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LYCÉE - TERMINALE

HISTOIRE GÉOGRAPHIE,
GÉOPOLITIQUE,
SCIENCES POLITIQUES

LES FONDAMENTAUX
Nicolas Davieau
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SOMMAIRE

PRÉAMBULE5

THÈME 1 : DE NOUVEAUX ESPACES DE CONQUÊTE 6


Introduction : Océan et espace : quelles spécificités ? 6
Axe 1 : Conquête, affirmations de puissance et rivalités 7
Axe 2 : Enjeux diplomatiques et coopérations 12
Objet de travail conclusif : La Chine : à la conquête des mers et des océans. 18

THÈME 2 : FAIRE LA GUERRE, FAIRE LA PAIX : FORMES DE CONFLIT ET


MODES DE RÉSOLUTION 23
Introduction : Formes de conflits et tentatives de paix dans le monde actuel 23
Axe 1 : La dimension politique de la guerre : des conflits interétatiques aux conflits transnationaux.
25
Axe 2 : Le défi de la construction de la paix 32
Objet de travail conclusif : Le Moyen-Orient : conflits régionaux et tentatives de paix impliquant des
acteurs internationaux (étatiques et non étatiques). 37

THÈME 3 : HISTOIRE ET MÉMOIRES 40


Introduction : la différence entre histoire et mémoire 40
Axe 1 : Histoire et mémoires des conflits 42
Axe 2 : Histoire, mémoire et justice  48
Objet de travail conclusif : L’histoire et les mémoires du génocide des Juifs et des Tsiganes.  56

THÈME 4 : IDENTIFIER, PROTÉGER ET VALORISER LE PATRIMOINE : ENJEUX


GÉOPOLITIQUES61
Introduction : Définir le patrimoine.  61
Axe 1 : Usages sociaux et politiques du patrimoine 62
Axe 2 : Patrimoine, la préservation entre tensions et concurrences.  65
Objet de travail conclusif : La France et le patrimoine, des actions majeures de valorisation et de
protection.  70

THÈME 5 : L’ENVIRONNEMENT, ENTRE EXPLOITATION ET PROTECTION : UN


ENJEU PLANÉTAIRE 74
Introduction : Qu’est-ce que l’environnement ?74
Axe 1 : Exploiter, préserver et protéger 74
Axe 2 : Le changement climatique : approches historique et géopolitique.  79
Objet de travail conclusif : Les États-Unis et la question environnementale : tensions et contrastes.
84

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THÈME 6 : L’ENJEU DE LA CONNAISSANCE 89
Introduction : Définir la société de la connaissance 89
Axe 1 : Produire et diffuser des connaissances  89
Axe 2 : La connaissance, enjeu politique et géopolitique 93
Objet de travail conclusif : Le cyberespace : conflictualité et coopération entre les acteurs.  97

GLOSSAIRE103

VERS LE BAC 111


Méthodologie de la dissertation 111
Exemple de dissertation 113
Méthodologie de l’étude critique de document(s) 115
Exemple d’étude critique de document(s) 117

CRÉDITS PHOTOGRAPHIQUES 121

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PRÉAMBULE

Vous avez choisi de conserver l’enseignement de spécialité d’histoire-géographie, géopolitique et sciences


politiques en classe de Terminale. Cette discipline, nouvelle au lycée, vous apporte les clés de compréhension
du monde passé et contemporain sur le plan des relations sociales, politiques, économiques et culturelles.
En adoptant de façon convergente des approches historiques et géographiques sur les situations, les
événements et les contextes étudiés, cet enseignement de spécialité est à la fois une ouverture sur des
objets peu explorés dans la scolarité des élèves et un approfondissement de l’enseignement commun
d’histoire-géographie de Première et Terminale.

L’enseignement propose en outre un traitement politique, aux échelles nationale et internationale,


de grandes questions à dimension historique. L’examen de questions politiques, leur observation sur
un territoire, l’intérêt accordé aux relations internationales, l’étude de l’histoire et des caractéristiques
d’institutions supranationales telles que l’Union européenne ou l’ONU, confèrent à la géopolitique une
place centrale dans ce programme.

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THÈME 1 : DE NOUVEAUX ESPACES DE CONQUÊTE

Introduction : Océan et espace : quelles spécificités ?


L’espace extra-atmosphérique, les mers et les océans sont-ils les dernières frontières que l’Humanité,
après s’être approprié tout l’espace terrestre émergé, devrait désormais repousser ? Malgré leurs
différences, plusieurs aspects rapprochent ces deux espaces : encore largement méconnus, ils recèlent de
ressources matérielles et immatérielles susceptibles d’accroître la puissance des États. Le développement
technologique et technique permet aujourd’hui de les explorer, sinon de les territorialiser – au sens que les
géographes donnent à ce terme : délimiter, s’approprier et exploiter un espace géographique pour en faire
un territoire économique, social et politique. L’histoire récente de la conquête de l’espace et des océans
recoupe celle des puissances traditionnelles qui se sont affirmées au XXe siècle : l’un et l’autre se sont en
effet révélés être des voies potentielles pour la construction du hard power et du soft power, instruments
majeurs des États contemporains. L’espace extra-atmosphérique a ainsi suscité une intense compétition
entre les États-Unis et l’URSS pendant la guerre froide, tandis que le siècle passé a renforcé, diversifié
et complexifié les fonctions stratégiques de présence et de projection que les espaces maritimes avaient
acquises au XIXe siècle. Dans ces deux dynamiques, les États-Unis se sont affirmés comme la puissance
dominante, bien que leur hégémonie, jamais totale, soit même aujourd’hui remise en question.
La course aux armements pendant la guerre froide se mue en une succession de prouesses techniques dont
l’apothéose est la conquête de la lune. Cependant, cette histoire n’est pas uniquement faite de rivalités :
elle est aussi celle d’une coopération internationale qui s’incarne dans des projets scientifiques – telle la
Station Spatiale Internationale – ou, surtout, dans l’établissement de règles internationales, que ce soit
pour l’espace (Traité sur l’Espace, 1967) ou pour les océans (Convention de Montego Bay, 1982), objets de
convoitises. En ce début de XXIe siècle, l’émergence de nouvelles puissances renouvelle les enjeux associés
à l’espace et aux océans : c’est ce que montre l’exemple de la Chine, cette superpuissance en devenir qui se
construit en affirmant sa volonté de participer à la conquête de l’espace, des mers et des océans.

Premier missile balistique de l’histoire, le V2


mesure 15 mètres de long, pèse près de 12
tonnes, peut attendre la vitesse de 5.000 km/h et
transporter une charge explosive à plus de 750
kilomètres. Plus de 4 000 de ces missiles sont
produits à la fin de la guerre par le régime nazi
et tirés vers le sud de l’Angleterre, où ils font
essentiellement des victimes civiles.

Tir d’un V2 depuis la base de Peenemünde, pour vu vol d’essai (1943).

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Axe 1 : Conquête, affirmations de puissance et rivalités

Jalon 1 : Les enjeux géopolitiques d’une conquête : la course à l’espace des


années 1950 à l’arrivée de nouveaux acteurs.

À l’origine : la supériorité soviétique dans la course à l’espace


Après la Seconde guerre mondiale, l’espace devient l’un des principaux lieux de la compétition militaire
(hard power) et culturelle (soft power) à laquelle se livrent les États-Unis et l’URSS dans le cadre de la
guerre froide. La course à l’espace naît dans le contexte d’une course aux armements, qui poussent les
deux puissances à vouloir imiter les missiles balistiques développés par le régime nazi. Cette technologie
est toutefois utilisée par l’URSS pour propulser de premiers engins au-delà de l’atmosphère, attisant une
rivalité technologique avec les États-Unis sur fond de compétition culturelle, à laquelle assiste en spectateur
le reste du monde. Le 3 novembre 1957, l’avance technologique de l’URSS est manifeste lors du lancement
de Spoutnik 2, qui permet de mettre en orbite le premier animal vivant – la chienne Laïka. Un premier pas
de la recherche vers le principe des vols habités, objets du programme Vostok dans lequel s’inscrivent
les lancements suivants. Sept Spoutnik sont tirés entre 1958 et 1961 : plusieurs chiens sont ainsi envoyés
dans l’espace et, au contraire de Leïka, ils sont récupérés vivants. Cette maîtrise de la technologie spatiale
permet aux Soviétiques de franchir un nouveau cap. Le 12 avril 1961, une fusée Semiorka, surmontée du
vaisseau Vostok-1, permet à Youri Gagarine de devenir, pendant 108 minutes, le premier homme à effectuer
un vol dans l’espace – le premier cosmonaute, pour reprendre le terme utilisé dès lors par les Soviétiques
pour désigner les membres de ces vols spatiaux habités. Un événement mondial, qui signe l’apogée du
programme spatial soviétique et une nouvelle défaite américaine – d’autant qu’après 1961, les succès
soviétiques s’accumulent : en 1963, la cosmonaute Valentina Terechkova devient la première femme dans
l’espace ; en 1965, le cosmonaute Alexeï Leonov est le premier homme à effectuer une sortie dans l’espace.

Le programme Apollo, tournant de la course à l’espace


Aux États-Unis, la recherche sur les vols habités progresse, mais sans atteindre le niveau de technologie
soviétique. La création de la NASA en juillet 1958 a été suivie par le lancement du programme de recherche
sur les vols habités, Mercury. En 1962, il permet à quatre astronautes d’aller dans l’espace, un an après
Gagarine. L’exploit de ce dernier incite les États-Unis à accroître encore leurs investissements dans le
domaine spatial. En mai 1961, John F. Kennedy affirme devant le Congrès américain sa nouvelle ambition –
conquérir la Lune – et lance, pour y parvenir, le programme Apollo. Les moyens de la NASA sont largement
augmentés : entre 1960 et 1965, ses effectifs passent de 10 000 à 36 000 employés, et son budget de 500 M.
de dollars à 5 200 M. – il représente alors 5,3% du budget fédéral. Tout un tissu industriel (20 000 sociétés)
et intellectuel (200 universités) contribue au programme Apollo. Quelques mois plus tard, le 21 juillet 1969,
Neil A. Armstrong et Buzz Aldrin deviennent les premiers hommes à marcher sur la Lune, après avoir aluni
dans la désormais célèbre Mer de la Tranquillité. Très médiatisé, l’événement entraîne une rupture radicale
dans l’histoire de la conquête spatiale, dans laquelle les États-Unis affirment dès lors leur supériorité.
La réussite de la mission Apollo 11 (1969), tout en consacrant la suprématie américaine, conduit
paradoxalement à un relatif reflux des enjeux spatiaux, caractérisé par la volonté de réduire les coûts des
différents projets d’exploration ou de conquête spatiales.

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Buzz Aldrin photographié par
Neil Armstrong devant le drapeau
américain planté dans le sol
lunaire.

Mission Apollo 11 : les premiers hommes sur la lune.

L’arrivée de nouveaux acteurs étatiques et privés (Chine, Inde, entreprises)


L’affirmation de nouvelles puissances (France, Europe, Chine, Inde) dans les dernières années de la guerre
froide et dans les deux décennies qui suivent relance cependant la course à l’espace, dans laquelle les États-
Unis tentent de conserver leur suprématie tout en en renouvelant les fondements. Tandis que s’accentue
la militarisation de l’espace – qui, en l’absence d’une véritable réglementation internationale, fait peser de
lourdes menaces, des acteurs privés surgissent dans le secteur de l’espace commercial suivant des enjeux
multiples. Pour Space X, entreprise américaine fondée par Elon Musk, il s’agit de transporter du matériel
pour la NASA sur la Lune tout en développant les technologies de vol habité pour préparer ses projets
futurs comme la colonisation de Mars. Quant à Blue Origin, société créée par Jeff Bezos le fondateur
d’Amazon, elle vise le développement de vols touristiques vers la Lune.

La politique spatiale française


Soucieux d’accroître la puissance française tout en se distinguant de la puissance américaine, le général
de Gaulle décide, après son retour au pouvoir en 1958, la création d’un organisme chargé de mettre en
application une politique spatiale française ambitieuse : le Centre National d’Études Spatiales (CNES). Ce
dernier développe son propre programme de lanceur. Le 26 novembre 1965, le premier lanceur français,
Diamant, décolle d’Hammaguir, champ de tir situé dans le Sahara algérien, près de Colomb-Béchar. Il met
en orbite le premier satellite français, « Astérix », qui fait de la France la troisième puissance spatiale – et
dont le nom illustre bien l’ambition gaullienne de se démarquer du « grand frère » américain.

La politique spatiale européenne


La France est également à l’origine du programme européen Ariane, lancé en 1973 avec le soutien de
l’Agence spatiale européenne (ESA). Cette dernière a été créée le 30 mai 1975 afin de regrouper les efforts
spatiaux des pays européens (République Fédérale d’Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, France,
Irlande, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède, Suisse). C’est dans ce cadre que s’opère la recherche devant
permettre, après l’abandon des lanceurs Diamant, de mettre en point les lanceurs lourds européens, qui
prennent progressivement le nom d’Ariane. Deuxième agence spatiale mondiale, l’ESA reste pourtant
limitée : son budget (5,72 Ma. d’euros, en 2019) est bien inférieur à celui de la NASA. La fragilité de
l’ESA l’empêche par ailleurs de faire face à l’apparition de nouveaux acteurs nationaux, appartenant aux
puissances émergentes, notamment celles des BRICS. La Russie reste un acteur important malgré sa
perte de vitesse depuis la fin de la guerre froide. La centralisation des sociétés industrielles au sein de
l’Agence spatiale russe créée en 1992, et devenue l’entreprise d’État Roscosmos en 2015, semble favoriser
un regain de la puissance spatiale russe. La réussite de la mission Soyouz-MS 11 vers l’ISS semble attester
de la modernisation de l’arsenal russe – à tel point que Roscosmos envisagerait aujourd’hui un vol habité
vers la Lune pour 2030.

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Les puissances spatiales émergentes
Le début du XXIe siècle est surtout marqué par l’émergence de deux nouvelles puissances spatiales : la
Chine, qui a procédé à son premier lancement autonome de satellite dès avril 1970 (lanceur « Longue
Marche »), et l’Inde, qui lui a succédé le 18 juillet 1980. La forte croissance économique de ces deux nations
trouve aujourd’hui un prolongement dans le domaine spatial, notamment de la Chine, dont l’agence spatiale
(Administration Spatiale Nationale de Chine, ASNC), s’inscrit désormais dans le peloton de tête des cinq
premières puissances spatiales, avec la NASA, l’ESA, le CNES et Roscosmos. Ces puissances sont en
effet les seules à disposer de lanceurs nationaux, de satellites militaires, de missions d’exploration du
système solaire et de missions spatiales habitées. En 2003, elle est devenue le troisième pays à envoyer
un homme dans l’espace, avec le premier vol d’un taïkonaute à bord de la navette spatiale Shenzou. Plus
récente, l’affirmation spatiale de l’Inde, pilotée par l’Organisation Indienne pour la Recherche Spatiale
(Indian Space Research Organisation, IRSO), s’est traduite par l’avènement d’une nouvelle puissance sur
le marché des lanceurs commerciaux et une politique d’exploration (première sonde spatiale vers la Lune,
Chandraayan-1, en 2008, puis, en 2019, d’un atterrisseur, Chandraayan-2 – avec lequel tout contact a été
perdu au moment de l’alunissage).
L’avènement de ces nouvelles puissances spatiales à l’aube du XXIe siècle a incité, en 2004, le président
George W. Bush à affirmer sa volonté de relancer une stratégie spatiale américaine (Vision for Space
Exploration) afin de renouer avec les succès des vols habités type Apollo. Le programme Constellation
envisage la création de nouveaux lanceurs et le retour d’astronautes sur la Lune, prélude possible à une
future mission martienne – mais les retards et les difficultés poussent l’administration Obama à annuler le
programme (2010), avant de mettre un terme à l’épopée des navettes spatiales américaines (2011).

Chronologie

— 1957 : Spoutnik 1, premier satellite soviétique.


— 1958 : Explorer, premier satellite américain.
— 1961 : Mission Vostok 1, premier vol habité dans l’espace. (Gagarine).
— 1965 : Astérix, premier satellite français.
— 1969 : Apollo 11, premier homme sur la Lune (Armstrong).
— 1970 : Osumi (du nom d’une province japonaise), premier satellite japonais.
— 1970 : Dong Fang Hong I (« L’Orient est rouge »), premier satellite chinois.
— 1971 : Prospero X3, (du nom d’un personnage de Shakespeare), premier satellite britannique.
— 1973 : Lancement du programme européen Ariane.
— 1980 : Rohini 1b, premier satellite indien.
— 1981 : Lancement de Météosat 2 par l’Agence Spatiale Européenne.
— 1986 : Explosion au décollage de la navette spatiale Challenger.
— 1988 : Ofek 1 (« Horizon »), premier satellite israélien.
— 2008 : Space X (entreprise privée), premier lancement réussi.
— 2009 : Ormid (« Espoir »), premier satellite iranien.
— 2012 : Kwangmyongsong 3 numéro 2, (« Étoile brillante »), premier satellite nord-coréen.
— 2013 : KSLV 1, (Korea Space Launch Vehicule), premier satellite sud-coréen.

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Les principales puissances spatiales

CNRS Le Journal ©ISV-RG

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Jalon 2 : Affirmer sa puissance à partir des mers et des océans.

Forces de projection maritimes et dissuasion nucléaire


L’importance géopolitique des mers et des océans est indiscutable : ce sont des espaces où les États
peuvent affirmer et projeter leur puissance. Si des thalassocraties ont existé depuis l’Antiquité, l’époque
moderne (fin du XVe-XVIIIe siècles), en amorçant la mondialisation actuelle, a exacerbé les enjeux liés à la
conquête et à la maîtrise des espaces maritimes. La monarchie espagnole a su s’imposer en Méditerranée,
dans l’Atlantique et le Pacifique, mais c’est le Royaume Uni qui est devenu la première thalassocratie
mondiale de l’ère contemporaine, au XIXe siècle. La Première guerre mondiale (1914-1918) a remis en
cause sa suprématie, avant que la Seconde guerre mondiale (1939-1945) puis la guerre froide (1947-1991)
ne consacrent celle des États-Unis. Première puissance navale et maritime mondiale, l’US Navy dispose
d’une flotte sans équivalent en termes d’effectifs, de matériels ou de technologies, et d’un réseau mondial
de points d’appui (bases navales, facilités) qui lui permettent de se projeter sur tous les océans et toutes les
mers du globe. Après elle, la hiérarchie des principales puissances navales souligne le poids des trajectoires
historiques : la Russie conserve une puissance acquise du fait de la course aux armements pendant la
guerre froide, tandis que la Marine française et la Royal Navy disposent d’une force de projection liée aux
territoires hérités de leurs empires coloniaux. Avec la Chine, ces puissances navales font surtout partie du
club très fermé des États disposant de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE), instruments les
plus à même de concrétiser la doctrine de dissuasion nucléaire née pendant la guerre froide. Certaines
puissances, dont la France, ont fait de cette doctrine de défense leur fer de lance.

Les événements clés

— 1958 : Premier accord international (ONU) sur le droit de la mer.


— 1960 : Exploration de la fosse des Mariannes.
— 1971 : Traité sur le fond des mers (interdiction d’y placer des armes nucléaires).
— 1979 : Découverte de sources d’eau chaude dans les profondeurs océaniques.
— 1982 : Convention de Montego Bay.
— 2007 : Drapeau russe planté au fond de l’océan Arctique.
— 2018 : Convention intergouvernementale sur la biodiversité marine (BBNJ).
— 2018-2019 : L’expédition The Five Deeps Expeditions explore les points les plus profonds des
cinq océans.

Les puissances maritimes

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Un seul océan mondial, neuf bases pour les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins

Géoconfluences, 2020.

Toutes ces marines sont aujourd’hui confrontées à la diversification des enjeux maritimes et des missions qui
leur sont confiées, parmi lesquelles figurent la lutte contre les menaces non-conventionnelles (terrorisme,
piraterie), les opérations humanitaires ou l’évacuation de leurs ressortissants dans les pays en crise. La
lutte contre la piraterie souligne bien les enjeux de puissance associés à cette nouvelle facette des missions
navales : au-delà de la nécessité d’assurer les routes maritimes, artères de la mondialisation, il s’agit
aussi, pour les États contemporains, de démontrer leur puissance navale et leur capacité à se projeter sur
les océans. Dès lors, l’implication des grandes puissances maritimes dans ces opérations internationales
se déroulant à proximité d’eaux territoriales déjà sources de tensions (Golfe d’Ormuz, Océan Indien) ne
peut qu’entrer en conflit avec l’affirmation géopolitique des États bordiers – au premier rang desquels
figurent les puissances émergentes du XXIe siècle.

Axe 2 : Enjeux diplomatiques et coopérations

Jalon 1 : Coopérer pour développer la recherche : la station spatiale


internationale

Mir et les premières formes de coopération


Pris de court par la réussite de la mission Apollo (1969), les Soviétiques envisagent de prendre leur revanche
et de récupérer le prestige de la suprématie spatiale par le lancement de la première station spatiale habitée
et l’occupation permanente de l’orbite terrestre qu’elle rend possible. Les années 1970 ouvrent ainsi l’ère

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des stations Saliout (« Salut », en français), dont la première est mise en orbite en 1971. Six autres suivront
(Saliout 2, 1973 ; Saliout 3 et 4, 1974 ; Saliout 5, 1976), autant à des fins civiles (observation terrestre,
recherche scientifique) que militaires (espionnage des territoires adverses). La deuxième génération de
stations Saliout (Saliout 6, 1977, et Saliout 7, 1982) permet aux Soviétiques d’assurer les premiers vols de
longue durée dans l’espace (617 jours pour Saliout 6, 1 075 jours pour Saliout 7), ce qui semble alors leur
redonner une avance sur les États-Unis.
Dans cette décennie, la NASA, elle, ne lance qu’une seule station (Skylab) et elle n’est occupée que neuf
mois (mai 1973-février 1974) avant d’être abandonnée. Ses débris retombent sur Terre en 1979. Les Russes
poursuivent le perfectionnement de leur programme et acquièrent une expérience unique en la matière.
Après l’abandon de Saliout 7 en 1985, dont les débris retombent sur Terre en 1991, ils élaborent le projet
Mir (« Paix », en français). Cette troisième génération de station reste en orbite près de quinze ans. Mir est
le dernier grand succès spatial de l’URSS. C’est avec elle que débute réellement l’occupation permanente
de l’orbite terrestre : des équipages s’y trouvent 90% du temps, le record de séjour étant détenu par le russe
Valeri Poliakov, qui y est resté quinze mois entre 1994 et 1995.
Les mises en orbite de Saliout et de Mir marquent les débuts de la coopération internationale dans l’espace
à des fins civiles et scientifiques. Le premier pas a été franchi avec Saliout 7, sur laquelle deux astronautes
étrangers, comme le français Jean-Loup Chrétien, ont été invités à rejoindre les équipages soviétiques.

La station spatiale internationale (ISS)


La Station spatiale internationale le 4 octobre 2018.

Née dans le contexte de la guerre froide, la station spatiale internationale (ISS) symbolise l’émergence
d’une logique de coopération internationale dans la recherche spatiale. En la matière, les stations Saliout
et Mir ont constitué d’importants précédents historiques. Dès le milieu des années 1980, les soviétiques
ont ainsi convié des membres d’autres agences spatiales, notamment des Européens, à séjourner au sein
de ces stations qui consacraient alors un savoir-faire qu’ils étaient seuls à maîtriser. Dans les années 1980,
les États-Unis ont imité cette ouverture internationale, poussés d’ailleurs par une même logique financière
(mutualiser les coûts) : c’est dans cette perspective que le projet de station « Freedom » est devenu celui
de l’ISS, associant d’abord l’ESA, JAXA et le CSA à la NASA, avant que RKA/Roscosmos y soit invité en
1993. L’acte de naissance de l’ISS (accord de 1998), met en place les règles de la coopération internationale,
tout en héritant des logiques de pouvoir de la guerre froide : elle consacre la suprématie américaine et la
supériorité russe, reléguant les autres puissances à des places subalternes.

L’avenir de l’ISS
La mise en place et l’approvisionnement du « Meccano » de l’espace reflète également la hiérarchie des
puissances spatiales, et la dépendance du projet aux États-Unis qui en sont les principaux propriétaires.
Une forme de coopération internationale émerge : dominée par la première puissance mondiale, elle n’en
favorise pas moins l’essor d’une recherche scientifique placée sous les auspices de la coexistence et de
la collaboration de chercheurs nationaux au sein de laboratoires en orbite. L’intérêt de cette recherche
scientifique est toutefois âprement contesté, étant donné le coût faramineux qu’elle impose aux budgets

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des États – autre critique récurrente du projet, qui dépasse aujourd’hui les 150 milliards de dollars. Cette
situation a incité les États-Unis, dans un contexte de retour de projets de stations nationales (Tiangong), à
rechercher des alternatives lui permettant de maintenir l’ISS tout en s’en désinvestissant financièrement
(privatisation des transports, puis de la station elle-même).
Au départ, l’ISS devait fonctionner jusqu’en 2016. Malgré les réticences américaines, la NASA a su
convaincre l’administration de maintenir son financement jusqu’en 2024 au moins. L’ESA, pour laquelle
cette coopération internationale est peut-être le seul moyen d’avoir un véritable programme de vol habité et
de présence spatiale, espère que la date sera repoussée jusqu’en 2030. Enfin, l’intérêt scientifique de l’ISS
est également contesté et ne justifierait pas son coût énorme, ce qui interroge l’avenir de cette première
forme de coopération spatiale internationale : l’ISS restera-t-elle dans l’histoire comme le premier pas
d’une appropriation collective de l’espace – ou une brève parenthèse de coopération internationale dans
une compétition toujours plus acharnée entre puissances terrestres et spatiales rivales ?

Les événements clés

— 1983 : Projet de l’ISS (États-Unis, Canada, Japon et Europe).


— 1985 : Accord des agences européenne, canadienne et japonaise.
— 1986-2001 : Station spatiale russe Mir.
— 1993 : La Russie (qui n’est plus l’URSS) est intégrée au projet.
— 1995-1998 : Entraînement des astronautes de la NASA sur Mir.
— 1998-2011 : Assemblage de l’ISS, transport par Soyouz (Russie) et navette spatiale (États-
Unis).
— 2008-2024 : Ravitaillement diversifié (Europe, Japon, Space X).
— 2011 : Fin de la navette américaine.
— 2024 : Fin d’exploitation prévue.
— 2024-2030 : Démantèlement prévu.

Jalon 2 : Rivalités et coopérations dans le partage, l’exploitation et la


préservation des ressources des mers et des océans.

De la création des zones économiques exclusives à Montego Bay…


Mers et océans sont des espaces de ressources, qu’elles soient halieutiques, énergétiques, minières ou
maritimes (commerce, tourisme) qui suscitent les convoitises des États bordiers. Ces derniers affirment
leurs ambitions de souveraineté sur les espaces marins dans la seconde moitié du XXe siècle, conduisant à
l’élaboration progressive d’un droit international de la mer, consacré par la Convention des Nations Unies
pour le Droit de la Mer à Montego Bay en Jamaïque (1982). En distinguant différents espaces maritimes,
notamment les ZEE, et les droits d’usage des États s’y afférant, la CNUDM a légitimé et légalisé un processus
de territorialisation des espaces maritimes.
La CNUD a ainsi défini ou précisé :
— La méthode de définition de la ligne de base : la limite à partir de laquelle est calculé le pourtour de
la mer territoriale.
— La mer territoriale (ou eaux territoriales), qui désigne la partie de la mer côtière pouvant aller jusqu’à
12 milles nautiques et sur laquelle l’État riverain est pleinement souverain sur les eaux, les fonds marins
et sous-marins.

14 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES


— La zone contiguë qui, au-delà de la mer territoriale, peut englober l’espace jusqu’à 24 milles nautiques
à partir de la ligne de base et sur laquelle l’État souverain peut exercer des contrôles policiers, douaniers,
fiscaux ou sanitaires.
— La Zone économique exclusive (ZEE), d’une largeur maximale de 200 milles nautiques (370,4 km), où
l’État riverain se voit attribuer un droit exclusif d’exploitation des ressources des eaux, des fonds marins
et sous-marins, mais doit respecter la liberté de circulation des navires étrangers.
— La zone de haute mer (ou eaux internationales), qui représente 64 % de la surface des océans et est
régie par quatre libertés : navigation, pêche, pose de câbles et de pipelines, survol aérien. Chaque pays
peut en exploiter les ressources à l’exception de celles du sol et du sous-sol qui sont considérées comme
un « patrimoine commun de l’humanité » depuis une résolution de 1970.

Les décisions de la CNUDM n’entrent toutefois en application qu’en 1994, même s’il faut attendre encore
plusieurs années pour que les grands pays industrialisés la ratifient (France, 1996) – certains ne l’ayant
toujours pas fait (États-Unis, Israël, Pérou, entre autres).

…à la Biological diversity beyond national juridiction (BBNJ)


Cette dynamique de territorialisation des océans se poursuit aujourd’hui dans l’effort de coopération
internationale pour le partage de l’exploitation des ressources présentes en haute mer, dans des
espaces marins qui représentent l’essentiel de l’océan et sont encore considérés comme faisant partie
d’un patrimoine commun de l’humanité, inaliénable aux États. Une dynamique qui, toutefois, doit – ou
devrait ? – se montrer toujours plus soucieuse des enjeux écologiques liées à la territorialisation et à
l’exploitation des espaces marins, de leurs écosystèmes et de leur biodiversité, qui subissent comme toute
la planète la multiplication et le cumul des pressions anthropiques – en témoigne la destruction de la
barrière de corail ou le « continent de plastique ».
L’objectif de la Conférence intergouvernementale sur la biodiversité marine organisée par l’ONU depuis
2018 (BBNJ : Biological Diversity beyond National Juridiction) est d’élaborer, à l’horizon 2020, un droit
international de la haute-mer, soit l’espace maritime majoritaire qui échappe à la souveraineté des États
(43 % de la surface du globe). Les enjeux sont à la fois environnementaux et économiques. Il s’agit d’abord
de protéger la biodiversité marine en haute mer, par l’instauration d’une règlementation contraignante
pour les activités maritimes, qui la mettent en danger. Il ne s’agit pas, toutefois, de conserver les milieux
marins, au sens de les maintenir intacts ou en leur état actuel, mais de fixer les règles de leur « exploitation
durable » : faire en sorte que le prélèvement maritime de leurs ressources s’inscrive dans le long terme.
Les enjeux sont donc également économiques. Ils ne concernent pas les ressources halieutiques de la
colonne d’eau (exclues du traité), ni les ressources minières des fonds marins (dépendantes de l’AIM), mais
les « ressources génétiques marines » qui pourraient être utilisées dans les biotechnologies marines. Le
développement rapide de ces dernières dans différents secteurs (pharmacie, agroalimentaire, cosmétique,
etc.) depuis le début de la décennie, a incité l’ONU à organiser cette conférence pour à la fois protéger ces
ressources d’une exploitation sauvage, mais aussi donner un cadre légal pour partager ces richesses entre
les acteurs impliqués.

CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES 15


Les ZEE et « internationales »

Zone économique exclusive (ZEE).

Zone libre d'approbation


("eaux internationales")

La territorialisation des espaces maritimes ne va pas sans susciter des tensions, sinon des conflits, entre
les États bordiers, mais la logique de coopération dans le partage des océans s’accentue du fait de la mise
en place progressive d’institutions internationales. C’est notamment le rôle du Tribunal International du
Droit de la Mer (TDIM), qui doit trancher les différends frontaliers entre États, mais aussi de la Commission
des Limites du Plateau Continental (CLPC) qui donne son avis sur le partage des espaces maritimes au-delà
des ZEE : deux organismes dont le fonctionnement permet sans doute d’éviter des conflits militaires.

Droit souverain de l’État côtier sur ses ressources naturelles


Schéma des zones maritimes du droit international.

16 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES


Un « continent de plastique » dans le Pacifique

Cette « zone » a
été découverte par
l’océanographe et skipper
américain Charles J. Moore
en 1997. Les courants du
Pacifique créent un effet
circulaire qui attire les débris
d’Amérique du nord, d’Asie
et des îles hawaïennes,
et les agglomèrent. Situé
dans le gyre subtropical du
Pacifique nord, ce vortex de
plastique représente plus
de 100 millions de tonnes
de déchets, une « soupe de
plastique » profonde de dix
mètres et qui s’étend sur une
superficie de 1, 76 M. de km².

La mise en place d’une régulation internationale pour favoriser leur protection ou leur exploitation durable,
reste pourtant encore incomplète, tant elle heurte des intérêts politiques et économiques multiples – et ce,
malgré la nécessité et l’urgence de préserver l’océan pour assurer le fonctionnement climatique de notre
planète.

Les événements clés

— 1958 : Premier accord international sur le droit de la mer à l’ONU.


— 1970 : La « Haute Mer » devient « patrimoine commun de l’humanité » selon la définition de
l’ONU.
— 1982 : Conférence de Montego Bay.
— 1992 : Convention pour la protection du milieu marin de l’Atlantique Nord.
— 1994 : Autorité internationale des fonds marins.
— 1995 : Convention internationale contre la surpêche.
— 2018 : Convention intergouvernementale sur la biodiversité marine (BBNJ).

CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES 17


Objet de travail conclusif : La Chine : à la conquête des mers et des
océans.

Jalon 1 : Une volonté politique d’affirmation (discours, investissements,


appropriations…).

La Chine : une puissance émergente, une superpuissance en devenir


La Chine est sans doute la principale puissance émergente au début du XXIe siècle. Sa trajectoire historique
récente est celle d’un pays qui cherche sa voie politique jusqu’à s’affirmer comme une superpuissance en
devenir. Depuis la fondation de la République Populaire de Chine (1949), ce régime communiste fondé
par Mao Zedong s’est d’abord rapproché de l’URSS dans les années 1950, avant de s’en distinguer pour
s’affirmer comme l’un des leaders du Tiers-Monde dans les années 1960. Son rapprochement avec les États-
Unis lui a permis, dans les années 1970, de rompre son isolement diplomatique, préparant le terrain aux
importantes réformes menées par Deng Xiaoping après la mort de Mao. Ces « Quatre modernisations » ont
favorisé le développement de l’économie et de la société chinoises, et leur insertion dans la mondialisation,
dont elle est devenue, au début du XXIe siècle, l’une des principales actrices.

