Vous êtes sur la page 1sur 65

1

Cours d’introduction au droit

Bibliographie indicative
(Choisir l’édition la plus récente de l’ouvrage)

1. François TERRE, Introduction générale au droit, Dalloz, Paris


2. J. L. AUBERT, Introduction au droit et thèmes fondamentaux du droit civil, Coll. U.
Paris, A. COLIN,
3. Yvain BUFFELAN-LANORE, Droit civil, première année, Paris, A. COLIN
4. H. ROLAND et L. BOYER, Introduction au droit, Paris, Litec
5. J. CARBONNIER, Droit civil, Introduction, Coll. Thémis, Paris, P.U.F. 2002
6. Ph. MALAURIE et L. AYNES, Droit civil, Introduction générale, par Malaurie et
MORVAN, t. 1, Défrenois,
7. R. GUILLIEN, J. VINCENT, S. GUINCHARD et G. MONTAGNIER, Lexiques de
termes juridiques, Paris, Dalloz,
8. J. GHESTIN, G. GOUBEAUX et M. FABRE-MAGNAN, Traité de droit civil, t.1,
Introduction générale, Paris, L.G.D.J. 1994
9. H. MAZEAUD, F. CHABAS, Leçons d droit civil, t.1, vol. 1, Introduction à l’étude
du droit, Paris, L.G.D.J. Montchrestien, Par F. CHABAS,
10. G. CORNU, Droit civil, Introduction, Les personnes, les biens, Montchrestien

1
2

Introduction

Le mot droit est une métaphore, une image. Il vient du terme directum(mot latin qui signif ie
en ligne droite) qui implique , au figuré, l’idée de ce qui est conforme à la règle. Cette image
se retrouve dans plusieurs langues : derecho pour l’espagnol, rigth pour l’anglais, recht pour
l’allemand etc… Malgré son étymologie univoque, le mot droit recouvre deux acceptions
différentes.

Dans un premier sens, le mot droit désigne l’ensemble des règles de conduite qui gouvernent
les rapports des hommes dans la société et dont le respect est assuré par l’autorité publique.
Dans ce sens, il désigne le droit objectif. La formule signifie qu’on envisage le droit dans son
objet, sans égard à son application à des cas particuliers. Il peut s’agir d’une règle posée,
d’une matière, de la discipline dans sa totalité ou dans l’une de ses branches. On parlera ainsi
par exemple : du droit de propriété, du droit des personnes, du droit camerounais, du droit
privé ou du droit public etc. le droit objectif c’est donc soit une règle isolée, la règle de droit
ou un ensemble de règles de droit.

Dans un second sens, le mot droit désigne une prérogative reconnue par le droit objectif à une
personne en vertu de laquelle celle-ci peut user ou disposer d’une chose, ou exiger d’une autre
personne une prestation ou une abstention. Sous cet aspect on n’évoque plus le droit en
général, mais un ou plusieurs droits reconnu déterminée et l’on se sert de l’expression droits
subjectifs, le qualificatif évoquant le titulaire de la prérogative juridique. Le mot droit ici
prend le sens de prérogatives individuelles que les personnes ont vocation à puiser dans le
droit objectif.

(Pour marquer la distinction avec le droit objectif, prenons quelques exemples : L’article 1382
du Code civil dispose que tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage
oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer : cette règle ne s’applique à personne
à particulier, elle est susceptible de recevoir application dès qu’un d ommage est causé à
autrui. On est en présence d’une règle de droit objectif. Supposons qu’en venant à l’Université
un de vos camarades s’est fait éclabousser par un véhicule. Il peut exiger réparation au
conducteur du véhicule. Il a un droit subjectif qui lui permet d’exiger cette réparation. Sur

2
3

quoi se fonde t-il ? Sur la règle générale et impersonnelle de droit objectif posé par l’article
1382.

Ce double sens du mot droit ne doit pas masquer l’unité de la matière car il y a une interaction
du droit objectif et des droits subjectifs. En effet, les prérogatives individuelles ont leur source
dans le droit objectif (si un individu peut passer sur le terrain du voisin qui est sur le bord de
la route pour accéder au sien qui est enclavé, c’est parce que le droit camerounais des biens
consacre l’existence des servitudes, si le travailleur peut exiger le salaire, c’est parce que le
droit du travail camerounais a posé comme règle générale que quiconque utilise les services
d’une personne qui lui est subordonnée, doit la rémunérer). De même, les changements
intervenant dans le droit objectif retentissent sur l’existence ou la con sistance des droits
subjectifs (lorsqu’un texte admet la reconnaissance des enfants naturels, il permet à une
catégorie d’enfant d’établir un lien de filiation avec leur géniteur et par conséquent d’exiger la
participation du géniteur à leur éducation et entretien).

Malgré cette unité, une initiation efficace au droit commande de considérer chaque
composante du mot droit isolément. Ce que nous ferons dans la logique qui guide leur
rapports en étudiant d’abord le droit objectif (première partie), puis les droits subjectifs
(deuxième partie).

3
4

Première partie : Le droit objectif

Le droit objectif, nous l’avons vu, désigne toute règle générale et impersonnelle, toute
matière, toute branche du droit destinée à organiser la vie en société et dont le non-respect est
sanctionné. Il peut s’agir d’une règle isolée ou de l’ensemble des règles formant une matière
ou une branche du droit. Pour l’étudier, il faut l’appréhender (Titre 1) et s’intéresser à sa
réalisation (Titre 2).

Titre 1 : L’appréhension du droit objectif

Le droit objectif peut être appréhendé sous deux aspects différents. Il peut d’abord être
appréhendé comme une technique de lecture et d’organisation du monde au même titre que la
physique ou la botanique ou les autres sciences. Il est alors composé des concepts, catégories
et méthodes. On parle de science du droit. Ce sens qui permet et justifie la recherche en droit
ne sera pas pris en compte dans le cadre de cet enseignement.

Le droit objectif désigne aussi les règles positives qui organisent (régulent) les rapports entre
les personnes dans un espace donné. Il est constitué des règles posées par les autorités ou qui
se sont imposées avec le temps comme coutume. Il s’agit des règles de droit en vigueur dans
un espace juridique donné. L’espace considéré peut être commun à plusieurs Etats (Ex. espace
OHADA) ; mais généralement, du fait de la souveraineté des Etats, il s’agit du droit en
vigueur dans un pays donné. C’est le sens généralement retenu par les auteurs qui étudient le
droit en vigueur à un moment donné dans un pays donné qu’on appelle le droit positif. C’est
ce sens qui assimile droit objectif et règle de droit que nous privilégions ici.
Dès lors qu’il est défini, appréhender le droit objectif c’est l’identifier (Chapitre 1) et
rechercher ses sources (chapitre 2).

4
5

Chapitre 1 : L’identification du droit objectif.

Identifier le droit objectif c’est mettre en perspective les éléments qui permettent de le situer
par rapport aux notions voisines. Deux éléments permettent d’atteindre cet objectif : les
caractères (Section) et les composantes (section 2) qu’il faut envisager successivement.

Section 1 : Les caractères du droit objectif


Les caractères sont les éléments permettant de singulariser le droit objectif, de le différencier
des autres règles d’organisation de la vie sociale. Cette opération est importante car, la règle
de droit n’est pas la seule qui organise les rapports entre les hommes dans une société ; elle
cohabite avec les règles économiques, morales, de bienséance, religieuses etc…
La règle de droit a des caractères généraux (§1) et des caractères spécifiques (§2).

§1 : Les caractères généraux de la règle de droit

Les caractères généraux sont ceux que la règle de droit partage avec les autres règles de la vie
sociale. La règle de droit a trois caractères généraux : elle est générale et impersonnelle , elle
est modeste (une règle de conduite sociale), elle est extérieure à l’individu.
- La règle de droit est générale et impersonnelle, cela signifie qu’elle s’applique à tous les
individus dans une société donnée, sans distinction et de la même manière. Qu’elle ne tient
pas compte des particularismes individuels. Ainsi, toute personne se trouvant dans la situation
définie par la règle a vocation à se la voir appliquer, sans distinction. Ex : La règle de l’article
1382, La règle de l’article 2279 du Code civil (en fait de meubles possession vaut titre ).
Ainsi une règle qui ne concerne qu’un individu en particulier n’est pas une règle de droit,
mais une décision : exemple (un décret nommant un individu à un poste de responsabilité est
une décision et non une règle de droit)

- La règle de droit est modeste en ce sens que c’est une simple règle de conduite sociale.
Elle a pour but uniquement d’organiser la vie en société et de régir les comportements
humains. Par conséquent ce n’est ni une règle de perfectionnement des individus, ni une règle
de salut. Ce caractère permet de distinguer la règle de droit de la règle morale et de la règle
religieuse. Tandis que le droit vise à organiser la société et les relations qui s’établissent entre
les personnes qui la composent, la morale et la religion concernent essentiellement l’individu.

5
6

La règle morale tend au perfectionnement de l’individu et à l’épanouissement de sa


conscience. La règle religieuse veille au salut de l’être humain dans une rencontre d’amour
avec Dieu ; ce qui est le contraire de la règle droit qui selon une formule du Doyen CORNU
« n’est ni une règle de salut, ni une loi d’amour : c’est un facteur d’ordre, un régulateur de la
vie sociale ».
Visant simplement à organiser la vie en société, la règle de droit peut contredire la morale et
même la religion : Il en est ainsi des règles relatives à la prescription, des règles admettant le
divorce (par rapport aux catholiques), la légitime défense etc…
Il ne faut cependant pas perdre de vue que les domaines de ces règles coïncident souvent.
Certaines règles de droit sont une véritable consécration des règles morales et religieuse : la
condamnation du vol, du meurtre, la discrimination, la répétition de l’indu etc…

- Le caractère extérieur de la règle de droit : Parce qu’elle vise à organiser la société et à régir
les relations qui s’établissent entre ses membres, la règle de droit ne peut qu’être extérieur e à
la personne : elle est un ordre, ou une suggestion émanant d’une autorité et s’adressant à
chacun des sujets qui composent le corps social. Elle n’est pas et ne peut pas être une
contrainte ou une consigne que chacun s’impose spontanément, de sa seule volonté.

A côté de ces caractères généraux que la règle de droit partage parfois avec d’autres règles de
d’organisation de la société, la règle de droit a des caractères qui lui sont spécifiques.

§2 : Les caractères spécifiques de la règle de droit

La règle de droit a deux caractères qui lui sont propres : elle est obligatoire, elle est assortie de
la contrainte étatique

- La règle de droit est obligatoire, cela signifie qu’elle doit être respectée par tous, y compris
par celui qui l’a édictée et par les juges. Elle exprime un ordre, un commandement qui doit
être respecté, et doit être obéie. Les individus sont tenus de s’y soumettre et de la subir, même
s’ils ne sont pas au courant de son existence car, en droit « nul n’est censé ignorer la loi ». Les
règles de droit s’imposent aux juges qui n’ont pas le droit d’invoquer d’autres règles chaque
fois que le droit en a établi.

6
7

- La règle de droit est celle qui est assortie de sanctions étatiques. Pour pouvoir assurer la
sécurité dans la société, la règle de droit doit non seulement être obligatoire, mais aussi et
surtout assortie de sanctions appuyées par l’autorité publique. Contrairement au sens commun
d’après lequel la sanction est synonyme de punition, en droit, le terme a un sens plus large et
désigne les procédés destinés à assurer l’effectivité des règles de droit. On distingue les
sanctions pénales qui se déclinent en punition (amendes, peines de p risons etc…) et les
sanctions civiles pour lesquelles l’idée de punition est lointaine

Les sanctions civiles sont diverses : elles peuvent être préventives : ainsi le maire veille à la
régularité des règles relatives à la formation du mariage ; elles peuvent être coercitives
exemple, saisie pour contraindre un débiteur à payer ; elles peuvent être réparatrices :
dommages et intérêts pour réparer un dommage. Les sanctions pénales et civiles peuvent être
prononcées au même moment. Il en est ainsi si une infraction porte préjudice à un particulier
qui demande des DI

Les caractères de la règle de droit ne doivent pas masquer le fait que cette discipline est un
ensemble fait de sous ensembles qui organisent chacun un domaine précis et spécifique de la
vie sociale. Autrement le droit comporte un contenu ou des composantes (divisions).

Section 2 : Les composantes du droit

Parce qu’elle vise essentiellement à organiser la vie en société, la règle de droit ne peut se
limiter à l’énoncé de quelques principes vagues et généraux. Sans prétendre tout prévoir, le
droit doit, du moins, prendre en considération le particularisme de diverses situations de la vie
sociale pour édicter des règles adéquates. Le droit organise les domaines les plus divers :
l’Etat, les finances, le mariage, les contrats, les biens, le commerce, le travail, etc… En ef fet,
le mariage, les obligations, le crédit, ne sauraient être soumis à des règles identiques ; les
relations contractuelles de l’Etat ou les rapports des Etats entre eux ne sauraient être traitées
comme celles entre les particuliers. Sous l’influence des facteurs divers- progrès des sciences
et des techniques, complexité croissante de l’économie, avènement du dirigisme étatique
etc…- cette diversification naturelle de la règle de droit s’est considérablement accrue au
Xxème siècle, pour déboucher sur une véritable spécialisation du droit. Cette spécialisation se
manifeste par la distinction par système (§1), la distinction droit international, droit
communautaire droit interne (§2) et par la distinction droit public droit privé (§3)..

