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Introduction historique au droit

I - Intitulé et objet du cours


Quand les études de droit ont été réformées à la fin des années 90, l’introduction historique
au droit a été inscrite parmi les cours fondamentaux dans la licence de droit. L’objet de ce
cours est de servir de préface générale et de se doter de culture juridique. Plus précisément,
l’objet de ce cours est de présenter les évolutions historiques du droit français mais aussi en
général les évolutions de la culture juridique de l’Europe. Pour comprendre les étapes, il faut
placer le droit dans une perspective historique.
Le droit français est directement issu de plusieurs grandes codifications faites sous le
premier Empire par Napoléon Bonaparte. Parmi ces codifications, la plus connue est la
codification de 1804 qui se nomme d’abord le Code Napoléon puis qui devient le Code civil.
Pour autant, ces codes sont eux-mêmes les héritiers de l’Ancien Droit (=le droit avant la
Révolution française). L’Ancien Droit plongeait ses racines dans une tradition juridique, celle
du droit romain antique. Les droits de nombreux pays de l’Europe continentale sont en
réalité les héritiers du droit romain. La plupart des pays européens continentaux
appartiennent à un système juridique qui a une origine commune. Ce système juridique
s’appelle le système juridique de tradition romaniste. On parle donc de culture juridique
européenne. La France appartient à ce système juridique mais ce n’est pas le seul système
juridique existant. Le plus connu que l’on distingue souvent au système de tradition
romaniste est le système juridique du Common Law qui s’applique à un très grand nombre
de pays anglophones. À ce stade, comprendre l’objet de ce cours nécessite de comprendre
ce que l’on veut dire par droit.

II - Les critères de définition du droit


Il y a deux sens distincts au mot “droit” :
➢ Le(s) droit(s) subjectif(s) ➡ qui appartiennent aux sujets. Ces prérogatives sont
reconnues par le droit.
➢ Le droit objectif ➡ ensemble de règles qui s’applique dans un ordre juridique
Pour comprendre la spécificité du droit objectif, on peut commencer par une remarque
d’ordre étymologique. Le mot “droit” vient d’un adjectif latin désignant la droiture. Ce lien
étymologique montre que la vocation du droit est d’être un ensemble de règles prenant la
forme d’un système normatif càd un ensemble de règles qui servent à ordonner le
comportement social des individus. Les règles de droit ont vocation à faire que le
comportement des individus reste droit. Pour autant, le droit n’est évidemment pas le seul
ensemble de règles qui régule le comportement des individus : il y a la religion, la morale, la
bienséance, etc. Il faut donc se demander ce qui distingue le droit d’autres systèmes
normatifs. On peut trouver des critères fondamentaux de définition du droit dans une
définition du droit très souvent utilisée qui a été formulé par Gérard Cornu (auteur de
dictionnaires juridiques les plus diffusés dont Vocabulaire juridique) : le droit est “un
ensemble de règles de conduite socialement édictés et sanctionnés qui s’imposent aux
membres de la société”. Cette définition du droit est capitale car on y trouve deux critères
fondamentaux pour identifier le droit :
➢ Le droit vise à organiser la vie sociale. Cette utilité sociale avait déjà été identifiée
par les juristes romains qui avaient formulé cet adage : “Ubi societas, ibi ius”. Cela
veut dire que le droit n’est pas seulement un ensemble de règles mais a vocation à
garantir l’harmonie sociale. Pour cela, le droit va s’efforcer de protéger les
valeurs considérés comme essentielles par la société. C’est pour cette raison que
le plus souvent le droit reflète les valeurs d’une société. Plus les valeurs sont
considérées comme importantes, plus le degré de protection du droit est important
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(exemple : le droit à la vie). D’une époque à l’autre et d’une culture à l’autre, les
valeurs évoluent.
➢ Ce qui caractérise le droit est le sentiment pour les individus qui vivent en société du
caractère obligatoire de cette règle de droit. L’organisation de la vie sociale
nécessite premièrement le caractère obligatoire de la règle de droit et deuxièmement
que ce caractère obligatoire soit sanctionné. Ce qui singularise le droit est que la
violation de la règle de droit est susceptible d’être sanctionnée par le droit.
Néanmoins, il faut faire attention à la définition de “sanction” qui revêt trois aspects :
1. Être frappé par une sanction quand on enfreint la règle de droit
2. La sanction au sens juridique peut être mis en oeuvre par l’autorité étatique qui
dispose de la force publique
3. La conséquence juridique que prévoit le droit lorsqu’une règle de droit n’est pas
respectée.
De ces trois aspects découle deux conséquences :
➢ La conséquence doit émaner d’une autorité légitime
➢ Le droit, vis-à-vis de ses valeurs, réalise une double fonction : une fonction
régulatrice et une fonction correctrice
Le droit se distingue nettement des autres ensembles de règles

III - Les origines du droit


Les témoignages les plus anciens du droit dans notre civilisation se trouvent dans la
civilisation mésopotamienne qui s’est développée entre 2500 et 1500 avant JC. C’est
d’ailleurs dans cette région qu’à été inventée l’écriture. L’une des traces archéologiques les
plus anciennes que l’on connaisse du droit se trouve dans ce qu’on appelle le code de
Hammurabi. Il s’agit en fait d’une stèle actuellement exposée au Louvre. Elle date du milieu
du XVIIIe siècle avant JC. Sur cette stèle on trouve par exemple du droit pénal. Le droit des
civilisations mésopotamiennes s’appelle le droit cunéiforme. Hammurabi donne à son
peuple les lois qu’il reçoit du dieu du soleil donc le droit se confond avec la parole des
divinités.
Dans la civilisation hébraïque, le droit se confond aussi avec la parole de Dieu. En
effet, le droit s’appliquant au peuple hébreu se confond avec des commandements.
Pendant l’Antiquité grecque, la conception du droit progresse surtout avec
l’organisation politique des cités. À cette époque, on remarque trois caractéristiques :
➢ Les divinités conservent leur importance comme Thémis/Dikê qui font connaître aux
hommes des principes juridiques que l’on peut connaître grâce aux oracles et ainsi
appliquer la Justice dans la cité.
➢ Le droit prend progressivement une dimension humaine à travers la notion de
Nomos (un droit formulé par des humains pour les humains). C’est ce Nomos qui
organise politiquement les cités.
➢ Se développe une réflexion philosophique sur le droit. Pour Aristote, le droit est
l’objet dont la Justice est la finalité.
Ce lien entre droit et justice exerce une grande influence dans l’Antiquité romaine :
Exemple 1 : Le lien linguistique entre droit et justice. Pour les romains le droit vient du mot
“ius”.
Exemple 2 : Quand les juristes romains cherchent à définir le droit, l’un d’entre eux (Celse)
définit le droit ainsi : “ars boni et aequi” (=“l’art du bon et de l’équité”) ⇒ formule le lien entre
droit et justice
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IV. Les sources du droit


Les sources créatrices du droit produisent le droit. Elles peuvent être très différentes d’une
époque à l’autre et d’une culture juridique à l’autre. Néanmoins, dans la culture juridique de
l’Europe on peut distinguer les principales sources du droit qui sont :
➢ La Constitution et la loi
➢ La jurisprudence
➢ La doctrine
➢ La coutume

V. L'intérêt de l’introduction historique au droit


L’approche historique du droit présente plusieurs intérêts : se doter de quelque chose
d’indispensable pour être de véritables juristes, la culture juridique.
1. La culture juridique est une culture or toute culture est principalement historique.
2. L’histoire du droit permet de placer les évolutions du droit en perspective
3. Comprendre le lien très étroit entre l’évolution des règles de droit et le contexte social càd
l’évolution des valeurs et des mœurs. Le droit reflète en effet souvent l’évolution des valeurs
et des mœurs d’une société.

VI. Problématique et plan du cours


Dans ce cours, l’on cherchera à comprendre les grandes étapes de l’évolution historique des
principales sources du droit dans la culture juridique de l’Europe de façon générale et l’on
cherchera aussi à comprendre comment en particulier l’évolution historique des sources du
droit ont favorisé l’émergence du droit français.
Pour mettre en exergue ces grandes tendances, le cours sera divisé en plusieurs parties
correspondant à plusieurs périodes chronologiques : Antiquité romaine, Moyen Âge, époque
moderne et époque contemporaine.

Partie I. L’héritage juridique de l’Antiquité romaine


(753 avant JC - VIe siècle après JC)
Il faut rappeler brièvement deux types de périodes chronologiques : les périodes
chronologiques liées aux évolutions politiques et institutionnelles de l’Antiquité romaine.
Du point de vue politique et institutionnel, l’histoire romaine est marquée par plusieurs
grandes périodes. La première période est celle de la fondation légendaire de Rome en 753
avant JC. C’est la période de la royauté romaine. Cette période se clôt en 509 avant JC. La
2e période est celle de la République romaine qui commence donc en 509 avant JC et
s’achève en -27. La 3e période est celle du Principat qui commence en 27 avant JC et
s’achève au IIIe siècle après JC. La quatrième et dernière période est celle du Dominat qui
commence à la fin du IIIe siècle après JC et se termine au VIe siècle après JC.

On distingue trois grandes périodes chronologiques de l’histoire du droit romain. La


première période est celle de la Rome ancienne (ancien droit romain). Cette période
commence aux origines de Rome et s’achève au IIe siècle avant JC. Elle recoupe la Rome
royale et les premiers siècles de la République. La deuxième grande période de l’évolution
du droit romain est l’époque classique càd l’époque du droit classique. Elle commence au
IIe siècle avant JC et se termine à la fin du IIIe siècle après JC. Cette période est à cheval
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entre les derniers siècles de la République et les premiers siècles de l’époque impériale.
Enfin, on a la période post classique (IIIe siècle après JC - VIe siècle après JC).

