Enfin, le doc. 5 propose
l’analyse de L. Carroué et contribue à la compréhension des
objectifs du projet et sa portée.
Un outil au service d’une puissance globale (doc. 5)
Comme le rappelle le doc. 5, le projet lancé par le Xi Jinping
des « nouvelles routes de la soie » consiste en l’édification
d’une liaison terrestre et aérienne entre la Chine et l’Europe
occidentale puis une route maritime vers l’Afrique. Par ce
projet, la Chine souhaite sécuriser ses approvisionnements
énergétiques chinois, faciliter ses exportations et renforcer
son influence. Les infrastructures nécessaires à ces « nouvelles
routes », tels les ports ou les aéroports, sont financées par la
Chine. Entre 2014 et 2018, le pays a déjà investi 410 milliards de
dollars dans les pays traversés par les routes. À terme, le projet
est estimé à plus de 1 200 milliards de dollars. L’étude du texte
peut être prolongée en montrant que le projet chinois est parfois
décrié et perçu par certains pays traversés comme une forme
de colonialisme ; tandis que d’autres y voient des opportunités
de développement par le financement des infrastructures et la
possibilité d’exporter leurs productions vers la Chine. Une fois
achevé, le projet devrait concerner 65 pays et près de 60 % de
la population mondiale.
❚❚ Réponses à l’activité
1. La carte nous montre tout d’abord que les nouvelles routes
de la soie prennent la forme de lignes ferroviaires et/ou de voies
maritimes qui partent de la Chine pour gagner l’Indonésie,
l’Inde, l’Afrique ou encore l’Europe jusqu’à l’Italie. Certaines de
ces routes sont déjà effectives, comme la route ferroviaire qui
relie la Chine à l’Angleterre en traversant la Russie ; tandis que
d’autres, ferroviaires comme maritimes, sont encore en projet
telle la route maritime reliant la Chine à l’Afrique. Sur cet axe se
trouvent des ports comme le confirme le doc. 3. On y découvre
le port sec à conteneurs de Khorgos, au Kazakhstan. On voit des
trains, des conteneurs et des grues. Ce port sec est connecté
à un port maritime pour la redistribution des marchandises.
Les nouvelles routes de la soie prennent aussi la forme de
gazoducs et oléoducs pour assurer l’approvisionnement
énergétique chinois, mais passent également par des axes de
développement numérique pour accroître les liens numériques.
Enfin, la carte mentionne une dernière forme : les corridors de
développement économique. Il s’agit d’espaces où se combinent
infrastructures de transport et activités productives pour assurer
le développement économique d’un territoire.
2. Dans le doc. 2, Xi Jinping décrit son projet comme un
renforcement de l’amitié et de la coopération sans « l’intention
de [s’]ingérer dans les affaires internes d’autres pays ». Le
président chinois ne peut se permettre d’énoncer une volonté
de domination à l’étranger. Les mots choisis évoquent plus
l’idée d’une collaboration. Malgré tout, la Chine peut, grâce à
ce projet, renforcer sa domination à l’étranger en traversant
trois continents comme le montre la carte (doc. 1). Il permet
aussi d’assurer une forme de domination et de dépendance
des pays à travers le versement d’investissements. Pour le
spécialiste L. Carroué (doc. 5), le projet offre l’opportunité à
la Chine de « nouer des alliances politiques et diplomatiques
durables avec les États bénéficiaires » ce qui étend donc la
62 Thème 2 • Analyser les dynamiques des puissances internationales
sphère d’influence chinoise et permet au pays de s’affirmer
comme une puissance continentale et mondiale.
3. Le doc. 4 est une caricature du projet de Xi Jinping parue
dans le journal japonais The Japan Times. Les Japonais ont
souvent été en désaccord avec la Chine et les nouvelles routes
de la soie sont un nouveau point de tension entre les deux
pays. Tandis que Xi Jinping parle de son projet comme un
moyen de « renforcer l’amitié et la coopération avec tous les
pays impliqués dans les nouvelles routes de la soie » et comme
« un nouveau modèle de coopération gagnant-gagnant »,
la caricature laisse au contraire supposer que le seul pays à
s’enrichir est la Chine. Représentée par un dragon, la Chine
possède à ses pieds un gros sac estampillé du sigle dollar. La
caricature ne semble guère évoquer de coopération car le seul
pays réellement représenté est la Chine, les autres pays ne
sont pas mentionnés. Seul le nom des continents est indiqué.
Enfin, si Xi Jinping parle d’une coopération internationale, les
États-Unis sont clairement exclus du projet avec un oncle Sam
ligoté et isolé sur son continent.
❚❚ Pour aller plus loin
1. Le projet des nouvelles routes de la soie est un projet de
développement social et économique, mais aussi un enjeu
géopolitique. En effet, ces routes traversent l’Asie centrale,
zone traditionnellement sous influence russe. Bien qu’il existe
à ce jour une alliance entre Vladimir Poutine et Xi Jinping, les
dirigeants de la Russie et de la Chine, ce projet pourrait créer
un déséquilibre géopolitique et profiter à la Chine qui espère
ainsi étendre son influence au-delà de ses frontières. Ces zones
sont aussi en cours de développement, la Chine souhaite ainsi
accroître son commerce.
2. En étant plus présente dans la région, grâce aux routes
ferroviaires et/ou aériennes, la Chine entend renforcer sa place
et donc sa puissance dans la région. Les nouvelles routes de la
soie sont un outil de développement pour le nord-ouest chinois,
jusque-là oublié, et pour les régions frontalières traversées
par le projet. Les financements accordés par la Chine sont des
atouts pour ces territoires, ce qui contribue à consolider la place
dans ces régions et donc la puissance chinoise. Cependant, le
risque est grand de causer un bouleversement des équilibres
en Eurasie, région jusque-là sous influence russe.
ÉTUDE
Les « nouvelles routes de la soie »,
un vecteur de rapprochement
de la Russie et la Chine ? p. 144
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
L’enjeu de cette étude est de comprendre, à travers l’exemple
de la Chine et de la Russie, dans quelle mesure les nouvelles
routes de la soie peuvent être un objet de tensions entre les
pays ou, au contraire, un outil de leur rapprochement. Le doc. 1
montre que la Russie, au début extrêmement méfiante vis-à-vis
du projet chinois, espère aujourd’hui profiter de ses retombées
économiques grâce à des investissements et projets communs
comme la « route de la soie des glaces ».
 La nouvelle « route de la soie des glaces » (doc. 1)
En janvier 2018, le Bureau d’État à l’information de la République
populaire de Chine a publié un « document blanc » énonçant
les objectifs de Pékin en Arctique : des missions scientifiques, le
commerce et la navigation, la protection de l’environnement,
l’extraction des ressources (gaz et pétrole) et l’intégration de cet
axe polaire dans le vaste plan de nouvelles routes de la soie à
travers une « route de la soie des glaces ». Si la Chine se greffe à
l’Arctique c’est pour ses ressources et pour renforcer son statut
de puissance géopolitique. Pour autant, le partenariat avec la
Russie pourrait achopper sur plusieurs points et fragiliser la
position chinoise en Arctique. Depuis l’arrivée au pouvoir de
V. Poutine en 2000, l’Arctique joue un rôle clef dans la rhétorique
patriotique russe et une militarisation du Nord peut inquiéter
les partenaires de la Russie.
Or, l’auteur précise bien que ce rapprochement reste aussi
un moyen pour la Russie de contrôler les ambitions du rival
chinois. Le doc. 2 propose une focale sur le Kazakhstan et
montre que ce pays est partagé entre les deux puissances.
On y découvre à la fois l’influence russe dans le pays et les
changements apportés par le projet chinois. Il est possible
de mobiliser également le doc. 3 p. 143. La confrontation des
documents permet de déceler les ambitions des deux pays,
les potentialités apportées par les nouvelles routes de la soie
et les tensions qu’elles peuvent engendrer.
❚❚ Analyse de documents
1. Selon F. Detroy, la Russie craint de ne devenir qu’un territoire
traversé par des échanges et par les nouvelles routes de la
soie sans pouvoir contrôler et bénéficier du commerce qui
la traverserait. La Russie s’inquiète aussi de ne devenir qu’un
fournisseur de matières premières : des pays ne s’intéressent
à la Russie que pour son gaz ou son pétrole sans qu’elle puisse
en contrôler l’exploitation et le tarif. De plus, la Chine profite
de son projet des nouvelles routes de la soie pour investir
et sceller des alliances politique et militaire avec d’anciens
alliés de Moscou lui faisant donc de la concurrence. Malgré
ces peurs, on observe actuellement un rapprochement
entre les deux puissances. Cela s’explique par l’ambition de
V. Poutine de voir ses échanges augmenter grâce au projet
de Xi Jinping. Ce rapprochement s’illustre par des discussions
pour créer une zone de libre-échange et une « route de la soie
des glaces ».
2. Le Kazakhstan fait figure de pont entre la Chine et la Russie
car les deux pays y sont présents sous différentes formes. Le
Kazakhstan est d’abord un client important de la Russie avec
38,6 % de ses importations provenant de son voisin russe.
De plus, la présence russe se matérialise à Baïkonour, site de
décollage des fusées. De son côté, la Chine manifeste sa présence
par les voies ferrées qui traversent le pays, l’aménagement du
port d’Aktau ou encore les 2 milliards de dollars d’aide au
développement reçus depuis 2015. Enfin, on peut imaginer
que le Kazakhstan soit un pont entre les deux pays dès lors
que la Chine et la Russie décident de financer des projets
conjoints dans le pays comme ceux destinés à exploiter du
gaz, du pétrole ou de l’uranium kazakh dont les oléoducs ou
gazoducs traversent le sol des deux puissances.
Axe 2 • Formes indirectes de la puissance : une approche géopolitique
ÉTUDE
Pourquoi l’Inde s’oppose-t-elle aux
« nouvelles routes de la soie » chinoises ?
 p. 145
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
L’étude précédente sur la Russie et la Chine a montré qu’un
État peut trouver des intérêts économiques et géopolitiques
au projet des nouvelles routes de la soie. L’étude offre ici un
angle d’approche différent : l’Inde et son opposition au projet
chinois conduisant à la création d’un contre-projet, le corridor
de croissance Asie-Afrique ou la « Route de la Liberté ».
Le corridor de croissance Asie-Afrique, un outil
parmi d’autres au service de la puissance indienne
Surnommé la « Route de la Liberté », le « corridor de la croissance
Asie-Afrique » (doc. 1) est porté par le Japon et l’Inde et se
veut aux antipodes des nouvelles routes de la soie en mettant
l’accent sur l’agriculture, la santé, l’industrie manufacturière
et le développement durable plutôt que sur le commerce.
Pour ne pas être encerclée par le projet chinois, l’Inde mène
des projets favorisant les échanges en Eurasie, comme le
North-South Transport Corridor (NSTC). Long de 7 200 km, ce
couloir commercial multimodal améliore la connectivité entre
l’Inde, l’Iran, la Russie, les pays du Caucase et l’Asie centrale.
Ce corridor doit créer des économies de temps et d’argent
en évitant de passer par l’océan Atlantique. Un resserrement
des liens économiques est aussi espéré dans une région où le
potentiel de développement est grand. Des appendices au NSTC
sont envisagés avec une nouvelle branche vers des États riches
en hydrocarbures comme le Turkménistan ou le Kazakhstan.
Les deux documents permettent de comprendre les enjeux
géopolitiques et les tensions qu’avive le projet de Xi Jinping. Le
doc. 1 se compose d’une carte illustrant d’un côté les nouvelles
routes de la soie chinoises et les partenaires du projet et, de
l’autre, les routes du projet « Corridor de croissance Asie-
Afrique » et les États associés. L’article d’accompagnement
explique la genèse et les objectifs du projet indien, l’alliance
entre l’Inde et le Japon et les craintes de l’Inde face au projet
chinois. La caricature du doc. 2 illustre l’opposition de l’Inde
et la volonté de ne pas se laisser entraver par les nouvelles
routes de la soie.
❚❚ Analyse de documents
- Une opposition marquée : la caricature montre clairement
l’opposition indienne au projet chinois. L’Inde, représentée par
le tigre, n’entend pas devenir un animal de cirque qui obéirait au
coup de fouet de son maître chinois. Ce refus est symbolisé donc
par le tigre qui déclare que « les ceintures sont pour les chiens ».
- Des raisons économiques et géopolitiques : l’opposition
indienne s’explique pour des raisons à la fois économiques et
géopolitiques. Tout d’abord, les Indiens entendent eux aussi faire
fleurir leur marine marchande et leurs échanges commerciaux
sans être dépendants de la Chine. L’Inde ne souhaite pas être
encerclée par les routes commerciales chinoises et refuse
que des ports puissent être construits sur son territoire par la
63
 puissance rivale. Géopolitiquement parlant, l’Inde ne permet
pas à la Chine d’être la seule puissance à dominer l’échiquier
politique régional. L’Inde ne souhaite pas être marginalisée
sur la scène politique asiatique.
- Un projet alternatif : l’Inde propose un contre-projet aux
nouvelles routes de la soie. Il s’agit, avec l’aide du Japon, de
créer un corridor de croissance entre l’Asie et l’Afrique. Ce projet
s’appuie avant tout sur les routes maritimes, à bas coût et avec
une faible empreinte carbone, pour connecter les ports indiens
aux ports du Kenya, de Madagascar ou de la Thaïlande. L’Inde
cherche à rallier à son projet des pays qui n’ont pas adhéré au
projet chinois comme l’Iran ou la Mongolie.
❚❚ Bilan
I. Un projet qui suscite méfiance de la Russie ou opposition
marquée de l’Inde
Le projet chinois des nouvelles routes de la soie suscite dans un
premier temps une réaction assez similaire en Russie comme
en Inde. Les deux pays y voient une forme de domination
chinoise, d’intrusion dans leur territoire propre et dans leur
LEÇON 3
Formes indirectes de la puissance :
une approche géopolitique p. 146-147
❚❚ P
 résentation des documents en lien
avec la problématique
Les documents accompagnant ce cours sur les formes indirectes
de la puissance permettent de répondre à la problématique
posée : « Pourquoi les États recourent-ils à des formes indirectes
de la puissance, traditionnelles et innovantes, pour s’affirmer
dans le monde ? ». Le doc. 1 sur le palmarès des prix Nobel
présente la suprématie des puissances établies dans le domaine
de l’innovation, de la culture et de la science. Il est à lier aux
deux premières parties de la leçon : diffuser sa culture et
maîtrise le savoir. Le doc. 2 illustre via l’exemple des « nouvelles
routes de la soie » l’importance de maîtriser les réseaux de
communication, de transports dans le cadre de la mondialisation
et de l’interdépendance croissante des États. Le doc. 3 montre,
à travers la présence de puissances mondiales sur le seuil
stratégique de Djibouti, combien la maîtrise de ces réseaux
est devenue un enjeu de puissance.
64 Thème 2 • Analyser les dynamiques des puissances internationales
sphère d’influence régionale. Si l’opposition est dès l’origine
plus marquée en Inde, elle n’en est pas moins absente en Russie.
L’Inde rejette le projet car le pays ne souhaite pas être encerclé
par les routes commerciales chinoises et refuse que des ports
puissent être construits sur son territoire par la puissance
rivale. De plus, l’Inde ne permet pas à la Chine d’être la seule
puissance à dominer l’échiquier politique régional. De son
côté, la Russie craint également que la Chine ne vienne faire
contrepoids à son influence en Eurasie.
II. Un projet qui entraîne des réactions diverses
Malgré ces peurs initiales, on observe deux réactions
diamétralement opposées. Un rapprochement s’est opéré entre
la Russie et la Chine et ce suivant les intérêts économiques et
commerciaux de chacun des pays. Ce rapprochement s’illustre
par la volonté de créer une zone de libre-échange et une « route
de la soie des glaces ». De son côté, l’opposition de l’Inde se
traduit par la mise en place d’un contre-projet avec l’aide du
Japon. Ce contre-projet vise à mettre en place un corridor de
croissance entre l’Asie et l’Afrique, en se démarquant totalement
de l’influence et de la présence chinoises.
Djibouti, un seuil stratégique (doc. 3)
Ex-colonie française indépendante depuis 1977, Djibouti
constitue un verrou stratégique des routes du commerce
mondial. En 2017, la Chine y a installé sa première base
permanente. Elle s’inscrit dans une stratégie globale visant
à faire de la Chine une puissance maritime. L’Inde et le Japon
s’inquiètent de cette présence accrue et les États-Unis comme
la France se montrent méfiants. Les États-Unis ont tenté, sans
succès, de faire pression contre l’installation de cette base.
Mais Djibouti, pays pauvre et endetté, profite de sa rente
de situation géostratégique constituée des loyers acquittés
par les puissances étrangères lui rapportant 200 millions de
dollars par an.
Le schéma fléché au bas de la p. 147 a pour objectif de replacer
les études de l’axe 2 dans une organisation plus systémique.
Il donne du sens au travail d’exemples réalisé dans les pages
précédentes puisqu’il participe à illustrer la leçon. Ce peut
être un bon point d’appui pour la préparation d’un sujet de
composition susceptible d’être proposé à l’examen. Par exemple,
l’élève verra l’articulation possible entre les exemples et les
arguments de cet axe sur les formes indirectes. Il pourra ainsi
repérer les exemples à utiliser dans la composition.
THÈME 2
OBJET DE TRAVAIL La puissance des États-Unis
CONCLUSIF aujourd’hui
OUVERTURE p. 148-149
❚❚ Introduction
L’objet de travail conclusif introduit une démarche systémique
qui permet, à la fin du thème, de mobiliser les notions vues
dans l’introduction et dans les axes sur un cas précis, la
puissance des États-Unis aujourd’hui. Il s’agit de réinvestir les
caractéristiques et les fondements de la puissance à l’échelle
d’un État (unilatéralisme, points d’appui et zones d’influence
des États-Unis dans le monde) et de considérer les formes
indirectes de cette puissance (lieux et formes de la puissance
états-unienne). Les documents et le questionnement proposés
permettent de répondre à la problématique « Les États-Unis
peuvent-ils rester la première puissance d’un monde devenu
multipolaire ? »
La confrontation des doc. 1 et 2 donne l’occasion de rappeler
que les fondements de la puissance peuvent être traditionnels
(comme la puissance militaire illustrée dans le doc. 2) ou plus
indirects (poids des entreprises, notamment du numérique, doc. 1).
Les Apple stores dans le monde (doc. 1)
Depuis l’ouverture des deux premiers magasins Apple en 2001
en Virginie et en Californie (États-Unis), la marque n’a cessé
d’étendre sa politique commerciale, multipliant les show rooms
dans le monde. Aujourd’hui, les villes mondiales rivalisent pour
l’accueil de ces boutiques, Shanghai et New York en abritant
sept chacune. La firme compte près de cinq cents Apple stores
dans le monde. La carte interactive du site Bonial (https://www.
bonial.fr/info/apple-stores-dans-le-monde/) montre comment
ce type de boutiques, d’abord exclusivement localisées aux
États-Unis, se sont diffusées dans le monde.
Le doc. 3 ouvre le débat sur la pérennité de la puissance des États-
Unis. Sans parler de déclin (axe 1 du thème), la multipolarisation
du monde pose la question de la suprématie des États-Unis et
de sa concurrence par les puissances ascendantes (introduction
du thème).
❚❚ Réponses aux questions
1. Le doc. 2 illustre la puissance militaire des États-Unis, à
travers ses forces armées (soldats saluant sur la photographie)
et son déploiement planétaire (base de Djibouti). Les États-
Unis incarnent le symbole des puissances établies car ils
sont la première armée au monde et dominent les relations
internationales depuis plusieurs décennies.
2. Le doc. 1 évoque la puissance culturelle et économique des
FTN états-uniennes, forme indirecte de la puissance. En effet, à
travers des marques mondialement reconnues dans le monde
(ici Apple, mais il est possible de faire allusion aux autres géants
du numérique, les GAFAM), les États-Unis occupent une position
dominante en matière d’activité numérique.
3. Le doc. 3 présente une puissance américaine qui doute,
affaiblie. Le superhéros Spiderman semble privé de ses
superpouvoirs et le titre de la revue accentue le questionnement :
« Que reste-t-il de la puissance américaine ? ». Cette couverture
de magazine doit néanmoins être analysée avec esprit critique
car les deux premiers documents ont montré que les ressorts
de la puissance états-unienne restent impressionnants.
REPÈRES 1
La puissance des États-Unis,
entre hard power et soft power p. 150-151
❚❚ Présentation des cartes et des liens possibles
entre elles
La double page repères 1 rebondit sur les fondements de la
puissance présentés dans la double page précédente, en les
développant et en les nuançant. Là encore, il s’agit d’investir les
fondements évoqués tout au long du traitement du thème 2.
Hard, soft et smart powers américains
L’internationaliste américain Joseph Nye a montré la pluralité
des formes de la puissance et ses mutations depuis la fin du
xxe siècle avec le développement considérable du soft power
(pouvoir doux), via notamment la culture mondialisée, en
opposition au hard power (pouvoir dur), pouvoir des armes
et de l’argent. Pour qualifier l’attitude des États-Unis sous
les mandatures de Barack Obama, il a introduit la notion de
« smart power », un « pouvoir intelligent » où sont combinés
à juste degré hard power et soft power. Pour Joseph Nye, une
grande puissance sera, désormais, de plus en plus définie par la
bonne utilisation de ces deux pouvoirs combinés. Très critique
sur la politique de Donald Trump, J. Nye regrette aujourd’hui le
retour du hard power américain et l’abandon du soft power.
Le doc. 1 fait écho à la photographie 2 p. 149 en illustrant
l’importance du hard power à travers les forces armées
américaines, mais surtout leur déploiement planétaire, aussi
bien des forces terrestres que maritimes. Ce déploiement
repose notamment sur le puissant réseau d’alliances hérité
de la guerre froide. Ce hard power passe aussi par un réseau
de représentations diplomatiques inégalé (doc. 2) : sauf retrait
lié à une crise grave, les États-Unis sont représentés partout
dans le monde. Enfin, la puissance économique est aussi un
atout de poids puisqu’ils dominent très largement l’économie
mondiale, tant sur le plan de la production de richesses, du
stock de capitaux investis à l’étranger que du poids des FTN.
Le soft power est illustré quant à lui par la force d’innovation
des États-Unis (doc. 4 et 5) et par le poids de la production
télévisée américaine, notamment les séries au rayonnement
international (House of cards et Game of Thrones).
Objet de travail conclusif • La puissance des États-Unis aujourd’hui 65
 ❚❚ Réponses aux questions
1. Les hard et soft powers permettent aux États-Unis de recouvrir
toutes les caractéristiques de la puissance :
- la capacité de faire dans les domaines militaire (doc. 1),
diplomatique (doc. 2), économique (doc. 2), technologique
(doc. 4 et 5), culturel (doc. 6)…
- la capacité de faire faire par le réseau d’alliances mis en place
lors de la guerre froide qui implique des devoirs à l’égard de
la puissance états-unienne (doc. 1) ; par les capitaux investis à
l’étranger (ces IDE prennent souvent la forme d’implantation
d’usines au service de l’économie américaine, ou de prise de
participation dans des entreprises étrangères qui deviennent
dépendantes) et le poids des FTN américaines (doc. 3).
- La capacité de refuser de faire autorisée par le poids des forces
militaires états-uniennes qui garantissent une indépendance
et la possibilité de se soustraire au droit international (doc. 1) ;
par les investissements de sécurisation des communications
mis en place par des entreprises comme Google (doc. 5).
- La capacité d’empêcher de faire par le poids des forces armées,
notamment de la force de dissuasion (doc. 1), le poids des
géants du numérique qui imposent leurs règles (doc. 4).
2. Les formes directes et indirectes de la puissance contribuent
au rayonnement planétaire des États-Unis par leur déploiement
international (militaire, doc. 1 ; économique, doc. 3 et 4 ; culturel,
doc. 6).
REPÈRES 2
Les États-Unis dans le monde,
entre multilatéralisme et unilatéralisme
 p. 152-153
❚❚ P
 résentation des documents et des liens
possibles entre eux
La double page repères 2 amorce le deuxième jalon de
l’objet conclusif « Unilatéralisme et multilatéralisme : un
débat international ». Il s’agit ici de donner une première
définition des notions qui seront développées dans les
études des pages 158 à 161. L’introduction du thème sur les
dynamiques des puissances internationales a posé la question
du basculement du monde et de sa multipolarisation sous
l’effet de l’affirmation de puissances ascendantes. Le jalon
sur l’unilatéralisme et le multilatéralisme poursuit cette étude
en interrogeant l’attitude des États-Unis face à ces nouveaux
équilibres (ou déséquilibres) mondiaux. Un regard historique,
permis par la frise chronologique et les textes définissant ces
notions, montre que ces deux attitudes ont alternativement
influencé la politique américaine, et que l’alternance entre
Barack Obama et Donald Trump n’est pas une surprise au regard
de l’histoire. La page de gauche définit (texte A), illustre (doc. 1)
et mesure les évolutions (doc. 2) des politiques multilatérales
des États-Unis.
La page de droite suit à peu près le même canevas pour
l’unilatéralisme : définition (texte B), illustration (doc. 3) et
spatialisation (doc. 4). Le dessin de presse (doc. 3) figure Donald
Trump jouant au balancier sur une sphère représentant le
monde, déséquilibrant par son poids l’ordre mondial. Face à
lui, les dirigeants des autres puissances perdent pied, que ce
66 Thème 2 • Analyser les dynamiques des puissances internationales
soit Angela Merkel pour l’Allemagne ou Justin Trudeau pour
le Canada. Emmanuel Macron et Theresa May s’accrochent de
même que l’Italien Guiseppe Conte ou le Japonais Shinzo Abe.
La carte (doc. 4) représente sous forme spatiale les hésitations
de la politique états-unienne, entre jeu du multilatéralisme
(première partie de la légende) et repli sur soi et refus de la
supranationalité (deuxième partie de la légende).
Barack Obama, prix Nobel de la paix en 2009 (doc. 1)
Obtenu moins d’un an après sa prise de fonction, le prix Nobel
de la paix a été attribué à Barack Obama « pour ses efforts
extraordinaires en faveur du renforcement de la diplomatie
et de la coopération internationale entre les peuples ». En fait,
il s’agissait plutôt d’un prix d’encouragement pour la politique
amorcée par le président américain qui avait promis de sortir
du conflit en Irak et en Afghanistan. De nombreuses voix se
sont élevées contre cette attribution anticipée, comme celle
de Lech Walesa prix Nobel de la paix en 1983.
❚❚ Réponses aux questions
1. Le multilatéralisme est né d’initiatives américaines dans
l’immédiat après Seconde Guerre mondiale. C’est le cas dans
les domaines monétaire (accords de Bretton Woods de 1944),
politique (ONU en 1945), commercial (Gatt en 1947). Aux
lendemains de la Seconde Guerre mondiale, cela s’explique
par la volonté de Roosevelt, prolongée par ses successeurs,
de favoriser les relations internationales afin d’éviter un
nouveau conflit planétaire. Dans la dernière décennie, il s’agit
de la volonté de smart power de Barack Obama, élu sur un
programme de changement (politique de la main tendue et
de bon voisinage : Cuba, Iran…).
2. Le dessin de presse présente l’unilatéralisme américain
comme un moyen de renforcer sa puissance en profitant de la
suprématie du pays. Le slogan « America first » symbolise à lui
seul cette volonté. Pourtant, cette politique n’est pas nouvelle
dans l’histoire des États-Unis : refus d’adhérer à la Société des
nations en 1919, intervention unilatérale en Irak en 2003.
J A LON
Les lieux et les formes de
la puissance aux États-Unis
❚❚ Introduction
L’objet de travail conclusif du second thème du programme de
spécialité porte sur la puissance des États-Unis aujourd’hui. Le
premier jalon de ce travail conclusif est centré sur les lieux et les
formes de la puissance aux États-Unis. L’ambition est d’analyser
comment la puissance mondiale des États-Unis peut se traduire
à la fois dans des lieux symboliques et sous différentes formes.
Ainsi, la première étude proposée porte sur la ville de New York
en tant que capitale de la puissance américaine et capitale
du monde d’aujourd’hui. Cet exemple montre comment les
États-Unis parviennent à rayonner mondialement à partir
d’une seule et même ville, de ses monuments et de l’accueil
de touristes ou encore d’entreprises innovantes au sein de ses
différents quartiers. La seconde étude est consacrée au cinéma
qui peut être compris et analysé comme un outil au service
de la puissance culturelle américaine, notamment à travers
le lieu emblématique qu’est Hollywood. Enfin, la troisième
étude de ce jalon montre une nouvelle forme de puissance, la
technologie, avec les universités de la ville de Boston. Chacune
de ces études expose donc les lieux mais également les formes
de la puissance américaine, sans en occulter les limites ou les
points faibles.
ÉTUDE
New York, capitale du monde ? p. 154-155
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
Dans l’imaginaire collectif, New York est une mégapole où règne
la démesure et qui reflète à elle seule la puissance des États-Unis
et le rêve américain. Cette puissance s’illustre dans différents
lieux qui sont autant de symboles et de représentations du
rôle de la « Grosse Pomme », et, plus largement, des États-
Unis. Ainsi, le doc. 1 présente le siège de l’Organisation des
Nations unies, institution fondée en 1945, où siègent 193 États
qui prennent des décisions pour garantir la paix et la stabilité
mondiale. L’ONU évoque ainsi la puissance politique des
États-Unis. Le doc. 2 offre une vue aérienne de Manhattan et
la légende accompagnant le document illustre la puissance
financière, boursière et culturelle de la ville et du pays.
Le doc. 3 s’intéresse à la Silicon Alley, quartier de Manhattan où
se concentrent de nombreuses start-up signe de la puissance
technologique américaine.
La Silicon Alley (doc. 3)
Souvent surnommée « Bip Apple », New York a acquis depuis les
années 1990 le surnom de « Silicon Alley ». Cette appellation,
qui fait écho à la Silicon Valley, a été créée pour attirer les
jeunes développeurs et de jeunes talents. Aujourd’hui, le
terme désigne un quartier spécifique de Manhattan, quartier
qui ne cesse de s’étendre à travers la ville. On y dénombre
plus de 7 500 start-up dans des domaines d’activité divers
tels que les télécommunications, les logiciels, Internet, le
design, les jeux vidéo, les médias… New York pèse ainsi de
plus en plus lourd dans le secteur high-tech. Elle a vu naître
des entreprises comme Etsy, Tumblr, Razorfish ou encore
DoubleClick. Les raisons du succès de la Silicon Alley reposent
d’abord sur la proximité de l’université de Columbia, l’une
des plus prestigieuses universités des États-Unis, et sur les
politiques mises en place par la ville comme la baisse du prix
des loyers pour les entreprises.
Enfin, le doc. 4 s’interroge sur la puissance boursière et sa
pérennité dans un contexte de concurrence mondiale croissante,
en particulier en Asie.
❚❚ Réponses à l’activité
1. Les États-Unis peuvent être considérés comme les pères
fondateurs de l’ONU car l’idée de cette organisation internationale
a été initiée par le président américain F. D. Roosevelt. De plus, son
siège se situe à New York, ville américaine, même si juridiquement
le territoire où se tient l’ONU est international. La présence
de l’institution sur le sol américain permet, lors des réunions,
d’avoir les caméras braquées sur les États-Unis ce qui participe
au rayonnement planétaire de New York.
2. Le paysage de Manhattan est un symbole de puissance
car il présente une forte concentration de tours de verre et
d’acier. Les buildings et la skyline sont un signe de puissance
et d’un quartier pleinement dynamique. Grâce à la légende,
nous découvrons que ce paysage est formé d’immeubles
aux fonctions stratégiques pour assurer la puissance de New
York comme la Bourse de Wall Street ou les sièges de grandes
entreprises multinationales américaines. Ce paysage attire les
touristes, preuve de son attractivité et donc de sa puissance.
Enfin, la présence de deux universités de renom est aussi une
marque de puissance.
3. L’économie, en particulier le secteur du high-tech, est
également un facteur de la puissance new-yorkaise. En effet,
le quartier de la Silicon Alley accueille de multiples entreprises
dynamiques et mondialement connues comme Spotify, Google
ou Twitter. Ce sont ainsi plus de 7 500 entreprises qui siègent
dans ce quartier faisant de New York le second cluster mondial,
juste derrière la Silicon Valley en Californie. La puissance et
le rayonnement économiques sont aussi perceptibles grâce
aux banques d’affaires et les deux grandes bourses de la ville.
Cependant, ces places boursières sont aujourd’hui de plus en
plus concurrencées par leurs concurrentes asiatiques comme
Tokyo, Singapour et Hong Kong qui profitent du développement
de la Chine.
❚❚ Pour aller plus loin
Le film Wall Street d’O. Stone en 1987 présente la puissance
financière de New York comme un univers de rêve, où l’ascension
sociale repose sur l’illégalité et l’immoralité. En effet, Bud Fox,
l’un des héros du film, est un jeune courtier en bourse qui rêve
d’égaler les maîtres de la haute finance à l’image de son modèle,
G. Gekko, investisseur légendaire de Wall Street. Pris sous l’aile
de son mentor, Bud devient riche et profite d’avantages tel qu’un
appartement sur le toit de l’Upper East Side à Manhattan. Or,
cet enrichissement se fait de façon immorale : Bud utilise ses
amis à qui il vend des actions pour s’enrichir, il espionne des
compagnies. La splendeur du jeune héros s’achèvera par une
comparution devant la justice.
Margin Call, film réalisé par J. C. Chandor en 2011, évoque le
déclenchement de la crise financière de 2008, à travers les
employés d’une banque d’affaires new-yorkaise qui font tout le
nécessaire pour vendre des placements financiers « toxiques »
car synonymes de perte d’argent. Ces employés ont conscience
qu’ils trahissent la confiance accordée par leurs clients en
vendant un produit dont ils connaissent la déficience, mais
ceux qui arrivent à s’en débarrasser obtiennent des primes très
importantes. L’un des héros résume la situation en disant qu’il
ne peut contrôler la bourse, ni la ralentir, mais qu’il peut agir en
espérant en tirer le plus d’argent possible, sans égard pour les
perdants. Ce film dépeint donc le milieu des boursiers de Wall
Street comme un univers gagné par le cynisme et l’égoïsme.
Enfin, Le Loup de Wall Street, réalisé par Martin Scorsese en 2013,
raconte l’ascension d’un courtier en bourse, Jordan Belfort, de sa
gloire et sa fortune à sa chute en passant par sa vie de débauche.
Les actions en bourse de Jordan sont illégales et il est surveillé
par le FBI. Inquiet, Jordan cache son argent dans un compte en
Suisse. Arrêté par le FBI, il passera plus de vingt mois en prison.
Ainsi, le cinéma présente la puissance financière de Wall
Street comme un milieu de corruption, de malversations et
d’immoralité.
Objet de travail conclusif • La puissance des États-Unis aujourd’hui 67
 ÉTUDE
Hollywood, théâtre de la puissance
américaine ? p. 156
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
Une étude sur le cinéma hollywoodien est intéressante pour
comprendre et analyser la puissance américaine. Chaque
semaine, des films produits aux États-Unis sont à l’affiche des
cinémas du monde entier faisant du septième art un atout clé
de la puissance américaine. L’étude comporte deux documents.
Les graphiques du doc. 1 permettent de comparer un classement
des cinq premiers États au monde en nombre de films produits et
en revenus de l’industrie cinématographique. La seconde partie
du document illustre quant à elle les cinq plus grands succès
mondiaux du cinéma en nombre de spectateurs puis en chiffre
d’affaires. Si les États-Unis ne sont plus aujourd’hui le premier
producteur cinématographique mondial, ils restent néanmoins
le pays où les revenus sont les plus lucratifs et celui dont les
films sont les plus vus à travers le monde. Le doc. 2 offre le point
de vue d’un spécialiste sur la production cinématographique
américaine. Il montre combien le cinéma est un vecteur de
diffusion des valeurs et modèles de pensée américains et un
outil d’autopromotion du pays à travers le monde.
Hollywood Propaganda de Matthew Alford
En 2018, à travers son ouvrage Hollywood Propaganda,
Matthew Alford a souhaité démontrer les ingérences de la
CIA et du département de la Défense américain dans les
productions du cinéma hollywoodien. Alford examine la façon
dont les films représentent les actions des États-Unis dans
le monde et analyse le fonctionnement de cette « industrie
politisée » souvent bien disposée à l’égard des préoccupations
de Washington, du Pentagone et de Wall Street. Si le premier
objectif des grands studios est de faire des profits, un autre,
assumé ou non, est le contrôle idéologique. Dans le monde du
cinéma, les interventions de l’armée américaine sont toujours
bien intentionnées ; mais on ne dit rien des intérêts globaux
transnationaux qui se cachent derrière de telles expéditions,
ni qui paie et tire profit de ce qui se passe.
❚❚ Analyse de documents
1. Le doc. 1 nous montre que les plus gros succès mondiaux
du cinéma sont américains, que ce soit en termes de nombre
de spectateurs accueillis dans les salles ou de chiffre d’affaires.
Les États-Unis dominent aussi l’industrie cinématographique
mondiale car ils sont en première place si l’on considère les
revenus de ce secteur avec 11,4 milliards de dollars contre 6,6
pour la Chine au second rang du classement. Cependant, des
puissances concurrentes apparaissent également sur le premier
graphique. On voit que le premier producteur de film dans le
monde est l’Inde puis le Nigeria avec respectivement 1 600 films
et 997 films produits en 2017 contre 738 pour les États-Unis.
2. Dans son ouvrage Hollywood Propaganda, M. Alford montre
que le cinéma américain peut être considéré comme une forme
indirecte de la puissance des États-Unis car les films produits
par les studios hollywoodiens sont soutenus par de grandes
agences gouvernementales comme le FBI ou le Pentagone.
68 Thème 2 • Analyser les dynamiques des puissances internationales
Ces agences s’octroient également un droit de regard sur le
scénario et n’hésitent pas, si besoin, à le modifier pour s’assurer
que ce dernier est bien conforme aux idées et à l’image du
pays. Le cinéma devient donc un outil qui doit promouvoir
la puissance du pays et son image à travers le monde. Ainsi,
comme le signale l’auteur, « Hollywood fabrique de l’histoire :
une histoire à la fois américano-centrée, pro américaine et liée
aux pouvoirs politique, économique et militaire ».
❚❚ Pour aller plus loin
La fiche de lecture peut proposer les informations suivantes.
- Titre : Hollywood Propaganda
- Auteur : M. Alford, écrivain et professeur de l’université de
Bath (Angleterre)
- Date : 2018
- Description : l’ouvrage examine le rôle de l’industrie
hollywoodienne dans l’autopromotion du pays et les liens
entre le cinéma et les forces politiques américaines.
- Objectif de l’ouvrage : M. Alford dénonce le cinéma non
pas comme une machine à rêves mais comme une usine au
service de la promotion des idées et du modèle américains
à travers le monde. Nombre d’agences gouvernementales,
comme le FBI, disposent d’un droit de regard sur les scénarios
pour s’assurer que l’image véhiculée est conforme aux idées
américaines et à l’image que le pays se fait de lui-même. Grâce
à ces moyens colossaux, « Hollywood produit donc une histoire
américano-centrée pro américaine et liée aux pouvoirs politique,
économique et militaire ».
ÉTUDE
Boston, un centre majeur
de la technologie mondiale p. 157
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
L’étude sur Boston permet d’aborder un nouvel aspect de la
puissance américaine : la puissance technologique. Les États-
Unis sont reconnus pour leur capacité d’innovation, source de
prestige à travers le monde. Ces innovations, telles Facebook
ou PayPal, ont été inventées par des personnalités formées
dans l’un des prestigieux établissements d’enseignement
supérieur de Boston. Le doc. 1 propose une focale sur trois
établissements de la ville et donne à comprendre leur force
d’attraction par la diversité des nationalités présentes. De plus,
le nombre de facultés et de prix Nobel montre l’importance
stratégique de ces établissements pour assurer le rayonnement
et la puissance technologique du pays. Le doc. 2 permet de
saisir le lien entre les établissements scolaires et les entreprises,
américaines et internationales, à travers le recrutement des
jeunes cerveaux dans des domaines porteurs et variés.
 L’attraction des universités américaines
Fortes de leurs excellentes positions dans le classement de
Shanghai, les universités américaines exercent un fort pouvoir
d’attraction accueillant en moyenne 20 % des étudiants
mondiaux partis étudier à l’étranger. Une des raisons découle
des moyens investis dans l’enseignement supérieur : les États-
Unis investissent 2,6 % de leur PIB dans la recherche alors que
l’Europe et le Japon y consacrent respectivement 1,2 et 1,1 %.
Ces chiffres se traduisent par des différences considérables
si l’on tient compte de la dépense moyenne par étudiant :
8 600 dollars pour les pays européens contre 20 000 dollars
aux États-Unis. Or, si l’enseignement supérieur a été un moteur
essentiel de l’innovation et de la croissance économique,
certains spécialistes estiment que les politiques d’immigration
de la Maison Blanche pourraient commencer à peser sur le
secteur. Depuis 2016, le nombre d’étudiants étrangers dans
les universités américaines diminue chaque année et des pays
comme la Chine, l’Australie ou le Canada sont devenus des
concurrents pour l’accueil des étudiants étrangers.
❚❚ Analyse de documents
Les atouts de Boston peuvent être présentés ainsi :
1. Une ville de diplômés qui attire les étudiants du monde entier
Le doc. 1 montre que les établissements d’enseignement
supérieurs de Boston attirent de nombreux étudiants étrangers
comme le prouve la présence de 90 nationalités différentes à
l’université de Boston ou les 132 nationalités d’Harvard. Ces
étudiants viennent profiter d’un enseignement riche et varié
dispensé par les 5 facultés différentes du MIT ou celles de
l’université de Boston. De plus, la renommée et l’excellence
de ces établissements sont visibles à travers le nombre de
prix Nobel obtenus par des cerveaux diplômés dans l’un de
ces établissements. Ces éléments font de Boston une ville
attractive pour des étudiants du monde entier.
2. Un travail en synergie au service de l’innovation
Comme l’explique le doc. 2, Boston est la capitale mondiale
des biotechnologies, une technologie de pointe pour laquelle
travaillent, dans la ville, des groupes à la fois américains et
internationaux. Cette présence multinationale d’entreprises
et les liens étroits entre les sociétés, leurs laboratoires et les
doctorants font de Boston la capitale mondiale de l’innovation
technologique.
❚❚ Pour aller plus loin
Le Massachusetts Institut of Technology (MIT) n’a pas mis
en place de quotas d’accueil des étudiants nationaux ou
internationaux, mais les étudiants doivent absolument prouver
leurs compétences dans les domaines qu’ils ont étudiés
auparavant et qu’ils étudieront au MIT. Cependant, l’université
américaine recommande d’avoir suivi quatre années de cours
d’anglais, puis des enseignements en mathématiques, histoire,
physique, chimie et biologie. Tous les étudiants, nationaux
comme internationaux, doivent ensuite réussir les tests d’entrée.
L’université souhaite que les nouveaux arrivants s’insèrent dans
la vie de l’université et qu’ils fassent profiter l’école de leurs
talents. Ainsi, le MIT est au cœur du brain drain américain car
il cherche à attirer les talents du monde entier par des aides
financières afin que l’école, mais aussi à terme les États-Unis,
profite de leurs compétences pour assurer leur rayonnement
technologique à travers le monde.
J A LON
Unilatéralisme
et multilatéralisme :
un débat international
❚❚ Introduction
Le deuxième jalon de l’objet conclusif « Unilatéralisme et
multilatéralisme : un débat international », introduit dès la
double page repères p. 152-153, se poursuit à travers des
études qui articulent les échelles d’analyse. La première
étude (p. 158-159) porte sur la politique « America first », en la
considérant dans son épaisseur historique. En effet, si le slogan
a repris de la vitalité avec la campagne et l’élection de Donald
Trump, il existait déjà dans les années 1940. Il s’agit donc ici
de prolonger les définitions qui ont été apportées p. 153 de la
double page repères 2. L’étude p. 161 sur le multilatéralisme
des États-Unis apporte un regard en miroir de la première
étude en montrant que, si la politique unilatérale est ancienne,
le multilatéralisme ne l’est pas moins. Enfin, l’étude p. 160
offre une focale sur la position des États-Unis dans la lutte
mondiale contre le changement climatique en mettant en
évidence des contradictions : si la politique américaine se
veut unilatérale dans le domaine environnemental (refus de
ratifier les conventions supranationales), des forces internes
plaident pour une attitude multilatérale afin d’affronter un
défi planétaire.
ÉTUDE
La politique « America first »,
une stratégie unilatérale p. 158-159
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
L’angle d’approche de cette double page est la politique
« America first » qu’il s’agit de considérer dans sa dimension
unilatérale. En replaçant cette politique dans son épaisseur
historique (doc. 1), des constantes de la politique américaine
se dégagent, justifiant l’item au programme « Unilatéralisme
et multilatéralisme : un débat international ».
« America first », un slogan ancien (doc. 1)
La première utilisation du slogan « America first » date de la
Première Guerre mondiale et est attribuée à Warren Harding
qui l’utilise dans un discours en 1920 pour contrer les tentatives
d’encouragement d’une gouvernance mondiale du président
Wilson. Au début des années 1940, l’expression est employée
pour baptiser un comité isolationniste hostile à l’entrée en
guerre des États-Unis. L’aviateur Charles Lindbergh en devient
l’un des principaux porte-paroles. Le comité est dissous en
décembre 1941 après l’attaque de Pearl Harbour. Longtemps
associé à une certaine neutralité face au nazisme (Charles
Lindbergh avait refusé de rendre les médailles reçues par Hitler),
le slogan est réactivé dans les années 2000 et repris comme
slogan de campagne par Donald Trump en 2016.
Objet de travail conclusif • La puissance des États-Unis aujourd’hui 69
 Cette épaisseur historique est aussi visible dans l’illustration
du dessinateur indien Paresh (doc. 3). À gauche, l’oncle
Sam porte le multilatéralisme et les valeurs défendues par
les États-Unis : démocratie, droits fondamentaux (liberté,
notamment) et libre-échange. À droite, Donald Trump brandit
une pancarte « America first », imposant au monde le poids
de cette politique. L’auteur veut ainsi montrer que la mission
des États-Unis dans le monde, leur « destinée manifeste », est
en mutation, abandonnant les valeurs qui ont constitué le
pays durant toute son histoire. Le doc. 2 illustre les aspects
multiformes de l’unilatéralisme américain, du point de vue
politique, économique ou environnemental. Les exemples
peuvent être classés en deux catégories : les actes marquant
le refus de participer à la gouvernance mondiale comme le
retrait de l’accord de Paris sur le climat ; les actes marquant
la volonté des États-Unis d’imposer leur politique au reste du
monde, comme l’imposition de mesures protectionnistes.
Le doc. 4 aide à la prise de distance et à l’analyse. Il s’agit de
montrer les limites de l’unilatéralisme, même depuis l’élection
de Donald Trump. La politique se heurte alors à la défense des
intérêts américains qui sont parfois menacés par l’isolationnisme
(interdépendance des échanges dans le cadre de l’OMC, rôle
des alliances telle que l’OTAN dans la lutte contre le djihadisme).
❚❚ Analyse de documents
1. L’unilatéralisme est ancien aux États-Unis puisque le doc. 1
illustre déjà ce slogan dans le comité du même nom datant du
début des années 1940. Pourtant, cette politique s’oppose aux
valeurs traditionnelles défendues par les États-Unis au cours
de son histoire : démocratie, liberté et libre-échange.
2. Dans sa politique étrangère, Donald Trump traduit cette
position par deux types de mesures. D’abord, il refuse que
son pays perde une part de sa souveraineté au profit d’une
gouvernance mondiale (refus de ratifier l’accord de Paris sur
le climat) ou d’une intégration régionale (remise en cause des
traités de l’Alena). Ensuite, il souhaite jouer de la puissance
du pays pour imposer sa vision au reste du monde (mesures
protectionnistes, dénonciation de l’accord sur le nucléaire
iranien), l’objectif visé étant la défense des intérêts américains.
3. Outre la potentielle perte d’une partie du prestige des États-
Unis en matière de défense des valeurs traditionnelles de la
démocratie, cette politique risque d’isoler le pays du reste du
monde et de provoquer une réaction collective (leadership
pris par la Chine dans la lutte contre le changement climatique
depuis 2015). Or, les États-Unis ont besoin des relations
internationales pour garantir leurs intérêts économiques (rôle
dans l’OMC) et militaires (OTAN).
❚❚ Pour aller plus loin
Auteur : Ariane Mathieu, propos de Justin Vaïsse.
Titre : Les États-Unis ont anesthésié la défense européenne.
Ouvrage : Mensuel L’Histoire, no 436, avril 2017.
Idées clés :
- Une implication américaine durant la Première Guerre mondiale.
- Un isolationnisme fort dans les années 1920-1930.
- Une implication décisive durant la Seconde Guerre mondiale.
- Une défense européenne anesthésiée par les États-Unis durant
la guerre froide.
- Un isolationnisme pour défendre les intérêts américains.
70 Thème 2 • Analyser les dynamiques des puissances internationales
ÉTUDE
Les États-Unis et la lutte mondiale
contre le changement climatique p. 160
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
Les atermoiements de la politique américaine entre
unilatéralisme et multilatéralisme sont particulièrement
bien illustrés dans leur attitude face au défi que représente
le changement climatique. En effet, en 1997 déjà, après avoir
signé le protocole de Kyoto, les États-Unis refusaient de le
ratifier, le président George Bush junior justifiant cette attitude
par le fait « que le mode de vie américain n’est pas négociable ».
Vingt ans après, en 2017, alors que le président Obama avait
engagé son pays dans une participation internationale à la
lutte contre le changement climatique, son successeur Donald
Trump, climatosceptique, refusait à nouveau de participer à
la gouvernance environnementale qui tentait de se mettre en
place après l’accord de la COP 21 de Paris en 2015. Pourtant,
l’attitude des États-Unis est loin de faire l’unanimité dans le
pays. De nombreuses associations et citoyens (doc. 1) critiquent
l’unilatéralisme adopté par Donald Trump (doc. 2), conscients
que l’absence de contribution des États-Unis à l’effort collectif
hypothèque ses chances de réussite.
La marche pour le climat à San Francisco
en septembre 2018 (doc. 1)
Quelques jours avant l’ouverture du Sommet mondial pour
le climat qui se tenait à San Francisco en septembre 2018, un
mouvement planétaire s’est organisé, prenant la forme de
marches pour le climat. À San Francisco, il a réuni de nombreux
militants présents pour la conférence internationale. Sur la
photographie, on identifie des ressortissants des îles menacées
de l’océan Pacifique, mêlés à des citoyens occidentaux,
probablement américains. La Californie est d’ailleurs un État
initiateur en matière de lutte contre le changement climatique.
Elle s’est fixé l’objectif 100 % d’électricité sans carbone d’ici
à 2045. Cependant, de nombreuses ONG s’interrogent sur
d’autres mesures encouragées par cet État, notamment la
capture de CO2.
❚❚ Réponses à l’activité
Oui car… Non car…
- des États comme la Californie - de nombreux États sont trop faibles
ont une politique très engagée sur la scène internationale pour faire
du point de vue environnemental entendre leur voix (États insulaires
pacifiques)
- d’autres acteurs jouent un rôle
croissant (associations, ONG, - urgence des mesures à prendre
entreprises, citoyens…)
- refus de ratifier l’accord de Paris
- 195 participants signataires à alors que les États-Unis contribuent
la COP21 (position isolée des fortement au changement climatique
États-Unis) (2e émetteur de GES)

ÉTUDE
Les États-Unis
et le multilatéralisme p. 161
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
Cette étude vise à replacer le débat du multilatéralisme dans
la politique étrangère des États-Unis sur un temps long. Elle
offre une lecture géopolitique de ce thème à partir d’un article
de Pascal Boniface et d’un dessin de presse de Paresh de 2018
qui affirme l’unilatéralisme de Trump. Cette étude est à aborder
quand les élèves maîtrisent déjà les notions d’unilatéralisme et
de multilatéralisme et des exemples récents (Obama, Trump). Le
travail sur l’argumentation est au cœur de l’exercice. Les pages 152-
153 servent de repères notionnels et chronologiques à ce texte.
« Destinée manifeste », unilatéralisme
et multilatéralisme aux États-Unis
Aux fondements de la politique étrangère américaine se trouve
le concept de « destinée manifeste ». En effet, pour Pierre
Mélandri « la relation des États-Unis au multilatéralisme est
gouvernée par leur conviction de représenter une expérience
unique, exceptionnelle, un modèle pour le reste de l’humanité »,
une « cité brillant sur la colline », « le meilleur, le dernier
espoir pour la terre ». Cette conviction a toujours instillé
dans leur politique étrangère, sinon un goût pour le retrait
ou l’isolement, du moins une méfiance à l’endroit de tout
engagement contraignant, susceptible d’altérer le modèle idéal
qu’ils se donnent pour mission d’incarner (« Les États-Unis :
la continuation de l’unilatéralisme par d’autres moyens ? »,
Le multilatéralisme, sous la direction de B. Badie et G. devin,
La Découverte, 2007). Cette vision est partagée par Yves Lacoste
qui définit la destinée manifeste comme « [le] destin, [le]
rôle que Dieu aurait manifestement confié à l’Amérique de
développer les valeurs de liberté, de justice et de progrès, de les
étendre le plus possible et de les défendre contre toute tyrannie.
C’est en 1845 que l’idée de la manifest destiny de l’Amérique
a été lancée dans un projet déjà tout à fait géopolitique (avant
la lettre) puisqu’il s’agissait du rattachement du Texas aux
États-Unis. » (« Les États-Unis et le reste du monde », Hérodote,
no 109, 2003). Ce concept de « destinée manifeste » constitue
donc le fondement de la politique étrangère américaine même
s’il fut appliqué à la fois de façon idéaliste (Wilson) et de façon
réaliste (Roosevelt, Nixon).
❚❚ Analyse de documents
Introduction : Pascal Boniface, géopolitologue français, directeur
de l’IRIS, soutient que l’unilatéralisme est « le fondement de
la politique extérieure des États-Unis » dans cet article de
décembre 2017. Quels sont ses arguments ?
- Un État réticent au multilatéralisme :
• un État convaincu de « sa destinée manifeste » (idée d’une
mission civilisatrice des États-Unis, justifiée par leur modèle
de développement fondé sur la démocratie libérale et la foi
chrétienne),
• un État longtemps isolationniste : « America first », du refus
d’adhérer à la SDN en 1919 jusqu’à la politique actuelle de
D. Trump (doc. 2 : 2017 : retrait de l’accord de Paris sur le climat,
retrait de l’Unesco, 2018 : retrait de l’accord sur le nucléaire
iranien et du traité transpacifique).
- L’unilatéralisme, axe principal de la politique extérieure des
États-Unis :
• la difficulté à concevoir la prise de décision collective dans
les relations internationales,
• une attitude renforcée par l’absence de puissance équivalente
(première puissance militaire mondiale, place majeure dans les
organisations internationales mais hégémonie économique
contestée : Chine).
- Cependant, les États-Unis se tournent vers le multilatéralisme
quand celui-ci leur permet de servir leurs priorités :
• l’engagement des États-Unis dans les organisations
internationales depuis 1945 (volonté de Roosevelt, prolongée
par ses successeurs, de favoriser les relations internationales)
afin d’éviter un nouveau conflit planétaire (multilatéralisme
dominant pour endiguer la montée du communisme),
• le multilatéralisme « tempéré » de Barack Obama, afin de
rendre le leadership américain plus légitime et plus attractif
face à la montée de l’antiaméricanisme.
Conclusion : le multilatéralisme, prolongement de l’application
de la « destinée manifeste » par d’autres moyens ?
❚❚ Pour aller plus loin
Multilatéralisme dominant pour endiguer la montée
du communisme
Harry S. Truman (1945-1953) : multilatéralisme dominant (1945 :
création de l’ONU, Banque mondiale, FMI ; 1947 : Plan Marshall,
GATT).
Dwight D. Eisenhower (1953-1961) : politique plutôt multilatérale
(« indépendance dans l’interdépendance ») : renforcement de
l’Otan par exemple dans le cadre de la politique d’endiguement
du communisme.
John F. Kennedy (1961-1963) : multilatéralisme (ratification
de la convention sur l’OCDE : Organisation de coopération
et de développement économiques) mais envoi de troupes
au Vietnam.
Lyndon B. Johnson (1963-1969) : multilatéralisme, mais
renforcement des troupes au Vietnam.
Richard M. Nixon (1969-1974) : multilatéralisme nécessaire pour
pallier l’affaiblissement des États-Unis mais aussi unilatéralisme
(retrait du Vietnam en 1973 et une alliance stratégique avec
la Chine).
Gerald R. Ford (1974-1977) : multilatéralisme dominant :
signature des accords d’Helsinki en 1975, fondant la CSCE
(Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe, avec
participation de l’URSS et des États-Unis).
Jimmy Carter (1977-1981) : politique d’ouverture et de
« coexistence pacifique » avec l’Union soviétique notamment.
Unilatéralisme qui s’affirme
Ronald W. Reagan (1981-1989) : unilatéralisme dominant
(désigne l’URSS comme « l’Empire du mal », et s’attaque à
« la confédération des États terroristes » dont l’Iran et la Libye
dans le Discours sur l’état de l’Union de 1985 ; non-ratification
du traité de Montego Bay, 1982).
George Bush (1989-1993) : multilatéralisme dominant (au
nom du « nouvel ordre mondial », intervention en 1991 contre
l’Irak à la tête d’une coalition internationale constituée dans
le cadre de l’ONU).
William J. Clinton (1993-2001) : multilatéralisme dominant
(accords Rabin-Arafat en 1993 ; intervention et victoire de
l’OTAN en 1999 au Kosovo).
Objet de travail conclusif • La puissance des États-Unis aujourd’hui 71
 George W. Bush (2001-2009) : unilatéralisme dominant (désigne
l’« axe du Mal » après les attentats du 11 septembre 2001,
2003 : intervention en Irak contre le Conseil de sécurité de
l’Onu, refus de faire ratifier et appliquer le protocole de Kyoto
de 1997, refus de reconnaître la Cour internationale de Justice).
Barack H. Obama (2009-2016) : multilatéralisme dominant
(2009 : prix Nobel de la paix pour son encouragement à la
coopération internationale) mais qui peut prendre la forme
d’un « minilatéralisme » (Zaki Laïdi) : montée des accords
bilatéraux en matière commerciale (et non accord multilatéral
à l’OMC) par exemple.
Donald Trump (2016-) : unilatéralisme dominant (2017 : retrait
de l’accord de Paris sur le climat, retrait de l’Unesco, 2018 :
retrait de l’accord sur le nucléaire iranien : doc. 2).
JALON
Points d’appui et zones
d’influence des États-Unis
dans un monde multipolaire
❚❚ Introduction
Le troisième et dernier jalon de l’objet de travail conclusif a
pour thématique les points d’appui et les zones d’influence
des États-Unis dans un monde multipolaire. L’objectif est donc
d’analyser la nature de l’influence des États-Unis sur l’échiquier
diplomatique mondial et sur différents espaces, mais aussi de
comprendre que cette influence repose sur des points d’appui
et qu’elle est aujourd’hui remise en cause par l’émergence de
nouveaux concurrents. Ainsi, la première étude proposée porte
sur la nature des relations entre les États-Unis et l’Europe en
montrant à la fois la persistance de signes d’alliances anciens
et les différents litiges qui émaillent les relations actuelles.
La seconde étude a pour angle d’approche les relations
entre les États-Unis et l’Amérique latine. La finalité est ici de
confronter deux points de vue sur l’importance des relations
latino-américaines pour la première puissance mondiale. Enfin,
la troisième étude de ce jalon se penche sur la question de la
maîtrise des mers par les États-Unis. Longtemps seule et unique
puissance maritime mondiale, la position de leader des États-
Unis semble aujourd’hui remise en cause par l’émergence de
la marine de guerre chinoise.
ÉTUDE
Les États-Unis en Europe,
entre alliances traditionnelles
et volonté de repli p. 162-163
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
Les États-Unis et l’Europe entretiennent des relations étroites
notamment depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Ces
relations ont pris une tournure particulière durant la guerre
froide, période pendant laquelle les États-Unis ont consolidé
leur présence militaire en Europe de l’Ouest, notamment en
72 Thème 2 • Analyser les dynamiques des puissances internationales
Allemagne qui reste aujourd’hui le pays européen accueillant
le plus grand nombre de soldats américains et le deuxième au
monde après le Japon. De nombreux pays européens sont liés
par des accords militaires avec les États-Unis notamment dans
le cadre de l’OTAN comme l’indique le doc. 1. Mais les doc. 2 et 3
montrent bien que les relations entre les États-Unis et l’Europe
sont principalement basées sur l’économie et le commerce.
Dans ce cadre aussi de nombreux accords sont anciens (GATT,
plan Marshall ou plus récemment au sein de l’OMC).
En avril 2007, un Conseil économique transatlantique
(CET) est mis en place entre les États-Unis et l’Union européenne.
Il a pour but d’harmoniser les réglementations et les normes mais
aussi de permettre l’intégration économique transatlantique. Les
États-Unis sont le premier partenaire commercial de l’UE, mais
aussi son principal investisseur. Cependant, malgré l’existence
de ce Conseil, de nombreuses controverses provoquent des
tensions entre les deux partenaires. C’est le cas autour des
subventions publiques dans le domaine de l’aéronautique
avec Airbus et Boeing.
Le doc. 4 atteste des difficultés pour les États-Unis et l’UE de
négocier des traités commerciaux. Les États ne sont plus les
seuls à intervenir dans les négociations puisque la société civile
s’empare de la question des différences de normes et exprime
sa méfiance vis-à-vis de traités comme le PTCI ou le CETA.
❚❚ Réponses à l’activité
Aujourd’hui, l’unilatéralisme américain menace les relations
avec l’Europe qui est pourtant un partenaire très ancien. On
observe ainsi que les États-Unis oscillent entre leur volonté
de maintenir des alliances anciennes, mais aussi un souhait
de se replier.
Les alliances traditionnelles entre les États-Unis et l’Europe
sont surtout des héritages de la Seconde Guerre mondiale.
De nombreux pays européens accueillent des bases militaires
américaines (doc. 1) notamment la Grèce ou l’Allemagne. Les
pays d’Europe de l’Ouest sont également membres du traité
de l’Atlantique Nord, partenariat de défense avec les États-Unis
que ceux-ci financent à hauteur de « 67% » selon le doc. 3.
Enfin les États-Unis et l’Europe sont depuis longtemps des
partenaires commerciaux.
Néanmoins, les États-Unis manifestent de plus en plus une
volonté de repli. L’Allemagne, qui accueille le plus grand
contingent de soldats américains en Europe, risque de voir
35 000 d’entre eux partir. Ce départ ne sera pas sans conséquence
sur l’économie des villes où résident les bases américaines
depuis 1945. Mais les tensions sont surtout commerciales
en raison des subventions publiques aux entreprises dans le
domaine aéronautique avec Airbus et Boeing par exemple.
Les critiques se multiplient aussi autour des exportations
de produits agricoles (doc. 2). Le président Trump souhaite
mettre en place des mesures protectionnistes, en particulier
sur l’acier ou l’aluminium. De son côté, l’UE hésite à s’engager
dans des traités commerciaux comme le PTCI sous pression
de la société civile.
Les tensions sont de plus en fortes entre les États-Unis et
l’Europe, mais les deux restent des partenaires commerciaux
incontournables.
 Les États-Unis et l’Europe, des partenaires aux nombreuses divergences

Groenland
(DANEMARK)

CANADA NORVÈGE
ISLANDE
ROYAUME-
UNI
ALLEMAGNE
508 Bruxelles POLOGNE
BELGIQUE BOSNIE-HERZ.
KOSOVO
ÉTATS- 669 FRANCE MACÉDOINE
DU NORD
OCÉAN UNIS ESPAGNE BULGARIE
PACIFIQUE OCÉAN ITALIE
ATLANTIQUE
Açores GRÈCE TURQUIE
(PORTUGAL)

Des alliances traditionnelles
pays membre de l’OTAN
GUATEMALA
quartier général de l’OTAN
pays accueillant le plus
important contingent de
soldats américains en
Europe (2e au monde)
GRÈCE pays accueillant au moins
une base militaire américaine
Des partenariats privilégiés Des divergences de plus en plus
commerce des services nombreuses
et marchandises en pays ayant refusé
milliers de dollars d’intervenir en Irak en 2002
projet de transfert des 35000
projet de Partenariat
transatlantique soldats américains
de commerce et pays à l’initiative du projet
d’investissement d’une armée européenne
(PTCI)
protectionnisme

ÉTUDE

L’Amérique latine : espace d’influence

des États-Unis p. 164
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
Une puissance a pour ambition de rayonner en dehors de ses
frontières et les États-Unis ne font pas exception à la règle. Depuis
la doctrine Monroe et en dépit des tensions qui traversent le
continent, les États-Unis cherchent à conserver l’Amérique latine
dans leur sphère d’influence. Cette thématique est analysée à
travers deux documents. Le doc. 1 offre le regard du spécialiste
R. E. Ellis sur les relations à l’intérieur du continent. Il insiste sur
l’importance des liens économiques et le rôle essentiel des pays
latino-américains dans la sécurité économique et la prospérité
des États-Unis. Il montre enfin que ces liens sont essentiels dans
un monde où les États-Unis sont soumis à une concurrence de
plus en plus vive. Or, la caricature du doc. 2 nuance ces propos
en rappelant que le président Trump, depuis 2016, cherche
à édifier un mur à la frontière latino-américaine et à mettre
fin aux relations économiques perçues comme inégales et
désavantageuses par le président américain.
La politique latino-américaine du président Trump
Le dessin de presse (doc. 2) montre que les relations
économiques entre les États-Unis et les pays d’Amérique latine
sont perçues par D. Trump comme déséquilibrées et sources
de chômage pour son pays. Il souhaite donc procéder à une
renégociation des accords de commerce en augmentant les
tarifs d’importation, en excluant les migrants et en taxant les
entreprises si elles produisent en dehors du sol des États-Unis.
Ces idées vont à l’encontre de la politique du parti républicain
qui a toujours été partisan du libre-échange. Cependant, la
dépendance commerciale des États d’Amérique latine semble
à nuancer. En effet, seuls 13 % des exportations mexicaines
vont aujourd’hui aux États-Unis alors que la Chine est devenue
le premier pays d’exportation (19 %). Au Chili, les exportations
sont à parts égales entre les États-Unis, l’Asie, l’Europe et les
autres pays du Mercosur. Ce sont surtout le Mexique et Cuba qui
auront à pâtir des conséquences de la politique de Donald Trump.
❚❚ Analyse de documents
Pour R. E. Ellis, les relations économiques et commerciales
entre les États-Unis et l’Amérique latine sont essentielles et
bénéfiques pour les États-Unis. Il insiste sur le fait qu’aucune
autre région du monde n’entretient des relations commerciales
plus étroites avec les États-Unis. Ces relations ne sont pas
unilatérales car, en retour, les pays d’Amérique latine reçoivent
des investissements américains. Ces liens sont donc présentés
comme essentiels pour « la sécurité économique et la prospérité
des États-Unis », en particulier face à l’émergence de nouveaux
concurrents comme la Chine ou la Russie. Cependant, le doc. 2
vient nuancer les propos du R. E. Ellis. En effet, le caricaturiste
montre qu’en lieu et place des relations économiques intenses
défendues par R. E. Ellis, on observe au contraire l’édification
d’un mur, appelé « anti-mexican plan », qui bloque le passage
des camions. Ceux-ci représentent les règles du commerce
mondial (et donc le libre-échange), les relations bilatérales
ou encore le commerce.

