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INTRODUCTION
Au cours de l’histoire, plusieurs réponses ont été apportées à la question suivante: qu’est-ce que le droit, alors
même que définir cette matière n’est pas chose aisée. Certains prétendent d’ailleurs que c’est impossible. Pourtant,
depuis deux millénaires que le droit est l’objet de réflexions théoriques, nombreuses sont les définitions à avoir été
données. Le plus souvent, elles sont soit partielles, soit inexactes. Elles ont toutefois deux mérites. Elles essaient
tout d’abord de cerner cet objet d’étude, le droit, dont la vocation principale est d’organiser la vie en société.
Chacune de ces définitions révèlent ensuite les préoccupations des juristes au fil du temps. Il conviendra donc dans
un premier temps d’examiner ces définitions. D’un point de vue chronologique, cet examen s’étendra de Rome au
XXème siècle. A partir de ces définitions, on envisagera ensuite les finalités du droit.
A) La définition formelle
La définition formelle du droit met l’accent sur l’autorité compétente pour édicter une norme qui s’impose à tous.
On remarquera qu’une telle définition ne dit toujours pas ce qu’est le droit mais elle donne a priori un critère
permettant de déterminer avec certitude ce qui relève ou non de la sphère juridique. Sont ainsi exclues de cette
sphère toutes les règles qui ne proviennent pas de l’autorité compétente. Seul l’Etat détenteur du pouvoir législatif
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INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT
a donc la capacité de formuler une règle de droit. Suivant cette logique, on peut donc considérer que le droit est un
ensemble de règles imposées par une contrainte extérieure qui régit les rapports des hommes entre eux. Ainsi, trois
éléments caractérisent le droit: la règle, la force contraignante, les rapports sociaux.
La règle: Dans tous les systèmes juridiques occidentaux, notamment lorsqu’ils sont influencés par le droit romain,
l’idée de droit semble indissociable de celle de norme. L’un et l’autre désigne d’ailleurs une prescription générale
impersonnelle et obligatoire.
La force contraignante: La notion de force contraignante permet de distinguer les règles juridiques des règles
morales et des règles de courtoisie. En général, les civilistes définissent le droit à partir de l’existence d’une
sanction étatique. Une telle analyse connait cependant des limites. Il existe des ordres juridiques qui ne sont pas
l’œuvre de l’Etat. Par exemple, dans l’ancien droit japonais avant 1868, la base de l’ordre juridique privé reposait
sur des modèles de conduites, des règles concernant les différents types de relation sociale. Inversement, il peut
arriver que l’Etat pose des normes juridiques qui sont dépourvues de force contraignante, car il n’y aucune sanction
prévue en cas de manquement. En France, on peut donner comme exemple l’obligation naturelle d’assistance entre
frères et sœurs ou celle d’honorer et de respecter ses pères et mères. Ainsi compris, le droit entendu comme norme
contraignante peut recouvrir des formes diverses. Autrement dit, il existe différentes facettes de la juridicité. Quelle
que soit l’hypothèse envisagée, il n’en demeure pas moins que l’idée-même de contrainte extérieure demeure
présente. Tous les systèmes juridiques à des degrés et suivant des formes variables recourent à la répression de
comportements jugés néfastes sur le plan social.
Les rapports sociaux: Le droit a certes pour objectif d’interdire et de réprimer, mais il a aussi vocation à réguler les
comportements sociaux. En effet, le droit règle les rapports sociaux entre les hommes. Cependant, ces rapports ne
peuvent pas toujours être délimités de manière objective. La frontière entre l’individuel et le collectif ou le social
est parfois sujette à discussion. Au fond, tous les comportements, qu’ils soient personnels ou collectifs, peuvent
être appréhendés par le droit. On peut citer par exemple les règles de politesse. Si nombre de comportements
peuvent être juridicités, il existe toutefois des domaines qui ne relèvent plus en principe du champ juridique. Il en
va ainsi tout d’abord de la religion. En effet, le droit ne régit plus les relations religieuses ou plus précisément, les
rapports entre les hommes et Dieu. Certes, il a existé des droits religieux, comme l’ancien droit français en partie, il
en existe encore, comme le droit hébraïque, musulman ou hindou. Cela étant, les systèmes juridiques positifs se
sont émancipés de la religion. En principe, aujourd’hui, le droit donc être distingué de celle-ci. C’est ce que l’on
appelle la laïcité. Dans la plupart des pays européens, les règles juridiques ne reprennent d’ailleurs pas à leur
compte les prescriptions et les objectifs religieux.
B) La définition réelle
Pour illustrer la définition réelle, on peut lire Philippe Malaurie: « Le droit n’est pas un positivisme arrogant au-
dessus de la mêlée. Il est un conflit permanent de valeurs, d’intérêts et de passions, il est une recherche incessante
de la justice et de la paix. Le droit n’est pas neutre, nous non plus ». En d’autres termes, pour lui, le droit ne se
résume pas aux seules lois. Contre l’identification à ces sources formelles (lois, décrets, ordonnances…), d’autres
auteurs insistent au contraire sur ces sources réelles, sur les forces sociales, les influences philosophiques ou
psychologiques qu’il est censé traduire. Ainsi compris, le droit apparait comme un phénomène social, comme le
produit d’un milieu, d’une communauté. En cela, il ne se distinguerait pas des autres systèmes normatifs qui
émanent tous de la société et reflètent plus ou moins ses valeurs.
