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Chapitre 2 : L’héritage romain.

D’abord quelques considérations sur la cité grecque, dans la mesure où l’étude de


la société Rome permet de percevoir les réalités de la culture grecque en matière
étatique.

ème ème
En effet, entre le 6 et le 4 siècle av. J-C, les historiens situent l’apogée de la
civilisation grecque.

La Grèce, constituée d’une multitude de cités indépendantes, a conquis l’Asie


Mineure, l’Italie, la Sicile, la Gaule, notamment.

Si les romains sont qualifiés de peuple de juristes, véritables techniciens du droit,


quant aux grecs, ils sont perçus comme étant plus philosophes que juristes, en
raison de leur mode de pensée intellectuelle.

Les institutions grecques sont :

• Assemblée populaire qui élit les magistrats ;


• Conseil restreint et
• Magistrats qui exercent le commandement sous le contrôle de
l’assemblée et du conseil.

• Organisation grecque : consacre la participation effective de l’individu au


gouvernement de la cité

Ensuite, qu’en est-il de Rome ?

1
Elle présente un héritage, comportant des éléments de droit public et des aspects
de droit privé.

C’est pourquoi, en suivant les grandes classifications du droit, nous allons


distinguer le droit public du droit privé.

Section 1 : L’héritage romain en droit public.

En droit public, la contribution romaine se traduit, au-delà de la période étrusque,


comme pratiquement dans tous les autres aménagements politiques de l’antiquité,
par l’organisation de la cité et celle de l’empire.

Un vaste territoire et un pouvoir unique et absolu permettent de définir l’empire,


à l’instar de la civilisation égyptienne.

La cité correspond à un ensemble territorial plus restreint, à un régime politique


basé sur une distinction plus accentuée entre citoyens et étrangers.

Nous avons vu que l’organisation grecque est un exemple certain, en ce sens


qu’elle a consacré la participation effective de l’individu au gouvernement de la
cité.

A Rome, la cité a donné naissance à l’empire (la monarchie), en passant par le


régime républicain.

2
Paragraphe 1 : Le régime républicain.

• Platon (429-347), auteur de « La République », qui a développé la


sophocratie, c’est à dire l’exercice du pouvoir par les sages ;
• Aristote (384-327), auteur de « La Politique », qui a soutenu la
justice et la vertu, comme bien commun de la société.

Indiquons quelques considérations sur la Royauté (753-509 av JC) qui, avant la


République, constituait la forme de gouvernement composée d’un roi et des
membres des grandes familles, en tant que conseils.

D’où la naissance des assemblées populaires romaines.

Aussi, il y a lieu de souligner l’institution d’une classe politique par Tarquin


l’ancien, le Superbe et Servius Tullius (civilisation des étrusques).

Comme chez les grecs, les romains considèrent la res publica comme étant la
chose publique.

Seulement cette conception était mise en pratique dans la cité, un faible territoire
à population réduite. De même la participation de tous nécessite des institutions
adaptées.

En 509, suite à la révolution qui a chassé les rois étrusques à Rome, les patriciens
viennent monopoliser l’exercice du pouvoir politique.

3
Toutefois, la plèbe réclamera l’égalité des pouvoirs pour une ouverture plus large
de participation aux affaires publiques, d’où la notion de citoyens, encore appelés
quirites.

Comment acquiert – on la citoyenneté à Rome ? Le régime républicain est-il


démocratique ?

Pour répondre à ces questions, il convient d’étudier la qualité de citoyen romain


et l’exercice du pouvoir à Rome.
A/ La qualité de citoyen romain :

Dérivé du latin « Civis »1, le mot « citoyen » traduit, dans l’Antiquité gréco-
romaine, le statut d’homme libre et l’appartenance à la communauté politique.
Donc, la qualité de citoyen romain implique la participation à la vie publique2.

Aristote peut ainsi écrire que « l’homme est par nature un animal politique »3.
Néanmoins si chez les grecs, la citoyenneté vise l’appartenance à une
communauté, à une entité territoriale, à Rome la citoyenneté correspond à un
ensemble de droits et de devoirs en fonction de la condition de la personne. Par
conséquent, pour y accéder il faut un certain nombre de conditions.

1
Dictionnaire historique de la langue française (sous la direction d’Alain Rey), Paris, Robert Laffont, 1998 ; Blaise
Alfred Ngando, La présence française au Cameroun (1916-1959). Colonialisme ou mission civilisatrice ? Thèse
de doctorat, Droit, soutenue à AIX-MARSEILLE III le 4 décembre 2006, p. 13 et s.
2
Jean Gaudemet, Les institutions de l’Antiquité, Paris, Montchrestien, 7 e édition, 2002 ; Michel Humbert,
Institutions politiques et sociales de l’Antiquité, Paris, Dalloz, 6 e édition, 1997.
3
Aristote, La politique, I, 2, 1253 a.

4
1° Les conditions d’acquisition de la citoyenneté romaine.

Le premier critère de détermination de la citoyenneté est d’abord le lien du sang


(jus sanguinis), c’est-à-dire, être né d’un parent citoyen4.

Toutefois, les femmes et les enfants mineurs ne pouvaient pas participer à la


gestion des affaires politiques de la cité5.

Quant aux pérégrins, ils n’avaient même pas le droit de la cité, a fortiori les
esclaves dépourvus, à cet effet, de toute protection juridique.

Mais finalement, la société évoluant, les romains ont admis l’acquisition de la


citoyenneté par concessions individuelles ou collectives.

C’est ainsi qu’en 88 avant J. –C. tous les habitants des villes alliées d’Italie ont
obtenu, après la « guerre sociale », la citoyenneté.
L’ouverture à la citoyenneté a été plus large sous le régime impérial, avec
l’empereur Caracalla en 2126.

