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Pr Yamar SAMB
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I./- INTRODUCTION
La plus étroite (et la plus ethnocentrique) le réduit à l’ensemble des règles fixées par
l’Etat dans une société donnée, et le cas échéant, imposées par son appareil judiciaire et son
appareil coercitif.
Si on admet que c’est l’Etat ou un certain type d’Etat qui organise et réorganise le droit,
l’Anthropologie juridique observe quant à elle le phénomène juridique dans tant de sociétés
différentes : ce qui fait que le droit paraît un phénomène commun à toutes les sociétés.
Le droit d’une société s’ordonne ainsi autour des limites des sphères d’action de chacun
dans les domaines qu’il tient pour vitaux. Ainsi, défini, le droit n’est lié par nature ni à
l’existence de l’Etat, ni à la formulation de règles, ni à la reconnaissance de sa rationalité.
1./ Le droit n’est pas lié à l’existence d’un Etat : Les sociétés étatiques ne sont que ces
cas particuliers parmi bien d’autres. Et contrairement à une idée reçue, la Constitution d’un Etat
n’entraine pas automatiquement la réorganisation du droit. Dans l’intervalle, les membres de
certaines sociétés se prennent totalement en charge et résolvent les problèmes de leur existence
et de leur coexistence sans recours à une autorité supérieure. Dans d’autres cas, on a recours à
une telle autorité.
Dans les premières, les limites des sphères d’actions individuelles résultant de l’accord
implicite ou explicite de tous, alors que les membres des secondes en abandonnent au contraire
le soin à un pouvoir supérieur dont ils acceptent l’autorité. Or, ce pouvoir n’est pas
nécessairement celui d’un Etat : le Dieu hébraïque, chrétien ou islamique a pu jouer ce rôle.
Inversement, de nombreux Etats n’exercent qu’un pouvoir limité parce que médiatisé ou parce
que borné à certains domaines, seulement. Et les sociétés sur lesquelles s’exerce leur autorité
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continuent à résoudre elles-mêmes la part de leurs problèmes. Conformément à leurs coutumes,
à ce qu’elles peuvent être l’équité, la nature des choses ou la raison (coutumes ou raison sont
même souvent un moyen de défense contre le développement de la puissance de l’Etat).
2/. Le droit n’est pas lié à l’existence de règles (pas plus qu’il n’est lié à l’Etat).
Explicites dans un ensemble coutumier ou législatif ou explicitées après coup par la
jurisprudence, les règles sont toujours importantes dans la création et le maintien du consensus.
Mais l’observation de nombreuses sociétés montre que des actes sont souvent déclarés justes
ou injustes indépendamment de toute règle les autorisant, les interdisant ou les qualifiant. Même
dans nos sociétés où les magistrats qui rendent la justice ont l’obligation de fonder leurs
décisions sur les lois, ces décisions sont psychologiquement acquises indépendamment de toute
règle et ensuite formulées de façon à paraitre découler des lois.
3/. Enfin le droit ne peut être cantonné dans les limites de la rationalité. La rationalité
d’un acte ou d’une norme est un puissant moyen d’obtenir le consensus d’autrui. Mais il y a
d’autres voies également puissantes, il y a d’autres arguments : on peut obtenir le consensus en
invoquant l’autorité de la tradition, ou celle d’une personne ou d’un groupe, on peut invoquer
aussi la moralité (argument fréquent en pays islamique) ou la légitimité.
D’autre part, la conviction trouve souvent son origine dans l’idéologie imprimée à
chacun de nous par l’éducation et la formation permanente qui résultent moins du raisonnement
que de l’exemple, de la coercition et des récits (oraux, écrits audiovisuels), y compris les récits
historiques toujours remaniés et dont la portée symbolique est considérable.
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L’anthropologie du droit
Phénomène de curiosité dans les sociétés européennes, vis-à-vis des autres sociétés
différentes. Discours sur l’altérité (l’autre) dû à la colonisation, constat de la variation culturelle.
Mais la colonisation est une dévalorisation culturelle : ethnocentrisme, évolutionnisme,
diffusionnisme. Mais l’anthropologie est une science de description de l’homme, étude des
caractères anatomiques et biologiques de l’Homme, mais l’Homme dans la vie animale.
D’autres sociétés n’ont pas cette conception de la divinité et ne considèrent pas les lois
comme extérieures, ni le pouvoir.
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Chapitre I Les idéologies du droit
Droit étatique, dit moderne : Droit moderne pas pour idéal de maintenir la société fidèle
à une image éternelle, malgré le mythe de la loi, mais engendrer au contraire une société
toujours nouvelle et toujours meilleure (Primauté de la loi). C’est par cette ambition que les
juristes ont essayé d’expliquer le relatif effacement de la coutume en tant que source du droit,
parce que la loi évolutive alors que la coutume serait figée (mais la notion de coutume est-elle
comprise et acceptée de la même façon partout ? Common Law et soviétique, droit musulman,
africain –tradition-, hindou, etc.), mais la coutume est plus fluctuante quand on a connaissance
de son application, cependant en dehors des tribunaux.
A partir de principes généraux du droit, issus de l’idée selon laquelle l’Etat est maître
de son droit, ce qui a conduit les juristes de l’Ecole Positiviste à refuser la qualité de règles et
de droit à celles qui n’étaient pas formulées par lui. Et l’Etat lui-même (lorsqu’il modifie le
droit) cherche à exprimer ce qui est juste. Les principes généraux du droit auxquels aucune
idéologie ne doit déroger manifestent précisément ce sentiment du juste…
- principe selon lequel une loi générale ne déroge pas à la loi spéciale,
- principe de la non rétroactivité des lois répressives,
- principe de la légalité des peines et des délits,
- principe de l’égalité devant l’impôt et la loi,
- principe selon lequel on ne peut agir en justice quand on n’a pas d’intérêt à le faire,
- principe de l’autorité de la chose jugée,
- principe selon lequel un gouvernement démissionnaire ne peut qu’expédier les
affaires courantes,
- principe selon lequel on ne peut abuser de son droit,
- principe selon lequel il n’y a pas de nullité sans texte,
- principe selon lequel on ne peut s’enrichir sans cause au dépens d’autrui.
Principes souvent exprimés selon les brocands tels : nullum crimen nulla poena sine lege, pas
d’intérêt, pas d’actiob, fransomnia Corrumpit.
C’est donc autour de ce mythe, de cette primauté par des principes généraux que les
idéologies du droit (africain, post colonial) vont se bâtir. Nous allons en étudier quelques-unes,
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dans lesquelles s’enracinent les législations africaines actuelles, en trois groupes : idéologie
philosophique, idéologie politique et idéologie économique.
La croyance au progrès, reçue par l’Afrique contemporaine et inscrite dans les constitutions et
textes fondamentaux, a ses racines dans l’occident.