A travers les définitions et l’objet du droit, un premier constat peut être dressé. Cette notion a indéniablement une
dimension historique. Pour la saisir, il conviendra donc de faire la genèse de celle-ci, de Rome jusqu’à la fin de
l’Ancien Régime.
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INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT
PARTIE 1 : LE MODELE ROMAIN
Le droit occupe une place primordiale dans l’histoire de l’Antiquité romaine. Le peuple romain a d’ailleurs été
qualifié de « peuple du droit ». Ce droit a mûri tout au long de l’histoire romaine entre les débuts de la république
vers l’an 500 av. JC jusqu’au VIème siècle de notre ère, époque à partir de laquelle il ne reste plus que l’Empire
romain d’Orient. L’histoire juridique de l’Empire est marquée par deux événements: la loi des Douze Tables d’une
part, les compilations juridiques de l’empereur Justinien d’autre part. Entre ces deux dates, il s’est écoulé environ
mille ans. Cette durée explique que l’édifice du droit romain soit immense, il est le fondement à partir duquel les
systèmes juridiques ultérieurs se constitueront en Occident. Ce droit s’est lui-même développé dans un cadre
politique qui a beaucoup évolué pendant ces dix siècles. Il conviendra donc d’envisager cette évolution conjointe
des institutions politiques et juridiques avant d’évoquer les aspects généraux qui caractérisent le droit romain.
Paragraphe 1 : La république
Au début de la république, lorsque Tarquin est exilé, Rome est dirigée par un petit groupe de grandes familles.
Elles sont constituées en castes fermées. C’est ce que l’on appelle les patriciens. Maîtres des grands domaines
ruraux, les chefs de ces familles gouvernent la cité dans le cadre du Sénat. Ils écartent du pouvoir le reste de la
population, les plébéiens. Les luttes sociales opposant patriciens et plébéiens seront dès le début l’un des grands
ressorts de l’évolution institutionnelle de la république. Les principaux magistrats, c’est-à-dire les personnes
investies de l’autorité publique, sont les deux consuls. Ils sont choisis chaque année parmi les chefs des grandes
familles et ils héritent du pouvoir de commandement suprême des anciens rois. A côté des consuls patriciens, la
plèbe obtient dès 494 d’avoir ses propres magistrats, qui sont spécialement chargés de les protéger contre les excès
de pouvoir des patriciens: ce sont les tribuns. Le collège des tribuns ne participe pas directement au gouvernement
de la république, qui reste le monopole des consuls. Dans ces conditions, le régime républicain n’est pas
démocratique. C’est une oligarchie, un régime où quelques-uns gouvernent. Progressivement, les institutions de la
république vont se mettre en place, et comme de nombreuses cités indépendantes du monde méditerranéen à la
même époque, trois organes constitutionnels sont prévus:
- le conseil aristocratique: c’est le plus important. Il réunit les chefs des grandes familles patriciennes. Cette
institution est le Sénat.
- les assemblées: certaines d’entre elles réunissent le peuple tout entier, ce sont les comices. D’autres ne
rassemblent que les citoyens d’origine plébéiennes, ce sont les assemblées de la plèbe. Selon des règles précises,
ces assemblées votent la loi.
- les magistrats: ils sont chargés de gouverner la ville au quotidien. Ils sont élus pour 1 an par les comices. Là
encore réservées par les patriciens à l’origine, les magistratures s’ouvrent progressivement aux plébéiens. Parmi
ces magistratures, on trouve tout d’abord le consul. Il existe ensuite les prêteurs qui ont joué un rôle important dans
l’évolution du droit. Les édiles sont quant à eux chargés de la gestion quotidienne de la ville. Les questeurs sont
chargés des affaires financières. Toutes ces magistratures sont permanentes. Il en va autrement des censeurs, ils
sont chargés de procéder au recensement des citoyens et à la désignation du Sénat. Le recensement constituait une
opération essentielle car elle avait pour objectif d’évaluer la fortune des chefs de famille et d’exercer sur tous les
citoyens d’exercer un contrôle de moralité. Lorsque la république fut à son apogée, ses différentes magistratures
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INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT
étaient hiérarchisées les unes par rapport aux autres. C’est ce que les romains appelaient la carrière des honneurs.
On ne pouvait accéder au niveau supérieur de la magistrature sans avoir au préalable exercé toutes les charges
inférieures. Au IIème siècle, cette hiérarchie s’établit de la façon suivante, de bas en haut: le tribunal de la plèbe,
questure, édilité, prêture, consulat, censure. Dans le cadre de ses attributions, chaque magistrat avait le droit de
donner des ordres aux citoyens et de les contraindre à l’obéissance. Il pouvait aussi faire, lorsqu’il entrait en
charge, une déclaration générale valable pour toute la durée de son mandat. C’est le droit d’édicter ou droit de
promulguer des édits. Cette déclaration s’adressait alors à tous les citoyens ou à une catégorie d’entre eux.
Au moment où la république est exaltée, les institutions romaines apparaissent comme un régime mixte, c’est-à-
dire un régime qui combine à la fois des éléments monarchiques, aristocratiques et démocratiques. Il s’agit là en
réalité de la description donnée par un philosophe grec, Polybe, lorsqu’il analyse la constitution romaine. Cette
constitution était prévue pour une cité peu étendue. Il est donc devenue inadaptée dès lors que Rome a étendu son
territoire. Après avoir conquis l’Italie et la Sicile, puis l’Afrique du Nord, l’Espagne, la Grèce, Rome se trouvait
maîtresse de tous les rivages de la Méditerranée.