Voici comment le Président Léopold Sédar Senghor magnifie la politique


d’assimilation de Rome :

« Rome, en édifiant une solide unité politique après avoir conquis la


Méditerranée, en conférant à tous les hommes libres la citoyenneté romaine, a

4
En réalité la femme n’est prise en compte que dans le cadre de la loi pérégrine. En Grèce, tous les deux parents
doivent être de citoyens athéniens (réforme de Périclès de 451 avant J. –C.).
5
A Athènes, les femmes, les étrangers, les métèques et les esclaves sont exclus de la citoyenneté. Voir à ce sujet,
Georges Rougemont et Pierre Pellegrin, « Cité grecque », in : Dictionnaire de l’Antiquité (sous la direction de Jean
Leclant), Paris, PUF, 2005, pp. 504-506.
6
Ainsi tous les hommes et femmes libres bénéficient de la citoyenneté. A ce sujet lire Jean Gaudemet, Les
Institutions de l’Antiquité, op. cit. Du même auteur, Les naissances du droit, Le temps, le Pouvoir et la Science au
service du droit, Montchrestien, Paris, 1997. Egalement Michel Humbert, Institutions politiques et sociales de
l’Antiquité, op. cit.

5
été le premier Etat à concevoir l’idée nationale par-delà les races, les religions,
les continents. Elle a su traiter des peuples vaincus en associés, en alliés, en
leur accordant le droit de la cité. Cette politique d’assimilation a,
jusqu’aujourd’hui, fait, de la langue latine et du droit romain, des instruments
efficaces de la mission civilisatrice »7.

Cela dit, la citoyenneté se définit, en principe, comme un ensemble de droits et de


devoirs.

2° Les droits et devoirs des citoyens romains.

Les droits et devoirs des citoyens romains s’analysent en des avantages et


obligations.

En ce qui concerne les avantages, la qualité de citoyen offre la faculté de participer


aux affaires publiques, notamment en accédant à la magistrature (jus honorum)
et en siégeant dans les assemblées.

Aussi le citoyen romain avait-il le jus civil, le droit de la cité ou droit quiritaire.

Ainsi, par exemple, seuls les citoyens ou les quirites, avaient le droit de plaider
devant les juridictions8.

A côté de ce droit civil9, il existe un droit commun dérivé des conquêtes


coloniales, et que les romains partagent avec tous les autres peuples.

7
Discours prononcé le 14 janvier 1980 à Rome au cours de la cérémonie organisée par le Maire de la capitale
italienne pour la remise à Léopold Sédar Senghor du titre de « citoyen romain », en la présence du Président de la
République, Sandro Pertini.
8
Les étrangers ou clients, comme les métèques athéniens, auront plus tard le droit de se marier suivant la loi
romaine (conubium) et celui de contracter (commercium) avec les citoyens romains.
9
A ne pas confondre avec le droit civil, en tant que branche du droit privé, car il s’agit de l’ensemble du droit des
citoyens.

6
Il s’agit du jus gentium, « étendu à l’ensemble du genre humain et dont tous les
hommes pouvaient se prévaloir comme membres d’une communauté juridique
universelle »10.

Ce droit commun, en dépassant le simple cadre d’un droit commun aux hommes,
devient à partir du 16e siècle le droit des relations internationales, plus précisément
le droit international public permettant de régir les rapports entre les Etats 11.

Les avantages inhérents à la qualité de citoyen impliquent étroitement par voie de


réciprocité certaines obligations.

En fait, tout citoyen romain est en temps de guerre un militaire12.

Ainsi l’obligation militaire se confonde avec la fonction politique, d’où


l’organisation militaire des assemblées centuriates.

Autre obligation du citoyen, c’est le paiement de l’impôt (tributum).

Qui plus est, les censeurs étaient chargés de veiller au respect des mœurs par les
citoyens, y compris la discipline religieuse.

10
L’expression est de Jean-Louis THIREAU, op. cit., p. 22, qui cite à la page 351 la vente comme un modèle de
contrat de droit commercial international. Ce droit a été étudié profondément par les jurisconsultes avertis,
notamment Ulpien et Gaius.
11
Cette discipline est enseignée en 3e année de licence à la faculté des sciences juridiques et politiques de Dakar.
12
L’actualité internationale informe que les anglais souhaitent indemniser les citoyens, dont un mineur de 17 ans,
qui avaient été fusillés pour avoir refusé de s’engager dans l’armée au moment de la guerre.

7
C’est dire qu’un citoyen qui violerait les usages de la cité, s’exposerait à des
sanctions, consistant, par exemple, en amendes, privation des droits politiques et
des marques d’infamie.

Nonobstant la qualité de citoyen romain, et à défaut d’ostracisme 13, les romains


étaient soumis à la dure autorité des magistrats dans le cadre de l’exercice du
pouvoir républicain.

Toutefois, le tribunat de la plèbe est un instrument juridique permettant de garantir


la liberté des citoyens.

C’est en étudiant l’exercice du pouvoir à Rome que nous verrons dans quelle
mesure la Rome républicaine a pu protéger le citoyen contre les pouvoirs des
magistrats romains.

B/ L’exercice du pouvoir à Rome :

L’exercice du pouvoir à Rome a été monopolisé par les praticiens jusqu’à la


révolution plébéienne qui a abouti à l’intégration de la plèbe, avec notamment
l’acquisition de la citoyenneté romaine, les mariages mixtes (loi Canueleia en
445), la création du tribunat, des édiles et de l’assemblée de la plèbe.

Aussi, au-delà de la révolution patrico-plébéienne, le mécanisme institutionnel


romain (1°) a séduit beaucoup les historiens du droit qui ont eu à l’analyser (2°).

1° Le mécanisme institutionnel.

13
D’après la doctrine « Clisthénienne » (de Clisthène, fondateur de la démocratie), cette institution permet à
l’assemblée du peuple de bannir secrètement tout citoyen nuisible à la société.

8
Pendant la République romaine l’exercice du pouvoir politique a été partagé entre
plusieurs organes ayant chacun ses propres compétences : assemblées du peuple
ou comices, la magistrature et le sénat.

A cela s’ajoutent les institutions plébéiennes.

a/ Les assemblées du peuple :

Le rôle des assemblées a été d’apprécier la qualité des lois initiées par les
magistrats14.

En effet, contrairement à l’assemblée populaire grecque, les citoyens sont


constitués en groupes, c'est-à-dire répartis entre les différentes assemblées qui
forment des unités de votes.

Quel que soit le nombre de membres composant l’assemblée, celle-ci compte une
voix.

Les assemblées étaient au nombre de trois : curiates, tributes et centuriates.