Objet de travail conclusif • La puissance des États-Unis aujourd’hui 73


❚❚ Pour aller plus loin
Sur le doc. 2 Donald Trump apparaît fermant la frontière avec
le Mexique dans une volonté de stopper les échanges avec son
voisin, échanges qu’il juge néfastes pour l’économie américaine.
Or, le site de l’Alena montre l’importance économique de ces
échanges qui sont à l’origine de 40 millions d’emplois dont
25,1 millions créés aux seuls États-Unis entre 1993 et 2008. Le
commerce entre les trois pays représente près de 950 milliards
de dollars. L’Alena est souvent perçue comme une entrave pour
l’économie américaine ; or, des millions de fabricants ont pu
profiter de cette association pour exporter plus facilement leurs
productions. Les exportations manufacturières américaines ont
ainsi apporté plus de 1 milliard de dollars en 2018.
ÉTUDE
La domination des mers par
les États-Unis est-elle remise
en cause par la Chine ? p. 165
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
Souvent présentés par les spécialistes comme « les gendarmes
du monde », les États-Unis disposent d’une flotte « offensive »,
l’US Navy. C’est le seul pays à pouvoir assurer une présence
effective sur tous les océans. Or, cette étude permet de nuancer
la suprématie navale des États-Unis en montrant la concurrence
militaire chinoise croissante. Le planisphère proposé invite à
s’interroger sur l’affrontement sino-américain pour le contrôle
des mers et océans du globe. La maîtrise de l’océan mondial
par les États-Unis est de plus en plus concurrencée par la Chine
avec la multiplication de bases navales et l’émergence de zones
de tensions entre les deux pays.
La puissance navale des États-Unis
Grâce à sa dizaine de porte-avions, sa vingtaine de croiseurs,
ses 90 destroyers et frégates et ses 60 sous-marins nucléaires
d’attaque, les États-Unis sont un « thalassokrator », une grande
puissance navale. S’ajoute un incontestable point fort pour la
marine américaine : son réseau de bases et d’alliés, européens
en particulier, qui « cernent » le globe et lui permettent d’être
pré-déployée à proximité de tous les points chauds du monde.
Le pays dispose donc d’une flotte pré-positionnée de 36 navires
répartis en trois groupes basés en Méditerranée, à Diego Garcia
(océan Indien) et à Guam (océan Pacifique). Malgré une flotte
amoindrie avec la fin de la guerre froide et les restrictions
budgétaires, le pays reste la 1re puissance maritime au monde.
Cependant, dans le même temps, la République populaire de
Chine dope sa marine alors que la tension est à son comble
avec ses voisins en mer de Chine. Pékin a construit un second
porte-avions et a l’intention d’en mettre au moins deux autres
en chantier. En manifestant sa présence dans le Pacifique, la
Chine espère démontrer qu’elle est la puissance dominante
dans la région, alors que les États-Unis cherchent à rassurer
leurs alliés en y maintenant leur présence.
La carte proposée se prête particulièrement à l’analyse des
choix cartographiques et de leur mise au service du propos.
Cette analyse technique fait d’ailleurs l’objet d’une question
spécifique sur la projection. Mais, il est possible d’aller plus
74 Thème 2 • Analyser les dynamiques des puissances internationales
loin en interrogeant les élèves sur le choix du centrage (Chine),
des couleurs (contrastes bleu/orange pour opposer les deux
puissances), choix des figurés, etc.
❚❚ Réponses à l’activité
1. La carte montre que les États-Unis sont présents sur tous les
océans du globe grâce à leur flotte stationnée en permanence
comme la IIe flotte dans l’océan Atlantique ou la Ve flotte dans
l’océan Indien. S’ajoutent à cela les bases navales américaines
réparties elles aussi à travers le monde et dans des territoires
stratégiques tels le canal de Panama ou l’île de Guam en plein
océan Pacifique. La présence navale américaine s’illustre encore
par le contrôle des points de passage maritime comme le
détroit de Gibraltar ou le canal de Suez. Ce contrôle permet en
particulier d’assurer la sécurité du commerce maritime mondial.
De son côté, la présence chinoise se matérialise par l’existence
de bases militaires permanentes (Djibouti) ou en projet comme
le Vanuatu ou Sao Tomé. On dénombre actuellement cinq bases
militaires chinoises contre huit américaines. Cette présence
chinoise sur les océans du globe se vérifie aussi par les étapes
portuaires des nouvelles routes de la soie et par le contrôle de
points de passage maritimes, essentiellement dans le Pacifique,
tel le détroit de Malacca.
Ainsi, la présence navale américaine semble stabilisée car la
carte ne mentionne pas de projets nouveaux contrairement à
la présence chinoise qui, elle, ne cesse de s’étoffer à travers les
étapes des routes de la soie et la construction de nouvelles bases
navales. De plus, la Chine surveille cinq passages maritimes
stratégiques contre quatre pour les Américains.
2. L’expression « thalassokrator » est la combinaison des mots
thalassa, signifiant « la mer », et kratos « le pouvoir ». Cela indique
donc que les États-Unis sont une puissance maritime. La carte
le montre bien grâce aux bases navales et à la présence des
navires américains sur tous les océans du globe sans oublier le
contrôle des points de passage maritimes stratégiques. La Chine
semble remettre partiellement en cause cette domination des
océans car elle surveille plus de points de passage et multiplie
les projets… Or, à ce jour, cette remise en question n’est que
partielle car les États-Unis sont les seuls à avoir une flotte sur
tous les océans du monde et autant de bases navales actives.
3. La projection est centrée sur la Chine et laisse donc à penser
que la Chine et l’océan Pacifique occupent désormais une
place stratégique dans le monde. Pour renforcer l’impression
d’un déclin des États-Unis et d’une ascendance de la Chine, le
centrage place la Chine en position médiane, tandis que les
États-Unis semblent rejetés en limite de cadre.
❚❚ Pour aller plus loin
Le site de l’Institut international de Stockholm pour la recherche
de la paix apprend que les cinq pays qui ont dépensé le plus
en 2018 sont les États-Unis, la Chine, l’Arabie saoudite, l’Inde
et la France. Ils représentent ensemble 60 % des dépenses
militaires mondiales. Cependant, la moitié des dépenses est
le fait de deux pays : les États-Unis et la Chine. Les dépenses
militaires des États-Unis atteignent 649 milliards de dollars
en 2018 faisant du pays le plus grand investisseur au monde
avec une mise de fonds qui représente presque autant que
l’ensemble des huit pays les plus dépensiers. En comparaison,
la Chine, seconde armée mondiale, a dépensé 250 milliards
de dollars en 2018. Ces chiffres confirment la supériorité de
l’armée américaine à travers le monde.
 LEÇON 4
La puissance
des États-Unis aujourd’hui p. 166-167
❚❚ P
 résentation des documents en lien
avec la problématique
Les documents accompagnant ce quatrième cours « La puissance
des États-Unis aujourd’hui » apportent des éléments de réponse
à la problématique posée : « Pourquoi les États-Unis restent-ils
la première puissance d’un monde devenu multipolaire ? ».
Le doc. 1 permet de mesurer le poids des États-Unis dans
les dépenses militaires mondiales. À eux seuls, les États-
Unis représentent plus du tiers des dépenses en 2017. Il est
intéressant de noter que ce pourcentage fluctue sensiblement
d’une année à l’autre (44 % en 2010). Ce document est donc à
mettre en relation avec le hard power, tandis que le soft power
est illustré par le doc. 2 (parc Disneyland à Shanghai).
La Chine est présentée ici comme un marché à conquérir par les
entreprises américaines, mais elle est aussi de plus en plus perçue
comme un concurrent qui inquiète, comme le montre le doc. 3.
Le schéma fléché au bas de la p. 167 a pour objectif de replacer
les études de l’objet de travail conclusif dans une organisation
plus systémique. Il donne du sens au travail d’exemples réalisé
MÉTHODES BAC
CONSTRUIRE
UN PLAN DE COMPOSITION p. 168
La puissance des États-Unis aujourd’hui :
caractéristiques, fondements
et manifestations
❚❚ ÉTAPE 1 / Analyser le sujet
1. Analyse des termes du sujet
Puissance : la puissance américaine est complète et s’exerce
dans les domaines politique, militaire, économique, financier,
culturel, technologique.
États-Unis : le sujet portant sur la puissance, il se lit nécessairement
à l’échelle mondiale. Même si les États-Unis possèdent sur leur
territoire des lieux de la puissance (Pentagone, Maison Blanche,
Silicon Valley, Hollywood…), celle-ci s’exprime sur l’ensemble
de la planète (déploiement militaire, rayonnement culturel…)
Aujourd’hui : c’est l’histoire contemporaine qui confère aux États-
Unis les fondements de sa puissance. Il est donc nécessaire de
recourir aux connaissances historiques (rôle pendant les deux
guerres mondiales, leadership durant la guerre froide…) pour
expliquer cette puissance.
Caractéristiques : il s’agit de la capacité des États-Unis à faire,
refuser de faire, faire faire et empêcher de faire. Les États-Unis
sont à ce jour le seul État capable d’exercer l’ensemble de ces
Les parcs Disney dans le monde (doc. 2)
Inauguré en 2016, le parc de Shanghai était le 5e parc du groupe
implanté en dehors des États-Unis, et le 1er en Chine (hors Hong-
Kong). Pourtant, la firme a mis du temps à s’implanter dans ce
pays, longtemps critiquée par le gouvernement chinois pour
ses productions cinématographiques retraçant l’histoire du
Tibet (dont 7 ans au Tibet avec Brad Pitt). Même Mulan sorti à
la fin des années 1990 ne trouve pas grâce aux yeux des Chinois
qui considèrent cette héroïne trop occidentalisée et ridicule.
En 2017, le parc de Shanghai a accueilli 11 millions de visiteurs
(plus que les 9,6 millions de visiteurs de Disneyland Paris), un
démarrage prometteur pour la firme qui a calculé que 330 millions
de personnes vivaient à moins de trois heures de route du site.
dans les pages précédentes puisqu’il participe à illustrer la
leçon sur la puissance des États-Unis aujourd’hui. Ce peut
être un bon point d’appui pour la préparation d’un sujet de
composition susceptible d’être proposé à l’examen. Il est
possible de soumettre aux élèves un exercice concret en utilisant
ce schéma pour préparer le brouillon de la composition amorcée
p. 168 ou pour préparer le sujet zéro proposé par éduscol :
quels sont les différents aspects de la puissance des États-
Unis d’Amérique aujourd’hui ? Vous prendrez en compte les
champs diplomatiques et militaires, les champs économiques
et financiers et les champs culturels.
caractéristiques, même si la Chine se dote aujourd’hui des
outils pour égaler le rival américain.
Fondements : les États-Unis possèdent à la fois des fondements
traditionnels de puissance (la richesse et l’immensité de
son territoire, le dynamisme démographique et culturel de
sa population, l’ampleur de son arsenal militaire et de son
déploiement dans le monde…) et des fondements indirects
(supériorité dans les technologies numériques, poids de
l’anglais…).
Manifestations : la puissance des États-Unis se manifeste comme
une puissance établie et se mesure à toutes les échelles (locales
avec des lieux de puissance, régionale avec l’influence majeure
jouée sur le continent américain et au niveau planétaire).
2. Choix de la problématique
La problématique 2 est sans aucun doute la plus riche. La
première ne porte que sur les facteurs de puissance, tandis que la
problématique 3 ne s’intéresse qu’aux formes de cette puissance.
❚❚ ÉTAPE 2 / Construire le plan de la composition
1. C’est le premier plan qui répond le mieux au sujet, celui-
ci étant très précis dans sa formulation (caractéristiques,
fondements, manifestations). Il n’est pourtant pas impossible
de choisir le deuxième plan proposé, en veillant alors à
présenter systématiquement, à l’intérieur de chaque partie,
les caractéristiques, les fondements et les manifestations de
la puissance des États-Unis.
Méthodes Bac 75
 2. Les thèmes peuvent être classés de la manière suivante : Les Hongrois de leur côté sont tous en position d’humilité,
voire de soumission : ils ont ôté leur chapeau et le personnage
Les caractéristiques Les fondements Les manifestations le plus en bas de l’image esquisse un agenouillement, de la
de la puissance de la puissance de la puissance même façon que son roi.
des États-Unis des États-Unis des États-Unis
- Cette miniature ottomane de la seconde moitié du xvie siècle
hard power 1er réseau diplomatique déploiement planétaire illustre parfaitement le développement de la puissance
« gendarme au monde capacité de projection de Soliman le Magnifique en Europe centrale et orientale.
du monde » réseau d’alliances militaire En effet, il parvient par la force de ses armées à soumettre des
1re puissance hérité de la guerre bouclier américain pour rois, comme ici Jean Sigismond de Hongrie. L’organisation de
économique froide le Japon l’image souligne cette hiérarchie : Soliman le Magnifique au
mondiale 800 bases militaires unilatéralisme sommet, assis sur son trône, entouré à un niveau légèrement
soft power dans le monde
multilatéralisme inférieur par sa cour. Les Hongrois sont situés dans la partie
smart power siège de l’ONU inférieure de l’image, en position de soumission : cette posture
« America first »
126 des 500 premières correspond aux conquêtes ottomanes en Europe de l’Est et à
brain drain la soumission des principautés de Hongrie et des Balkans au
FTN mondiales
dette à l’égard de la Chine cours du xvie siècle.
Hollywood
concurrence des pays
GAFAM
émergents
culture mainstream
zone d’influence ÉTUDIER UN TEXTE p. 170
Wall Street traditionnelle en
Amérique latine Le port du Pirée en Grèce, une étape clé
des « nouvelles routes de la soie » ?
Question 1
ÉTUDIER UNE ŒUVRE ARTISTIQUE p. 169 - L’idée principale du texte, à savoir les étapes des
L’Empire ottoman au temps de Soliman, « nouvelles routes de la soie », n’apparaît pas littéralement
dans le texte. Pourtant, on devine que l’achat du port du
une puissance respectée en Europe Pirée constitue une étape de ce vaste programme chinois.
Dévoilé en 2013 par la Chine, ce projet vise à développer des
Le règne de Soliman le Magnifique voit le développement
infrastructures de transport entre la Chine et l’Europe grâce à des
des arts à la cour, notamment la peinture. Les miniatures que
partenariats avec les États traversés. Il a aussi pour objectif de
nous avons conservées du règne de Soliman le Magnifique
sécuriser l’approvisionnement chinois, faciliter ses exportations
sont toutes anonymes. Elles émanent d’un art de cour, qui
et renforcer son influence.
témoigne du dynamisme culturel de Constantinople et de
l’Empire ottoman, mais elles peuvent aussi être analysées par - Le texte est un article du journal La Croix écrit en 2016, au
le biais de leur contenu. moment où la Chine investit en Grèce. Le dessin évoque les
critiques qui accompagnent les investissements chinois.
Question 1
La Chine est représentée par un grand panda déguisé en homme
- Cette miniature anonyme est issue de la cour ottomane. Elle d’affaires. Il tient une valise pleine de billets, ce qui symbolise
présente la réception par Soliman le Magnifique (1520-1566) les investissements, et se poste derrière un personnage en
de Jean Sigismond, roi de Hongrie (1540-1570) et de son pleurs, la Grèce, qui enlace un portique de déchargement de
ambassade à Constantinople. Ottomans et Hongrois sont conteneurs figurant le port du Pirée. Le personnage, en tenue
aisément reconnaissables par leur couvre-chef (turban pour de la Grèce antique, rappelle que ce port du Pirée a contribué
les Ottomans, chapeau, ici dans leurs mains, pour les Hongrois). à l’histoire et au prestige d’Athènes durant l’Antiquité.
- Il s’agit d’un contexte de développement de l’Empire ottoman Question 2
en Europe centrale. En 1552, le sultan envahit les terres hongroises
- Le port du Pirée constitue un atout pour les nouvelles routes
et fait du roi un vassal de l’Empire. C’est cette scène qui est
de la soie chinoises car il donne accès aux marchés de l’Europe
illustrée ici. Cette miniature, d’origine ottomane, est destinée
du Sud et de l’Est, bien placé sur la voie commerciale entre
au sultan lui-même.
l’Asie et l’Europe. C’est un point d’appui pour concurrencer
Question 2 les ports de Malte ou d’Algésiras.
- Soliman est assis sur son trône, en haut de l’image. C’est le - Le rachat procède d’une logique d’entreprise car la Chine,
personnage à la position la plus éminente sur l’image, entouré par l’intermédiaire de l’armateur Cosco, a racheté une part du
de sa cour. capital du port à l’État grec afin de devenir majoritaire.
- Jean Sigismond s’agenouille devant le sultan. Il a ôté son Question 3
chapeau et se place dans une position de soumission par
- Les conséquences du développement des nouvelles routes
rapport à Soliman. Il est placé dans la partie basse de l’image,
de la soie sont nombreuses : en Chine, d’abord, elles modifient
pour renforcer sa position d’infériorité.
l’aménagement du territoire, donnant une place croissante
Question 3 à ses territoires de l’Ouest jusque-là marginalisés. Dans les
- On distingue très clairement les différents groupes présents États traversés, elle ouvre des possibilités d’échanges avec la
sur cette image. Le sultan et les membres de la cour portent Chine qui investit dans les infrastructures de transport mais
le turban, tandis que les soldats sont couverts d’un chapeau également le long de ces infrastructures, donnant naissance
caractéristique. On peut distinguer en haut à droite les gardes du à des corridors de développement, comme celui qui traverse
palais placés derrière les murailles. Ils se tiennent tous debout. le Kazakhstan.

76 Thème 2 • Analyser les dynamiques des puissances internationales

- Certains pays voient leurs intérêts dans ce programme chinois. 2. La Russie est une puissance ré-émergente car, après la fin de la
Il s’agit des pays qui, concernés par ces investissements, peuvent guerre froide et l’implosion de l’URSS, la Russie a traversé une crise
y puiser un développement économique et social (Kazakhstan, grave. Si elle représentait la deuxième superpuissance jusqu’en
Pakistan). Ce peut être aussi le cas de pays qui espèrent nouer 1991, face aux États-Unis, la mutation du pays s’est accompagnée
de plus fortes relations avec la Chine (Russie, pays d’Europe d’une amputation de son territoire (la Russie n’est que la plus
occidentale). À l’inverse, certains États y voient une menace grande des quinze républiques qui composaient l’URSS), de la
car ces nouvelles routes de la soie confortent la puissance destruction de son tissu industriel (qui était presque exclusivement
mondiale de la Chine (États-Unis, Japon, Inde). mis au service de l’effort d’armement). Elle peut cependant
toujours compter sur son arsenal militaire et sur l’héritage politique
de l’URSS. Si son économie connaît des difficultés (manque de
PRÉLEVER LES INFORMATIONS diversification), l’importance des ressources naturelles lui assure
D’UN DOCUMENT p. 171 un minimum de croissance (ce qui caractérise les puissances
émergentes), même si les défis socio-économiques (fuite des
Les nouvelles technologies : une forme élites, population en stagnation) restent forts.
indirecte de la puissance des États-Unis
Question 1 – Le document proposé à l’étude est un texte SUJET D’ENTRAÎNEMENT p. 173
extrait du Grand Atlas 2019 de Franck Tétart, géopolitologue.
Il évoque le rôle de l’innovation dans les fondements de la
L’anglais et le français dans les relations
puissance des États-Unis. internationales
Questions 2 et 3 – Les réponses peuvent être présentées 1. Le français et l’anglais sont des langues majeures dans les
dans le tableau suivant. organisations internationales comme le prouvent les deux
documents proposés. Le doc. 2 montre que ces deux langues
Prélever les Associer les informations sont presque systématiquement des langues officielles des
informations aux connaissances grandes organisations internationales. Le doc. 1 indique que
Les fondements - « Californie à avec le plus grand cluster l’usage du français à l’ONU est tenace. Ceci s’explique par le
de la puissance arrive en tête » mondial, la Silicon Valley, la rôle historique majeur de la France et du Royaume-Uni dans la
des États-Unis Californie est le centre mondial conquête coloniale qui a assuré une diffusion planétaire de leur
des activités numériques : Apple, langue respective. De plus, ces deux États ont développé des
Google, Facebook… outils pour soutenir leur rayonnement linguistique : Organisation
- « potentiel à Harvard à Boston, Columbia à internationale de la francophonie, Alliance française, British
universitaire New York council, sont autant de vecteurs du rayonnement linguistique
exceptionnel » mais également MIT
francophone et anglophone. Le poids des États-Unis dans le
- « Hauts lieux à Silicon Alley à New York ;
de l’innovation Route 128 à Boston
monde a contribué à faire de l’anglais un outil de puissance.
mondiale » 2. Le doc. 1 présente le français comme une langue en danger.
- « hégémonie à Internet est né aux États-Unis Il est vrai que le nombre d’États ayant le français comme
historique » langue officielle diminue, mais le monde francophone,
Les manifestations - « GAFAM » à Google, Apple, Facebook,
quant à lui, progresse, notamment sous l’effet de la transition
planétaires de Amazon, Microsoft = leaders démographique africaine. Le français joue encore un rôle
cette puissance dans leur domaine respectif majeur, supérieur au chinois par exemple qui n’est pas une
technologique - « 42 % des data à rôle des métropoles langue officielle ou une langue de travail des organisations
centers » américaines dans l’accueil de ces internationales. Mais la Chine multiplie les efforts pour que
centres de données sa culture et sa langue soient aussi reconnues, notamment
(New York, San Francisco…) grâce aux instituts Confucius. Cette dynamique, associée à
- « organisation, à adresses sur le web attribuées celle de l’arabe profitant de la vitalité de l’islam, peut alors
régulation et par une entreprise américaine laisser planer un doute sur la pérennité de la langue française
contrôle » dans les relations internationales.

SUJET D’ENTRAÎNEMENT p. 172

LE GRAND ORAL p. 174-175

La Russie depuis 1991, une puissance ­ L’héritage colonial, un atout pour

ré-émergente ?
1. La puissance russe s’exprime dans des domaines divers
depuis 1991 : militaire (annexion de la Crimée en 2014, arsenal
hérité de la guerre froide) ; diplomatique (siège permanent
au Conseil de sécurité de l’ONU) ; économique (économie
de rente : importance des ressources naturelles ; capacités
technologiques). Sa situation géographique en fait aujourd’hui
un État stratégique entre la Chine et l’Europe.
la puissance des États européens
❚❚ ÉTAPE 1 / Choisir son sujet
1. Analyse des termes du sujet
héritage colonial : ensemble des éléments matériels (œuvres
détenues dans les musées…) ou immatériels (présence
linguistique…) du monde actuel qui sont la conséquence
de la domination coloniale d’une partie du monde par les
Européens, essentiellement entre 1850 et 1970.

Méthodes Bac 77
 puissance : capacité d’un État à agir sur le monde qui l’entoure, Le sujet porte donc sur des États européens qui ont été des
grâce à son poids territorial, démographique, économique, acteurs de la colonisation, mais a pour cadre l’ensemble des
diplomatique et culturel, lui permettant d’avoir une influence pays du monde qui ont connu cette colonisation.
durable sur les sociétés.

3. Carte mentale de l’Empire colonial britannique :

« Relation
OTAN ONU
spéciale »

dans les organisations

avec l’Europe avec les États-Unis
internationales

Réorienter ses relations

internationales

La fin de l’Empire colonial,
Maintenir son Conserver sa
un tournant pour
influence souveraineté
la puissance britannique

territoires
d’outre-mer
en Afrique, Commonwealth domaine militaire,
Inde, Asie, linguistique
Canada, Océanie et commercial

Gibraltar, îles intérêt intérêt

des Antilles, économique géopolitique
Sainte-Hélène,
îles Malouines

3. Correction possible pour le choix de l’Empire colonial français :

Couple franco-allemand, dans les organisations

construction européenne internationales

Réorienter ses relations

internationales

La fin de l’Empire colonial,
Maintenir Conserver
un tournant pour
son influence sa souveraineté
la puissance française

Présence militaire, Francophonie, Territoires Tensions

« Françafrique »
linguistique, aide Alliance d’outre-mer
au développement française

Intérêt Référendum Indépendantismes

Nouvelle-Calédonie

géopolitique scientifique économique

78 Thème 2 • Analyser les dynamiques des puissances internationales

4. Problématiques possibles :
Comment le maintien de la souveraineté britannique sur des
territoires d’outre-mer lui a-t-il permis de préserver une partie
de sa puissance ?
Comment la réorientation de ses relations internationales
a-t-elle permis au Royaume-Uni de maintenir sa puissance ?

❚❚ ÉTAPE 2 / Collecter et organiser ses informations

Le travail en collaboration avec le professeur documentaliste est
indispensable durant cette phase de collecte d’informations qui
peut se faire sur le temps de cours, encadré par les professeurs,
ou sur le temps personnel.

❚❚ ÉTAPE 3 / Organiser un entraînement à l’oral

L’entraînement en petits groupes d’élèves est une alternative au
manque de temps pour faire passer individuellement chaque
élève au tableau.

RÉVISION p. 177

Mer Noire

TURQUIE
Mer
Méditerranée

puissance puissance puissance Turquie en 1920 territoire perdu

établie ascendante ré-émergente par l’Empire ottoman

Boston
(MIT,
Harvard) RUSSIE
New York
Washington (ONU,
(Maison Blanche, Pentagone) Broadway...)
Los Angeles
(Hollywood)
CHINE
OCÉAN
PACIFIQUE
INDE
Russie CEI (Communauté Organisation
lieu de la puissance des États-Unis des États de coopération
indépendants) de Shanghai

Méthodes Bac 79
 THÈME Étudier les divisions
3 politiques du monde :
les frontières
OUVERTURE p. 178-179
❚❚ Introduction
Du slogan de Mai 68 « Les frontières on s’en fout ! » à L’obsession
des frontières expliquée par Michel Foucher en 2012, le rôle
des frontières dans la géopolitique contemporaine n’a cessé
de se renforcer. La compréhension de leurs enjeux accrus
dans l’organisation de l’espace, leur place dans les rivalités de
pouvoirs est l’objectif principal de ce thème d’étude.
La frontière façonne les paysages : les multiples étranglements
routiers lors du passage de la frontière (France / Espagne) en
sont un exemple. Au sein de l’espace Schengen, les contrôles
douaniers statiques sur la ligne-frontière sont interdits, ainsi,
les anciens postes de douane disparaissent ou sont laissés à
l’abandon. La structure paysagère de la rupture est affirmée.
Chacun a pu observer les changements de revêtement routiers,
de largeur des axes de circulation au passage de la frontière. Dans
un autre domaine, l’étalement urbain inégal et dissymétrique le
long de la frontière États-Unis / Mexique souligne un différentiel
frontalier très puissant : l’attraction ne s’exerce que dans un
sens, ce qui génère des effets morphologiques très nets.
La frontière : géopolitique et géographique
Le mot « frontière » vient de « front », terme militaire qui
désigne la zone de contact avec une armée ennemie. Cette
ligne est mouvante en fonction des rapports de force. À partir
du xviie siècle, la frontière devient progressivement une ligne
bornée, limite entre deux États. C’est bien la construction de
l’État-nation qui donne alors à la frontière un sens politique
et s’appuie parfois sur le concept de frontière naturelle (voir
p. 180) : elle est le résultat d’un rapport de force entre deux
souverainetés. La frontière est ainsi indissociable du concept
de puissance et de l’État. La frontière est donc un objet
géopolitique.
Mais elle est aussi un objet géographique qui organise les
territoires (mobilités, effets de lieux, paysages…). La frontière
est associée à un système de contrôle puissant plus ou moins
explicite (système de défense, contrôle douanier, etc.) dont
l’objet premier est de protéger, mais aussi de laisser circuler
en filtrant et en prélevant (la frontière devient ressource).
Certains échanges sont générés par la présence de la frontière
(différentiel). Ainsi, la frontière n’est pas toujours une simple
ligne, elle est surtout un espace dont l’épaisseur varie dans le
temps (effets-frontière).
80 Thème 3 • Étudier les divisions politiques du monde : les frontières
Bibliographie
Amilhat Szary Anne-Laure, Qu’est-ce qu’une frontière
aujourd’hui ?, PUF, 2015.
Foucher Michel, L’obsession des frontières, Tempus, 2012.
Foucher Michel, Frontières d’Afrique. Pour en finir avec un mythe,
CNRS Éditions, 2014.
Moullé François (dir.), Frontières, Presses universitaires
de Bordeaux, 2017.
Zajec Olivier, Frontières. Des confins d’autrefois aux murs
d’aujourd’hui, Chronique éditions, 2017.
Wassenberg Birte et Aballéa Marion, « Frontières, géopolitique et
relations internationales. Mélanges pour Jean-Christophe Romer »,
Fare Cahiers no 16, L’Harmattan, 2019.
Sitographie
« Les frontières dans Google Maps, un enjeu géopolitique »,
sur le site EducTice de l’ENS de Lyon : http://eductice.ens-lyon.fr/
EducTice/recherche/geomatique/veille/sites/lettre-info/articles/
lettre-nb011/frontieres-google
Exposition « Frontières » (novembre 2015-juillet 2016), site de
l’exposition : http://www.histoire-immigration.fr/agenda/2015-06/
exposition-frontieres
Les frontières sont le produit d’un processus de territorialisation
permanent, lié à la structuration des États-nations et à la
formation des villes. Actuellement, dans un contexte de
mondialisation, les flux transnationaux semblent perforer les
frontières étatiques, faisant reculer les limites des compétences
des États. L’hétérogénéité spatiale est-elle ainsi menacée ?
Y a-t-il uniformisation des territoires ? Dans le même temps,
de nouvelles frontières apparaissent (Europe centrale et
orientale), d’autres se renforcent et deviennent beaucoup
plus visibles et filtrantes. Comment tous ces processus, en
apparence contradictoires, façonnent-ils les territoires ?
Comment les frontières se sont-elles formées ? Quelles en
sont les dynamiques ?
❚❚ Choix des documents d’ouverture
La double page d’ouverture de ce chapitre permet une
variété d’accroches introductives avec les élèves. La frise
chronologique, qui montre quatre temps historiques de
leurs dynamiques, est à la fois un outil et un objet d’étude.
Le doc. 2 est une photographie récente de la frontière serbo-
hongroise, récemment fortifiée par le chef d’État hongrois Viktor
Orban, pour stopper les flux migratoires du Moyen-Orient.
Ce document porte ainsi sur deux thèmes des repères 1 et 2
du chapitre : les formes et les dynamiques des frontières. Dans
la vidéo, Bruno Tertrais, politologue, décline plusieurs thèmes
et/ou idées reçues : les frontières naturelles, les frontières de
la colonisation, le tracé des frontières et les conflits, le monde
serait en voie d’enfermement, la consolidation des frontières.
❚❚ Réponses aux questions
1. Les sociétés peuvent utiliser le milieu pour y adosser
une frontière : c’est le cas de la quadruple frontière entre la
Namibie, la Zambie, le Botswana et le Zimbabwe autour du
fleuve Zambèze (doc. 1). La frontière dite « naturelle » justifie
l’expansionnisme d’un État en lui fixant une limite spatiale
(le Rhin pour la France) (vidéo).
2. Une frontière naturelle est surtout un acte politique (vidéo)
qui est le résultat d’un rapport de force entre deux États ou
une réaction à un problème posé à un État (doc. 2). Ainsi, dans
l’histoire, ce sont de grandes conférences, des traités, des
conventions (frise) qui ont fixé ou qui organisent l’établissement
de frontières (la conférence de Potsdam et la reconnaissance
de la frontière germano-polonaise).
3. Depuis la fin de la guerre froide (frise, vidéo), le monde connaît
une période de consolidation des frontières. Bruno Tertrais
THÈME 3
INTRODUCTION
Les frontières dans le monde
d’aujourd’hui
REPÈRES 1
Les formes des frontières p. 180-181
❚❚ P
 résentation des documents et des liens
possibles entre eux
La logique de cette double page est organisée simplement
en quatre temps chronologiques pour montrer l’évolution
des formes des frontières dans le monde. Chaque synthèse
est accompagnée d’un document illustratif. Chacun de ces
binômes peut être articulé à des études de ce chapitre pour
approfondissement. Celui sur la frontière naturelle (A et doc. 1)
et la frontière-pont (C et doc. 3) trouve son prolongement dans
l’étude sur la gestion des frontières des États-Unis vue par le
cinéma (p. 192-193). Celui sur la frontière-mur (B et doc. 2) est
lié à l’étude sur la frontière entre l’Inde et le Bangladesh (p. 189).
Enfin celui sur les nouvelles formes des frontières (D et doc. 4) se
rapporte à l’étude sur les aéroports internationaux (p. 190-191).
La bande de Caprivi : une frontière en « queue
de poêle » (doc. 1)
La colonisation allemande a déterminé la forme actuelle du
territoire namibien. Au nord et au sud, les fleuves Okavango
et Orange servent de limite. Ailleurs, on peut constater des
tracés rectilignes, dans des espaces désertiques. À l’est, la
frontière suit ainsi le 20e méridien est. À l’extrémité nord-est,
le couloir de Caprivi est en forme de « queue de poêle » selon
le géographe Joan Alpini, (« De la naissance des territoires aux
“queues de poêle” et autres écarts de formes », M@pemonde
no 71, 2003) : un couloir de 480 km, obtenu des Anglais en
1890 par le chancelier Leo von Caprivi pour le compte de
l’Allemagne. Les Allemands ont été les premiers à mettre en
valeur l’intérieur du continent africain grâce, entre autres, à ce
couloir qui leur donne un débouché sur les rives du Zambèze
depuis la baie de Lüderitz (à 1 400 km du fleuve). Les Anglais
avaient bloqué la pénétration allemande par la création du
protectorat du Botswana. La bande de Caprivi permit aux
Allemands l’accès au fleuve. Ce couloir frontalier relève d’une
importance géostratégique pour l’accès au Zambèze : atteindre
l’Afrique australe et l’océan Indien, secteur riche en minerais
et en végétation commerciale.
explique que le principe d’intangibilité (ce que vous possédez
vous l’aurez) prévaut et la frontière existante est celle qui est
destinée à perdurer. On ne trace plus de frontière entièrement
nouvelle. Quand il y a de nouvelles frontières, on utilise des
frontières régionales préexistantes. Il y a bien un achèvement
de la consolidation de la division du monde avec des frontières
terrestres (murs, barrières – doc. 2, smart borders) et maritimes
(convention de Montego Bay).
Les frontières aériennes : des frontières en 3D
La géographe Anne-Laure Amilhat-Szary prolonge la réflexion
sur les nouvelles frontières en parlant de frontières en 3D.
En effet, si le xxie siècle connaît une dynamique d’appropriation
territoriale forte dans les mers et océans (p. 218-219), les frontières
actuelles ne sont plus seulement un objet géographique en deux
dimensions : l’appropriation territoriale se poursuit au-dessus
(et au-dessous) de la surface de la terre. Dans l’espace aérien,
le droit international s’applique, verticalement, sur 100 km
d’altitude. Au-delà de la turbopause, frontière supérieure de
l’atmosphère, la question du partage territorial spatial se pose
lors des lancements de satellites. Horizontalement, la limite d’un
espace aérien national a d’abord été fixée par la convention de
Chicago (1944) à 12 miles nautiques. Depuis 1982, elle est aussi
fixée par la convention de Montego Bay sur le droit de la mer,
dont l’article 58 définit la liberté de survol des ZEE. L’espace aérien
national est donc réduit essentiellement à sa portion terrestre.
L’espace aérien international est aujourd’hui divisé en FIR (Flight
Information Region) gérées par les États qui l’acceptent.
Introduction • Les frontières dans le monde d’aujourd’hui 81
 ❚❚ Réponses aux questions
1. Certains éléments de la nature servent toujours de frontières
aujourd’hui (le Rhin entre la France et l’Allemagne). Les murs,
du limes romain au « mur de Trump », perdurent. Enfin les
ponts sont toujours des frontières symbolisant la coopération
transfrontalière (les ponts de l’amitié). Leur persistance est liée
à l’histoire qui a ancré le découpage frontalier entre les pays.
Les formes anciennes (comme les murs) peuvent être réactivées
par la volonté politique (mur mexicano/états-unien).
2. Les smart borders prennent des formes ponctuelles (contrôle
dans les aéroports) mais aussi linéaires (mur électrifié entre la
Russie et l’Ukraine). Le point commun entre ces deux formes
est qu’elles sont toujours équipées de haute technologie
permettant soit la reconnaissance des frontaliers, et donc leur
contrôle et leur filtrage, soit un obstacle à tout flux migratoire
non désiré.
REPÈRES 2
Les dynamiques des frontières p. 182-183
❚❚ P
 résentation des documents et des liens
possibles entre eux
La double page repères 2 vise à montrer l’évolution des
formes des frontières dans le monde. Chaque synthèse est
accompagnée d’un document illustratif. Cette organisation
en binômes est à prolonger dans les études de ce chapitre
pour approfondissement. Celui sur les frontières coupures
(A et doc. 1 et 2) peut être complété par l’étude sur les nouvelles
frontières, un défi pour la stabilité entre les États (p. 186-187).
Celui sur les frontières coutures (B et doc. 3 et 4) est lié à l’étude
sur des frontières plus nombreuses en Europe (p. 184-185) et à
celle sur la faiblesse des frontières du Sahara (p. 188).
Territoire et effet frontière
L’économiste Claude Courlet (« La frontière, coupure ou
couture ? Approches de théorie économique », Économie et
humanisme, no 301, 1988) montre comment les dynamiques
des frontières produisent des territoires. Il convient de prendre
en compte la différence entre frontières-lignes et frontières-
zones. En effet, si la frontière politique est une ligne (en raison
de son tracé et son statut juridique), on ne peut restreindre la
dimension spatiale de la frontière à la seule ligne : la frontière
couture produit une zone frontalière, un espace transfrontalier
dynamique, alors que la frontière coupure, la frontière-ligne
sépare des espaces frontaliers bien distincts, mais chacun se
construit par cet effet de fermeture. Les frontières interviennent
de manière déterminante dans la structuration des espaces
qu’elles affectent. Il existe un effet-frontière, que celle-ci soit
ouverte ou fermée : des systèmes spatiaux originaux introduits
par une rupture marquée dans l’organisation de l’espace
géographique. Cette rupture est d’autant plus forte que la
séparation est vive. Elle engendre des effets qui perdurent
souvent au-delà des acteurs qui les ont institués, car les traces
subsistent dans les représentations sociales et les pratiques
des acteurs (m ur de Berlin). Cet effet-frontière se manifeste en
dégradé à partir d’elle : la bande des 10 km de part et d’autre
est la « zone frontalière » ; au-delà, l’influence de la frontière
décroît progressivement, mais de façon souvent dissymétrique,
et parfois irrégulière.
82 Thème 3 • Étudier les divisions politiques du monde : les frontières
❚❚ Pour comprendre
Il existe deux grandes dynamiques des frontières aujourd’hui :
les frontières coupures et les frontières coutures. La première
sépare vivement les États (murs barbelés entre le Maroc et
l’Espagne). La frontière est alors linéaire et fine. Cette dynamique
frontalière est particulièrement présente en Europe de l’Est,
au Moyen-Orient et en Asie du Sud. La seconde organise les
relations entre les États et produit un espace frontalier plus ou
moins épais (triple frontière d’Iguazu) et plus ou moins traversé
par des flux (Laponie).
ÉTUDE
Des frontières plus nombreuses
en Europe depuis la chute
du mur de Berlin p. 184-185
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
Le premier objet d’étude du thème 3 est consacré à la
multiplication des frontières en Europe depuis 1989 pour
répondre à l’item du programme « Des frontières de plus en
plus nombreuses ». L’objectif est de comprendre et d’analyser
les processus politiques à l’œuvre dans l’apparition de nouvelles
frontières et leurs enjeux. Cela permet aussi de montrer que
les frontières ne sont pas figées et que leur nombre est peut-
être amené à augmenter à l’avenir. Cette étude se compose
tout d’abord d’une carte (doc. 1) qui illustre l’évolution du
nombre d’États en Europe depuis la chute du rideau de fer
et l’augmentation du nombre de frontières en kilomètres.
Cette carte complète le doc. 2 qui explique les origines de
ces évolutions frontalières. Les derniers documents abordent
les tensions liées aux frontières et leurs évolutions possibles.
Le doc. 3 se consacre aux mouvements régionalistes et
indépendantistes à travers l’Europe tandis que le doc. 4 propose
une caricature d’un de ces mouvements indépendantistes,
la Catalogne. Le doc. 5 offre le regard d’un spécialiste sur le
développement de ces pouvoirs locaux et régionaux et leur
désir d’indépendance.
Le régionalisme dans l’Union européenne (doc. 4)
La construction de l’Union européenne a affaibli certaines
prérogatives des États mais, en parallèle, de nombreux fonds
européens agissent au niveau régional. Ces deux mouvements
renforcent les aspirations d’autonomie des régions, qui
ne souhaitent pas pour autant quitter l’UE. Cependant,
les États membres de l’Union redoutent les mouvements
indépendantistes. L’Espagne, par exemple, serait affaiblie
d’un départ de la Catalogne qui amputerait son PIB et ses
exportations et amoindrirait son attrait touristique. Le succès
d’un mouvement indépendantiste susciterait d’autres velléités :
au Pays basque espagnol, en Corse, dans le Haut-Adige italien...
La position officielle de l’Europe se clarifie : elle considère que
chaque État doit gérer les initiatives autonomistes en son sein
et que si une région fait sécession d’un État de l’Union, elle
passerait par le lourd processus d’adhésion à l’Union.
❚❚ Réponses aux questions
1. Le doc. 1 montre que l’Europe comptait 34 États en 1989
contre 49 en 2019 occasionnant une hausse du nombre de
frontières de 14 000 km. Parmi les nouveaux États créés, on
peut mentionner l’Ukraine, la Biélorussie ou encore la Lettonie. La frontière soudanaise (doc. 1)
Si ces États et frontières sont apparus, c’est en raison de la La frontière de 1 800 km entre Soudan et Soudan du Sud a
fin de la guerre froide et de la fin du rideau de fer (doc. 2). été reconnue par les traités de paix de 2005, en prévision
Ainsi, la chute du bloc de l’Est, l’effondrement de l’URSS et de l’autodétermination de 2011. C’est une ancienne limite
l’éclatement de la Yougoslavie ont entraîné l’apparition de ces administrative, mais la situation est complexe dans l’Abyei :
nouveaux pays et donc de nouvelles frontières. Cette situation un temps rattaché administrativement au Nord, la région
amène F. Santamaria à dire que « l’Europe est le continent est peuplée majoritairement de Dinka, mais aussi parcourue
géopolitiquement le plus neuf ». À l’ouest, les frontières sont par les nomades arabes Misseriya du Nord. Lors de la guerre
plus stables. civile, les Dinka demandèrent leur rattachement au Sud.
2. De nombreux mouvements régionalistes apparaissent en Le référendum local prévu n’a cependant jamais été organisé :
Europe tels les exemples de la Flandre, du Pays basque ou de le Nord exige l’inclusion des nomades arabes dans le corps
la Corse (doc. 3). Ces mouvements souhaitent défendre leurs électoral, ce que refuse le Sud. La région, toujours très instable,
particularités culturelles ou politiques pouvant conduire à la est occupée par une force de l’ONU, la FISNUA, qui compte
revendication d’un territoire autonome. Cette revendication 4 800 membres (2019).
peut entraîner l’apparition de nouveaux États et donc de
frontières. Le doc. 4 présente l’exemple concret de la Catalogne :
on voit sur la caricature le roi d’Espagne, impuissant, qui observe ❚❚ Réponses à l’activité
un homme arborant dans le dos le drapeau de la Catalogne, Une nouvelle
au Soudan du Sud au Timor-Oriental
en train de découper à la scie un territoire, sa région, pour la frontière…
séparer de l’Espagne. Une femme représentant l’Europe regarde … née Naissance conflictuelle : Naissance conflictuelle :
également la scène ; elle semble à la fois impuissante et peut- de façon les régions du Sud n’ont l’annexion indonésienne
être étonnée d’assister à cette scène. Le doc. 5 de Bertrand pacifique ou jamais accepté le pouvoir n’a été acceptée ni par la
Badie explique que ces mouvements indépendantistes sont conflictuelle ? du Nord, la guerre population locale ni par la
amenés à se multiplier dans un monde qui souhaite redonner civile dans la région communauté internationale,
de la place et du pouvoir au local en lien direct avec un réveil n’a quasiment jamais des violences durant toute
des identités culturelles. Dès lors, nombre de frontières sont cessé, des interventions la période de domination,
contestées en Europe comme le Donbass en Ukraine. étrangères ont été facteurs une guerre civile après
de déstabilisation (États- l’indépendance (doc. 3).
Unis) (doc. 3). Cependant, l’ONU a constitué
ÉTUDE une force de stabilisation
en accompagnant le pays
vers l’indépendance et en
Les nouvelles frontières, contribuant à éteindre la
un défi pour la stabilité guerre civile (2006-2012)
(doc. 3).
entre les États p. 186-187
… acceptée Contestée : sur de Acceptée : la majeure
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents ou contestée ? nombreuses portions, partie de la frontière a
notamment en raison de été négociée et délimitée
Cette étude illustre la prolifération des frontières (BO : « Des la richesse du sous-sol (matérialisation avec des
frontières de plus en plus nombreuses ») à travers les deux (pétrole), mais aussi parce barrières, panneaux), une
exemples les plus récents au monde de pays situés hors que l’indépendance du autre est encore contestée,
d’Europe : le Timor-Oriental (2002) et le Soudan du Sud Sud est mal acceptée par le avec des négociations
(2011). Elle explore aussi les liens complexes entre frontière Soudan. en cours (désaccord sur
et conflit. Dans les deux cas, la frontière résulte d’une situation l’interprétation des textes).
conflictuelle pré-existante. Si l’établissement de la frontière … qui sépare Sépare deux États rivaux, Le poste-frontière indique
soudanaise n’y a pas mis fin, celui de la frontière timoraise ou unit ? mais de façon artificielle clairement la séparation
montre comment la négociation du tracé est facteur d’une (coupe les parcours du entre les deux États mais
lente, mais réelle, stabilisation. La similitude des deux cas est bétail, sépare les sites rend le passage possible
soulignée par le doc. 3 (décolonisation, conflits, interventions d’extraction du pétrole des (barrière ouverte) (doc. 5)
internationales, référendum d’autodétermination). Mais dans oléoducs pour l’exporter) et les solidarités des
le cas de la frontière soudanaise, le doc. 1 révèle que la guerre et les passages restent communautés locales
et les tensions se poursuivent, et pourraient même constituer importants (flux de s’exercent encore (doc. 4).
un facteur de déstabilisation plus générale du continent réfugiés) (doc. 1 et 2).
(doc. 2), dont les frontières sont pourtant relativement stables
quoique récentes. … qui crée de Conflits : l’ONU présente Plutôt stabilité : des tensions
Le cas du Timor présente des frontières aux situations plus la stabilité ou pour garantir le calme dans sur les frontières d’Oecussi,
complexes, mais en voie d’apaisement. Le doc. 5 décrit une des tensions ? la province d’Abyei ; les mais la population locale est
frontière pacifiée et acceptée, qui délimite deux territoires tout régions les plus proches favorable à des négociations
de la frontière sont les plus (doc. 4), ainsi que les auteurs
en permettant la coopération. Cependant, l’enclave d’Oecussi
conflictuelles (doc. 1). du doc. 4 (universitaires
relève d’une situation particulière (doc. 4) : c’est un espace de Risque de créer des tensions indonésiens).
coopération spontanée, dans un contexte de tensions entre dans le reste de l’Afrique
deux États qui peinent à s’entendre sur le tracé de la frontière, avec la fin de l’intangibilité
malgré son ancienneté historique. des frontières (doc. 2).

Introduction • Les frontières dans le monde d’aujourd’hui 83

 ÉTUDE forces de sécurité, autrefois peu nombreuses et éparpillées
(doc. 2). Ces dernières exercent une violence croissante sur
les contrebandiers (doc. 2). Enfin, les États voisins du Sud et
La faiblesse des frontières de l’Est imposent des visas aux Libyens pour contrôler leurs
du Sahara p. 188 flux (doc. 1). Cete surveillance accrue est également le fait
d’acteurs extérieurs : États-Unis et Allemagne ont participé
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents au financement de nouvelles infrastructures (doc. 1), tandis
Cette étude prend tout son sens dans l’illustration des items que des organisations internationales promouvant les intérêts
du programme « Des frontières de plus en plus nombreuses » américains (la Fondation Carnegie, source du doc. 2) étudient la
et « Des frontières plus ou moins marquées ». Commencer par situation de ces frontières. Tout cela montre que les frontières
localiser la région sur les cartes p. 202-203 permet de montrer sont un enjeu de plus en plus important dans la région, mais
la création récente de ces frontières, avant de souligner avec pas seulement à l’échelle locale.
le doc. 1 les multiples flux pour définir la notion de frontière 3. Les arguments du débat peuvent être résumés de la manière
poreuse. Il s’agit ici de mettre en évidence la faillite de l’État suivante :
libyen qui, depuis la chute de Khadafi en 2011, menace de
Il est nécessaire d’établir Il faut maintenir une porosité
déstabilisation les pays voisins, lesquels cherchent alors à
un contrôle strict des flux des frontières de la région
renforcer le contrôle de leurs frontières. Dans un second temps, aux frontières de la Libye
le doc. 2 explique la mise en œuvre de cette politique, puis
invite les élèves à rechercher ses conséquences néfastes. L’élève La contrebande d’armes représente Les armes ne sont qu’une
peut alors conclure que la porosité des frontières, souvent une menace pour les États voisins des formes de la contrebande,
dénoncée comme facteur d’instabilité, a pu jouer un rôle et cette dernière permettait de faire
stabilisateur dans la région, alors que leur renforcement est, vivre les communautés locales
paradoxalement, un facteur d’instabilité. Des groupes profitent des flux Ces groupes humains sont
humains illégaux transfrontaliers, ils doivent pouvoir
La frontière entre la Tunisie et la Libye (doc. 1) maintenir leurs contacts de part
Après la vague d’attentats commis en Tunisie en 2015-2016 par et d’autre de la frontière
des djihadistes tunisiens revenus de Libye, la Tunisie a créé un La militarisation des frontières Le renforcement des frontières
« mur » le long des 460 km de frontières avec son voisin lybien : protège la Tunisie et l’Algérie pousse au contraire les
un système de tranchées inondées, bordé de monticules de de la guerre civile en Libye communautés frontalières vers
garde et complété par un dispositif de surveillance électronique la contestation et la criminalité
pour lutter contre la porosité de la frontière. Le régime craint
Le contrôle de la frontière peut Ce contrôle de la frontière
en effet que les djihadistes de retour de Libye ne profitent
s’améliorer grâce à l’aide des autres existait par la coopération avec
du mécontentement social pour organiser l’agitation des pays, qui permet de renforcer par les populations locales qui
régions frontalières du Sud-Est, traditionnellement hostiles exemple la présence des forces donnaient des informations
au pouvoir du Nord. Cette frontière est également au cœur de sécurité
d’un intense trafic de produits de contrebande : trafic d’armes
(depuis les stocks du régime de Khadafi, même si les flux sont
modestes et concernent surtout des armes légères), d’essence ÉTUDE
(détournement du pétrole de la compagnie nationale libyenne)
ou encore de cigarettes. Depuis l’interdiction de leur importation La frontière entre l’Inde et le Bangladesh :
dans les années 1980, les contrebandiers s’approvisionnent en
cigarettes dans les zones franches des Émirats arabes unis et le plus long mur du monde p. 189
les redistribuent sur le marché intérieur, ainsi qu’en Tunisie
et au Maroc. ❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
Le choix de cette étude renvoie à l’item du programme « Des
frontières plus ou moins marquées ». La photo réalisée en 2013
❚❚ Analyse de documents par Gaël Turine (doc. 2) peut être le point d’accroche pour
1. D’après le doc. 1, les frontières de la Libye sont poreuses : de mener cette étude. Dans son ouvrage Le mur et la peur, dont
nombreux flux migratoires entrent en Libye au Sud et sortent ce document est extrait, le photographe belge présente des
en direction de la Tunisie ou de l’Europe (par la Méditerranée). clichés du mur le plus long du monde qui sépare l’Inde et le
Des groupes ethniques transfrontaliers (Touaregs, Toubous) Bangladesh. Il y figure le mur dans le quotidien des habitants
contrôlent ces trafics humains dans le désert, probablement en de cet espace frontalier. Le traitement en noir et blanc peut
guidant les migrants vers des points de passage peu surveillés. interpeler les élèves et une discussion peut être engagée sur
Un trafic d’armes relie également les villes libyennes du Nord ce choix artistique. Le doc. 1 permet une mise en contexte
avec les États voisins du Sud. En effet, les régions frontalières sont de cette situation géopolitique. Il est l’occasion de rappeler
instables et défavorisées (coût de la vie élevé, peu d’emplois) rapidement aux élèves les conditions de l’indépendance de
et profitaient jusque récemment de la contrebande pour l’Empire britannique des Indes, la partition et la constitution
améliorer leur situation (doc. 2). d’un Pakistan coupé en deux (Pakistan occidental et oriental)
2. La Tunisie et l’Algérie ont réagi en renforçant leurs frontières et d’en expliquer l’éclatement en 1971, donnant naissance au
par une militarisation croissante ou le développement d’un Bangladesh. Cette histoire complexe est une des clés de la
mur (doc. 1), ce qui se traduit par un renforcement des compréhension de la situation actuelle.

84 Thème 3 • Étudier les divisions politiques du monde : les frontières

 Les enclaves indo-bangladaises
Jusqu’en 2015, 162 enclaves (50 000 habitants) se répartissaient
de part et d’autre de la frontière entre l’Inde et le Bangladesh,
sur une longueur d’environ 150 km : 111 enclaves indiennes à
l’intérieur du Bangladesh ; 51 enclaves bangladaises à l’intérieur
de l’Inde. 24 étaient des enclaves situées dans des enclaves.
Il existait même une enclave indienne (de la taille d’un terrain
de football) insérée dans une enclave bangladaise elle-même
placée dans une enclave indienne à l’intérieur du Bangladesh.
Ce découpage, hérité des territoires contrôlés par l’empire
moghol au xviie siècle, rendait la vie des habitants très compliquée
puisque toute sortie était hors-la-loi et que les équipements et
services de base n’étaient pas assurés (électricité, école, soins…).
Les échanges opérés en 2015 ont simplifié le découpage et
concrétisent le début d’une coopération régionale.
❚❚ Analyse de documents
Il est possible de rédiger l’argumentaire selon le plan suivant.
Une situation frontalière complexe :
-- frontière militarisée et matérialisée par un mur ;
-- héritage de l’indépendance ;
-- enclaves de part et d’autre de la frontière ;
-- obstacle à la coopération régionale ;
-- frontière dangereuse ;
-- marqueur d’une opposition religieuse (hindouistes/
musulmans).
Des progrès en cours :
-- accord historique signé en 2015 ;
-- voie de normalisation ;
-- droit des citoyens à choisir leur nationalité.
ÉTUDE
Les aéroports internationaux,
de nouvelles frontières p. 190-191
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
L’étude permet de comprendre que la frontière ne prend
pas toujours la forme d’une ligne entre deux États et que, à
l’heure de l’accélération des mobilités internationales et de la
démocratisation du transport aérien, l’entrée sur un territoire
étranger se fait de plus en plus souvent par ces frontières nodales
que sont les aéroports internationaux. Il s’agit ainsi d’illustrer
l’item du programme « Des frontières plus ou moins marquées ».
Le texte extrait du manuel dirigé par Vincent Adoumié (doc. 2)
rappelle à quel point ces aéroports constituent désormais les
portes d’entrées majeures des pays vers lesquels convergent
les flux migratoires ou touristiques ; ce sont donc aussi des lieux
de contrôle et de filtrage des personnes (et des marchandises).
La carte 3 présente le cas du hub de Roissy-Charles de Gaulle
et identifie en son sein les espaces associés à la frontière.
Le planisphère 1 montre toutefois que le franchissement de ces
frontières reste très inégal selon le pays d’origine du voyageur.
Les doc. 4 et 5 invitent enfin à réfléchir aux formes et aux effets
du renforcement de la sécurisation de ces portes d’entrée dans
un contexte de menaces terroristes.
Le franchissement de la frontière
au sein de l’aéroport international
Plusieurs géographes (Jean-Baptiste Frétigny, Nathalie Roseau)
ont étudié l’organisation des aéroports internationaux et
notamment la manière dont ces espaces mettent en scène
la frontière. L’aérogare constitue une discontinuité majeure
autour de laquelle s’organisent l’espace aéroportuaire et le
cheminement complexe des passagers. Elle est séparée en
deux par une « barrière » matérialisée par les portiques de
sécurité. Signe de la confusion avec laquelle la frontière est
alors franchie, les passagers estiment souvent avoir « passé la
police / la douane » après avoir passé en réalité « les contrôles
de sécurité » qui relèvent de la lutte contre le terrorisme et
non du contrôle souverain des passeports et des bagages.
Cette barrière de contrôles permet de distinguer deux espaces ;
la zone publique, qui relève totalement de l’État dans lequel
l’aéroport est implanté, et la zone internationale (ou espace sous
douane), qui couvre une partie du terminal, les pistes et une
partie de la zone de fret. Cette zone se trouve donc au-delà des
douanes et des contrôles migratoires et accueille souvent des
commerces de « duty-free ». Elles ne sont toutefois pas des zones
d’extraterritorialité : les juristes rappellent que l’intégralité de
l’aéroport est intégrée dans le territoire étatique qui l’accueille.
❚❚ Analyse de documents
L’homme d’affaires grec qui se rend aux États-Unis en transitant
par la France embarque dans un aéroport international grec
(Athènes par exemple) ; dans un premier temps, il circule
au sein de l’espace Schengen et pourra donc entrer sur le
territoire français sans visa, vraisemblablement par le hub
aéroportuaire de Roissy ; il a accès à la zone de l’aéroport
réservée aux passagers Schengen. De là, il embarque pour
les États-Unis et New York. Les agents américains peuvent
être présents pour étudier les listes des passagers vers ce
pays. L’entrée sur le territoire américain s’accompagnera de
vérification de l’identité et des produits transportés (et d’une
autorisation d’entrée spécifique appelée « Esta »).
Un migrant venu du Nigeria voyage beaucoup moins facilement ;
il doit obtenir un visa pour entrer en France, par l’aéroport
Roissy Charles-de-Gaulle. Il est accueilli dans la zone réservée
aux passagers hors Schengen où ses documents de voyage
seront examinés.
ÉTUDE
La gestion des frontières des États-Unis
vue par le cinéma p. 192-193
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
Cette étude s’inscrit dans les deux items de l’introduction
du thème des frontières : « Des frontières plus ou moins
marquées » et « Frontières et ouverture : affirmation d’espaces
transfrontaliers » (programme). Depuis 1979 (doc. 2 p. 180),
la frontière sud des États-Unis avec le Mexique est renforcée
régulièrement par les différentes administrations au pouvoir et
est surtout mise en scène. Mais cette théâtralité orchestrée de
la frontière est aussi un objet, un paysage cinématographique
servant à contextualiser un discours. Depuis Le trésor de la Sierra
Madre (John Huston, 1948) à Siccario (Denis Villeneuve, 2015), la
zone frontalière américano-mexicaine, territoire éminemment
Introduction • Les frontières dans le monde d’aujourd’hui 85
 cinématographique, lieu de passage, de fermeture est montrée
comme un lieu de fuite, de contrôle, de nouveau départ, ou
simplement de départ en vacances, entre immigration et trafic
de drogue, entre désert et villes surchauffées. C’est ce que
montrent les deux films ici proposés, Norteado (R. Perezcano,
2009) et No country for old men (J. et E. Cohen, 2008). Les
doc. 1 et 2 permettent de venir en compléments explicatifs
des extraits de films.
Moins mise en scène que la frontière avec le Mexique, celle avec
le Canada n’en reste pas moins essentielle pour les États-Unis :
tous les jours, 400 000 personnes la traversent et des biens et
services transitent pour une valeur de 2 milliards de dollars.
La plus longue frontière du monde (5 000 km tracés à la règle)
a toujours été une frontière couture, structurant de vastes
espaces transfrontaliers en territoires d’échanges commerciaux,
touristiques (doc. 3) comme aux chutes du Niagara (Niagara
de Henry Hataway, 1953). Aujourd’hui, on assiste à la mise en
scène de la fermeture de la frontière États-Unis / Canada (doc. 4).
Le 11 septembre 2001 : un événement spatial,
un effet-frontière
Le 11 septembre 2001 peut être pensé comme un « événement
spatial » dans la mesure où son impact a entraîné de nombreuses
manières de recomposer l’espace (Frozen River, Courtney Hunt,
2009), notamment dans les villages-frontières où se multiplient
les marqueurs spatiaux (panneaux d’interdiction ordonnant – là
où quelques années auparavant ils suggéraient seulement – de
se présenter aux services de douane). C’est ce que montre le
travail de Frédéric Lasserre, Patrick Forest et Enkeleda Arapi
(« Politique de sécurité et villages-frontière entre États-Unis
et Québec », Cybergeo no 595, 2012).
Pour aller plus loin, il est possible de proposer aux élèves de
travailler à partir de séries TV : Reine du Sud (3 saisons 2016, 2017
et 2018) ou Border Security : America Front’s Line (1 saison, 2016).

❚❚ Réponses à l’activité
Forme de la frontière
(ligne, épaisseur, franchissement, etc.)
Doc. 1 : ligne infranchissable.
Doc. 2 : une zone de transit
migratoire dans le sens Sud-Nord, et
« excursionniste » dans le sens Nord-Sud
+ un chapelet urbain de villes jumelles.
Doc. 3 : une frontière marquée par la
Dans le
rivière Niagara, aisément franchissable
document
(pont).
géographique
Doc. 4 : espace frontalier, épais et vaste,
aisément franchissable (forêt).
Présentation des deux pays
Mise en valeur de l’espace par l’image et le son
séparés par la frontière
Doc. 1 : des militaires du côté américain,
des migrants du côté mexicain.
Doc. 2 : des pays codépendants de
leurs relations transfrontalières :
flux touristiques, migratoires, emplois
et trafic de drogue.
Doc. 3 : un espace urbanisé des deux
côtés de la frontière. Aucun différentiel
de développement apparent.
Doc. 4 : deux pays développés
qui développent des coopérations
transfrontalières ponctuelles
(bibliothèque commune dans
un village-frontière).

Norteado : une ligne militarisée
difficilement franchissable.
No country for old men : un espace
désertique
et une ligne (rivière, barbelé).
Niagara : un espace de libre circulation.
Frozen river : espace ouvert et vaste
sans frontière visible sur le territoire
Dans le film
Mohawk (iroquois), avec juste une
simple borne (marquée « Danger ») pour
signifier le passage de la frontière. Mais
en zone urbaine, la frontière est une
ligne équipée de postes frontaliers et
contrôlés.
Norteado : les États-Unis apparaissent
comme un eldorado à atteindre.
No country for old men : pas de
présentation spécifique, le film
montre une zone frontalière et non
l’un ou l’autre des deux pays.
Niagara : un espace transfrontalier
et non l’un ou l’autre des deux pays.
Frozen river : deux pays qui collaborent
pour le contrôle des flux migratoires
(border patrol).
Norteado : plan serré sur la frontière accompagné
d’une musique légère (un espoir à franchir) ;
plan large sur l’espace frontalier désertique
avec une musique sombre (danger).
No country for old men : plan large sur l’espace
frontalier désertique et plan serré sur la ligne
frontalière (rivière, et barbelé).
Niagara : le paysage frontalier sert de décor
et de support pour illustrer les sentiments : l’amour
(les chutes comme lieu romantique),
la passion dangereuse (force des chutes).
Frozen river : zone frontalière filmée plan large, en
hiver (lumière, couleur blanche), valorisant une
rivière gelée, dont le franchissement est simple mais
dangereux. La traversée de la frontière dans la forêt
est filmée en plan serré et de nuit (danger).

La frontière est représentée à la fois comme une ligne et une zone, comme une frontière coupure et une frontière couture. Les extraits
Comparaison cinématographiques et les documents géographiques se rejoignent sur ce point. Surtout, les frontières américaines sont des espaces
des 4 espaces dangereux, même dans le film Niagara ! Par ailleurs, ces frontières, bien que sous surveillance, qu’elles soient ouvertes (Canada) ou fermées
transfrontaliers (Mexique) sont toujours franchissables. En ce sens, les réalisateurs présentent une vision engagée de ces espaces transfrontaliers en posant
la question de l’intérêt du contrôle migratoire aux frontières.

