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Qui crée les règles de droit ?

Précédemment, nous avons appréhendé la règle de droit comme étant un outil qui est mis à
disposition du juge lorsqu’il tranche un différend, lorsqu’il tranche un litige entre 2
personnes qui s’opposent pour rendre une décision qui soit la plus proche possible d’un
idéal, l’idéal de la justice. Il peut le faire selon son sentiment proche sans s’aider d’aucunes
règles de droit. C’est ce que l’on appelle statuer en équité. Mais pour y parvenir le plus
aisément possible il est plus pratique d’utiliser les outils à disposition.
Qui fabrique les règles de droit ? C’est une question extrêmement classique que la doctrine,
les auteurs qui réfléchissent sur le droit, appréhendent à travers une problématique qu’ils
appellent « la question des sources du droit ». Cette question telle qu’elle est présentée par
la doctrine est mal posée car en réalité le droit n’a qu’une seule source, il ne provient que
d’une seule chose : son modèle, son idéal, ce vers quoi il tend. La source du droit est donc le
juste, l’idéal de justice. Par conséquent, à travers cette question ce que la doctrine
appréhende est l’origine des règles de droit.
Pour bien comprendre qu’elle est l’origine des règles de droit, il fut s’interroger sur le passé.
L’histoire n’est pas simplement le plaisir de la connaissance de ce qui s’est passé il y a
quelques années ou siècles, c’est fait pour comprendre comment aujourd’hui les choses
fonctionnent. Si l’on veut comprendre notre présent, il faut savoir d’où l’on vient et d’où nos
institutions proviennent.
A l’origine, la première chose à laquelle doit s’attacher le souverain est l’organisation de sa
propre souveraineté, de mettre en place l’exercice effectif de sa souveraineté (Ex : dans le
cas où le peuple est souverain tout le monde ne peut pas être d’accord sur les décisions il
faut donc organiser la manière dont la souveraineté va être exercée). C’est le droit
constitutionnel (= manière dont fonctionne une souveraineté). Une fois que le souverain sait
comment exprimer sa volonté, il doit s’assurer que sa décision soit relayée dans la société et
exécutée par cette dernière. Pour cela il faut mettre en place une administration, c’est-à-dire
créer des institutions qui permettent de relayer à tous les stades de la société la volonté du
souverain. C’est le droit administratif. Ensuite, tout simplement, le souverain va faire
connaitre ses décisions au peuple, ce qui appartient aussi au droit administratif. Cette
organisation composée du droit constitutionnel et du droit administratif c’est ce que l’on
appelle globalement le droit public.
Est- ce que le souverain va s’intéresser aux litiges entre particuliers, autrement dit au droit
privé dans lequel la puissance publique n’intervient normalement pas ? Normalement non et
c’est d’ailleurs ce qui fait la distinction entre droit public et droit privé. Est-ce que les pures
relations entre les particuliers doivent intéressées l’État ?
Ce qui est intéressant c’est que pendant très longtemps l’État ne s’y est pas intéressé, le
droit privé n’était pas les problèmes du souverain. Mais évidemment, la tendance naturelle
d’une personne qui a du pouvoir c’est de vouloir étendre davantage ce dernier. Par
conséquent, une fois que le souverain a organisé son fonctionnement, créé une
administration et décidé de ce qu’il allait imposer à ses administrés ; il va avoir tendance à
vouloir régir les relations entre les particuliers. C’est une banque naturelle du pouvoir que
d’essayer à chaque fois de le ramifier le plus possible, de contrôler davantage les relations
des individus. Le souverain va donc s’emparer du droit privé. Pour cela, il a 2 façons de faire.
Premièrement, c’est de dire, lors d’un litige entre 2 personnes, « c’est moi qui prends la
décision ». Sous l’ancien régime, le roi a toujours été considéré comme la source de toute
justice, il avait ce qu’on appelle « la justice retenue » et pouvait décider de trancher
n’importe quel litige puisque la justice entre les personnes privées émanait du roi.
Deuxièmement, le souverain ne tranche plus lui-même les litiges mais institut des
magistrats, des juges pour trancher. Mais alors comment le souverain contrôle-t-il les
décisions ? Lorsque le juge va se servir d’un instrument, d’une règle de droit celui qui va la
fabriquer sera le souverain. En étant à l’origine de la règle de droit, le souverain contrôle
indirectement, il contrôle comment est-ce qu’un litige va être tranché entre 2 personnes
privées donc les relations entre les individus.