Les assemblées ou comices curiates remontent à l’époque de la royauté romaine,


d’où le vote de la lex de imperio, l’impérium, le droit de commander des
magistrats.

L’organisation des comices tributes se fonde sur le système territorial en tribus,


c’est à dire des circonscriptions rurales et urbaines. Ces comices, répartis en tribus

14
En principe, le citoyen romain y participe à l’âge de dix-sept ans.

9
urbaines (4) et tribus rustiques (31), sont chargés d’élire les magistrats inférieurs
et de voter les lois.

Les comices centuriates comprennent, quant à eux, cent quatre-vingt-douze


centuries regroupées en cinq classes et une centurie hors classe de prolétaires.

Le fonctionnement de cette assemblée repose sur deux critères, l’armée et la


fortune, ce qui favorise les centuries des chevaliers.

Les magistrats supérieurs sont élus par ces assemblées.

Mais, la convocation des comices centuriates et l’initiative de la loi appartiennent


à ces magistrats, quand bien même l’approbation relève de la compétence du
sénat.

De plus, la fonction de juger (provocatio ad populum) est partagée entre le peuple


et les magistrats.

b/ La magistrature :
Les magistrats ou honores sont chargés de l’administration et du commandement
de la cité15.

En théorie, ils ont pris la place des rois étrusques, ce qui explique l’importance
des attributions et pouvoirs qui leur sont dévolus, à savoir la potestas (la faculté
d’agir et d’exécuter les décisions, l’aptitude à agir au nom de l’Etat), et
l’impérium, qui est un pouvoir de commandement civil et militaire.

15
En provinces, ils prennent le titre de promagistrats, lorsque le mandat de la magistrature ordinaire est terminé.

10
A l’origine, ils sont coptés à l’origine par les magistrats qui sortaient de charge,
ensuite, ils sont désignés par le peuple romain16.

Toutefois, l’approbation du Sénat est nécessaire.

De surcroît, la magistrature est d’une diversité remarquable.

Ce sont en réalité les consuls, escortés par trente licteurs, équipés de faisceaux et
de la hache, qui incarnent l’image des rois étrusques, avec l’imperium et la
potestas.

Ensuite il y a les censeurs qui déterminent la qualité du citoyen romain, en


procédant tous les 5 ans aux inscriptions, radiations et mutations. En effet, la nota
censora est redoutable, surtout pour la noblesse qui gouverne.

Ceux qui se spécialisent dans le domaine judiciaire, s’appellent prêteurs.

Ces prêteurs étaient au nombre de deux : urbain qui est apparu en 367 av. J. –
C. pour les procès entre citoyens romains ; pérégrin en 242 av. J. –C. pour les
procès entre étrangers.

Il convient toutefois de préciser que ces préteurs avaient simplement le pouvoir


de déterminer les actions en justice nécessaires à la revendication d’un droit
devant le juge.

La fonction du juge est attribuée à une autre personne, un citoyen réputé pour son
honneur et sa connaissance du droit.

16
A Athènes le vote s’effectue par tirage au sort.

11
Ce juge est chargé d'accorder à chacun son dû conformément aux termes
consacrés par le préteur17.

A côté de ces magistrats supérieurs, il existe des magistrats inférieurs, ayant


seulement la potestas, tels que les questeurs chargés des affaires financières et
des enquêtes criminelles, les édiles curules pour la sécurité urbaine, spécialement
des marchés et des domaines du temple.

Exceptionnellement un magistrat pouvait s’arroger tous les pouvoirs durant une


période de six mois, c’est le dictateur.

De même, les romains ont prévu pendant la République un sénat qui exerce un
regard sur l'activité des magistrats.

c/ Le sénat :

Le sénat joue le rôle de conseil, à l’instar de la Boulè athénienne18.

Il était, à l’origine, formé des anciens patres ou seniors, il fut ouvert à d’autres
citoyens, même de provenance plébéienne, grâce à des réformes censoriales19.

En vérité, il est un organe consultatif, en ce sens qu’il regroupe les anciens


magistrats, surtout censeurs.

17
D’où les deux phases de la procédure : in jus (devant le magistrat) et apud judicem (devant le juge).
18
Intermédiaire entre le peuple athénien et les magistrats, la Boulè était composée de cinq citoyens désignés pour
un an par tirage au sort.
19
En 318 et en 120 av. J. –C..

12
Les décisions du Sénat constituent des sénatus-consultes, c'est-à-dire des avis
relatifs aux projets de lois, à la nomination des magistrats, à la guerre, à la
diplomatie, à la finance, bref à toutes les grandes affaires politiques.

Par conséquent pour être efficace, pour avoir une force indiscutable, toute
décision concernant la vie de la cité doit revêtir l’auctoritas sénatoriale, encore
appelée auctoritas patrum.

C’est la raison pour laquelle les sénatus-consultes sont cités parmi les sources du
droit romain ayant un caractère légal.

Qu’en est-il des institutions plébéiennes ?

d/ Les institutions plébéiennes :

La plèbe, pour sa reconnaissance, s’est dotée de deux institutions essentielles : le


concilia plébis et le tribunat.

1. Le concilia plébis.

L’assemblée de la plèbe a la même organisation que les comices tributes. Ainsi


elle est chargée d’élire les tribuns et les édiles de la plèbe.

Les décisions prises avaient le nom de plébiscites à portée limitée aux plébéiens.

13
Mais en 286 les plébiscites ont le même caractère que la loi au même titre que les
délibérations des comices.

Aussi faut-il souligner que le concilia plébis est présidé par un tribun de la plèbe.

2. Le tribunat.

A l’origine deux, les tribuns deviennent plus tard quatre, puis dix.

Ils n’avaient pas le pouvoir de commandement, mais ils avaient pour rôle de
défendre les plébéiens contre la puissance des magistrats patriciens.

Ainsi, ils avaient l’auxilium, c’est à dire un pouvoir d’opposition et d’aide, et


l’intercession, qui leur permettait de paralyser l’action des magistrats.

La protection tribunicienne s’étendait à tout citoyen qui était menacé dans sa


personne ou dans ses biens.

La personne des tribuns, elle-même, est inviolable et sacrée.

Le non-respect de leurs prescriptions se traduisait en un grave crime.