7
8

§1. Les systèmes juridiques

Le système de la common law


Le système germano-romanique,
Les systèmes de droit traditionnels (africains)
Les systèmes religieux (de droit musulmans)

§2 : La distinction droit international, droit communautaire, droit interne

Cette distinction procède de la division du monde en Etats souverains. Le droit national ou


interne est ainsi appelé parce que c’est le droit en vigueur dans un Etat donné, ayant des
sources, des organes et des mécanismes de mise en œuvre propres à cet Etat, règlementant les
rapports sociaux qui se produisent à l’intérieur de cet Etat, sans qu’un élément relevant d’un
autre Etat intervienne dans ces relations.

Mais, il y a aussi des relations sociales internationales soit entre les Etats, soit entre les
individus d’Etats différents qui font l’objet du droit international.

Le droit international proprement dit organise les rapports entre les Etats, entre les Etats et les
particuliers ou les rapports des particuliers entre eux lorsqu’il y a un élément d’extranéité. On
distingue dans cet ordre d’idée : le droit international public du droit international privé.

Le droit international public réglemente les rapports entre Etats (par exemple les rapports
entre le Cameroun et le Congo, les Etats unies ). Il comporte des sources supra étatiques : les
conventions et les traités internationaux, la coutume internationale, les principes généraux du
droit reconnus par les nations civilisées. Il comporte des institutions supra étatiques : AG des
Nations Unies, conférence internationale du travail, Conseils des chefs d’Etats et de
gouvernements, Conseils des ministres, le Conseil de sécurité, la Cour internationale de
justice de La Haye, la Cour africaine des droits de l’homme ; . Le seul regret est l’absence de
sanctions suffisantes contre la violation des règles internationales.

8
9

Le droit international privé régit ceux des rapports entre les particuliers qui comportent un
élément d’extranéité ou étranger : par exemple lorsqu’ils s’établissent entre des personnes de
nationalité différentes (mariage entre un camerounais et une turc) ou lorsque le fait générateur
du rapport se situe dans un pays étranger ( rapport entre l’auteur et la victime d’un accident
automobile causé par un camerounais au Gabon). De tels rapports suscitent des questions de
conflits de lois et de juridictions. Le droit international privé concerne également la condition
des étrangers, c’est à dire la question de savoir de quels droits les étrangers peuvent jouir dans
un pays qui n’est pas le leur (accès à la propriété foncière, accès à certaines professions ou à
la protection sociale).
Le droit pénal international , qui organise la recherche et la punition des délinquants qui ont
commis des infractions internationales (cpi).
Il est important dans l’ordre international de situer le droit communautaire et le droit
uniforme.
Par droit communautaire on désigne un corps de règles et de solutions en constante expansion,
qui s’est développé à la faveur des regroupements des Etats qui partagent un espace
géographique commun ou qui se sont imposé un espace juridique commun. Le droit
communautaire est né en Europe à la faveur de la construction européenne et plus
spécialement de la création du marché commun européen par le traité de Rome. Il est
tellement important aujourd’hui qu’il refoule les pans entiers du droit interne. En effet, ses
créateurs ont conféré aux instances communautaires le pouvoir de créer un droit dérivé
principalement par voie de règlements et de directives qui indiquent aux législateurs
nationaux la voie à suivre pour organiser telle ou telle discipline. CEMAC, UEMOA
Sur le modèle du droit communautaire, certains Etats africains n’ayant parfois aucune
proximité géographique se sont regroupés pour adopter des règles juridiques communes
régissant le droit des affaires dans le cadre d’un espace juridique commun appelé OHADA
(Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires). On appelle ce droit, doit
uniforme parce qu’il est constitué de règles uniformes, applicable de manière identique dans
les Etats membres en se substituant aux règles nationales. Ces règles sont instituées par des
actes uniformes qui sont de véritables lois supra nationales obligatoires. Ainsi, il existe des
actes uniformes dans plusieurs domaines : acte uniforme OHADA portant droit commercial
général, acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt
économique, acte uniforme portant organisation des sûretés (17 avril 1997), acte uniforme
portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution (10
avril 1998), acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du

9
10

passif (10 avril 1998), acte uniforme sur l’arbitrage (adopté le 11 juin 1999), acte uniforme
portant organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises dans les pays de
l’OHADA (23 et 24 mars 2000). Deux actes sont en préparation : acte uniforme portant sur le
droit du travail, acte uniforme portant sur les contrats.
Une autre distinction classique du droit oppose le droit public au droit privé.

§3 : La distinction droit public droit privé

De toutes les ramifications du droit cette distinction est de loin la plus ancienne et la plus
importante. Elle englobe la plupart des distinctions précédentes. Elle correspond à ce
qu’indiquait Montesquieu lorsqu’il définissait le droit public (appelé par lui « droit
politique ») comme « les lois dans les rapports qu’ont ceux qui gouvernent avec ceux qui sont
gouvernés » et le droit privé (pour lui « droit civil »), comme « les lois dans les rapports que
les citoyens ont entre eux ».

Le droit privé organise les rapports entre les particuliers sur la base d’une distinction entre les
rapports personnels et les rapports patrimoniaux qui s’établissent entre eux : le mariage, les
contrats, l’héritage etc…. ou des rapports impliquant l’Etat lorsqu’il se met en civil. Il assure
prioritairement l’organisation et la gestion des questions portant sur les intérêts ( la
sauvegarde des intérêts) individuels.

Le droit public vise à organiser le fonctionnement de l’Etat, les rapports entre l’Etat, les
collectivités publiques ( et à régler leur action et leurs relations) avec les particuliers. Le droit
public est le droit propre à l’Etat et aux collectivités publiques, agissant en tant que puissance
publique, et, comme telle, investis d’un pouvoir de commandement prééminent qui les
soustrait aux règles applicables aux particuliers. Cette distinction se traduit par la sp écificité
des matières propres à chacune des branches du droit.

A. Les subdivisions du droit public


Le droit public comprend l’ensemble des règles qui, dans un Etat donné, ont pour objet
l’organisation de l’Etat et des collectivités publiques, la gestion des rapports de l’Etat avec les
autres Etats et les rapports de l’Etat avec les particuliers. Il se subdivise en plusieurs
branches : dans l’ordre international il comprend le DIP et les II. Les DIP organise les
rapports des Etats entre eux en tant que puissances publiques. Les institutions internationales

10
11

étudient les grandes organisations internationales (l’ONU et ses institutions spécialisées,


l’UA, la CEMAC).
Dans l’ordre interne le droit public comprend les matières suivantes : le droit constitutionnel
et le contentieux constitutionnel, les régimes politiques, le droit administratif, le contentieux
administratif, le droit électoral, le droit fiscal, les finances publiques etc.

Le droit constitutionnel détermine les règles relatives à la forme de l’Etat, à la constitution du


gouvernement et des pouvoirs publics, à la dévolution des pouvoirs.

Le droit administratif, réglemente l’organisation des collectivités publiques (Etat lui même,
régions, départements, arrondissements, districts, communes etc…) les services publics, et
leurs rapports avec les particuliers.
Le droit financier comprend les règles relatives aux finances publiques : on y range les
finances publiques et la fiscalité.
Le droit pénal qui institue et aménage le droit de punir tel qu’il app artient à la société et tel
qu’il est exercé en son nom par ses organes qualifiés dans le cadre de la procédure pénale. A
certains égards, le droit pénal a des liens avec le droit privé car, il protège les particuliers dans
leur vie, leur honneur, leur propriété et en ce sens peut être considéré comme la sanction
ultime du droit privé. Mais certains préfèrent le ranger dans le droit public.

B. Les subdivisions du droit privé

Le droit privé est constitué de l’ensemble des règles qui gouvernent les rapports des
particuliers entre eux ou avec l’Etat qui s’est mis en civil, les rapports entre les collectivités
privées entre elles et avec les particuliers. Au départ le droit privé n’était constitué que du
droit civil (l’expression vient des romains chez qui elle désignait le droit des citoyens romains
(de civis, citoyens). Sous l’influence des mutations sociales, des portions s’en sont détachées
pour former d’autres disciplines du droit privé. Parmi ces nouvelles disciplines on range le
droit commercial, le droit du travail, le droit de la consommation etc…
Dans l’ordre international les matières du droit privé sont : le droit du commerce international,
le droit international privé, le droit international du travail
Dans l’ordre interne il est constitué du droit civil et des matières qui s’en sont détachées.
Le droit civil a pour objet la réglementation des rapports de droit privé, sur la base de la
liberté et de l’égalité des parties. Parmi les disciplines du droit civil on cite : le droit des

11
12

obligations, le droit de la famille, le droit des personnes, le droit des biens, les successions et
libéralités, les régimes matrimoniaux, la procédure civile, les voies d’exécution etc…
Le droit civil constitue le droit commun, c’est-à-dire celui qui reste applicable lorsqu’aucune
autre branche du droit privé ne propose de solutions à un problème.
Les matières qui se sont détachées du droit civil sont : le droit commercial, le droit des
sociétés commerciales, le droit de la consommation, le droit du travail, le droit des transport,
le droit des sociétés coopératives etc.

Malgré les critiques dont elle fait l’objet, la distinction droit public droit privé d emeure
inébranlable et constitue le cœur du droit objectif dont il faut actuellement rechercher les
fondements.

12
13

Chapitre 2 : Les sources du droit objectif

L’expression source du droit recouvre deux réalités complémentaires. Par celle-ci, on entend
l’origine des règles de droit ; autrement dit les principes moraux, religieux, philosophiques,
politiques, sociaux, culturels, idéologiques les plus divers qui inspirent les solutions positives.
Les multiples faits sociaux et les exigences de l’environnement temporel, spatial et technique
qui en imposent l’orientation et le contenu. On désigne ainsi les sources d’inspiration, les
forces créatrices ou les sources substantielles du droit. Bien que leur étude relève de la théorie
et de la philosophie du droit, il est important d’en avoir une idée dès à présent.
Par source, on entend aussi les lieux d’inscription des règles de droit, les modes de formation
des normes juridique c’est-à-dire des procédés et des actes par lesquels ces normes accèdent à
l’existence juridique, s’insèrent dans le droit positif et acquièrent la validité. On les appelle
encore sources d’élaboration du droit.
L’étude des deux catégories est importante pour la science juridique. C’est pourquoi, il f aut
les envisager successivement en considérant les sources d’inspiration ou fondements d’abord
(Section 1), les lieux d’inscription des règles ou sources positives d’autre part (Section 2)

Section 1 : Les fondements du droit objectif

S’interroger sur les fondements du droit c’est se poser la question de savoir pourquoi une telle
discipline a été crée. C’est aller au delà du phénomène du droit pour rechercher le pourquoi de
son apparition. En effet, lorsqu’on dit que la règle de droit est une règle de conduite
gouvernant les rapports des hommes entre eux et dont le respect est assuré par l’autorité
publique, on ne donne du droit qu’une définition toute formelle et extérieure sans se
préoccuper des bases rationnelles de la discipline sans porter de jugement de valeur sur le
contenu de la discipline. Si la question a pu être éludée dans les sociétés primitives où
l’hostilité de la nature a conduit à éviter toute métaphysique juridique, elle est devenue une
préoccupation constante des sociétés civilisées qui se préoccupent des jugements de valeur
sur la règle de droit, sur ses buts et ses fins du droit.

Sur la question des fondements du droit, certains auteurs distinguent les écoles formalistes qui
privilégient la sécurité juridique grâce à la forme extérieure de la règle droit, des écoles
idéalistes poursuivant un idéal de justice et faisant de l’ordre juridique un ordre moral et les
écoles réalistes centrée sur le progrès social. Mais on peut regrouper toutes ces idées autour de

13
14

deux grandes tendances doctrinales : les doctrines spiritualistes (§1) et les doctrines
matérialistes (§2).

§1 : Les doctrines spiritualistes

Les doctrines spiritualistes ou idéalistes sont celles qui soutiennent qu’il y a un ordre juridique
supérieur au droit positif et qui s’impose au pouvoir et au législateur lui même. Ces doctrines
qui correspondent aux doctrines du droit naturel malgré la variété des tendances ont en
commun de refuser de fonder la règle de droit sur le seul phénomène d’autorité. Les diverses
tendances jusnaturalistes ont en commun certaines idées essentielles : l’affirmation que le
droit procède de la nature, l’existence des principes non écrits supérieurs au droit positif et qui
s’imposent à lui, la primauté de la recherche de la justice sur le respect de la légalité, la
permanence de certaines valeurs qui l’emportent sur celles que consacrent les hommes de
l’Etat.