Historiquement parlant, on a donc au début des relations entre les particuliers qui sont
réglées par des règles de droit qui n’émanent pas du souverain et plus il va renforcer son
pouvoir plus il va vouloir lui-même être à l’origine des règles de droit utilisées par le juge et
va peu à peu s’imposer comme la quasi unique source des règles de droit

I/ L’HISTOIRE : L’EXEMPLE ROMAIN


A. AVANT LA RÉPUBLIQUE : LA RELIGION
A l’origine, l’idée est toujours la même, c’est-à-dire qu’il y a plusieurs sources de règles
de droits mais qu’à la fin il n’y en a plus qu’une : le souverain
Fondation de Rome date de 753 avant JC
Avant même d’être une République, Rome a été une royauté qui s’est terminée en 509
avant JC avec la chute du dernier roi Tarquin l’ancien.
Comment fonctionnait le droit à l’époque ? Comment étaient tranchés les litiges ? Le
droit était un phénomène religieux, c’étaient des membres du clergé, les pontifes, qui
tranchaient les litiges. (NB : Le pape est appelé « le souverain pontife »). Ces prêtres
parlaient à la place des Dieux afin de désigner qui avait tort ou raison lors d’un litige, ils
faisaient connaitre la volonté des Dieux. Il y avait ce que les Dieux disaient « Le Fas » et
ce qu’ils interdisaient « Le Nefas ». Par ailleurs, il y avait également des jours où l’on
pouvait plaider et des jours où il était interdit de plaider « les jours néfastes ».
Par la suite les romains vont peu à peu distinguer la question de la religion et la question
du droit. On ne va plus parler de « Fas » pour désigner le droit mais plutôt le terme de
« Jus » (droit en latin) c’est-à-dire les règles de droit non plus fixées par les Dieux mais
cette fois-ci par les Hommes. Une fois que l’on a eu une laïcisation des règles de droit qui
à Rome édicte le « Jus » ? En fait, il n’y a pas qu’une seule source de règles de droit à
Rome, elles ont plusieurs origines.
B. RÔLE DE LA COUTUME
Premièrement, nous retrouvons la coutume qui représente l’essentielle source de règles
de droit à Rome au début de la République. Une coutume c’est la manière dont le groupe
social se comporte. C’est un usage. Si cet usage est ancien, constant, notoire (renvoie à la
notoriété) et général alors il devient une coutume. Si l’on observe un groupe social dans
lequel, depuis des siècles, les gens agissent d’une telle manière dans un village, par
exemple, alors ils vont en déduire, par la force du groupe, que l’usage est obligatoire.
Une pure pratique se transforme alors en règle. Cicéron définit la coutume comme « une
règle qu’un long espace de temps a rendu obligatoire par la volonté de tous sans
intervention de la loi ». Le souverain n’a pas besoin de commander quelque chose, c’est
le peuple qui se donne directement une règle. Par conséquent, la règle coutumière est
nécessairement en adéquation avec le groupe social, avec les besoins, les envies du
peuple. Ce n’est pas de l’hétéronomie (= fait qu’un être vive selon des règles qui lui sont
imposées, selon une loi subie) mais de l’autonomie. Donc au début de la République
romaine, l’essentiel des règles qui régissaient les rapports purement privés entre les
individus provenaient de la coutume.
Avec cette conséquence que si l’on avait un litige entre 2 personnes avec une ayant
respecté l’usage et l’autre ayant violé la coutume alors lorsque l’on soumettait le
différend à un juge, ce dernier disait forcément que celui qui avait raison était l’individu
ayant respecté l’usage.
C. RÔLE DES JURISTES SAVANTS
La deuxième source des règles de droit à Rome était « les juristes savants » : « la
jurisprudentia ». Si l’on revient à l’étymologie on retrouve la racine « juris » et
« prudencia » (en sens de vertu cela renvoie à l’idée de sagesse) qui renvoie à 2 racines
cardinales (les 4 vertus cardinales sont la justice, la prudence, la force et la tempérance).