Les événements clés

— 1947 : Première revendication maritime chinoise en mer de Chine.


— 1970 : Premier satellite chinois dans l’espace.
— 1971 : Premières revendications chinoises sur les îlots de Senkaku.
— 2003 : Premier taïkonaute dans l’espace.
— 2011 : Première station spatiale chinoise habitée.
— 2013 : Projet des « Nouvelles routes de la soie ».
— 2013 : Premier alunissage réussi.
— 2015 : Officialisation de la politique des « Nouvelles routes de la soie ».
— 2015 : Lancement du programme Made in China 2025.
— 2016 : La Chine rejette l’arbitrage défavorable de la Cour internationale de La Haye sur ses
revendications de Pékin en mer de Chine.
— 2017 : Inauguration à Djibouti de la première base militaire chinoise à l’étranger.
— 2019 : Premier alunissage mondial sur la face cachée de la lune par les taïkonautes chinois.

18 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES


La puissance retrouvée

Le retour de la puissance
dans le cadre du pacte
sino-soviétique dans les — Puissance géopolitique et militaire
années 1950. — Intégrité territoriale retrouvée
— Rôle géopolitique et militaire dans son environnement proche.
Quels aspects de la puissance
de la Chine retrouve-t-elle ?

— Puissance géopolitique et militaire et diplomatique


L'affirmation de la puissance — Reconnaissance par la communauté internationale dont les États-Unis
dans les années 1960 et 1970 — Infuence grandissante en Asie et en Afrique
après la rupture avec l'URSS. — Acquisition de l'arme nucléaire
Quels aspects de la puissance — Puissance culturelle : influence du maoïsme en Occident
de la Chine retrouve-t-elle ? — Grâce à la rupture avec l'URSS et la poursuite d'une politique de
détente

— Puissance économique mondiale incontestée


Depuis 1978, une — Volonté de devenir une puissance militaire et culturelle
superpuissance en devenir. — 2e budget militaire du monde
Quels aspects de la puissance — Armée la plus nombreuse du monde
de la Chine retrouve-t-elle ? — Diaspora, instituts Confucius
— Grâce à l'ouverture au libéralisme et à la mondialisation

Les moyens et les manifestations de la puissance : ambitions spatiales et maritimes


Les ambitions spatiales et maritimes de la Chine sont de parfaites illustrations de ce cheminement qui a
favorisé l’ascension géoéconomique et géopolitique de la Chine. Né dans les années 1950, le programme
spatial s’est développé de manière autonome et, malgré ses difficultés, se positionne aujourd’hui comme
l’un des plus ambitieux de la planète. De même la RPC, régime historiquement tourné vers les terres
d’Asie, s’est-il ouvert aux espaces maritimes grâce aux réformes de Liu Huaqinq : comme Alfred Mahan
l’a fait pour les États-Unis à la fin du XIXe siècle, ce théoricien militaire a mis en avant la nécessité, pour la
Chine, d’affirmer sa puissance navale et maritime en mer de Chine puis dans l’océan indien, amorçant le
virage « thalassocratique » du pays. Dans ces deux secteurs, la Chine est rapidement passée de la théorie
à la pratique. Le développement de l’industrie spatiale lui a permis de multiplier les succès technologiques
au cours des deux dernières décennies, lui permettant de rejoindre le club des principales puissances
spatiales – et donc d’appuyer son hard power et son soft power. Un investissement qui se traduit également
dans la forte croissance et la modernisation de sa puissance navale, notamment en mer de Chine, où la
RPC, qui revendique sa souveraineté sur la totalité de cet espace parsemé d’îlots inhabités, multiplie les
appropriations territoriales depuis quatre décennies.

Jalon 2 : Des enjeux économiques et géopolitiques considérables pour la


Chine et le reste du monde.
L’investissement de la Chine dans la conquête de l’espace, des mers et des océans répond à des enjeux
nationaux autant qu’il soulève des enjeux régionaux et mondiaux.
L’affirmation de la puissance chinoise s’inscrit d’abord dans une perspective nationale : les industries
spatiale et navale, consacrées comme deux des dix piliers du programme Made in China 2025, doivent
soutenir la croissance économique, laquelle doit rester forte pour maintenir l’effort de développement de

CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES 19


la première puissance démographique mondiale. Elles doivent aussi contribuer à sortir la Chine de cette
condition d’« atelier du monde » pour en faire une puissance économique moderne et comparable aux
nations occidentales : c’est toute l’ambition du « rêve chinois » porté par Xi Jinping, cette vaste réforme
économique aux accents nationales qui, à l’horizon du centenaire de la fondation de la RPC (2049), doit faire
de la Chine une superpuissance moderne et dominante. Les enjeux économiques de l’affirmation spatiale
et maritime de la Chine sont donc aussi mondiaux.

Les dix secteurs clés du programme Made in China 2005

L’espace n’est pas seulement source de soft power : il doit également contribuer au hard power en dotant
la Chine d’une capacité d’influence économique internationale, même si son poids dans le domaine de
l’espace commercial reste encore limité. Quant aux implications maritimes des « Nouvelles routes de la
Soie », au croisement d’enjeux économiques et militaires mondiaux, elles consacrent l’importance régionale
croissante de la Chine dans l’Océan Indien, où est mise en place la diplomatie du « collier de perles », visant
à contrôler les routes maritimes tout en évitant le rival indien.

Le « collier de perles » chinois : un instrument de puissance


David Scott, Pékin s’incruste en
mer de Chine (la stratégie du « collier
de perles »), 01/09/2009, Alternatives
Economiques.

20 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES


Un hard power qui est aussi militaire et dont les enjeux géopolitiques sont également mondiaux.
L’arsenalisation spatiale de la Chine est une réalité. Cependant, si la Chine compte bel et bien parmi les
puissances qui contribuent le plus à la militarisation de l’espace, elle n’en est pas la seule responsable,
restant en la matière bien inférieure à la puissance dominante, héritée de la guerre froide – celle des
États-Unis. En mer de Chine par contre, son affirmation thalassocratique, qui s’oppose diplomatiquement
et parfois militairement aux revendications des autres États bordiers, tend à faire de l’Asie Pacifique l’un
des principaux « points chauds » de la planète. D’abord régional, ce « point chaud » se fait de plus en plus
mondial. La mer de Chine, dans laquelle l’US Navy est massivement présente, devient même le principal
théâtre de l’opposition croissante entre les deux superpuissances mondiales de ce début de XXe siècle.

Les nouvelles frontières

L’océan et l’espace ont pour point commun d’être encore largement inconnus, bien que leur perception
et leur maîtrise par les sociétés humaines se soient accélérées au XXe siècle. Importants pour leurs
ressources potentielles, ils constituent aussi des théâtres où les États peuvent affirmer leur puissance et
qu’ils peuvent s’approprier en fonction de leurs intérêts. Une volonté de conquête qui pourrait repousser
encore les limites de l’œkoumène (espace habitable sur la planète) : océans et espace sont bien les
nouvelles frontières de l’humanité au XXIe siècle.

Synthèse : Les enjeux et les limites de la coopération des nouveaux espaces


de conquête.

Les enjeux de la coopération Les limites de la coopération

Des intérêts nationaux divergents voire


Préserver le milieu et les ressources
rivaux.
Haute mer
La difficulté de mettre en place une gouver-
Garantir la libre circulation
nance efficace.
Espace Une question rendue de plus en plus urgente
avec la crise climatique.
Valoriser et exploiter les ressources
Des crises immédiates (comme la Covid-19)
relèguent la question au second plan.

Les acteurs

Youri Gagarine (1934-1968)

Astronaute russe, Youri Gagarine est le premier homme à avoir effectué un


vol dans l’espace au cours de la mission Vostok 1 le 12 avril 1961, dans le
cadre du programme spatial soviétique.

CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES 21


Neil Armstrong (1930-2012)

Astronaute américain, Neil Armstrong est le premier homme à avoir posé le


pied sur la Lune le 21 juillet 1969, durant la mission Apollo 11, prononçant
alors une phrase restée célèbre : « That’s one small step for [a] man,
one giant leap for mankind » (en français : « C›est un petit pas pour [un]
homme, [mais] un bond de géant pour l›humanité »).

Xi Jinping (1953-…)

Fils d’un compagnon du président Mao, Xi Jinping est Président de la


République populaire de Chine depuis 2013.

22 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES


THÈME 2 : FAIRE LA GUERRE, FAIRE LA PAIX : FORMES
DE CONFLIT ET MODES DE RÉSOLUTION

Introduction : Formes de conflits et tentatives de paix dans le monde


actuel
Le thème 2 de votre spécialité porte sur la guerre et la paix. Pour comprendre les enjeux de ce thème, il
convient de s’intéresser aux conflits actuels. Une grande diversité les caractérise dans leur forme, leurs
acteurs, leurs motifs et dans les pistes de résolution. Difficile de proposer un panorama des conflits armés
tant la situation géopolitique est mouvante. Regardez cette carte de 2017 pour faire un premier point.

Panorama des conflits en 2017

FNSP Sciences Po Atelier de cartographie

CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES 23


Comme vous pouvez le constater, certaines régions de notre planète sont davantage touchées par les
conflits qui prennent, par ailleurs des formes très différentes. Essayons de dresser une typologie nette
des conflits actuels en distinguant les principales formes de conflits qui ne sont pas exclusives. Un même
conflit peut donc revêtir plusieurs formes.

Première typologie des conflits

Cette typologie posée, on peut affiner la réflexion sur les conflits en tentant de faire une liste des causes
des guerres.

Pourquoi et comment arrêter de faire la guerre ?


La guerre cesse. Mais pourquoi et comment ? Faisons l’inventaire des raisons et les moyens qui poussent
les belligérants à parvenir à la paix.

Typologie des causes et des moyens

– Économiques : la guerre coûte cher.


– Politiques : la guerre peut devenir impopulaire.
– Internationales : la guerre entache la réputation des États.
– Militaires : la situation sur le terrain est défavorable.
– Stratégiques : la guerre apparaît comme une option moins favorable qu’une autre pour
Causes atteindre ses objectifs.
– Sécuritaires : poursuivre la guerre met en péril, d’une façon ou d’une autre, la survie de
l’État.
– Priorités : d’autres facteurs externes poussent le ou les belligérants à cesser la guerre.
– Temporisation : mettre fin momentanément au conflit pour reconstituer des forces et/ou
être en meilleure situation face à l’adversaire.
– Traiter avec l’adversaire qui s’impose par la force.
– Traiter avec l’adversaire à qui on impose sa force.
Moyens
– Parvenir à un compromis grâce à des négociations.
– Suivre les recommandations d’un arbitre qui veille à ce qu’aucun camp ne soit trop lésé.

Nous avons, par un panorama des conflits actuels et un essai de typologie, exploré les formes de la
conflictualité. Cependant, la dimension historique permet d’avoir une vision plus fine de ces éléments.
Ainsi les jalons nous permettent-ils de passer ces réflexions au prisme d’exemples concrets longuement
étudiés pour mieux les comprendre.

24 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES


Axe 1 : La dimension politique de la guerre : des conflits
interétatiques aux conflits transnationaux.

Jalon 1 : La guerre, « continuation de la politique par d’autres moyens »


(Clausewitz) : de la guerre de 7 ans aux guerres napoléoniennes.

La Guerre de Sept Ans


La Guerre de Sept Ans commence en 1756 lorsque Frédéric II de Prusse attaque la Saxe. Elle prend fin en
1763 avec le traité de Paris. Cependant, elle s’inscrit dans un contexte de conflictualité plus large que nous
détaillerons pour mieux la comprendre. En effet, la découverte du Nouveau Monde impulsée par l’Espagne
puis le Portugal lance la colonisation, c’est-à-dire cette appropriation du monde par les États européens.
Dans ce mouvement de conquête, la concurrence entre nations européennes est rude. Si l’Amérique du
Sud est détenue par les Ibériques, la France et la Grande-Bretagne se disputent le Nord du continent. À la
même époque, les nations européennes s’opposent et se façonnent dans la guerre. Cela débouche sur la
Guerre de Sept Ans qui, à bien des égards, marque une rupture.

Une guerre « mondiale » ?

La guerre de sept ans : première guerre mondiale ? Magazine L’Histoire.

CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES 25


La guerre de Sept Ans par l’historien Edmond Dziembowski

« Winston Churchill a été l’un des premiers à qualifier la Guerre de Sept Ans de première guerre mondiale.
L’intensité des combats aux quatre coins de la planète confère déjà à ce conflit une place exceptionnelle
dans l’histoire des guerres de l’époque moderne. Ajoutons que le déclencheur des hostilités est un
Amérindien […]. Ajoutons enfin que, fait inédit dans l’Histoire, voici une guerre initialement localisée
en Amérique du Nord qui s’est ensuite étendue au reste du globe et qui a débouché en 1763 sur un
bouleversement géopolitique dont nous ressentons aujourd’hui encore les effets. Outre le choc que
constitue pour la France la perte de son premier Empire colonial, c’est de 1763 que datent les débuts de la
domination britannique, et, plus largement, de la civilisation anglo-saxonne sur le monde. C’est aussi avec
la Guerre de Sept Ans que commence l’ère des révolutions appelées à mettre un terme à l’ordre ancien.
En Europe, s’est réalisée une clarification de la hiérarchie des puissances qu’on aurait tort de sous-estimer.
C’est au sortir de la Guerre de Sept Ans que la place de la Prusse dans le concert des puissances s’est une
fois pour toutes affirmée. C’est aussi à partir de 1763 que la vie internationale commence à être dominée
par la pentarchie constituée de la France, la Grande-Bretagne, la Prusse, l’Autriche et la Russie, qui, en
1914, constitue toujours l’ossature des deux systèmes d’alliances antagonistes qui mèneront l’Europe au
cataclysme. Longtemps sous-estimée, la dimension politique de la Guerre de Sept Ans s’avère au moins
aussi importante que sa dimension militaire et que ses effets sur l’échiquier diplomatique. Considérée sous
l’angle des idées et des pratiques politiques, cette guerre se présente comme le tournant du XVIIIe siècle, et
même, à certains égards, comme le terme de l’époque moderne. Tandis que se met en place une nouvelle
donne internationale marquée par l’affirmation de la suprématie britannique et par la divergence des
intérêts géopolitiques du Vieux Continent, la guerre a produit des transformations qui, pour être moins
ostensibles, n’en sont pas moins capitales. […] La guerre a accéléré les mutations politiques et idéologiques
en germe depuis des décennies, précipitant l’effondrement des paradigmes qui régissaient la culture
politique des temps modernes. Poussée patriotique mettant en exergue l’idée d’une citoyenneté active,
tentation libérale d’un pouvoir absolu contraint aux réformes, républicanisme classique se transmutant en
radicalisme politique : en 1763, idéologiquement parlant, le monde est entré dans l’ère des révolutions. Et
c’est à cette même Amérique septentrionale, qui, au pays de la Belle-Rivière, a vu l’échange des premiers
coups de feu qui ont embrasé la planète, qu’est réservé le privilège d’ouvrir cette ère nouvelle. »

Edmond Dziembowski, La Guerre de Sept Ans. 1756-1763, Éditions Perrin, 2015, pp. 9-12.

Résumons la pensée d’Edmond Dziembowski qui voit en la guerre de Sept Ans une rupture majeure par un
tableau.

La guerre de Sept Ans : une rupture majeure

Type de rupture Arguments invoqués


-Les combats ont lieu sur les quatre continents.
La « première guerre
mondiale » (selon -Le déclencheur des hostilités est un Amérindien – et non un Européen.
l’expression de
-La guerre a commencé en Amérique et non en Europe (fait inédit dans l’his-
Winston Churchill)
toire).
-La puissance britannique est nettement renforcée à la suite de cette guerre.
-La France perd une large partie de ses colonies en Amérique du Nord : la
domination de la culture anglo-saxonne aux États-Unis de nos jours témoigne de
Un tournant l’importance de cette rupture.
géopolitique -En Europe, la fin de la guerre consacre la montée en puissance de la Prusse.
-La Guerre de Sept ans met également en place la « pentarchie » formée par la
Grande-Bretagne, la France, la Prusse, l’Autriche et la Russie qui resteront les
puissances les plus importantes jusqu’à la guerre de 1914.

26 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES


-La Guerre de Sept Ans ouvre la voie d’un « cycle de révolutions » et marque,
d’une certaine manière, le début des révolutions atlantiques.
La naissance d’une -Cette guerre a permis l’émergence des idées de libéralisme, de citoyenneté et
guerre révolution- de nationalisme qui ont fondé ce cycle révolutionnaire.
naire et nationale
-Ainsi apparaît, par exemple, la figure du citoyen-soldat devant défendre sa
patrie. La guerre devient donc nationale et les sujets deviennent des citoyens de
leur patrie (et non plus des sujets de leur roi).
Arrêtons-nous sur ce tout dernier point. En effet, à partir du XVIIIe siècle, un modèle de guerre moderne
s’est développé sur l’exemple de la Guerre de Sept Ans. Il a été théorisé par Carl von Clausewitz dans la
foulée des guerres napoléoniennes du début du XIXe siècle qui n’ont donc pas inventé ce modèle, mais l’ont
incarné.

Les guerres napoléoniennes : des guerres mondiales

Élément clé Analyse


Les soldats ne sont plus simplement des mercenaires et des seigneurs. La Grande
Une armée de
Armée aura vu passer sous ses drapeaux 2,5 millions de soldats dont deux tiers de
citoyens
conscrits français.
Des rhétoriques Ces rhétoriques déjà à l’œuvre durant la Guerre de Sept Ans développent une
nationalistes culture de guerre nationale d’un pays au service du conflit.
Aucun compte n’a été tenu pendant la période, le nombre de morts et de disparus
Des pertes au sur les champs de bataille serait situé entre 2,5 et 3,5 millions de soldats. Les
combat élevées pertes civiles pourraient s’élever à 3 voire 6 millions d’Européens, mais elles sont
impossibles à estimer avec précision.

Ces guerres modernes ont trouvé un penseur dès le début du XIXe siècle en la personne de Carl von
Clausewitz, officier prussien. Son essai militaire De la guerre a inspiré de nombreux chefs de guerre au XXe
siècle. Sa thèse est que la guerre n’est qu’un moyen parmi d’autres de mener des politiques de puissance.
Mener et gagner les guerres ne sont pas une fin en soi mais bien un moyen des États. C’est donc au chef
de l’État de la conduire et non aux armées. Par ailleurs, Clausewitz démontre que la guerre ne pouvant
être qu’« absolue » doit donc rechercher l’anéantissement de l’adversaire. Les armées doivent déployer
la force physique, c’est-à-dire la violence. Pour obtenir des soldats non plus mercenaires, mais conscrits
et nationaux, la cause de la guerre doit être politique et partagée : on retrouve ici l’idée du soldat-citoyen.

Chronologie

— 1756 : Début de la guerre de Sept Ans.


— 1763 : Traité de Paris et fin de la guerre de Sept Ans.
— 1803-1815 : Guerres napoléoniennes.
— 1832 : Publication posthume de De la guerre de Clausewitz.

CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES 27


Les acteurs

Carl von Clausewitz (1780-1831)

Son célèbre De la guerre est un traité de stratégie militaire inachevé et


souvent résumé à une formule : « La guerre comme continuation de la
politique par d’autres moyens ».

Jalon 2 : Le modèle de Clausewitz à l’épreuve des « guerres irrégulières » :


d’Al Qaïda à Daech.
Le modèle des guerres modernes, où s’opposent les soldats-citoyens d’un État aux soldats-citoyens
d’un État adverse dans le but d’anéantir l’ennemi, semble dépassé dans le monde actuel. Les guerres
prennent des formes variées et les conflits interétatiques ne semblent plus la norme. En effet, vers la
e
fin du XX siècle, une nouvelle forme de conflictualité ancienne est réactivée : la guerre irrégulière ou
asymétrique.
Les guerres irrégulières ou asymétriques sont des conflits opposants des États modernes à des
combattants de groupes non-étatiques pratiquant une guerre d’usure de basse intensité (guérilla,
attentats). Cette théorie est apparue dans les années 1990 aux États-Unis. Les attentats commis par
les organisations terroristes comme Al-Qaïda ou Daech en montrent bien le fonctionnement : il s’agit
d’épuiser l’adversaire non sur un champ de bataille mais dans une forme de guérilla de terreur. Ces deux
modèles ne sont toutefois pas totalement opposés : ainsi Daech a pu suivre le premier pour conquérir de
larges portions de territoires et le second pour semer la terreur sur toute la planète.

Al-Qaïda et Daech : deux organisations islamistes terroristes

Al-Qaïda Daech
Date de fondation du
1987 2006
mouvement terroriste
Abdullah Yusuf Azzam et son disciple
Fondateur Abou Bakr al-Baghdadi.
Oussama Ben Laden.
Guerre d’Irak en 2003 et guerre civile
syrienne de 2011 : désintégration de
Contexte de la Guerre d’Afghanistan et invasion du
l’Irak et de la Syrie qui permet à Daech
création pays en 1980 par l’URSS.
de prendre des territoires dans la
région.

28 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES


-Chasser les Soviétiques d’Afghanistan. -Contrôler des territoires et mettre en
-Former des djihadistes. place un État totalitaire.
Objectifs
-Viser les États-Unis et leurs alliés -Viser les États-Unis et leurs alliés
occidentaux par des attentats. occidentaux par des attentats.

-2014 : rupture avec Al-Qaïda. Les


deux organisations deviennent rivales.
-Juin 2014 : son chef, Abou Bakr
al-Baghdadi proclame un Califat et
prend le contrôle d’une partie de la
-Développement dans les années
Syrie – déstabilisée par la guerre civile
1990 notamment à partir de 1996
– et de l’Irak – déstabilisé depuis la
lorsque les Talibans (fondamentalistes
chute du dictature Saddam Hussein.
islamiques) prennent Kaboul.
Évolution -2014-16 : l’organisation contrôle un
-Dispersion des djihadistes au gré
territoire aussi grand que la Grande-
des guerres mettant aux prises des
Bretagne, à cheval sur l’Irak et sur la
islamistes et d’autres adversaires
Syrie. En 2016, l’organisation contrôle
: Algérie, Tchétchénie, Philippines,
jusqu’à la moitié de la Syrie et les deux
Somalie, Yémen, Balkans.
tiers de l’Irak.
-2019 : réduction quasi totale du
territoire contrôlé par l’organisation
terroriste et mort d’Abou Bakr
al-Baghdadi.
Principal attentat
11-Septembre 2001 (3000 morts) 13-Novembre 2015 (130 morts)
commis

Ces attentats ont donné lieu à trois interventions militaires dirigées par les États-Unis, très différentes
dans leur nature mais assez similaires dans leurs résultats à long terme comme le résume le tableau
suivant.

Chronologie

— 1987 : Formation d’Al-Qaida.


— 2001 : Attentat du 11-Septembre.
— 2001 : Guerre d’Afghanistan.
— 2003 : Intervention américaine en Irak.
— 2006 : Création de l’État islamique.
— 2011 : Mort de Ben Laden.
— 2014 : Proclamation du califat de l’État islamique.
— 2015 : Vague d’attentats, notamment en France.
— 2019 : Disparition de l’État islamique en tant qu’organisation contrôlant des territoires syriens
et irakiens.

CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES 29


Les interventions occidentales au Moyen-Orient

Afghanistan Irak Irak, Syrie

Acteurs de l’intervention
États-Unis, France, Royaume-
Coalition internationale de 34 États-Unis et quelques alliés
Uni, Danemark, Maroc, Arabie
pays dont le Royaume-Uni
Saoudite ou encore Jordanie
Dates de la guerre
2001-2011 2003-2014 2014-2019
Avis de l’ONU
Favorable Défavorable Favorable
Cause de l’intervention
Prétendues armes de destruction
Régime protégeant Ben Laden. Éliminer l’État islamique.
massive (mensonge américain).
Régime ou organisation renversés
Talibans Saddam Hussein État islamique (Daech)
Situation actuelle
-Implosion de la mosaïque cultu- -Fin du contrôle de Daech en Irak
Guerre du gouvernement contre relle et religieuse de l’Irak. et en Syrie.
les Talibans et l’État islamique. -Guerre du gouvernement chiite -Mais maintien de son idéologie
contre l’État islamique sunnite. dans le monde.

On le voit : les guerres engagées par des coalitions d’États puissants et menées par les États-Unis
(première puissance militaire au monde) en Afghanistan ou en Irak se sont d’abord soldées par des
échecs : la démocratie n’a pas pu être rétablie et les attaques terroristes demeurent très fréquentes. Si
l’État islamique a été vaincu, de nombreux mouvements islamistes ont fait allégeance à Daech dans des
territoires disséminés partout dans le monde. Par ailleurs, l’idéologie djihadiste de Daech demeure présente
et meurtrière, en témoignent les nombreux attentats commis par des combattants se revendiquant de ce
mouvement en 2020, notamment le kidnapping de 330 lycéens nigérians par le Groupe Boko Haram en
décembre 2020. Ils ont été finalement libérés.

Les acteurs

Oussama Ben Laden (1957-2011)

Très riche héritier saoudien, Oussama Ben Laden s’engage dans le djihad
contre les Soviétiques en Afghanistan dans les années 1980. Il crée
Al-Qaïda en 1987 et dirige dès lors son action, toujours menée au nom de
la guerre sainte, contre les États-Unis, coupables, à ses yeux, d’occuper les
lieux saints de l’islam (des troupes américaines sont en effet stationnées
en Arabie Saoudite depuis la Première Guerre du Golfe). Revenant en
Afghanistan en 1996, il s’appuie sur les Talibans. De son sanctuaire afghan,
il coordonne plusieurs attentats en 1998, au Yémen, en Tanzanie – avant
d’organiser les attentats du 11-Septembre. Il est finalement tué lors d’un
assaut des forces américaines au Pakistan en mai 2011, soit près de dix ans
après les attentats.

30 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES


Abou Bakr al-Baghdadi (1971-2019)

Né à Falloujah en Irak, Abou Bakr al-Baghdadi devient membre d’Al-Qaïda


en Irak après le début de la guerre d’Irak, organisation avec laquelle il
rompt. En 2014, il se proclame « calife » de l’État islamique et contrôle un
vaste territoire en Syrie et en Irak. Son organisation terroriste commet de
nombreux attentats en Europe, Asie, Amérique du Nord et Afrique.

CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES 31


Axe 2 : Le défi de la construction de la paix

Jalon 1 : Faire la paix par les traités : les traités de Westphalie (1648).
Si la question de la paix est ancienne (que l’on songe par exemple aux comédies d’Aristophane évoquant cet
enjeu dans le cadre de la Guerre du Péloponnèse), elle demeure une préoccupation constante aujourd’hui
et fait l’objet d’une attention particulière de certains savants, qui ont créé le champ des peace studies
– études de la paix. En théorie des relations internationales, la paix n’est guère l’objet de réflexion des
tenants de l’école réaliste qui postulent que les relations internationales sont fondamentalement des
relations de compétition et de tensions, donc de guerre – directe ou non. En revanche, les tenants de
l’école libérale, voyant d’abord dans les relations internationales des formes de coopération, ont davantage
cherché à réfléchir aux conditions d’une paix durable. Dans cet axe, nous avons envisagé successivement
deux manières de faire la paix : par les traités d’abord, en prenant l’exemple des traités de Westphalie ;
par la sécurité collective ensuite, en développant l’exemple de l’action de l’ONU lorsque Kofi Annan était
Secrétaire général de l’ONU (de 1997 à 2006).

Les différentes formes de la paix

Rapport entre
Principe de Structure du
les grandes Type de paix Exemples historiques
fonctionnement système
puissances

Concentration de
1. Paix d’hégémonie -Pax romana (Ier-IIe s.
la force (struc-
(monocratique) après J.-C.)
ture unipolaire)
-Paix de Westphalie,
Force 2. Paix d’équilibre
Dispersion de la Compétition -Détente dans la guerre
(polycratique)
force (structure froide
multipolaire)
3. Paix de directoire -Europe de la Sainte-
Coopération
(oligarchique) Alliance (XIXe s.)
Dispersion des
fonctions (struc- 4. Paix de droit interna- -SDN
ture décentra- tional (confédérative) -ONU
lisée)
Loi
Concentration
des fonctions 5. Paix d’union politique
-Union européenne
(structure centra- (fédérative)
lisée)

D’après Bruno Arcidiacono, Cinq types de paix : une histoire des plans de pacification perpétuelle (XVIIe-XXe siècles), Paris (PUF), 2011.

Le traité de paix n’est pas une invention occidentale, ni une invention des Temps Modernes. Si l’on entend
par traité de paix, un contrat entre sujets de droit public – le plus souvent des États – qui annonce la fin
d’une guerre entre ces sujets et contient en général des clauses négociées donnant avantage à l’un ou
l’autre des parties, on peut considérer que les premiers traités de paix remontent au IIIe millénaire avant
J.-C. L’un des exemples les plus anciens est le traité de Qadesh, conclu entre l’Égypte de Ramsès II et le
royaume hittite d’Hattusili III en 1259 avant J.-C., qui a été conservé à la fois dans une version hittite et
dans une version égyptienne. À l’époque moderne, les traités de Westphalie mettent fin à un long conflit
européen entamé par les « Défenestrations de Prague » en 1618 et connu sous le nom de « guerre de

32 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES


Trente ans. » Ces traités ont marqué profondément l’histoire du Saint-Empire romain germanique et de
l’Europe en général : s’ils ne créent pas directement un « ordre westphalien », ils marquent une étape
importante vers la reconnaissance de l’autonomie des états d’Empire et l’instauration de règles de droit
international.

Les traités de Westphalie : une étape fondamentale dans la mise en œuvre d’un
système international fondé sur la souveraineté des États.

Vers l’ordre westphalien Des nuances

Tolérance religieuse : l’État ne Pas encore de sécularisation


Dispositions religieuses
s’identifie plus à une religion. complète des États.
Reconnaissance des acquisitions
Logique de prédation : les
Dispositions territoriales territoriales : intangibilité des
vainqueurs « se servent ».
frontières.
Les États faisant partie de l’Empire
De nouveaux États souverains
accroissent leur autonomie,
Dispositions internationales (Provinces-Unies) ou autonomes
s’alliant parfois, mais restent sous
(Confédération Helvétique).
la tutelle de l’empereur.

La paix de Westphalie : un événement historique, un rituel cérémoniel.

Ce tableau représente un événement


du 15 juin 1648, lorsqu’Espagnols et
Hollandais jurent de respecter le traité
qu’ils ont signé au début de cette même
année, reconnaissant l’indépendance
des Provinces-Unies. Le tableau permet
de souligner que la paix est aussi un
rituel, et pas seulement des dispositions
juridiques.

Gerard Ter Broch, La Ratification du traité de Münster, 1648.

CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES 33


Jalon 2 : Faire la paix par la sécurité collective : les actions de l’ONU sous
les mandats de Kofi Annan (1997-2006).
Une autre manière de construire la paix passe par la sécurité collective. L’expression de « sécurité
collective » est apparue dans les années 1930, dans un moment critique pour la paix. Le traumatisme de
la Première Guerre mondiale et l’implication du président américain Woodrow Wilson dans l’élaboration
de la paix ont conduit à la création de la première institution internationale ayant pour objectif de garantir
la paix mondiale : la Société des Nations (SDN), fondée par le traité de Versailles. Alors que le XIXe siècle
avait cru pouvoir mettre en œuvre la paix en se fondant sur le principe d’équilibre des puissances – qui
n’est pas totalement absent des traités conclus après la Grande Guerre –, la sécurité collective vise à créer
un « déséquilibre des forces » (Marie-Claude Smouts et Guillaume Devin), parce qu’il isole l’État agresseur
face au reste de la communauté internationale, afin de limiter les conflits.

Mécanismes de la sécurité collective : interdiction de la force et « déséquilibre des


forces ».

Créée par la charte de San Francisco et signée en


juin 1945, l’Organisation des Nations Unies reprend à
son compte la mission de faire la paix par la sécurité
collective.
Alors que l’ONU n’a pu mettre en place que 18
opérations de maintien de la paix entre 1945 et 1989,
elle parvient à en organiser 24 sur la courte période
qui va de 1990 à 1996. Sous les deux mandats de Kofi
Annan, cette dynamique se poursuit : 20 opérations
de maintien de la paix sont mises en place entre 1997
et 2006. La création de l’ONU en 1945 a lieu dans un
contexte difficile – celui de la guerre encore à mener
contre les puissances de l’Axe – et en ne modifiant
qu’à la marge les institutions et principes de la
SDN. Plus récemment, le développement de conflits
intraétatiques a abouti à adopter en 2005 le principe
de « responsabilité de protéger », qui n’a été utilisé
depuis qu’une seule fois, en Libye, en 2011.

Une nouvelle forme d’intervention : la responsabilité de protége

La réforme de l’ONU a été une question lancinante pour


l’institution et réactualisée, en vain, sous l’impulsion de Kofi
Annan, le secrétaire général des Nations Unies.

34 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES


Le Conseil de sécurité : une paix de droit ou de force ?
Sauf questions de procédure, une décision du Conseil de Sécurité doit recueillir 9 votes favorables sur les
15 membres, mais avec des dispositions spécifiques.

5 Membres permanents 10 Membres élus pour 2 ans

En 2020 : Afrique du Sud, Allemagne, Belgique, Estonie,


Chine, États-Unis, France, Russie, Royaume-
Indonésie, Niger, République dominicaine, Saint-Vincent
Uni.
et Grenadines, Tunisie, Vietnam.

Leur unanimité est nécessaire pour adopter Leurs voix sont nécessaires pour adopter une résolution
une résolution (abstention possible). (4 si pas d’abstention des membres permanents).

Ils sont élus par l’Assemblée générale sur critère


Conséquence : chaque membre permanent
géographique (2 Asie, 3 Afrique, 1 Europe orientale, 2
dispose d’un droit de véto.
Amérique latine, 2 Occidentaux).