86 Thème 3 • Étudier les divisions politiques du monde : les frontières

 LEÇON 1
Les frontières dans le monde
d’aujourd’hui p. 194-195
❚❚ P
 résentation des documents en lien
avec la problématique
Les documents accompagnant ce premier cours « Les frontières
dans le monde aujourd’hui » permettent de répondre à la
problématique posée : « Comment les frontières marquent-
elles inégalement les divisions politiques du monde actuel ? ».
Le doc. 1 sur le mur de Berlin et sa chute est un géosymbole
aujourd’hui patrimonialisé. Il est à lier aux deux premières parties
de la leçon : le mur de Berlin a été un symbole de la multiplication
des frontières (A), et une frontière particulièrement marquée (B).
Le doc. 2 illustre la course aux drapeaux dans l’appropriation
des fonds océaniques entre la Russie et la Chine. Dans les deux
cas, ces événements sont à comprendre comme des marqueurs
d’une territorialisation nouvelle.
Le schéma fléché au bas de la p. 195 a pour objectif de
replacer les études de l’introduction dans une organisation
plus systémique. Il donne du sens au travail d’exemples réalisé
dans les pages précédentes puisqu’il participe à illustrer la
leçon sur les frontières dans le monde aujourd’hui.
La perméabilité des frontières terrestres
Le géographe André-Louis Sanguin établit une typologie des
frontières en fonction de leur perméabilité : frontières opaques
(hermétiquement fermées), frontières diaphanes (flux contrôlés)
et frontières transparentes (sans obstacle ni contrôle des flux).
Une frontière opaque caractérise certains pays ayant fait le
choix de l’autarcie (mais ils sont rares) et traduit surtout la
tension extrême qui règne à la frontière avec les pays voisins
(l’Albanie d’Enver Hoxha, 1945-1985, ou encore aujourd’hui la
Corée du Nord). La frontière opaque crée un espace inutilisable,
hautement militarisé (stationnement de troupes) ; elle transforme
le territoire qui l’entoure en bout du monde c’est-à-dire qu’elle
renforce la situation périphérique des régions concernées.
La frontière diaphane est une frontière barrière, c’est-à-dire
que les flux qui la traversent sont contrôlés. On doit distinguer
le contrôle des personnes (contrôle des passeports ou, plus
coercitif, obligation d’un visa pour le franchissement), et celui
des marchandises (mise en conformité avec les lois et règlements
nationaux passant, par exemple, par le paiement de taxes).
La frontière transparente est une frontière totalement ouverte,
ne faisant aucunement obstacle aux flux par une absence de
contrôles, comme entre les états signataires des accords de
Schengen. Ainsi pour Sanguin, les frontières françaises sont
transparentes sous les effets de trois modalités : la réalisation
du marché unique, les accords de Schengen et la création de la
zone euro, puisqu’ainsi elles libéralisent les flux économiques
et financiers tout comme les flux de personnes.
Introduction • Les frontières dans le monde d’aujourd’hui 87
 THÈME 3
AXE 1 Tracer des frontières, approche géopolitique
OUVERTURE p. 196-197
❚❚ Introduction
L’axe 1 du thème 3 étudie la notion de frontière, autour de
la question de son tracé. Le programme met en avant trois
exemples au contexte historique extrêmement différent :
celui du limes romain, celui du tracé des frontières africaines
à la suite de la conférence de Berlin et celui de l’établissement
de la frontière coréenne au moment de la guerre froide. Dans
ce cadre, la frontière est perçue dans sa réalité géopolitique,
susceptible d’être militairement défendue ou déplacée. Il faut
donc prendre en compte un certain nombre de notions, comme
le risque frontalier, les systèmes de défense, la circulation et
l’approvisionnement des troupes, ainsi que les impératifs
stratégiques. La frontière est ici un lieu de tensions entre
différents peuples, entre métropoles et colonies, ou à l’intérieur
même d’une nation, à partir de critères idéologiques.
La notion de « frontière »
La notion de ligne continue qui délimite les États modernes
est discutable dans le cas romain. Car ce sont les progrès
de techniques cartographiques qui permettent des tracés
précis. Dans l’Antiquité, en l’absence de murailles ou autres
fortifications, la frontière était une périphérie plus incertaine,
autour de « marches ». Déjà à cette époque, la frontière ne
saurait être « naturelle » en soi. Elle est toujours conventionnelle,
produite par les sociétés humaines. De même, les frontières
ne sont pas que des lieux de risques et de confrontation, elles
peuvent aussi être des interfaces actives. Si la langue française
n’a qu’un terme pour évoquer cette limite, l’anglais distingue
la border, au sens de limite administrative, et la frontier, qui
se rapproche de front pionnier, par exemple dans le sens de
l’extension des États-Unis d’Amérique vers l’ouest.
Le doc. 1 est une couverture du Petit Journal illustré daté du
9 novembre 1913. À la suite du congrès de Berlin, les règles de
la définition des frontières coloniales africaines ont été fixées.
Le 4 novembre 1911 est signé à Berlin un accord fixant les
échanges territoriaux entre la France et l’Allemagne (autour
de la question du Maroc). Cette illustration représente Louis
Périquet, administrateur colonial français et son homologue
allemand von Ramsay, sur le tracé de la frontière le long de la
Lobaye, affluent de l’Oubangui.
Le doc. 2 est une photographie de la frontière entre les deux
Corées. Il s’agit d’une des frontières les plus fermées et les plus
militarisées du monde. Sous contrôle de l’ONU, elle a été créée
en 1953 dans le contexte de la guerre froide.
88 Thème 3 • Étudier les divisions politiques du monde : les frontières
❚❚ Réponses aux questions
1. Les frontières coloniales africaines ont été fixées par des
administrateurs occidentaux, ici français et allemands. Les
puissances coloniales ont régulièrement échangé des territoires
en fonction de négociations diplomatiques.
2. L’illustration du Petit Journal illustré montre assez symboli­
quement la place qu’ont eu les populations autochtones dans
la fixation de ces frontières. Aucune puissance africaine n’a été
invitée à la conférence de Berlin et, lors les négociations qui
ont suivi, les autorités autochtones n’ont jamais été consultées.
Elles sont sous le contrôle des puissances coloniales.
3. Cette photographie souligne le fait que la frontière coréenne
reste aujourd’hui sous tension. Elle n’est pas un espace de
circulation, mais un lieu de tension et de conflit. La présence
des trois soldats face à la frontière nord-coréenne illustre bien
la militarisation de cet espace.
J A LON
Pour se protéger :
le limes rhénan
❚❚ Introduction
L’exemple du limes rhénan est une très bonne entrée dans
l’histoire de la frontière. La présence de vestiges romains est
connue depuis très longtemps et a donné lieu au début du
xixe siècle à d’importantes recherches de terrain. Theodor
Mommsen (1817-1903), le père de l’histoire ancienne, a
étudié de près cette frontière longue de 550 km, dans le
cadre de la Reichlimeskommission (commission du limes de
l’Empire). Depuis le xixe siècle, les réflexions des historiens se
sont considérablement renouvelées, au point de considérer
désormais le limes plus comme une « zone frontalière » que
comme une ligne de défense infranchissable. Il n’est pas
nécessaire pour les élèves de connaître précisément le contexte
social et politique des premiers siècles de l’Empire romain.
Il faut cependant rappeler que, depuis le iie siècle avant J.-C.,
Rome connaît une expansion qui repousse la frontière de plus
en plus loin du berceau de l’Empire. Ce jalon conduit à une
réflexion plus globale sur la fonction militaire de la frontière,
comme espace qui tend à assurer la protection de ce qui se
trouve à l’intérieur. Mais il faudra ici souligner la complexité de
cette idée : une frontière qui sert à défendre n’est pas forcément
une frontière fermée.
 REPÈRES 1
L’Empire romain, des frontières
à défendre p. 198-199
❚❚ P
 résentation des documents et des liens
possibles entre eux
Cette double page repères fixe le contexte du développement
de la frontière extérieure de l’Empire romain. Elle n’aborde
aucunement le fonctionnement de l’Empire mais uniquement
la question de la frontière à différentes échelles. Sur le plan
militaire, la notion romaine de la frontière est complexe. Elle
évolue en permanence, au gré de la soumission ou de la
révolte des cités et des peuples périphériques. Il faut donc
considérer la frontière romaine comme un mouvement au
rythme de la conquête. Si, chez les historiens de l’Antiquité,
la frontière peut être tracée par une droite, la réalité est sans
doute plus complexe. Il faut donc distinguer la matérialité de la
frontière et sa fonctionnalité. Cependant, il n’est pas pertinent
d’étudier l’ensemble de l’évolution du territoire romain, les
régions conquises et les régions perdues. C’est pourquoi le
jalon s’intéresse principalement au limes rhénan dans les deux
premiers siècles de notre ère, réflexion qu’il serait possible de
généraliser à d’autres aires géographiques et à d’autres périodes.
Les documents proposés doivent permettre d’envisager la
frontière romaine à différentes échelles. Au iie siècle après J.-C.
(doc. 1), l’Empire romain s’étend tout autour de la Méditerranée,
véritable « lac romain » et espace d’échange. La frontière rhénane
est largement fortifiée et plusieurs légions romaines y sont
stationnées. La carte de l’Empire montre que le limes rhénan
et danubien est particulièrement défendu par des légions.
C’est ce que détaille le doc. 2 : le limes rhénan est constitué de
très nombreux camps de troupes auxiliaires, soutenus par les
camps de légionnaires de Mayence, Strasbourg et Regensburg.
Le doc. 3 est un plan d’un camp de troupes auxiliaires qui est
à la fois une installation militaire, mais aussi un véritable pôle
humain et économique.
La légion romaine
La légion est l’unité de base de l’armée à l’époque romaine.
L’armée romaine est composée de 33 légions à partir de la fin du
iie siècle, soit près de 200 000 hommes. Une légion représente
6 000 hommes. L’immense majorité des légions est cantonnée
sur les frontières extérieures de l’Empire, selon le système de
défense développé sous Auguste.
❚❚ Pour comprendre
1. Les frontières qui bénéficient d’une protection particulière
sont la frontière au nord de l’île de Bretagne, le limes rhénan,
la frontière orientale de l’Empire, à la limite de l’Arabie, et au
sud de la province d’Afrique. Toutes n’accueillent pas la même
présence de légions romaines. C’est le limes rhénan qui semble
mobiliser le plus de troupes.
2. Le limes rhénan est organisé à partir de nombreux camps
de légionnaires et de troupes auxiliaires, le long du Rhin. Ces
camps de troupes auxiliaires sont soutenus à l’arrière par des
camps de légionnaires.
ÉTUDE
Le limes rhénan, frontière défensive
et zone d’échanges p. 200-201
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
Si l’intitulé du jalon est « Pour se protéger : le limes rhénan »,
il s’agit ici de traiter cette question à l’aune de la très riche
historiographie. La théorie du limes a été élaborée au xixe siècle,
autour d’une frontière stable et homogène, une barrière
défensive fortifiée ceinturant le territoire de l’Empire. Cette
conviction a culminé avec les travaux importants d’Edward
Luttwak, en 1976. Plus récemment, la tendance est plutôt
d’admettre que la politique romaine ne visait pas à mettre en
place un système de défense frontalier rationnel, mais plutôt à
établir une frontière telle une « zone frontière » ou une « frontière
zonale » autour de laquelle les échanges étaient nombreux entre
les troupes romaines et les populations extérieures de l’Empire.
Historiographie des frontières de l’Empire romain
Edward Luttwak cherchait à démontrer que l’Empire romain avait
rétabli, grâce à une politique uniforme, une frontière optimale
pour la défense des territoires romains. Les travaux de Stephen
Dyson sur la frontière à l’époque républicaine, soutiennent l’idée
de l’existence d’une véritable politique frontalière cohérente,
dans le but de stabiliser une frontière extérieure à l’endroit le
mieux adapté pour assurer la protection des territoires conquis.
L’historiographie actuelle est très influencée par les travaux de
Richard Whittaker (Les frontières de l’Empire romain, 1989)
qui considère la notion de frontière comme celle d’un front.
La notion de limes comme frontière uniquement militaire est
fortement remise en cause, notamment par Benjamin Isaac pour
la périphérie orientale de l’Empire (The limits of Empire. The
roman army in the East, Oxford, 1990). L’étude de la frontière
romaine a donné lieu à de nombreuses publications récentes
en français, dont l’ouvrage de Michel Reddé, Les frontières de
l’Empire romain (ier siècle avant J.-C.-ve siècle après J.-C.), 2014.
❚❚ Analyse de documents
1. Analysez le rôle du limes rhénan comme frontière défensive.
-- Le témoignage de Jules César dans La guerre des Gaules,
comme la carte de l’évolution du limes au-delà du Rhin,
prouve que le Rhin et le Danube sont des frontières qu’il
faut défendre. En effet, la campagne de César et son retrait
en deçà du Rhin (« revint en Gaule et coupa le pont derrière
lui », l. 23) montre qu’il considère le Rhin comme une défense
naturelle. De même, la carte indique bien que les fleuves
servent de frontières et sont militarisés.
-- L’Empire romain n’a de cesse de s’étendre : ainsi, la frontière
rhénane entre le ier et le iie siècle progresse sans discontinuer
vers l’est. Plusieurs empereurs comme Vespasien et Domitien
lancent des campagnes en Germanie. La protection du limes
se fait par la construction de fortifications.
-- Dion Cassius dans son Histoire romaine relate les liens
étroits qui existent entre les Romains stationnés sur la
frontière et les populations de Germanie : « […] les barbares
avaient pris leurs usages, ils avaient des marchés réguliers
et se mêlaient à eux dans des assemblées pacifiques » (l. 5).
Axe 1 • Tracer des frontières, approche géopolitique 89
 2. Confrontez votre analyse à celle de l’historien.
-- Les doc. 1, 4 et 5 révèlent que la frontière rhénane est
évolutive. En moins de cent ans, elle avance sur plusieurs
dizaines de kilomètres et crée ainsi une zone frontière
mouvante. C’est la raison pour laquelle Dion Cassius la
considère plutôt comme une zone d’échanges entre
populations romaines et germaniques.
-- Le terme de « frontière invisible » pourrait être appliqué
à la frontière rhénane, car cette délimitation rendue visible
dans le paysage par le nombre de camps romains n’est pas
du tout infranchissable ; elle devient même un pôle de
commerce entre les différentes populations frontalières.
JALON
Pour se partager des territoires :
la conférence de Berlin
et le partage de l’Afrique
❚❚ Introduction
Le deuxième jalon met en lumière un événement fondamental
dans l’histoire de l’Afrique : la conférence de Berlin, qui
consiste, comme le souligne le titre du jalon, à « se partager
des territoires ». La démarche est donc différente de celle du
jalon précédent. Il ne s’agit plus de tracer une frontière pour
assurer sa défense, mais pour se partager et distribuer des
territoires. La conférence de Berlin de 1885-1886 n’est, à cet
égard, pas un moment de partage à proprement parler mais
un sommet international durant lequel sont fixées les règles
de colonisation de l’Afrique afin d’éviter toute guerre entre
puissance occidentale au sujet de l’appropriation du continent
africain. En effet, la conférence de Berlin est née de tensions
entre Britanniques et Portugais qui, tous deux, prélèvent des
taxes à l’embouchure du fleuve Congo. La notion de frontière
en Afrique change complètement à cette période. Alors que le
continent est plutôt partagé en sphères d’influence mouvantes,
la situation mute radicalement. C’est pourquoi la page repères
évoque la situation qui précède la conférence de Berlin. La
première étude s’intéresse aux principes évoqués durant la
conférence tandis que la deuxième étude soulève le problème
des conséquences, à savoir un partage quasi-total de l’Afrique
par les puissances européennes, avec des frontières qui peuvent
évoluer au fil des négociations entre pays d’Europe.
REPÈRES 2
L’Afrique à la veille de la conférence
de Berlin (1884-1885) p. 202-203
❚❚ P
 résentation des cartes et des liens possibles
entre elles
Cette double page de repères permet de percevoir la situation
politique de l’Afrique avant la conférence de Berlin. Préalable
indispensable à l’étude, la carte de la p. 202 (doc. 1) distingue
les possessions européennes et les États africains. Tandis que les
zones littorales sont occupées par des possessions européennes
et ottomanes, l’Afrique intérieure est très largement marquée
90 Thème 3 • Étudier les divisions politiques du monde : les frontières
par la présence d’États africains, dont les frontières ne sont
pas toujours strictement définies mais souvent mouvantes.
D’ailleurs, il est important de remarquer que de nombreuses
régions ne sont pas sous la domination d’un État structuré.
Les cartes de la p. 203, quant à elles, aident à comprendre
les aspirations européennes à la veille de la conférence de
Berlin. Depuis la fin du xixe siècle (doc. 2), les expéditions se
multiplient à travers l’Afrique, dont les plus célèbres sont celles
de Livingstone puis de Stanley pour la Grande-Bretagne, de
même que l’expédition de Ferdinand de Brazza à la veille de la
conférence de Berlin. Le doc. 3 détaille les projets de colonisation
de l’Afrique dans les années 1880. Les Britanniques envisagent
une jonction entre l’Égypte et la colonie du Cap. Les Français
souhaitent une réunion de leurs colonies d’Afrique de l’Ouest
avec Djibouti. Les Belges et les Portugais ont des ambitions
plus réduites respectivement en Afrique centrale et au sud
de l’Afrique.
❚❚ Pour comprendre
1. À la veille de la conférence de Berlin, les zones d’influence
européennes sont situées sur les littoraux, au nord du continent,
autour de la Méditerranée, et sur les côtes depuis plusieurs siècles.
2. Les États africains indépendants sont tous situés à l’intérieur
des terres, à l’exception du royaume du Maroc, indépendant.
3. À la veille de la conférence de Berlin, les puissances
européennes ont des projets d’extension et de conquête à
l’intérieur des terres. Mais ces projets sont concurrents et peuvent
potentiellement créer des tensions entre puissances coloniales.
ÉTUDE
La conférence de Berlin ou les principes
du partage de l’Afrique p. 204
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
La conférence de Berlin ne trace pas les frontières des colonies
occidentales en Afrique. Cette réunion, organisée par Otto von
Bismarck à la suite de tensions entre Britanniques et Portugais
sur l’embouchure du Congo, rassemble 14 pays. Aucun souverain
africain n’y est invité. Cette rencontre vise à fixer un certain
nombre de principes concernant la colonisation de l’Afrique
à venir.
La conférence de Berlin (doc. 2)
Cette conférence se tient du 15 novembre 1884 au 26 février
1885. Prise à l’initiative du Portugal et organisée par l’Allemagne,
elle rassemble aussi l’Autriche-Hongrie, la Belgique, le
Danemark, l’Empire ottoman, l’Espagne, la France, la Grande-
Bretagne, l’Italie, les Pays-Bas, la Russie, la Suède-Norvège
ainsi que les États-Unis. Au-delà des principes évoqués dans
les documents, certains découpages sont réalisés, entre le
Portugal et le Royaume-Uni dans la zone de la future Rhodésie,
entre la France et le Royaume-Uni autour du lac Tchad, ainsi
que d’autres précisions de frontières.
Le doc. 1 est une célèbre caricature de L’Illutration permettant
de comprendre que cette réunion est un véritable partage
de l’Afrique, sous la direction d’Otto von Bismarck qui tient
le couteau. Mais il ne faut pas oublier que cette partition a
véritablement lieu dans les trois décennies qui suivent. Le doc. 2
est un schéma qui résume les principales décisions prises lors de
cette réunion : les questions relatives au commerce, à l’esclavage
de même que les décisions concernant les frontières à venir.
Le doc. 3 détaille les principales dispositions et principes sur
le tracé des futures frontières. Pour revendiquer un nouveau
territoire, il faut désormais y être présent, capable d’y affirmer
son autorité, et prévenir les autres puissances de cette prise
de possession afin qu’elle soit reconnue par tous.
❚❚ Analyse de documents
1. Les principales préoccupations des puissances européennes
sont de pouvoir étendre leur domination en Afrique sans pour
autant entrer en conflit. De même, des zones de liberté des
échanges sont définies sur les grands fleuves.
2. Les principes adoptés pour le tracé des frontières sont avant
tout la capacité d’affirmer son autorité sur les populations
locales, mais aussi l’obligation de prévenir l’ensemble des
puissances signataires de la prise de contrôle de ce nouveau
territoire.
ÉTUDE
Le découpage de l’Afrique
au début du xxe siècle p. 205
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
À la suite de la conférence de Berlin, les puissances européennes
mènent une véritable course à la prise de contrôle de nouveaux
territoires. Jusqu’en 1914, les conquêtes et les négociations se
multiplient entre les puissances européennes, principalement
la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne. Ces accords ont eu
des conséquences considérables sur le tracé contemporain des
frontières africaines. D’ailleurs, en 1964, pour mettre fin à toute
velléité de remise en question de ces tracés, très contestés,
l’Organisation de l’unité africaine a proclamé le principe de
l’intangibilité des frontières.
Histoire contemporaine de la frontière
du Cameroun (doc. 1)
Le Cameroun est un des pays qui a vu ses frontières évoluer
considérablement dans le temps (doc. 1). En juillet 1884,
quelques mois avant la conférence de Berlin, l’Allemagne
proclame sa souveraineté sur le Kamerun. En 1911, après la
crise d’Agadir, des échanges de territoires ont lieu entre la
France et l’Allemagne. Cependant, au lendemain de la Première
Guerre mondiale, la Société des Nations confie le Cameroun
à la France sous le statut de mandat. Une frange du territoire
située au nord-ouest du pays est cédée à la Grande-Bretagne.
Toutes ces transformations de frontières et changements de
souveraineté sont bien le symbole de tractations totalement
déconnectées de l’intérêt des populations.
Le doc. 2 est un très bon exemple de convention signée
entre la France et la Grande-Bretagne à propos du tracé des
frontières. Il s’agit ici d’un texte de grande ampleur précisant
des modifications de tracé. Le doc. 3 est une carte politique
de l’Afrique en 1914. La quasi-totalité du territoire est alors
partagée en zones d’influence européenne. Le doc. 4 rédigé en
1904 souligne le fait que de nombreuses régions au début du
xxe siècle ne sont toujours pas délimitées et leur souveraineté
n’est pas clairement définie.
❚❚ Analyse de documents
1. Les nombreuses modifications des frontières du Cameroun
sont dues à des négociations et des échanges entre les
puissances allemande, française et britannique. Ainsi, les
crises diplomatiques et des tensions européennes ont des
conséquences jusqu’au cœur de l’Afrique.
2. À la veille de la Première Guerre mondiale, les accords
diplomatiques européens parviennent à la répartition de tous les
territoires africains entre les mains des puissances européennes.
3. En 1914, à l’exception du Liberia et de l’Éthiopie, tous
les pays africains subissent la domination d’une puissance
européenne. Cependant, de nombreuses tensions coloniales
existent, comme la crise de Fachoda en 1898 ou les dissensions
franco-allemandes au Maroc en 1904 et 1911.
J A LON
Pour séparer deux systèmes
politiques : la frontière entre
les deux Corées
❚❚ Introduction
Ce jalon a pour objectif de montrer aux élèves que certaines
frontières politiques tracées séparent deux territoires,
notamment par un dispositif militarisé et fermé, symbole des
tensions internes et externes mobilisant de nombreux acteurs
qui projettent sur cette frontière leurs enjeux, idéologies et
représentations. Le jalon permet également d’expliquer que
cette frontière est conflictuelle aussi bien par son tracé linéaire
(border) que par les tensions qui s’y déploient localement sur
l’espace frontalier (frontier). Ainsi la démarcation entre les deux
Corées peut être étudiée pour sa forme (la DMZ et les espaces
frontaliers militarisés et sanctuarisés de part et autres), ses
dynamiques lors des phases de la guerre de Corée (repères 3
p. 206-207), ainsi que pour ses enjeux internes et externes qui
ont évolué avec la fin de la guerre froide (Étude p. 208-209). Il
s’agit d’une frontière fermée très matérialisée et hautement
symbolique pour les régimes coréens, les organisations
internationales et les puissances étatiques. Le jalon démontre
que la séparation a entraîné une forte discontinuité entre les
deux États et que, malgré la sanctuarisation des espaces, la
frontière se fait ponctuellement interface dans le cadre de
politique de rapprochement et d’apaisement des tensions
depuis les années 1970.
REPÈRES 3
La guerre de Corée et la formation
d’une frontière idéologique p. 206-207
❚❚ P
 résentation des documents et des liens
possibles entre eux
La frise chronologique permet à l’élève de comprendre
l’émergence de la question coréenne pendant la Seconde
Guerre mondiale (conférence de Potsdam) qui devient un
enjeu de rivalités entre les États-Unis et l’URSS dès l’abdication
du Japon. Si le 38e parallèle est choisi légalement comme
Axe 1 • Tracer des frontières, approche géopolitique 91
 frontière internationale, les tensions entre les deux Grands
donnent naissance à deux États qui, dès leur naissance en 1948,
sont opposés car pris dans le jeu des relations internationales
du monde bipolaire. La guerre de Corée remet en cause la
frontière reconnue par l’ONU et génère un nouveau tracé
issu d’un nouveau rapport de force en 1953 et une nouvelle
forme avec la DMZ. Le doc. 1 aide l’élève à saisir comment le
tracé de la frontière entre les deux Corées a évolué pendant la
guerre. Les négociations de la fin du conflit débouchent sur un
cessez-le-feu (toujours en vigueur aujourd’hui) qui délimite une
nouvelle frontière, la DMZ. Alors qu’elle se voulait initialement
temporaire, elle sépare toujours depuis 1953 les deux Corées.
La frontière entre les deux Corées
Stigmate de l’ordre international qui s’établit à la fin de la
Seconde Guerre mondiale et pendant la guerre froide, la
frontière entre les deux Corées est à la fois terrestre et maritime.
Elle montre comment les frontières sont tracées, d’abord en
suivant une ligne imaginaire, le 38e parallèle, puis en fonction
d’un rapport de force. Dans la définition ratzelienne, la frontière
est donc une réalité mouvante qui évolue en fonction des
rapports de force entre des acteurs, et dont le tracé (figé ici
depuis 1953) n’est qu’une phase temporaire plus ou moins
longue entre deux évolutions. D’ailleurs les deux pays n’ont
signé qu’un armistice en 1953, l’état de guerre étant prolongé
depuis. La DMZ témoigne de l’épaisseur de la frontière et de
la complexité du jeu des acteurs qui ne peut se résumer à une
simple dualité. Cette bande de 250 km de long et de 4 km
d’épaisseur est confiée à l’ONU qui surveille l’unique point
de passage : la Joint Security Area. Les tensions sont depuis
fortes sur la frontière la plus militarisée du monde (1,2 million
de soldats, 1 million de mines), que ce soit par la diffusion
incessante et bruyante de messages sonores de propagande
ou par la multiplication du tourisme conflictuel sur le site pour
justifier l’action menée et décrédibiliser l’ennemi.
Le doc. 2 est une photographie illustrant la DMZ. Elle donne à
voir la matérialisation du tracé de la frontière reconnue à partir
de 1953 (signature de l’armistice de Panmunjeom) ainsi que
l’épaisseur (jusqu’à 4 km) et l’aménagement de ce territoire par
différents acteurs : les deux régimes coréens et l’ONU, avec le
soutien technique et financier des blocs soviétique et occidental
pendant la guerre froide. Cette zone démilitarisée marque la
frontière la plus militarisée du monde. Le no man’s land (visible sur
la partie gauche de l’image) est séparé du territoire sud-coréen
(à droite de l’image) par un système de barbelés, de mines,
d’antennes, de fossés, de tunnels et de postes d’observation. La
circulation des civils est d’ailleurs limitée sur plusieurs kilomètres
afin de sanctuariser cette zone frontalière. Le professeur veillera à
montrer aux élèves que le tracé des frontières donne naissance à
des recompositions territoriales spécifiques. La carte associée au
document illustre la présence d’acteurs extérieurs, notamment
les États-Unis présents militairement depuis la fin de la Seconde
Guerre mondiale et la libération de la péninsule, mais aussi des
puissances chinoise et russe au nord dont on soulignera les
relations diplomatiques avec la Corée du Nord aujourd’hui. La
présence de la préfecture autonome coréenne de Yanbian au
nord de la Corée donne l’occasion d’évoquer ce point. Cette
subdivision administrative de la province du Jilin en Chine est
autonome depuis 1952. Elle est alors majoritairement peuplée
de Coréens. L’ouverture de la frontière entre la préfecture et la
Corée du Nord prouve le rapprochement entamé entre les deux
régimes pendant la guerre de Corée.
92 Thème 3 • Étudier les divisions politiques du monde : les frontières
Le doc. 3 aide l’élève à comprendre l’impact du tracé de la
frontière sur les deux États. La frontière est ici une discontinuité
multiple, à la fois politiquement avec deux régimes différents,
démographiquement, économiquement et socialement. Les
indicateurs économiques et sociaux et l’IDH signalent l’écart de
développement entre les deux États depuis la guerre de Corée.
❚❚ Pour comprendre
Le tracé de la frontière entre les deux Corées a été défini après
la guerre de Corée (1950-1953) qui a remis en cause le tracé
précédent le long du 38e parallèle. Le contexte de guerre froide
a alimenté un conflit entre les deux États. L’évolution du rapport
de force a conduit la communauté internationale, Séoul et
Pyongyang à reconnaître temporairement un nouveau tracé
en 1953 : la DMZ. Il s’agit d’une frontière démilitarisée dont
l’intégrité est garantie par l’ONU. Pourtant, de part et d’autre de
la DMZ, les deux Corées ont militarisé la zone (barbelés, mines,
postes d’observations, routes, soldats) au point de sanctuariser
cet espace. La frontière a été aménagée et, depuis 1953, elle
définit la délimitation terrestre entre les deux États.
Ce tracé a un impact sur le développement des deux États
car la Corée du Sud, soutenue par les États-Unis et ouverte à
la mondialisation, s’est développée (fort commerce extérieur,
croissance démographique et économique). Au contraire, la
Corée du Nord accuse un fort retard de développement et
vit recluse du monde. Le tracé de la frontière a ainsi marqué
une discontinuité entre les deux États à la fois politique,
économique et sociale. Cette discontinuité nourrit les tensions
persistantes entre les deux États aujourd’hui ; la prolifération
de sites nucléaires et l’installation permanente de troupes
américaines pour protéger l’allié sud-coréen en témoignent.
ÉTUDE
Une frontière hautement symbolique
à l’époque de la guerre froide p. 208-209
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
Cette double page contribue à mettre en perspective la frontière
née de la guerre de Corée dans le contexte de la guerre froide,
à la fois en amont et a posteriori. Il s’agit de montrer comment
la frontière est un enjeu politique dans les affrontements, à la
fois interne (pour les Coréens) et externe (pour les deux blocs).
La guerre de Corée est ainsi une guerre civile et un théâtre de la
guerre froide. Les élèves peuvent aborder les différents acteurs
antagonistes et les multiples enjeux de tensions tout en étudiant
la frontière entre les deux Corées comme un espace fermé et
matérialisé, mais aussi une interface de contacts temporaires
en fonction des phases de tensions et d’apaisement entre les
différents acteurs de la guerre froide.
Le doc. 1 est une photographie prise à un check-point sur la
frontière entre les deux Corées telle qu’elle a été définie lors de
la conférence de Potsdam (1945). Le sens du panneau indique
clairement que l’arrière-plan se situe en Corée du Nord et que
le pont crée le contact de part et d’autre de la frontière. Les
véhicules de l’ONU qui reviennent de Pyongyang permettent
de situer cette prise de vue après le 20 septembre 1950 lors
de la première contre-offensive onusienne et états-unienne
(doc. 1 p. 206). L’élève peut alors noter la présence d’acteurs
internationaux, l’ONU et les États-Unis visibles grâce au symbole
U.S. sur le panneau.
Le doc. 2 est un extrait des mémoires d’Harry S. Truman, ancien
président des États-Unis en fonction pendant la guerre de
Corée. Dans ce témoignage, il rappelle la position américaine
face à ce qui allait devenir la guerre de Corée. Le professeur
veillera à critiquer le document avec ses élèves, notamment
la subjectivité de mémoires rédigées et publiées six ans après
les événements racontés par l’un des acteurs clés du conflit. En
citant les régimes totalitaires fasciste, nazi et stalinien, il s’agit
de diaboliser l’ennemi pour justifier l’intervention américaine
et l’intégrer dans un processus de lutte contre les totalitarismes.
Harry Truman évoque également l’endiguement (doctrine
Truman) : si la Corée du Sud était tombée, le reste du monde
serait passé sous le joug communiste. Cette affirmation a
posteriori vise à légitimer son ingérence dans le conflit coréen.
Il défend enfin l’intervention des États-Unis par la nécessité
d’appuyer l’action de la jeune ONU, fondée en 1945, en menant
une action conjointe afin de mettre l’armée américaine au
service d’une cause internationale.
Le doc. 3 est un tableau de Pablo Picasso peint le 18 janvier
1951, six mois après le début du conflit. Il oppose deux groupes
de personnages, à droite des soldats qui tiennent en joue avec
des armes futuristes un groupe de civils composé de femmes
(dont certaines enceintes) et d’enfants nus, à gauche. Alors
que les visages des soldats sont inexpressifs, ceux des civils
traduisent la peur et l’angoisse. À la brutalité et à la mort
s’opposent l’innocence et la vie. Les deux groupes sont séparés
par un chemin ou une rivière. À l’arrière-plan on observe un
paysage de ruines. Si cette œuvre peut illustrer n’importe
quelle scène de massacre de civils par une armée lors d’un
conflit, c’est l’un des rares tableaux que Picasso nomme pour
pouvoir identifier l’événement. Il peint le massacre des civils
après l’élargissement du conflit en juillet 1951 car la Chine est
entrée en guerre aux côtés de la Corée du Nord pour mener
une nouvelle offensive contre les forces sud-coréennes, états-
uniennes et onusiennes. L’influence du Tres de Mayo de Goya
(1808) et du thème biblique du Massacre des Innocents est très
nette. Contrairement à Guernica peint quatorze ans auparavant,
Massacre en Corée ne rencontre pas le public espéré et son écho
politique est un échec. Boycotté par les grandes puissances
communistes et occidentales, Picasso lui-même attribua cet
échec au fait que le public attendait plus que Guernica.
Le doc. 4 est la Une d’un journal publié en République Fédérale
d’Allemagne en juillet 1950 dans le contexte de la première
offensive nord-coréenne. Le professeur rappellera aux élèves
que la RFA est née un an plus tôt, dans le prolongement du
blocus de Berlin. L’Allemagne et la Corée ont pour point commun
d’être divisé en deux avec une frontière fermée et militarisée
au cœur des enjeux de la guerre froide. Cette Une représente
les craintes que la situation de guerre civile et internationale
qui s’ouvre en Corée (les deux combattants coréens portent
d’ailleurs des uniformes avec le dollar américain et l’étoile
communiste) ne s’étende par la suite aux deux Allemagnes.
Le doc. 5 est extrait d’un article paru dans Le Monde en 2018 à
l’occasion d’une nouvelle ouverture de la frontière entre les deux
Corées pour organiser des retrouvailles de familles séparées
depuis 1945. Alors qu’il évoque la énième organisation de
retrouvailles, l’article rappelle que cette politique d’ouverture
a débuté au cours des années 1970 dans le contexte de la
Détente. Au gré des phases de tensions et d’apaisement dans
les relations bipolaires, la situation à la frontière entre les deux
Corées évolue. La politique, l’évolution de la diplomatie et des
rapports de force ont donc un impact sur la frontière-perméable
ou fermée. Depuis 1985 (cf. la photo associée à l’article), une
vingtaine de retrouvailles ont été organisées. Les différents
exemples mentionnés permettent à l’élève de comprendre que
la politique d’ouverture pour les retrouvailles a toujours été
inscrite dans un contexte politique où les dirigeants des deux
Corées souhaitaient conjointement un rapprochement. La fin de
l’article aborde la politique du « rayon de soleil », c’est-à-dire la
volonté d’ouverture de la Corée du Sud vers le nord entre 1998
et 2008 sous la présidence de Kim Dae-jung, ce qui n’est pas
sans rappeler la politique des « petits pas » en Allemagne.
Les hésitations du rapprochement coréen
Dans le cadre de la Détente, l’apaisement des relations entre les
deux Grands rejaillit sur les conflits se déroulant dans les pays
interposés comme à Berlin (avec l’Ostpolitik) ou entre les deux
Corées. Un projet intercoréen de réunion des familles divisées
depuis 1944 naît en 1971 sous l’égide de la Croix-Rouge. Ce
rapprochement et cette collaboration débouchent d’ailleurs sur
une déclaration commune du 4 juillet 1972, par laquelle les deux
États expriment leur volonté d’une réunification pacifique sans
ingérence étrangère. Mais les discussions sont abandonnées
en 1973 et les relations entre les deux régimes se détériorent
au cours des années 1980 après la recrudescence des tensions
entre les deux Grands et la perpétration d’actes terroristes en
Corée du Sud mettant en cause Pyongyang (comme l’attentat
contre un Boeing de la Korean Airlines en 1987).
❚❚ Analyse de documents
1. Les tensions autour de la frontière coréenne tracée en 1944
et qui suit le 38e parallèle sont un enjeu de la guerre froide car
la Corée du Nord, soutenue par les régimes communistes (URSS
et Chine), a envahi la Corée du Sud en 1950. Les États-Unis,
suivant la doctrine Truman, ont décidé d’intervenir militairement
à la fois pour contenir la progression du communisme dans
le monde, protéger les Nations unies en faisant respecter
l’ordre international et en défendant leurs valeurs telles que
la démocratie et la liberté. Les États-Unis de Truman et l’URSS
de Staline s’affrontent indirectement par pays interposés au
nom de leur idéologie, en Corée comme ce fut le cas à Berlin
lors du blocus en 1948-1949. À l’instar du contexte berlinois,
la frontière entre les deux Corées est au cœur des tensions
entre les deux Grands.
2. Ce conflit né d’un différend sur le tracé frontalier est un
enjeu de la guerre froide ainsi que le théâtre d’une guerre civile.
Dans sa peinture de 1953, Pablo Picasso peint le massacre de
civils coréens par les armées nord-coréenne et chinoise lors
de l’offensive de 1951. Le tracé de 1944 et le nouveau de 1953
ont conduit à la séparation de familles de part et d’autre d’une
frontière hermétique à tout civil.
3. Pourtant la frontière fut également un enjeu et un outil
d’apaisement pendant la guerre froide. Profitant de la Détente
entre les deux Grands, les dirigeants sud-coréen (Choi-Doo-
seon) et nord-coréen (Kim Il-sung) se sont rapprochés. Derrière
le prétexte d’une volonté d’ouverture de la frontière pour que
des familles puissent se retrouver, les deux régimes ont pu
mener des discussions et envisager une éventuelle réunification.
Mais la reprise des tensions dans les années 1970 (« guerre
fraîche ») a mis un terme à cet espoir. Il a fallu attendre une
nouvelle phase d’apaisement au début des années 1980 pour
que la première rencontre puisse avoir lieu en 1985 dans
un contexte de rapprochement des deux régimes (projets
communs dans le cadre de la diplomatie du sport). La fin de
la guerre froide n’a cependant pas mis un terme au conflit.
Axe 1 • Tracer des frontières, approche géopolitique 93
 LEÇON 2
Tracer des frontières,
approche géopolitique p. 210-211
❚❚ P
 résentation des documents en lien
avec la problématique
Les documents accompagnant ce second cours « Tracer des
frontières, approche géopolitique » permettent de répondre à
la problématique posée : « Pour quelles raisons les États ont-ils
cherché à définir et matérialiser leurs frontières ? ».
Le doc. 1 est une photographie de la ligne Mc Mahon dont
le tracé est l’objet d’un contentieux géopolitique fort entre
l’Inde et la Chine pour le contrôle de la région de l’Arunachnal
Pradesh (83 000 km2).
La « ligne McMahon »
La Chine remet en cause le tracé de la « ligne McMahon » dessiné
par les Britanniques lors du traité de Simla en 1914, accusant les
signataires chinois de l’époque d’avoir accepté sous la contrainte
britannique (dont l’armée occupe alors une Chine en proie à la
guerre civile). Les autorités chinoises dénoncent également le
tracé au crayon rouge réalisé sur la carte en 1914 qui a faussé
le jeu car la cartographie était incomplète, et donc incorrecte.
Depuis cette date, la frontière est matérialisée localement par
une ligne de pierres grises (visibles sur la photo) et est surveillée
en permanence par une patrouille indienne.
94 Thème 3 • Étudier les divisions politiques du monde : les frontières
La présence des drapeaux, des soldats mais aussi de la ligne
de pierres montre comment la matérialisation d’une frontière
participe de l’appropriation d’un territoire et signale un rapport
de force face aux acteurs contestataires. Le tracé nécessite donc
la reconnaissance de la part d’autres acteurs, ou entraîne un
refus de reconnaissance, ce qui génère des tensions.
Le doc. 2 est une photographie du mur entre les États-Unis et le
Mexique. Contrairement au doc. 1, la matérialisation ne vise pas
à s’approprier un territoire car la frontière est reconnue et ne fait
pas l’objet de tensions quant à son tracé. La matérialisation et la
sanctuarisation de cette frontière-fermée ambitionnent de lutter
contre les trafics illégaux (clandestins, drogues, contrebande)
et cherche à freiner l’immigration illégale vers les États-Unis.
L’opposition des deux documents permet à l’élève de
comprendre que la matérialisation ne dépend pas uniquement
des tensions liées au tracé de la frontière.
Le schéma fléché au bas de la p. 211 a pour objectif de replacer
les études de l’axe 1 dans une organisation plus systémique.
Il donne du sens au travail d’exemples réalisé dans les pages
précédentes puisqu’il participe à illustrer la leçon sur le tracé
des frontières. Ce peut être un bon point d’appui pour la
préparation d’un sujet de composition susceptible d’être
proposé à l’examen (par exemple, quels défis géopolitiques
pose le tracé des frontières dans le monde ?).
THÈME 3
AXE 2 Les frontières en débat
OUVERTURE p. 212-213
❚❚ Introduction
La double page d’ouverture de cet axe 2 permet une variété
d’accroches introductives avec les élèves. La frise chronologique,
partagée entre des affrontements frontaliers et les négociations
qui en résultent, est à la fois un outil et un objet d’étude. Le
doc. 1 introduit le débat autour de la frontière entre la Pologne
et l’Allemagne datant de l’après-guerre (axe 1). L’entrée par une
carte souligne la nécessité de réfléchir aux représentations des
États et de leurs frontières comme construction politique. Le
doc. 2, affiche élaborée lors du 30e anniversaire de la convention
de Montego Bay sur le droit de la mer, introduit le thème de
la souveraineté maritime (axe 2) et actualise le débat sur les
frontières. La confrontation des deux documents aboutit à la
problématique de ce thème : les frontières favorisent-elles la
paix entre les États ou sont-elles un facteur de conflits ?
La frontière, enjeu majeur du droit international
Alors que l’introduction a permis de prendre conscience des
différents sens donnés à la frontière (ligne, confins, zone
d’échange), il s’agit ici d’aborder la frontière comme objet
de débats et enjeu majeur du droit international. La frontière
se trouve au cœur d’un paradoxe : elle a pour objectif de
fixer les souverainetés étatiques pour favoriser la paix. Mais
une fois établies de manière rigide, les frontières peuvent
elles-mêmes être sources de conflits. Il est donc nécessaire
d’aborder les débats sur les frontières à la fois sous l’angle
des affrontements et de la négociation. Si la délimitation
d’une frontière terrestre est une opération de nature politique
qui ne répond à aucune règle de droit international, elle se
trouve très souvent concrétisée par un traité. De même les
frontières internationales sont garanties en droit puisque la
frontière est reconnue comme inviolable (précepte de base
de toutes les relations internationales contemporaines). Les
frontières maritimes ont fait l’objet d’une détermination
juridique beaucoup plus récente. Le droit de la mer, écrit dès
1958, a été fixé lors de la convention de Montego Bay en 1982
qui établit la souveraineté des États en mer. Mais ce processus
de découpage des espaces maritimes n’a pas mis fin aux
litiges frontaliers (revendication ou chevauchement des ZEE).
Là encore, les frontières sont au centre de nouvelles négociations
(extension du plateau continental).
Les élèves peuvent être déstabilisés par la forme de l’État
allemand représenté dans le doc. 1. Si les parties occidentale
et centrale pourront leur rappeler la RFA et la RDA, les deux
territoires orientaux devraient soulever des interrogations.
La légende leur indique qu’il s’agit de territoires perdus après
la Seconde Guerre mondiale : une vaste bande intégrée à la
Pologne de la Poméranie au nord à la Silésie au sud et la Prusse
orientale, partagée entre l’Allemagne et l’URSS. Il convient alors
de les interroger sur les causes de ces modifications. La légende
et la frise chronologique aideront à la démarche. Le doc. 2 doit
être soumis au regard critique des élèves. Il laisse penser que
la fixation des frontières maritimes (ZEE) est aujourd’hui un
facteur de paix et de consolidation de la division du monde
(éléments iconographiques à souligner : prédominance du
bleu, associé à la paix, logo de l’ONU, mer d’huile et bateau
ancré). Mais cette affiche ne rend pas compte de la persistance
des litiges maritimes (mer de Chine, Arctique) et des débats
autour de la haute mer (ressources, circulation, protection de
la biodiversité).
❚❚ Réponses aux questions
1. La fixation des frontières, qui délimite la souveraineté d’un
État, peut naître de négociations comme le montrent les
différents traités de reconnaissance de la frontière germano-
polonaise (conférence de Potsdam, 1945) ou les textes ou
instances favorisant les négociations sur le droit de la mer
(convention de Montego Bay, Tribunal international maritime
du droit de la mer). Cependant, les frontières sont aussi sources
de conflits car elles peuvent être contestées (Soudan, 2011)
ou violées (Crimée, 2014). La frontière germano-polonaise a
notamment été l’objet de débats politiques tout au long de la
guerre froide, depuis la conférence de Potsdam de 1945 jusqu’à
la réunification allemande. Cette contestation s’explique par un
refus des découpages territoriaux issus de la Seconde Guerre
mondiale et de la séparation des peuples qui en a résulté.
2. Aujourd’hui, les États tendent à dépasser les litiges autour
des frontières maritimes en appliquant les principes du droit de
la mer fixé en 1982 par la convention onusienne de Montego
Bay. Ils font appel à des instances de négociation telles que
le Tribunal international maritime du droit de la mer ou à la
Commission des limites du plateau continental pour éviter les
affrontements armés et légitimer leur souveraineté maritime
aux yeux des autres États.
Axe 2 • Les frontières en débat 95

JALON
Reconnaître la frontière :
la frontière germano-­
polonaise de 1939 à 1990,
entre guerre et diplomatie
❚❚ Introduction
Ce jalon a pour objectif de montrer aux élèves que certaines
frontières politiques tracées provoquent des débats et des
tensions, voire des conflits, entre différents acteurs. Le jalon
traite de la frontière germano-polonaise de 1939 à 1990,
amenant l’élève et le professeur à aborder les tensions suscitées
par le tracé de la frontière et ses remaniements aux lendemains
du traité de Versailles (1919), et dont le parti nazi s’est emparé
pour justifier auprès de sa population une invasion légitime de
la Pologne le 1er septembre 1939. L’enseignant veillera à inscrire
ce jalon dans un temps plus long pour expliquer les tensions
qui nourrissent les débats autour de cette frontière (repères 1
p. 215). La défaite de l’Allemagne et la renaissance de la Pologne,
la création de la RFA et de la RDA dans un contexte de guerre
froide, et la volonté de normalisation des relations entre les
pays communistes sous la tutelle de l’URSS ont contribué à
faire du tracé un enjeu de tensions, mais aussi d’apaisement
au cœur des relations diplomatiques (étude p. 216-217).
La réunification de l’Allemagne en 1990 a conduit les deux
États à normaliser leurs relations et à mettre un terme au débat
concernant le tracé de la frontière.
REPÈRES 1
La frontière germano-polonaise p. 214-215
❚❚ Présentation des documents et des liens
possibles entre eux
La frise chronologique permet d’évoquer l’évolution du tracé
de la frontière entre les territoires polonais et allemands depuis
1795 et la disparition de la Pologne dans le contexte des guerres
révolutionnaires. La frise met en évidence les grands traités
et événements qui ont impacté le tracé de la frontière et les
relations diplomatiques qui y sont liées.
Le doc. 1 illustre l’évolution du territoire polonais depuis l’An Mil.
Le recours au site Internet mentionné à côté du document
permet de mobiliser des cartes dynamiques pour comprendre
l’évolution du territoire polonais et donc des tracés de ses
frontières, notamment avec les territoires allemands. Cette
dimension historique offre la possibilité d’évoquer la mémoire
des territoires anciens et des anciennes frontières qui alimentent
des représentations et des discours mobilisés lors de débats
sur le tracé de la frontière afin de le légitimer ou de le remettre
en cause.
Le doc. 2 présente la création du territoire polonais au lendemain
de la Première Guerre mondiale. Le traité de Versailles a retracé
de nombreuses frontières dans cette « Mitteleuropa », mais
le tracé évolue (intégration d’Orava et de Spis en 1920, de la
Haute-Silésie en 1921 à la Pologne) et suscite des tensions avec
96 Thème 3 • Étudier les divisions politiques du monde : les frontières
la République de Weimar, notamment le couloir de Dantzig
qui séparait les territoires allemands. Le lien est trouvé avec
le doc. 3 qui évoque l’invasion de la Pologne en 1939 et son
démembrement par les régimes totalitaires nazi et stalinien.
La frontière, objet de tensions entre l’Allemagne nazie et la
Seconde République polonaise, disparaît ainsi dans le contexte
de la Seconde Guerre mondiale.
Enfin, le doc. 4 indique la reconstitution de la Pologne après
la capitulation de l’Allemagne. Le tracé est défini entre les
puissances alliées lors de la conférence de Potsdam (1945) et
s’impose aussi bien aux Polonais qu’aux Allemands. Le choix d’un
élément naturel, l’Oder-Neisse, ne va pas de soi. L’enseignant
veillera à rappeler à ses élèves qu’il n’existe aucune frontière
« naturelle ». Ce nouveau tracé, garanti par la tutelle soviétique
sur la RDA et la Pologne, est reconnu par les deux États via
le traité de Görlitz, mais a pour conséquence d’intégrer des
populations germanophones dans le nouveau territoire polonais
et de provoquer la fuite de 7 millions de germanophones vers
la RDA entre 1945 et 1948.
❚❚ Pour comprendre
1. En 1795, les frontières de la République des Deux-Nations
(Pologne et Lituanie) s’étendent de l’Oder à l’ouest à la Dniepr à
l’est. La majeure partie de la Pologne couvre alors des territoires
russes. Les guerres révolutionnaires ont provoqué la disparition
de la Pologne en 1795. Lorsque le territoire polonais est
reconstitué en 1919 après la Première Guerre mondiale, les
vainqueurs décident de tracer ses nouvelles frontières en
restreignant l’étendue de son territoire. Les territoires russes
(incorporés à l’URSS), la Lituanie, la Lettonie et l’Estonie sont
désormais hors du territoire polonais. Lorsque la Pologne est
recomposée en 1945, sa frontière se déplace davantage vers
l’ouest en épousant la ligne composée par les deux fleuves
l’Oder et la Neisse.
2. Le traité de Versailles recrée une frontière entre l’Allemagne
et la Pologne, devenant un enjeu géopolitique fort car le
couloir de Dantzig sépare les territoires allemands et des
populations germanophones sont intégrées dans le nouvel
État polonais. De plus, le territoire allemand de Haute-Silésie
est rattaché à la Pologne en 1921. Les tensions liées à ce
tracé alimentent les rancœurs des nazis, et sont un facteur
de l’invasion puis du démembrement de la Pologne en 1939.
La fin de la Seconde Guerre mondiale a pour conséquence de
fixer une nouvelle frontière, la ligne Oder-Neisse, qui devient
un enjeu géopolitique car elle est acceptée par la RDA mais
rejetée par la RFA dans le contexte de guerre froide. L’apaisement
des tensions internationales dans les années 1970, puis la
réunification de l’Allemagne et la fin de la guerre froide, calment
les tensions dans la mesure où la RFA puis l’Allemagne réunifiée
reconnaissent internationalement cette frontière.
ÉTUDE
La frontière germano-polonaise,
un enjeu durant la guerre froide p. 216-217
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
Le choix a été fait de présenter les tensions diplomatiques autour
du tracé de la frontière Oder-Neisse dans le contexte de post-
Seconde Guerre mondiale et de guerre froide. La frise permet
de montrer les grandes périodes des relations internationales
pendant la guerre froide pour que l’élève situe les événements
en fonction des phases de tensions et d’apaisements. Le reste
de la frise situe dans le temps les grands traités et accords
concernant le tracé de la ligne Oder-Neisse.
Le doc. 1 illustre la matérialisation de la nouvelle frontière entre
les territoires allemands et la Pologne en 1945, avec en arrière-
plan une vue du fleuve. Le doc. 2 montre les conséquences de
la reconstitution d’un État polonais et du choix de l’Oder-Neisse
comme nouveau tracé frontalier. La carte révèle que ce tracé
génère des tensions fortes : la perte de territoires polonais à l’est
au profit de l’URSS entraîne des migrations vers les territoires
allemands intégrés à la Pologne (nord et ouest). Cela provoque
des tensions entre habitants polonais et germanophones,
alimentant un important mouvement d’expulsions de
germanophones vers les territoires allemands occupés.
Les doc. 3 et 4 peuvent être étudiés en parallèle. L’affiche de
la CDU (doc. 3) dénonce le traité de Moscou de 1947 où les
quatre puissances alliées ont reconnu la ligne Oder-Neisse
(définie préalablement lors de la conférence de Potsdam)
comme frontière internationale entre la Pologne et les territoires
allemands. On y aperçoit les quatre zones d’occupation des Alliés
à droite (France, États-Unis, URSS et Royaume-Uni) et la partie
de gauche représente en orange des territoires germanophones
qui appartenaient à l’Allemagne post-traité de Versailles (le
couloir de Danzig est d’ailleurs représenté). Les territoires sont
figurés sur un papier déchiré le long de l’Oder-Neisse. Le doc. 4
est un timbre émis par la RDA pour célébrer le traité de Görlitz
signé l’année précédente et par lequel la RDA et la Pologne
reconnaissent mutuellement l’Oder-Neisse comme frontière
internationale. Le timbre représente l’amitié et la paix entre les
deux républiques soviétiques dont le rapprochement, sous la
tutelle de l’URSS, est rapidement effectué après la création de
la RDA en 1949. Le contexte de la guerre froide a ainsi stimulé
la reconnaissance mutuelle en rapprochant diplomatiquement
les deux États.
Le doc. 5 est un extrait d’un rapport de Walter Scheel alors
ministre des Affaires étrangères de la RFA. Il évoque le traité de
Varsovie signé le 7 décembre 1970 entre la RFA et la Pologne en
vertu duquel les deux pays se reconnaissent mutuellement sur
le plan diplomatique et acceptent l’inviolabilité des frontières
issues de la conférence de Potsdam (1945) en renonçant à
toute revendication territoriale. Mais son propos vise surtout
à montrer la nécessité de régler diplomatiquement la question
de la frontière Oder-Neisse pour l’avenir des relations entre la
RDA et la RFA dans le cadre de l’Ostpolitik et d’envisager une
future réunification des deux Allemagnes.
L’Ostpolitik
L’Ostpolitik ne peut se résumer au duo RDA-RFA, car la
problématique du rapprochement et de la réunification est
forcément liée à la question polonaise. En effet, la normalisation
des relations entre la RFA et la Pologne est initiée très tôt car,
dès 1954, la méfiance entre la Pologne et la RDA s’installe
(espionnage, peu d’échanges économiques et technologiques,
faiblesse de la Pologne face à la RDA dans le Comecon). À partir
de 1961, les contacts entre la RFA et la Pologne s’établissent,
Varsovie cherchant un partenaire économique et commercial
notamment pour bénéficier de transferts de technologies que
lui refusait la RDA. Le traité de Varsovie puise donc ses racines
dans des causes profondes et ne peut se résumer au simple
traité de Görlitz.
Le doc. 6, en lien avec le précédent, précise que la reconnaissance
du tracé dans le contexte de guerre froide et de l’Ostpolitik est
une condition préalable à la réunification de l’Allemagne.
La normalisation des relations avec la Pologne et la signature
du second traité de Varsovie (1990) doit permettre d’éradiquer
une fois pour toutes les craintes de voir resurgir un conflit
frontalier entre les deux États, le souvenir de 1939 n’étant
jamais très loin dans les mémoires.
❚❚ Analyse de documents
1. Le déplacement de la frontière le long de la ligne Oder-
Neisse a eu pour conséquence d’intégrer des territoires
germanophones à la Pologne ce qui a pu susciter des tensions
et alimenter des revendications de la part des Allemands. Il y
a eu également des déplacements et expulsions de 7 millions
d’habitants germanophones hors de Pologne soit pour fuir
les persécutions soit pour vivre dans un territoire allemand.
Ces personnes qui ont dû quitter leur territoire ont donc pu
nourrir des rancœurs contre ce nouveau tracé frontalier. La
dernière conséquence est la matérialisation de la frontière
pour territorialiser leurs États.
2. Dans le contexte de la guerre froide, la RDA a rapidement
reconnu la frontière Oder-Neisse au nom de l’amitié entre
les deux peuples et pour que la paix s’installe dans le bloc
communiste. Le partage de la même idéologie et la tutelle
de l’URSS ont pesé dans ce rapprochement. La RFA, qui n’a
pourtant pas de frontière commune avec la Pologne, rejette
cette nouvelle frontière car elle a provoqué l’abandon de
7 millions de germanophones livrés à eux-mêmes et la perte
d’un territoire historiquement considéré comme allemand.
3. La diplomatie a permis d’apaiser les tensions d’abord entre
la RDA et la Pologne car les alliances nouées dans le cadre du
bloc communiste ont facilité le dialogue et le rapprochement.
La présence de dirigeants qui souhaitent apaiser les relations
entre les deux États pour les rebâtir et instaurer la paix après
la Seconde Guerre mondiale a été un facteur essentiel. Puis la
RFA a choisi d’atténuer diplomatiquement les tensions avec
la Pologne en reconnaissant le tracé Oder-Neisse afin de se
rapprocher de la RDA dans le cadre de l’Ostpolitik devant
permettre la réunification. Enfin, la fin de la guerre froide
et la réunification allemande permettent de confirmer ce
rapprochement diplomatique. Les nombreux accords signés
entre 1950 et 1991 conduisent à régler diplomatiquement les
tensions portant sur le tracé de la ligne Oder-Neisse.
J A LON
Dépasser les frontières :
le droit de la mer
❚❚ Introduction
Le deuxième jalon de l’axe 2 sur les débats liés aux frontières
invite à travailler sur le droit de la mer en montrant que, dans
ce domaine, il est possible de dépasser les frontières. En effet,
le droit de la mer relève du droit international, ce qui pose
le problème du difficile – voire impossible – abandon de
souveraineté de la part des États. La première étude (p. 218-
219) pose donc les grands débats autour du droit de la mer, en
s’appuyant notamment sur la convention de Montego Bay de
Axe 2 • Les frontières en débat 97
 1982, aboutissement de longues négociations (25 ans entre ❚❚ Réponses à l’activité
sa conception et son application). La difficile et incomplète
application du droit de la mer se heurte d’ailleurs toujours à la Le droit de la mer L’exemple des Kouriles
volonté des États, de manière particulièrement sensible dans (Japon, Russie)
les régions de forte circulation (mer de Chine, p. 222-223) et Principes du Liberté de navigation Contrôler la ZEE des Kouriles.
dans celles en cours d’exploration, notamment sous l’effet du droit de la mer (détroits, haute mer),
changement climatique (Arctique, p. 220-221). de pêche (haute mer).

Objectifs Régulation : droit Russie : garder le contrôle

ÉTUDE des acteurs des États non littoraux d’un territoire riche en
à l’accès à la mer ; poisson et hydrocarbures
devoir de lutter contre + intérêt géostratégique :
Le droit de la mer : un droit identique la piraterie, de préserver les le contrôle des Kouriles
sur toutes les mers et les océans ressources. permet à la Russie de
surveiller son ouverture
 p. 218-219 sur le Pacifique.
Japon : récupérer un
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents territoire considéré comme
japonais par le traité
L’enjeu de cette étude est de comprendre comment et pourquoi
de Shimoda en 1855,
le droit de la mer se veut universel, mais fait face à des difficultés et très riche en ressources
d’application. Le doc. 3 permet d’abord de saisir quels sont halieutiques.
les grands principes de ce droit universel : la liberté dans
la régulation. Le doc. 5 contextualise les conditions de son Outils Conférence de Genève Traité de Shimoda (1855)
élaboration. (1958) Traité de Portsmouth (1905)
Convention de Montego
Bay (1982)
La convention de Montego Bay, l’aboutissement
d’une longue histoire du droit de la mer (doc. 1) Limites ou Lorsque les ZEE se 2010 : D. Medvedev a été
Pour assurer sa sécurité, l’État exerce sa pleine souveraineté perspectives chevauchent : comment le premier chef d’État russe
sur la mer territoriale. Au xviie siècle, elle est limitée à la simple les délimiter (cf. site à se rendre sur les Kouriles :
donutholes.ch) c’est un acte d’appropriation
portée d’un boulet de canon soit environ 3 milles marins. Pour
Extension des ZEE possible qui a été une provocation
le reste de l’espace maritime, le principe de liberté des mers
jusqu’à 350 milles : c’est pour le Japon.
a été posé pour la première fois par le Hollandais Hugo de l’enjeu de territorialisation Les négociations sont
Groot en 1609. Le droit de la mer s’est ainsi longtemps limité actuel qui passe par au point mort.
à ce principe : les mers et les océans sont ouverts à tous et la délimitation du relief
n’appartiennent à personne, à l’exception d’une bande de sous-marin.
3 milles marins. La nécessité d’un droit de la mer s’impose au
lendemain du dernier conflit mondial. Pour la première fois, à ❚❚ Pour aller plus loin
la conférence de Genève en 1958, le droit de la mer est codifié Les conflits maritimes dans le monde
sur la base des travaux de la Commission du droit international.
On définit ainsi : la mer territoriale ; la haute mer (codifie les
règles de droit international concernant la haute mer) ; le
plateau continental (pour délimiter et de définir les droits Sahara Kouriles
des États à explorer et à exploiter les ressources naturelles du occidental/
Mauritanie
plateau continental). En 1970, l’Assemblée générale des Nations Mer de Chine
unies adopte la résolution 2 749 qui qualifie de « Patrimoine
Venezuela/
mondial » le fond des mers et des océans situé au-delà des Guyana Kenya/
limites des juridictions nationales. Cependant, afin d’éviter les Somalie
conflits et de protéger les milieux marins, mais aussi après la
remise en cause par les pays en développement de certaines
des règles fixées par les textes adoptés à Genève, la conférence ÉTUDE
de Montego Bay (Jamaïque) en 1982 a créé la convention des
Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM). Le droit de la mer en Arctique p. 220-221

La mer n’est pas un espace totalement libre, mais il est codifié ❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
dans son usage et sa gestion. Or cette « liberté régulée »
À l’échelle régionale, le partage de l’océan Arctique est l’objet de
établit des droits et des devoirs dans des espaces maritimes
tensions et d’arbitrages internationaux. Même si les négociations
délimités. Il existe donc des frontières maritimes (doc. 2).
ont été nombreuses (accord historique entre la Norvège et la
Le cadre contraignant imposé par la convention de Montego
Russie en 2010), des litiges perdurent comme celui de l’île de Hans
Bay n’est pas accepté par tous les États (doc. 1). Enfin, le doc. 4
(enjeux pétroliers) entre Canada et Groenland. Le changement
illustre les notions précédemment présentées à travers un
climatique et les opportunités qu’il offre en Arctique attisent des
exemple, celui de l’archipel des Kouriles.
convoitises (doc. 2) pourtant jusque-là limitées (doc. 1).

98 Thème 3 • Étudier les divisions politiques du monde : les frontières

 Le changement climatique en Arctique (doc. 2)
Les manifestations du changement climatique en Arctique sont
nombreuses : la banquise arctique se rétracte (10,5 millions
de km2 en décembre 2016 contre 12,5 millions de km2 sur la
période 1981-2010), la calotte glaciaire groenlandaise fond, et les
températures moyennes augmentent (les températures s’élèvent
2,5 fois plus vite en Arctique que dans le reste du monde). Or, la
disparition du fort albédo (réflexion de la lumière) d’une banquise
épaisse augmente le réchauffement régional. Localement,
les conséquences sont perceptibles : les incendies en été se
multiplient comme ceux du Groenland en 2017 (24 °C en juillet),
l’érosion s’accélère (recul de falaises, ravinements et glissements
de terrains sur les versants dont les glaciers) et les convoitises
s’aiguisent pour le contrôle de zones encore non explorées. Au
niveau mondial, ce réchauffement entraîne la hausse du niveau
des océans (en 1993, la fonte du Groenland y contribuait à 5 % ;
25 % en 2014) et la libération de CO2 et de méthane, gaz à effet
de serre, aujourd’hui piégés dans le pergélisol.
La Russie, en 2013, a lancé un plan arctique avec un important volet
défensif modernisant ses anciennes bases/ports (Mourmansk,
Arkhangelsk, Dikson, Pevek…). Elle veut intimider les États
riverains (doc. 4) mais aussi la Chine qui y développe une forte
présence scientifique (base au Svalbard en 2004), diplomatique,
politique (observateur depuis 2013 au Conseil de l’Arctique)
et économique. Les États-Unis s’y opposent arguant l’absence
de preuves suffisantes sur l’extension du plateau continental
et rejettent l’expédition symbolique de 2007 où un drapeau
russe en titane avait été planté au droit du pôle Nord en pleines
eaux internationales. Ils multiplient les opérations de liberté de
navigation, toisant ainsi leurs rivaux en circulant dans les eaux
sous souveraineté canadienne ou russe (doc. 3). L’élève peut
utiliser le doc. 1 p. 218 pour expliquer l’attitude des Américains
qui n’ont pas ratifié la convention de Montego Bay, refusant
de se plier à des décisions supranationales du droit de la mer.
❚❚ Analyse de documents
La réponse à la synthèse peut s’organiser selon le plan suivant.
1. L’océan Arctique, un océan où s’applique le droit de la mer
comme partout ailleurs : délimitation des ZEE (donnant droit
à l’exploitation des ressources halieutiques et aux ressources
énergétiques et minérales) et des eaux internationales, des
revendications des États riverains, des négociations possibles
(Norvège-Russie en 2010), liberté de navigation.
2. Un océan où les convoitises accentuées par le changement
climatique rendent difficile le maintien du droit de la mer :
délimitations contestées entre riverains (Groenland-Canada) ;
actions pour revendiquer la prolongation du plateau continental
(Russie) ; opérations de liberté de navigation des États-Unis ;
politique polaire chinoise (l’élève peut utiliser ses connaissances
sur la « route de la soie des glaces », doc. 1 p. 144).
❚❚ Pour aller plus loin
La vidéo, consultable sur YouTube, dure seulement 1,29 minute
et présente succinctement l’ambivalence de la politique russe.
Son analyse peut s’organiser selon le plan suivant.
1. La Russie se conforme au droit de la mer en Arctique : elle
respecte les procédures internationales et a déposé un dossier
revendiquant le prolongement de sa ZEE le long de son plateau
continental.
2. Le changement climatique réactive ses ambitions sur cet
océan : construction de bases militaires et réouverture de bases
datant de l’ère soviétique ; construction de trois brise-glace
nucléaires ; raison : changement climatique qui rendra la route
maritime du nord-est praticable ; richesses énergétiques que
recèle l’océan Arctique.
ÉTUDE
La remise en question des frontières
en mer de Chine p. 222-223
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
La délimitation des frontières en mer de Chine fait de cet espace
maritime l’un des plus conflictuels aujourd’hui. Les ZEE de sept
États se côtoient (doc. 1) ou se chevauchent. Cet espace, riche
en poissons et en hydrocarbures, est aussi la porte d’accès aux
ports manufacturiers chinois (vidéo). La Chine a déjà sécurisé
une partie de ses voies maritimes d’approvisionnements en
constituant une chaîne de ports, « nouvelles routes de la soie »
(p. 142 à 145). L’objectif poursuivi à travers la revendication des
archipels est, pour la Chine, d’accroître son espace maritime de
manière à pouvoir rejoindre la haute mer et accéder aux grands
fonds océaniques du Pacifique sans devoir passer par les zones
maritimes de ses voisins. Pour ce faire, la Chine s’approprie
de facto des îlots en y construisant des bases militaires (doc. 3).
Dans ce contexte, les analyses des géopolitologues Pascal
Boniface (doc. 2) et Frédéric Lasserre (doc. 4) permettent de
comprendre les limites de l’application du droit de la mer et
les stratégies de détournements qu’en fait la Chine. Une limite
est inhérente au droit de la mer : à partir d’îles, d’îlots voire de
récifs, tout État est susceptible de revendiquer un élargissement
de ses mers territoriales ou de sa ZEE.
Le droit de la mer en mer de Chine (doc. 4)
Éric Frécon, géopolitologue à l’École navale, explique que le
Chine bafoue actuellement le droit de la mer en y appliquant
ses propres interprétations alors que les États-Unis s’y affirment
comme le garant avec les opérations Freedom of navigation
operations (Opérations pour la liberté de navigation) dont le
but principal est de s’imposer comme gendarme de cet espace
maritime. Ces opérations permettent aussi de rappeler aux
États riverains la différence en droit entre les îles (avec eaux
territoriales) et les récifs (sans eaux territoriales). Or, ce sont bien
les récifs, comme Subi Reef (doc. 3) que la Chine s’approprie
pour revendiquer un élargissement de sa ZEE.
❚❚ Réponses à l’activité
L’analyse de P. Boniface (doc. 2) L’analyse de F. Lasserre
(doc. 4)
Les États « La Cour permanente… saisie « l’article 121 précise que
s’appuient par Manille » (l. 23-24) seules les îles abritant une
sur le droit population humaine et
de la mer une “activité économique
propre” peuvent générer
une ZEE… » (l. 3-6)
Les États « Pékin Chine étend son propre « revendications très
bafouent espace aérien aux îles » (l. 8-9) ambitieuses appuyées
le droit « La Chine pratique une notamment sur les
de la mer politique du fait accompli… en îlots des Paracels et des
construisant des îlots artificiels à Spratleys » (l. 21-23)
proximité des Spratleys » (l. 20-22)

Axe 2 • Les frontières en débat 99

 ❚❚ Pour aller plus loin
L’intérêt de cet exemple est de montrer que les frontières
maritimes ne sont pas toujours conflictuelles et qu’une
coopération est parfois possible. Le plan de la fiche de recherche
peut s’organiser de la manière suivante.
1. Des enjeux géopolitiques hérités : sites militarisés (Russie,
UE), sites d’enfouissement d’armes chimiques… ; maintien de
tensions entre l’OTAN et la Russie.
LEÇON 3
Les frontières en débat p. 224-225
❚❚ P
 résentation des documents en lien
avec la problématique
Les documents accompagnant ce troisième cours « Les frontières
en débat » permettent de répondre à la problématique posée :
« Les frontières favorisent-elles la paix entre les États ou sont-
elles un facteur de conflit ? ». Le doc. 1 sur les frontières fortifiées
par Vauban illustre le point A du cours, « La frontière, objet
d’affrontements ». Le doc. 2 sur la pose de câbles sous-marins
accompagne le point C du cours, « Des conceptions différentes
de la frontière qui suscitent des débats ».
Le schéma fléché au bas de la p. 225 a pour objectif de replacer
les études de l’axe 2 dans une organisation plus systémique.
Il donne du sens au travail d’exemples réalisé dans les pages
précédentes puisqu’il participe à illustrer la leçon sur les débats
liés aux frontières. Ce peut être un bon point d’appui pour
la préparation d’un sujet de composition susceptible d’être
proposé à l’examen.
100 Thème 3 • Étudier les divisions politiques du monde : les frontières
2. Des enjeux géopolitiques exacerbés par des ressources à
exploiter : éoliennes offshore, gazoducs, zones de pêche.
3. Un espace maritime qui se recompose pour une meilleure
intégration à la mondialisation : le maintien d’une frontière
géopolitique par la Russie (gazoduc Northstream) versus la
mer pensée comme un espace de coopération par les autres
États de la Baltique (Suède, Danemark…).
La violation des frontières terrestres et maritimes :
l’exemple de la Crimée
Depuis la fin de la guerre froide, le principe d’intangibilité des
frontières prévaut. On ne trace plus de frontière entièrement
nouvelle. Quand il y a de nouvelles frontières, on utilise des
tracés régionaux préexistants. Or, avec l’annexion de la Crimée
en 2014 par la Russie, les géopolitologues comme Bruno
Tertrais considèrent que la Russie a violé un tabou en créant
une nouvelle frontière. Par exemple, en décembre 2018, la
Russie a arraisonné trois navires ukrainiens et capturé 23 marins
dans le détroit de Kertch qui relie la mer d’Azov et la mer Noire.
Cette provocation, destinée à prendre le contrôle du détroit
de Kertch, doit permettre à la Russie de continuer à garantir
la continuité avec la Crimée. La Russie viole ses engagements
internationaux : l’accord de 2003 garantissant la liberté de
navigation entre les deux pays. Cette dynamique expansionniste
pose une question à la communauté internationale : accepter
l’expansionnisme russe ou bien le confiner ?
THÈME 3
OBJET DE TRAVAIL Les frontières internes et externes
CONCLUSIF de l’Union européenne
OUVERTURE p. 226-227
❚❚ Introduction
L’Union européenne favorise la mobilité interne tout en filtrant
les entrées depuis l’extérieur, ce qui s’accompagne de profondes
recompositions des formes de la frontière : pourquoi dit-on
que l’UE est un laboratoire des recompositions frontalières ?
La photographie 1, prise entre l’Allemagne (Ahlbeck) et la
Pologne (Swinoujscie) présente le cas d’une frontière interne
effacée afin de favoriser les mobilités transnationales au sein
d’une vaste promenade de 12 km, l’EuropaPromenade. Cet
exemple permet de prolonger l’étude de la reconnaissance de
la frontière germano-polonaise (p. 214 à 217) examinée dans
l’axe 2. La comparaison du doc. 1 p. 216 et de ce doc. 1 p. 226
constitue ainsi une bonne accroche.
Le tracé de la frontière est rappelé par la bande d’acier dessinée
au sol, franchie insensiblement par la population et ponctuée
d’équipements : pistes cyclables et chemins piétonniers,
panneaux solaires dont l’énergie permet d’éclairer l’ensemble du
parc, toilettes et aires de repos, etc. L’arc d’acier, qui chevauche
la frontière, est un symbole d’unité entre les deux nations dont
on reconnaît les drapeaux. Cet aménagement, totalement
accessible aux personnes handicapées, a été financé par le
Feder à hauteur de 3 millions d’euros.
Le contraste avec la forme que prend la frontière présentée sur le
doc. 2 est saisissant. Ici, la ligne qui sépare le Maroc de l’enclave
espagnole de Melilla (intégrée dans l’espace Schengen) est
une frontière matérialisée par des grillages et des systèmes de
surveillance complexes pensés pour stopper les migrants venus
d’Afrique subsaharienne et rêvant de l’Eldorado européen. La
confrontation des deux clichés rappelle qu’au sein de l’espace
Schengen l’effacement des frontières intérieures se double
d’un renforcement des frontières extérieures.
❚❚ Réponses aux questions
1. Les frontières internes de l’Union européenne, comme celle
qui sépare l’Allemagne de la Pologne, s’effacent et deviennent
presque invisibles (ligne d’acier tracée dans le sol pour mémoire).
Elles se transforment en des espaces fréquentés, traversés au
quotidien par la population des deux pays, par exemple à des
fins de loisirs ou de détente (promenade, cyclisme).
2. Les frontières extérieures de l’UE sont matérialisées par
des barbelés, des grillages immenses destinés à retenir les
migrants irréguliers.
Objet de travail conclusif • Les frontières internes et externes de l’Union européenne
REPÈRES 1
L’Union européenne : quelles limites,
quelles frontières ? p. 228-229
❚❚ P
 résentation des cartes et des liens possibles
entre elles
Si l’UE est souvent qualifiée, de manière abusive, d’« Europe »,
ces termes désignent pourtant des réalités territoriales
distinctes. La carte 1 rappelle les étapes de la construction
de l’Union, née du rapprochement de six États fondateurs
en 1957 pour finalement en regrouper 28 en 2019 ; elle s’est
progressivement étendue vers le sud et vers l’est. Cette carte
n’est toutefois pas définitive puisque des États pourraient en
sortir (Royaume-Uni) ou y entrer (candidats) dans les années à
venir. La construction d’un territoire au sein duquel les citoyens
sont censés circuler sans entrave s’est accompagnée d’une
tentative inédite de dévaluation et d’effacement apparent
des frontières internes, particulièrement entre les États qui
ont ratifié les accords de Schengen. La libre circulation interne
n’était toutefois envisageable qu’à la condition d’un glissement
et d’un renforcement des contrôles aux frontières extérieures,
mouvantes, de la zone.
Le doc. 2 vise à illustrer par des petites photographies les
différentes frontières présentes en Europe. Il s’agit ainsi de
replacer, à l’échelle européenne, les types frontaliers étudiés
dans l’introduction (p. 180 à 183). Par exemple, la ligne verte
(image 2), zone chypriote démilitarisée et sous contrôle de
l’ONU depuis 1974, sépare l’autoproclamée République turque
de Chypre du Nord et la République de Chypre ; il ne s’agit pas
à proprement parler une frontière même si elle y ressemble.
De fait, l’île fait officiellement partie de l’UE dans sa totalité
depuis 2004 ; l’armée turque occupe un territoire européen
au nord de la zone tampon qui n’est pas reconnu par la
communauté internationale. À l’inverse, la frontière franco-belge
disparaît totalement, laissant des infrastructures douanières à
l’état de friche souvenir (image 1).
❚❚ Réponses aux questions
1. Au sein de l’UE, tous les États n’ont pas signé les accords de
Schengen et la frontière reste donc visible dans le paysage et
« sensible », par exemple à l’entrée du Royaume-Uni, de l’Irlande,
de la Roumanie et de la Bulgarie. De plus, dans certaines
régions, des mouvements luttent pour la reconnaissance
de nouvelles frontières (Catalogne). Par ailleurs, quelques
frontières intérieures restent des lieux de tension difficilement
franchissables (cas de Chypre).
101
 2. Les frontières extérieures de l’UE tendent à être renforcées,
notamment autour de l’espace Schengen, matérialisées par
des grilles, parcourues par des patrouilles qui filtrent l’entrée
sur le territoire, en particulier en Méditerranée ou dans les
aéroports internationaux.
JALON
Les enjeux de Schengen
et du contrôle aux frontières :
venir en Europe, passer
la frontière
❚❚ Introduction
Un premier jalon est consacré à l’espace Schengen qui permet
d’interroger les formes et les dynamiques des frontières
européennes. Les pages 230-231 sont centrées sur les liens
entre les flux migratoires vers l’Europe et les dynamiques
des frontières extérieures de Schengen ; il s’agit, selon une
approche plus géographique, d’envisager la manière dont les
flux participent aux recompositions des espaces frontaliers à
différentes échelles : zones de contrôle maritimes, érection de
murs, États relais, postes-frontières, camps ; ces nouvelles formes
sont sources de débats au sein de l’espace Schengen. L’approche
des pages 232-233, proposée par un politologue, questionne
davantage le rôle des frontières internes, en particulier leur
retour apparent en Europe. La réflexion se nourrit ici davantage
de questionnements juridiques.
ÉTUDE
L’espace Schengen : un retour
des frontières qui fait débat p. 230-231
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
Les documents montrent comment les frontières se recomposent
dans l’espace Schengen. Si celui-ci est en théorie un espace de
libre circulation des citoyens, la carte 1 présente les multiples
dispositifs permettant de protéger le « dedans » du « dehors »
et de contenir en particulier les flux migratoires en provenance
d’Afrique et du Moyen-Orient. Les dynamiques de durcissement
et de « sanctuarisation de la frontière » (G. Simon) prennent
des formes multiples : accords avec les États voisins, agences
de contrôle des flux, patrouilles aux frontières, murs, camps
et hotspots.
L’externalisation des contrôles migratoires (doc. 1)
Cette politique est visible dans la deuxième colonne de la légende.
La fermeture des frontières extérieures de l’UE prend en effet
aujourd’hui différentes formes : le déploiement de l’agence
Frontex au large de la Libye et de la Tunisie est parfois cité comme
un exemple de délocalisation des frontières, matérialisées ici par
des radars, drones, etc. Il existe aussi une forme de sous-traitance
des contrôles migratoires à des pays tiers (Turquie, Maroc) en
échange d’aides financières et matérielles de l’UE (couleur jaune :
États-relais de la surveillance des flux migratoires).
102 Thème 3 • Étudier les divisions politiques du monde : les frontières
Toutefois, cette barrière n’est pas imperméable et des migrants
parviennent à entrer dans l’espace Schengen, d’où le maintien
de filtres comme celui entre la France et l’Italie (doc. 2). Le
durcissement ou, au contraire, l’insuffisance des contrôles sont
sources de débats et de crispations entre États membres de l’UE.
Certains (Italie, Grèce, Malte), en première ligne, exigent une
redéfinition des accords de Dublin ; d’autres s’opposent à toute
idée de quotas de réfugiés à accueillir (groupe de Visegrad). Dans
un contexte de crise migratoire et de terrorisme, le dessinateur
(doc. 4) s’interroge sur le retour paradoxal de « murs » au sein
d’une Europe où les frontières semblaient dépassées. L’article
de Ouest France (doc. 3) prolonge la réflexion sur la manière
de répondre à ces crispations.
❚❚ Réponses à l’activité
Oui car … Non, car …
- une remise en question de la libre - une frontière extérieure
circulation interne : rétablissement renforcée : via Frontex,
temporaire des contrôles depuis 2015 murs, hotspots, États relais
(contexte de terrorisme et immigration (accords), centres d’accueil
clandestine) ; impression d’un retour des pour réguler les flux aux
murs au sein de l’UE ; frontières extérieures ;
- des désaccords entre pays membres : - des coopérations entre
certains prônent un retour des contrôles États existent : Frontex ;
aux frontières internes, un durcissement des - une capacité à apporter
frontières extérieures (groupe de Visegrad) ; des réponses différenciées :
pays en première ligne des migrations qui États qui acceptent
dénoncent l’inefficacité de Schengen et d’accueillir des réfugiés ;
contestent les accords de Dublin ;
- une souplesse dans les
- des politiciens extrémistes (Italie, Hongrie) politiques menées par les
qui prônent une fermeture complète des États : dispositif des centres
frontières ; d’accueil non obligatoire :
- certains souhaitent « mettre fin aux
accords de Schengen » ;
❚❚ Pour aller plus loin
L’analyse du documentaire peut s’organiser selon le plan
suivant :
-- transformation des postes frontières au sein de l’espace
Schengen,
-- vécu des frontières internes par les populations,
-- retour des murs, barbelés, contrôles dans un contexte de
crise économique, identitaire et migratoire.
ÉTUDE
Les frontières internes de l’espace
Schengen p. 232-233
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
Depuis leur entrée en vigueur le 26 mars 1995, les accords de
Schengen sont accusés d’avoir affaibli les États et favorisé la
prolifération de trafics. La crise des migrants et la rétention
de milliers de réfugiés dans des camps à l’entrée de l’espace
Schengen (Lampedusa, Grèce) ou à sa sortie (à Calais ou Grande-
Synthe, vers le Royaume-Uni) ont accrédité l’idée qu’un retour
des frontières permettrait aux États de mieux se protéger contre
l’immigration et les activités illégales. Sur fond de défiance
envers les institutions européennes, Schengen est devenu un
sujet de clivage très fort du débat politique (doc. 3).
Pourtant, la réalité de ces accords est mal connue (doc. 2). Ils
n’ont en fait pas supprimé les contrôles, mais introduit des
allègements, pouvant être annulés en vertu des articles 25 et
29 : les États restent maîtres de l’application des accords (doc. 1).
De plus, ils prévoient moins une suppression des frontières
internes qu’un redéploiement des moyens de contrôle (doc. 4),
dans le but d’harmoniser les procédures et de favoriser la
coordination internationale des douanes et de la police. Ainsi,
sept des trente-trois articles de l’accord portent sur le contrôle
de l’immigration ou la coopération policière (doc. 5).
De plus, l’efficacité du retour des frontières est contestable : les
contrôles systématiques occasionneraient des ralentissements
importants dans les flux de marchandises pénalisant l’activité
économique et des coûts de surveillance très importants ;
ils modifieraient les habitudes de circulation prises par les
Européens depuis vingt ans (doc. 3).
Le Système d’information Schengen (SIS)
Le SIS, mentionné dans le doc. 5, est un fichier informatique
utilisé dans la convention de Schengen à des fins de coopération
policière. Les services de sécurité y enregistrent des informations
sur des personnes ou des objets, qui sont ensuite partagées
entre 27 pays partenaires. Si le SIS – qui a, depuis 2013, évolué
en SIS II – pose des questions sur la surveillance de la vie privée,
il a permis un gain d’efficacité difficilement contestable en
matière d’enquêtes policières, de lutte contre le terrorisme
ou de contrôle de l’immigration.

