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PARTIE 1 

: L’UNIVERSALIME DE LA DOCTRINE JURIDIQUE, ENTRE


ROMANITE ET CHRETIENTE
La doctrine juridique est un phénomène qui apparait à Rome et
qui va connaitre une évolution très riche. Les romains sont un
peuple de juristes. C’est aussi un peuple impérialiste. Ils sont
convaincus de devoir régner sur le monde. Ils vont répandre la
manière de vivre à la romaine après avoir conquis le territoire
par les armes. 

Chapitre 1 : le berceau romain de la doctrine juridique


Le droit romain n’est pas fait d’un bloc, il a une histoire longue
de plus d’un millénaire. Pour Rome, il commence dès les
premiers siècles de sa fondation et se prolongera jusqu’aux
grandes compilation du 6 s qui vont cristalliser l’état du droit
e

romain ds son état le plus accompli. Elle va donc traverser


toutes les formes de régimes juridiques que va connaitre Rome.
 Royale : -753 à -509. 7 rois se seraient succédé sur cette
période.
 République : -509 à -1 s. Attention, la république romaine
er

n’a jamais été une démocratie, c’est un mélange de


magistrats (hommes politiques en ppe élus pour un an), le
sénat (oligarchie) et le peuple (qui va s’exprimer ds des
assemblés populaires). S’étend considérablement jusqu’au
1 s av. JC, ce qui va se payer par la désuétude des
er

administrations romaines pour ce territoire trop vaste.


Rome va vivre des coups d’Etat et la dernière grande
bataille se fera entre les héritiers de César. Octave
remportera cette bataille en -27. Octave prendra le titre
d’Auguste et va s’accaparer de prérogatives qui
appartiennent soit au sénat, soit aux assemblées
populaires, ce qui va transformer le régime.
 L’Empire : -27 à 476 : l’Empire est divisé en 2 phases :
 Le principat (= Haut-Empire) : on conserve la façade
républicaine de certaines institutions.
 En 284 démarre le Bas-Empire où le pouvoir de
l’Empereur est absolu et qui tendra vers le pvr de
droit divin.
En 384, scission de l’Empire qui durera jusqu’en 476 côté
oriental et en 1453 en Orient, avec la prise du
Constantinople.

L’histoire du droit romain se fait en 3 grandes phases qui vont


correspondre à 3 formes de procédures civiles :
 La période de l’ancien droit : va des débuts de Rome
jusqu’au milieu du -2 s. Le droit y est très formaliste et la
e

procédure civile est celle des actions de la loi. Requiert


l’emploi de paroles très scrupuleuses, de gestes rituels.
 La période du droit classique : de -2 s au 3 s. Correspond à
e e

la procédure formulaire, plus souple, moins formaliste.


 La période du droit post-classique : commence au 3 s. e

Moment de la procédure extraordinaire car fait aboutir


toute la justice dans les mains de l’Empereur.

Section 1 : la naissance de la doctrine juridique romaine


A Rome, le droit à ses débuts est très lié à la religion. Droit
romain et religion romaine sont au début de la compétence du
collège des Pontifes (collège de prêtres qui vont être les seuls à
avoir le monopole du droit et de la religion pendant des siècles).
C’est très progressivement que le droit va réussir à se séparer de
la religion et c’est seulement une fois cela fait que vont
apparaitre les juristes laïques qui auront la charge du droit.
L’invention du droit est postérieure à la séparation du droit et
de la religion.

§1. La fondation d’une discipline autonome


Jusqu’au début du -5 s, le droit va plonger ses racines ds la
e

religion et l’autonomie du Droit ne va apparaitre que quand le


droit va réussir à s’isoler de la religion.

A. L’autonomie du droit
N’implique pas que le droit soit de suite pris en charge par les
laïques. Le droit restera même après avoir été isolé de la
religion sous la direction des Pontifes.

1. L’isolement du droit
Cette séparation sera pourtant l’œuvre des Pontifes. Puisqu’ils
ont la charge du droit et de la religion, ils vont devoir opérer une
sorte de partage des tâches pour plus d’efficacité. Ils vont établir
l’idée que :
 Relève de la religion le maintien de la paix entre les Dieux
et les Hommes ;
 Relève du Droit le maintien de la paix entre les Hommes.
Les Pontifes en arriveront à distinguer le fas et le jus :
 Le fas désigne l’organisation générale du monde, ce qui
est permit et défendu de faire aux Hommes par les Dieux.
 Le Jus sera l’organisation que les Hommes vont s’imposer
à eux-mêmes.
Cette distinction va aboutir à mettre en place des rituels
différents selon qu’il faille solliciter le soutien des Dieux (augure,
interprétation de signes…) ou qu’il faille rétablir l’harmonie entre
les hommes (une des première forme de justice à Rome). Ce jus
des temps primitifs n’est pas un droit laïque, c’est un droit sacré
car il est fait appel aux Dieux pour le former (exemple du
serment) et sanctionner les violations de ce jus, notamment par
la mise à mort selon la volonté des Dieux 🡪 c’est très loin d’être
laïque. C’est parce qu’il est sacré que les romains obéissent aux
prescriptions du collège des Pontifes.
Ce n’est qu’au milieu du -5 s que le droit sacré va devenir
e

laïque. Grand texte : la Lois des Douze Tables 🡪 la plupart des


mesures ne font pas appel aux Dieux. Vers -400, le monde du
droit et du Sacré se sont complètement séparés. Veux dire qu’il
ne peut plus y avoir de conflit entre les deux ordres. Pas besoin
de poser la question de la hiérarchie entre le droit et la religion.
Implique que le droit à Rome puisse être analysé et critiqué sans
que ce ne soit vu comme une atteinte à l’ordre divin. 
 Mais même laïcisé, le droit restera sous le contrôle des
Pontifes.

2. Le contrôle initial des Pontifes sur la vie juridique


Les Pontifes auront pdt plusieurs siècle la maitrise du calendrier
judiciaire et politique. Ils fixeront la qualité de chaque journée,
ils décideront de si le jour est faste ou néfaste. De la Royauté
jusqu’à la fin de l’Empire, les jours n’auront pas la même qualité.
 Les jours fastes permettront la tenue des affaires
publiques (assemblées politiques et tenue des instances
judiciaires)
 Les jours néfastes seront réservés aux affaires religieuses
et pendant lesquelles les affaires publiques ne peuvent pas
se tenir.
Il y a plusieurs catégories de jours fastes et néfastes, permettant
ou non de tenir plusieurs affaires publiques en même temps. Ces
jours sont mouvants, parfois au jour même, et ce sont les
Pontifes qui décident le matin de la qualité de la journée, sur le
forum. Ils ont donc un contrôle matériel du calendrier.
Mais les Pontifes ont surtout le contrôle de la procédure
judiciaire. Jusqu’au -2 s, la procédure appliquée est celle des
e

actions de la loi. Dans cette procédure, le procès est divisé en 2


phases :
 La phase in jure, qui se déroule devant un magistrat
(homme politique élu). Le magistrat doit déterminer s’il
accepte ou non les prétentions du demandeur en les
acceptant si elles rentrent ds le cadre de procédure
d’actions déjà existantes, fixées soit par la tradition, soit par
des textes législatifs. Il va aussi vérifier le formalisme par
lequel le demandeur a introduit son action. Les plaideurs ne
peuvent pas exprimer librement leurs prétentions, il y a des
formalités orales et gestuelles prescrites. S’il accepte les
prétentions, on passe à la 2 phase du procès. Toutes ces
e

formes verbales et gestuelles n’apparaissent dans aucun


texte, elles ont été fixées uniquement par les Pontifes. La
connaissance de toutes ces formes va rester leur
monopole. Tit Liv dira « le droit civil était caché ds le
sanctuaire des Pontifes ». Les plaideurs doivent donc se
rendre auprès des Pontifes (payant) pour qu’on leur
apprenne les formules et gestes à faire devant le magistrat
et doit s’engager par serment à ne pas les divulguer. Et les
magistrats, lorsqu’ils sont élus, sont aussi formés par les
Pontifes et ne doivent pas divulguer les formalités. Si les
Pontifes ont gardé ce monopole des siècles, ça s’explique
par la situation politique de la République romaine.
 La phase apud judicem qui va se dérouler devant un juge
(simple particulier nommé pour une seule affaire – pas de
juges pros à Rome).
Révolution réactionnaire en -509 qui ne débouche pas sur un
régime démocratique mais sur une oligarchie. Le pvr tombe aux
mains d’une élite qui va le confisquer : les patriciens. La plèbe
n’y aura lors plus accès. Seuls les patriciens peuvent alors
devenir prêtre ou accéder à la magistrature. Cette rupture va
être durable. La différenciation ne se fait pas sur un critère
d’argent ou d’ethnie, la raison est inconnue.

Il y aura donc 2 groupes sociaux, deux ordres, qui se partagent la


cité. Ils se doteront d’institutions distinctes. Pour les plébéiens,
ils auront le Tribun de la plèbe, qui défendra les groupes c/ les
patriciens. Pdt 1 siècle et demi, il y aura de grandes tensions
politiques permanentes qui déboucheront sur des
affrontements récurrents entre patriciens et plébéiens. La
connaissance du droit est source de ces conflits, les patriciens en
ayant le monopole. Les Pontifes vont se rendre coupable de
collusion avec les patriciens car ils en sont aussi. Ils vont se servir
du droit dans les intérêts de leur ordre. Ils refuseront tjrs les
procès d’un plébéien contre un patricien. Ce caractère secret
permet cette instrumentalisation. Aussi dû au fait que les
décisions judiciaires ne sont jamais justifiées.

Le juriste laïque n’existe alors pas encore. Le seul juriste est donc
le Pontife patricien. Pour inventer le juriste, il faudra abattre le
monopole des Pontifes.

B. L’invention du juriste
Combat de plusieurs siècles mené par la plèbe pour obtenir la
divulgation du droit. 

1. Le combat politique pour la divulgation du droit


Ce monopole ne sera pas abattu d’un coup. Il y a 3 grands
moments importants dans ce combat :
 -450 : publication des règles de droit. Grande crise sociale
et politique dans la ville (guerre contre les voisins de Rome
et les plébéiens refusent de se battre s’ils ne gagnent pas
des avantages politiques). Le patriciat accepte de négocier
et met par écrit les règles de droits jusqu’alors orales. Un
collège de 10 personnalités rédigera ces règles, ce sont les
décemvirs qui rédigeront la Loi des Douze Table, qui vient
fixer les droits absolus des citoyens romains et va venir
expliquer les procédures en justice pour les défendre. Sur
le fond, on y trouve 3 grands types de mesures :
 Certaines concerneront le droit public, cad les
moments d’intervention du peuple dans la vie de la
cité (rites funéraires, rôle du peuple dans la
répression criminelle – crimes passibles de mort…)
 Mesures qui organisent le procès (citation à
comparaitre, règle de jugement…)
 Enumération des conditions d’ouverture des procès
(les plus nombreuses). Enumère toutes les
hypothèses qui permettent à une victime de saisir un
magistrat et de le contraindre à ouvrir une action.
 Cette loi des Douze Table forme un véritable code
judiciaire. La loi garanti tous les cas dans lesquels
l’accès au tribunal est possible. A chaque situation
prévue dans la loi correspondra une action en sanction.
Cette Loi consacre l’égalité juridique en mettant un
terme à l’arbitraire de l’exercice de la justice. Le
magistrat n’est plus qu’un auxiliaire par la loi, il est lié
par la loi. Le droit qu’il va formuler trouvera alors
nécessairement sa source dans la loi. Mais cette Loi des
Douze Table a donné aux Pontifes l’occasion de
commenter et d’interpréter les termes de la loi et vont
doubler le texte de toute une interprétation, de toute
une signification, qui permet soit de restreindre les
situations envisagées par la loi, soit de les étendre. Ils
considèreront par exemple que ce qui permet à un
particulier de venir devant le juge lorsque ses arbres ont
été coupés de façon malveillante s’appliquera aussi dans
le cas des vignes abîmées et que pour qu’un particulier
puisse se plaindre de la destruction de ses vignes il devra
obligatoirement employer le terme « arbre » et non pas
« vigne ». Ils vont réinterpréter le texte de la loi sans
expliquer les termes à employer.
 Le Jus dans la Loi des Douze Table est alors composé de
plusieurs éléments qui ne sont pas distingués par les
Romains :
 Le texte de la loi (accessible à la plèbe)
 L’interprétation donnée par les pontifes
 Les formules qui donnent vie aux actions
(monopole des pontifes).
La mise en œuvre des ppes de la loi continue d’être
verrouillée par les pontifes. Le plaideur reste donc
tributaire des pontifes.

 -304 : Cnaeus Flavius (ancien esclave) va publier les


formules protégées par les Pontifes, certainement sur
demande de son maître (patricien libéral) Appius Claudius
Caecus. C’est alors le fait de tout un mouvement de gens
qui militent pour une ouverture démocratique large, dont
le maître en question faisait partie. Cela a créé un véritable
« Droit Flavignien » (jus flavinium).

 -254 : contexte de grande ouverture démocratique ds la


cité du fait des guerre Puniques. Débouche sur un accord
politique majeur entre plébéiens et patriciens, qui prévoit
que plusieurs magistratures vont être ouvertes aux
plébéiens, et c’est le cas du collège des Pontifes. Un
plébéien deviendra en -254 un Grand Pontife pour la
première fois, c’est Tiberius Coruncanius (deviendra plus
tard le premier plébéien à devenir Consul). Il va innover en
admettant des auditeurs quand il rend ses consultations
juridiques. Il le fait donc en public et expliquera le sens et
les motivations de sa réponse, et, surtout, autorisera ce
public à prendre des notes. Parfois considéré comme étant
le premier professeur de Droit. Ses écrits continueront à
circuler 3 siècles plus tard. Son exemple va très vite être
suivi par les autres Pontifes et est surtout suivi par les
candidats aux magistratures (hommes politiques romains
élus pour un an) qui vont, pendant leurs campagnes
électorales, expliquer comment ils interpréteront les textes
de la loi et quelles formules ils accepteront de recevoir.
C’est un véritable basculement car on sort pour la 1 fois du
e

cercle fermé des Pontifes 🡪 ce sont les premiers


jurisconsultes laïques.
 Le monopole pontifical est abattu. Sécularisation du
droit. Ne veut pas dire que le droit est à la portée de
tous. La plupart de ces jurisconsultes laïques font partie
de l’aristocratie ou de la nobilitas. Il y a à Rome 200 à
300 groupes familiaux parmi lesquelles le droit circule. Il
n’en demeure pas moins que les premiers jurisconsultes
laïques st apparus.