Les Grecs et les Romains ont eu à exprimer les premiers le sentiment d’un temps indéfini,
unilinéaire parce que comparable à une ligne droite sur laquelle les évènements s’inscrivaient
l’un après l’autre, sans jamais revenir au point de départ, contrairement aux égyptiens pour qui
le temps était circulaire (perpétuel recommencement : on datait par exemple les évènements par
rapport aux règnes dans lesquels ils se produisaient, en recommençant à compter les années à
chaque avènement du nouveau pharaon).
Chez les Grecs au contraire, chaque cité datait à partir de sa fondation ; donc
l’histoire devient progrès. Selon Hérode (5ème siècle), le progrès était le triomphe de l’idéal
grec de la cité libre sur l’ordre tyrannique des monarchies barbares (n’a-t-on pas repris la même
philosophie : le progrès en Afrique, c’est le triomphe du moderne sur l’archaïsme, le
traditionnel, l’obscurantisme). Pour Polybe (2ème siècle) qui assistait au triomphe de Rome
dans le bassin méditerranéen, le progrès était au contraire l’extension de la PAIX et de
l’ORDRE. Pour Saint-Augustin (5ème siècle – au début de l’effondrement de l’Empire romain),
le progrès était l’extension d’une autre cité non terrestre, LA CITE DE DIEU.
Au 18ème siècle, on a estimé que les hommes au pouvoir devenaient meilleurs en retrouvant
les règles de l’état de nature.
Au 19ème siècle, la Révolution industrielle va comprendre le progrès autrement par les sciences
et les techniques.
C’est donc une véritable mystique du progrès …qui va se forger au fil des temps, et auquel les
hommes doivent tout le temps se conformer. En s’y conformant, ils y adoptent leurs règles
d’organisation – leur droit -. Parce que le progrès technique, à partir du 19ème était devenu
irréversible, irrésistible et il a entrainé fatalement le progrès moral et intellectuel.
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Et on va estimer que toutes les sociétés passeraient par les mêmes étapes sur le même
chemin du progrès (évolutionnisme) en partant du stade agricole au stade commercial et celui-
ci du stade industriel.
L’Afrique va emprunter à l’Occident son idéologie du progrès avec ses hésitations, ses
tares et ses dangers, et les nouveaux droits les reflètent à chaque Etat qui cherche à moderniser
la société dont il est responsable, dans une imitation de l’Occident. On légifère, on réglemente
en empruntant l’essence, les termes, et on codifie. Il y a donc une décolonisation politique, mais
non suivie d’une décolonisation juridique. Au contraire, l’Etat africain dès l’indépendance, est
entrée dans une phase d’assimilation juridique intense. Les législateurs ont transposé les
modèles européens (occidental et soviétique) tant dans les Constitutions que dans les simples
législations (au risque d’entrainer des réactions de résistance et de rejet).
2./- La liberté :
Les systèmes juridiques africains vont ici encore emprunter aux sociétés industrialisées
leurs hésitations.
Le modèle européen de la liberté s’est formé dans les luttes contre la féodalité et contre
l’arbitraire du pouvoir. Il s’agit de la liberté individuelle du citoyen face à l’Etat. Mais le modèle
américain quant à lui s’est formé dans la guerre d’indépendance : celui d’une liberté collective
qu’expriment pour chaque pays les notions d’INDEPENDANCE et de SOUVERAINETE.
On va retrouver ces deux modalités dans les préoccupations des pays africains, sans que
l’on puisse toujours les concilier. Dans certains pays africains, la décolonisation a été suivie
d’une recrudescence des contraintes féodales ou d’une explosion arbitraire étatique. Dans
d’autres, elle a été l’occasion d’une libération féodale parfois sanglante (Rwanda).
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l’Humanité dans le donner et le recevoir. Donc, il y a dans cette règle un puissant ferment
d’opposition à toute assimilation juridique.
Toute société a d’elle-même une image qu’on peut situer entre les deux modèles
extrêmes qui seraient celui d’une société totalement hiérarchique et celui d’une société
totalement contractuelle.
Les contrats étaient généralement des contrats inégalitaires. Par exemple, la Terre : il n’y avait
pas de transfert de propriété comme aujourd’hui entre égaux ; il n’y avait que des concessions
du Seigneur à son vassal (contrat de fief) ou à un tenancier (tenures) placé sous sa dépendance :
donc à la base de la société, il y avait l’autorité.
En revanche, l’Ecole du Droit naturel, au 17ème et 18ème siècles va proposer une nouvelle
vision ; à l’origine, il n’y avait que des individus égaux en droit et la société naissait d’un contrat
tacite passé entre ces individus. Les rapports juridiques devenaient des rapports entre égaux (à
la fin du 18ème, la Révolution française abolit les droits féodaux pour consacrer la nouvelle
image de la société. Les servitudes personnelles génératrices d’inégalités juridiques fussent
interdites (voir abolition de l’esclavage).
L’Afrique va être prise entre la tradition des chefferies (confréries aussi) et des contrats
inégalitaires et les exigences d’un développement économique et social rapide, et elle semble
devoir évoluer d’une structure hiérarchique (celle des chefs et supérieurs) à celle d’Etat Tout
puissant, sans passer par étape intermédiaire individualiste et égalitaire.
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Mais sur le plan du droit, la situation est plus complexe. La vieille tradition hiérarchique
imprègne la plus grande partie du statut, sinon de la pratique du droit, le système administratif
et de plus en plus la vie politique.
L’image nouvelle d’un Etat autoritaire et fort pour assurer le devoir indispensable
s’affirme fréquemment. Mais ces deux visions hiérarchiques de la société et du droit se heurtent
à une vision égalitaire que l’Occident a imposée à l’époque coloniale et que les organisations
internationales tentent de faire triompher : le système européen de la propriété privée
individuelle et égalitaire s’impose de plus en plus dans les mœurs (consacré par les
Constitutions). Par exemple aussi, sous l’influence de l’Europe et la pression de l’OIT, se
développe de nos jours un droit du travail qui se veut plus contractuel que réglementaire.
Ces deux images de la société se retrouvent donc dans le droit africain, plus souvent
hiérarchique mais parfois égalitaire.
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De ce sentiment d’autorité et d’unicité du droit peut être rapprochée l’évolution qui a
transformé la plupart des monarchies en républiques (à l’exception du Maroc, du Lesotho et de
l’Ethiopie avant 1974). Cet Etat au pouvoir sans partage, responsable du présent et de l’avenir
doit tout contrôler, tout prévoir, tout organiser. Le droit n’est plus la consécration des
phéromones indépendants de l’Etat : il est un moyen pour l’Etat d’assurer le développement
dont il répond (voir décentralisation : transfert de compétences : où est le changement- J.
Austruy, Le scandale du développement, Paris, R….1965).
D’autres attachent une valeur sacrée à la production agricole, notamment le riz, qu’elles
ne peuvent non plus envisager de les commercialiser. Enfin, on connait l’importance de
certaines richesses détruites sans profit économique, qu’il s’agisse de sacrifices rituels, ou de
dons à l’occasion de mariage, de décès ou de concours de générosité destiné à établir la
supériorité ou le rang social. (Lire Marcel Mauss : essai sur le don, Année sociologique, T. 1,
Sociologie et Anthropologie, 1953).