Un jurisprudent est donc celui qui a la sagesse de la justice, celui qui a une connaissance
sage de ce qui est juste. Ces jurisprudents, qui ont eu une très grande importance dans
l’histoire du droit romain, n’avaient strictement aucune « protestas » mais ont leur
reconnait « l’autoritas » :
- La « protestas » c’est le pouvoir. Les jurisprudents n’avaient aucuns pouvoirs à Rome
dans le sens où ils ne pouvaient pas imposer lors d’un procès leurs façons de voir et
la solution qu’ils pensaient la meilleure
- « L’autoritas » c’est l’autorité. Les individus exécutaient, observaient et respectaient
ce que disaient les jurisprudents parce qu’on leur reconnaissait ce titre, en s’inclinant
devant ce qu’ils disaient. Aux yeux de la société, les jurisprudents étaient dotés d’une
grande sagesse et une connaissance profonde et sage de ce qui est juste.
Ce qui fait qu’en pratique lorsque les jurisprudents donnaient une opinion sur une
affaire, ils ne pouvaient pas imposer la solution qu’ils préconisaient mais tous les gens, le
juge l’appliquaient.
Pour rendre les choses un peu plus concrètes, lors d’un litige entre 2 citoyens, on allait
voir un juge qui était à l’époque un simple citoyen romain. Le juge allait donc voir un
savant du droit en exposant le problème auquel le jurisprudent faisait une « responsa ».
Au fur et à mesure que l’Empire romain s’est étendu, le nombre de procès a augmenté et
avec ça le nombre de « responsa » également, en effet chaque jurisprudent accumulait
des réponses à des questions spécifiques. Comment mettre tout cela en ordre ?
Les plus grandes conquêtes de Rome se sont déroulées sous la République romaine avec
notamment au IIIème siècle avant JC la conquête de la Grèce, la Macédoine. Les romains,
qui sont de grands guerriers, qui ont « les pieds dans la terre », vont alors être fascinés
par la philosophie des grecs. Les juristes vont donc s’emparer de cette pensée
systématique, logique, rationnelle et l’appliquer au droit pour mettre de l’ordre dans
toute le système juridique romain. Pour cela ils vont essayer de dépasser l’approche
casuistique (= répondre au problème au cas par cas) du droit qu’ils avaient eu jusqu’à
présent et essayer d’organiser le droit et toutes les réponses données par les
jurisprudents de manière rationnelle. Cette mise en ordre va permettre la création :
- Des recueils avec les différentes questions posées par les juges et les « responsa »
associées
- Des recueils de « discutationes » dans lesquels on retrouve les arguments donnés
afin de résoudre un problème
- Des « institutes » qui sont des manuels à destination de ceux qui veulent apprendre
le droit romain. En 1816 a été retrouvé à Vérone le manuscrit intégral des
« institutes » d’un grand juriste romain Gaius qui était jurisprudent à Beyrouth
- Des ouvrages de synthèse du droit romain appelés des « digeste »
D. RÔLE ACCESSOIRE DE LA LOI.
Et la loi dans tout ça ? A l’époque Rome était une République le souverain était donc le
peuple (= hommes citoyens romains) et la loi une source quasi nulle de règles de droit.
On retrouve une loi fondamentale : « la loi des douze tables ». Fait en 451 avant JC, ces
règles de droit étaient gravées sur des tables de bronze sur le Forum à Rome de manière
que tout le monde puisse les connaitre et les lire. Autrement sur toute la République
romaine (de 509 avant JC jusqu’au 14 janvier 27 avant JC) seulement 27 lois ont été
votées. La volonté du souverain était une source dérisoire de règles de droit.
E. 1ER TEMPS DE L’ÉVOLUTION : LE TARRISSEMENT DES SOURCES
1. Les lois
Elles étaient votées par une assemblée de citoyens romains. Seulement cela
marche dans une petite cité mais lorsque l’empire romain s’est étendu sur toute
la Méditerranée ces assemblées n’ont plus été possibles. Par conséquent avant
même la chute de la République, ces assemblées ne se réunissaient plus. C’est
une forme d’organisation politique qui ne correspond pas à la taille qu’avait prise
la puissance romaine
2. La coutume
Elle fonctionne uniquement dans un groupe de personne restreint. Par
conséquent avec l’agrandissement de l’Empire romain, il y a une perte de
cohésion au sein des groupes sociaux. Cette source de règles de droit est donc
elle aussi tombée en désuétude
3. Les jurisprudents
Pour faire taire les jurisprudents, l’empereur les faisait venir à sa cour et il leur
donnait des charges officielles auprès de sa cour notamment à 2 très célèbres
juristes consultes : Papinien et Ulpien qui vont être attirés à la cour de l’empereur
Alexandre Sévère et Septime Sévère où ils vont devenir préfet du prétoire
(=adjoint direct de l’empereur). Le pas va être directement franchie avec
l’empereur Théodose II en 426 après JC. Théodose va prendre un édit qui dit que
« dorénavant dans un procès, on ne peut plus invoquer n’importe quel avis
jurisprudent mais que l’on est obligé de se référer à celui de 5 juristes consuls et
personne d’autre ».