Selon cette théorie, les hommes pourraient se soustraire aux règles qui enfreignent les
principes supérieurs du droit idéal. On la retrouve dans cette phrase de l’Antigone de
SOPHOCLE : « je ne pensais pas qu’il eût assez de force ton édit pour donner à un être mortel
le pouvoir de violer les divines lois non écrites que personne ne peut ébranler » (Antigone
veut enterrer son frère contrairement à l’édit du roi (Créon) qui interdit de donner une
sépulture à ceux qui ont combattu leur patrie. Antigone passe outre en faisant observer que le
droit naturel à l’inhumation l’emporte sur l’interdiction terrestre d’y procéder.

Pour les tenants du droit naturel, il existe un ordre naturel des choses dont la loi humaine doit
s’inspirer (Aristote l’exprime en faisant observer qu’il existe deux justices selon qu’il s’agit
de distribuer les honneurs et les biens (justice distributive) ou de mesurer les pertes et les
gains dans les rapports d’échange (justice commutative).

La philosophie idéaliste ou spiritualiste en général s’est développée dans l’an tiquité ,au
moyen age, aux XIIème est XVIIIème siècle et à l’époque moderne selon des contenus
différents.

Pour PLATON, le droit est destiné à découvrir ce qui est juste entre les hommes et dans la
conscience individuelle si bien qu’une harmonie s’impose entre la justice et le droit. Selon

14
15

Aristote, le droit doit s’inférer de l’harmonie de l’ordre naturel ; ce qui est juste est ce qui est
conforme à cet ordre naturel et se déduit de l’observation des choses, des êtres et des sociétés
humaines dont il faut tirer la finalité et l’essence pour déterminer ce que doit être le droit.
D’autres courants jus naturalistes, plus attachés à la morale qu’au droit ont soutenu qu’au delà
du droit positif, il existe un droit idéal, immuable et intemporel.

La tendance chrétienne de cette doctrine fût exprimée par Saint Augustin distinguant de la loi
profane le primat de la justice et de la morale issue de l’Ecriture sainte et surtout par l’œuvre
de Saint Thomas d’AQUIN pour qui la loi naturelle est un reflet de la loi divine qui ordonne
le monde. Pour Saint Thomas d’AQUIN, le droit naturel se situe entre la loi éternelle et la loi
positive. Le droit naturel procède de la loi divine exprimée dans l’écriture sainte et perceptible
par la raison et l’intelligence humaine. Mais, il évolue et n’offre que des directives que doit
compléter et préciser le droit positif. La loi humaine doit dès lors être juste et destinée au bien
commun des peuples qu’elle régit pour devoir être observée. Elle n’a plus, au contraire, à être
respectée si elle s’oppose aux intérêts de Dieu et de la raison.

A cette doctrine d’inspiration religieuse , s’oppose l’Ecole du Droit naturel qui, au XVIIème
et au XVIIIème siècles s’est développé à partir de la pensée de GROTIUS (Hugo de Groot dit
grotius) et qui est une doctrine laïque. Ici le droit naturel ne procède plus alors de Dieu, mais
de la nature sociale de l’homme dont la raison dégage les principes d’un droit naturel
universel et immuable, fait de règles indépendantes du temps et des civilisations et d’une
absolue rigidité. Grotius admettait aussi , outre ce droit rationnel, l’existence des individus.
Cela évoque la théorie du « contrat social développée ensuite par Locke et Rousseau, centrée
sur l’homme à l’état de nature et on sur le monde, et orientée vers des lois naturelles dérivant
de l’être humain, de sa liberté et de sa volonté. L’idée de droit naturel chez Grotius a servi de
base au « droit des gens », autrement dit au droit international public : la raison naturelle est
apparu comme le seul moyen en l’absence d’autorités supérieurs aux Etats, de régir leurs
rapports autrement que par la force.

Les doctrines idéalistes ont été critiquées. On a fait observer leur caractère irréaliste et
inexact. En effet, il est impossible de soutenir comme elles l’ont fait que le droit est universel
et intemporel. La diversité et l’évolution des systèmes juridiques révèle nt en réalité la
relativité du droit. Les théories du droit naturel impliquent que le législateur doit se
conformer au droit naturel et que s’il faillit à ce devoir, les citoyens, voire les juges peuvent

15
16

désobéir à des lois injustes. Mais un tel vœu est démenti par la réalité positive. De même
contrairement à ces théories, le droit n’est que le produit de l’évolution des peuples et que,
loin d’être universel, il est propre à chaque nation (Savigny, chef de file de l’école historique
allemande).
Il demeure que certaines idées de l’école du droit naturel ont reçue une véritable consécration
en droit positif. La théorie du droit naturel a inspiré la déclaration des droits de l’homme et
du citoyen de 1789 et le Code napoléon 1804. Certaines règles du droit positif sont une mise
en forme de certaines idées fondamentales de la théorie du droit naturel : celles relatives à la
promotion et à la protection des droits fondamentaux de la personne humaine (cf déclaration
universelle des droits de l’homme), celle relative à la réparation des torts causés à autrui, celle
relative à la répétition de l’indu etc.. Mais globalement, le droit naturel reste un idéal qui
devrait inspirer, mais que les législations positives ne suivent pas toujours. Il en est ainsi des
règles contre nature comme la légitime défense, l’état de nécessité, la prescription.
Plutôt que de formuler des critiques contre les doctrines spiritualistes, certains ont développés
des doctrines concurrentes dont les plus remarquables sont matérialistes.

§2 : Les doctrines matérialistes ou positivistes

Les doctrines matérialistes rejettent toute idée de droit naturel, toute métaphysique juridique.
Pour celles-ci, tout le droit est contenu dans la réalité positive.
Le fondement du droit d’après ces écoles c’est la recherche de l’ordre et de la discipline. Le
droit ne doit pas se préoccuper des valeurs, mais se contenter, de faire régner l’ordre et la
discipline au besoin par la force. On les regroupe en écoles historique, formaliste et
sociologique. Mais l’appellation la plus utilisée est celle d’école positiviste.

Il est difficile de définir le positivisme, mais on peut le caractériser. La doctrine positiviste est
en effet celle qui rejette toute métaphysique juridique, toute justice transcendante et toute idée
de droit naturel. Pour elle, le droit est contenu dans la réalité positive, dans les sources
positive. Il dérive de l’expérience, de la contrainte étatique ou de la masse des faits sociaux.
On distingue plusieurs formes de positivisme : le positivisme juridique, le positivisme
scientifique, le positivisme sociologique.

16
17

A : Le positivisme juridique

Le positivisme juridique est la doctrine qui ne reconnaît de valeur qu’aux seules règles
édictées par l’Etat ou les instances de décision. Il assimile le droit aux lois et règlements, mais
s’ils sont injustes. Elle réduit tout le droit aux règles en vigueur à une époque donnée et dans
un Etat donné, sans se préoccuper de savoir si elles sont justes ou non. Le droit apparaît alors
comme une discipline autonome qui s’identifie à la volonté de l’Etat dont il est l’expression.
Il ne saurait donc y avoir de conflit entre le Droit et l’Etat qui en est la source unique et dont
l’évolution et les mutations entraînent des variations correspondantes du droit. Le droit se
réduit à un phénomène étatique et souvent à l’arbitraire du pouvoir ou à la politique de la
force. Cette doctrine fut incarnée par tous les auteurs de tendance absolutiste (Jean Bodin
(XVIè ) théoricien de la monarchie absolue, Bossuet (VIIè) chantre du pouvoir des rois
ont lié le droit à la souveraineté monarchique, tout en soumettant celles-ci au respect des
lois divines et naturelles. Machiavel au contraire a soutenu avant eux que l’Etat et le
droit positif ne sont nullement soumis au droit naturel ni à la morale et que, dès que
l’intérêt de l’Etat est en cause, le prince ne doit pas hésiter sur les moyens que le succès
justifie a posteriori. Hobbes ensuite , associa la notion de contrat social et celle de
pouvoir absolu : par l’effet d’un contrat social destiné à garantir l’ordre, les hommes
reconnaissent le pouvoir de légiférer à un monarque absolu dont les lois ne peuvent
qu’être justes parce que destinées à l’intérêt général, même si elles sont contraires à la
volonté divine).

Le positivisme étatique fut ensuite affirmé au XIXè siècle dans l’œuvre de HEGEL. Tentant
de réconcilier les contradictions de l’histoire et l’unité de la raison et de résorber
l’opposition du réel et de la pensée par la dialectique, il chercha à identifier le rationnel
et le réel : pour lui, ce qui est rationnel est réel et ce qui est réel est rationnel. Il se réfère
à une société qui transcende radicalement les valeurs de l’individualisme libéral et
s’accomplit dans le culte de l’Etat. C’est ainsi qu’il consacra la suprématie de l’Etat et
expliqua le droit par le fait accompli et la force, le droit s’identifiant à l’Etat. De même le
juriste allemand Ihering voyait dans l’Etat la seule source du droit ; s’attachant à la contrainte
inhérente à la règle de droit, il ne reconnaissait que le droit positif dont l’Etat peut imposer le
respect.

17
18

Plus près de nous il est affirmé dans l’œuvre de Hans KELSEN créateur de l’école
normativiste. Dans un ouvrage intitulé théorie pure du droit, il pose que la validité du droit
positif est indépendante de son rapport avec toute idée de justice. Pour lui, s’interroger sur le
contenu du droit, se demander si le droit positif est conforme à la nature des hommes et des
choses , c’est la tache des sociologues des philosophes, des moralistes, mais pas des juristes.
Pour lui, l’objet propre de la science du droit est l’étude de la norme considérée sous l’angle
de la forme. Ainsi, le droit détaché de toute substance étrangère apparaît à l’état pure comme
une science normative ayant pour objet le devoir être par opposition aux sciences explicatives
qui s’appliquent à l’être. Comme tous les autres auteurs positivistes, Kelsen soutient que tout
droit est d’essence étatique.

Le positivisme juridique a eu une très grande influence chez plusieurs juristes, qui
généralement se contentent d’analyser les règles de droit contenues dans les sources positives,
sans les confronter à la réalité ou se demander si elles sont imprégnées de valeurs. Leur rôle
se limite bien souvent seulement à exposer ce qui est valable selon le droit positif sans se
soucier de savoir si la norme est opportune. (c’est pratiquement la règle chez les auteurs
camerounais).
La doctrine est utile car, elle permet de savoir exactement quel est le contenu du droit d’un
pays. Elle met le droit à la disposition des citoyens. Pourtant cette doctrine est dangereuse.
Sans doute justifie t-elle, la construction de l’ordre et la discipline, mais elle est dangereuse
car, elle peut légitimer les pires abus et les plus atroces excès, l’arbitraire, le mépris de
l’homme, toutes les barbaries et toutes les injustices. Elle peut fonder les totalitarismes les
plus sanguinaires.

B : Le positivisme scientifique.

L’école du positivisme scientifique soutient l’idée selon laquelle le droit est un produit de
l’histoire. Il exprime l’esprit, l’âme des nations et reflète l’évolution des peuples. Il est le
produit des forces intérieures et silencieuses, mais ne procède pas d’une idée immuable et
universelle du juste. Cette thèse a très tôt été défendue par l’école historique allemande avec
comme chef de file Savigny.

Dans la même logique, Jeremy Bentham soutient que le droit procède largement de
l’économie. Mais c’est surtout avec la pensée de Marx, d’Engels et de leurs disciples que

18
19

l’importance du facteur économique dans la production du droit a été soutenue. Le droit


positif y apparaît comme l’expression des intérêts économiques de la classe dominante, des
capitalistes dans les sociétés bourgeoises et du prolétariat quand il aura établi sa dictature.
Cette thèse a du mal à s’imposer en droit positif. Si les liens entre l’économie et le droit sont
indiscutables, ils ne suffisent pas à la pensée juridique et ne rendent pas compte à eux seuls du
phénomène juridique ; celui-ci n’ignore ni les antagonismes ni les rapports de force, mais il ne
se réduit pas à eux et comporte aussi des rapports de coopération et de convergences
d’intérêts.

C : Le positivisme sociologique

D’après cette théorie, le droit se réduit au droit positif tel qu’il existe à un moment donné,
dans un Etat donné, la règle de droit se dégageant des faits sociaux. Selon cette école, le droit
ne peut être une science car il procède essentiellement des phénomènes sociaux soumis au
déterminisme. La règle de droit découle des faits sociaux et non de la volonté des
gouvernants. C’est la conception défendue par Auguste Comte, puis par Spencer et surtout par
le sociologue français Emile DURKHEIM. Le lien entre le droit et la sociologie a été établi
par Léon DUGUIT.

Le mérite de l’école sociologique est de mettre en lumière la relativité du droit dans le temps
et dans l’espace ainsi que l’influence des faits sociaux. Mais, cette école a l’inconvénient de
limiter le droit à un reflet servile des faits, même les plus condamnables alors qu’il peut les
dominer, et de consacrer un déterminisme inquiétant et souvent inexact quand la volonté
humaine peut imposer ses choix.

Les fondements du droit positif étant identifiées, il est important de rechercher ses lieux
d’inscription ou sources positives.