Leçon 1. L’apparition du « ius » dans la Rome ancienne (753


av. JC - IIe siècle av. JC)

Section 1. L’apparition d’un droit détaché de la parole des dieux

1. De la fondation de Rome à la République romaine

I. La fondation de Rome (753 av. JC)


Les origines de Rome sont relatées par plusieurs auteurs latins à l’époque classique. Parmi
ces auteurs, certains cherchent à retracer l’histoire romaine en remontant aux origines
comme Tite-Live qui relate la fondation de la Cité. Selon la légende, la ville aurait été
fondée en 753 avant JC. Sa fondation serait liée à la guerre de Troie. Alors que la ville de
Troie était prise par les grecs, un certain Enée fuit la ville, traverse la Méditerranée et
accoste en Italie sur les côtes de la région du Latium. Arrivé dans cette région du Latium,
Enée constitue un peuple et son fils Iule fonde une ville dans le Latium appelé Albe. Iule et
ses descendants deviennent successivement les rois d’Albe. Après plusieurs générations,
on trouve un roi appelé Numitor. Ce dernier est chassé du trône par son frère Amulius. Pour
garder le pouvoir, il emprisonne la fille de Numitor et en fait une vestale. Mais le dieu Mars
tombe amoureux d’elle et de cette union vont naître deux jumeaux, Romulus et Rémus.
Apprenant la naissance de ces jumeaux, Amulius les voit comme un danger et ordonne
qu’ils soient abandonnés sur les bords du Tibre. Les jumeaux sont recueillis par une louve
puis par un berger. Les jumeaux grandissent et s’entourent de compagnons puis décident de
fonder une ville à leur tour. Rome possède 7 collines dont le Capitole, l’Aventin et le
Palatin. Pour fonder cette ville, Romulus et Rémus pratiquent le rituel consistant à tracer la
première enceinte dédiée aux dieux et au sacré. Une fois la circonférence de la ville tracée,
les jumeaux demandent un signe aux dieux pour savoir lequel des deux frères sera roi de la
ville qu’ils fondent. Rémus commence et reçoit le vol de 6 vautours. Romulus reçoit ensuite
le vol de 12 vautours. Rémus met Romulus au défi. Romulus tue son frère puis devient roi
de Rome.

II. L’avènement de la République romaine (509 av. JC)


Toujours selon les auteurs latins de l’époque classique, à partir de la fondation de Rome,
sept rois se succèdent les uns aux autres. Les trois derniers rois appartiennent au peuple
étrusque. La civilisation étrusque a en effet exercé une très grande influence sur Rome. Ces
rois disposaient d’un pouvoir appelé l’imperium (pouvoir de commandement suprême). Le
dernier roi est Tarquin le Superbe.
Les auteurs latins relatent qu’en 509 avant JC, à la suite d’un viol commis par le roi
sur une femme nommée Lucrèce se déclenche une révolte menée par deux hommes :
Tarquin Collatin et Junius Brutus. Cette révolte chasse le dernier roi de Rome considéré
comme un tyran. Les deux hommes deviennent les deux premiers consuls (magistrats) de la
République. C’est ainsi que serait née la République romaine.
Dans la République romaine, la souveraineté correspond à la devise SPQR (Le Sénat et le
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peuple romain). En réalité, l’organisation institutionnelle et politique de la République


fonctionne avec trois moteurs principaux :
➢ Le Sénat dispose de l’auctoritas càd que le Sénat est au-dessus des institutions.
Le Sénat peut formuler des avis sur tous les sujets de la Cité. Le Sénat peut
demander aux magistrats de faire voter des lois. Le Sénat s’exprime par des actes
appelés sénatus-consulte.
➢ Le peuple (populus) s’exprime et délibère au sein d’assemblées appelés comices.
Les comices désignent des magistrats et votent les lois.
➢ Les magistrats disposent de deux fondements juridiques : l’imperium et la potestas.
Les magistrats supérieurs sont les prêteurs, les consuls et les censeurs. Ces
magistrats président le Sénat, président les comices, font voter des lois par les
comices, commandent l’armée, etc. Les magistrats inférieurs n’ont pas d’imperium,
juste la potestas. Les deux principaux magistrats inférieurs sont les édiles et les
questeurs.
Dès les premiers temps de la Cité romaine, la population romaine est composée de deux
groupes sociaux : les patriciens et les plébéiens. Les patriciens sont les familles romaines
les plus prestigieuses. Ils détiennent l’essentiel du pouvoir politique, religieux et judiciaire.
Les plébéiens (le reste du peuple) sont écartés du pouvoir politique, religieux et judiciaire. Ils
disposent de droits civils et politiques inférieurs. Les premiers temps de la République
romaine sont marqués par une opposition grandissante et des conflits politiques très
graves entre les patriciens et les plébéiens. Ce contexte social et politique influence le
droit à Rome. Progressivement, ce droit se détache des dieux.

2. Du « fas » au « ius »

I. Le « fas » : la parole des dieux


Le fas est la volonté des dieux. À l’origine, le droit se trouve donc entièrement lié à la religion
puisqu’il est entièrement la parole des dieux. Ce que les dieux permettent est le fas à
proprement dit et ce qu’ils interdisent est le nefas. Selon la légende, les rois se retiraient
dans des lieux sacrés pour connaître le fas. Cependant, puisqu’il s’agit de la parole des
dieux, le fas est surtout contrôlé et connu par les prêtres et pontifes. Ces derniers sont en
plus des augures càd qu’ils utilisent des rituels pour connaître la volonté des dieux comme
les auspices. Puisque les prêtres sont capables de connaître le fas, c’est eux qui
maîtrisent le contenu même du droit et les règles qui encadrent le droit càd la
procédure judiciaire.

II. Le « ius » : un droit détaché de la parole des dieux


On va assister dans les premiers temps de la cité romaine et en particulier dans le contexte
de l'avènement de la République à ce phénomène de laïcisation du droit en ce qu’un droit
humain va se détacher peu à peu de la parole des dieux càd du fas on va peu à peu
distinguer un ius et ce ius est un droit humain détaché de la parole des dieux.
Deux événements vont particulièrement contribuer à détacher le ius de la parole des
dieux. Le premier élément fondamental est la rédaction au milieu du Ve siècle de la loi des
XII tables. Le contexte de la rédaction de cette œuvre est un contexte de crise, de conflits et
d’oppositions entre ces deux deux groupes sociaux qui structurent la population romaine (les
patriciens et les plébéiens). Selon les auteurs latins, le Ve siècle est agité de crises sociales
profondes durant lesquelles les plébéiens vont formuler des revendications politiques,
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sociales. Afin d’obtenir satisfaction, les plébéiens vont à plusieurs reprises faire sécession
(quitter la ville pendant une période donnée). Par exemple, plusieurs de ces sécessions ont
lieu sur l'Aventin. La plèbe, de façon générale, réclame des droits civils et politiques. La
revendication juridique capitale est que le droit soit mis par écrit afin que l’on puisse en avoir
connaissance et instaurer une égalité des citoyens devant le droit. La deuxième
revendication juridique importante est de mettre un terme à l’arbitraire des consuls car les
consuls jusque là étaient les magistrats chargés de la Justice qui pouvaient exercer la
Justice, condamner à mort, faire exécuter les peines et surtout maîtriser les procès car ils
sont les seuls à décider si le procès peut ou non avoir lieu. Il s’agit donc d’un arbitraire
judiciaire. En 451 la crise politique semble tellement grave que les patriciens cèdent et
satisfont certaines des revendications. Les patriciens créent une commission de dix hommes
(décemvirs) chargés de mettre le droit par écrit. Tite-Live a écrit que les décemvirs étaient
chargés d’assurer à tous une liberté égale. En 449, la mise par écrit du droit est achevée et
cette rédaction prend la forme de douze panneaux. La fonction de ces douze panneaux est
d’être exposée en public sur le forum. Le droit pouvait être ainsi porté à la connaissance de
tous. Il faut aussi mentionner un autre événement capital qui a eu lieu au sujet du calendrier
judiciaire (jours où on peut ou non tenir des procès) et des formules judiciaires (formules
orales que l’on doit absolument connaître ➡ formalisme judiciaire). En effet, on considérait
que certains jours ne permettaient pas de rendre la justice. On va alors assister à la fin du
IVe siècle à un événement capital. En effet, un homme nommé Flavius qui travaillait auprès
d’un magistrat patricien va peu à peu se mettre à diffuser à la Plèbe les dates du calendrier
judiciaire et les principales formules judiciaires. Ces deux principaux événements ont permis
de faire sortir le ius du monopole de la religion et des prêtres pour profiter aux plébéiens.
Dans les premiers temps de la République on parle de “ius civile” càd que ce droit ne
concerne pas tous les individus, il ne concerne que les citoyens de la cité romaine.

Section 2. Le contenu du « ius civile »


Essentiellement dans les premiers temps de la République on trouve 3 types de sources du
droit.

1. Les « coutumes des ancêtres »

I. L’origine des « coutumes des ancêtres »


Au IIe siècle après JC, Pomponius écrit un ouvrage intitulé Enchiridion où il relate les
origines du ius. Pomponius explique qu’à l’époque royale s’appliquait des lois royales. Après
l'avènement de la République, le peuple romain a vécu par les coutumes.
En réalité, les règles de droit les plus anciennes étaient des coutumes que l’on appelait à
Rome “mores maiorum”. Les mores maiorum étaient des comportements anciens, répétés et
qui avaient acquis un caractère obligatoire. Les mores maiorum étaient des consuetudo.