Ses institutions étaient en revanche insuffisantes et trop coûteuses pour gérer cet empire territorial. Au Ier siècle,
les institutions de la république se dérèglent. A plusieurs reprises, le fonctionnement des pouvoirs publics est
interrompu. S’ajoute à cela une alternance des guerres civiles et de dictatures inconstitutionnelles. Devenu dictateur
après achevé la conquête des Gaules, Jules César ne jouit que peu temps d’un pouvoir absolu. Soupçonné d’avoir
voulu abolir la royauté, il est assassiné le 15 mars 44. Son neveu et fils adoptif, Octave, clôture le cycle des guerres
civiles et reste finalement le seul maître du jeu. En 27, en se faisant décerné le titre d’Auguste, jusque là réservé
aux dieux, Octave fonde un nouveau régime: l’empire.
Paragraphe 2 : L’empire
Entre sa fondation et sa disparition au Vème siècle, l’empire romain a évolué. On distingue deux périodes:
- le Haut-Empire, qui dure jusqu’au IIIème siècle et se caractérise sur le plan politique par le régime du principat.
- le Bas-Empire, qui commence après la crise du IIIème siècle et correspond à l’instauration d’un nouveau régime,
le dominat.
A) Le principat
S’il y a bien eu changement de régime, l’instigateur de cette transformation, Octave, fit tout pour en minimiser la
portée. Il a cherché à donner l’impression de continuité avec la tradition républicaine. A partir de 31, Octave a mis
fin aux guerres civiles et exerce un pouvoir sans partage. Il repose sur une pratique apparue à l’occasion des
guerres civiles consistant à cumuler les magistratures. Ce procédé de cumul des magistratures doit être en principe
temporaire et de conférer des pouvoirs limités. Prolonger ou étendre ses pouvoirs de sa propre initiative aurait pu
être fatal à Octave. Il aurait pu être soupçonné de vouloir, comme César, aspirer à la royauté. Il manœuvra donc
habilement pour assoir son régime sur une légitimité indiscutable. Cette légitimité devait être républicaine. En 27,
il remit donc tous ses pouvoirs à la disposition du Sénat et du peuple romain, il s’agissait en réalité d’une démission
feinte. Elle ne pouvait être en effet acceptée dans la mesure où elle aurait signifié la reprise des guerres civiles.
Comme il l’espérait, le Sénat le supplia de conserver le pouvoir et lui conféra des attributions supplémentaires.
Elles sont pour l’essentiel, au nombre de deux: il s’agit de l’imperium et de l’autoritas. La première, imperium, est
nécessaire pour exercer le commandement à l’armée et dans les provinces. Elle est en principe concédée pour dix
ans mais elle lui sera renouvelée jusqu’à sa mort. Elle est à l’origine du titre d’empereur. La seconde, l’autoritas,
donne à tous les actes d’Octave une autorité supérieure qui le place au-dessus des citoyens. Octave se fit confirmer
la puissance tribunicienne qu’il rendait inviolable et sacrée. Elle lui permettait de convoquer et de présider les
assemblées du Sénat et de la plèbe et faisait de lui le protecteur du peuple. Il obtenait ainsi davantage de pouvoirs,
mais surtout des pouvoirs dont la légitimité était désormais indiscutable, car il tenait ses pouvoirs de deux
institutions républicaines. Les rouages du système précédent restent donc en place, pour un temps seulement. Le
Sénat, qu’Octave et les empereurs successifs ménagent tout en l’utilisant, conservent des pouvoirs et une influence
certaine. Les magistratures subsistent elles aussi. Toutefois, les empereurs successifs n’hésitent pas à peser sur les
élections d’une part, ils désignent eux-mêmes les titulaires des magistratures d’autre part. Celles-ci sont de plus en
plus vidées de leur substance pour ne devenir à la fin du IIème siècle que de simples titres honorifiques. Dans ce
système, Octave Auguste et ses successeurs se présentent comme « les premiers ». L’empereur n’est que le premier
du peuple, ou le premier du Sénat. Ce régime dans lequel l’empereur n’est que le premier parmi d’autres s’appelle
donc le principat. En dépit des institutions républicaines maintenues, l’autorité suprême est donc bien remise à un
seul homme qui se présente à chaque fois comme un nouveau César et un nouvel Auguste. L’empire est finalement
un régime monarchique dans lequel apparaissent des dynasties.
A la fin du IIème siècle, le système se dérègle. C’est le début d’une crise qui va s’aggraver durant le IIIème siècle.
Ouverte dès 235, la crise présente divers aspects: politiques, sociaux, économiques, militaires. Les frontières de
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INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT
l’empire, solides jusque là, sont violées à plusieurs reprises par des barbares. C’est à cette époque que se produisent
les premières incursions des germains. A la fin du IIIème siècle, le pouvoir impérial est rétabli par l’empereur
Aurélien et par l’empereur Dioclétien. Au-delà du rétablissement, ce pouvoir est surtout renforcé. Au sortir de la
crise du IIIème siècle, l’empereur n’est plus seulement le premier des citoyens, il est aussi le maître de Rome, le
dominus. Tous les habitants de l’Empire sont ses sujets, c’est le dominat.