19
20

Section 2 Les lieux d’inscription du droit objectif ou sources


positives
Elles désignent les lieux où on trouve les règles de droit. On les trouve dans les sourc es
formelles (Sous -Section 1) et sources non formelles (Sous -section 2).

Sous-section 1 : Les sources formelles du droit

Les sources formelles du droit sont les lieux d’inscription des règles élaborés par les corps ou
pouvoirs constitués de l’Etat (pouvoir législatif, exécutif et judiciaire. Ces sources sont dites
formelles parce qu’elles se présentent d’une certaine manière avec des exigences imposées .
Elles sont écrites en respectant des règles. Dans la catégorie, on range les textes (§1) et la
jurisprudence (§2).

§1 : Les textes
Les textes sont les sources du droit produites par les corps constitués de l’Etat. Ils sont variés
(A), et, entre eux, il existe une hiérarchie (B).

A. La variété des textes

Du fait de la souveraineté qui caractérise chaque Etat, les textes juridiques ne se conçoivent
que par rapport à leur application dans un Etat. Chaque pays a ses textes contenant du droit
qu’on classe en deux blocs. Les textes supra-législatifs (1) et les lois (2)

1. Les textes supra législatifs

Les textes supra-législatifs sont ceux qui ont une autorité supérieure à celle des lois. Dans
cette catégorie on range la Constitution, les traités et accords internationaux.

a. La constitution

La constitution est le texte de base de tout pays. Elle contient l’ensemble des règles destinées
à assurer, dans un pays, la dévolution et l’exercice du pouvoir. Elle indique les différents
pouvoirs qui gouvernent le pays et les rapports entre ces pouvoirs. Elle contient les principes

20
21

d’orientation de toute la vie juridique du pays dans tous les domaines. C’est le guide tous les
autres textes applicables dans le pays. Elle doit être respectée par tous les pouvoirs constitués
dans le pays. Chaque pays souverain à sa constitution. La constitution camerounaise actuelle
au sommet de la hiérarchie des normes internes est celle du 18 janvier 1996 (loi n° 96- 06 du
18 janvier 1996). Elle contient des dispositions relatives à l’existence, à la structure et au
fonctionnement des pouvoirs publics. Son préambule proclame l’attachement du peuple
camerounais à des principes et valeurs universelles contenus dans les textes protecteurs des
droits de l’homme comme la charte des nations unies, la charte africaine des droits de
l’homme et des peuples etc…
Toutes les lois doivent respecter la constitution et le Conseil constitutionnel est compétent
pour s’assurer du respect par la loi de la constitution avant son entrée en vigueur (art. 46 de la
constitution du 18 janvier 1996).

b. Les traités et accords internationaux

On désigne ainsi des textes négociés et adoptés entre les Etats pour régler des questions qui
leurs sont communes. Ces conventions peuvent être multilatérales ou bilatérales. Les
conventions multilatérales sont des textes négociés et adoptés entre plusieurs Etats. La plupart
viennent des nations Unies et de leurs institutions spécialisées. Exemple : DUDH du 10
décembre 1948, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre
1966, le Pacte international relatif aux droits économiques sociaux et culturels du 16
décembre 1966, les conventions de l’OIT. D’autres sont sous régionales : La Charte africaine
des droits de l’homme et des peuples (1981. Nairobi), le traité fondateur de l’OHADA (1993 à
Maurice).
Les conventions bilatérales sont des accords conclues entre deux Etats.
Les traités et accords internationaux occupent une place intermédiaire entre la Constitution, à
laquelle ils ne doivent pas être contraires et les lois internes qui doivent leur être conformes. Il
faut signaler que la suprématie conférée b. aux engagements internationaux ne s’applique pas
dans l’ordre interne aux dispositions ayant valeurs constitutionnelles.
Les traités et accords internationaux qui concernent le domaine de la loi ne prennent effet
qu’après avoir été approuvés par une loi et ratifiés par un décret du Président de la république
(Art. 43) (le texte est silencieux sur les traités et accords portant sur le domaine du règlement).
S’ils contiennent une clause contraire à la Constitution, l’autorisation de ratification ou

21
22

d’approbation ne peut intervenir qu’après la révision de la constitution (art. 44 de la


constitution du 18 janvier 1996).
Les traités ou accords internationaux régulièrement approuvés et ratifiés ont, dès leur
publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve pour chaque accord ou traité
de son application par l’autre partie.
Une des applications des traités est le droit uniforme OHADA.
Le droit uniforme est celui qui aujourd’hui résulte des actes uniformes adoptés par les Etats
membres de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires. Ces textes
se substituent au droit national et permettent aux Etats membres d’avoir une législation
identique : ce qui élimine les conflits de lois dans les domaines harmonisés.

2. Les lois

Au sens large, la loi désigne tout texte de portée générale, impersonnelle et obligatoire
émanant de l’autorité publique. Par autorité publique, il faut entendre le parlement ou le
gouvernement. Ce sens large nous permet de préciser la notion constitutionnelle de loi qui
rassemble en réalité des textes de nature et de portée très différentes. Il englobe la loi au sens
strict (a), les ordonnances (b) et les règlements (c).

a. La loi au sens strict

La loi au sens strict est un texte de portée générale, impersonnelle et obligatoire votée par le
parlement dans les matières réservées par la constitution au domaine de la loi. Le texte soumis
au vote du parlement et qui deviendra la loi, peut émaner du parlement lui-même ou du
gouvernement (Article 25 de la Constitution du Cameroun). Lorsqu’il émane du parlement on
l’appelle proposition de loi ; lorsqu’il émane du gouvernement on l’appelle projet de loi. Il
devient une loi lorsqu’il est voté par le parlement (Assemblée nationale et Sénat) et
promulgué par le Président de la république. La Constitution du Cameroun (comme la plupart
des Constitutions), précise le domaine de la loi autrement dit des matières qui ne peuvent être
organisées que par un texte de loi. Il en est ainsi des garanties et obligations fondamentales du
citoyen (sauvegarde des libertés individuelles, le régime des libertés publiques, le droit du
travail, le droit syndical, le régime de la protection sociale, les devoirs et obligations du
citoyen en fonction des impératifs de la défense nationale), les statut des personnes et des

22
23

biens (nationalité, état et capacité des personnes, les régimes matrimoniaux les successions et
libéralités), l’organisation politique, administrative et judiciaire (régime de l’élection à la
présidence de la république, à l’AN au Sénat et aux assemblées régionales et locales et le
régime des consultations référendaires ; le régime des associations et partis politiques, les
règles générales d’organisation de la défense nationale ; l’organisation judiciaire et la création
des ordres de juridiction, la détermination des crimes et délits et l’institution des peines de
toutes nature, la procédure pénale, la procédure civile, les voies d’exécution, l’amnistie) ; Les
questions financières et patrimoniales suivantes (le régime d’émission de la monnaie, le
budget, la création des impôts, taxes et la détermination de l’assiette, du taux et des modalités
de recouvrement de ceux-ci, le régime domanial foncier et minier, le régime des ressources
naturelles) ; la programmation des objectifs de l’action économique et sociale ; le régime de
l’éducation.
Cette liste est limitative et toutes les matières qui ne relèvent pas du domaine de la loi sont
organisées par les règlements (au Cameroun, article 27 de la Constitution).

b. Les ordonnances

Les ordonnances sont des textes de portée générale, impersonnelle et obligatoire pris par le
Président de la République sur habilitation du parlement dans les matières qui relèvent du
domaine de la loi. Celles-ci entrent en vigueur dès leur publication par le Président de la
République. Elles sont déposées sur le bureau de l’Assemblée nationale et du Sénat aux fins
de ratification dans un délai fixé par la loi d’habilitation. Elles ont valeur de règlement tant
qu’elles n’ont pas été ratifiées. Elles ont valeur de loi une fois ratifiées. Elles demeurent
vigueur tant que le parlement n’a pas refusé de les ratifier.

c. Les règlements

Un règlement est un texte de portée générale impersonnelle et obligatoire émanant du pouvoir


exécutif, c’est-à-dire du Président de la République, du Premier Ministre, des membres du
gouvernement et des autorités administratives, dans le domaine du règlement. Dans cette
catégorie on range les Décrets, les arrêtés et les circulaires.
Les décrets sont les textes les plus élevés dans la hiérarchie des règlements. Ils sont de la
compétence exclusive du Président de la République et du Premier ministre. Exemple Décret
fixant le montant du SMIG.

23
24

Les arrêtés sont des textes hiérarchiquement inférieurs aux décrets. Les arrêtés qui émanent
aussi bien du Président de la République, le Premier Ministre, les Ministres, gouverneur,
préfets, sous-préfets et maires. Les arrêtés facilitent l’application des lois.
Les circulaires sont des textes par lesquels les autorités administratives donnent des
instructions à des fonctionnaires et agents de l’Etat pour le fonctionnement du service.
Entre ces différents textes juridiques, il existe une hiérarchie.

B. La hiérarchie des textes juridiques

Les textes juridiques n’ont pas la même importance dans la vie d’un pays. Entre ceux-ci, il
existe une hiérarchie qu’il faut présenter (1) avant de se préoccuper des garanties ou
techniques qui permettent d’en assurer le respect (2).

1. Présentation de la hiérarchie textes juridiques

Les différents textes juridiques d’un Etat souverain se situent les uns par rapport aux autres
dans un ordre hiérarchique suivant la pyramide de Hans KELSEN.
Dans son ouvrage Théorie pure du droit, Hans Kelsen affirme que le droit d’un Etat est un
système hiérarchisé, dans lequel les normes inférieures respectent les normes supérieures.
Au sommet de la hiérarchie des normes dans un Etat se trouve la Constitution, les lois
constitutionnelles et les lois référendaires qui ont un objet constitutionnel.

La première question qui vient à l’esprit est celle de savoir comment se situent les tra ités
internationaux par rapport à ces textes constitutionnels. Sur cette question très complexe qui
oppose les spécialistes, nous allons nous limiter à l’exposé des grands principes de solutions.

En ce qui concerne les traités internationaux stricto sensu , le principe est que leur efficacité
est subordonné à leur ratification ou approbation et à leur publication. Mais il faut faire
observer que la ratification ou approbation du traité est subordonné à la conformité de celui-ci
à la constitution. Cela implique certes, que celle-ci peut être modifiée en considération de
l’acte international ; mais cela signifie qu’aucune ratification n’est possible tant que la
révision n’est pas opérée. En clair, le texte constitutionnel contraire au traité s’oppose à la
ratification de celui-ci, ce qui marque la prééminence de la constitution.

24
25

Les actes uniformes qui procèdent des traités s’insèrent directement dans l’ordre juridique
interne et y figurent au même titre que les traités. Ils doivent de ce fait être regardés comme
supérieurs à la loi dans ses diverses composantes.

Après ces textes viennent les lois qui sont supérieures aux ordonnances non ratifiées , elles-
mêmes supérieures aux décrets qui sont supérieurs aux arrêtés, eux même supérieurs aux
circulaires et autres notes de services.
Pour faire respecter cette hiérarchie les systèmes juridiques ont prévu des garanties ou
techniques.

2. Les garanties ou techniques de respect de la hiérarchie des textes juridiques

Le législateur a prévu des techniques permettant d’assurer le respect de la hiérarchie des


normes juridiques.
Dans l’ordre international, les traités ne sont ratifiés que s’ils sont conformes à la constitution,
ou à la suite de la modification de la constitution.
Dans l’ordre interne, trois techniques sont utilisées en fonction de la place du texte dans la
hiérarchie: le contrôle de la constitutionnalité des lois (a), le contrôle de la conventionalité des
lois (b) et le contrôle de la légalité des règlements (c).

a. Le contrôle de la constitutionnalité des lois

C’est le mécanisme juridique qui permet de s’assurer que les lois respectent la Constitution.
Ce mécanisme est prévu par la Constitution. La procédure de contrôle est essentiellement
préventive au Cameroun et se fait avant la promulgation de la loi, car une fois promulguée, la
loi doit être simplement appliquée. Par celle-ci, le Président de la République, le Président du
Sénat, le Président de l’Assemblée nationale, un tiers des députés, un tiers des sénateurs,
saisissent le Conseil constitutionnel avant la promulgation de la loi pour qu’il se prononce sur
sa conformité à la constitution. La promulgation du texte est suspendue jusqu’à cette décision.
Une fois qu’un texte de loi est promulgué dans certains pays, le contrôle n’est plus possible.

25
26

b. Le contrôle de la conventionalité des lois


Ce mécanisme juridique permet de s’assurer que lois respectent les conventions
internationales ratifiées. C’est un contrôle essentiellement juridictionnel. Tout citoyen au
cours d’une instance judiciaire peut de demander au juge de faire respecter une convention
internationale par les lois. Si le juge se rend compte que la loi viole la convention, ou que la
loi est contraire à la convention, il va appliquer la convention plutôt que la loi.

c. Le contrôle de la légalité des règlements


C’est un mécanisme juridique permettant d’assurer le respect des lois par les règlements. Il
vise à préserver la supériorité de la loi par rapport aux règlements. Il a été institué parce que
tous les règlements se trouvent dans une position subordonnée à la loi. Les particuliers ont la
charge de faire respecter cette subordination. Ils disposent pour cela de deux moyens : le
recours en annulation pour excès de pouvoir dit contrôle par voie d’action et l’exception
d’illégalité dit contrôle par voie d’exception.