Seulement les tribuns obéissent également au principe de la collégialité.

Ce qui signifie que l’acte d’un tribun peut être dépourvu de tout effet du fait de
l’agissement contraire du collègue.

14
De surcroît, malgré leur efficacité, la portée de leurs décisions concerne
simplement Rome.

Aussi faut-il ajouter que les comices peuvent toujours ignorer l’intercessio des
tribuns de la plèbe.

D’ailleurs, l’intercession tribunicienne était soumise à la provocatio ad populum,


c’est à dire la procédure d’appel au peuple20, qui permet de déférer aux comices
centuriates les actes de coercition des magistrats supérieurs ordonnant la mise en
mort d’un citoyen21.

Le mécanisme institutionnel romain a séduit les historiens qui l’ont analysé.

2° L’analyse du mécanisme institutionnel romain.

Le mécanisme institutionnel a été présenté unanimement par les auteurs comme


étant une source de la science constitutionnelle, mais sur le plan politique il prête
le flanc à de sérieuses critiques.

C’est ainsi que le mécanisme institutionnel romain peut être considéré comme
fondamentalement juste mais politiquement erroné.

a/ Une analyse institutionnellement juste :

Aujourd’hui le chef d’Etat est considéré comme le gardien de la constitution.

20
Que la loi Valeria rendra autonome en 300 av. J. –C.
21
Sauf dans le cadre de la dictature.

15
La constitution se situe au sommet de la hiérarchie des normes juridiques, parce
qu’elle contient des règles qui organisent les rapports entre les pouvoirs publics
et des règles qui définissent les principes fondamentaux de nature à protéger la
personne humaine contre l’arbitraire de ces pouvoirs publics.

Justement le mécanisme institutionnel romain est assimilé à une constitution


moderne parce qu’on y décèle une volonté d’équilibrer l’exercice du pouvoir, en
garantissant la liberté des citoyens.

Effectivement, élu par le peuple, le magistrat avait un mandat d’un an, excepté le
dictateur (6 mois) et le censeur (18 mois).

De plus, toutes les magistratures étaient soumises au principe de la collégialité.

En vertu de ce principe qui a été également appliqué aux stratèges athéniens, un


magistrat pouvait s’opposer aux décisions de son collègue, ce que traduit la
prohibitio (droit de veto préventif) et l’intercessio (a posteriori).

De même, ils doivent rendre compte de leurs actions devant le Sénat.

Il est vrai que cette recherche d’équilibre pourrait être annihilée par des abus de
pouvoirs susceptibles de bloquer le fonctionnement des institutions républicaines,
si bien qu’on assistera, plus tard, en 27 avant J. –C., à un dérèglement du
mécanisme institutionnel romain.

C’est pour cela que les différents organes étaient condamnés à aller de concert.

Aucune institution ne pouvait agir seule.

16
Donc, par exemple, la fonction de conseil du Sénat permettait de limiter la
puissance des magistrats.

La forme mixte de gestion des affaires publiques a été relevée par Aristote, décrite
par Polybe (200-118 av. J. –C.)22, qui explique la supériorité de Rome pendant la
république, puis par Cicéron (106-43 av. J. –C.)23, qui a vécu la crise de la
république romaine, entamée depuis 121 av. J. –C.

Là gît la source d’inspiration de Montesquieu qui a largement exalté le principe


moderne de la séparation des pouvoirs.

Mais il faut reconnaître que cette pratique institutionnelle romaine a été exaltée,
sous l’influence de la philosophie grecque.

Les romains n’ont pas repris le modèle athénien de la démocratie.

En effet, l’ecclesia, l’assemblée du peuple à Athènes, était basée sur l’égalité de


tous les citoyens.

Il suffit d’avoir dix-huit (18) ans pour avoir le droit de siéger en assemblée, la
fortune ou le statut social important peu.

Et cette assemblée était apte à connaître toutes les affaires de la cité.

22
Venu comme otage à Rome en 167 av. J. –C.
23
« De la République », 54-51 av. J. –C..

17
Puis, l’assemblée du peuple constituait un tribunal chargé d’apprécier les lois
contraires aux principes fondamentaux de la cité24.

Toutefois la démocratie grecque diffusait un paradoxe (la mise à l’écart des


femmes) et une exclusion (le défaut d’intégration des barbares).

Qui plus est, de cette organisation athénienne se dégageait la conception du droit :


la loi souveraine, en dehors de toute considération d’ordre religieux.

Simplement l’école sophiste a dû relativiser le caractère positif de la loi, en se


fondant sur l’arbitraire et la force des plus forts.

C’est pourquoi Platon, Socrate et Aristote peuvent constater que pour être justes
et équitables les lois doivent se référer à la raison, à la volonté divine.

Aristote précise qu’au-dessus des lois de la cité existe en effet un droit naturel non
écrit, conforme à la nature, c’est à dire à l’ordre immuable de l’univers et aux fins
que cet ordre assigne à l’homme25.

Toutes ces raisons font que l’on situe la naissance de la science politique à
Athènes, chez les grecs.

Cependant, parce qu’elle a voulu que le peuple décide du tout, la démocratie


athénienne a défailli au 4e siècle.

24
Le tribunal est en réalité une cour composée de mille et un jurés (nomothètes).
25
Cité par Jean-Louis Thireau, op. cit., p. 38. Pour Aristote, la vie en société est impossible sans l’appropriation
individuelle des biens.

18
Ainsi, en comparant ce système au mécanisme institutionnel romain, il est permis
de relever que la pratique institutionnelle, si admirable soit-elle, est plus
aristocratique que démocratique, et, de ce fait, politiquement erronée.

b/ Une analyse politiquement erronée :

Contrairement à la Grèce, les assembles romaines n’étaient pas égalitaires.

Par exemple, pour les comices tributes, les grands propriétaires fonciers étaient
plus favorisés.

De même, à propos des assemblées centuriates, le rôle actif était réservé à la


première classe qui, à elle seule, disposait de la majorité absolue avec ses quatre-
vingt-dix-huit centuries.

Alors, la crise de la république était inévitable.

D’abord, Sylla (83-79 av. J. –C.), dictateur de façon illimitée, fut précédé par les
frères Gracques26 ; ensuite le triumvirat, c’est à dire le cumul de plusieurs
magistratures27.