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2./ - L’idéologie du travail
On a en même temps considéré que les africains ont préféré au monde du travail celui
de la générosité, des rapports familiaux et des relations amicales. On donne plus à sa famille et
à ses amis qu’au travail.
Aussi les droits modernes africains accordent-ils une très grande importance à la
transformation des mentalités sur ce plan. C’est pour cela que la plupart des pays accordent une
grande attention aux législations sur le travail et on est même allé jusqu’à considérer l’oisiveté
comme un délit et à la réprimer soit par de classiques peines d’amende ou de prison, soit par un
travail imposé au profit de la collectivité.
La mystique du développement est trop connue pour qu’il soit nécessaire de s’y attarder.
Ainsi, l’éducation, l’information et la législation sont pour l’Etat les armes les plus
efficaces dans sa lutte contre le sous-développement (avec à la clé des politiques natalistes
officielles : politique de population, santé de la production contraception, limitation de
naissance). On a vu également apparaitre et se développer, en Afrique, des institutions
originales, inscrites dans les lois fondamentales parfois (mais disparaitre dès le début des années
90), parce qu’on a estimé qu’elles répondaient mieux aux préoccupations africaines : unité de
pouvoir, unité de parti, coopération agricole, etc.
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La mystique du développement entraine donc un droit de type nouveau : un droit du
développement.
Elle va de pair avec le développement. Une croissance sans plan est difficile, le
développement sans plan est impossible. C’est pour cela que la technique de la planification se
trouve à tous les niveaux dans l’Etat moderne. Mais cette mystique du plan n’est pas exempte
de dangers ; parce qu’on a tendance parfois à considérer que lorsqu’un plan de développement
ou lorsqu’un plan de lutte est arrêté, le développement est assuré et les fléaux écartés.
A la limite, on peut se demander si certains plans de développement n’ont pas été une
forme de frein au développement, parce qu’on y croyait trop alors que l’effort de réalisation
était superflu – Plan = gouffre à milliards-.
L’idéologie de la planification a donc une très grande influence sur le droit. Le plan est
d’abord un ensemble de règles juridiques fixant les modes de fonctionnement, les objectifs à
atteindre et définissant les voies et moyens pour y parvenir. Beaucoup de législations africaines
ont été conçues comme des plans de développement juridique et social. Ainsi aujourd’hui, la
planification est un outil juridique, technique et économique que l’on retrouve dans toutes les
politiques :
On voit dans tous ces exemples que les règles de droit d’un Etat, d’une société ne sauraient être
isolées de son système de pensée. Ignorer les fondements idéologiques du droit reviendrait à
s’interdire de comprendre leurs objectifs, leurs caractères et les raisons et moyens essentiels de
leur évolution. C’est tout simplement Ignorer le Droit.
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Chapitre II LES GRANDS COURANTS DE L’ANTHROPOLOGIE JURIDIQUE
MODERNE
SECTION 1 L’EVOLUTIONNISME
C’est une mutation du droit. L’évolutionnisme est une théorie affirmant que tous les
groupes humains passent par des stades identiques dans le développement de leurs formes
d’organisation économique, sociale et juridique (évolution : synonyme de changement, mais
tout changement n’est pas nécessairement synonyme d’évolution – R.-L. CARNEIRO en 1862)
définit « l’évolution est le passage d’un Etat d’homogénéité relativisme indéfini et non cohérent,
à travers des processus successifs de différenciation et d’intégration ».
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Sur le plan politique, l’évolution conduit de systèmes non centralisés à des formes
centralisées et étatiques (voir démocratie).
Sur le plan juridique, elle conduit à spécifier le droit par rapport à la morale et à la
religion, à transférer progressivement sa genèse du groupe social (coutume) à l’Etat (Loi), ainsi
qu’à l’émergence d’un appareil spécialisé de sanction (apparition du développement des
systèmes judiciaires), à partir de formes primitives où les conflits sont réglés par les parties
elles-mêmes (la vengeance).
Alors que dans les sociétés civilisées, la solution dépend de l’intervention toujours
déterminante d’un tiers (médiateur, arbitre, juge) dont les pouvoirs vont de pair avec sa qualité
de représentant de la société.
En regroupant les droits des sociétés de façon thématique : mariage, succession, droit
pénal, droit commercial, cet encyclopédisme repose sur une conviction. C’est que le droit est
un phénomène universel, il est donc possible d’en faire la théorie unitaire. Parce que pour un
auteur comme H.-E. Post « les lignes essentielles du droit de l’humanité sont simples,
grandioses et claires comme les lois des astres ».
Mais dès la fin du 19ème siècle, cette théorie va être fortement critiquée (elle était surtout
allemande) par les partisans de l’anthropologie sociale (Frank BOAS), dénoncée comme une
« anthropologie de fauteuils ». C’est l’émergence du relativisme culture selon lequel les sociétés
sont essentiellement diverses. La variété doit l’emporter sur les similitudes (exemples :
recherches étendues sur le terrain). L’école diffusionniste a également critiqué à cette époque
l’évolutionnisme juridique unilinéaire, mais en partant de considérations différentes. Les
diffusionnistes mettent plutôt l’accent sur les phénomènes de contact entre cultures qui se
produisent au cours des diffusions (exemples : assimilation juridique).
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SECTION 2./ - LE FONCTIONNALISME JURIDIQUE
Beaucoup d’enquêtes sur le terrain menées dans les années 30 et 40 furent conduites
selon ces principes et aboutissent invariablement à des listes de normes présentées suivant les
classifications des systèmes civilistes.
Mais l’analyse normative comporte des inconvénients, parce qu’elle aboutit à rejeter de
très nombreuses sociétés (centralisées ou non) hors du champ du droit, parce que dans ce cas,
le droit s’identifie à un corpus de règles abstraites et explicites associé à un appareil de sanction
basé sur la force répressive. Ce qui réduit considérablement son champ. Car la plupart des
sociétés traditionnelles ne font pas référence à de tels corpus (on a donc localisé ce phénomène
en Occident ou par l’Occident, une société comme la Chine sous la dynastie Ch’in 221-206- J
c ou les aztèques qui possèdent une conception normative du droit). L’analyse normative ne
peut donc viser qu’une partie des phénomènes juridiques et seulement dans certaines sociétés.
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Autrement dit, le comportement d’un individu est plus modelé par les relations sociales que par
des normes et institutions.
Qu’est-ce qu’un comportement juridique ? pour la plupart des acteurs, c’est à l’occasion
de sa contestation que l’on peut mieux saisir ce qu’est le droit effectivement vécu et observé
par les individus. Le droit est donc plus explicité par des processus (les modalités de règlement
des conflits) que par ces normes.
L’accent porté sur les conflits amène non seulement à explorer la phase de règlement du
litige, mais l’histoire du conflit en cause, la nature des relations unissent les partis, leur
condition sociale, la nature du règlement (suivant qu’il est assuré par les parties elles-mêmes
ou grâce à l’intervention d’un médiateur, arbitre ou juge), la façon dont la décision est
réellement appliquée ou contournée, etc. L’analyse processuelle est fondée sur l’analyse de cas.