2. L’avènement des jurisprudents


Ces nouveaux laïques seront très vite appelés jurisperitus (celui
qui est habile en droit), jurisprudens (celui qui a la connaissance
en droit, qui est compétent) ou encore jurisconsultus (celui qui
donne les consultations juridiques).
On considère qu’ils ont 3 types d’activité :
 Respondere = donner des consultations
 Cavere = rédiger des actes juridiques
 Agere = donner une assistance juridique à toutes les
parties au procès
Le jurisconsulte laïque exerce une activité purement privée car
aucune attache avec l’Etat.
L’avocat est un expert en rhétorique, il n’est pas forcément
compétent en droit. C’est pour ça qu’il a recours à un
jurisconsulte.
Le notaire n’est pas une profession juridique, c’est un scribe,
une profession publique.
Le juge n’est pas un professionnel à Rome, c’est un particulier.
Les magistrats sont des Hommes politiques, ils ne sont pas
formés en droit.
 Le seul expert en droit est le jurisconsulte qui va devoir
assister tous les autres.
 Les activités du jurisconsulte sont la plupart du temps
non-rémunérées car il appartient à la noblesse. Il faut
donc une fortune personnelle pour pouvoir exercer.
Donc réservé à l’aristocratie. A des csq sur l’autorité et
le prestige qu’on va reconnaitre à Rome aux
jurisconsultes. Ils font ça par charité, pour aider. Ils sont
omniprésents, assez faciles d’accès. Ces consultations
gratuites sont le moyen de développer une clientèle, un
électorat, avant de se lancer dans des carrières de
magistrat.
Pour les romains, le droit est une donnée implicite. Il n’est pas
créé, il est découvert. Ce qui explique que le droit change est
qu’il est de mieux en mieux découvert. Cette conception est
importante pour comprendre la place des juristes à Rome. Ceux
qui découvrent le droit sont les jurisconsultes. Le droit parle à
travers eux. Les romains sont très pragmatiques dans leur
approche du droit. Il va être découvert à l’occasion d’un cas
concret, il ne sert à rien d’y réfléchir avant qu’il n’y ait un
problème. Cette façon de voir le droit amène à l’idée qu’il y a
peu de différence entre l’interprétation du droit et la création
du droit. Ce que nous appellerions création ne sera à Rome que
de l’interprétation. Ce droit romain va être créé par ces experts
en droit, qui vont adapter le droit au fil du temps à des
conditions changeantes avec le temps. Le jurisconsulte est
l’épine dorsale du droit, le moteur de l’innovation juridique.
Avec ces jurisconsultes va véritablement apparaitre la science du
droit.

§2. L’invention de la science juridique


Va apparaitre avec les jurisconsultes toute une littérature
mettant par écrit une interprétation des textes. Ces débuts sont
modestes mais essentiels.
A. Des débuts modestes

1. L’explication des textes


On passe à une interprétation écrite avec l’apparition de toute
une littérature spécialisée qui va expliquer le droit existant (loi
des douze tables et formules) et s’intéresse aux définitions et
explications du texte. Veut traduire dans une interprétation
littérale les termes pour les rendre accessible au peuple.
Sextus Aelius Paetus, consul vers -198, composera un texte : Les
Tripartita, une interprétation de la loi des douze tables où il
explique à la fois le texte de la loi des Douze Table et les
interprétations qui en ont été faites.
A peu près à la même époque, Caton va faire les mêmes choses
avec les formules de procès, il appellera ça : Les Commentaires
sur le droit civil.
Ces 2 textes vont faire souche car vont donner naissance à un
genre nouveau, le commentaire. Celui des 2 genres qui va
devenir le plus important et le commentaire des formules.
Au cours du 2 s, toute une série de circonstances vont pousser
e

les jurisconsultes à envisager d’autres formes de commentaires.

2. Le tournant du 2 s av. JC
e

Moment très important car Rome s’étend considérablement.


Seront créées les provinces d’Afrique (du Nord) et d’Asie
(mineure) + grande agitation politique en raison des frères
Gracques qui demandent une meilleure répartition des terres au
sein des situations romaines. Le droit ne restera pas à l’écart de
ce grand mouvement d’expansion. Va apparaitre une nouvelle
procédure judiciaire qui va remplacer celle des actions de la loi,
la procédure formulaire/prétorienne.
Elle va être portée par un magistrat, le préteur, apparu à partir
de -367, qui est le magistrat devant lequel va se tenir la
première phase du procès. Au cours du -3 s, la procédure des
e

actions de la loi est apparue de plus en plus comme injuste à


cause de son formalisme. Un procès peut être perdu pour des
raisons uniquement formelles et cela apparait inadapté aux
nouveaux besoins sociaux dû à l’économie mercantille qui va
créer de nouvelles actions contentieuses. L’afflux d’étrangers
venus commercer à Rome pose aussi un gros problème car cette
procédure des actions de la loi est inapplicable aux non-romains.
La recherche de solution mènera en -242 à la création du
préteur pérégrin chargé des litiges entre citoyens romains et
non-citoyens mais ce n’est pas suffisant. Se mettra petit à petit
en place une nouvelle procédure qui sera complètement en
place en -150, où la loi Aebutia viendra sanctionner la procédure
(créée par la pratique, par le préteur). Le conseil est toujours
divisé en 2 phases :
 Le préteur va mettre par écrit les instructions pour le juge
de la 2 phase, ce sont les « formules ». Il y formule la
e

prétention du demandeur et le sens dans lequel devra


être tranché le litige en cas d’absence d’action de la loi
susceptible de s’appliquer. Cette nouvelle procédure est la
« procédure formulaire ». Implique qu’en rédigeant ces
formules, le préteur peut étendre à des cas nouveaux des
actions déjà existantes ou créer de toute pièce de
nouvelles actions. Il aura par exemple créé les actions
fictices, cad qui partent d’action déjà existantes mais ds
lesquelles il va insérer une fiction, ce qui modifie l’action
qui lui sert de base, ce qui lui permet d’étendre à d’autres
cas (exemple : « à recevoir comme si le demandeur était
citoyen romain »). Par ce genre de mécanisme, le préteur
va protéger de nouveaux droits, et va parfois en créer de
toute pièce.
A partir du -2 s, chaque préteur, lorsqu’il rentre en fonction,
e

publie un catalogue de tous les cas pour lesquels ils accepteront


de délivrer une formule, qu’ils aient ou non été prévus dans les
lois. Ce texte, ce catalogue, sera appelé « l’édit du préteur » et
sera un « édit perpétuel » car valable toute l’année jusqu’à la
prochaine réélection. Chaque préteur, lorsqu’il rentre en charge,
reproduira le catalogue de son prédécesseur, ce qui va figer de
plus en plus le droit dans le temps. Le préteur devient alors
créateur de droit. Ce sera le Droit prétorien. Le préteur ne
renoncera jamais à créer des choses nouvelles. Le droit est alors
très souple.
Les experts en droit vont faire une place de plus en plus
importante au droit prétorien. C’est la source innovante. Leurs
commentaires vont alors s’éloigner de plus en plus du civil.
Entre -150 et -100, l’activité des jurisconsultes est transformée
du fait du droit prétorien.

B. L’activité des premiers jurisconsultes

1. L’éclosion de la doctrine
Cette période verra surgir de très grandes figures parmi les
jurisconsultes, en particulier 3 grandes figures qui vont
permettre de passer de l’explication littérale du texte à des
choses bien plus synthétiques.
 Manlius Manilius
 Marcus Iunius Brutus
 Publius Mucius Scaevola (le plus important) : laissera 10
livres de consultation (responsa) importants car il a un
grand souci des définitions et d’une grande précision
technique. Très intéressé par les nuances entre les termes.
Est un des premiers jurisconsultes romains qui va faire
appel à la logique des raisonnements Grecques. Tous ses
écrits vont être complétés par son fils, Quintus Mucius
Scaevola, qui va écrire Les Livres de Droit Civil, considéré
comme le premier grand traité juridique qu’on ait à Rome.
On sait que ce livre sera l’ouvrage de référence pour les
siècles qui suivirent. Il était le premier à raisonner par
classification et va rédiger des propositions doctrinales
sous forme de règles (regulae) sous forme de brève
maximes les préceptes juridiques. Ouvre la voie à la
généralisation et à l’abstraction. On va inventer des règles
reproductibles d’un cas à un autre. Les livres de droit civil
de Scaevola font 18 livres (unité de volume de texte). Un
siècle plus tard, Sabinus va faire un ouvrage exactement sur
le même thème, mais ne fera que 3 livres. Ce traité
deviendra la base de tous les commentaires ultérieurs.
 Les juristes font désormais des textes qui tendent vers
l’abstraction et la généralisation (vrai pour tous les
domaines et textes).
A partir de ce moment-là, les lignes directrices de la Jp romaine
se sont cristallisées. Importance de la classification en genre et
en espèce, des définitions, des systématisations applicables à
chaque catégorie. Grande composante logique.
A Rome : jurisprudence = doctrine.
 Cette Jp va aussi aller de plus en plus ds le sens de l’abstraction
et de l’idée générale.
Enfin, cette doctrine va se nourrir de l’échange théorie-pratique.
Les jurisconsultes romains st des praticiens très actifs ds la
création du droit. La doctrine romaine va donc se tourner vers la
recherche de solutions pratiques. 

2. La transmission de la connaissance du droit romain


Question qui se pose au milieu du 2 s. Pdt des siècles, la
e

connaissance du droit ne fait pas l’objet d’un enseignement au


sens strict. Apprendre le droit avant le 2 s = apprendre les rites
e

et règles judiciaires + apprentissage qui relève des relations


sociales et familiales à l’intérieur de l’aristocratie 🡪 pas d’écoles
de droit à ce moment-là.
A partir du 2 s, l’enseignement du droit va changer. Il y aura
e

encore le système de transmission familiale mais vont apparaitre


des « écoles », des cours privés tenus par des praticiens qui
vont admettre des jeunes gens venant d’un autre cercle que le
familial. Le jeune juriste va alors s’attacher à un plus âgé et va
bénéficier d’un tutorat. Apprentissage pratique + théorique.
Exemple de Cicéron qui ne vient pas de la classe sénatoriale mais
de l’équestre, et va bénéficier des leçons d’un grand juriste
(Scaevola).
Le droit fait alors partie à cette époque du bagage essentiel à
avoir ds la sté. Réservé à des gens d’un certain milieu et pas
question de rémunération, les enseignements sont gratuits.
Cette manière de procéder fait que l’apprentissage du droit est
lié à des rapports personnels. Vont apparaitre des lignées de
transmissions maitres-élèves, des généalogies de juristes qui
vont avoir des différences doctrinales d’une lignée à l’autre. Les
leçons sont plutôt de l’ordre de la discussion et partent toujours
d’un cas pratique. On y imite alors la pratique. Implique qu’il n’y
ait pas d’enseignements juridiques véritablement organisés ni
officiels. Les pvrs publics sont indifférents à cette question de
formation des juristes.
Avec le dvlpmt du droit au 2 s va apparaitre un nouveau type de
e

littérature juridique : le manuel de droit (Institutes). Ces manuels


sont les seuls ouvrages où va se manifester un souci de
systématisation, au-delà de la pratique, pour des raisons
pédagogiques. On y apprend 4 choses :
 Le texte des monuments juridiques (lois des douze tables,
etc.)
 Les formules qui permettent d’agir en justice
 Les interprétations sur ces formules
 Les opinions des jurisconsultes
A partir de là va démarrer l’âge d’or de cette doctrine
romaine (va du milieu du 2 s au 3 s).
e e

Section 2 : l’épanouissement de la doctrine juridique romaine


Doctrine d’une très grande qualité marquée par la liberté que
vont prendre les jurisconsultes ds leurs interprétations.

§1. L’âge d’or de la liberté jurisprudentielle


Avec cette période classique du droit romain, la doctrine va faire
des progrès considérables. Création des outils doctrinaux,
conceptuels. 

A. Les progrès de la doctrine


Vont se traduire par un épanouissement de la science juridique
concomitant avec la diversification des courants doctrinaux.

1. L’épanouissement de la science juridique


Le progrès sera marqué par la rencontre avec la pensée grecque.
Va avoir de grandes influences car le vocabulaire juridique va se
préciser, s’affiner, et le raisonnement juridique va de plus en
plus se systématiser et se diffuser.
De grandes figures vont émerger :
 Servius Sulpicius Rufus : actif pdt la 1 moitié du 1 s,
e er

important car appartient à la classe équestre (sous la


classe sénatoriale) et est le 1 juriste de 1 plan à ne pas
er er

appartenir à la classe sénatoriale 🡪 fin du monopole de la


classe sénatoriale. Est représentatif des juristes de sa
période car est un juriste complet (a étudié la philosophie
et la dialectique en Grèce et va être intéressé par plein de
sujets dépassant le droit). Son œuvre a été très importante
car marque un progrès ds la systématisation du droit et
c’est à lui qu’on attribue la 1 école de droit. Il aura eu
e

comme élève Publius Alfenus Varus, le 1 à rédiger la


er

Digesta (Les Digestes), un travail d’ensemble sur le droit


civil et prétorien en même temps, et futur maître d’Aulus
Ofilius, son continuateur, qui diffusera ses œuvres.

 Caius Trebatius Testa : actif sur le 2 tiers du 1 s, très


e er

important dans la définition des termes juridiques. Va bcp


travailler sur les catégorisations avec un souci pratique. Il
ne veut pas enfermer les notions ds une définition trop
stricte. Il est important aussi pcq il va être actif à la fin de la
République et au début de l’Empire (meurt en -4) et va faire
partie des juristes de la République qui vont passer au
service d’Auguste. Il est aussi connu pour être le maître de
Marcus Antistius Labeo (Labéon en fr).

 Marcus Antistius Labeo : contemporain d’Auguste, il vient


d’une famille de grands jurisconsultes qui ont été très
impliqués ds la vie politique de leur époque (son père a
participé à l’assassinat de César) et lui-même vient de cette
classe sénatoriale. Il ira jusqu’à la préture. C’est un juriste
particulièrement actif. On lui attribue plus de 400 ouvrages
(on n’en connait en partie qu’une centaine). Il va être un
grand théoricien de la règle de droit. Il part toujours de
cas concrets et essaye de les réduire à un cas type. A partir
de là, il élabore une règle. L’idée est que ça doit être
pratique, la règle est la solution réutilisable pour un autre
cas similaire. Cette méthode sera résumée par le juriste
Paul, qui arrivera plus tard, qui l’inscrira ds le digeste de
Justinien au 6 s et sera reprise par les juristes du MA au
e

12 s. Il y sera écrit que « La règle est un exposé bref du cas,


e

le droit ne vient pas de la règle mais la règle nait de la juste


interprétation/appréciation du cas ». Cette manière de voir
les choses va envahir la doctrine classique. Les œuvres
classiques de sa génération vont alors donner des règles
en partant de cas concrets. Les juristes du 3 s continueront
e

à se référer à ses œuvres, et notamment à son


commentaire de l’Edit du préteur. Il se sera opposé presque
toute sa vie à Capiton (Caius Ateus Capito), un juriste qui lui
était contemporain, bcp plus classique, qui va soutenir
Auguste alors que Labéon sera un partisan de la
République jusqu’à la fin de sa vie. Ces 2 juristes vont faire
apparaitre un phénomène nouveau qui va orienter la
doctrine pour les siècles suivants : la naissance de courants
rivaux à l’intérieur de la doctrine.

2. L’apparition de courants rivaux


On la connait par les juristes postérieurs qui vont décrire les
rapports de Labéon et de Capiton comme en étant de rivalité, de
concurrence. Ils expliquent qu’ils auraient formé 2 écoles, 2
tendances doctrinales, 2 sectes différentes. L’une de ces
tendances aurait été attachée à la règle de droit et l’autre
plutôt au cas concret. Cette rivalité Labéon-Capiton est
importante car leurs disciples vont la perpétuer avec la création
de 2 mouvements :
 Les sabiniens (Sabinus, élève de Capiton)
 On y retrouvera Caius Cassius Longinus, Javolenus
Priscius, Julien
 Les proculiens (Proculus, élève de Labéon)
 On y retrouvera Nerva (père et fils), Pegasus, Celse,
Naratius
La différence entre ces 2 mouvements est assez mal connue. Il y
aurait une différence d’attitude :
 Labéon et les proculiens auraient été plus novateurs alors
que les autres auraient été plus conservateurs, même si ce
n’est pas vrai sur certaines questions.
 Cela aurait aussi pu être dû à une différence d’attitude
politique (rapport à l’Empire). Mais cette opposition
politique ne se retrouve pas forcément chez leurs
successeurs.