Après, c’est au tour de Jules César (49-44 av. J. –C.) d’exercer simultanément les
fonctions de consul, de dictateur, de tribun de la plèbe et de censeur, avant d’être
assassiné en 44 par l’aristocratie romaine qui craignait le retour de la monarchie.

26
Tibérus (134-133) et Caïs (). Tibérus a voulu retirer à la noblesse les terres conquises, afin de relever la classe
moyenne paysanne. Egalement Caïs a mis l’accent sur des considérations sociales, notamment la distribution de
blé. Sylla viendra multiplier le nombre de sénateurs, en affectant l’exercice du pouvoir une marque personnelle.
27
Octave, Antoine et Lépide, et Octave sera finalement le maître de la République, puis fondera l’empire romain,
après que le Sénat lui a rendu tous les pouvoirs.

19
A sa suite, son fils adoptif Octave, le futur Auguste, tentera de pratiquer l’exercice
du pouvoir personnel, en cumulant également les différentes fonctions de
gouvernement et d’administration, d’où le Principat.

De toute façon, le dispositif institutionnel républicain ayant survécu dans une


certaine mesure, ne pouvait convenir à un territoire étendu par le phénomène
colonial, d’où le régime impérial.

Paragraphe 2 : Le régime monarchique.

Après Egypte, Perse, Macédoine28, Rome adopte une forme politique dite
l’empire, sans négliger l’héritage républicain.

Certainement cette survivance des valeurs républicaines a conféré à Rome une


dimension étatique du pouvoir politique.

Il suffit pour s’en convaincre d’en étudier les fondements du pouvoir impérial et
les techniques fondamentales d’administration de cet immense territoire.

A/ Les fondements du pouvoir impérial :

A partir de la tradition républicaine s’identifie la vraie image du régime impérial.

1° La tradition républicaine.

28
d’Alexandre le Grand, fils de Philippe II.

20
L’imperium et la puissance tribunicienne constituent en fait la tradition
républicaine.

L’imperium consulaire a été conféré à Octave par le Sénat. Ainsi il porta le titre
d’Auguste.

Or l’auctoritas nécessite la puissance du tribunat, une réalité inviolable et sacrée.

Tout cela s’est effectué avec la complicité du peuple.

Il résulte de ce qui précède que les institutions délibérantes n’ont pas été
supprimées, elles sont restées pour légitimer l’exercice du pouvoir, quand bien
même Auguste est finalement dépositaire de fait de tous les pouvoirs.

C’est ainsi l’époque du principat, à savoir un régime qui reflète l’exercice du


pouvoir par le premier des citoyens, alors que le dominat correspond à la situation
d’un simple maître, un dominus. Et le maître s’oblige à respecter la tradition
républicaine fondée sur la justice et la vérité. Par conséquent le ressort républicain
est vanté pour garantir la spécificité de la royauté impériale.

2° L’image réelle du régime impérial.

Les historiens distinguent deux grandes périodes de l’empire romain : le Haut-


Empire (du principat d’Auguste à la fin du IIIe siècle) et le Bas-Empire (de
Dioclétien jusqu’à l’arrivée des Barbares qui marquent la fin de l’Occident).

Avec le Principat, les institutions républicaines sont, en réalité, au service d’une


seule personne, le princeps. Octave Auguste est le véritable maître de l’empire

21
qui s’arroge, à vie, l’imperium consulaire, la puissance tribunicienne et le
pontificat.

Cela est d’autant plus vrai que la survivance républicaine s’annihile, tombe en
désuétude.

En clair, les assemblées ne servent plus à rien ; les magistratures ne sont plus que
de simples titres honorifiques.

L’auctoritas du Sénat perd son prestige face à celle d’Auguste et devient une
assemblée de notables.

Alors Auguste fut le premier personnage de l’Etat : le Princeps, l’imperator.

A sa mort sa succession occasionna une instabilité dans l’exercice du pouvoir au


grand bonheur de l’armée qui montait au pouvoir (Par ex. Claude en 41, Vespasien
en 69).

En revanche, au Bas-Empire, le Sénat fait office de législateur, d’où le caractère


légal des sénatus-consultes.

Mais dans la réalité ces sénatus-consultes traduisent la volonté de l’empereur : ce


fut le dominat, c’est à dire l’exercice du pouvoir par un dominus, un souverain,
un maître absolu29.

Ainsi l’empereur s’arroge des attributs divins. Toutefois le christianisme enlève


la casquette divine depuis la conversion de l’empereur Constantin30.

29
« Princeps legibus solutus est ». Cela signifie que le prince est absous des lois.
30
Avec Théodose 1er , le christianisme devient en 380 une religion d’Etat.

22
De là découle le caractère héréditaire du pouvoir. La transmission héréditaire a
été mise en pratique entre Octave et son fils adoptif Tibère, même si lex de
imperio, l’investiture, a été envisagée par les comices et le Sénat.

Ensuite, exceptés les cas où l’héritier fait défaut31 ou les coups d’Etat militaires,
toute une cascade de successions héréditaires s’en suivit, avec Caligula, Claude et
Néron de la dynastie julio-claudienne.

Nonobstant ce caractère monarchique, accentué sous dominat, l’Etat romain


semble être un Etat de droit, comme en juge son appareil administratif
professionnalisé pourtant d’origine républicaine.

B/ L’appareil administratif professionnalisé :

Le caractère professionnel de l’administration résulte de la manière dont elle a été


organisée, ce qui est utile à la constitution d’un Etat.

Mais l’efficacité administrative sera minée vers 285 par l’éclatement de l’empire.

Ainsi d’une organisation bien hiérarchisée Rome marcha vers un empire écartelé.

1° Une organisation administrative hiérarchisée.

Une organisation administrative suppose des structures, des personnels et une


carrière.

31
Aux quels cas c’est au Sénat en principe de désigner le candidat le plus indiqué. Même dans ces cas, l’armée a
eu à imposer ses candidats, notamment Vespasien.

23
La volonté centralisatrice de l’empereur tendait à cela. C’est ainsi que l’empereur
se dota d’un conseil du gouvernement, d’une chancellerie, des collaborateurs
privilégiés, y compris ses esclaves, ses domestiques.