L’analyse processuelle offre beaucoup d’avantages, d’une part, d’un point de vue
anthropologique : elle se prête infiniment mieux que la normative à la comparaison
interculturelle et ramène nombre de sociétés dans l’ordre du droit. D’autre part, elle est plus
adaptée que la normative à l’étude du changement, étude si importante aujourd’hui où l’on
assiste à la multiplication des phénomènes d’acculturation. Enfin, elle permet d’intégrer au vécu
les représentations idéales, car la décision rendue dans un litige a tendance à devenir un modèle
pour la solution des cas semblables dans l’avenir (c’est la base de l’idée actuelle de
jurisprudence).
Comme l’a affirmé Nobert Rouland, l’homme peut aussi vivre le droit en dehors du
conflit. C’est pour cela que certains auteurs (J.-L. Comaroff et S. Roberts- Rules and Processes,
1981) ont estimé qu’il est nécessaire de substituer au dualisme normatif/processuel une
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approche synthétique. L’étude des normes n’est pas inutile, non seulement dans leur contenu,
mais surtout la façon suivant laquelle, les parties au litige les conçoivent et les négocient au
cours des conflits. Les règles ne sont pas seulement un cadre, mais aussi un enjeu. On doit
également étudier les raisons pour lesquelles elles sont appliquées, négligées ou violées, et la
séquence du conflit peut effectivement être un bon terrain d’observation.
Le droit exposé dans les manuels ne concerne que les sociétés de type étatique et ne
constitue dans ces sociétés qu’une petite partie du phénomène juridique. Les manifestations de
ce phénomène (institutions, conflits, règlements, règles coutumières et législatives, etc.) ne
prennent chacune leur sens que par rapport à l’univers, visible et invisible, de la société dans
laquelle on l’observe. Cela exclut toute comparaison superficielle. Pour le montrer, on va
analyser dans leurs univers quelques institutions d’Afrique noire, du monde islamique, de la
Chine, etc.
L’auteur d’un manuel de droit positif fait pour initier les étudiants au droit de leur pays
enseigne un système et les techniques qui permettent de l’utiliser au mieux. Dans nos Etats
modernes (d’essence occidentale) le système juridique se présente, comme devant régir, à
l’exclusion de tout autre, les relations des individus et des groupes en vue desquels il est élaboré.
Et celui qui doit l’enseigner ne fera pas autre chose pour l’exposer.
Le regard du professeur de droit se reporte sur le seul droit officiel. Comme le dit Alliot,
« partout l’arbre du droit officiel des manuels cache la forêt des phénomènes juridiques
dont il n’est qu’une partie ».
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Alors l’existence de l’Etat, le règne de la loi écrite, l’identification du droit et des règles
à un discours, sa rationalisation et son unité dans la définition d’un officiel n’apparaissait que
comme des phénomènes juridiques ayant leur importance surtout dans les systèmes modernes.
Et ne doivent plus retenir l’attention de l’Anthropologie du droit ; car tout rapporte partout au
pouvoir, à l’échange ou au partage, c’est s’assurer qu’on passera à côté de ce qui fait
l’originalité d’une société.
Car s’il y a un traitement commun à toutes les sociétés (universaux) c’est bien que
chacune construit son propre univers mental, porteur de modèles fondamentaux, qui révèlent à
la fois la vision du monde visible et invisible de chacun de ses membres, sa vision des peuples,
de sa société, des groupes auxquels il appartient ou avec lequel il est en rapport et sa vision de
lui-même. Chaque vision partielle renvoie aux autres et les éclaire.
Si on veut se dépouiller de tout ethnocentrisme, on peut admettre que le droit n’est lié
par nature ni à l’existence d’un Etat, ni à la formulation de règles, ni à la reconnaissance d’une
rationalité d’un système, ou d’une unité quelle quelque qu’elle soit. Le droit n’est qu’un cas
particulier du phénomène juridique. La sociabilité, comme lutte pour l’existence, exige un
consensus pour justifier, condamner ou occulter les pratiques. Mais toutes les pratiques liées à
un consensus ne sont pas consécutives du phénomène juridique. C’est donc la vision que chaque
société a du monde et d’elle-même dans ce même qui définit par elle les limites de la juridicité.
Les cosmogonies africaines sont très proches de celles des anciens égyptiens. La
comparaison de la mythologie bien connue des Dogon (Marcel Griante) avce celle des Temples
de la Vallée du Nil est saisissante. Dans l’un et l’autre cas, le monde est le résultat transitoire
d’une création. Avant la création, il y avait le chaos, mais le chaos n’était pas néant ; au
contraire, il contenait indistinctement, tout l’avenir en puissance, aussi bien de la création que
du créateur.
En son sein, se sont distingués le Dieu Primordial puis les Dieux primordiaux qu’il ne
faut pas concevoir comme indépendants, mais plutôt l’inéluctable développement du chaos ou
de la divinité dont les puissances apparaissent et se différenciant le plus souvent en couples
complémentaires. A leur tour, elles vont tirer du chaos le monde visible, puis l’homme. Et
même il faudra le sacrifice et la résurrection de Nommo chez les dogons et d’Osiris en Egypte.
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Après quoi les conflits des puissances divines rendront compte de la présence, dans le monde
et dans chaque homme, de l’ordre et du désordre, du bien et du mal, du juste et de l’injuste.
C’est ainsi que par les rites qu’il accomplit, l’homme permet aux puissances divines de
faire triompher l’ordre. Aussi ne peut-on concevoir l’individu en Egypte et en Afrique à la façon
de l’Occident ; ses ancêtres sont en lui et déjà il est sa descendance. Le rapport de l’homme à
la terre ou au troupeau, par exemple, l’alliance matrimoniale, sont des relations de lignages.
L’exercice de la profession est souvent lui-même héréditaire. Il fait le statut de l’homme.
Dans ce sens, le droit et les législations modernes qui tentent de faire éclater les groupes
sont souvent ressentis comme introductrices du désordre social. Les sociétés africaines et
égyptiennes obéissent à une logique plurale, que des hommes, dans une création sociale
progressive se soient faits paysans, et d’autres chasseurs, forgerons ou griots, les obligent à
vivre les uns avec les autres, les uns par les autres. Que dans un mouvement de différenciation
analogue à celui des cosmogonies se soient peu à peu distingués le maître de la terre, le chef
politique, le maître des travaux agricoles collectifs, etc. et nul ne peut exercer son pouvoir sans
l’assentiment des autres. Tous les mythes de fondation relatent avec soin l’origine de ces
différences créatrices de la solidarité qui assure la cohésion sociale.
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B./- L’islam et l’occident chrétien
L’univers des enfants d’Abraham se fonde sur une autre vision de la réalité. Le créateur
ne s’est ni progressivement distingué du monde avec lequel il n’a jamais été confondu au sein
d’un chaos primordial, ni progressivement manifesté en puissances multiples et antagonistes,
complémentaires ou solidaires. Il est unique, il est éternel, et n’a d’autre histoire que celle de
sa création et de ses rapports avec cette création, il était son verbe, c’est-à-dire sa puissance
créatrice.