B) Le dominat
Au cours du IIIème siècle, le pouvoir impérial change de nature. L’empereur devient sacré ainsi que sa famille, ses
collaborateurs ou plus largement son palais. On en revient finalement à la monarchie d’origine divine qui avait été
la règle dans l’Orient ancien. Le caractère divin de l’empereur se traduit lors des cérémonies à la cour puisqu’on se
prosterne devant l’empereur comme devant les statues des dieux. L’empereur est à présent monarque absolu, il
élimine dès lors tous les pouvoirs concurrents du sien, à commencer par celui du Sénat. Dès le IIIème siècle, cette
institution perd toute importance politique. A la place des magistrats, les premiers empereurs ont nommé des
fonctionnaires. Ils sont entièrement au service du prince puisqu’ils sont rémunérés sur son trésor particulier, qui
s’appelle alors le fisc. Au Bas-Empire, les fonctionnaires impériaux se multiplient et assument la totalité des
fonctions publiques. L’empereur devient la seule source du droit et de la justice. L’empereur se veut aussi le chef de
la religion. Au IVème siècle, il reste encore le chef des cultes romains traditionnel. Il essaie toutefois d’utiliser la
religion chrétienne.
Enfin, le pouvoir et ses agents veulent se mêler de l’économie en taxant par exemple les prix. Ce sera d’ailleurs
l’objet en 301 de l’édit du maximum pris par Dioclétien. Malgré ce renforcement des pouvoirs de l’empereur, cet
Etat de plus en plus bureaucratique est en même temps de plus en plus impuissant. Affaibli, l’Empire se divise. Dès
la fin du IIIème siècle, Dioclétien réorganise l’administration locale. Le nombre des provinces est plus que tout
doublé alors que le territoire de l’Empire n’augmente plus. Au-dessus de la province, de nouveaux échelons
apparaissent. Il crée 12 grands diocèses. Cet organigramme complexe culmine en un gouvernement à quatre têtes,
c’est le système de la tétrarchie. Dioclétien considère que l’empire ne peut être gouverné par un seul homme. C’est
pourquoi il désigne un second empereur, en 286, et chacun des deux empereurs principaux est ensuite doté d’un
adjoint. Ces quatre empereurs forment un collège. La division entre ces 2 empereurs principaux oppose l’Occident
et l’Orient. C’est cette division qui se creusera tout au long du IVème siècle. Après l’abdication de Dioclétien en
305, la rivalité entre les tétrarques dégénère vite en guerre civile. Dès 326, Constantin fonde sur le site de Byzance
une « nouvelle Rome ». Constantinople sera désormais la capitale de l’Orient. Après la mort de Constantin en 337,
il y aura donc deux empereurs: l’un à Rome, l’autre à Constantinople. Il y a donc 2 entités politiques distinctes,
chacune mène sa vie propre. En 476, lorsque disparaitra l’Empire romain d’Occident, l’Empire d’Orient perdurera
avec la nostalgie de reconstituer l’unité perdue. Il n’y parviendra cependant jamais.
1) Le code théodosien
Le code théodosien a été composé sur l’ordre de l’empereur d’Orient, Théodose II. Il a été promulgué par lui le 5
février 438. L’objectif poursuivi était alors de rendre le droit plus clair et de faciliter la tâche des juges et des
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INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT
juristes. Préparé par une commission de hauts fonctionnaires, il rassemblait plusieurs milliers de constitutions
générales édictées depuis le règne de Constantin (306-337). Elles sont réparties par matière en seize livres,
subdivisées en titres, et classées par ordre chronologique à l’intérieur de chaque titre. Tous les aspects du droit sont
traités: les sources, le droit privé, le droit pénal, le droit ecclésiastique et le droit public. Le code théodosien est
resté en vigueur pendant un siècle en Orient, avant d’être remplacé par celui de Justinien.
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INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT
PARTIE 2 : L’ANCIEN DROIT
Sur le plan chronologique, l’ancien droit va des début du Moyen-Âge au XVIIIème siècle. Cette période se
caractérise par la richesse de son paysage juridique. Tout en recueillant l’héritage romain, l’ancienne Europe le
transforme. Des éléments nouveaux y sont ajoutés, qui varient d’un pays à l’autre. Bien que porteuse d’un héritage
commun, l’ancienne Europe s’organise politiquement sur le mode de la diversité. Entre le début et la fin du Moyen-
Âge, on voit apparaitre des pays qui coexistent aujourd’hui encore. Le système juridique de l’ancienne Europe est
lui aussi marqué par une grande diversité. S’il présente des éléments communs, il les combine avec des éléments
particuliers. Avant d’être nationaux, ces droits propres sont d’abord locaux. A la multitude des coutumes locales,
correspond la multitude des seigneuries locales. Durant le Moyen-Âge, du Vème au XVème siècle, l’héritage
antique s’est donc enrichi. Il a parfois été modifié. Il faut attendre le XVIème siècle afin qu’émerge l’idée d’un Etat
fort et centralisé. A celle-ci s’ajoute l’idée d’un droit unifié qui ne s’appliquerait que sur un territoire national.
Paragraphe 2 : La féodalité
Au royaume franc, a succédé la féodalité, forme d’organisation politique et sociale qui s’est répandue entre la fin
du IXème siècle et le XIIIème siècle. La féodalité se caractérise d’abord par un phénomène d’affaiblissement du
pouvoir central. Elle a conduit ensuite à la naissance d’un ordre différent, décentralisé à l’extrême, fondé sur des
relations directes et personnelles entre titulaires de fief et de seigneuries.