❚❚ Analyse de documents

Le retour des frontières dans l’espace Schengen,
Le retour des frontières dans l’espace Schengen,
une solution insuffisante face aux menaces pesant
une protection pour les États ? (doc. 1)
sur les États ? (doc. 2 et 3)
Argument 1 : les frontières permettent de Argument 1 : l’abandon de la libre circulation pénaliserait Argument 1 : le contrôle des frontières
protéger un État contre des menaces graves. de nombreux secteurs économiques. intérieures ne serait pas efficace.
Explication : les accords de Schengen sont Explication : le retour des contrôles aux frontières
accusés de menacer la sécurité intérieure des représenterait des retards importants dans la circulation
États en laissant des populations en infraction des personnes et des marchandises, qui auraient des
avec la loi traverser leurs frontières. Rétablir incidences économiques négatives sur certains secteurs
les contrôles aux frontières en cas de menace (tourisme, transport de marchandises – doc. 3) ainsi que
grave (trafics, terrorisme), conformément aux sur les travailleurs frontaliers (« écrasés » par les frontières
articles 25 et 29 du Code Schengen, permettrait – doc. 2). Par ailleurs, les citoyens européens se déclarent
de mieux protéger les populations (doc. 1). toujours favorables à la libre circulation dans l’espace
Explication : la France a réintroduit le contrôle (doc. 3).
aux frontières à la suite des attentats de Explication : 10 milliards d’euros de manque à gagner
novembre 2015. d’ici 2025 pour la France + des populations et des
secteurs économiques « écrasés » par le retour des
frontières (doc. 2).
Les dispositifs de l’espace Schengen,
une coopération devenue indispensable ?
(doc. 4 et 5)
Explication : les frontières intérieures sont
aussi poreuses que les frontières extérieures.
Les frontières nationales ne constituent pas
un véritable moyen de protection contre toute
menace extérieure. Les services de police
transfrontaliers permettent ainsi d’encadrer
plus efficacement les flux de migrants (doc. 4)
et de lutter contre la criminalité (doc. 5).
Explication : les attentats terroristes en France
depuis 2015 ont ainsi principalement été le fait
de nationaux qui auraient échappé à la plupart
des contrôles frontaliers.

Argument 2 : les frontières permettent
de contrôler les flux de population.
Explication : l’espace Schengen comprend
26 États, dont 4 non-membres de l’UE, et
s’étend sur 4 millions km2. Établir une frontière
étanche, pour contrôler notamment les flux
de migrants est une opération impossible. Les
contrôles aux frontières internes permettraient
d’intercepter des populations qui auraient
réussi à franchir la barrière externe.
Explication : 4 lieux de blocages ont ainsi été
instaurés par les autorités françaises à leurs
frontières (doc. 1) + Lampedusa, la frontière
hongroise…
Argument 2 : en outre, l’abandon de la libre circulation
a un coût élevé.
Explication : le contrôle des frontières internes n’est pas
moins difficile que le contrôle des frontières externes.
Rien qu’entre la France et la Belgique, il existe 300 points
de passage. Les surveiller tous mobiliserait des milliers
de policiers, qui pourraient être plus utiles sur des
enquêtes. La Commission rappelle aussi que réinstaurer
des contrôles permanents aux frontières de l’UE
occasionnerait des coûts directs allant de 5 à 18 milliards
d’euros par an.
Explication : le retour des frontières internes coûterait
1,15 milliard d’euros à la France (doc. 3).
Argument 2 : la mise en réseau des services
de renseignement est plus efficace que la
surveillance des frontières.
Explication : Avec le SIS, l’espace Schengen
s’est doté d’un outil informatique permettant
le partage d’informations et la coopération
transfrontalière des services de renseignement
et de police (doc. 5).
Explication : arrestation de 25 000 personnes
recherchées par la justice et découverte de
12 000 personnes disparues depuis 2006
(doc. 5).

Objet de travail conclusif • Les frontières internes et externes de l’Union européenne 103

JALON
Les frontières
d’un État adhérent
❚❚ Introduction
Ce jalon vise à étudier les dynamiques de la frontière à l’échelle
d’un seul État de l’UE. Le manuel retient trois cas qui témoignent
de dynamiques complexes ; les îles grecques, intégrées dans
l’espace Schengen, sont aussi des portes d’entrée privilégiées
pour les migrants venus du Moyen-Orient qui transitent par la
Turquie, donnant lieu périodiquement à des drames humains.
La Hongrie est également un État intéressant dont les frontières
avec ses voisins de l’UE tendent logiquement à s’effacer à la
faveur d’échanges transfrontaliers mais qui, dans le même
temps, durcit ses frontières extérieures pour marquer son
opposition aux flux migratoires depuis 2015. Cette situation
paradoxale est partagée par la Pologne dont les frontières sont
partiellement fondues dont l’espace Schengen à l’ouest et au
sud du territoire, mais dont les marges du nord et de l’est restent
des espaces de tension et de durcissement de la frontière.
ÉTUDE
Les îles grecques,
des « îles aux grillages » aux portes
de l’Union européenne p. 234
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
Les îles grecques n’ont pas toujours été des portes d’entrée
majeures de l’espace européen. En réalité, les migrants rêvant
d’Europe les « choisissent » peu ; ils y échouent plutôt ou y sont
transférés au terme de traversées infructueuses en haute mer.
Ces petits territoires éparpillés en mer Égée sont devenus des
pôles migratoires et des portes d’entrée privilégiées de l’espace
Schengen, en particulier l’île de Chios, face aux côtes turques.
Toutefois, l’accord UE-Turquie, en 2016, a entraîné une chute du
nombre d’arrivées sur ces îles, où un système de gestion des
retours s’est mis en place. Pour les ONG et le HCR, le nombre
de migrants enfermés dans ces « îles-camps » dans l’attente
d’une décision administrative dépasse encore largement leurs
capacités d’accueil.
Les « îles aux grillages » : une conséquence
de l’externalisation des frontières de l’UE ? (doc. 1)
Comme le rappelle la première phrase du texte, l’accord signé
entre l’UE et la Turquie en 2016, au lendemain de la crise
migratoire, officialise l’externalisation de la protection des
frontières de l’UE. Ankara s’engage à retenir les migrants
fuyant la Syrie et à appuyer l’action de Frontex en mer Égée
pour stopper les traversées clandestines. En contrepartie, l’UE
promet un financement de plusieurs milliards d’euros d’aides
pour l’amélioration de la situation de réfugiés installés en
Turquie. Le nombre de traversées entre la Turquie et les îles
grecques a nettement chuté (de 10 000 par jour en moyenne
en octobre 2015 à une cinquantaine au printemps 2017) sans
toutefois être totalement stoppé. Par ailleurs, cette politique a
activé de nouvelles routes migratoires pour atteindre l’Europe.
104 Thème 3 • Étudier les divisions politiques du monde : les frontières
❚❚ Analyse de documents
Les îles grecques (Lesbos, Chios, Samos, etc.) longent l’actuelle
frontière extérieure de l’espace Schengen, faisant face à la
Turquie, carrefour par lequel transitent de nombreux de
migrants qui aspirent à rejoindre l’Europe.
Les traversées clandestines, avec l’aide de passeurs, ont donné
lieu à des drames humains et ont renforcé une forte pression
migratoire sur de petites îles comme Chios, en tête, ou Lesbos,
qui sont les deux principaux pôles récepteurs de la région.
Des mesures ont été prises pour stopper ces flux vers ces îles
devenues des portes d’entrée majeures de Schengen : accord
UE-Turquie en 2016, patrouilles en mer, etc. Les migrants arrivés
sur les îles grecques sont retenus dans des camps en attendant
que des institutions se prononcent sur leur sort. Voilà pourquoi
ces territoires apparaissent comme des « îles aux grillages ».
❚❚ Pour aller plus loin
Donner des éléments de réponses.
-- Photo d’un enfant syrien, Aylan Kurdi, retrouvé mort sur
une plage turque de Bodrum à l’été 2015 ; son parcours est
vite reconstitué par les médias : originaire de Kobané, sa
famille voulait atteindre Europe ; le bateau a chaviré avant
d’atteindre la Grèce et Kos.
-- Par une photographe turque, Nilüfer Demir, qui découvre
le corps alors qu’elle photographie un groupe de migrants
pakistanais tentant la traversée.
-- Cliché vite repéré par des internautes qui le tweetent avec
hastag ; les agences Reuters, AFP, AP acquièrent l’image ; les
médias publient tout ou partie du cliché avec des titres chocs.
-- Des hommes politiques qui expriment leur émotion ; des
journalistes notent une évolution du regard de l’opinion
et des médias sur l’accueil des réfugiés au lendemain de la
publication ; la photographie inspire de nombreux artistes
engagés (dessins, peintures).
-- Récupération de la photographie en Allemagne et en
France pour condamner les États qui manquent à leur devoir
moral d’accueil ; idée de quotas de réfugiés à imposer aux
pays de l’UE.
-- Débats postérieurs : décalage entre le moment de
l’émotion et les actions réellement menées ; désaccords sur
la manière de faire évoluer la politique à l’égard des réfugiés
(Allemagne / groupe de Visegrad) ; accord UE-Turquie en
2016 qui marque une nouvelle politique, etc.
ÉTUDE
Les frontières de la Hongrie,
des frontières inégalement ouvertes
 p. 235
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
La Hongrie, dirigée par Viktor Orban, défend, au sein du groupe
de Visegrad, une conception de l’espace Schengen qui est source
de débats et de crispations avec d’autres États membres. Le pays,
bénéficiaire de fonds européens, encourage les coopérations
transfrontalières avec ses voisins du nord et de l’ouest, membres
de l’UE et de l’espace Schengen. Toutefois, dans le même temps,
ses dirigeants défendent une politique très dure à l’égard de
l’immigration et prônent un net renforcement des contrôles
des personnes aux frontières, jusqu’à financer l’édification de
murs avec leurs voisins du sud et de l’est (Roumanie, Croatie).
Les documents visent donc à rendre compte de dynamiques
frontalières très contrastées autour de cet État. La carte 1
rappelle que ce pays connaît bien des formes d’effacement de la
frontière à la faveur d’échanges et de coopérations (eurorégions,
ponts transfrontaliers, doc. 2a) qui dynamisent les interfaces.
La carte montre les liens étroits qui existent entre la Hongrie
et certains de ses voisins. La Hongrie fait en effet partie, avec la
Pologne, la Roumanie, la Slovaquie et l’Ukraine, de l’eurorégion
des Carpates, qui est l’une des plus vastes d’Europe, créée en
1993 au lendemain de l’effondrement du bloc est. Une partie de
ses régions appartient à l’Eurorégion DKMT (Danube-Kris-Mures-
Tizsa), prolongée en Roumanie et en Serbie, fondée en 1997 et
nommée d’après les quatre rivières qui structurent le territoire.
Toutefois, l’exemple hongrois incarne aussi l’apparent « retour
des frontières » évoqué par Michel Foucher, en particulier
depuis la crise migratoire de 2015 (doc. 2b).
❚❚ Analyse de documents
1. La Hongrie se situe à l’est de l’Union européenne et de l’espace
Schengen, dont elle dessine l’une des frontières extérieures. À
l’est du pays s’étendent d’anciens territoires de l’URSS, aujourd’hui
membres de la CEI, sous influence russe. Au sud se trouvent les
pays de l’ex-Yougoslavie dans la région des Balkans.
2. Le doc. 1 indique que la frontière nord avec la Slovaquie
– membre de l’UE et de l’espace Schengen – s’efface, favorisant
notamment la formation d’agglomérations transfrontalières.
Le pont Mária Valéria (doc. 2b) confirme cette idée d’ouverture
de la frontière pour favoriser les mobilités et les échanges
transfrontaliers. On note sur la carte que des formes de
coopérations frontalières existent avec les États voisins de
l’UE (Roumanie, Croatie) ou candidats (Serbie) sous la forme
d’eurorégions.
3. Les doc. 1 et 2 montrent que c’est d’abord la frontière
extérieure de l’espace Schengen qui est contrôlée et renforcée. La
Hongrie a même entrepris une militarisation et un durcissement
de sa frontière avec la Serbie depuis 2015 afin de stopper
l’arrivée de migrants venus du Moyen-Orient. La carte précise
que la frontière occidentale de la Hongrie, pourtant située au
sein de l’espace Schengen, est marquée par un rétablissement
des contrôles depuis 2016.
❚❚ Pour aller plus loin
Il est possible d’organiser la fiche de lecture selon ce plan :
-- point sur la politique migratoire,
-- chronologie et état de la fermeture des frontières
extérieures depuis 2015,
-- raisons des contrôles aux frontières intérieures,
-- gestion des demandes d’asile.
ÉTUDE
Les frontières de la Pologne,
quels enjeux ? p. 236-237
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
L’étude porte sur les frontières polonaises et leur évolution
après l’intégration du pays à l’espace Schengen. Depuis, les
frontières occidentales sont ouvertes aux autres membres de
Objet de travail conclusif • Les frontières internes et externes de l’Union européenne
l’espace Schengen entraînant flux économiques, humains et
projets coopératifs. À l’inverse, les frontières orientales avec
des pays hors espace Schengen sont soumises à une pression
migratoire obligeant l’État à renforcer ses contrôles. L’enjeu
est donc d’amener les élèves à comprendre que les frontières
peuvent être soumises à des enjeux diamétralement opposés.
Le doc. 1 leur permet de saisir les dynamiques positives des
frontières ouvertes à l’ouest et les tensions à l’est. Le doc. 3
complète la vision positive des frontières polonaises à travers la
naissance de l’EuropaPromenade avec l’Allemagne. Les doc. 2,
4 et 5 illustrent les enjeux migratoires des frontières polonaises.
Le doc. 2 montre que l’histoire des frontières du pays durant
la Seconde Guerre mondiale est encore source d’inquiétude
à travers la présence de communautés allemandes en Silésie.
Les doc. 4 et 5 s’intéressent à la crise des migrants, sujet qui
permet au parti au pouvoir de remettre en question l’adhésion
du pays à l’Union européenne.
La question migratoire en Pologne (doc. 5)
Avec une économie florissante, mais un marché du travail
tendu par une population qui vieillit et un chômage au plus
bas (3,3 % en 2018 selon Eurostat), la Pologne manque de bras.
Le gouvernement a d’abord fait appel aux migrants ukrainiens.
Or, cette migration risque de s’assécher car l’Allemagne,
également à cours de main-d’œuvre, cherche à attirer ces
travailleurs. Alors que le gouvernement conservateur tient un
discours nationaliste et anti-migrants (soutenu par une partie
de l’opinion publique visible sur la photographie), il déploie
une politique d’immigration économique active en accordant
des titres de séjour à 7 200 Turcs, 3 000 Pakistanais, plus de
2 000 Bangladais et autant d’Égyptiens et d’Irakiens faisant
entrer dans le pays bien plus de migrants musulmans que
les réfugiés syriens que l’Union européenne lui demandait
d’accueillir en 2015.
Il s’agit ainsi de prolonger dans cette étude le jalon de l’axe 2
sur la « reconnaissance de la frontière germano-polonaise de
1939 à 1990 », en examinant la situation contemporaine.
❚❚ Analyse de documents
1. L’ouverture des frontières de la Pologne grâce à son
intégration à l’Union européenne et à l’espace Schengen a
eu des retombées positives pour le pays. Cette intégration à
tout d’abord entraîné une augmentation des échanges entre
la Pologne et ses voisins, en particulier l’Allemagne. Ensuite,
l’ouverture des frontières a permis la venue de 118 500 migrants
d’Europe occidentale qui sont autant de main-d’œuvre pour le
développement du pays. Enfin, l’ouverture se traduit aussi par
l’émergence de projets de coopération à travers la naissance
d’eurorégions comme l’EuropaPromenade, un chemin de
randonnée qui relie l’Allemagne à la Pologne.
2. Le tracé des frontières polonaises a énormément varié depuis
la Seconde Guerre mondiale. Cette évolution est encore lisible
aujourd’hui dans le pays avec la présence de communautés
allemandes, notamment 148 000 à 400 000 Allemands en Silésie.
Le risque évoqué par le doc. 2 est celui d’une structuration
de ces minorités qui pourraient conduire à une volonté de
sécession de ce territoire sous influence allemande. Cette
situation engendrerait alors une reconfiguration du tracé des
frontières polonaises avec l’apparition de nouvelles frontières
correspondant à un nouvel État.
3. La Pologne redoute que l’espace Schengen n’entraîne une
hausse des flux migratoires illégaux à destination du pays
105
 qui serait alors confronté à une crise migratoire. Cette peur se
traduit tout d’abord par le refus du gouvernement polonais
d’accueillir des réfugiés et/ou d’accepter la relocalisation de
demandeurs d’asile depuis l’Italie ou la Grèce. De plus, depuis
2015, le parti de droite PIS remet en question l’engagement
polonais dans l’Union européenne en misant sur cette peur et
cette opposition face à la problématique migratoire. Cependant,
le doc. 4 montre que ces peurs semblent exagérées par les
autorités car la route migratoire orientale, comprenant les
frontières polonaises, ne représente que 0,1 % de l’immigration
irrégulière vers l’Union européenne.
❚❚ Pour aller plus loin
La Pologne participe à un projet InterregIIIA avec la Slovaquie.
Ce projet a pour ambition, grâce à un fonds de plus de 26 millions
d’euros, de soutenir le développement économique, social et
culturel de la région frontalière située entre la Pologne et la
Slovaquie. Pour ce faire, deux champs d’action sont mis en
œuvre : le développement de l’infrastructure avec l’amélioration
des équipements techniques et de communication puis le
développement socio-économique à travers l’accroissement
des ressources humaines, la protection du patrimoine
naturel et culturel ou encore des aides aux initiatives locales.
Ce programme de coopération transfrontalière bilatérale
couvre une superficie d’environ 36 037 km2 et concerne près
de 4,2 millions d’habitants.
JALON
Les espaces transfrontaliers
intra-européens : passer
et dépasser la frontière
au quotidien
❚❚ Introduction
Au sein de l’UE, des frontières intérieures qui s’effacent deviennent
des traits d’union, des lieux de projets, de coopérations, des
interfaces franchies de plus en plus facilement (mais inégalement).
Le cas de la frontière entre la France et l’Allemagne, longtemps
cicatrice révélatrice de tensions historiques et désormais
symbole de réconciliation, est sans doute l’un des espaces où
les recompositions frontalières sont les plus spectaculaires.
L’UE a aussi favorisé l’effacement d’une autre frontière-cicatrice
longtemps mal vécue, divisant les Irlandais jusqu’aux années
1990. L’ombre du Brexit réactive toutefois la peur de voir renaître
une frontière dure, matérialisée, entre les deux parties de l’île,
alors qu’on avait appris à « dépasser » la frontière.
ÉTUDE
La frontière entre France et Allemagne,
une interface symbolique p. 238-239
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
Les documents permettent de comprendre en quoi la dyade
entre la France et l’Allemagne est devenue une interface
106 Thème 3 • Étudier les divisions politiques du monde : les frontières
dynamique. Les photographies (doc. 1 p. 238) montrent les
multiples aménagements créés par les acteurs locaux pour
franchir et dépasser la frontière matérialisée par le Rhin et faciliter
les circulations transfrontalières au quotidien. L’ancienne marge
devient un espace central, attractif, facilement parcouru grâce
aux ponts, passerelles, tramway… Les doc. 2 et 3 témoignent de
l’effectivité et du poids des mobilités quotidiennes, notamment
des navettes, à travers la frontière, et de la manière dont cette
dernière est vécue et habitée par les populations de la région.
Le texte replace ces transformations dans le temps long et
revient sur les multiples formes de coopérations qui se sont
succédé dans cette région. Le doc. 4, résumant les principales
recommandations du rapport sur la coopération transfrontalière,
montre toutefois que des défis restent à relever et que la région
transfrontalière est en devenir.
L’eurodistrict Strasbourg-Ortenau (doc. 2)
En 2003 (40e anniversaire du traité de l’Élysée), la coopération
franco-allemande débouche sur la création de l’eurodistrict
Strasbourg-Ortenau visible sur la carte ; il s’agit d’une entité
administrative européenne qui regroupe des agglomérations
situées de part et d’autre d’une frontière en vue d’une
coopération transfrontalière accrue. En 2009, la structure
est transformée en Groupement européen de coopération
territoriale (GECT) sur le même périmètre. C’est dans ce cadre
que sont multipliées les réalisations destinées à créer une
couture à travers le Rhin. Il existe par exemple une force de
police franco-allemande de l’eurodistrict, avec un uniforme et
un équipement communs, patrouillant sur les deux rives du
Rhin en binôme (l’un parle français, l’autre allemand).
❚❚ Réponse à l’activité et à la rubrique
« Pour aller plus loin »
Rhin
Kehl
Strasbourg
Eurodistrict Strasbourg-Ortenau
N
0 500 m
Le Rhin, frontière entre deux États
Strasbourg (France)
Allemagne
Kehl
fleuve
Des aménagements pour créer une couture
voie ferrée et gare
principal axe routier et pont
passerelle piétonne
jardin des deux rives
Des formes diverses d’échanges
flux transfrontaliers
eurodistrict, GECT
 ÉTUDE

L’espace transfrontalier irlandais

à l’épreuve du Brexit p. 240-241

❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents II. Alternatives possibles :

Le Brexit s’est accompagné de débats et de polémiques sur les -- éviter toute matérialisation de la frontière : unification
recompositions frontalières qu’il pourrait impulser à différentes de l’Irlande ;
échelles. La frontière irlandaise, peu évoquée pendant la -- contrôles et taxes rejetés à l’extérieur de l’île ;
campagne du Brexit, est finalement devenue un enjeu central -- migrations vers le sud et demande de la nationalité
des négociations en cours. Cette frontière coupant l’île a été irlandaise pour faciliter les échanges ;
imposée par l’histoire contemporaine, longtemps douloureuse, -- négociations.
avant de s’estomper et de s’effacer sous l’effet de l’intégration de
l’Irlande, comme du Royaume-Uni, dans l’UE et de l’accord du
Vendredi saint en 1998. Dématérialisée, la frontière irlandaise
LEÇON 4
est alors devenue une interface massivement traversée au
quotidien. Le Brexit condamne toutefois l’Irlande du Nord – en
dépit du vote hostile de la majorité de ses habitants – à sortir Les frontières internes et externes
de l’UE ; la frontière de l’UE traversera alors l’île tandis que la de l’Union européenne p. 242-243
République d’Irlande (Eire) restera « dedans ». Le risque est
donc de voir réapparaître une frontière dure, marquée par ❚❚ P
 résentation des documents en lien
des taxes et des contrôles, freinant les mobilités quotidiennes
avec la problématique
pourtant devenues vitales.
Les documents accompagnant ce quatrième cours « Les
Le doc. 3 reprend les grands moments de l’histoire de cette
frontières internes et externes de l’Union européenne »
frontière irlandaise, de son tracé en 1921 à son effacement
permettent de répondre à la problématique posée : « Pourquoi
progressif puis la renaissance des inquiétudes en 2016.
l’Union européenne est-elle un laboratoire des recompositions
Le doc. 2 rappelle que les Irlandais étaient globalement hostiles
frontalières ? »
au Brexit par crainte du retour de cette frontière au cœur de
l’île ; les doc. 1, 2, 4 et 5 permettent de creuser la réflexion sur Le doc. 1 rappelle que la surveillance des frontières intègre celle
les effets redoutés, symboliques, politiques, économiques d’un des frontières nodales par lesquelles on entre souvent en Europe
possible retour de la frontière. et que l’agence Frontex patrouille : il s’agit des grands hubs
internationaux comme Paris ou Londres. Au sein de l’espace
Pettigoe, village irlandais coupé en deux Schengen, l’UE favorise les coopérations transfrontalières qui
par la frontière doivent transformer les frontières en interfaces ; l’infographie
(doc. 2) montre que cette coopération est un élément central
Pettigoe est un village de 470 habitants divisé par le tracé de la
et valorisé des politiques européennes.
frontière irlandaise dès 1921 ; la majeure partie du territoire se
trouve en République d’Irlande, dans le comté de Donegal. Il est
Le programme Interreg (doc. 2)
coupé en deux par la rivière Termon qui marque la séparation
entre l’Eire et l’Irlande du Nord. Pendant les « Troubles », le Interreg est un programme européen pensé pour la promotion
village fut le cadre de tensions fortes qui restent dans les de la coopération entre les régions européennes frontalières.
mémoires. Son pont de pierre constituait une barrière qui Il est financé par le Feder au titre de la politique régionale de
filtrait les entrées et les sorties. Depuis 1998, la frontière s’est l’UE. L’actuel programme est Interreg V, valable pour la période
effacée et aujourd’hui seule une petite flèche sur le pont la 2014-2020, qui soutient et finance 54 programmes en cours.
rappelle. Pourtant, l’approche du Brexit fait naître de vives
inquiétudes au sein de la population, révélées par l’essor des Le schéma fléché au bas de la p. 243 a pour objectif de replacer
demandes de nationalité irlandaise. les études de l’objet de travail conclusif dans une organisation
plus systémique. Il donne du sens au travail d’exemples réalisé
dans les pages précédentes puisqu’il participe à illustrer la leçon
❚❚ Analyse de documents sur les frontières internes et externes de l’Union européenne.
Le plan du rapport peut s’appuyer sur l’organisation suivante. Ce peut être un bon point d’appui pour la préparation d’un
I. Les effets d’un retour des contrôles marchandises et / ou sujet de composition susceptible d’être proposé à l’examen.
personnes… :
-- contrôle des marchandises à la frontière irlandaise et
taxation des produits ;
-- filtrage des entrées, contrôle des véhicules à la frontière ;
-- départ des investisseurs de l’île, notamment britanniques ;
perturbation des échanges quotidiens, des espaces agricoles ;
-- ralentissement des échanges commerciaux entre les
deux parties.

Objet de travail conclusif • Les frontières internes et externes de l’Union européenne 107

MÉTHODES BAC
ILLUSTRER LA COMPOSITION
PAR DES EXEMPLES PRÉCIS p. 244
Les enjeux des frontières internes
et externes de l’Union européenne
1. Les frontières de l’UE résultent d’élargissements successifs.
Née de la volonté de mettre fin aux conflits meurtriers qui ont
déchiré l’Europe, la CEE, devenue UE, est passée de six membres
en 1957 (France, Italie, Allemagne, Belgique, Luxembourg et Pays-
Bas) à vingt-huit en 2013, repoussant sans cesse les frontières
de l’Europe vers le sud et vers l’est. C’est l’implosion du bloc
de l’Est après la guerre froide qui a conduit à l’accélération de
l’élargissement dans les années 1990 et 2000. Le départ annoncé
du Royaume-Uni après le référendum de 2016 marque un
tournant historique et témoigne d’un euroscepticisme vivace :
les frontières extérieures de l’UE sont à nouveau à redessiner,
même si le Royaume-Uni ne fait pas partie de l’espace Schengen.
Le Brexit ouvre une négociation longue et chaotique, dont la
question frontalière entre l’Irlande du Nord et la République
d’Irlande est l’un des enjeux majeurs.
2. La rédaction peut s’appuyer sur les arguments proposés
dans la leçon p. 242 et dans les études traitées à l’intérieur
du chapitre :
- frontières extérieures renforcées : espace Schengen (p. 230-
231) ; aéroports européens (doc. 3 p. 191 et doc. 1 p. 242) ;
enclaves espagnoles au Maroc (p. 227) ; îles grecques (p. 234) ;
frontières de la Hongrie (p. 235) ; de la Pologne (p. 236-237) ;
frontières de l’Irlande (p. 240-241) ;
- frontières intérieures ouvertes : espace Schengen (p. 232-233) ;
frontière franco-belge (p. 229) ; frontière germano-polonaise
(p. 226 et p. 237) ; frontières de la Hongrie (p. 235) ; frontière
franco-allemande (p. 238-239) ; frontières de l’Irlande (p. 240-
241) ; Interreg (p. 243).
3.
108 Thème 3 • Étudier les divisions politiques du monde : les frontières
ÉTUDIER UNE CARICATURE p. 245
Le partage de l’Afrique
Question 1. Fondé en 1880, ce journal satirique a paru toutes les
semaines jusqu’en 1904, date de la fin de sa parution. Il proposait
des articles politiques, mais également des articles littéraires
ou mondains. Le numéro proposé à l’étude est publié dans le
contexte du partage de l’Afrique, deux ans après la conférence
de Berlin, à une période où les projets de colonisation de
l’Afrique se concrétisent.
Question 2. L’Afrique est représentée par des symboles comme
la femme noire figurant l’Afrique subsaharienne et la femme
égyptienne symbolisant le nord de l’Afrique ; les animaux
(lions) ; la végétation en arrière-plan ; l’architecture (pyramides
en arrière-plan).
En 1887, les représentations de l’Afrique sont marquées de
stéréotypes, sans nuance. Malgré les nombreuses expéditions
réalisées par les Européens, le continent est en effet peu connu.
Question 3. Le partage de l’Afrique est symbolisé par les
nombreuses mains qui se tendent vers le char central ; elles
cherchent à attraper les animaux ou les personnages qui
incarnent le continent africain. Les acteurs cachés derrière cette
représentation sont les puissances européennes ayant participé
à la conférence de Berlin (Royaume-Uni, France, Allemagne…).
ÉTUDIER UNE CARTE p. 246
La mer de Chine méridionale,
entre affrontements et négociations
Question 1
L’avis d’un géopoliticien est précieux car il apporte un regard
éclairé, susceptible de faciliter l’analyse de la situation
internationale évoquée. Les informations sont organisées de
manière à comprendre une situation géopolitique complexe.
Question 2
-- L’enchevêtrement des limites extérieures des eaux
revendiquées témoigne de l’importance des exigences.
Au total, la carte montre que cinq États différents réclament
des espaces maritimes au titre de leur ZEE.
-- Pour expliquer la situation, les élèves peuvent utiliser
les documents du manuel, notamment des pages 222-
223 et 143 : une mer essentielle pour les exportations
et l’approvisionnement de l’économie chinoise, une
mer aux acteurs stratégiques internationaux nombreux
(forces militaires chinoises, états-uniennes…), une réserve
potentielle d’hydrocarbures.
Question 3
-- La carte montre que des accords ont été trouvés pour le
tracé des limites de ZEE, certains très précocement. Il est
en effet possible de remarquer que certains accords sont
antérieurs à la convention de Montego Bay (1982). Les
accords semblent plus faciles à trouver dans les régions de
la carte où aucune terre émergée ne paraît exister.
-- Le droit de la mer est identique sur toutes les mers et
océans et s’applique aussi sur la mer de Chine. La convention
de Montego Bay délimite les périmètres de ZEE, d’eaux
internationales. La mer de Chine n’y échappe pas mais les
volontés chinoises s’y expriment avec force, le pays y voyant
un outil pour conforter sa puissance ascendante.
MOBILISER DES CONNAISSANCES
POUR ÉTUDIER UN DOCUMENT p. 247
La Méditerranée, une frontière majeure
de l’espace Schengen
Question 1
-- La Méditerranée devient une frontière majeure de
l’espace Schengen, comme le révèle la carte proposée
à l’étude. Réalisée par le cartographe Nicolas Lambert,
elle a été élaborée à partir des sources du site Carnet
Néocartographique et de l’espace Schengen. Elle focalise
sur les dangers que représente la mer Méditerranée.
Question 2
-- La représentation des morts aux frontières est figurée de
deux manières : par des cercles proportionnels qui traduisent
le nombre de morts et par des couleurs qui précisent la
nature du décès. Les cercles matérialisent par leur taille, leur
superposition et le choix de couleurs vives la « forteresse
européenne ».
-- L’importance du nombre de victimes est due à la volonté
de migration de populations venant d’Afrique ou d’Asie qui
cherchent à gagner l’Europe. Ceci s’explique à la fois par le
différentiel de développement qui encourage la volonté de
migration économique, et l’instabilité de certaines régions
(Syrie depuis 2015 notamment) qui justifie le nombre de
demandeurs d’asile. Les lieux qui concentrent le plus de
victimes sont les points de passage privilégiés pour l’entrée
dans l’espace Schengen : détroit de Gibraltar, enclaves
espagnoles au Maroc, îles italiennes (Lampedusa) ou
grecques (mer Égée). Cependant, certains lieux sont situés
sur la rive sud de la Méditerranée, dans les pays de transit
ayant ouvert des camps.
Question 3
-- Les pays signataires d’un accord avec l’espace Schengen
sont tous riverains de cette zone. Ce sont donc des pays
de transit.
-- Ces accords sont efficaces, notamment celui signé par
l’Union européenne avec la Turquie en 2016. Ils restent
cependant fortement critiqués par certaines ONG.
SUJET D’ENTRAÎNEMENT p. 248
Le limes rhénan, une frontière protectrice
de l’Empire romain ?
1. Deux documents sont proposés pour étudier le limes
rhénan et sa fonction protectrice : le premier est une planche
de la bande dessinée de Goscinny et Uderzo, Astérix et les
Goths, publiée en 1963 ; le second document est un extrait
de l’article « La Germanie des Romains : des provinces de
circonstance » de l’historien Y. Le Bohec, datant de 2002. Si
l’article est l’aboutissement d’un travail de recherche mené
par un historien, suivant une méthodologie précise propre à
la science historique et présente donc des gages de grande
fiabilité, la planche de BD prend l’histoire comme prétexte pour
raconter les aventures du célèbre héros gaulois, en se jouant
si nécessaire de la réalité historique.
2. Le limes est une frontière défensive pour l’Empire romain. Si
la BD présente cette frontière de manière caricaturale (poste
frontière, tracé au sol…), le texte précise qu’il pouvait prendre
des formes différentes : barrière naturelle du fleuve Rhin au nord,
palissade en bois au sud. L’élève peut s’appuyer sur le doc. 3
p. 201 pour montrer que la fortification pouvait aussi être en
pierre et entourée de douves. Cette frontière était ponctuée
de nombreux camps de légionnaires, de tailles variées : camps
principaux comme Argentoratum (Strasbourg) ou Mogontiacum
(Mayence), camps auxiliaires. Il s’agissait d’assurer la protection
contre les ennemis germains (nommés Goths sur le doc. 1).
3. Cette frontière devient un espace de prospérité car le
limes est une frontière poreuse comme l’affirme l’historien
Charles Whittaker (voir doc. 5 p. 201) favorisant les échanges
commerciaux et humains. Il faut alors considérer le limes comme
un espace transfrontalier dynamique où la présence de camps
entraîne la constitution de villes. Les échanges de marchandises
en provenance des deux côtés de la barrière s’y développent,
de même que les échanges culturels, religieux notamment.
SUJET D’ENTRAÎNEMENT p. 249
La frontière Oder-Neisse,
entre guerre et diplomatie
1. Les débats autour de la frontière Oder-Neisse sont étudiés
à l’aide de deux documents. L’affiche électorale (doc.1) émane
de l’Union démocrate-chrétienne allemande. La CDU, Christlich
Demokratische Union Deutschlands, est un parti de centre droit
qui a été au pouvoir en RFA (République fédérale allemande)
de 1949 à 1969. Cette affiche datée de 1949 montre le rejet des
découpages territoriaux de l’après-guerre. La résolution (doc. 2)
du Bundestag, le parlement de la RFA, rédigée le 21 juin 1990,
s’inscrit dans le contexte de la préparation à la réunification
allemande et énonce, au contraire, la reconnaissance officielle
de la frontière entre l’Allemagne et la Pologne.
2. Le 8 mai 1945 marque la fin des combats en Allemagne et la
fin du totalitarisme nazi installé au pouvoir depuis le 30 janvier
1933. Mais les conséquences directes de la guerre restent à
venir aussi bien pour le pays que pour sa population. Les Alliés
décident d’amputer l’Allemagne d’un quart de son territoire en
opérant un déplacement des frontières polonaises vers l’ouest.
Le but des Alliés est double : limiter la puissance allemande
et dédommager la Pologne, une des principales victimes du
nazisme. Mais ces découpages territoriaux entraînent, en plus
de ces pertes territoriales, le déplacement de plus de 14 millions
de personnes alors que 7 millions de germanophones sont
restés en Pologne, au-delà de la frontière Oder-Neisse. La CDU
considère cette mesure comme un « abandon » alors que ces
territoires de l’Est et leur population sont représentés en noir,
couleur de deuil, sur cette affiche électorale.
3. En 1990, les mutations géopolitiques expliquent la
reconnaissance de la frontière germano-polonaise. En effet,
la guerre froide s’essouffle avec l’effondrement des régimes
communistes en Europe. La chute du mur de Berlin le 9 novembre
1989 ouvre la voie à la réunification des deux Allemagnes.
La reconnaissance de la frontière Oder-Neisse est un préalable
nécessaire. En effet, la reconstitution d’une Allemagne au cœur
de l’Europe fait craindre de nouvelles prétentions territoriales sur
la Pologne et une remise en cause de la frontière Oder-Neisse.
C’est pourquoi le Bundestag (doc. 2) élabore cette déclaration
Méthodes Bac 109
 en rappelant : la reconnaissance des crimes commis par le « trait d’union géopolitique » signifie que le pont fait la jonction
régime nazi contre les Polonais pendant la Seconde Guerre entre deux pays ou communautés différentes et qu’il a pour
mondiale (l. 8), la reconnaissance des injustices subies par les mission d’assurer leur rapprochement ou au contraire renforcer
germanophones à cause des déplacements de population et de leur séparation.
la frontière (l. 10), la confirmation par le droit international de 2.
la fixation de la frontière Oder-Neisse après les traités de 1970
et de 1989 (entre le RFA et la Pologne) et la reconnaissance du Pont marqueur Pont marqueur Pont marqueur
principe de l’inviolabilité de la frontière (l. 31). La diplomatie a d’une réconciliation de tensions de domination
donc permis d’apaiser les tensions et de dissiper les craintes ou alliance pacifique ou de contrastes ou d’annexion
suscitées par la réunification allemande à venir.
4. Les étapes de la reconnaissance de la frontière Oder-Neisse - Doc. 2 : le pont de - Doc. 3 : le pont - Doc. 5 : le pont
s’inscrivent dans l’histoire de la guerre froide entre 1949 et 1990. Svinesund, lien entre Glienicke à Berlin entre la Russie
Aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, la conférence la Norvège et la Suède, est un symbole de et la Crimée
symbolise leur union la guerre froide. symbolise
de Potsdam, sous l’égide des Alliés, fixe la frontière le long des
politique depuis le xixe siècle. C’est sur ce pont l’annexion de
fleuves Oder et Neisse, provoquant la division des villes et le
qu’avaient lieu les la Crimée par
déplacement des populations allemandes. Mais la guerre froide - Doc. 3 p. 193 : la photo échanges d’otages V. Poutine.
et la séparation de l’Allemagne en deux États idéologiquement montre un pont entre les entre les deux blocs. Ce pont
opposés (1949) ont freiné le processus de reconnaissance. Alors États-Unis et le Canada. marque donc
que la RDA (République démocratique allemande) reconnaît Ce pont, sans contrôle, laisse - Doc. 4 : le pont la domination
cette frontière par le traité de Gorlitz (1950), la RFA (République à penser qu’il existe une entre les États- et la puissance
fédérale allemande) reste très réticente (doc. 1). C’est dans alliance entre les deux États. Unis et le Mexique politique de la
le contexte de la détente que le chancelier ouest-allemand montre les échanges Russie.
Willy Brandt s’accorde avec la Pologne sur la frontière (traité - Doc. 1 p. 238 : le pont entre commerciaux et les
de Varsovie, 1970). Le 12 septembre 1990, six pays (les deux Strasbourg et Kehl symbolise flux humains malgré
la réconciliation franco- les nombreux points
Allemagnes et les quatre puissances alliées de la Seconde
allemande après les deux de contrôles entre les
Guerre mondiale, la France, les États-Unis, le Royaume-Uni et
guerres mondiales. deux pays. Ce pont
l’URSS) signent le traité de Moscou : l’Allemagne abandonne passe au-dessus du
par ce traité toute revendication territoriale, notamment sur - Doc. 2 p. 235 : le pont mur qui sépare les
la Pologne et reconnaît la ligne germano-polonaise. Le débat Mária Valéria marque la deux pays. Ce pont
sur la frontière Oder-Neisse héritée de la guerre froide est clos. frontière entre la Hongrie est donc mixte : il
et la Slovaquie. Ce pont sur est un symbole des
une frontière de l’espace tensions liées aux flux
LE GRAND ORAL p. 250-251 Schengen illustre un migratoires et des
espace d’alliance pacifique, contrastes de niveau
Les ponts transfrontaliers sont-ils toujours mais aussi économique et de vie entre les deux
politique. Ce pont est donc pays.
des traits d’union géopolitiques ? un marqueur d’intégration à
un espace européen.
❚❚ ÉTAPE 1 / Cerner le sujet et se documenter
1. Le doc. 1 permet d’analyser les différentes fonctions des
ponts à travers le monde. L’un des premiers rôles des ponts
est d’être un symbole tangible de réconciliation entre des pays ❚❚ ÉTAPE 2 / Préparer une présentation visuelle
ou des communautés après une guerre, tel le pont de Mostar, pour l’oral
en Bosnie-Herzégovine. Ce pont a été détruit entre 1992-
Les élèves peuvent illustrer leur présentation orale des
1995 puis reconstruit pour tenter de réconcilier les différentes
documents du chapitre comme les documents mobilisés
communautés de cette ville. Un pont peut ensuite être défini
dans le tableau de l’étape 1.
comme « stratégique ». L’exemple évoqué dans le texte est
celui du pont entre la Chine et la Corée du Nord. Ce pont est Pour vous entraîner :
tout d’abord stratégique pour l’économie de la Corée du Nord Les élèves peuvent utiliser les nombreux documents du
car 80 % du commerce nord-coréen y transite, mais aussi manuel illustrant les frontières-murs (doc. 2 p. 227, doc. 2
stratégique pour la population car il est une route d’exode des p. 189, …) et organiser le plan de leur présentation orale selon
Nord-Coréens vers la Chine. Or, le pont est aussi qualifié dans les propositions suivantes :
le doc. 1 de « séparation » avec deux cas : les ponts fermés ou -- De tout temps, les hommes ont érigé des murs frontaliers
les ponts dotés de points de contrôle. Les ponts fermés ont (limes rhénan, muraille de Chine, frontière entre les deux
pour objectif d’éviter la propagation d’épidémies tel le pont Corées…) ;
entre le Liberia et la Côte d’Ivoire. Le pont de contrôle a pour -- Une réaffirmation contemporaine des murs de séparation :
vocation de faciliter le contrôle des populations à l’instar du pour se protéger et filtrer ; l’invention de nouvelles formes
pont entre la Moldavie et la Transnistrie. Ainsi, l’expression de barriérisation (smart borders).

110 Thème 3 • Étudier les divisions politiques du monde : les frontières

 RÉVISION p. 252-253

colonie LETTONIE frontière

MAROC britannique Mer polonaise
RIO
ALGÉRIE LIBYE
ÉGYPTE Baltique LITUANIE en 1939
DE ORO SOMALIE colonie
AFRIQUE SOUDAN
BRITANNIQUE française URSS Pologne
OCCID. AFRIQUE en 1945
FR. ÉQUAT. colonie
BIELORUSSIE
NIGERIA
CÔTE DE
FR. ÉTHIOPIE
L’OR
belge
LIBERIA CAMEROUN SOMALIE territoire perdu
GABON CONGO AFRIQUE
KENYA ITALIENNE
autre colonie par la Pologne
BELGE ORIENTALE OCÉAN
européenne POLOGNE au profit de
OCÉAN
ANGOLA
ALLEMANDE INDIEN l’URSS
ATLANTIQUE
RHODÉSIE
MOZAMBIQUE
MADAGASCAR
territoire gagné
SUD-OUEST BECHUA-
AFRICAIN NALAND UKRAINE
par la Pologne
RÉP. TCHÈQUE aux dépens de
UNION TCHÉCOSLOVAQUIE
SLOVAQUIE l’Allemagne
SUD-AFRICAINE MOLDAVIE

DMZ (zone espace

CHINE démilitarisée Schengen
ASIE

et fortifiée)
membre de
CORÉE l’UE hors
DU NORD 38e parallèle Schengen
Pyongyang Mer
zone
du Japon capitale Mer