Le recours en annulation dit contrôle par voie d’action tend à obtenir l’annulation d’un décret
ou d’un arrêté qu’on estime contraire à une loi. Il est ouvert à toute personne qui a un intérêt à
agir. Il s’exerce devant les juridictions administratives. Si le juge administratif estime que le
texte est illégal il prononce sa nullité. Le texte annulé est réputé n’avoir jamais existé, et cela
à l’égard de tous : aussi bien pour celui qui a exercé le recours que pour tous les autres
particuliers.

Le contrôle par voie d’exception encore appelé exception d’illégalité, permet aux citoyens de
se défendre individuellement contre l’application d’un jugé contraire à la loi. Le particulier
poursuivi sur la base d’un Décret ou d’un arrêté qu’il estime illégal demande au juge ne pas le
lui appliquer. Cette exception d’illégalité ne profite qu’à celui qui l’invoque. Elle est
utilisable tant que le texte est illégal. Elle peut être directement appréciée par le juge
administratif ou pénal. Elle ne peut directement être appréciée par le juge civil que si le
règlement illégal porte atteinte à un droit f ondamental de la personne telle une liberté
fondamentale ou la propriété. En dehors de cette hypothèse, elle constitue une question
préjudicielle (préalable à tout jugement) qui oblige le juge civil à surseoir à statuer en
attendant que la juridiction administrative se prononce sur la légalité du texte. Dans tous les
cas, l’illégalité constatée par le juge a pour effet non d’annuler le règlement, mais simplemen t
de le rendre inapplicable au justiciable concerné. (Il faut néanmoins signaler que la Cour de

26
27

cassation a décidé que dès que le juge administratif a déclaré l’illégalité d’un texte
règlementaire même à l’occasion d’une autre instance, cette décision s’impose au juge civil
qui ne peut faire application du texte illégal réputé n’avoir jamais existé : Civ. 1 ère , 2 juin
2004, à paraître au bull. Com. 26 avril 2000, Bull. civ. IV n° 85 ; soc. 18 juin 1986, Bull. civ.
V n° 316).

§2 : La jurisprudence

La jurisprudence désigne l’ensemble des décisions rendues par les juridictions sur des
questions juridiques. C’est l’œuvre de production du droit positif accomplie par les juges.
Lorsqu’on parle de jurisprudence, on vise surtout les décisions des cours suprê mes. La
jurisprudence revêt une importance pratique considérable parce que c’est elle qui fixe le sens
et la portée de la règle de droit. Il existe une jurisprudence internationale produite par les
juridictions internationales comme la CIJ, la Cour pénale internationale et une jurisprudence
interne, propre à chaque Etat.
Pour étudier la jurisprudence d’un pays il faut connaitre son organisation judiciaire. Notre f or
étant le Cameroun, nous étudions l’organisation judiciaire du Cameroun (§1) et avant la
présentation des fonctions de la jurisprudence (§2).

La jurisprudence assume trois fonctions essentielles : l’interprétation, l’adaptation et la


suppléance de la loi.

La fonction d’interprétation est la plus évidente : la jurisprudence assure le passage de la


règle abstraite aux cas concrets en en définissant le sens et la portée. En fait, hormis les cas où
la loi est si claire et précise qu’il suffit de l’appliquer, le juge doit, le plus souvent, se livrer à
un travail de définition des composantes de la règle qu’elle. Ainsi par exemple dans le cas de
l’article 1382 selon lequel « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage,
oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer », il est indispensable que le juge
détermine quels faits peuvent être qualifiés fautes, quel lien il existe entre la faute et le
dommage, quelles sortes de dommages donnent lieu à réparation.
La fonction d’interprétation est nécessaire parce que la loi a ordinairement recours à des
notions générales, standard, notions cadres et autres directives. Ce qui oblige le juge à ajouter
à la loi des précisions indispensables à son application.

27
28

La fonction d’adaptation permet à la jurisprudence de faire correspondre les textes de loi à


l’évolution de la société. Le problème ici n’est pas le silence du législateur, mais le caractère
sommaire ou dépassé de l’expression de sa volonté. Le juge adapte alors la loi en
considération des besoins de la société et il peut, pour cela, aller en dehors, voire contre les
textes. Ex : La déduction d’un principe général de responsabilité du fait des choses et plus tard
du fait d’autrui de l’article 1384 alinéa 1 er du Code civil.
La fonction de suppléance est celle qui permet au juge de trancher des litiges en l’absence de
texte ou de solution prévue par les textes. Elle découle de l’article 4 du Code civil qui dispose
que le juge qui refuserait de juger sous prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance
de la loi sera poursuivi comme coupable de déni de justice. Ce texte impose au juge de
trancher le litige en l’absence de texte. Ce faisant il crée le droit.

Sous-section 2 : Les sources non formelles du droit

Les sources non formelles du droit sont des lieux d’inscription de la règle de droit qui ne
respectent aucun formalisme, qui ne se présentent sous aucune forme précise. Dans cette
catégorie on range la coutume (§1) , la doctrine (§2), et les principes généraux de droit (§3).

§1 : La coutume

La coutume est une pratique de la vie sociale qui présente un caractère habituel et obligatoire
pour une communauté et qui, de ce fait, tend à se poser en règle de droit. Pour qu’une pratique
devienne une coutume, il faut que soient réunis deux éléments caractéristiques :
Un élément matériel qui consiste pour la pratique à être suivi de manière habituelle (c’est à
dire un comportement suivi de manière habituelle) : ainsi le fait pour la femme mariée de
porter le nom de son mari suppose que l’usage ait une ancienneté suffisante pour avoir permis
sa mise en œuvre.
Un élément psychologique. Qui consiste pour les membres de la communauté, à considérer la
pratique comme obligatoire. On entend par là que l’usage doit être perçu comme un
comportement obligatoire par l’opinion commune. En d’autres termes, il faut que soit
constatée une croyance selon laquelle l’usage considéré est constitutif d’une règle de droit.

28
29

Il résulte de cet ensemble de considérations que la coutume correspond à une conduite dont la
nécessité et les effets juridiques sont spontanément reconnus par les sujets de droit sans le
secours d’un texte obligatoire.
Pour qu’une pratique devienne une coutume, il faut qu’elle soit exprimée sous forme générale
et impersonnelle, qu’elle bénéficie d’une certaine notoriété (un comportement clandestin ne
saurait créer une coutume) et qu’elle ait un caractère obligatoire.

A. Les fonctions de la Coutume

La coutume seconde, supplée ou contredit la loi


La coutume seconde la loi lorsqu’elle s’applique en vertu des prescriptions de la loi.
Ainsi, il est référé aux usages (à la coutume) pour compléter ou interpréter les contrats :
On parle de coutume secundum legem. Il en ainsi de l’article 1134 alinéa 3 du Code civil
qui demande que les contrats soient interprétés en tenant compte des usages. On parle de
coutume secundum legem.

La coutume supplée la loi en cas de silence du législateur : on parle de coutume praeter


legem. (Hypothèse devenu rare du fait de l’intervention régulière de la jurisprudence).

La coutume peut contredire la loi : on parle de coutume contra legem. Il en est ainsi
lorsqu’une pratique résiste à la loi : Par exemple le mariage polygamique a résisté à tous
les textes coloniaux. Il en est de même de la dot.

B. Le rayonnement de la coutume

L’importance de la coutume varie selon les branches du droit. En droit international


public, elle est source de droits et d’obligations pour les Etats expressément envisagée à
l’article 38-2 du statut de la Cour internationale de justice
En droit commercial, la coutume a joué et continue à jouer un rôle central. Ainsi le
compte courant entre les banques et leurs clients est soumis à des règles qui ont été
élaborées par l’usage du commerce. De manière générale, le droit commercial réserve une
place importante aux sources professionnelles, en particulier aux normes élaborées par des
organismes de caractère corporatif, par exemple les usages de place ou parères notamment

29
30

en matière bancaire ou financière (parères attestations délivrées par les chambres de


commerce pour prouver un usage). Elle ne joue aucun rôle en droit pénal.

§2 : La doctrine

La doctrine désigne les opinions émises par les auteurs dans les travaux juridiques au
cours desquels ils proposent des solutions aux problèmes juridiques qui se posent dans la
société ( des travaux des auteurs consacrés à l’étude du droit). C’est l’œuvre de production
du droit par les auteurs.

La doctrine explique, interprète le droit objectif et propose des solutions nouvelles,


suggère des améliorations. Le rôle de la doctrine est aussi prospectif car elle met en
lumière les défaillances de l’ordre juridique et propose des voies et moyens pour y
remédier.
Elle se manifeste par des œuvres de nature et de formes variables. Les travaux de doctrine
se trouvent les traités, les ouvrages généraux, les ouvrages spécialisés, les manuels, les
articles, les notes et chroniques.
Plusieurs solutions juridiques ont été proposées par les auteurs, avant d’être utilisée par la
jurisprudence. Ainsi : il est permis de faire observer que c’est Georges Ripert qui a construit
la théorie de l’abus du droit ; Citer quelques noms célèbres : Ripert, Planiol, etc…Goldman a
construit la distinction garde de structure garde de comportement en matière du fait des
choses ; c’est également la doctrine qui a construit la théorie du risque en matière de
responsabilité civil ; elle a également proposée la distinction obligation de moyens obligations
de moyens et obligation de résultat en matière de responsabilité contractuelle.
Sources d’inspiration.

§3 : Les principes généraux du droit

Les principes généraux du droit ne sont pas des principes naturels ou surnaturels qui seraient
extérieurs à l’ordre juridique positif ; ils en font partie intégrante. Ce sont des règles de droit
objectif exprimés ou non dans les textes, qui font partie du patrimoine juridique commun et
que la jurisprudence applique régulièrement. Ils sont apparus en droit international public
dans le statut de la Cour internationale de justice annexé à la charte des nations unies.
L’article 38 de ce statut reconnaît comme sources du droit les principes généraux du droit

30
31

reconnus par les lois des nations civilisés. Les excès de la seconde guerre mondiale ont
conduit le Conseil d’Etat français à reconnaître dans le principe des droits de la défense
l’existence d’un principe d’un principe général du droit applicable même en l’absence d’un
texte. La cour de cassation française avait déjà reconnu que la répétition de l’indu dérivait
d’un principe d’équité qui défend de s’enrichir aux dépends d’au trui sans cause, mais qui
n’avait été réglementé par aucun texte. C’est à une époque récente que les auteurs ont, le plus
souvent, appelé l’attention sur l’existence de principes généraux du droit. La voie a été
ouverte à travers le droit public. L’article 38 du statut de la Cour internationale de justice f ait
figurer « les principes généraux du droit reconnus par les nations civilisés » parmi les sources
du droit applicables à la Cour. Dans l’ordre interne, l’importance des principes généraux s’est
d’abord affirmée en droit public, surtout lorsque le Conseil d’Etat s’est fondé sur « des
principes généraux du droit applicables même en l’absence d’un texte ». C’est ainsi qu’il a
reconnu une existence propre au principe du respect des droits de la défense. On cite
également le principe de l’égalité des citoyens devant les charges publiques.
Révélés par le droit public, les principes généraux ne cessent de se multiplier. En la forme, ils
s’expriment par des maximes ou des adages souvent transmis en terme latin. Certains ont été
relayés par des textes il en est ainsi de l’article 2279 du Code civil qui dispose : « en f ait de
meubles possession vaut titre », d’autre ont subsisté sans texte (ex accessorium sequitur
principale : l’accessoire suit le principal). Sur le fond ils peuvent correspondre à des
aspirations variés. Tandis que certains tendent à assurer une certaine cohésion de l’ordre
juridique (ex error communis facit jus : l’erreur commune crée le droit), d’autre se rattach ent
à des valeurs morales ou d’équité.

Le droit objectif ayant été appréhendé grâce à son identification, ses fondements et ses
sources il nous paraît important de nous intéresser à sa réalisation.

31
32

Titre 2 : La réalisation du droit objectif

La réalisation du droit c’est sa mise en œuvre effective. Celle du droit objectif fait apparaître
deux préoccupations majeures : son application (Chapitre 1) et son interprétation (Chapitre 2).

Chapitre 1 : L’application du droit objectif

Appliquer le droit c’est objectif, c’est l’utiliser pour résoudre les problèmes de la société et de
ses membres. Le droit s’applique lorsqu’il entre en vigueur.
Il est donc important de considérer son entrée en vigueur (Section 1) avant les modalités de
son application (Section 2).

[Le droit objectif s’applique dans le temps (Section 2) et dans l’espace (Section 3). Mais
au préalable il doit entrer en vigueur (Section 1). Il est important de distinguer l’entrée
en vigueur du droit objectifs d’abord (section 1), l’application du droit dans le temps
(Section 2) et dans l’espace. L’application du droit objectif dans l’espace relève du droit
international privé qui sera étudié plus tard].