II. Le contenu des « coutumes des ancêtres »


Les mores maiorum constituaient un ensemble de coutumes qui réglaient des domaines
importants de la vie sociale des romains. Par exemple, le mariage romain est réservé aux
romains.
Les mores maiorum sont des coutumes qui ont un caractère obligatoire. Jusqu’à la fin de
l’Antiquité, les romains ont toujours une vénération particulière pour les mores maiorum. En
effet, tout ce qui est ancien a une valeur supérieure à Rome.
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2. La « loi des XII tables »

I. Le contenu de la « loi des XII tables »


La loi des XII tables est l’un des textes juridiques les plus célèbres de l’Antiquité et c’est pour
l’Antiquité romaine l’un des témoignages écrit le plus ancien du droit romain. Dans la loi des
XII tables on trouve 3 types de dispositions :
- Des notions générales par exemple sur l’importance de la puissance des pater familias
- D’actions càd des moyens procéduraux pour ouvrir un procès (actiones legis).
- Les principes de l’organisation de la procédure civile càd les règles qui encadrent les
procès civils. Selon la loi des XII tables, le procès a deux phrases : on se présente devant le
magistrat (prêteur à partir du IVe siècle avant JC), le magistrat examine la forme de l’action
et si l’action est valide, le magistrat choisit un homme pour lui donner la fonction de iudex.
Ce iudex ouvre la deuxième phase du procès civil pour examiner le fond du procès.
La loi des XII tables permet de porter la connaissance du droit à tous, d’assurer
l’égalité juridique à tous les citoyens. La Plèbe a donc désormais :
- Connaissance du contenu de la loi
- Connaissance des actions de la loi
- La Plèbe peut mettre un terme à l’arbitraire judiciaire des consuls car désormais lorsqu’un
consul est saisi par un justiciable et que celui-ci lui présente une action, le consul est obligé
d’ouvrir le procès

II. La portée de la « loi des XII tables »


De façon générale, la portée de la loi des XII tables fut considérable pour deux raisons :
- À l’époque de la Rome ancienne, on trouve dans la loi des XII tables une grande partie des
règles du droit du ius civile qui s’applique aux romains.
- À l’époque classique, les juristes romains considèrent que la loi des XII tables est un des
textes les plus prestigieux du droit romain. Preuve de son prestige, la loi des XII tables ne
sera jamais abrogée.

3. Les lois votées par les comices

I. La définition des lois romaines


Dans le ius civile on trouve les lois votées par les comices. L’un des premiers textes votés
par les comices est la loi des XII tables. Les lois votées par les comices sont appelées leges
publicae et leges rogatae. Plusieurs siècles plus tard, Cicéron définit la loi comme le
commandement/l’ordre du peuple. C’est ainsi que s’enracine aujourd’hui l’idée que la loi
puisse venir du peuple.
Les comices centuriates et les comices tributes sont des assemblées du peuple.
Mais les comices centuriates sont inégalitaires car les citoyens sont classés selon leur
fortune. Dans les comices tributes, ils sont classés en fonction des quartiers.
Au IIIe siècle est votée la loi Hortensia qui assimile les plébiscites aux lois. Les lois
votées par les comices font partie du ius civile et par conséquent ne concernent et ne
s’appliquent qu’aux citoyens romains.
A l’époque républicaine, les lois votées par les comices ne concernent pratiquement
jamais le droit privé. Elles ont essentiellement pour objet le droit public et les institutions. A
Rome, voter la loi est un acte pris très au sérieux. Preuve en est, les lois votées par les
comices se comptent en dizaine.
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II. La procédure législative


La compétence de soumettre un vote appartient entièrement aux magistrats supérieurs car
ce sont eux qui président les assemblées. Le peuple est donc dépourvu de l’initiative des
lois. Avant de mettre au vote une loi, on met en place la promulgatio. Elle consiste à faire
afficher la loi au forum pour que le peuple en ait connaissance et entamer une délibération
autour de ce texte. Le jour du vote, on procède à la lecture solennelle du texte appelé la
regatio. Le peuple n’a pas le pouvoir de modifier le texte. Le peuple approuve ou rejette le
texte dans son entièreté. Le Sénat joue un rôle fondamental dans le processus législatif car
il peut accorder ou non son auctoritas au texte. C’est en réalité l’auctoritas du Sénat qui
donne à la loi sa pleine valeur pour être appliquée et exécutée. Une loi dépourvue
d’auctoritas n’a pas la même valeur qu'une loi munie de l’auctoritas. La loi est ensuite
archivée et conservée à Rome dans le temple de Saturne.
Dans ce processus législatif, il faut souligner deux idées :
● Le rôle institutionnel central que joue les magistrats et le Sénat
● Dans la Rome ancienne, les magistrats et les membres du Sénat sont patriciens

En conclusion, la République est un régime politique dans lequel le processus législatif


montre qu’en réalité la communauté politique a une dimension aristocratique en raison du
fonctionnement des institutions.

Leçon 2. Le développement des sources du droit romain à


l’époque classique (IIe siècle avant JC - IIIe siècle après JC)
A l’époque classique, on assiste à un important développement du droit romain dans un
contexte où le territoire romain s’étend de plus en plus à la valeur des conquêtes. Le droit
romain s’enrichit.
Le contexte politique et social de l’époque classique est marquée par trois grands
phénomènes :
- L’extension du territoire romain (guerres puniques, conquête de la Grèce et de l’Egypte)
- Les guerres civiles à la fin de la République (crise sociale ➡ Populares VS Optimates)
● 1ere guerre civile à la fin du IIe siècle liée aux réformes que veulent mettre en
place les frères Gracque.
● 2e guerre civile au début du IIe siècle opposant Marius et Sylla.
● 3e guerre civile opposant César et Pompée
- L’instauration du Principat

Après l’assassinat de César, on assiste à l’installation d’un nouveau régime politique appelé
le Principat. Les héritiers de César s’affrontent : Marc-Antoine et Octave. Cet affrontement
militaire aboutit à la victoire d’Octave à Actium. A partir de là, Octave exerce à Rome une
forme personnelle de pouvoir qui aboutit à l’instauration du Principat. Pour cela, il cumule
plusieurs magistratures. En 27 avant JC, Octave annonce qu’il renonce à son pouvoir pour
le restituer au Sénat et au peuple. C’est en réalité une stratégie politique puisqu’il sait que
cette renonciation sera refusée par le Sénat. L’objectif est en fait de renforcer son pouvoir
par le Sénat. Le Sénat refuse effectivement la renonciation et fait trois choses :
- Il confirme les magistratures qu’Octave exerce en les cumulant
- Il revêt Octave de l’auctoritas (Octave devient “Augustus”/Auguste)
- Il confirme l’imperium d’Octave qui devient illimité dans le temps et dans l’espace
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On est donc en train d’installer une forme personnelle et autoritaire du pouvoir alors qu’en
apparence on ne modifie pas du tout les institutions. Octave est lui-même le premier à
affirmer que tout ce qu’il veut c’est protéger et conserver la République. Octave prend le titre
de Princeps. Dans ce contexte, le droit romain évolue considérablement.

Section 1. Le rôle joué par les prêteurs

1. Les insuffisances de la procédure civile

I. Les magistrats chargés de la Justice


En 367, les prêteurs deviennent les magistrats chargés de la Justice. Les prêteurs sont des
magistrats élus par les comices. Ils ont la potestas et l’imperium. Comme ils ont l’imperium,
ils disposent également du pouvoir de iurisdictio. Les prêteurs organisent la procédure civile
et les procès civils.

II. Les règles de la procédure civile


Les procès civils à Rome sont des procès en deux phases : une première phase devant le
prêteur qui examine la recevabilité de l’action judiciaire et la formule. Si l’action est
recevable, le prêteur désigne un juge qui juge l’affaire en fond et formule une sentence.
Sous la République, la procédure civile est rigide et contraignante :
- Les citoyens doivent utiliser des formules orales précises
- Le justiciable doit utiliser l’action de la loi qui correspond exactement au litige
- La procédure civile romaine se révèle de plus en plus insuffisante et inadaptée

2. Le rôle procédural joué par les prêteurs

I. La création des actions prétoriennes


Dans les derniers siècles de la République en raison de l’expansion du territoire et du
commerce maritime, on assiste à une transformation de l’économie romaine. Cette
transformation suscite des litiges qui sont présentés aux prêteurs. Les prêteurs prennent
donc conscience de l’insuffisance de la procédure civile. Les prêteurs jouent donc un rôle
fondamental pour adapter la procédure civile au changement de contexte.
Comment ? Ils inventent une technique appelée la “procédure formulaire” ➡ technique
procédurale consistant à ouvrir un procès malgré l’absence de la loi existante pour que
l’affaire soit jugée au fond.
Grâce à la répétition de la procédure formulaire, les prêteurs créent progressivement de
nouvelles actions judiciaires appelées actions prétoriennes.
À partir du IIe siècle avant JC, les prêteurs prennent pour habitude de reprendre et de
confirmer les actions judiciaires créées par leurs prédécesseurs. Premièrement ils
confirment la liste des actions créées par leurs prédécesseurs et annoncent à l'avance la
liste des actions qu’ils vont eux-mêmes créer ➡ édits
Entre les derniers siècles de la République et les deux premiers siècles de notre ère, les
actions prétoriennes sont devenues très nombreuses. Par conséquent, vers 130, l’empereur
Hadrien demande à un jurisconsulte de réaliser un ouvrage unique rassemblant de façon
définitive l’ensemble des actions prétoriennes existantes. Cet ouvrage est intitulé “Édit
perpétuel”.
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II. La reconnaissance du ius gentium


Pour pallier à l’impossibilité de régler les litiges en dehors du ius civile, on assiste à deux
évolutions :
- Création des prêteurs pérégrins ➡ s’occupent des procès opposant un romain à un
pérégrin (Pérégrin : Personne libre qui n’a pas la citoyenneté romaine).
- Application d’actions prétoriennes à des litiges opposant des pérégrins
- Sous l’influence de ces deux innovations, le droit romain reconnaît une valeur juridique à
cette notion de ius gentium

C’est en référence au rôle fondamental joué par le prêteur dans l’Antiquité romain
qu'aujourd'hui pour désigner la jurisprudence on parle de droit prétorien ou droit honoraire.

Section 2. Le rôle joué par la doctrine

1. La naissance de la doctrine à la fin de la République

I. L’origine de la doctrine
A l’époque classique, le droit romain franchit une étape supplémentaire puisqu’apparaît une
doctrine juridique appelée la iurisprudentia. Le mot jurisprudence a comme définition,
jusqu’à la Révolution française, ce qu’on appelle la doctrine. La jurisprudence est produite
par les juristes romains qu’on appelle des prudents/jurisprudents/jurisconsultes.
La doctrine du droit romain apparaît au début de l’époque classique càd dans les derniers
siècles de la République. Les premiers juristes sont des patriciens. Ces premiers juristes
feront par la suite l’objet d’une vénération intellectuelle et en signe d’hommage on les
surnomment les “veteres”. Publius Mucius Scaevola fait partie de ces veteres.
À l’origine, ces jurisconsultes sont avant tout des praticiens et des consultants. Leur
réflexion sur le droit est essentiellement tournée vers leur pratique au profit de leurs clients.
L’activité essentielle de ces consultants se résume en trois mots : respondere, cavere,
agere. Les tous premiers ouvrages sont essentiellement des commentaires comme la loi
des douze tables.