L’univers islamique ou chrétien est ici à l’opposé de l’univers traditionnel chinois. Il est
dans la totale dépendance du dieu qui le crée et impose ses lois. Loin de se gouverner
spontanément, il est régi de l’extérieur. Cette vision marque jusqu’à la pensée scientifique
occidentale qui, même indifférente à l’idée de Dieu, vise à découvrir les lois de la nature,
comprises comme un corpus de lois qui s’imposent à la matière et la constitution.
C’est le droit, corpus de règles extérieures à l’homme, venues d’ailleurs, mais qui
s’imposent à lui et en font un sujet de droit. Lieu de commandement entre le créateur et sa
création, la loi est indispensable au gouvernement des hommes. Le droit n’est pas ce que quoi
les hommes s’entendent dans chaque cas particulier, il est avant tout respect de la règle
extérieure. Cette loi, a priori dont l’exposé occupe l’essentiel des manuels de droit musulman
et moderne.
Dans l’univers islamique, la loi est la pensée de Dieu, éternelle, révélée aux hommes,
soit dans le Coran ou par l’exemple du Prophète et de ses compagnons, soit dans les cas sur
lesquels ils sont silencieux, par l’accord unanime des docteurs. Elle s’impose à tous, à
commencer par les détenteurs du pouvoir, y compris le khalife.
Aucune religion n’a plus que le christianisme refoulé Dieu dans son ciel et dans son rôle de
créateur originel. Si les sociétés s’en remettent aux lois pour les animer et les conduire, ces lois
ne sont pas celles de Dieu, mais celles de l’Etat conçu à l’image de Dieu. Etat Providence auquel
la société en général et les hommes en particulier doivent leur existence et dont la volonté règle
ou peut régler l’ensemble de leur activité.
Entre le droit occidental et le droit musulman existe ainsi une opposition radicale
généralement incomprise des juristes mais dont les musulmans ont une conscience aiguë. Le
pouvoir en islam n’est pas source de droit. La loi coranique s’impose aux pouvoirs, c’est elle
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qui les légitime ou le condamne. La loi occidentale trouve au contraire sa source dans les
pouvoirs publics. Ce sont eux qui la font ou l’abrogent.
De cette inversion de la perspective résulte que l’Etat islamique n’a ni les moyens ni la
mission de transformer la société : il doit au contraire assurer le respect de la divinité. L’Etat
moderne applique au contraire en lui, le modèle du dieu créateur unique et tout puissant,
gouvernant le monde par ses décrets. Il lui revient, à lui seul, de créer un monde meilleur et à
cette fin transformer la société par la loi. Cela est renforcé par l’utilisation de l’écrit qui assure
l’influence législative et bureaucratique, une régl ementation à la fois contraignante et mythique
puisque inconnue du plus grand nombre.
L’application des lois de l’Etat est confiée en grande partie à son Administration et à ses
tribunaux. La jurisprudence doit en théorie se borner à l’application de la loi et la doctrine n’est
en fait qu’une analyse du système législatif et jurisprudentiel (elle semble même avoir oublié
son rôle de lege ferenda). La conciliation et l’équité n’ont, dès lors, qu’un rôle subsidiaire : il
est facile de s’en convaincre à la lecture des lois, codes, règlements et ouvrages de doctrine.
Ici, la société n’est pas centrée sur elle-même comme en Afrique traditionnelle. Son
centre est ailleurs, mais pas en Dieu comme en islam ; c’est l’Etat qui en est le centre. Toute
une mythologie fait apparaître aux africains que la responsabilité de leur présent et de leur
avenir n’est pas entre leurs mains, mais qu’il appartient à l’Etat (ex. emplois, créés) qui, par les
lois et les règles qui en sont issues, assurent le bien commun et l’intérêt général. Il ne le fait pas
de façon arbitraire mais, tel Dieu qui ne peut vouloir que le bien, conformément à la RAISON,
à la volonté de la nation et aux lois de l’histoire.
L’essentiel de ce discours mythique se retrouve dans les manuels de droit. Les mythes
de fondation de Hobbes, Locke ou de Rousseau imposent l’idéal de la similitude du corps social
et des droits de la majorité.
Le droit exerce ainsi une double action : il atténue les différentes qui font l’originalité
des groupes et personnalité des individus (Constitution- Egalité de tous devant la loi : plus de
forgerons, ni de griots, etc.). Il les habitue à l’idée que les responsabilités essentielles reviennent
à l’Etat, qu’un changement soit désiré, c’est à lui qu’on le demande.
L’opposition est nette entre les sociétés (que nous avons étudiées) qui assument leur
responsabilité et celles qui s’en remettent à une autorité supérieure. Mais on peut se tromper
21
quand on pense que la différence de leurs logiques constitue une exclusion réciproque : ce serait
oublier que les descriptions que nous en avons faites ne sont que des modèles et que la réalité
correspond à des situations complexes nécessitait plusieurs interprétations.
Parce que toutes les institutions officielles y disent la supériorité de l’Etat sur la société
et la puissance des lois par lesquelles il lui impose sa volonté, et du coup la décharge de ses
responsabilités. C’est la réalité des codes et des programmes officiels des cours de droit, du
moins une partie de la réalité. Et cette partie cache une réalité autrement proche des sociétés
qui n’attendent pas d’une autorité supérieure la solution de leurs problèmes mais les règles
elles-mêmes : il suffit d’observer ce qui se passe à l’intérieur d’un village ou à l’intérieur des
ministères.
Les conflits entre originaires d’un village et étrangers à ce village sont souvent portés
devant les tribunaux de l’Etat. Mais ceux entre originaires du village sont encore réglés
autrement. Car citer l’adversaire devant un tribunal crée un traumatisme et souvent une
désapprobation que l’on ne souhaite pas (par exemple : conflit entre étudiants).
22
logique d’une société plurale. Et l’appareil décisionnel de l’Etat qui ressemble à un synthétiseur
des opérations des divers groupes qui le dirigent, rappelle fortement la nécessité d’unanimité
dans les sociétés africaines. C’est ce que ces groupes qui luttent pour le pouvoir savent qu’ils
ne peuvent s’en remettre à une autorité supérieure pour régler leurs conflits ; leurs positions à
la tête de l’Etat les obligent à les résoudre eux-mêmes.
Le système mythique des codes et des manuels n’intervient pas quand il s’agit de définir
les positions et de prendre les décisions au plus haut niveau. Il intervient aussitôt pour éviter
aux sénégalais de voir que la loi résulte des visions et des conflits d’un petit nombre et pour
leur faire admettre qu’ils doivent y obéir parce qu’elle exprime leur volonté.
Il n’existe pas de d’unanimité quant aux définitions du pluralisme juridique. Mais cette
problématique domine le champ de la réflexion des anthropologues du droit. Le pluralisme
juridique met l’accent sur un phénomène d’acculturation du droit, auquel excellent nos sociétés
modernes, seul existerait le droit officiel, celui de l’Etat, postulat qui inspire la fameuse
équation ; droit = loi, ce que les partisans du pluralisme juridique ne partagent pas comme
conviction. Décrivons les postulats contre lesquels les anthropologues du droit s’inscrivent en
faux, avant d’aborder quelques théories du pluralisme juridique.