En théorie, un État impliqué dans un différend s’abstient de voter.

Kofi Annan s’est alors appuyé sur un autre projet : un plan d’action pour lutter contre la pauvreté, développer
l’accès à l’éducation, combattre l’épidémie de sida… Cette impulsion est concrétisée par la mise en place
des Objectifs du Millénaire pour le Développement : il s’agit d’un plan approuvé par tous les pays du monde
et par les grandes institutions mondiales de développement, qui fixe huit objectifs principaux. Ainsi, sous
de multiples formes dont nous n’avons développé que quelques aspects (on aurait pu également évoquer
le développement de la lutte contre les organisations criminelles de type mafias ou encore les tentatives de
désarmement), l’ONU apparaît bien comme une institution qui cherche à maintenir la paix par la sécurité
collective.

Faire la paix par le développement : des OMD (2000-2015) aux ODD (2015-2030)

CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES 35


Source : Nations-Unies

S’il est faux d’affirmer que l’ONU a pleinement réussi à faire valoir le principe de la sécurité collective et à
faire respecter le droit international, il est également injuste de ne relever que ses échecs. Certes, l’ONU
n’est pas la forme idéale du parlement des Nations et doit sans doute être réformée. Néanmoins, elle a
pu être un lieu de discussions, de négociations et d’investissement collectif en faveur d’une paix toujours
incomplète, toujours fragile et qui reste à construire au XXIe siècle.
Comme l’a résumé dans une formule un précédent Secrétaire général, Dag Hammarskjöld : « l’ONU n’a
pas créé le paradis, mais elle a évité l’enfer. »

Localisation des 13 opérations de maintien de la paix sous l’égide de l’ONU (en cours en
décembre 2020)

Au Proche-Orient, les missions


concernent : Chypre, le Liban, le
Golan (occupation israélienne) et
la Palestine.

Nations-Unies, Maintien de la paix : lieux d’intervention.

36 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES


Objet de travail conclusif : Le Moyen-Orient : conflits régionaux et
tentatives de paix impliquant des acteurs internationaux (étatiques et
non étatiques).

Jalon 1 : Du conflit israélo-arabe au conflit israélo-palestinien : les


tentatives de résolution, de la création de l’État d’Israël à nos jours.
Depuis la fin de la Première guerre mondiale et l’éclatement de l’Empire Ottoman, le Moyen-Orient a été
marqué par des conflits qui ont eu une influence importante à l’échelle mondiale. Pour comprendre les
motifs et les formes de conflictualité, nous étudierons deux exemples : le conflit né de la création de l’État
d’Israël, puis les deux guerres du Golfe (1991 et 2003), leurs prolongements et le glissement d’une guerre
interétatique à un conflit asymétrique.
Évoquer les conflits actuels conduit presque nécessairement à soulever la question des conflits autour
de la création et de l’existence de l’État d’Israël. Ce sujet est délicat. Mais il est essentiel de maîtriser la
connaissance de ce chapitre de notre histoire pour comprendre le monde d’aujourd’hui. Nous avons vu que
ces conflits trouvent leur origine dans le développement de deux idéologies : le sionisme (qui vise à créer un
État juif en Palestine) et le nationalisme arabe (qui vise à créer un État arabe au Proche et au Moyen-Orient).

Deux idéologies politiques pour un même territoire

Sionisme Panarabisme

Apparition Fin XIXe siècle Fin XIXe siècle

Figures
Jurji Zaydan, Nasser, parti Baas
éminentes Theodor Herzl, David Ben Gourion
Créer un État pour les Juifs (réponse à Réunir les Arabes dans une structure
Objectif
l’antisémitisme). politique (réaction à l’occidentalisation).
Le judaïsme est compris comme une
Le panarabisme est porté, notamment,
Rapport à la appartenance nationale ; le sionisme
par des minorités arabes chrétiennes et
religion se veut laïc et suscite l’opposition – au
place en retrait la religion musulmane.
départ – des autorités religieuses juives.
Valeur historique et religieuse : c’est la
Rapport à la patrie originelle. Mais Theodor Herzl Valeur historique : elle doit être incluse
Palestine envisage également d’autres territoires dans le projet panarabe.
(Argentine)
Pour rallier les Arabes dans la lutte
Le rôle des Déclaration Balfour (1917) : le Royaume-
contre l’empire Ottoman, Lawrence
Occidentaux (et Uni soutient l’établissement d’un « foyer
d’Arabie promet le soutien à la création
du Royaume-Uni) national juif » en Palestine.
d’un royaume arabe unifié.

En 1948, dès la naissance de l’État hébreu dans les frontières allouées par l’ONU, ses voisins lui font la
guerre – ouvrant ainsi le cycle de décennies de guerre entre pays arabes et Israël. La naissance d’Israël
et la question palestinienne ont donc suscité dès 1948 des conflits entre Israël et ses voisins. Mais les
Palestiniens s’estiment mal défendus par les puissances arabes et vont, au fil des décennies, s’organiser
entre eux pour porter leurs revendications. Elles portent en particulier sur la création d’un État palestinien,

CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES 37


le droit au retour des réfugiés de la Nakba et le statut de Jérusalem. Les tensions nées de la création de
l’État d’Israël demeurent très vives. Plusieurs négociations de de paix ont échoué car les revendications
des deux camps sont opposées. La situation est inquiétante et les espoirs de voir la paix au Proche-Orient
paraissent très minces de nos jours.

L’évolution des frontières d’Israël de 1948 à nos jours

L’État d’Israël de 1947 à nos jours. © IMA

Un conflit aux résonnances internationales : la situation diplomatique en 2020.

38 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES


On remarque que les Émirats Arabes Unis et Bahreïn apparaissent désormais comme des États
reconnaissant également Israël et la Palestine, depuis les accords d’Abraham signés en septembre 2020.
Le Maroc a également annoncé une normalisation des relations avec Israël en décembre 2020.

Jalon 2 : Les deux guerres du Golfe (1991 et 2003) et leurs prolongements :


d’une guerre interétatique à un conflit asymétrique.
Les deux guerres du Golfe illustrent le passage d’une guerre interétatique à un conflit asymétrique.
Pendant l’été 1990, Saddam Hussein annexe le Koweït au mépris du droit international. Les États-Unis,
sous la présidence de George Bush, forment alors une coalition dont ils prennent la tête pour refouler les
troupes irakiennes hors du Koweït. Ils réussissent, mais ne renversent pas le dictateur qui reste au pouvoir.
À la suite des attentats de 2001, les États-Unis de George W. Bush (fils du précédent) cherchent à renverser
le dictateur Saddam Hussein, qu’ils accusent de détenir des armes de destruction massive. Le président
américain s’appuyait sur le concept de « guerre préventive » pour attaquer l’Irak et parer à la menace
des armes – qui est en réalité un mensonge. Après l’invasion de l’Irak en 2003, ces armes n’ont d’ailleurs
jamais été retrouvées. Cette intervention sans l’ONU est en grande partie à l’origine du chaos irakien et de
la déstabilisation de la région. Quand les États-Unis ont tenté d’instaurer la démocratie en Irak, les chiites
majoritaires ont repris le pouvoir, ce que les sunnites de l’Ouest du pays ont très mal vécu. C’est pourquoi
certains se sont tournés vers des organisations islamistes sunnites, dont Daech à partir de 2014. Dès lors,
la mosaïque irakienne (ethnique et religieuse) implose et laisse place à une guerre asymétrique.

L’Irak : une mosaïque ethnique et confessionnelle

CNED

La guerre est un phénomène complexe dont les formes ont pu évoluer au gré des circonstances, des
techniques militaires, des objectifs qui lui sont assignés. Le modèle des guerres régulières développées
au XVIIIe siècle s’est vu concurrencé par le modèle des guerres irrégulières – mais pas remplacées par
celles-ci.

CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES 39


THÈME 3 : HISTOIRE ET MÉMOIRES

Introduction : la différence entre histoire et mémoire


Le thème 3 de votre spécialité s’intéresse aux rapports entre Histoire, mémoire et justice. Il invite à réfléchir
sur les liens entre les mémoires plurielles d’événements historiques ainsi que sur le rôle de la justice face
aux crimes contre l’humanité et, en particulier, les génocides.
La mémoire et l’histoire semblent, de prime abord, assez proches. Ce sont toutes deux des liens au passé.
Cependant, elles n’ont ni les mêmes objectifs, ni les mêmes méthodes, ni les mêmes acteurs. Comme le
dit l’historien Pierre Nora : « Mémoire, histoire : loin d'être synonymes, […] tout les oppose ».

Histoire et mémoires, deux rapports au passé

Mémoire Histoire

Rapport au passé Lien actuel, vivant, personnel Reconstruction et analyse du passé

Matériaux d’appui Souvenirs Sources historiques, archives

Types de lien au passé Affectif, subjectif Scientifique, objectif


Groupes pluriels de porteurs de Historiens formés et ayant vocation à
Acteurs
mémoires l’universalité
Buts Faire revivre le passé Expliquer le passé

Méthode Méthode sélective Méthode critique

Toutefois l’histoire et la mémoire entretiennent des liens multiples car toutes deux sont des rapports au
passé.

— Les mémoires sont des sources importantes de l’histoire, mais doivent être considérées avec
précaution et esprit critique. Le rôle des témoignages est très important pour construire l’histoire.
— La mémoire « est le plus beau matériau de l’histoire » selon la belle formule de Jacques Le Goff.
— L’histoire a souvent servi à alimenter la mémoire collective. En effet, connaître le passé permet de
nourrir voire de raviver les souvenirs personnels.
— Enfin, les mémoires sont un objet d’étude pour l’historien. Ainsi, les Lieux de mémoires, publiés
entre 1984 et 1992 sous la direction de l’historien Pierre Nora, s’intéressent à ce qui fait la mémoire de
la France (des monuments, des symboles comme la figure de Marianne, etc.).

40 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES


Les liens entre histoire et mémoires

La relation difficile entre histoire et mémoires


est éclatante dans le cas de la guerre d’Algérie.
Depuis quelques années, les porteurs de
mémoires puis l’État ont invoqué « un devoir
de mémoire ». Il est intéressant de questionner
la pertinence d’une telle injonction. En effet,
la mémoire des événements historiques et
tragiques a pris de plus en plus de place dans
l’espace public français. S’est ainsi développée
l’idée d’un « devoir de mémoire », injonction
morale s’imposant à tous à se souvenir des atrocités commises et des victimes. Il s’est développé notamment
par le biais de quatre lois mémorielles à partir des années 1990, alors que le négationnisme se diffuse.
On considère même que le « devoir de mémoire » est essentiel pour ne pas oublier et pour échapper à la
répétition de crimes effroyables. C’est donc une exigence éthique. Mais il suscite une concurrence entre
victimes et une pression mémorielle sur les historiens.

Les notions de crime contre l’humanité et de génocide, et le contexte de


leur élaboration

Les événements clés

— Fin XIXe siècle : Apparition du terme « atteinte contre l’humanité ».


— 1945-46 : Procès de Nuremberg.
— 1946-1948 : Tribunal militaire international pour l’Extrême-Orient (Tokyo).
— 1948 : Résolution des Nations Unies « confirmant les principes du droit international reconnus
par le statut de la cour de Nuremberg et par l’arrêt de cette cour ».
— 1968 : Convention sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’huma-
nité déclarant l’imprescriptibilité de ces derniers.
— 1973 : Convention internationale sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid quali-
fiant l’apartheid de crime contre l’humanité.
— 1992 : résolution des Nations Unies qualifiant les enlèvements de personne de « crimes
relevant du crime contre l’humanité ».
— 1993 : résolution de l’ONU instituant un Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie à La
Haye qui reprend la qualification de crime contre l’humanité définie par le statut du tribunal de
Nuremberg pour faire face aux massacres commis dans les Balkans.
— 1994 : résolution de l’ONU instituant un Tribunal pénal international pour le Rwanda afin de
juger les responsables du génocide des Tutsis au Rwanda.
— 1998 : Création de la Cour pénale internationale.

Le terme de « crime contre l’humanité » relève l’extrême gravité des faits qu’il couvre. Ce n’est pas un
crime comme un autre. D’une part, il s’agit d’un crime particulièrement grave (meurtre, viol, ou torture).
D’autre part, ce crime est systématique, massif, dirigé contre une population civile. Sa particularité est
d’être imprescriptible : même bien des années plus tard, celui ou celle qui a commis ce type de crime

CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES 41


peut être poursuivi. Il n’y a pas de prescription comme pour les autres crimes. Il n’y a pas de définition
internationale de crime contre l’humanité. Il est donc difficile de cerner clairement ses contours. C’est le
cas des crimes internationaux très graves. La notion de crime contre l’humanité est née progressivement
dans le droit international, tout au long du XXe siècle. Il se concrétise juridiquement après la Seconde guerre
mondiale, notamment lors des procès de Nuremberg. Pourtant, la Shoah n’occupe qu’une faible partie des
accusations contre les 24 dirigeants nazis. En outre, ce tribunal destiné à juger les grands criminels nazis
ne permet pas une définition claire et généralisable de la notion de « crime contre l’humanité ».
L’adoption du Statut de Rome en 1998, instituant la Cour pénale internationale (CPI) marque plusieurs
évolutions. La première est qu’elle est un traité et non la création des Nations Unies. D’autre part,
elle permet enfin de dissocier les crimes contre l’humanité et le contexte de guerre : un crime contre
l’humanité peut bien être commis en temps de paix et indépendamment d’un ou de plusieurs conflits. Des
membres d’une organisation (au sens large : entreprises, gangs, terroristes, réseaux criminels) peuvent
être à l’origine du crime contre l’humanité – et non seulement les États. La liste des comportements
susceptibles de constituer des crimes contre l’humanité s’est considérablement élargie avec la CPI. Par
ailleurs, elle précise que l’auteur doit savoir qu’il commet un crime dans le cadre d’une attaque généralisée
et systématique. La CPI a introduit la notion de compétence universelle. Enfin, elle rappelle le caractère
imprescriptible de ces crimes.

La lente marche vers la Cour Pénale Internationale


Le droit pénal international a donc bien
évolué depuis ses premières réflexions
sur des « crimes contre l’humanité ».
Cependant, la persistance de massacres
systématiques contre certaines
populations ainsi que les débats sur la
notion montrent qu’il reste du chemin à
parcourir.

Axe 1 : Histoire et mémoires des conflits

Jalon 1 : Un débat historique et ses implications politiques : les causes de la


Première guerre mondiale
La question de la responsabilité de la guerre est une question politique avant même de devenir une question
d’histoire. Elle apparaît dès les premiers temps du conflit et se prolonge dans les années d’après-guerre,
en particulier avec le traité de Versailles.

42 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES


Dès la guerre, une question politique
Parce qu’elle repose sur la mobilisation des forces vives de toutes les nations européennes – des
jeunes hommes issus de la société civile – la Première Guerre mondiale donne rapidement lieu à des
interprétations divergentes entre belligérants sur la question des responsabilités dans le déclenchement
des hostilités. Chaque nation cherche à se présenter comme une nation pacifique, dont les dirigeants
ont tout fait pour éviter la guerre et qui ne se sont résolus à entrer dans le conflit que sous la menace de
puissances extérieures hostiles. Du côté des puissances centrales, la mobilisation générale de la Russie est
interprétée comme le signal de la guerre ; à l’inverse, les puissances de l’Entente soulignent l’agressivité
de l’Autriche-Hongrie et de l’Allemagne, qui déclarent la guerre. L’historien a donc peiné à s’imposer aux
injonctions politiques nationales. L’approche politique et géopolitique a primé dans l’analyse des causes de
la Première guerre mondiale, la question de la responsabilité allemande étant au cœur des débats.

La paix de Versailles et la question des responsabilités


Signé le 28 juin 1919, le traité de Versailles marque la fin du premier conflit mondial. Dans le premier article
consacré à la question des réparations (article 231), le texte conclut à la responsabilité totale de l’Allemagne
et de ses alliés dans le déclenchement de la guerre. L’agression imposée par l’Allemagne est ici le point
de départ et la justification des réparations – essentiellement financières – que l’Allemagne doit payer à
ses anciens ennemis. En réalité, cet article – tout comme l’ensemble du traité – n’a pas fait l’objet d’une
réelle négociation (les représentants de l’Allemagne ne sont pas conviés aux discussions) : l’Allemagne
humiliée se voit imposer le traité, et donc la responsabilité de la guerre. Dans l’opinion allemande, le traité
de Versailles apparaît comme un Diktat jamais consenti. Il faut rappeler que la révolution allemande de
1918-1919 a mis fin à l’Empire allemand, et laissé place – dans le sang – à un nouveau régime fragile, la
République de Weimar, accablée dès sa naissance par les réparations exigées par le traité de Versailles et
devant assumer la responsabilité de la guerre. Dans l’entre-deux-guerres, les nazis font de la dénonciation
du Diktat un thème efficace de leur propagande.

Avec le temps, une question historiographique


Avec le temps, l’approche historique s’est éloignée des aspects politiques en cherchant à s’approcher de
la vérité. Des querelles historiographiques assez usuelles apparaissent. Mais elles s’éloignent du champ
politique où elles trouvent un faible écho : le temps et la réconciliation franco-allemande ont désamorcé
les demandes politiques en la matière. À l’occasion du centenaire de la Grande Guerre, l’historien français
Nicolas Offenstadt présente de manière succincte l’ouvrage de Fritz Fischer publié en 1961 qui relance,
en Allemagne d’abord, la controverse sur les responsabilités allemandes dans le déclenchement de la
Première Guerre mondiale. De nos jours, les débats ne portent plus sur la question de la responsabilité
de la guerre selon les pays. En effet, c’est vers une approche plus anthropologique que la Première guerre
mondiale est analysée. Les soldats étaient-ils consentants à partir en guerre ? Ont-ils été forcés ? C’est un
nouveau débat historiographique.

Les événements clés

— 1914 : Début de la Première guerre mondiale.


— 1918 : Fin de la Première guerre mondiale.
— 1918 : Fondation de la République de Weimar.
— 1919 : Traité de Versailles et son article 231.

CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES 43


Jalon 2 : Mémoires et histoire d’un conflit : la guerre d’Algérie
Il est particulièrement intéressant d’interroger le lien entre les mémoires et l’histoire de la guerre d’Algérie
des deux côtés de la Méditerranée à partir du moment où cette guerre s’achève.

La colonisation de d’Algérie en quelques dates


Le but ici n’est pas de travailler sur la guerre d’Algérie, son début en 1954, son déroulement, ses victimes
et son dénouement en 1962 mais de réfléchir à ce thème lorsque cette guerre s’achève. Cependant, cette
chronologie permet de rappeler les grandes dates de la colonisation puis de la décolonisation de l’Algérie
française.

1962 : Signature des


accords d'Évian en mars
1830 : L'Algérie 1954 : Vague d'attentats 1958 : De Gaulle est et indépendance de
devient une colonie de du Front de libération appelé au pouvoir par l'Algérie en juillet. Des
peuplement et forme nationale (FLN) mené les colons pour ramener centaines de milliers de
trois départements par Ben Bella. Début de le calme en Algérie. Il rapatriés rejoignent la
français. la guerre d'Algérie. fonde la Ve République. France.

1945 : La France 1956 : L'armée 1961 : Tentative de


réprime violemment française, dont les putsch contre de Gaulle
les manifestations appelés du contingent, par des partisans de
des Algériens qui se est envoyée en Algérie l'Algérie française car
soulèvent à Sétif et et reçoit des pouvoirs le général négocie avec
Guelma. spéciaux. le FLN.

Des constructions mémorielles opposées (1962-années 1980)


Algériens et les Français ont construit des mémoires opposées du conflit pendant les vingt ans qui suivent
l’après-guerre.
Après 1962, du côté français, le pouvoir en place opte pour l’oubli : la guerre d’Algérie est un sujet dont on
ne parle pas. C’est une « guerre ensevelie » comme le dit l’historien français spécialiste des mémoires
Benjamin Stora. La France a fait le choix de l’oubli de la guerre d’Algérie pour favoriser la réconciliation
franco-française et ne pas mettre en avant les atteintes aux droits de l’Homme. La guerre n’a pas de nom.
Il n’y a pas de commémorations, ni de monuments aux morts. La censure passe sous silence les exactions
commises pendant la guerre. Les quatre principaux groupes de mémoire sont les combattants de l’armée,
les pieds-noirs rapatriés, les harkis et les descendants de l’immigration algérienne. En Algérie, la guerre
d’indépendance est glorifiée et constitue un véritable mythe national, diffusé par le FLN au pouvoir, qui
repose sur une vision biaisée de l’histoire. D’autre part, le FLN impose la mise sous silence des autres
mouvements indépendantistes (Ben Bella, héros de la guerre, est même jeté en prison) et censure toute
évocation des massacres de colons (comme ceux perpétrés à Oran en 1962) et le sort des harkis. L’histoire
est contrôlée par l’État par un organisme officiel (le CNEH, Centre national d’études historiques créé en
1971), qui édite les manuels scolaires. Certains historiens sont contraints à l’exil.

44 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES


La mémoire organisée par le FLN au pouvoir forge une « mythologie nationale ».

Le réveil des mémoires (depuis les années 1980)


En France comme en Algérie, des ruptures politiques viennent ébranler le discours officiel et permet
une libéralisation de la mémoire. Ce mouvement débute d’abord en France du fait d’une mobilisation des
« porteurs de mémoires ». Qui sont-ils et quelles revendications mémorielles portent-ils ?
Les premiers à porter la guerre d’Algérie et ses mémoires sur la place publique sont les harkis. Vers la
fin des années 1970, les harkis, et surtout leurs enfants, entament des grèves de la faim pour protester
contre les conditions de leur accueil. D’autres porteurs de mémoire font ressurgir la guerre d’Algérie
dans l’espace public français. Il y a d’abord les nostalgiques de l’Algérie française, souvent des pieds-
noirs. Ils représentent une part non-négligeable dans la vie politique française (peut-être 2 millions
d’électeurs), et est surreprésentée dans le vote pour l’extrême droite hostile à l’immigration. Parmi les
cadres fondateurs du Front National en 1972, se retrouvent une partie des rapatriés ou des partisans
de l’Algérie française. À l’inverse, les militants anticolonialistes venant en partie du parti communiste
n’hésitent pas à mettre en avant les crimes de l’armée française.

Le réveil des mémoires

Cette photo a été prise après le


massacre du 17 octobre 1961,
lorsqu’une manifestation du FLN à
Paris a été brutalement réprimée.
Il y eut des dizaines de morts. La
photographie, qui ne montre rien du
massacre mais le symbolise, ressort
dans le journal communiste L’Humanité
en 1985, signe que les mémoires de
cette guerre se réveillent.

« Ici on noie les Algériens ». Photo de Jean Texier. (L’Humanité/Keystone)

CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES 45


Les descendants de l’immigration se mobilisent également contre le racisme et pour que la lumière soit
faite sur la guerre. En 1983, ils organisent « la marche des Beurs » (beur signifiant arabe en verlan). Partie
de Marseille où vit une forte population d’immigrés, elle rallie près de 100 000 personnes qui manifestent à
Paris de la Bastille à Montparnasse. Ce mouvement pour l’égalité et contre le racisme conduit à la création
de l’association SOS Racisme l’année suivante.
Cette mobilisation conduit à la reconnaissance par l’État français des revendications des porteurs de
mémoires. En 1983, la guerre d’Algérie entre dans les manuels scolaires - soit 21 ans après l’indépendance
du pays. En 1999, le Parlement français reconnaît l’expression « guerre d’Algérie » pour remplacer la formule
« opérations de maintien de l’ordre » qui avait cours jusqu’alors. En 2002, le Président de la République
inaugure le Mémorial de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie au quai Branly à Paris
qui rend hommage aux appelés et aux supplétifs algériens : les harkis. Une plaque précise : « La Nation
associe les personnes disparues et les populations civiles victimes de massacres ou d›exactions commis
durant la guerre d’Algérie et après le 19 mars 1962 en violation des accords d’Évian, ainsi que les victimes
civiles des combats du Maroc et de Tunisie, à l’hommage rendu aux combattants morts pour la France en
Afrique du Nord ».
En Algérie, le FLN est toujours au pouvoir. L’unanimisme de la mémoire de la guerre s’atténue
progressivement car l’unité nationale est mise à mal (révoltes en Kabylie, guerre civile des années 1990,
désaffection des jeunes pour cette histoire). Le FLN desserre la pression de l’histoire officielle.

Le rôle des historiens pour une histoire dépassionnée


Face à ces demandes mémorielles, l’historien intervient dans le débat public pour apporter une vision
apaisée de la guerre d’Algérie. Si les premiers historiens n’avaient pas d’archives à leur disposition,
l’ouverture progressive de ces dernières, côté français – d’abord en 1992 puis élargie en 2001 – a permis
de mieux connaître ce conflit.

Des historiens Sujet de recherche Accès aux archives Génération

Pierre Vidal-Naquet re
Le déroulement de la guerre Non 1 génération
Mohamed Harbi

Les mémoires de la guerre et non la


Benjamin Stora Oui, progressivement 2e génération
guerre

Des points précis qui ont fait polémique


Raphaëlle Branche e
comme la torture par l’armée française Oui 2 génération
Sylvie Thenault
ou la justice pendant la guerre

En 2006, des historiens des deux pays tentent de mener des recherches communes à travers un colloque
durant lequel ils posent les bases d’une recherche commune et apaisée. Ils posent comme prérequis la
nécessité de pouvoir se détacher de toute pression étatique d’un côté comme de l’autre. Cela montre que
les historiens se sont engagés vers une histoire dépassionnée. Mais Si les travaux des historiens permettent
d’aller vers « une histoire apaisée » (Raphaëlle Branche), on constate que les enjeux mémoriaux demeurent
très forts des deux côtés de la Méditerranée.
Il est pertinent d’engager une réflexion sur les mémoires de cette guerre (et donc pas sur la guerre d’Algérie
en elle-même), sur la démarche historique et sur la demande actuelle d’un « devoir de mémoire » qui est
bien différent d’un « devoir d’histoire ». En effet, la guerre d’Algérie est un laboratoire intéressant pour
étudier le rapport entre histoire et mémoire. On a vu que l’État pouvait influencer un « récit historique
officiel » en orientant les recherches, en les entravant ou en dissimulant les sources. La victimisation et la
concurrence des mémoires posent encore des enjeux identitaires importants, à l’heure où la République se
défie des communautarismes.

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Les événements clés

— 1954 : Début de la guerre d’Algérie.


— 1957 : Bataille d’Alger.
— 1962 (mars) : Accords d’Evian.
— 1962 (juillet) : Indépendance de l’Algérie et exode (pieds-noirs, harkis).
— 1965 : Censure du film La Bataille d’Alger de Gillo Pontecorvo.
— 1982 : Instauration du Mémorial du Martyr à Alger.
— 1983 : Marche pour l’égalité et contre le racisme (« Marche des Beurs ») ; entrée de la guerre
d’Algérie dans les manuels en France.
— 1999 : Reconnaissance officielle de la « guerre » d’Algérie, terme préféré à celui d’« opérations
de maintien de l’ordre ».
— 2001 : Apposition d’une plaque commémorative du massacre du 17 octobre 1961 sur le pont de
Saint-Michel à Paris.
— 2002 : Reconnaissance des anciens combattants avec le mémorial pour les combattants morts
en Afrique du Nord au quai Branly, y compris les appelés et les harkis.
— 2005 : Proposition puis finalement retrait de l’article 4 sur le « rôle positif » de la colonisation de
la France.
— 2006 : Colloque franco-algérien sur la guerre d’Algérie.
— 2012 : Loi du 19 mars instaurant la « Journée nationale du souvenir des victimes de la guerre
d’Algérie, et des combats au Maroc et en Tunisie ».
— 2018 : La France reconnaît sa responsabilité dans l’assassinat du militant Maurice Audin.

Quels enjeux ? Une histoire dépassionnée…

CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES 47


Axe 2 : Histoire, mémoire et justice
Après avoir étudié les liens entre histoire et mémoires à travers les conflits qu’ils suscitent, il est intéressant
de réfléchir à ces liens sous le prisme de la justice.

Jalon 1 : La justice à l’échelle locale : les tribunaux gacaca face au génocide


des Tutsis.
D’avril à juillet 1994, près d’un million de personnes, soit les trois quarts de la population tutsie vivant au
Rwanda, ont été assassinées en à peine trois mois au cours du dernier génocide du XXe siècle. En premier
lieu, il faut étudier les étapes et les spécificités de ce génocide pour mieux comprendre la justice mise en
place après les tueries. Ces tribunaux, déployés à l’échelle locale sur tout le territoire rwandais, s’appellent
« gacaca », (prononcez gatchatcha).

La marche vers le génocide : un demi-siècle de racisme officiel


Pour comprendre l’ampleur et l’efficacité du génocide, il faut revenir aux origines de la distinction entre
Hutus et Tutsis lors de la colonisation, puis à l’instauration d’un racisme officiel par le régime rwandais
avant 1994 et enfin au déclenchement du génocide. La colonisation du Rwanda intervient tardivement
en 1894 lorsqu’un comte allemand, Gustav Adolf von Götzen, entre dans le territoire avec 620 soldats. À
l’époque, le Rwanda est une monarchie et une nation. Après la Première guerre mondiale et la défaite
allemande, le Rwanda passe sous domination belge. Les colons allemands puis belges ont une vision
raciste et classent les populations sur place. Ils constatent lors de la colonisation que les « Tutsis » (à
l’origine des éleveurs) ont une place sociale plus importante que les « Hutus » (qui sont cultivateurs). En
effet, comme dans beaucoup de sociétés rurales, la détention d’un cheptel est très valorisée socialement.
Or les colons et notamment l’Église vont plaquer sur ces distinctions sociales des différences ethniques :
les Hutus seraient des « Bantous » à l’esprit limité et les Tutsis formeraient une « race » supérieure venant
du Nil, descendants des Pharaons et souvent appelée « Juifs du Nil ». Les missionnaires allemands puis
belges brossent des portraits ethniques (forme du nez, couleur de la peau, des mains…), inventant des
différences physiques et morales alors que les termes « Tutsi » et « Hutu » ne désignaient à l’origine que
des catégories socio-économiques. Il était d’ailleurs possible d’abandonner l’identité hutu pour devenir
tutsi. À ce titre, rien ne distingue un Hutu d’un Tutsi, ni le physique, ni la langue, ni la religion, etc. Les
Belges, dont l’empire colonial est vaste au regard de leur territoire national, délèguent une bonne partie de
l’administration rwandaise aux « Tutsis », pourtant minoritaires dans le pays. Cette situation, injuste pour
les Hutus alors majoritaires, ancre la vision « racialiste » des colons au Rwanda et nourrit le ressentiment.
En 1960, des Hutus forment un gouvernement provisoire républicain autour de Grégoire Kayibanda. Les
Belges, qui entendent accorder l’indépendance au pays, organisent un référendum en 1961 sur le régime
du futur état : 80% des électeurs se prononcent pour la République et contre la monarchie (identifiée
aux Tutsis minoritaires). La monarchie est donc abolie et le Rwanda devient indépendant en juillet 1962.
Kayibanda reste président de la République du Rwanda jusqu’en 1973 quand il est renversé par Juvénal
Habyarimana qui va mener une politique brutale contre les Tutsis. L’historien Jean-Pierre Chrétien,
spécialiste du génocide des Tutsis, a pu parler de « nazisme tropical » pour caractériser le régime rwandais.
En effet, durant toute cette période, les violences anti-tutsies se déchaînent : massacres récurrents de
populations tutsies, exclusion et instauration de quotas pour limiter l’accès des Tutsis à certains métiers,
à l’administration, à l’éducation, etc. De nombreux Tutsis, qualifiés d’Inyenzi (« cafards »), s’exilent dans les
pays voisins, au Burundi et en Ouganda. Ce terme qui rabaisse toute une partie de la population façonne
l’imagination et l’état d’esprit de la société rwandaise construite sur l’idée d’une nation en danger devant
rester aux aguets, le péril pouvant venir aussi bien de l’extérieur que de l’intérieur.

Cent jours de génocide : avril-juillet 1994


Les Tutsis de l’exil créent le Front patriotique rwandais (FPR) en Ouganda. Ses objectifs sont le retour des
Tutsis au Rwanda et l’abandon de l’ethnisme. En octobre 1990, le FPR mène une offensive au Rwanda qui

48 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES


déclenche une guerre civile dans le pays. Le président Habyarimana prépare alors l’armée, distribue des
armes à feu dans le cadre de « l’auto-défense civile ». Pour lui, les Tutsis sur place sont des agents du
FPR. Comme lors de génocides précédents, le massacre de masse des Tutsis est considéré comme une
auto-défense, une question de survie entre un « eux » menaçant et un « nous » en danger. Ce discours ultra
violent est adopté au sommet de l’État et contamine toute la société rwandaise déjà très travaillée par la
haine anti-tutsie. Celle-ci est radicalisée par une véritable campagne de haine menée par les extrémistes,
à travers la radio « Mille collines », notamment.
Pressé par la communauté internationale, le président Habyarimana signe avec le FPR de Paul Kagame
les accords d’Arusha en 1992 et 1993, censés apaiser la guerre civile. Mais les ultras Hutus y sont hostiles.
Le 6 avril 1994, l’avion qui transporte le président rwandais Juvénal Habyarimana, le président burundais
Cyprien Ntaryamira et des diplomates est victime d’un attentat au-dessus de l’aéroport de Kigali. Les
Hutus extrémistes accusent les Tutsis d’avoir perpétré cet attentat, s’emparent du pouvoir et déclenchent
le génocide qui commence immédiatement et ne s’arrête qu’en juillet 1994, trois mois plus tard, avec la
victoire du FPR et la fuite au Congo de millions de Hutus. Ce génocide a fait près d’un million de victimes
tutsies, tuant également des Hutus ayant protégé les Tutsis – soit environ 10 000 morts par jour…

Carte du génocide des Tutsis au Rwanda. Magasine L’Histoire.