Plus tard il y a des préfets (pour la ville et le trésor, par exemple), des ordres dont
les procurateurs, d’autres fonctions spécialisées, notamment des scriptes
rédacteurs, des comptables, des financiers.

Ensuite il faut noter les diocèses sous la direction d’un vicaire (vicarius), les
gouverneurs de provinces, des agents locaux (deux pour l’Orient et deux pour
l’Occident32) sous le contrôle du curator rei publicae.

2° Un empire divisé.

Durant le Principat l’empire s’éclate en grands ressorts provinciaux sous la


direction d’un gouverneur et le contrôle des assemblées provinciales, puis les
provinces en cités.

Mais c’est l’empereur Dioclétien qui a divisé Rome en deux zones : l’Orient
(capitale Constantinople sous la culture grecque) et l’Occident (Rome, capitale à
civilisation latine).

Cette séparation est définitivement consacrée par Théodose 1er en 395 mais sans
affecter l’unité de l’Empire, car l’exercice du pouvoir par les deux empereurs
repose sur le système collégial du consulat républicain.

32
Italie et Gaule au 5e siècle.

24
Cependant le dédoublement des institutions, y compris l’armée, contenait en
même temps les germes de la dislocation de l’universalisme romain.

De ce fait la fin de l’Occident est marquée par la victoire en 476 d’Odoacre sur
Romulus Augustule.

De surcroît, l’orient, Byzance précisément, alangui par les arabes et les ottomanes,
est conquis par les Turcs.

Quel est maintenant l’héritage antique en droit privé ?

Section 2 : L’héritage romain en droit privé.

C’est surtout en droit privé que les romains ont marqué les esprits juristes. En
effet, le charme du droit romain est sa capacité d’évoluer de l’état pratique à une
véritable théorie juridique.

Cette évolution s’est effectuée parallèlement à celle de ses régimes politiques (de
la royauté à l’empire).

En conséquence le droit de l’époque primitive, s’est enrichi à partir de l’époque


classique pour être finalement codifié sous l’empereur (l’époque du Bas-Empire).

Paragraphe 1 : Le droit de l’époque primitive.

L’époque primitive couvre la période allant de l’époque royale jusqu’aux


premiers siècles de l’époque républicaine. Dans cette période le droit civil est créé

25
par la coutume, en tant que pratiques et usages, et la loi, comme droit écrit. Nous
allons étudier les sources et les caractères généraux de ce droit.

A/ Les sources du droit civil à l’époque primitive :

Il s’agit essentiellement de la coutume et de la loi.

1° La coutume.

La coutume correspond aux pratiques généralement suivies par un grand nombre


de personnes, voire de façon unanime par la population.

En particulier, il s’agit des usages des anciens (mos majorum, pater familias)
respectés par les membres de la famille (les membres des gentes, les praticiens).

Son oralité renforce l’autorité des magistrats, plus particulièrement des pontifes
qui monopolisent la connaissance de ces préceptes coutumiers, avant d’être
relayés plus tard par le préteur sur le plan judiciaire (367 av. J- C.).

Donc ces pratiques coutumières avaient un caractère religieux (fas)33. Aussi ces
caractères vont-ils constituer ceux du droit civil de l’époque. Voyons d’abord ce
à quoi correspond la loi à cette époque.

2° La loi.

33
Dans la Bible, le droit est confondu avec les lois de Dieu. Les dix commandements du Décalogue, Ancien
Testament, témoigne ce lien étroit entre droit et religion.

26
Sous la République, avec la mise en place des assemblées du peuple, la loi, en tant
qu’expression de la volonté populaire, apparaît comme source de droit écrit.

Ainsi la loi Aquilia constitue les premiers fondements de la responsabilité


délictuelle34.

Ainsi également, sous l’influence d’un tribun de la plèbe, Terentilius Arsa, la loi
des douze tables (450-449 av. J. C., gravée sur des stèles de pierres), est citée
comme un célèbre et laïc instrument garantissant l’égalité et la liberté des
citoyens, suite à l’intégration de la plèbe35.

Outre les dispositions pénales dont le talion, la loi contient notamment, des
prescriptions relatives à la propriété des terres, au respect d’autrui et la protection
des biens.

Là réside la définition du droit civil comme étant « un ensemble de règles propres


au commun des citoyens et pourvues de sanctions judiciaires légalement
définies »36.

Néanmoins les caractères du droit romain à l’époque primitive demeurent encore


empiriques.

B/ Les caractères du droit romain à l’époque primitive :

L’ancien droit, le jus civile ou jus quiritium37, était considéré comme étant
archaïque, en raison de son caractère, à la fois, formaliste et patriarcal.

34
Cf Jean-Louis Thireau, op. cit., p. 57.
35
C’est pourquoi la loi des douze tables est considérée comme étant le fruit de la lutte entre patriciens et plébéiens.
36
Garrisson, Cours d’Histoire des institutions publiques et des faits sociaux…, op. cit., p. 54. Mais à ce stade du
droit romain, les obligations contractuelles sont rares.
37
Le droit des citoyens romains.

27
D’une part, le caractère patriarcal est retenu, parce qu’il repose sur la puissance
du pater familias (chef de famille), ayant seul la pleine capacité juridique, tant en
matière familiale qu’en matière contractuelle, voire même en ce qui concerne le
droit des successions qui privilégie l’agnation (parenté par les mâles seulement)38.

Le jus civile s’appliquait à une société réduite, essentiellement agricole.

D’autre part, un droit est dit formaliste lorsqu’il subordonne la validité d’une
opération juridique à l’accomplissement d’un certain nombre de formalités.

Pour être valable l’acte juridique, exemple contrat, doit être conclu selon un rite
cérémonial et public.

Le formalisme s’oppose au consensualisme qui privilégie la volonté et la


preuve de son existence dans les contrats de droit moderne.

C’est pourquoi en droit on distingue la forme ad probationem et la forme ab


substantium ou ad validitatem.

La dernière hypothèse est de rigueur dans l’ancien droit romain.

En réalité, la place de la religion dans l’époque primitive explique et justifie dans


une large mesure le caractère formaliste de l’ancien droit39.