A l’heure actuelle, en Occident comme en Afrique, on peut dire que l’Etat n’est plus à
la mode ; depuis une décennie nous assistons à la crise de l’idéologie de l’Etat : l’Etat de Bien-
être, l’Etat Providence, l’Etat Prométhée, par lequel ce dernier légitimait ses tendances
dirigistes. L’Etat ne manque cependant pas de défenseurs. Formés à la révérence du droit
étatique depuis la période coloniale (depuis la codification napoléonienne), les juristes,
dans leur majorité le soutiennent. Beaucoup ne manquent pas de souligner les bienfaits de la
croissance étatique et de son corollaire, la tendance à l’unification du droit, opposé au désordre
coutumier. Pour le politologue Barret-Kriegel, depuis le moyen âge, s’est amorcé un
processus conduisant à l’Etat de droit, c’est-à-dire celui où l’Etat accepte de limiter son
23
pouvoir en l’assujettissant à la loi. Ainsi, grâce à la rédaction des coutumes, la pénétration du
droit romain, les codifications successives, le droit imprégnerait progressivement la société et
finirait par investir l’Etat.
Il s’agit donc d’une nouvelle forme d’évolutionnisme ; car plus le droit s’unifie, plus la
société se démocratise et plus l’Etat se civilise. Ce qui enlèverait à l’Etat toute tendance
totalitaire, alors que pour les partisans du pluralisme juridique, tout Etat est porteur du danger
totalitaire. On peut par ailleurs douter du raisonnement qui consiste à faire de l’unification du
droit une des conditions de l’établissement de l’Etat de droit. Au contraire, en général, la
réduction autoritaire par le pouvoir central du pluralisme juridique correspond à une dérive
dictatoriale.
Comme nous l’avons vu, toutes les sociétés traditionnelles et modernes sont plurales.
Selon M. Alliot, les premières l’affirment alors que les autres le nient. Nos Etats modernes sont
en réalité caractérisés par une grande diversité des situations juridiques, reconnues dans la
pratique (pour les minorités ethniques, surtout) mais niées à travers le mythe unitaire.
Jean Carbonnier fait remarquer que le droit positif lui-même est plural, quand il
multiplie les options possibles concernant une seule situation juridique : régimes matrimoniaux,
pluralité des causes de divorce.
Marcel Mauss et Malinowski énoncent l’idée qu’à l’intérieur d’une société, il peut y
avoir plusieurs systèmes juridiques en interaction, mais sans entrer dans les détails. Mais le
terme même du pluralisme n’apparaît qu’en 1939, sous la plume de Furnivall, auteur d’un
ouvrage sur l’économie de l’Indonésie. C’est surtout concernant les sociétés multi ethniques où
24
les phénomènes de pluralisme sont plus perceptibles et l’anthropologie les a découverts sur le
terrain.
Elles sont plurielles, celle de Henry Levy Bruhl est assez hésitante et se fonde sur la
distinction entre la loi, œuvre du pouvoir politique différencié qui peut réunir la forme de l’Etat
et la coutume, ensembles de règles propres à un groupe social.
Pour Griffiths (1986), le pluralisme juridique consiste dans la multiplicité des droits en
présence à l’intérieur d’un même champ social : plusieurs droits, celui propre au champ social
considéré, le droit d’un ou de plusieurs champs, le droit étatique. Ce sont ces pouvoirs
concurrents du sien que l’Etat tente d’affaiblir ou même de supprimer.
Le combat pour les droits de l’homme passe souvent par un combat pour le maintien ou
pour l’aménagement des structures sociales. Il est important de définir d’abord le système
juridique et idéologique des droits de l’homme de la France révolutionnaire, avant d’analyser
les modalités et l’effectivité de son transfert en Afrique noire.
25
A-‐ Les
idéologies
du
droit
français
révolutionnaire
en
matière
de
Droits
de
l’Homme
Dans les sociétés communautaires, occidentales ou non, les droits des individus existent,
mais ils sont subordonnés à ceux des groupes, parentaux ou résidents. La valorisation du groupe
est due à sa permanence, les individus étant éphémères. Le groupe compose l’architecture de la
société, alors que les individus n’en constituent que les éléments. Le groupe n’est pas seulement
une entité dont les droits s’imposent à l’individu, il lui procure aussi une protection. Dans la
société féodale, celui qui tente de s’isoler du groupe est suspect, il est fatalement conduit à faire
le mal en raison de la solitude dans laquelle il se fourvoie (nous dit G. Duby : Histoire de la vie
privée, Paris, le Seuil, 1985).
Ce mouvement est souvent accompagné d’un véritable remembrement rural, que l’on
décèle dans l’augmentation des actes d’échanges fonciers (plus lentement dans l’aristocratie
lignagère qui préserve plus longtemps son patrimoine foncier en raison de la logique du système
féodal-vassalique, condition du pouvoir). C’est ainsi qu’au 18éme siècle, on a célébré le
triomphe de l’individu, dont on proclame les droits.
Il ne s’agit pas ici de voir dans le détail les débats politiques qui ont entouré l’adaptation
de la déclaration. Il faut seulement souligner deux points : l’opposition des « idéologues » et
l’absence d’une déclaration des devoirs parallèles à celle des droits.
26
L’opposition du principe de la Déclaration des Droits de l’Homme était le fait de
groupes minoritaires, mais très hétérogènes, inspirés par des motifs différents. Certains
apparaissent comme une préfiguration du courant contre-révolutionnaire et pensent comme
Adam-Philippe de Custine, qu’il faudrait surtout procéder à une Déclaration des Droits de la
monarchie. D’autres estiment qu’avant de reconnaître des droits universels et absolus, il
convient par des réformes concrètes et progressives, de rendre possible leur jouissance (la
grande peur s’installe en France).
Et ceux qu’on appellera plus tard les idéologues : pour eux, toute déclaration des droits
à portée trop universelle, à caractère trop général, ne peut constituer qu’une limite à la raison,
une anticipation hasardeuse. Une déclaration risquerait d’être erronée si elle se prétendait
universelle.
D’autres critiques émanant des modérés ou des membres du Clergé qui veulent bien
d’une déclaration de droits à condition qu’elle établisse aussi des devoirs (ce que recommandait
notamment l’Abbé Grégoire). Mais un amendement introduit dans ce sens est repoussé par 570
voix contre 433). La raison du refus avancée c’est que la Déclaration dont il s’agit ici, est celle
de l’Homme, mais aussi du citoyen. Il ne s’agit pas de reconnaitre les droits de l’homme à l’Etat
naturel, vivant, en dehors de toute organisation sociale, à fortiori étatique ; dans cette situation,
les développements résultent seulement du respect par chacun des droits des autres. Cet homme
naturel est maintenant devenu citoyen et entretient des rapports contractuels avec l’Etat.