B) Le système féodo-vassalique
La féodalité n’est pas synonyme d’anarchie. Bien qu’elle ait engrangé des conflits entre seigneurs, elle a constitué
un système politique ordonné. Il était mieux adapté à la situation et plus efficace que la monarchie centralisée des
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INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT
Carolingiens. Ainsi, sur les roturiers, qui habitaient la seigneurie, le seigneur possédait des attributs de la puissance
publique dont l’origine était royale. Il avait notamment le pouvoir de ban, il s’agit du pouvoir de commandement
semblable à celui du roi. Il permettait au seigneur d’exiger des services militaires, des corvées pour l’édification ou
la garde du château. Il permettait aussi de réglementer les pratiques agraires et d’imposer des monopoles
économiques.
Autre prérogative, la justice, qui compte deux degrés. Il existe tout d’abord la haute justice, compétente pour juger
des causes majeures. Au pénal, il s’agissait des crimes graves, tels que l’homicide, le rapt, l’incendie ou le vol. Ces
infractions sont passibles de la peine de mort ou d’une peine corporelle. Il y a ensuite la basse justice, compétente
pour les petits délits, punis d’une amende de cinq sous.
Enfin, le seigneur avait dans sa seigneurie des pouvoirs en matière fiscale. Il pouvait notamment exiger la taille,
impôt annuel perçu sur les roturiers. Les redevances fiscales, pour être perçues, n’étaient acceptées que lorsqu’elles
étaient passées en coutume. Les impôts nouveaux se heurtaient souvent à la résistance des populations locales.
Outre les pouvoirs du seigneur, la féodalité se caractérise aussi par les liens qui unissent les vassaux à leur
seigneurie. Entre membres d’un même groupe, l’autorité était d’une nature plus privée que publique. D’origine
contractuelle, elle reposait sur le contrat de foi et hommage qui créaient un lien personnel de vassalité. L’hommage
vassalique formait des obligations réciproques entre l’inférieur (le vassal) et le supérieur (le seigneur). Le vassal
s’engageait à ne pas nuire à son seigneur, à sa famille et à ses biens. Surtout, il lui devait aide et conseil. Le devoir
de conseil consistait à venir à la cour du seigneur, à siéger à son tribunal et à lui donner un avis loyal chaque fois
qu’il le demandait. L’aide était d’abord militaire. En cas de guerre, le vassal devait combattre au côté du seigneur.
Cette aide était aussi financière. Le vassal devait contribuer aux charges du seigneur dans un nombre de cas fixé
par la coutume. Le seigneur, en retour, devait s’abstenir de nuire à son vassal, le protéger, lui rendre bonne justice
et lui donner les moyens de subsister. Pour se faire, soit il l’hébergeait chez lui, soit il lui concédait un bien
productif de revenu, un fief.
Dans ce système, la royauté a pu paraitre la principale victime de la féodalité. Elle est sortie diminuée dans un
premier temps. Elle n’a pas pour autant disparu. Elle a su par la suite tirer profit du droit féodal pour reconstituer sa
puissance. Le retournement de la conjoncture politique se fait aux XIIème-XIIIème siècles. Le roi n’est dès lors
plus la victime mais le bénéficiaire de la féodalité. Il a su tirer profit de sa position de suzerain pour exiger
l’hommage de tous ses vassaux, y compris les princes territoriaux. Il a arbitré les conflits entre eux et multiplié les
interventions dans leur fief. Au XIIIème siècle, le roi a imposé la règle que les rapports féodo-vassaliques ne
pouvaient jouer contre lui. Tous lui devaient une fidélité prioritaire. De même, il a agrandi son domaine en se
faisant céder des territoires ou en confisquant les terres de vassaux déchus. Cette politique d’agrandissement
précipita le déclin de la féodalité politique et prépara la renaissance de l’Etat.
B) La systématisation de la souveraineté
Contre les monarchomaques, il y a les défenseurs de l’autorité royale. Ils se composent de catholiques modérés
issus en majorité du milieu des avocats et des officiers de justice. Dans ce contexte des guerres de religion, le
jurisconsulte Jean Bodin a joué un rôle décisif dans la formation du concept moderne de souveraineté. Il est
l’auteur d’un ouvrage majeur, Les six livres de la République, publié en 1567. Bodin a été le premier à proposer
une définition générale de la souveraineté. Il en a montré la fonction sociale et en a dégagé les caractères essentiels.
Pour lui, la souveraineté est inséparable de l’Etat, de la République. Une République est une fédération de corps,
une union de ménages, plus généralement de familles. La souveraineté réside dans la puissance supérieure qui
impose à tous ses corps le respect de l’intérêt commun. Elle les maintient dans l’unité, fonction fédératrice sans
laquelle aucune organisation de la société ne serait viable. Bodin définit alors la souveraineté comme une puissance
absolue et perpétuelle. Perpétuelle car ne peut être souverain celui dont l’autorité n’est que temporaire ou qu’une
autre autorité pourrait révoquer à tout moment. Absolue parce que la souveraineté exclut par nature limitation
provenant d’une puissance supérieure. La souveraineté signifie d’abord l’indépendance à l’égard de tout autre
autorité. De cette nature absolue, découle une troisième caractéristique, l’indivisibilité. La souveraineté ne se
partage pas, elle ne peut être scindée entre deux ou plusieurs organes égaux sans s’en trouver détruite. Bodin
condamne la thèse du régime mixte car il existe toujours dans ce système une autorité supérieure aux autres. La
souveraineté peut être confiée en revanche à un monarque, à une élite ou un peuple. Dans ce cas, la nature de la
souveraineté reste la même, elle est indivisible et absolue dans une démocratie ou dans une monarchie. Aux yeux
de Bodin, la monarchie apparait la mieux adaptée au bon exercice d’une souveraineté impartageable car la
monarchie permet la réunion de tous les pouvoirs en la personne d’un seul.