 Les tenants d’une même école ne sont pas forcément


unanimes sur un même sujet. Chez les proculiens par
exemple, Celse et Neratius (fin du 1 s et début du 2 s) sont
er e

très différents et souvent en opposition l’un et l’autre,


alors qu’ils sont tous deux des proculiens. L’un, Neratius,
vient des milieux conservateurs et traditionalistes et est
très attaché à la lettre du texte alors que l’autre, Celse le
jeune, est très novateur, critique et qui vient d’une sté plus
urbaine et cosmopolite. Neratius considère que le droit est
un ensemble fini et estime qu’il faut interpréter le moins
possible car peut être source d’erreur. Il est pour le
renforcement de la puissance paternelle etc. Pour
l’encadrement, il est pour le respect du droit existant. Celse
est ds une attitude très différente car il considère que le
droit ne se réduit pas une technique/dogmatique, il
estime que le rôle du juge n’est pas de s’enfermer ds des
catégories juridiques mais de trouver la solution la plus
juste par rapport à la situation. Neratius veut suivre les
mots de la loi alors que Celse veut suivre la volonté de la
loi (Verba vs Voluntas legis).

Cette opposition va structurer toute la doctrine pdt un siècle, ce


sera l’un des moteurs de l’innovation juridique. Les juristes
faisaient allégeance à l’une de ces écoles car gage de diffusion
de leur doctrine. Tous ceux qui sont restés à l’écart de ces écoles
sont ajd quasiment inconnus.
Tous ces auteurs vont donner une doctrine très créative et
brillante et vont créer des outils doctrinaux nouveaux.

B. La création d’outils doctrinaux


La doctrine romaine s’est bcp attaché à la question des mots et
du langage. De même pour la méthode (la casuistique).

1. La construction d’un langage


Travail important de ces juristes pour construire un vocabulaire
juridique. Le plus souvent, les termes du langage courant ont
été doublés par un sens juridique. Le plus souvent, ça part tjr de
qqch de très concret pour arriver à qqch d’abstrait. Le langage
juridique a aussi accueilli du vocabulaire moral, venu de
l’éthique, qu’ils vont transformer en concept juridique. Les
romains sont très attentifs à la terminologie qui va permettre de
décrire et d’énumérer les situations auxquelles ce terme
trouvera à s’appliquer. La question du sens des termes va
déboucher sur toute une littérature spécifique : la sémantique.
Au Bas-Empire, au 6 s, sera intégré ds le digeste de Justinien une
e

synthèse de ce travail sur la sémantique juridique, à la fin du


Digeste, qui s’appellera De Verborum Significatione (de la
signification des mots).
Les juristes romains vont mettre au point un véritable style, très
clair et concis, élégant et sobre par rapport au latin classique de
la fin de la République – début de l’Empire. Le chef d’œuvre de la
langue juridique est la formule. La formule, c’est rédiger ds un
style lapidaire (pas un mot de trop, concis, synthétique…). Cette
langue sera celle des œuvres de la doctrine. 

2. L’élaboration d’une méthode


La doctrine romaine est casuistique, elle nait de la pratique
contentieuse. La pensée casuistique est dominante ds le Droit
romain. On la retrouve ds la totalité du Droit romain (Loi, décret
Impériaux…). La démarche intellectuelle des Juristes romains
obéi à des préoccupations pratiques. Elle est guidée par l’idée du
résultat qui doit être juste, opportun, équitable 🡪 « Le droit est
l’art du bon et de l’équitable ». Ce qui compte est de distinguer
le juste et l’injuste. Cela va conduire les juristes romains à se
méfier de l’application strictement logique du droit qui pourrait
mener à des solutions injustes.
Pour arriver à la solution la plus juste, les juristes romains vont se
fier à l’intuition juridique et à l’argumentation rationnelle.
 L’intuition juridique est ce qui va provenir de l’expérience
collective (ce qui a été transmis), provient du droit déjà
découvert par les juristes précédents. Se traduit ds la
doctrine par la fréquence très importante de l’argument
d’autorité (on se réfère à l’autorité d’un maître passé pour
annoncer la solution).
 L’argumentation rationnelle relève de la mobilisation des
mécanismes juridiques logiques adorés par les romains
(arguments à contrario, arguments à fortiori, raisonnement
par l’absurde etc.). 
A partir de ces 2 piliers, ils vont dégager des solutions et vont en
tirer d’autres de cas particuliers des règles générales. La doctrine
procède donc par voie d’abstraction (cas part 🡪 règle gnrle). Ds
cette opération d’abstraction, les controverses vont jouer un rôle
essentiel. Ds les raisonnements juridiques, l’analyse des
controverses fait partie de la solution. C’est tjr à la suite de
controverses qu’une solution finit par l’emporter. Il faut des
controverses pour que puissent exister les règles qui en
découlent. L’opinion d’un jurisconsulte peut être récusée si la
majorité la juge fausse ou peut devenir une règle de droit. 🡪
Importance de ce mécanisme de discussion !
A la fin de la République, avec l’instauration de l’Empire, la
doctrine va connaitre des inflexions. Elle va passer sous le
contrôle de l’Empereur. 

§2. La doctrine dans l’orbite impériale


La situation ne change pas d’un coup. L’Empire va aller
progressivement vers une centralisation administrative et des
pouvoirs ds la personne de l’Empereur. Va alors émerger un
système juridique ds lequel le Droit est l’attribut du Prince. Ce
mouvement va toucher toutes les sources du droit 🡪 toutes les
sources concurrentes à la normativité impériale vont être
domestiquées par l’Empereur (Senat, Edit du préteur, la Loi…).
Ds le même temps, l’Empereur va affirmer un pvr normatif de
plus en plus grand. Ds ce mouvement, la doctrine ne va pas
échapper à cette mainmise impériale sur les sources du droit.
Les juristes vont eux aussi passer au service de l’Empereur alors
qu’ils étaient jusque-là indépendants. Cela va avoir pour
contrecoup une doctrine plus faible. 

A. Les jurisconsultes face au pvr impérial


Au moment de l’avènement de l’Empire, les jurisconsultes sont
assez opposés au nouveau régime (Labéon). Auguste, en
arrivant au pvr, va chercher à se ménager les bonnes grâces des
juristes (solliciter leurs conseils) mais va en // mettre au point
des mécanismes supprimant la liberté d’interprétation de ceux-
ci.

1. La fin de la liberté jurisprudentielle


Fin de la République = prolifération des jurisconsultes. Une
partie d’entre eux sont médiocres (selon Cicéron). Les critiques
vont rencontrer les intérêts d’Auguste qui va, très vite, se
présenter comme le restaurateur de la Doctrine. Cette
restauration va passer par l’épuration (veut supprimer les
mauvais jurisconsultes).
Il va le faire via le mécanisme du ius respondendi ex auctoritate
principis (le droit de tenir des consultations de par l’autorité du
prince). Il va donc créer un brevet officiel de jurisconsultes. Le
droit d’exercer l’activité est alors soumis à l’autorisation de
l’Empereur. Lorsqu’il est créé, ce mécanisme n’est pas perçu
comme un mécanisme de contrôle de leur activité, au contraire,
il donnerait un surcroit d’autorité à leurs consultations qui vont
se voir conférer la même autorité juridique que si elle avait été
rendue par l’Empereur (auctoritas). Ce brevet sera au départ
revendiqué par les jurisconsultes car permet de distinguer les
bons des mauvais.
La csq est qu’il va y avoir une division ds le monde des juristes
entre les consultants et les non-consultants. Car tous les juristes
qui ne sont pas breveté restent libre d’enseigner et de
composer des ouvrages de doctrine. Certains juristes vont alors
se spécialiser ds l’activité didactique (l’enseignement). Il va y
avoir une montée en puissance de la littérature juridique issue
de ces activités d’enseignement.
Le plus accompli de ces ouvrages est les Institues de Gaius, vers
150. On ne le connait que pour son activité didactique, jamais
cité par ses contemporains. Il est l’auteur de cet ouvrage
consacré à l’enseignement. Celui-ci est le seul ouvrage à nous
être parvenu dans son intégralité. C’est un manuel de droit qui
fait une synthèse complète de tout le Droit privé Romain et qui
est ds sa présentation et dans son plan en rupture complète
avec tous les ouvrages connus jusque-là. C’est un ouvrage très
clair, aux enchainements logiques, rigoureux et pédagogue. Sur
le fond, Gaius va ordonner les matières qu’il est en train
d’enseigner (effort de systématisation). Le plan utilisé par Gaius
va devenir pr les siècles qui suivent la manière normale de
considérer les grandes divisions du droit. « Tout le droit concerne
soit les personnes, soit les choses, soit les actions » 🡪 Summa
divisio. Il va procéder par des classifications, des divisions et
subdivisions très claire. Les Institutes de Gaius vont avoir une
postérité énorme. Toutes les Institues qui suivent utiliseront le
même plan. Les années d’études s’organiseront sur ce modèle et
surtout cela va servir au 6 s de modèle pour les Institutes de
e

Justinien en 533.
On voit aussi surgir avec la spécialisation des juristes dans la
didactique de nouveaux ouvrages : les manuels d’histoire du
droit romain. Le plus important est de Pomponius (milieu du 2 e

s), l’Enchiridium, un manuel d’introduction au droit dont tout le


début est consacré à un exposé des sources juridiques et des
institutions romaines depuis les débuts de Rome. Cet auteur va
laisser derrière lui son œuvre qui lui vaudra d’être l’un des
auteurs le plus repris ds les compilations de Justinien et de
manière générale : un grand commentaire sur l’édit du préteur
(ouvrage le plus volumineux de toute la science juridique
romaine), connu car va servir de guide pour les juristes Paul et
Ulpien dans leurs commentaires sur l’édit du préteur. Pomponius
est aussi connu pour avoir fait des commentaires sur des
commentaires (sur le commentaire de Sabinus sur les Lois
républicaines par exemple) 🡪 vecteur de transmission pour les
juristes successeurs (on ira plus lire Sabinus mais on ira lire les
commentaires de Pomponius sur ces auteurs).
 Cette division entre les juristes va donc revivifier les
ouvrages et leur qualité.
Pour les jurisconsultes, ce brevet va avoir pour effet de les
attirer vers l’Empereur. Ce brevet sera manié de façon très
différente selon les Empereurs. Plus on avance ds le temps, plus
cette faveur sera donnée avec parcimonie. Sous le règne
d’Hadrien (117-138) il y aura une très grande réforme de ce
privilège de ius respondendi qui va faire passer le savoir
juridique complètement au service du pvr impérial. Il n’y aura
plus du tout d’activité libre de praticiens jurisconsultes, mais la
contrepartie est que l’activité des jurisconsultes aura la même
valeur que le droit impérial (mode de création du droit).

2. Le savoir juridique au service du pouvoir impérial


Cette réforme est une réforme de la valeur des consultations et
de la carrière des juristes car ceux qui obtiennent ce brevet
obtiennent aussi en même temps le droit de rentrer ds
l’administration impériale. Implique un confort matériel, une
part politique, et qu’il n’existe plus de consultants en dehors de
l’administration impériale. A partir de là, la jurisprudence va
retrouver une grande vitalité qui va durer jusqu’au début du 3 e

siècle (dynasties des Antonin et des Sévères).


Le service impérial, débouché naturel pour les juristes, rend les
juristes persuadés de la nécessité de mettre le droit au service
du pvr impérial. Exemple de Julien (nait vers 105 et meurt vers
170) qui va avoir une carrière politique très importante sous
Hadrien et qui sera vers 130 l’un des chefs de file de l’école des
Sabiniens (chez les proculiens, ce sera Celse) et sera chargé à ce
titre par l’Empereur de codifier l’édit du préteur (l’édit du
préteur n’évoluera plus à partir de là). Julien sera l’auteur de nbx
ouvrages, en particulier de Digesta qui vont être considérées
comme un des moments importants de la doctrine romaine car il
y procède à une grande systématisation de tout le droit de son
époque. De façon générale, sa doctrine est dominée par le souci
de la pratique, ses opinions sont souvent assez traditionnelles
(défense des intérêts impériaux) mais est capable de grandes
innovations en matière d’interprétation mais le fait très
discrètement, sans le faire remarquer. Aussi important car a eu
de très nombreux élèves 🡪 influence considérable sur la science
juridique. Auteur très repris ds les compilations de Justinien. Il a
l’idée que le droit est avant tout destiné à être le garant de
l’ordre, de défendre l’utilité commune et pas les intérêts
particuliers. Il estime que ds la création du droit, les juristes
doivent collaborer avec le Prince.
Les juristes ne perdent pas avec cette collaboration avec le pvr
impérial. Leur activité est devenue un mode reconnu de
création du droit. Gaius : « les consultations des jurisconsultes
sont les opinions de ceux à qui il a été permit de créer le droit. »
Cette situation de la doctrine va avoir des csq :
 On voit apparaitre des nouveaux types d’ouvrages
doctrinaux : les commentaires des constitutions impériales
(textes législatifs de l’Empereur). Le 1 à en donner un
er

commentaire est le juriste Papirius Justus (entre 160 et


180) via une œuvre de compilation qu’il va commenter et
interpréter.
Les grands noms de la science juridique à partir d’Hadrien
sont à chercher du côté des fonctionnaires impériaux. Il y a
une carrière type des jurisconsultes (bureau de la
chancellerie vers conseil de l’Empereur). Les plus brillants
vont rédiger d’immenses traités de doctrine juridique qui
témoignent que, dans le groupe des grands juristes
impériaux, il y avait une très grande culture juridique. Ces
ouvrages vont avoir un grand succès et seront mis à
contribution ds les compilations de Justinien. Les grands
noms seront les suivants :

 Papinien : terminera préfet du prétoire (1 conseiller


er

de l’Empereur et assassiné lors d’une purge


impériale). Il a laissé derrière lui des œuvres très
importantes : les Quaestiones (commentaire de cas
pratiques fictifs), les Responsa (réponses juridiques
qu’il a vraiment donné) un traité sur l’adultère et un
ouvrage sur les Definitiones (sémantique juridique).
Grande indépendance d’esprit et très grande culture
juridique. Est aussi connu pour son style très précis et
sobre.

 Paul : (160 – 230) va être l’adjoint de Papinien


lorsqu’il sera préfet du prétoire et le deviendra sous
Sévère Alexandre. Laissera derrière lui une œuvre
considérable : un grand commentaire sur l’édit du
préteur, de très nombreux traités sur le droit privé, un
grand commentaire de constitution impériale. Auteur
très original ds ses opinions et interprétations et est
réputé pour la clarté de ses exposés.

