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CM Introduction au Droit Privé

Chapitre Introductif

I/Présentation du cours
Le droit civil : le socle de notre culture juridique et de nombreuses notions
fondamentales du droit proviennent de celui-ci.

Qu’est-ce qui est reconnu comme droit dans notre pays ? Où trouve-t-on les
règles qui constituent le droit ? Comment y accéder, les comprendre, les utiliser et
les articuler les unes avec les autres ?

Il existe donc des règles qui expliquent le fonctionnement du droit, des Règles De
Droit comme nous le reverrons. C’est un peu le « droit du droit ».

II/Première approche du monde juridique


A/Préjugés et représentations sur le droit

Droit et littérature
→ Bible = Jugement de Salomon
Le roi d’Israël, Salomon, statue sur le litige de deux femmes revendiquant
chacune la maternité d’un enfant. Le différend oppose deux femmes ayant
chacune mis au monde un enfant, mais l’un était mort étouffé. Elles se
disputèrent alors l’enfant survivant.
Pour régler ce désaccord, Salomon réclama une épée et ordonna : « Partagez
l’enfant vivant en deux et donnez une moitié à la première et l’autre moitié à la
seconde ». L’une des femmes déclara qu’elle préférait renoncer à l’enfant plutôt
que de le voir mourir. De ce fait, Salomon reconnut la véritable mère de l’enfant. Il
lui donna le nourrisson et sauva ainsi la vie de l’enfant.
L’expression a perduré. Ainsi, « le jugement de Salomon » peut signifier soit que,
face à l’impossibilité d’établir la vérité dans un litige, soit l’on partage les torts
entre deux parties, soit que l’on met ces mêmes parties dans une situation qui
oblige l’une d’elles au moins à changer sa stratégie.

→ Procès d’un livre = le procès de l’ouvrage « Les fleurs du mal » de Baudelaire


La même année, le procureur Pinard à Madame Bovary de Flaubert et Les
Fleurs du Mal de Baudelaire.
Pour G. Flaubert : Aucune charge n’est retenue grâce à la plaidoirie de l’avocat
Maître Sénard qui plaide en faveur d’un fils de bonne famille respectée, qui
montre la punition du vice par le suicide de son personnage.
Pour Baudelaire : La police saisit les exemplaires des Fleurs du mal. Le procès
est fixé le 20 août 1857. Charles Baudelaire et son éditeur sont condamnés par la
justice pour «outrage à la morale publique et aux bonnes mœurs».

Droit et télévision/séries
Pourquoi n’avons-nous pas comme aux Etats-Unis des émissions retransmettant
de véritables audiences ?

Notre droit interdit l’enregistrement des audiences, c’est la raison pour laquelle
nous ne pouvons pas assister à la télévision ou sur internet à des audiences.

Sauf raisons historiques :


- Klaus Barbie (vous pouvez le trouver sur Youtube 1987) ; procès pour les
auteurs de l’attentat Charlie Hebdo et hyper casher en janvier 2015.
- Salah Abdeslam procès pour l'attentat du 13 novembre.

Il y a de nombreuses raisons qui ont poussé le législateur très tôt à faire interdire
les caméras dans les salles audiences :
- la protection de la défense.
- éviter de troubler la tranquillité des débats.
- Les images de l’accusé peuvent être médiatisées à l'entière discrétion des
journalistes.
- Cause des soucis à la présomption d'innocence.

Et puis dans des affaires médiatiques, l'avocat risquerait de plaider pour la


caméra et non pour le juge.

B/ Définitions
1) Droit
Droit objectif : ensemble de règles de conduite qui, dans une société donnée et
organisée, régissent les rapports entre les hommes. Ces règles sont édictées
mais aussi sanctionnées.

Le droit vise donc à influer sur le comportement et il évolue en même temps


qu'évolue la société.
C'est un phénomène social, qui sert à éviter l'anarchie entre les membres du
corps social. Il n'existe pas de groupement humain qui ne soit pas organisé selon
des règles que chaque membre doit respecter.
C’est aussi la traduction d’un projet politique, il vise à promouvoir et mettre en
œuvre une vision de la société

Phénomène relatif, parce qu'il n'a pas la même apparence et le même


contenu dans toutes les organisations sociales :
- Dans certains pays, comme la France, il est essentiellement représenté par
la loi.
- Dans les pays de Common Law, comme l’Angleterre, par la jurisprudence,
c'est-à-dire les décisions de justice.
- Dans des sociétés plus traditionnelles, il est surtout composé de coutumes.

Les règles de droit objectif sont formulées de façon générale et impersonnelle

Le droit objectif donne lieu à des droits subjectifs

Droits subjectifs : le droit du point de vue de l’individu. Le titulaire est appelé «


sujet de droit ». Ces prérogatives, les pouvoirs que l’on va investir aux individus.
ex : droit de propriété, droit de vote …

Les règles de droit subjectif dérivent du droit objectif et naissent d’un acte
juridique (ex : un contrat) ou d’un fait juridique (ex : un accident).