II. Le développement de la doctrine


Un événement favorise le développement de la doctrine : la conquête de la Grèce. Elle fait
circuler dans le monde romain des textes issus de la philosophie grecque où se trouve des
méthodes de raisonnement.
Plusieurs signes traduisent ce développement de la doctrine :
● La doctrine devient un peu plus abstraite
● Les jurisconsultes expriment un très grand intérêt intellectuel pour les définitions, les
qualifications et le sens de mots
● Diversification des types d’ouvrages rédigés par les jurisconsultes. Ainsi on trouve
des lexiques juridiques et des recueils de responsa

2. L’apogée de la doctrine

I. La doctrine sous le Principat


Sous le Principat, la doctrine se perfectionne. Plusieurs signes montrent cette apogée :
Introduction historique au droit

● À l’époque impériale sous le Principat apparaît des écoles rivales. Les deux grandes
écoles rivales sont les Sabiniens et les Procubiens.
● Le développement d’un enseignement du droit. Dans un premier temps, cet
enseignement est informel.
● Les ouvrages se diversifient et évoluent. On trouve ainsi de plus en plus de
véritables traités consacrés à des notions juridiques particulières. On trouve aussi
des manuels d’enseignement comme Institutes de Gaius.

II. Les jurisconsultes sous le Principat


Les jurisconsultes les plus célèbres de l’époque romaine sont : Paul, Ulpien, Modestin,
Gaius et Papinien. Papinien était surnommé le prince des jurisconsultes. Les empereurs
cherchent très tôt à soumettre la doctrine à leur autorité. L’un des moyens utilisés fut la
création du ius respondendi, un brevet officiel délivré par l’empereur. Seuls les titulaires de
ce brevet avaient le titre de jurisconsulte.
De façon générale, sous le Principat, on assiste à un rapprochement entre l’Etat et la
doctrine. En effet, de plus en plus nombreux sont les jurisconsultes qui deviennent des hauts
fonctionnaires dans l’Etat impériale et des conseillers de l'empereur. Auprès de l'empereur,
ils participent ainsi à l'élaboration de la loi. Par exemple Ulpien a exercé la fonction de
préfet du prétoire.

Section 3. Le rôle joué par le pouvoir législatif de l’empereur

1. L’apparition du pouvoir législatif de l’empereur

I. Le déclin des comices


Au début du Principat, l’empereur ne possède pas de pouvoir législatif. Les comices ne sont
pas supprimés sous le Principat car les premiers empereurs s’efforcent de conserver les
apparences républicaines des institutions. Cependant, comme s’installe un pouvoir
monarchie et personnel de l’empereur, progressivement l’empereur réunit de moins en
moins les comices à tel point qu’on assiste à un déclin des comices. Pour s’attribuer le
pouvoir législatif, l’empereur utilise un moyen indirect.

II. L'utilisation de l’oratio principis


Au début du Principat, les empereurs n’ayant pas de pouvoir législatif utilisent le Sénat. Les
empereurs se servent de leur autorité pour demander régulièrement au Sénat de prendre
des sénatus consultes afin d’imposer leurs décisions et mettre au vote des lois devant les
comices appelés oratio principis. Les jurisconsultes considèrent de plus en plus que l’on
peut assimiler les sénatus consultes à des lois.

2. Le développement du pouvoir législatif de l’empereur

I. Les constitutions impériales


À partir du IIIe siècle, les empereurs sont assez puissants pour produire directement les lois.
Pour cela, ils se servent des constitutions impériales. Les constitutions impériales se
définissent donc comme des lois prises directement par l’empereur. Il y a essentiellement 4
types de décisions : édits, décrets, mandats et rescrits. Les décrets sont des décisions
officielles prises par la cour impériale (juridiction supérieure). Les mandats sont des
Introduction historique au droit

instructions administratives envoyées aux fonctionnaires. Les rescrits sont des réponses de
l’empereur à des questions posées par exemple par un fonctionnaire ou un juge impérial.

II. La valeur législative des constitutions impériales


C’est essentiellement grâce à la doctrine que les constitutions impériales se voient
progressivement reconnaître une valeur législative càd ayant la valeur juridique de la loi. Les
jurisconsultes assimilent les constitutions impériales et les lois votées par les comices. Ils
utilisent principalement un argument, la lex de imperio. La lex de imperio devient une
cérémonie permettant de donner le pouvoir législatif aux empereurs. Ulpien résume le
pouvoir législatif des empereurs en une phrase : “Ce qui plaît à l’empereur a la valeur de la
loi”.

Leçon 3. Le développement des sources du droit à l’époque


post-classique (IIIe - VIe siècle)
Au IIIe siècle a lieu dans l’empire romaine une profonde crise politique, militaire, sociale,
économique appelée la crise du IIIe siècle. A partir du 284 est désigné un nouvel
empereur, Dioclétien. Il renforce le pouvoir impérial :
● L’empereur prend le titre de Dominus et les habitants de l’empire deviennent les
sujets de l’empereur ➡ c’est le Dominat
● L’empereur devient l’objet d’un culte
● Les institutions républicaines disparaissent en grande partie. Par exemple, le Sénat
perd toute importance politique. On assiste aussi à une centralisation
progressive et à un développement de l’administration de sorte que les
anciennes magistratures ont été remplacées par un très grand nombre de
fonctionnaires impériaux.
Le territoire de l’empire romain est cependant gigantesque et devient difficile à administrer.
La crise du IIIe siècle montre que l'absence de règles de successions impériales favorise les
guerres civiles, les guerres de successions et les conflits militaires. Dans ce contexte,
Dioclétien met en place un mécanisme politique à deux finalités : améliorer l’administration
de l’empire et faciliter la transmission du pouvoir impériale afin d’éviter les guerres de
successions. C’est la Tétrarchie. La Tétrarchie est un mécanisme politique par lequel
Dioclétien désigne un autre empereur pour régner sur la partie orientale de l’Empire.
Chaque empereur a le titre d’Auguste et chaque Auguste se désigne un adjoint appelé
César. En 305 Dioclétien abdique. Cependant, la Tétrarchie est un échec. L’abdication de
Dioclétien ouvre une nouvelle guerre de succession impériale. Constantin remporte cette
guerre et réunit tout l’Empire. Après Constantin, l’Empire se divise à nouveau. À la mort de
Théodose Ier en 395, la partie occidentale et la partie orientale se séparent définitivement.
L’empire romain d’Occident dure jusqu’en 476. L’empire romain d’Orient devient l’empire
byzantin. Il dure jusqu’en 1453.
Introduction historique au droit

Section 1. Le monopole de l’empereur sur les sources du droit

1. Le développement de la justice impériale

I. La mise en place des juges impériaux


Sous le Dominat, un système judiciaire impérial a complètement remplacé l’organisation
juridictionnelle qui datait de l’époque républicaine. Dans les premiers siècles de la
République, les comices s’occupent des jugements. Progressivement, les comices sont
remplacés par des jurys criminels. A l’époque impériale, la justice est organisée sous la
forme de juridictions de tribunaux impériaux. La Justice est de plus en plus modernisée,
centralisée et hiérarchisée. Cette organisation judiciaire impériale possède trois niveaux de
juridictions :
- Niveau inférieur : Les gouverneurs. Ils exercent la Justice par délégation de
l’empereur.
- Niveau intermédiaire : Les préfets du prétoire. Ils sont juges d’appel.
- Niveau supérieur : L’empereur au sein d’une cour impériale.

II. La mise en place d’une nouvelle procédure judiciaire


Il existe deux types de procédures. Sous la République, on utilise une procédure de type
accusatoire. Cela signifie que l’action pénale doit être déclenchée par un accusateur. La
procédure accusatoire se caractérise par deux grands principes :
- Le rôle en retrait du juge
- L’audience prend la forme d’un débat entre l’accusateur et l’accusé
A l’époque impériale apparaît un nouveau type de procédure que l’on appelle la cognitio
extra ordinem. C’est une procédure de type inquisitoire. Elle possède plusieurs
caractéristiques :
- Le juge peut agir d’office
- Le juge a un rôle actif dans le procès
- Le juge dispose de pouvoirs importants, de pouvoir d’enquête

2. L'utilisation de la doctrine au service de l’empereur

I. Les juristes au service du pouvoir


Une évolution qui s’était amorcé sous le Principat s’achève sous le Dominat : c’est la mise
en service de la doctrine au profit du pouvoir impériale. La doctrine perd une grande
partie de son indépendance vis-à-vis du pouvoir. Les jurisconsultes sont en effet devenus de
hauts fonctionnaires qui, par exemple auprès de l’empereur, participent à l'élaboration des
constitutions impériales. Ils peuvent être préfets du prétoire. L’une des conséquences de la
mise en service de la doctrine est la perte de sa créativité. La doctrine devient moins
novatrice et s’appauvrit par rapport à l’époque précédente.

II. La “loi des citations”


Un exemple clair de la mise en service de la doctrine des jurisconsultes au profit du pouvoir
se trouve dans ce texte que l’on appelle la “loi des citations”. Cette constitution impériale a
été prise en 426 par l’empereur Théodose II.
La loi des citations prévoit que lorsqu’un juge impérial se retrouve à l’occasion d’un procès
face à une question juridique difficile, il doit appliquer la solution unanime ou majoritaire qui
Introduction historique au droit

a été formulée par les plus grands jurisconsultes de l’époque classique. La loi des citations
se réfère à cinq jurisconsultes : Paul, Ulpien, Modestin, Papinien et Gaius.
La “loi des citations” entraîne deux conséquences :
- La doctrine est mise au service du pouvoir
- La doctrine devient explicitement une source du droit

3. La consécration du pouvoir législatif de l’empereur

I. L’empereur : “lex animata”


Sous le Dominat triomphe le pouvoir législatif de l’empereur. La manifestation claire de
ce triomphe se trouve dans la notion de “lex animata”. En effet, durant cette période, la
doctrine affirme que l’empereur est “lex animata” et l’empereur se présente comme “lex
animata”. Cela veut dire que l’empereur est l’incarnation de la loi. De ce fait, seul
l’empereur peut produire la loi. La loi correspond à la volonté de l’empereur. L’empereur
incarnant la loi, les constitutions impériales se multiplient et la multiplication des lois
suscitent une nécessité de les compiler.

