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HGGSP 1 COMPRENDRE UN REGIME POLITIQUE LA DEMOCRATIE

AXE 1 DEMOCRATIE DIRECTE ET DEMOCRATIE REPRESENTATIVE

Introduction : Né dans l’Antiquité, l’exercice de la démocratie pose de nombreuses


questions sur les rapports entre la population, le démos et le pouvoir, le kratos. Posée
en modèle à Athènes avec le fonctionnement de l’Ecclésia, la démocratie directe en
est l’une des formes les plus anciennes. Pour les Philosophes des Lumières,
contemporains des révolutions atlantiques, la question du pouvoir politique devient centrale. Benjamin Constant,
philosophe et penseur politique français incarne parfaitement ce débat qui oppose les différentes formes de
démocratie.
Problématique : Quels sont les enjeux du débat entre démocratie directe et démocratie représentative ?

I. Une démocratie directe mais limitée, être citoyen à Athènes au Ve siècle


avant J.C
A. La construction de la démocratie directe à Athènes.
L’isonomie athénienne : vers 508 av. J.-C., Clisthène, un homme politique athénien, réforme la société athénienne
pour mettre en place l’isonomie, c’est-à-dire l’égalité civique et politique de tous les citoyens. Le territoire est découpé
en circonscriptions, les dèmes et les trytties. La population est répartie en dix tribus, regroupant des trytties des
différents territoires de l’Attique. La vie citoyenne et politique des Athéniens se fait dans son dème. Lors des fêtes
civiques comme les Panathénées, les citoyens sont regroupés en tribus. La tribu devient l’unité de base de l’exercice
politique : les élus sont choisis ou tirés au sort dans chaque tribu. A Athènes, la citoyenneté est un privilège qui donne
des droits. Ces droits sont politiques (participer à la vie politique, élire et être élu), juridiques (isonomie) et
économiques (accès à la propriété). La citoyenneté implique aussi des obligations, notamment dans le domaine
militaire (participation à la défense de la cité) et religieux (participation aux fêtes religieuses).
Devenir citoyen à Athènes : Pour acquérir la citoyenneté, les jeunes Athéniens doivent effectuer l’éphébie (formation
militaire et civique) et prêter serment de défendre la cité. La citoyenneté pleine et entière est donc réservée aux
hommes libres de plus de 18 ans. Les femmes athéniennes possèdent une citoyenneté incomplète. Elles n’ont pas de
droits politiques et leurs droits juridiques sont très limités. Elles n’en demeurent pas moins des membres de la
communauté qui ont un rôle majeur dans la transmission de la citoyenneté à leurs enfants. En effet, à partir de la
réforme de Périclès en 451 avant JC, il faut être né de deux parents athéniens pour pouvoir être citoyen. Les femmes
occupent aussi une place centrale dans la pratique religieuse comme en témoigne la frise des Panathénées.

B. L’exercice de la démocratie directe.


La démocratie athénienne est une démocratie directe. Elle implique la participation de tous les citoyens aux
institutions et repose sur une assemblée, l’Ecclésia, qui se réunit sur la colline de la Pnyx. Les citoyens y débattent,
votent la loi, l’ostracisme (condamnation d’un citoyen à un exil de dix années), tirent au sort et élisent les magistrats.
Chaque citoyen a le droit à la parole à tout moment et à tous propos, c’est le principe de l’isegoria. A l’Ecclésia, une
clepsydre permet de contrôler le temps de parole de chaque citoyen.
L’égalité est assurée par le tirage au sort : Le conseil de la Boulé est formé de 500 citoyens, tirés au sort par l’Ecclésia
pour un an. Il examine les projets de lois avant de les proposer à l’Ecclésia. L’Héliée est le tribunal de la cité et ses
membres sont également tirés au sort. Seuls les magistrats les plus importants, à l’image des stratèges, sont élus par
l’assemblée, pour un an. Une indemnité, le misthos, est mise en place afin de faciliter la participation à la vie politique
pour les citoyens les plus pauvres. La plupart des charges étant annuelles et non cumulables, tous les citoyens exercent
au moins une fois une fonction politique dans leur vie. Comme le rappelle Aristote, avec le principe de l’isegoria
(égalité), « le gouvernement est exercé sur chacun par tous, chacun, tout à tour, gouvernant tout le monde ».
Une communauté civique hiérarchisée : si la démocratie athénienne reconnaît le principe d’égalité de droits entre les
citoyens, le régime ne reconnaît pas d’égalité sociale. En effet, les citoyens sont classés dans quatre classes censitaires
(répartition des citoyens dans différents groupes en fonction de leurs richesses) qui définissent leur implication dans
la vie de la cité. Ainsi les riches citoyens sont élus aux magistratures les plus importantes et doivent financer des
liturgies qui leur permettent de se distinguer dans la cité. Les citoyens les plus modestes servent comme rameurs. S’ils
peuvent participer aux séances de l’Ecclésia, celle-ci reste majoritairement fréquentée par des citoyens urbains riches.