Cependant, l’indivisibilité de la souveraineté n’implique pas l’administration de l’Etat par un organe unique. Bodin
enseigne au contraire que dans la plupart des régimes politiques, plusieurs personnes ou plusieurs corps concourent
à l’exécution des tâches gouvernementales. Il a ainsi introduit une distinction originale entre Etat souverain et
gouvernement. A ce dernier, peuvent participer conjointement un roi, des ministres, des magistrats, des conseils
aristocratiques, des assemblées populaires sans pour autant que la souveraineté ne soit remise en cause. Il suffit que
parmi eux, il y en ait un qui soit supérieur aux autres. Il doit au surplus avoir la faculté de statuer en dernier ressort.
Ainsi, une monarchie souveraine peut s’accommoder de l’existence d’organes aristocratiques ou d’assemblées
représentant le peuple dès lors qu’il revient toujours au roi de décider seul. La doctrine de Bodin a eu un
retentissement considérable. Bien qu’elle offre une théorie de la souveraineté valable pour tous les régimes, c’est
avant tout au profit de l’autorité royale française qu’elle a été utilisée au cours des guerres de religion. Elle sera
ensuite reprise par des publicistes du XVIIème siècle qui se contenteront d’affirmer le caractère absolu, indivisible
et impartageable de l’autorité du roi. Guy Coquille et Charles Loyseau n’ont fait que paraphraser Bodin. Le
premier a écrit par exemple que « le roi n’a point de compagnon en sa majesté royale ».
1) La justice concédée
La justice concédée correspond aux juridictions où les jugements n’étaient pas rendus au nom du roi ni par ses
représentants. A l’origine, ils émanaient des autorités seigneuriales, municipales ou ecclésiastiques qui jugeaient en
vertu d’un pouvoir propre. Toutefois, l’idée a prévalu que la faculté de juger ne pouvait venir que d’une concession
du roi. A ce titre, le souverain conservait donc sur ses juridictions un droit de supériorité. Cette supériorité, en
matière de justice concédée, il l’a acquise tout d’abord au moyen de l’appel. A partir du XIIIème siècle, l’appel a en
effet constitué un instrument privilégié d’affirmation de la souveraineté dans le domaine judiciaire. Il a permis de
réformer les jugements des tribunaux seigneuriaux et d’interpréter les règles coutumières. Sur un plan plus
politique, il a aussi contribué à imposer l’autorité de la couronne sur les grands fiefs. Ensuite, le roi est parvenu à
restreindre la compétence des juges seigneuriaux en imposant la théorie des cas royaux. Cette théorie a été forgée
par les légistes. La réserve des cas royaux était utilisée dans les affaires où l’intérêt du roi était directement
concerné. Il s’agit des cas de lèse-majesté, de violence contre ses officiers, de contrefaçons de son sceau ou de ses
monnaies, d’infractions à ses ordonnances ou de troubles à l’ordre public. Cette liste n’est pas limitative, elle
pouvait donc être allongée indéfiniment. Comme les causes du roi ne relevaient que de lui-même, elles ne
pouvaient pas être jugées par des juges inférieures. Ces procès se trouvaient par conséquent soustraits à la
compétence des juges seigneuriaux et portées devant les juridictions royales. A l’égard des justices d’Eglise, les
mêmes techniques ont été employées pour réduire leurs compétences à partir du XIVème siècle. Les juridictions
ecclésiastiques ont été progressivement amputées de toutes les affaires qualifiées de mixtes, c’est-à-dire des affaires
qui avaient un aspect à la fois spirituel et temporel. Ce fut le cas par exemple en matière de contrats conclus sous
serment, de testaments ou d’effets patrimoniaux du mariage. De même, traditionnellement, les ecclésiastiques
disposaient du privilège du for qui leur permettait d’être jugés par les juridictions ecclésiastiques. Comme les cas
royaux, les légistes vont développer la théorie des cas privilégiés. Celle-ci excluait le privilège du for dès l’instant
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INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT
où un ecclésiastique commettait un acte portant atteinte à l’ordre public et aux intérêts du roi. Dans ce cas, il était
jugé par les juridictions royales. Enfin, à partir du XVème siècle, l’apparition d’une nouvelle voie de recours,
l’appel comme d’abus, a permis de déférer au parlement toutes les décisions gracieuses ou contentieuses des
autorités ecclésiastiques. Qu’il relève des tribunaux seigneuriaux ou des justices ecclésiastiques, aucun procès
n’échappait ainsi à la juridiction souveraine du roi.