II. Les compilations du droit


La multiplication des lois impériales nécessite une mise en ordre car elles sont devenues
trop nombreuses. Les premières compilations du droit sont nées d’un souci pratique. C’est
pourquoi les premières compilations sont en réalité des œuvres privées faites par des
juristes qui voulaient simplement faciliter le travail des praticiens du droit. Les premières
datent de la fin du IIIe siècle. Elles ont été respectivement intitulées “Code grégorien”
composé en 291 et “Code hermogénien” composé en 295. On assiste à une évolution
importante au Ve siècle car a lieu la première compilation du droit officiel. En effet en 438,
l’empereur Théodose II promulgue officiellement une compilation officielle des constitutions
impériales dont il a ordonné la réalisation. On appelle cette œuvre “Code théodosien”. Il se
présente comme une compilation de l’ensemble des constitutions impériales depuis le
règne impérial de Constantin.
Le Code théodosien a deux finalités : imposer le droit impérial et maintenir l’illusion de
l’unité de l’Empire.
Au VIe siècle, l’empereur Justinien commandite la plus importante compilation du droit
romain que l’on appelle “Compilation de Justinien”. Cette compilation présente une
double volonté politique :
- En faire un instrument pour rétablir l’unité de l’Empire
- Justinien, étant un empereur chrétien, veut que l’empire romain restaure son unité pour
rétablir l’unité du peuple chrétien
Justinien ordonne de réaliser cette compilation à un grand juriste de l’époque. Il s’agit du
jurisconsulte Tribonien. Il doit compiler les sources du droit romain depuis les origines. A
l’issue de plusieurs années de travail, quatres recueils sont composés. Le premier est un
code (Codex). Le deuxième s’appelle Le Digeste (recueil qui regroupe par thèmes les
réflexions des plus grands jurisconsultes de l’époque classique). Le troisième recueil est
appelé Institutes. Le plan des Institutes a une partie consacrée aux personnes, une
deuxième partie consacrée aux biens et une troisième partie consacrée aux actions. C’est
ce plan qui servira de modèle au Code civil de Napoléon. Le quatrième recueil s’appelle
Novelles.
Introduction historique au droit

Les compilations de Justinien sont une œuvre officielle donc sa valeur juridique s’impose
au juge. La portée des compilations de Justinien a été considérable car l’essentiel des
connaissances que l’on a du droit romain, on l’a grâce aux compilations de Justinien. Cette
compilation va être redécouverte plusieurs siècles plus tard au XIe siècle : c'est la
redécouverte du droit romain. Elle suscite un phénomène intellectuel appelé la
Renaissance.

Section 2. L’apparition et le développement du droit de l’Eglise

1. L’apparition du droit de l’Eglise

I. L’institutionnalisation de l'Église dans l’empire romain


Le christianisme dans l’Antiquité romaine est un culte nouveau et extrêmement différent des
autres cultes. L’une des particularités du chrisitianisme est le refus du polythéisme. Le
christianisme n’est pas reconnu par l’empire romain durant les premiers siècles et est donc
illicite. Les chrétiens font l’objet de persécutions sporadiques et irrégulières causées par les
populations ou par l’Etat romain. Au IXe siècle on assiste à un changement car les
empereurs deviennent chrétiens. Constantin est le premier empereur à se convertir. Par
l’édit de Milan en 313, il reconnaît officiellement le christianisme. Pour autant, les autres
cultes ne disparaissent pas. En 380 Théodose Ier produit l’édit de Thessalonique qui fait du
christianisme la religion de l’empire romain. Dans ce contexte, le christianisme se
développe et s’institutionnalise. Le christianisme imite les institutions impériales. Par
exemple, l'Église s’inspire du découpage de l’Empire romain pour constituer des
circonscriptions ecclésiastiques en diocèses regroupés en plusieurs provinces
ecclésiastiques. L'évêque de Rome prétend avoir une primauté sur les autres évêques.
Pourquoi ? D’abord pour une raison religieuse puisque l'évêque de Rome est le successeur
de Pierre. Mais aussi pour une raison politique puisque Rome est la capitale de l’empire
romain d’Occident. Par conséquent, l'évêque de Rome récupère progressivement le titre de
pontifex maximus.

II. L'apparition des premiers usages juridiques dans l’Eglise


Les tout premiers usages juridiques dans l'Église se trouvent dans les epistola. Ces epistola
émanent des évêques. Ils sont adressés aux communautés chrétiennes pour trancher des
questions juridiques concernant les personnes ou les biens. Le premier texte véritablement
juridique serait une épître de l'évêque de Rome adressée à la communauté chrétienne de
Corinthe en 96. Parallèlement, certains évêques rédigent des ouvrages dans lesquels ils
parlent de foi, de liturgie et de discipline. On trouve dans ces ouvrages certains usages
juridiques. Le plus ancien est un ouvrage appelé “La Didachè”.

2. Le développement du droit de l’Eglise


A partir du IXe siècle, les usages juridiques sont désormais suffisamment nombreux dans
l’Eglise pour être en présence d’un véritable droit de l’Eglise. Ce droit de l’Eglise se
développe car se multiplient les sources du droit dans l’Eglise. Ces sources du droit sont
essentiellement deux catégories de sources du droit.
Introduction historique au droit

I. Les “canons” des conciles


Les conciles sont des assemblées dans lesquelles les évêques se réunissent
périodiquement. Il existe deux types de conciles : provinciaux et universels. Les conciles
provinciaux ne réunissent que les évêques d’une province eccésiastique. La décision d’un
concile s’appelle un canon. En raison de l’importance des canons, encore aujourd’hui, on
utilise l’adjectif canonique pour désigner le droit de l’Eglise. Les conciles s'intéressent en
premier lieu aux questions de foi mais progressivement les conciles s’intéressent aussi à
des questions juridiques que soulèvent les institutions de l’Eglise et la pratique des
communautés chrétiennes. De ce fait, les canons ont de plus en plus de contenu juridique.
Dans un premier temps, les canons n’ont qu’une portée provinciale. Progressivement, les
conciles acquièrent une portée universelle. Comment ? Grâce au développement de
compilations juridiques. Ces compilations se diffusent dans toute l’Eglise. Par exemple
“Collectio hispana” de Isidore de Séville.

II. Le pouvoir législatif des papes


Le pape est l'évêque de Rome. Progressivement, l'évêque de Rome cherche à se doter
d’un véritable pouvoir législatif en imitant le pouvoir législatif des empereurs. Le pape imite
particulièrement une pratique législative : le rescrit. En raison de sa primauté, les questions
posées par les évêques se multiplient pour l'évêque de Rome. Il formule alors des réponses
qui dans un premier temps ont une portée juridique relative. Dans un second temps, les
réponses du pape acquièrent d'un point de vue juridique une portée générale permettant au
pape d'acquérir un pouvoir législatif. Comment ? Les papes qualifient peu à peu leurs
réponses en utilisant du vocabulaire juridique impérial : constitutio, rescriptum, decretalis
(decretales). En somme, lorsque les papes répondent à certaines questions ils donnent
eux-mêmes une portée générale à leurs réponses. Les décrétales ont progressivement un
caractère général. Peu à peu, les compilations juridiques rassemblent aussi les décrétales.
Ces compilations circulent dans l’Eglise car elles facilitent le travail des évêques. Cela
contribue à donner une portée générale aux décrétales et donne au pape un pouvoir
législatif.

Partie II. Le développement des sources du droit


au Moyen Age (Ve - XVe siècle)
Avec le Moyen Age commence du point de vue de l’histoire du droit une période que l’on
qualifie d’Ancien droit (le droit avant la Révolution française). On retient souvent par
convention deux dates de début et fin du MA : 476 (fin de l’empire romain d’Occident) et
1492. Il y a plusieurs façons de découper le Moyen Age. Ici on découpe le MA en deux
périodes. On appelle la première période le premier Moyen Âge ou le Haut Moyen Âge
(476-987). C’est le contexte de la chute de l’empire romain d’Occident et l’installation de
plusieurs populations germaniques qui se constituent en royaumes. Le royaume des Francs
dirigé par Clovis donne place à deux dynasties : les Mérovingiens puis les Carolingiens.
Le Haut MA est marquée par trois tendances :
● La “personnalité des lois” ➡ application personnelle du droit
● Les rois sont dotés d’un pouvoir législatif appelé capitulaire
● L’importance de l’Eglise
Introduction historique au droit

Leçon 4. Les coutumes au Moyen Age (XIe - XVe siècle)


Les coutumes sont des sources du droit. Elles existent encore en droit français même si
elles ont une place marginale et résiduelle. Les sources du droit se définissent comme un
usage càd un comportement répété dans le temps et ancien, lequel avec le consentement
des usagers, acquièrent une force obligatoire. La coutume comme source du droit occupe
au MA et dans l’ancien droit une place très importante.

Section 1. L’apparition et le développement des coutumes

1. L’apparition des coutumes

I. Le déclin des autres sources du droit


Les coutumes comme sources du droit apparaissent au MA à partir de la fin du Xe siècle
dans un contexte d'affaiblissement du pouvoir royal et de la mise en place de la féodalité. Le
territoire se morcelle en une multitude de seigneuries châtelaines. Ce déclin de l'autorité
royal a entraîné un déclin des autres sources du droit : recul de la doctrine, disparition de la
loi (le dernier capitulaire date de 884). Le roi n’étant plus capable de légiférer et dans ce
contexte, les coutumes apparaissent.