De très nombreuses réformes administratives ont eu pour but la destruction des corps,
légitimée par l’idée qu’ils représentent d’insupportables atteintes aux libertés individuelles.
La société n’étant plus qu’une mosaïque d’individus supposés libres, aucun corps,
aucune communauté ne doit entraver leur autonomie.
Très rapidement, de décret du 11 août 1789 étend l’abolition du régime féodal à « tous
les privilèges particuliers des provinces, principautés, villes, corps et communautés. Les
communautés de métiers sont particulièrement visées : le décret d’Allarde (2-17 mars 1791) les
supprime expressément ; la loi de Chapelier (14 juin 1791) interdit les syndicats professionnels
27
et les actions collectives. Le régime des collectivités locales est uniformisé : les municipalités
supprimées sont remplacées par les communes et départements. L’organisation judiciaire est-
elle aussi bouleversée : suppression de la patrimonialité des offices, disparition le 16 août 1790
des anciens tribunaux ; mis fin au monopole des avocats (tous citoyen peut se défendre lui-
même ou recourir aux services d’un citoyen quelconque).
Délivré des corps, l’individu est de plus en plus présent dans le droit privé. Puisqu’il
faut aligner le droit positif sur les déclarations des droits. Les hommes naissent naturellement
libres et égaux en droit, l’abolition de l’esclavage dans les colonies dont suivre la ligne du
régime féodal en métropole (la Convention le supprime le 4 février 1794 sur proposition de
Levasseur, Danton et Delacroix).
Le droit de la famille est aussi profondément réformé : une loi du 20 septembre 1792
ôte toute valeur juridique aux fiançailles ; le consentement des parents au mariage n’est
maintenu que pour les mineurs. Le mariage est désormais défini comme un acte purement civil,
ce qui ouvre la voie à la possibilité du divorce. Le droit d’adoption est permis (novembre 1793)
on assimile complètement aux enfants légitimes les enfants naturels (à condition qu’ils ne soient
pas adultérins, ni incestueux). L’égalité entre tous les héritiers de parents décédés est établie.
D./ - Le transfert de la notion occidentale des Droits de l’Homme dans les Droits
traditionnels
Nous avons vu que la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789 s’insère dans un
processus historique visant simultanément au déclin des groupes et à l’apparition et à la montée
en puissance de l’Etat. Elle était inconvenable à l’époque féodale, caractérisée par un système
social communautariste. Les droits traditionnels africains étant eux aussi largement
communautaristes, la même inadéquation paraît s’imposer. Mais depuis l’époque coloniale,
puis les indépendances, qui ont suivi, l’Afrique a connu d’importants processus de
modernisation, qui peuvent laisser croire que les droits traditionnels appartiennent au passé. Les
droits officiels d’Afrique sont largement marqués par la réception des droits occidentaux.
28
1. – L’universalisme de la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789 et la
tradition juridique africaine
Un des thèmes du débat actuel autour des droits de l’homme concerne leur extensibilité
à toutes les sociétés. On a coutume de dire que dès 1789, les constituants avaient fait le choix
de l’universalité de leur déclaration. Mais cela reste à vérifier, surtout à partir de l’analyse de
l’Etat nature dans laquelle étaient supposés vivre les peuples lointains dont une partie avait déjà
été colonisée par les nations occidentales. Il faut dans ce sens confronter la vision fantasmatique
de l’Etat nature avec les données dont on dispose en anthropologie sur les droits traditionnels.
Il est courant d’affirmer avec Tocqueville que les constituants ne se sont pas seulement
demandés quels étaient les droits spécifiques des citoyens français, mais ont entendu dégager
les droits de l’Homme au-delà de la diversité des sociétés particulières (J-J. Chevalier : Histoire
des Institutions et des politiques de la France, Paris, Dalloz, 1972, p.24).
En effet, dans la logique de J.-J. Rousseau, le passage de l’état nature à celui de société
représente un bon qualitatif d’une ampleur considérable : on ne saurait mesurer de façon
semblable les peuples vivant en l’état naturel et ceux qui sont civilisés. La reconnaissance
juridique des Droits de l’Homme qu’opère la Déclaration n’est valable que dans le cadre d’un
Etat et ne concerne que le citoyen de cet Etat. Par conséquent, la portée transculturelle de ces
droits, sans pour autant être totalement visée ne possède plus que le caractère d’une
revendication d’ordre éthique, ce qui la rend beaucoup plus vague.
29
Et cela trouve un appui dans plusieurs écrits et discours temporels, qui mettent une
grande distance entre l’Homme naturel et celui de l’âge civilisé. Malby (dans son livre
posthume paru au début 1789 et qui avait un grand succès) affirme que l’Etat naturel est
caractérisé par l’indifférenciation : l’Homme n’y a ni droits, ni devoirs qu’envers lui-même,
tout appartient à tous ; chacun est son seul maître, cet état est a-juridique, le droit ne naît qu’avec
l’invention de la société. On reconnait là les pires thèses de l’évolutionnisme unilinéaire qui
auront un grand succès au 19ème siècle.
En août 1789, Marat rédige un projet de Déclaration des Droits. Il y affirme que dans
l’Etat naturel, l’Homme possède tous les droits, ainsi qu’une liberté illimitée. Tant que les
ressources sont assez abondantes pour que tous les besoins soient satisfaits, cette démesure
n’engendre pas de désordre. Mais ces conditions optimales ne peuvent être permanentes ;
fatalement l’Homme en arrive à agresser son semblable, et la violence s’installe. Un contrat
social devient nécessité pour y mettre fin, ainsi qu’à l’Etat naturel, finalement moins avantageux
que celui de société. L’homme abandonne donc ses droits naturels au profit de droits civils, qui
se distinguent des premiers par leur caractère illimité.
A la même époque, Jean François Gaultier de Biauzat refuse même tout droit à l’Homme
vivant en l’état de nature ; Il fait une distinction entre l’Homme en l’état de nature et celui en
société ; en disant que l’Homme naturel n’a aucun droit, aucune propriété, ni même aucune
liberté. D’autres affirment que l’Homme naturel vit sans freins et ne possède ni droits, ni
devoirs, que seul le passage à l’Etat de société lui confère. Il n’est ni libre, ni esclave, il est
indépendant et exerce ses facultés comme il lui plaît, sans autre règle que sa volonté, sans autre
loi que la mesure de ses forces. Hors de l’Etat de société, il n’y a ni personnes obligées, ni force
publique, ni gouvernement, ni tribus.
On le voit donc bien, l’homme que vise la Déclaration des droits de 1789 n’est nullement
universel. Seules peuvent prétendre aux garanties qu’elle institue les nations dites civilisées.
Les Constituants qui étaient certes experts en politique, ne l’étaient pas en ethnologie, parce
que la notion de « droits traditionnels » leur paraissait une aberration, malgré le fait qu’au 18ème
siècle déjà, l’Occident a acquis pour la première fois, une perception de la quasi-totalité des
continents. L’Afrique, certes, demeure mal connu malgré les explorations et Bruce et Mungo
Pack à l’intérieur.