38
Pas d’adventices, biens hérités par la mère. Toutefois, le préteur viendra plus tard rectifier l’ordre successoral,
tout en favorisant le testament, pour accorder la vocation à succéder au conjoint survivant et par conséquent aux
descendants de la femme (aux cognats). Egalement, sous l’empire, Justinien imposera un régime successoral fondé
sur la parenté cognatique. En outre, la propriété individuelle au sein de la famille est inconcevable. Le même
phénomène sera constaté en Afrique traditionnelle, ce qui, nous le verrons, gênera beaucoup le colonisateur
français.
39
A Rome on distinguait les jours fastes protégeant l’activité civile, des jours néfastes qui justifient les interdits.

28
C’est ainsi qu’en matière contractuelle, excepté les contrats réels, comme le prêt,
c’est à dire la remise d’une chose, les contrats devaient être conclus selon une
forme orale (verbis) ou écrite (litteris)40.

Ainsi, par exemple, l’emploi du verbe sacré spondere dans la sponsio-stipulatio,


un échange de paroles rituelles entre le futur créancier et l’éventuel débiteur :
spondesne dare mihi.. ? (Promets-tu de me donner, par exemple, telle chose ?) ;
spondeo dare tibi... (Je promets de te donner, par exemple, telle chose)41.

On retrouve également le formalisme dans la manière de procéder pour agir en


justice.

Le plaideur récite devant le juge des formules, notamment la mancipation (manus


signifiant main) lors du transfert de propriété.

Par ailleurs, on dit que l’action en justice précède le droit.

Aujourd’hui l’action en justice est une voie de droit général qui permet à tout
plaideur de faire reconnaître son droit, alors qu’en droit romain il existe une liste
limitée d’actions correspondant à des droits.

Pas d’action, pas de droit.

Le droit des actions a été monopolisé par le prêteur, le magistrat chargé de


l’administration de la justice.

40
Nous le verrons dans le cours d’histoire du droit privé.
41
Jean-Louis Thireau, op. cit., p. 63. La sacralité des relations contractuelles avait inspiré la loi des Douze Tables
(III, 6), de sorte que l’inexécution d’un engagement contractuel implique le sacrifice du débiteur aux dieux pour
expier le sacrilège.

29
Il convient toutefois d’indiquer qu’il n’était pas pour autant un juge. Rappelons
qu’après avoir déterminé l’action, il est contraint de désigner un juge, un simple
particulier.

Avec l’extension de Rome du fait des conquêtes, donc les transformations du


milieu social et économique, la réforme procédurale AEbutia traduit le
développement du droit prétorien.

De la sorte la qualité du droit romain a été plus appréciée à l’époque classique.

Paragraphe 2 : Le droit de l’époque classique.

L’époque classique, c’est la période républicaine, plus précisément 150 av. J. –


C., jusqu’au milieu du 3e siècle après J. –C. Durant cette phase le droit prétorien
se développe et apparaissent de nouvelles sources du droit, notamment la doctrine.
Au-delà de cette période, l’organisation étatique romaine sous l’empire (Justinien,
565) a favorisé la codification du droit.

A/ Les nouvelles sources du droit :

A l’action du droit prétorien dans la construction du droit romain, il faut ajouter


le rôle fondamental joué par la doctrine romaine.

1° Le droit prétorien.

C’est la loi AEbutia qui a fixé les bases du développement du droit romain, en
assouplissant le droit des actions.

30
En effet, désormais les plaideurs soumettaient leurs prétentions au préteur qui
interprétait le droit, en complétant le jus civile. Ainsi le préteur dressait la
procédure formulaire. De lui dépendaient la recevabilité de la demande en justice,
l’appréciation du bien fondé de celle-ci et la désignation du juge. Effectivement,
de l’intérêt à agir dépend l’action en justice. Tout cela, la prétention, le juge
indiqué, se traduit par la rédaction d’une formule qui en même temps constitue le
cadre du procès42.

Dans ce cas, le juge désigné ne pourra que condamner ou libérer selon l’existence
ou non d’éléments de preuve.

Qu’en est-il lorsque les demandes formulées ne correspondent pas à des


actions prévues par le droit civil ?

Le cas échéant, le préteur est contraint de créer une action pour protéger
juridiquement une situation dont il a reconnu le bien fondé.

C’est le cas du créancier qui agit avec un protégé du paterfamilias. En effet, dans
l’ancien droit romain, les engagements pris sans l’accord de ce dernier lui étaient
inopposables.

Néanmoins, le préteur a permis au droit d’évoluer dans le sens d’impliquer


personnellement le paterfamilias dans l’exécution du contrat conclu par son
préposé. De même, le préteur a milité en faveur d’un étranger (peregrini) qui ne
peut prétendre d’une action réservée exclusivement aux citoyens romains. Face à
une telle hypothèse, le préteur faisait comme si le pérégrin était un citoyen romain.

42
Ce qui renvie en droit moderne au principe de l’immutabilité du litige qui concerne aussi bien les parties que le
juge chargé de trancher le litige..

31
Au fonds, le préteur a inventé une nouvelle base légale pour régulariser la situation
factuelle qui lui est soumise. C’est ainsi qu’il a admis la délivrance des exceptions,
en cas, par exemple, de vices de consentement (dol ou violence). C’est également
le préteur qui a favorisé la notion de bonne foi dans les contrats43.

Par ailleurs, si le débiteur ne s’exécute pas, la saisie des biens du débiteur a été
proposée par le préteur à la place de l’exécution sur la personne du débiteur. Là
on décèle l’origine des procédures collectives, à travers la faillite du débiteur44.
Toutes ces raisons font que la pratique prétorienne est assimilée à la jurisprudence
(considérée de fait, de nos jours, comme une source du droit).

En définitive, sous l’empire, l’édit du préteur est devenu une véritable source du
droit que les jurisconsultes romains se chargent de diffuser dans le cadre de leurs
enseignements du droit. Justement les jurisconsultes constituent essentiellement
la doctrine romaine qui, en s’inspirant de la philosophie grecque, a fait du droit
une véritable science, un art.

2° La doctrine.