II. L’origine des coutumes


La coutume comme source du droit au MA s’appelle “consuetudo”. La coutume apparaît
principalement grâce à trois pratiques :
● Les usages de familles seigneuriales (lignages) ➡ pratiques successorales, droit
de la famille. C’est ainsi qu'apparaît le droit d'aînesse (primogéniture). Ces
pratiques sont répétés et imités par d’autres familles nobles ➡ apparition coutume
● Rédaction de chartes : des seigneurs réalisent des chartes prévoyant pour les
habitants de la seigneurie des exemptions fiscales et des tarifs en matière pénale.
Ces chartes deviennent parfois de véritables règles coutumières dans les territoires
des seigneuries.
● L’éveil urbain ➡ développement de la justice municipale. Dans le Nord du royaume,
ces villes s’appellent communes.

2. Le développement des coutumes

I. Le contenu des coutumes


Droit du contrat, droit des biens, droit des successions
Le roi estime qu’il est le gardien des coutumes. Il légifère lorsque la coutume ne prévoit rien.
Cependant, le roi se réserve le droit de supprimer les mauvaises coutumes.

II. Les « ressorts » des coutumes


Le ressort désigne un territoire au sens juridique et juridictionnel. Les coutumes ont des
ressorts. Le ressort coutumier est le territoire sur lequel s’applique une coutume. Ce
territoire est à géométrie variable. Il peut s’agir d’une petite seigneurie ou d’un territoire
beaucoup plus vaste (comme un territoire contrôlé par un prince territorial puissant).
Introduction historique au droit

Section 2. L’application des coutumes et la définition juridique de la


coutume par la doctrine

1. L’application des coutumes

I. Le développement des « coutumiers »


A l’origine, les coutumes sont orales à l’exception des coutumes municipales. Pour faciliter
le travail des juges et l’application des coutumes vont apparaître ce qu’on appellent des
“coutumiers”. Ce sont des commentaires de coutumes rédigés par des praticiens du droit ou
par des juges. Voici trois coutumiers célèbres (œuvres privées) :
- Conseil à un ami écrit vers 1250 par Pierre de Fontaine
- Livre de Justice et plet écrit en 1259 par un anonyme
- Coutumes de Beauvaisis rédigé en 1283 par Philippe de Beaumanoir

II. La distinction entre « pays de coutumes » et « pays de droit écrit »


L’importance des coutumes est telle que dès le XIIIe siècle les juristes distinguent deux
grandes zones juridiques : les “pays de coutumes” et les “pays de droit écrit”. Les “pays de
coutumes” désignent au sens juridique l’importance des coutumes dans le Nord du royaume
et au centre. L’expression est utilisée car au nord du royaume, les coutumes sont beaucoup
plus nombreuses que dans le sud du royaume. Cette expression est utilisée en raison de
l’influence exercée par le droit romain principalement à partir du XIIe siècle.

2. La définition juridique de la coutume par la doctrine

I. La définition de la coutume comme règle de droit


Dans les universités du MA se développe une réflexion autour de la doctrine car il y a une
renaissance juridique (renaissance du XIIe siècle). Les juristes s’efforcent de définir
juridiquement la coutume. Pour cela, ils s'interrogent sur les éléments constitutifs de la
coutume. Ils aboutissent à une définition basée sur trois éléments constitutifs : un ressort, un
usus (usage) et le consentement des usagers.

II. La question de la preuve de la coutume en justice


Très tôt, les coutumes ont posé en justice des problèmes de preuve. En Justice, le juge et
les justiciables doivent réaliser un travail consistant à prouver l’existence de telle règle
coutumière dont on demande l’application. Les pratiques probatoires évoluent avec le
temps. Avant le XIIIe siècle, le juge a la possibilité de faire témoigner des notables en raison
de leur connaissance réputée de la coutume. Au XIIIe siècle, les choses évoluent en
particulier sous le règne de Saint Louis. Louis XI prend une loi (ordonnance) qui réglemente
la preuve de la coutume. Cette ordonnance prévoit le recours à une “enquête par turbe”. Elle
consiste, à la demande du juge, de faire venir en justice dix témoins qui par leur témoignage
établissent l’existence d’une coutume ou d’une règle coutumière. Les enquêtes par turbe ne
font pas disparaître les problèmes de preuve. Sous le règne de Charles XVII, l’Etat intervient
de nouveau. En 1454, Charles VII par l'ordonnance de Montil-lès-Tours décide de mettre
par écrit officiellement la plupart des coutumes, principalement celles du nord du royaume.
Introduction historique au droit

Leçon 5. Le développement de la loi au Moyen Age (XIe - XVe


siècle)

Section 1. La renaissance du pouvoir législatif du roi

1. La restauration de l’autorité royale

I. L'instauration de la dynastie capétienne


A la fin de l’époque franque, on a assisté à un affaiblissement important de l’autorité royale
carolingienne. Les rois se montrent souvent incapables de défendre le royaume à la fois
contre les invasions scandinaves et arabes. Profitant de cet affaiblissement du pouvoir royal,
plusieurs Grands (princes territoriaux) ont pris progressivement leur indépendance et se
sont mis à exercer des prérogatives publiques pour leur propre compte. Leur autonomie était
telle qu’à partir de la fin du IXe siècle, les rois carolingiens ne sont plus suffisamment
puissants pour faire des lois s’appliquant à tout le royaume.
Deux dynasties alternent régulièrement à la tête du royaume car la fonction royale est
élective : la dynastie carolingienne et la dynastie des robertiens.
En 987 a lieu un événement important : élection à la tête du royaume des francs d’un
descendant de la dynastie des robertiens, Hugues Capet. Une fois élu, Hugues Capet
parvient à conserver la couronne à l'intérieur même de sa famille. C’est ainsi qu’est fondée
une nouvelle dynastie, la dynastie capétienne qui va garder la couronne jusqu’à la révolution
française.
Hugues Capet et ses premiers héritiers exercent à un pouvoir limité : leur pouvoir se limite
territorialement au domaine royal. En effet, à l'intérieur du royaume ils font face à
l’indépendance de plusieurs grands principes territoriaux. A l’extérieur du royaume, les rois
de France ont un rival très puissant : le Saint Empire romain germanique. Dans ce
contexte, les premiers capétiens sont encore trop faibles pour produire des lois. Ils se
contentent premièrement de prendre des décisions individuels et deuxièmement de prendre
des décisions s’appliquant seulement à leurs territoires.

II. Le renforcement du pouvoir royal


A partir du XIIe siècle on assiste à une évolution politique importante, le renforcement du
pouvoir royal capétien. Ce renforcement du pouvoir s’explique par les efforts fournis par trois
rois en particulier : Louis VI, Louis VII et Philippe Auguste. Ce renforcement du pouvoir royal
a lieu d’abord à l’intérieur du royaume. En effet, à l’intérieur, le pouvoir royal affirme d’une
part sa place au sommet de la pyramide féodale. D’autre part, le roi affirme sa souveraineté
sur l’ensemble des habitants du royaume qui sont donc ses sujets. On est passé de la
suzeraineté à la souveraineté. A l’extérieur du royaume, les rois de France affirment leur
indépendance à l’égard du Saint Empire romain germanique en utilisant en particulier un
argument : le roi de France est princeps, il n’a pas de supérieur. Cet argument devient un
adage : “le roi est empereur dans son royaume”.
Introduction historique au droit

2. L’affirmation du pouvoir législatif du roi

I. Les étapes de l’affirmation du pouvoir législatif royal


Grâce au renforcement du pouvoir royal, on assiste à un essor du pouvoir législatif royal.
Cette affirmation du pouvoir législatif est réalisée en plusieurs étapes entre le XIIe et le XIIIe
siècle :
- Première étape sous le règne de Louis VI Le Gros qui affirme son pouvoir de prendre
des lois à portée générale
- Deuxième étape sous le règne de Louis VII qui prend une ordonnance à Soissons le
10 juin 1155. Ce texte instaure une paix de dix ans. De ce fait, les seigneurs et les
princes n’ont pas le droit de déclencher ou participer à une guerre. Ce texte a une
portée générale et c’est l'acte de la renaissance du pouvoir législatif royal.
- Sous le règne de Philippe Auguste et de Louis IX réapparaissent et se multiplient des
lois à portée générale valables sur tout le royaume

A compter du XIIIe siècle, le pouvoir législatif n’est plus contesté. On peut en donner deux
preuves :
- Le consentement des Grands ne conditionne plus l’application des lois royales
- Le vocabulaire utilisé pour qualifier les lois du roi : ordonnances, édits,
établissements. Cela montre que les lois émanent de la volonté du roi et s’appliquent
sur tout le royaume. Une expression est ainsi fréquemment utilisée : “plenitudo
potestatis”.

II. L’esprit et l’objet des lois royales


Concernant l’esprit des lois royales, la conception des lois royales correspond à la vision
chrétienne de la loi. Pour l’Eglise, la loi doit poursuivre le but du bien commun.
Concernant l’objet, le plus souvent les lois royales concernent des questions de droit public :
organisation du pouvoir royal, la Justice, la lutte contre les abus, la paix de guerre, la
fiscalité. Par conséquent, les rois légifèrent peu au sujet du droit privé. Cela s’explique pour
deux raisons : l’importance des coutumes et l’importance du droit canonique.

Section 2. La consécration du pouvoir législatif du roi

1. Le rôle joué par les légistes royaux

I. Les légistes royaux


Les légistes royaux sont des juristes formés au droit romain (leges) dans les universités. Les
légistes peuvent mettre leur savoir au service de pouvoirs différents comme un prince
territorial important, l'empereur du saint empire romain germanique, l'Église ou le roi
lui-même. Plusieurs de ces légistes se mettent au service du pouvoir royal. Au XIIe siècle a
lieu en Europe un phénomène très important : la redécouverte du droit romain. Il suscite un
très grand essor de l’enseignement du droit romain dans les universités médiévales.

II. La multiplication des légistes royaux au service du pouvoir royal


On assiste à une tendance qui s'accélère à partir de la fin du XIIIe siècle sous le règne du roi
Philippe IV Le Bel (1285-1314). Il augmente la place dévolue aux légistes royaux à la cour
du roi pour le conseiller. Ces légistes deviennent de plus en plus nombreux au sein même
Introduction historique au droit

de la cour du roi. Ils exercent par exemple sous le titre de “notaire secrétaire” et dans
l’administration royale. Ce sont des administrateurs et des juges. Les légistes sont
principalement “baillis” càd qu’ils exercent la justice royale sur un territoire.