 Ulpien : (170-223) contemporain de Paul, sera aussi


préfet du prétoire et sera lui aussi assassiné en 223
au cours d’une purge impériale. Considéré comme
étant probablement le plus grand juriste romain. A
donné une œuvre considérable à la postérité
incroyable. Massivement repris ds les compilations
de Justinien, ce qui fait de lui un vecteur de
transmission du droit romain vers le MA et les temps
modernes. Va donner une œuvre absolument
considérable, auteur d’un commentaire sur l’édit du
préteur. Auteur de commentaires sur des
commentaires d’autres juristes. Va écrire des traités
de droit privé, de procédure, des commentaires de
certaines lois impériales de sa période. Est l’auteur
d’un manuel de droit et d’un ouvrage de règles de
droit où il formule des règles et les commentent. Ses
œuvres sont composées entre 112 et 117. Son œuvre,
par son ampleur, dépasse celles de tous les autres.
Ulpien est vraiment la grande figure. A été le
professeur d’un certain nb de juriste de la période,
dont celui de Modestin, une grande figure de
l’époque, connue pour être le dernier juriste qui va
recevoir le ius respondendi qui disparait en 235 à la
fin des Sévères et à partir de là le ius respondendi ne
sera plus donné. Ce sera la fin des grands juristes
romains et la doctrine va s’étioler.

B. L’étiolement de la doctrine
Avec la fin des Sévères, en 235, l’apprentissage du droit va être
réformé et les juristes ne seront plus des créateurs de droit.

1. La réorganisation impériale des écoles de droit


A partir des années 240, le pvr impérial va se préoccuper de la
formation des juristes. Ce qui a changé est qu’en 212 a été pris
par l’Empereur Caracalla l’édit de Caracalla, qui va accorder à
tous les habitants de l’Empire le droit de Citée 🡪 tous les
habitants de l’Empire deviennent citoyens romains. Cela va
provoquer une judiciarisation de la sté romaine (le droit romain
est réservé aux seuls citoyens romains, donc le nb d’usager
augmente massivement !). La bureaucratie se développe et il y a
une accumulation des textes impériaux. On a un besoin urgent et
massif de spécialistes formés au droit. Pour la 1 fois, l’Etat va se
e

soucier de la formation des juristes. A côté des professeurs


privés, l’Etat va organiser un cursus officiel ds des écoles de
Droit organisées en 2 réseaux :
 Les écoles impériales (1 niveau) : 3 grandes écoles vont
er

ouvrir à Beyrouth, à Constantinople et à Rome destinées à


former les fonctionnaires de la haute fonction
administrative. Le succès est considérable et il faut en
limiter l’accès.
 Les écoles provinciales (2 niveau) : on ouvre des écoles
e

officielles de droit ds toutes les provinces de l’Empire. On


les connait assez mal ajd, mais l’on sait qu’elles sont
probablement d’un très grand niveau car les fonctionnaires
juristes dans ces écoles ont un très bon niveau technique
tous les 3 et 4 s.
e e

L’enseignement du droit y dure 4 ans, il est dispensé en Latin


(toute la partie orientale de l’Empire parle pourtant le grec). La 1
e

année est consacrée à une introduction générale qui s’appuie


sur les institues de Gaius. Les années suivantes sont consacrées à
l’étude de la Doctrine et la 4 année est consacrée entièrement à
e

l’étude d’un seul ouvrage : les Responsa de Paul.


Une fois les étudiants diplômés (au moins ds les écoles
impériales), ils intègrent l’admin° impériale. Les Empereurs vont
encourager le dvlpmt de ces écoles. Cette prise en main de
l’enseignement par les Empereurs s’inscrit dans la prise en main
de la doctrine par l’Empereur.

2. La mainmise impériale sur l’autorité doctrinale


Passé le milieu du 3 s, à la période post-classique, pdt le bas-
e

Empire, les juristes ne sont plus des créateurs de droit, ils


appliquent le droit, ils enseignent et aide l’Empereur dans la
création. Implique que les œuvres juridiques post-classiques
n’ont plus rien en commun avec celles de la période classique. Il
sera plutôt question de petits manuels avec des opinions
simples et on ne perd plus le lecteur dans des dédales de
réflexion et d’exposition des opinions des jurisconsultes. C’est un
petit manuel donnant des solutions pratiques.
Il y aura 2 types d’ouvrages :
 Synthèse de l’ensemble du droit privé (avec une
suppression des discussions doctrinales riches). Se contente
d’exposer les opinions du moment sur le droit privé.
 Œuvres de codification avec des ouvrages thématiques qui
vont regrouper les textes impériaux et une analyse de la
doctrine. Sous forme de collection de texte.
Ces 2 types d’ouvrages sont le plus souvent composés par des
anonymes (volontaires). Les auteurs se cachent derrière des
grands noms de l’âge classique. Un anonyme va faire un ouvrage
de synthèse qu’ils vont attribuer à des grands juristes de l’âge
classique (genre à pseudo Paul par exemple). Ces œuvres font
tout de même état parfois de création et d’innovation juridique,
mais les auteurs des œuvres ne sont pas les auteurs de ces
inventions qui ne viennent que de la législation impériale.
Cette doctrine est d’autant plus muette que la mainmise de
l’Empereur s’étend de plus en plus sur les jurisconsultes.  Bas-
Empire = période où l’emprise de cette mainmise va s’étendre
de manière rétroactive, cad qu’à partir du Bas-Empire, ce sont
les Empereurs qui vont dicter ce que l’on doit retenir de la
doctrine de l’âge classique. Commencera en 321 avec un texte
de Constantin qui vient retirer toute autorité à un texte
d’Ulpien : les Notes sur Papinien. L’idée est que Papinien est
inattaquable, incontestable, impossible à commenter et
critiquer. En 328, Constantin prendra un texte posant l’autorité
absolue des textes de Paul sur tous les autres jurisconsultes via
une loi Impériale. Le grand texte impérial qui vient parachever
cette logique date de 426, texte pris conjointement par les 2
Empereurs Théodose II et Valentinien : Loi des Citations. Ce
texte va fixer officiellement l’autorité reconnue aux
jurisconsultes des 2 et 3 s et vient fixer la valeur relative des
e e

textes que le juge doit suivre.


 Les Empereurs vont poser l’autorité de 5 grands
jurisconsultes :
 Papinien
 Paul
 Ulpien
 Gaïus
 Modestin
 Les œuvres ne font autorité et ne peuvent être suivies et
invoquées par le juge que si elles ont été citées par au
moins un des 5 (tous les postérieurs aux 5 ne peuvent être
cités)
 En cas de divergence entre ces 5 grands, on doit suivre la
majorité. En cas d’égalité, c’est l’opinion du groupe ou se
trouve Papinien qui l’emporte, et si Papinien ne s’est pas
prononcé, alors le juge retrouvera sa liberté.
C’est donc un texte impérial qui vient fixer l’autoroute de la Jp.
Le pvr pol l’emporte car l’Empereur décide seul de l’autorité de
l’opinion doctrinal, y compris rétrospectivement. 
Cette idée sera prolongée sous une forme différente au 6 s avec
e

les compilations de Justinien qui va partir de l’idée que c’est


l’empereur qui va trier et choisir ce qu’il faut retenir de l’œuvre
doctrinale. C’est encore la volonté impériale qui va décider de ce
qui y sera inscrit ou non.
En 528, Justinien, un Empereur d’Orient, va se lancer ds un grand
projet de compilation de l’ensemble du droit (dépasse la
doctrine) avec pour projet politique de restaurer la grandeur de
l’Empire, ce qui va passer par une reconquête militaire de
l’ancien territoire de l’Empire d’Occident et par un projet
juridique 🡪 sa reconquête passe aussi par la rénovation du droit.
Il est à la tête d’un Empire ne parlant que le grec mais se
montrera plus romain que les autres en mettant à l’écrit tout le
droit romain. Pour ce projet de compilation, il va charger une
commission qui aura à sa tête le juriste Tribonien, qui va réaliser
en 6 ans les 3ers volumes, puis un 4 un peu plus tard :
e

 Le Code, 529 et 534 : compilation de textes législatifs


impériaux du règne d’Adrien au règne de Justinien.
Organisé thématiquement, par matière.
 Le Digeste : compilation de la doctrine faite à partir des
œuvres d’une quarantaine de jurisconsultes qui vont du 3 se

av. JC jusqu’au 6 s après JC. Soit environ 2000 ouvrages


e

desquels ils ont gardé 9000 fragments reclassés et


organisés au sein de 50 livres. Ce Digeste continue ce
qu’avait été entamé par Constantin car cette opération de
compilation permet à ces fragments d’acquérir force de loi.
 Les Institues : rédigées à l’image des institutes de Gaïus.
C’est un manuel pour les étudiants des écoles impériales.
Donnera aussi à ces institutes force de loi.
 Viendra ensuite le 4 volume, en 465, les ?? (nom ??) qui
e

arrivent plus tardivement et qui sont une compilation des


textes législatifs de Justinien paru après la rédaction du
Code. Ecrit entièrement en Grec.
Le Digeste est le vecteur de transmission de la technicité
romaine vers l’occident médiéval, après une période d’éclipse
commence en 476, fin de l’Empire romain d’occident. C’est le
début d’une période qui va durer plusieurs siècles où la
connaissance savante du droit va être perdue ds ce qui était la
zone occidentale de l’Empire.

Chapitre 2 : l’éclipse doctrinale du Haut MA


476 : début d’une période d’extinction de la doctrine. Ne veut
pas dire que le haut MA ne va pas connaitre de phénomènes
juridiques, mais la technique juridique ne va plus exister que de
manière très sommaire et lacunaire et la figure du juriste va
disparaitre.

§1. La transmission lacunaire de la technicité juridique


Il y aura 2 vecteurs de survie de la technicité romaine :
 Le code Théodosien : c’est une codification impériale en
date de 439 et qui a posé le dernier état de la législation
romaine qui soit parvenu du côté occidental. Ce code a été
élaboré par l’empereur Théodose II qui avait pour but
politique de réaffirmer l’unité de l’Empire romain car
vocation de ce code à être appliqué uniformément en
Orient et en Occident. Il est arrivé en occident avant la
chute de l’Empire. A partir de la chute de l’Empire, il va
survivre tout le haut MA mais pas ds sa version d’origine.
Ce seront des abrégés, des résumés lacunaires.
  Le bréviaire d’Alaric (= loi romaine des Wisigoths au 19 s) :
e

txt rédigé en 506 par le roi Wisigoth Alaric II. Opération


politique du roi Wisigoth qui règne sur un territoire sur
lequel coexistent plusieurs ethnies différentes qui n’ont
pas toutes les mêmes règles juridiques (dont bcp de gallo-
romains). Alaric en 506 se lance dans une grande opération
de conquête territoriale et va chercher à s’attacher aux
populations gallo-romaines sur son territoire à la veille de
la bataille de Vouillé qui l’oppose à Clovis, le Roi des
francs. Il mettra alors par écrit les règles qui s’appliquent
aux Gallo-romains. La bataille de Vouillé sera remporté par
Clovis alors exactement ds la même situation qu’Alaric.
Clovis reprendra le Bréviaire d’Alaric et va l’étendre à
toutes les populations gallo-romaines passées sous son
contrôle. Ce bréviaire est un recueil hétéroclite où l’on
trouvera :
 Des extraits du Code Théodosien,
 Des textes législatifs de la période impériale qui
viennent d’ailleurs,
 Des textes doctrinaux…
Il y a donc toute sorte de textes romains qui seront
accompagnés d’un résumé en latin vulgaire (période
d’appauvrissement du latin). Plus le temps passe et plus les
textes explicatifs deviendront la seule chose que les
lecteurs pourront comprendre. Le Bréviaire d’Alaric n’a
aucun souci d’ordonnancement donc ce n’est pas une
compilation mais c’est plus qu’une compilation car a des
explications + même mécanisme de thématique que le
code théodosien.
Dès la fin du 6 s, seule la version abrégée et simplifiée,
e

amputée et de moins en moins maitrisée circule. Ces


versions abâtardies sont les Epitomés du Bréviaire d’Alaric.
Tous ces textes vont circuler presque sans interruption
jusqu’au 10 – 11 s où ils seront parfois cités.
e e

Ce qui n’a jamais été reçu ds la partie occidentale de l’Empire, ce


sont les compilations de Justinien. Ça ne va arriver qu’à un seul
endroit au 6 s : le petit territoire que Justinien était venu
e

conquérir au Nord de l’Italie par les armes : l’Exarchat de


Ravenne ; circonscription admin qui va exister pdt 200 ans sous
le contrôle de Byzance. C’est le seul endroit où des manuscrits
sont arrivés et où vont circuler des versions résumées et
abâtardies de ce texte. 

§2. La disparition du juriste professionnel


Les jurisconsultes disparaissent. Disparition aussi des
enseignants en droit et des praticiens professionnels. Le droit
est dit, récité, ds les assemblées judiciaires par les anciens, par
les sages. Fonctionne sur la mémoire des vieux du village qui ne
sont pas des praticiens mais qui connaissent les usages.
Sous la période carolingienne (752 – 924), à plusieurs reprises et
surtout sous le règne de Charlemagne, vont être recréés des
personnages professionnels qui siègent en permanence aux
cotés de l’Empereur. Mais ces tentatives vont mal fonctionner et
tourner court. Aussi vrai sous la dynastie des Ottoniens (dont
Otton fondera le Saint Empire Romain). Les Souverains Ottoniens
vont aussi à plusieurs reprises tenter à partir de 962 d’avoir cette
figure du juriste pro, mais ça tournera aussi court car ne
fonctionne pas.
Ces 2 dynasties sont les 2 qui vont avoir sous leur contrôle la
zone de Ravenne, zone ds laquelle on trouve à partir du 9 s une

milieu de juriste qui commence à s’esquisser, principalement


autour du notariat, de la rédaction des actes juridiques. Des
formulaires romains vont subsister dans cette zone. Cette
période est mal connue. Ce qui est certain est qu’à partir du 9 s e

il y a dans le Nord de l’Italie un intérêt nouveau pour le droit


Romain puisque des textes seront créés : les textes mosaïques.
Ces textes vont emprunter aux code Théodosien, aux
compilations de Justinien, au Bréviaire d’Alaric… On ne sait pas
pourquoi ni pour qui. Il est aussi possible qu’il y ait eu aux 10-11 e

s une école de Droit à Ravenne et une autre à Pavie.