Les 5 juristes consuls à connaitre sont : Paul, Ulpien, Papinien, Gaius et Modestin.
ND
F. 2 TEMPS : PRODUCTION DES RÈGLES DE DROIT PAR L’EMPEREUR
Il va imposer sa loi donc sa volonté comme la source unique de règles de droit.
Il le fait grâce au sénatus consulte. L’empereur s’abrite derrière le Sénat. Le Sénat
pouvait demander à un magistrat d’agir de telle ou telle manière.
L’empereur va donc demander au Sénat de prendre les avis qu’il va lui « souffler » à
l’oreille. Les magistrats faisaient donc ce que leur disait le Sénat. C’est ce que l’on
appelait l’oratio principis (= prière du prince).
Par la suite, l’empereur a directement considéré qu’il pouvait imposer sa volonté à
travers des constitutions impériales (= décision de l’empereur) : les rescrits impériaux
(écrire en réponse) qui étaient des questions de droit qu’on écrit à l’empereur et les
édits impériaux (= loi).
G. MISE EN ORDRE
A la fin de l’empire romain (500 après JC), il y a un tel chaos législatif, qu’à un moment à
Bisens (Istanbul), Justinien (VIème siècle) empereur qui a créé Sainte Sophie une église
chrétienne très célèbre (car jusqu’à la construction de Saint Pierre de Rome (environ au
15ème siècle) c’était la plus grande coupole de la chrétienté) décide de mettre en ordre le
droit romain. Il va faire un gros tri en jetant une quantité de règle à la poubelle. Il fait une
combination très célèbre qu’on appelle le corpus juris civilis qui est composé de 4
parties : le codex (12 sections qui regroupent les lois impériales), le digeste (une seule
opinion), institut de Gaius et Justinien et les novelles (= nouveau édit impériaux). Toutes
ces nouvelles règles de droit sont promulguées par Justinien en 534 après JC.

II/ L’HISTOIRE : L’EXEMPLE FRANÇAIS


A. DIVISION
En France, au Moyen-Âge, on avait des règles de droit différentes selon si on se situait au
Nord ou au Sud du royaume de France. Au Nord, on appelait ça les pays de coutume
c’est-à-dire que les règles de droit étaient issues des usages spontanés, anciens des
groupes sociaux dont les juges se servaient pour trancher les litiges entre les citoyens.
Au sud, il y avait eu la conquête romaine, on les appelait les pays de droit écrit car dès
que l’on avait un souci on se référait aux écrits romains pour trancher.
B. DOMESTICATION DES COUTUMES
1. Pouvoir du roi sur la coutume ?
Il fallait distinguer les bonnes coutumes des moins bonnes.
Les bonnes coutumes : lorsque le roi était sacré à Reims, dès qu’il revenait à Paris sur
le parvis de Notre Dame, il jurait un sermon à tous les citoyens : « d’entretenir les
nobles, les laboureurs et les marchands en leurs bonnes lois et coutumes
anciennes ». Le roi est le gardien de leurs coutumes.
Mauvaises coutumes : celles contraires aux bonnes mœurs, aux bons sens, à la loi de
la nature ou de dieu. Le roi pouvait décider de les écarter.
Pour pouvoir domestiquer ces coutumes, le roi va ordonner par une ordonnance dit
de Montils-lès-Tours, en 1454 (Charles VII).
2. Rédaction des coutumes.
On va réunir dans chaque pays coutumier, une commission composée d’agents
royaux et puis de juristes locaux. Ils vont élaborer un projet qui va être soumis
devant l’assemblée législative de la province divisé en 3 ordres : le clergé, la
noblesse et le tiers état. Une fois que l’état provincial c’était prononcé sur cette
rédaction des coutumes, elles étaient adoptées définitivement par le parlement
de la province.