Le droit est droit parce qu’il est édicté par une autorité légitime : l’etat
Le pouvoir législatif émet les lois qui sont misent en application par l'exécutif et
sont encadrées par le judiciaire. L’Etat est le droit

2) Les sources du Droit


- La loi : acte adopté par le Parlement ( le législateur )
- La jurisprudence : ce qui émane des décisions de justice, règles créées par
les tribunaux ( le juge )
- La coutume : ensemble de pratiques collectives adoptées spontanément
par des groupes sociaux, répétées et constantes dans le temps. ( le collectif
)
ex : la coutume Kanak en NC qui est un acte d'échange cérémoniel qui marque la
relation et la position vis à vis de l'autre. Elle se traduit en paroles, en gestes et
en dons. Elle se matérialise en objets et en ignames. Elle représente les règles
de vie, la bienséance, l'accueil, le respect et l'humilité.
- La doctrine : ensemble des opinions émises par les universitaires et les
juristes. Doctrine est la personne des auteures et l’ensemble de leurs
travaux. ( l'universitaire )

Cette classification est héritée du XIXe siècle sous l’impulsion du Doyen Gény et
de sa “théorie des sources formelles” qui a 2 pôles :
- ce qui crée (source). C’est l’origine, le législateur
- ce qui est créé (le droit). C’est l’effet, la loi
ex : La doctrine désigne les personnes des auteurs, ceux qui créent et l’ensemble
de leurs travaux, ce qu’ils créent. Le contrat crée une norme et est une norme.

3) Juridicité
La juridicité : « le caractère de ce qui est juridique ». C’est finalement ce qui
permet d’entrer dans la sphère du droit. C’est ce qui permet de décider ce qui est
du droit et ce qui n’est pas du droit ; comme une frontière.

Critères de la juridicité, ce qui fait qu’une règle appartient à la catégorie « droit » :


● La sanction : la contrainte publique. Si on ne respecte pas une règle, les
pouvoirs publics peuvent vous sanctionner par
- Versement d’une somme d’argent
- Contrainte de faire quelque chose (ordre de casser un mur qui n'aurait
jamais dû être construit, livrer une chose qui aurait dû l'être
- Contrainte du corps : emprisonnement.
● L’auteur publique : l’Etat. Ce qui est droit c’est ce que l’Etat a créé.
● Le juge : une « chose » n’est juridique que si on peut saisir un juge.

Il existe des documents qui n’ont aucune valeur juridique, qui n’entrent dans
aucune catégorie connue.
ex : Les codes de conduite des entreprises multinationales. On ne peut pas saisir
de juge car ils ne sont pas une loi, une jurisprudence, une coutume ou de la
doctrine.

C. Technique juridique
1) Le langage juridique
Le langage juridique comprend d’abord des mots purement juridiques. Les mots
du droit servent à agir. Une notion courante au départ (et donc descriptive) ne
devient juridique que parce que la loi y attache des conséquences particulières.
ex :
- Acquêt : bien acquis par l'un des époux au cours de la vie conjugale, et qui
fait partie des biens communs.
- hypothèque ou dol : agissement trompeur.
→ Ce langage n’a de sens qu’en droit.

Il comprend aussi des termes empruntés au langage courant


➢ Soit avec le même sens : père, mari, salarié, vendeur, acheteur, enfant
➢ Soit avec un sens différent : biens meubles et immeubles (une voiture ou
même des bijoux est un meuble)

2) Le raisonnement juridique
Raisonnement par analogie : repose sur l'idée que des situations similaires
devraient être traitées de la même façon. Il est employé pour étendre l’application
d’une norme législative à une situation qui ressemble à celle visée expressément
par la loi. Son utilisation peut être utile pour prévenir un vide juridique ou assurer
la cohérence du droit.
ex : pelouse interdite au chiens par analogie, pelouse interdite aux autres
animaux de même gabarit.

Vide juridique : lorsqu’on ne trouve pas de solution à un problème.

Raisonnement a contrario : conduit à adopter une solution inverse de celle qui est
prévue par le texte lorsque les conditions de celui-ci ne sont pas remplies.
ex : au feu vert je passe mais a contrario au feu rouge je m'arrête.

Raisonnement a fortiori : Pour une raison plus forte. On applique la même


solution que celle qui est prévue par le texte de base à une autre situation (non
visée par le texte) parce que le bon sens l’impose.
ex : Il est interdit de marcher sur une pelouse a fortiori, on ne peut pas plus y
courir ni rouler en vélo dessus

3) La qualification juridique
La qualification juridique ou nommer juridiquement : c’est préciser la catégorie de
rattachement qui déterminera ensuite le droit applicable à une situation de fait
donnée.
4) Le syllogisme
Le syllogisme : Tous les hommes sont mortels “Socrate est un homme alors
Socrate est mortel”
- majeure →règle de droit. C’est les fondements juridiques ( article,
jurisprudence, doctrine ).
- mineure → faits
- conclusion → lien entre droit et faits

Application de la règle : confronter les éléments qui composent la qualification


juridique aux faits (appelé « mineure ». Vérifier que les conditions posées par le
droit se retrouvent (ou non) dans les faits.