Les particularités du génocide rwandais :

— À la différence du génocide des Juifs, l’extermination des Tutsis ne s’est pas concentrée sur de
grands sites de mise à mort : elle s’est déroulée sur l’ensemble du territoire rwandais, à la ville et à la
campagne, dans les maisons, au coin d’une rue, dans des endroits familiers. Les collines et les lieux de
culte concentrent même le plus grand nombre d’exactions (40 % des victimes), les églises n’offrant plus
d’abri efficace comme lors des précédents massacres.
— Les armes utilisées sont celles disponibles sur place : armes à feu, machettes, outils agricoles, etc.
Le viol est aussi utilisé comme « arme de guerre » : l’une des conséquences sera aussi la transmission
du sida.

CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES 49


— À la différence des autres génocides, le génocide des Tutsis s’est déroulé malgré une connaissance
mutuelle entre victimes et bourreaux, lesquels étaient souvent voisins, collègues, fidèles de la même
paroisse, maîtres et élèves, voire des amis… Il existe donc une très grande proximité, et même une
intimité entre les génocidaires et leurs victimes. De nombreux cas de meurtres intrafamiliaux ont été
signalés.
— Puisque rien ne distingue un Hutu d’un Tutsi (même langue, même religion, même territoire depuis
le XIVe siècle, pas de différence physique puisque ce sont des catégories socio-économiques héritées du
début du XXe siècle), il fallait bien « repérer » les Tutsis parmi la population rwandaise. La carte d’iden-
tité mentionnant la prétendue « ethnie » mais surtout la dénonciation du statut tutsi par l’entourage ont
facilité l’identification des victimes.

Juger des millions de génocidaires : du tribunal pénal international aux gacaca locaux
La communauté internationale a réagi après le génocide en instituant un tribunal pénal. Le Tribunal
pénal international pour le Rwanda (TPIR) est une juridiction pénale internationale mise en place le 8
novembre 1994 par le Conseil de sécurité des Nations unies afin de juger les personnes responsables
d’actes de génocide et d’autres violations graves du droit international humanitaire commis sur le territoire
du Rwanda en 1994. Son but est de « contribuer au processus de réconciliation nationale au Rwanda et
au maintien de la paix dans la région ». Ses travaux se sont achevés le 31 décembre 2015. Les dossiers
du tribunal sont repris par le Mécanisme pour les Tribunaux pénaux internationaux. Son bilan est critiqué
pour son coût et son inefficacité. Des auteurs du génocide des Tutsis au Rwanda n’ont pas été poursuivis et
vivent tranquillement, notamment en France.
Pour traiter les génocidaires hutus extrémistes ayant perpétré le génocide des Tutsis au Rwanda, les
autorités de Kigali ont réactivé d’anciens dispositifs judiciaires. Ces tribunaux populaires nommés gacaca
ont permis de juger près de 2 millions d’accusés et d’en punir la moitié. Cela a évité la vengeance et
l’impunité car la justice nationale rwandaise (qui a également fonctionné) n’aurait pas pu juger l’ensemble
des coupables. Véritables laboratoires de justice, les gacaca ont assuré une justice de proximité pour punir
mais aussi pour tenter d’apaiser les tensions et d’obtenir le pardon. Jusqu’à leur fin en 2015, ces tribunaux
ont évité le déchaînement d’une vengeance systématique et l’impunité totale de nombreux génocidaires,
même si la sincérité du pardon et l’efficacité de la réconciliation restent discutables.

Les événements clés

— 1894 : Début de la colonisation du Rwanda par les Allemands.


— 1897 : Protectorat allemand.
— 1916 : Début de l’occupation belge.
— 1959 : Révolution sociale portée par les Hutus indépendantistes.
— 1962 : Indépendance du Rwanda.
— 1973 : Prise du pouvoir par Juvénal Habyarimana.
— 1990 : Fondation du FPR des Tutsis en exil.
— 1993 : Accord d’Arusha entre le gouvernement rwandais et le FPR pour le retour de la paix au
Rwanda.
— 6 Avril 1994 : Attentat contre l’avion de Juvénal Habyarimana et déclenchement du génocide.
— Juillet : Fin du génocide, fuite des Hutus au Congo voisin.

50 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES


Juger le génocide des Tutsis

Justice internationale Tribunaux gacaca

Justice Internationale De proximité


Type Moderne Traditionnelle
Principaux responsables du
Accusés Voisins, simples exécutants.
génocide.
-Juger massivement 2 millions de génocidaires.
Un pas vers la création d’une -Éviter la vengeance et l’impunité totale de génoci-
Avancées
véritable cour internationale. daires.
-Tenter de réconcilier les Rwandais.
Coût élevé, inefficacité et
Doute sur la sincérité du pardon et sur l’efficacité de
Critiques impunité des génocidaires ayant
la réconciliation.
fui à l’étranger.
Fin des travaux 2015 2015

Jalon 2 : La construction d’une justice pénale internationale face aux crimes


de masse : le tribunal pénal international pour l’ex- Yougoslavie (TPIY).
Afin de poursuivre la réflexion, il est intéressant d’analyser la construction d’une justice pénale internationale
face aux crimes de masse avec le tribunal pénal international pour l’ex- Yougoslavie.

La Yougoslavie : une mosaïque de peuples


La Yougoslavie naît en 1918 après la chute des Empires ottoman et autrichien. Elle réunit des populations
qui ont des langues, des cultures et des religions différentes mais elle est gouvernée par un même roi. La
Yougoslavie est donc une mosaïque de peuples enchevêtrés, majoritaires sur des territoires, minoritaires
sur d’autre. Certaines Républiques sont plus « homogènes » que d’autres comme la Slovénie ou la
Macédoine comme le montre cette carte.
En 1945, sous l’impulsion du résistant communiste Tito, la Yougoslavie devient une République communiste
formée de plusieurs Républiques (la Croatie, la Slovénie, la Bosnie, la Serbie et la Macédoine). Les divers
nationalismes sont réprimés par Tito qui dirige la fédération yougoslave d’une main de fer avec le parti
communiste, estimant que « la Yougoslavie a six Républiques, cinq nations, quatre langues, trois religions,
deux alphabets et un seul parti ».
La mort du maréchal Tito en 1980 déstabilise le pays car les différents peuples ne sont plus unifiés par une
personnalité forte. En outre, le pays traverse une crise économique et politique. Les pénuries et le faible de
niveau de vie avivent les tensions déjà fortes entre communautés des différentes Républiques. Dès 1981, au
Kosovo (province de Serbie), des Albanais demandent un statut particulier. Les nationalismes se réveillent.
En 1990, les premières élections démocratiques se soldent par une écrasante victoire des nationalistes
dans toutes les républiques.

CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES 51


Carte des nationalités en Yougoslavie. Le Monde diplomatique.

Une mosaïque de nationalités

République Capitale Nationalités

Slovénie Ljubljana Slovènes

Croatie Zagreb Croates, minorité de Serbes.

Bosnie-
Sarajevo Bosniaques, Serbes et Croates.
Herzégovine
Composé d’un territoire à majorité serbe et de deux provinces
Serbie Belgrade autonomes : le Kosovo à majorité albanaise et la Voïvodine qui compte
une forte minorité hongroise.
Titograd
Monténégrins en majorité avec des minorités serbes, bosniaques,
Monténégro (aujourd’hui
albanaises.
Podgorica)

Macédoine Skopje 80 % de Macédoniens et 20% d’Albanais.

52 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES


En plus d’être composée d’un enchevêtrement de peuples aux nationalités différentes et parfois rivales,
la Yougoslavie fait cohabiter deux branches du christianisme (le catholicisme, la religion orthodoxe) et la
religion musulmane.

Une mosaïque de religions

Nationalité Langue Religion majoritaire

Slovènes Slovène Catholicisme

Croates Serbo-croate, variante croate. Catholicisme

Serbes Serbo-croate, variante serbe. Religion orthodoxe

Bosniaques Serbo-croate, variante bosnienne. Islam

Monténégrins Serbo-croate, variante monténégrine. Religion orthodoxe

Macédoniens Macédonien Religion orthodoxe

Albanais Albanais Islam

Le TPIY : une réponse aux crimes de masse commis en ex-Yougoslavie


La mort de Tito qui réprimait massivement les revendications nationalistes ouvre la voie à la résurgence
des oppositions entre nationalités, à tel point qu’en 1990 les partis nationalistes remportent les élections
dans les six Républiques. Chaque nationalité souhaite se détacher de la Yougoslavie pour créer un pays
qui réunirait tout son peuple, ce qui est impossible car des peuples différents partagent le même territoire.
En Serbie, c’est le communiste nationaliste Slobodan Milosevic qui représente cette tendance. Au pouvoir à
partir de 1987, il développe des discours nationalistes qui prône le retour d’une « grande Serbie » réunissant
l’ensemble des Serbes. Milosevic soutient avec une très grande vigueur les Serbes du Kosovo (province
de Serbie à majorité albanaise). Alors que l’idéologie communiste décline, Milosevic embrasse l’idéologie
nationaliste et prépare la guerre.

La décomposition de la Yougoslavie :
— La Slovénie et la Macédoine deviennent indépendantes de manière pacifique en 1991.
— La Croatie proclame son indépendance en juin 1991 mais les Serbes de Croatie et la Serbie s’y
opposent. La guerre dure quatre ans, fait 20 000 morts, des centaines de milliers de déplacés et est
marquée par des atrocités.
— La Bosnie aussi connaît la guerre après avoir proclamé son indépendance en 1992. La guerre déchire
le territoire jusqu’aux accords de Dayton de 1995 sous l’égide américaine qui prévoient une partition du
pays en deux.
— Le Kosovo proclame son indépendance à la fin des années 1990, qu’il finit par obtenir.
— Le Monténégro devient indépendant en 2006.

CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES 53


Les deux grands symboles des violences de guerre

Siège de Sarajevo Massacre de Srebrenica

Dates Avril 1992-Décembre 1995 Juillet 1995

Lieu Capitale de la Bosnie Bosnie

Serbes avec à leur tête le général serbe


Responsables Serbes
Ratko Mladic.
Les Serbes assiègent la ville depuis
Les forces serbes mènent à Srebrenica
les collines environnantes. Les 400 000
leur politique d’épuration ethnique. Les
Contexte habitants de Sarajevo manquent de tout et
casques bleus de l’ONU présents sur
subissent des bombardements et des tirs
n’interviennent pas.
de snipers serbes.
8 000 hommes (et adolescents)
Bilan 10 000 victimes.
bosniaques sont assassinés.

La réponse juridique de la communauté internationale : la mise en place du TPIY


L’ONU ne reste pas indifférente au retour de la guerre en Europe – d’autant que l’effacement de l’URSS
permet à l’ONU d’éviter les vetos et place les États-Unis en situation d’hyperpuissance. Le Conseil de
Sécurité de l’ONU tente de manière répétée mais vaine de mettre fin aux conflits dans l’ex-Yougoslavie. En
août 1992, un rapport onusien fait état « de violations massives et systématiques des droits de l’Homme
en Bosnie ». Le 25 mai 1993, le Conseil de Sécurité adopte une nouvelle résolution (n° 827) qui créé un
Tribunal pénal pour l’ex-Yougoslavie (TPIY). Le TPIY a pour compétence de juger « les personnes présumées
responsables de violations graves du droit humanitaire international » commises sur le territoire de
l’ex-Yougoslavie depuis le 1er janvier 1991 alors que la guerre est encore en cours. C’est la première fois
que l’ONU est à l’origine d’une telle juridiction internationale. Il marque la volonté de la communauté
internationale de ne pas laisser impunis les crimes en cours dans les Balkans. Il s’agit donc d’une avancée
juridique, historique et symbolique très forte. L’Assemblée générale des Nations élit ses juges et vote son
budget.

Les compétences du TPIY

Types de crimes jugés Type d’accusés Territoire concerné

– Violation de la Convention
de Genève. Des personnes physiques, surtout les
personnalités de haut rang accusées
– Violation du droit de la Faits commis sur le territoire
de porter une lourde responsabilité
guerre. de l’ancienne République de
dans les crimes. Obéir à un ordre ou en
Yougoslavie à partir de 1991.
– Crime contre l’humanité. donner ne soustrait pas la responsabi-
lité pénale.
– Génocide.

Les travaux du TPIY


Le TPIY débute ses travaux officiellement le 6 mai 1995. Les premières années sont laborieuses : il
faut s’organiser, former le personnel, mettre en œuvre une forme de droit international apte à juger les
crimes de guerre et de génocide qui a été peu pratiqué depuis le procès de Nuremberg.

54 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES


Autour de 2002, une seconde phase de travail vise à traquer les criminels de guerre, les faire arrêter
et les livrer au tribunal. Il s’agit également pour le procureur d’instruire les dossiers pour apporter des
preuves des crimes commis et établir les responsabilités des accusés. Des enquêteurs ont ainsi été
dépêchés sur place pour procéder à la collecte des preuves, notamment par l’exhumation des fosses
où reposent les victimes. L’instruction repose aussi sur la collecte de 5000 témoignages. Parallèlement,
les justices traquent les criminels qui se cachent souvent en Serbie, aidés par le gouvernement et des
partisans, et retrouvent 161 accusés.
Le procès des criminels intervient dans une troisième phase. Au terme de 11 000 jours de procès, les
jugements aboutissent à la condamnation de 90 criminels, dont Radovan Karadzic et Ratko Mladic.
Slobodan Milosevic n’a en revanche pas été jugé : il est mort en détention avant le verdict.

Les événements clés

— 1918 : Création de la Yougoslavie sur les décombres des Empires.


— 1945 : La Yougoslavie devient communiste.
— 1980 : Mort de Tito.
— 1981 : Premières révoltes au Kosovo.
— Février 1991 : Premières sécessions.
— Août 1991 : Guerre de Croatie.
— 1993 : Résolution de l’ONU créant le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY).
— 1995 : Massacre de Srebrenica.

Bilan du TPIY

Bilan positif Bilan négatif

– 90 criminels ont été condamnés.


– Des procédures ont été closes (notamment pour cause de
décès), d’autres ont abouti à des acquittements, preuve – Le TPIY n’a pas dissuadé les criminels
que le TPIY a respecté les droits de la défense. pendant la guerre.

– Les principaux responsables de ces crimes contre – Le TPIY n’a pas permis de réelle récon-
l’humanité ont été condamnés à des peines d’emprison- ciliation.
nement à perpétuité comme Radovan Karadzic et Ratko
Mladic. En revanche Slobodan Milosevic est mort en – La TPIY n’a pas pu juger tous les crimi-
détention avant le verdict. nels, certains étant morts avant.
– Le TPIY a ouvert la voie à une justice internationale en – Le TPIY n’a pas jugé tous les crimes sur
transformant radicalement le droit international humani- tous les théâtres de la guerre de 1991 à
taire et en montrant que les hautes fonctions occupées 2001.
par un individu ne lui garantissaient plus l’impunité.

Même si le bilan du TPIY est imparfait, il faut retenir que c’est la première fois que l’ensemble de la
communauté internationale jugeait des hommes pour des crimes de guerre et contre l’humanité. Cette
grande première a permis de mettre fin à l’impunité des grands criminels.

CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES 55


Bilan : La guerre en ex-Yougoslavie et son traitement judiciaire

Objet de travail conclusif : L’histoire et les mémoires du génocide des


Juifs et des Tsiganes.

Rappel des faits

Génocide des Juifs Génocide des Tsiganes

-Antisémitisme européen.
-Longue histoire de persécution en
Marche vers le génocide -Lois visant les Juifs dans l’Alle- Europe.
magne nazie à partir de 1933.
Date du déclenchement
1941 1942
du génocide
-« Shoah par balle » sur le front Est. -« Shoah par balle » sur le front Est.
Déroulement du -Privations dans les ghettos. -Privations dans les ghettos.
génocide
-Déportation et mise à mort dans -Déportation et mise à mort dans des
des centres dédiés. centres dédiés.
220 000 morts (chiffre sûrement sous-
Bilan du génocide 6 millions de morts.
évalué).
-Shoah -Samudaripen
Nom donné au génocide
-Holocauste -Porajmos

56 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES


L’Europe de la Shoah. Source : manuel de première Magnard, 2011.

Les lieux de mise à mort concernent les Juifs et les Tsiganes qui ont été visés par la même politique
raciale des nazis.

Jalon 1 : Lieux de mémoire du génocide des Juifs et des Tsiganes.


Après la guerre, un « grand silence » (selon l’expression de l’historienne Annette Wierviorka) se fait sur la
mémoire des Juifs et des Tsiganes. Leur tragédie n’est pas évoquée à la différence de celle des résistants
déportés. Elle n’est mise en lumière qu’à partir des années 1960 à la suite des procès (Eichmann en
1961) et de la diffusion d’œuvres documentaires. Quant au sort des Tsiganes, il reste ignoré jusqu’aux
années 2000. Les lieux de mémoires du génocide portent l’histoire de cette lente mais brutale prise de
conscience comme le montre ce schéma.

Du réveil des mémoires aux lieux de mémoires

CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES 57


Les événements clés

— 1961 : Procès d’Adolf Eichmann en Israël. Il entraîne une véritable prise de conscience de la
spécificité du génocide des Juifs.
— 1978 : La série Holocauste diffusée aux États-Unis est à la fois le reflet de cet intérêt mémoriel et
un accélérateur de la prise de conscience de la tragédie des Juifs.
— 1982 : L’Allemagne reconnaît le génocide des Tsiganes.
— 2001 : Ouverture à Auschwitz d’un pavillon permanent sur le génocide des Sinti et des Roms.
— 2011 : L’UE reconnaît le génocide des Tsiganes.
— 2015 : Journée commémorative du génocide des Tsiganes.

Jalon 2 : Juger les crimes nazis après Nuremberg.


Le procès de Nuremberg a lieu dans le premier tribunal militaire international de l’histoire. Mais la Shoah
y est peu évoquée. Il en est de même dans d’autres tribunaux militaires alliés exerçant dans les zones
d’occupation qui ont jugé près de 200 accusés (fonctionnaires, juristes, économistes, industriels). Seuls les
tribunaux militaires américains des camps de concentration ont mené des procès contre 1500 membres du
personnel de ces camps. Quant à la justice allemande d’après-guerre, elle opère, de manière très frileuse,
la dénazification et ne parvient qu’à une épuration très partielle de l’Allemagne. Il faut attendre le début des
années 1960 et le procès du criminel nazi Eichmann pour que le génocide occupe enfin le cœur des débats
juridiques.
Par la suite d’autres procès de plus ou moins grande ampleur sont menés par les justices nationales,
grâce à la persévérance des « chasseurs de nazis » qui ont traqué les criminels de la Seconde guerre
mondiale cachés partout dans le monde. En France, Le premier français à être condamné pour crime
contre l’humanité est Paul Touvier, chef de la Milice lyonnaise durant l’occupation. Arrêté en 1989, il est jugé
et condamné en 1994 à la réclusion criminelle à perpétuité.
Grâce à la mobilisation des « chasseurs de nazis », Klaus Barbie est arrêté en Bolivie et jugé en France
en 1987 pour crime contre l’humanité. Cet ancien chef de la Gestapo de Lyon a donné l’ordre d’arrêter et
de torturer des résistants (dont Jean Moulin), d’exécuter de nombreux otages et d’envoyer des milliers de
Juifs à Drancy d’où ils ont été déportés vers les camps de concentration. Barbie est condamné à la prison
à perpétuité notamment pour avoir déporté les 44 enfants juifs de l’Internat d’Izieu en avril 1944.
En 1997, s’ouvre le procès de Maurice Papon, haut fonctionnaire sous Vichy à Bordeaux. Il est condamné en
1998 à dix ans de réclusion criminelle pour complicité de crimes contre l’humanité et pour l’arrestation et
la déportation des Juifs de la région bordelaise vers Drancy, d’où ils furent conduits à Auschwitz.

Les événements clés

— 1961 : Procès Eichmann


— 1987 : Procès Klaus Barbie
— 1994 : Procès Touvier
— 1997 : Procès Papon

58 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES


Adolf Eichmann lors de son procès (1961)
Haut fonctionnaire du régime nazi (il était membre du parti), il est chargé
pendant la Seconde guerre mondiale de la logistique de la « Solution
finale », c’est-à-dire du génocide. Il est notamment responsable de
l’identification et la déportation des Juifs vers les camps de concentration
et d’extermination. Il échappe à la justice à la fin de la guerre en fuyant
et se cachant sous une fausse identité en Argentine. C’est alors qu’il
est arrêté, au terme d’une traque rocambolesque, et amené par les
services secrets à Jérusalem.

Jalon 3 : Le génocide dans la littérature et le cinéma.


À la Libération, la société européenne ne semble pas prête à évoquer le génocide des Juifs et des
Tsiganes. En France, l’heure est au « résistancialisme » (selon le terme de l’historien Henry Rousso),
c’est-à-dire à l’exaltation de la Résistance. Le sort des Juifs n’est quasiment jamais abordé dans
la littérature et le cinéma d’après-guerre, et celui des Tsiganes encore plus rarement. Le premier
documentaire important consacré à la déportation et aux camps d’extermination nazis est Nuit et
brouillard du cinéaste français Alain Resnais (1956). Le film est censuré par les autorités françaises et
allemandes.
Peu à peu, les écrivains (souvent des rescapés) et les cinéastes s’emparent du sujet. De nos jours,
les ouvrages et les films évoquant le génocide sont très nombreux. On semble être passé d’un silence
assourdissant à une « hypermnésie », c’est-à-dire un excès de mémoire qui peut aboutir à des impasses :
le sensationnalisme, la mise en avant de l’émotion plutôt que de l’analyse, etc. Ainsi reproche-t-on à
certaines productions d’instrumentaliser la Shoah, voire de tomber dans le voyeurisme. Le problème du
génocide des Tsiganes est tout autre. Tant les œuvres de fiction que les travaux historiques qui traitent du
Samudaripen sont rares. Cela explique l’ignorance du sort des Tsiganes de la part du grand public et la
reconnaissance officielle tardive du Samudaripen.

Le génocide : livres et films

Témoignage Fiction

– Quelques rares témoignages de disparus comme le Journal


d’Ann Frank.
Littérature

– Les témoignages de rescapés : Si c’est un homme de Primo


Levi, Auschwitz et après de Charlotte Delbo, La Nuit d’Elie – Les Bienveillantes de Jonathan
Wiesel, Au nom de tous les miens de Martin Gray, Être sans Littell (2006).
destin d’Imre Kertész, etc.
– Des témoignages de victimes de la Shoah transmis par leur
famille : la bande dessinée Maus d’Art Spiegelman, etc.
Cinéma et télévision

– La liste de Schindler de Steven


– Les Usines de la mort, documentaire tourné par Billy Wilder à la
Spielberg (1993),
libération des camps. D’autres grands cinéastes d’Hollywood
filment les camps : George Stevens, John Ford, Samuel Fuller. – La vie est belle de Roberto
Benigni (1997), etc.
– Nuit et brouillard d’Alain Resnais (1956).
– Holocauste, série télévisée
– Shoah de Claude Lanzmann (1985).
(1978).

CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES 59


En premier lieu, l’histoire du génocide des Juifs et, dans une moindre mesure, celui du génocide des
Tsiganes s’est développée grâce à la mobilisation de rescapés. La connaissance de la Shoah s’appuie sur
de nombreux témoignages qui ont permis de saisir l’horreur de la machine à mort nazie. La fiction a pris le
relais des témoignages de rescapés, avec ce qu’elle a d’imprécis et de voyeurisme. Cependant, le génocide
des Tsiganes reste méconnu même s’il commence à émerger dans la fiction.
Face à ces revendications mémorielles, nous avons analysé le rôle de l’historien, dont le but est de rechercher
l’objectivité assurée par l’analyse critique des sources et la neutralité du récit historique. L’historien apporte
une vision plus globale, plus détachée moins affective que celle des mémoires. Loin de vouloir arbitrer et de
choisir entre histoire et mémoire, il tente d’établir la vérité en s’appuyant sur les éléments de connaissance
qu’elles peuvent susciter. La justice, par ce qu’elle peut apporter d’apaisement, est une étape essentielle.
Mais sa réponse n’est pas parfaite, ce qui génère souvent frustration et tensions.

Primo Levi (1919-1987)

Rescapé d’Auschwitz, l’écrivain et chimiste italien Primo Levi


témoigne dans Si c’est un homme de son expérience du Lager,
(mot qui désigne en allemand le camp de concentration), avec une
réflexion sur le « mal » et l’humanité d’une grande profondeur.

60 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES


THÈME 4 : IDENTIFIER, PROTÉGER ET VALORISER LE
PATRIMOINE : ENJEUX GÉOPOLITIQUES

Introduction : Définir le patrimoine.


Le patrimoine désigne l’ensemble des biens hérités du père et conservés pour être transmis aux
descendants. Par extension, il désigne l’héritage commun d’une nation et de l’humanité. Le terme apparaît
au XIIe siècle mais il est approfondi à partir du XVIIIe siècle. Il évoque non seulement les vestiges mais
aussi les lieux de mémoire, les paysages, les ouvrages d’art, les pratiques culturelles, la gastronomie,
la littérature, la nature. Le patrimoine est aussi bien matériel qu’immatériel. Tout a tendance à devenir
patrimoine dans le cadre du « présentisme », la façon dont une société considère son passé. Cela conduit
à un processus de patrimonialisation qui consiste à attribuer une valeur contemporaine à une sélection
de traces matérielles ou immatérielles du passé. Cette valeur est attribuée à toute les échelles depuis
l’individu jusqu’à l’humanité entière. Le patrimoine peut alors être institutionnalisé et sacralisé dans le
cadre d’un « devoir de conservation » ou d’un « devoir de mémoire ».

Chronologie : la création progressive de la notion de patrimoine

— 1471 : Le pape Sixte IV décide de présenter aux habitants de Rome des œuvres antiques considé-
rées comme un héritage prestigieux des Anciens.
— 1534 : Le pape Paul III met en place un contrôle strict sur les marbres antiques, en soumettant à
autorisation l’exportation des œuvres anciennes.
— XVIIe et XVIIIe siècles : développement des cabinets de curiosité et de la pratique du « Grand
Tour » qui voit les jeunes aristocrates européens sillonner l’Italie et la Grèce sur les traces du
passé antique.
— 1759 : Ouverture du British Museum.
— 1783 : Ouverture du musée de Vienne.
— 1785 : Ouverture du musée du Prado à Madrid.
— 1790, 4 octobre : Face au saccage d’édifices religieux et civils lors d’événements révolutionnaires,
pétition pour l’établissement d’un inventaire des « Monuments précieux de notre histoire ».
— 1795 : Création du Musée des monuments français.
— 1830 : Création de l’Inspection générale des monuments historiques.

CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES 61


La localisation et la diversité du patrimoine mondial répertorié par l’Unesco.
Carte des 1121 sites classés par
l’UNESCO en 2021 et situés dans 167 pays.
En vert : les sites naturels ; en jaune : les
sites culturels ; en rouge : les sites en péril.
Source : UNESCO.

Axe 1 : Usages sociaux et politiques du patrimoine

Jalon 1 : Réaménager la mémoire. Les usages de Versailles de l’Empire à


nos jours.
Le château de Versailles se définit par son historicité, son exemplarité, sa beauté et son identité. Il est à
la fois protégé, transformé, étudié et consommé. Il subit la muséification et il est donc à la rencontre des
usages scientifiques, politiques et économiques. Il est pensé comme une valeur qui permet la mise en
scène du lieu. Il est de plus en plus montré, ordonné et pensé en fonction des attentes des visiteurs qui
consomment l’espace culturel et artistique. Cependant la muséification d’un lieu de patrimoine produit une
mutation de sa valeur patrimoniale et provoque des conflits d’usage autour de celui-ci.

Chronologie : Versailles, d’hier à aujourd’hui

— 1624 : Louis XIII fait bâtir un pavillon de chasse à Versailles.


— 1664 : Premières grandes fêtes à Versailles.
— 1682 : Installation de Louis XIV et de sa cour à Versailles.
— 1789 : Lors de la Révolution française, la famille royale quitte Versailles ; vente du mobilier du château.
— 1806 : Travaux de restauration par Napoléon Ier.
— 1837 : Louis-Philippe transforme le château en Musée national de l’histoire de France.
— 1870 : Le château est réquisitionné par l’armée prussienne lors de la guerre franco-prussienne.
— 1871 : Lors de la Commune de Paris, le gouvernement siège à Versailles.
— 1879 : Le château de Versailles accueille les parlementaires en Congrès.
— 1919 : Signature du traité de Versailles dans la Galerie des Glaces.
— 1952 : Souscription nationale pour sauver le château.
— 1962 : Retour à Versailles des objets conservés dans les collections publiques nationales.
— 1975-1980 : Restauration de la chambre du Roi et de celle de la Reine.
— 1979 : Inscription au patrimoine mondiale de l’Unesco.
— 1995 : Création de l’Établissement public du musée et du domaine national de Versailles.

62 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES


Le patrimoine versaillais, des usages multiples

Jalon 2 : Conflits de patrimoine. Les frises du Parthénon depuis le XIXe


siècle.
Les frises du Parthénon sont l’objet d’un conflit entre la Grèce et la Grande-Bretagne. Leur présence au
British Museum est la conséquence du pillage des œuvres d’art par les grandes puissances coloniales du
XIXe siècle. Cependant, le contexte géopolitique a changé, la Grèce est désormais un État souverain, membre
d’une puissante organisation régionale, l’Union européenne. Elle souhaite le retour de son patrimoine pour
des raisons culturelles, sociales, juridiques et patriotiques. De son côté, Londres refuse la restitution au
nom des idéaux universalistes de l’art et du patrimoine.
Ce conflit dépasse les tensions entre les deux pays. Le soutien de l’Unesco à la Grèce peut créer une
jurisprudence qui affecterait les institutions patrimoniales européennes. Il s’agit surtout d’une preuve de
la multipolarité du monde dans lequel de nouvelles puissances émergent et utilisent le patrimoine comme
un levier géopolitique.

Chronologie : Les frises du Parthénon

— 1801 : Un firman (acte officiel ottoman) autorise les fouilles britanniques sur l’Acropole d’Athènes en
partie en ruine.
— 1802 : Lord Elgin, ambassadeur britannique en Turquie, fait transporter des marbres de l’Acropole à
Londres.
— 1816 : Le Royaume-Uni achète les marbres à Elgin pour le British Museum.
— 1834 : Le roi de Grèce, récemment indépendante, Othon Ier, cherche à racheter les marbres.
— 1981 : Melina Mercouri, ministre de la Culture grecque, combat pour le retour des marbres en Grèce.
— 2014 : Médiation de l’Unesco dans le différend entre la Grèce et le Royaume-Uni.
— 2015 : La Grèce renonce à toute action judiciaire contre le Royaume-Uni, préférant la voie diplomatique.
— 2017 : L’Union européenne rejette la demande grecque de restitution.

CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES 63


Les frises du Parthénon conservées au
British Museum.

Les arguments en présence dans le conflit gréco-britannique

Synthèse : Les conflits d’usages du patrimoine

Usages du patrimoine Versailles Frises du Parthénon

– Musée de l’histoire de France


– Rénovations et reconstructions – Exposition au British Museum
Usages sociaux
– Expositions d’art – Copies et moulages pour la conservation
– Tourisme de masse
– Réception de chefs d’État – Affermir sa domination sur un État
– Signature de traité de paix adverse
Usages politiques
– Réunion du Parlement en Congrès – Renforcer l’unité nationale
– Siège de gouvernement – Contester une domination géopolitique

64 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES


Les acteurs

Louis-Philippe Ier (1773-1850)

Roi des Français de 1830 à 1848, Louis-Philippe est le chef de la


branche cadette des Bourbons, les Orléans. Il est proclamé roi le 7
août 1830 après la révolution de juillet qui renverse Charles X. Il est
lui-même renversé en 1848 lors d’une révolution qui proclame la IIe
République. Pour garantir l’unité de la Nation il décide de faire de
Versailles un musée dédié « À toutes les gloires de la France ».

Lord Elgin (1766-1841)

Diplomate et militaire britannique auprès de l’Empire ottoman durant


les guerres napoléoniennes, il obtient des autorités ottomanes
l’autorisation de s’emparer des marbres du Parthénon et les emporte à
Londres. Il les vend ensuite au British Museum.

Axe 2 : Patrimoine, la préservation entre tensions et concurrences.

Jalon 1 : Urbanisation, développement économique et préservation du


patrimoine. Paris, entre protection et nouvel urbanisme.
Paris possède un patrimoine matériel et immatériel très riche et ancien. Les monuments sont un héritage
de l’histoire depuis l’Antiquité en passant par l’époque médiévale et classique. Les lieux sont porteurs de la
mémoire monarchique, révolutionnaire et républicaine. Mais ce patrimoine est bouleversé par les grands
travaux au fil du temps, en particulier à partir du XIXe siècle. Il est au cœur d’enjeux historique, politique,
urbain et économique. Il est à la fois sauvegardé, protégé, créé ou recréé. L’appropriation de ce patrimoine
et la nécessité de répondre à la compétition métropolitaine mondiale provoquent des controverses et des
débats autour de la muséification de la capitale.

CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES 65


Les sites parisiens les plus fréquentés

Nombre de visiteurs Siècle de création


Sites
(en 2019) (et modification)

1 Sacré-Cœur 11 000 000 XIXe


2 Louvre 9 600 000 XIIIe-XXe
3 Tour Eiffel 6 172 000 XIXe

4 Centre Georges Pompidou 3 273 867 XXe

5 Musée d’Orsay 3 651 616 XIXe

6 Museum d’Histoire naturelle 2 400 267 XVIIIe-XIXe

7 Palais de la Découverte – La Villette 2 385 299 XXe

8 Arc de Triomphe 1 625 126 XIXe


9 Sainte-Chapelle 1 427 3300 XIIIe
10 Atelier des Lumières 1 392 313 XXe

11 Notre-Dame de Paris Site fermé aux visiteurs XIIe-XIXe

12 Hôtel des Invalides XVIIe


13 Tour Montparnasse XXe
D’après les chiffres du site officiel de l’Office du Tourisme et des Congrès de la Ville de Paris.