Attention, les parlements sous l’ancien régime n’étaient pas les assemblées
législatives comme aujourd’hui mais un tribunal.
Une fois la coutume écrite, elle se coupe de sa source. Une fois que c’est écrit, si
l’on veut modifier la coutume, il faut modifier le texte. Pour changer la coutume,
il faut forcer les gens à se comporter autrement. Pour changer les gens, il faut du
temps mais pour changer un texte cela reste plus rapide. La modification de la
coutume peut se faire sous l’autorité du roi.
3. Réformation des coutumes
Une fois toutes les coutumes du Royaume de France rédigées (1454-1500 à peu
près), elles vont être imprimées et les juristes qui vont regarder toutes les
coutumes du royaume de France et ils vont faire une conférence de coutumes
(comparer). Par la suite vient la réformation des coutumes avec une commission
d’agents royaux et c’est le roi qui va décider de la manière dont les coutumes
vont être réécrient.
C. HOSTILITÉ AU DROIT ROMAIN
On est à la fois admiratif du droit romain (c’est le meilleur système juridique) mais
politiquement le roi de France n’aime pas le droit romain, parce que le droit romain
est le droit du Saint Empire romain germanique avec lequel le roi de France est
toujours en guerre. Le droit romain est un peu le droit de l’ennemi.
Pour diminuer l’influence du droit romain, le roi va pousser les juristes pour que
ceux-ci puissent dégager un droit franco-français et pour cela, ils vont aller chercher
dans les coutumes. Ils vont ainsi vouloir dégager un droit commun de la France.
D. RÈGNE DE LA LOI
1. Monarchie ?
Louis XIV, en 1679, va créer à l’université les premières chaires de droit français.
Avant à l’université, on apprenait 2 types de droit : le droit canon (de l’église) et le
droit romain.
Louis XIV ne va pas pouvoir modifier les coutumes.
Le changement arrive avec Louis XV et le chancelier d’Aguesseau (ministre de la
justice) qui va préparer 3 ordonnances pour mettre fin à la diversité des
coutumes sur 3 points qui ont trait aux successions et aux libéralités.
Pourquoi Louis XV et d’Aguesseau interviennent sur ces 3 points ? Car quand on
réglemente les droits de successions et les droits des libéralités (= les donations),
on a une influence sur la fortune de la noblesse. Le but du roi était d’imposer la
division de la fortune entre les différents enfants de la famille noble pour éviter
que l’ainé qui récoltait toute la fortune lui face de l’ombre. Cependant, les nobles
ne se sont pas laisser faire et cela n’a pas marché.
Jusqu’à la fin de l’ancien régime, jusqu’à la Révolution française, les lois du roi ne
sont pas tellement intervenues dans les relations des particuliers.
2. Évolution
Les choses changent avec la Révolution française. C’est au moment où la
souveraineté tombe dans les mains du peuple que le souverain décide de créer
des lois et d’imposer sa volonté dans les relations entre les particuliers.
Ça s'explique d'abord, pour des raisons philosophiques. C’est la philosophie
individualiste qui s’est développée dès la renaissance. Chaque individu à la même
valeur qu’un autre c’est pour cela qu’on supprime les 3 classes (noblesse, clergé,
tiers état). Dorénavant, un individu = un individu. Cela va développer l’égalité
entre les individus. On abolit les privilèges (priva lex = une loi qui s’applique qu’à
moi). La loi est la même pour tous. On va supprimer les coutumes et les droits
romains et faire une œuvre législative considérable.
Voltaire : « qu’il n’y ait donc qu’un seul poids, qu’une coutume, qu’une mesure, la
même loi pour tous ».
A cela s’ajoute l’idée d’un idéalisme qui se résume en un mot ce sont ceux de
Diderot « si la loi est bonne, les mœurs sont bonnes ».

III / LA PLACE ACTUELLE DE LA LOI


La source majeure de règle de droit est la volonté du souverain, c’est la loi.
La difficulté à laquelle on est heurté aujourd’hui est qu’avec la construction européenne, la
souveraineté de l’État français a été partagée entre le peuple français et les institutions de
l’Union Européenne.