C. Le citoyen athénien, une notion en débat.


Une vie civique qui ne se limite pas aux citoyens : Les citoyens ne forment que 10 à 15 % de la population athénienne,
soit 30 000 à 40 000 personnes. Pour autant, la participation à la vie de la cité n’est pas réservée aux citoyens
athéniens :
- Les métèques sont soumis à des obligations qui les font participer à la vie et à la défense de la cité. Certaines
sont financières (impôt personnel, liturgies pour les plus riches), d’autres militaires : les riches métèques
servent comme hoplites (fantassin), les pauvres comme rameurs. Les métèques les plus fortunés peuvent
devenir des personnalités importantes de la cité et peuvent posséder des terres. Ils ne peuvent cependant pas
obtenir la citoyenneté.
- Enfin, 1 000 à 2 000 « esclaves publics » gèrent les administrations. Ils organisent le tirage au sort des juges,
gèrent les archives, tiennent les comptes de certaines magistratures ou encore sont chargés de la police.
Aristote et la vision politique du citoyen : La vision de la citoyenneté athénienne qui a longtemps prévalu est celle
d’Aristote. Pour le philosophe grec, le citoyen athénien se limite à celui qui exerce le pouvoir politique et qui participe
à la vie de la cité. Il restreint donc la citoyenneté aux hommes adultes de plus de 18 ans, excluant les femmes, les
enfants, les métèques et les esclaves. Dans sa vision idéale du citoyen, celui-ci participe et s’implique dans la vie de la
cité et la vie politique prime sur le reste. Cette vision de la citoyenneté comme un geste politique est reprise par de
nombreux penseurs libéraux du XIXe s comme Benjamin Constant qui fait l’éloge de « la liberté des Anciens » fondée
sur la participation active des citoyens dans la démocratie directe.
Une vision plus nuancée de la citoyenneté : Dans la seconde moitié du XXe siècle, les historiens mettent en évidence
l’importance de la religion dans la citoyenneté athénienne à travers les fêtes civiques. Ainsi, durant les Panathénées,
fête dédiée à la déesse protectrice de la cité Athéna, chacun à une place bien précise : les citoyens mènent le cortège,
mais les citoyennes sont présentes, ainsi que les métèques. Ce sont les femmes qui jouent un rôle majeur puisque la
cérémonie est guidée par la grande prêtresse d’Athéna suivie de jeunes filles qui portent la tunique brodée d’or offerte
à la statue d‘Athéna, le péplos. Les fêtes civiques témoignent de l’importance accordée au fait religieux dans le
fonctionnement de la cité et d’une citoyenneté à différents niveaux.
II. Participer ou être représenté : Benjamin Constant, « liberté des Anciens,
liberté des Modernes ».
A. Benjamin Constant, penseur libéral du XIXe s.
Le renouveau de la démocratie : Les XVIIe et XVIIIe siècles sont marqués par le renouveau démocratique dans un
monde dominé par les monarchies européennes. L’Angleterre est l’une des premières nations occidentales à amorcer
le long chemin vers la démocratie avec la rédaction de deux textes démocratiques garantissant des libertés
fondamentales :
• l’Habeas Corpus qui interdit les arrestations arbitraires en 1679
• la Déclaration des Droits ou Bill of Rights qui partage les pouvoirs entre le Parlement et le souverain en 1689.
En 1787, à la suite de la révolution américaine, la jeune république des États-Unis d’Amérique élabore une constitution
basée sur le modèle démocratique qui instaure la liberté et l’égalité devant la loi dans un système de démocratie
libérale représentative, c’est-à-dire fondé sur le respect des libertés fondamentales et la représentation des citoyens
dans le cadre d’une assemblée de représentants élue qui exercent la souveraineté.
Les Lumières et la démocratie : La question de la démocratie et de la représentation politique intervient dans les
débats philosophiques des XVIIe et XVIIIe s incarnés par les philosophes des Lumières. En Angleterre le philosophe
John Locke attire l’attention sur l’importance des libertés individuelles et se pose en pionnier du libéralisme. En France,
Montesquieu, énonce le principe de séparation des pouvoirs comme critère essentiel d’un régime démocratique. Jean-
Jacques Rousseau, de son côté, défend le principe de la démocratie directe. Né en Suisse en 1763, Benjamin Constant
est un penseur politique et philosophe issu du mouvement des Lumières. Il anime avec Madame de Staël, la fille de
Necker, un groupe de réflexion sur la révolution française à Coppet en Suisse. Un temps soutien de Napoléon,
Benjamin Constant est avant tout un républicain et un libéral. Opposant à la Restauration, il est élu en 1819 député
de l’opposition de gauche libérale durant la Restauration