Paris, entre valorisation du patrimoine et renouvellement urbain

Source : manuel de terminale, Nathan

66 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES


Chronologie : Paris, entre patrimonialisation et nouvel urbanisme

— 1964 : André Malraux, ministre de la Culture, fait du Marais le premier « secteur sauvegardé » régi
par un Plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV).
— 1991 : Inscription des rives de la Seine au patrimoine mondial de l’Unesco.
— 1996 : Approbation du règlement du PSMV du Marais.
— 2010 : Loi sur « le Grand Paris ».
— 2019 : Loi pour la restauration et la conservation de Notre-Dame de Paris, instituant une souscrip-
tion nationale.

Jalon 2 : La destruction, la protection et la restauration du patrimoine,


enjeu géopolitique. La question patrimoniale au Mali.
Le patrimoine du Mali est mis en danger par les tensions et les conflits qui éclatent dans le pays, en
particulier en 2012. Les difficultés des autorités maliennes à maintenir leur autorité sur l’ensemble du
territoire fait du Mali un État failli. Celui-ci doit faire appel à l’aide internationale et au droit d’ingérence, en
particulier de la France, pour maintenir l’ordre et protéger son patrimoine pluriséculaire. C’est l’action des
acteurs internationaux mais aussi nationaux et locaux qui permet de protéger et de restaurer ce patrimoine
en péril. La restauration durable du patrimoine n’est possible qu’avec l’instauration d’une paix durable et
d’une mobilisation des différentes communautés du pays.

Chronologie : Patrimoine et guerre au Mali

— IVe-XVIe siècles : Royaumes et empires médiévaux du Mali.


— 1878-1960 : Colonisation française.
— 1960 : Indépendance et transition démocratique.
— 1988 : Tombouctou et Djenné classés au patrimoine de l’Unesco.
— 1989 : Falaises de Bandiagara classées au patrimoine de l’Unesco.
— 2004 : Tombeau des Askia classé au patrimoine de l’Unesco.
— 2012 : Coup d’État militaire à Bamako ; destruction de mausolées de Tombouctou par des groupes
djihadistes.
— 2013 : Début de la Minusma, avec des casques bleus formés à la protection du patrimoine.
— 2014-2015 : Reconstruction des mausolées de Tombouctou.
— 2016 : Condamnation d’Al-Faqi Al-Mahdi par la CPI pour la destruction du patrimoine de Tombouctou.
— 2018 : Reprise des attentats et des attaques.

Si la destruction du patrimoine est interdite depuis les années 1950 par des conventions internationales,
elle prend une nouvelle dimension avec les événements de 2012 au Mali. Elle est dorénavant considérée
comme un « crime de guerre » et ses auteurs comparaissent devant la Cour pénale internationale qui siège
à La Haye.

CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES 67


Jalon 3 : Le tourisme culturel, entre valorisation et protection. Venise, entre
valorisation touristique et protection du patrimoine.
Venise possède un patrimoine exceptionnel tant par ses monuments, ses festivités que par le paysage
singulier que représente la cité lagunaire. Inscrit au patrimoine de l’humanité par l’Unesco en 1987, Venise
attire des millions de touristes, toujours plus nombreux chaque année. La valorisation touristique du
patrimoine est une source de revenus pour la ville. Cependant, elle provoque des dégradations et des
détériorations péjorations qui mettent en danger le quotidien des habitants mais surtout la pérennité de la
ville. Le tourisme de masse engendre des conflits d’usage et induit de revoir le modèle de développement
de la ville.

Chronologie : Venise, un site exceptionnel exposé à des risques

— 1966 : Acqua alta, Venise est totalement inondée, avec des dégradations importantes du centre
historique.
— 1973 : Loi italienne faisant de Venise un « intérêt national prioritaire ».
— 1983 : Constitution du Consortium Venezia Nuova, visant à élaborer une protection du la ville contre
les hautes eaux.
— 1987 : Venise et sa lagune sont inscrites au patrimoine de l’Unesco.
— 1994 : Plan pour la sauvegarde de la cité historique et de plusieurs îles.
— 2001 : Adoption du projet MOSE, ensemble de barrages mobiles destinés à endiguer les grandes
marées dans la lagune de Venise.
— 2003 : Lancement de la construction du système MOSE.
— 2019 : Acqua alta, Venise est inondée à 80%.
— 2020 : Première mise en œuvre réussie du système MOSE lors de l’acqua alta.

Si le système MOSE (acronyme de Modulo Sperimentale Elettromeccanico, c’est-à-dire « module


expérimental électromécanique ») apparaît comme une solution pour limiter les effets des inondations,
il est déjà un projet ancien bien qu’inachevé. Ce modèle de sauvetage est aussi remis en cause par les
habitants.

Les événements clés

— 1853-1870 : Grands travaux à Paris menés par le préfet de la Seine, Haussmann.


— 1991 : Les rives de la Seine sont classées au patrimoine mondial par l’Unesco.
— 2012 : Attaques des rebelles Touaregs et des islamistes d’Ansar Dine contre le pouvoir malien.
— 2013 : Libération des villes maliennes par les forces onusiennes et début de la protection et de la
restauration du patrimoine détruit.
— 1987 : Venise et sa lagune sont classées au patrimoine mondial par l’Unesco.
— 2003 : Lancement du projet MOSE pour protéger Venise des inondations.

68 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES


Synthèse : la valorisation et la protection du patrimoine

Valorisation et
protection du Patrimoine parisien Patrimoine malien Patrimoine vénitien
patrimoine

– Formation d’experts – Tourisme de masse


– Tourisme de masse nationaux
– « Gentrification »
Valorisation – Lieux de mémoire – Tourisme
– Muséification
– Rayonnement universel. – Symbole d’unité des
communautés
– Rôle de l’armée
– Rôle des chefs d’État – Ingérence d’États étran- – Régulation du tourisme
gers de masse
– Conservation du patri-
Protection
moine – Restauration du patri- – Projet MOSE
– Inscription à l’Unesco. moine – Inscription à l’Unesco.
– Inscription à l’Unesco.

– Mouvement indépendan- – Controverses et débats


– Bouleversements dus aux
tiste touareg. sur le projet MOSE
grands travaux au fil du
Tensions et temps – Mouvement terroriste – Conflits d’usages
concurrences islamiste
– Controverses et débats – Concurrences judiciaires
– Destruction du patri- entre les acteurs du
– - Conflits d’usages.
moine. tourisme et les autorités.

Bilan

CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES 69


Les acteurs

Georges-Eugène Haussmann (1809-1891)

Préfet de la Seine pendant tout le Second Empire, le baron Haussmann


met en œuvre le vaste plan de modernisation voulu par Napoléon III :
élargissement et alignement de larges avenues, élévation d’immeubles
de prestige ou de rapport le long de tous les axes nouveaux, création
d’un vaste système d’égouts, d’adduction d’eau et de gaz, chantiers de
monuments majeurs comme l’opéra Garnier, gares, parcs et jardins
publics, annexion de villages limitrophes. Malgré le très important coût
financier et humain des travaux, Haussmann a totalement modifié le
paysage parisien.

André Malraux (1901-1976)

Écrivain, homme politique et résistant, Malraux est le ministre des


Affaires culturelles du général de Gaulle entre 1959 et 1969. Il mène
une politique culturelle de prestige et étend le champ de compétences
de son ministère.

Objet de travail conclusif : La France et le patrimoine, des actions


majeures de valorisation et de protection.

Jalon 1 : La gestion du patrimoine français : évolutions d’une politique


publique.
Depuis le XIXe siècle, les régimes successifs organisent la conservation du patrimoine pour légitimer
l’ancienneté de leur pouvoir. Avec la République, le patrimoine est au cœur de la construction d’un récit qui
glorifie les racines anciennes de la France. La République met en avant les figures d’un « roman national »
pour se définir comme le régime naturel du pays. Un tournant apparaît dans les années 1960-1970. Le
ministre de la Culture André Malraux fait voter une loi pour protéger les secteurs considérés comme majeurs
sur le plan du patrimoine. Depuis, les zones autour des sites classés monuments historiques sont placés
sous le contrôle des architectes des Bâtiments de France, dont la mission est de conserver l’environnement
de ces monuments. Le patrimoine s’élargit enfin à des monuments, des sites et des histoires qui jusqu’à
présent avaient été négligées : histoire coloniale, migratoire, de l’esclavage, ouvrière. Cet émiettement de
l’Histoire s’accompagne d’une inflation patrimoniale qui s’étend aux sites contemporains mais aussi au
patrimoine immatériel.

70 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES


Les acteurs du patrimoine en France

Cette extension progressive de la notion de patrimoine en France favorise la muséification des centres
urbains et en particulier des centres-villes, tout comme elle a tendance à faire de tout un objet de patrimoine.
Cela peut faire perdre de leur valeur aux objets du patrimoine par un excès de patrimonialisation.

Jalon 2 : La patrimonialisation, entre héritage culturel et reconversion : le


bassin minier du Nord-Pas-de-Calais.
Le Nord-Pas-de-Calais possède un patrimoine industriel très important. Cet héritage des précédentes
industrialisations traduit à la fois l’âge d’or d’une région mais aussi les crises qui l’ont frappée. L’accélération
de la mondialisation et de la désindustrialisation pose la question de la reconversion de cet héritage.
Entre la disparition, l’abandon et les transformations économiques, de nombreux projets soutenus par
les associations de mineurs ont émergé. Les nouveaux aménagements de loisirs, touristiques, culturels,
écologiques tentent de redynamiser la région et de mettre en valeur une histoire du temps présent. La
patrimonialisation de cet héritage se concrétise dans l’inscription du Bassin minier du Nord-Pas-de-Calais
au patrimoine mondial de l’humanité.

Chronologie : La patrimonialisation du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais

— 1720 : Ouverture de la première mine de la région à Anzin.


— XIXe siècle : Exploitation du charbon (puits, terrils, courées ouvrières).
— 1990 : Fermeture du dernier puits d’extraction.
— 2012 : Inscription du bassin minier au patrimoine de l’Unesco ; inauguration du Louvre-Lens, sur
l’emplacement d’un ancien puits.
— 2013 : Création de la marque « Bassin minier du Nord-Pas-de-Calais Patrimoine mondial ».
— 2017 : Inauguration de la cité Bruno à Dourges, ancienne cité ouvrière rénovée.

L’élargissement du patrimoine à un héritage industriel contemporain participe d’une mythification de


ce patrimoine et favorise « le présentisme », en insistant sur le devoir de mémoire et en multipliant les
commémorations.

CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES 71


Jalon 3 : Le patrimoine, facteur de rayonnement culturel de la France
dans le monde et objet d’action diplomatique (un exemple du patrimoine
immatériel : le repas gastronomique des Français).
La France possède un rayonnement culturel et diplomatique planétaire qu’elle s’est construite
au cours des siècles. La culture française demeure une référence mondiale et conforte l’idée d’une
« exception française ». Le poids de la francophonie favorise ce rayonnement. Cette reconnaissance
culturelle fait partie intégrante de l’action diplomatique française. La France reste un acteur
diplomatique très influent tant à l’échelle continentale que mondiale.

Le repas gastronomique, un élément du patrimoine national français


La France doit aussi composer avec la
concurrence accrue des puissances
émergentes. Malgré une diplomatie
volontariste, son soft power fait face à
l’action de nouveaux acteurs comme la
Chine, le Brésil ou la Russie, y compris
sur le plan culturel.

Les événements clés

— 1790 : Création des Archives nationales qui centralisent et protègent les documents de l’État.
— 1830 : Guizot crée l’Inspection générale des Monuments historiques.
— 1959 : Création du ministère de la Culture.
— 1962 : Loi Malraux sur les secteurs urbains sauvegardés : le quartier du Marais à Paris est sauvé
de la destruction.
— 1980 : Année du Patrimoine en France.
— 1984 : Première journée portes ouvertes dans les monuments historiques.
— 2001 : Convention de l’Unesco sur la protection du patrimoine immatériel.
— 2010 : Le « repas gastronomique français » classé au patrimoine immatériel de l’Unesco.
— 2018 : Premier loto du patrimoine.

72 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES


Synthèse : La France et son patrimoine :

Le Bassin minier du Rayonnement culturel et action


Gestion du patrimoine français
Nord-Pas-de-Calais diplomatique

– Mise en tourisme
Valorisation

– Restauration – Activités de loisirs


– Exportations des biens et du
– Patrimonialisation – Reconversion des sites
savoir
– Mise en tourisme du patrimoine – Commémorations
– Défense de la langue française

– Révolution française : fondation


d’institutions patrimoniales – Rénovation des sites – Défense des intérêts français
Protection

– XIXe siècle : administration et – Fondations de musées – Préservation des marques et du


législation sur la protection du savoir-faire
patrimoine – Patrimoine mondial
– Concurrence avec les autres
– XXe siècle : inventaire du patri- puissances
moine

Les acteurs

Pierre Nora (1931-…)

Écrivain, membre de l’Académie française, Pierre Nora a forgé


l’expression « lieux de mémoire » et travaillé sur le « sentiment
national », la mémoire et le rôle de l’historien. Il est associé au courant
de la Nouvelle Histoire.

Paul Bocuse (1926-2018)

De 1965 à 2018, il est considéré comme un des plus grands chefs


cuisiniers du XXe siècle. Bocuse contribue à la médiatisation de la
gastronomie et des chefs, tout en étant un précurseur de la nouvelle
cuisine et un maître de la cuisine traditionnelle. À sa mort, il est salué la
classe politique nationale et des chefs du monde entier.

CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES 73


THÈME 5 : L’ENVIRONNEMENT, ENTRE EXPLOITATION
ET PROTECTION : UN ENJEU PLANÉTAIRE

Introduction : Qu’est-ce que l’environnement ?


La notion d’environnement est assez récente à l’échelle des temps historiques. Elle est le résultat d’une
construction historique, sociale et politique qu’il s’agit de connaître et de comprendre. Utilisée à l’origine
par les géographes, en concurrence avec le concept de « milieu », la notion d’environnement a d’abord
posé l’homme au centre, et la nature dans une périphérie. Avec la multiplication des périls écologiques,
cette conception s’est progressivement transformée en une préoccupation plus directement écologique :
l’homme ne peut pas seulement agir comme « maître et possesseur » de la nature ; il lui faut également
comprendre que ses actions ont un impact de plus en plus important sur son environnement, cet impact
ayant des conséquences en retour, par exemple sur la santé. La communauté scientifique et les acteurs
politiques ont ainsi progressivement construit la notion d’environnement et la nécessité de sa protection.
Par ailleurs, l’environnement fait l’objet de travaux de recherches d’historiens depuis une époque encore
plus récente, en écho aux préoccupations sociétales évoquées ci-dessus. On peut dire que l’histoire
environnementale a ceci de spécifique qu’elle combine les apports des sciences naturelles ou dures avec
les sources traditionnelles de l’histoire ; mais elle a aussi une dimension politique affirmée : faire l’histoire
de l’environnement vise aussi à mieux appréhender les crises que nous connaissons actuellement pour
éclairer l’action politique en la matière.

Axe 1 : Exploiter, préserver et protéger


La tension entre exploitation des ressources naturelles et leur préservation ou protection est déjà attestée
dans l’Antiquité. Au XVIIe siècle, le philosophe Descartes formule au contraire un rapport de soumission
de la nature aux hommes, auxquels il fixe comme objectif dans son Discours de la méthode (1637) de se
considérer « comme maîtres et possesseurs de la nature ». Une telle position justifie l’exploitation des
ressources naturelles. À partir de l’âge industriel, les moyens techniques décuplés de l’activité humaine
amènent à un double phénomène d’épuisement de certaines ressources et de pollutions d’autres ressources.
Cela aboutit à une réponse elle-même double : il s’agit à la fois de préserver certaines ressources – pour
éviter leur épuisement – et de protéger – pour éviter les pollutions.

Jalon 1 : Exploiter et protéger une ressource « naturelle » : la forêt


française depuis Colbert.
Nous étudions dans un premier jalon la forêt française depuis Colbert. En effet, si la forêt peut apparaître
de prime abord comme une donnée naturelle, elle est aussi un lieu transformé par les sociétés humaines et
même culturellement construit. C’est une ressource avec le bois (construction, énergie) et ses ressources
alimentaires. Si la forêt a fait très tôt l’objet de droits et d’interdictions, le renforcement progressif du
pouvoir a conduit à la mise en place d’un contrôle toujours plus étroit sur l’exploitation des forêts françaises.
Cela commence dès Colbert, principal ministre de Louis XIV avec son Ordonnance de 1669. Au XIXe siècle,
le contrôle est renforcé : en 1827, est adopté le Code forestier, qui reste le fondement de la législation
actuelle. Cette date marque le moment du plus bas niveau de couvert forestier en France. Le renforcement
du contrôle de l’exploitation des forêts entraîne de fortes résistances et des aménagements tout au long du
XIXe siècle (« guerre des demoiselles »). Au cours du XXe siècle, la logique de contrôle des forêts par l’État

74 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES


s’est maintenue, voire accentuée. Certaines forêts font l’objet d’une politique de protection intégrale – dans
le cadre de la création de parcs nationaux à partir de 1963 – d’autres demeurent des ressources à exploiter,
notamment dans le cadre de la transition énergétique – le bois fournissant une ressource renouvelable.

Une politique volontariste : le boisement des Landes de Gascogne


Constituant aujourd’hui l’un des principaux massifs forestiers français, bien visible sur les photographies
e
satellite, les Landes de Gascogne correspondaient à un tout autre paysage au début du XIX siècle, celui
d’une « vaste étendue de terre inculte et pauvre, où poussent principalement ajoncs, fougères et bruyères. »
(Dictionnaire de l’Académie française). Aujourd’hui, la forêt des landes, artificielle, donc, est une immense
plantation de pins maritimes essentiellement. D’un point de vue écologique, cette monoculture de résineux
n’a pas un grand intérêt en matière de biodiversité, à cause notamment de la toxicité de sa litière (les débris
organiques qui forment l’humus).

La forêt protégée pour elle-même : la politique des parcs


En France, le premier parc national est créé en 1963 dans le massif de la Vanoise, suivi assez rapidement
par d’autres parcs au cours des années 1960 et 1970, qui ont tous pour point commun de se situer en milieu
montagnard – relativement épargné par l’anthropisation – et de contenir des massifs forestiers importants.
La création de ces parcs correspond à une période de prise de conscience écologiste qui donne à la nature
une valeur en soi, qui doit être à tout prix préservé des atteintes des activités humaines. Si tous les parcs
naturels ne sont pas constitués de couverts forestiers, c’est tout de même le cas dans la plupart des
grands parcs nationaux. Le 11e parc national, créé en 2019, est dénommé « Parc national des forêts de
Champagne et de Bourgogne ». Le décret du 6 novembre 2019 précise ainsi ses objectifs : « Le classement
de ce territoire habité et exploité a pour objectif, outre la protection d’un patrimoine naturel exceptionnel
(le cœur, principalement forestier est composé de près de 90 % de forêts anciennes), la protection d’un
patrimoine culturel riche et ancien, et l’accompagnement à l’innovation en matière de développement
durable de ce territoire rural. »

CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES 75


Les parcs nationaux et régionaux en France métropolitaine et outre-mer

Source : Geoconfluences

Cela dit, la création de parcs nationaux, dont la réglementation limite très fortement la possibilité d’activités
et d’exploitation économiques des ressources naturelles (notamment à l’intérieur de la zone « cœur », où la
protection est maximale), ne va pas sans difficultés ni sans tensions.

Chronologie : La forêt française depuis Colbert

— 1669 : Ordonnance de Colbert, visant à conserver les ressources en bois, pour la construction de navires.
— 1824 : Création de l’École de Nancy, école nationale des eaux et forêts, pour former des agents qualifiés.
— 1827 : Promulgation du Code forestier, pour réguler l’exploitation des ressources forestières.
— 1857 : Loi relative à l’assainissement des landes de Gascogne, plantation de la forêt des Landes.
— 1963 : Création du premier parc national à la Vanoise.
— 1964 : Création de l’Office national des forêts (ONF).
— 1992 : Engagement de la France à protéger les massifs forestiers, dans le cadre du Sommet de la Terre
de Rio.
— 2001 : Loi d’orientation forestière, pour une gestion durable des forêts (certification PEFC).
— 2019 : Création du Parc national de forêts (Champagne et Bourgogne).

76 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES


Jalon 2 : Le rôle des individus et des sociétés dans l’évolution des milieux :
« révolution néolithique et « révolution industrielle », deux ruptures ?
Les individus et les sociétés ont joué un rôle majeur dans l’évolution des milieux autour de deux
moments de rupture : le premier est la « Révolution néolithique », période majeure dans l’histoire de
l’environnement avec la sédentarisation de l’humanité. En effet, par la domestication des plantes et des
espèces animales, les sociétés humaines créent un nouveau rapport avec leur environnement : le meilleur
contrôle des ressources aboutit à une augmentation démographique importante, qui entraîne elle-même
des prélèvements plus importants sur les ressources. L’agriculture et l’élevage introduisent en outre un
nouveau rapport entre les humains, les plantes et les animaux : les agriculteurs se distinguent et dominent
plus ou moins brutalement et directement les plantes et les bêtes, alors que les chasseurs-cueilleurs se
perçoivent plutôt comme une espèce animale parmi d’autres, et demandent en général à des puissances
surnaturelles l’autorisation de tuer des animaux avant de les remercier. Cela dit, cette rupture s’inscrit dans
une longue durée (l’idée d’une « révolution » doit se comprendre en opposition avec la très longue durée de
l’histoire de l’humanité préhistorique) et se produit au même moment dans des espaces différents et selon
des modalités différentes. En toute rigueur, il serait plus exact de parler de « transitions néolithiques ».

Chronologie : La Révolution du néolithique

— -10 000 ans : Début de la sédentarisation au Proche-Orient.


— -8000 : Début de la domestication des animaux.
— -6000 : Début de la sédentarisation en Europe.
— -3500 : Apparition de l’écriture en Mésopotamie.

La seconde rupture est la révolution industrielle. Apparue au XVIIIe siècle en Angleterre, la révolution
industrielle désigne la mise en œuvre d’un nouveau mode de production, fondé sur la maîtrise de nouvelles
sources d’énergie (la machine à vapeur au départ) et le développement des machines. L’industrialisation
repose également sur une modernisation des campagnes : l’agriculture, devenue plus productive, peut
nourrir une population elle-même croissante, qui se concentre dans les villes – anciennes ou nouvelles –
qui polarisent les usines.
Traditionnellement, les historiens ont distingué plusieurs phases et des révolutions industrielles
successives :

CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES 77


L’utilisation de nouvelles ressources : l’exploitation du charbon
Alors que le bois a longtemps fourni la principale ressource énergétique, les développements techniques
de la révolution industrielle conduisent à l’extraction massive de ressources énergétiques fossiles, au
premier rang desquelles figure le charbon. Au départ utilisé comme substitut au bois, qui devient trop cher
et trop rare, notamment pour chauffer les machines à vapeur, le charbon va être extrait de mines de plus en
plus profondes et utilisées à des fins diverses comme source d’énergie. L’extraction du charbon provoque
ainsi une modification des paysages, tout d’abord parce que l’exploitation des mines peut entraîner une
modification des reliefs. Ainsi, aux États-Unis, le massif montagneux des Appalaches a été en partie
modifié par l’arasement des sommets, du fait de l’extraction du charbon. En France, les terrils, collines
artificielles constituées par accumulation des déchets de l’extraction minière, ont contribué à façonner
le paysage des sites industriels du Nord de la France. L’usage du charbon comme source d’énergie dans
les usines et dans les transports se développe au cours du XIXe siècle, entraînant des formes de pollution
directement visibles. Cette pollution visible, la suie, est assez rapidement dénoncée par les contemporains.
En revanche, l’émission de gaz à effet de serre (en l’occurrence du dioxyde de carbone) n’est que très
tardivement perçue dans ses conséquences sur le climat. Si l’exploitation du charbon semble relever de
l’histoire pour la plupart des sociétés européennes – et notamment en France -, à l’échelle mondiale, en
2015 elle continue de fournir 28,1% de la consommation mondiale d’énergie primaire, seulement dépassée
par le pétrole (31,7%). En termes d’émission de CO2, le charbon est même en tête, avec 44,9% des émissions
mondiales contre 34,6% pour le pétrole.

Anthropocène : une rupture à l’échelle de la planète Terre ?


Si les pollutions sont une modification visible des relations entre sociétés humaines et milieux, les ruptures
les plus importantes ne sont pas nécessairement les plus visibles. Ainsi, le réchauffement climatique global,
qui a été mis en évidence à partir du XXe siècle, est causé par les activités humaines émettrices de gaz à
effet de serre. Désignant étymologiquement « l’ère de l’humain », le concept d’anthropocène est apparu
récemment. De nombreux scientifiques estiment qu’une nouvelle ère géologique remplaçant l’Holocène
(ère qui couvre environ les 11 500 dernières années, marquée par la fin d’une ère glaciaire, elle-même
propice à la révolution néolithique, comme on l’a vu plus haut), qui se caractérise par les effets significatifs
(et pour certains irréversibles) des activités humaines sur les écosystèmes naturels et la géologie terrestre.
La date de début de cette ère est encore débattue, variant de la révolution industrielle (au début des années
1800) à l’ère atomique (à partir des années 1950).

Les événements clés

— 1669 : Machine à vapeur.


— 1813 : Locomotive à vapeur.
— 1828 : Moissonneuse batteuse.
— 1856 : Acier.
— 1886 : Moteur à explosion.

78 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES


Axe 2 : Le changement climatique : approches historique et
géopolitique.

Jalon 1 : Les fluctuations climatiques et leurs effets : l’évolution du climat


en Europe du Moyen Âge au XIXe siècle.
Défini par le dictionnaire comme l’ensemble des conditions atmosphériques et météorologiques d’un
pays ou d’une région, le climat est caractérisé par des mesures statistiques de données atmosphériques
locales : température, pression atmosphérique, précipitations, ensoleillement, humidité, régime des
vents. Contrairement à la météorologie – dont les objets d’étude sont similaires – la science du climat
ou climatologie repose sur la longue durée (30 ans de manière conventionnelle), et s’intéresse à toute la
surface de la planète (alors que la météorologie est plus localisée). Par ailleurs, au-delà de la description
des climats, la climatologie a permis de mettre en évidence le fonctionnement du système climatique, en
expliquant les phénomènes qui contribuent à la variabilité du climat. Le système climatique vise à rendre
compte des interconnexions complexes entre l’atmosphère, la cryosphère (eau gelée), l’hydrosphère et la
biosphère – ce qu’illustrent par exemple le cycle du carbone ou le cycle de l’eau.

Le cycle du carbone et le cycle de l’eau. Source : Le Monde

Étudier l’histoire du climat


Les historiens disposent de sources variées : les témoignages directs des contemporains, la date des
vendanges (plus elle est tardive, plus la saison a été froide), l’évolution des glaciers, des stalactites ou
encore la dendrochronologie (permettant d’estimer la croissance des arbres par année). Par exemple, le
« grand hiver » de 1709 est particulièrement bien documenté grâce aux nombreux témoignages disséminés
dans les registres paroissiaux, les chroniques ou les journaux laissés par des particuliers.

CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES 79


Les anomalies climatiques et leurs effets
Du Xe au XIVe siècle, les températures étaient plutôt élevées : c’est ce que les climatologues ont qualifié
e
d’optimum climatique médiéval ou encore d’anomalie climatique médiévale ; puis, à partir du XIV siècle
e
et jusqu’à la première moitié du XIX siècle, les valeurs sont plus basses, c’est ce que l’on a qualifié de
Petit Âge Glaciaire. Ces fluctuations et des événements climatiques extrêmes (« le grand hiver de 1709 ou
« l’année sans été » de 1816) ont des répercussions importantes sur les sociétés : pénuries et enchères
sur le prix des grains entraînant des famines, des émeutes, ainsi que des manifestations de piété populaire
(processions) dès lors que les catastrophes climatiques sont considérées comme des châtiments divins.
Néanmoins, si les événements climatiques peuvent constituer un contexte favorable à l’éclatement d’une
poussée révolutionnaire, ils ne sauraient constituer une explication suffisante à eux seuls. Le travail de
l’historien consiste donc à évaluer précisément la part de chaque facteur dans la survenue des événements :
sans nier les effets du climat, il ne faut pas non plus en faire un facteur unique d’explication. Par exemple,
les mauvaises récoltes dues à des aléas climatiques dans les années 1780, ne sont qu’une des très
nombreuses causes de la Révolution française.

Chronologie : Les âges du climat

— 950-1300 : Petit optimum médiéval.


— 1300-1850 : Petit Âge Glaciaire.
— XVIIe : Début de la météorologie.
— 1709 : Grande famine d’hiver en France.
— 1816 : « L’année sans été », phénomène dû à l’éruption d’un volcan indonésien.

Jalon 2 : Le climat, enjeu des relations internationales : les accords


internationaux (Sommets de la Terre, COP…)
Depuis le XXe siècle, les climatologues ont mis en évidence un phénomène de réchauffement climatique
global, marqué par une élévation de la température moyenne à la surface de la Terre : elle s’explique par
une augmentation de l’effet de serre, du fait de l’émission de gaz à effet de serre (GES) par les activités
humaines. Cette élévation de la température moyenne pourrait entraîner des effets très importants sur
le système climatique (fonte des glaciers, réduction des capacités d’absorption des océans), et atteindre
les sociétés humaines (élévation du niveau des mers ; phénomènes exceptionnels plus fréquents et plus
intenses).
Ainsi le climat est-il devenu, depuis les années 1970, un enjeu majeur des relations internationales.
L’élaboration d’un consensus scientifique puis la négociation d’accords globaux sont des processus
extrêmement complexes, qui font l’objet de critiques et qui ne peuvent imposer aux États réticents des
décisions contraignantes.

Les rapports du GIEC


En 1979, l’Organisation Météorologique Mondiale – institution scientifique rattachée l’ONU, dont l’existence
remonte au XIXe siècle – met en œuvre une première conférence mondiale sur le climat, qui réunit des
savants et des chercheurs internationaux. Le réchauffement planétaire préoccupe déjà les scientifiques,
et l’hypothèse d’une influence à long terme des émissions anthropiques de dioxyde de carbone est posée.
C’est pour pouvoir vérifier cette hypothèse qu’est créé le Programme Climatologique Mondial.
C’est dans la lignée de ces interrogations et de ces travaux que le PNUE (Programme des Nations Unies
pour l’Environnement, créé en 1972 à la suite de la conférence de Stockholm) et l’OMM créent, en 1988, le

80 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES


GIEC – Groupe d’Experts Intergouvernemental sur le Climat : ces membres ont pour mission de produire
des données scientifiques sur le climat, sur les incidences du réchauffement climatique, et sur les moyens
possibles de le limiter, à l’intention des décideurs politiques. En 1990, le GIEC produit son premier rapport ;
depuis lors, il en a publié quatre autres, et le sixième doit être rendu public en 2022. L’influence du GIEC, qui
a directement reconnu le lien entre les émissions anthropiques et le réchauffement climatique, en fait une
institution au cœur des enjeux d’influence, comme le montre le texte suivant. Bien que décrié, et parfois
critiqué, le GIEC participe donc depuis une trentaine d’années à l’élaboration d’un consensus scientifique
sur le réchauffement climatique, sur ces causes et les moyens de le limiter, qui a joué un rôle décisif dans
l’adoption de décisions contraignantes visant à lutter contre ce même réchauffement climatique.

Les accords sur le climat


La convention-cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques est le premier traité
international ayant spécifiquement pour objet le climat. Adoptée en 1992 lors du Sommet de la Terre de
Rio, cette convention réunissait au départ 154 États ; en 2018, 196 États et l’Union européenne sont parties
à la convention, soit la quasi-totalité des États de la planète. L’objectif de cette convention-cadre est de
« stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute
perturbation anthropique dangereuse du système climatique. Il conviendra d’atteindre ce niveau dans un
délai suffisant pour que les écosystèmes puissent s’adapter naturellement aux changements climatiques,
que la production alimentaire ne soit pas menacée et que le développement économique puisse se
poursuivre d’une manière durable. » (Article 2 de la Convention-cadre).
La Convention-cadre reconnaît également quelques grands principes :
— Les responsabilités communes mais différenciées : les pays développés doivent être à l’avant-garde
de la lutte contre les changements climatiques.
— La vulnérabilité spécifique des pays en développement.
— Le principe de précaution.
— Le développement économique indispensable pour adopter des mesures destinées à faire face aux
changements climatiques.
Enfin, la Conférence-cadre crée des institutions spécifiques :
— La conférence des parties (ou COP), équivalent d’une assemblée générale de tous les États ayant
ratifié la convention-cadre ; elle se réunit une fois par an pour discuter des mesures à prendre et vérifier
l’application des mesures déjà prises.
— Deux organes techniques : l’un scientifique, qui sert d’interface entre la COP et le GIEC ; l’autre dit
« de mise en œuvre » qui récolte les rapports de chaque État et contrôle la conformité entre objectifs et
mesures.

Un premier accord international : le protocole de Kyoto


En 1997, à Kyoto, la troisième COP réussit à signer un premier accord international engageant des États à
réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Il est présenté comme un protocole, c’est-à-dire un texte
additionnel à la Convention-cadre de 1992. Le contenu de ce protocole est le suivant : il impose aux pays
industrialisés une réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre de 5 % au moins, entre 2008 et
2012, par rapport aux émissions de 1990. Le fait de faire supporter la réduction des GES aux pays les plus
développés est la traduction directe des principes de « responsabilités communes mais différenciées »
mais également du « développement économique indispensable » aux pays en développement pour faire
face au changement climatique. La mise en œuvre de ce protocole est tardive puisque ce n’est qu’en 2005
que les ratifications sont suffisamment avancées pour déclencher sa mise en œuvre : à cette date, avec la
ratification de la Russie, 55 États industrialisés représentant 55% des émissions de GES l’ont ratifié, c’est-
à-dire incorporé dans leur droit national.

CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES 81


Le protocole de Kyoto repose sur des objectifs individuels, c’est-à-dire des objectifs fixés souverainement
par chaque État. On peut distinguer des États volontaristes comme le Luxembourg, qui s’engage à réduire
de 28% ses émissions de GES, et des États plus prudents comme le Japon (réduction de 6%).

La COP 21 (2015)
Signé à Paris en décembre 2015, à l’occasion de la 21e session de la Conférence des Parties, l’accord de
Paris sur le climat est entré en vigueur dès le 4 novembre 2016, un mois après que 55 États représentant au
moins 55% des émissions de GES l’ont ratifié. Il s’agit d’un accord quasi unanime. En effet, au moment de
la signature de l’accord, seuls deux États parties ne le signent pas : la Syrie, qui est alors en pleine guerre
civile et le Nicaragua, qui l’a depuis signé (en octobre 2017) et ratifié. Sous le mandat de Donald Trump, les
États-Unis se retirent de l’accord de Paris avant de le réintégrer par un décret de Joe Biden en janvier 2021.
À la différence du protocole de Kyoto, l’accord de Paris prévoit un engagement de chaque État à la réduction
des émissions de GES. Cet accord pose la question délicate des inégalités entre États, à la fois dans l’origine
des émissions de GES et dans les conséquences du réchauffement climatique, comme le montrent les
deux cartes suivantes.

Des États inégalement responsables du réchauffement climatique. Source : Le Monde diplomatique

82 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES


Des États inégalement vulnérables aux changements climatiques

Un bilan mitigé
Le bilan de ces accords internationaux est mitigé. Cela s’explique notamment par les spécificités du droit
international, bien mises en évidence dans les négociations et accords sur le climat. Pour qu’un traité
engage véritablement un État, ce dernier doit l’inclure dans son droit national, c’est ce qu’on appelle la
ratification. Cette opération prend la plupart du temps la forme d’une loi votée par la ou les assemblées
représentatives du pays. À titre d’exemple, pour la France, c’est la loi du 15 juin 2016, votée par l’Assemblée
nationale et le Sénat, qui autorise la ratification du traité de Paris sur le climat.
Le droit international est un droit complexe, lent. En effet, les États restent souverains, c’est-à-dire libres
d’adhérer ou non à des engagements contraignants, et toujours susceptibles de réviser leurs engagements.
C’est ce qu’illustre notamment le retrait des États-Unis de l’accord de Paris sur le climat par Donald
Trump qui dénonçait un « mauvais accord » nuisant à la compétitivité économique des États-Unis. Enfin,
comme souvent en matière de droit international, l’accord de Paris ne prévoit aucune sanction en cas
de non-respect des engagements pris. Il se contente donc de fixer des objectifs, et de vérifier ou non la
réalisation de ses objectifs par chacun des États.
Face aux lenteurs de la négociation internationale, ou même de la traduction concrète des engagements
internationaux, certaines ONG tentent désormais de recourir à la justice, en présentant l’inaction climatique
comme un crime. Ainsi, le 20 décembre 2019, la Cour suprême des Pays-Bas a rendu une décision historique
confirmant l’obligation de l’État néerlandais à réduire de manière urgente et significative les émissions de
gaz à effet de serre. Au total, pas moins de 1300 affaires similaires (contentieux climatiques) seraient
en cours d’instruction à l’échelle mondiale. La pression des opinions publiques se traduit également par
des mouvements coordonnés à l’échelle planétaire, comme la « Grève de l’école pour le climat », portée
notamment par la figure de la jeune activiste suédoise Greta Thunberg.

CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES 83


Chronologie : Lutter contre le réchauffement climatique

— 1972 : Premier Sommet de la Terre.


— 1988 : Fondation du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat).
— 1992 : Sommet de la Terre de Rio de Janeiro
— 1997 : Protocole de Kyoto visant à limiter les émissions de gaz à effet de serre.
— 2015 : COP 21 débouchant sur les Accords de Paris.

Synthèse : Les variations climatiques et leurs conséquences

Objet de travail conclusif : Les États-Unis et la question


environnementale : tensions et contrastes.

Jalon 1 : L’environnement aux États-Unis : entre protection de la nature,


exploitation des ressources et transformation des milieux depuis le XIXe
siècle ; les rôles respectifs de l’État fédéral et des États fédérés.
Le processus historique de construction territoriale des États-Unis d’Amérique, à partir des treize colonies
accédant à l’indépendance en 1783, est celle de la lente conquête d’un immense territoire perçu comme
sauvage qui recèle de nombreuses ressources. La conquête de l’Ouest voit les Américains se confronter à
la wilderness, une nature sauvage et immense.

84 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES


La wilderness, objet d’intérêt pour les peintres américains
Albert Bierstadt (1830-1902) peintre américain d’origine
allemande. Among the Sierra Nevada, California, 1868,
Smithsonian American Art Museum, Washington.

Dans ce contexte, l’environnement est d’abord perçu comme un ensemble de forces hostiles à maîtriser
ou contrôler, avant de pouvoir en exploiter les ressources. Au cours du XIXe siècle, la mise en valeur
des territoires à l’Ouest et les développements de l’industrialisation amènent une transformation plus
importante des milieux, qui aboutit à l’apparition d’une pensée écologiste visant à protéger la nature.
Celle-ci est divisée entre les courants préservationniste et conservationniste.

Le préservationnisme
Ce courant est porté par son héraut John Muir, fondateur du Sierra Club, l’une des premières associations de
protection de l’environnement fondée à San Francisco en 1892. L’objectif de ce mouvement de préservation
est de sanctuariser des espaces naturels et vierges de toute anthropisation. Toutes les aires de protection
aujourd’hui découlent de ce mouvement. Dans ce cas-là, la nature ou les paysages naturels sont dotés
d’une valeur en eux-mêmes, qui justifient leur préservation.

Le conservationnisme
À l’inverse, le courant conservationniste, incarné par Gifford Pinchot, milite pour un usage raisonné
(wise use) des ressources naturelles pour le développement : il ne s’agit pas de protéger la nature ou
l’environnement pour lui-même, mais pour assurer la durabilité des ressources nécessaires aux hommes.
Ainsi, Gifford Pinchot milite pour une gestion publique des forêts, afin de garantir la préservation de la
ressource.

Le rôle de l’État fédéral


L’État fédéral a joué un rôle précurseur dans la protection de l’environnement. Lorsqu’est mis en place
le premier parc national – celui du Yellowstone – son territoire n’est pas encore intégré à un État (le parc
est créé en 1872, l’État du Wyoming en 1890). Au-delà des aires de protection, le gouvernement fédéral
des États-Unis a eu une importance décisive dans la mise en œuvre d’une législation protectrice de
l’environnement applicable à l’ensemble du territoire états-unien.
La présidence de Theodore Roosevelt, très sensible à la question environnementale, au début du XX e siècle
(1901-1909) constitue un premier moment important de prise de conscience de la nécessité de préserver
les ressources par une politique nationale de protection et de contrôle. Ainsi, outre le développement des
aires protégées (forêts, parcs, réserves ornithologiques), Theodore Roosevelt crée une agence fédérale
pour la gestion de l’eau, le Reclamation Service. Dans les années 1960-1970, l’écologie trouve une
traduction politique aux États-Unis : en 1971, sous la présidence du républicain Richard Nixon, est créée
l’EPA (Environmental Protection Agency). De grandes lois sont également adoptées dans ce contexte : sur la
qualité de l’air (Clean Air Act, 1963), sur l’usage des pesticides (Federal Pesticide Act, 1972), sur la protection
des littoraux (Coastal Protection Act, 1972) sur la qualité de l’eau (Clean Water Act, 1977). Si l’on prend le cas

CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES 85


des pesticides, il faut rappeler qu’il existait déjà depuis 1947 une loi fédérale visant à réglementer l’usage
des pesticides afin de protéger les utilisateurs, les consommateurs et l’environnement. Mais l’écho de
l’ouvrage de Rachel Carson, Silent Spring, paru en 1962, a contribué à renforcer cette législation : la loi de
1972 donne à l’EPA un rôle de supervision et de contrôle.
Cela dit, la protection des espaces naturels varie selon le personnel et les majorités politiques. Ainsi, le
président Donald Trump a-t-il réduit des aires protégées afin de permettre l’exploration pour l’industrie de
l’énergie et, à terme, l’exploitation du gaz de schiste.

Le rôle des États fédérés


En dépit des réticences de l’État fédéral sous la présidence de Donald Trump, la production de GES aux
États-Unis a connu une diminution modérée mais constante depuis le pic atteint en 2005 : cette diminution
a été évaluée à -1,1% par an (par comparaison, l’UE est à -1,4% sur la même période) par le Global Carbon
Project. Cette diminution a été rendue possible à la fois par des modifications du mix énergétique (recul
du charbon notamment), mais aussi par l’activisme de certains États fédérés, qui ont endossé le rôle de
protecteurs de l’environnement, en instaurant une politique de réduction des GES à l’échelle régionale.
Dans ce domaine, la Californie doit être mis en avant car il s’agit d’un État très peuplé, très riche et
très producteur de GES. En 2006, l’État californien a ainsi décidé de mettre en œuvre à son échelle les
dispositions contraignantes du protocole de Kyoto, notamment en imposant des sanctions financières aux
entreprises ne respectant pas cet engagement. En 2018, le parlement californien a adopté une loi prévoyant
que l’approvisionnement en électricité de la Californie devrait être totalement décarboné d’ici à 2045.
À l’échelle plus locale, des grandes villes ont également suivi ce mouvement : Pittsburgh, New York ou San
Francisco, etc. Quatorze d’entre elles sont intégrées au C40, un réseau de villes à travers le monde visant
à lutter contre le réchauffement climatique.

Les parcs nationaux aux États-Unis

86 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES


Deux visions de la protection de l’environnement

Jalon 2 : Les États-Unis et l’environnement à l’échelle internationale (État,


firmes transnationales, ONG…)
Les États-Unis ont pu s’impliquer par le passé dans des accords internationaux contraignants de protection
de l’environnement. Sans prétendre à l’exhaustivité, nous avons développé quelques exemples de cette
implication. Au total, ce sont donc plus de 120 accords internationaux que les États-Unis ont ratifiés – soit
deux fois moins que l’Allemagne ou la France. Dans de nombreux cas, les États-Unis ont pu signer des
accords multilatéraux qui n’ont pas été par la suite ratifiés par le Congrès : c’est le cas notamment de la
Convention sur la diversité biologique (signé le 4 juin 1993), ou bien encore du protocole de Kyoto. Ainsi,
les réticences à mettre en œuvre un accord contraignant de réduction des émissions de GES, soutenues
par un puissant courant climato-sceptique, témoignent de difficultés à remettre en cause le modèle
économique et social états-unien, sur fond de tradition isolationniste. Enfin, nous avons cherché à analyser
les interventions des acteurs non-étatiques. L’action des ONG (organisations non gouvernementales) et
celle des FTN (firmes transnationales) s’opposent souvent et se complètent parfois.
— La recherche du profit, primordiale pour les FTN, se fait au détriment de l’environnement. Cependant,
les FTN s’engagent de plus en plus à réduire les pollutions et les coûts environnementaux.
— Les ONG mènent des actions militantes et des campagnes de sensibilisation.

Synthèse : exploiter, préserver et conserver


À l’échelle mondiale À l’échelle des États-Unis

Des milieux transformés et inégalement protégés


– Mise en valeur précoce (néolithique) et évolutive – Mise en valeur tardive mais intensive.
(industrialisation du XIXe siècle). – Une politique de préservation ancienne sous
– Des stratégies de protection de l’environnement l’impulsion de l’État fédéral (parcs naturels).
à toutes les échelles. – Une opinion publique mobilisée pour davantage
– Des freins politiques et socio-économiques. de justice environnementale.
Des ressources exploitées
– Sentiment d’eldorado.
– Ressources nombreuses.
– Gaspillage des ressources (sols, matières
– Besoins croissants.
premières, etc.)
– Gestion durable en essor.
– Pollutions

CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES 87


Synthèse : le changement climatique

À l’échelle mondiale À l’échelle des États-Unis

Des changements climatiques antérieurs


– Origine naturelle.
– Faible variation des températures.
– Des sociétés rurales et urbaines très vulnérables, mais qui s’adaptent.
Le changement climatique aujourd’hui

– Origine humaine. – Fortes émissions de gaz à effet de serre (GES).

– Ampleur du changement. – Un engagement ancien dans le leadership inter-


national.
– Nécessité d’une gouvernance mondiale.
– Un engagement remis en cause depuis les
– De nouveaux acteurs au rôle croissant (ONG, années 1980 (présidents Bush et Trump, climato-
sociétés civiles…) scepticisme).

Les acteurs

Greta Thunberg

Cette jeune militante écologiste suédoise née en 2003 est à l’origine


de la « Grève de l’école » du vendredi pour le climat. Depuis 2018, elle
proteste contre l’inaction face au changement climatique et devient
célèbre mondialement pour ses prises de paroles virulentes à la COP24
en 2018, devant l’Assemblée nationale française ou encore au Sommet
mondial pour le climat de l’ONU en 2019.

88 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES


THÈME 6 : L’ENJEU DE LA CONNAISSANCE

Introduction : Définir la société de la connaissance


La connaissance est populaire et sa vulgarisation très médiatique. Elle s’invite partout, sur les plateaux
de télévision, dans les magazines, dans l’éducation à travers les neurosciences. Elle n’est pourtant que
depuis très peu de temps un champ d’étude. Étudier la connaissance revient à s’intéresser à la façon dont
les savoirs sont produits. Cela implique les conditions de production de la connaissance mais aussi son
utilisation, sa transmission et sa mobilisation par les collectifs humains. Les enjeux de la connaissance
comportent une dimension pratique, sociale, psychologique, technique, économique et hautement politique.
La connaissance - le singulier est important car englobant - n’est pas seulement académique, ni même
toujours écrite. Elle relève également de l’expertise, des savoir-faire et englobe à la fois les savoirs dits
« locaux » ou « traditionnels » et ceux qui tendent ou aspirent à l’universel. Si la connaissance semble se
fondre avec l’histoire de l’humanité, elle a connu une intensification depuis le XVIe siècle à la fois dans sa
production et dans sa diffusion. Or, la question des connaissances n’a jamais été autant qu’aujourd’hui au
cœur de tout ce qui fait la vie des sociétés et de la planète. C’est la raison pour laquelle la connaissance
est devenue un objet d’étude et a fait son entrée dans les manuels scolaires dans une discipline mixte car
la connaissance elle-même se situe au carrefour de la philosophie et de l’anthropologie, mais aussi de
l’histoire et de la géographique. Ainsi peut-on étudier la connaissance dans le temps et l’espace, du point
des sciences politiques puisqu’elle est objet de pouvoir et de la géopolitique, en tant qu’enjeu de puissance
s’inscrivant dans des territoires réels ou virtuels.

Axe 1 : Produire et diffuser des connaissances


Le premier axe souligne l’importance de l’alphabétisation des sociétés à travers celle des femmes pour
accroître le nombre de personnes susceptibles de produire, de recevoir et de diffuser de la connaissance,
et examine le fonctionnement d’une communauté savante à partir de l’exemple des recherches sur la
e
radioactivité au XX siècle.

Jalon 1 : Donner accès à la connaissance : grandes étapes de


l’alphabétisation des femmes du XVIe siècle à nos jours dans le monde.
L’alphabétisation des femmes, inférieure à celle des hommes, est un témoin de l’inégalité entre les sexes.
En 2018, les filles restent les premières victimes d’inégalités :
- 132 millions de filles âgées de 6 à 17 ans sont encore privées d’école.
- 63 % des adultes analphabètes dans le monde sont des femmes.
- 1 fille sur 4 ne va pas à l’école dans les pays en développement.
- 64 millions de filles sont astreintes au travail forcé.
- 12 millions de filles sont mariées de force chaque année avant l’âge de 18 ans, soit près de 33 000
filles par jour.
- Près de 120 millions de filles, soit 1 fille sur 10 de moins de 20 ans, ont été confrontées à la
violence sexuelle.
L’alphabétisation des filles et des femmes est un révélateur des sociétés qui la mettent, ou pas, en place.
Comme souvent, les femmes doivent lutter doublement pour acquérir une place égale à celle des hommes.

CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES 89


Pourtant, les bénéfices de l’alphabétisation des femmes sont considérables et propres à transformer les
sociétés. Les femmes ont rencontré en Occident des oppositions frontales au cours de leur odyssée vers le
savoir et elles en rencontrent encore aujourd’hui. Du Nord comme du Sud, les femmes doivent combattre
les préjugés de celles et ceux qui voudraient les cantonner au second plan ou à l’ignorance.
Il y a un progrès de l’alphabétisation dans le monde.

Une alphabétisation en progrès

Date Part de la population alphabétisée parmi les adultes

1800 10 %

1900 20 %

1950 50 %

2020 85 %

Parmi les 780 millions d’analphabètes dans le monde, deux tiers sont des femmes surtout en Afrique
subsaharienne et en Asie du Sud (notamment en Afghanistan).

Taux d’alphabétisation des femmes de 15 à 24 ans dans le monde

Si on regarde l’évolution de l’alphabétisation des femmes sur le long terme, on constate presque partout une
diminution sensible de l’analphabétisme et la volonté d’une solidarité entre femmes du monde développé
et en développement. D’autre part, les hommes ont été et sont toujours parties prenantes de cette lutte
qui sans eux n’aurait d’ailleurs pas de sens. À titres divers, nombreux sont ceux qui ont accompagné et
accompagnent les femmes ayant compris que l’alphabétisation était un enjeu de société qui procurait à
toutes et tous une meilleure compréhension du monde. Un monde où chacun et chacune aurait sa place.

90 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES


Vers l’émancipation des femmes et l’égalité des sexes

Jalon 2 : Produire de la connaissance scientifique : recherche et échanges


des hommes et des femmes de science sur la question de la radioactivité de
1896 aux années 1950.
Ce jalon porte sur la soixantaine d’années (1896-1957) qui a vu naître cette science naître avec la découverte
de la radioactivité en 1896, se développer puis perdre son innocence lors des premières explosions
atomiques d’août 1945, et enfin se renouveler avec le nucléaire civil dans les années 1950. La création
de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) sous l’égide de l’ONU en 1957 scelle l’idée selon
laquelle l’atome est désormais au service de la paix et de l’énergie dont les pays des Trente Glorieuses ont
besoin plus que jamais.

Les événements clés

— 1896 : Découverte du rayonnement naturel de l’uranium par Becquerel.


— 1898 : Découverte du polonium et du radium par Marie et Pierre Curie.
— 1921 : Création de la Commission internationale de coopération intellectuelle de la SDN.
— 1934 : Découverte de la radioactivité par Irène et Frédéric Joliot-Curie.
— 1942 : Première pile atomique.
— Juillet 1945 : Première explosion nucléaire (essai).

Les échanges des hommes et des femmes de science sur la radioactivité ont profondément évolué tout au
long de la période.

CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES 91


Période Travail du scientifique

Le scientifique travaille seul dans son laboratoire et fait une découverte fonda-
XIXe siècle mentale par sérendipité (par hasard, alors qu’il cherchait autre chose), puis la
communique à ses pairs par les publications officielles.
Des communautés de scientifiques cosmopolites bénéficient de financements
Début du XXe siècle privés et publics, mais continuent de collaborer et d’échanger assez librement
lors de congrès et à circuler entre universités, instituts ou autres laboratoires.
Le contexte politique précipite la communauté scientifique dans une dépendance
et une inféodation à l’égard de gouvernements qui leur imposent le secret. Par
exemple, les États-Unis chargent l’armée du programme nucléaire majeur : le
Fin des années 1930 Projet Manhattan. La communauté scientifique nucléaire vit désormais sous le
contrôle étroit de l’État et la surveillance de l’armée, elle devient l’une des clés
du complexe militaro-industriel. Les enjeux de la connaissance qu’elle produit
dépassent très largement la science.
Le nucléaire civil se trouve sous le contrôle de l’État. Les accidents de Tcher-
nobyl et de Fukushima ont montré que la sécurité des centrales nucléaires était
loin d’être acquise. La gestion des déchets radioactifs et l’approvisionnement en
uranium sont aussi des problèmes non résolus.

De nos jours Les enjeux du nucléaire militaire restent très forts et les scientifiques vivent
toujours sous surveillance. Des programmes nucléaires non autorisées sont en
cours dans certains pays comme l’Iran et en Corée du Nord et font peser sur la
paix des menaces réelles ou fictives. Les puissances nucléaires, prédominantes
à l’ONU, font elles-mêmes une entorse aux traités de non-prolifération tout en
interdisant à des puissances émergentes d’accéder à cette technologie.

Même si la physique nucléaire exacerbe cette évolution tant les enjeux des innovations qui lui sont liées
sont immenses, on peut cependant rapprocher son évolution de celle qu’a connue la science en général. La
chimie, la sidérurgie ont connu des évolutions similaires. Quant aux nouvelles technologies, elles ont vécu
en accéléré un processus équivalent. À l’origine, les pionniers de l’informatique, visionnaires et francs-
tireurs, souhaitaient que leurs innovations soient à disposition du grand public. Aujourd’hui, les géants
d’Internet, tous cotés en bourse, règlent nos vies et la société dans leurs moindres détails et sont devenus
incontournables en matière économique, militaire et de plus en plus, politique.
Deux choses sont cependant fondamentalement différentes entre hier et aujourd’hui. D’une part, la
production de la connaissance dans le domaine des nouvelles technologies est extrêmement diffuse et
multiforme, tant et si bien qu’il est impossible de la contrôler et difficile de la réguler. D’autre part, les
citoyens qui étaient presque complètement absents lors de la période étudiée, parce que très peu informés,
sont aujourd’hui des acteurs incontournables, comme consommateurs (ne serait-ce que par leurs usages
de « consommacteurs »), mais aussi par leur manière d’accéder à l’information. Les questions de sécurité
des données à toutes les échelles sont débattues et plus que jamais peut-être, le citoyen individuellement
ou via les organisations de la société civile mais aussi les comités d’éthique, les médias… n’a jamais eu
autant d’impact. De même, il n’a jamais été aussi difficile, pour le citoyen, de se faire une opinion. Comment
faire le tri parmi la quantité considérable d’informations (lanceurs d’alerte, collectifs…), la propagande et
la publicité auxquelles l’industrie consacre des milliards, le silence ou l’impuissance parfois des décideurs,
les messages outranciers des promoteurs ou des détracteurs des OGM, de la biotechnologie ou du traçage
numérique… ? Les contre-pouvoirs sont indispensables face à ces enjeux. Pour cela, l’information doit
circuler mais rien n’est simple à l’heure du numérique, des fakes, des hoax et des hackers.

92 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES


Les acteurs

Rosalind Elsie Franklin : une grande scientifique méconnue.


Née en 1920 dans une famille juive de Londres, Rosalind Elsie Franklin a très jeune
une vocation pour la science. En 1947, elle est engagée par le CNRS français et
travaille sur la diffraction des rayons X puis elle retourne en Grande-Bretagne et
intègre un laboratoire du King’s College, dans un contexte très misogyne. Elle y
invente une machine qui permet d’exposer l’ADN aux rayons X et parvient à mettre au
jour l’existence de deux brins distincts, A et B, à l’aide d’une série de photos, dont le «
cliché 51 ». Ses collègues masculins Francis Crick, James Watson et Maurice Wilkins
de l’université de Cambridge (du laboratoire Cavendish) recevront le Prix Nobel de
médecine en 1962 pour la découverte de la structure en double hélice de l’ADN, sans
mentionner une seule fois Franklin décédée quatre ans plus tôt d’un cancer.

Malala Yousafzai (1997-…)


Malala Yousafzai est une militante pakistanaise des droits des femmes, née en
1997 au Pakistan, où elle s’est opposée aux talibans qui tentaient d’interdire la
scolarisation des filles. Elle est victime d’une tentative d’assassinat en 2012. En 2014,
à l’âge de 17 ans, elle remporte le prix Nobel de la paix.

Axe 2 : La connaissance, enjeu politique et géopolitique


Le second axe montre comment des États se sont saisis de l’enjeu de la connaissance dans leurs
affrontements pour affirmer leur domination géopolitique sur le monde, comme lors de la guerre froide.
Préoccupé par son développement économique, chaque État peut restreindre ou favoriser la circulation des
connaissances scientifiques et technologiques.

Jalon 1 : Le renseignement au service des États : les services secrets


soviétiques et américains durant la guerre froide.
Le cycle du renseignement
Le schéma ci-contre représente le principe de
fonctionnement du renseignement. Il permet
de comprendre ce jalon.

CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES 93


Durant la guerre froide, le client est l’État. Celui-ci s’adresse aux services secrets quand une information
nécessaire à une prise de décision ne peut pas être obtenue autrement. La demande peut porter simplement
sur un renseignement au sujet d’une personne, d’un champ d’aviation militaire ou d’un complexe industriel,
par exemple. Les services secrets cherchent à satisfaire la demande en collectant, en analysant puis en
transmettant le renseignement. Pour atteindre ces objectifs, les techniques de renseignement ont eu
une grande importance : le camp qui les maîtrise a une longueur d’avance en matière de connaissance.
Le renseignement a donc eu indirectement un impact sur les politiques conduites par les États-Unis et
l’U.R.S.S.
Le rôle des services secrets a été très important durant la guerre froide pour les États-Unis comme pour
l’U.R.S.S. Parfois, ils ont empêché que la guerre froide ne se transforme en conflit nucléaire entre les deux
superpuissances. On peut considérer que dans une certaine mesure, l’espionnage a permis de maintenir
un certain équilibre géopolitique et, par conséquent, a été un instrument de paix, même si cela semble
très paradoxal ! Markus Wolf, un célèbre chef du renseignement est-allemand durant la guerre froide
écrit dans ses mémoires publiées en France en 1998 sous le titre L’homme sans visage que les services
de renseignement ont contribué à un demi-siècle de paix, en donnant aux gouvernements l’assurance
qu’ils ne seraient pas surpris par l’autre camp. En effet, les services secrets ont non seulement permis
à l’U.R.S.S. de rattraper son retard en matière de nucléaire, mais aussi ils ont contribué à l’évaluation
des forces dont l’ennemi disposait. Cette connaissance mutuelle des arsenaux soviétiques et américains
a abouti à la signature de traités de non-prolifération, évitant à plusieurs reprises que les tensions ne
dégénèrent en un conflit armé direct.
L’implication des services secrets dans le renversement ou le soutien de très nombreux régimes politiques
et leur rôle parfois très direct dans la prise de décisions de politique intérieure ou étrangère montrent à
quel point ils ont été influents. Ils ont contribué à façonner le paysage politique des deux superpuissances,
des deux blocs et, au-delà, du monde durant la guerre froide. L’impact des services secrets et son étendue
font dire à certains analystes que la guerre froide fut dans une certaine mesure, une guerre d’espions, du
moins dans sa dimension « froide », entre les États-Unis et l’U.R.S.S. Cependant, le renseignement a joué
un rôle également très important dans tous les conflits par pays interposés.
Nous pourrions poser la question inverse, celle du rôle de la guerre froide pour les services secrets. La
guerre froide les a rendus indispensables leur accordant une place qu’ils n’avaient pas auparavant, surtout
en ce qui concerne les États-Unis. D’ailleurs, on pourrait se demander si les services secrets n’ont pas une
part de responsabilité dans la prolongation de la guerre froide qui était la meilleure justification de leur
existence même… Quelle que soit la réponse, les méthodes utilisées par le renseignement, ses échecs, son
coût et ses conséquences demeurent un sujet de débat que vient éclairer l’ouverture des archives de plus
en plus nombreuses et diverses.

Les acteurs

Les Magnificent FIVE ou the Cambridge Five

Ces cinq diplomates anglais formés à


Cambridge livrèrent à l’Union soviétique des
renseignements confidentiels sur la politique
étrangère et militaire de la Grande-Bretagne
et des États-Unis, jusqu’à ce que Kim Philby,
agent double en poste à Washington, n’éveille
les soupçons de la CIA au début des années
1950.

Source : The Economist

94 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES


Jalon 2 : Circulation et formation des étudiants, transferts de technologie et
puissance économique : l’exemple de l’Inde.
Ce jalon permet de comprendre comment l’Inde s’est saisie de l’enjeu de la connaissance dans le souci de
favoriser son développement économique, en restreignant ou en favorisant, selon les cas, la circulation des
étudiants, des connaissances scientifiques et technologiques via les transferts technologiques
Voyons d’abord la diaspora indienne, forte de près de 30 millions d’Indiens dans le monde. Neuf pays
accueillent plus d’un million d’Indiens (dans l’ordre décroissant : États-Unis, Arabie saoudite, Émirats
arabes unis, Malaisie, Myanmar, Afrique du Sud, Royaume-Uni, Sri Lanka et Canada).

La diaspora indienne en 2015

Conception et réalisation: Pierre-Yves Trouillet, CNRS, 2015 Source : Geoconfluences

L’Inde est une puissance émergente et nul doute que la circulation des étudiants et les transferts de
technologie contribuent à sa puissance économique et à la place géopolitique grandissante qu’elle occupe.
La mobilité étudiante est un enjeu social majeur en Inde pour les prochaines années. La compétition que
se livrent les États pour attirer les meilleurs étudiants dans leurs universités prouvent qu’elle est aussi
un enjeu de puissance. La mobilité des étudiants et des jeunes diplômés concerne 300 000 indiens, ce qui
représente 10% des étudiants parmi lesquels, certains, souvent les plus brillants, décident de demeurer
dans le pays où ils ont étudié. La majorité d’entre eux restent donc aux États-Unis.
L’Inde bénéficie du succès professionnel de ses émigrés pour de multiples raisons :
— Elle reçoit une aide économique directe à travers les « remises » (transferts d’argent) envoyées par
les expatriés.
— Elle profite des investissements des Indiens d’outremer dans des projets de développement.

CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES 95


— Certains Indiens formés à l’étranger retournent au pays pour diriger des filiales de multinationales
présentes en Inde.
— Ceux-ci peuvent conseiller et former un cercle plus ou moins étendu de compatriotes.
— Les Indiens de la diaspora s’engagent parfois de manière formelle ou informelle auprès de leur
communauté régionale souvent très pauvre.
— Leur influence auprès de décideurs étrangers réussit parfois à infléchir les politiques conduites à
l’égard de l’Inde.
La diaspora indienne reste attachée par de nombreux liens à la « mère patrie », mais ce n’est que depuis le
début des années 2000 que le gouvernement a compris l’avantage qu’il pourrait retirer de cet attachement.
L’Union indienne cherche aujourd’hui à compenser le départ à l’étranger de ses meilleurs étudiants par le
développement de programmes d’échanges d’étudiants dans des accords de transfert de technologie. Des
projets de campus délocalisés sont donc mis en œuvre.
Le hard power et le soft power de l’Inde sont d’ores et déjà fortement impactés par la façon dont le pays
parvient à tirer profit de la mobilité des étudiants et des transferts de technologie. La compétition est rude
car l’Inde rivalise ici avec des États beaucoup plus puissants et dont l’attractivité est très forte, mais aussi
avec des pays occidentaux qui hésitent à partager leurs connaissances et savent parfaitement que celui qui
possède la connaissance aujourd’hui domine. Dans un contexte de crise climatique et environnementale
et à présent de crise sanitaire, c’est sans doute aux pays les plus développés d’augmenter la collaboration
avec les pays du Sud et de les accompagner dans leur développement, même s’ils doivent y perdre un
peu de leur puissance. Dans le cas de l’Inde, la collaboration et le partage des connaissances ne seront
possibles que si le pays accepte de s’ouvrir et renonce à la tentation nationaliste et au repli sur soi.
Compte-tenu de la démographie, les sociétés vieillissantes des pays du Nord auront bientôt besoin de
nouvelles générations de travailleurs ayant accédé à la connaissance grâce à la mobilité étudiante. Demain,
la masse des ingénieurs, médecins, scientifiques, techniciens qualifiés, etc. viendra sans aucun doute du
Sud. Pour l’heure, certaines grandes entreprises des pays du Nord pratiquent ce que l’on appelle avec
cynisme le body-shopping, c’est-à-dire qu’elles misent sur le « capital humain » que forment les milliers
de travailleurs hautement qualifiés de l’Inde, en particulier. Ainsi des agences d’intérim se sont-elles
spécialisées dans le recrutement et la mise à disposition de ces travailleurs sous forme de prestation de
services. Cette espèce d’« ubérisation » des diplômés montre que le Nord est encore dans une perspective
d’exploitation du Sud et non de collaboration.

Les acteurs

Abhijit Banerjee (1961-…)

Abhijit Banerjee, économiste indien, a obtenu avec Esther Duflo, l’équivalent du


prix Nobel d’économie. Abhijit Banerjee fait partie de cette génération d’Indiens
expatriés, brillant dans les entreprises ou les universités étrangères (en
l’occurrence le MIT aux États-Unis) et capables d’apporter au monde un regard
et des connaissances utiles au bien commun.

96 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES


Objet de travail conclusif : Le cyberespace : conflictualité et
coopération entre les acteurs.
Le développement des NTIC (nouvelles technologies de l’information et de la communication) parmi le
grand public au cours des années 1990 et surtout depuis le début des années 2000 a donné lieu à ce que
l’on appelle aujourd’hui le cyberespace. À cause de l’espionnage, la propagande, la vente des données
personnelles à des fins commerciales, Internet est en train de bouleverser les relations internationales,
tandis que l’économie du numérique a très largement transformé l’économie de la connaissance.

Les événements clés

— 1969 : Naissance de l’ARPANET (Advanced Research Projects Agency Network).


— 1990 : Création du World Wide Web.
— 2013 : Affaire Snowden.
— 2018 : Scandale Facebook-Cambridge Analytica.