politique OCÉAN surveillée

Caspienne

38 e parallèle ATLANTIQUE Mer Noire par Frontex

Séoul
Mer CORÉE
Jaune DU SUD Mer
Méditerranée

JAPON
0 100 km

Méthodes Bac 111

 THÈME S’informer : un regard critique
4 sur les sources et modes
de communication
OUVERTURE p. 254-255
❚❚ Introduction
Le quatrième thème est véritablement au carrefour de l’histoire,
de la géographie, de la géopolitique et de la science politique.
Il s’agit bien entendu de comprendre les enjeux actuels de
l’information et de la communication, mais également de
transmettre aux élèves une démarche critique. Aujourd’hui,
tout individu est abreuvé d’informations, et ce par divers canaux :
presse écrite, radio, télévision, mais aussi réseaux sociaux qui
représentent des vecteurs de communication essentiels. Ces
dernières années, les lanceurs d’alerte sont devenus des acteurs
importants de la prise de conscience des enjeux de l’information,
de même que les « fake news » constituent un sujet complexe à
gérer pour les législateurs et les journalistes. Les printemps arabes
ont montré l’importance que les réseaux sociaux pouvaient
avoir sur la capacité de mobilisation d’une population. C’est un
thème qui fait partie de la vie quotidienne de nos élèves, mais
qui possède aussi une dimension civique importante.
Information ou communication ?
Il faut être vigilant et bien distinguer information et
communication. L’information est le contenu d’un
message, tandis que la communication est le processus qui
permet de le transmettre. Alors que l’information (du latin
« informare », « mettre en forme ») désigne un contenu et
une idée, la communication (du latin « communare », « mettre
en commun ») est l’action d’établir une relation avec d’autres
personnes ou groupes de personnes. La communication
s’intéresse donc au public visé, et le contenu de l’information
peut en être altéré. Les différents médias transforment de
fait la qualité de l’information selon qu’elle est, par exemple,
visuelle ou écrite, mais le développement de l’information est
aussi un élément essentiel, selon qu’elle est véhiculée par un
tweet et ses 280 caractères ou plus développée au sein d’un
magazine ou d’un reportage.
Le thème s’ouvre sur une réflexion consacrée aux différents
modes d’information actuellement disponibles. Les dernières
décennies ont vu l’apparition des chaînes d’information en
continu (p. 258-259) mais aussi des smartphones (p. 260-
261) comme moyen de s’informer dans l’instant. Les plus
jeunes (15-34 ans) sont sans doute les plus marqués par ces
nouvelles façons de s’informer (p. 262-263). Cela conduit les
médias traditionnels comme la presse quotidienne régionale
(p. 264-265) à se réinventer pour attirer un nouveau public.
La démarche de l’axe 1 est historique et chronologique : trois
112 Thème 4 • S’informer : un regard critique sur les sources et modes de communication
Bibliographie
d’Almeida Fabrice et Delporte Christian, Histoire des médias
en France de la Grande Guerre à nos jours, Flammarion, 2010.
Jeanneney Jean-Noël, Une histoire des médias, Seuil, 1998.
Kalifa Dominique, Régnier Philippe, Thérenty Marie-Eve et Vaillant
Alain, La civilisation du journal. Historie culturelle et littéraire
de la presse française au xixe siècle, Nouveau Monde, 2012.
Sitographie
Un accès à la presse française : www.retronews.fr
Un site du Monde consacré au décodage de l’information :
www.lemonde.fr/les-décodeurs/
Un site du gouvernement sur les risques de la mauvaise
information et sur les fake news :
www.gouvernement.fr/on-te-manipule
Un site dédié à la « chasse » aux complots :
www.conspiracywatch.info
jalons se succèdent, autour de l’information imprimée (p. 272-
273), le développement de l’information par le son et l’image
au xxe siècle (p. 274-275) et le développement d’Internet
comme nouveau mode de communication (p. 278-279). L’axe 2
s’intéresse à une dimension plus politique de la question,
le lien entre les médias et le débat public, autour de trois
moments importants : l’affaire Dreyfus (p. 286-287), la mise
en place des grandes agences de presse (p. 288-289) et le rôle
des médias dans la guerre du Vietnam (p. 292-293). L’objet
de travail conclusif est tout à fait contemporain, et touche à
la géopolitique, avec les débats actuels autour des lanceurs
d’alerte (p. 306-307) et des théories du complot (p. 308-309).
❚❚ Choix des documents d’ouverture
Le doc. 1 est une photographie prise le 16 juillet 2005 à Tel Afar
en Irak. On y voit au premier plan Charles Crain, journaliste
en reportage pour Time Magazine, prendre des notes au
moment même d’une intervention militaire auprès des forces
irakiennes. Au second plan se tiennent deux soldats, l’un de
l’armée irakienne (voir le drapeau sur la manche de sa veste)
et l’autre de l’armée américaine. Cette photographie illustre
bien le rôle des journalistes de guerre, qui font désormais partie
intégrante des unités d’intervention.
Facebook, réseau social créé par Mark Zuckerberg en 2004, est
aujourd’hui un média à part entière (doc. 2). En effet, toutes les
études montrent qu’un nombre croissant d’internautes s’informe
via le site grâce aux articles diffusés par les réseaux de contacts.
La capacité d’influence de ce site est donc extrêmement
importante, d’autant plus que des fake news ou des appels à
la haine circulent par ce biais. En 2018, le site a annoncé que
30 000 personnes travaillaient à la modération des contenus,
cet investissement devant permettre de limiter fortement la
propagande terroriste. En mars 2018, l’ONU avait mis en cause
Facebook à propos des violences commises contre les Rohingyas
en Birmanie. Une législation se met progressivement en place,
par exemple en France et en Allemagne. Mais Facebook a
aussi une grande capacité d’innovation, comme l’illustre cette
photographie de 2016 : une des pistes de recherche concerne
aujourd’hui la réalité virtuelle, pour faire de Facebook un outil
de communication intégral.
THÈME 4
INTRODUCTION Comment s’informe-t-on aujourd’hui ?
REPÈRES 1
Les différents médias
au début du xxie siècle p. 256-257
❚❚ P
 résentation des documents et des liens
possibles entre eux
Cette double page repères fournit un certain nombre de
données sur les moyens d’accéder à l’information aujourd’hui ;
ces éléments constitueront une base de référence pour l’élève
tout au long du traitement du thème.
Le doc. 1 aide à comprendre la place des principaux médias
d’information en France. La télévision reste la source majeure,
mais Internet représente 29 % des informations, loin devant
la radio et la presse écrite. Par ailleurs, sur Internet, 28 % des
personnes interrogées déclarent consulter les sites des titres de
presse écrite. Une donnée essentielle est ici le rôle important
des réseaux sociaux dans la diffusion de l’information. Le doc. 2
présente sur les dernières années la montée en puissance
des réseaux sociaux et blogs dans l’accès à l’information. En
effet, s’ils représentaient moins de 20 % des accès en 2013, ce
taux s’élève, quatre ans plus tard, à 40 %. C’est désormais un
outil de première importance. Le doc. 3 permet de prendre
la mesure de la baisse tendancielle des ventes de journaux :
si les journaux d’information comme Libération ou Le Figaro
subissent une baisse sensible, seul L’Équipe, journal spécialisé
dans le sport, connaît un net regain. Face à cette tendance, la
❚❚ Réponses aux questions
1. Les journalistes sont aujourd’hui les principaux collecteurs
d’information dans tous les domaines mais particulièrement
dans les territoires inaccessibles, comme les pays en guerre.
Depuis la guerre du Vietnam, le journalisme de guerre s’est
largement généralisé et il est possible de suivre presque en
temps réel l’évolution des conflits.
2. Aujourd’hui, l’information se transmet par le biais des médias
traditionnels, comme la presse ou la télévision, mais aussi
par les réseaux sociaux, nouveaux médias de premier plan.
Ainsi, Facebook a-t-il également un poids considérable dans
la diffusion de l’information.
3. L’accès à l’information connaît une transformation radicale
par le développement des chaînes et radios d’information en
continu. Les sources étant spécialisées en fonction du public, le
débat citoyen s’en trouve appauvri selon Rémy Rieffel. De plus,
toute information est subjective, et perçue de façon différente
en fonction des médias. Il est aujourd’hui nécessaire d’avoir
des grilles de lecture de l’information.
presse écrite est en pleine révolution (doc. 4) : si la lecture des
journaux papier représente encore 43 % des consultations,
la lecture numérique correspond aujourd’hui à 35 % des
consultations. Beaucoup de lecteurs consultent à la fois le
papier et des supports numériques. Les radios d’information,
quant à elles, conservent un poids important : le doc. 5 montre
que les trois radios les plus écoutées en France sont des radios
d’information, avec plus de 18 millions d’auditeurs pour France
Inter et RMC. France Info, spécialisée uniquement dans le
traitement de l’information, enregistre près de 10 millions
d’auditeurs réguliers. Le doc. 6 souligne l’importance des
chaînes d’information dans le monde : la chaîne britannique
BBC est accessible dans de nombreux pays et son site Internet
comptait, en février-mars 2017, 169 millions de consultations.
Les chaînes d’information ne sont pas seulement occidentales ;
il existe également des chaînes russes (Russia Today) et arabes
(Al-Jazeera).
❚❚ Réponses aux questions
1. Au début de xxie siècle, les principaux modes d’information
sont la télévision mais aussi les supports numériques, à travers
les sites Internet des médias traditionnels. La presse écrite et
la radio conservent un poids important, mais on peut noter la
montée en puissance des réseaux sociaux dans la transmission
de l’information.
Introduction • Comment s’informe-t-on aujourd’hui ? 113
 2. On peut parler de mondialisation de l’information car,
désormais, avec le développement d’Internet, les informations
peuvent circuler rapidement à travers le monde. Un des
exemples les plus explicites est la multiplication des chaînes
d’information en continu à l’échelle de la planète.
ÉTUDE
Les chaînes d’information
en continu p. 258-259
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
L’introduction du thème 4 étant focalisée sur la manière dont on
s’informe aujourd’hui, la première étude est donc naturellement
consacrée aux chaînes d’information en continu qui sont
désormais des médias incontournables dans les paysages
audiovisuels européens. Le dossier documentaire permet de
bien cerner la situation française, où ces chaînes sont en pleine
croissance, comme le prouve le graphique du doc. 1 présentant
l’évolution de la part d’audience des principales chaînes
françaises, alors que le doc. 4 s’inscrit dans une perspective
européenne. Le doc. 2, quant à lui, souligne les effets négatifs et
les limites des chaînes d’information en continu. Elles fournissent
à la fois un accès démocratisé à l’information mais, en même
temps, sont la cible de nombreuses critiques. On leur reproche
d’entretenir une forme d’angoisse, de faire des erreurs, de ne pas
hiérarchiser les informations et de placer tout sur le même plan.
Elles ont définitivement changé le rapport des téléspectateurs
à l’information : ils consomment en direct, dans une forme de
suspense organisé, les événements et les faits divers (doc. 3).
La généralisation des chaînes d’information
en continu dans le monde (frise)
CNN, la première grande chaîne d’information en continu, est
créée en 1980 aux États-Unis par Ted Warner. Accueillie d’abord
avec scepticisme, le succès est finalement au rendez-vous, et la
chaîne devient même une référence lors de la couverture de la
première guerre du Golfe. À partir des années 1990, ce modèle
commence à être imité dans les autres régions du monde et
de nouvelles chaînes apparaissent comme Euronews, LCI en
France, Sky News au Royaume-Uni, accessibles par satellite.
Il faut attendre la généralisation de l’ADSL et la diffusion de la
télévision numérique terrestre (TNT) pour voir émerger une
seconde vague de nouvelles chaînes d’information comme
BFM TV. En France, longtemps leader durant les années 1990
et au début des années 2000, la chaîne LCI n’obtient pas
de canal sur la TNT. En conséquence, elle est vite rattrapée
par I-Télé (qui devient CNews en 2017) et surtout BFM TV.
Le secteur audiovisuel public, qui avait été le premier à lancer
une station radio dévolue à l’information en 1987 (France Info)
ne fonde une chaîne d’information qu’en 2016 (France Info TV).
❚❚ Analyse de documents
1. L’audience des chaînes d’information en continu ne cesse
d’augmenter comme en témoigne leur nombre. Elles sont quatre
en France et en Allemagne, à la fois dans les secteurs public
et privé. Il y en a même une en cours de création au Portugal.
2. Les chaînes d’information en continu révolutionnent l’accès à
l’information, en profitant d’un développement des supports et
des écrans (télévision, smartphones, tablettes). Elles favorisent
114 Thème 4 • S’informer : un regard critique sur les sources et modes de communication
une démocratisation de l’accès à l’information en élargissant
les créneaux horaires et en travaillant en étroite collaboration
avec les réseaux sociaux. Toutefois, on constate des effets
négatifs indéniables comme la multiplication des erreurs, des
fausses nouvelles (fake news), voire la diffusion de rumeurs. Les
chaînes d’information en continu entraînent une redéfinition
du métier de journaliste, à savoir un professionnel capable de
trier, hiérarchiser et analyser les informations.
3. Le mouvement des Gilets jaunes, couvert en direct à partir
de novembre 2018, a engendré un bond spectaculaire de
l’audience des chaînes d’information en continu. Cependant,
cela n’est pas sans conséquences pour les journalistes sur le
terrain. Les incidents telles les insultes, les dégradations ou
encore les violences diverses surviennent plus fréquemment.
Les journalistes opèrent donc sous protection, voire sans le
sigle de la chaîne.
❚❚ Bilan
La synthèse attendue peut s’appuyer sur le plan suivant :
I. Le poids nouveau des chaînes d’information en continu
aujourd’hui en France et en Europe : importance des audiences
en constante hausse ; nombre élevé de chaînes ; priorité au
direct ; formes nouvelles de consommation de l’information.
II. Les effets négatifs et les problèmes engendrés par ces chaînes :
manque de recul et d’analyse ; risque d’erreurs et de fausses
nouvelles ; risque de rumeurs ; infobésité ; agressions et insultes
de journalistes.
III. Le métier de journaliste repensé : exigence accrue de rigueur
du métier ; faire un effort d’analyse afin de gagner en crédibilité ;
ne pas tomber dans le piège du fait divers et du scoop à tout prix.
ÉTUDE
La révolution du smartphone,
une autre façon de s’informer p. 260-261
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
Apparu au milieu des années 2000, le smartphone se
démocratise et devient un produit de consommation de masse
au début des années 2010 comme le montre le doc. 1.
Le développement des smartphones (doc. 1)
Au début des années 2000, la firme canadienne BlackBerry
domine largement le marché des téléphones mobiles en
proposant un appareil doté d’un petit clavier. Cependant, à
partir de 2007, le géant américain Apple, sous l’impulsion de
Steve Jobs, lance le premier IPhone à écran tactile et un système
d’applications commercialisées sur la plateforme ITunes.
Le succès est immédiat. Apple détrône définitivement
BlackBerry, alors que la firme finlandaise leader de la téléphonie
mobile Nokia se fait distancer et s’enfonce dans la crise. Très
vite, Apple doit faire face au coréen Samsung qui lance lui
aussi un smartphone à écran tactile : le Galaxy. Les années
2010 voient s’affronter les géants du smartphone, Samsung,
Apple, Sony, Huawei et Windows, qui développent leur propre
système d’exploitation : Android, iOS, Windows Phone. Derrière
cette concurrence féroce se jouent des enjeux stratégiques
comme la sécurité des données, l’accès aux terres rares, et la
maîtrise de la 5G.
Devenu tactile et bénéficiant de logiciels intuitifs, le smartphone
offre une navigation simple. Dans le même temps, la
généralisation de la 4G améliore le débit et accélère l’accès aux
informations et aux vidéos grâce à des plateformes numériques
de fournisseurs de contenus (doc. 2 et 3). Or, le doc. 4 atteste que
cet accès immédiat et pratique à Internet, partout et toujours,
change radicalement le rapport des individus à l’information.
Celle-ci devient omniprésente et envahissante, sous forme
de notifications permanentes, les rendant souvent addictives
et angoissantes. Le smartphone favorise ainsi l’avènement
d’une ère de surconsommation individuelle et horizontale
de l’information (doc. 6). Néanmoins, il représente un outil de
propagation rapide et libre de l’information, facilitant l’éclosion
de véritables forums politiques dans des dictatures (doc. 5).
❚❚ Analyse de documents
1. Apparu au milieu des années 2000, le smartphone s’est
réellement démocratisé à partir des années 2010. À la fin de
l’année 2019, il y a près de 2 milliards d’unités en circulation dans
le monde. On observe même une accélération de la croissance
depuis 2015, soit une augmentation de 30 %. Parallèlement,
depuis 2013, le smartphone constitue un outil majeur d’accès
à l’information. En 2018, plus de la moitié des habitants des
grandes puissances occidentales utilisent le smartphone pour
s’informer.
2. Les réseaux sociaux ont pris de l’ampleur au cours des
années 2000 avec Facebook en 2004 et Twitter en 2006. Ils
s’accommodent bien du smartphone car il leur offre un accès
nomade. Ainsi en 2015, les utilisateurs de réseaux sociaux,
surtout les jeunes, les consultent-ils majoritairement sur le
smartphone plutôt que sur ordinateur. Parallèlement, ce nombre
d’utilisateurs de réseaux sociaux explose sur tous les continents.
Dans les pays arabes, les jeunes attisent les révoltes contre les
dictateurs en Tunisie, en Libye, et en Égypte via les réseaux
sociaux. Ils sont le lieu par excellence de la liberté d’expression
et de la mobilisation démocratique.
3. La diffusion des smartphones entraîne un nouveau rapport
à l’information. Désormais celle-ci devient un objet de
consommation surabondant et ininterrompu. On parle même
de surinformation ou d’infobésité, afin d’illustrer la difficulté
à trier et à hiérarchiser cette masse de faits qui abreuvent
constamment les plateformes numériques. Par ailleurs, on
assiste dans le même temps à une approche individuelle de
l’information loin d’un partage collectif comme pouvait le faire
le journal de 20 Heures. Mais, dans bien des cas, l’instantanéité
empêche le recul et l’analyse.
❚❚ Bilan
La synthèse attendue peut s’appuyer sur le plan suivant :
I. Les causes du succès du smartphone : baisse des prix ;
démocratisation ; amélioration des systèmes d’exploitation.
II. Un nouveau rapport à l’information : infobésité ; immédiateté ;
surinformation.
III. Des conséquences politiques et sociales : mutation des
démocraties et du discours politique (ère du buzz ») ; remise
en cause des dictatures (révolutions arabes).
ÉTUDE
Les jeunes et l’information
aujourd’hui p. 262-263
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
La génération des Millenials, ceux nés à partir des années
1980, grandit avec le développement d’Internet et prend très
tôt le pli de l’usage du numérique. Les plus jeunes, ceux nés
au tournant du nouveau siècle, ont évolué dans un monde
largement digitalisé (doc. 1). Dans les deux cas, les moins de
35 ans utilisent majoritairement les smartphones et le réseau
Internet mobile, en multipliant les écrans pour s’informer,
comme le montre le doc. 2. On assiste ainsi chez les jeunes à
une véritable surconsommation de l’information et à un large
abandon des médias traditionnels comme la télévision, et
surtout la presse papier (doc. 3). Dès lors, le doc. 4 illustre la
fracture numérique qui se crée entre les plus jeunes et les plus
âgées qui consomment différemment l’information. Cependant,
cette prégnance du tout numérique n’est pas sans enjeu, car il
convient d’éduquer les plus jeunes au bon usage du numérique
dans l’accès à l’information afin d’éviter les dangers de la fausse
information, et des rumeurs en tout genre (doc. 5).
Le rôle de l’Éducation nationale (doc. 5)
En 1983, dans un contexte de domination de la télévision
dans les foyers français, le ministre de l’Éducation nationale
Alain Savary crée le Centre de liaison de l’enseignement et des
médias d’information (Clemi) afin de favoriser une meilleure
formation des jeunes à l’usage des moyens d’information. Il existe
un Clemi par académie afin de couvrir tout le territoire. Depuis
2004, l’administration du Clemi est confiée au CRDP (actuel
réseau Canopé). Il accompagne les évolutions des techniques
d’information à la fin du xxe siècle avec la volonté de mettre
en place une EMI, une éducation aux médias et à l’information.
Les Clemi mènent ainsi des projets pédagogiques d’envergure
comme la semaine de la presse et des médias à l’école.
Le doc. 6, quant à lui, insiste sur la différence des thèmes
consultés en fonction de l’âge. On remarque que les plus jeunes
suivent davantage le sport, les divertissements, les actualités
« people », et les nouvelles technologies.
❚❚ Analyse de documents
1. Parmi les principales sources d’information, plus de 71 % des
jeunes utilisent les réseaux sociaux. Ils délaissent ainsi, pour
beaucoup, les médias traditionnels comme la télévision, mais
surtout la presse papier. Le temps passé devant la télévision
diminue au profit d’autres écrans comme les smartphones
ou encore les tablettes tactiles. Les jeunes sont aussi adeptes
des forums où ils partagent des informations et en trouvent
d’autres, au risque de prendre au sérieux des fake news.
2. Les jeunes sont de grands consommateurs d’informations ;
ils vont au plus pressé et au plus simple. Le smartphone
devenant l’outil privilégié, ils choisissent les thématiques selon
leurs propres centres d’intérêt. Leur façon de consommer
l’information inscrit une véritable « fracture générationnelle »
avec les plus âgés, lesquels gardent une approche traditionnelle
et institutionnelle des sources d’information.
Introduction • Comment s’informe-t-on aujourd’hui ? 115
 3. Le flot d’informations nécessite une nouvelle éducation
des jeunes afin qu’ils puissent vérifier les sources et éviter de
mettre tout sur le même plan. Les enjeux sont fondamentaux
dans la mesure où il importe de lutter contre les fake news,
les théories du complot et la remise en cause du travail des
journalistes sur le terrain. Il s’agit, à travers l’implication d’acteurs
institutionnels comme l’Éducation nationale, les collectivités
territoriales ou encore les écoles de journalisme, d’un véritable
défi démocratique. Comment faire en sorte que les jeunes usent
avec raison de la liberté d’expression et puissent hiérarchiser
les informations ?
❚❚ Bilan
La synthèse attendue peut s’appuyer sur le plan suivant :
I. Où les jeunes s’informent-ils ? : les jeunes privilégient les
supports numériques, connectés à l’Internet mobile ; ils vont
majoritairement vers les réseaux sociaux, les sites vidéos en
ligne, sites d’« infotainement » ; mais on constate encore le
maintien des chaînes de télévision ; ils délaissent en revanche
la presse écrite.
II. L’information, un objet de surconsommation pour les jeunes :
ils sont abreuvés d’informations ; ils se désintéressent de
l’actualité ; ils préfèrent d’autres types d’informations comme
les faits divers, la culture, les loisirs, people, faits divers…
III. La nécessité d’une meilleure éducation aux médias et à
l’information : les jeunes sont, en effet, influencés par des
fake news, les rumeurs, les théories du complot ; les médias
traditionnels comme la presse écrite n’hésitent plus à s’allier à
l’Éducation nationale pour contribuer à l’éducation aux médias.
ÉTUDE
S’informer au niveau local : la presse
quotidienne régionale p. 264-265
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
Tout comme la presse quotidienne nationale française, dont
les titres les plus diffusés sont Le Monde, Le Figaro, ou encore
Libération, la presse quotidienne régionale (PQR) connaît elle
aussi une crise depuis plusieurs années. C’est ce qu’illustrent
les doc. 3, 4 et 5. La presse régionale voit son lectorat vieillir et
ne réussit pas à séduire de nouvelles générations de lecteurs
(doc. 2). Face aux enjeux de la numérisation, elle essaie de
s’adapter à la nouvelle donne de l’Internet mobile ou en
s’orientant davantage vers un engagement plus local, et vers
un journalisme dit de « solution » (doc. 6). La caractéristique
de la PQR en France est sa forte assise territoriale. De puissants
groupes de presse se partagent des aires régionales bien
définies. Ainsi le groupe La Dépêche domine tout le Sud-Ouest
avec des titres importants comme La Dépêche du Midi, Midi Libre
ou encore L’Indépendant (doc. 1). Une grande partie des titres
régionaux ont pour trait commun d’être apparus au lendemain
116 Thème 4 • S’informer : un regard critique sur les sources et modes de communication
de la Seconde Guerre mondiale, après la restructuration globale
de la presse française. Certains sont même issus de la Résistance
comme le journal La Voix du Nord, publié dès 1942, mais c’est
Ouest-France qui reste le premier quotidien régional.
Ouest-France, premier quotidien vendu en France
(doc. 1)
Depuis 1975, le journal Ouest-France est l’un des principaux
titres de la presse quotidienne régionale et le plus vendu
en France chaque jour. En 2017, il vend en moyenne
650 000 exemplaires par jour dans les régions de l’Ouest :
Bretagne, Normandie, Pays de la Loire. Il est édité à Rennes
et a la particularité d’être la propriété d’une association de
loi 1901 : l’Association pour le soutien des principes de la
démocratie humaniste. Il a été fondé en 1944 à la Libération, à
la place de l’ancien journal L’Ouest-Éclair, interdit de parution
pour fait de collaboration. Depuis 1990, il fait partie du groupe
SIPA-Ouest-France.
❚❚ Réponses à l’activité
1. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la presse
quotidienne régionale française est réorganisée. De
nouveaux journaux apparaissent sur les ruines de la presse
collaborationniste. Des titres prestigieux se partagent
territorialement le pays comme Ouest-France, La Voix du Nord
ou encore Le Progrès à Lyon. Bien qu’étant en crise, elle est
toujours la presse quotidienne la plus lue en France. Quels
sont les défis de la PQR aujourd’hui ?
2. La structuration de l’oral peut s’organiser autour des idées
suivantes.
I. La crise de la PQR : on passe de 150 titres après-guerre à moins
de 60 aujourd’hui ; il n’y a plus que deux journaux véritablement
indépendants à savoir L’Écho du Centre et La Marseillaise ; cette
crise se manifeste par la baisse du nombre de salariés dans les
différents journaux, mais aussi par la diminution du chiffre
d’affaires et des recettes publicitaires.
II. Les causes de cette crise : irruption des grandes entreprises
(souvent éloignées des médias) qui entrent au capital des
journaux ; baisse des ventes, liée à un nombre de lecteurs de
la presse écrite qui diminue ; concurrence d’Internet et report
du lectorat vers une autre offre de presse (en ligne).
III. Les solutions et alternatives : « journalisme de solution »,
à savoir l’analyse de problèmes accompagnée des solutions
apportées sur le plan local, par des individus ou des institutions ;
autre alternative : numérisation accrue de l’offre de presse,
comme le paiement à l’article qui intéresse le lecteur.
3. Conclusion : la PQR traverse, comme l’ensemble de la presse
quotidienne généraliste, une crise marquée par une baisse du
nombre de lecteurs et de chiffre d’affaires. Cependant, la PQR
peut s’appuyer sur son identité territoriale et sait trouver des
pistes de relance comme le « journalisme de solution » et une
numérisation accrue.
 LEÇON 1
Comment s’informe-t-on
aujourd’hui ? p. 266-267
❚❚ P
 résentation des documents en lien
avec la problématique
Les documents accompagnant ce premier cours « Comment
s’informe-t-on aujourd’hui ? » permettent de répondre à
la problématique posée : « Quelles sont les mutations de
l’information au début du xxie siècle ? » Le doc. 1 est un dessin de
presse. Plantu, alors grand dessinateur du quotidien Le Monde,
réussit à croquer la situation de la presse écrite et des enjeux
auxquels elle doit faire face au milieu des années 2000. Le
nombre d’internautes explose, en effet, grâce à l’ADSL et à
la fibre optique, entraînant un bouleversement du rapport
à l’information. La presse écrite entre alors dans une crise
profonde de mutation, commencée dans les années 1980. De
nombreux titres, souvent prestigieux comme Life aux États-
Unis, La Tribune ou encore France-Soir en France, disparaissent
sous leur forme papier, au profit d’une version numérique en
ligne. Cette évolution n’est pas sans danger car, les sources
d’information sur Internet étant infinies, le risque de relayer des
fake news est accru. Le doc. 2 illustre la presse gratuite, apparue
pour la première fois en France en 2002, avec deux titres : Metro
THÈME 4
AXE 1 Les grandes révolutions techniques
de l’information
OUVERTURE  p. 268-269
❚❚ Introduction
Cet axe du programme place dans une perspective historique
la manière dont on s’informe aujourd’hui. L’accélération de
l’information et son abondance sont dues à quatre grands
tournants techniques : l’imprimerie pour la presse écrite, le
câble pour le télégraphe, la télégraphie sans fil pour la radio
et la télévision, et le réseau Internet. Les études proposées
illustrent l’importance de ces quatre changements à travers
un exemple d’application concrète de ces innovations. On
trouvera ainsi l’imprimerie de Gutenberg aux origines de la
presse écrite à grand tirage (p. 272-273), la radio et son rôle
fondamental dans la Seconde Guerre mondiale et l’exemple de
Radio Londres (p. 274-275), la télévision dans les années 1960
(p. 276-277), ainsi que la naissance d’Internet et son envol dans
les années 1990 (p. 278-279). Ces quatre études correspondent
aux jalons du programme et donnent des exemples concrets
et 20 Minutes. Ils se financent grâce aux publicités abondantes
à l’intérieur et sont distribués dans les grandes métropoles à
la sortie des stations de métro, bus et gares. En France, leur
arrivée a provoqué de vives tensions avec le syndicat du livre
et des nouvelles messageries de la presse parisienne (NMPP).
La presse gratuite d’information en France (doc. 2)
En France, la presse gratuite d’information est dominée par
trois grands titres : Metro, 20 Minutes et CNews. Ce dernier,
lancé en 2007, d’abord sous le nom de Matin Plus puis Direct
Matin, appartient au groupe Bolloré et à la galaxie des chaînes
de télévision CNews, C8, CStar. On distingue également la
presse gratuite d’annonces, très populaire jusque dans les
années 2000 avant de connaître une forte concurrence des
sites en ligne, comme Le Bon Coin.
Le schéma fléché au bas de la p. 267 a pour objectif de replacer les
études de l’introduction dans une organisation plus systémique.
Il donne du sens au travail d’exemples réalisé dans les pages
précédentes puisqu’il participe à illustrer la leçon sur les mutations
actuelles de l’information.
pour contextualiser la grande révolution numérique et ses
enjeux actuels. Elles montrent que la soudaine accélération
de l’information, le rétrécissement du temps et de l’espace
ne sont pas l’apanage de notre seul temps, mais bien celui
d’un mouvement initié il y a deux siècles. Elles contribuent
indéniablement à la mise en perspective historique du thème
introductif et de la façon de s’informer aujourd’hui.
Sur la double page d’ouverture, deux documents sont proposés
à la confrontation. Le doc. 1 illustre parfaitement ce que l’on
a appelé « l’âge d’or de la presse ». Au début du xxe siècle, on
dénombre en effet en France plus de 350 titres (dont 80 à Paris)
et plus de 15 millions d’exemplaires. Des journaux comme
Le Petit journal atteignent plus d’un million d’exemplaires par
jour en 1890. Il est alors le quotidien le plus tiré au monde.
Chaque vendeur à la criée propose un titre, et il est rémunéré
Axe 1 • Les grandes révolutions techniques de l’information 117
 à la commission et au pourboire. Le jeune vendeur de journaux
fait ainsi partie du paysage parisien au début du xxe siècle.
En vis-à-vis, le doc. 2 présente la régie de TF1. Longtemps
première chaîne de télévision d’Europe, depuis sa privatisation
en 1987, TF1 dispose d’une régie puissante qui lui permet de
monter rapidement les images et de diffuser en direct différentes
interventions (comme ici lors d’une soirée électorale). Elle est
l’illustration de l’accès instantané et illimité des téléspectateurs
aux informations toujours plus abondantes.
TF1 (doc. 2)
La société TF1 (Télévision Française 1) est créée dans le sillage
du démantèlement de l’ORTF en 1975. Dans un souci de
libéralisation mesurée de l’audiovisuel public, Valéry Giscard
d’Estaing a voulu, dès son élection, réformer l’ORTF sous le feu
des critiques depuis mai 1968. Aux côtés de TF1, deux autres
chaînes de télévision font leur apparition : Antenne 2 et FR3.
Les canaux de radio sont attribués, quant à eux, à une autre
société publique : Radio France. En 1987, le gouvernement de
cohabitation conduit par Jacques Chirac décide de privatiser TF1
afin de se rapprocher de la situation audiovisuelle européenne.
Le ministre de la Communication, François Léotard, confie alors
à la Commission nationale de la communication et des libertés
(CNCL) le soin de décider du projet le plus viable pour la reprise
de TF1. Plusieurs groupes de communication et de presse,
comme Lagardère, Fininvest de Berlusconi ou encore Robert
Hersant, sont sur les rangs. Mais la CNCL finit par accepter le
projet du groupe de BTP de Francis Bouygues, soutenu par
Bernard Tapie, pour un montant de trois milliards de francs.
C’est le début de la diversification du groupe Bouygues dans
les médias et la communication.
❚❚ Réponses aux questions
1. Au début du xxe siècle, les journaux sont vendus à la criée
par de jeunes garçons qui hurlent le titre en première page.
La photographie atteste, à travers la dizaine de vendeurs
présents, du nombre important de journaux diffusés à Paris
à cette époque (Le Figaro, Le Petit journal ou encore L’Écho de
Paris). Nous sommes dans l’âge d’or de la presse écrite.
2. La régie de TF1, première chaîne de télévision française,
donne à voir, grâce aux nombreux écrans, l’importance des
sources d’information. Il est nécessaire de pouvoir les trier et les
hiérarchiser. On remarque également que la diffusion d’images et
d’informations relève proprement d’un choix et que le montage
d’images est le fruit d’un raisonnement journalistique.
REPÈRES 1
L’accélération de l’information
à grande échelle p. 270-271
❚❚ Présentation des documents et des liens
possibles entre eux
La double page repères aide à bien saisir l’accélération
des progrès techniques depuis deux cents ans en matière
d’information. Les documents révèlent qu’une transmission
118 Thème 4 • S’informer : un regard critique sur les sources et modes de communication
efficace des informations repose sur la constitution de
réseaux. Comme le montre le doc. 1, dès Gutenberg et
l’imprimerie, les universités européennes, déjà liées par
un réseau de maîtres itinérants, se dotent d’imprimeries.
Le télégraphe optique Chappe lui-même repose sur un réseau
de bâtons que l’on actionne pour former un code (doc. 2).
Le télégraphe (doc. 2)
Samuel Morse est l’inventeur en 1843 d’un système de
télégraphe qui permet de transmettre à travers un câble des
messages avec des impulsions électriques. Il suffit d’alterner
des impulsions courtes et des impulsions longues pour former
un code renvoyant à un alphabet, le plus célèbre étant le
« SOS » (le signal de détresse). Le succès est immédiat et,
dès 1851, un câble transmanche est installé entre la France
et l’Angleterre. À partir de 1866, un autre câble relie pour la
première fois l’Europe à l’Amérique du Nord. Des compagnies
majeures se forment pour exploiter cette innovation comme
la Western Union Telegraph, fondée en partie par Morse et
la Eastern Telegraph Company à capitaux anglais, basée à
Londres. À la fin du xixe siècle, la Grande-Bretagne domine
un réseau télégraphique mondial de plus de 130 000 km. Ces
compagnies favorisent ainsi l’apparition des grandes agences
de presse comme Havas en France ou Reuters au Royaume-Uni.
Il en est de même du réseau de câbles télégraphiques (doc. 3)
puis téléphoniques, permettant dans les dernières décennies,
l’explosion d’Internet. La diffusion de l’information a donc été
facilitée par d’importants progrès techniques depuis plus de
deux cents ans, à la fois dans l’imprimerie, mais aussi dans le son
et l’image. Chaque innovation a contribué à l’accélération de
l’information, jusqu’à la quasi-instantanéité de la retransmission
de l’évènement. Ces progrès ont abouti à une plus grande
professionnalisation des journalistes et à une remise en
cause permanente de leur travail, soulevant de nouveaux
enjeux démocratiques, politiques et sociaux. Le rapport à
l’information change aussi, dans la mesure où les progrès
techniques engendrent une abondance d’informations, et
les transforment en produits de consommation de masse.
Le smartphone est un exemple probant d’une diffusion et d’une
démocratisation rapides d’une innovation technique qui donne
un accès direct à l’information (doc. 5). Néanmoins, le doc. 4
souligne le maintien, en dépit de cette course inexorable au
progrès, d’une fracture numérique planétaire.
❚❚ Réponses aux questions
1. Les grandes évolutions techniques qui ont permis une
accélération de l’information sont l’imprimerie, la télégraphie
(Chappe, Morse), les réseaux de câbles, d’abord télégraphiques
puis téléphoniques, le réseau Internet, enfin l’Internet mobile
via les smartphones.
2. L’accès presque instantané aux informations est dû, pour
l’essentiel, à l’irruption de l’électricité dans les moyens de
communication afin de transmettre un message ou le son,
mais aussi à la constitution d’un réseau de télécommunication à
l’échelle mondiale. L’information est accessible immédiatement
et de façon presque universelle. La révolution Internet a
profondément accéléré ce mouvement entamé il y a deux siècles.
 JALON
L’information imprimée :
de la diffusion de l’imprimerie
à la presse à grand tirage
ÉTUDE
L’essor de la presse, de sa naissance
au début du xxe siècle p. 272-273
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
Si Gutenberg perfectionne l’imprimerie vers 1450, ce sont
les Chinois qui sont à l’origine d’une première technique
d’impression au ixe siècle. En Occident, le succès est immédiat et
près de dix millions de livres (les incunables) sont produits avant
1500, témoignant de l’efficacité de l’innovation de Gutenberg
(doc. 1). En France, le premier journal à visée informative est
La Gazette de France de Théophraste Renaudot, qui paraît
périodiquement à partir de 1631. Au xviiie siècle, de nouveaux
journaux apparaissent comme Le Mercure de France, mais ils
restent soumis à la censure royale. La Révolution de 1789 et
la proclamation de la liberté d’expression dans la Déclaration
des droits de l’homme et du citoyen initient une première
reconnaissance de la liberté d’expression et de la liberté de la
presse. Aussi, le prospectus du journal de Camille Desmoulins
s’inscrit-il dans ce contexte nouveau et foisonnant de la presse
révolutionnaire (doc. 2). Cependant, la censure reste pesante
une grande partie du xixe siècle et il faudra attendre les lois
de 1868, et de 1881 surtout, pour que la presse écrite en
France soit effectivement libre, et promise à un véritable âge
d’or (doc. 5). En outre, la couverture des grands évènements
décuplera davantage les ventes (doc. 4).
Émile de Girardin et La Presse (doc. 3)
La Presse d’Émile de Girardin est lancée en 1836, avec un
ensemble de principes novateurs qui fondent véritablement
la presse moderne. Il fixe un prix d’abonnement, attire un
maximum de publicités afin de baisser le prix de vente du
numéro et introduit des romans-feuilletons pour fidéliser
le lecteur. Hugo, Balzac et Alexandre Dumas, entre autres,
collaborent à La Presse, et bon nombre de romans célèbres
ont d’abord été publiés sous la forme d’épisodes dans chaque
numéro du journal. Le modèle de Girardin inspire d’autres
magnats de la presse de l’époque comme Hippolyte de
Villemessant, fondateur du Figaro, et Moïse Millaud, créateur en
1863 du Petit Journal dont le prix est à 5 centimes le numéro.
❚❚ Analyse de documents
1. L’imprimerie permet de reproduire en grande quantité des
ouvrages reliés et de bonne qualité. Les idées circulent ainsi
plus vite et le livre est accessible au plus grand nombre. C’est le
cas de la Bible. La technique de l’imprimerie a été perfectionnée
par Gutenberg, qui utilise à la fois une presse (comme pour
les pressoirs à vin), et des caractères mobiles, assemblés par
des typographes.
2. La Révolution française est un tournant dans l’histoire de
la presse car elle affirme la liberté d’expression et défend la
liberté de la presse. Elle est l’époque de l’explosion du nombre
de journaux qui participent aux débats politiques enflammés.
Le journal de Camille Desmoulins est un exemple de ces
nouveaux journaux qui fleurissent, et qui s’inscrivent dans
une dimension européenne.
3. Dans son journal La Presse, les objectifs d’Émile de Girardin
sont de pouvoir concilier toutes les opinions et d’en faire un
organe d’information et d’enseignement pour le plus grand
nombre. Ce journal, non polémique, ne servira aucunement
de tribune.
4. À la veille de la Première Guerre mondiale, la presse écrite
est le seul grand média d’information accessible au plus grand
nombre. On parle d’âge d’or de la presse écrite avec des tirages
gigantesques comme en France où l’on dénombre plus de
320 titres dans tout le pays. Les journaux s’arrachent lors de
grands événements ou faits divers, comme le naufrage du Titanic.
5. La vitesse de l’information dépend largement des progrès
techniques qui facilitent la diffusion rapide des nouvelles ou
de faits divers qui se passent à l’autre bout du monde. Ainsi,
le naufrage du Titanic est-il connu dès le lendemain grâce au
télégraphe sans fil (TSF). Les progrès techniques permettent
également au plus grand nombre d’être informés, ce qui est
désormais une condition essentielle de la démocratie.
6. La liberté de la presse est une des grandes libertés collectives
acquises dans le monde occidental au Royaume-Uni, aux
États-Unis, en France et en Europe de l’Ouest tout au long des
xviiie et xixe siècles. Elle favorise l’éclosion d’une presse moderne
qui autorise la publicité des débats, à la fois parlementaires et
judiciaires. La transparence de l’information, partagée par tous,
est nécessaire à l’établissement de la démocratie.
❚❚ Bilan
La synthèse attendue peut s’appuyer sur le plan suivant :
I. La naissance de l’imprimerie et l’apparition de la presse :
une innovation de taille grâce à Gutenberg (le pressoir et les
caractères typographiques mobiles), qui permet l’impression
en grand nombre ; au xviiie siècle, explosion du nombre de
journaux, notamment dans un contexte d’accroissement des
libertés (Révolution française).
II. La presse moderne à grand tirage : la presse moderne avec
articles, abonnement, publicités, analyse critique, variétés,
roman-feuilleton, est née quant à elle en 1836, grâce à Émile
Girardin ; à la fin du xixe siècle, les progrès techniques conduisent
à l’émergence d’une presse à grand tirage (plusieurs millions
pour certains titres en France) ; les ventes sont alors décuplées
lors de grands événements comme le naufrage du Titanic.
Axe 1 • Les grandes révolutions techniques de l’information 119
 JALON
L’information par le son
et l’image : radio et télévision
au xxe siècle
❚❚ Introduction
Si la presse écrite connaît véritablement son âge d’or à la
fin du xixe siècle, la diffusion du son et de l’image reste la
grande aventure du xxe siècle avec, dès 1895, l’invention de la
télégraphie sans fil par Marconi. Très vite, le naufrage du Titanic
et son terrible SOS révèlent au monde l’efficacité et l’utilité d’une
telle invention. Les premières émissions régulières de radio
à des fins de loisirs, en émettant de la musique notamment,
apparaissent au début des années 1920. Les images, quant à
elles, commencent à être diffusées à la fin de la même décennie.
À partir des années 1930, les postes de radio, d’abord réservés
à une élite, se démocratisent et pénètrent dans la majorité
des foyers occidentaux. Il en va de même pour les postes de
télévision qui équipent les foyers américains dans les années
1950, avant ceux d’Europe occidentale dans les années 1960.
La télévision couleur fait alors son apparition (1967 en France).
À la fin des années 1970, plus de 90 % des foyers français sont
équipés d’un récepteur de télévision. La révolution du son et
de l’image s’est accompagnée d’une formidable baisse des prix
des équipements, les rendant ainsi parfaitement accessibles.
Ce jalon propose deux études. Le cas de Radio Londres, tout
d’abord, permet de présenter le rôle de la radio comme arme
de combat pour faire vivre la voix de la France Libre, au moment
où ce média est le plus populaire (p. 274-275). On abordera
ensuite l’exemple de la télévision en France des années 1960 aux
années 1980 afin d’illustrer les liens entre un État démocratique
et un nouveau média qui s’impose en moins d’une décennie
comme le média le plus populaire (p. 276-277).
ÉTUDE
Radio Londres,
une radio en guerre p. 274-275
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
À travers l’exemple de Radio Londres, on peut évoquer la
situation de la radio dans les années 1940. Il s’agit d’abord d’un
média de masse qui, depuis les années 1930, équipe une très
large partie des foyers français et européens. On dénombre près
de 5 millions de postes de radio en 1939 en France. Les régimes
totalitaires avaient déjà bien compris l’enjeu stratégique et
politique de la radio comme instrument efficace de propagande.
Lorsque le général de Gaulle lance son appel le 18 juin 1940,
sur les ondes de la BBC, il a parfaitement conscience du rôle
nouveau de la radio, et décide d’en faire immédiatement un
outil de résistance et une arme efficace contre l’occupation
allemande et contre Radio-Paris, la radio collaborationniste
(doc. 1). Il confie à Maurice Schumann la tâche d’organiser
Radio Londres et de s’entourer d’une équipe. Parmi eux, on
retrouvera le résistant Jean-Louis Crémieux-Brilhac (doc. 4), qui
saisit d’emblée la capacité de la radio à influencer l’opinion et
120 Thème 4 • S’informer : un regard critique sur les sources et modes de communication
soutenir son moral (doc. 3), ou à maintenir le contact avec les
forces résistantes de l’intérieur (doc. 2). Soucieux de l’influence
grandissante de Radio Londres sur l’opinion publique dans une
France occupée, le régime de Vichy ne cesse de dénoncer une
radio au service des Juifs et de l’« étranger » (doc. 5).
La « guerre des ondes » (doc. 5)
La Seconde Guerre mondiale voit se dérouler également une
très célèbre « guerre des ondes » entre le chansonnier Pierre
Dac, rallié à Londres, et Philippe Henriot, secrétaire d’État à
l’Information et à la Propagande du régime de Vichy, mais aussi
redoutable chroniqueur de Radio-Paris. Le 10 mai 1944, Henriot
attaque violemment sur les ondes Pierre Dac sur ses origines
juives et son manque de patriotisme. Peu de temps après, ce
dernier lui répond, dans une chronique baptisée « Bagatelle sur
un tombeau », en convoquant la mémoire de son frère mort
durant la Première Guerre mondiale. Consciente du talent de
Henriot, la résistance l’élimine chez lui à Paris, le 28 juin 1944.
❚❚ Analyse de documents
1. Lorsque le général de Gaulle lance son appel le 18 juin 1940,
il fonde Radio Londres, voix de la résistance des Français qui
refusent la défaite et l’armistice. Il confie à Maurice Schumann le
soin d’organiser les créneaux de diffusion que les Britanniques
accordent aux Français sur la BBC. Dès lors, l’émission « Les
Français parlent aux Français » permet la diffusion de messages
à destination de la résistance intérieure, mais aussi de chansons
humoristiques imaginées pour humilier les Allemands et les
collaborateurs, comme la chanson des « V ».
2. Radio Londres est vitale pour tisser un lien entre la résistance
extérieure et la résistance intérieure. Les « nombreux messages
personnels » coordonnent les actions de multiples groupes
de résistants ou de maquis isolés. Elle s’avère également
fondamentale pour préserver le moral des Français et leur
donner des informations auxquelles ils n’ont pas accès, du fait
du poids de la censure.
3. Les valeurs défendues par Radio Londres sont le patriotisme,
la croyance en la victoire, les valeurs de la République, les
grandes libertés, l’humanisme et l’universalisme.
4. Pour contrer l’influence croissante de Radio Londres, le
régime de Vichy et l’occupant allemand l’attaquent sur un
double front. Ils fustigent d’abord une radio de l’étranger,
émettant depuis Londres, puis les personnalités de confession
juive qui ont rejoint de Gaulle et qui se sont engagées dans la
résistance auprès de lui.
5. Radio Londres est une arme efficace car elle diffuse des
informations auxquelles les Français occupés n’ont pas accès.
En touchant le plus grand nombre, par le biais des ondes, Radio
Londres anime concrètement l’esprit de résistance. Elle est une
manifestation sonore et ouverte d’un mouvement de résistance
actif et structuré. Elle est une autre voix de la France à cette
époque, celle qui poursuit l’œuvre et l’esprit de la République.
6. Radio Londres illustre l’engagement de la France combattante,
qui résiste à l’intérieur comme à l’extérieur, contre une France
qui choisit la collaboration. La guerre se poursuit donc sur un
plan radiophonique.
❚❚ Bilan
La réponse organisée attendue peut s’appuyer sur le plan
suivant :
I. Une radio qui anime l’âme de la résistance dès l’appel du
18 juin 1940 : la BBC héberge la voix de la France Libre ; elle
devient la voix de la résistance et le seul relais avec les groupes
de partisans restés en France occupée.
II. Une radio engagée qui incite au combat : elle influe sur
l’opinion de la France occupée, grâce aux chansons notamment ;
elle anime la flamme de la résistance.
III. Une radio qui menace la propagande allemande et vichyste :
Radio Londres est efficace grâce à des messages bien ciblés et
menace la propagande allemande. Vichy contre-attaque sur
Radio-Paris en portant des accusations antisémites.
ÉTUDE
L’État et la télévision en France
des années 1960 aux années 1980
 p. 276-277
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
L’exemple de la télévision française illustre très bien l’évolution
des rapports entre l’État et les chaînes de télévision en Europe
occidentale. Dans beaucoup de pays, elles sont d’abord
exclusivement publiques avant de connaître un important
mouvement de libéralisation à partir des années 1970 et 1980,
conduisant à la privatisation de la principale chaîne (doc. 6).
La télévision en France dans les années 1960 est tout entière
contrôlée par le pouvoir gaulliste qui s’en sert comme d’un
véritable instrument de grandeur et d’indépendance nationale,
non sans excès (doc. 2 et 4). Elle est aussi un outil au service
du politique comme le montre le doc. 3.
Les grèves à l’ORTF en mai 1968 (doc. 3)
Alors que débutent les grèves étudiantes et qu’éclatent les
premières émeutes au début de mai 1968, le pouvoir gaulliste
fait pression sur l’ORTF pour qu’elle ne mette pas trop en
lumière le mouvement estudiantin. Une séquence de l’émission
« Panorama » du 10 mai sur ce sujet est ainsi supprimée. Lors
de la grève générale du 13 mai, un nombre important du
personnel de l’ORTF défile dans les rues aux côtés des autres
professions. Le 25 mai, enfin, les journalistes eux-mêmes
votent la grève générale. Elle durera jusqu’au 12 juillet et
constitue le plus long conflit social de l’audiovisuel public.
Les revendications concernent, pêle-mêle, des revalorisations
salariales mais aussi une plus grande indépendance vis-à-vis
du pouvoir, à travers la rédaction d’un nouveau statut. Plus
de 12 000 personnes sont alors en grève, à la fois à Paris
et en province. Un simple service minimum est assuré par
l’intersyndicale des personnels. Yves Guéna, alors ministre
de l’Information, refuse toutes négociations et engage une
épreuve de force. Les émetteurs sont confiés à l’armée et des
journalistes non-grévistes assurent les bulletins d’information.
Au terme du conflit, l’audiovisuel est le seul service public à
subir une véritable « épuration ». Plus de 80 journalistes sont
licenciés (soit un sur trois). D’autres sont mutés ou mis en
retraite anticipée de façon arbitraire.
L’enjeu politique de ce nouveau média s’inscrit dans le contexte
de la croissance des Trente Glorieuses au cours desquelles
les Français s’équipent massivement de postes de télévision
(doc. 5). Elle devient un produit phare de la consommation de
masse et trône en bonne place dans les foyers français (doc. 1).
❚❚ Analyse de documents
1. Au cours des années 1960, les liens entre l’État et la télévision
sont très étroits. Le pouvoir politique est attentif aux contenus
des journaux télévisés et a pleinement conscience de leur
influence dans les foyers français. L’État conçoit ce nouveau
média comme un instrument de prestige et de représentation.
La télévision incarne la France et sa voix. L’État fait le choix
d’une télévision d’une grande qualité culturelle.
2. Cette situation est très dénoncée dans la mesure où la
télévision laisse peu d’espace à la critique du gouvernement, et
ne favorise pas la liberté de création. Beaucoup lui reprochent
d’être une télévision aux ordres, obéissant « à la voix de son
maître ». Ainsi, les journalistes de l’ORTF n’hésitent pas à se
lancer dans une grève longue à partir de mai 1968.
3. À partir des années 1960, les Français s’équipent en postes
de télévision. Ce média garde longtemps une certaine magie, et
trône, comme un meuble de prix, en bonne place dans les foyers
français. Elle est un des produits symboles des Trente Glorieuses.
Elle devient même un des loisirs principaux, et des émissions
emblématiques connaissent un succès colossal comme « Cinq
colonnes à la une ».
4. À partir des années 1980, l’État fait le choix d’une plus grande
libéralisation de la télévision sur les modèles britannique et
italien. Il accepte l’existence de télévisions privées et donc, ce
faisant, d’une place plus importante de la publicité et des capitaux
privés pour financer la télévision. Bien évidemment, la qualité
des programmes et leurs orientations changent.
5. La prise de position des deux premiers présidents de la
République, le général de Gaulle et Georges Pompidou, sur
la télévision illustre bien une forme de contrôle du pouvoir
politique sur ce média. Ils ont très vite conscience de son emprise
sur les Français, et de son rôle en matière de communication
politique.
6. À partir de 1987, l’État fait le choix de privatiser la première
chaîne qui est, à cette époque, la plus regardée. Il la vend à
l’entrepreneur Francis Bouygues qui décide alors de diversifier
son activité, auparavant strictement consacrée au BTP, vers les
médias. La France rejoint ainsi le club des pays d’Europe qui
disposent d’une chaîne majeure privée, financée par la publicité.
❚❚ Bilan
La réponse organisée attendue peut s’appuyer sur le plan suivant :
I. La télévision devient un média de masse en France au cœur
des Trente Glorieuses : au cours des années 1960, le nombre
de récepteurs explose ; la télévision commence à avoir une
grande influence sur l’opinion.
II. La télévision est étroitement contrôlée par l’État et le pouvoir
politique : l’État la considère comme « la voix de la France » ; le
pouvoir politique donne une mission à la télévision et scrute
les contenus avec attention ; les journalistes ne sont pas libres
de leurs propos.
III. Les remises en cause de cette situation sont nombreuses :
par exemple durant les évènements de mai 1968 et pendant les
années 1980 où l’on décide de libéraliser le secteur audiovisuel.
Axe 1 • Les grandes révolutions techniques de l’information 121

JA LO N
L’information mondialisée
et individualisée : naissance et
extension du réseau Internet
❚❚ Introduction
Le développement d’Internet dès la fin du xxe siècle fait
entrer l’information dans une nouvelle ère. Elle suit ainsi
irrémédiablement le mouvement de mondialisation
économique et concrétise plus que jamais l’idée d’un « village
global ». Avant de procéder à une analyse plus fine des contenus
de l’information sur Internet dans l’objet conclusif, le programme
propose un jalon consacré à la naissance d’Internet et à
l’apparition d’une information plus individualisée. Désormais,
l’individu peut choisir ses sources d’information, qui sont
disponibles en grand nombre et opérer une véritable sélection
des thèmes qui l’intéressent. Internet enterre progressivement
l’approche traditionnelle du filtre journalistique des médias
institutionnels qui trient en amont les informations à mettre en
avant dans la presse écrite ou bien au journal télévisé. C’est ce
que propose de traiter l’étude p. 278-279. Cette individualisation
de l’information accompagne aussi l’accélération des progrès
techniques en informatique dès la fin des années 1990, avec
la généralisation des ordinateurs portables, des smartphones,
puis, à partir des années 2010, des tablettes tactiles.
ÉTUDE
Le développement d’Internet
dans la diffusion de l’information
 p. 278-279
❚❚ P
 résentation des documents et des liens
possibles entre eux
Le programme insiste sur la naissance du réseau Internet et sur
l’apparition d’une information mondialisée et individualisée.
La naissance d’Internet constitue la dernière étude de ce jalon
pour clore la mise en perspective historique de l’apparition
progressive des réseaux d’information. On aborde ici la question
de la rapidité d’une innovation qui a bouleversé en peu de temps
les habitudes de vie. Les enjeux liés aux contenus d’Internet
et à l’usage de l’information seront, quant à eux, abordés
dans l’objet conclusif. La double page prend en compte ici
les origines techniques du réseau, mais aussi la manière dont
les grands acteurs privés américains ont accompagné une
mutation radicale du rapport des individus à l’information.
Le réseau Arpanet (doc. 1), créé en 1969, renvoie ainsi au
programme militaire et universitaire qui prévalait, au début,
dans un contexte de guerre froide.
Le doc. 2 évoque les origines des géants américains comme
Google et YouTube, ou encore les réseaux sociaux comme
Facebook, qui connaissent très vite un important mouvement
de concentration industrielle. Ils participent à l’expansion rapide
d’Internet dans le monde et symbolisent la place qu’occupe
désormais ce nouvel outil d’information dans nos vies, comme
le soulignent les doc. 3 et 4. Enfin, le doc. 5 sur les révolutions
arabes explore plusieurs aspects de l’intitulé du programme.
122 Thème 4 • S’informer : un regard critique sur les sources et modes de communication
D’une part, il fait référence au développement d’Internet
dans le monde, et même dans des dictatures (par exemple au
Moyen-Orient). D’autre part, ce document permet d’expliquer
un nouvel accès à l’information plus individuel, qui n’est pas
sans conséquences politiques et sociales.
Aux origines d’Internet (doc. 1)
En 1969, les ordinateurs de plusieurs universités américaines
dont l’UCLA (université de Californie à Los Angeles), réussissent
à échanger des messages électroniques. À l’origine, l’armée
américaine avait demandé aux chercheurs et universitaires de
mettre au point un système de communication qui fonctionne
en cas d’attaque nucléaire, dans un contexte de guerre froide.
C’est la naissance du projet Arpanet. Au cours des années 1980,
il est progressivement ouvert à l’initiative privée et les premières
sociétés en saisissent l’intérêt commercial au début des années
1990. Pour que le grand public s’en empare, il faut attendre
cependant deux innovations de poids. D’abord le World Wide
Web, la forme moderne d’une page web, qui est créée en 1990
au CERN, en Suisse, par le Britannique Tim Berners-Lee et le Belge
Robert Cailliau. Survient ensuite la généralisation de l’ADSL qui
permet un affichage plus rapide des pages web.
❚❚ Réponses à l’activité
1. Internet trouve son origine dans la création, par certaines
universités américaines, du réseau Arpanet, financé à l’initiative
de l’armée américaine. D’abord lié à un contexte de guerre
froide, le réseau est progressivement ouvert à des usages civils.
Dès lors, son succès à partir des années 1990 est fulgurant.
Comment le développement d’Internet révolutionne-t-il la
diffusion de l’information ?
2. La présentation peut se structurer autour de 3 parties :
I. La place d’Internet aujourd’hui dans nos vies est fondamentale.
Le nombre d’internautes a été multiplié par 400 en 20 ans. On
constate que la courbe est exponentielle. Par ailleurs, la place
du numérique dans les usages quotidiens a elle aussi explosé
comme en témoigne le nombre d’heures que peut passer par
jour un Américain en 2017, à savoir plus de cinq heures.
II. Cette place prépondérante d’Internet est liée également à
des acteurs et des médias privés devenus très puissants comme
Google, leader des moteurs de recherche, YouTube, leader
des plateformes vidéo, ou bien encore Facebook, leader des
réseaux sociaux. On assiste même à un incroyagle mouvement
de concentration industrielle puisque Google n’hésite pas à
racheter YouTube pour plus de 1,65 milliard de dollars en 2006.
III. Désormais ces nouveaux médias sur Internet ont un poids
politique et social considérable dans la mesure où, seuls espaces
de liberté dans certains pays, ils peuvent ébranler des régimes.
Les individus ont bien saisi ce nouveau rapport à l’information
et savent parfaitement user des réseaux sociaux pour atteindre
leurs fins politiques et peser dans les débats à l’instar des
révolutions du printemps arabe.
3. Internet est devenu un outil incontournable. Les médias
numériques constituent la principale source d’information, et
le réseau occupe une place majeure dans notre vie quotidienne.
Internet est aussi une importante source de croissance
économique, dans la mesure où les principales entreprises
les mieux valorisées sont liées au numérique. Enfin, cette
prépondérance n’est pas sans conséquences politiques, culturelles
et sociales. Si elle facilite l’éclosion de révoltes citoyennes dans
le monde arabe, elle n’en questionne pas moins les pratiques
démocratiques et impose une nouvelle éducation à l’information.
 LEÇON 2
Les grandes révolutions techniques
de l’information p. 280-281
❚❚ P
 résentation des documents en lien
avec la problématique
Les documents accompagnant ce second cours « Les grandes
révolutions techniques de l’information » permettent de
répondre à la problématique posée : « Comment la radio et la
télévision sont-elles devenues progressivement des médias de
masse ? » Le doc. 1 illustre la place des médias dans les régimes
autoritaires. L’une des raisons des succès électoraux des nazis est
leur très bon usage des moyens de communication nouveaux,
dont ils ont su tirer les avantages pour leur propagande.
Lorsqu’Hitler arrive au pouvoir, la radio devient l’objet d’une
attention toute particulière de la part des nazis. Une politique
publique est même mise en place pour favoriser l’acquisition
d’un récepteur radio par tous les foyers allemands.
Fondée en 1980 par Ted Turner, CNN (Cable News Network) est
la première grande chaîne d’information en continu (doc. 2).
Après des débuts difficiles, la chaîne commence à trouver sa
place dans le paysage audiovisuel américain grâce à la diffusion
des informations 24 heures sur 24 et en relatant en direct la
catastrophe de la navette spatiale Challenger. La place privilégiée
que lui confère l’armée américaine dans la couverture de la
guerre du Golfe en 1990 lui donne un rayonnement mondial.
Elle poursuit un développement international grâce à la
diffusion par satellite, et en plusieurs langues.
THÈME 4
AXE 2 Liberté ou contrôle de l’information :
un débat politique fondamental
OUVERTURE p. 282-283
❚❚ Introduction
Le second axe du programme s’inscrit dans la continuité du
premier et propose une mise en perspective historique de la
question du contrôle de l’information. En effet, au cours des
deux derniers siècles, l’accélération de la vitesse de l’information
et son abondance engendrent une réflexion sur la liberté et le
contrôle de l’information. Les enjeux sont nombreux, à la fois
politiques, dans un contexte d’avènement de la démocratie
moderne, économiques, avec la naissance de géants de la
diffusion d’informations, sociaux et culturels. Les trois études
proposées sont des illustrations de ce débat entre liberté et
contrôle de l’information, mais aussi des risques potentiels de
limitation, voire d’anéantissement, de la liberté d’expression.
L’affaire Dreyfus (p. 286-287) est ici étudiée sous le prisme
des risques de censure, liés au poids de l’opinion publique
qui influence souvent les écrits des journalistes, et la bonne
marche des rédactions. L’agence Havas (p. 288) et l’AFP (p. 289)
Axe 2 • Liberté ou contrôle de l’information : un débat politique fondamental
Les nazis et la radio (doc. 1)
Les nazis peuvent bénéficier, à leur arrivée au pouvoir, de la
politique de la République de Weimar qui avait déjà centralisé
la radio au sein d’une société de radiodiffusion du Reich.
Il existe alors neuf sociétés de radio dans tout le pays. Mais
deux ordonnances, l’une en 1925, l’autre en 1932, renforcent
le contrôle de l’État sur ces radios. Hitler récupère ainsi un outil
précieux qui diffuse tous ses discours. La radio devient le média
par excellence de la propagande nazie, qui est confiée à Joseph
Goebbels, ministre du Reich à l’Éducation du peuple et de la
Propagande. Ce dernier finit par unifier tous les émetteurs et
stations radiophoniques en une grande société publique de
radio du Reich : la Großdeutscher Rundfunk.
Le schéma fléché au bas de la p. 281 a pour objectif de replacer
les études de l’axe 1 dans une organisation plus systémique.
Il donne du sens au travail d’exemples réalisé dans les pages
précédentes puisqu’il participe à illustrer la leçon sur les
grandes révolutions techniques de l’information. Ce peut
être un bon point d’appui pour la préparation d’un sujet
de composition susceptible d’être proposé à l’examen (par
exemple, comment les grandes révolutions techniques de
l’information ont-elles transformé les relations entre opinion
publique et médias ?).
illustrent, quant à elles, les rapports complexes du marché de
l’information, contrôlé par une entreprise ou une agence, et de
l’État, alors que l’étude des médias et de la guerre du Vietnam
(p. 292-293) souligne le travail difficile des journalistes en
temps de guerre dans une démocratie. Au préalable, la double
page repères (p. 290-291) insiste sur la constitution de grands
groupes de médias à la fin du xxe siècle. Elle expose aussi, à
travers la présentation de grands magnats, les enjeux de la
liberté d’expression et de débat, dans une configuration de
marché oligopolistique.
Dans cette page d’ouverture, trois documents iconographiques
permettent aux élèves de poser les enjeux de l’axe. Le doc. 1 est
une caricature parue dans le contexte de l’article retentissant
d’Émile Zola « J’accuse… ! », le 13 janvier 1898. On voit ici
le combat de Zola et de certains dreyfusards à l’assaut de
l’armée avec leur plume. Les intellectuels se heurtent au mur
des militaires qui les regardent goguenards. Le doc. 2 est
un cliché très célèbre du Français Marc Riboud. Lors d’une
manifestation de pacifistes contre la guerre du Vietnam à
123
 Washington le 21 octobre 1967, le photographe saisit l’image
d’une jeune fille de 17 ans, Jane Rose Kasmir, qui s’avance
face aux soldats armés de baïonnettes et leur brandit une
fleur. Le contraste saisissant des protagonistes symbolise la
division d’une opinion publique américaine qui commence à
se fracturer. Cette photographie devient l’emblème du flower
power. Elle s’oppose nettement au doc. 3 qui illustre une autre
voie choisie par les médias lors de la guerre du Vietnam. Au
cours de ce conflit, le magazine Life marque l’opinion en publiant
des photos percutantes grâce au professionnalisme de grands
photographes, comme le Britannique Larry Burrows. Ce dernier
n’hésite pas à accompagner les soldats américains lors des
opérations militaires. Il trouve d’ailleurs la mort lorsque son
hélicoptère est abattu au-dessus du Laos en 1971.
Le magazine Life (doc. 3)
Life est un des grands news magazines américains restructuré
en 1936 par le propriétaire du Time, qui l’oriente vers le photo-
journalisme. Sa périodicité est d’abord hebdomadaire jusqu’en
1972, puis mensuelle jusqu’en 2002. Il disparaît totalement en
2007. Il fait partie des magazines mythiques pour lesquels ont
travaillé de grands noms de la photographie, tels Robert Capa.
Réputé pour la qualité de ses photos très réalistes, notamment
lors de la couverture des conflits, il a inspiré beaucoup de
magazines dans le monde, dont Paris Match en France.
❚❚ Réponses aux questions
1. La presse a désormais un rôle majeur dans la marche des
évènements contemporains. Elle influe considérablement sur
l’opinion publique en présentant simplement les faits ou en
s’engageant dans la défense d’une cause. C’est le cas de l’affaire
Dreyfus qui divise l’opinion publique de l’époque, ou encore
de la manière dont la presse américaine a couvert la guerre du
Vietnam ; cela a joué un rôle important dans le retournement
progressif de l’opinion des citoyens américains au cours du conflit.
2. Avec l’amélioration des techniques d’impression, la
photographie devient un élément important de l’information.
Elle représente souvent, par son cadrage, un point de vue, un
engagement, un choix du photographe. Il exprime ainsi sa propre
opinion sur un sujet. Les clichés de la guerre du Vietnam reflètent
des prises de position pacifistes. Les photographies illustrent
également les articles en les complétant et en les incarnant.
REPÈRES 1
Quelques grands groupes qui dominent
les médias p. 284-285
❚❚ P
 résentation des documents et des liens
possibles entre eux
Cette double page repères permet de présenter les grands
groupes contemporains de l’information et de comprendre
le formidable mouvement de concentration industrielle qu’a
connu ce secteur depuis 25 ans. On aborde pour commencer
quatre magnats mondiaux de la presse (Berlusconi, Murdoch,
Spengler ou encore Bolloré) ainsi que la spécificité de chacun
de ces groupes et de leur histoire respective (doc. 1 et 2).
Un focus est ensuite fait sur la situation française et sur le
contrôle des médias par quelques groupes majeurs (doc. 2
et 3). Si les Français occupent, au niveau mondial, une place
124 Thème 4 • S’informer : un regard critique sur les sources et modes de communication
importante dans le domaine des médias et de l’information,
avec quelques groupes majeurs comme Lagardère ou encore
Vivendi, il faut reconnaître avec le doc. 4 que les Américains
dominent largement, dans ce secteur, la scène internationale.
Xavier Niel (doc. 3)
Né en 1967 dans la banlieue parisienne, il arrête très tôt sa
classe préparatoire scientifique pour se consacrer à la création
de sociétés de services liées au minitel. Il fonde ainsi l’entreprise
Iliad (en référence à L’Iliade), qui se spécialise dans le « minitel
rose ». En 1995, il investit dans le premier fournisseur d’accès
Internet de France, avant de fonder Free en 1999. Il connaît la
fortune et la renommée grâce à l’offre Triple Play (téléphone,
télévision, Internet) à partir de 2002 et à sa fameuse Box.
L’histoire de Xavier Niel a fait l’objet d’un roman d’Aurélien
Bellanger paru en 2012 aux éditions Gallimard, La théorie de
l’information.
❚❚ Pour comprendre
1. Les dangers d’une trop forte concentration des grands
groupes médiatiques sont, à terme, un contrôle de l’information
par un oligopole d’entreprises, un manque de pluralisme
des points de vue, un risque démocratique de manipulation
de l’information au profit d’une minorité, et une véritable
hypothèque sur la seule liberté d’expression.
2. Les grands groupes de médias qui dominent la scène
internationale sont, pour l’essentiel, américains, spécialisés à la
fois dans le numérique et Internet avec Google ou Facebook, et
dans le divertissement comme Disney ou encore Time Warner. Ces
derniers sont des géants en matière de production de contenus
culturels. Le déséquilibre est très important avec d’autres groupes
qui ne sont que des diffuseurs de contenus, comme les chaînes
de télévision (à l’image de France Télévisions ou de TF1), et qui
deviennent alors largement tributaires des premiers.
J A LON
L’information dépendante
de l’opinion ?
L’affaire Dreyfus et la presse
ÉTUDE
L’information dépendante de l’opinion :
l’affaire Dreyfus p. 286-287
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
L’affaire Dreyfus est une illustration éloquente du poids
de l’opinion publique dans le traitement médiatique et
journalistique d’une affaire judiciaire. La presse, d’abord tout
entière antidreyfusarde, criant haro sur le « traître » (doc. 1)
se fait progressivement l’écho d’une fracture de l’opinion au
fur et à mesure des rebondissements de l’affaire, qui culmine
bien entendu avec la parution du fameux article d’Émile
Zola, « J’accuse… ! » dans le journal de Clemenceau L’Aurore.
La presse reflète ainsi la division de l’opinion entre dreyfusards
et antidreyfusards, et son poids pèse sur le choix des rédactions
(doc. 3). Aussi Théodore Herzl, futur fondateur du mouvement
sioniste, relate-t-il, en décembre 1897, pour son journal viennois
(doc. 2), la volte-face du Figaro qui, d’abord dreyfusard, fait
démissionner son rédacteur en chef, sous l’influence de l’opinion
de ses lecteurs. Zola lui-même ne souhaite pas confier à ce
journal son article de janvier 1898, et lui préfère finalement
L’Aurore. Au cours de cette affaire, on voit pour la première fois
les intellectuels investir le champ de la presse pour défendre
leur opinion, à l’instar de Charles Maurras, Maurice Barrès, Émile
Zola, Octave Mirbeau, Anatole France…
Les caricatures de Caran d’Ache (doc. 4 et 5)
À côté des articles de presse, l’affaire Dreyfus favorise la profusion
de caricatures qui reflètent aussi la division de l’opinion publique.
Ainsi, les caricatures de Caran d’Ache illustrent-elles les prises de
position des antidreyfusards. Dessinateur de talent, de son vrai
nom Emmanuel Poiré (1858-1909), il fonde en 1898 le journal
antisémite et antidreyfusard Psst… ! auquel il associe son ami
le graveur et dessinateur Forain. Il continue à collaborer avec
Le Figaro, journal dans lequel il publie sa célèbre caricature
du dîner en famille le 14 février 1898, et à L’Assiette au beurre.
Il fera partie de la Ligue de la patrie française, ouvertement
antidreyfusarde, jusqu’en 1904.
❚❚ Analyse de documents
1. Dans sa Une de 1894, Le Petit Journal présente Dreyfus comme
un traître, et choisit d’illustrer sa dégradation en couverture.
En 1898, en plein cœur de l’affaire, après la publication du
« J’accuse… ! », le journal Psst… ! montre un Allemand,
reconnaissable à son casque à pointe prussien, manipulant
sous la forme de marionnette un personnage ressemblant
à Zola et un autre représentant un Juif selon les codes de
représentation des antisémites. On constate, à travers ces deux
couvertures, le manque d’objectivité et la prise de position à
charge, voire une véritable désinformation.
2. Herzl et Zola exposent les enjeux de l’affaire Dreyfus dans la
presse : des rédactions trop soumises à l’influence de l’opinion
publique, incapables de recul et de sens critique, un rôle nouveau
pour les intellectuels qui prennent fait et cause pour un camp,
les campagnes multiples de désinformation pour essayer de
manipuler l’opinion, la question de la diffamation et de l’appel
à l’opinion publique, et enfin la passion de l’engagement.
3. Le très célèbre dessin de Caran d’Ache illustre bien la division
de l’opinion en deux camps. Sous la forme humoristique et
intimiste, il met en scène les ravages que suscite l’événement
dans le pays. Cette fracture, qui touche chaque famille, ébranle
également le régime républicain puisque l’affaire est née d’une
négation des valeurs portées par le régime. Cette division aura
de sérieuses conséquences politiques avec une recomposition à
droite comme à gauche ; elle assurera une victoire des radicaux
aux élections législatives de 1902 et une défaite cinglante des
républicains opportunistes.
❚❚ Bilan
Presse dreyfusarde Presse antidreyfusarde
- un traître - une victime d’une machination
- un comploteur, agent montée par l’armée
de l’Allemagne - une victime de l’opinion publique
- un juif, traître envers l’armée antisémite
et la France - une victime des journaux
antisémites
Axe 2 • Liberté ou contrôle de l’information : un débat politique fondamental
J A LON
L’information entre le marché
et l’État : histoire de l’agence
Havas et de l’AFP
❚❚ Introduction
L’histoire de l’agence Havas et de l’AFP illustre les enjeux des
rapports compliqués entre une entreprise de l’information et
l’État. Dès le xixe siècle, dans une période d’épanouissement du
capitalisme industriel, quelques pionniers comme Havas ont
bien conscience de la valeur de l’information et comprennent
très rapidement qu’il s’agit d’un marché comme un autre. Dans
un monde où les transports et les moyens de communication
permettent de réduire les distances et les temporalités, connaître
avec précision des faits qui se sont produits à l’autre bout du
monde devient tout à fait possible. C’est d’ailleurs dans ce
contexte que Jules Verne peut écrire en 1872 son fameux Tour
du monde en quatre-vingts jours. Or, détenir les informations avant
tout le monde représente un pouvoir considérable, et les États
l’ont eux aussi parfaitement compris. Laisser l’accès à l’information
à un oligopole d’entreprises suscite, dans bon nombre de pays,
de virulentes critiques, notamment à gauche. En France, à la
Libération, on nationalise l’ancienne agence de presse Havas
pour créer l’AFP. Ces deux études sur Havas et l’AFP contribuent,
dans ce jalon, à la compréhension des rapports entre les États
et la constitution d’un véritable marché de l’information, dans
les mains de grandes agences privées ou publiques.
ÉTUDE
La naissance d’un géant de l’information :
l’agence Havas p. 288
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
Charles-Louis Havas fonde, en 1836, l’agence Havas qui devient
très vite incontournable dans la presse française. Grâce à
l’avènement des moyens modernes de télécommunications
comme le télégraphe, le téléphone et la radio, Havas se hisse
parmi les plus grandes entreprises de l’information au monde.
Les critiques contre Havas (doc. 3)
Si Honoré de Balzac dénonce déjà l’agence Havas (doc. 3), à la
veille de la Seconde Guerre mondiale les critiques s’amplifient.
Les socialistes de la SFIO et l’ensemble de la gauche reprochent le
poids colossal du géant Havas dans la diffusion de l’information.
Havas devient un des symboles des « deux cents familles »
qui contrôlent le pays, ce que fustigent les futures figures du
Front populaire. Le 29 avril 1934, Léon Blum critique dans
Le Populaire Havas en ces termes : « Tous les journaux de Paris
ont renoncé, pour des motifs d’économie, à faire, pour leur
compte, les dépenses auxquelles M. Havas se livre d’autant
plus en grand qu’il a maintenant un monopole, et tous les
journaux, dispensés de traduire comme autrefois les journaux
étrangers et d’entretenir des agents, subventionnent M. Havas
par une somme mensuelle pour recevoir de lui, à l’heure fixe,
les nouvelles de l’étranger. Ainsi, de même qu’il n’y a qu’un seul
journal à Paris, il n’y a qu’un seul journal pour les départements. »
125
 Dans cette étude, trois documents majeurs permettent de saisir
le poids de cette agence qui connaît très tôt le succès. Le fameux
accord de partage des activités sur des aires géographiques
précises entre Reuter, Havas et Wolff (doc. 1) constitue une
véritable entente industrielle débouchant sur la création d’un
oligopole puissant. Cette puissance économique entraîne une
situation de domination et de vassalisation des journaux de
Paris, ce que dénonce très tôt Balzac (doc. 3).
Enfin, la photographie de la salle de radiotélégraphie illustre
le poids des progrès techniques des télécommunications dans
le succès de l’agence Havas (doc. 2).
❚❚ Analyse de documents
1. Les atouts de l’agence Havas reposent sur une entente
avec ses concurrents à l’échelle européenne, à savoir Reuter
et Wolff. Cette entente favorise le développement des services
télégraphiques et des lignes électriques qui sont alors en plein
essor. Par ailleurs, Havas a toujours à cœur de se doter des
dernières innovations technologiques pour avoir un meilleur
accès à l’information, comme le télégraphe ou la TSF.
2. L’accord de Paris avec Wolff et Reuter donne à Havas l’accès
à des informations de régions où sont mieux implantés ses
concurrents. Il évite surtout l’arrivée d’autres entreprises rivales
sur le marché intérieur français où Havas reste en situation
de monopole. Cette position est dénoncée par Balzac qui
comprend très tôt que les journaux sont soumis à une seule
source d’information.
3. Les limites d’une telle réussite sont le quasi-monopole de
Havas en France, l’oligopole constitué de trois grandes sociétés,
un contrôle total des informations de l’étranger par Havas,
les liens avec l’État. Ainsi, à travers toutes ces limites, peut-on
percevoir les menaces qui pèsent sur la liberté de la presse et
celle d’informer.
❚❚ Bilan
La réponse organisée attendue peut s’appuyer sur le plan
suivant :
I. Les causes du succès de l’agence Havas : utilisation des progrès
techniques ; ententes avec les concurrents ; sens des affaires ;
mobilisation de capitaux ; réseaux d’informateurs importants.
II. Les conséquences et les limites : liens très étroits avec l’État ;
monopole de l’information ; trop grande dépendance des
journaux ; menace sur la liberté de la presse.
ÉTUDE
L’Agence France-Presse (AFP) p. 289
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, la branche information
de l’agence Havas, qui était devenue l’OFI, l’Office français
d’information en 1940, est nationalisée le 20 août 1944, au
moment de la bataille pour la Libération de Paris. Le doc. 1 choisi
pour cette étude est donc la première dépêche qui annonce
officiellement la création de la nouvelle AFP. Cependant, même
si le statut de 1957 réaffirme l’indépendance de l’AFP en matière
d’information, tout comme pour l’agence Havas, les liens
avec l’État sont très étroits, ce qui n’est bien évidemment pas
sans poser des problèmes. C’est le sens de l’article du Monde
diplomatique (doc. 3) dans lequel Marc Endeweld insiste sur
les pressions constantes du politique sur certains sujets et sur
126 Thème 4 • S’informer : un regard critique sur les sources et modes de communication
l’autocensure de certains journalistes. Enfin, à l’instar de l’agence
Havas, il faut noter l’importance des progrès techniques en
matière de communication, qui permettent à l’AFP de garder
une position de leader dans le domaine de l’information. C’est
le sens de la photographie de la salle des téléscripteurs (doc. 2).
L’enjeu d’une telle étude est donc, dans le prolongement de la
précédente, de montrer les liens entre l’État et un organisme
d’information, avec tous les problèmes éventuels liés à la liberté
d’information et à l’indépendance des journaux.
Le statut de l’AFP de 1957
En janvier 1957, l’Assemblée nationale vote à l’unanimité un
nouveau statut pour l’Agence France-Presse selon les souhaits
de Jean Marin, son président de 1954 à 1975. L’AFP devient
ainsi « un organisme autonome doté de la personnalité civile ».
Sa mission est « de rechercher, tant en France qu’à l’étranger,
les éléments d’une information complète et objective ». Un avis
du Conseil d’État de 2004 précise que l’AFP est un organisme de
droit privé sui generis. Ce statut de 1957 garantit, en principe,
la complète indépendance et neutralité.
❚❚ Analyse de documents
1. Les liens entre l’AFP et l’État sont très étroits. Il s’agit d’une
entreprise nationalisée à laquelle l’État garantit indépendance et
neutralité. Il lui enjoint également une mission de présentation
des dépêches selon une stricte objectivité.
2. On peut expliquer le succès de l’AFP grâce à son important
réseau de relais et d’informateurs dans le monde, mais aussi
grâce à sa capacité à utiliser les progrès techniques en matière
de télécommunication, comme les téléscripteurs au cours des
années 1970.
3. Les limites du travail de l’AFP résident dans ses liens avec
l’État. Bon nombre de pouvoirs politiques n’hésitent pas à
faire pression sur l’agence dans la diffusion de nouvelles sur
des sujets sensibles. Par ailleurs, les journalistes peuvent faire
preuve d’autocensure et ne pas diffuser de dépêches s’ils
estiment que cela peut déplaire à certains hommes politiques.
❚❚ Bilan
La réponse organisée attendue peut s’appuyer sur le plan suivant :
I. L’originalité de l’AFP : un organisme nationalisé en 1940, repris
en main en 1944 avec des missions bien définies et un statut
d’indépendance et de neutralité réaffirmé en 1957 ; un succès
qui repose sur l’efficacité des journalistes et sur l’utilisation de
matériel de pointe, qui facilite la transmission de l’information.
II. Les conséquences : des liens étroits avec l’État qui ne sont
pas sans poser certains problèmes comme la dépendance, les
pressions et l’autocensure des journalistes.
REPÈRES 2
La guerre du Vietnam p. 290-291
❚❚ Présentation des documents et des liens
possibles entre eux
La double page repères facilite la compréhension de la spécificité
de la guerre au Vietnam, dans toutes ses dimensions, à la fois,
civile, militaire, et internationale. Deux cartes permettent
de saisir les différentes échelles des combats (doc. 1 et 2),
alors que les trois graphiques peuvent être largement mis
en relation. Ainsi est-il possible de confronter le graphique
des quantités d’herbicides déversés (doc. 3) et le nombre de
troupes engagées (doc. 4), avec l’érosion du soutien de l’opinion
publique américaine à la guerre elle-même (doc. 5).
La Section Anderson de Pierre Schoendoerffer
(pour aller plus loin)
En 1966, le cinéaste français Pierre Schoendoerffer, célèbre
pour ses films sur la guerre d’Indochine, obtient l’autorisation
d’accompagner la 1re division de cavalerie aérienne. Il suit
pendant six semaines la section du lieutenant Anderson et
réalise un documentaire brillant qui est diffusé en 1967 à la
télévision française (ORTF) dans le cadre de l’émission phare du
vendredi soir « Cinq colonnes à la une ». Le réalisme des scènes
et la dureté du quotidien des soldats américain marquent le
public français, si bien que la chaîne de télévision américaine
CBS finit par acheter ce documentaire. En 1968, il obtient même
l’Oscar du meilleur documentaire.
❚❚ Réponses aux questions
1. Plusieurs types de combats se déroulent au Vietnam, à la fois
une guérilla communiste au Sud-Vietnam, des bombardements
aériens américains sur le Nord-Vietnam, des offensives terrestres
du Nord-Vietnam sur le Sud-Vietnam, et l’usage surabondant
des produits chimiques, comme le napalm pour lutter contre
la guérilla dans la jungle.
2. En comparant les graphiques des doc. 4 et 5, on peut observer
que le basculement de l’opinion publique américaine contre
la guerre au Vietnam se fait en 1967 et 1968, au moment où
les troupes, composées de très jeunes soldats, sont les plus
nombreuses sur place, soit 536 000 en 1968. De ce fait, dès
que le refus de l’intervention armée devient majoritaire, on
assiste à un retrait progressif des troupes engagées au Vietnam.
JALON
Information et propagande
en temps de guerre :
les médias et la guerre
du Vietnam
❚❚ Introduction
La guerre du Vietnam entre 1964 et 1973 est un très bon exemple
des rapports entre les journalistes et le pouvoir politique dans
une démocratie en guerre. Les États-Unis, en effet, ont sacralisé
la liberté de la presse dans les grands textes fondateurs de la
nation américaine. Cependant, la guerre au Vietnam présente
la particularité d’être la première guerre télévisée. De façon
inédite, la réalité de la guerre pénètre à l’intérieur des foyers
américains dès le soir même. Des reporters de guerre partent,
au péril de leur vie, accompagner des unités au milieu de la
jungle afin de rendre compte de la réalité des combats. Les
médias présentent ainsi le visage de l’enlisement du conflit
à une opinion américaine qui soutient de moins en moins
l’intervention au Vietnam. En conséquence, pour s’assurer le
soutien de l’opinion et éviter les erreurs du Vietnam, l’armée
américaine contrôlera ensuite soigneusement les images
Axe 2 • Liberté ou contrôle de l’information : un débat politique fondamental
de la guerre qu’elle souhaite montrer, à l’instar de ce qui se
passera au cours de la première guerre du Golfe en 1991. Afin
de traiter ce jalon, on pourra s’appuyer sur la double page
repères qui présente brièvement l’originalité de la guerre du
Vietnam, véritable conflit au sein de la guerre froide à l’échelle
mondiale. L’étude, enfin, entrera pleinement dans le cœur du
jalon, en mettant en avant le traitement de cette guerre par
les médias américains.
ÉTUDE
Les médias et la guerre du Vietnam, entre
information et propagande p. 292-293
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
L’exemple du traitement de la guerre du Vietnam par les
médias américains permet de bien comprendre les enjeux
de la couverture d’une guerre en démocratie. L’ensemble
documentaire doit aider à cerner les différentes problématiques :
la liberté des journalistes, la qualité de leur travail et leur
courage au cœur d’un conflit inscrit dans un contexte de guerre
froide et d’affrontement idéologique à l’échelle planétaire. Les
combats se déroulent à plus de dix mille kilomètres des États-
Unis, et les soldats envoyés là-bas sont jeunes et nombreux.
Les administrations américaines de Johnson puis de Nixon
mobilisent les médias afin de présenter au peuple américain
les raisons, à leurs yeux légitimes, de cette guerre (doc. 1 et 3).
Or si, dans un premier temps, la population américaine soutient
massivement l’intervention, le libre travail de la presse et des
journalistes qui présentent la réalité de la guerre provoque
un retournement rapide de l’opinion publique (doc. 2 et 4).
La photographie de la petite Kim Phuc
de juin 1972 (doc. 4)
En juin 1972, le photographe Nick Ut, de l’Associated Press,
immortalise une scène d’attaque au napalm à travers les cris de
la petite Kim Phuc du village de Trang Bang au Sud-Vietnam,
alors âgée de 9 ans à peine. Sévèrement brûlée, on la transporte
à Saïgon où elle est hospitalisée durant plusieurs mois. Cette
photo fait immédiatement le tour du monde et Nick Ut reçoit
le prix Pulitzer. Le photographe et la petite Kim sont toujours
restés en contact par la suite. Son histoire a servi la propagande
communiste vietnamienne. Kim Phuc et son mari se sont exilés
au Canada en 1994, où elle continue aujourd’hui à recevoir des
soins pour ses brûlures.
En parallèle, durant le conflit, les États-Unis sont secoués par
le choc médiatique des Pentagon Papers, relaté par Le Figaro
(doc. 5). Il s’agit de la publication de documents secrets révélant
les manipulations des gouvernements américains pour entraîner
le pays dans cette guerre. Ainsi, au début des années 1970, les
médias laissent-ils davantage la parole aux anciens combattants
qui critiquent ouvertement l’implication américaine dans ce
conflit (doc. 6).
❚❚ Analyse de documents
1. Les photographies jouent un grand rôle au cours de la guerre
du Vietnam dans la mesure où elles rendent compte de l’horreur
de la guerre qui touche les civils, et du caractère sanglant des
combats. Les photographes Larry Burrows et Nick Ut deviennent
ainsi célèbres pour des photographies saisies sur l’instant, et
qui parviennent à bouleverser l’opinion publique.
127
 2. Au début des années 1970, l’écrasante majorité des foyers
américains possède un poste de télévision. Désormais, pour
toucher au maximum l’opinion publique, il faut remporter la
bataille de la communication télévisuelle. Le président Nixon l’a
très bien compris, lui qui a déjà perdu l’élection présidentielle de
1960 à cause de sa mauvaise prestation durant les débats télévisés.
En avril 1970, il s’emploie donc, à grand renfort de pédagogie
et de mensonges, à expliquer le bien-fondé d’une intervention
américaine au Cambodge aux téléspectateurs américains.
3. La société des années 1960 devient une société où l’image est
omniprésente. Il faut, si l’on veut atteindre l’opinion publique,
mobiliser les images les plus marquantes et les titres les plus
percutants. Les photographies dans les magazines, tout comme
les mots, présentent donc la réalité la plus crue.
LEÇON 3
Liberté ou contrôle de l’information :
un débat politique fondamental
 p. 294-295
❚❚ P
 résentation des documents en lien
avec la problématique
Les documents accompagnant ce troisième cours « Liberté ou
contrôle de l’information : un débat politique fondamental »
permettent de répondre à la problématique posée : « Quelles
sont les limites à la liberté de l’information qu’ont dû affronter les
médias à l’époque contemporaine ? » Le doc. 1 est la première
page du Canard enchaîné, fondé par Maurice Maréchal en
septembre 1915. Ce journal se veut non conformiste et dénonce
le nationalisme exacerbé d’une grande partie de la presse. Ses
articles sont parfois censurés, ce qui explique les colonnes
blanches en Une du journal. Il se veut résolument satirique et
connaît un réel succès au cours des années 1930. Refusant de
paraître durant l’Occupation, le journal reprend son activité
en 1944. Réputé pour avoir révélé de nombreux scandales,
il est un des rares journaux à pouvoir se passer des publicités.
Le doc. 2 est produit par l’ONG Reporters sans frontières qui
présente chaque année un état de la liberté de la presse dans
le monde et un bilan de la situation des journalistes. En 2018,
ce bilan est ainsi particulièrement lourd avec 82 journalistes tués.
On constate que les aires géographiques les plus dangereuses
128 Thème 4 • S’informer : un regard critique sur les sources et modes de communication
4. L’affaire des Pentagon Papers illustre la réalité du principe sacré
de la liberté de la presse et de la liberté d’expression en temps
de guerre dans une démocratie. Le journal The New York Times
choisit de publier des documents ultra-confidentiels et classés
secret-défense, démontrant le mensonge et la manipulation
des membres des gouvernements américains précédents, dont
l’ancien secrétaire d’État à la Défense Robert McNamara, ou
encore le président Lyndon Johnson. Les conséquences sur
le plan politique sont considérables car les Pentagon Papers
soulèvent le problème de la toute-puissance du président des
États-Unis en matière de défense, capable d’agir comme bon
lui semble, sans aucun contrôle parlementaire.
sont l’Asie et le Moyen-Orient, notamment les pays en proie
à la guerre civile comme l’Afghanistan, la Syrie ou le Yémen.
En Amérique, il convient de relever la place notable du Mexique
où les journalistes sont souvent victimes d’enlèvement ou de
meurtre de la part des gangs et des réseaux criminels.
Ne pas confondre Le Canard enchaîné
et L’Homme enchaîné de Clemenceau (doc. 1)
Il ne faut pas confondre Le Canard enchaîné avec le journal
de Clemenceau, L’Homme enchaîné. Ce dernier succède à un
premier journal de Clemenceau L’Homme libre qui avait été
interdit fin 1914, par le ministre de l’Intérieur, Louis Malvy, pour
avoir dénoncé le traitement des blessés de guerre rapatriés dans
des wagons destinés au transport des chevaux. Ce faisant, ces
blessés auraient succombé au tétanos.
Le schéma fléché au bas de la p. 295 a pour objectif de replacer
les études de l’axe 2 dans une organisation plus systémique.
Il donne du sens au travail d’exemples réalisé dans les pages
précédentes puisqu’il participe à illustrer la leçon sur la liberté et
le contrôle de l’information. Ce peut être un bon point d’appui
pour la préparation d’un sujet de composition susceptible d’être
proposé à l’examen, notamment celui proposé p. 312-314 des
pages Méthodes, ou par le sujet zéro soumis par éduscol : quelles
sont les menaces qui pèsent sur la liberté d’information ? Vous
nourrirez votre réflexion d’exemples puisés dans l’histoire du
xxe siècle.
THÈME 4
OBJET DE TRAVAIL
CONCLUSIF
L’information à l’heure d’Internet
OUVERTURE p. 296-297
❚❚ Introduction
Cet objet de travail conclusif s’intéresse à l’un des aspects
les plus contemporains de la question de l’information, à
savoir l’impact d’Internet. C’est aujourd’hui un des instruments
les plus populaires, notamment auprès des plus jeunes.
Mais cet accès facilité à l’information peut aussi conduire
à une surmédiatisation, voire à une véritable « boulimie »
d’information. On parle d’« infobésité ». Il devient donc
nécessaire de prendre des précautions d’usage. En effet, le
développement des réseaux sociaux se passe souvent du filtre
des journalistes dont la fonction est justement le traitement
des informations. Mais cette page d’ouverture souligne aussi
l’apparition de nouveaux acteurs : les lanceurs d’alerte qui
cherchent à interpeller l’opinion publique par la publication
de données souvent confidentielles, mais aussi l’émergence de
cyber-pirates qui peuvent obtenir des données confidentielles
pas le biais du web, ou le développement des théories du
complot, qui ne naissent pas avec le développement d’Internet
mais qui se diffusent très rapidement.
Hackers et lanceurs d’alerte (doc. 1)
Le terme « hacker » est issu du vocabulaire spécifique à
Internet et désigne une personne qui maîtrise précisément
le fonctionnement de la technologie informatique et peut
notamment percer les sécurités qui protègent l’information. Si
la traduction française peut être « pirate informatique », le terme
ne revêt pas nécessairement une dimension de cybercriminalité.
En effet, un certain nombre de hackers revendiquent des
campagnes de piratage afin de rendre public des données
stratégiques. Ainsi, le site WikiLeaks jouit du soutien d’un certain
nombre de groupes de pirates informatiques.
Le doc. 1 est la couverture du Courrier international daté du 27 juin
au 3 juillet 2013. Elle met en scène de façon humoristique trois
des plus importants lanceurs d’alerte des dernières années :
Julian Assange, Edward Snowden et Bradley (Chelsea) Manning.
Julian Assange est le fondateur du site Wikileaks, spécialisé dans
la publication de données sensibles. Poursuivi par la justice
américaine, il vit réfugié à l’ambassade d’Équateur à Londres
entre 2012 et 2019. La perte de la nationalité équatorienne en
avril 2019 met fin à son droit d’asile. Il est alors arrêté et les États-
Unis demandent son extradition. Edward Snowden est un ancien
employé de la CIA et de la NSA. Après avoir dévoilé les détails
de plusieurs programmes de surveillance de masse par la NSA, il
est inculpé en 2013 d’espionnage. Il s’exile à Hong Kong puis en
Russie où il obtient le droit d’asile. Chelsea Manning, né Bradley
Manning (elle a déclaré être transgenre après son incarcération),
est une ancienne analyste militaire, accusée de haute trahison
pour avoir transmis des informations sur les mauvais traitements
qu’infligeait l’armée américaine aux prisonniers en Afghanistan
et en Irak. Elle est condamnée en 2013 à 35 ans de prison pour
trahison. Ces trois personnalités très médiatisées sont parfois
perçues comme des héros, c’est la raison pour laquelle ils sont
représentés ici sous les traits de super-héros.
Le doc. 2 est un article paru dans La Croix le 19 novembre
2013, soulignant la résurgence des théories du complot. Cette
illustration rappelle, 50 ans après la mort de John Fitzgerald
Kennedy, président des États-Unis assassiné le 22 novembre
1963, le développement des théories du complot autour de cet
événement. Si la mort de Kennedy avait vu fleurir beaucoup
d’interprétations, avant même la naissance d’Internet, le web
donne un nouveau souffle et permet une diffusion exponentielle
de toutes ces théories. Un des grands enjeux du monde
contemporain est donc la vérification des informations, qui
peuvent devenir des menaces pour la démocratie.
1. La couverture du Courrier international titre « Les justiciers du
Net » car les lanceurs d’alerte apparaissent aujourd’hui comme
de nouveaux acteurs de la vérité à travers la publication de
données sensibles. Ces personnes divulguent, au péril de leur
liberté, des informations et sont poursuivies pour trahison.
2. Les théories du complot se développent aujourd’hui avec
les sites Web car Internet rend possible une diffusion rapide et
mondiale de l’information. De plus, il n’existe pas sur Internet
de contrôle de la véracité des informations, ce qui permet
une large reprise de ce type de théories, souvent séduisantes
à défaut d’être vérifiées.
REPÈRES 1
Un monde toujours plus connecté
p. 298-299
❚❚ P
 résentation des documents et des liens
possibles entre elles
L’ensemble documentaire rend compte de l’ampleur de la
mondialisation numérique, à travers une hausse continue du
nombre d’internautes dans le monde (doc. 1), à mesure que
l’économie mondiale encourage le développement, mais aussi
le maintien, d’une fracture numérique territoriale, économique
et sociale à différentes échelles. Les progrès d’Internet suivent
bien évidemment les régions les plus dynamiques, se calquant
sur les grandes inégalités géographiques engendrées par la
mondialisation (doc. 3). L’intérêt de ce dossier est de souligner
également la domination des États-Unis sur Internet et le
secteur numérique grâce à des entreprises puissantes et
universellement connues comme Facebook, YouTube, Google…
(doc. 5). Cependant, on devine aussi les enjeux géostratégiques
et culturels que représente la montée en puissance de sites
chinois comme Baidu qui, pour l’instant, ne concernent que leur
propre marché domestique. Ces enjeux se retrouvent également
dans l’usage des réseaux sociaux, eux aussi dominés par les
Américains (doc. 4), qui favorisent la libre communication à
Objet de travail conclusif • L’information à l’heure d’Internet 129
 grande échelle mais sous le contrôle de géants numériques. Dès
lors, voit-on chez certaines puissances concurrentes, comme
en Russie et en Chine, la valorisation d’autres réseaux sociaux
plus locaux, et donc plus facilement contrôlables (doc. 4).
❚❚ Pour comprendre
1. On peut encore parler aujourd’hui de fracture numérique dans
la mesure où les inégalités d’accès à Internet sont calquées sur
les inégalités économiques à l’échelle mondiale. On remarque
que l’Afrique subsaharienne, notamment les pays les moins
avancés, a un accès peu développé à Internet. D’autres pays
comme la Chine, l’Inde ou encore le Brésil sont en cours de
« connexion » massive au réseau Internet, parallèlement à
leur développement économique. À l’intérieur de ces grands
pays émergents, il existe également des fractures numériques
colossales, à la fois sociales mais aussi territoriales.
2. La place des États-Unis dans la diffusion de l’information
est très importante. C’est évidemment la première puissance
économique du monde, et les Américains sont suréquipés
en produits connectés. Par ailleurs, les sites Internet les plus
fréquentés du monde sont basés aux États-Unis comme Google,
YouTube, Facebook ou bien encore Wikipédia. Enfin, les réseaux
sociaux les plus utilisés dans le monde sont majoritairement
américains, à l’instar de Facebook, avec 2 milliards d’utilisateurs,
mais aussi YouTube, Messenger ou WhatsApp.
JALON
Vers une information
fragmentée et horizontale
❚❚ Introduction
L’intérêt de ce jalon est de mettre en avant un des changements
majeurs intervenus avec l’apparition et la généralisation
d’Internet à haut débit, à savoir une plus grande fragmentation
et horizontalité de la diffusion de l’information. Il faut entendre
par fragmentation de l’information l’explosion des sources
d’information, favorisée par les progrès techniques de ces
dernières années comme le smartphone qui permet de
filmer, photographier et communiquer de façon instantanée.
Désormais, quiconque peut s’improviser journaliste et diffuser
ce qu’il souhaite en temps réel. La dimension horizontale,
quant à elle, est une conséquence de la fragmentation, car
elle met sur le même plan les médias traditionnels et les
nouveaux médias numériques. Ces médias traditionnels,
grands quotidiens nationaux, stations de radio généralistes,
ou encore les chaînes de télévision, doivent alors faire face à
une concurrence accrue des sites Internet, des blogs et des
réseaux sociaux. Les informations, autrefois hiérarchisées et
diffusées verticalement par des médias alors établis comme un
« quatrième pouvoir », sont maintenant largement disponibles
sur le web et immédiatement accessibles. Pour bien cerner les
enjeux de l’horizontalité et de la fragmentation de l’information
aujourd’hui, la première étude de l’objet conclusif se concentre
sur l’utilisation d’Internet dans la communication politique,
désormais incontournable pour remporter les faveurs des
électeurs et en toucher de nouveaux (p. 300-301). Une seconde
étude analyse Internet et la liberté d’information ; elle examine
la volonté de certains États de contrôler ou de bloquer ces
nouveaux canaux d’information (p. 302-303).
130 Thème 4 • S’informer : un regard critique sur les sources et modes de communication
ÉTUDE
L’utilisation d’Internet dans
la communication politique p. 300-301
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
La diffusion horizontale de l’information touche d’abord, dans
les démocraties, la sphère politique. Elle modifie largement le
débat et l’approche des problématiques. Les contacts entre les
politiques et les citoyens s’en trouvent bouleversés. On laisse
place davantage à une interpellation directe et instantanée des
politiques, mais aussi à une plus ample concertation sur des
sujets qui avaient la réputation d’être très techniques, comme le
souligne le doc. 1. La nouvelle communication politique permet
d’inclure des catégories de population qui ne se sentaient pas
concernées par les débats publics, à l’instar des plus jeunes.
Ainsi les partis politiques français ont utilisé abondamment les
différents réseaux sociaux lors de l’élection présidentielle de
2017 (doc. 2), notamment Jean-Luc Mélenchon et sa chaîne
YouTube, imitant en cela Barack Obama qui avait largement misé
sur ces nouveaux médias en 2012. Son triomphe avait ainsi été
imputé à son écrasante supériorité dans sa maîtrise des réseaux
sociaux, face à son concurrent républicain (doc. 3). Néanmoins,
cette dimension nouvelle de la politique n’est pas sans dérives.
Le risque de démagogie et d’absence de débat de fond est grand,
et les jugements superficiels et rapides peuvent l’emporter sur
le recul et l’analyse. C’est ce que souligne le doc. 4 à travers
l’usage que le président américain Donald Trump fait de Twitter.
Ce réseau social est par ailleurs le plus facile d’usage et surtout
le plus relayé par les médias traditionnels (doc. 5).
Twitter (doc. 5)
Créé en 2006, ce réseau social rassemble aujourd’hui près
de 400 millions d’utilisateurs qui ont un compte actif. Il offre
la possibilité de publier, sous la forme d’un petit blog, des
informations ou des prises de position en un maximum de
280 signes (à l’origine 140). Son siège social se trouve à San
Francisco et l’entreprise est cotée en Bourse à Wall Street depuis
2013. Son symbole est un oiseau bleu, en référence à son nom
même, à savoir le gazouillis (« to twitter », en anglais : « gazouiller,
jacasser »). Ceux qui suivent les comptes twitter sont appelés les
followers (les suiveurs). Ainsi, les comptes les plus suivis sont
ceux d’hommes politiques américains comme Barack Obama, les
chanteuses américaines comme Katy Perry, Rihanna, ou encore
les footballeurs comme Cristiano Ronaldo. En 2018, le chiffre
d’affaires de Twitter s’élevait à près de 800 millions de dollars.
❚❚ Réponses à l’activité
1. L’irruption d’Internet dans la vie démocratique et médiatique
a changé radicalement la façon de faire de la politique. Les
hommes politiques, en effet, ont essayé de s’emparer très tôt des
nouveaux outils numériques, notamment les réseaux sociaux.
Donald Trump a su parfaitement utiliser Twitter, se rendant
audible pour des millions de citoyens américains, à travers des
déclarations simples, voire simplistes, et tonitruantes. Cependant,
ces nouveaux usages politiques ne sont pas sans poser plusieurs
problèmes. Ils contournent désormais tous les grands médias
traditionnels et institutionnels, devenus obsolètes, inaudibles,
voire suspects. Ils imposent également aux hommes politiques
des polémiques permanentes et des raccourcis intellectuels qui
nuisent à la qualité des débats.
2. La présence des hommes politiques sur les réseaux sociaux
est très importante car ils peuvent désormais toucher un très
grand nombre d’électeurs. Leur audience s’en trouve décuplée.
En 2012, Barack Obama, par exemple, a trois fois plus d’amis
sur Facebook que son concurrent Mitt Romney, et environ
vingt fois plus de followers sur Twitter que lui. Il peut ainsi
emporter l’élection présidentielle haut la main. Par ailleurs,
les réseaux sociaux permettent de toucher des personnes
traditionnellement éloignées de la politique comme les jeunes.
C’est d’ailleurs le sens de la caricature du doc. 2. Depuis le milieu
des années 2000, les élections semblent se jouer largement sur
ces nouveaux forums démocratiques numériques.
3. Twitter devient une nouvelle source d’information numérique
car il est un réseau social simple d’accès. Il permet d’affirmer des
positions dans un nombre limité de caractères et de passer ainsi
plus efficacement des idées simples. Cette simplicité est très
prisée des médias traditionnels qui reprennent les tweets, les
diffusent et en font le commentaire. Twitter représente un média
politique par excellence, mais vient désormais en complément
des médias plus institutionnels comme la télévision ou la radio.
Rédiger une réponse à la question : Comment les hommes
politiques ont-ils investi le champ d’Internet ?
-- Une nécessaire présence des personnalités politiques
sur Internet : via les réseaux sociaux (Facebook, Twitter,
Instagram, YouTube…), ce qui confère une audience plus
large et offre la possibilité de toucher d’autres catégories
d’électeurs comme les plus jeunes.
-- Une transformation des usages démocratiques liés au
numérique : irruption de la société civile dans les débats ;
établissement d’une forme de démocratie directe ;
avènement d’un débat permanent.
-- Les limites et les effets négatifs d’une telle situation dans
les démocraties : démagogie ; manque d’analyse et de recul ;
effets de communication et de « buzz ».
ÉTUDE
Internet et la liberté
d’information p. 302-303
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
Le contrôle d’Internet est un enjeu majeur aujourd’hui.
Formidable outil de communication universel, il est aussi le
lieu de nombreuses dérives auxquelles sont confrontées les
démocraties occidentales, comme les incitations à la haine, la
désinformation, les trafics en tout genre, la pédopornographie,
ou le terrorisme. Deux documents de cette double page sont
ainsi consacrés aux tentatives de régulation de la France, qui
essaie d’interdire les sites illégaux et dangereux (doc. 5 et 6).
Dans les régimes autoritaires et les dictatures, l’enjeu est tout
autre puisqu’il s’agit d’encadrer l’espace de liberté qu’est
Internet. Trois documents sont donc consacrés à la Chine
et à la Russie, les deux puissances qui cherchent le plus à
criminaliser les cyberdissidents et à instaurer un contrôle strict
de la liberté d’expression sur les différents réseaux (doc. 1, 2
et 3). Enfin, le doc. 4, représente une carte des États qui ont
essayé de couper l’accès à Internet entre 2006 et 2016, où
l’on observe aisément qu’il s’agit, dans leur grande majorité,
de pays d’Asie orientale, du Moyen-Orient ou encore certains
pays d’Afrique.
La CNIL (Commission nationale informatique
et liberté) (doc. 5 et 6)
La loi informatique et liberté de 1978 en France est la première
loi au monde dans un contexte de développement de la micro-
informatique et des bases de données à la fin des années 1970.
Il s’agit d’une AAI, une autorité administrative indépendante.
Son statut a été modifié en 2004, lors d’une transposition en
droit français d’une directive européenne de la même année
sur la protection des données informatiques des individus et
la garantie de leurs libertés individuelles. Cette commission
est composée de dix-huit membres : des parlementaires, des
membres des hautes juridictions comme le Conseil d’État, et
des personnes qualifiées nommées à la fois par le président
du Sénat et le président de l’Assemblée nationale.
❚❚ Réponses à l’activité
1. La Chine a une politique active de censure d’Internet
depuis 1998 à travers la mise en place d’une « grande muraille
électronique ». Il s’agit de supprimer tous les contenus jugés
sensibles par le pouvoir communiste chinois, comme la
répression au Tibet ou encore les évènements de 1989 sur la
place Tiananmen. La Chine souhaite donc négocier le retour
de Google sur son marché intérieur en contrepartie d’une
participation à sa politique de censure numérique. En pratique,
cela signifie que l’entreprise américaine pourrait laisser les
autorités chinoises accéder aux comptes Gmail des utilisateurs
de Google ou bien censurer elle-même les sites comme la BBC
ou Wikipédia, au mépris de la liberté d’expression.
2. En Russie, le projet de loi élaboré en 2018 pour le contrôle de
la liberté d’expression sur Internet vise à surveiller les réseaux
sociaux afin qu’on n’y tienne pas de propos hostiles au pouvoir ou
à l’Église orthodoxe. La justice russe peut exiger la dénonciation
de ceux qui diffusent des faits considérés comme de « fausses
nouvelles ». Cette politique s’inscrit dans un durcissement du
pouvoir russe contre les opposants qui avaient trouvé sur Internet
un refuge pour exercer leur liberté d’expression refusée par les
médias institutionnels soumis à l’État.
3. La France fait partie des pays démocratiques qui censurent le
plus les sites Internet mais, à la différence notable de la Russie et
de la Chine, dans un strict cadre légal et légitime. Il s’agit de lutter
contre les réseaux criminels, la pédopornographie, ou encore
contre le terrorisme et l’incitation à la haine et à la violence.
En 2016, 2 700 sites ont ainsi été bloqués, majoritairement pour
ces différentes raisons. Il faut souligner qu’il existe en France
depuis 1978 une autorité administrative indépendante (AAI),
la CNIL (Commission nationale informatique et liberté), qui
veille à la protection des données et de la vie privée sur les
réseaux informatiques.
Rédiger une réponse à la question : Pourquoi la liberté
d’expression peut apparaître comme un combat sur Internet ?
- Un contrôle nécessaire d’Internet : dans les États démocratiques
comme la France, on s’interroge sur le contrôle d’Internet et des
réseaux sociaux. De nombreux abus sont combattus : trafics,
terrorisme, cybercriminalité, lutte contre le Dark Net (Internet
souterrain)… Cette volonté de renforcer le contrôle n’est pas sans
susciter des débats au sujet de la liberté d’expression sur la toile.
- Une censure excessive ? Cette censure s’exerce surtout dans
les régimes dictatoriaux comme la Chine qui cherche à museler
les cyberdissidents. D’autres régimes autoritaires essaient d’y
combattre les oppositions et les critiques intérieures, inquiets du
risque révolutionnaire et de remise en cause du pouvoir en place.
Objet de travail conclusif • L’information à l’heure d’Internet 131
 ÉTUDE
Les fake news, une vraie
influence politique p. 304-305
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
Les fake news, ou infox, ont fait irruption dans le débat public
depuis le tournant des élections présidentielles américaines
qui ont vu la victoire de Donald Trump. Elles ont ainsi mis en
lumière le rôle trouble d’une société britannique Cambridge
Analytica qui a réussi, à travers l’analyse de données personnelles
et des comptes des réseaux sociaux, à manipuler une partie
de l’opinion, et à influencer les résultats (doc. 2). À l’origine,
ces fausses nouvelles, très grossières, étaient l’apanage de
sites humoristiques qui jouaient sur le côté décalé de la presse
institutionnelle. Aujourd’hui, elles hypothèquent grandement
le fonctionnement même des démocraties occidentales qui
s’en retrouvent fragilisées (doc. 1). Certaines puissances l’ont
d’ailleurs bien compris et se retrouvent mêlées, de près ou de
loin, à la diffusion massive de fausses nouvelles en période
d’élections, comme la Russie. Dès lors, se pose la question d’une
éventuelle législation sur les fake news, au risque de nuire à la
liberté d’expression elle-même (doc. 4 et 5), mais aussi d’un
renforcement de l’éducation aux médias, qui reste la seule
méthode efficace pour s’en prémunir (doc. 3).
Le Monde des décodeurs (doc. 3)
L’explosion du phénomène des fake news impose une nouvelle
réflexion sur l’éducation aux médias et à l’information. Dans
cette optique, le quotidien français Le Monde développe en
ligne un site Internet dédié à la traque des fake news : « Les
Décodeurs ». Créé en 2014, il est à l’origine une rubrique du
site Internet du journal Le Monde ayant pour but de vérifier
des informations. En 2017, il devient un véritable moteur de
recherche, le « Décodex », dont l’objectif est de lutter contre
les fake news et de vérifier la fiabilité des articles de presse.
Il s’agit d’un réel engagement contre la désinformation dans le
sillage des campagnes électorales controversées du référendum
sur le Brexit et de l’élection américaine de 2016. La devise du
site est : « Venons-en aux faits ».
❚❚ Analyse de documents
1. Les fake news ont la particularité d’être des fausses nouvelles
inventées de toutes pièces par des individus ou des groupes
pour des motivations différentes. D’abord lancées à des
fins humoristiques, elles deviennent de véritables bombes
politiques et démocratiques. Elles sont pleinement intégrées
à des stratégies politiques plus vastes. Souvent simples, elles
sont véhiculées en grand nombre et difficiles à démonter.
Le lecteur des articles en ligne doit désormais se montrer
vigilant, et suivre tout un protocole de vérification des sources
s’il veut éviter d’être victime de fake news.
2. La société Cambridge Analytica a joué un rôle ambigu durant
la campagne électorale américaine dans la mesure où elle a
influencé l’opinion publique (et donc les électeurs potentiels)
en ciblant personnellement les utilisateurs de Facebook. Il était
question, en fonction des centres d’intérêt des détenteurs de
profils Facebook, de jouer sur les peurs et de décrédibiliser la
132 Thème 4 • S’informer : un regard critique sur les sources et modes de communication
candidate démocrate Hilary Clinton. Il s’agit véritablement de
jouer avec les données personnelles en nuisant au libre arbitre
et au débat démocratique.
3. Il est donc nécessaire de légiférer sur les fake news. C’est
notamment le cas de la France qui fait le choix de se doter d’un
arsenal législatif, à l’initiative du président Macron, lui-même
victime de fake news lors de la campagne présidentielle de
2017. Le projet porte sur une surveillance accrue des réseaux
sociaux et une pénalisation des diffuseurs volontaires de fausses
nouvelles. Les dangers d’une telle loi sont : une limitation
de la liberté d’expression, une intrusion dans la vie privée
via la surveillance des réseaux sociaux, mais aussi un risque
d’autocensure des journalistes et une remise en cause à terme
de la liberté de la presse.
4. Les précautions à prendre contre les fake news sont : les
vérifications des sources, l’objectivité et la vraisemblance des
propos, se renseigner sur l’auteur, confronter les faits et les
données avec d’autres articles.
5. Les fake news font donc peser de lourdes menaces sur
les démocraties dans la mesure où elles sont susceptibles
d’influencer largement les élections, et de susciter des peurs et
des tensions entre les groupes sociaux. Elles peuvent également
compromettre la foi en la vérité de faits établis et généraliser le
scepticisme, ce qui conduit à terme à un refus de la croyance
dans le progrès.
❚❚ Bilan
Le plan de la synthèse peut s’organiser de la manière suivante :
I. L’importance nouvelle des fake news dans les démocraties
occidentales : multiplication des sites d’informations et des
sources ; dépréciation des médias institutionnels ; manque de
recul et d’analyse devant les flots d’informations qui inondent
les individus chaque jour.
II. Les risques de manipulations de l’opinion et la remise en cause
du libre débat démocratique : rôle de Cambridge Analytica dans la
campagne du référendum sur le Brexit ou celle des présidentielles
aux États-Unis en 2016 ; les fausses rumeurs nuisent à la qualité
des débats et provoquent un scepticisme généralisé.
III. Repenser l’éducation aux médias et à l’information : éduquer
les citoyens à l’usage d’Internet (comment vérifier les sources,
hiérarchiser les informations, les comprendre et les critiquer) ;
nécessité de penser une législation sur les fake news.
J A LON
Témoignages et lanceurs
d’alerte
❚❚ Introduction
La généralisation d’Internet donne aujourd’hui aux informations
une importance colossale à l’échelle mondiale. Elle multiplie les
possibilités de dénoncer les scandales, les fraudes, la corruption
et les problèmes sanitaires, de les révéler au grand jour. Depuis
plus d’une vingtaine d’années, les lanceurs d’alerte prennent
à témoin l’opinion publique mondiale dans des affaires à très
grand retentissement. L’expression « lanceurs d’alertes » a été
forgée en France par les sociologues Francis Chateauraynaud ❚❚ Réponses à l’activité
et Didier Torny dans leur ouvrage Les sombres précurseurs. Les arguments attendus peuvent être résumés dans le tableau
Une sociologie pragmatique de l’alerte et du risque, publié en suivant (question 2) :
1999 dans le contexte du scandale sanitaire lié à la maladie de
la vache folle. Une étude sur les lanceurs d’alerte (p. 306-307) L’importance des lanceurs
permet de mieux cerner leur rôle et les enjeux qu’ils incarnent d’alerte dans une démocratie
dans les sociétés démocratiques occidentales aujourd’hui.
- Les lanceurs d’alerte sont
On peut remarquer ainsi, en dépit de l’importance d’Internet
vecteurs de transparence en
dans ces révélations, qu’ils ont en commun de s’appuyer encore
révélant ce qui est opaque
sur les médias traditionnels comme les chaînes de télévision ou illégal. Ils améliorent le
et la presse écrite. C’est le cas notamment de WikiLeaks en fonctionnement démocratique.
2010, lors de la révélation des écoutes à grande échelle et - Ils participent au débat
du système d’espionnage très poussé de la NSA américaine. démocratique en divulguant
Les documents ont été publiés dans de grands quotidiens à la la réalité des termes du débat
réputation institutionnelle comme le New York Times, El Pais, (en refusant la diplomatie
Der Spiegel ou encore Le Monde. secrète notamment).
- Ils revendiquent l’usage
de la liberté d’expression, l’un
ÉTUDE des principes fondamentaux
de la Déclaration des droits de
l’homme et du citoyen.
Les lanceurs d’alerte p. 306-307
Les risques des lanceurs d’alerte
pour les démocraties
- Se pose le problème de la légitimité
des lanceurs d’alerte. Qui sont-ils ?
Quelles sont leurs sources ? Comment
devient-on lanceur d’alerte ? N’y a-t-il
pas un risque de fake news, voire de
diffamation ?
- Au nom des principes démocratiques,
ils peuvent nuire à la démocratie elle-
même, en révélant des faits liés à des
processus longs comme lors de débats
parlementaires ou de procédures
judiciaires.
- Ils peuvent nuire aux intérêts d’un État,
notamment en dévoilant des secrets qui
peuvent compromettre des positions
stratégiques particulières.

❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents

L’ensemble documentaire présenté ici insiste sur le rôle d’acteurs
individuels comme Julian Assange ou Edward Snowden, qui sont
les deux lanceurs d’alerte les plus connus dans le monde, et dont
les révélations ont été les plus spectaculaires dans la mesure où
elles concernaient l’armée et la diplomatie américaines (doc. 1
et 2). Le doc. 3 souligne, quant à lui, des révélations moins
médiatiques, à l’image de la fraude fiscale et économique qui
reste la plus dénoncée. Enfin, les doc. 4 et 5 sont consacrés à
l’ébauche d’une législation qui protégerait les lanceurs d’alerte,
dont les destins et les vies sont souvent brisés une fois les
informations révélées. Les responsables politiques ont bien
conscience de l’enjeu démocratique que posent les lanceurs
d’alerte, notamment celui de la liberté d’expression.
WikiLeaks (doc. 1)
WikiLeaks se définit comme une organisation non
gouvernementale, incarnée par un site Internet fondé en
2006 par l’Australien Julian Assange. Il a pour but la révélation
de scandales ou des atteintes aux libertés fondamentales.
Les membres de WikiLeaks s’appuient sur les principes
démocratiques et les acquis des droits de l’homme. Ils gagnent
ainsi une notoriété mondiale en juillet 2010 lorsqu’ils font
paraître les War Logs, c’est-à-dire plus de 90 000 documents
liés à l’armée américaine et plus généralement à la politique
américaine au Moyen-Orient et en Afghanistan, avec l’aide de
grands journaux du monde occidental. En novembre 2010, ils
frappent encore un grand coup en publiant les télégrammes
de la diplomatie américaine, provoquant un tollé dans la classe
politique des États-Unis. Cette affaire rebaptisée « Cablegate »
engendre une réaction énergique des États-Unis qui passent
à l’offensive en attaquant en justice Wikileaks. Peu de temps
après, Julian Assange est visé par une plainte pour viol en
Suède. Refusant l’extradition, il se réfugie dans l’ambassade
d’Équateur à Londres où il reste jusqu’en mai 2019, date à
laquelle il est finalement arrêté et détenu par les Britanniques.
J A LON
Les théories du complot :
comment trouvent-elles
une nouvelle jeunesse
sur Internet ?
❚❚ Introduction
L’intérêt du jalon est de souligner l’ampleur du phénomène des
théories du complot qui fleurissent sur Internet. Cette caisse
de résonance numérique mondiale a favorisé un dynamisme
nouveau d’un phénomène très ancien. Les théories du complot
allient, en effet, la mécanique de la rumeur, du scepticisme de
faits avérés et d’une volonté de trouver une explication simple
à un phénomène complexe. Elles sont la voie la plus banale
et la plus simpliste de la compréhension des évènements, au
détriment de la raison et de l’effort nécessaire de concentration
pour saisir une explication. Les théories du complot cherchent
toujours l’origine d’une pseudo-manipulation ou d’« une
causalité diabolique » pour reprendre les mots de l’historien
Léon Poliakov. Elles trouvent un écho tout particulier chez
les jeunes qui sont les premiers à être influencés par des
explications simplistes, et offrent parfois l’attrait séduisant
d’une « ré-enchantement du monde » par l’exhumation de
sociétés secrètes plus ou moins fantasmées. Néanmoins, elles
sont une hypothèque de taille sur l’efficacité d’une éducation
raisonnée aux médias et à l’information. L’étude proposée
sur les théories du complot (p. 308-309) s’appuie donc sur
ces données nouvelles et met en avant leur renouveau et
leur foisonnement.

Objet de travail conclusif • L’information à l’heure d’Internet 133

 ÉTUDE
Le renouveau des théories
du complot sur Internet p. 308-309
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
Les documents choisis dans cette double page permettent
de saisir la dynamique importante des théories du complot
liées au développement d’Internet, mais aussi sa perspective
historique. Elle rappelle, par le biais du livre Les protocoles des
sages de Sion (doc. 1), que ces théories présentant l’existence
de complots ourdis par des sociétés secrètes, ou des catégories
de personnes, ne sont pas nouvelles.
Les protocoles des sages de Sion (doc. 1)
Emblématique des théories du complot, Les protocoles des
sages de Sion est un faux document, monté de toutes pièces
par la police secrète russe en 1901 à Paris qui relate le plan
de conquête du monde par les Juifs. Il s’inspire de l’œuvre de
l’avocat Maurice Joly, Dialogues aux enfers entre Machiavel et
Montesquieu, qui est à la base un pamphlet contre Napoléon III,
paru à Bruxelles en 1865. L’ouvrage doit se lire surtout à l’aune
de la politique intérieure de l’Empire russe à la fin du xixe siècle.
Il s’inscrit dans un climat de durcissement autoritaire du régime
contre les libéraux et les Juifs. Il correspond à une véritable
réaction antisémite, dans un contexte de pogroms sanglants
dans la Russie d’alors (comme celui de Kichinev en 1903).
Les doc. 3 et 4 insistent sur le nombre de Français qui croient
en ces théories, ce qui constitue un phénomène inquiétant.
La nature même de ces théories peut nous laisser perplexes.
Le doc. 5 résume à lui seul les conséquences démocratiques
et politiques de ce scepticisme qui gagne du terrain, et qui
agit comme une forme de poison lent dans nos sociétés
contemporaines. L’enjeu est tel que la presse elle-même
s’intéresse de près à ce phénomène (doc. 2).
134 Thème 4 • S’informer : un regard critique sur les sources et modes de communication
❚❚ Analyse de documents
1. Comme le montre le doc. 1, les théories du complot existent
depuis longtemps. À l’instar des rumeurs, elles profitent des
canaux de diffusion et des moyens de communication modernes.
À la fin du xixe siècle, elles se propagent ainsi surtout via l’édition
en masse et la presse écrite à grand tirage. Aujourd’hui, elles
bénéficient de l’écho mondial et universel d’Internet.
2. On remarque que les théories du complot visent en priorité
les progrès scientifiques et techniques, que l’on n’hésite pas à
nier, comme le premier pas de l’homme sur la Lune ou encore
les vaccins, témoignant ainsi d’un réel obscurantisme. Elles
concernent également les attentats et leurs instigateurs, et le
rôle des sociétés secrètes et philosophiques.
3. Les théories du complot prolifèrent sur Internet dans la
mesure où chacun peut lancer des rumeurs et qu’il est difficile,
et long, de les combattre. Elles ont également d’autant plus de
succès qu’elles offrent souvent des explications simples, voire
simplistes, à des faits et phénomènes compliqués. Les dangers
sont surtout démocratiques, car elles nuisent aux débats et à
légitimité du pouvoir. Elles diffusent de fausses rumeurs qui
montent des pans entiers de la société les uns contre les autres.
❚❚ Bilan
Le plan de la synthèse peut s’organiser de la manière suivante :
I. Les théories du complot, un phénomène ancien redynamisé
par Internet : le livre Les protocoles des sages de Sion illustre
l’ancienneté du phénomène, la volonté de croire en des groupes
secrets capables d’influer sur le cours de l’Histoire ; Internet
permet de leur donner une caisse de résonance mondiale et
de manipuler des esprits crédules toujours plus nombreux.
II. Le succès des théories du complot sur Internet : leur nombre
explose et on voit désormais des événements historiques, qui
ne souffraient aucune discussion, être remis en cause.
III. Les conséquences de ce succès et les dangers de ces théories :
risque de scepticisme généralisé ; perte de confiance de la
parole publique et politique, développement des rumeurs et
de la haine entre groupes sociaux.
 LEÇON 4
L’information à l’heure d’Internet
 p. 310-311
❚❚ P
 résentation des documents en lien
avec la problématique
Les documents accompagnant ce quatrième cours « L’information
à l’heure d’Internet » permettent de répondre à la problématique
posée : « Comment Internet bouleverse-t-il les façons de
s’informer ? » Le doc. 1 illustre le concept de diffusion horizontale
de l’information. Avec la généralisation de l’Internet mobile, on
n’hésite pas à remettre en cause des médias traditionnels et
institutionnels accusés de relayer la parole gouvernementale et,
plus généralement, celle d’un pseudo « système ». Au cours des
manifestations des Gilets jaunes qui, à partir du 16 novembre
2018, ont lieu d’abord à Paris, puis dans les grandes villes de
France, on s’en prend même physiquement aux journalistes, en
particulier aux journalistes des chaînes de télévision en continu.
Parmi les manifestants, beaucoup s’improvisent eux-mêmes
journalistes, en filmant directement avec des smartphones ou
des caméras d’action.
Le doc. 2 est un extrait de compte Twitter qui est accusé de
propager des fake news et de fausses rumeurs. Des Roms, à qui
l’on reproche d’enlever des enfants, sont victimes d’expéditions
punitives. On reproduit des réflexes médiévaux de lynchage
d’une catégorie de population incriminée sur la base de
fausses rumeurs, lesquelles sont véhiculées par des moyens
du xxie siècle.
Les Gilets jaunes et Internet (doc. 1)
Les « Gilets jaunes » sont un mouvement social né du refus
d’une augmentation d’impôt sur le carburant, notamment
sur le diesel (taxe intérieure de consommation sur les produits
énergétiques). À partir d’octobre 2018, la contestation apparaît
sur les réseaux sociaux, et l’appel aux manifestations est
largement relayé. Le signe de ralliement choisi est le gilet jaune
de sécurité obligatoire conservé à l’intérieur de l’habitacle des
voitures. Dès mi-novembre 2018, des routes, des ronds-points,
des parkings sont bloqués par des particuliers qui ont suivi cet
appel des réseaux numériques, et sont emmenés par certaines
figures comme Éric Drouet ou encore Priscillia Ludosky.
Le schéma fléché au bas de la p. 311 a pour objectif de replacer
les études de l’objet de travail conclusif dans une organisation
plus systémique. Il donne du sens au travail d’exemples réalisé
dans les pages précédentes puisqu’il participe à illustrer la
leçon sur l’information à l’heure d’Internet. Ce peut être un bon
point d’appui pour la préparation d’un sujet de composition
susceptible d’être proposé à l’examen (par exemple, comment
Internet modifie-t-il le rapport à l’information ?).
Objet de travail conclusif • L’information à l’heure d’Internet 135