Section 1 : L’entrée en vigueur du droit objectif

Lorsqu’une règle de droit est élaborée, elle devient obligatoire à partir de son entrée en
vigueur. Les modalités d’entrée en vigueur de la règle de droit dépendent de ses sources.
(Le droit objectif qui entre en vigueur c’est la règle de droit posé et inscrite dans les sources
positives. Cette règle entre en vigueur lorsqu’elle devient obligatoire).
Les règles posées par la jurisprudence entrent en vigueur au moment où la décision est
rendue. C’est-à-dire que la rège créée par le juge s’applique immédiatement au cas qu’il est
entrain de trancher ou qui l’a obligé à créer la règle. On dit que la jurisprudence est
d’application immédiate et qu’elle est rétroactive par nature.
Par contre les conditions d’entrée en vigueur des textes varient selon qu’il s’agit d’un texte
international ou d’un texte interne.
Les textes internationaux entrent en vigueur dans un pays à partir de la date de leur
ratification.

32
33

Dans l’ordre interne, l’entrée en vigueur d’un texte varie selon qu’il s’agit d’un règlement ou
d’une loi au sens strict.
Les règlements qui sont l’œuvre du pouvoir exécutif entrent en vigueur dès l’instant de leur
publication et sont exécutoires par nature.
Par contre, les lois n’entrent pas en vigueur du seul fait qu’elles ont été votées par le
parlement. Elle doit respecter des conditions d’entrée en vigueur (§1). Dès qu’elle entre en
vigueur, la loi acquiert une force obligatoire (§2).

§1 : Les conditions d’entrée en vigueur de la loi


La loi est un texte de portée générale, impersonnelle et obligatoire voté par le parlement.
Contrairement aux règlements qui entrent en vigueur dès leur publication, les lois entrent en
vigueur à deux conditions : lorsqu’elles ont été promulguées et publiées.
La promulgation est l’acte par lequel le Président de la république permet à une loi votée par
le parlement d’accéder à la vie juridique. L’opération de promulgation consiste en
l’attribution d’un numéro et d’une date à la loi. Le pouvoir de promulguer les lois appartient
selon l’article 8 alinéa 5 de la Constitution au Président de la république. D’après l’article 31
de la constitution, il doit le faire dans un délai de 15 jours à compter de leur transmission par
le Parlement. Il peut demander une seconde lecture de la loi ou saisir le conseil constitutionnel
pour qu’il se prononce sur sa constitutionnalité.

Si le Président de la république ne promulgue pas la loi dans ce délai (15 jours) et ne formule
pas de demande de seconde lecture ou ne saisit pas le Conseil constitutionnel, le président d u
Sénat, (de l’Assemblée nationale), après avoir constaté cette carence, peut promulguer la loi
en ses lieux et place

La promulgation se fait par un Décret dit de promulgation aux termes duquel le Président de
la République ordonne l’exécution de la loi. Ce Décret outre l’authe ntification de la loi,
précise sa localisation dans le temps. En ef fet, la loi est datée du jour du Décret et porte en
outre un numéro d’ordre qui est fixé par celui-ci : par exemple, loi n° 92/007 du 14 août 1992
portant Code du travail.

Mais la date de promulgation de la loi ne fixe pas le moment de son entrée en vigueur.
L’entrée en vigueur est subordonnée à une autre formalité : la publication, opération par
laquelle la loi est portée à la connaissance des citoyens. Au Cameroun elle se fait au journal

33
34

officiel en français et en anglais (art. 31 al. 3 de la Constitution). Cette publication permet aux
citoyens d’être informée de l’existence et du contenu de la loi qui est appelée à régir leur
comportement.

Une difficulté peut naître de ce que le texte publié par le journal officiel se trouve entaché
d’inexactitude. La pratique s’est instituée de faire paraître un rectificatif (dit erratum, au
pluriel : errata) corrigeant l’erreur ou l’omission qui affectait le texte publié. La question est
de savoir quelle est la valeur de tels rectificatifs. Pour répondre il faut distinguer deux
situations. Si le rectificatif se borne à corriger une erreur matérielle, suffisamment apparente à
la seule lecture du texte, il doit en être tenu compte. Si au contraire l’erreu r n’était pas
apparente et l’erratum modifie le sens du texte publié, la jurisprudence subordonne l’efficacité
du rectificatif à sa conformité au texte originaire.

Reste la question de savoir quelle est la date d’entrée en vigueur de la loi . Si la publication
est une condition d’efficacité des textes soumis à cette formalité, cela ne signif ie pas que la
date de leur entrée en vigueur coïncide nécessairement avec celle-ci. Il en va même autrement
en principe. C’est que la finalité de la publication (permettre aux citoyens de prendre
connaissance du nouveau texte) impose qu’un certain temps s’écoule entre la date où elle
intervient et celle de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle.
La difficulté est réglée lorsque le texte fixe lui-même la date de son entrée en vigueur qui doit
nécessairement être postérieure à celle de publication. Ainsi le Code de procédure pénale a t-il
prévu un délai assez long qui a été repoussé au premier janvier prochain pour son entrée en
vigueur( ce qui permet à chacun, et en particulier aux juristes qui auront à l’appliquer de le
comprendre, d’en prendre la mesure exacte).
A défaut de disposition particulière, les solutions camerounaises qui datent de l’époque de
promulgation du Code civil français (art. 1 C. civ.) prévoient que le texte entre en vigueur un
jour francs après sa publication à la capitale ( c’est à dire le surlendemain à 0 h du jour de la
publication) et en région un jour francs après l’arrivée du journal officiel au chef lieu de
région.

Pour les textes ou les dispositions textuelles nécessitant des mesures d’application, l’entrée en
vigueur est reportée jusqu’à l’adoption de ces mesures.

34
35

Il faut faire observer qu’en cas d’urgence, les textes nouveaux entrent en vigueur dès leur
publication lorsque le Décret de promulgation le prescrit pour la loi, ou lorsque le
gouvernement l’ordonne par une disposition spéciale pour les autres actes.(radio, télé etc).

Une fois publiée la loi a une force obligatoire.

§2 : La force obligatoire de la loi

Dès lors que la loi est promulguée et publiée, elle devient obligatoire. Elle s’impose à tous
ceux qui sont sur le territoire. Ce caractère obligatoire de la loi est souligné par la maxime
« nul n’est censé ignorer la loi ». Elle signifie que dès lors qu’une loi a été promulguée et
publiée, une personne se trouvant sur le territoire de l’Etat ne peut invoquer son ignorance de
celle-ci pour se soustraire à son application. Cette maxime exprime une présomption de
connaissance de la règle de droit qui pèse sur tous les sujets de droit. Elle vise à assurer
l’application effective de la règle de droit par tous ceux qu’elle concerne. La présomption a
pour résultat que nul ne peut échapper à l’application de la loi sous prétexte de son ignorance
de celle-ci. Ainsi entendue, la présomption est générale : elle vaut pour toutes les règles de
droit quelque soit leur support formel : loi ou règlement. Elle est irréfragable : c’est à dire
qu’elle n’admet pas la preuve contraire (sauf erreur de droit : ainsi, celui qui commet une
erreur de droit concernant l’objet de l’engagement contractuel qu’il a souscrit, peut invoquer
son ignorance de la loi pour demander la nullité : ex : l’héritier qui cède ses droits dans une
succession, moyennant un prix déterminé en ignorant que la loi lui accorde dans cette
succession des droits supérieurs à ceux qu’il croit être les siens, peut demander l’annulation
de cette cession pour erreur de droit concernant sa propre prestation. La solution s’expl ique
par le fait qu’il ne s’agit alors en aucune façon de se soustraire à l’application de la loi. :
autrement dit, il ne sert à rien à celui qui s’y trouve soumis de faire la preuve qu’il n’avait
aucune connaissance de la règle).

Le principe nul n’est censé ignorer la loi qui vise à imposer l’application effective de la règle
de droit se situe dans la logique même de l’idée de droit. Celui-ci ayant pour finalité
d’organiser la vie en société, il va de soi que cette fin serait manquée ou au moins
compromise , si chacun pouvait, en ce qui le concerne, priver la loi d’effet en établissant qu’il
n’en a pas eu connaissance. C’est une exigence de sécurité publique, de prévisibilité et de

35
36

certitude des situations juridiques. Au surplus l’égalité des citoyens d evant la loi deviendrait
une règle sans portée.

Cette présomption importante apparaît finalement comme une règle qui ne s’appuie pas sur
des données réelles car, la connaissance de la loi pour certaines personnes demeure une
véritable illusion du fait que très peu de personnes sont au courant de l’existence d’un journal
officiel et de manière générale des lois publiées. De même la multiplication, la technicité et
parfois la mauvaise rédaction des lois ne les rend pas toujours accessibles aux citoyens. Seul s
les spécialistes par une étude approfondi des lois, domaine par domaine accèdent à la
connaissance de la loi et des règle de droit en général. Pour la plupart des citoyens la
présomption de connaissance de la loi est une véritable fiction.

Le principe de la force obligatoire de la loi entrée en vigueur souligné par la règle nul n’est
censé ignorer la loi, ne va pas sans nuances, comme le montre la distinction lois impératives
et lois supplétives.

Les lois impératives encore dites prohibitives sont celles qui ne peuvent en aucune façon
être écartées par les sujets de droit. Il en est ainsi des lois qui organisent le mariage, le
divorce, les congés payés en droit du travail, le repos hebdomadaire. Les lois impératives sont
celles qui sont porteurs des intérêts essentiels de la société. Elles sont d’ordre publics c’est à
dire par convention on ne peut y déroger. Et si tel est le cas, c’est parce qu’elles englobent les
principes et toutes les règles que le législateur juge essentiels pour le bon ordre de la société et
qui de ce fait, s’imposent au respect de tous.

Les lois supplétives dites encore interprétatives ou dispositives sont celles dont les
particuliers qui s’y trouvent soumis peuvent aménager l’application à leur guise et même
éluder l’application. Simples mode d’organisation commode, elles ne protègent que des
intérêts privés Ainsi par exemple, l’article 1651 du Code civil dispose que s’il n’a rien été
réglé à cet égard, l’acheteur doit payer au lieu et dans le temps où doit se faire la délivrance. Il
résulte de là que si, en principe l’acheteur doit payer le prix au moment de la livraison, les
parties restent libres de convenir d’autres modalités de paiement. La force obligatoire de la loi
n’est pas supprimée, elle est atténuée.
Malgré l’entrée en vigueur, l’application la loi ne s’applique pas automatiquement, elle est
soumise à des modalités d’application.

36
37

Section 2 : Les modalité d’application de la règle de droit

L’application de la règle de droit promulguée ou publiée tient compte de l’espace et du temps.


Dans l’espace, les lois et règlement, la jurisprudence et la coutume ne s’appliquent dans un
territoire bien délimité ou dans un espace bien. L’espace peut être un pays ou un groupe de
pays comme les pays membres de l’OHADA. L’application des lois dans l’espace relève du
droit international privé ou du droit international public.
Par contre les relations entre le droit et le temps sont complexes et vont être prise en compte
ici.
; On peut d’abord observer que le phénomène juridique se dé roule dans le temps, ce qui
contribue à en discerner les caractères par rapport au passé, à l’avenir, à l’avenir du passé. Il
arrive aussi que le droit s’efforce d’aménager le temps en appréhendant ses dimensions
fondamentales ( : le futur par l’anticipation, le passé par la rétroactivité, le présent etc…), en
établissant des mesures, par exemple en fixant des délais, ou en tenant compte de l’urgence.

Dans les rapports du droit et du temps, la question du changement du droit dans le temps
apparaît centrale et il est important de résoudre les difficultés qu’elle pose. Concrètement le
problème se pose de la manière suivante : lorsqu’une norme (loi, règlement etc.) est
remplacée (abrogée) par une nouvelle, il faut déterminer le domaine d’application de chacune
des deux normes : quels faits, quels actes seront régis respectivement par la loi ancienne et la
loi nouvelle ?

Ex : avant la promulgation de l’ordonnance du 29 juin 1981 organisant l’Etat civil et le


mariage au Cameroun, la reconnaissance des enfants adultérins était interdite. Depuis ce texte,
elle est possible. La question est de savoir si ce texte s’applique aux enfants nés à partir de
1981 ou si les enfants nés avant 1981 pouvaient se voir appliquer le nouveau texte.

Autre exemple : deux personnes concluent en 2019 un contrat de prêt de cinq ans moyennant
le paiement d’intérêts à 15% conformément à la loi en vigueur à cette date. Une loi du 09
octobre 2021 vient fixer à 10% le plafond au dessus duquel les taux d’intérêts sont considérés
et sanctionnés comme étant usuraires. Cette loi, bien que postérieure à la convention des

37
38

parties peut-elle permettre une sanction du taux d’intérêt de 15% convenu avant son entrée en
vigueur ?