Voltaire juge que si les indiens d’Amérique sont moins sauvages que les paysans
européens qui supportent l’absolutisme, il faut néanmoins les civiliser. J.-J. Rousseau lui-même
30
juge l’homme civil supérieur aux autres formes d’humanités. Ainsi, les Droits de l’Homme sont
non seulement le produit d’une histoire, mais d’une culture, et tout ensemble juridique repose
sur un système de représentation. La question que l’on peut se poser ainsi, est de savoir si la
réception des Droits de l’Homme par les droits traditionnels africains est culturellement
possible.
Prétendre que les Droits de l’Homme ont une validité universelle signifie que la plupart
des peuples du monde ont accompli une transition les conduisant d’organisation communautaire
basée sur la famille, la religion, la résidence, etc., à des formes de regroupements reposant
prioritairement sur la raison et le lien civil, à la manière des nations occidentales. Or, rien ne
prouve que l’occidentalisation du monde ne soit un processus universel et irréversible. S.
Latouche (L’occidentalisation du Monde, Paris, La Découverte, 1989) affirme même que l’on
dispose d’exemples tendant à montrer que les mouvements identitaires autochtones peuvent
inverser le flux.
La nature humaine universelle, base des Droits de l’Homme, ne peut être découverte
que par l’utilisation d’un moyen de connaissance également universel : la raison. On ne pourrait,
par exemple, y accéder par une révélation ou une foi propre à un ou certains peuples, car les
Droits de l’Homme sont par essence liés à la nation de l’Homme, non à un évènement historique
et/ou religieux. Or, à l’heure actuelle, un consensus est loin d’être atteint sur ces idées.
31
Les Droits de l’Homme reposent sur un ordre politique spécifique : la démocratie, qui a
coupé tout lien avec les croyances religieuses. La société démocratique est une nécessité
rationnelle, ainsi que l’Etat, mais il faut poser des garde-fous contre leurs éventuels abus de
pouvoir vis-à-vis des individus, dont les droits ne peuvent être limités que pour la volonté de la
majorité, la société n’étant rien d’autre que le total des individus. Or tout régime qui n’est pas
démocratique n’est pas forcément dictatorial, et on ne peut condamner, au nom de la
démocratie, des régimes dont la légitimité repose sur d’autres bases.
Bien des sociétés africaines rechercheront ainsi le consensus plus que la règle
majoritaire (parce qu’elles sont communautaristes), ou voudront modeler les attitudes sur une
révélation divine, ou plus largement sur une vision religieuse de l’univers.
Prenons un exemple dans la société wolof : dans cette société, la personnalité, « jikko »,
est constituée par trois éléments :
- l’être humain « nit », dans son aspect corporel qui lui-même comprend le corps
(yaram) et le souffle (rux).
- l’esprit « rab » première partie invisible du jikko.
- la force vitale « fit » deuxième partie invisible du jikko
32
maladie, sanctionner les actes anormaux du nit. Le fit peut s’éloigner du nit, provoquant ainsi
une insupportable dissociation de la personnalité entière.
Comme on le voit donc, la notion de Droits de l’individu n’a pas ici signification dans
la mesure où l’Homme wolof (africain) n’est pas un individu, au sens occidental du terme.
Toutes ces critiques amènent donc à conclure à l’inadéquation entre les déclarations des
Droits de l’Homme occidentales et les modèles juridiques des sociétés africaines
traditionnelles. Cela ne signifie pas pour autant que ceux que l’on nomme individus ne
possèdent pas de droits ; mais ces droits sont définis dans le cadre d’autres valeurs culturelles.
Selon R. Verdier, sur le plan cosmologique, l’Homme doit obéir à la Loi divine
qu’actualisent les ancêtres et génies tutélaires, mais cette Loi le protège en l’inscrivant dans les
communautés, où il possède des prérogatives exerce des charges.
Parce qu’il existe aujourd’hui un large consensus parmi les anthropologues du droit sur
l’idée que dans toute société, le phénomène juridique est plural. Autrement dit, chaque sous-
groupe d’une société globale tend à produire son propre droit. Dans les sociétés occidentales
33
ou acculturées par le droit occidental, ces droits ont tendance à rester officieux, ou bénéficient
d’une validation de la part du droit étatique, qui souvent nie le pluralisme juridique, ou alors
n’en reconnait que des formes atténuées. L’article 6 de la Déclaration de 1789, lui-même
condamne implicitement le pluralisme juridique en affirmant que la loi doit être la même pour
tous.
Les droits officiels africains contemporains, très influencés par les modèles occidentaux,
ne sont pas pluralistes (formellement) : dans des cas, le constituant ou le législateur ont interdit
le recours aux coutumes ou ne leur ont laissé qu’une place subsidiaire. (Mais il ne s’agit là que
de droits appliqués : on sait que la majeure partie de la population continue à être influencée
par ces traditions).
Dans la mesure où les droits traditionnels ne sont pas caducs et bénéficient même dans
certains cas d’une reconnaissance par le droit officiel (Authenticité zaïroise : code zaïrois de la
famille de 1986 qui fait de la dot une des conditions du mariage, code togolais des personnes et
de la famille 1980 qui renvoie à la coutume quand le de cujus n’a pas choisi de régler sa
succession en recourant aux dispositions du code), on peut donc en déduire que la critique
anthropologique des Déclarations des droits occidentaux n’est nullement dépassée. En fait, les
personnes continuent à se sentir mieux protégées par leurs groupes que par des déclarations
conçues ailleurs. Ainsi toutes ces déclarations sont-elles à prescrire par ce qui concerne
l’Afrique ? On peut penser que non, mais à condition de parler davantage des droits des peuples.
L’Anthropologie juridique pense volontiers qu’il ne peut y avoir des droits de l’homme sans
droits des peuples. Comme l’a écrit l’alors Directeur Général de l’UNESCO Amadou Moctar
MBOW (Aux sources du futur, Paris UNESCO 1982) « les libertés des personnes et les
libertés des peuples sont deux faces d’une même réalité ». Autrement dit, il faut abandonner
le point de vue ethnocentriste suivant lequel existe un Homme transcendantal : « Cet homme
illusoire, selon Norbert Roland, n’est que le produit d’une conjoncture historique
parfaitement datable et localisable. Il existe dans doute bien une nature humaine, mais
elle est polychrome : chaque Homme la traduit à sa manière, grâce aux lumières que lui
dispense sa propre culture ».
Une théorie générale de l’Homme à travers ses systèmes juridiques sera, ou le pense, un jour,
possible. Parce que penser de l’Homme de façon unitaire ne revient nullement à l’uniformiser
(M. ALLIOT).
34
Autrement dit, il faut d’abord passer par le droit des peuples avant d’en arriver à ceux
des Hommes, et non l’inverse.
Il paraît possible d’aller plus loin, en la corrigeant et en l’améliorant, parce que les
déclarations occidentales ne peuvent toujours pas s’appliquer aux sociétés africaines
traditionnelles et contemporaines.
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