2. Les justifications du pouvoir législatif du roi


Les légistes royaux cherchent à justifier juridiquement et intellectuellement le pouvoir
législatif du roi. Ils font une utilisation privilégiée du droit romain. Le pouvoir royal bénéficie
aussi de la reconnaissance de la part de l’Eglise et du pape du pouvoir législatif royal.

I. L’utilisation du droit romain


Les légistes royaux qui sont à la cour du roi ayant reçu une formation en droit romain
cherchent évidemment à trouver dans les compilations de Justinien des arguments pour
justifier le pouvoir législatif royal. Ils utilisent trois arguments puisés dans les compilations de
Justinien :
- Les légistes royaux affirment que le roi de France peut être qualifié de princeps, il a
donc un pouvoir comparable à l’empereur du Saint Empire. Ainsi, leur pouvoir est
aussi comparable au pouvoir des empereurs dans l’Antiquité romaine.
- Si le roi est princeps, il a un pouvoir comparable aux empereurs romains. De ce fait,
puisque les empereurs de l’Antiquité avaient l’imperium et la juridictio, le roi de
France aussi. Ils peuvent donc faire la loi sur tout le royaume.
- Les légistes royaux utilisent au profit du roi les adages juridiques qui avaient été
formulés dans l’Antiquité romaine.

II. L’utilisation du droit canonique


L’Eglise et le Pape reconnaissent que le pouvoir royal est un pouvoir royal supérieur. Les
légistes royaux utilisent deux arguments qui sont liés à la reconnaissance par l’Eglise du
pouvoir supérieur du pouvoir royal :
- L’Eglise affirme que le pouvoir royal bénéficie de la plénitude du pouvoir
- Le détournement du Per venerabilem : Le seigneur de Montpellier a demandé au
pape de reconnaître ses enfants. Le pape a répondu que cette demande peut aussi
être faite au roi car le roi peut aussi légitimer par lettre. Le pape indique aussi que le
roi n’a pas de supérieur dans le monde temporel. Ainsi, le roi peut faire la loi.

Néanmoins, selon l’Eglise, les lois du roi ne sont pas sans limites. En effet, pour
l’Eglise, le pouvoir législatif royal ne peut pas violer le droit naturel, la morale chrétienne et
les lois divines.

Leçon 6. Le développement de la doctrine juridique au Moyen


Age (XIe - XVe siècle)
La doctrine est l'activité de réflexion intellectuelle sur le droit. A la fin du XIe siècle on assiste
à la redécouverte des compilations de Justinien. Cet événement provoque la
renaissance juridique du XIIe siècle. Cette renaissance s’est caractérisée par un important
développement d'une part de la doctrine du droit romain et d’autre part l’apparition d’une
doctrine sur le droit canonique, le tout ayant lieu dans les universités médiévales. Le droit
savant désigne le développement de la doctrine et le développement du droit canonique.
Introduction historique au droit

Section 1. La renaissance de la doctrine du droit romain

1. La redécouverte des « compilations de Justinien » et l’enseignement du droit


romain par les glossateurs

I. La redécouverte des « compilations de Justinien »


A la fin du XIe siècle on assiste à la redécouverte des compilations de Justinien dans le
Nord de l’Italie. Le Digeste est le premier texte redécouvert. Cette redécouverte apparaît
dans un contexte politique et intellectuel favorable à l’utilisation du droit romain : le pape, le
Saint Empire romain germanique. Dans un premier temps, les compilations de Justinien ne
sont pas utilisées dans l’enseignement du droit. Elles sont utilisées pour l’enseignement de
la grammaire et de la rhétorique, des disciplines importantes dans les universités
médiévales. Le tout premier qui aurait enseigné les compilations de Justinien elles-mêmes
serait un certain Pepo.

II. L’enseignement du droit romain par les Glossateurs


L’enseignement du droit romain à partir des compilations de Justinien commence vraiment à
la toute fin du XIIe siècle à Bologne. Le premier juriste qui enseigne les compilations de
Justinien à Bologne est Irnerius. Très vite, l'enseignement d’Irnerius connaît un très grand
succès. Des étudiants venus de toute l’Europe viennent à Bologne suivre l’enseignement
des maîtres et des docteurs. Irnerius enseigne à plusieurs générations d’étudiants et
forment en particulier les quatres docteurs : Martinus, Jacobus, Bulgarus et Hugo. Les
étudiants diplômés rentrent chez eux et peuvent devenir conseillers auprès de pouvoirs
politiques (roi, duc), avocats, notaires, enseignants. Par exemple au XIIe siècle, Placentin se
met à enseigner à son tour à Montpellier qui devient le premier lieu en France où se
développe l’enseignement du droit romain. Vacarius se met à enseigner aussi le droit romain
en Angleterre à Oxford. Les glossateurs sont des juristes du Moyen Âge dont la méthode
d'enseignement consiste à analyser les textes juridiques sous la forme de gloses, à l'origine
interlinéaires ou marginales, élucidant le sens des mots. Progressivement en raison du
prestige des maîtres, leurs gloses sont revêtus d’une réputation intellectuelle et sont
publiées. Au XIIIe siècle les “sommes” et les gloses sont très nombreuses. Pour cette
raison, le juriste Accurse s’efforce d’écrire un ouvrage rassemblant les gloses les plus
connues. Cette œuvre s’intitule Grand glose ou Glose ordinaire. Elle sert de base pour
l’enseignement. Les étudiants formés au droit prennent le titre de doctor puis légistes puis
civilistes. Les lieux d’enseignements sont des regroupements d’enseignants et d’étudiants.
Progressivement ces regroupements de personnes bénéficient de la personnalité juridique.

2. Le développement de la doctrine des commentateurs du droit romain

I. « L’École d’Orléans »
A partir de la fin du XIIIe siècle, les critiques à l’égard de la glose se multiplient. Dans ce
contexte se développe une nouvelle méthode d’enseignement, le commentaire. Cette
nouvelle méthode d’enseignement apparaît et se développe à l’université d’Orléans grâce à
Jacques de Révigny et Pierre de Belleperche.
Introduction historique au droit

II. Le « mos italicus »


Rapidement la méthode du commentaire est adoptée à l’université de Bologne et est
perfectionnée à un très haut niveau par Bartole. Grâce à Bartole, la méthode du
commentaire s’impose dans toute l’Europe. En raison de ce succès, cette méthode est
surnommée “mos italicus”. Finalement ce processus contribue à romaniser l’Europe. La
doctrine du droit romain s’infiltre dans les institutions, dans l’organisation des villes.

Section 2. L’apparition et le développement de la doctrine canonique

1. L’apparition de la doctrine canonique

I. L’importance du « Décret de Gratien » (vers 1140)


Le “Décret de Gratien” est une œuvre ayant une importance considérable dans l’histoire
juridique de l’Europe. C’est à partir de cette œuvre qu'apparaît une doctrine canonique et
qu’elle prend sa véritable autonomie à l’égard de la théologie. Cette œuvre apparaît au XIIe
siècle, siècle de la renaissance du droit. Au XIIe siècle se diffuse la réforme grégorienne,
réforme d’ensemble de l'Église. Elle a deux buts : renforcer l’indépendance de l’Eglise
vis-à-vis des puissances séculières temporelles et renforcer la suprématie du pape sur
l’Eglise. Cette réforme a pour conséquence un renforcement du pouvoir législatif du
pape. De ce fait, les textes canoniques se multiplient, nécessitant une harmonisation des
textes devenues trop nombreux. C’est dans ce contexte qu’on assiste à l’élaboration de ce
fameux “Décret de Gratien”. Il s’agit d’une collection. Quand deux sources du droit se
contredisent, l’auteur donne un dictum (solution).

II. La doctrine des « décrétistes »


En raison de sa grande qualité intellectuelle, le “Décret de Gratien” se diffuse
progressivement dans toute l’Europe et sert d’ouvrage de base pour l’enseignement du droit
canonique. Se faisant, le “Décret de Gratien” a suscité une véritable doctrine dans les
universités, créant des décrétistes (professeurs faisant des réflexions sur le “Décret de
Gratien”).

2. Le développement de la doctrine canonique

I. La collection des « Décrétales de Grégoire IX » (1234)


Jusqu’au premier tiers du XIIIe siècle, c’est le “Décret de Gratien” qui sert de base pour
l’enseignement du droit canonique. Se faisant, le “Décret de Gratien” est en fait devenu
l'œuvre rassemblant le droit canonique. Au XIIIe siècle on assiste à une importante
évolution. Le pape Grégoire IX ordonne au juriste Raymond de Peñafort de réaliser une
nouvelle compilation juridique car les papes n’ont pas cessé de légiférer depuis la réforme
grégorienne. On est en présence d’une sorte de codification. Raymond de Peñafort réalise
un ouvrage intitulé Collection des décrétales de Grégoire IX. Les décrétales sont
compilées dans un ordre logique et thématique. L’ouvrage est divisé en cinq grandes parties
(Moyen mnémotechnique : Un juge a fait un procès à un clerc car il s’est marié avec le droit
pénal) ➡ Juge - Procès - Clerc - Mariage - Droit pénal.
Cet ouvrage est surnommé le Liber extra. Quand on parle du droit canonique, on évoque le
“Décret de Gratien” et les “Décrétales de Grégoire IX”. Le Liber extra joue un rôle
Introduction historique au droit

considérable dans le développement de la doctrine canonique. Les canonistes enseignant le


Liber extra sont surnommés les décrétalistes (opposés à décrétistes).

II. Les collections canoniques postérieures


Après le Liber extra, les papes continuent de légiférer et les décrétales se multiplient. A
nouveau il est nécessaire de les compiler. Deux autres compilations canoniques
apparaissent. D’abord le Sextus en 1292. Le pape Clément V ordonne la rédaction d’une
nouvelle compilation qui s’appelle le Liber Septimus (Les Clémentines). Ces œuvres
contribuent au développement de la doctrine canonique. Jean d’André est considéré comme
l’un des plus grands canonistes de son époque ➡ Glose de Jean d'André sur les Décrétales
En 1917 on élabore un code de droit canonique. Dans le courant du Moyen Âge, s’il est vrai
qu’on assiste à un développement du droit romain et du droit canonique, on voit une
influence mutuelle entre les deux. Leur influence mutuelle est si importante qu’à partir du
XIIIe siècle on parle de droit romano-canonique. Le ius commune est un mélange entre le
droit romain et le droit canonique.