Le véritable réservoir de la romanité au MA est à chercher du
côté de l’Eglise qui a réussi à conserver sa structure intacte, en
particulier sa structure hiérarchique. C’est l’Eglise qui va pdt
plusieurs siècle diffuser la romanité vers les élites
aristocratiques et qui va en plus avoir une action de plus en plus
poussée entre les 5 et 7 s vers les populations rurales (période
e

d’évangélisation massive). L’Eglise du Haut MA en est une qui


légifère en permanence. Les 2 institutions qui légifèrent sous un
peu le Pape et beaucoup les Conciles (assemblées d’évêques).
Les évêques sont devenus les personnages clés dès les premiers
signes de désagrégation de l’Empire au 5 s et seront pr au
e

moins 4 s détenteur d’une véritable activité. Evêques qui vont se


rapprocher ensuite des dynasties franques. Développement
considérable de la législation conciliaire au 8 s.
e

Ce rôle essentiel de l’épiscopat dans l’élaboration du droit de


l’Eglise va se traduire par une source juridique de l’Eglise qui ne
va exister qu’au 9 s : les statuts diocésain (ou épiscopaux). C’est
e

la source par laquelle l’évêque légifère dans son diocèse sur


tout ce qui touche à la vie des clercs, mais aussi à certaines
choses de la vie des laïques. Toute cette législation entend
encadrer au plus près la vie des laïques dans tous les aspects.
Cette législation en est une appelée à se diffuser. Les évêques
veulent faire connaitre leurs dispositions de leur diocèse avec
pour espoir qu’elle se diffuse ds les diocèses d’à côté. Il y aura
alors une explosion des « collections canoniques », des recueils
des textes de l’Eglise, qq soit leur portée ou leur auteur. Ces
collections sont d’initiative privée et ont d’abord une vocation
pratique. Rassemble les textes sans les commenter (il n’est pas
question d’œuvre doctrinale). 
Plus on avance ds le temps et plus ces collections deviennent de
mieux en mieux organisées. Jusqu’au 10 s : regroupement selon
e

la nature (de l’auteur). A partir du 11 s, les textes seront


e

regroupés par matière. Ce passage va marquer le passage de


collections systématiques à des méthodiques.
La pratique juridique de l’Eglise est bcp plus développée que
chez les autorités laïques. Il y a une culture juridique canonique
entre le 5 et le 12 s. En revanche, ds l’Eglise comme ailleurs, est
e e

perdue l’idée de la doctrine (commentaire raisonné et


scientifique des textes juridiques).
Tout va changer fin 11 , début 12 s. 
e e

Chapitre 3 : le creuset médiéval Ius Commune


Tout change avec la Renaissance du 12 s. Tous les cadres sont
e

transformés du 12 au 15 s. 
e e
« Renaissance » est une expression moderne proposée par
Haskins.
Reprise généralisée ds tous les secteurs de l’activité humaine
après une longue période de marasme, de chute. Démarre en
effet une longue période de croissance (pas seulement
économique). La Renaissance du 12 s va avoir plusieurs aspects :
e

 Croissance économique (après un déclin depuis le 5 s) : le


e

commerce est réouvert vers la méditerranée. Se traduit


par un phénomène de dilatation de la chrétienté
occidentale qui devient conquérante et impérialiste 🡪 vers
le Nord (début de la christianisation du monde scandinave)
et vers le Sud (croisade, 1099, prise de Jérusalem). Implique
un essor des circuits commerciaux. Les circuits d’échange
profitent à un nouveau groupe social : celui des
marchands. Ces marchands apparaissent à la fin du 11 avec e

une nouvelle mentalité de profit (inconcevable au temps


carolingien). La frappe de monnaie est en plus de nouveau
faite par l’Etat et se développe le crédit.
 Renaissance des villes (corollaire de la croissance
économique) : va démarrer selon les régions dans la
seconde moitié du 11 s par une brusque croissance des
e

villes après plusieurs siècles de stagnation (du 5 au 12 s,


e e

les villes n’étaient que des parasites dans les campagnes).


Essor démographique incroyable, développement du noyau
urbain. A la fin du 13 s, il y a 200 000 habitants à Paris, ce
e

qui en fait la ville occidentale européenne la plus


importante. Cette croissance démographique va
transformer les villes en moteur de la vie économique
locale.
 La sphère intellectuelle : cette période en est une de
profond bouleversement ds la manière de penser (Même
échelle que celle du 16 s). 3 caractéristiques :
e

 Se nourrit de la culture antique : retour à la


philosophie et à la logique d’Aristote que l’on
redécouvre en Occident via les penseurs arabes qui
l’avaient traduit. 
 C’est une renaissance profane (elle n’est pas
religieuse, à la différence de la renaissance du 8 s) : se
e

traduit par l’essor de la littérature française


(vernaculaire) dans un milieu social jusque-là pas
touché par la culture en elle-même 🡪 la culture n’est
plus réservée aux Clercs, elle se développe dans les
villes, les bourgs, les cours princières… Cette nouvelle
culture profane va faire surgir des thèmes littéraires
nouveaux (chevalerie, amours courtois…)
 S’appuie sur des institutions nouvelles : les écoles au
12 et à partir du 13 s dans les universités.
e e

L’enseignement se détache des monastères, va se


dérouler ds un cadre dédié. L’activité ne relève plus
de l’enseignement des moines.
 Renaissance politique : grosse transformation des
structures politiques au 12 s. Se traduit par 2
e

phénomènes :
 Affaiblissement de la puissance des petits seigneurs
qui n’est plus du tout adaptée aux nouvelles
situations économiques. Le système féodaux-
seigneurial ne trouve pas sa place dans ce système de
capitalisme-marchand. 
 L’étaux seigneurial se desserre des individus, des
libertés individuelles voient le jours. Se constituent
ou se reconstituent aussi des ensembles territoriaux
importants, comme la Flandre et la Normandie qui
seront aux mains de prince plus puissants que les
seigneurs alors en place.
Se traduit par le renouveau du pouvoir royal contre la
féodalité.
 L’Eglise va aussi connaitre une grosse transformation :
mouvement de réforme énorme 🡪 la réforme Grégorienne
(Grégoire VII, 1073-1085, était le Pape au pouvoir à ce
moment). C’est une réponse à la désagrégation des
structures que provoquent la féodalité sur l’Eglise. Cela se
traduisait par une régionalisation des Eglises qui perdaient
alors leur universalité (le personnage le plus important est
l’évêque dans son diocèse). Les papes à partir du 11 s e

s’efforcent de lutter contre cette crise et sont pour cela


certains que la solution est la primauté romaine (= imposer
l’autorité directe du pape sur toutes les strates de l’Eglise).
Dans cette lutte, la papauté va s’appuyer sur l’Eglise
régulière (il y a 2 types d’hommes ds l’Eglise : les clercs qui
se coupent du monde et qui décident de vivre selon une
règle 🡪 c’est le monachisme, ils vivent dans un monastère ;
à côté, l’Eglise séculière est celle qui vit au milieu du siècle,
parmi les hommes) pour lutter et reprendre le pouvoir sur
l’Eglise séculière qui a tendance à se détacher de Rome.
L’aboutissement de cette lutte est que la forme
traditionnelle de l’Eglise est remise en cause 🡪 la
prédominance de l’évêque dans son diocèse est remise en
cause et émerge l’idée que le pape n’est pas un évêque
comme les autres, mais est supérieur aux autres. Cette
réforme grégorienne va aussi passer par une lutte politique
à l’extérieur de l’Eglise. Les papes vont alors réussir
progressivement à interdire aux grands laïques (roi,
princes, empereur de saint empire) de se mêler des affaires
de l’Eglise + le pape va affirmer posséder une puissance
temporelle et peuvent donc se mêler des affaires des
différents Etats (exprimé dans le Dictatus Papae de
Grégoire VII en 1073). Le pape y affirme le droit de
déposer les Empereurs et les Rois car il est l’intermédiaire
entre Dieu et les Princes. Proclame donc sa supériorité sur
le pouvoir des Princes. 🡪 Aboutit à la puissance politique de
l’Eglise, ce qui est un gros changement puisque la papauté
ne se voulait jusque-là être qu’une autorité morale. Là, il
prétend à l’universalisme, à la domination de l’Eglise sur
tous les aspects de la vie politique et sociale des laïques.
 Cette réforme grégorienne a une grande importance
dans la culture car ce grand conflit qui va durer un siècle
va permettre l’exhumation de textes juridiques qu’on
avait oublié pour pouvoir appuyer leurs arguments. Se
traduit par la réapparition des textes des compilations de
Justinien 🡪 véritable révolution.

Section 1 : la révolution des droits savants


Dans la seconde moitié du 11 s, les textes de Justinien
e

réapparaissent mais vont surtout être l’objet d’enseignements ds


des institutions spécialisées. Important car va s’élaborer un
nouveau savoir autour du roi romain et canonique 🡪 c’est «  le
droit savant » (celui qui va être étudié et transmis).

§1. La naissance d’un droit enseigné

A. Le renouvellement des sources juridiques


Concerne principalement le droit romain mais aussi le droit
canonique.

1. Le réveil du droit romain


Vers 1070 va être exhumé ds le nord de l’Italie (circonstances
historiques inconnues, le plus probable est que ça ait été oublié
par les Byzantin au 6 s) 2 manuscrits du Digeste de Justinien,
e

qu’on appellera la Littera Bononiensis et la Pisana Fiorentina (le


manuscrit de Bologne et de Florence). Ces manuscrits vont servir
de matrice à la diffusion des compilations dans toute l’Europe
continentale.
Le rythme de la redécouverte va donner naissance à un nouveau
redécoupage. Les hommes de l’Antiquité avaient connu 4
volumes alors que les Hommes du MA vont connaitre 5
volumes :
 Le Digeste vieux (le plus ancien, correspond aux 24
premiers volumes du Digeste)
 Infortiat : le milieu du Digeste (24 à 38)
 Le Digeste Neuf (39 à 50)
 Le Code (seulement les 9 premiers livres du Code qui en
comptait 12)
 Le Volumen, qui comprend les 3 derniers livres du Code
(appelés Tres libri), qui comprend les Institues et les
Novelles, que les hommes du MA appelleront les
« Authentiques »
Ces 5 volumes seront appelés « Corpus Iuris Civilis ». Met les
hommes du MA au contact d’un langage et d’un modèle de
raisonnement qui n’est pas le leur. Les compilations vont leur
révéler un modèle de sté ou tous les aspects de la vie publique
comme privée sont régies par le droit. Les compilations de
Justinien sont dominées en permanence par un souci de justice.
Apparaissent comme un modèle exemplaire, c’est un idéal à
atteindre.

2. Le renouveau du droit canonique


Milieu du 12 s. Vont émerger des collections canoniques d’un
e

genre nouveau : le décret de Gratien, vers 1140 à Bologne.


L’originalité de ce décret est qu’il ne se limite pas à une
compilation de textes anciens. Le titre complet du décret est
« Décret de Gratien, où la concorde des canons discordants »
(canons au sens de règles de droit). L’ambition de l’œuvre est
d’instaurer une harmonie, une certitude juridique au sein des
textes compilés (4000 textes sur un millénaire et qui viennent
d’autorités très différentes). L’œuvre de Gratien entend
résoudre des contradictions en proposant des moyens d’établir
une cohérence.
Pour la 1 fois, l’auteur va établir une hiérarchie des sources. Son
e

décret va aussi allier la compilation avec une interprétation


doctrinale. Gratien va interposer entre chaque textes compilés
ses propres opinions. Il fait concorder les canons. Ce décret est
une œuvre privée mais les qualités de l’œuvre sont tellement
importantes qu’il va rapidement acquérir une autorité officielle.
Les papes, dès les années 1160, vont diffuser le décret et le faire
appliquer. Devient le code appliqué devant les juridictions
ecclésiastiques.
Point de départ d’une explosion de la législation canonique. Les
papes se mettent à légiférer sous forme de décrétales (réponses
sous forme de lettres ouvertes du pape + vaut pour l’avenir). Les
décrétales deviennent tellement nombreuses au 12 s qu’on va
e

ressentir le besoin de les codifier. Il y aura alors plusieurs


collections d’origine privée qui tentent de réunir la masse de
cette nouvelle source à la fin du 12 / début du 13 s. Il y aura 5
e e

grandes compilations privées entre 1190 et 1226. En 1234,


devant la masse des décrétales, pour la 1 fois, la papauté (sur
e

demande du Pape Grégoire IX qui va charger le juriste catalans


Penaforte) va réaliser sa propre compilation. Cette compilation
sera appelée « les décrétales de Grégoire IX » (Liber Decretalium
extra decretum vagantium) 🡪 aussi appelé Liber extra.
Après lui, d’autres Papes vont prendre l’initiative de compilations
qui vont venir compléter ce qui existe déjà, elles ne les
remplaceront pas :
 1298 : le Sexte de Boniface VIII
 1317 : les Clémentines de Clément V
 1334 : les Extravagantes de Jean XXII
 L’ensemble de ces textes sera appelé « Corpus iuris
Canonici ». Ce sera le corpus officiel jusqu’en 1917.
Les sources juridiques se sont réveillées de leur léthargie. 
B. La diffusion de l’enseignement spécialisé du droit
C’est le 2 grand phénomène majeur. Pour la 1 fois depuis
e e

l’époque romaine, le droit va faire l’objet d’un enseignement.


Va être considéré comme un objet digne d’apprentissage. Va
faire l’objet d’un apprentissage sous de nouvelles méthodes.
L’ampleur que va prendre le phénomène juridique en Europe est
directement lié à ce phénomène d’enseignement. 
Très vite, l’endroit où démarre ce phénomène d’enseignement
est la ville de Bologne.

1. L’enseignement Bolonais
A la fin du 11 s, Pepo est donné comme étant le fondateur d’une
e

école à Bologne à la fin du 11 s. Coïncidence troublante avec le


e

fait qu’apparait en 1076 un certain « Pepo », qui se désigne


comme un docteur en Droit (Legum doctor) et c’est la première
fois qu’est expressément cité le Digeste. On sait qu’en 1120 il y
a un enseignement en droit qui est certain, dont le professeur
était Irnerius, qui va constituer atour de lui toute une lignée
d’enseignants qui pendant des décennies va enseigner le texte
des compilations de Justinien. L’influence de ces premiers
enseignants de Bologne est considérable sur le développement
de la science juridique. 
Maître de la génération des 4 grands auteurs :
 Bulgarus
 Martinus
 Jacobus
 Hugo
Importants tous ces 4 car vont tous entrer au service de
l’Empereur du Saint Empire Germanique : Frédéric Barberousse,
dont ils vont devenir les conseillers. Ils vont participer à la diète
de Roncaglia en 1158 où l’Empereur va affirmer son autorité sur
le nord de l’Italie. Ils vont lui fournir des arguments juridiques
pour affirmer son autorité sur le Nord de l’Italie en piochant
dans le droit romain. En contrepartie de leur soutien, l’école de
Bologne va être protégée, elle va obtenir des privilèges de
toutes sortes (exemptions fiscales, sauvegarde impériale =
privilège de juridiction…). 
Ils sont aussi connus en plus de cette raison politique pour une
raison doctrinale. L’école va se diviser en courants doctrinaux
différents puisque Bulgarus et Martinus vont avoir des lectures
différentes des textes romains. Il va y avoir une divergence
pendant plus d’un siècle. Bulgarus est favorable à une
interprétation stricte et littérale des textes romains alors que
Martinus sera plus sensible à la notion de l’équité qui rend
possible l’interprétation du droit et autorise à faire appel à
d’autres sources que le droit strict. Ce débat va surtout
influencer la 3 génération de l’école, celle qui vient après les 4
e

grands. Ils vont se positionner selon leurs maîtres. Martinus aura


pour disciple Placentin et Bulgarus aura Rogerius et Johannes
Bassianus (vers 1160 – 1180).
Tous vont, par la méthode de la glose, une méthode
exégétique, ??. Ils vont enseigner le texte du corpus dans l’ordre
de celui-ci, et vont procéder pareil pr chaque fragment du texte.
Ils commencent par une explication du vocabulaire, dressent le
sens général du texte (comment doit-on le comprendre) +
ajoutent parfois un petit élément personnel. Leur enseignement
va être reporté à l’écrit sous 2 grandes formes :
 L’apparat : annotations dans des marges importantes qui
sont toutes atour du texte en lui-même.
 La somme : recueil de toutes les gloses sans qu’on
reprenne le texte qu’elles sont en train de commenter (le
texte est à part, dans un autre livre). On indique juste le
mot auquel l’explication se rapporte.
Toutes ses explications données par les professeurs sont reprises
d’un enseignement à l’autre et son repris dans les manuscrits,
qui vont vivre et être complété par la suite par les générations
suivantes. Ne pose, jusqu’au début du 13 s, aucun problème
e

aux juristes (ni l’accumulation matérielle, ni conceptuelle).