B. Une démocratie basée sur les libertés et la représentation.


« De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes » : Benjamin Constant est témoin de la Révolution
française et de l’Empire et de leurs dérives autoritaires qui alimentent sa réflexion sur l’exercice du pouvoir en
politique. Il la développe publiquement dans son discours prononcé à Paris en 1819 « De la liberté des Anciens
comparée à celle des Modernes ». Pour lui, la liberté des Anciens repose sur la participation des citoyens au
gouvernement de la cité et à la défense de l’autonomie de celle-ci. Elle exige donc du temps et implique une volonté
de participer à la politique. Pour lui, la révolution française a échoué car elle a voulu s’appuyer sur la vision antique de
la démocratie (Rome, Athènes). En revanche la liberté des modernes, définie par les révolutions anglaises et
américaine repose sur la protection des droits des individus. La liberté des Modernes se traduit donc par des libertés
individuelles : détenir une propriété, travailler et commercer, penser (liberté religieuse, d’expression…).
Un plaidoyer pour la démocratie représentative : Pour Constant, l’abandon de la démocratie directe au profit du
gouvernement représentatif s’explique donc également par la transformation de la société. Les citoyens, évoluant
dans une société orientée vers la recherche de la prospérité et du bien-être matériel, sont accaparés par l’activité
économique et n’ont plus le temps pour participer à la vie politique. Constant considère alors que la représentation
est la forme moderne de la démocratie puisque les hommes préfèrent leur vie privée à l’engagement politique. Il est
donc logique qu’ils délèguent à des représentants élus à la majorité le pouvoir d’agir publiquement à leur place.
Néanmoins, Constant alerte sur les dérives possibles d’une société où les citoyens, préférant jouir de leurs libertés
individuelles, se désintéresseraient des questions de société et abandonneraient leur pouvoir politique. Il est donc
nécessaire d’aboutir à un équilibre entre liberté politique et liberté individuelle. Au début du XIXe siècle, les libéraux
pensent que seule une élite de l’argent ou des talents est capable de décider et imposent alors leur conception
du suffrage censitaire.

C. Penser la démocratie aujourd’hui.


Un modèle en crise ? A partir des années 1980, la montée des inégalités économiques et sociales engendre une
nouvelle crise du modèle de la représentativité. Les citoyens ne se sentent plus représentés de manière juste par leurs
élus et les démocraties libérales sont accusées de réduire la souveraineté du peuple au profit des élites dirigeantes.
Le mouvement des Indignés en Espagne en 2011, celui des gilets jaunes fin 2018 en France, soulignent la volonté d’un
retour à une démocratie directe d’une partie de l’opinion publique. L’essor des démocraties illibérales sur le modèle
de la Hongrie de Victor Orban et la montée en puissance des mouvements d’extrême droite en Europe ont accentué
la sensation de crise du modèle de démocratie représentative.
De nouvelles formes de démocraties : de nouvelles pratiques démocratiques se développent pour replacer les
citoyens au cœur des décisions :
- La multiplication des pratiques de démocratie directe (assemblées locales, référendum d’initiative citoyenne)
comme en Suisse où les fréquentes consultations des citoyens associent plus activement la population à la
prise de décision politique, même si la forte abstention de certaines votations montre la limite du principe.
- Le développement de la démocratie participative est important depuis la fin des années 1990. A l’échelle
locale, les collectivités sont amenées à développer conseils de quartiers et budgets participatifs. Les
conventions citoyennes qui tirent au sort des citoyens pour proposer des réformes de société se multiplient.
En France, la Convention Citoyenne pour le Climat a suscité un véritable engouement mais l’absence
d’application de certaines décisions par le gouvernement ou certaines propositions parfois jugées excessives
par l’opinion publique ont posé des limites importantes à ce modèle.

Conclusion : Benjamin Constant, en opposant démocratie directe de l’Antiquité et démocratie moderne du XIXe s a
montré que la démocratie est avant tout un idéal, un projet politique qui s’adapte à la société. Marqué par une crise
profonde, le modèle de la démocratie représentative se réinvente, notamment au travers d’expériences de
démocratie directe participative. Il existe aujourd’hui des territoires à Barcelone, Helsinki ou Reykjavik où la
participation est parvenue à s’imposer comme un mode de gouvernance ordinaire et où des expériences ont permis
une véritable influence des citoyens sur la réalité politique.

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