Nouveau Code de procédure. Désormais juge d’instruction qui instruit : doit-il instruire les
affaires survenues à partir du 1 er janvier 2007 ou peut-il instruire les affaires avant 2007 et
non encore instruites ?

Il convient dans chaque cas, de savoir quelle est l’étendue exacte de l’application de la loi
nouvelle, et de rechercher si la loi antérieure ne conserve pas un certain empire, qu’il est
nécessaire de déterminer précisément. C’est le problème du conflit de loi dans le temps,
autrement dit, du droit transitoire.

Parfois, le législateur insère lui-même dans la nouvelle loi, des dispositions transitoires dont
l’objet est, justement de déterminer dans quelles conditions va s’opérer le passage –la
transition- du régime antérieur au nouveau régime et donc de préciser le champ d’application
de la loi nouvelle par rapport à la loi ancienne. Mais toutes les lois ne portent pas de telles
indications et même lorsqu’elles existent, elles ne résolvent pas toutes les difficultés.
Il reste donc nécessaire de définir selon quelles règles doivent être résolus en général, les
conflits de loi dans le temps. Le législateur a réglé la difficulté en posant un principe de non
rétroactivité des lois (§1) assorti de nombreuses exceptions (§2).

§1. Le principe de non rétroactivité des lois

Il est posé par l’article 2 du Code civil qui dispose, « la loi ne dispose que pour l’avenir ; elle
n’a point d’effet rétroactif ». D’après ce texte, une loi ne s’applique qu’à des faits commis
après son entrée en vigueur. Ce texte pose un principe général de non rétroactivité des lois qui
empêche qu’une loi nouvelle s’applique à des faits commis avant son entrée en vigueur. La
doctrine justifie ce principe par un souci de sécurité juridique et de préservation de l’ordre.

On estime en effet que remettre en cause les actes accomplis avant la loi nouvelle est sourc e
d’insécurité et de désordre : sur le plan individuel, le principe préserve la sécurité juridique en
protégeant les droits subjectifs contre l’intervention du législateur.
Le principe assure également l’ordre, car si on permettait la contestation d’actes accomplis
conformément au droit en vigueur, ce serait affaiblir de façon générale le respect des règles

38
39

légales. [La remise en cause du passé n’est pas toujours possible ; et même si elle l’était,
elle est socialement inopportune par les réactions en chaine imprévisibles qu’elle peut
entrainer et l’hostilité à la réforme qu’elle risque de durcir]

Cet important principe n’a cependant de valeur constitutionnelle qu’en droit pénal
(préambule de la constitution qui ne reconnait la valeur du principe qu’en se référant à
la matière pénale). Enoncé seulement dans une loi ordinaire (l’article 2 du Code civil), il
ne s’impose pas au législateur qui a toujours la faculté d’y déroger.
En revanche le principe s’impose au juge à titre de principe d’interprétation. Dans un
vieil arrêt du 7 juin 1901, la chambre civile de la Cour de cassation a posé : « le
législateur peut… déroger à la règle ordinaire de la non rétroactivité, en vue d’un intérêt
supérieur d’ordre public : mais s’il n’a pas manifesté nettement sa volonté en ce sens
dans la nouvelle loi, celle-ci doit être appliquée par le juge conformément à l’article 2 du
Code civil ».La jurisprudence a admis qu’il s’agissait d’une règle d’ordre public qui
peut être invoquée à tout état de la procédure et que les tribuna ux doivent appliquer
d’office même si aucun plaideur ne s’en est prévalu. Le moyen tiré de sa violation peut
être soulevé pour la première fois devant la Cour de cassation qui peut même le relever
d’office.
Le principe de non rétroactivité s’impose également aux autorités qui exercent le
pouvoir réglementaire. La jurisprudence administrative le tient en effet pour l’un des
principes généraux ayant valeur de règle de droit. Un règlement rétroactif est donc
entaché d’illégalité et sujet à annulation

Malgré son incontestable autorité, le principe de non-rétroactivité des lois admet néanmoins
des exceptions.

§2. Les exceptions


Les exceptions au principe de non rétroactivité des lois sont constituées des lois rétroactives,
et de l’application immédiate de la loi nouvelle aux situations contractuelles.

A. Les lois rétroactives


Les lois rétroactives sont celles qui s’appliquent à des faits commis avant leur entrée en
vigueur.

39
40

On les retrouve tout d’abord en droit pénal. Le principe en cette matière est que les lois
pénales plus douces ont un effet rétroactif. Les lois pénales plus douces sont celles qui
suppriment une infraction, ou diminuent une sanction. Elles d’application immédiate. Cette
exception (qui s’est vu reconnaître valeur constitutionnelle en France) se fonde sur une double
considération : d’une part, lorsque le législateur estime inutile de maintenir une sanction
sévère pour un comportement délictueux déterminé, il n’y a aucune raison de continuer à
l’appliquer à des délits antérieurs à la nouvelle loi ; d’autre part, le principe de non
rétroactivité de la loi pénale visant essentiellement la protection des libertés, il ne doit pas se
retourner contre ceux qu’il protège et doit donc être cantonné aux seules lois pénales plus
sévères.

En dehors du domaine pénal, le législateur peut pour un motif d’intérêt général suffisant
déclarer une loi expressément rétroactive.
Les lois directement rétroactives sont celles par lesquelles le législateur règle une situation
juridique donnée en lui conférant un effet pour le passé. Il doit alors déclarer cette loi
expressément rétroactive, ou au moins exprimer sa volonté de manière suffisamment claire
pour qu’aucune interprétation ne soit nécessaire. On peut citer en France la loi du 5 juillet
1985 relative à l’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation dont les articles 1 à
6 ont été déclarés applicables aux accidents ayant donné lieu à une action en justice introduite
avant la publication de la loi y compris aux affaires pendantes devant la Cour de cassation. Au
Cameroun les ordonnances de 1972 de triste mémoire. C’est une rétroactivité du fait de la
volonté du législateur.

Les lois interprétatives sont également rétroactives. Ce sont des textes qui viennent préciser le
sens d’un texte antérieur. Cette fonction d’interprétation leur confère une rétroactivité
naturelle : elle va s’appliquer aux faits antérieurement concernés par la loi interprétée, jusque
dans les instances en cours, parce qu’elle s’incorpore à cette loi en en révélant le sens exact.
Les lois interprétatives
Les lois de procédures sont des rétroactives. Ce sont des textes qui organisent le
fonctionnement des institutions ou des juridictions. Ils sont rétroactifs parce qu’ils visent le
bon fonctionnement des institutions, ou la bonne administration de la justice. Ainsi tout texte
créant une nouvelle juridiction, un nouvel organe institutionnel, ou instituant une nouvelle
procédure est d’application immédiat.

40
41

B. L’application immédiate de la loi nouvelle aux situations contractuelles

Une des exceptions au principe de non rétroactivité des lois est l’application immédiate de la
loi nouvelle aux effets à venir des situations contractuelles antérieurement constitué es. Cette
solution doit être distinguée de celle de la rétroactivité. Certes la situation contractuelle mise
en place avant la nouvelle loi se trouve modifiée, mais, elle ne l’est que pour l’avenir, c’est à
dire seulement à compter de l’entrée en vigueur de la loi. Au contraire, tous les effets qui se
sont produits avant ce moment restent intangibles, hors de portée de la loi. Ainsi par exemple
dans le cas où un prêt avait été convenu avant la loi de octobre 2011 comme précitée, avec
une stipulation d’intérêts à un taux supérieur à celui autorisé par cette loi, l’emprunteur peut
obtenir une réduction de sa dette pour les échéances postérieurs à l’entrée en vigueur de la loi.
En revanche, le prêteur n’est pas tenu de restituer une quelconque fraction des intérêts
afférents aux échéances antérieures.

Cette solution de l’application immédiate de la loi nouvelle aux situations contractuelles en


cours peut être expressément édictée par le législateur. Il en a incontestablement le po u voir,
plus nettement encore que celui de faire des lois rétroactives : lui seul en effet, est habilité à
définir les domaines de compétences attribuées aux volontés individuelles et à faire varier ces
domaines, au fil des temps, selon ce qu’il estime nécessaire. Mais, précisément, il est inutile
de rechercher pourquoi le législateur peut ainsi décider de déroger au principe de survie de la
loi ancienne et donc imposer sa volonté.
De façon générale, on peut considérer que cette décision procède du souci d’assurer
l’uniformité du régime applicable aux situations contractuelles considérées. Et il en va ainsi
notamment lorsque la loi nouvelle concerne les intérêts essentiels de la société, de nature
politique, économique ou sociale. Il paraît normal, en effet, que la nouvelle règle importante
pour la société, ne puisse être méconnue par certains au seul prétexte qu’une convention entre
particuliers a été conclue avant l’entrée en vigueur de la loi. Cet ordre de considérations
explique que l’application immédiate constitue la règle en droit public où se trouvent en cause
à la fois l’autorité de la puissance publique et les intérêts généraux du service public.
Parce qu’elle ne contredit en rien le principe de non rétroactivité, la solution de l’application
immédiate de la loi nouvelle aux situations contractuelles peut parfaitement être adoptée par
le juge alors même que la loi n’en dit rien. Tel fût le cas de nombre de grandes lois sociales
qui ont institués des droits nouveaux au profit des salariés.

41
42

Chapitre 2 : L’interprétation de la règle de droit

Interpréter la règle de droit c’est chercher à comprendre son sens en vue de son utilisation.
Il peut paraître a priori surprenant de parler d’interprétation de la règle de droit. Emanant du
Parlement ou du gouvernement ou encore du juge, ne doit-elle pas simplement être
appliquée ?
L’interprétation est pourtant une nécessité absolue en droit. En effet, l’application de la règle
de droit suppose que l’on recherche son exacte signification et que l’on détermine les
hypothèses qu’elle est appelée à régir. Pour qu’il y ait lieu à interprétation, il faut qu’on soit
en présence d’un texte qui n’est pas clair, car lorsqu’un texte est clair, on ne l’interprète pas,
on l’applique. Cette réserve n’a cependant pas empêché les juges de prendre des libertés avec
certaines dispositions des lois dont la clarté n’était pas douteuse. L’interprétation soulève
deux questions majeures : qui doit interpréter ? Selon quels procédés doit-on interpréter ? La
réponse à la première question permet de révéler les auteurs de l’interprétation (Section 1)
alors que la réponse à la seconde met en lumière les méthodes d’interprétation (Section 2).

Section 1 : Les auteurs de l’interprétation de la règle de droit

Qui doit interpréter une norme juridique ? lorsqu’un texte n’est pas clair , qui doit en préciser
le sens ?
De prime abord, il paraît naturel de reconnaître précisément le pouvoir d’interprétation d’une
règle de droit à l’autorité dont elle émane. Une formule latine exprime traditionnellement
cette idée : ejus est interpretari cujus est condere. De même qu’il appartient aux juges
d’interpréter leurs jugements à condition qu’ils ne soient pas frappés d’appel, de même
appartiendra t-il au législateur d’interpréter ses lois ou aux autorités administratives
d’interpréter leurs règlements. (référé législatif rejeté).

Cette correspondance des pouvoirs (des formes) n’est pas ignorée par notre système
juridique : il existe en effet des lois interprétatives destinées à préciser le sens des lois
antérieures. De même des accords interprétatifs remplissent cette fonction dans l’ordre
international.

42
43

De manière générale, dans notre système juridique ce sont principalement les tribunaux et les
cours qui ont reçu le pouvoir d’interpréter les lois et règlements. Ce pouvoir découle de
l’article 4 du Code civil qui dispose : « le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence,
de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi pourra être poursuivi comme coupable de déni de
justice ».
Ce texte oblige les juges à interpréter les lois pour les appliquer. Ils doivent faire l’effort
d’interprétation, même si la loi est totalement obscure.
Si l’interprétation judiciaire demeure aujourd’hui la principale filière de l’interprétation,
l’importance grandissante de l’administration a entrainé le développement d’une
interprétation administrative par exemple par voie de réponses ministérielles à des questions
écrites de parlementaires, surtout lorsque les particuliers impressionnés notamment par le fisc,
renoncent à formuler leurs prétentions devant les tribunaux . Encore faut-il préciser les
méthodes utilisées pour interpréter.

Section 2 : Méthodes d’interprétation

Plusieurs maximes d’interprétation permettent d’interpréter les textes législatifs ou


règlementaires. Mais trois méritent d’être particulièrement mises en exergue.
D’après la première, là où la loi ne distingue pas, l’interprète ne doit pas distinguer (Ubi lex
non distinguit, nec nos distinguere debemus). L’interprète n’est pas autorisé à écarter
l’application d’un texte conçu en termes généraux.
D’après la deuxième, specialia generalibus derogant. La règle spéciale déroge toujours à la
règle générale ; l’inverse est impossible : Generalibus specialibus non derogant.
D’après la troisième, la loi cesse là ou cessent ses motifs (cessante ratione legis cessat ejus
disposition).
A côté de ces maximes il existe plusieurs méthodes d’interprétation des normes juridiques.
L’exégèse est la première (§1) ensuite est apparue l’interprétation scientifique (§2).