2) La justice déléguée
Tout en étendant son contrôle sur les justices concédées, le roi a instauré ses propres tribunaux. En leur sein, les
jugements étaient rendus en son nom par des officiers qu’il nommait et à qui il confiait l’exercice de son pouvoir
judiciaire. Il existe 3 échelons. A la base, il y a les prévôtés ou vicomtés, compétentes à partir de 1336 pour les
affaires civiles et pénales de peu d’importance. Au-dessus, il existe les baillages ou sénéchaussées. Ils constituaient
à partir du XVIème siècle les tribunaux de droit commun compétents en première instance pour toutes les affaires
qui n’étaient pas attribuées à d’autres juridictions. Ils étaient également compétents en appel pour juger les
décisions des prévôts et des juges seigneuriaux. Au sommet la hiérarchie, on trouve les parlements. Ils connaissent
en première et dernière instance des causes de certains privilégiés, les nobles, et en appel des jugements des
juridictions inférieures. A l’origine, il n’existait qu’un parlement, celui de Paris. A partir du XVème siècle, sa
compétence géographique fut réduite en raison de la création de parlements provinciaux. Il en fut créé à Toulouse
en 1444, à Grenoble en 1457, à Bordeaux en 1462, à Dijon en 1477, à Aix-en-Provence en 1501. Dans toutes ces
juridictions, la justice était rendue au nom du roi par les magistrats titulaires d’une fonction permanente. Chaque
magistrat est titulaire de ce que l’on appelle un office. A l’origine, celui-ci était révocable. Progressivement, les
juges vont obtenir une grande indépendance. Au 16ème siècle, se développe la vénalité des offices. Leurs titulaires
étaient donc propriétaires d’une charge qui devint héréditaire en 1604.
3) La justice retenue
Source de toute justice, le roi disposait en cette matière d’un pouvoir immense qui constituait une manifestation de
son pouvoir souverain. Il pouvait intervenir dans les procès en instance de jugement, dessaisir les tribunaux
compétents au profit d’autres juridictions, voire juger lui même ou réformer les arrêts déjà rendus. La justice
retenue correspond donc à ces interventions royales. Il ne s’agissait pas, comme on a put l’écrire au 18 ème siècle,
d’un abus de l’absolutisme. Ces interventions étaient pour la plupart sollicités par les plaideurs eux-mêmes. Le roi
restait leur ultime recours. Dès les XIIIème et XIVème siècles, l’habitude avait été prise de lui adresser des
suppliques pour réformer une décision de justice. Les lettres de chancellerie constituaient la forme la plus simple
de la justice retenue. Sollicité par un plaideur, elle visait à modifier le cours de l’instance ou à l’interrompre. A coté
des lettres de chancellerie, il existe les lettres de grâce. Elles sont fondées sur la bienveillance et consistait pour le
roi à concéder à un particulier des avantages en matière civile. Il anoblissait de la sorte une personne ou naturalisait
un étranger. Elle s’impliquait aussi en matière pénale et permettait d’accorder le pardon d’un crime ou d’un délit.
Enfin il y a les lettres de cachet qui ordonnait l’enfermement d’un sujet dont la mauvaise conduite ou le
comportement troublait l’ordre public. Elles étaient peu utilisées dans les affaires politiques mais servaient surtout
à résoudre discrètement des conflits familiaux ou à interner des aliénés dangereux.
La justice retenue se manifestait aussi par l’évocation des procès. Cette évocation permettait au roi de retirer la
connaissance d’une affaire au juge normalement compétente pour la remettre à des commissaires spécialement
nommés par lui. Ce type de justice était surtout utilisé dans les procès politique comme celui de Fouquet. En dehors
des procès politiques, le recours à la justice retenue était le fait des parties elles-mêmes. Elles espéraient des
jugements meilleurs et plus rapides. Les causes qui ne pouvaient être tranchées par les juges ordinaires venaient
ainsi devant le Conseil du roi. Placé en permanence auprès du roi, le Conseil est devenu l’instrument privilégié de
la justice retenue. Le Conseil était censé connaître en premier lieu du contentieux administratif et fiscal et des
procès entre des particuliers et l’administration. La justice retenue, manifestation de la souveraineté a ainsi donnée
naissance aux plus importantes voies de recours de la procédure moderne telle que la cassation.
C) Le principe de catholicité
Là encore, comme toutes les autres dispositions, cette règle s’affirme de manière empirique à l’occasion d’une
difficulté qu’il faut résoudre. Pendant tout le Moyen-Âge, que le roi fut catholique allait de soi. C’était une
évidence que nul ne contestait. Avec la rupture d’unité de foi au XVIème siècle, le problème se pose dans le
courant de l’année 1589 au lendemain de l’assassinat d’Henri III. Celui-ci disparait sans enfant mâle tandis que son
frère, le duc d’Anjou, était décédé en 1584, lui aussi sans descendance. Par le jeu normal des règles de succession,
le successeur ne pouvait être qu’Henri de Navarre. Sur ce point, il n’y avait aucune contestation possible, et chacun
s’accordait à voir en lui l’héritier de la couronne. Mais étant de religion réformée, le chef du parti protestant et
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INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT
excommunié par le pape en 1585, son accession à la royauté soulève aussi l’opposition des catholiques, plus
précisément des Ligueurs. Ceux-ci dominaient l’entourage d’Henri III et redoutaient déjà ce qui devait arriver. Ils
avaient donc contrait ce roi dès 1588 à promulguer un édit qualifié d’édit d’union. Au terme de ce texte, le roi
déclarait s’unir aux princes et aux seigneurs catholiques par la foi du serment. Était en outre posée la règle d’après
laquelle le roi devait obligatoirement être de religion catholique. Peu de temps après, en octobre 1588, les Etats
généraux de Blois ratifient ces édits et lui donnent valeur de loi fondamentale. Ainsi, le principe de catholicité
devait être à partir de ce moment tenu pour loi inviolable du royaume. Henri III assassiné après avoir désigné Henri
de Navarre pour lui succéder, les Ligueurs s’appuient sur ce texte pour lui contester la succession. Ils en demandent
l’application et font observer l’impossibilité qu’il y aurait à faire sacrer un roi protestant. En conséquence, il
déclare le trône vaquant et proclame roi, sous le nom de Charles X, le vieux cardinal de Bourbon, archevêque de
Rouen, oncle paternel d’Henri de Navarre. Néanmoins, il mourut en 1590 sans qu’il ait pu être sacré. Cette
tentative des Ligueurs démontrent que dans leur esprit, la règle de catholicité devait l’emporter sur la règle de
primogéniture.