A. EXERCICE DE LA SOUVERAINTÉ SUR LE PLAN NATIONAL.
1. Parlement
La volonté du souverain (depuis le 4 octobre 1958 ou plutôt depuis la Révolution
française) provient du peuple français qui exerce sa volonté indirectement par le
biais de ces représentants. Ce sont les représentants du peuple français qui
édictent les lois et la loi au sens strict c’est un texte voté par le parlement
(assemblée législative). Dans la plupart des démocraties, on a : une chambre
haute et une chambre basse qui compose le parlement.
En France, la chambre basse c’est l’assemblée nationale et la chambre haute c’est
le Sénat. On appelle cela le système bicamérisme ou système du bicaméralisme.
La séparation des pouvoirs que nous a légué Montesquieu devrait conduire à
autoriser que le parlement (assemblée nationale + sénat) à exprimer la volonté
populaire. Le pouvoir exécutif est là pour mettre en œuvre les décisions du
souverain. Le parlement exerce la souveraineté et puis il fait exécuter ses
décisions par le pouvoir exécutif.
2. Gouvernement
Depuis le 4 octobre 1958 (constitution de la Vème République), le pouvoir
exécutif a aussi un pouvoir législatif (de prendre lui-même certaines décisions
dans certains domaines). Il y a 2 textes fondamentaux dans la constitution :
article 34 (prévoir une liste de domaine dans lequel c’est le parlement qui est
compétent pour décider de voter des lois) et 37 (tout le reste, tout ce qui n’est
pas de la compétence du parlement et celui du pouvoir exécutif).
Le gouvernement va prendre des règlements et dans la catégorie des règlements,
on trouve deux grands types : les décrets (prit par les préfets) et des arrêtés (prit
par les maires).
Dans les règlements, on fait aussi une distinction qui est la suivante :
 Les règlements autonomes (non soumis au parlement). Dans le domaine
de l’article 34 qui est le domaine de compétence du parlement, c’est le
parlement qui est compétent donc celui-ci va voter une loi mais la loi ne
prévoit pas les détails d’application. On va avoir une loi dans le domaine
de l’article 34 mais cette loi va être complétée par des précisions qui vont
être apporté par le pouvoir exécutif (= règlement d’application).
 Les règlements législatifs interviennent sans l’appuis d’aucune loi dans le
domaine qui est normalement réservé à la compétence du parlement.
C’est le parlement qui autorise en votant une loi (ordonnance) le
gouvernement à intervenir normalement dans un domaine qui lui est
réservé.
3. Difficulté terminologique
Les juristes se laissent parfois aller à des flottements terminologiques et
typiquement lorsque l’on parle de loi parce que la loi est susceptible depuis la
constitution du 4 octobre 1958 de revêtir deux sens différents :
 La loi au sens strict est un texte adopté par le pouvoir législatif (assemblée
nationale + sénat)
 La loi au sens large englobe à la fois la loi au sens strict + les règlements
prient par le pouvoir exécutif.
La terminologie employée par les juristes c’est au lieu de parler de loi au sens
strict de parler de loi au sens formel (ce qui compte c’est la forme de son
adoption) qui a été adoptée par l’assemblée nationale et le sénat et on l’oppose à
la loi au sens matériel donc à la loi au sens large.
B. IMPORTANCE DE L’EUROPE
Il y a 26 états membres dans l’Union Européenne, et au fur et à mesure de la
construction européenne, l’État français a accepté d’abdiquer une partie de sa
souveraineté pour la transférer aux institutions européennes
1. Compétence d’attribution
L’Union Européenne a une compétence d’attribution c’est-à-dire qu’elle n’est
compétente que dans les domaines que les traités qui ont créé l’Union
Européenne et qui ont modifié au fur et à mesure l’Union Européenne lui accorde
(les États ont accepté de lui transférer un certain nombre de compétence, elle
n’est pas compétente au-delà).
Nul cependant à une liste exacte des compétences de l’Union Européenne.
Comme il y a un flou total sur ses compétences, l’Union Européenne quand elle
sent qu’elle peut avancer ses pions, elle se déclare compétente dans des
domaines que les traités ne la reconnaissent pas comme compétente.
Les organes de l’Union Européenne, il y en a 3 qui sont importants : le parlement
européen, la commission et le conseil des ministres. Ce sont ces 3 là qui élaborent
ensemble en concertation les règles de droit issues de l’Union Européenne.