Cette règle de logique s’applique à l’occasion d’affaires, que ce soit en première


instance ou en appel. Elle est une composante nécessaire du procès car la
conclusion du syllogisme permet la résolution de ce dernier.

D/La distinction du droit et des autres règles


1) Droit et religion
Les rapports entre règle religieuse et règle juridique sont importants. Dans
certains États et systèmes juridiques, les règles religieuses constituent aussi le
droit.
- France avec le droit canonique qui régissait le mariage, jusqu’en 1804. La
laïcité de l’Etat n’est promulguée que le 9 décembre 1905.

- États musulmans avec la Charia : elle y est reconnue comme source du


droit, généralement dans la Constitution. Suivant les États, elle est la seule
source de droit ou une parmi d’autres. Elle régit particulièrement le statut
personnel des individus, le droit des personnes et de la famille. La source
principale de la Charia est le Coran ( le texte de la parole de Dieu révélée à
Mahomet, son Prophète )

- Inde avec le droit religieux hindou est en grande partie basé sur les Smriti (
est le nom donné à un ensemble de textes appartenant à la tradition
ancienne de l'hindouisme ) Il a été découvert par le Royaume-Uni lors de
l'occupation militaire de l'Inde, mais son influence a faibli au xxe siècle avec
les politiques de sécularisation séparation s'instaure progressivement entre
le domaine religieux et le domaine public. Désacralisation du monde, une
émancipation de la société construite en dehors de la religion. Il est encore
appliqué aujourd’hui en ce qui concerne le statut personnel, et continue à
être une source du droit pour le système juridique indien.
- Judaïsme Halakha, la loi juive établit une réglementation dans de très
nombreux domaines. Fondement sur la Torah et le Talmud On y trouve une
masse d'informations sur la législation, la culture, l'histoire du peuple juif…
Elles sont regroupées dans la Mishna, puis expliquées dans le Talmud et de
nombreux livres de commentateurs.

Dans un État laïc, la religion peut avoir une incidence très forte.

ex : Etats-Unis séparation Église / État dans la Constitution de 1787 (premier


amendement) MAIS :
- Investiture du président : Depuis George Washington, presque tous les
présidents des États Unis d'Amérique ont prêté serment sur la Bible. Cette
pratique est devenue une coutume (la majorité des Américains étant
chrétiens), mais n'est pas exigée par la Constitution.
Ainsi, John Quincy Adams a préféré le faire sur un livre de droit, et Theodore
Roosevelt n'a eu recours à aucun livre.
- “In God We Trust” : devise nationale inscrite sur les billets de dollar
américain. Ce « Dieu » est considéré comme commun à toutes les religions
monothéistes.
- Procès : prête serment devant Dieu “I swear to tell the truth, the whole truth
and nothing but the truth”. Témoignage sous serment.

Le droit est à distinguer de l’ordre religieux. Le précepte religieux n’est pas une
norme collective opposable juridiquement.

Le droit protège la liberté de croyance de chaque individu (art. 9 Cour


Européenne des Droits de l’Homme), la liberté de religion (art. 10 Déclaration des
Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789)

Laïcité : signifie que la religion est une liberté fondamentale : liberté de


conscience et de choix entre les différents cultes.
C’est aussi la liberté de n’embrasser aucune religion.
Elle implique aussi la neutralité de l’Etat : le pouvoir politique ne peut pas
s’appuyer sur une religion et ne peut pas faire de distinction entre les religions
suivant leur importance, leur ancienneté ou leur contenu.
Elle impose enfin la liberté d’expression.

2) Droit et morale
La morale : relève de la conscience individuelle ou collective. Concerne l’individu
La morale sociale : permet de répondre aux besoins du groupe dans lequel vit
l’individu. Au niveau de la société, si certaines valeurs apparaissent comme
immuables (réprobation du meurtre), il apparaît que selon les lieux et les
époques, l’application de ces valeurs peut varier suivant les systèmes moraux :
guerre, duel, légitime défense, talion, peine de mort.

Les règles morales indiquent ce qui est « bien ou mal » alors (nous le reverrons)
que la règle de droit indique ce qui est « juste ou injuste »

Il y a beaucoup de préceptes moraux consacrés par le droit :


- principe du respect de la parole donnée
- loyauté qui interdit le mensonge (le dol) dans la conclusion des contrats
- les conventions doivent être conformes aux bonnes mœurs
- responsabilité en cas de faute.

La morale c’est aussi la charité : la loi rejoint la morale en assurant la protection


d’une personne située dans une position inférieure. Comme les salariés, les
locataires, les consommateurs, l’égalité de situation entre les enfants nés dans le
mariage et hors mariage (légitimes et naturels).

Parfois le droit inspire la morale ou la fait évoluer :


- mœurs
- homosexualité
- mariage pour tous.

Aujourd’hui la dimension est bien plus collective qu’individuelle. On en appelle à


la responsabilité.
ex, la morale :
- en matière médicale : euthanasie, recherche sur l’embryon humain
- en matière d’éthique d’entreprise, en très fort développement. Respect par
l’entreprise de minima sociaux en matière de droits humains, droit des
travailleurs, respect de l’environnement.

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