Ce fut finalement le parlement de Paris qui apporta la solution dans un arrêt du 28 juin 1593, dit arrêt Lemaistre, du
nom de son président. Par cet arrêt, le parlement se limite à rappeler les principes de dévolution de la couronne. S’il
prend acte du nouveau principe de catholicité posé par l’édit d’union, il n’affirme pas que sa mise en œuvre doive
permettre d’écarter ce que la coutume a depuis longtemps établi en matière de succession. Il y a là un corps de
règles dont l’application doit jouer de manière simultanée.
Restait à Henri de Navarre, héritier nécessaire de la couronne, à en tirer toutes les conclusions. Il le fit en habile
politique moins d’un an après. Le 25 juillet 1593, il abjure sa religion d’origine et se convertit au catholicisme. Il
est sacré à Chartres le 27 février 1594. (le prof va vérifier les dates pour la prochaine fois)
1) Le titulaire de la régence
Depuis l’ordonnance de Charles V en 1374, la majorité royale est fixée à 14 ans. C’est donc jusqu’à cet âge du
jeune roi que s’exerce la régence ou à tout moment de sa vie, s’il est empêché ou absent. Dans la pratique, aux
XVIème et XVIIème siècles, la régence est le plus souvent assuré par la reine-mère. Ainsi, en 1560, Catherine de
Médicis, veuve d’Henri II, assume la régence pendant la minorité de Charles IX. En 1610, Marie de Médicis, veuve
d’Henri IV, préside aux destinées du pays pendant la minorité de Louis XIII. Anne d’Autriche enfin, veuve de
Louis XIII, se voit aussi confier la régence pendant la minorité de Louis XIV.
1) La consistance du domaine
L’édit de Moulins ne s’attache pas à définir la structure du domaine de la couronne. Au XVIème siècle, elle est bien
connue. Le domaine réunit un ensemble d’éléments corporels et d’éléments incorporels. Parmi les premiers,
figurent les terres, les grands chemins, les cours d’eau navigables, les rivages de la mer, les châteaux, les places
fortes et les ouvrages défensifs. Les seconds comprennent les droits de souveraineté, les droits féodaux et
seigneuriaux et les droits de propriétaires fonciers. A l’intérieur de cet ensemble, l’édit de Moulins opère une
distinction entre domaine fixe et domaine casuel. Le domaine fixe comprend tous les biens et droits acquis à la
couronne au moment de l’avènement du nouveau roi. Il contient aussi tout ce qui, après avoir été administré
pendant 10 ans par les agents royaux, a été partie intégrante du domaine. A l’opposé, le domaine casuel est
composé de tout ce qui advient au roi par conquête, achat, échange, succession et confiscation. A moins qu’une
clause expresse n’unisse ses biens à la couronne, le roi peut en disposer librement. Cependant, à sa mort, cet
ensemble se trouve automatiquement incorporé au domaine fixe.
2) L’inaliénabilité du domaine
Depuis longtemps, la royauté avait senti la nécessité qu’il y avait à protéger la domaine contre les risques
d’aliénation. Jusque là, aucun texte législatif n’avait érigé en principe avec autant de vigueur la règle
d’inaliénabilité. Celle-ci implique que le roi est tuteur et curateur de l’Etat. Il ne peut se comporter qu’en
usufruitier à l’égard du domaine qui est un bien rattaché à l’Etat. Pour les théoriciens de la monarchie, le roi est au
service de l’Etat au même titre que le tuteur est au service de son pupille. Dans ces conditions, de même qu’un
tuteur doit maintenir intact le patrimoine de son pupille, de même le roi ne peut en rien aliéner le domaine de la
couronne dont il a la garde. Dans la pratique, cette règle de l’inaliénabilité a des effets très contraignants, même si
elle ne s’applique qu’au domaine fixe. Elle joue dans l’ordre interne, puisque le roi ne peut rien aliéner du domaine
pour les besoins de sa gestion quotidienne. Elle joue aussi sur le plan international à chaque fois que le roi, à la
suite d’une défaite militaire, se trouve contraint de céder une portion du territoire. Il manquait toutefois à cette
règle d’inaliénabilité son corollaire, celle de l’imprescriptibilité. Pour assurer une protection complète du domaine,
le principe qu’aucun des biens qui le composent ne saurait être acquis par une occupation prolongée devait être
posée. C’est la raison pour laquelle les juristes firent remarquer que si le roi ne pouvait aliéner un portion du
domaine, il était indispensable de prévoit que personne ne puisse en acquérir la moindre partie par prescription.
Cette règle sera consacrée dans l’ordonnance de Blois de 1579. Imprescriptible et inaliénable, le domaine se
trouvait ainsi garanti contre tout empiètement des particuliers. Il était aussi protégé des risques de retour aux
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INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT
aliénations si courantes des siècles précédents.
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