2. Règles de droit
Quels sont les types de règles de droit adoptées par ces 3 organes ?
 Les règlements
 Les directives
Dans le droit français, quand on parle de règlement, c’est une décision qui est
édictée par le pouvoir exécutif. Dans les règlements on distingue : les décrets et
les arrêtés.
Mais au niveau européen, quand on parle de règlement européen, c’est une règle
qui émane de la souveraineté européenne c’est-à-dire du parlement européen,
du conseil des ministres et de la commission européenne.
Les caractéristiques du droit européen c’est qu’une fois qu’ils sont adoptés par
les instances européennes, ils sont directement applicables dans tous les pays de
l’Union Européenne.
On oppose à ses règlements là, une deuxième catégorie de règle : les directives.
Directive : c’est une règle adoptée par l’Union Européenne mais elle n’est pas
directement applicable, il faut qu’elle soit transposée par les États c’est-à-dire
que l’Union Européenne va donner un objectif à atteindre et laisser le choix aux
États membres de trouver le bon moyen d’adopter ces droits en règles internes.
L’idée de la directive c’est de laisser une certaine souplesse aux États mais en
réalité on ne s’amuse plus à ça car à chaque fois qu’on s’écarte de la directive, la
Cour de justice de l’Union Européenne les condamne.
Quand on dit que la directive n’est pas directement applicable, la Cour de justice
de l’Union Européenne (CJUE) considère qu’une directive peut être directement
applicable à condition qu’elle soit suffisamment claire.

IV/ LA PLACE ACTUELLE DES AUTRES SOURCES DE RÈGLES DE DROIT


A. LA COUTUME.
1. Nationale
Aujourd’hui, elle existe toujours mais elle a un rôle secondaire dans les sources
de règles de droit, elle s’applique à défaut de règles légales et la difficulté est que
non seulement il faut que la coutume existe mais même si elle existe, il faut qu’on
arrive à la prouver.
Comment fait-on pour connaitre la coutume ? En pratique, elle fait l’objet de
rédaction par des organismes semi-publique, notamment les coutumes en
matière de commerce vont pouvoir être rédigées par les chambres de commerce
et d’industrie, les coutumes en matière agricole seront rédigées par exemple par
les chambres départementales d’agriculture.
2. Internationale
Pourquoi la coutume existe au niveau international ? Parce que l’Europe s’est
construite avec l’émergence d’un certain nombre d’État. Au-dessus de ça, ont
commencé à se développer des échanges entre les États. Les marchands
développent des relations interétatiques car ils changent de pays pour vendre
leurs marchandises. Ils vont également créer leurs propres règles de droit
appelées la lex mercatoria qui est une coutume. Elle aura une très grande
importance dans le commerce européen et mondiale.
Aujourd’hui, elle a moins d’importance car les États signent des conventions en
matière de commerce (ce sont des traités internationaux).
B. LA JURISPRUDENCE
1. Notion
Le mot Jurisprudence au XXIème siècle n’a plus du tout le même sens que celui qui
était le sien à Rome. A Rome c’était la Jurisprudentia, la prudence des choses
juste.
Aujourd’hui, le mot Jurisprudence n’a plus la même signification. Il renvoie à deux
sens différents :
 Au sens large : c’est l’ensemble des décisions qui sont rendues par les
juridictions d’un pays.
 La Jurisprudence désigne les règles de droit qui sont créées par les tribunaux.
Quand un juge doit trancher un litige et qu’il n’a pas de règle de droit, soit il
fait ça à main levé en équité soit il va décider de fabriquer l’outil dont il a
besoin pour trancher le litige.
2. Difficulté
« La Jurisprudence désigne les règles de droit qui sont créé par les tribunaux ».
Dire cela, c’est se heurter à une difficulté fondamentale importante. En effet,
certains auteurs disent que la jurisprudence ne peut pas être une source de règle
de droit c’est parce que dans le code civil on a un article très important qui est
l’article 5 : « Il est défendu aux juges de prononcer par voie de disposition
générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises ». Cela signifie,
qu’il est interdit aux juges de créer des règles de droit à l’occasion d’un litige
qu’ils ont à connaitre. C’est ce que l’on appelle la prohibition des arrêts de
règlement qui découle de la séparation des pouvoirs.