La doctrine est définie comme étant l’ensemble des opinions découlant de


l’interprétation du droit. La doctrine est née, semble –t- il, à partir des
consultations juridiques que Tiberius Coruncanius, premier grand pontife
plébéien, donnait publiquement, en dehors de toute considération d’ordre
religieux45. Puis, par leur connaissance du droit, des jurisconsultes se spécialisent

43
D’ailleurs aujourd’hui l’action en justice est définie également comme étant un droit pour le défendeur d’assurer
sa défense en justice. Voir notre étude sur les exceptions, les fins de non recevoir et la péremption d’instance, dans
la revue africaine EDJA, septembre 2003, n° 58, p. 137.
44
C’est au préteur Rutilius Rufus que l’on réserve l’introduction de la procédure collective de venditio bonorum,
c’est à dire la vente en bloc du patrimoine du débiteur et le partage du prix entre ses créanciers, cf Jean-Louis
Thireau, op. cit., p. 72.
45
Jean-Louis Thireau, op. cit., p. 61.

32
dans la résolution de situations concrètes. On les appelait des « prudents », d’où
le nom de jurisprudence. Finalement l’enseignement du droit se développe à
travers beaucoup d’ouvrages, après le grand traité de droit civil de Quintus Mucius
Scaevola46, précisément par le biais des Institutes enseignés dans de grandes
écoles dont celle de Proculus, à laquelle s’oppose l’école des Sabiniens, fondée
par Masurius Sabinus qualifié de traditionaliste47. Après ces grands
jurisconsultes, on cite pour l’essentiel à l’apogée de la doctrine romaine Gaïus,
Paul, Papinien, Modestin et Ulpien, parce que dotés du brevet, le publice
respondere. Dans le compte de la doctrine, on enregistre particulièrement la
classification des contrats et des obligations identifiés souvent dans la pratique
prétorienne48. Ainsi, eu égard à l’objet de l’obligation, on différencie l’obligation
de donner (en transférant la propriété d’une chose) de l’obligation de faire et de
celle de ne pas faire. Il résulte, par conséquent, de ce qui précède que la
jurisprudence est une véritable source de droit.

L’activité prétorienne et la doctrine ont contribué de façon remarquable à la


construction du droit civil romain, elles ont connu cependant un déclin, avec
l’implication de plus en plus grande de l’empereur dans le domaine du droit, ce
qui se manifesta notamment par le développement de la procédure extraordinaire

46
(140-82 av. J. –C.), cité par Jean-Louis Thireau.
47
Plus tard, les hommes de droit, praticiens et professeurs, mettront à la disposition des étudiants des manuels au
sens de codes. Ainsi le Code grégorien. Ainsi également le code hermogénien. A cela il faut ajouter les Institutes
justiniens, de l’empereur Justinien nous verrons plus loin le dispositif législatif codifié.
48
La doctrine romaine est à la base de la théorie des sources des obligations que vous étudierez en 2e année licence
en droit. Ainsi, selon le mode de formation, on distingue les contrats solennels des contrats réels et des contrats
consensuels. En revanche, en fonction des effets, on relève des contrats unilatéraux pour l’engagement d’une
partie, des contrats synallagmatiques qui font naître des obligations à la charge des deux parties (par exemple,
échange, louage, vente). En droit romain, rappelle l’arrêt du Conseil d’administration n° 22 en date du 7 septembre
1855, la vente est définie comme un contrat par lequel une personne, le vendeur, s’oblige à livrer la possession
paisible et durable d’une chose à une autre personne, l’acheteur, qui s’engage à lui transférer la propriété d’une
somme d’argent, le prix. En matière de vente, notons au passage l’évolution des arrhes, une petite somme d’argent
que l’acheteur remettait au vendeur pour prouver que la conclusion du contrat est sérieuse. Cette somme n’était
pas déduite du prix réel de vente. Néanmoins les arrhes deviendront une part du prix d’argent non remboursable
ou remboursable au double, lorsque respectivement le dédit est imputable à l’acheteur ou au vendeur. Voilà
l’origine des dispositions du code civil français en la matière, que nous avons reprises après la colonisation dans
notre code des obligations civiles et commerciales.

33
et l’élaboration des sénatus consultes49 et des constitutions impériales50. Cette
implication a conduit à la phase de la codification du droit romain.

B/ La codification du droit romain :

A l’apogée de l’empire, la législation impériale est devenue la source principale


du droit. Ainsi la procédure formulaire cède la place à la procédure extraordinaire
de l’empereur. Cette procédure extraordinaire a permis à l’empereur agit en
dehors des règles de la procédure traditionnelle. La justice était rendue par les
services de l’administration impériale, d’où la mise en place d’un service public
de la justice. En conséquence, la décision du juge pouvait être soumise à
l’appréciation de l’empereur, en tant que juge d’appel. Les des rescrits et les
décrets constituent, avec les édits, les constitutions de l’empereur.

Puis, la codification est devenue une nécessité impérieuse pour la connaissance


du droit romain.

Elle a consisté à rassembler, à sélectionner, en ordonnant, les divers textes


produits par l’activité législative romaine, surtout les constitutions impériales. Il
s’agit essentiellement du Code théodosien et celui de Justinien.

1° Le code théodosien.

Du nom de Théodose II qui fut empereur d’Orient, le code théodosien, divisé en


16 livres, comporte les sources de droit, le droit privé, le droit pénal, le droit public
et le droit ecclésiastique. Le texte sera transmis aux juristes modernes grâce à

49
Sous la République l’auctoritas patrum des sénateurs dominait.
50
Qui se traduisent en édits (des prescriptions générales), décrets (des jugements de l’empereur), des rescrits (des
réponses à des consultations) et des mandats (des sortes de circulaires administratives).

34
Bréviaire d’Alaric, roi wisigoth. Puis en Orient, il sera complété par le code
justinien.

2° Le code Justinien.

En se référant à la loi des douze tables, aux constitutions impériales, le code


Justinien vise en plus des matières théodosiennes, le droit administratif et la
fiscalité. Ce code sera également complété par les Pandectes et le Digeste. A cela,
il convient d’ajouter les Novelles, un recueil privé constitué en langue grecque,
par les Basiliques de Léon le Philosophe.

En définitive, les codifications entreprises ont formé le corpus juris civilis romain,
magnifié particulièrement dans la période dite médiévale.

35

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