Jalon 1 : Le cyberespace, entre réseaux et territoires (infrastructures,


acteurs, liberté ou contrôle des données…)
Depuis leurs origines, les NTIC (Nouvelles technologies de l’information et de la communication) suscitent
de nombreux questionnements et inquiétudes, mais aussi une attente : celle d’une coopération élargie qui
ferait progresser l’humanité. L’époque de l’espoir naïf en l’avènement d’un « village global » est aujourd’hui
révolue mais l’usage des NTIC n’a jamais été aussi intense dans le monde, le mobile ayant permis à la
plupart des pays en développement d’intégrer le mouvement.
Le terme de cyberespace a une connotation un peu trouble car il est souvent associé à l’idée d’insécurité.
On l’associe souvent à la menace vague d’un Web infiniment puissant dont il faudrait se protéger, la
cyberattaque n’étant jamais très loin du cyberespace. Le cyberespace peut être défini comme un espace
de communication créé par l’interconnexion mondiale des ordinateurs. En informatique, il constitue un
espace tridimensionnel formé par les logiciels et les appareillages de réalité virtuelle.

Les couches du cyberespace

Type de couche Composition de la couche

Appareils directement utilisés par les usagers lambda


Première
physique et matérielle (câbles, serveurs, satellites, ordinateurs, disques durs, box
couche
de fournisseurs d’accès, distributeurs de billets, etc.)
Dispositifs de codage et de programmation employés par
Deuxième les machines qui transforment la pensée humaine en
« logique » ou « logicielle »
couche information pouvant être communiquée (les protocoles de
l’internet par exemple).
Données ou métadonnées transportées par le réseau. Elles
Troisième « cognitive » ou sont qualifiées de données de masse en raison du nombre
couche « informationnelle » de personnes qu’elles concernent. Les métadonnées trans-
portent des informations sur la personne qui les produit.

CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES 97


Les milliards d’internautes dépendants du numérique pour quasiment tous les aspects de leur vie quotidienne
sont désormais les victimes directes ou indirectes d’États, dont la puissance de feu est considérable, diverse
et croissante. Le cyberespace est devenu un champ privilégié des relations internationales où coopèrent et
s’affrontent anciens et nouveaux acteurs de la conflictualité, étatiques et non étatiques, publics et privés,
civils et militaires. Pacifier le cyberespace reviendrait à se passer d’un nouvel instrument de pouvoir
puisqu’il est utilisé par les États pour le renseignement, l’espionnage, l’influence, la guerre, etc. Pour cette
raison, il est extrêmement difficile de réguler le cyberespace.
Si Internet est un bien espace géré, il n’est gouverné et régulé par aucune instance. Cela laisse le champ
libre à une poignée de multinationales états-uniennes, les GAFAM (d’après l’acronyme des géants du Web :
Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) qui y occupent une position dominante. Profitant de leur
mainmise sur le marché du numérique, ces cinq firmes ont aussi développé et promu des technologies
qui ont profondément changé nos modes de communication et de vie. Les innombrables données qu’elles
amassent (ou big data) peuvent menacer les sociétés et la démocratie.

Réguler Internet
Cependant, les États ne restent pas inactifs, beaucoup cherchent à territorialiser les données, voire à fermer
leur Internet ou à en contrôler de façon très autoritaire les contenus. Ces solutions ne sauraient convenir
aux démocraties européennes qui sont prises entre le feu des régimes autoritaires et le libéralisme états-
unien qui laisse tout pouvoir à ses entreprises. Pour affronter ce problème, une union mondiale semble peu
probable même s’il faut sans doute laisser le temps faire son œuvre. Rappelons que les espaces maritime
et aérien n’ont bénéficié que tardivement de réglementations internationales globalement respectées.
(Celles-ci ont mis beaucoup de temps à se mettre en place - 1982 pour les espaces maritimes -, alors que
les navires les parcouraient depuis des siècles). En attendant, si la souveraineté numérique de chaque état
européen semble difficile à atteindre, une action commune des États européens aiderait à faire face à la
puissance des grands acteurs du numérique. Une gouvernance « multi-acteurs » est peut-être la solution.

Vers une gouvernance multilatérale ?


Aujourd’hui, les États-Unis règnent sur le cyberespace au détriment de l’Europe, mais un glissement est
d’ores et déjà en cours. Le rapport de force dans les années à venir pourrait bien tourner à l’avantage de
la Chine. La 5G nouvelle génération, l’intelligence artificielle, les équipements innovants, qui constitueront
le numérique de demain, sont des domaines dans lesquels elle excelle. Dans l’affrontement de ces deux
mondes et de ces deux conceptions du numérique, il n’est pas impossible que ce soit celle de la Grande
muraille électronique qui gagne car elle séduit déjà de nombreux États qui y adhèrent, en même temps
qu’ils achètent le matériel chinois.
Les États-Unis n’auraient-ils pas intérêt à s’allier à l’Europe pour que l’influence occidentale puisse
s’étendre au-delà de leurs frontières ? Le numérique s’inscrit dans une concurrence territorialisée tandis
que le cyberespace n’a ni abattu les frontières ni réduit les conflits, bien au contraire. Une gouvernance
multilatérale si elle se mettait en place pourrait peut-être contrebalancer ce mouvement de fragmentation.

Géants du Web vs souveraineté numérique ?

Acteur Utilisation du cyberespace

Multinationales du numérique Logique libérale du libre-échange.

États-Unis Internet au service de la suprématie américaine.

Chine, Russie Internet ou la tentation de se couper du monde.

Europe Affirmer ses valeurs par le droit.

98 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES


Jalon 2 : Cyberdéfense : entre coopération européenne et souveraineté
nationale : le cas français.
Le terme de cyberdéfense renvoie à l’ensemble des mesures prises pour garantir la cybersécurité, c’est-
à-dire la sécurité du cyberespace et donc, pour employer les mots d’hier, ce qui relève de l’informatique.
L’internet est parfois considéré comme un « cinquième milieu » de la Défense en plus de celui de la terre,
de la mer, de l’air et de l’espace.
En effet, le cyberespace est devenu le terrain de guerres irrégulières (les guerres régulières étant un droit
régalien) menées par des acteurs non étatiques contre des populations ou des États. Il ne fait aucun doute
que les tentatives de corruption, de captation, de destruction de données ou les pratiques d’influence des
utilisateurs du cyberespace sont de plus en plus nombreuses, d’autant plus qu’Internet leur confère un effet
amplificateur. Néanmoins, que doit-on considérer comme une attaque dans le cyberespace ? Comment
justifier, le cas échéant, l’usage de la cyberdéfense et la possibilité d’un conflit ? Et dans ce cas, contre
qui et dans quel espace faut-il combattre ? Si les attaques sont très diverses, elles ont cependant un
point commun, l’absence d’attribution, autrement dit la difficulté de désigner l’agresseur et de prouver sa
culpabilité.

Les différents types de cyberattaques

Couche du
Attaques et menaces potentielles
cyberespace

– Coupure des câbles sous-marins.


Couche – Destruction des satellites.
physique – Bombardement des centres de serveurs, des infrastructures de communication
(antennes…).

– Attaque par codes, hacking, malware ou logiciels malveillants (vers, virus, chevaux
Couche de Troie, etc.) éventuellement contre rançon.
logicielle – Attaque par déni de service ou DoS.
– Prise de contrôle d’un ordinateur à distance pour effectuer une action, etc.
– Modification de l’affichage des ordinateurs ou d’un site (défaçage).
– Vol ou/et destruction d’information ou de données.
– Déplacement de site (modification de la présentation d’un site Web par piratage ou
création d’un clone).
Couche – Phishing (hameçonnage) pour récupérer les coordonnées bancaires d’une
informationnelle personne.
– Manipulation pour que l’internaute envoie de l’argent.
– Introduction de messages modifiant les perceptions,
– Opération de propagande par immersion de l’opinion sous une grande quantité de
messages…

Ces différents types d’attaques impliquent une grande variété d’acteurs avec des intentions différentes, des
cybercriminels aux États ou groupes politiques en passant par les hackers.
La Convention de Budapest de 2003 ratifiée par 65 pays dont 21 hors Europe (situation en mai 2020
sachant que d’autres ratifications sont en cours) définit ainsi la cybercriminalité : des « infractions contre
la confidentialité, l’intégrité et la disponibilité des données et systèmes informatiques » ainsi que les
« atteintes à la propriété intellectuelle ». Selon cette définition, la cybercriminalité inclut donc tous les

CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES 99


types de criminels qui utilisent le cyberespace (escrocs, membres d’un réseau pédophile, trafiquants
d’armes…). Les cybercriminels tirent souvent avantage du Dark Web pour mener divers trafics (armes,
drogues, etc.), sans avoir nécessairement de compétences particulières en informatique.

Les enjeux des cyberattaques

Type d’enjeux Types d’attaques

– Rançons.
– Pertes directes liées à l’interruption ou la perturbation des activités.
Économiques
– Dépenses des entreprises et des États pour rendre leurs systèmes plus sûrs.
– Cyberespionnage.
– Intervention dans les campagnes politiques.
Politiques
– Cyberespionnage et révélation de données secrètes.

La politique de cyberdéfense de chaque État dépend de la représentation qu’il se fait de la menace. Or,
jusqu’à récemment, la représentation française était très « techno-centrée » et portées principalement
sur les aspects militaires. Comme ses voisins européens, la France craint pour ses infrastructures, ses
systèmes de communication et cherche à éviter les intrusions, les sabotages, le vol ou la manipulation de
données. Les autorités travaillent encore sur des scénarios catastrophes d’attaques sur des infrastructures
vitales comme les centrales nucléaires, par exemple.
Alors que la Chine et la Russie ont regardé très tôt du côté de la menace informationnelle, l’Occident a
pris du retard dans ce domaine. Sa stratégie s’appuie désormais sur une approche globale des enjeux
et des menaces liées au cyberespace. Dans cette nouvelle prise de conscience, les États européens dont
la France sont pris dans un dilemme sécuritaire. S’ils reconnaissent la complexité et la dangerosité des
cyberattaques qui n’ont pas de frontières et par conséquent la nécessité de s’en protéger, les Européens
savent également que la cyberdéfense passe nécessairement par la collaboration internationale et une
régulation du cyberespace. Néanmoins, les États sont aussi conscients de la puissance géostratégique
et de la supériorité dans les rapports de force que leur confèrent leurs propres capacités numériques.
Sont-ils prêts à renoncer à investir massivement dans l’armement, à passer des accords internationaux qui
limiteront leur champ d’action dans le domaine du renseignement ou de la guerre ?

L’appel de Paris
Le 12 novembre 2018, lors du forum de l’UNESCO à Paris pour la gouvernance de l’Internet intitulé The
Internet of Trust (l’Internet de la confiance), Emmanuel Macron a appelé les États, les géants du numérique
et les acteurs de la société civile à soutenir « un cyberespace ouvert, sûr, stable, accessible et pacifique ».
Dans ce discours connu sous le nom d’« appel de Paris pour la confiance et la sécurité dans le cyberespace
», le Président français a défini le cyberespace comme un formidable lieu d’opportunités aux prises avec de
nouvelles menaces, cyberattaques, propos haineux ou activités de déstabilisation de l’opinion entraînant la
fragmentation des sociétés. Il a dénoncé l’utilisation d’armes offensives numériques et promu la nécessité
de protéger les droits des citoyens dans le cyberespace comme ils le sont dans le monde réel. Enfin, pour
réguler le cyberespace, la coopération entre États et entreprises du numérique, y compris les géants du
Net, paraît indispensable.
L’appel a été signé par des centaines d’entreprises (dont Microsoft qui a été élogieuse) et des dizaines de
pays en Europe (tous les États de l’U.E. sauf le Royaume-Uni qui en faisait encore partie), mais aussi en
Afrique, au Moyen-Orient, en Amérique Latine, ainsi que le Canada et la Nouvelle-Zélande. Certains États
ont sans doute signé par conviction, d’autres parce qu’ils y voient l’opportunité d’être soutenus dans la
protection de leur cyberespace.

100 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES


Néanmoins, ni les États-Unis, ni la Chine ni la Russie n’ont signé cet appel. Or, ils sont actuellement les trois
plus gros acteurs dans le monde de la cybersécurité, chacun menant ses campagnes de renseignement et
d’attaque comme il l’entend. Il n’est donc pas impossible que cet appel soit un « vœu pieux » et que ce texte
disparaisse dans les oubliettes de l’histoire comme d’autres avant lui aux intentions similaires.

Vers une « société de la connaissance »

Les acteurs

Gary McKinonn dit « Solo », le hackeur

Né à Glasgow (Ecosse) en 1966, Gary McKinnon est plus connu sous le pseudonyme
de « Solo ». Il a été accusé par les États-Unis d’avoir commis le « plus grand
piratage informatique militaire de tous les temps » depuis sa petite chambre
londonienne. Cet administrateur systèmes et réseaux au chômage aurait pénétré
dans 97 ordinateurs appartenant à l’armée de terre, la marine, le ministère de la
Défense (Pentagone) et la NASA, entre 2001 et 2002.

Peter Drucker (1909-2005)

Cet économiste et consultant américain d’origine autrichienne est un théoricien


de l’administration des entreprises (management). Dans son essai, The Age
of discontinuity (1969), Peter Drucker introduit le concept de « société de la
connaissance » et prévoit les grandes mutations économiques et sociales
que provoqueront le développement des technologies de l’information et de la
communication, et l’avènement d’une « économie du savoir » responsable d’une
nouvelle organisation du travail.

CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES 101


GLOSSAIRE

Accords de libre-échange : Accords entre au moins deux États qui facilitent le commerce dans l’esprit du
libre-échange, en réduisant les barrières commerciales.
Acqua alta : Période d’inondation de Venise à cause des marées entre l’automne et le début du
printemps.
Aéronavale : Ensemble des moyens organiques d’aéronautique (matériels et personnels) dont dispose la
marine de guerre ; organisation de ces moyens.
Alphabétisation : Enseignement de la lecture et de l’écriture.
ANSSI : Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information France.
Anthropocène : Période géologique actuelle entamée avec la première révolution industrielle où
les activités humaines ont de fortes répercussions sur les écosystèmes de la planète, comme le
réchauffement climatique, la destruction des milieux naturels et les menaces sur la biodiversité.
Armistice : Convention par laquelle les belligérants suspendent les hostilités.
Arsenalisation : Développement d’un arsenal militaire dans un secteur donné.
ASNC (Agence Spatiale Nationale Chinoise) : Agence spatiale chinoise.
Astronaute : Nom donné aux États-Unis aux membres des vols spatiaux.
Astrosurfing : Action de désinformation populaire orchestrée par l’intermédiaire de techniques de
propagande manuelles ou algorithmiques utilisées à des fins publicitaires ou politiques.
Autodidaxie : Fait d’apprendre à lire et écrire par ses propres moyens (faisant de la personne un
autodidacte) souvent en réalité auprès des membres de sa famille ou de ses pairs, mais sans aller à
l’école.
BATX : Équivalent des GAFAM en Chine : Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi. (Tencent détient WeChat).
BBNJ (Biological Diversity beyond National Juridiction) : Conférence intergouvernementale sur la
biodiversité marine organisée par l’ONU depuis 2018.
Big data : Données de masse.
Biodiversité : Variété et diversité du vivant dans un espace donné.
Bitcoin : Monnaie virtuelle.
Blockchain : Technologie de stockage et de transmission d’informations, transparente, sécurisée, et
fonctionnant sans organe central de contrôle, mais qui repose sur une base de données sécurisée et
distribuée par les différents utilisateurs.
Brevet : Titre délivré par l’État qui assure à un individu ou une entreprise la propriété d’une invention
technique, c’est-à-dire un produit ou un procédé qui apporte une nouvelle solution technique à un
problème technique donné.
BRICS : Acronyme anglais qui désigne les cinq grandes puissances émergentes, le Brésil, la Russie,
l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, (en anglais : Brazil, Russia, India, China, South Africa).
Capacité de projection : Capacité d’un État à intervenir en dehors de ses frontières.
Capitalisme : Société humaine caractérisée par la propriété privée des moyens de production et leur
mise en œuvre par des travailleurs qui n’en sont pas propriétaires. Une lecture marxiste y ajoute
l’exploitation des travailleurs et la recherche systématique du profit par les propriétaires des moyens de
production.
Captation de patrimoine : Appropriation d’un patrimoine par une puissance étrangère par l’achat, la
réquisition ou encore le pillage.

CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES 103


Casques bleus : Nom donnés aux soldats intégrant la Force de maintien de la paix des Nations Unies.
Chiisme : Courant de l’islam majoritaire en Iran, en Irak, au Liban.
Cité de Paris : Siège du gouvernement de la ville antique, puis de la ville médiévale sur l’île de la Cité.
Cloud ou cloud computing : Accès à des services informatiques (serveurs, stockage, mise en réseau,
logiciels) via Internet (le « cloud » ou « nuage »).
CNES (Centre National d’Études Spatiales) : Agence spatiale française.
CNUDM : Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer (Montego Bay, 1982), qui a institué les
différents espaces maritimes, dont les ZEE, et leurs droits d’usage respectifs.
Code forestier : Recueil de textes législatifs concernant la protection et la gestion des forêts françaises.
Commémoration : Cérémonie officielle organisée pour conserver la conscience et la mémoire d’un
événement de l’histoire collective et servir de modèle.
Conflit de patrimoine : Affrontement dans lequel le patrimoine constitue un enjeu économique,
identitaire, social, religieux ou géographique.
Conseil de sécurité : Composé de cinq membres permanents (Chine, Russie, États-Unis, Royaume-Uni,
France) qui siègent à l’ONU, il est chargé de faire respecter la paix et peut décider d’une action militaire.
Conservationnisme : Conception soutenue par l’homme politique Gifford Pinchot (1865-1946) selon
laquelle les espaces naturels doivent être conservés en vue de leur exploitation par l’homme.
Coopération internationale : Coopération de plusieurs pays dans un domaine donné.
Course à l’espace : Compétition menée par les États-Unis et l’URSS dans le domaine astronautique
durant la guerre froide.
CPI (Cour pénale internationale) : Fondée en 1998 et siégeant à la Haye, elle est chargée de juger les
personnes accusées de crime de guerre et de crime contre l’humanité.
Crime contre l’humanité : Crime de génocide qui vise la destruction totale ou partielle d’un groupe
national, ethnique, racial ou religieux
Crime de guerre : Violation des lois et coutumes de la guerre (pillage, viol, assassinat, exécution des
otages).
Cyberattaque : Attaque numérique.
Cyberespace : Espace de communication créé par l’interconnexion mondiale des ordinateurs.
Cybersécurité : Protection des systèmes d’informations et des données.
Cyberterrorisme : Utilisation préméditée d’activités perturbatrices, ou menace de celle-ci, contre des
ordinateurs et/ou des réseaux, dans l’intention de causer un préjudice.
Dark web ou « Web sombre » : Ensemble de sites internet qui se trouvent sur un réseau crypté et qui
ne sont pas référencés par les moteurs de recherche traditionnels ni accessibles par les navigateurs
traditionnels. Ils sont utilisés pour les activités illégales, notamment les trafics. Il ne doit pas être
confondu avec le Deep web ou « Web profond ».
Data center ou centre de données : Site physique regroupant des installations informatiques chargées
de stocker et de distribuer des données (data en anglais) à travers un réseau interne ou via un
accès Internet. Les États, les particuliers, les entreprises possédant des bases de données, tous les
sites Internet, les services de cloud computing hébergent leurs activités dans des data centers. Il peut
s’agir d’installations privées ou bien publics. Elles peuvent accueillir les données d’un seul client ou de
plusieurs.
Deep learning : Type d’intelligence artificielle dans lequel la machine est capable d’apprendre par
elle-même à partir des données fournies (qui doivent être extrêmement nombreuses).
Deepfake : Vidéo ou enregistrement audio produit ou altéré grâce à l’intelligence artificielle. Le terme
désigne non seulement le contenu ainsi généré, mais aussi les technologies utilisées à cet effet.

104 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES


Développement durable : Mode de développement qui considère le patrimoine écologique comme un
stock de ressources qu’il faut économiser afin que les générations futures puissent aussi en bénéficier.
DGSE et DGSI : La Direction générale de la Sécurité extérieure et la Direction générale de la Sécurité
intérieure regroupent les services de renseignement français.
Diplomatie : Branche de la science politique qui concerne les relations internationales.
Dissuasion nucléaire : Doctrine reposant sur l’usage préventif de l’arme nucléaire.
Djihadisme : Doctrine des fondamentalistes extrémistes qui recourent au terrorisme en se réclamant de
la notion islamique de djihad « guerre sainte ».
DNS (Domain Name System ou « système de noms de domaine ») : Système d’aiguillage du Web.
Droit d’ingérence : Droit donné en cas de force majeure par une instance supranationale à un ou
plusieurs États de surpasser la souveraineté d’un État et d’intervenir dans ses affaires.
Droit de la mer : Expression désignant l’ensemble des règles relatives à l’appropriation, à l’exploitation ou
à l’utilisation des espaces maritimes dans le droit international.
Echelon : Le programme Echelon met en jeu des moyens gigantesques pour réussir à espionner toutes
les communications à travers le monde entier. Participent à ce programme aux côtés des États-Unis : le
Royaume-Uni, le Canada mais aussi l’Australie, la Nouvelle-Zélande...
Économie numérique : Pour l’OCDE, l’économie numérique englobe le secteur des télécommunications,
notamment l’Internet, le haut débit et les mobiles, ainsi que la convergence entre les secteurs de
radiotélédiffusion et du câble, et les services de télécommunications plus traditionnels.
Énergies fossiles : Sources d’énergies dont les stocks sont limités et non renouvelables à l’échelle
humaine (pétrole, gaz naturel, charbon, uranium) et dont la combustion, dans le cas des hydrocarbures,
provoque l’émanation de gaz à effet de serre.
Énergies renouvelables : Sources d’énergies fournissant des ressources inépuisables (le Soleil, le vent,
les mouvements de l’eau, la chaleur du sous-sol).
Épuration ou purification ou nettoyage ethnique : Expulsion ou extermination d’un groupe ethnique par
un autre qui veut s’approprier son territoire.
ESA (European Spatial Agency) : Agence spatiale européenne.
État failli : État qui ne parvient pas à assurer ses missions essentielles et régaliennes comme le respect
de l’État de droit.
État-nation : État dont les citoyens forment un peuple (ou un ensemble de populations) qui s’identifie à un
pouvoir souverain qui le représente.
Francophonie : Ensemble des personnes et des institutions qui utilisent le français comme langue.
Gacaca (Prononcez : « gatchatcha ») : Tribunal populaire convoqué dans les quartiers des villes et les
villages pour juger de très nombreux criminels impliqués dans le génocide rwandais.
GAFAM ou géants du numérique états-unien : Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft. Si l’on
parle des géants du net, on enlève en général Microsoft.
Gastronomie : Ensemble des règles qui définissent l’art d’accueillir par un bon repas. Elle comprend
aussi bien la quantité, la qualité que la préparation des mets.
Grand bond en avant : Politique de réformes et de vastes développements économiques menée par le
République populaire de Chine sous Mao entre 1958 et 1961.
Guerre irrégulière ou asymétrique : Conflit opposant un État moderne à des combattants de groupes
non-étatiques pratiquant une guerre d’usure de basse intensité (guérilla, attentats).
Guerre moderne : Modèle de guerre théorisé par Carl von Clausewitz qui opposent deux ou plusieurs
États poursuivant des objectifs politiques, s’appuyant sur l’assentiment populaire et dans laquelle les
armées de citoyens combattent au nom de leur « patrie ».

CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES 105


« Guerre propre » : Expression utilisée pendant la première Guerre du Golfe pour nommer une guerre
censée ne pas faire de victimes.
Hacker, hacking : Pirate informatique, action de pirater et ensemble de techniques permettant d’exploiter
les failles et vulnérabilités d’un élément ou d’un groupe d’éléments matériels ou humains.
Halieutique : Relatif à la pêche en mer.
Hamas : Mouvement politique islamiste très actif dans la bande de Gaza.
Hard power : Puissance d’un État, qui s’exerce par force militaire ou pression économique.
Historicité : Caractère d’un fait dont la réalité est attestée par l’histoire.
Historiographie : Réflexion des historiens sur l’écriture de l’histoire, c’est-à-dire la façon dont les
travaux historiques ont traité une question. L’historiographie liée au contexte entraîne un renouvellement
constant de la recherche. L’histoire est en perpétuelle construction.
Hub : Appareil relié à plusieurs machines en réseau et permettant de concentrer les données pour les
transmettre par un unique canal.
Hutus : Groupe ethnique, assimilé au Rwanda à la caste des agriculteurs, dont sont issus la majorité des
responsables du génocide rwandais.
IDH (Indice de développement humain) : Créé en 1990 par le Programme des Nations Unies pour le
développement (PNUD), l’IDH est un indicateur du développement du pays prenant en compte trois
critères : le niveau de vie mesuré par le PIB par habitant, l’espérance de vie à la naissance, le taux
d’alphabétisation des adultes et le taux brut de scolarisation.
Intifada : « Guerre des pierres » en arabe. Elle désigne en particulier les révoltes populaires palestiniennes
contre les Israéliens.
Intra-muros : Expression latine signifiant « à l’intérieur des murs ». À Paris, elle s’oppose à la banlieue et
désigne l’espace compris à l’intérieur du boulevard périphérique, qui correspond au tracé de la dernière
enceinte de la ville.
ISRO (Indian Space Research Organisation) : Agence spatiale indienne.
JAXA : Agence d’exploration aérospatiale japonaise.
Kurdes : Peuple d’Asie occidentale réparti essentiellement en Turquie, en Irak, en Iran et en Syrie.
Lagune : Étendue d’eau en liaison restreinte avec la mer, et presque totalement fermée par un cordon
littoral de sable ou de galets.
Libertarianisme ou libertarisme : Philosophie politique prônant au sein d’un système de propriété et de
marché universel, la liberté individuelle en tant que droit naturel et valeur fondamentale.
Logiciel libre : Programme informatique ou logiciel que l’on peut modifier, copier, diffuser en toute
liberté, le code n’étant la propriété de personne. Le logiciel libre s’enrichit de la contribution de tous ceux
qui le souhaitent. C’est le cas par exemple du système d’exploitation LINUX.
Longue marche : Nom du lanceur (fusée) développé par la Chine, tiré du nom du périple de l’APL, menée
par Mao, pour échapper au Guomindang durant la guerre civile (1934-1935).
Malware ou maliciels : Logiciel malveillant : virus, vers, cheval de Troie, etc.
Métadonnées : Type de données qui permet de caractériser et structurer des ressources numériques,
telles que celles contenues dans une page web.
Militarisation : Processus qui rend un secteur propre à être utilisé militairement.
Missile balistique : Engin permettant de lancer une arme en lui donnant une trajectoire influencée
seulement par la gravité et la vitesse acquise par une force d’accélération initiale.
Monde bipolaire : Expression désignant le partage du monde en deux principaux blocs, polarisés l’un par
les États-Unis, l’autre par l’URSS, pendant la guerre froide.

106 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES


Monde multipolaire : Expression désignant l’organisation actuelle du monde, marqué par la remise en
question de l’unilatéralisme états-unien et l’émergence de nouvelles puissances.
Muséification : Mise en valeur d’un espace ou d’une pratique par la conservation et le développement
touristique.
Nakba : Mot arabe signifiant « la catastrophe » qui désigne la dispersion des Palestiniens après la
création d’Israël.
Nationalisme : Doctrine politique qui affirme la prédominance et la souveraineté d’une nation.
NASA (National Aeronautics and Space Administration) : Agence spatiale états-unienne.
NATU : Netflix, Airbnb, Tesla et Uber. On parle parfois de GAFAM-NATU.
Négationnisme : Doctrine qui nie la réalité du génocide des Juifs par les nazis, notamment l’existence
des chambres à gaz.
Nouvelles routes de la soie (en anglais OBOR pour One Belt, One Road) : Ensemble de liaisons maritimes
et de voies ferroviaires entre la Chine et l’Europe passant par le Kazakhstan, la Russie, la Biélorussie, la
Pologne, l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni.
NSA (National Security Agency) : L’un des services de renseignement états-uniens. La NSA est chargée
du renseignement électromagnétique et de la sécurité des systèmes d’information du gouvernement
américain.
N.T.I.C. : Nouvelles technologies de l’information et de la communication
Océan : Vaste étendue d’eau salée séparant les continents. Aujourd’hui, on parle de « l’océan mondial »
ou de « l’océan global ».
O.L.P. : Organisation de libération de la Palestine fondée en 1964.
O.M.C. (Organisation mondiale du commerce) : Seule organisation internationale qui s’occupe des règles
régissant le commerce entre les pays.
O.N.F. (Office national des forêts) : « Acteur majeur de la filière forêt-bois ».
O.N.U. (Organisation des Nations unies) : Organisation fondée en 1945 dont l’une des missions est
d’assurer la sécurité collective.
Ordre westphalien : Situation politique de l’Europe faisant suite aux traités de Westphalie dans laquelle
la mosaïque de provinces, duchés, comtés fait place à des États-nations.
O.T.A.N. (Organisation du traité de l’Atlantique Nord) : Alliance politique et militaire dirigée par les États-
Unis à laquelle appartiennent 25 états européens. Née de la guerre froide, elle est aujourd’hui de loin la
plus puissante organisation militaire mondiale.
Panarabisme : Doctrine qui promeut l’unité politique et culturelle du monde arabe.
Patrimonialisation : Attribution d’une valeur contemporaine à un ensemble de traces matérielles ou
immatérielles du passé.
Physique nucléaire : Compréhension de la nature du noyau atomique et de ses propriétés.
PIB (produit intérieur brut) à parité de pouvoir d’achat : Taux de conversion monétaire qui permet
d’exprimer dans une unité commune les pouvoirs d’achat des différentes monnaies. Ce taux exprime le
rapport entre la quantité d’unités monétaires nécessaire dans des pays différents pour se procurer le
même « panier » de biens et de services.
PIB/hab. : Indicateur de l’activité économique d’un pays permettant de le comparer à d’autres. Le calcul
du PIB par habitant est une moyenne théorique, puisqu’il résulte de la division du PIB du pays par le
nombre d’habitants. Il ne rend compte ni des inégalités, ni du niveau réel de développement du pays. Son
unité est en général le dollar par habitant.
Piraterie : Forme de banditisme pratiquée en mer.

CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES 107


Porte-avion : Navire de guerre de grandes dimensions, transportant des avions de combat, et dont le
pont est aménagé en plate-forme permettant l’envol et l’appontage de ces avions.
Positivisme : Système dû au philosophe Auguste Comte qui se caractérise par l’idée que seuls les faits
d’expérience et leurs relations peuvent être objets de connaissance certaine. Il s’appuie sur la démarche
expérimentale (observation, hypothèse, expérience, résultats, interprétation et conclusion). Le scientisme
en découle.
Préservationnisme : Concept développé par l’écrivain et naturaliste John Muir (1838-1914) qui vise à
protéger la nature pour elle-même et hors de toute exploitation par l’homme.
Printemps arabe : Vaste mouvement de protestation populaire commencé en 2011 en Tunisie, qui s’est
propagé dans de nombreux pays arabes et a conduit certains États à faire des concessions (Maroc,
Algérie…) et provoqué le renversement de régimes autoritaires (Tunisie, Égypte) ou des guerres civiles
(Syrie, Lybie).
Protocole TCP/IP signifie Transmission Control Protocol/Internet Protocol : Protocole de l’Internet qui
permet d’établir une connexion entre ordinateurs et de transmettre des données.
Puissance maritime : Puissance des États reposant sur leur maîtrise de la mer.
Puissance navale : Puissance des États en fonction de leurs forces navales.
Puissances spatiales : Principaux États disposant d’une capacité d’action politique reposant sur leur
implication militaire, économique et scientifique dans l’espace.
Quatre modernisations : Nom donné au programme de réformes économiques et sociales mené par
Deng Xiaoping après 1978, et qui contribua à l’ouverture chinoise sur le monde.
Radioactivité : Terme créé en 1898 par Marie Curie qui désigne un phénomène physique naturel issu de
la propriété de certains atomes qui émettent des particules, c’est-à-dire de l’énergie, et des rayons.
Ransomware (rançongiciel) : Type de cyberattaque au cours de laquelle est demandée une rançon en
échange de son arrêt.
Recherche fondamentale : Recherche ayant pour principal objectif la production de savoir et la
compréhension des phénomènes naturels. Elle se distingue en cela de la recherche appliquée.
Reconversion économique : Passage d’une activité économique à une autre activité économique.
Ressource : Richesse potentielle présente dans un espace.
Révolution culturelle : Politique menée par Mao Zedong entre 1966 et 1969 afin de se débarrasser de ses
adversaires politiques, qui conduisit la Chine au bord de la guerre civile.
Révolution industrielle : Grand cycle d’innovations qui transforment profondément la production mais
aussi la société. Les rythmes diffèrent suivant les pays mais la 1re révolution industrielle commence à
la fin XVIIIe siècle et dure jusqu’au milieu du XIXe siècle quand commence la 2e qui se prolonge jusqu’aux
années 1910.
R.G.P.D. (Règlement général sur la protection des données) : En vertu de cette loi entrée en vigueur en
mai 2018 dans l’Union européenne, l’entreprise de biens ou de services ainsi que ses sous-traitants sont
responsables des données personnelles que leur ont confiées leurs clients.
Roscosmos : Agence spatiale russe.
RPC : République Populaire de Chine, nom du régime politique chinois depuis 1949.
Salafisme : Branche du sunnisme prônant un retour à l’Islam des origines.
Samudaripen (équivalent du terme Porajmos) : Mot signifiant en langue romani « Tuez-les tous ! » qui
désigne le génocide des Tsiganes (Roms) perpétré par les nazis durant la Seconde Guerre mondiale.
Scientisme : Mouvement philosophique qui considère la connaissance scientifique comme la
connaissance absolue. D’après ce principe, la science satisfait tous les besoins de l’intelligence humaine.
L’idéal scientiste considère que les progrès de la science permettent le progrès dans le monde et dans
l’être humain.