Pratiquée par tous les romanistes de l’école de Bologne, mais
aussi par tous les canonistes, l’école ayant une grosse influence
dans ce milieu aussi. La science canonique se réveillant vers
1140. Influence pour 3 raisons :
 C’est à Bologne qu’on va rédiger les premières sommes sur
le décret de Gratien (rédigé vers 1140). Le premier a les
avoir écrit est Paucapalea (fin 1140), qui va être suivi par
d’autres juristes qui vont rédiger des sommes sur ce décret
les décennies qui vont suivre (Ruffin, 1164 ; Etienne de
Tournai, 1165). Une 2 génération (leurs élèves) vont aussi
e

rédiger des sommes sur ce décret (Jean de Faenza, Simon


de Bisignano, vers 1170 ; Huguccio…). La doctrine
canonique est alors brillante et novatrice.
 Ils vont lancer un nouveau mode de diffusion des
enseignements juridique. Cad qu’à côté des sommes et
des apparats, ils vont produire des monographies (exposés
d’ensembles sur une matière, ce sont des traités). Ils vont
donc rédiger des grands traités de procédure (exemple de
Richard L’Anglais, qui va rédiger l’Ordo Iudicarius). On sort
de l’ordre du texte posé par le décret.
 Ils vont être aussi les 1ers à commenter les nouvelles
sources du Droit canonique, les sources postérieures au
décret de Gratien. On distingue alors à Bologne ceux qui
enseignent le décret de Gratien (les décrétistes) de ceux
qui enseignent les décrétales (décrétalistes), qui vont
travailler les écrits canoniques. Les enseignements vont
alors se séparer (dès le milieu du 12 s), et plus on avance
e

dans le temps et plus c’est l’enseignement des décrétales


qui prend de l’importance.
 Primauté des sommes, monographies et enseignement
des décrétales + Ecole de Bologne qui fixe la méthode de
la Glose.

Mais Bologne n’est pas le seul centre d’enseignement du droit au


12 s. Depuis la fin de 2WW, on sait que Bologne a eu des
e

concurrents aux doctrines originales poussées.

2. L’effervescence des écoles juridiques


Ces concurrents seront nombreux. Vont émerger pdt la 2 moitié
nd

du 12 s des ères d’enseignement, des zones en Europe dans


e

lesquelles circulent des mêmes textes et des mêmes doctrines. Il


y aura 4 zones : 
 La zone nord-Italienne, avec entre autres Bologne mais pas
seulement.

 La zone méridionale dès les années 1130, dans la Vallée du


Rhône jusqu’à Montpellier. Enseignement surtout centré
sur le droit romain. Enseignement mal connu car bcp de
maîtres anonymes ou itinérants. Démontre une vraie
maitrise du savoir juridique + montre qu’on connait les
écrits des auteurs de Bologne mais on s’en distingue.
Iustiniani est in hoc opere, une somme sur les institues, y a
été commenté. Sera aussi réalisée une autre somme
(Summa Trecensis), et enfin un 3 grande texte, somme sur
e

le Code en langue provençale (Lo Codi), qui va avoir une


grosse influence. A la fin du siècle, cette zone va attirer les
enseignants de Bologne. C’était le cas de Placentin qui
viendra s’y établir. 

 La zone anglo-normande : on va très tôt avoir un


enseignement du droit romain en Angleterre. Dès 1139, la
région d’Oxford, il y aura le juriste Vacarius, ancien de
Bologne, qui va donner des enseignements sur le droit
romain. Il écrira le Liber Pauperum. A Oxford, dès 1170,
sera fait un enseignement du droit canonique.

 La zone parisienne et franco-rhénane : enseignement très


brillant et très tôt du droit canonique, qui s’organise autour
d’Etienne de Tournai après son séjour à Bologne. Il y aura
toute une série de texte qui montre l’excellent niveau des
écoles parisienne dès 1160, comme la Summa Parisiensis.
Cette école a des liens avec les milieux germaniques (Metz,
Cologne…). Cette zone a aussi connu un enseignement du
droit romain mais assez peu de traces. Mais on sait que les
canonistes y ont un excellent niveau de droit romain.
Classer la chronologie exacte de ces écoles est très difficile car
beaucoup d’anonymat à l’époque, on ne les connait souvent que
par leurs initiales et en plus ces maîtres semblent avoir été
itinérants. L’enseignement du droit est donc très informel. Ce qui
est certain est que ces œuvres sont très originales et témoignent
d’un savoir juridique maitrisé très tôt. Les disciplines juridiques
se sont donc développées et émancipée dès le 12 s. e

§2. L’émancipation des disciplines juridiques


Au MA, le droit romain et le droit canonique ne sont pas ds la
même situation.
 Le droit romain en est un donné, il est arrivé complet dans
les mains des juristes du MA, très technique, rigoureux et
sophistiqué. Le droit romain pour les hommes du MA
semble alors figé, insusceptible de changement. Il ne peut
être qu’interprété. C’est un droit d’une sté d’il y a mille
ans.
 Le droit canonique est empirique, en pleine création. Il y a
un législateur de droit canonique. Il est empirique car ne se
préoccupe pas de la cohésion et règle les problèmes un à
un. On est aussi dans un cadre différent car fait pour une
sté actuelle et influencé par un cadre conceptuel, celui de
la théologie. Le droit canonique n’est pas coupé de la
théorie. 
Préoccupation immédiate des romanistes du 12 s = comprendre
e

les textes qui leur présentent ce système juridique oublié et de


voir comment ils peuvent en tirer des solutions pour leur époque
à eux.
Préoccupation immédiate des canonistes du 12 s = trouver leur
e

place entre le droit romain et la théologie. Prouver l’autonomie


de leur savoir.

A. La construction de la doctrine romaniste


Le 1 pb est de comprendre les compilations. La langue des
er

compilations de justinien n’est pas leur langue (décalage


chronologique) + ces textes montrent un niveau de technicité
juridique qu’eux ne connaissent plus. C’est en essayant de
comprendre ce que disent les textes qu’ils vont réinventer les
concepts juridiques.

1. La fabrication d’un langage juridique


Les 1ers romanistes vont mettre l’accent sur les définitions.
Repose sur l’idée de définir les mots dans l’ordre du texte. Pour
définir un mot dont on ne connait pas le sens, ils vont procéder
en comparant tous les fragments des compilations où apparait le
terme pour essayer de reconstituer à partir de raisonnement
logique le sens commun à tous ces fragments. Si c’est impossible,
ils vont essayer de comprendre ds quelles situations le terme va
prendre tel ou tel sens. Finalement, la méthode des glossateurs
repose sur le surgissement de la définition juridique par
l’explication des termes du texte en confrontant les différents
passages où apparait le même terme. « Avec les glossateurs, le
texte éclaire le texte », auteur contemporain. Implique que les
glossateurs ignorent l’histoire des textes qu’ils sont en train
d’étudier, ils ne sont pas capable de replacer ces textes dans un
contexte précis de création. Ils vont raisonner par constatation
de ressemblance ou de différence. Pour eux, le droit romain des
compilations est un ensemble cohérent, alors que c’est une
accumulation de textes historiquement situés. Le seul moyen
pour eux est de partir d’un raisonnement logique.
A partir d’un fragment des compilations, ils vont dégager un
Casus, un cas, et vont essayer de voir si à partir de là tous les
autres fragments en liens obéissent à l’explication trouvée et, en
cas de contradiction, vont essayer de la résoudre par le pro et
contrat (ou le « oui et non », « sic et non »), posée par Abélard,
qui consiste à distinguer les cas où ça s’applique au cas où ça ne
s’applique pas. 
Leur méthode a pour autre caractéristique que les romanistes du
12 sont animés par un souci pratique. Ils vivent ds le cadre
e

féodaux-seigneurial. Ce qu’ils observent autour d’eux, ce sont


des relations de forces, de la coutume… Leur explication des
textes va aussi passer par le rapprochement des institutions
existantes avec les textes romains. Certains termes et
mécanismes du droit romain vont être assimilés par eux à des
mécanismes qui leur paraissent similaires. Change le sens du
texte romain et change l’institution coutumière comparée. Ils
découvrent par exemple l’institution du préfet du prétoire. Ils ne
savent pas ce que c’est donc ils vont l’assimiler au Baillis, et vont
estimer être vrai leur assimilation. Vrai souci de praticité.
Ce grand travail de compréhension du texte va avoir pour effet
de doter ces romanistes d’une « forteresse de mots ». Les
auteurs du MA vont développer une manie pour la classification.
Va les conduire à une nouvelle façon de concevoir certaines
matières. Ils vont réussir à articuler dans une même
arborescence certaines notions qu’ils pensaient de loin
incomparables.

2. Le modèle d’une sté régie par le droit


 Droit public : 

Certains domaines vont être profondément renouvelés, en DPub


comme en DPriv. Va déboucher en DPub à partir du 13 s de la e

mise en avant de certains concepts tirés du droit romain qui


vont permettre l’élaboration de nouvelles théories politiques :
 Majestas
 Auctoritas
 Potestas (variante féodale : Plenitudo potestatis)
 Imperium
Va faire émerger l’idée perdue au MA que le pvr se situe
nécessairement dans un sommet. On va aussi réactiver les
notions de Res Publica, d’Utilitas Publica, la Necessitas. Ces
concepts permettent d’encadrer le pvr du souverain.  Permet de
fonder une nouvelle théorie juridique sur les pouvoirs publics.
 Droit privé : 
En matière de droit privé, il y aura une grosse réflexion sur la
réflexion entre la propriété et la possession.
Existe en droit romain le mécanisme de l’emphytéose (le bail
emphytéotique). C’est un bail de très longue durée (99 ans en
gnrl) sur un immeuble, qui va conférer un droit réel au preneur
(l’emphytéote). Ce mécanisme n’existe plus au 12 s et les e

hommes du 12 ont du mal à le comprendre. Par contre, existe le


e

système de la tenure, un système ds lequel les attributs de la


propriété de la Terre sont partagés. Partage de droits entre le
tenancier, qui va matériellement détenir le bien, (c’est le
preneur) et les ayants-droits, le ppal étant le seigneur). Ils vont
rapprocher les 2 mécanismes car les emphytéotes comme les
tenanciers ne sont pas considérés comme des propriétaires, c’est
leur point commun. En droit romain va être reconnu à
l’Emphytéote des droits sur la terre, un dominium, protégé par
une action : l’action utile, par opposition à l’action directe, qui
sera réservée au propriétaire cédant. Les glossateurs vont donc
assimiler le tenancier à l’emphytéote. La csq est qu’ils vont
reconnaitre au tenancier, sur sa tenure, un ensemble de droit
qu’ils vont appeler « domaine utile » (dominium utile) et vont
considérer que le seigneur a aussi des droits sur la tenure (le
domaine direct) 🡪 c’est la théorie du double domaine.
A partir de là, les glossateurs vont expliquer la tenure par les
concepts du droit romain et de la théorie du double domaine et
ne vont plus l’expliquer par la saisine pécuniaire. Cette th du
double domaine sera reprise tout au long des 13 et 14 s et
e e

protégera de plus en plus les droits du tenancier.


Il y aura aussi une réflexion sur la question de la personnalité
morale (collectivités, groupements…). Passera par le biais de
personna ficta et d’universitas. Cette réflexion se développera
bcp ds le cadre urbain, les villes se développant et des
institutions municipales se formant, sous forme d’assemblée
notamment. Sera mise en pratique toutes les théories des
romanistes et canonistes portant sur le mandat. La technique du
mandat sera redécouverte au 12 s et théorisée par les
e

romanistes et permet de poser le ppe de l’obéissance du


mandataire (doit exécuter les obligations qui résultent de son
contrat) et de montrer que le mandataire n’est pas qu’un
subordonné, il a une certaine liberté, car il est apte à engager
pleinement son mandant. Sera très utilisé en matière de droit
des successions car recouvre les techniques de la représentation.
Il y aura aussi bcp de réflexions sur le droit de la famille. Sera
redécouvert le mécanisme de la puissance paternelle : la patria
potestas, très puissante en droit romain. Va transformer la
relation père-enfant dès le 12 s, surtout dans le sud du royaume.
e

Toutes ces innovations juridiques prennent la forme de glose et


d’annotations dans les manuscrits. « Nous sommes des nains sur
des épaules de géants » = on croit à l’accumulation su savoir,
qu’il faut tout regarder.
Mais dès le 13 s, cette accumulation du droit va poser pb.
e

Volonté de synthèse qui émerge. Accurse, un juriste de


Bologne, va réaliser la Grande Glose en 1220, commentaire
exhaustif de tout le droit romain (Magna Glosa), qui deviendra
en qq années seulement l’unique glose de référence. C’est LA
glose de référence et l’on cesse de se référer aux auteurs
antérieurs. La Grande Glose devient si importante que le texte
de Justinien ne circulera plus qu’avec cette Glose qui se colle au
texte. Les 2 écrits sont alors indissociables et source de tous les
apprentissages. Pourtant, Accurse n’a presque rien inventé, il
reprend les gloses de ces prédécesseurs. 1220 est donc une
année de tri énorme. Accurse va fixer une certaine tradition, il va
garder certaines interprétations et en écartera d’autres, qui ne
seront alors plus connues, elles passent ds les oubliettes de
l’histoire (il y aura des exceptions).

B. La construction de la doctrine canoniste


12 et début 13 s = dvlpmt considérable aussi mais enjeux
e e

différents. Les romanistes n’avaient pas eu à défendre


l’autonomie de leur savoir, alors que les canonistes vont devoir
se détacher de la théologie. 