MÉTHODES BAC
RÉDIGER UN DÉVELOPPEMENT
DE COMPOSITION p. 312
Les médias peuvent-ils tout dire,
pour assurer une libre et totale circulation
de l’information dans un État ?
Il s’agit ici de poursuivre le travail sur la méthode de la
composition. L’objectif est de rédiger un développement
construit.
❚❚ É tape 1 / Analyser les mots-clés du sujet
et fixer ses limites
Tout est explicité dans le manuel.
❚❚ É tape 2 / Réfléchir à un plan structuré
et construire l’introduction
Exemple d’introduction que pourrait rédiger un élève :
Au début de l’année 2019, la jeunesse algérienne manifeste
pacifiquement chaque vendredi contre le gouvernement
pour obtenir la démission du président Bouteflika. Face à des
médias à la solde du pouvoir, ce sont les réseaux sociaux qui
ont permis d’appeler à la mobilisation et de diffuser les images
montrant le succès de cette action. Mais, plus largement, on
doit s’interroger sur la liberté de circulation de l’information :
les médias peuvent-ils vraiment tout dire, tout montrer, pour
assurer une véritable liberté aux citoyens ? Ne faut-il pas, pour
le bien des citoyens, mettre en place des digues, instaurer
des limites à cette liberté ? C’est ce que nous allons tenter de
montrer. Après avoir expliqué en quoi la liberté d’information
est essentielle pour assurer la démocratie, nous présenterons
les domaines dans lesquels des bornes semblent nécessaires.
Exemple de plan possible :
I. Oui, les médias doivent pouvoir tout dire pour assurer la libre
circulation des informations et des idées dans une démocratie
A) La liberté d’expression et d’information est un des piliers
de la démocratie
B) Le public a le droit de savoir, de connaître ce qui se passe
C) Les médias sont aussi à l’origine d’enquêtes, d’analyses,
d’études qui font avancer la connaissance et la maîtrise de
l’information
II. Mais pour assurer la démocratie, il faut aussi mettre des
limites à la diffusion de l’information
A) Protéger la vie privée
B) Ne pas diffuser d’images choquantes
C) Diffuser une information peut être dangereux
❚❚ Étape 3 / Rédiger le développement
La liberté des médias, la diversité des sources, leur indépendance
vis-à-vis du pouvoir, garantissent l’exercice d’une véritable
démocratie.
En effet, la Convention européenne des droits de l’homme de
1950 insiste sur cette liberté d’expression : « Toute personne
a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté
d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des
136 Thème 4 • S’informer : un regard critique sur les sources et modes de communication
informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence
d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le
présent article n’empêche pas les États de soumettre les
entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision
à un régime d’autorisations. » Cette liberté est également
constitutionnelle en France. Pour la conserver, il faut se battre
contre toute forme d’intimidation dont les médias peuvent
être victimes, comme lors des attentats de 2015 contre Charlie
Hebdo. Il faut refuser toute forme de censure, telle celle exercée
par de nombreux pays qui n’hésitent pas à s’en prendre aux
journalistes, ce que dénonce chaque année dans son rapport
Reporters sans Frontières. On a le droit d’exprimer ses opinions
politiques, et de ne pas être d’accord avec son gouvernement
ou ses élus.
De même, le public a le droit de savoir, de connaître ce qui se
passe, où que cela se passe et à tout moment, par différents
canaux. D’où l’importance de la multiplicité des médias. Ainsi,
les chaînes d’info en continu que sont France Info, LCI, CNews
ou BFM TV assurent une couverture maximale de l’actualité.
Toutes les informations méritent d’être diffusées, de quelque
nature qu’elles soient. Des médias se spécialisent également
dans l’info people (Voici, France Dimanche, ou la chaîne TV
Non Stop People), d’autres dans l’économie (BFM Business,
Bloomberg TV, les magazines Challenges ou Capital…)
ou l’information sportive (L’Équipe, Infosport+…).
Certains médias mènent aussi des enquêtes, dévoilent des
scandales. On pense aux émissions comme « Enquête exclusive »
ou aux lanceurs d’alertes qui ont permis de connaître les
Panama Papers ; mais aussi au journaliste allemand Hajo
Seppelt qui a dénoncé un vaste dopage d’État dans le sport
russe en décembre 2014, dans un documentaire diffusé sur
ARD : « Dopage confidentiel : comment la Russie fabrique ses
vainqueurs », ce qui lui a valu l’interdiction par les autorités
de venir couvrir la coupe du monde de football en Russie en
2018. Si Mediapart est devenu le spécialiste des révélations,
des médias traditionnels peuvent dévoiler des affaires, comme
Le Monde le 18 juillet 2018 qui identifie Alexandre Benalla sur les
vidéos de violences policières lors des manifestations du 1er mai.
Pourtant, toute information n’est pas toujours bonne à donner,
pour la sécurité des personnes et le respect de leur vie privée.
Mais où commence la vie privée d’une star, d’un homme
politique ? Doit-on divulguer les lieux de vacances des ministres ?
Ainsi, beaucoup de gens raffolent des informations sur la vie
des stars du cinéma, de la chanson ou de la politique. Certaines
d’ailleurs se mettent en scène sur les réseaux sociaux comme la
chanteuse Taylor Swift qui compte plus de 67 millions d’abonnés
sur son compte Instagram qu’elle alimente régulièrement en
photos. D’autres attaquent les journaux qui diffusent des clichés
d’eux pris à leur insu, comme le magazine Voici, régulièrement
sanctionné par le tribunal pour des photos comme celles de la
famille royale britannique. D’ailleurs, pour les particuliers le droit
à l’image est également à respecter : on ne peut photographier
des personnes en gros plan qu’avec leur consentement, sinon
il faut les filmer de loin, dans un groupe ou de dos.
Mais là où l’information montre le plus ses limites, c’est lorsque
l’on s’en prend aux valeurs morales de la société, notamment
lorsque l’on diffuse des images choquantes ou dégradantes.
D’ailleurs, sont-elles une véritable information, autrement
dit une information utile ? Par exemple, lors des attentats du
11 septembre, la plupart des médias ont filmé les personnes
qui sautaient des tours en flammes, pas leur corps au sol.
Et que penser de l’utilisation de l’image du jeune migrant
kurde, Aylan, mort sur une plage turque le 2 septembre 2017,
largement relayée par les médias pour attirer l’attention des
populations sur le sort des migrants ?
Enfin, il existe des informations que les médias doivent garder
à tout prix pour eux. Car diffuser une information peut s’avérer
dangereux. Celles qui pourraient provoquer des mouvements
de panique d’abord (fausses alertes, rumeurs contre un produit,
une enseigne…). Celles ensuite qui remettent en question
l’efficacité des forces de police et de sécurité. Ainsi, pendant
la prise d’otages de l’Hyper Casher de la porte de Vincennes
à Paris le 9 janvier 2015, une chaîne de TV avait expliqué que
des gens étaient cachés dans le magasin, mettant ainsi leur vie
en danger. Heureusement, le preneur d’otages n’avait pas eu
vent de cette information. Il en est de même quand le secret-
défense est appliqué, ou le secret médical. Par ailleurs, parfois,
des journalistes doivent taire une information pour se mettre
à l’abri de représailles.
La libre circulation de l’information est essentielle pour assurer
le fonctionnement correct de la démocratie. Elle peut s’exercer
grâce à une bonne protection juridique, à la diversité des
sources et des points de vue, à l’indépendance vis-à-vis de
l’État. Mais toute information n’a pas vocation à être diffusée,
soit parce qu’elle peut mettre en danger quelqu’un, soit parce
que beaucoup d’informations, futiles, n’en sont pas vraiment.
D’ailleurs, les personnes les plus présentes sur les réseaux
sociaux et dans les médias, les « stars » de la téléréalité ou les
instagrameurs, fournissent-ils réellement de l’information ?
A-t-on besoin d’étaler sa vie privée sur les réseaux sociaux ?
Toute information est-elle bonne à dire ?
CONFRONTER DES DOCUMENTS p. 313
Le contrôle des réseaux sociaux
L’étude critique de documents vise à analyser de manière
scientifique et méthodique leur objectivité. Ici, l’objectif précis,
dans un souci de progressivité sur l’année, est de confronter
deux documents.
❚❚ Les documents proposés
Les deux documents veulent montrer l’intérêt pour un
gouvernement, une institution, de contrôler les réseaux sociaux
afin de lutter contre des fraudes et assurer la protection des
individus contre une utilisation dangereuse de ces médias.
Le premier document (lien vers l’article complet : (www.
franceinter.fr/emissions/geopolitique/geopolitique-19-
mars-2019) revient sur la tuerie de Christchurch du 15 mars
2019 perpétrée par un suprémaciste blanc qui a attaqué deux
mosquées et tué 51 personnes, tout en diffusant en direct
sur Facebook son action. Le site n’a bloqué la diffusion qu’au
bout de 17 minutes, ce qui a scandalisé l’opinion publique
et la Première ministre néo-zélandaise. Le second document
est tiré d’un article du Figaro de novembre 2018 expliquant
comment le fisc français va utiliser les réseaux sociaux pour
déceler les fraudes fiscales des Français.
❚❚ La méthode de confrontation de deux documents
Étape 1 / Étudier chacun des documents
-- Si le premier document, proposé par le journaliste P. Haski
sur le site d’une radio française juste après l’événement, a
été rédigé « à chaud », le second a paru sur le site du Figaro
au sujet d’une information apportée par le ministre Gérald
Darmanin dans l’émission de M6 « Capital ». L’article met
en contexte une information choisie pour son caractère
polémique afin de susciter la réaction des internautes.
-- Le doc. 1 pose la question de la liberté de diffusion sur
les réseaux sociaux, en direct, librement, de tout ce que les
internautes souhaitent, y compris le pire. Il interroge aussi
sur le manque de réactivité du réseau social Facebook pour
couper cette diffusion. L’article fait un constat critique, mais
ne propose pas de solution. Le doc. 2 explique les raisons
qui poussent le ministre à faire espionner par le fisc les
réseaux sociaux. Il semble vouloir provoquer une réaction
indignée des internautes.
Étape 2 / Confronter les documents
-- Les deux documents relatent une actualité récente, deux
points qui ont provoqué des réactions et des polémiques,
pour des raisons très différentes cependant. Les deux articles
sont écrits à chaud, sans recul, sans réelle analyse critique.
-- Les deux documents montrent la nécessité aujourd’hui
pour les gouvernements de contrôler les réseaux sociaux,
afin d’éviter les diffusions scandaleuses ou de lutter contre les
fraudes, donc dans l’intérêt général face à l’intérêt particulier.
-- Cependant, il s’agit de deux sujets très différents qui
entraîneront des réactions distinctes : d’un côté un consensus
quasi unanime pour s’opposer à la diffusion en direct
d’atrocités ; de l’autre, sans doute une majorité de personnes
qui voudra empêcher le fisc d’espionner les réseaux sociaux
tandis qu’une autre partie trouvera normal de faire payer
les fraudeurs et donc de servir l’intérêt de la communauté.
❚❚ Réponses aux questions
1. La Première ministre néo-zélandaise est indignée par le fait
que Facebook a mis aussi longtemps (« 17 longues minutes »)
pour couper la diffusion en direct du massacre. Elle souhaite
que le réseau social revoie son protocole de réaction. Elle
dénonce aussi le fait que de nombreux internautes aient
partagé cette vidéo sur d’autres plateformes, par soutien à
cette idéologie mortifère.
2. Le fisc lutte contre la fraude fiscale. Sur les réseaux sociaux,
les internautes étalent leur vie privée, parlent de leurs vacances,
de leurs achats. On peut ainsi voir que le niveau de vie affiché
par un internaute n’a rien à voir avec ce qu’il déclare, et donc
lancer une enquête ciblée sur lui.
3. Les États ont intérêt à contrôler les réseaux sociaux pour
protéger leurs citoyens de la diffusion d’images choquantes,
violentes, ou favoriser leur action contre la fraude fiscale. Pour les
plateformes, il en va plus de leur réputation. Mais elles perdraient
beaucoup d’utilisateurs si les États se servaient des photos
diffusées par les internautes pour les poursuivre fiscalement.
SUJET D’ENTRAÎNEMENT p. 314
La presse et l’affaire Dreyfus
1. Les deux documents proposés à l’étude sont contemporains de
l’affaire Dreyfus. Le premier incarne une pensée antidreyfusarde
à travers un dessin extrait du journal La Libre Parole publié en
1898. Le second, au contraire, prend le parti de Dreyfus. Il s’agit
du célèbre article « J’accuse… ! » d’Émile Zola paru en 1898
également, dans le journal L’Aurore.
Méthodes Bac 137
 2. Les arguments défendus par Émile Zola en faveur de Dreyfus
reprennent l’idée d’une erreur judiciaire, entretenue par une
propagande de l’armée. Il réclame une justice équitable afin
que la lumière soit faite sur cette affaire. À l’inverse, le dessin de
La Libre Parole reprend des clichés antisémites (enrichissement,
traîtrise).
3. Les documents montrent que la presse relaie et diffuse la
pensée dreyfusarde et antidreyfusarde. Pour cela, elle passe
par des journaux différents : La Libre Parole, L’Éclair, L’Écho de
Paris sont des journaux antidreyfusards ; L’Aurore, L’Humanité
portent les arguments défendant Dreyfus. En outre, elle utilise
des moyens divers, notamment la caricature comme le montre
le doc. 1. Le doc. 2 illustre un autre rôle de la presse dans l’affaire
Dreyfus : celui d’acteur à part entière. En effet, l’article publié
par Émile Zola dépasse le simple fait de relater les informations
et montre que la presse intervient dans le débat. Cet article,
notamment, joua un rôle décisif dans l’évolution du traitement
judiciaire de l’affaire Dreyfus.
SUJET D’ENTRAÎNEMENT p. 315
Information et réseaux sociaux
pendant le Printemps arabe
1. Les différences entre les documents concernent aussi bien
la date, la nature que le point de vue. Le dessin de presse de
Chapatte a paru dans le quotidien suisse francophone Le Temps
le 5 mars 2011. Il est contemporain des faits qu’il évoque,
c’est-à-dire la contestation par la rue du pouvoir autoritaire en
Tunisie. En janvier 2011, la « révolution de jasmin » des Tunisiens
chassait du pouvoir le président Ben Ali qui régnait sur le pays
depuis 23 ans. Cette contestation, fortement diffusée par les
réseaux sociaux, d’après ce dessin, marque d’ailleurs le début
du Printemps arabe. Le doc. 2 nuance cette vision grâce à une
interview de 2013 de M. Bensalah qui a publié un livre sur ce
thème. Il permet d’approfondir les liens entre liberté sur Internet
et contestation pendant et après les révolutions arabes.
2. Internet a bouleversé les modes d’accès à l’information
pendant les révolutions arabes. Le doc. 1 présente une figure
classique de la contestation, Marianne, grâce à cette reprise du
célèbre tableau d’Eugène Delacroix, La Liberté guidant le peuple.
Cela montre que la presse a recours à des images fortes et
compréhensibles par tous : cette Marianne incarne la révolte
populaire. Cependant, les armes des révolutionnaires ne sont
pas seulement des fusils et des armes blanches mais aussi un
smartphone et le réseau social Facebook rappelant qu’il s’agit
bien d’une révolte du xxie siècle. Selon ce dessin, le recours
à Internet a rendu sa liberté au peuple puisqu’il a permis de
contourner la censure et l’autoritarisme du pouvoir en favorisant
une diffusion horizontale de l’information. L’instantanéité a
facilité une circulation plus rapide des informations qu’avec les
médias traditionnels (journaux, télévision, radio), et cela dans
le monde entier puisque certains citoyens se sont improvisé
journalistes. Internet aurait donc permis la naissance d’un
nouvel espace de liberté politique.
3. Le doc. 3 nuance cette vision d’Internet comme principale
arme de guerre au service des révolutions arabes. L’auteur ne
nie pas le rôle des réseaux sociaux dans le Printemps arabe,
mais le minimise. Les cyber-activistes ont permis d’« attiser
la colère », de « mobiliser » mais ils ne sont pas à l’origine
de la révolte populaire. En effet, à l’époque des faits, peu
138 Thème 4 • S’informer : un regard critique sur les sources et modes de communication
d’habitants avaient accès à ces réseaux sociaux, soit pour des
raisons financières (fracture numérique), soit pour des raisons
politiques. Il faut donc distinguer les cyber-activistes (jeunes,
urbains, éduqués à l’occidentale) du reste de la population qui
n’a pas pu profiter de cet espace de liberté politique permis par
Internet. De plus, l’auteur souligne qu’aucun leader d’opinion
n’a réellement émergé parmi ces cyber-activistes sans soutien
politique ou financier. Encore en 2013, Internet n’était pas un
espace de liberté de l’information dans ces pays touchés par
le Printemps arabe car certains gouvernements ont repris
le contrôle des réseaux sociaux (même si un contrôle total
est difficile à mettre en place). De plus, nous savons que la
circulation de l’information à travers les réseaux sociaux peut
aboutir à des dérives (fake news et théories du complot) et
au relativisme (difficulté à hiérarchiser les informations et
leurs sources, manque de recul et d’analyse). C’est pourquoi,
il convient de nuancer le poids de l’information véhiculée par
les réseaux sociaux.
LE GRAND ORAL p. 316-317
Comment les théories du complot
explosent-elles avec Internet
dans un monde hyperconnecté ?
❚❚ Les documents proposés
Le doc. 1 est un extrait du quotidien gratuit CNews du 31 mars
2019 présentant une des théories du complot qui fleurissent
sur Internet, celle voulant faire croire que les astronautes
américains ne sont jamais allés sur la Lune et qu’il s’agit d’un
complot orchestré par la NASA, dans le cadre de la guerre
froide, pour mettre en avant les États-Unis face à l’URSS dans
la conquête de l’espace.
Le doc. 2 est une vidéo de Canopé et de Radio France datée de
2016 expliquant clairement et simplement ce que l’on appelle
une théorie du complot en 2 min 16.
Le doc. 3 donne les résultats d’un sondage de décembre 2017
réalisé par l’IFOP qui étudie huit théories du complot afin
d’observer les croyances en fonction de l’orientation politique
de chacun (d’après le vote à la présidentielle de 2017 pour cinq
candidats : J.-L. Mélenchon, B. Hamon, E. Macron, F. Fillon et
M. le Pen). Il permet de constater que les électeurs de Jean-Luc
Mélenchon et de Marine Le Pen sont ceux qui adhèrent le plus
largement aux théories conspirationnistes.
Le doc. 4 présente un vidéo-kit pédagogique destiné à lutter
contre les conspirations et à déceler les vrais des faux. C’est
en effet à l’école, et le plus tôt possible, qu’il faut éduquer aux
médias par le développement de l’esprit critique. La démarche
a déjà été initiée au collège par l’EMI, l’éducation aux médias
et à l’information.
Le doc. 5 enfin est tiré d’un document vidéo de France TV
Éducation de février 2019. Il aide à comprendre comment sont
diffusées les théories du complot.
❚❚ Mise en œuvre
Objectif : organiser la présentation orale
Afin d’assurer une progression dans les attentes du grand
oral tout au long du manuel, le thème 4 aborde la méthode
d’organisation d’une présentation efficace de son travail à l’oral.
On considère ici que l’analyse du sujet avec les mots-clés est
un point méthodologique acquis :
Comment les théories du complot explosent-elles avec Internet
dans un monde hyperconnecté ?
Théories du complot : visions d’un événement historique
comme une manipulation d’un gouvernement à des fins
politiciennes ou d’un groupe occulte agissant dans l’ombre
pour son intérêt propre.
Explosent : l’augmentation rapide du nombre de ces théories
du complot et leur « succès » grandissant dans l’opinion.
Internet : moyen privilégié pour la diffusion rapide de ces
théories sans que l’on sache vraiment d’où elles sont parties.
Monde hyperconnecté : univers actuel où la vie quotidienne
se fait en contact permanent avec les réseaux sociaux et les
différents médias plus ou moins fiables.
❚❚ Méthode
1. Organiser sa présentation orale de manière structurée
- Les quatre élèves se répartissent les différents temps de la
présentation. Ils peuvent choisir de parler successivement ou
conjointement.
- Pour le support de présentation, le professeur fera attention à
la lisibilité des diapositives proposées, à l’absence de surcharge
en texte, peu esthétique, qui pousse ensuite les élèves à lire
leur diapositive, ce qui n’a aucun intérêt pour l’auditoire. Et le
professeur évaluera la variété des supports choisis, qui doivent
refléter aussi la variété des disciplines qui viennent en appui
de l’enseignement de spécialité.
- L’accroche pour lancer la présentation est fondamentale,
liée à l’actualité. Ainsi, en décembre 2018 lors de l’attentat du
marché de Noël de Strasbourg, certains ont lancé une théorie
du complot : le gouvernement serait à l’origine de cet attentat
pour détourner les regards de la crise des Gilets jaunes…
L’actualité, au fil des mois et des années, donnera d’autres
exemples aussi farfelus ou ubuesques.
2. S’exercer à l’oral
Outre le contenu scientifique de l’intervention, le professeur
veillera à la qualité de la performance orale : voix distincte
et intelligible, ton varié, rythme, dynamisme… C’est ce qui
maintient le public attentif et l’incite à suivre le contenu
développé.
RÉVISION p. 319
❚❚ Objectif 1 / Étudier un texte
1. Varier les sources permet de s’assurer de la véracité d’un
fait rapporté. Cela aide aussi à obtenir des précisions, des
détails complémentaires, et à écarter les sources peu fiables
ou tendancieuses.
2. Tout témoignage est une opinion sur un fait qui vient de se
produire, sur une situation vécue ou observée. Le regard peut
être partisan. On peut aussi chercher à se mettre en valeur
(« tirer la couverture à eux », l. 9-10).
3. Une source primaire d’information est un témoignage créé
par quelqu’un qui a vu ou vécu l’événement ; il s’agit d’une
source directe.
❚❚ Objectif 2 / Étudier une carte
1. Un lanceur d’alerte est une personne de bonne foi qui, de
manière désintéressée, révèle ou signale un scandale, une
affaire, un risque de quelque nature que ce soit, qu’il a perçu
dans le cadre de son travail ou de son activité, qui concerne un
large public, et qu’il diffuse par tous les moyens médiatiques
à sa disposition.
2. Il n’y a pas d’unité dans le domaine au niveau de l’Union
européenne. Si des pays comme la Roumanie ou l’Irlande ont
une législation avancée et efficace pour défendre les lanceurs
d’alertes, d’autres États ne les protègent que partiellement
(France, Allemagne, Italie…), voire pas du tout (Grèce, Espagne,
Portugal, Finlande…).
3. Protéger les lanceurs d’alertes, c’est garantir la divulgation
d’informations importantes cachées par des groupes industriels
puissants, des hommes politiques ou des gouvernements.
Ceux qui préviennent de ces risques doivent être assurés de
ne pas encourir de peine de prison, par exemple en diffusant
des documents informatiques volés. Ils ne doivent pas non plus
êtres menacés par leurs employeurs ou victimes de harcèlement
et d’intimidation. C’est essentiel pour que d’autres lanceurs
d’alertes osent agir par la suite.
Aujourd’hui, ils sont très utiles dans les domaines de l’évasion
fiscale et des détournements de fonds, dans la dénonciation
de scandales sanitaires ou écologiques. Ils n’ont pas le droit
de divulguer des informations relevant du secret-défense ou
du secret médical.
Méthodes Bac 139
 THÈME Analyser les relations
5 entre États et religions
OUVERTURE p. 320-321
Le cinquième et dernier thème du programme cherche à
analyser les relations entre États et religions. En effet, depuis
la plus haute Antiquité, vie politique et vie religieuse sont
étroitement liées. Si la laïcité française peut offrir un exemple où
sphère politique et sphère religieuse sont strictement séparées,
c’est finalement un cas assez particulier. En effet, de nombreux
pays entretiennent des relations très différentes, depuis les
États théocratiques comme l’Iran ou l’Arabie saoudite, les États
qui possèdent une religion d’État, comme le Royaume-Uni ou
la Grèce, ou les pays constitutionnellement laïques mais où
les relations entre les mondes religieux et politiques sont très
étroites, comme en Inde.
Des relations États-religions complexes
Toute religion s’est posé la question de sa relation à l’État. Dans
les Évangiles, Jésus-Christ rétorque aux Pharisiens : « Rendez
à César ce qui appartient à César, et à Dieu ce qui appartient à
Dieu. » Chaque religion à une conception propre de ses rapports
avec les États sur le territoire desquels elle a des fidèles. Mais
dans les sociétés contemporaines, ce sont les États qui en tant
que législateurs décident et inscrivent dans la loi leur rapport
avec les Églises, quelles que soient les conceptions de celles-ci.
La question des relations entre l’État et les religions se pose
donc du point de vue de ce premier. Ainsi en France, c’est le
gouvernement qui est à l’origine de la loi de séparation des
Églises et de l’État votée en 1905. Par ailleurs, les Églises et
l’État se rencontrent nécessairement dans un certain nombre
de domaines. Dans des sociétés très religieuses, l’identité
des pouvoirs peut s’imposer : c’est le cas dans les théocraties,
anciennes comme l’Empire byzantin ou plus récentes. Mais si
certains États modernes souhaitent séparer très nettement les
compétences spirituelles de celles qui relèvent du temporel, les
deux domaines ne peuvent pas être complètement étanches,
les Églises s’exprimant sur l’évolution de la société dans laquelle
elles vivent tout comme les États doivent légiférer sur la place
des institutions religieuses dans la société.
Ce thème s’ouvre sur la présentation de la grande variété
des relations entre États et religions à l’échelle de la planète
à travers deux exemples souvent connus des élèves : l’Iran et
les États-Unis. En effet, un État comme l’Iran actuel est une
théocratie (p. 326-327) dans laquelle les pouvoirs religieux
s’imposent au pouvoir politique, selon des principes hérités de
préceptes religieux. De l’autre, la France revendique le principe
de la laïcité (p. 328-329) suivant lequel les religions ne sont pas
interdites mais elles ne sont pas subventionnées par l’État et
ne doivent faire l’objet d’aucune forme de prosélytisme dans la
sphère publique. Ainsi l’école est au cœur des principes laïques
français. Mais, entre ces deux positions, il existe une grande
variété de statuts, entre l’Irlande dont l’identité catholique reste
140 Thème 5 • Analyser les relations entre États et religions
Bibliographie
« Le réveil des religions », Questions internationales,
La Documentation française, janvier-avril 2019.
Burgat François, Comprendre l’islam politique, La Découverte,
2016.
Caillé Alain (dir.), Qu’est-ce que le religieux ? Religion et politique,
La Découverte, 2012.
Da Lage Olivier (dir.), L’Essor des nationalismes religieux,
Demopolis, 2018.
Dieckhoff Alain et Portier Philippe (dir.), Religion et politique,
Presses de Sciences Po, 2017.
Habermas Jürgen, « Qu’est-ce qu’une société “post-séculière” ? »,
Le Débat 142, 2008, p. 4-15.
Hervieu-Léger Danièle, « Sécularisation », Dictionnaire des faits
religieux, PUF, 2010.
Willaime Jean-Paul, « La sécularisation : une exception
européenne ? Retour sur un concept et sa discussion en sociologie
des religions », Revue française de sociologie 47, p. 755-783.
Sitographie
https://www.iris-france.org/observatoires/observatoire-
geopolitique-du-religieux/
http://www.lemondedesreligions.fr/medias/videos/
fondamentale, même si elle suscite des formes de contestations
(p. 330-331) ou l’Inde au sécularisme aujourd’hui remis en
cause. Le thème souhaite surtout inscrire cette réflexion entre
États et religions sur un temps long, en se concentrant sur
deux moments importants : dans un premier temps le haut
Moyen Âge (axe 1, p. 334-349) où les pouvoirs temporels
et spirituels sont la source de l’autorité, s’incarnent dans la
personne du souverain mais génèrent aussi des tensions entre
les chefs de l’Église, comme le pape ou les patriarches, et les
empereurs. Les terres d’Islam sont également au centre de la
réflexion, tant l’image classique du calife doit incarner l’unité
temporelle et spirituelle. Mais cette unité reste un élément
d’une grande complexité devant les ruptures politiques au
sein des territoires musulmans et spirituels, notamment entre
chiites et sunnites. Le deuxième moment au cœur de ce thème
est l’époque contemporaine (p. 352-367). Deux exemples sont
particulièrement mis en avant : l’abolition du califat par Mustafa
Kemal – qui souhaite rompre avec l’unité des pouvoirs politiques
et religieux que représentait le califat ottoman –, et les États-
Unis d’Amérique. Ce deuxième exemple doit souligner toute la
complexité d’un État séculier qui ne subventionne aucun culte
mais dont la religiosité est perceptible dans la société comme à
la tête de l’État. Enfin, l’exemple indien développé dans l’objet
de travail conclusif permet d’aborder un cas particulièrement
intéressant : celui d’une société à la fois très religieuse et dont
le sécularisme est un principe essentiel de la Constitution
(p. 368-381). L’évolution politique récente y montre que la
religion est aujourd’hui un argument central des dirigeants
politiques, comme un élément majeur de l’identité indienne,
au risque de susciter des tensions dans la société.
❚❚ Choix des documents d’ouverture
Le doc. 1, photographie prise lors de l’anniversaire de la mort
de l’ayatollah Khomeini (1902-1989), représente les plus hauts
dignitaires du régime iranien. On y voit le président Mahmoud
Ahmadinejad (dont le mandat prend fin quelques jours plus
tard) entouré des dignitaires musulmans iraniens. En effet,
depuis la révolution islamique de 1979, l’Iran est une théocratie :
toutes les institutions et les activités politiques iraniennes
sont fondées sur les principes de la loi coranique et de la
théorie du velayat-e faqih, c’est-à-dire la tutelle des autorités
religieuses sur les autorités politiques. D’ailleurs, Rouhollah
Khomeini, qui prend une place particulièrement importante
sur la photographie comme dans la société iranienne, est
« ayatollah » (« signe de dieu » en persan), un des titres les plus
élevés décerné à un membre du clergé chiite.
La photographie en doc. 2 a été prise lors de la cérémonie
d’investiture de Donald Trump en tant que président des États-
THÈME 5
INTRODUCTION États et religions aujourd’hui
REPÈRES 1
Les relations entre États et religions
dans le monde : une diversité
de situations p. 322-323
❚❚ P
 résentation des documents et des liens
possibles entre eux
Ces repères permettent de mettre en place les grandes notions
de ce thème qui sont développées dans les études suivantes :
théocratie (doc. A), religion officielle (doc. B), liberté religieuse
(doc. C) et laïcité (doc. D). Chaque notion fait l’objet d’une
définition (en gras) et d’un développement destiné à l’expliciter
pour faciliter l’entrée des élèves dans ce thème. Une illustration
concrète des notions favorise leur compréhension (doc. 1,
2, 4 et 5). La frise chronologique (doc. 3) présente les trois
grands textes contemporains sur lesquels s’appuient les libertés
fondamentales et rappelle le contenu des articles portant sur
les libertés religieuses et de conscience.
Unis d’Amérique, le 20 janvier 2017. Main sur la Bible, Donald
Trump prête serment. Ce geste symbolique fort souligne
toute la particularité des États-Unis au sujet des relations
avec la religion. Le premier amendement de la Constitution
américaine affirme ainsi que « le Congrès ne fera pas de loi
concernant l’établissement d’une religion ou en interdisant
le libre exercice ». En 1802, Jefferson, dans une lettre à une
association baptiste du Connecticut affirmait que ce texte
« érige un mur de séparation entre l’Église et l’État. » Pourtant,
la religion est très présente dans les sphères publique et
politique. Ainsi, la devise « In God we trust » (« Nous croyons
en Dieu ») est inscrite sur la totalité des billets de banque
américains. C’est donc une forme de sécularisme tout à
fait originale.
❚❚ Réponses aux questions
1. Sur cette photographie, les dignitaires religieux sont visibles
grâce à leur tenue et notamment le turban noir, accessoire
traditionnel du clergé chiite. Les représentants politiques sont
habillés avec un costume civil. Le poids de la religion est visible
notamment par la place symbolique occupée par l’ayatollah
Khomeini dans la vie politique iranienne.
2. La Bible joue un rôle important dans la prise de serment car
c’est elle qui est censée assurer la validité du serment. Ainsi,
aux États-Unis, il est courant de jurer sur la Bible dans le cadre
de déclarations lors d’un procès.
3. La religion devient un enjeu géopolitique car elle est un
marqueur identitaire fort qui s’articule avec le politique. Elle peut
par ailleurs être un argument mis en avant dans les différents
conflits qui agitent la planète.
La charte de la laïcité (doc. 5)
Le dessin de presse publié dans le Nouvel Obs fait référence
à la publication de la charte de la laïcité, le 9 septembre 2013,
par le ministre de l’Éducation nationale, Vincent Peillon.
Cette charte doit être apposée dans les écoles primaires et
les établissements du second degré et rappelle les principes
fondant les relations entre les religions et l’État au sein de l’école.
Elle a été rédigée dans le cadre des travaux de l’Observatoire de
la laïcité, une commission consultative créée en 2007. Composé
de 23 membres, il est installé depuis 2013 au Palais de l’Élysée.
L’Observatoire publie des données et des études sur la laïcité,
destinées à éclairer le gouvernement sur son application.
Introduction • États et religions aujourd’hui 141
 ❚❚ Réponses aux questions
1. La religion reste encore étroitement liée au pouvoir politique
car dans de nombreux pays elle fait l’objet d’une reconnaissance
par ce pouvoir soit sous la forme d’une théocratie où le
gouvernement appuie son autorité sur la religion, soit sous la
forme d’une religion officielle où l’État accorde à une religion
en particulier un statut préférentiel. C’est le cas dans 42 pays
du monde. Par ailleurs, la liberté religieuse dépend du bon
vouloir des États qui peuvent la restreindre dans les régimes
autoritaires ou hostiles aux religions.
2. Les relations entre les États et les religions varient fortement.
En Arabie saoudite et en Iran, régimes théocratiques, pouvoir et
religion se confondent dans les systèmes juridique et politique.
Ainsi le serment d’allégeance au prince héritier saoudien a lieu
à La Mecque, berceau de l’islam. En Angleterre, l’anglicanisme
est une religion d’État et la Reine Elisabeth II en est le chef, de
même au Danemark avec la religion luthérienne. Ces religions
ont ainsi des avantages spécifiques sur le plan légal par rapport
aux autres confessions. À l’inverse, des États s’affirment laïques
et établissent une séparation entre pouvoir politique et
religion dont la pratique est du domaine privé. C’est le cas de
la France. Mais certains États affichant dans leur Constitution
la laïcité peuvent laisser une place préférentielle à une religion
historiquement ancrée dans la culture du pays comme en
Russie avec la religion orthodoxe. Enfin, des États peuvent
se montrer totalement hostiles envers certaines religions qui
sont alors persécutées. C’est le cas en Chine pour les Tibétains
bouddhistes ou les Ouighours musulmans.
REPÈRES 2
Une diversité religieuse dans le monde
 p. 324-325
❚❚ Présentation des documents et des liens
possibles entre eux
Ces repères s’articulent autour de deux axes. Le premier axe vise
à attirer l’attention des élèves sur la difficulté à cartographier
les religions à l’échelle mondiale. La confrontation des doc. 1
et 2 signale que les principales aires religieuses dans le monde
cachent parfois une grande diversité. Par ailleurs, il importe de
présenter les dynamiques (migrations, sécularisation, influence
de certains courants religieux) qui contribuent à cette diversité
et de rappeler le poids relativement important de l’athéisme
dans certaines parties du monde. Le deuxième axe présente la
variété de statuts des religions sur le plan légal dans les États du
monde (doc. 3) et de traitement sur le plan de la liberté de culte
(doc. 4). La confrontation des cartes permet aussi de nuancer
la vision de la laïcité en montrant qu’elle peut s’accompagner
d’une intolérance religieuse forte comme c’est le cas en Inde,
(objet de travail conclusif p. 368 à 381)
Les sources en matière de religions
Les informations des doc. 2, 3 et 4 s’appuient sur des sources
qu’il est intéressant de présenter aux élèves. Elles peuvent
même donner lieu à un travail de regard critique. Le Pew
Research Center est un centre de recherche américain privé,
basé à Washington et créé en 2004. Il fournit des statistiques
et des études sur des sujets de société. Il est financé par le
Pew Charitable Trusts, organisation non gouvernementale,
142 Thème 5 • Analyser les relations entre États et religions
fondée en 1948 par la famille Pew, dont la fortune repose
sur l’industrie pétrolière. L’USCIRF est une commission du
gouvernement fédéral américain fondée en 1998. Elle est
chargée d’observer la liberté religieuse dans le monde, objet
d’un rapport annuel. L’Observatoire de la liberté religieuse
est une base documentaire sur la situation des principales
religions dans le monde, notamment sur le plan des libertés.
Il publie un rapport tous les deux ans par l’intermédiaire
de l’AED (Aide à l’Église en détresse), œuvre internationale
catholique. Le rapport est soumis à des consignes éditoriales
qui insistent sur l’objectivité et l’absence de parti pris de la part
des auteurs rassemblant à la fois des journalistes indépendants
et des universitaires.
❚❚ Réponses aux questions
1. Dans de nombreux États, même si une religion est
majoritaire, comme le catholicisme en Europe occidentale
ou le protestantisme en Amérique du Nord, les migrations
contribuent à l’introduction de nouvelles religions. Ainsi, la
représentation cartographique des religions masque l’extrême
diversité religieuse de l’Asie-Océanie ou de l’Afrique et ne laisse
pas de place à l’athéisme pourtant important en Asie-Océanie,
Europe et Amérique du Nord.
2. Dans des États laïques comme l’Inde, le Bouthan, le Niger,
le Nigeria ou la Centrafrique, des minorités religieuses sont
persécutées. Dans d’autres pays laïques comme le Mali ou
l’Éthiopie, certaines minorités religieuses n’ont pas les mêmes
droits que les autres populations et sont discriminées. Enfin,
dans de nombreux États laïques comme le Canada, le Mexique
ou des États d’Europe comme la France, l’Allemagne, la Suède,
on observe une intolérance religieuse croissante. Au contraire,
une religion d’État ne signifie pas que la liberté religieuse
est absente : l’Angleterre ou le Danemark ne persécutent
et ne discriminent pas les autres religions qui peuvent être
pratiquées librement.
ÉTUDE
L’Iran, un régime théocratique p. 326-327
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
Quarante ans après la révolution iranienne, le régime
théocratique installé par les religieux apparaît de plus en plus
fragilisé. Le guide suprême Ali Khamenei, 79 ans, est malade et
la question de sa succession, bien que taboue en Iran, se pose
de façon de plus en plus aiguë dans un pays en crise affaibli
par le retrait brutal des États-Unis de l’accord sur le nucléaire.
Le choix de cette étude permet de mettre l’accent sur la nature
d’un régime inédit avec des institutions affirmant clairement leur
caractère théocratique, mais dans le cadre d’une république.
Le doc. 1 présente le fonctionnement des institutions et le
poids des autorités religieuses dans la vie politique iranienne.
Le doc. 2 rappelle le contexte révolutionnaire de l’installation de
ce régime dans lequel Khomeiny réussit à s’imposer alors même
que la révolution s’est faite sans lui. Les doc.3 et 4 montrent
la place des minorités religieuses dont les libertés de cultes
sont certes reconnues mais qui restent discriminées sur le
plan politique et social. Enfin, le doc. 5 met en lumière le rejet
croissant de l’emprise des religieux par la société civile, en
particulier par la jeunesse.
 La contestation du religieux (doc. 5)
Loin d’être une société hermétique aux débats du sécularisme,
trois groupes sociaux incarnent aujourd’hui l’évolution de
la place de la religion en Iran : les femmes, les jeunes et
les intellectuels. Face à l’emprise des religieux, les femmes
tentent d’affirmer leur liberté en développant des stratégies
de contournement des interdits religieux. Le port du voile,
obligatoire, est devenu un outil de contestation par la façon
de le porter en détournant les codes imposés. La jeunesse plus
éduquée, qui n’a pas connu la révolution, cherche à contourner
elle aussi les interdits : l’amour libre, la consommation d’alcool,
les interactions entre hommes et femmes dans l’espace public
sont autant de moyens de s’affirmer. Le cinéma iranien à
travers une nouvelle vague incarnée par Asghar Farhadi
(À propos d’Elly, 2009, Une séparation, 2011, Le client 2016)
ou Jafar Panahi (Taxi Téhéran, 2015) montre le nouveau visage
de cette société iranienne.
❚❚ Analyse de documents
- Un régime fondé sur l’omniprésence de la religion : pas de
séparation entre pouvoirs religieux, judiciaire et législatif ;
le guide suprême, choisi par des religieux, est à la fois chef
spirituel, chef de l’armée et du pouvoir judiciaire ; la justice est
fondée sur la charia ; le guide suprême nomme les gardiens de
la Constitution qui ont un droit de regard sur les candidatures
aux élections, les scrutins et peuvent mettre leur veto sur les
projets de loi.
- Des libertés religieuses restreintes : les minorités religieuses
ont une liberté de culte mais elles sont fortement discriminées
(exclues de la fonction publique et seulement quelques sièges
au Parlement) ; impossibilité dans les faits de changer de religion
pour les musulmans.
- Une contestation croissante du régime : une contestation
portée par la jeunesse qui supporte de plus en plus mal le
contrôle des religieux sur leur vie quotidienne ; deux natures :
une jeunesse aisée attirée par la société de consommation/une
jeunesse plus politisée qui utilise les réseaux sociaux comme
moyen de contestation ; une population déçue du modèle
théocratique (fraude aux élections présidentielles en 2009) et
émergence de la question de la séparation entre le religieux
et le politique.
ÉTUDE
La France,
une république laïque p. 328-329
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
La France incarne depuis plus d’un siècle un modèle de relations
entre l’État et les religions quasi unique au monde. Si les
modèles américain ou indien cherchent d’abord à préserver
le pluralisme religieux et la liberté des cultes, le modèle français
vise, quant à lui, à évincer toute ingérence du religieux dans
le fonctionnement de l’État, notamment par l’interdiction
de signes religieux dans les institutions publiques. La frise
chronologique et le doc. 1 rappellent les lois qui fondent la
laïcité en France et ses principes fondateurs d’égalité et de
liberté : la neutralité de l’État garantit le pluralisme religieux en
ne favorisant pas une religion au détriment des autres ; l’État
veille à la liberté des cultes et de conscience notamment en
permettant à ceux qui en sont empêchés de pratiquer leur
religion (malades dans les hôpitaux, prisonniers, soldats) ; c’est
le sens du financement des aumôneries que certains lycéens
fréquentent peut-être.
Les aumôneries de l’enseignement public
Nées en 1802 avec le concordat de Napoléon Bonaparte, les
aumôneries de l’enseignement public, qui proposent catéchèse
et autres activités religieuses, n’ont pas été remises en cause
par la loi de 1905 séparant les Églises et l’État, au nom du libre
exercice des cultes pour les lycéens. En 1802, il s’agit de donner
un accès à l’éducation religieuse dans les lycées nouvellement
créés pour des élèves majoritairement internes. Les aumôneries
et leurs religieux sont alors logés dans les établissements.
En 1880, la loi Camille Sée ne les autorise plus à l’intérieur des
établissements mais les aumôniers restent payés par l’État.
Le doc. 2 apporte cependant un éclairage, souvent méconnu,
sur les adaptations et entorses à la laïcité, héritages historiques
qui n’ont pas été remis en cause. Le doc. 4 permet de faire
la distinction entre tolérance et neutralité, trop souvent
confondues, et de rappeler que la séparation des Églises et
de l’État s’inscrit dans une perspective historique. Enfin, le
doc. 3 évoque à travers les polémiques autour du voile, les
difficultés rencontrées depuis la fin des années 1980 dans la
compréhension de la laïcité qui n’est pas antireligieuse mais
vise à faire de l’école un espace neutre. Il est important de
rappeler que la loi de 1905 ne prévoyait pas la situation de
l’islam, alors quasi inexistant.
❚❚ Analyse de documents
1. La laïcité garantit le pluralisme religieux en mettant à égalité
toutes les religions. Elle ne reconnaît, ni ne subventionne, aucune
religion en particulier (art. 2 de la loi de 1905). La liberté de culte
est également garantie (art. 1 de la loi de 1905). L’État, par cette
loi, adopte une position de neutralité vis-à-vis des confessions.
2. L’école adopte également une position de stricte neutralité vis-
à-vis des religions. L’État a clarifié par une loi de 2004 le port des
signes religieux à l’école qui doivent rester très discrets et interdit
donc le port du voile ou de la kippa au sein des établissements
scolaires pour le personnel comme pour les élèves.
3. Cependant, il existe des cas particuliers, liés à l’histoire,
concernant l’application de la laïcité dans les territoires d’outre-
mer, où l’État peut subventionner des cultes (Guyane, Saint-
Pierre-et-Miquelon, Polynésie). L’Alsace et la Moselle ne sont
également pas soumises à la loi de 1905 et les ministres des
cultes sont salariés de l’État.
ÉTUDE
L’Irlande, une république
en voie de sécularisation p. 330-331
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
L’Irlande a longtemps été soumise au poids de l’Église catholique
qui imprégnait de ses valeurs la société tout entière. Mais la
succession de scandales qui éclate à partir des années 1980
(abus sexuels, adoptions illégales, jeunes filles maltraitées
dans les blanchisseries des religieuses) contribue à ternir
son image et à favoriser la sécularisation et l’émergence de
contestations remettant en cause l’arsenal législatif du code
Introduction • États et religions aujourd’hui 143
 de la famille. La frise chronologique et les doc. 1 et 5 montrent
les référendums ayant abouti à des changements profonds de
la société irlandaise sur des sujets autrefois tabous comme le
divorce (doc. 1) ou l’avortement (doc. 3). Cependant, les doc. 3
et 4 permettent de nuancer cette perte d’influence de l’Église
catholique dont la présence dans le système éducatif reste
encore très forte malgré les nouvelles mesures en vigueur
à la rentrée 2019 (doc. 3) et qui, même si la pratique faiblit,
rassemble encore près de 80 % de la population (doc. 4). Le
doc. 2 illustre la place des jeunes dans ces changements, en
particulier sur la question de l’avortement.
Le recours au référendum sur les sujets religieux
et sociétaux (frise)
Les Irlandais ont une tradition de démocratie participative
très ancrée. On pourra faire remarquer aux élèves que les
grands changements sociétaux font l’objet de référendums.
Le dernier en date a eu lieu le vendredi 24 mai 2019. À une
écrasante majorité, 82 % des Irlandais se sont prononcés
pour l’allégement des procédures de divorce. En effet, une
disposition constitutionnelle oblige les couples à vivre séparés
pendant quatre à cinq années précédant la demande de divorce.
La légalisation du divorce était passée par référendum en
1995 (doc. 1) à une courte majorité (50,3 %) et les législateurs
avaient mis des freins au divorce en imposant cette durée de
séparation. Le gouvernement a annoncé un nouveau projet de
loi réduisant la durée de la séparation obligatoire à deux années.
❚❚ Analyse de documents
1. À partir des années 1990, de nombreux référendums
remettent en cause des valeurs familiales défendues par
l’Église catholique : légalisation du divorce, de l’avortement,
autorisation du mariage homosexuel.
2. L’Église catholique occupe une place importante dans la
société comme le montrent les changements très tardifs.
L’avortement et le divorce sont restés très longtemps des tabous
verrouillés par la loi. Cependant, près de 80 % des Irlandais se
disent catholiques et les écoles sont pour la plupart tenues par
l’Église. La radio publique sonne encore l’angélus.
3. Les relations entre l’État et l’Église catholique évoluent et
une séparation s’instaure lentement. Dès 1972, la position
particulière qui lui était reconnue dans la Constitution du
pays est supprimée. Le 8e amendement de la Constitution qui
interdisait l’avortement, véritable verrou à tout changement,
a été abrogé en 2018.
144 Thème 5 • Analyser les relations entre États et religions
LEÇON 1
États et religions aujourd’hui
 p. 332-333
❚❚ P
 résentation des documents en lien
avec la problématique
Les documents accompagnant ce premier cours « États
et religions aujourd’hui » permettent de répondre à la
problématique posée : « Comment les relations entre les États et
les religions montrent-elles des degrés variables de libertés ? ».
Ils éclairent deux notions définissant l’attitude du politique vis-
à-vis des religions. À travers le doc. 1, la récente loi sur la laïcité
adoptée dans le canton de Genève révèle la progression d’un
courant laïque sur le modèle français. L’analogie de l’affiche
figurant l’aigle noir, emblème du canton, drapé à la manière
de la statue de la Liberté face à celle représentant une justice
arbitraire symbolisée par le bandeau soulevé sur l’œil du
personnage illustre les controverses dont la laïcité est l’objet.
La nouvelle loi sur la laïcité suisse (doc. 1)
Le 10 février 2019, dans le canton de Genève, la nouvelle loi
sur la laïcité de l’État (LLE), très semblable au modèle français,
a été adoptée avec 55,1 % des voix. Votée par le Grand Conseil
(parlement cantonal) en avril 2018, elle était contestée, d’où le
recours au référendum. L’article interdisant aux fonctionnaires
ou aux élus d’arborer publiquement des signes religieux
dans l’exercice de leurs fonctions a été au cœur des débats
et de nombreux recours en justice ont été déposés contre
cette disposition jugée attentatoire à la liberté religieuse et
islamophobe par ses opposants puisqu’elle interdit désormais
le port du voile dans la fonction publique.
Le doc. 2 offre une autre vision, celle d’États où la religion
est un enjeu de pouvoir. Les relations étroites entre pouvoir
politique et pouvoir religieux contribuent à l’installation de
gouvernements fortement influencés par le religieux, que ce
soit aux États-Unis ou au Brésil.
Le schéma fléché au bas de la p. 333 a pour objectif de
replacer les études de l’introduction dans une organisation
plus systémique. Il donne du sens au travail d’exemples réalisé
dans les pages précédentes puisqu’il participe à illustrer la leçon
sur les relations entre États et religions aujourd’hui.
THÈME 5
AXE 1 Pouvoir et religion :
des liens historiques traditionnels
OUVERTURE p. 334-335
❚❚ Introduction
Le premier axe du thème 5 s’ancre profondément dans le haut
Moyen Âge en fondant sa réflexion sur la comparaison entre trois
gouvernements qui associent étroitement, mais différemment,
pouvoir religieux et pouvoir temporel. Ainsi, la figure de
Charlemagne est mobilisée à travers son couronnement, de
même que sont comparés les califes et l’empereur byzantin,
à la tête de véritables théocraties. La cohérence historique et
géographique est forte : il s’agit principalement des pourtours
du bassin méditerranéen entre le viiie et le xe siècle. L’Église
chrétienne, divisée entre chrétiens latins et orthodoxes, est
solidement structurée, tandis que le monde musulman connaît
une forte expansion. L’articulation des deux pouvoirs religieux
et politique est à la fois très similaire, la religion ayant une
place particulièrement importante dans le gouvernement des
sociétés, mais aussi très différente, les religions étant structurées
de façon distincte.
La notion d’« empire universel »
La notion d’« empire universel » est antique mais survit au
Moyen Âge. Les empereurs byzantins tel Justinien tentent à
plusieurs reprises de rétablir l’ancienne puissance romaine, mais
ne parviennent pas à imposer leur autorité à l’ensemble de la
Méditerranée. Le couronnement impérial de Charlemagne en 800
est vécu comme une véritable humiliation par les Byzantins.
Charlemagne apparaît tel le successeur des empereurs romains,
baptisé par le pape, tout comme Sylvestre avait couronné
Constantin. Le nouvel empereur prend pour titulature : « Charles,
sérénissime auguste, couronné par Dieu, grand et pacifique
empereur, gouvernant l’Empire romain, pareillement par la
miséricorde de Dieu roi des Francs et des Lombards. »
Les documents de la double page d’ouverture présentent
deux empereurs, Charlemagne et Basile II, empereur byzantin.
Le vitrail de la cathédrale de Strasbourg (doc. 1) associe la
couronne, l’auréole, mais aussi le sceptre et l’orbe crucigère,
tandis que le Psautier de Venise (doc. 2) représente Basile II
en soldat de Dieu, armé mais aussi auréolé et couronné par
le Christ. Ces deux documents, de nature et de localisation
différentes, montrent les liens étroits entre pouvoir et religion
chez les souverains médiévaux.
❚❚ Réponses aux questions
1. Le vitrail de Strasbourg figure Charlemagne dans la position
d’un souverain universel. Il brandit le sceptre et l’orbe crucigère,
signe de son autorité universelle ; il est coiffé d’une couronne,
symbole de sa souveraineté, et son auréole souligne sa
dimension religieuse.
2. L’empereur byzantin Basile II est ici représenté comme un
soldat de Dieu. Il est vêtu de son armure, porte une lance et
une épée, et sa tête est auréolée. Au-dessus de la scène, le
Christ le couronne, tandis que des hommes se prosternent à
ses pieds. Il combat donc pour la cause du Christ.
3. Dans ces deux documents, les liens qui unissent le pouvoir
politique et le pouvoir religieux autour de la personne de
l’empereur sont étroits. L’empereur peut se présenter comme
un soldat de Dieu, soumis à l’autorité divine, ou comme le
représentant de Dieu sur Terre, et bénéficiant donc de son
autorité sur l’ensemble des hommes.
J A LON
Le pape et l’empereur,
deux figures de pouvoir :
le couronnement
de Charlemagne
❚❚ Introduction
Le premier jalon se concentre sur l’Occident médiéval. En effet,
à partir du viiie siècle, les relations entre les souverains francs
et la papauté deviennent de plus en plus étroites. Menacés
par les Lombards, les papes cherchent la protection des rois
des Francs, et ainsi, le 25 décembre 800, Charlemagne est
couronné empereur à Rome. Il se place ici dans la tradition des
empereurs romains d’Occident, dont on fixe habituellement
la disparition à 476. C’est tout d’abord cet événement que le
jalon nous invite à traiter, en étudiant les relations étroites qui
existent entre l’empereur et le pape (étude p. 338-339). Mais
ce lien particulier entre pouvoir politique et pouvoir religieux
peut aussi être abordé à partir d’un lieu, le palais d’Aix-la-
Chapelle, dont le plan même montre la forte proximité (étude
p. 340-341). S’il n’est pas nécessaire de connaître précisément la
chronologie de l’arrivée au pouvoir de Charlemagne, il convient
de comprendre le statut de chacun de ces personnages.
Axe 1 • Pouvoir et religion : des liens historiques traditionnels 145
 REPÈRES 1
Pouvoir religieux et pouvoir politique
dans l’Occident médiéval p. 336-337
❚❚ P
 résentation des documents et des liens
possibles entre eux
La double page repères de ce jalon souhaite avant tout
contextualiser la situation de la fin du viiie siècle à partir de cartes.
Ainsi, Charlemagne se présente comme un souverain guerrier
(doc. 1) qui étend son autorité à une grande partie de l’Europe
occidentale. Le doc. 2 illustre les conquêtes de Charlemagne
sous son règne. Il soumet ainsi en 774 le royaume lombard qui
menace Rome et la papauté. Les États pontificaux sont dès lors
protégés par leur proximité avec le royaume franc et l’étroite
alliance entre l’empereur d’Occident et le pape. La page 337
s’intéresse au chef de l’Église chrétienne latine, le pape (doc. 3).
Le titre apparaît au ive siècle, mais c’est très progressivement
que l’évêque de Rome impose sa domination sur l’ensemble de
l’Église latine. C’est d’ailleurs le problème de la reconnaissance
du statut du pape qui provoque le schisme entre Église latine
et Église orthodoxe. Le doc. 4 étudie les États de l’Église, qui se
constituent progressivement au viiie siècle. Le pape est donc un
chef spirituel, mais aussi un souverain à part entière.
❚❚ Réponses aux questions
1. L’autorité de Charlemagne s’impose sur une large partie de
l’Europe : à l’avènement du roi, son influence s’étend déjà sur
quasiment toute l’Europe de l’Ouest, des Pyrénées à la Frise et
de la Neustrie à la Thuringe. Charlemagne élargit les frontières
de son royaume vers la Saxe, la Carinthie et le royaume lombard.
De nombreux territoires sont aussi dans l’orbite du royaume
franc : la Bretagne, la marche d’Espagne, les marches orientales
du royaume.
2. À l’ouest de la Méditerranée, le pape est largement reconnu
comme le chef de l’Église chrétienne. Il fixe les dogmes religieux,
mais nomme aussi les évêques, dirige le clergé et les réseaux
de monastères.
3. C’est aussi un souverain territorial car il possède des territoires
autour de Rome : les États de l’Église. Ceux-ci sont nés au
viiie siècle et, aujourd’hui encore, le Vatican est un État souverain.
❚❚ Bilan
Dans l’Occident médiéval, pouvoir religieux et pouvoir politique
sont étroitement liés. Il s’agit avant tout de sociétés où le poids
de la religion est extrêmement fort. Au viiie siècle, l’association
entre les deux pouvoirs est renforcée par la proximité entre le
royaume franc et la papauté. En effet, à partir de cette période,
Charlemagne, en tant que roi des Francs puis empereur, s’impose
comme le protecteur de l’Église chrétienne et du pape. De
même, le pape, par le biais du couronnement de Charlemagne,
confère à ce dernier une légitimité et une autorité religieuses qui
s’imposent à l’ensemble des chrétiens. À l’inverse, le pape, chef
spirituel, est aussi un souverain territorial grâce aux différentes
donations faites à la fin du viiie siècle.
146 Thème 5 • Analyser les relations entre États et religions
ÉTUDE
Le couronnement de Charlemagne,
alliance du pape et de l’empereur
 p. 338-339
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
Le couronnement de Charlemagne en tant qu’empereur est un
événement considérable à l’échelle de l’Occident latin. C’est
le premier sacre d’un empereur depuis la chute de l’Empire
romain d’Occident. Il consacre un lien particulier entre le
pouvoir temporel et le pouvoir spirituel : l’empereur voit son
autorité légitimée par Dieu par l’intermédiaire de la cérémonie
à Rome, tandis qu’il devient le défenseur de l’Église. Les sources
conservées confirment cette relation étroite : le doc. 1 figure
une nouvelle fois Charlemagne avec la couronne et l’orbe
crucigère, tandis que la lettre de Charlemagne au pape Léon III
(doc. 2, l. 6-7 : « que je puisse défendre à jamais le Saint-Siège
de l’Église romaine ») présente l’empereur comme protecteur
de l’Église. Alcuin donne une lecture différente de la situation
(doc. 3) : pour lui, entre le pape, l’Empire byzantin et le roi des
Francs, c’est sur ce dernier que l’Église s’appuie et c’est lui qui
doit la protéger. Cependant, dans les Grandes Chroniques de
France (la miniature date du début du xive siècle), Charlemagne
apparaît comme soumis à la puissance du pape, qui pose la
couronne sur la tête du souverain agenouillé à ses pieds (doc. 4).
La cérémonie du sacre de Charlemagne (doc. 4)
La question de la supériorité du pape et de l’empereur s’est posée
lors de la cérémonie du sacre de Charlemagne, le 25 décembre
800. Le roi des Francs aurait ainsi été très irrité par le fait que le
pape n’ait pas respecté le rite franc de couronnement. En effet, le
pape a déposé la couronne sur la tête de Charlemagne mais n’a
pas fait acclamer le souverain par la foule et ne s’est prosterné
devant lui que plus tard. Charlemagne, au contraire, aurait
voulu que le pape s’agenouille d’abord avant de le couronner
et le faire acclamer. D’ailleurs, en 813, l’empereur fait changer
le protocole de couronnement dans ce sens.
❚❚ Réponses à l’activité
1. Le pape et l’empereur entretiennent des relations très
étroites : en effet, l’empereur est couronné par le pape tandis
que ce dernier est sous la protection de l’empereur. Ce sont
deux aspects d’un pouvoir qui se veut universel.
2. Les illustrations envisagent différemment la relation entre
le pape et l’empereur. Dans le monastère suisse de Saint-Jean-
des-Sœurs, Charlemagne est représenté comme un souverain
universel, portant l’orbe crucigère qui symbolise l’autorité du
souverain mais aussi le fait qu’il est le représentant de Christ sur
Terre. En revanche, dans la miniature des Grandes Chroniques de
France, l’empereur est figuré en position de soumission, agenouillé
devant Léon III, et recevant la couronne des mains de ce dernier.
3. Alcuin, dans sa Lettre à Charlemagne datée de 799, soit l’année
qui précède le couronnement du roi des Francs, souligne le fait
que Charlemagne est sans doute le souverain le plus puissant du
monde chrétien : en effet, Léon III est fragilisé à Rome (victime
d’un attentat le 25 avril) et la situation politique de l’Empire
byzantin est très instable (Constantin VI a été renversé par sa
propre mère, Irène, qui lui a fait crever les yeux).
 ÉTUDE
Le palais d’Aix-la-Chapelle,
l’alliance du trône
et de l’autel p. 340-341
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
Aix-la-Chapelle est un lieu qui permet de comprendre la
concentration des pouvoirs politiques et religieux aux mains
de l’empereur. En effet, le palais impérial est construit selon
un axe comportant, d’un côté, la salle de l’assemblée et, de
l’autre, la chapelle palatine. De même, toute l’architecture
de la chapelle palatine est organisée pour mettre en scène
l’autorité universelle du souverain. Le doc. 1 présente le plan
du palais d’Aix-la-Chapelle qui associe pouvoir politique et
pouvoir religieux. Le texte d’Éginhard (doc. 2) traduit la piété de
Charlemagne et la volonté de bâtir une chapelle plus splendide
encore que les monuments romains. Son implication dans
les cérémonies religieuses est importante. L’architecture de
la chapelle affirme la place centrale du souverain. Tandis que
l’élévation de la chapelle met en avant le lien entre le Ciel et la
Terre, le trône dit « de Charlemagne » donne une place centrale
au représentant du Christ sur Terre.
Le plan de la chapelle palatine (doc. 1)
Ce plan est très élaboré : l’octogone central fait plus de
16 mètres de diamètre, entouré d’un déambulatoire à seize
pans. La mosaïque ornant la coupole a disparu au xviiie siècle,
mais nous savons par des descriptions qu’elle représentait
un Christ en majesté. La structure générale de la chapelle
palatine rappelle la basilique Saint-Vital de Ravenne, mais
possède aussi des éléments originaux. La symbolique y est
très forte. L’empereur trône à l’ouest de la tribune, face au
Christ de l’Apocalypse, et domine l’autel dédié à saint Pierre,
disposé à l’est.
❚❚ Analyse de documents
1. Charlemagne a souhaité faire construire la basilique d’Aix-la-
Chapelle car c’est un homme très pieux, mais aussi un souverain
qui cherche à se présenter comme le défenseur de l’Église
chrétienne. C’est pourquoi il veut édifier un chef-d’œuvre à la
hauteur des monuments romains.
2. Le complexe palatial d’Aix-la-Chapelle est un symbole du
pouvoir de l’empereur. En effet, il se compose de deux parties :
la salle de l’assemblée dont le rôle est politique, et la chapelle
dont la fonction est purement religieuse. Mais que ce soit dans
la salle de l’assemblée ou dans la chapelle, il possède un trône
qui le place en position de supériorité.
3. La chapelle met en scène l’autorité suprême de l’empereur.
En effet, le trône lui confère une position supérieure par rapport
à l’ensemble de l’édifice. Seule la voûte est une représentation
du Ciel, ornée de mosaïques représentant le Christ.
J A LON
Pouvoir politique
et magistère religieux :
le calife et l’empereur
byzantin aux ixe-xe siècles
❚❚ Introduction
Le second jalon, intitulé « Pouvoir politique et magistère
religieux : le calife et l’empereur byzantin aux ixe-xe siècles »,
cherche à décentrer le regard pour observer à l’époque
contemporaine et postérieure du règne de Charlemagne
l’articulation entre politique et religieux dans l’Empire byzantin
et en terre d’Islam. Le choix a été fait ici de se concentrer
sur les personnalités suprêmes, l’empereur et le calife. En
effet, ces deux figures rassemblent en leur main une autorité
politique et religieuse incontestée (étude p. 344-345). Pourtant
les situations politiques diffèrent : si l’empereur byzantin règne
sur la totalité de l’Empire, il n’y a pas un seul califat dans les
territoires islamiques. De même, il existe des patriarches dans
l’Empire byzantin (étude p. 346), mais il n’y a pas de véritable
clergé dans l’islam sunnite. En outre, dès le viiie siècle, la dynastie
califale omeyyade voit son autorité contestée, et de nouveaux
pouvoirs se développent dans les différentes régions sous
domination musulmane (Étude p. 347). Les choix opérés
privilégient l’approche comparative, sur la mise en scène des
pouvoirs politique et religieux, mais aussi sur le partage du
pouvoir et la contestation.
REPÈRES 2
Islam et orthodoxie
au Moyen Âge p. 342-343
❚❚ P
 résentation des documents et des liens
possibles entre eux
La double page repères souhaite tout d’abord contextualiser
la situation à l’aide de cartes. En effet, il faut en premier lieu
prendre la mesure de l’expansion de l’islam qui bouleverse les
sociétés méditerranéennes et orientales à partir du viie siècle. En
quelques décennies, l’ensemble du Moyen-Orient et de l’Afrique
du Nord passe sous le contrôle des souverains musulmans.
Mais le doc. 2 doit permettre de comprendre que cet espace
islamique n’est pas homogène d’un point de vue politique et
religieux. Ainsi, il existe plusieurs califats, émirats concurrents
qui ne pratiquent pas tous le même islam. Par exemple, le califat
fatimide est d’obédience chiite. Il existe donc des tensions aussi
de nature religieuse entre les différents territoires. Dans le doc. 3,
le calife est représenté comme une autorité religieuse qui doit
gérer les nombreuses minorités religieuses sur son territoire.
Le doc. 4 figure l’empereur Justinien en bâtisseur et, par là
même, comme le principal soutien de la religion chrétienne.
Axe 1 • Pouvoir et religion : des liens historiques traditionnels 147
 ❚❚ Réponses aux questions
1. L’islam se développe très rapidement au Moyen-Orient, en
Afrique et même en Europe. Ainsi, quelques décennies après
l’hégire, la totalité de la péninsule arabique, de l’Égypte et de la
Cyrénaïque, du Moyen-Orient et de la Perse est soumise à l’islam.
Au viiie siècle, l’expansion atteint le Maghreb, la péninsule ibérique
et l’Afrique du Nord. C’est donc une croissance très rapide, mais
cette unité se brise rapidement. Aux ixe et xe siècles, il existe de
nombreux États, califats et émirats concurrents, comme le califat
idriside, le califat fatimide ou les émirats persans.
2. On peut véritablement parler de théocratie pour désigner
l’Empire byzantin, car l’empereur est le lieutenant de Dieu sur
Terre, mais il jouit aussi d’une dimension de sainteté, comme
on peut le voir sur la mosaïque de la basilique Sainte-Sophie.
Il intervient continuellement dans la vie politique et religieuse
de l’Empire.
ÉTUDE
Le calife et l’empereur, mise en scène
du pouvoir politique et religieux
 p. 344-345
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
Cette étude entend comparer la mise en scène des pouvoirs
politiques et religieux dans le monde musulman (et à Bagdad en
particulier) et dans l’Empire byzantin, autour du cérémonial de
cour à Constantinople. Le choix a été fait d’une étude concrète,
autour d’un lieu et d’une pratique, pour rendre compte de
l’articulation entre pouvoir politique et magistère religieux.
Qu’est-ce qu’une théocratie ?
Une théocratie est un gouvernement où le titulaire de
la souveraineté est divin. Le terme est inventé par Flavius
Josèphe pour désigner l’idée que Dieu gouverne. En tant que
représentant de Dieu sur Terre, l’Empire byzantin est une
théocratie. Il faut cependant la distinguer d’un régime politique
fondé sur des principes religieux ou gouverné par des religieux.
Certains auteurs préfèrent alors parler de « hiérocratie », terme
proposé par Max Weber. Mais aujourd’hui, on parle souvent
de théocratie quand il y a confusion entre pouvoir politique
et religieux.
L’étude est divisée en deux parties. Deux documents s’intéressent
à la place du calife à Bagdad : le doc. 1 rappelle la forme circulaire
de l’organisation de l’espace dans la ville, autour du palais et de
la mosquée, les deux bâtiments étant contigus. Le texte d’Al Ya
Qubi (doc. 2) expose les volontés du calife Al-Mansur pour sa
capitale qu’il voulait exceptionnelle, organisée autour du palais.
La seconde partie focalise sur le cérémonial byzantin. Le doc. 3
rappelle que l’autorité religieuse est dans les mains de l’empereur,
accompagné des patriarches. Le doc. 4 issu de l’Antapodosis
de Liutprand de Crémone décrit l’incroyable cérémonie de
l’accueil des ambassadeurs auprès de l’empereur byzantin.
Le trône s’élève dans les airs, des lions mécaniques frappent
le sol de leur queue et rugissent. L’empereur ne s’adresse pas
directement aux visiteurs mais pas le biais de son logothète. Le
doc. 5 est un extrait d’un ouvrage de Michel Kaplan, spécialiste
de Byzance, qui explique que la Cour est un mystère « dans
lequel l’empereur s’efforce de jouer le rôle du Christ ».
148 Thème 5 • Analyser les relations entre États et religions
❚❚ Analyse de documents
1. La ville de Bagdad est organisée autour de la « Ville ronde »,
véritable centre de l’Empire, au milieu duquel sont construits le
palais du calife et la mosquée. De très nombreuses mosquées
sont édifiées partout dans la ville. Dans le quartier périphérique
de Dar al-Khilafa se trouvent le palais et la mosquée du calife.
2. Les deux souverains mettent en scène leur pouvoir de façon
à souligner l’unité entre la puissance politique et l’autorité
religieuse. À Bagdad, c’est l’architecture et l’urbanisme qui
marquent la centralité du calife, tandis qu’à Constantinople,
le cérémonial de cour fait de l’empereur un personnage
surhumain, s’élevant dans les airs tel un dieu.
3. Dans le cérémonial byzantin de réception des ambassadeurs,
tout est fait pour surprendre les visiteurs et donner une
impression surnaturelle : statues d’oiseaux qui s’animent, de
lions qui rugissent, trône de l’empereur qui s’élève dans le ciel.
C’est une façon de signifier la dimension divine de l’empereur.
ÉTUDE
Le partage de l’autorité religieuse
dans l’Empire byzantin p. 346
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
Cette étude s’appuie principalement sur un document,
l’Epanagoge de Basile et Léon (doc. 1). Il s’agit d’un code de loi
promulgué en 886, organisé en quarante volumes, couvrant
presque l’ensemble des sphères législatives. La partie traitant
des pouvoirs de l’empereur et du patriarche a été rédigée par le
patriarche Photios de Constantinople. C’est sans doute une des
raisons pour lesquelles les pouvoirs du patriarche apparaissent
beaucoup plus étendus que sous la législation de Justinien, que
ce soit dans son rôle vis-à-vis de l’empereur ou envers les autres
patriarcats (passage qui n’est pas reproduit dans le document).
La proskynèse (doc. 2)
Le geste de la proskynèse n’est pas propre à Byzance. Il est
d’origine perse : il s’agissait d’une forme d’adoration des dieux
ou de soumission envers le Grand Roi. Dans l’Empire byzantin,
la proskynèse est une partie du rituel faisant de l’empereur le
« vice-régent de Dieu sur Terre ». Les Byzantins perpétuent
cette tradition jusqu’à la disparition de l’Empire en 1453.
Le doc. 2 illustre une cérémonie de couronnement, ici celui
de l’empereur Michel Ier par le patriarche de Constantinople.
En effet, le patriarche de Constantinople a une position première
dans la hiérarchie des patriarches, c’est pourquoi il dirige la
cérémonie du sacre.
❚❚ Réponses aux questions
1. L’empereur et le patriarche de Constantinople sont deux
autorités religieuses importantes et étroitement liées : en
effet, l’empereur est le défenseur de l’Église, il est « l’autorité
légitime » quand le patriarche « est la vivante image du Christ ».
Les deux personnages ont un pouvoir religieux, car l’empereur
doit par exemple « interpréter les lois portées par les anciens ».
2. Le patriarche est tenu de défendre l’Église devant le
souverain : ainsi il a le devoir « de s’exprimer sans peur devant
l’Empereur quand il s’agit de proclamer et de défendre les
dogmes ». Le rôle du patriarche est donc spécifiquement de
s’exprimer sur les dogmes, quand l’empereur est un législateur
et un défenseur de l’Église.

ÉTUDE
La contestation de l’autorité
du calife p. 347
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
Cette étude souhaite montrer que, dans les terres d’Islam,
l’autorité politique et religieuse, normalement aux mains
du seul calife, personnalité suprême, est souvent remise en
cause. En effet, dès l’instauration du califat omeyyade, des
courants dissidents de l’islam émergent. La plus importante
scission est celle qui survient dès la mort de Mahomet, entre
sunnites et chiites.
Chiisme et sunnisme
La scission des deux grands courants de l’islam remonte à
la mort de Mahomet, en 632. Une des questions centrales
est celle de la nomination d’un successeur pour diriger la
communauté des croyants. Ceux que l’on qualifie plus tard
de chiites désignent Ali, gendre et fils spirituel de Mahomet,
au nom des liens de sang. Au contraire, les sunnites désignent
Abou Bakr, compagnon de Mahomet, qui devint le premier
calife de l’islam de 632 à 634.
LEÇON 2
Pouvoir et religion : des liens
historiques traditionnels p. 348-349
❚❚ P
 résentation des documents en lien
avec la problématique
Les documents accompagnant ce second cours « Pouvoir
et religion : des liens historiques traditionnels » permettent
de répondre à la problématique posée : « Comment les trois
civilisations méditerranéennes envisagent-elles la relation
entre pouvoir politique et religieux ? ».
Les liens entre pouvoirs politiques et religions sont
historiquement très anciens : depuis la plus haute Antiquité,
la religion représente un des fondements de l’autorité politique.
Ainsi, les pharaons de l’Égypte ancienne sont considérés
comme des dieux, de même que vies politique et religieuse
se mêlent étroitement dans la cité démocratique athénienne
au ve siècle avant J.-C. On peut parler de « religion civique ». Les
grands empires médiévaux développent la notion d’« empire
universel ». Charlemagne et les empereurs byzantins se
présentent comme les descendants directs des empereurs
romains. Le roi des Francs ressuscite ainsi l’empire romain
d’Occident disparu en 476, en soulignant l’étroite collaboration
entre l’empereur et la papauté. La mosaïque du palais de
Saint-Jean de Latran à Rome (doc. 1) souligne cette association
entre autorité spirituelle et pouvoir temporel. Les empereurs
byzantins sont les descendants directs des empereurs romains
d’Orient, et c’est la raison pour laquelle ils contestent d’abord
le titre d’empereur prêté à Charlemagne. L’Empire byzantin
est une véritable théocratie, l’empereur joue un rôle religieux
de premier plan. Dans les territoires islamiques, la référence
Le doc. 1 est un extrait des Régions de la Terre d’Al-Muqadassi qui
décrit la ville du Caire, capitale du califat fatimide chiite. C’est
une cité qui connaît un formidable développement au xe siècle :
« elle est la gloire de l’Islam et le centre commercial de l’Univers »
(l. 9-10). Mais il existe aussi de nombreux courants dans l’islam,
que les califes combattent ou tolèrent. Ainsi le doc. 2 soulève
l’exemple de l’exécution de Mansur al-Hallâdj, mystique persan
soufi. En effet, les communautés soufies sont souvent persécutées
pour leurs pratiques mystiques. Cependant, une ville comme
Le Caire peut abriter une mosquée aussi impressionnante que
la mosquée al-Hakim (doc. 3), construite par les califes fatimides.
❚❚ Réponses aux questions
1. Le calife abbasside doit composer avec des pouvoirs
concurrents et des courants de l’islam qui ne reconnaissent
pas son autorité : c’est le cas des différents califats qui
apparaissent dans les territoires islamiques, notamment le califat
fatimide, chiite, qui ne reconnaît pas l’autorité des pouvoirs
sunnites. Mais il existe aussi des groupes moins nombreux
démographiquement, comme les soufis, que les califes souvent
combattent ou répriment.
2. Le soufisme a une place particulière au sein de l’islam, en
marge et souvent contestée par les autorités. C’est le cas par
exemple de Mansur al-Hallâdj, exécuté en 922 sur ordre du
calife de Bagdad.
impériale n’est pas celle de l’Empire romain mais beaucoup
plus le développement d’une religion à l’échelle mondiale.
Le calife est le successeur de Mahomet et s’impose comme
un chef spirituel mais aussi un défenseur des lieux saints de
l’islam que sont Jérusalem, Médine ou La Mecque.
La Kaaba (doc. 2)
La Kaaba est un lieu sacré du culte musulman au sein de la
Grande mosquée de La Mecque. Le terme « Kaaba » signifie
« le cube ». C’est vers ce monument que prient les Musulmans.
D’origine préislamique, la Kaaba était à l’origine un lieu de culte
d’idoles, puis symbole de la fin du culte des idoles. La Kaaba a
été plusieurs fois détruite, mais c’est aujourd’hui le lieu saint le
plus important de l’islam, notamment lors du pèlerinage et des
sept tours que doivent accomplir les pèlerins autour de la Kaaba.
Le schéma fléché au bas de la p. 349 a pour objectif de replacer
les études de l’axe 1 dans une organisation plus systémique.
Il donne du sens au travail d’exemples réalisé dans les pages
précédentes puisqu’il participe à illustrer la leçon sur les liens
historiques traditionnels entre pouvoir et religion. Ce peut
être un bon point d’appui pour la préparation d’un sujet
de composition susceptible d’être proposé à l’examen (par
exemple : à partir des exemples étudiés en classe, montrez
que pouvoir et religion entretiennent des liens historiques).
Axe 1 • Pouvoir et religion : des liens historiques traditionnels 149
 THÈME 5
AXE 2 États et religions : une inégale sécularisation
OUVERTURE p. 350-351
❚❚ Introduction
Au cœur du deuxième axe du thème 5 se pose la question
contemporaine de « l’inégale sécularisation des sociétés ».
En effet, la problématique ici développée est la suivante :
« Comment la question de la place de la religion dans l’espace
public est-elle différemment envisagée selon les États ? ».
La sécularisation désigne un phénomène historique par lequel
une séparation s’instaure progressivement entre le domaine
religieux et le domaine public, avec l’abandon par les Églises de
fonctions qu’elles remplissaient dans la société civile ou politique.
Ce processus de perte d’influence sociale de la religion dans
les sociétés contemporaines est particulièrement observable
en Europe, notamment en France où toutes les statistiques
constatent la baisse de la pratique religieuse, mais se vérifie
moins aux États-Unis par exemple. Si l’exemple de la Turquie de
Mustafa Kemal peut montrer un lien étroit entre modernisation
de la société et sécularisation, il ne faudrait pas faire de cette
association une règle. Dans les sociétés contemporaines, à
l’échelle mondiale, on assiste aussi à un « retour du religieux ».
On pourrait donc souligner à la suite de Jean-Paul Willaime que
le processus de sécularisation « manifeste, dans le contexte de
la mondialisation, une reconfiguration globale du religieux, du
politique et du culturel. »
Appartenance et pratique religieuses
La question de la sécularisation peut poser des problèmes
méthodologiques : en effet, il faut distinguer appartenance
religieuse et pratique religieuse. Ainsi, dans une étude de
l’institut de sondage Gallup, 37 % des Français se déclaraient
religieux, 34 % se déclaraient « non religieux » et 29 % « athées
convaincus ».
❚❚ Réponses aux questions
1. En Turquie, le processus de sécularisation est brutal. En
effet, les « Jeunes Turcs » décident en 1924 d’ordonner au
calife Abdülmecid, l’autorité suprême de l’islam dans l’Empire
ottoman, de céder le pouvoir. Cette véritable révolution marque
la perte d’influence de l’autorité religieuse dans un pays où
l’islam est pourtant extrêmement présent. C’est une volonté
du président Mustafa Kemal de distinguer progressivement
pouvoir politique et autorité religieuse.
150 Thème 5 • Analyser les relations entre États et religions
2. Si l’État américain ne subventionne aucun culte et que,
par conséquent, État et religion sont très nettement séparés,
la religiosité est très visible dans tous les symboles de la vie
publique et dans la sphère politique. Le doc. 2 montre la
présence de la devise « In God We Trust » au Congrès américain.
Cette formule apparaît pour la première fois sur des pièces
de monnaie en 1864 mais ce n’est qu’en 1956 que le Congrès
adopte une loi faisant de celle-ci une des devises nationales.
Le 1er novembre 2011, la chambre des représentants des États-
Unis a voté une résolution réaffirmant la devise nationale
« In God We Trust » et un représentant républicain de Virginie
a un projet de résolution visant à la faire afficher dans tous les
lieux publics, écoles et institutions gouvernementales.
J A LON
La laïcité en Turquie :
l’abolition du califat en 1924
par Mustafa Kemal
❚❚ Introduction
Ce premier jalon de l’axe 2 permet d’aborder la question de la
sécularisation avec un cas exemplaire, celui d’une sécularisation
« forcée », décidée par Mustafa Kemal pour transformer en
profondeur la société turque marquée par plusieurs siècles
de sultanat ottoman. Atatürk, après la proclamation de la
république turque, souhaite instaurer un programme de
modernisation qui passe par une sécularisation de la société
turque et la mise en place d’une laïcité inspirée du modèle
français : exclure le pouvoir religieux de la sphère politique
et de l’État. L’abolition du califat (p. 354-355) est une étape
essentielle de ce programme ; elle est suivie de toute une
série de réformes dans les années 1920 (p. 356-357). Mais il
est difficile pour les élèves de comprendre cette véritable
révolution politique et sociale sans replacer l’événement dans
le contexte des lendemains de la Première Guerre mondiale,
du traumatisme du traité de Sèvres, du démantèlement de
l’Empire ottoman et de la guerre gréco-turque qui prend fin
avec la signature du traité de Lausanne en 1923.
 REPÈRES 1
La Turquie au lendemain
de la Première Guerre mondiale p. 352-353
❚❚ P
 résentation des documents et des liens
possibles entre eux
Les repères de ce jalon doivent permettre de rappeler le
contexte de la Turquie à la veille de l’arrivée au pouvoir de
Mustafa Kemal. L’Empire ottoman est profondément marqué
par la défaite lors de la Première Guerre mondiale et de la guerre
gréco-turque (doc. 1). Beaucoup de membres des communautés
non turques du pays, Grecs ou Arméniens, quittent le pays. Cette
recomposition démographique du pays (doc. 2) en fait un État-
nation qu’il n’était pas au temps de l’Empire ottoman (avec une
forte communauté kurde à l’est). Mais les dernières années de
l’Empire ottoman avaient été marquées par le développement
d’un mouvement nationaliste, les « Jeunes Turcs » (doc. 4) dont
les principes se retrouvent dans le kémalisme tel qu’il se met en
place à partir de l’abolition du sultanat ottoman en 1922 : les
« six flèches » du kémalisme (doc. 3) sont ainsi le nationalisme,
le républicanisme, le populisme, le rôle de l’État, la laïcité et la
révolution. Ce sont ces principes qui entrent en contradiction
avec le maintien du califat comme autorité religieuse suprême
et mènent à sa suppression et à l’instauration d’une république
laïque.
❚❚ Réponses aux questions
1. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, la Turquie
connaît des transformations profondes. D’une part, l’Empire
ottoman est complètement démantelé, à tel point que le
traité de Sèvres n’est pas ratifié. Un groupe de militaires, dont
fait partie Mustafa Kemal, crée un contre-pouvoir à Ankara
et renverse le sultanat en 1922. La guerre gréco-turque qui
se termine en 1923 voit aussi de nombreuses communautés
comme les Turcs ou les Arméniens quitter le pays.
2. Dans l’esprit des réformateurs turcs comme Mustafa Kemal,
la religion n’est pas un aspect essentiel de la construction de
l’État. Beaucoup considèrent que l’islam fait partie de la culture
turque, mais que la religion n’a pas sa place au sein de l’État.
ÉTUDE
L’abolition du califat et la mise en place
de la République turque p. 354-355
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
Cette étude vise à examiner la période de transition entre
l’Empire ottoman et la Turquie laïque, processus qui prend
quelques années, entre le démantèlement de l’empire au
traité de Sèvres en 1920 et la disparition définitive du califat
en 1924. Le traité de paix signé par le sultan Mehmed VI n’a
en effet jamais été ratifié ni appliqué. Une révolte, menée
notamment par Mustafa Kemal, crée un contre-pouvoir à
Ankara et le sultanat est renversé le 1er novembre 1922 (doc. 1)
pour mettre en place une république le 29 octobre 1923.
L’autorité suprême du calife reste entre les mains d’Abdülmecid
II jusqu’en 1924, date à laquelle la décision est prise d’abolir
définitivement le califat, l’institution religieuse suprême mise
en place après la mort de Mohammed. La Constitution turque
(doc. 2) proclame la liberté de conscience et introduit à partir
de 1937 le terme de « laïcité ». Pour Mustafa Kemal, qui est
avant tout un nationaliste, le califat donne une responsabilité
sur l’ensemble des musulmans du monde, ce qui est contraire
à la politique turque d’Atatürk (doc. 3). L’abolition du califat fut
un événement très largement relayé, notamment en France
qui était un modèle pour la Turquie (doc. 4). Le commentaire
en Une du Petit Journal est à cet égard tout à fait intéressant :
il évoque la rupture à travers l’expression « le dernier lien avec
le passé ». En France, l’abolition du califat est donc perçue
comme une étape dans le processus de modernisation du pays.
Sultanat et califat en Turquie (frise)
Dans l’Empire ottoman, il faut distinguer les termes de « califat »
et de « sultanat » pour comprendre pourquoi en Turquie le
sultanat est supprimé en 1922 et le califat en 1924. Si « calife »
est le terme utilisé pour qualifier les successeurs de Mohammed,
celui de « sultan » apparaît vers l’an mil pour désigner un
souverain qui n’aurait pas l’autorité suprême du calife. Les
Ottomans sont une dynastie de sultans, mais Selim Ier prend
le titre de calife. Pour les Ottomans, l’appellation « calife » est
rattachée à l’autorité religieuse tandis que celle de « sultan »
est plus proprement politique.
❚❚ Analyse de documents
1. La Turquie de Mustafa Kemal s’engage dans une politique de
séparation nette entre l’État et la religion. L’abolition successive
du sultanat, puis du califat, illustre la volonté de rompre avec la
tradition issue de la période ottomane. En effet, la Constitution
turque de 1924 indique dans l’article 75 que nul ne peut être
incriminé pour ses croyances philosophiques et religieuses et
les ajouts de 1937 précisent que la Turquie est laïque.
2. Pour Mustafa Kemal, l’abolition du califat est une nécessité :
la responsabilité liée à cette institution implique une autorité sur
la totalité des musulmans du monde, c’est-à-dire 300 millions de
personnes. Or, pour Atatürk, les Turcs doivent se concentrer sur
leur propre État. La politique de Mustafa Kemal est incompatible
avec le fonctionnement du califat.
3. Le programme d’Atatürk est à la fois nationaliste et laïque.
Il est nationaliste car le président souhaite se concentrer sur la
population turque, et non jouir d’une autorité sur l’ensemble
des musulmans du monde. De plus, la laïcité correspond à sa
conception de la modernité suivant laquelle la religion n’a pas
de place au sein de l’État. C’est pourquoi la mention « la religion
de l’État turc est l’islam » disparaît de la Constitution de 1928
et que le principe de laïcité est réaffirmé en 1937.
ÉTUDE
La laïcité turque
selon Mustafa Kemal p. 356-357
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
Cette étude vise à comprendre le projet politique de Mustafa
Kemal dans l’application de la laïcité. Peu après la disparition
du califat, Atatürk entreprend de nombreuses réformes qui
Axe 2 • États et religions : une inégale sécularisation 151