108 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES


S.D.N. (Société des Nations) : Instance fondée en 1920 pour assurer, en particulier, la sécurité collective.
Secteur privé : Domaine de l’économie qui ne dépend pas directement de l’État, mais des entreprises,
des organisations ou des associations appartenant à des individus (privés).
Sécurité collective : Concept né après la Première Guerre mondiale selon lequel les conflits doivent être
prévenus et réglés à l’échelle internationale.
Semi-alphabétisation : Savoir lire sans être capable d’écrire autre chose que quelques mots (son nom,
sa signature notamment).
Sérendipité : Découverte inattendue d’importance ou d’intérêt supérieur à l’objet de sa recherche initiale
faite par hasard et aptitude de ce même chercheur à saisir et à exploiter cette « chance ».
Shoah : Mot hébreu signifiant « la catastrophe » qui désigne l’entreprise d’extermination des Juifs par les
nazis durant la Seconde Guerre mondiale.
Silicon valley (« vallée du silicium ») : Pôle des industries de pointe situé à San José dans l’État de
Californie à proximité de l’université de Stanford.
Sionisme : Mouvement fondé par Theodor Herzl au XIXe siècle dont l’objectif était la création d’un État juif
en Palestine.
SNLE : Sous-marin nucléaire lanceur d’engins.
Soft power (« pouvoir doux ») : Capacité à séduire et à persuader reposant sur la démonstration de sa
« supériorité » culturelle, sans recourir à la force dans les relations internationales.
Souveraineté : Pouvoir suprême exercé par l’État sur son territoire national.
Soyouz : Nom du principal lanceur soviétique utilisé pendant la guerre froide.
Start-up : Jeune entreprise novatrice dans le secteur des nouvelles technologies, sur Internet.
Station orbitale ou spatiale : Véhicule spatial servant d’habitat et de laboratoire à des équipages : la
Station Mir (1986-2001) ; la Station spatiale internationale lancée en 1998.
Sunnisme : Courant de l’islam majoritaire en Arabie Saoudite, en Turquie, en Afrique du nord et
subsaharienne.
Suprématie : Situation dominante d’une puissance dans un secteur donné.
Sylviculture : Ensemble des techniques permettant la création et l’exploitation rationnelle des forêts tout
en assurant leur conservation et leur régénération.
Taïkonaute : Nom donné aux membres des programmes spatiaux chinois.
Taux d’alphabétisation : Pourcentage de personnes dans un groupe (une population, une classe d’âge)
qui sait lire et écrire.
Technoscience ou recherche appliquée : Recherche scientifique axée sur l’innovation technique.
Témoignage : Texte, propos qui rapportent des faits vécus.
Terril : Monticule constitué des déchets rejetés au cours de l’exploitation du charbon dans le nord de la
France, notamment.
Territoire, territorialisation : Espace délimité, approprié et exploité par un individu, un groupe ou une
société en fonction de ses intérêts politiques, économiques ou sociaux ; la territorialisation désigne le
processus d’appropriation d’un espace naturel.
Territoires occupés : Ensemble des territoires palestiniens occupés par Israël depuis la guerre des Six
Jours (1967) qui sont des zones de tensions : bande de Gaza, Cisjordanie (Jérusalem-Est).
Thalassocratie : Du grec thalasso, « mer », et kratos, « pouvoir »), puissance politique reposant sur la
domination de la mer.
TIDM : Tribunal International du Droit de la Mer, créé par l’ONU en 1982, afin de trancher les litiges
frontaliers entre États bordiers à propos de la délimitation de leurs ZEE respectives.

CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES 109


Tourisme de masse : Système touristique fondé sur l’accès du plus grand nombre au tourisme et à
l’individualisation des pratiques, standardisées ou personnalisées, répétitives ou innovantes.
Tourisme spatial : Pratique commerciale des agences spatiales ou d’entreprises privées reposant sur la
privatisation des véhicules spatiaux, dont l’ISS (Station spatiale internationale).
TPIY (Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie) : Tribunal fondé par l’ONU pour juger les crimes
commis durant la guerre de Yougoslavie.
Tutsis : Groupe ethnique, assimilé au Rwanda à la caste des éleveurs, dont sont issus la majorité des
victimes du génocide rwandais.
UNESCO (Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture) : L’UNESCO qui
siège à Paris a pour objectif de « contribuer au maintien de la paix et de la sécurité par l’éducation,
la science et la culture ».
Universalisme du patrimoine : Idée que le patrimoine a une vocation universelle qui dépasse ses
caractéristiques historique, géographique, sociale, nationale ou religieuse.
Urbanisme : Manière d’organiser la ville à partir de principes, comme l’ordre et la régularité, et
généralement avec un objectif esthétique.
US Navy : Nom de la marine états-unienne.
V2 : Missile allemand considéré comme la première fusée moderne.
Village global : Expression créée par Marshall McLuhan en 1967, pour qualifier les effets de la
mondialisation, des médias et des technologies de l’information et de la communication selon laquelle
le monde serait unifié comme s’il était une seule communauté. Cette notion peut avoir des connotations
négatives ou positives selon les opinions.
Vulgarisation : Fait d’adapter des connaissances techniques, scientifiques, pour les rendre accessibles à
un lecteur non spécialiste.
Web : Terme communément employé pour parler du World Wide Web, ou WWW, traduit en français
par la « toile d’araignée mondiale ». Il fait référence au système hypertexte fonctionnant sur le réseau
informatique mondial Internet.
ZEE (Zone Économique Exclusive définie par la CNUDM) : Zone fixée par la convention de Montego Bay
(1982) sur laquelle un État bordier dispose d’un droit exclusif d’exploitation des ressources halieutiques,
énergétiques et minières. Elle se situe entre les eaux territoriales et les eaux internationales.

110 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES


VERS LE BAC

Méthodologie de la dissertation

Principes
La dissertation est le traitement d’un sujet donné, avec une introduction, un développement en plusieurs
parties et une conclusion. Elle donne une réponse argumentée à une question en montrant qu’elle
pose un problème. Le sujet de dissertation peut être une phrase reprenant l’intitulé d’un des thèmes
au programme ou alors une question ou une affirmation. Dans cette épreuve, vous devez montrer votre
connaissance du programme, mais aussi votre capacité à mobiliser vos connaissances personnelles et à
les organiser. L’approche pluridisciplinaire de votre spécialité vous incite à discerner dans chaque sujet
les problèmes et les enjeux historiques et géographiques mais aussi politiques, économiques, culturels,
diplomatiques et stratégiques. Enfin, rappelons que l’étude du passé et de territoires donnés permet de
mieux comprendre le présent.

Étape 1 : comprendre le sujet et formuler la problématique


Avant de se lancer dans l’élaboration du plan et la rédaction, il faut analyser avec beaucoup d’attention le
sujet.
Voici quelques conseils :
— Lisez plusieurs fois le sujet pour bien le comprendre et pour éviter le « hors sujet ».
— Définissez les termes du sujet.
— Identifiez le sujet. À quels jalon, axe et séquence se rattache-t-il ?
— Formulez la problématique. Rédigez la ou les questions qui seront le fil conducteur de la dissertation.

Étape 2 : faire un plan détaillé


Votre plan doit comporter une introduction, un développement et une conclusion. Le développement peut
être en deux ou trois parties et chaque partie doit contenir de deux ou trois sous-parties. Le premier axe de
votre dissertation développé dans la première partie peut être assez descriptif, le deuxième plus explicatif
et le troisième axe peut apporter des nuances. Parfois, un plan plus chronologique s’impose : vous devez
donc décrire et analyser les événements qui marquent le passage d’une période à une autre.
Voici quelques conseils méthodologiques :
— Notez tous les arguments et exemples qui vous viennent à l’esprit.
— Classez vos connaissances en deux ou trois grands thèmes pour arriver au plan du devoir. Utilisez
un tableau, par exemple.
— Cherchez les exemples qui illustreront chacune de vos sous-parties.
— Soyez très attentifs à cette étape. Il est difficile de revenir en arrière pour changer son plan.

Étape 3 : rédiger la dissertation


Une fois que vous avez formulé votre problématique et élaboré un plan clair et organisé, vous pouvez
passer à la rédaction de la dissertation. Il est préférable de rédiger l’introduction et la conclusion avant le
développement.

CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES 111


L’introduction
Soyez particulièrement soigneux dans votre introduction. D’emblée, vous devez donner à votre lecteur
et correcteur une impression favorable par la clarté de votre style et le contenu de votre introduction.
Exprimez-vous à la 1ère personne du pluriel : « Nous analyserons… »
L’introduction doit toujours comporter les points suivants :
— Une définition des termes du sujet.
— La présentation du contexte (historique, géographique, politique, etc.) dans lequel est ancré le sujet.
— La formulation précise de la problématique sous la forme d’une question.
— L’annonce du plan avec ses deux ou trois parties en une longue phrase ou en plusieurs plus courtes,
dans lesquelles l’enchaînement des axes ou parties apparaît clairement grâce à des connecteurs logiques
(mots de liaison).

Le développement
Le développement se compose d’ordinaire de trois parties, elles-mêmes divisées en deux ou trois
paragraphes. Si vous ne trouvez pas de plan en trois parties, contentez-vous d’en faire deux. Mieux vaut
deux parties cohérentes et répondant au sujet plutôt qu’une troisième partie totalement artificielle et
hors sujet qui aurait pour effet de faire baisser votre note. Les parties doivent être aussi équilibrées. Lors
de l’examen, il vaut mieux rédiger le développement directement au propre.
Voici quelques conseils méthodologiques :
— La structure de votre dissertation doit être bien visible. Sautez des lignes entre l’introduction, les
trois parties et la conclusion et marquez clairement les sous-parties et paragraphes grâce à des alinéas.
On doit voir quand vous changez de partie ou de sous-partie.
— Une sous-partie correspond à une idée illustrée par un ou plusieurs exemples.
— Commencez chaque partie par une phrase d’introduction et terminez-la par une phrase de transi-
tion (une question, par exemple) qui annonce la partie suivante.
— En principe, on ne donne pas de titres aux parties de la dissertation.
— Vous pouvez inclure aussi des croquis de cartes ou des schémas à condition de les commenter
dans votre développement.

La conclusion
Votre conclusion doit toujours être entièrement rédigée au brouillon avant de vous lancer dans la rédaction
au propre. Vous n’aurez ainsi qu’à la recopier sans risque de paniquer faute de temps suffisant. Ainsi votre
lecteur terminera sur une impression de cohérence dans votre raisonnement. Une conclusion a un but très
simple dans une composition : elle est destinée à dire à votre correcteur : « voilà ce que je viens de vous
expliquer ».
La conclusion doit toujours comporter les points suivants :
— Une synthèse de votre argumentation qui apporte une réponse à la problématique posée.
— Une ouverture : la conclusion propose d’élargir le sujet dans le temps et dans l’espace.

Étape 4 : se relire
Vous devez garder du temps pour vous relire et corriger vos fautes. Ces corrections doivent, dans la
mesure du possible, être faites proprement. À la relecture, vous comprendrez si vous avez su donner
du sens à votre dissertation en ayant bien posé la problématique et en ayant mené une argumentation
solide aboutissant à une réponse satisfaisante.

112 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES


Exemple de dissertation
Sujet : Les États-Unis sont-ils une nation hostile à l’environnement ?

Étape 1 : comprendre le sujet et formuler la problématique


Ce sujet est traité dans l’objet conclusif de la séquence 5 intitulé « L’environnement aux États-Unis : entre
protection de la nature, exploitation des ressources et transformation des milieux depuis le XIXe siècle ; les
rôles respectifs de l’État fédéral et des États fédérés. »
— Rappel du contexte. Selon la décision du président Trump, les États-Unis se sont officiellement
retirés de l’accord de Paris sur le climat le 4 novembre 2020. Le nouveau président Joe Biden a signé un
décret pour revenir dans l’accord dès son investiture le 20 janvier 2021.
— Définition des termes.
– On parle des États-Unis, en général, qui est une fédération abritant plusieurs niveaux de gouver-
nement, un pays de près de 330 millions d’habitants qui possède de vastes espaces naturels et
inventé le consumérisme et dont le taux d’émissions de gaz à effet de serre par habitant est le plus
élevé du monde.
– Hostile vient du latin « hostis » qui signifie ennemi. Est hostile, celui qui veut lutter contre
quelqu’un ou quelque chose.
– D’après la définition du Larousse, l’environnement est « l’ensemble des éléments objectifs
(qualité de l’air, bruit, etc.) et subjectifs (beauté d’un paysage, qualité d’un site, etc.) constituant le
cadre de vie d’un individu. » On peut donc s’intéresser à plusieurs aspects et problèmes de l’envi-
ronnement, même si le thème du changement climatique domine.
— Problématisation. L’hostilité à l’environnement du président Trump est avérée, au moins en ce qui
concerne le climat. → Les États-Unis, comme nation, sont-ils aussi hostiles à la protection de l’environ-
nement que leur ancien président ? → N’y a-t-il pas de la diversité dans la sensibilité américaine envers
les problèmes écologiques ?

Étape 2 : faire un plan détaillé


Voici une proposition de plan. L’essentiel est de bien prendre en compte la diversité des acteurs aux États-
Unis – institutions politiques, FTN, ONG et citoyens – et des échelles – fédéral / fédéré / local.

I – A l’échelle nationale et internationale, le gouvernement fédéral des États-Unis apparait


effectivement hostile à la protection de l’environnement.

A. Le refus d’engagements internationaux contraignants : biodiversité, Kyoto, accord de


Paris.
B. Les raisons de cette hostilité : raisons historiques (tradition isolationniste), raisons
économiques (coûts d’abattement), raisons politiques (verrouillage institutionnel,
lobbying).

II – Cependant, à différentes échelles et en tout cas par le passé, le gouvernement fédéral a


également pu s’engager dans la protection de l’environnement.
A. Une longue tradition nationale de protection de la nature.

B. L’engagement de l’État fédéral à l’échelle nationale : EPA, x Acts, aires protégées.

C. Des engagements environnementaux à l’échelle internationale (en inversant certaines


raisons du I-B.) : baleine, marées noires, ozone.

CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES 113


III – Enfin, d’autres composantes de la nation américaine – à d’autres échelles – semblent
s’engager résolument à protéger l’environnement.

A. L’action des États fédérés (et des villes) pour suppléer le désengagement fédéral.

B. Le rôle, parfois controversé, des FTN et des ONG américaines en faveur de


l’environnement.

Étape 3 : rédiger la dissertation


Nous vous proposons la rédaction de l’introduction et de la conclusion qui demandent un soin particulier.

L’introduction

Rappel du contexte et Le 4 novembre 2020, les États-Unis se sont officiellement retirés de


des événements les plus l’accord de Paris sur le climat, signé en 2015. S’il résulte d’un choix du
récents. président Donald Trump, que son successeur Joe Biden va annuler dès
son investiture, cet événement marque tout de même les divisions et
les réticences voire l’hostilité de la nation américaine à s’engager au
niveau international pour la protection de l’environnement. Désignant
ici l’ensemble des réalités biophysiques dans lesquelles vivent les
sociétés humaines, qui interagissent avec elles, l’environnement est
Définition de aujourd’hui soumis à des pressions fortes (pollutions, épuisement ou
l’environnement. raréfaction de ressources, changement climatique), qui s’expliquent
largement par un système économique fondé sur la consommation
de ressources naturelles en quantité industrielle. Les États-Unis,
première puissance économique mondiale, constituent avec leur
Problématique American way of life l’image de ce modèle consumériste, ce pour quoi
les Américains sont parmi les plus importants émetteurs de gaz à effet
de serre aujourd’hui (4e rang mondial par habitant). Dès lors, l’impact
des États-Unis sur la protection de l’environnement est majeur, et la
question de savoir s’ils constituent une nation hostile à la protection
de l’environnement est cruciale. Comme nation et comme système
politique, les États-Unis sont, en fait, divers : ne doit-on pas penser
que tous les Américains, n’ont pas été et ne sont pas aussi hostiles
que leur actuel président à la protection de l’environnement ? Si
dans un premier temps, il faut reconnaître que le gouvernement
fédéral américain apparaît souvent, à l’échelle internationale,
réticent voire hostile à la protection de l’environnement, on peut
Annonce du plan : les
souligner toutefois que ce même gouvernement fédéral a également
connecteurs (soulignés)
pu s’engager, à différentes échelles, pour la protection de la nature ;
indiquent clairement les
enfin, il conviendra de montrer que d’autres acteurs américains
trois parties.
(États fédérés, FTN, ONG) participent également à la protection de
l’environnement.

114 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES


La conclusion

Synthèse et réponse à la En conclusion, il apparaît donc que les États-Unis sont une nation
problématique. divisée [États-désunis ?] sur la question de la protection de
l’environnement : si l’élection de Donald Trump en 2016 s’inscrit dans
une tradition hostile aux engagements internationaux, accordant
la priorité aux intérêts économiques, il serait trompeur de réduire
l’ensemble du pays à cette position. Dans le passé ou à d’autres
échelles, les États-Unis ont aussi été et sont encore des pionniers
de la protection de l’environnement. Sans doute peut-on analyser
le retrait de l’accord de Paris comme un signe de fébrilité, sinon
de faiblesse, du géant américain : au moment où les États-Unis
s’apprêtent à se mettre en marge de la communauté internationale,
Xi Jinping annonce des ambitions renforcées pour la Chine dans la
réduction des GES, s’attirant les félicitations de l’UE. Ne peut-on pas
y voir, comme le suggère l’historien Adam Tooze, un signe majeur de
Ouverture(s). la relégation et le rabaissement de la puissance américaine ? Même
sans les États-Unis, le reste du monde n’entend pas rester inactif
face au défi du changement climatique.
Autre ouverture possible : Pierre Charbonnier sur la nécessité
du débat/du conflit > protection de l’environnement n’atteint pas
également tous les intérêts, il est normal qu’elle suscite une
opposition, sinon c’est une protection en trompe-l’œil, insuffisante
(greenwashing). Paradoxalement, D. Trump réveille les consciences
dans le camp adverse : projet de green New Deal (protection de
l’environnement et redistribution des richesses contre les inégalités).
Autre ouverture possible : que veut-on dire vraiment par protection
de l’environnement ? développement durable (avec maintien de la
croissance économique) ou remise en cause plus fondamentale d’un
mode de vie hérité de l’industrialisation ?

Méthodologie de l’étude critique de document(s)

Principes
L’étude critique d’un ou deux documents est l’un des deux exercices proposés dans l’épreuve de la spécialité
histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques. Chaque sujet se compose d’un titre et d’un ou deux
documents de nature différente accompagnés d’une consigne, qui vise à orienter le travail du candidat. Un
nombre limité de notes explicatives peut également figurer. Dans cet exercice, vous devez aussi mobiliser
vos connaissances : l’étude de document(s) n’est pas plus « facile » que la dissertation. Enfin, n’oubliez
pas l’approche pluridisciplinaire de votre spécialité qui vous invite à discerner dans chaque document
les problèmes et les enjeux historiques et géographiques mais aussi politiques, économiques, culturels,
diplomatiques et stratégiques.

CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES 115


Étape 1 : lire et observer le(s) document(s) de manière critique
L’épreuve consiste à analyser de manière critique un ou deux documents en prenant appui sur la consigne
et à élaborer une problématique.
Voici quelques conseils méthodologies :
— Présentez les documents en identifiant :
— leur nature (article de presse, discours politique, essai, texte institutionnel, photo ou dessin de presse,
couverture de magazine, etc.),
— leur auteur (journaliste, expert, institution, militant, etc.),
— leur contexte (date, circonstances de la publication),
— leur visée : informer, argumenter, émouvoir, etc.
— Lisez plusieurs fois le(s) document(s) en soulignant les mots-clés et les formules importantes.
— Mettez en relation les documents avec le jalon, l’axe et la séquence qui lui correspondent.
— Analysez le point de vue de l’auteur du document, texte ou image. Est-il subjectif ou neutre ? Le
document cherche-t-il à témoigner, à dénoncer, à critiquer, à expliquer des faits ? L’image relève-t-elle
d’une propagande, d’une vision satirique, utilise-t-elle des symboles ? Comment est-elle composée ?
— Tentez de résumer en une phrase chaque document. Cela vous permettra d’avoir une vision synthé-
tique du sujet et d’affiner la problématique.

Étape 2 : trouver la problématique


Vous devez dégager la problématique posée par le(s) document(s) en vous appuyant sur la consigne.
Voici quelques conseils méthodologiques :
— Demandez-vous pourquoi on vous propose ces documents. Quel est leur intérêt ? Pourquoi les
confronter ? Dans quelles mesures ils prolongent la réflexion engagée dans votre cours ?
— Sélectionnez et hiérarchisez les informations.
— Comme pour la dissertation, vous devez énoncer la problématique dans l’introduction sous la forme
d’une question et y répondre dans la conclusion.
— La consigne doit vous aider à énoncer une problématique.

Étape 3 : rédiger l’étude de document(s)


La structure de l’étude de documents est plus simple que celle de la dissertation, même si vous devez
rédigez aussi une introduction, un développement et une conclusion.
Voici quelques conseils méthodologiques :
— Organisez votre étude en un développement de plusieurs paragraphes sans oublier l’introduction
et la conclusion.
— Présentez chaque document dans l’introduction avant d’annoncer la problématique.
— Comme pour la dissertation, montrez clairement l’enchaînement logique des idées et des
paragraphes.
— Évitez la paraphrase. C’est-à-dire ne vous contentez pas de recopier ou de réécrire des parties du
texte sans analyse ni explication.
— Vous pouvez (vous devez) citer le texte, une expression, une phrase, mais de façon parcimonieuse en
montrant que vous l’avez compris.
— Vous devez absolument montrer que vous avez compris le ou les documents et souligner l’intérêt
des documents.
— Gardez un regard critique sur les documents en les replaçant dans leur contexte. Nuancez les propos
et les idées qui s’y expriment.

116 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES


Exemple d’étude critique de document(s)

Sujet : L’ONU et la guerre du Golfe

En analysant le document et en vous appuyant sur vos connaissances, répondez à la question suivante : en quoi
la guerre du Golfe illustre-t-elle la réalité et les limites d’une paix fondée sur la sécurité collective ?

« Avec l'agonie de la guerre froide, dans la seconde moitié des années 1980, le Conseil de sécurité
sort de sa somnolence. Dès lors, ses résolutions, fondées sur le chapitre VII (maintien de la paix),
se multiplient et visent de très nombreux conflits, du Cambodge à l›ex-Yougoslavie, de la Somalie
à Haïti. […]
En 1990-1991, l’affaire du Koweït revêt une importance particulière : elle semble illustrer ce
que devrait et pourrait être un bon fonctionnement de l’ONU. En même temps, elle confirme les
difficultés insurmontables contre lesquelles est vouée à buter toute organisation institutionnelle
du maintien de la paix. […]
Par une succession de résolutions, le Conseil enferme l’Irak dans des sanctions de plus en plus
sévères et autorise même le recours à la force armée pour libérer l’Émirat de l’emprise irakienne
(résolution 678 du 29 novembre 1990). […]
Cependant, derrière la guerre du droit, se devinent les faiblesses du système onusien. L’unité du
Conseil, loin d’être un acquis irréversible, est le produit éphémère des circonstances. Les États-
Unis, le Royaume-Uni et la France, démocraties occidentales, très dépendantes du pétrole du
Moyen-Orient, ne peuvent que combattre l’agression irakienne. Mais l’URSS, elle, a longtemps
été la protectrice de l’Irak. Seulement, en 1990, la patrie du socialisme est moribonde et a un
besoin vital du soutien occidental ; d’où son adhésion à la décision de sanctionner l’Irak. Quant à
la Chine, son accord s’explique par le souci de se faire pardonner par l’Occident la répression de
Tian’anmen (1989).
Certes, les résolutions du Conseil encadrent la montée vers la guerre et son règlement. Elles
sont essentielles pour légitimer la mise au pas de l’Irak. Mais la guerre, elle-même, échappe au
Conseil de sécurité. Pour le « grand patron », les États-Unis, ce conflit reste son affaire exclusive.
L’ONU n’est en aucune manière associée aux opérations militaires.
C’est là un nouvel exemple de la contradiction fondamentale de l’Organisation : conçue pour
acquérir peu à peu le contrôle de la force armée, elle se révèle impuissante à surmonter la
volonté des États, et d’abord des plus puissants, de conserver jalousement cette maîtrise des
moyens militaires, cœur de leur souveraineté. »
Philippe Moreau Desfarges, « Les quatre âges de l’ONU », L’Histoire, septembre 2005 (n°305)

Rappel : L’épreuve consiste à analyser de manière critique un ou deux documents en prenant appui sur la
consigne et à élaborer une problématique.

CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES 117


Étape 1 : lire et observer le(s) document(s) de manière critique
Ce document traite d’un sujet développé dans la séquence 2 : « Faire la guerre, faire la paix : formes de
conflits et modes de résolution », en particulier dans le jalon 2 de l’axe 2 (Faire la paix par la sécurité
collective : les actions de l’ONU sous les mandats de Kofi Annan (1997-2006) et dans le jalon 2 de l’objet de
travail conclusif (Les deux guerres du Golfe (1991 et 2003).

— Présentation du document :
– sa nature : il s’agit de l’extrait d’un article paru dans L’Histoire, un magazine de vulgarisation
scientifique.
– son auteur : Philippe Moreau Desfarges est un politologue spécialiste de la géopolitique.
– son contexte : l’article est paru en 2005, deux ans après le commencement de la guerre d’Irak.
– sa visée est critique et argumentative : l’auteur réfléchit au rôle de l’ONU dans la conduite de
cette guerre et souligne son impuissance à tempérer l’hégémonie américaine.
— Relevé des mots clés et des « idées fortes » du document :
– Maintien de la paix, ONU, États-Unis, après-guerre froide, difficultés insurmontables, succession de
résolutions, faiblesses du système onusien, légitimer la guerre…

Étape 2 : trouver la problématique


Vous devez dégager la problématique posée par le document en vous appuyant sur la consigne : En analysant
le document et en vous appuyant sur vos connaissances, répondez à la question suivante : en quoi la guerre du
Golfe illustre-t-elle la réalité et les limites d’une paix fondée sur la sécurité collective ?
— La problématique est ici clairement exprimée : « En quoi la guerre du Golfe illustre-t-elle la réalité et
les limites d’une paix fondée sur la sécurité collective ? »

Étape 3 : rédiger l’étude de document(s)


La structure de l’étude de documents est plus simple que celle de la dissertation, même si vous devez
rédigez aussi une introduction, un développement et une conclusion.

Introduction : Dans un article de vulgarisation scientifique publié en 2005, c’est-à-


dire après le déclenchement de la guerre d’Irak (2003) et alors que le
Présentation du document
conflit s’enlise, le diplomate et politologue français Philippe Moreau
(source, auteur, contexte).
Desfarges retrace l’histoire de l’ONU, peut-être à l’occasion de son 60e
Résumé de la thèse de anniversaire. Dans l’extrait proposé, il évoque précisément la période
l’auteur. correspondant à la fin de la guerre froide et à la guerre du Golfe :
Problématique pour lui, cette dernière illustre sans doute une réussite de la sécurité
collective, c’est-à-dire d’une paix fondée sur la coopération entre États
et sur le respect du droit international, mais elle en révèle également
les limites. En quoi la guerre du Golfe illustre-t-elle la réalité, mais
aussi les limites d’une paix fondée sur la sécurité collective ?

118 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES


1er Paragraphe L’auteur rappelle tout d’abord que durant la guerre froide, l’ONU a
connu une période de « somnolence ». En effet, les procédures fixées
— rappel historique :
en 1945 confient à un « Conseil de sécurité » de quelques membres
l’ONU et son blocage
les prises de décision les plus importantes, notamment celles qui
pendant la Guerre froide,
concernent les sanctions, le règlement des différends (chapitre VI)
le Conseil de sécurité et le
et l’utilisation de la force (chapitre VII). Or, cinq États considérés
droit de veto.
comme vainqueurs en 1945 – ceux-là même que l’auteur nomme
– disposent d’un siège permanent dans cette institution, ainsi que
d’un droit de veto : aucune résolution ne peut être adoptée sans leur
accord unanime. Dans le cadre de la « guerre froide », l’opposition des
deux superpuissances, États-Unis et URSS, a largement entravé le
fonctionnement du Conseil de sécurité, chaque puissance s’opposant
le plus souvent aux propositions de son adversaire.

2e Paragraphe Dans ce contexte, « l’affaire du Koweït » illustre au contraire un


« bon fonctionnement » de l’ONU, et surtout du Conseil de Sécurité.
— rappel historique : la
En effet, après l’annexion du Koweït par Saddam Hussein en août
Première guerre du Golfe,
1990, le Conseil prend immédiatement une première résolution
les résolutions de l’ONU
dénonçant cette invasion comme contraire aux principes du droit
et l’intervention militaire
international : en effet, le Koweït est un État souverain depuis 1961,
légitimée par le droit
et membre de l’ONU. Les justifications de Saddam Hussein, qui
international.
conteste la légitimité historique de l’existence du Koweït, créé par et
pour les Britanniques, et qui cherche à se payer de l’effort de guerre
consenti dans la guerre contre l’Iran islamique (1980-1988), ne sont
pas entendues. La « succession de résolutions » s’explique par une
volonté de privilégier d’abord la négociation et les discussions, mais
l’entêtement de Saddam Hussein aboutit à autoriser le recours à
la force, dans la résolution « 678 du 29 novembre 1990 », fixant un
ultimatum au retrait des troupes irakiennes le 15 janvier. C’est bien
en vertu de cette résolution que l’intervention militaire est lancée le
16 janvier, qui aboutit rapidement à la libération du Koweït par une
coalition internationale. C’est bien au nom du droit international
que se fait l’intervention : un petit État a ainsi obtenu le soutien de
la communauté internationale et d’une coalition militaire composée
d’une trentaine d’États pour recouvrer le contrôle de son territoire,
son indépendance et sa souveraineté.

3e Paragraphe Néanmoins, cette « guerre du droit » n’est pas un modèle parfait de


sécurité collective. Ph. Moreau Desfarges insiste notamment sur le
— thèse de l’auteur : une
caractère circonstanciel de l’accord des 5 Grands : les démocraties
guerre menée pour le
occidentales agissent aussi pour sécuriser leur accès au « pétrole » –
pétrole, profitant de la
de fait l’annexion du Koweït donne à l’Irak un contrôle sur 1/3 des
faiblesse de l’URSS et de
réserves connues d’or noir ; l’URSS et la Chine connaissent des
la Chine.
difficultés internes qui expliquent leur ralliement. De manière plus
— pour aller plus loin : le générale, et au-delà de ce qu’évoque l’auteur, on peut souligner que
droit de veto rend difficile le maintien d’un veto pour les grandes puissances est une atténuation
l’application du droit inter- très nette des principes de la sécurité collective : comment en effet
national. une résolution pourrait-elle être adoptée si l’une de ces grandes
puissances enfreint le droit international ? On a là une rémanence
d’un système de paix fondé sur l’équilibre des puissances, et non pas
seulement sur le pur et simple respect du droit.

CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES 119


4e Paragraphe Cette prépondérance des grandes puissances s’explique en réalité par
leur rôle militaire décisif : faute d’armée propre, l’ONU est dépendante
— Déséquilibre des forces
des moyens militaires des États membres, et notamment de ceux des
entre l’ONU et les États-
plus puissants pour faire valoir le droit. Ainsi, les États-Unis, désignés
Unis.
comme « grand patron » dans le document, occupent-ils une place
majeure dans la guerre du Golfe, puisque leurs soldats représentent
plus de ¾ des forces mises à contribution pour la libération du Koweït.

5e Paragraphe De plus, le diplomate insiste sur le fait que la conduite de la guerre


« échappe au Conseil de sécurité » : s’il y bien un droit à la guerre
— Limites de la « guerre
(jus ad bellum), le droit dans la guerre (jus in bello) échappe largement
propre » qui respecte le
à l’ONU. Le bombardement de l’armée irakienne sur le territoire
droit.
irakien, alors même qu’elle était en train de se replier (épisode de
« l’Autoroute de la mort », 26 février 1991) illustre les limites d’une
guerre propre, respectueuse des coutumes du droit de la guerre.

Enfin, on peut rappeler que les « sanctions » économiques (embargo,


e
6 Paragraphe
interdiction pour l’Irak de vendre son pétrole) se sont poursuivies
— Droit international
après la fin de la guerre, au nom du maintien d’une menace potentielle
bafoué également par le
pour la paix. Ces sanctions ne sont levées qu’après l’invasion de l’Irak
maintien des sanctions
en 2003, au mépris du droit international, par les États-Unis et leurs
sur l’Irak.
alliés.

Conclusion Ainsi, la guerre du Golfe illustre bien la tentative de réaliser une


paix fondée sur la sécurité collective, mais également ses limites :
Synthèse du document
l’ONU n’est pas toute puissante, mais au contraire dépendante de la
étudié.
volonté des grandes puissances. Les critiques de Philippe Moreau
Recul critique par Desfarges sont donc tout à fait pertinentes. Néanmoins, on peut se
rapport à la thèse demander si son interprétation des limites de l’action de l’ONU lors de
développée dans le la guerre du Golfe ne s’appuie pas en réalité sur les échecs ultérieurs
document : de l’organisation, aussi bien en ex-Yougoslavie ou au Rwanda qu’à
— comparaison avec nouveau en Irak en 2003, lorsque les États-Unis et leurs alliés
d’autres conflits contem- envahissent le pays en dehors de toute décision du CS. Dans les deux
porains où l’ONU a joué un premiers cas, c’est plutôt l’évolution des conflits (d’interétatiques à
rôle. (Notions abordées en intraétatiques) plus que la nature de l’ONU elle-même qui explique
cours). les difficultés. Surtout, est-il réaliste d’envisager que les grandes
puissances renoncent d’elles-mêmes à l’avantage que leur confère
— appréciation nuancée de précisément leur puissance et leur contrôle de la force militaire ? Sans
l’action de l’ONU pour la doute l’ONU réalise-t-elle une sécurité collective encore imparfaite,
sécurité collective illustrée dans un monde partiellement démocratisé et très inégalement
par une citation (donnée développé… Mais faute d’avoir créé le paradis, elle a sans doute
dans le cours) d’un ancien contribué à « éviter l’enfer » comme l’évoquait déjà l’ancien secrétaire
secrétaire général. général Dag Hammarskjöld.

120 CNED – TERMINALE – HISTOIRE GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE, SCIENCES POLITIQUES


CRÉDITS PHOTOGRAPHIQUES

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