1. L’autonomie du droit canonique


Jusqu’au 12 s, on a une masse indifférenciée des sciences
e

divines.
Le premier objet sera de se distancer de la théologie. Cela
passera par une distinction qu’ils vont établir entre le fort
interne et le for externe (vient du latin forum : Tribunal). Le for
interne est le tribunal de la conscience, concerne les péchés
(absolution par la pénitence). Le for externe juge les rapports
des individus entre eux (relève du juge et non plus du
confesseur 🡪 Le juge attribuera une peine). Cette distinction
n’existe pas avant le 12 s. Or, cette distinction est importante
e

pour les canonistes car montre qu’il faut, à côté du théologien,


un autre professionnel des sciences divines avec une
organisation juridictionnelle pour pouvoir juger dans le for
externe. Parmi les professionnels de sciences divines, ce seront
ceux qui prendront en charge le for externe. Cette distinction en
théorisée au 12 s et sera de suite reprise par la papauté (va leur
e

donner du crédit) qui va y gagner, à la fin de la réforme


grégorienne, un pouvoir juridictionnel immense, un pouvoir
temporel énorme : c’est le pouvoir des clefs. Lui permet d’avoir
un pouvoir qui dépasse celui de l’absolution du pêché. 
Fin du 12 s, la distinction droit canonique/théologie est admise.
e

Mais le droit canonique cherche aussi, ds le même temps, à se


distinguer du droit romain. Ils vont pour cela très vite
revendiquer le fait de produire un droit qui n’en est pas un
laïque, dans le sens où la sté que ce droit va prendre en charge
est régie par la recherche du salut (qui n’est pas une
préoccupation du droit romain). Conduit les canonistes à
introduire ds le droit les écrits des autorités de l’Eglise (les
Evangiles, etc.), et c’est ce qui va les distinguer du droit romain.
Ce faisant, elle va développer un très grand intérêt pour la
procédure. Cela car l’ordre du procès est une mise en ordre du
droit. Le droit permet un ordre. 
2. La construction d’un ordre du droit
Très grande importance de la procédure car l’ordre du procès
leur parait être le reflet des rapports entre l’Homme et Dieu.
Toute la procédure est alors analysée comme étant une mise en
ordre de la sté chrétienne. Chaque étape de la procédure est le
reflet des interventions divines vis-à-vis de l’humanité. Les
canonistes vont expliquer qu’elle est exactement le reflet de ce
qu’on trouve dans les textes évangéliques. La procédure a alors
pour origine le paradis. Le 1 procès est quand Dieu accuse
er

Adam d’avoir mangé la pomme, c’est donc Dieu, dans ses


rapports avec Adam, qui détermine l’origine de la procédure. Les
règles comptent alors moins que la procédure, reflet du dessin
divin.
La procédure sera alors profondément renouvelée, cessera la
procédure romano-canonique. C’est l’apparition de la procédure
inquisitoire. Apparait avec l’idée que « il est de l’intérêt public
que les crimes graves ne restent pas impunis ». C’est donc le juge
qui est le maître du déclenchement de la procédure. C’est une
procédure inquisitoire où la victime n’est pas le maître. Dans
cette procédure, les modes de preuves seront aussi transformés :
 Avant le 12 s : les ordalies, les preuves magiques,
e

irrationnelles
 1215 : interdiction des ordalies par le Concile de Latran IV
🡪 remplacement par des preuves plus rationnelles :
témoignage, aveu, écrit…
Cette procédure accusatoire aura aussi pour ppe que l’idée de
répression l’emporte sur l’idée de réinsertion car ce qui
l’intéresse est par-dessus tout de restaurer l’ordre public en
prononçant une punition. Idée que l’OP transcende les
individus, la punition l’emporte sur la pénitence.
Les canonistes ont pour idée que le peuple chrétien ne sait pas
ce qui est bon pour lui. Seul le pape et les canonistes le savent.
Donc le peuple n’est pas producteur de normes, les canonistes
sont très méfiants de la coutume où seule celle en accord avec
leurs valeurs sont tolérables. On trouvera chez les canonistes du
12 s une très grande réflexion sur les sources et sur leur
e

hiérarchie. Au sommet il y a les textes législatifs du Pape et en


bas il y a les coutumes du peuple. 
A partir du début du 13 s, il y aura là aussi un souci de synthèse
e

qui va émerger, vers 1220 aussi, au même moment qu’Accurse.


Le juriste Jean le Teutonique va réaliser une synthèse du décret
de Gratien en 1220. En 1234, quand on compilait les décrétales
de Grégoire IX, directement, le Pape va charger un juriste,
Raymond de Penaforte, de rédiger une glose officielle.

 Romanistes et canonistes ont tous deux un droit qui se


veut universel (droit romain et canonique sont
transnationaux) et ont vocation à tout prendre en
charge, tous les rapports entre les hommes en étant des
juridiques et doivent donc être soumis aux droits romain
et canonique.
A partir de là, les doctrines juridiques vont connaitre un essor
considérable des doctrines juridiques entre le 13 et le 15 s.
e e

Section 2 : l’âge d’or de l’universalisme doctrinal


Va s’élaborer dès le 13 s une véritable science de professeurs qui
e

va aboutir à la formation d’un droit savant romano-canonique


qui va mêler les 2 matières : le Ius Commune 🡪 le droit commun.

§1. La construction d’une science de professeurs


Dans le milieu du 13 s, il y aura un grand changement
e

méthodologique qui va transformer les doctrines produites par


les docteurs en droit. Porté par l’école en vogue du moment,
l’école d’Orléans. Va marquer le départ d’une nouvelle
interprétation du droit romain et canonique, bcp plus marqué
par la rationalité.

A. Le tournant de l’école d’Orléans


Vers 1260 va démarrer à l’école d’Orléans un grand mouvement
de renouveau des méthodes d’enseignement du droit. Va se
passer autour de la grande figure de l’école : Jacques de Revigny.
Les enseignants d’Orléans ont pour particularité qu’ils ont une
tradition d’interprétation particulière des travaux de Justinien car
lorsque l’école est fondée en 1230, elle est fondée par des
maîtres de Bolognese concurrents de l’école d’Accurse, ce qui
implique qu’ils apportent avec eux une tradition dissidente car
connaissent les écrits écartés par la Glose d’Accurse et ne
prennent pas la Glose d’Accurse pour une vérité inattaquable.
Sur cette tradition-là va s’élaborer une nouvelle méthode
d’enseignement du droit.

1. Une nouvelle méthode d’enseignement du droit


Les professeurs Orléanais vont mettre au point une nouvelle
méthode qui va présenter plusieurs caractéristiques :
 Les Orléanais vont accorder une importance très poussée à
la dimension linguistique du texte. Implique qu’ils ne se
contentent pas de donner des définitions, ils vont
expliquer à leurs étudiants les ppes grammaticaux et
rhétoriques qui permettent de comprendre le sens des
phrases juridiques. Ils vont chercher à comprendre la
valeur à accorder aux mots de la loi pour pouvoir dégager
le sens de la loi (Verba legis vs Mens legis). Leur réponse
sera que l’esprit de la loi ne procède pas uniquement de la
signification propre des mots, mais procède de la
puissance et de la potentialité qu’ils renferment. Pour
cela, il faut interpréter les mots. Ils vont alors inscrire la
dimension linguistique sur une théorie de l’interprétation
juridique. Cette manière de voir les choses les éloignent de
la méthode en vigueur à Bologne. Cette analyse linguistique
vient s’ajouter à d’autres techniques d’interprétations. 

 Approche très critique des textes du corpus. Veut dire


qu’est valorisée la vérification systématique de la source.
Vont écarter certaines traditions doctrinales lorsqu’elles
s’appuient sur des versions corrompues du corpus.

 Approche très critique de la doctrine aussi. Connaissent


très bien la doctrine passée mais ne s’y sentent pas liés. Ils
ont donc une véritable liberté de ton. Implique un goût de
la critique et que pour eux l’approche doctrinale consiste à
questionner en permanence.

 Les Orléanais ne craignent pas de faire appel à d’autres


disciplines pour approcher un texte. Ils vont faire appel au
droit canonique pour commenter le droit romain, et
inversement (par exemple). Ils sont tous praticiens et vont
incorporer la pratique administrative et judiciaire de leur
époque pour produire leurs interprétations.
 Ils proposent doc une nouvelle façon d’interpréter les
mots qui s’appuie sur une démarche critique des textes
avec une conception très large des sources pour
commenter les textes. Cette méthode est élaborée cers
1260/1280 et correspond à l’arrivée dans la pensée
juridique d’un nouveau type de raisonnement.

2. L’avènement d’un nouveau raisonnement juridique


1260-1280, école d’Orléans. Va rentrer ds le raisonnement
juridique 2 éléments jusqu’alors inconnus : l’analogie et le
syllogisme.
Le grand mécanisme de raisonnement logique était jusque-là le
parallélisme, qui ne sera dans les années 1260 plus acceptable
pour les juristes. Consistait en étendre la solution juridique d’un
cas d’espèce à un autre cas d’espèce en le justifiant par la
ressemblance (le parallélisme des situations).
Exemple : est-ce qu’un clerc peut avoir plusieurs sources de
revenus ? il va établir un // avec la situation du droit privé où il
est possible d’être tuteur dans 3 tutelles différentes en même
temps, donc en droit canonique il doit être possible d’avoir trois
bénéfices en même temps. Conception simpliste de la similitude.
A partir des années 1260, on va considérer que ces
raisonnements ne peuvent pas produire des effets juridiques il
y aura une rupture très nette. Si la similitude ne répond pas à des
critères précis, alors c’est une mauvaise similitude.
Ce qui s’est transformé, c’est le ctxt intellectuel. Elaboration
d’une nouvelle forme de logique au milieu du 13 s, qui s’appuie
e

sur les textes d’Aristote (c’est le Nova logica). STA et Albert le


Grand st les 2 grandes figures qui travaillent à cette nouvelle
méthode. Ils travaillent à partir de l’Organon d’Aristote.
 Va être transformée la notion de cause : la cause n’est pas
juste ce qui précède les faits mais vont en conclure que
c’est une notion métaphysique complexe. Aristote estime
selon eux que tout acte a 4 causes :
 La cause matérielle (ce qui la compose)
 La cause formelle (l’essence de la chose, sa raison
d’être)
 La cause efficiente (ou motrice, ce qui explique que la
chose a été produite, son procédé de
création/fabrication)
 La cause finale (le but ds lequel elle a été faite)
Cette cause aura des effets sur tous les champs du savoir.
On va quitter la manière de raisonner d’avant le milieu du
13 s qui reposait sur le Sic et non et du pro et contra qui
e

permettait de juxtaposer des situations opposées. Plus on


avance ds le 13 s et plus l’élément essentiel de tout le
e

raisonnement est la cause finale, la raison d’être chez la


chose. La csq pour les juristes Orléanais est qu’ils vont
instruire la causalité dans les raisonnements juridiques
(mène au refus du //isme). 🡪 On appliquera donc la même
règle gnrl à toutes les situations qui relèvent de la même
cause finale (introduction de l’analogie).
Ce changement prend une vingtaine d’année. A partir de
1280, ce nouveau raisonnement, le syllogisme, est la
manière normale de raisonner en droit.

 La distinctio sera aussi transformée. C’est une technique


d’interprétation des textes en usage chez les juristes et
autres très utilisé dans les universités médiévales. C’est un
mode d’exposition des arguments. Jusqu’au moment où
l’on va la changer, la distinction repose sur les pro et contra
(à une même question il peut y avoir des réponses
multiples donc il faut distinguer). Mais ce mode de
raisonnement va se transformer en 1260 car ne va plus
servir à exposer la multitude des solutions possibles à un
unique pb, mais va servir à exposer la multitude des
aspects/interprétation que peut recouvrir une même
question/pb. Il n’y a donc plus qu’une seule solution qui est
nuançable en fonction de l’interprétation que l’on a de la
question. C’est un moyen d’organiser les interprétations
possibles à une même question. C’est désormais un moyen
d’élaborer la solution plus que d’en exposer plusieurs.
Méthode de raisonnement qui permet de faire surgir une
nouvelle règle et de réduire toutes les oppositions à des
exceptions à la règle. C’est un moyen de réduire la
discordance entre des arguments.
Cette méthode va se diffuser hors d’Orléans vers toute
l’Europe occidentale et va conduire à l’abandon de la
méthode des glossateurs au profit de la méthode du
commentaire. On ne parlera plus de glossateurs mais de
commentateurs.

B. L’essor de l’interprétation rationnelle


Va se développer très vite depuis Orléans et va se diffuser fort,
permettant le renouvellement des méthodes d’enseignements
partout en Europe. 

1. La diffusion de la méthode du commentaire


La méthode orléanaise de diffuse d’abord en France à Toulouse
et Montpellier, les 2 grandes universités juridiques de l’époque.

a. Toulouse
Liens étroits avec Orléans car bcp d’élèves d’Orléans venaient
ensuite enseigner à Toulouse. C’est le cas de Guillaume de
Ferrière, grande figure de l’école de Toulouse. Va ramener les
écrits d’un maître Orléanais : Pierre de Petrisgrossis. Guillaume
de Ferrière va quitter Orléans avec ses élèves pour s’installer à
Toulouse. Parmi les élèves, il y aura Bertrand de Montfavet, qui
va être important pour l’école Toulouse et qui deviendra plus
tard évêque de Toulouse puis cardinal, représentant du Pape
dans plusieurs affaires. L’autre grande figure, Guillaume de Cunh
(début du 14 s à Toulouse), aura une œuvre qui va s’intéresser à
e

toutes les grandes thématiques qui avaient été traitées par les
orléanais, surtout sur les questions liées à la coutume. Cunh sera
l’un des vecteurs de transmission entre les écrits des orléanais et
les écoles de Toulouse puis entre les écoles de Toulouse et les
Italiens de la génération suivante.

b. Montpellier
Contexte politique très différent. Les juristes de là-bas
préfèreront les carrières politiques et judiciaires à
l’universitaire. Les doctrines produites auront donc un écho plus
restreint. 
 Bremond de Montferrier : très impliqué dans toutes les
querelles politiques de son époque (Boniface VIII vs PLB,
juriste du roi de Mayorque).
 Guillaume de Nogaret : carrière politique au service du roi
de France, deviendra son chancelier, sera impliqué ds la
querelle pape-roi.
 Jesselin de Cassagne : donne des cours à Montpellier au
début du 14 s, auteur de commentaires et membre
e

important de la curie pontificale de Rome.

 La diffusion dans le Nord de l’Europe :


Arrive à Bologne dans un ctxt particulier car Bologne est en
pleine guerre civile. Pendant 25 ans, les villes changeront de
couleurs. Au début du 14 s, la situation s’apaise avec une
e

victoire du pape. La papauté va alors travailler à la


reconstruction de l’université et va changer les programmes, les
méthodes d’enseignements et fera venir de nouveaux
professeurs. On fait venir des professeurs d’Orléans et de
Toulouse. Toutes les générations du nord de l’Italie d’après la
reconstruction vont développer la méthode du commentaire
venue d’Orléans. A partir du 14 s, le nord de l’Italie redevient le
e

centre majeur des études juridiques pour les 14 et 15 s. Parmi


e e

les grandes figures du 14 s dans le développement de la doctrine


e
juridique : Cinus de Pistoia, considéré comme le maître de
Bartole, lui-même professeur de Balde, qui mourra à la fin du 14 e

s.

2. La fixation des méthodes d’enseignement du droit


Vont se fixer 3 grandes formes d’enseignement :
 La lecture (lectura) : c’est le CM, l’analyse ordonnée du
texte dans son ordre dans le corpus. Ce commentaire est
dispensé dans le cadre du cours ordinaire ou extraordinaire
selon le type d’enseignant (le cours ordinaire étant le plus
prestigieux, sert de base aux versions écrites des
commentaires). Le commentaire est tjr organisé de la
même façon (grands pôles) :
  Poser un casus positio (la position du cas) : il expose
la situation ds laquelle se présente un pb juridique
donc le fragment sera la solution.
 L’expositio litterae : l’enseignant explique les termes
du texte et les divergences doctrinales.
 Les notabilia : tous les ppes gnrx qui vont être utilisés
dans le cas.
 La contraria : présentation de tous les fragments du
code ou du digeste qui semblent contradictoire avec
le cas et il faut montrer comment les combiner pour
ne plus qu’ils apparaissent contradictoires.
 Les quaestiones : questions que soulèvent le contenu
du texte. Tous les pbs juridiques à résoudre.
Ces éléments ne sont pas toujours distingués les uns des
autres et des éléments nouveaux viendront vite s’ajouter
dans les siècles suivants. Le cadre formel est donc
adaptable.