Partie III. Le développement des sources du droit


à l’époque moderne (XVIe-XVIIIe siècle)
A l’époque moderne se dessinent en Europe les systèmes juridiques modernes européens.
Dans le royaume de France le contexte politique est favorable à la modernisation du droit, à
un phénomène d’unification du droit. On assiste à l’émergence du droit français. Le roi de
France s’est rendu indépendant à l’égard des puissances universels. L’Etat royal se
modernise et devient une monarchie administrative et centralisée soutenue par l’absolutisme
royal. Dans ce contexte, on assiste à deux phénomènes importants : la rédaction et la
réformation des coutumes dans le royaume de France. Cela fait apparaître un droit
commun coutumier. Il a contribué à l’émergence du droit français.

Leçon 7. Les coutumes et l’apparition d’un droit commun


coutumier en France à l’époque moderne (XVIe-XVIIIe siècle)

Section 1. La rédaction et la réformation des coutumes

1. La rédaction des coutumes

I. L’ordonnance de Montils-lès-Tours
Au MA, les rois capétiens affirment qu’ils sont gardiens des coutumes. En sa qualité de
gardien des coutumes, Charles VII prend la loi de Montils-lès-Tours en 1454. Elle a deux
motivations : régler les problèmes de preuves que posent les coutumes et abréger la
longueur des procès. En raison de ces deux motivations, l’ordonnance ordonne la mise par
écrit des coutumes qui s’appliquent dans le royaume de France pour leur donner une valeur
officielle. Cependant dans un premier temps l’ordonnance est peu appliquée. Il faut attendre
le XVIe siècle pour que les coutumes soient réellement mises par écrit.
Introduction historique au droit

II. La rédaction des coutumes au XVIe siècle


Le processus de rédaction des coutumes a été mis en œuvre surtout au XVIe siècle. Ce
processus a suivi une procédure en trois phases :
- Des agents royaux réunissent coutume par coutumes des spécialistes des
coutumes. Ces spécialistes procèdent à la mise par écrit du texte coutumier.
- Une fois la coutume mise par écrit, on sollicite le consentement des provinces.
- Les parlements concernés par les coutumes fixent le texte définitif et donnent au
nom du roi une valeur officielle
Exemples : coutume d’Anjou (1508), coutume du Poitou (1514), coutume de Bretagne
(1539)

2. La réformation des coutumes

I. Le but de la réformation des coutumes


Les coutumes ont été rédigés dans le courant du XVIe siècles et ont désormais une valeur
officielle. Cependant très vite apparaissent les imperfections et les contradictions des
coutumes qui ont été mises par écrit. Ces contradictions présentaient des risques liés à la
sécurité juridique. Pour régler cela, on procède à une réformation des coutumes. Elle a été
décidée par le pouvoir royal dans le seconde partie du XVIe siècle. La plupart des coutumes
sont réformées et remplacées par les textes antérieurs. Les nouveaux textes coutumiers
s'appellent nouvelles coutumes ou coutumes réformées.

II. L'influence du pouvoir royal et de la coutume de Paris


Dans le processus de réformation des coutumes, le pouvoir royal exerce son influence grâce
au rôle important que jouent les agents royaux dans les provinces qui organisent la
réformation des coutumes. Ce contrôle des agents royaux explique que régulièrement dans
la réformation des coutumes, une coutume en particulier a exercé son influence sur les
autres. Il s’agit de la coutume de Paris. La réformation des coutumes a deux conséquences :
la consolidation des coutumes

Section 2. La doctrine coutumière et le droit commun coutumier

1. La doctrine coutumière

I. L’apparition d’une doctrine coutumière


La rédaction et la réformation des coutumes mettent à disposition des juristes les textes des
coutumes. Au XVIe siècle apparaît une véritable doctrine coutumière. Les juristes
développant cette doctrine sont Charles Dumoulin et Antoine Loisel.

II. Le fonctionnement de la doctrine coutumière


Les coutumes deviennent un objet de la réflexion juridique. La doctrine réfléchit sur les
coutumes une par une, spécialement sur la coutume de Paris. La doctrine coutumière se
met à comparer les coutumes entre elles. Ces comparaisons soulignent les différences et
les points communs entre les coutumes. On prend conscience d’une géographie
coutumière. Ces comparaisons donnent lieu à la publication d’ouvrages appelés
“conférences de coutumes”. Guy Coquille a publié Conférence des coutumes de France.
Introduction historique au droit

Cette réflexion de comparaison des coutumes entre elles se fait à l’échelle du royaume afin
de dégager les points communs de toutes les coutumes du royaume. C’est ce que fait
Antoine Loisel avec Institutes coutumières. Dans cet ouvrage, Antoine Loisel rassemble tous
les principes communs à l’ensemble des coutumes du royaume. Cette réflexion comparative
fait apparaître un droit commun coutumier.

2. L’élaboration d’un droit commun coutumier

I. La reconnaissance d’un droit commun coutumier


Le droit commun s’oppose au droit propre. Le droit commun désigne l’ensemble des règles
qui s’applique quand le droit propre est inexistant. La réflexion de la doctrine coutumière a
fait émergé l’idée d’une coutume générale du royaume. Depuis la fin du MA on considérait
déjà qu’il avait un ius commune. Mais au XVIe siècle plusieurs juristes français réfutent
l’idée que le droit romain constitue le droit commun pour le royaume. Pour ces juristes
français dont Dumoulin, le droit commun n’est pas le droit romain. (“Les coutumes générales
de la Gaule”). Au XVIe et XVIIe siècles, l’idée du droit commun coutumier progresse
considérablement et se diffuse d’abord dans la doctrine puis dans les milieux des praticiens
du droit et dans les milieux judiciaires. Par exemple, on retrouve de plus en plus dans les
arrêts du parlement de Paris l’expression : “coutume générale du royaume”.

II. Les conséquences de la reconnaissance du droit commun coutumier


La première conséquence est la consolidation des coutumes. La deuxième conséquence est
la favorisation de l’émergence du droit français. Il faut replacer l’émergence du droit français
dans le contexte de l’époque moderne :
- Le contexte politique car le pouvoir royal se renforce
- L’absolutisme royal prend de l’ampleur
- Sur le plan religieux se développe la gallicanisme
Les conséquences :
- La loi de Germain-en-Laye crée pour la première fois une chaire (cours) de droit
français. Les lois des rois
- La doctrine
- Les arrêtistes
Puisque se développe l'enseignement du droit français se diffuse des manuels
d’enseignements consacrés au droit français comme l’ouvrage de Guy Coquilles appelé
Institution au droit français.

Leçon 8. L’organisation de la Justice à l’époque moderne


(XVI-XVIIIe siècle)
Dans l’Ancien droit, la Justice est l’un voire le premier des attributs de la souveraineté. Les
rois hébreux ont reçu de Dieu la mission d’exercer la Justice. Dans un premier temps
l'exercice royal de la Justice avait une dimension féodale. Le pouvoir a cherché à affirmer la
primauté de la Justice royale sur les autres justices (par exemple seigneuriales).
Introduction historique au droit

Section 1. La justice royale héritée du Moyen Age

1. La primauté de la justice royale

I. L’essor de la justice royale


Les rois capétiens considèrent que la Justice est inhérente à la fonction royale. Aux XI-XIIe
siècles, la justice royale est comparable aux autres justices seigneuriales. C’est une Justice
très féodale et élémentaire. Les prévôts exercent la Justice dans les prévôtés. On assiste à
un essor de la justice royale qui se manifeste de deux façons :
- Présence de plus en plus nombreuse de légistes (à la curia regis, dans le personnel
des agents royaux)
- L’apparition des baillis et des sénéchaux
Peu à peu apparaît une distinction entre deux formes de justice royale : la justice royale
retenue et la justice royale déléguée.

II. La subordination des justices concurrentes


En dépit de la primauté de la justice royale, le pouvoir royal n’est pas seul à exercer la
Justice. En effet, il existe d’autres autorités exerçant la Justice comme les princes
territoriaux et les seigneurs. Il existe aussi des justices municipales. Les communes
disposent de leur propre organisation politique et administrative. Il y a aussi les justices
ecclésiastiques puisque l'Église possède un droit canonique (les officialités). Le juge a la
tête d’une officialité s’appelle un official. Dans ce contexte, le pouvoir royal s’efforce de faire
progresser l’idée selon laquelle le roi est le seul titulaire de l’exercice de la Justice : “le roi
est la source de toute Justice. Le pouvoir royal met ainsi en place une politique de lutte et
de subordination contre les justices concurrentes. Les agents royaux mettent
principalement en place trois techniques :
- La prévention : technique par laquelle un juge royal se déclare compétent sur une
affaire avant que le juge concerné soit saisi
- Les cas royaux
- L’appel comme d’abus

2. Le parlement de Paris à la tête de la justice déléguée

I. L’apparition du parlement de Paris


Il est apparu vers 1250. La Cour du roi est itinérante au MA. XIIIe siècle : sédentarisation de
plusieurs juristes qui exerçaient la Justice (curia regis in parlamento). Progressivement, en
raison de cette sédentarisation, les juristes se détachent de la cour du roi ➡ dissociation de
la curia regis in parlamento en parlamento. C’est la naissance du parlement de Paris.

II. Le fonctionnement du parlement de Paris


Progressivement le parlement de Paris se structure en plusieurs chambres : chambre des
enquêtes, la grande chambre, la tournelle. Leurs compétences sont l’enregistrement des lois
royales. Au MA, le parlement de Paris est à la tête de la justice déléguée. Apparaît la
voie d’appel puis la voie de cassation. Apparaît une distinction fondamentale dans le
vocabulaire et mécanisme judiciaire entre le pouvoir de réformation et le pouvoir de
cassation
Introduction historique au droit

Section 2. La modernisation de la justice royal à l’époque moderne

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