transforment en profondeur la société turque. C’est un processus
qui prend une dizaine d’années et qui modifie à la fois le rapport
de la Turquie à ses racines culturelles mais aussi la place des
femmes dans la société. La sécularisation passe bien sûr par
une réflexion sur le poids de la religion dans la société, mais
surtout dans l’État. À cette dernière question, Atatürk répond,
dans le doc. 2, que l’État ne doit pas avoir de religion propre,
mais assurer la justice à toutes ses communautés religieuses.
En revanche, il ordonne la fermeture de toutes les structures
religieuses tels les cloîtres ou les mausolées, de même qu’il
abolit les titres religieux. C’est une façon de rendre à l’État, et
à l’État seul, la capacité de distinguer le statut des personnes
(doc. 1). François Georgeron rappelle dans le doc. 3 que,
pour Mustafa Kemal, la laïcité est un élément essentiel de la
modernisation de la société. C’est aussi dans cette dynamique
qu’il abandonne l’alphabet turc pour adopter un alphabet latin :
cette modernisation se fait sur le modèle occidental (doc. 1
et 5). Mais la Turquie est aussi un des pays qui donne, dix ans
avant la France, le droit de vote aux femmes, en 1934 (doc. 4).
Le droit de vote des femmes en Turquie (doc. 4)
La participation des femmes au Parlement turc est une réalité
dès l’adoption du droit de vote et d’éligibilité des femmes
dans l’État turc. En effet, en 1935, 4,5 % des députés étaient
des femmes. Jusqu’aux élections de 2011, la présence des
femmes au Parlement était inférieure à 10 %, mais on compte
aujourd’hui 104 femmes parmi les 595 députés, soit 17,4 %
(contre 39 % à l’Assemblée nationale française).
❚❚ Analyse de documents
1. Les principes de la laïcité selon Mustafa Kemal sont avant
tout la protection de l’ensemble des communautés religieuses.
Mais le respect de la liberté d’opinion et de conscience passe
aussi par le contrôle des institutions islamiques qui ont gardé
un poids important. C’est pourquoi les établissements religieux
sont fermés ou mis sous tutelle de l’État.
2. Pour Mustafa Kemal, toute société moderne doit être
laïque car elle doit se détacher de l’autorité religieuse. Ainsi,
la sécularisation est une étape nécessaire au progrès social
et économique : les femmes obtiennent des droits égaux
aux hommes, les signes extérieurs d’appartenance religieuse
sont bannis.
❚❚ Bilan
Les réformes de Mustafa Kemal sont une véritable révolution
politique et sociale en Turquie. En effet, l’État est désormais
totalement indépendant des institutions religieuses et de
nombreux établissements religieux sont fermés. Mais, au-
delà d’une politique qui s’oppose aux anciennes structures
islamiques, c’est aussi une transformation en profondeur
du paysage politique : les femmes obtiennent le droit de
vote en 1934 et entrent au parlement. Il s’agit également
d’une transformation sociale fondamentale avec l’abandon
de l’alphabet turc au profit de l’alphabet latin, l’interdiction
du port du fez ou l’abolition du calendrier de l’hégire pour le
calendrier grégorien. Pour Mustafa Kemal, la modernisation
passe donc par l’abandon des pratiques traditionnelles et une
forme d’occidentalisation de la société.
152 Thème 5 • Analyser les relations entre États et religions
J A LON
États et religions
dans la politique intérieure
des États-Unis depuis
la Seconde Guerre mondiale
❚❚ Introduction
Dans le cadre de l’axe 2 du thème 5, un second jalon est intitulé
« États et religions dans la politique intérieure des États-Unis
depuis la Seconde Guerre mondiale ». Il s’agit, avec le cas
états-unien, d’étudier une relation État-religions dans un
environnement marqué par une forte religiosité, mais aussi
par la diversité des croyances et un processus toujours en cours
de sécularisation de la société. Il convient aussi d’insister sur
l’impact de cette relation en matière de politique intérieure.
Ainsi, dans la double page repères 2 est présentée une société
marquée par une forte religiosité, un pluralisme religieux (p. 358-
359) dont les moteurs s’inscrivent dans l’histoire des États-Unis
et des processus de mutations en cours. Une première étude
aborde la question de l’émancipation des Afro-Américains
sous le prisme religieux (p. 360-361) en montrant le rôle des
Églises chrétiennes et de l’islam dans la reconnaissance des
droits civiques. La seconde étude présente le compromis laïque
états-unien dans le cadre d’une omniprésence du religieux au
sein de l’espace public et d’une religion civile permettant à tous
de se reconnaître dans les valeurs républicaines (p. 362-363).
Enfin, une dernière étude est l’occasion de présenter la position
et l’attitude ambiguës de l’administration Trump à l’égard du
religieux dans un contexte marqué par un recul de la pratique
religieuse et l’essor des nones (p. 364-365).
REPÈRES 2
Les États-Unis, le pays
du pluralisme religieux p. 358-359
❚❚ P
 résentation des documents et des liens
possibles entre eux
Cette double page repères est intéressante car elle est l’occasion
de présenter l’environnement religieux des États-Unis. Le doc. 1
illustre la diversité religieuse du pays qui donne le sentiment
d’une vraie mosaïque malgré une large représentation des
dénominations chrétiennes. Ce doc. 1 est à mettre en relation
d’abord avec le doc. 4 qui insiste sur la forte religiosité de la
société américaine, surtout si on la compare avec celle d’un
autre pays occidental comme la France ou d’une puissance
émergente comme l’Inde. Toutefois, ce document peut aussi
faire l’objet d’une seconde lecture illustrant le recul lent, mais
régulier, de cette même religiosité, témoin d’une sécularisation
progressive de la société. La carte des territoires du religieux
aux États-Unis (doc. 3) laisse apparaître la persistance d’une
forte pratique et présence religieuse dans ce que l’on nomme la
Bible Belt, la « ceinture de la Bible » qui désigne les États du Sud
où le protestantisme évangélique (baptisme, méthodisme, etc.)
domine, souvent avec une forte composante fondamentaliste.
Cette carte est nettement marquée par l’histoire du peuplement
et de l’immigration américaine.
 Le protestantisme américain (doc. 1)
Depuis les origines, le protestantisme est la religion dominante
aux États-Unis où il représente toujours environ la moitié de la
population actuelle. Toutefois, centré sur une foi personnelle et
la lecture individuelle de la Bible, ou encore la liberté de choisir
son Église, le protestantisme est, dès l’arrivée des premiers
migrants (anglicans, puritains), diversifié. Aux xviiie et xixe siècles,
cette diversité s’accentue à la faveur de mouvements spirituels
visant à « réveiller » la foi à l’origine de l’évangélisme. Invitant
à une lecture accrue de la Bible et à une vie plus chrétienne,
il repose lui-même sur différentes dénominations (méthodisme,
baptisme). Ces Églises ont un fort impact sur la prédication
qu’elles transforment souvent en manifestations marquées par
la théâtralité et l’émotion collective. Aujourd’hui, l’évangélisme
prospère, avec ses prédicateurs, le télévangélisme ou les
megachurches, notamment au sein de la Bible Belt où se
situe l’essentiel de ses multiples Églises aux doctrines variables.
Le protestantisme actuel regroupe les Églises évangéliques,
les Églises mainline (issues des premières formes du
protestantisme) et les Églises noires. Il a profondément marqué
la société américaine, notamment en ce qui concerne ses
valeurs (respect des libertés, de la responsabilité individuelle)
ou la définition d’une culture politique très identitaire, celle
du White anglo-saxon protestant (WASP) qui définit le « vrai
Américain » comme blanc, d’origine britannique et protestant.
La photographie du doc. 2 illustre cette prégnance de
l’évangélisme dans les États du Sud. Elle prend ici la forme de
cérémonies de baptêmes publics dans le cadre de megachurches,
églises pouvant accueillir plusieurs centaines, voire plusieurs
milliers, de fidèles à l’occasion de prédications ressemblant à
de véritables shows.
Les megachurches
Les megachurches sont des églises, souvent issues des divers
courants évangéliques, qui accueillent plus de 2 000 personnes
lors des offices. Certaines d’entre elles sont aussi désignées
comme des gigachurches pouvant rassembler des dizaines
de milliers de fidèles lors de fervents offices. Apparues dans
les années 1950, les megachurches se révèlent surtout dans
les années 1980 grâce à leurs télévangélistes vedettes dont les
prêches sont également diffusés par câble et satellite. Certaines
de ces « méga-églises » sont de véritables puissances financières
jouant parfois un rôle politique important, notamment lors
des élections de R. Reagan ou G. W. Bush (Pat Robertson, Jerry
Falwell). Celles-ci investissent aussi le champ culturel et éducatif
en proposant différents services aux fidèles (bibliothèques,
garderies, gymnases, etc.). Selon l’historien S. Fath, auteur de
Dieu XXL. La révolution des megachurches (2008), les États-
Unis compteraient environ 1 200 lieux de culte de ce genre.
❚❚ Réponses aux questions
1. Les États-Unis sont une « mosaïque religieuse » car le doc. 1
montre la grande diversité de l’offre religieuse. Même si le
christianisme, sous diverses dénominations, domine largement,
l’immigration américaine s’est accompagnée d’une vraie
diversification des cultes. On retrouve cette diversité sur le plan
géographique puisque les différentes religions se répartissent
sur tout le territoire. Toutefois, l’histoire du pays explique la forte
concentration du protestantisme évangélique dans les États
du Sud ou encore celle de protestantismes historiques comme
le culte anglican ou luthérien sur la côte Est. On remarque
également, notamment à l’est et à l’ouest, les territoires
les plus ouverts sur l’extérieur, la présence de nombreuses
communautés religieuses non protestantes.
2. La religiosité permet d’évoquer la pratique religieuse. Aux
diverses questions posées à ce sujet, on constate que les taux
de réponses élevés correspondent à une pratique avérée. Il est
intéressant de comparer ces taux avec ceux d’un autre pays
occidental comme la France. Sans conteste, la religiosité est plus
forte aux États-Unis qu’en France. La comparaison avec l’Inde,
pays émergent et très religieux, est aussi instructive car elle
fait apparaître certains points communs tels une croyance en
Dieu répandue au sein de la société, ou une pratique du culte
largement partagée. Enfin, la photographie du doc. 2 renvoie
à la ferveur religieuse américaine que l’on peut observer dans
les megachurches, de vastes églises qui ressemblent à des
salles de concert.
3. Il est intéressant de constater que la pratique religieuse
américaine semble quelque peu s’émousser au fil des années.
La comparaison des pourcentages concernant la pratique
religieuse depuis 1992 atteste d’un lent et durable processus
de recul de cette même pratique qui reste néanmoins élevée.
On peut associer à cela le chiffre de plus de 22 % d’Américains
se déclarant non croyants, c’est-à-dire sans affiliation religieuse.
❚❚ Bilan
La réponse peut s’organiser autour des éléments de plan
suivants :
Dans une première partie, il est intéressant de dresser le constat
d’une forte empreinte du religieux aux États-Unis. En effet, il
convient de montrer d’abord la grande diversité du fait religieux
états-unien en mettant en avant une forte domination des
religions chrétiennes tout en précisant qu’il s’agit du « pays de
toutes les religions du monde » (I. Richet). Ces caractéristiques
religieuses se retrouvent logiquement sur les territoires états-
uniens où l’on remarque à la fois la domination du christianisme
et la diversité des communautés religieuses.
Dans un second temps, il apparaît nettement que cette
diversité religieuse a un fort impact sur la religiosité des
Américains. En effet, si on la compare avec celle d’un autre
pays occidental comme la France, on constate une plus forte
pratique et adhésion aux rites religieux quels qu’ils soient.
Dans ce domaine, les États-Unis se rapprochent plutôt des
Non-Occidentaux où la présence du religieux est également
avérée. Cela donne notamment lieu à des formes de religiosité
tout à fait caractéristiques comme ce peut être le cas au sein
des pratiques évangéliques. Toutefois, il convient d’insister sur
le fait que, malgré sa persistance, cette religiosité semble en
recul constant depuis les années 1990.
ÉTUDE
Religions et émancipation des
Afro-Américains aux États-Unis depuis
la fin de la Seconde Guerre mondiale
 p. 360-361
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
L’étude de la question afro-américaine est un moyen
particulièrement adapté pour observer le jeu de relations entre
Axe 2 • États et religions : une inégale sécularisation 153
 « État et religions dans la politique intérieure des États-Unis
depuis la Seconde Guerre mondiale ». Elle donne à observer
non seulement le rôle social et politique des religions, mais
également leurs mutations durant la seconde partie du
xxe siècle et le début du xxie siècle. La frise chronologique met
en perspective ce sujet depuis la période esclavagiste jusqu’à
la situation contemporaine en passant par le temps de la
ségrégation (l’article accompagnant la vidéo de Barack Obama
chantant Amazing Grace la complète). En effet, historiquement, le
christianisme a accompagné les populations noires américaines
dont l’histoire est étroitement liée à l’esclavagisme. Les Afro-
Américains, terme utilisé depuis la fin des années 1980, aussi
appelés Noirs américains ou Africains-Américains, sont les
descendants des esclaves arrivés aux États-Unis à partir du
xvie siècle. La lutte pour la reconnaissance des droits civiques
a été longue et les Églises chrétiennes fondées par les Noirs y
ont joué un rôle important, tout comme l’islam. Les documents
présentés ici retracent le rôle des religions dans l’émancipation
des Afro-américains dans le contexte d’une Amérique des
années 1950-1960 encore très ségréguée et raciste.
L’islam aux États-Unis
Troisième religion aux États-Unis, l’islam regroupe environ
4 millions de personnes, soit 1,3 % de la population. Le pays
compterait environ 1 250 mosquées dont plus de la moitié a
été édifiée ces vingt-cinq dernières années. Si l’islam apparaît
dès la fin du xixe siècle sur le sol américain, le courant religieux
se structure surtout à partir des années 1920-1930 avec, par
exemple, la Nation of Islam. Jusqu’à nos jours, c’est l’immigration
qui est le moteur essentiel de la progression musulmane
aux États-Unis, même si la grande majorité des musulmans
américains nés aux États-Unis sont Afro-Américains. Durant
les années 1960, à la faveur de la lutte pour les droits civiques,
l’islam sert de vecteur à la diffusion d’une pensée plus radicale.
Dans la mouvance de Nation of Islam se développe notamment
le mouvement des black muslims hostile à l’intégration des
Noirs dans la société américaine. Sous l’impulsion de Malcom X
(1925-1965), le mouvement connaît un réel succès et se
développe considérablement, aussi avec la conversion du
boxeur Cassius Clay qui se rebaptise Mohammed Ali (1964).
La plupart des membres des black muslims sont d’anciens
chrétiens ne connaissant pas l’arabe. Pour eux, le christianisme
est la religion des Blancs. Ils se distinguent par une vie exemplaire
(pas d’alcool, pas de drogue, pas d’excès alimentaire, etc.). Ils
revendiquent alors une vision communautariste de la société
et refusent toute idée d’intégration sociale. Aujourd’hui, les
associations musulmanes sont nombreuses aux États-Unis et
la plupart des musulmans américains sont relativement bien
intégrés au reste de la société. Pourtant, les études sociologiques
montrent que de nombreux Américains ont une vision négative
de l’islam, considérant qu’elle est une religion très différente
de la leur. De leur côté, les musulmans gardent un rôle actif
dans la politique intérieure, puisque selon l’Associated Press,
50 % des Américains musulmans se sont portés candidats à
des mandats électoraux lors des primaires de 2018 (source :
HuffPost, 18 juillet 2018). Leur objectif est de lutter légalement
contre l’islamophobie et la rhétorique anti-musulmane de
certains hommes politiques, en premier lieu Donald Trump.
Le doc. 1 est un extrait du célèbre discours prononcé par le
pasteur Martin Luther King le 28 août 1963. Il y dénonce le
fait que, un siècle après l’abolition de l’esclavage (1865), la
société américaine soit si marquée par la ségrégation raciale
154 Thème 5 • Analyser les relations entre États et religions
et le racisme. On peut rapprocher le discours de M. L. King du
doc. 2 dont la photographie relate une réunion du Klu Klux
Klan, organisation suprémaciste blanche créée aux États-Unis
en 1865, qui s’est développée notamment dans les États du
Sud. Le doc. 3 contextualise l’influence de la Black Church
dans l’émancipation des Noirs américains. Accompagnant
d’abord les populations noires réduites en esclavage, elle
joue un rôle moteur dans le combat pour l’égalité des droits.
Nombreux ont été les pasteurs, comme M. L. King, à occuper
une place primordiale dans cette lutte pacifiste. En réaction
à un christianisme jugé trop occidental, et donc proche des
anciens esclavagistes, l’islam peut apparaître plus adapté pour
gagner l’émancipation (doc. 4).
Le doc. 4 montre que les Églises afro-américaines jouent encore
aujourd’hui un rôle majeur d’ascenseur social.
❚❚ Réponses à l’activité
1. Les doc. 1 et 2 opposent deux usages de la religion à des
fins inverses. Prononcé le 28 août 1963, au terme d’une marche
pour le centenaire de l’abolition de l’esclavage aux États-Unis,
le discours de M. L. King, devant plus de 250 000 personnes
et de nombreux médias, a une large portée : un an plus tard,
la ségrégation est abolie. Le message adressé à la nation est
simple. M. L. King réclame leur dû pour les Noirs américains
car, 187 ans après la création des États-Unis d’Amérique,
« le moment est venu de tenir les promesses de la démocratie ».
Le jugement est sévère à l’encontre des Blancs qui représentent
une « Amérique [qui] a manqué à cet engagement en ce qui
concerne ses citoyens de couleur ». M. L. King structure son
discours par des références aux pères de la nation (A. Lincoln)
et à la Bible ou encore à l’exceptionnalisme états-unien afin de
présenter la fin de la ségrégation comme une nouvelle étape
de l’histoire des États-Unis. Pasteur baptiste, M. L. King sait faire
appel à l’émotion. Ce discours peut être considéré comme un
chant ou un sermon ayant recours à de nombreuses figures
de style pour interpeller et convaincre. Les répétitions et les
métaphores scandent un texte surtout marqué par la phrase
devenue célèbre – « Je fais un rêve » – répétée sept fois durant
les 17 minutes que durera son allocution. Ce texte aura un fort
impact sur les populations noires et semble avoir convaincu
une majorité de Blancs de la nécessité d’abolir la ségrégation.
À l’inverse, le doc. 2 illustre une instrumentalisation de la religion
chrétienne par les ségrégationnistes du Ku Klux Klan. La croix
en flamme, les tenues (longues robes et capuches) héritées
des pénitents du Moyen Âge font référence à des racines
chrétiennes, même si le discours rejette les catholiques au
nom de la défense des WASP (White anglo-saxon protestants).
2. La recherche personnelle amène les élèves à constituer des
fiches biographiques simples.
❚❚ Bilan
La religion, au sens large, a joué un rôle majeur dans l’émancipation
des Afro-Américains depuis la Seconde Guerre mondiale.
Les Églises chrétiennes, d’abord, ont abrité le combat et l’ont
parfois accompagné (rôle de Martin Luther King), même si la foi
chrétienne a également été instrumentalisée par des groupes
hostiles à l’émancipation (Ku Klux Klan). L’islam est aussi devenu un
outil du combat, même s’il relevait quelquefois de revendications
identitaires. Aujourd’hui encore, les Églises chrétiennes restent
des lieux importants pour les communautés afro-américaines.
Elles représentent un ascenseur social, comme le montre le rôle
de la Black Church dans l’ascension de Barack Obama.
L’exemple de l’émancipation des Afro-Américains est significatif
des liens entre religion et politique aux États-Unis, comme
le prouve le nombre d’assassinats d’hommes politiques ou
religieux tués parce qu’ils ont participé activement à ce combat :
Abraham Lincoln, Martin Luther King…
ÉTUDE
Des religions actrices de la politique
intérieure américaine ? p. 362-363
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
Les États-Unis représentent un modèle original de laïcité où
la religion n’est pas en opposition avec la modernité et la
démocratie. Le doc. 1 rappelle la neutralité de l’État fédéral
dans le domaine religieux et garantit la liberté de culte.
Un compromis laïque en débat au sein
de l’espace public ? (doc. 1)
La langue anglaise ne possède pas d’équivalent au terme
« laïcité » qui est désigné par celui de « secular ». L’idée de
séparation entre le religieux et le politique est formalisée
dès le xviiie siècle. Si la Déclaration d’indépendance (1776)
fait référence à Dieu, ce n’est pas le cas de la Constitution
(1787). C’est l’amendement de 1790 qui précise la clause de
non-établissement, c’est-à-dire la non-reconnaissance d’une
religion officielle, et définit le « mur de séparation » entre Église
et État. Dès le début, ce compromis laïque au niveau fédéral
crée des tensions nombreuses dans les États et la Cour suprême
qui doit, à plusieurs reprises, s’imposer pour faire respecter
le 1er amendement (lois fédérales de 1862, 1874, 1878). Ces
dernières années, à la faveur de l’essor de l’évangélisme et du
fondamentalisme, les critiques et les tentatives d’atteinte au
« mur de séparation » se sont multipliées parfois portées par
des personnalités politiques (William Rehnquist). L’école est un
des réceptacles de ces tensions autour de thèmes récurrents
tels que les aides de l’État aux écoles confessionnelles, le rejet
de certains objets d’enseignement (les théories de l’évolution)
ou encore l’interdiction de la prière.
Dans un contexte de pluralisme religieux, et d’une religiosité
qui reste forte, ce compromis laïque favorise l’existence de
toutes les religions sans en avantager une seule. Il permet
aussi l’expression de pratiques et de symboles définissant une
religion civile à laquelle s’identifient les Américains (doc. 2).
Le rôle de la Cour suprême des États-Unis (doc. 5)
C’est le sommet du pouvoir judiciaire et la dernière juridiction
d’appel des États-Unis. Elle est composée de neuf membres,
nommés à vie par le président des États-Unis en accord avec
le Sénat. Elle est compétente en matière constitutionnelle
et agit sur les cas relevant de la loi américaine. Son action
est importante pour influer sur la législation dans un sens
« progressiste » ou plus « conservateur ». En matière de laïcité,
la Cour suprême a varié selon les présidences. Ainsi a-t-elle
défendu une conception stricte du « mur de séparation » sous
la présidence d’Earl Warren (1953-1969) alors qu’avec William
Rehnquist (1986-2005), plus conservateur, ses positions le furent
moins. Depuis l’élection de D. Trump (2016), la Cour suprême
semble de nouveau prendre un virage conservateur plus
favorable notamment aux revendications des évangéliques.
Pourtant, l’équilibre est fragile et les doc. 3 et 4 permettent
d’aborder quelques débats récents ayant questionné le
« mur de séparation » dans l’espace public (doc. 5) ou dans
l’environnement scolaire (doc. 4). Ces divergences attestent
des mutations d’une société où semblent s’exprimer certaines
crispations identitaires. Le doc. 4 illustre à lui seul toute
l’originalité de ce compromis laïque ainsi que la particularité
de la religion civile américaine. Ces questions ont aujourd’hui un
fort impact sur la vie politique états-unienne et une résonance
particulière dans le débat politique à tous les niveaux de l’État.
❚❚ Réponses à l’activité
Les caractéristiques de la laïcité américaine : comme le précise
le doc. 1, le 1er amendement de la Constitution des États-Unis
ne reconnaît, ni ne privilégie, aucune religion et garantit son
« libre exercice ». C’est dans ce sens que l’on peut comprendre
la devise « In God We Trust » présente sur le billet de 1 dollar
(doc 2) ou la volonté d’Ilhan Omar de revendiquer le port du
voile lors de sa prestation de serment puis au Congrès où elle
a été élue en 2018 (doc. 4).
Une application de la laïcité source d’interprétations et de
débats : la laïcité présentée précédemment ne va pas sans causer
des tensions au sein de la société. Dans le cadre de l’école par
exemple, l’enseignement de certaines matières ou théories
scientifiques (le darwinisme) peut être remis en question
(doc. 3). Dans certaines États, tels que le Texas ou la Louisiane,
des lois sont même votées afin d’autoriser l’enseignement de
ces théories. Ailleurs, comme en Louisiane ou dans le Dakota du
Sud, ces lois sont bloquées et favorisent la diffusion de théories
fortement connotées religieusement. Des débats apparaissent
quant à la place du religieux dans l’espace public (doc. 5) alors
que d’autres revendications semblent davantage devoir reposer
sur un besoin de visibilité et de reconnaissance au sein d’une
société fortement marquée par le christianisme (doc. 4).
❚❚ Bilan
Définition de la laïcité aux États-Unis : l’État ne reconnaît aucune
religion, mais est le garant de la liberté du culte.
Le religieux a toute sa place dans la société américaine. Les
références à Dieu sont nombreuses dans le quotidien des
Américains. Ceux-ci acceptent une sorte de religion civile qui
n’a pas pour but d’imposer une religion mais qui repose sur
des symboles et des pratiques qui peuvent être reconnus par
tous. De même, la présence du religieux, y compris dans les
institutions, repose sur une conception ouverte de la laïcité.
Pourtant des débats subsistent. Avec un tel compromis,
l’équilibre est fragile et les discussions, voire les tensions, ne
manquent pas en ce qui concerne le rôle et la place du religieux
au sein de la sphère et de l’espace publics.
ÉTUDE
Une Amérique chrétienne renforcée par
l’arrivée de Donald Trump ? p. 364-365
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
L’élection de Donald Trump (2016) a permis de développer
l’idée selon laquelle on assistait à une sorte de « revanche » des
WASP après les années Obama (2008-2016). Le doc. 1 présente
un extrait du discours que Donald Trump prononce en 2018
Axe 2 • États et religions : une inégale sécularisation 155
 devant des responsables religieux et économiques d’obédience
chrétienne. Si, dans la première partie du discours, le président
des États-Unis met en avant la religion civile américaine, il
affirme ensuite clairement que la religion américaine est
chrétienne conformément à « l’exemple donné par tous [les]
grands fondateurs » des États-Unis. Signal fort envoyé à un
électorat évangélique qui a pesé lors de l’élection présidentielle
de 2016. C’est à la lumière de cette donnée qu’il convient de
comprendre cette scène de prière dans le bureau ovale (doc. 2).
Ce lien entre l’électorat de Donald Trump et le fait religieux
est bien expliqué avec le doc. 3. En 2016, une large part de
l’électorat de Donald Trump pratique une des confessions
chrétiennes (doc. 4). Cette information est importante pour
saisir certaines actions et décisions du président américain
depuis son investiture en 2017, par exemple ses déclarations
récentes sur l’avortement.
L’électorat républicain, un électorat religieux ?
(doc. 4)
Durant les années 1950-1960, en pleine guerre froide, on
assiste à une accentuation des conceptions religieuses et
conservatrices. Un vrai fondamentalisme se développe,
notamment dans certains débats (prière à l’école, avortement,
etc.). Dès lors s’opère un rapprochement durable entre les
protestants blancs – les WASP – notamment les évangéliques
et le parti républicain. Cette « nouvelle droite chrétienne »
a depuis largement soutenu et permis l’élection de Ronald
Reagan (1980-1984 ; 1984-1988), George W. Bush (2000-2004 ;
2004-2008) et Donald Trump (2016-2020).
Pourtant, il est intéressant de montrer le recul du religieux au
sein de la société américaine, notamment chez les populations
blanches (doc. 3). Nombreux sont les Américains, en particulier
les plus jeunes d’entre eux, à reconnaître leur non-appartenance
religieuse. Ces évolutions permettent d’envisager à plus ou
moins brève échéance un hiatus certain entre cet électorat
religieux qui soutient les candidats du parti conservateur et
une partie de l’opinion publique, notamment sa frange la plus
jeune, qui se déconnecte du religieux et semble emprunter les
chemins d’une sécularisation durable.
❚❚ Réponses à l’activité
1. Comprendre l’auteur et le contexte d’élaboration de sa
réflexion.
- Donald Trump prononce un discours annuel devant la
National Prayer Breakfast. Il s’agit d’une assemblée composée
de responsables religieux et de différents acteurs politiques
et économiques adhérant au christianisme.
- Pour le président des États-Unis, « l’Amérique est une nation
de croyants ». Selon lui, le lien entre les Américains et Dieu
est central dans les fondements même de la nation et de la
société américaines. Donald Trump rappelle le lien fort entre
Dieu et les États-Unis renouant ainsi avec l’idée de peuple
exceptionnel à la « destinée manifeste » car choisi, protégé
et inspiré par Dieu.
- De fait, ce lien dont parle Donald Trump implique les États-
Unis. Parce qu’ils ont été choisis par Dieu qui inspire la nation,
les États-Unis se doivent de relayer le message du Christ et de
vivre selon celui-ci. Cela doit aussi servir d’exemple puisque,
grâce à cela, « nous pouvons tous être des héros pour tout
le monde ».
156 Thème 5 • Analyser les relations entre États et religions
2. Analyser sa réflexion pour comprendre le fond.
- Dans son discours, nulle hésitation possible, la religion des
États-Unis est le christianisme puisque les références à la
Bible et à Jésus-Christ sont explicites. Cependant, il s’agit
d’un christianisme fidèle « à la fondation de l’Amérique et à
l’exemple donné par tous ces grands fondateurs ». C’est donc
le christianisme évangélique dont il s’agit prioritairement,
même si les catholiques se sont reconnus dans Donald Trump
lors de l’élection de 2016.
- Évidemment, s’il commence son discours en évoquant un
Dieu qui serait celui de tous les Américains quels qu’ils soient,
Donald Trump s’adresse surtout à ceux qui constituent le socle
de son électorat, c’est-à-dire les Blancs descendant des WASP.
- Dans les faits, ce positionnement politique amène Donald Trump
à mener une politique conservatrice, voire très conservatrice.
Il s’ensuit des prises de position en matière sociétale, sur
l’avortement par exemple, qui peuvent être jugées de type
fondamentaliste. Donald Trump tente de porter cette vision
de la société en nommant à la Cour suprême des juges très
conservateurs. Cette politique peut être un des moteurs du recul
de l’adhésion religieuse chez les plus jeunes des Américains.
3. Critiquer la source étudiée.
- Les prises de position de Donald Trump semblent en effet
contraires à l’évolution religieuse de la société américaine. Depuis
les années 1990, on assiste à un recul du religieux : les nones
représentent environ 20 % de la population. Surtout, ce recul
paraît plus important chez les Blancs, cœur de cible de l’électorat
de Donald Trump et du parti républicain, ainsi que chez les plus
jeunes. Donald Trump prend donc le risque de se déconnecter
d’une frange de plus en plus importante de l’électorat.
- Un tel recul de l’adhésion religieuse a nécessairement plusieurs
facteurs explicatifs. On peut penser d’abord que les États-
Unis, comme les autres pays occidentaux, voient progresser
le processus de sécularisation, notamment parmi la jeunesse.
Celle-ci semble également se détacher du religieux pour
tout ce qui relève de la vie en société. Cette catégorie de la
population adhère de moins en moins à un message moral et
développe d’autres conceptions, en ce qui concerne la famille
ou la sexualité par exemple. Enfin, ces dernières décennies
ont aussi vu se développer d’autres formes de spiritualité
(bouddhisme, New Age, etc.) correspondant davantage aux
aspirations des générations nées dans les années 1990-2000.
❚❚ Bilan
La réponse à la question peut s’organiser selon le plan suivant.
Dans un premier temps, il est possible d’évoquer le rapport
toujours fort entre une partie de la société américaine et la
religion, notamment le protestantisme. C’est le cas par exemple
de l’actuelle présidence des États-Unis. Donald Trump réactive
les codes d’un christianisme conservateur qui répond aux
attentes d’une partie de son électorat.
Pourtant, dans un second temps, on peut également montrer
que, au-delà des discours et de l’importance de l’électorat
évangélique par exemple, la réalité est aussi celle d’une
mutation sociétale. Les Américains, notamment les plus
jeunes générations, blanches majoritairement, semblent de
moins en moins se reconnaître dans le christianisme et ses
diverses dénominations. Le processus de sécularisation paraît,
plus lentement que dans d’autres sociétés occidentales, se
poursuivre de façon continue depuis les années 1990.
 LEÇON 3
États et religions : une inégale
sécularisation p. 366-367
❚❚ P
 résentation des documents en lien
avec la problématique
Les documents accompagnant ce troisième cours « États
et religions : une inégale sécularisation » permettent de
répondre à la problématique posée : « Comment évoluent
les relations entre pouvoir politique et pouvoir religieux au
cours du xxe siècle ? » Le doc. 1 vient en illustration de la
première partie du cours. En effet, la volonté de moderniser
la Turquie par Mustapha Kemal débouche sur l’instauration
d’une république laïque dans laquelle l’adhésion religieuse
n’est pas interdite, mais doit se limiter à la sphère strictement
privée. La photographie illustre une telle conception moderne
de la société. En effet, on y voit deux femmes dont une est
officière de police. La modernisation de la société turque,
au-delà des réformes économiques, politiques et sociales,
passe aussi par l’émancipation féminine qui est une avancée
certaine dans le contexte des années 1930. Avec le doc. 2, il
est possible de revenir sur le cas de pays, comme les États-
Unis ou l’Italie, qui sont des États laïques respectant une réelle
neutralité religieuse et garants de la liberté de culte tout
en ayant encore des relations très étroites avec le religieux.
À partir de 1929, l’Italie est sous régime concordataire et
l’Église catholique reconnue religion d’État. Toutefois, dans
la Constitution de 1948, toujours en vigueur, l’indépendance
et la souveraineté de l’État vis-à-vis de l’Église catholique
sont affirmées. Un nouveau Concordat est négocié en 1984
et conduit à abandonner toute référence à un catholicisme
religion d’État. Cependant, il est rappelé, comme le montre
le doc. 2, que le catholicisme et ses principes appartiennent
au patrimoine historique de la nation italienne. Ainsi, dans
ce pays, l’enseignement des religions, notamment celui du
catholicisme, est maintenu de façon facultative.
Le schéma fléché au bas de la p. 367 a pour objectif de replacer
les études de l’axe 2 dans une organisation plus systémique.
Il donne du sens au travail d’exemples réalisé dans les pages
précédentes puisqu’il participe à illustrer la leçon sur l’inégale
sécularisation des États. Ce peut être un bon point d’appui
pour la préparation d’un sujet de composition susceptible
d’être proposé à l’examen (par exemple, pourquoi peut-on
parler de degrés inégaux de la sécularisation dans le monde ?).
Axe 2 • États et religions : une inégale sécularisation 157
 THÈME 5
OBJET DE TRAVAIL
CONCLUSIF
État et religions en Inde
OUVERTURE  p. 368-369
❚❚ Introduction
L’Inde constitue un exemple intéressant et original pour étudier
les relations entre État et religions dans un pays. Le doc. 1
permet d’emblée d’insister sur l’importance de l’hindouisme
dans la société indienne. Cette illustration relate l’un des plus
importants pèlerinages d’Inde et du monde, le pèlerinage de
Kumbh Mela au nord du pays qui, chaque année, réunit plus
de 100 millions de personnes. Durant plusieurs jours, des
millions de pèlerins franchissent le lit du Gange, qu’enjambe
un grand pont visible ici, et vont se baigner dans les eaux du
fleuve. Venant de toute l’Inde, souvent en famille, l’objectif est
de se rendre à l’endroit le plus sacré, là où les deux fleuves,
le Gange et la Yamuna, entrent en confluence.
Un pèlerinage au cœur d’enjeux politiques
en Inde (doc. 1)
En 2019, le pèlerinage de « la foire de la jarre sacrée » s’est
déroulé dans un contexte fortement politisé par l’approche des
élections législatives indiennes (11 avril-19 mai 2019). Durant
49 jours, ce sont des millions de pèlerins qui se sont pressés à
Allahabad (Uttar Pradesh), ville rebaptisée du nom de Prayagaj
pour mieux marquer son ancrage dans l’hindouisme. Un tel
contexte explique que, toutes tendances confondues, tous les
grands leaders politiques y sont apparus. Ce fut notamment
le cas de Rahul Gandhi, héritier du Mahatma et chef du parti
du Congrès, et surtout du Premier ministre sortant, Narendra
Modi, chef du Parti du peuple indien (BJP). À cette occasion,
Narendra Modi, réélu en mai 2019, a rappelé l’importance de cet
événement pour l’Inde et la nécessité que « de plus en plus de
gens participent à cette grande et divine cérémonie ». Jamais la
Kumbh Mela n’avait été aussi facilement financée et le président
de l’Union indienne, Ram Nath Kowind, a félicité le gouvernement
Modi pour cette réussite. Ainsi, ce pèlerinage, éminemment
politique, a été l’occasion pour Narendra Modi de mobiliser
de futurs électeurs en s’appuyant sur le nationalisme hindou.
Cette ferveur religieuse et cette religiosité exacerbée sont un
facteur explicatif de la longévité dans le conflit qui oppose
Inde et Pakistan depuis 1947. Le doc. 2 illustre la séparation
des deux pays depuis la partition des Indes britanniques
(1947). En effet, l’Inde, de tradition hindouiste, et le Pakistan,
majoritairement musulman, s’affrontent au sujet du Cachemire
qu’ils revendiquent tous deux. Inde et Pakistan ont, depuis 1947,
construit en partie leur identité nationale, et culturelle, sur une
situation de conflit qui dure depuis plus de 70 ans. Celle-ci fait
perdurer une vraie instabilité dans l’ensemble de la région.
158 Thème 5 • Analyser les relations entre États et religions
❚❚ Réponses aux questions
1. La photographie du pèlerinage de Kumbh Mela illustre bien
la forte religiosité des hindous. On peut y observer la teinte
orange dominante, couleur de l’hindouisme, ainsi que le nombre
important de pèlerins participant à l’une des processions de
ce pèlerinage.
2. Symboliquement, le conflit entre l’Inde, de tradition hindoue,
et le Pakistan musulman est illustré par une frontière qui
ressemble plus à une barrière infranchissable. On aperçoit au
fond de l’image une patrouille policière ou militaire qui atteste
bien du caractère tendu de la situation sur cette frontière et
des relations indo-pakistanaises.
3. Les documents présentés insistent sur deux aspects de la
relation État-religions dans un pays comme l’Inde. Le doc. 1
montre comment l’hindouisme crée du lien au sein de la
société indienne et entre les différents groupes sociaux qui
le pratiquent. Dans le second, à l’inverse, on peut voir que les
religions, en l’occurrence l’hindouisme et l’islam, peuvent être
des éléments de division entre les sociétés et les États. Depuis
1947, le conflit autour de la région du Cachemire est un exemple
éclairant de divisions politiques entre États dans lesquelles les
aspects religieux ont une part importante.
REPÈRES 1
L’Union indienne,
terre de religions p. 370-371
❚❚ P
 résentation des documents et des liens
possibles entre eux
L’objectif de cette double page repères consiste à mettre en
perspective la relation État-religions dans un cadre géopolitique
et religieux bien précis. Le doc. 1 situe l’Union indienne dans
l’environnement régional du sous-continent indien caractérisé
par la diversité religieuse puisqu’il est le seul pays d’obédience
hindoue dans un espace régional où se pratiquent également
d’autres cultes, notamment l’islam. Le doc. 2, quant à lui, illustre
bien le caractère fédéral de l’Union indienne, vaste État issu de
la partition des Indes britanniques en 1947. Sur le plan religieux,
l’Inde est un État marqué par la diversité religieuse (doc. 3).
Ce pays est très majoritairement lié à l’hindouisme, mais l’Inde
est peuplée d’environ 1,3 milliard d’habitants et les minorités
religieuses, notamment l’islam et le christianisme, représentent
plusieurs millions de personnes sur le territoire indien. On
remarquera que ces minorités religieuses sont bien localisées.
Le doc. 4 situe un islam bien présent au nord, notamment au

Cachemire, ainsi qu’au nord-est et au nord-ouest du pays.
Les minorités chrétiennes, quant à elles, sont situées à la fois
au nord-est du pays et au sud. Très ancrées, ces minorités
marquent les territoires et les sociétés. Mais le doc. 5 vient
utilement rappeler que l’Inde est un pays fortement animé par
l’hindouisme, héritage assumé et rappelé par l’actuel Premier
ministre de l’Inde, Narendra Modi.
❚❚ Pour comprendre
1. L’Union indienne fait le choix d’un système fédéral lors
de l’indépendance (1947) car le pays se caractérise par une
profonde diversité culturelle, notamment religieuse – même
s’il apparaît comme majoritairement hindouiste dans une aire
régionale diverse du point de vue religieux (doc.1). En effet, la
partition des Indes britanniques s’accompagne de nombreux
flux migratoires provoquant le départ de millions de musulmans
et le retour de millions d’hindous (doc. 1 et 2 p. 372). C’est à la
fois pour limiter ces migrations et autoriser l’expression d’une
diversité religieuse que les créateurs de l’Union indienne, Nehru
et Gandhi, optent pour le fédéralisme et donc une certaine
autonomie des régions du pays (doc. 2).
2. L’hindouisme représente plus de 70 % de la population
indienne (doc. 3). Cette religion est donc fortement dominante
comme en atteste sa présence sur l’ensemble du territoire indien
(doc. 4) ou sa pratique assumée au plus haut niveau de l’État
(doc. 5). Une religion aussi nettement représentée et incarnée
peut faire peser un risque sur les équilibres sociaux et culturels
du pays. À l’origine, le projet des fondateurs de l’Union indienne
vise à fédérer des populations diverses. Le risque est réel de
voir l’hindouisme mettre en avant son antériorité en Inde ainsi
que sa large domination pour tenter de limiter l’expression
religieuse des minorités, lesquelles ne sont pas négligeables,
notamment celles de confessions musulmane et chrétienne.
JALON
État et religions :
« sécularisme » et dimension
politique de la religion
❚❚ Introduction
Le premier jalon de l’objet conclusif consacré aux relations entre
État et religions en Inde – « État et religions : « sécularisme »
et dimension politique de la religion » – est envisagé avec
l’étude « Le “sécularisme” depuis 1947, le compromis laïque
indien ? » (p. 372-373). Le dossier proposé aide à comprendre
les fondements et la réalité quotidienne du consensus entre
État et religions mis en place au moment de l’indépendance
(1947). Le professeur peut partir du travail réalisé avec les
élèves dans le cadre de la double page repères (p. 370-371)
dans laquelle les doc. 1 et 2 ont déjà été mobilisés. Il s’agit
en effet de poser les fondements des relations originales que
l’État indien entretient avec les religions.
ÉTUDE
Le « sécularisme » depuis 1947,
le compromis laïque indien ? p. 372-373
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
Cette double page est construite autour de la notion de
« sécularisme », c’est-à-dire cette variante indienne de la laïcité
qui consiste en la reconnaissance publique des religions.
Le doc. 1 éclaire sur les origines de cette variante laïque
indienne qui n’a pas érigé un mur infranchissable entre l’État
et la religion dans un contexte de tensions ethniques fortes lors
de l’indépendance (1947). Celle-ci débouche sur la partition des
Indes britanniques, notamment sur des bases religieuses qui ont
créé de vives tensions (doc. 2). Le doc. 4 permet de bien saisir
les fondements du « sécularisme » inscrit dans la Constitution à
partir de 1976. Aujourd’hui encore, comme en atteste le discours
de Narendra Modi présenté avec le doc. 6, ce compromis
« séculariste » semble dominant et respecté. Pourtant, dans les
faits, depuis les années 2000, il apparaît au minimum déformé,
voire franchement remis en question. L’arrivée au pouvoir
des nationalistes hindous en 2014 témoigne d’une certaine
crispation ethnique et religieuse entre les communautés.
En effet, les doc. 3 et 5 illustrent l’originalité du compromis
laïque indien qui autorise une pratique religieuse dans l’espace
public. Pourtant, cette apparente tolérance doit être nuancée
comme le prouve par exemple la présence de l’armée visible
sur le doc. 5. L’Inde connaît des tensions religieuses qui sont
autant de remises en cause du « sécularisme ».
Le « sécularisme », la spécificité
de la laïcité indienne
Le cas indien permet d’observer une conception particulière
de la laïcité dont l’objectif n’est pas de refouler la religion
dans la sphère privée. Dans la Constitution de 1950, le terme
de « sécularisme » n’est pas mentionné en tant que tel, mais
la conception de l’État qui y est développée répond aux
caractéristiques d’un État « séculariste ». L’Inde ne reconnaît
aucune religion d’État et la Constitution ne confère à la
religion aucun droit de regard sur les droits du pays. C’est
en 1976 que le principe du « sécularisme » est pleinement
inscrit dans la Constitution et pose donc comme principes
officiels l’interdiction de toute discrimination sur la base de
l’appartenance religieuse, la liberté de conscience ainsi que le
droit de « pratiquer et propager librement sa religion ». À ces
droits individuels s’ajoutent également des droits collectifs.
Chaque communauté est autorisée à établir des institutions
culturelles, caritatives ou sociales pouvant être soutenues par
l’État. Chaque communauté se voit aussi reconnaître le droit
de « gérer [ses] propres affaires en matière de religion », ce
qui renvoie à la reconnaissance des droits coutumiers et des
lois personnelles (la charia par exemple). En définitive, une
telle conception est bien originale et spécifique. Si la laïcité
indienne s’inspire de son passé commun avec l’Occident, elle
tient aussi compte de l’histoire du pays. Depuis 1947, l’Inde a
bâti un compromis entre un État moderne, démocratique et
garant des droits civiques, et de fortes identités religieuses
héritées de la longue histoire indienne.
Objet de travail conclusif • État et religions en Inde 159
 ❚❚ Réponses aux questions
J A LON
Prélèvement Compléments, critiques
des informations
(doc. 1, 2, 4 et 6)
et nuances apportés
par les doc. 3 et 5 Les minorités religieuses
Origines et Le « sécularisme » Le compromis ❚❚ Introduction
principes du accompagne la « séculariste » doit tenir
Le deuxième jalon de l’objet conclusif consacré à l’Inde propose
« sécularisme » naissance de l’Union compte des héritages
indien indienne (1947). La historiques et culturels de un focus sur les minorités religieuses. En effet, si l’hindouisme est
partition des Indes l’Inde. Celle-ci a toujours la religion la plus pratiquée, l’Inde compte également environ
britanniques se double été une terre de diversité 175 millions de musulmans, 28 millions de chrétiens mais aussi
de tensions ethniques religieuse et ethnique, environ 21 millions de sikhs, 9 millions de bouddhistes ou
et religieuses. L’Inde mais c’est aussi un pays 5 millions de jaïns. Ces derniers cultes sont depuis longtemps
souhaite ne privilégier très majoritairement implantés en Inde tout comme le christianisme, introduit dès
aucune religion tout en hindouiste. L’hindouisme le ier siècle et première religion exogène du pays, avant d’être
favorisant la liberté de y est fortement représenté largement promu à l’époque de la colonisation. La plupart des
culte et de croyance. Un au sein de la société, des obédiences chrétiennes – catholicisme romain, orthodoxie,
tel compromis, imposé territoires et des paysages.
protestantisme ou baptisme – sont représentées. L’islam apparaît
et défendu par l’État Les minorités, localisées
au viie siècle, mais se développe surtout à partir des conquêtes et
fédéral, doit permettre géographiquement,
la coexistence pacifique peuvent être mises des empires musulmans des Indes (xiiie-xviiie siècles). Cependant,
entre les communautés. en question dans un depuis les années 1980-1990, le modèle de cohabitation
tel contexte. entre religions fondant la République indienne, qui n’a pas
de religion officielle et reconnaît toutes les religions, n’a pas
L’État garant du Le principe de L’État protège les réussi à éviter les conflits entre communautés religieuses. Dès
« sécularisme » « sécularisme » n’est communautés ethniques
1947, les tensions et conflits sont nombreux, notamment entre
en Inde pas inscrit dans la et religieuses. Cette
hindous et musulmans. Des affrontements, parfois meurtriers,
Constitution de 1950 nécessaire protection
mais dans celle de 1976. atteste de potentielles jalonnent l’histoire contemporaine de l’Inde depuis les années
L’Inde est officiellement tensions vives entre 1950. Ceux-ci semblent s’être accrus depuis les années 1980-
un État républicain, les communautés, 1990. L’étude sur les minorités religieuses (p. 374-375) insiste
démocratique et notamment entre sur les tensions qui existent au sein de la société indienne quant
« séculariste ». hindouistes et à la liberté d’expression des religions hors hindouisme. Il y est
Ce principe musulmans. question d’une remise en cause du compromis « séculariste »
constitutionnel doit être avec l’affirmation d’un nationalisme hindou hostile aux minorités
garanti et défendu par religieuses, notamment celles liées à l’islam.
l’État qui autorise chacun
à exercer le culte de son
choix sans discrimination, ÉTUDE
y compris dans l’espace
et les lieux publics.
Des minorités religieuses menacées ?
Bilan : un L’Union indienne, Le respect du
compromis démocratie moderne, « sécularisme » au
 p. 374-375
laïque toujours reconnaît le principe du quotidien est parfois
à affirmer ? « sécularisme ». Hérité difficile. En effet, ❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
d’une longue tradition l’Inde est un pays La plupart des Indiens se reconnaissent dans une religion.
de diversité religieuse, très majoritairement Si l’hindouisme est largement majoritaire, les minorités
ce principe entend hindou. L’hindouisme religieuses, notamment musulmanes, représentent une part
aussi garantir l’unité peut inspirer certains
non négligeable de la population. La double page présentée
de l’Inde qui, lors de courants politiques qui
l’indépendance, connaît remettent en question le
ici atteste des difficultés existantes dans les relations entre
d’importantes tensions « sécularisme » et peuvent les religions. Depuis les années 1980-1990 s’est développé
ethniques et religieuses. inquiéter les minorités un nationalisme hindou représenté notamment sur le plan
Le « sécularisme », religieuses. Le compromis politique par le Parti du peuple indien (Bharatiya janata party,
principe constitutionnel, « séculariste » est remis BJP) qui, depuis 2014, dirige l’Inde grâce à son leader, le Premier
est défendu et garanti en cause ces dernières ministre Narendra Modi. Le doc. 1 atteste d’une véritable « vague
par l’État fédéral. années, que ce soit à safran » du nom de la couleur du BJP depuis son élection.
l’échelle de certains États Ce parti, et cela a été confirmé lors des élections de 2019,
de la fédération, voire à domine largement la vie politique dans les États indiens et au
l’échelle de l’État fédéral niveau fédéral. Au pouvoir, le BJP et Narendra Modi n’ont pas
où N. Modi mène parfois
cherché à changer la législation fédérale du pays. Cependant,
une politique ambiguë.
dans les États où le BJP est majoritaire, certaines évolutions
questionnent sur l’avenir du compromis « séculariste ».
En effet, les doc. 2 et 3 permettent d’évoquer les pressions que
les mouvements nationalistes font peser sur les populations et
les États indiens. Que ce soit dans le cadre des loisirs, notamment
du cinéma, produit culturel de premier plan en Inde, ou de la

160 Thème 5 • Analyser les relations entre États et religions

protection animale, le réflexe identitaire hindou joue à plein
afin d’imposer ses positions et ses interdits contrairement au
principe du « sécularisme ». Au niveau fédéral, comme l’illustre
le dessin du doc. 4, il semble que, au-delà des discours, on fasse
preuve d’un certain attentisme.
L’Inde du national-populisme et de la « démocratie
ethnique » (C. Jaffrelot) ?
En avril-mai 2019, les élections législatives ont confirmé
l’émergence du BJP sur la scène politique indienne de même
qu’elles ont renforcé la légitimité du Premier ministre issu de
ses rangs, Narendra Modi. Celui-ci incarne un vrai national-
populisme inquiétant pour les minorités musulmane et
chrétienne issues d’une longue histoire d’échanges et de
brassages culturels en Inde. Ce courant politique remet
profondément en cause la tradition « séculariste » de l’Inde
ainsi que son multiculturalisme touchant également les milieux
intellectuels progressistes. C’est dans ce sens que Christophe
Jaffrelot, spécialiste d’histoire politique à Sciences Po, évoque
l’émergence d’une « démocratie ethnique » qui reposerait sur
l’éviction de ces groupes de l’espace social et politique. Les
conséquences d’une telle politique sont forcément importantes
dans un pays de 1,3 milliard d’habitants où les musulmans
représentent environ 14 % de la population, soit 170 millions
de personnes, et les chrétiens, environ 5 %.
Les associations et mouvements politiques extrémistes sont
rarement inquiétés pour leurs débordements, tout comme les
ministres du gouvernement fédéral les moins respectueux du
« sécularisme ». Cela peut s’expliquer d’abord par la proximité
de l’actuel Premier ministre des milieux nationalistes hindous
et aussi par un vrai glissement du centre de gravité de la
politique indienne du « sécularisme » vers le nationalisme
hindou que viennent confirmer les résultats des récentes
élections législatives. Dans les faits, force est de constater que
les minorités, notamment celle musulmane, la plus importante
en nombre, sont marginalisées. Le doc. 5 illustre bien la sous-
représentation des musulmans au sein de la Chambre basse
du Parlement indien ainsi que leur surreprésentation dans les
prisons indiennes.
Une remise en cause du soft power indien ?
L’Inde jouit d’une bonne image liée à sa culture, ses valeurs
et sa démocratie. Pourtant, depuis les années 1990-2000, la
« puissance douce » de l’Inde s’est émoussée, notamment
à cause de la montée d’un nationalisme hindou et d’une
intolérance accrue envers les minorités religieuses alors que
le « sécularisme » pouvait être considéré comme un pilier du soft
power indien. L’Inde est souvent présentée comme le pays de la
tolérance et de la cohabitation entre les communautés dans un
contexte régional davantage marqué par le fondamentalisme
religieux. L’arrivée au pouvoir du BJP et de Narendra Modi (2014)
coïncide avec une lente remise en cause du « sécularisme »
par l’affirmation d’un nationalisme hindou héritier d’une
tradition assimilant l’hindouisme à la civilisation indienne,
considérant ainsi l’islam et le christianisme comme non indiens !
Dans ce contexte, les extrémistes hindous n’hésitent plus à
s’en prendre, parfois physiquement, aux musulmans ou aux
chrétiens. Parallèlement, le BJP, dans les États qu’il dirige, mène
une véritable politique d’« hindouisation » de la vie publique
en s’associant à des religieux, en interdisant la consommation
de bovins ou en prohibant les conversions.
❚❚ Réponses à l’activité
1. La pratique de l’hindouisme est très largement majoritaire
en Inde. Cette forte religiosité est à l’origine de mouvements
politiques extrémistes revendiquant la primauté de l’hindouisme
dans tous les pans de vie sociale, politique, économique
et culturelle. La traduction politique de cette domination
hindouiste est la lente progression et l’arrivée au pouvoir du
BJP et de son principal représentant, Narendra Modi. En plus
de diriger l’État fédéral, le BJP est aussi majoritaire dans de
nombreux États de l’Union indienne.
2. L’arrivée au pouvoir du BJP et de Narendra Modi est la
toile de fond de l’affirmation d’un nationalisme hindou dans
différents domaines de la vie sociale. Ainsi se fait-il entendre, et
fait-il valoir ses idées, dans le domaine des loisirs, notamment
le cinéma. Celui-ci, très présent au sein de la société, est un
vecteur important des thèses nationalistes et d’une vision
très orientée de l’histoire de l’Inde. Dans un autre domaine,
des associations et de représentants politiques œuvrent au
renforcement de lois favorisant l’hindouisation de la société.
C’est le cas par exemple avec la « guerre de la vache » qui est
présentée dans le doc. 3.
3. Si le « sécularisme » n’est aucunement remis en cause à l’échelle
fédérale, la politique du BJP et l’attitude de Narendra Modi sont
ambiguës. Les atteintes aux minorités orchestrées par les groupes
extrémistes sont rarement poursuivies. Il convient également
de remarquer la sous-représentation des minorités, notamment
musulmanes, dans les organes de représentation du pouvoir.
J A LON
Des enjeux géopolitiques :
l’Inde et le Pakistan
❚❚ Introduction
L’ultime jalon de cet objet de travail conclusif est consacré à :
« Des enjeux géopolitiques : l’Inde et le Pakistan ». Avec la
première étude (p. 378-379), il s’agit de faire le point sur les
origines et les modalités, notamment religieuses, d’un des plus
anciens conflits au monde dans la région du Cachemire. Les
tensions géopolitiques entre l’Inde et le Pakistan sont donc
abordées à différentes échelles et dans toutes leurs dimensions.
La seconde étude (p. 378-379) tente d’entrevoir les éléments, y
compris religieux, qui empêchent aujourd’hui toute perspective
de paix durable, tout en montrant les implications de ce conflit
aux échelles régionale, continentale et mondiale.
ÉTUDE
Le Cachemire, l’un des plus vieux
conflits du monde p. 376-377
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
Depuis la partition de 1947, la région du Cachemire est sous
tutelle. Le doc. 1 est l’occasion de préciser que cette région est
partagée entre l’Inde et le Pakistan mais aussi la Chine. Ces pays
administrent respectivement l’État du Jammu-et-Cachemire,
les territoires de l’Azad Cachemire et du Gilgit-Baltistan, la
Objet de travail conclusif • État et religions en Inde 161
 région de l’Aksai Chin et la vallée de Shaksgam. Cette carte
et l’axe chronologique mettent en perspective les différents
conflits ayant surtout opposé l’Inde et le Pakistan au sujet du
Cachemire depuis 1947. Ceux-ci se sont combattus à cinq
reprises (1947, 1965, 1971, 1999 et 2019). Le doc. 3 illustre
la frontière étanche entre Inde et Pakistan et témoigne de
relations très difficiles et délicates entre les deux États. Le
doc. 2 permet de considérer le conflit du Cachemire à l’échelle
de l’Inde. Le territoire du Jammu-et-Cachemire est intégré à
l’Union indienne. Majoritairement musulmanes, les populations
cachemiries, notamment les plus jeunes, vivent mal cette
situation. L’armée indienne occupe ce territoire et n’hésite pas à
faire usage de la force contre les populations locales. Violences
et exactions à l’encontre des civils accompagnent la présence
indienne au Cachemire et alimentent tensions et ressentiment
des populations locales. Depuis la fin des années 1980, des
populations cachemiries, favorables à l’indépendance et au
séparatisme, parfois avec l’aide du Pakistan, sont entrées en
rébellion contre la tutelle indienne. Le doc. 4 est intéressant
car il montre toute la complexité d’un conflit que, souvent, on
résume à une simple opposition religieuse. La rivière Neelum
et ses ressources potentielles, notamment hydroélectriques,
sont au cœur des revendications territoriales de l’Inde et
du Pakistan. Ce document témoigne du fait qu’au-delà des
dissensions religieuses, souvent instrumentalisés, se cachent
d’autres enjeux, d’ordre économique et géopolitique, qui sont
tout aussi importants.
Le conflit au Cachemire, un « hydro-conflit » ? (doc. 4)
Le doc. 4 présente une autre dimension du différend indo-
pakistanais. L’Inde fait pression sur le Pakistan en utilisant sa
position dominante sur le fleuve Indus. Malgré les tensions
entre ces États, l’Indus et ses affluents, fleuves et rivières
transfrontaliers, sont gérés pacifiquement dans le cadre d’un
traité de l’Indus (1960). Cet accord répartit équitablement entre
les deux partenaires les différents fleuves et rivières du bassin.
Cependant, depuis 2016, l’Inde menace le Pakistan de limiter
son accès aux ressources en eau sans remettre définitivement
en question le traité de 1960. Le Pakistan est ainsi intervenu
auprès du Tribunal international de La Haye pour empêcher
la construction du complexe hydroélectrique de Kishanganga
sur la rivière Neelum. Depuis, une véritable course-poursuite
lie les deux pays pour obtenir la primauté de la réalisation et,
surtout, imposer définitivement ses droits sur les ressources
en eau concernées.
❚❚ Analyse de documents
1. Il faut considérer le Cachemire à l’échelle du sous-continent
indien. L’Inde et le Pakistan sont au cœur des revendications
territoriales portant sur cette région. La Chine revendique
également des territoires cachemiris. Ainsi, les trois États les plus
importants de la région sont concernés par ce conflit ancien.
2. Toutefois, le conflit au Cachemire est aussi un conflit interne
à l’Inde. En effet, l’armée indienne y mène une politique brutale
comme en attestent les « 40 civils qui ont été abattus par
les forces de sécurité et plus de 3 100 autres blessés » après
une rébellion locale. De même, les populations cachemiries,
notamment les plus jeunes, vivent la présence de l’armée
indienne comme une occupation et « la nouvelle génération
de Cachemiris, nés après 1990, et qui ont toujours vécu dans
un environnement lourdement militarisé, est très remontée
contre New Delhi ».
162 Thème 5 • Analyser les relations entre États et religions
3. L’accès et la mise en valeur de l’eau de la rivière Neelum,
qui appartient au bassin de l’Indus, sont des enjeux forts du
conflit indo-pakistanais. La configuration géographique de ce
bassin fait que le fleuve et ses affluents s’écoulent d’abord sur
le territoire indien avant de rejoindre le territoire pakistanais
où il est un élément important de développement. La mise en
valeur de la ressource est peu concertée entre les deux pays.
Des tensions se sont développées alors que chacun d’eux
envisage des aménagements importants, notamment des
usines hydroélectriques et des barrages. Le Pakistan craint que
les aménagements indiens ne finissent par tarir la ressource
sur son territoire.
4. Le conflit indo-pakistanais est souvent présenté comme un
conflit dont le moteur principal est, depuis 1947, une opposition
entre le Pakistan musulman et l’Inde à majorité hindoue.
Le facteur religieux est bien une donnée de conflit ancienne.
Toutefois, au-delà des faits religieux, c’est plutôt une lutte
d’influence entre puissances qui se joue entre le Pakistan, l’Inde
et la Chine. Ce conflit au Cachemire relève donc également d’une
dynamique plus politique de relations entre ces puissances
régionales sur lequel le religieux vient se greffer. Il concerne
aussi l’accès et l’utilisation de ressources, notamment l’eau.
En effet, l’Indus et ses affluents sont frontaliers et traversent
indistinctement les deux pays. La situation géographique
est à l’origine de tensions puisque le Pakistan, pays d’amont,
craint que l’Inde, pays d’aval, ne vienne à tarir la ressource en
eau en raison de ses aménagements. Enfin, ce conflit peut
aussi apparaître comme un problème interne dans lequel
le facteur religieux – sans être absent puisque le Cachemire
est une région majoritairement musulmane – est secondaire.
Ainsi les populations cachemiries, notamment la jeunesse,
supportent de plus en plus mal la présence de l’armée indienne
et se considèrent en état d’occupation. Depuis les années
1980-1990, les tensions sont récurrentes contre la présence
indienne dans cette région.
❚❚ Pour aller plus loin
Depuis la partition de 1947, l’Union indienne et le Pakistan
forment deux États distincts sur les plans géographique,
politique, culturel et religieux. D’emblée, le Pakistan se construit
sur un fondement identitaire, essentiellement religieux, alors
que l’Inde envisage un régime laïque. Les lendemains de
l’indépendance sont marqués par des violences nombreuses et
d’importants déplacements de populations de part et d’autre
de la nouvelle frontière.
Sur cette base, les relations entre l’Inde et le Pakistan deviennent
vite capitales pour la stabilité et le développement du sous-
continent indien dont ils sont au cœur des enjeux géopolitiques
et politiques. La question du Cachemire qui apparaît dès 1947-
1948 va être un élément majeur de déstabilisation des deux États
ainsi que de l’ensemble de la région sous-continentale, encore
accentuée par la nucléarisation des deux puissances à partir
de la fin des années 1990. Par trois fois, en 1947-1948, en 1965
et en 1971, Inde et Pakistan vont s’affronter pour le contrôle de
tout ou partie du Cachemire qui, depuis 1947, est donc divisé en
deux entités sous contrôle de l’Inde et du Pakistan. Aujourd’hui
encore, comme en attestent les récentes tensions au printemps
2019, le conflit reste assez inextricable et sans issue.
L’Inde et le Pakistan ne sont pas les seuls acteurs de la question
du Cachemire. Depuis 1962, la Chine, pays frontalier, contrôle
également des territoires au Cachemire dont certains sont
revendiqués également par l’Inde (Aksai Chin par exemple).

ÉTUDE
Inde-Pakistan, conflit inachevé,
paix improbable ? p. 378-379
❚❚ Enjeu de l’étude et présentation des documents
Cette double page est intéressante pour approcher toute la
complexité de la relation indo-pakistanaise. Historiquement,
les héritages culturels, notamment religieux, sont importants
entre les deux actuels États. Longtemps, aucune frontière ne
les sépara. Le doc. 1 permet ainsi de revenir sur une minorité
religieuse, la minorité sikh, qui s’est développée sur les deux
territoires et revendique notamment la liberté d’aller et venir
entre les deux pays pour pratiquer son culte dans la région du
Pendjab. Ce document aide aussi à comprendre que ce conflit
est problématique pour le développement économique de
l’Inde, du Pakistan mais aussi de l’ensemble du sous-continent
indien. Ainsi, même si la question du Cachemire semble encore
assez inextricable, les échanges culturels et économiques
pourraient être d’importants vecteurs de pacification des
relations et de développement. Le dessin de Chappatte (doc. 2)
est l’occasion d’aborder une autre dimension du conflit. En effet,
depuis 1998, Inde et Pakistan sont deux puissances nucléaires.
Une telle situation fait craindre un éventuel dérapage à toute
la région du sous-continent.
En 2019, le conflit au Cachemire,
un « équilibre de la terreur » ? (doc. 2)
Depuis mai 1998 et leurs premiers essais nucléaires officiels,
l’Inde et le Pakistan sont entrés dans le club fermé des puissances
nucléaires. Paradoxalement, cette situation est présentée
comme un élément favorisant un relatif équilibre dans la
relation indo-pakistanaise à laquelle la dissuasion nucléaire
apporterait une stabilité stratégique. Pourtant, dans les faits, la
possession de l’arme nucléaire n’a en rien sécurisé l’Asie du Sud.
Pire, la course aux armements nucléaires qui en découle est un
danger pour tous. L’Inde, qui a toujours cherché à s’émanciper
dans les domaines énergétique, militaire et spatial, dit avoir dû
se résigner au nucléaire face à un environnement dangereux
tout en souhaitant faire preuve de puissance. L’Inde répond
à une doctrine nucléaire simple : le non-emploi en premier
lieu et la dissuasion. Le Pakistan lance son programme dans
les années 1970 pour s’affirmer sur la scène internationale et
équilibrer le rapport de force avec l’Inde. Aujourd’hui, cette
dernière posséderait 130 ogives opérationnelles contre 300
au Pakistan. La course aux armements nucléaires dans laquelle
sont lancés ces pays met en danger le sous-continent indien.
La nucléarisation complique aussi le processus de paix dans
le contentieux indo-pakistanais au Cachemire.
La nucléarisation de ces deux États n’a, de fait, pour le moment,
ni diminué les tensions ni empêché l’affrontement. En atteste par
exemple la dégradation rapide des relations indo-pakistanaises
en février 2019 après que le Pakistan a annoncé avoir abattu
deux avions indiens au Cachemire et fait prisonnier un pilote.
Enfin, l’analyse de la géographe Lucie Dejouhanet (doc. 3) situe
le conflit au Cachemire à différentes échelles d’analyse. Ce conflit
de frontière entre deux États a des répercussions régionales.
En effet, il implique également la Chine et de nombreux
partenaires du sous-continent, notamment l’Afghanistan.
Au-delà, depuis 2001, la région est placée au cœur de la lutte
antiterroriste djihadiste. Le Pakistan n’a pas hésité à soutenir
et à encourager, sur son territoire mais aussi en Afghanistan
et au Cachemire, des groupes armés menant des actions de
guérilla. La présence de djihadistes au Cachemire oblige l’Inde
à maintenir une force militaire importante. Dans les années
2000, l’Inde est frappée par de nombreux attentats (2001, 2008).
Cette instabilité provoque l’intervention américaine en 2002
incitant le Pakistan à lutter contre le terrorisme. Aujourd’hui,
le retrait des troupes américaines et de l’OTAN d’une région
toujours marquée par la présence du djihadisme, et une réelle
militarisation des sociétés, inquiète dans la région, notamment
l’Inde qui souhaite stabiliser la zone. La récente phase de
tensions évoquée plus haut entre les deux pays tend à lui
donner raison. À cette occasion, l’Inde annonce avoir bombardé
le camp d’entraînement d’un groupe islamiste à proximité du
Cachemire, dans le nord du Pakistan. C’est alors la première fois
depuis 1971 que la flotte indienne lance des frappes aussi loin
au Pakistan. Cette intervention veut être une réponse à l’attentat
du 14 février 2019 dans la partie indienne du Cachemire qui a
provoqué la mort de 40 militaires indiens. Ce sont ces opérations
qui ont entraîné la réaction pakistanaise.
❚❚ Réponses à l’activité
1. Le conflit indo-pakistanais est à situer dans le contexte du
sous-continent indien. Cette région possède un potentiel de
développement important. Cependant, celui-ci est obéré
par la rivalité indo-pakistanaise. Les relations entre ces deux
États rendent compliqué tout projet de coopération à l’échelle
régionale. Les faits religieux sont instrumentalisés et viennent
complexifier cette situation. L’Inde se méfie du Pakistan
considéré comme un État pratiquant et promouvant une
vision radicale de l’islam. Tout comme le Pakistan, l’Inde de
Modri développe un discours nationaliste reposant sur une
vision réductrice de la laïcité.
2. La région du Cachemire est une zone de conflictualités.
L’Inde et le Pakistan s’opposent dans le cadre d’un conflit
« traditionnel » entre deux États au sujet de la souveraineté
sur le Cachemire. C’est aussi un conflit interne à l’Inde puisque
l’armée indienne « occupe » le Cachemire pour prévenir le
soulèvement des Cachemiris, notamment les plus jeunes.
À l’échelle du sous-continent, la nucléarisation de l’Inde et du
Pakistan, mais aussi de la Chine, représente un risque pour le
sous-continent. Enfin, le conflit est aussi complexifié par la
déstabilisation djihadiste qui a pénétré la région depuis le
début des années 2000 et provoqué également l’ingérence
étrangère, notamment celle des États-Unis.
3. Depuis 2001 et les attentats du 11 Septembre, la région
est devenue un enjeu de la lutte antiterroriste menée
par les États-Unis. Le Pakistan a encouragé initialement
l’émergence de groupes radicaux pour déstabiliser la région
du Cachemire et l’Inde. Après septembre 2001, les États-
Unis ont souhaité éradiquer le djihadisme de la région.
Le Pakistan et l’Inde se retrouvent alors au premier rang de la
lutte antiterroriste. Toutefois, ces deux États ont été marqués
par d’importants attentats durant les années 2000. Au-delà,
la communauté internationale est aussi soucieuse de limiter
le risque d’un embrasement du conflit entre deux puissances
régionales possédant chacune, depuis la fin des années 1990,
l’arme nucléaire.
4. Il semble compliqué d’envisager une sortie rapide du conflit
au Cachemire. À l’échelle locale, les populations offrent quelques
pistes en faveur de la paix. Ainsi, les communautés sikhs qui
Objet de travail conclusif • État et religions en Inde 163
 envisagent la création du corridor de Kartarpur entre Inde et
Pakistan afin de faciliter les déplacements de part et d’autre
de la frontière lors des pèlerinages. À l’échelle régionale, Inde
et Pakistan peuvent parfois eux-mêmes apaiser les tensions
afin d’envisager une coopération économique et commerciale.
Une telle perspective est importante pour le développement
LEÇON 4
État et religions en Inde p. 380-381
❚❚ P
 résentation des documents en lien
avec la problématique
Les documents accompagnant ce quatrième cours « État et
religions en Inde » permettent de répondre à la problématique
posée : « Quelle est la place de la religion en Inde, État laïque
où la pratique religieuse est très importante ? » Le doc. 1 illustre
à lui seul les tensions ethniques et religieuses au sein de la
société indienne. Depuis les années 1980-1990, l’hindouisme
s’oriente vers une revendication nationaliste et exclusive.
Les études du chapitre ont montré les tensions fortes avec
la minorité musulmane. Des dissensions existent également
avec les communautés chrétiennes qui représentent 5 % de
la population totale. Durant les années 2000, les agressions
contre le clergé, les fidèles et les lieux de culte n’ont cessé de
croître et semblent même avoir augmenté depuis l’arrivée du
BJP et Narendra Modi au pouvoir en 2014. Cette montée du
nationalisme tend à stigmatiser les chrétiens comme agissant
contre l’État, contre sa tolérance religieuse et ses valeurs.
En 2017, 736 attaques contre des chrétiens ont été recensées,
alors que leur chiffre s’élevait à 348 en 2016.
Le doc. 2, quant à lui, illustre toute la complexité du conflit
indo-pakistanais au Cachemire. La photographie représente
la frontière entre Amritsar (Inde) et Lahore (Pakistan), un des
deux postes frontières routiers existant entre les deux pays.
Chaque soir s’y déroule une cérémonie de descente des couleurs
à laquelle participent des milliers de spectateurs dans des
tribunes de part et d’autre de la frontière. Ce rituel, très codifié,
est effectué depuis 1959 par les soldats pakistanais, en noir, et
indiens, en kaki. Les soldats paradent, se jaugent de manière
théâtrale avant de procéder à la descente des drapeaux. Une
brusque poignée de main clôt la cérémonie qui met en spectacle
et symbolise à la fois une ancienne et réelle rivalité issue de la
partition de 1947, mais aussi une ancienne fraternité. Elle met
en lumière un des plus vieux conflits de la planète source de
tensions récurrentes et meurtrières.
164 Thème 5 • Analyser les relations entre États et religions
économique équilibré et durable de l’ensemble de la région
du sous-continent dont le potentiel est considérable. Enfin, à
l’échelle internationale, l’intervention de puissances comme
les États-Unis peut aussi être un élément de sortie du conflit.
Mais tous ces éléments ne semblent pas être réunis aujourd’hui
pour entrevoir rapidement une telle issue favorable.
Le christianisme en Inde (doc. 1)
Le christianisme est la troisième religion en Inde avec près
de 5 % de la population totale. Sa présence est très ancienne
puisque les premiers chrétiens semblent apparaître dès le
ier siècle de notre ère. L’arrivée des colons européens a accéléré
le développement du christianisme en favorisant la conversion
des populations, notamment celle des castes les moins
considérées. Les principaux pôles de populations chrétiennes
se trouvent dans le Sud et le Nord-Est où, dans certains cas, ils
peuvent représenter plus de 90 % de la population (Mizoram,
Nagaland). À Goa, ancienne colonie portugaise jusqu’en
1961, ils correspondent à plus d’un quart de la population
locale. Enfin, la plupart des populations chrétiennes sont de
confession romaine-catholique. Aujourd’hui, cette minorité est
très engagée dans différents domaines (éducation, santé, social)
et anime un réseau d’environ 85 000 écoles chrétiennes dont
54 000 sont gérées par l’Église catholique. Ce serait environ
60 millions d’élèves qui étudient dans ces établissements.
La plupart de ces institutions se trouvent dans les zones
inaccessibles, là où vivent les plus pauvres. Depuis 2014 et le
regain du nationalisme hindou, les violences antichrétiennes
se sont multipliées, à l’instar des agressions antimusulmanes.
Les chrétiens sont en effet considérés comme menaçants
parce qu’ils convertissent. Au-delà, ils sont perçus comme
des « étrangers » car les nationalistes hindous estiment que
la culture chrétienne est étrangère à l’Inde.
Le schéma fléché au bas de la p. 381 a pour objectif de replacer
les études de l’objet de travail conclusif dans une organisation
plus systémique. Il donne du sens au travail d’exemples réalisé
dans les pages précédentes puisqu’il participe à illustrer la leçon
sur les liens entre État et religion en Inde. Ce peut être un bon
point d’appui pour la préparation d’un sujet de composition
susceptible d’être proposé à l’examen, par exemple en quoi
l’Inde est-elle un modèle original de laïcité dans le monde ?
Utilisez d’autres exemples vus en cours pour comparer le
sécularisme indien à d’autres formes de laïcité.

MÉTHODES BAC
RÉDIGER UNE CONCLUSION
DE COMPOSITION p. 382
La religion, une arme géopolitique
pour les États, hier comme aujourd’hui
❚❚ É tape 1 / Analyser les mots-clés du sujet
et fixer ses limites
La démarche est détaillée dans le manuel.
❚❚ É tape 2 / Réfléchir à un plan structuré
et construire l’introduction
1. Construire l’introduction
De nos jours, les conflits religieux semblent se multiplier à
l’échelle de la planète. En effet, il ne se passe pas un mois
sans que l’on apprenne qu’un massacre a été perpétré contre
une communauté ou que des exactions ont été commises,
par exemple contre la minorité musulmane Rohingya en
Birmanie, qui n’a pas de droits politiques, ou les chrétiens
au Sri Lanka victimes le 21 avril 2019, jour de Pâques, de huit
attaques islamistes qui ont fait 258 morts. La religion paraît
être, aujourd’hui comme par le passé (croisades, Reconquista
espagnole…), au cœur de nombreuses problématiques
actuelles. La religion est un système associant des croyances et
des pratiques rituelles à l’intérieur d’une société. Mais comment
la religion peut-elle être utilisée par des États pour contrôler
leur population, réprimer des minorités religieuses ou faire la
guerre à un pays voisin ?
2. Organiser le plan
De nombreux plans sont possibles. En voici un, avec des
exemples d’éléments sur lesquels on peut s’appuyer.
I) La religion, un moyen d’unifier un pays, une nation, parfois
contre un ennemi commun
A) en libérant le pays et/ou en affrontant un ennemi commun
(exemples : Reconquista espagnole, autour du catholicisme,
face à Al Andalus et les musulmans ; croisades ; rivalités Inde
/ Pakistan ; partis nationalistes s’appuyant sur la religion) ;
B) pour renforcer l’État (exemples : cérémonie politico-religieuse
du sacre des rois de France ; Israël comme État juif ) ;
C) pour affirmer son identité nationale (exemples : Birmanie
hindoue ; république islamique du Pakistan ; catholiques et
protestants en Irlande du Nord ; nationalisme hindou en Inde).
II) La religion, une arme des États pour contrôler le monde
A) selon la théorie d’Huntington et malgré ses limites ;
B) pour évangéliser et coloniser (exemple : colonisation
européenne des xixe et xxe siècles) ;
C) pour lutter contre les autres religions et s’imposer (exemple :
Daech et le califat).
III) La religion, un outil de contrôle des populations au service
des États
A) par des massacres et des vexations répétées des minorités
(exemple : la Birmanie et les Rohingyas) ;
B) pour contrôler les opposants (dans beaucoup de pays, les
opposants au régime en place sont souvent présentés de
manière réductrice comme des opposants religieux) ;
C) pour maintenir la population dans un état de dépendance
(opposition religion / science par exemple).
❚❚ Étape 3 / Rédiger la conclusion
La religion est bien une arme géopolitique au service des États
qui l’utilisent pour renforcer leur autorité sur leurs populations,
lutter contre les opposants ou s’affirmer par un nationalisme
fort face aux puissances étrangères. Cela était vrai dans le passé,
comme au temps de la Reconquête espagnole ou durant la
monarchie française ; cela l’est toujours aujourd’hui, comme
en Iran où la lutte contre les puissances étrangères s’effectue
toujours sous couvert de religion. D’ailleurs, l’actualité récente
nous montre que cela perdure : le Premier ministre indien
Modi ne vient-il pas de remporter les législatives de mai 2019
en mettant en avant un fort nationalisme hindou contre les
musulmans et le Pakistan voisin ?
ANALYSE DE DOCUMENTS p. 383
Le sort des minorités religieuses en Inde
❚❚ Les documents
Le doc. 1 est un article tiré du Figaro et écrit en mars 2019. Dans
le contexte des élections législatives qui approchent, on insiste
sur l’utilisation du nationalisme hindou par le Premier ministre
sortant pour mobiliser son électorat. L’élève pourra approfondir
la présentation du contexte électoral en cherchant les résultats
des élections qui ont reconduit le Premier ministre Modi.
Le doc. 2 est une photographie montrant une manifestation
de chrétiens en 2015, victimes de violences et d’humiliations
au quotidien.
❚❚ Introduction possible
Depuis quelques années, dans un pays où l’hindouisme domine
largement, le sort des minorités religieuses en Inde semble
s’aggraver. Les documents proposés ici montrent comment
au quotidien les chrétiens sont victimes de discriminations
répétées (doc. 1, en 2015) et comment le gouvernement en
place utilise l’approche religieuse et nationaliste contre les
musulmans à des fins électorales (doc. 2, article du Figaro
du 14 mars 2019). Dans quelle mesure la place des minorités
évolue-t-elle dans l’Inde d’aujourd’hui ?
❚❚ Réponses aux questions
1. Les élections législatives ont eu lieu en Inde du 11 avril au
19 mai 2019. Le BJP, le parti nationaliste du Premier ministre
indien, utilise la religion pour fidéliser son électorat. La crise au
Cachemire avec le Pakistan « majoritairement musulman » (l. 5-6)
est mise en avant pour mobiliser les électeurs nationalistes
hindous. La désinformation bat son plein : soit pour faire croire
à des succès militaires indiens sur les Pakistanais (« une photo
prétendant montrer les dégâts causés par l’armée indienne
au Pakistan », l. 13-14), soit pour faire peur aux Indiens (« faire
croire à une invasion imminente », l. 12).
2. Stigmatiser les minorités permet au gouvernement
de trouver des coupables pour justifier les difficultés du
quotidien auxquelles sont confrontés les Indiens, notamment
économiques (doc.1, l. 20-24). La population indienne oublie
Méthodes Bac 165
 de réfléchir au bilan du gouvernement, elle se concentre sur les
rancœurs nationalistes. Le doc. 2 montre bien que les minorités
chrétiennes sont victimes d’agressions, d’humiliations, de rejets,
de la part de la majorité hindoue.
3. Les minorités, qu’elles soient chrétiennes (doc. 2) ou
musulmanes (doc. 1) souffrent d’humiliations répétées, de
rejets. C’est comme si être un Indien ne pouvait l’être pleinement
qu’en étant hindou. Sur le doc. 2, une pancarte dit : « I am
proud to be an Indian christian », « Je suis fier d’être un Indien
chrétien ». Dans la réalité, les minorités ont moins accès à
l’emploi et au logement, elles sont rejetées de la société, elles
vivent dans des quartiers spécifiques. Aussi, si l’Inde est la plus
grande démocratie au monde en nombre de citoyens, elle en
est loin dans le respect des droits de l’homme. On peut croire
différemment, mais ce n’est pas sans conséquence.
LE GRAND ORAL p. 384-385
La religion, un enjeu géopolitique
du xxie siècle
❚❚ Les documents proposés
Le doc. 1 est un article du magazine d’actualité Le Point du
9 juillet 2015. Le journaliste fait part des propos qu’il a entendus
dans une mosquée iranienne au sujet des États-Unis, d’Israël
ou de Daech. On voit à quel point les positions sont exacerbées
chez les religieux iraniens.
Le doc. 2 est un article publié dans Courrier international le
4 mars 2019. Il donne des clés pour comprendre les dessous
du conflit indo-pakistanais au sujet du Cachemire, avec le rôle
sous-jacent d’Israël.
Le doc. 3 est une carte reprenant les aires de civilisations selon
Samuel Huntington, qu’il a présentées dans son célèbre ouvrage
Le choc des civilisations, traduit en français en 1997.
Le doc. 4 enfin est un article du spécialiste de géopolitique,
Pascal Boniface, publié dans le journal La Croix le 3 janvier
2014. L’objectif est de nuancer les positions défendues par
Huntington en montrant que les guerres ont toujours des
causes multiples, et donc pas seulement religieuses.
❚❚ Étape 1 / Se documenter
1. Analyse du sujet
La religion, un enjeu géopolitique du xxie siècle
La religion : l’ensemble des croyances, mais aussi la religion
d’État, ou la religion dominante, face aux minorités religieuses.
Un enjeu géopolitique : en quoi la géographie a-t-elle des effets
sur la politique ? Ici, la géographie des religions.
xxie siècle : il s’agit donc de problématiques d’actualité, dans
ce sujet, même si des références historiques peuvent être
mobilisées pour éclairer le sujet.
Il faudra donc aborder à la fois le rôle et la place des religions
dans le domaine politique, aussi bien du côté des religions
dominantes et des minorités, que dans les conflits entre États.
2. Recherche d’informations
Dans l’actualité récente, on peut penser à :
- l’utilisation du nationalisme religieux hindou par le parti du
Premier ministre indien pour les législatives de 2019 (voir p. 383) ;
166 Thème 5 • Analyser les relations entre États et religions
- les conflits religieux entre Israël et la Palestine ;
- les rivalités religieuses dans le monde musulman entre sunnites
et chiites ;
- les oppositions politico-religieuses entre l’Iran et les monarchies
du Golfe ;
- les violences antimusulmanes en Birmanie contre la minorité
Rohingya ;
- l’action des groupes islamistes en Afrique, comme Boko Haram
au Nigeria, au Cameroun ou au Tchad, etc.
❚❚ Étape 2 / Organiser la présentation orale
1. Organiser sa présentation orale de manière structurée
> Les quatre élèves se répartissent les différents temps de la
présentation. Ils peuvent choisir de parler successivement ou
conjointement.
> Pour le support de présentation, le professeur fera attention à
la lisibilité des diapositives proposées, à l’absence de surcharge
en texte, peu esthétique, qui pousse les élèves ensuite à lire
leur diapositive, ce qui n’a aucun intérêt pour l’auditoire. Et le
professeur évaluera la variété des supports choisis ; ils doivent
refléter la variété des disciplines qui viennent en appui de
l’enseignement de spécialité.
2. S’entraîner à l’oral
> Outre le contenu scientifique de l’intervention, le professeur
veillera à la qualité de la performance orale : voix distincte et
intelligible, ton varié, rythme, dynamisme… C’est ce qui permet
de maintenir l’attention du public et de l’intéresser à suivre le
contenu développé.
L’accroche pour lancer la présentation est fondamentale, liée
à l’actualité.
> Exemple d’accroche : Les législatives indiennes d’avril-mai
2019 ont vu le triomphe du Premier ministre sortant Narendra
Modi. Son parti a obtenu 352 des 543 sièges. Ce succès a
été dû notamment au discours nationaliste ouvertement
antimusulman et antipakistanais tenu par le parti en place,
le BJP. C’est donc l’arme religieuse qui a été utilisée par Modi pour
mobiliser l’opinion et cacher un bilan économique peu flatteur.
RÉVISION p. 386-387
❚❚ B / Réviser en s’entraînant
Objectif 1 / Étudier un texte
Ce texte est extrait des mémoires d’Atatürk, publiées aux PUF
en 2005. Mustafa Kemal Atatürk a été président de la Turquie
de 1923 à sa mort en 1938. Il a instauré dans le pays la laïcité.
1. Mustafa Kemal défend une position totalement nouvelle
et différente de ce qui se passait auparavant dans son pays :
il prône en effet la laïcité, face à l’utilisation de la religion à des
fins politiques ou personnelles.
2. Il reproche à ceux qui utilisent la religion à des fins politiques
de le faire au détriment du peuple, de détourner la religion de
ce qu’elle doit représenter et défendre.
3. Pour lui, la religion maintiendrait les individus dans le passé.
Seule la science peut faire progresser les connaissances et
expliquer les choses. Il différencie donc nettement la croyance
de la science.
Objectif 2 / Étudier une carte
1. Les catholiques dominent essentiellement dans l’ouest
des États-Unis, ainsi qu’en Louisiane, en Floride et dans le
nord-est du pays. On peut expliquer cela par la présence de
nombreux immigrés hispaniques dans l’Ouest et en Floride,
dont beaucoup pratiquent activement leur foi catholique.
Dans le Nord-Est, on rencontre davantage de descendants
d’immigrés catholiques irlandais.
2. Les évangélistes sont des Églises protestantes en plein essor
actuellement aux États-Unis. Ils dominent largement dans
tout le Sud-Est du pays. D’une grande diversité (baptistes,
pentecôtistes…), ils pensent qu’on ne peut devenir chrétien
que par la conversion, après avoir « rencontré le Christ ».
3. Dans l’Utah, plus de 60 % des habitants sont des Mormons.
Ils appartiennent à l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers
jours. Cette grande homogénéité religieuse de la population
fait de l’Utah un État très conservateur à l’égard des mœurs.

Méthodes Bac 167

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