On refuse ce pouvoir aux juges car en 1804, au lendemain de la Révolution et au
lendemain de l’ancien régime, les parlements (tribunaux) avaient pris un pouvoir
très important. Ils s’opposaient régulièrement à la volonté du roi. Ainsi, on était
très méfiant à l’égard des tribunaux.
Ça c’est ce que dit le code mais en pratique, à chaque fois qu’il y a une difficulté
pour laquelle il n’y a pas de règles de droit, les tribunaux créent des règles de
droit. En général ces règles de droit, elles sont créées par les plus hautes
juridictions française : la Cour de cassation et le Conseil d’État quand ils rendent
un arrêt de principe (dans lequel une juridiction crée une règle de droit).
L’importance des arrêts de principe n’est pas la même en droit privé (relation
entre les particuliers) qu’en droit public (l’organisation interne de l’état, des
administrations et la relation entre les administrations et les particuliers).
En matière de droit privé, les arrêts de principe sont assez rares, limités.
L’immense majorité des règles sont des règles qui émanent de la loi.
En droit public, les arrêts de principe et donc les règles d’origine jurisprudentiel
ont une importance considérable parce qu’en 1873, le tribunal des conflits (au-
dessus de la Cour de cassation et du Conseil d’état) aiguillait dès qu’il y avait un
problème vers les tribunaux administratifs ou judiciaires. En 1873, dans un
célèbre arrêt blanco, le tribunal des conflits a dit : « attention les règles du droit
civil applicable aux particuliers ne sont pas applicables dans les relations entre
l’administration et les particuliers ».
Cependant, il n’y avait pas de droit administratif à l’époque. Le Conseil d’État a
donc créé toutes les règles de droit dont il avait besoin. Tout le droit administratif
est un droit essentiellement jurisprudentiel.
GAJA = Grand arrêt de la jurisprudence administrative.
3. Légitimation
Comment est-il possible que la jurisprudence puisse créer des règles de droit
alors que l’article 5 l’interdit ?
Dans le code civil, article 4 : « Le juge qui refusera de juger, sous prétexte du
silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme
coupable de déni de justice. »
Le juge est obligé de trancher comme par exemple en équité mais il n’a pas le
droit (sauf s’il a été autorisé par les parties). Il doit donc juger selon les règles de
droit et il doit surtout motiver sa décision à l’aide d’un raisonnement judiciaire
qui s’appelle le syllogisme judiciaire (une majeure = règle de droit, une mineure
et une conclusion). S’il n’y a pas de règle de droit, même si le code civil interdit
d’en créer une, il n’y a pas de choix que de la contourner.
C. LA DOCTRINE
Le juge doit trouver une solution pour édicter une règle de droit dont il aura besoin.
Pour cela, il va s’inspirer de proposition faite par des juristes. Ces juristes composent
ce que l’on appelle la doctrine.
1. Notion
Le mot doctrine désigne aujourd’hui en France deux choses :
 L’ensemble de personnes (juristes) qui écrivent sur le droit (savants).
On appelle aujourd’hui doctrine, ce que l’on appelait à Rome Jurisprudence. Un
jurisprudent à Rome est un savant de ce qui est juste. Aujourd’hui, un savant des
choses du droit, on l’appelle un membre de la doctrine.
Ce sont les profs de droit qui composent la doctrine (réfléchir sur le droit, d’écrire
des bouquins, commentés les décisions de jurisprudence…). Statut d’enseignant
chercheur.
La doctrine est le résultat du travail de ces savants du droit.
2. Fonctions
La doctrine peut intervenir en amont des lois. Le Parlement va consulter les
membres de la doctrine pour leur demander ce qu’ils pensent d’un projet de loi
(Ex : Les grandes lois des droits de la famille (date des années 70) qui ont été
modernisées par un célèbre juriste Jean Carbonnier et le 1er ministre Jean Foyer)
Elle intervient également en aval, une fois la règle de droit édictée soit par le
législateur soit par le pouvoir exécutif soit par la jurisprudence. Le problème ?
Cela créé un fouillis et la doctrine est là pour mettre de l’ordre.
3. Controverse
Les membres de la doctrine ne peuvent pas imposer une règle de droit au juge
car ce n’est pas obligatoire.

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