 La dispute (disputatio) : c’est une discussion entre 2


interlocuteurs qui échangent les arguments juridiques
pour apporter une solution à un cas pratique. Souvent
suivit d’une solution par celui qui a proposé le cas pratique.
Particulier car le cas pratique n’est pas issu du corpus, c’est
un cas fictif qui est souvent le plus retord possible
(exemple : un seul pain pour 2 entre un père et un fils
pendant une période de famine). Aussi, la dispute se fait en
public et est suivie d’un débat avec les élèves présents.
C’est une manière pratique d’apprendre le contenu du
corpus. C’est un des rares moment où les élèves ont la
parole.

 La répétition (repetitio) : c’est l’explication approfondie de


toute une branche du droit à partir d’un seul fragment du
corpus. C’est un cours donné sur une seule loi, un seul
fragment, qui va servir à faire une étude approfondie de
toute une matière juridique.
Plus on avance dans le temps et plus les 2 derniers types
d’enseignement prennent de l’importance. S’explique car ce sont
ces 2 exercices qui permettront l’élaboration des doctrines le
plus innovantes. Dans la répétition, le prof peut exprimer sa
conception de la doctrine. Explique que ce soient des exercices
très solennels (ont lieu devant l’université entière).
Va s’élaborer à partir du 14 s la doctrine nouvelle du ius
e

commune.

§2. La formation d’un ius commune


Le début du 14 siècle est marqué par la multiplication des
e

centres d’enseignements de droit. L’Europe se couvre


d’universités qui reçoivent des protections et des privilèges des
rois et des princes. Protégés car ils ont pris conscience du rôle
qu’avait le droit dans la formation de leurs cadres dans les
administrations. Toutes les universités européennes formeront
au même droit : le ius commune, forgé par les commentateurs
des 13 et 14 s. C’est un droit qui se veut universel et
e e

omnipotent (veut prendre en charge l’intégralité des rapports


humains).

A. Un droit omnipotent
Pour les juristes des 14 et 15 s, le droit savant qu’ils élaborent à
e e

prétention à s’appliquer partout et à tous, pour tout. Ces


prétentions sont le résultat du dvlpmt que va connaitre la
doctrine chez les romanistes et chez les canoniques.

1. L’âge d’or de la doctrine romaniste : le Bartolisme


Période qui débute au 14 s, du nom du juriste Bartole, qui
e

enseignera surtout dans le nord de l’Italie, à Pise et à Pérouse


(?). Il est l’auteur d’une œuvre immense et riche d’innovations. Il
s’intéresse à tout. en droit public, il sera l’auteur de
commentaires très important sur les questions de guerres
justes ou injustes, sur la tyrannie, sur la violation du droit. En
matière de Droit privé, il va imposer les références pour tous les
juristes postérieurs. Très grosse connaissance de ses
prédécesseurs mais tous ceux qui viendront après Bartole ne
citeront que lui. Son influence est cruciale autant chez les
romanistes que chez les canonistes qui vont se rallier au cours
du 14 s à la pensée de Bartole. Tous les auteurs qui viennent
e

après Bartole et qui s’y réfèrent (les bartolistes) ont des


caractéristiques en commun :
 Un détachement encore plus grand par rapport au texte.
Vont dans le sens d’une doctrine synthétique qui ont de
moins en moins à voir avec la lettre du texte (sans l’oublier
pour autant). Très grande liberté d’interprétation.
 Vont appuyer toute leur pédagogie sur l’échange
d’arguments + Rappel de toutes les disputes et
controverses doctrinales sur les interprétations = vont
tordre les textes vers des situations encore non-considérée
pour en sortir des interprétations novatrices.

 Sont très proches de la pratique (ce qui leur sera souvent


reproché), c’est pourquoi ils passent leur temps à rappeler
les controverses car fourni de l’argument aux avocats. A
partir de là, ils veulent toujours permettre de faire surgir
une opinion commune permettant de faire trancher le
problème. Vont élaborer des règles assez strictes pour
permettre de dégager ce qu’est l’opinion commune de la
doctrine. Il y aura donc un travail de classification des
auteurs. Donc pour eux, tous les auteurs de doctrines
peuvent être cités et utilisés en justice mais n’ont pas tous
le même poids. Tous ces auteurs vont permettre de
dégager la solution qui apparait être la meilleure. Pour eux,
la solution ne peut venir que de ce qui est le plus
probable, ils savent ne pas détenir la vérité absolue, la
certitude juridique n’est que la plus probable (celle qui
rassemble le plus d’avis positif).

 En partant des textes romains, ils vont les adapter à leur


temps, y compris en en détournant le sens. Ils ne craignent
pas cela. Les textes romains sont, pour eux, un prétexte
pour créer un droit nouveau qui convienne à leur temps.
Doctrine décisive sur des pans entiers du droit : testaments,
contrats, preuves, procédure, famille, etc.

2. L’âge d’or de la doctrine canoniste : le droit canonique


classique
 La période classique : 
C’est la période classique de la doctrine qui se terminera pour la
doctrine canonique plus précocement que la doctrine romaniste.
Il y aura une phase post classique fin 14 s – début 15 .
e e

Les grands noms de la période classique :


 Hostiensis (Henry de Suze) (sera ensuite appelé Ostie) :
auteur d’une Lectura sur décrétales et de la Suma aurea,
aussi un commentaire des décrétales mais moins scolaire.
 Guillaume Durand : appelé le Speculator en raison de son
Speculum judicale.
 Jean André : auteur de la glose ordinaire sur le sexte et sur
les clémentines.
 Panormitain (Nicolas Tedeschi) : auteur d’un recueil de 200
consultations juridiques sur le droit canonique.
Période classique marquée par une doctrine très brillante et
originale. Doctrine qui s’est bcp intéressée au Droit public car se
sont intéressé au pouvoir pontifical, au pape souverain et ses
pouvoirs sur la hiérarchie de l’Eglise, à la limite de ses pouvoirs.
Ont aussi bcp travaillé sur la conception du mariage en
poursuivant l’idée que le lien matrimonial se forme par
consensualisme pur (consentement des époux uniquement). Le
mariage est vu comme un engagement personnel des époux,
donc le consentement des familles n’est pas nécessaire. Va
conduire les canonistes à s’opposer au poids lourd des familles.
Construction d’une doctrine qui exclue le divorce + on admet
plus largement la nullité du mariage.
Il y aura aussi une grosse réflexion sur la matière contractuelle
qui va distinguer romaniste de canoniste.
 Les romanistes rencontraient des difficultés à penser le
contrat car les textes romains étaient parfois
contradictoires.
 Les canonistes vont s’intéresser surtout à la dimension
morale et éthique de l’engagement. Ils vont donc faire
prévaloir la nécessité de tenir ses engagements. Va les
conduire juridiquement à faire prévaloir la nécessité de
tenir ses promesses par-dessus toute autre considération.
La nécessité de tenir les serments suffit à purger les vices
de forme dans la conclusion du contrat. Ils aboutissent à
l’idée que seule importe l’intention des parties. Tout
engagement à l’objet honnête doit être respecté.
Réflexion aussi sur la procédure. Mettent au point une
procédure romano-canonique avec un droit pénal public fondé
sur une procédure inquisitoire. Procédure inquisitoire qui va
imprégner le droit laïque à partir du 13 s. 
e

 La période postclassique :
Cette période brillante va s’arrêter à la fin du 14 s. Démarre
e

alors une période qui va être moins brillante que celle de la


période précédente. On passe au postclassicisme car moins
d’originalité, moins d’innovation. 2 grands traits qui dominent
cette période :
 La compilation prévaut sur l’innovation. Cette synthèse se
fait dans des œuvres de plus en plus volumineuses (sous
forme de dictionnaires).

 L’engagement des canonistes dans les grands débats


politiques. Période où l’Eglise va connaitre plusieurs crises
graves et les canonistes vont s’engager dans un camp ou
dans un autre. Les 2 grands débats du moment mettent en
cause la structure hiérarchique de l’Eglise.
 Question du grand schisme d’occident, 1378 :
élection de 2 papes rivaux. Va durer plusieurs dizaines
d’années et va aller jusqu’à 4 papes concurrents. 
 Question de savoir qui, dans l’Eglise, a une autorité
supérieure entre le pape et les conciles.
Ces 2 grandes questions toucheront aussi les rois et les
empereurs qui vont s’impliquer dans ces conflits. Les
canonistes vont intervenir en prenant parti. La politisation
de ces conflits va faire des carrières de ces canonistes très
différentes des siècles d’avant le 14 s.
e

 Jean de Legnano, auteur du Traité de la guerre, des


représailles et des duels (un des tout premier manuel
sur les questions diplomatiques). Cet auteur est aussi
connu pour avoir eu une activité d’agent
diplomatique entre les grandes principautés
italiennes. Il a une activité doctrinale très importe.
 Le cardinal Francesco Zabarella, auteur du traité de la
Résolution du schisme sur l’Empereur. Il avance que
c’est l’Empereur qui doit régler si les papes n’y
arrivent pas car il est le représentant du peuple
chrétien. Sera membre de la curie pontificale et
travaillera pour l’Empereur de Saint-Empire.
Ces juristes s’engagent donc dans la science politique et la
doctrine s’en ressent. Le résultat est que l’on sort de la
stricte analyse des textes du corpus, la doctrine touche
désormais à tout. Et plus on avance dans le temps et plus
la doctrine va mélanger droit romain et droit canonique.
On ne s’interdit plus aucun domaine de réflexion et les
limites ne sont plus aussi nettes qu’au 13-14 . C’est une
e

doctrine englobante qui efface les limites. « la plus


gigantesque tentative d’unification du droit qu’on ait
jamais tenté », par un juriste du 21 s.
e

B. Un droit sans frontières


C’est un droit qui amalgame ds une même réflexion les ppes
romanistes et canonistes. On met en avant l’idée que la science
juridique est celle de l’un et l’autre droit (utrumque ius).
Revendique une place hégémonique.
1. L’universalisme du droit savant, l’un et l’autre droit
Avant la fin du 14 s, le droit romaniste et le canonique n’étaient
e

pas sur le même plan. Avec les commentateurs, on va voir


différemment les rapports entre les 2 droits. On a alors l’idée
qu’ils sont sur le même plan et qu’ils peuvent s’enrichir
mutuellement et qui peuvent se mêler et se compléter. Cette
idée va démarrer lentement avec le début du 14 s (Dynus de
e

Mugello, Cinus de Pistoia, Bartole, Balde). Sont soulignés les //


entre les 2 droits pour montrer leur complémentarité. La parfaite
illustration de ces caractères interdisciplinaires de la doctrine se
trouvent dans les traités De regulis juris qui commence à
apparaitre dès le début du 14 s et pendant tout le 15 s. Le
e e

Digeste de Justinien se termine par un dernier titre « De regulis


juris », qui regroupe 210 règles de droit. En 1298, quand est
rédigé le sexte de Boniface VIII, on va y intégrer un dernier
chapitre au même nom mais avec 88 règles. 🡪 Certaines de ces
règles sont communes (environ 40) aux deux listes et d’autres
sont différentes. Dès le début du 14 s, ces traités autonomes ne
e

vont venir commenter que ce titre-là. Ils les commentent en


mêlant droit canonique et droit romain car pas rattachable à l’un
ou l’autre droit. Ils vont parfois même mélanger les 2 listes
(Albericus de Rosate va commenter les règles qui se trouvent ds
le sexte mais va insérer à balle de règles qui viennent du digeste).
Ces traités deviendront l’un des lieux où les doctrines
canoniques pourront communiquer avec les doctrines civilistes.
Ce caractère interdisciplinaire va bcp s’intéresser aux sources du
droit.

2. La suprématie du droit savant, une nouvelle théorie des


sources du droit
Cette doctrine des 14 – 15 s va aussi porter sur les sources du
e e

droit.
Au début du 13 s, Accurse va insérer ds la grande glose selon
e

laquelle « tout se trouve dans le corpus ». Veut dire que pour les
juristes de l’époque, le droit romain est hégémonique, il est
auto-suffisant.
Au milieu du 13 s, une nuance est apportée par l’école
e

d’Orléans, dans une situation différente de celle de Bologne.


C’est une école de droit romain destinées à former les cadres de
l’administration impériale. Orléans forme alors une doctrine qui
compose avec le réel et refuse donc de rejeter tout ce qui ne se
trouve pas dans le corpus. Ils vont incorporer la coutume, la Jp,
le droit canonique… vont théoriser que toutes les sources ext au
droit romain sont amalgamables au droit romain. Ils vont alors
construire un système cohérent qui incorpore toutes les sources
du droit. Ces idées vont être repises par Bartole et ses
successeurs au milieu du 14 s en allant plus loin. Vont théoriser
e

une distinction entre le jus commune et le jus proprium, cad le


droit propre à un pays/région/ville (= le droit local). Ce dernier
fait partie, avec le jus proprio du même système. Ce ne sont que
des exceptions, des dérogations, au jus commune. Avec cette
opposition et ce concept de dérogation, les bartolistes intègrent
les droits locaux à l’architecture romaniste ds un rapport
hiérarchique avec cette idée que qd les droits locaux sont
conformes au droit romain, alors ils ne sont qu’une application
du droit romain, et ne sont qu’une exception s’ils y dérogent.
Ces réflexions ont poussé les juristes du 14 et du 15 a
e e

développer 2 grandes idées. Ils vont développer la notion de


coutume, et c’est à partir de là qu’ils vont théoriser l’architecture
gnrle de leur droit savant. Ils vont aboutir à l’amalgamation du
droit coutumier dans le système unitaire du droit romain. Le 2 e

axe de leur réflexion est qu’ils établissent l’unité du système


juridique autour de la notion de hiérarchie des sources.
Le jus commune est considéré comme étant la ration scripta =
raison juridique écrite. Il a vocation à suppléer aux lacunes des
autres sources du droit, c’est donc un droit supérieur universel
qui a vocation à s’imposer par-dessus tous les droits particuliers
et dans le silence des autres sources. La théorie du jus commune
réfute le pluralisme juridique en expliquant que le droit est un
système juridique unitaire et cohérent. L’ensemble des droits en
vigueur est intégré dans le cadre d’un système unitaire. La
pétition de foi des juristes au MA est que le droit savant est un
droit universel et supérieur.
Cette conception, à l’échelle de l’Europe, a constitué un facteur
d’unification à la fin du MA car les juristes sont tous le produit
d’universités et ont une communauté de pensée juridique qui
va partager cette idée que le droit savant a vocation à s’imposer
par-dessus tous les droits locaux.
Fin 15 s, les mêmes qualités qui ont fait la richesse de la doctrine
e

pendant 3 siècles conduit petit à petit à son affaiblissement, le


commentaire juridique commençant à tourner en rond. Et plus
on propose des solutions nouvelles, plus les solutions deviennent
illusoires et n’ont plus aucune portée pratique. C’est le
maniement des concepts imaginaires. Les derniers Bartolistes
sont alors une dégénérescence (bien qu’ils soient très savant). La
parfaite illustration en est Jason de Mayno, le dernier Bartoliste,
qui meurt en 1500. Il donne une œuvre très compliquée et
prolifique. Il connait super bien tout le monde, en tout temps,
connait super bien les citations, c’est un super grand savant, et
écrit sur des pages et des pages sans jamais donner d’opinions
personnelles. Le Bartolisme n’est alors pus synonyme
d’innovation mais plutôt d’un certain conservatisme et
traditionalisme. De plus en plus de voix apparaissent fin 15 e

début 16 pour en critiquer l’oisiveté. + Le juriste se fait payer


e

donc ce n’est pas un vrai savant (selon la conception romaine).

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