§1 : La méthode exégétique

La méthode d’interprétation exégétique des normes juridiques a été à l’honneur au lendemain


du Code civil et pendant la plus grande partie du 19 ème siècle. Son principe est l’attachem ent

43
44

au texte, d’où le nom de l’«école de l’exégèse » qui a été donné aux commentateurs du Code
pratiquant cette méthode. Le succès de cette méthode au lendemain de la promulgation du
Code civil est une des conséquences de la révolution française qui a tenté de f aire de la loi,
expression de la volonté générale, l’unique source du droit ; de ce fait, le texte seul de la loi
devait fournir l’issue de toutes ses difficultés.

D’après cette méthode, pour découvrir le sens de la règle applicable, le premier rôle de
l’interprète consiste à préciser le sens que le législateur a attribué au texte, la portée de celui -
ci. Si le texte lui semble obscur ou incomplet, il doit en dégager le sens en recherchant quelle
a été ou aurait été la volonté du législateur, si son attention avait été attirée sur le point qui fait
difficulté. Dans cette recherche de la volonté du législateur qui confère à la méthode son
caractère psychologique, l’interprète emploiera deux sortes de moyens :
- Les précédents historiques lorsque la loi apparaît comme ayant été inspirée des textes
anciens ; on attachera une grande importance aux travaux préparatoires, c’est à dire aux
exposés des motifs des projets de loi, aux rapports présentés, aux procès verbaux des
discussions des commissions et assemblées qui ont préparé et voté la loi.
- A ces moyens, l’on ajoutera les procédés logiques qui tendent à rapprocher le droit
d’une science exacte. On s’efforcera de faire rendre au texte tout ce qu’il peut donner par une
interprétation littérale et logique, d’où l’emploi des arguments par analogie (l’argument a
pari ou d’analogie consiste à étendre une règle de droit régissant une situation à des
situations semblables. Ex : l’article 513 du Code civil permettait d’interdire au prodige
d’aliéner ou d’hypothéquer ses immeubles ; dans le silence de la loi et par analogie, les
tribunaux ont décidé que la constitution d’une servitude lui était alors interdite), a
contrario (une règle de droit étant subordonnée à des conditions déterminées, on en
déduit que la règle inverse est applicable lorsque ces conditions ne sont pas réunies.
Ainsi l’article 6 du Code civil disposant qu’« on ne peut déroger, par des conventions
particulières aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs », on peut en
déduire qu’il est possible de déroger par des conventions particulières aux lois qui
n’intéressent pas l’ordre public et les bonnes mœurs ) a fortiori (ou à plus forte raison
consiste à étendre une règle à un cas non prévu par l’autorité qui l’a édicté lorsque les
raisons sur lesquelles elle est fondée se retrouvent dans ce cas avec force accrue. Ainsi si
un texte interdit à un incapable de louer, il ne peut à plus forte raison vendre).

44
45

Dans cette méthode, l’on se servira de l’induction et de la déduction ; l’on envisagera les
solutions particulières données par le législateur dans un certain nombre de cas ; l’on en
déduira un principe général servant de fondement à toutes ces solutions, et du principe général
ainsi dégagé, l’on déduira de nouvelles applications particulières, qui n’ont donc pas été
formellement prévues par les textes, mais qui se rattachent à la lecture de la loi ou à son
esprit, ou même à son intention présumée.

La méthode de l’exégèse a eu un succès considérable. Elle a notamment donné lieu à des


commentaires du Code civil article par article ; mais elle a très rapidement révélé des limites
et suscité des critiques qui ont permis l’éclosion des méthodes scientifiques.

§2 : Les méthodes scientifiques

La conception développée par les tenants de l’école de l’exégèse comportait indiscutablement


des aspects positifs. En particulier, l’utilité des différents procédés d’interprétation qu’ils
avaient mis en valeur ne peut être niée car, ils demeurent la base de l’interprétation juridique.
En revanche, l’esprit qui animait leur mise en œuvre comportait des inconvénients.

Les insuffisances de la méthode exégétique ont été dénoncées. Dans un ouvrage célèbre
(Méthodes d’interprétation et sources en droit privé positif), F. Gény lui a adressé de vives
critiques. Il a fait observer que le légalisme outrancier de la méthode conduisait à une
méthode générale de réflexion et d’exposition contraire à certains égards au développement
de la science : l’étude des codes article par article conduisait à une certaine sclérose.
La technique de l’exégèse a très rapidement été débordée par la réalité sociale. En effet, la
révolution industrielle qui au milieu du 19ème siècle a déterminé des bouleversements dans les
domaines économique, social et politique a engendré une inadéquation croissante de la
législation aux besoins de la vie juridique. Cette mutation a fait prendre conscience aux
juristes de l’infirmité congénitale de la méthode exégétique : comment en effet rechercher aux
travers de ses travaux préparatoires l’intention d’un législateur qui ne pouvait soupçonner
l’existence d’un problème apparu parfois longtemps après son œuvre. Ces critiqu es de
l’exégèse ont fait apparaître le besoin de faire apparaître des méthodes permettant une
interprétation plus souple, plus dynamique des textes.

45
46

Deuxième partie : Les droits subjectifs

Les droits subjectifs sont les prérogatives- on dit aussi les intérêts- que le droit objectif
consacre et sauvegarde au profit des sujets de droit. Les sujets de droit sont envisagés ici non
pas comme des personnes soumises à un souverain, mais comme les supports des prérogatives
reconnues et protégées par le système juridique ; il s’agit concrètement des personnes
juridiques.
Plusieurs notions sont susceptibles d’entretenir la confusion avec les droits subjectifs. Il est
donc important de les situer les unes par rapport aux autres pour mieux faire apparaître celle
de droits subjectifs. Il faut distinguer les droits subjectifs des libertés, des facultés et de
pouvoirs.

Les libertés sont des prérogatives reconnues à des sujets de droit leur permettant de prendre
parti quant à l’exercice de l’activité juridique. Les libertés permettent l’exercice du libre
arbitre. Elles sont conférées à tous et ouvrent à chacun un choix. L’existence d’une liberté
n’est pas soumise à des conditions et la liberté est indéterminée. Alors que des conditions sont
requises pour l’existence d’un droit subjectifs. Par exemple, la liberté d’opinion, la liberté de
mariage, la liberté contractuelle ne sont soumises à aucune condition. Par contre des
conditions sont requises pour avoir le droit au mariage, le droit de contracter.

La distinction doit subjectif et liberté se manifeste au sujet de la condition du justiciable.


Celui-ci dispose de la liberté d’ester en justice, c’est à dire de saisir les tribunaux pour obtenir
justice : il s’agit d’une liberté si fondamentale que le pouvoir d’accès aux tribunaux est
reconnu non seulement aux nationaux, mais à tous ceux qui habitent le territoire national. En
outre le justiciable est investi d’un droit subjectif : l’action en justice qui est le droit pour
l’auteur d’une prétention d’être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou
mal fondée.
Les facultés sont des options limitées de choix reconnues à des sujets de droit. Exemple : la
faculté reconnue à un héritier d’accepter ou de renoncer à une succession ou de l’accepter
sous bénéfice d’inventaire. Tandis que les libertés et faculté peuvent se rencontrer dans les
rapports avec l’Etat, les droits subjectifs se manifestent sinon exclusivement, du moins
principalement dans la perspective des relations des particuliers (individus ou groupements)

46
47

soit dans leurs rapports entre eux, soit dans leurs rapports avec les biens. Les droits subjectif s
sont dotés d’une structure et d’un contenu caractérisé : droit de créance, droit de propriété,
d’usufruit, de servitude…

La distinction droits subjectifs et pouvoir est également importante. Comme le droit subjectif ,
le pouvoir est une prérogative. Mais à la différence du droit subjectif, le pouvoir est une
prérogative qui permet à celui qui le détient « d’exprimer un intérêt au moins partiellement
distinct du sien » au moyen d’actes juridiques ayant notamment pour effet d’engager autrui.

Une étude efficace des droits subjectifs commande de les identifier (chapitre 1), de se
préoccuper de leur preuve (chapitre 2).

Chapitre 1 : identification des droits subjectifs

Les droits subjectifs sont variés (Section 1), mais ont des sources communes (Section 2).

Section 1 : La variété des droits subjectifs

Les droits subjectifs sont classés en plusieurs catégories dont la principale et la plus complète
oppose les droits patrimoniaux aux droits extra patrimoniaux.

§1. Les droits patrimoniaux

On désigne ainsi les droits subjectifs qui font partie du patrimoine. Le patrimoine est un sac
imaginaire dans lequel se trouve les droits et les obligations d’un sujet de droit. C’est un
attribut essentiel de la personnalité juridique. Toute personne juridique a un patrimoine qui
s’ouvre sans son avis dès sa naissance, dès sa naissance, dès son accession à la personnalité, à
la vie juridique. Dans le patrimoine se trouvent les droits patrimoniaux Les droits
patrimoniaux sont des prérogatives de la personne évaluables en argent et susceptibles
d’opérations juridiques : on les appelle encore droits pécuniaires. Ils se subdivisent en droits
réels et droits personnels ou droits de créance.

47
48

- Le droit réel est une prérogative exercée par une personne directement sur une chose. C’est
le droit qu’à une personne sur une chose. Il confère à une personne un pouvoir direct et
immédiat sur une chose, (pouvoir qui s’exerce sans l’entremise d’un autre individu ). Il
comporte seulement deux éléments : la personne sujet actif du droit, et la chose objet du
droit : c’est un droit direct sur la chose (jus in re). On en distingue deux catégories : les droits
réels principaux et les droits réels accessoires ou droits de garantie.

Les droits réels principaux tendent à l’utilisation ou l’exploitation, directe de la chose par le
titulaire du droit. Dans cette catégorie on range le droit de propriété, le droit d’usufruit,
d’usage, d’habitation, de servitude, d’emphytéose (bail de très longue durée : 18 à 99 ans et
qui de ce fait est considéré par la loi comme un droit réel) etc…

Les droits réels accessoires ou de garanties n’ont pas d’existence propre et ne se conçoivent
que comme accessoires d’un droit personnel ou de créance. Ce sont des garanties données au
créancier sur un bien de son débiteur. Lorsque le bien donné en garantie est un immeuble on
parle d’hypothèque ; lorsque c’est un meuble on parle de gage ; s’il s’agit d’un fond de
commerce c’est un nantissement.

- Le droit personnel ou droit de créance (est un lien de droit) est un rapport juridique entre
deux ou plusieurs personnes, en vertu duquel l’une le créancier ou sujet actif a le droit
d’exiger d’une autre le débiteur ou sujet passif, une prestation ou une abstention. Il comporte
trois éléments : le créancier sujet actif du droit, le débiteur sujet passif, et la prestation objet
du droit. Le droit personnel est une prérogative qui s’exerce contre une personne et non
directement sur une chose. Exemple le droit du vendeur d’obtenir le prix. Le droit de
l’acheteur d’obtenir la livraison de la chose. Le droit du prêteur d’être remboursé, le droit de
la victime d’être indemnisé.

§2. Les droits extrapatrimoniaux

Les droits extrapatrimoniaux sont ceux qui, présentant pour le sujet un intérêt moral, se
trouvent en dehors de son patrimoine et ne sont pas évaluables en argent. Ils sont hors
commerce, insaisissables, intransmissibles et incessibles. Il en est ainsi des droits de droits de
l’homme, des droits, intellectuels, des droits de la personnalité (qui visent l’épanouissement
de la personne envisagée individuellement), les droits civils et politiques , des droits

48
49

familiaux, professionnels ou civiques qui tendent à garantir et à protéger l’individu dans un


milieu social donné.

Il est important de savoir quels sont leur origine des droits subjectifs, autrement dit leurs
sources.

Section 2 : Les sources des droits subjectifs

La question des sources des droits subjectifs est essentielle à la vie juridique. Il s’agit en ef f et
de savoir quels évènements, quelles circonstances provoquent la naissance d’un droit subjectif
au profit d’un sujet de droit. Ces circonstances sont, toujours, des faits de l’homme ou plus
exactement des sujets de droit. (Rien que de très normal à cela puisque le droit objectif d’où
procèdent les droits subjectifs a pour fonction de régir les comportements des personnes dans
la vie sociale). Mais on doit observer alors que ces faits du sujet se répartissent en deux
catégories nettement distinctes : les actes juridiques d’un côté (§1), les faits juridiques de
l’autre (§2).

[ Le critère de distinction entre ces deux catégories repose sur la prise en considération
du rôle ou de l’absence de rôle de la volonté de la personne dans la détermination des
effets juridiques produits par l’événement considéré. Tandis que l’acte juridique est un
acte volontaire accompli pour produire des conséquences juridiques déterminées, le fait
juridique engendre de telles conséquences indépendamment de la volonté du sujet qu’il
concerne. D’un côté la volonté individuelle est le principe générateur des effets de droit,
de l’autre c’est la loi qui les détermine directement. L’opposition peut être illustrée par
les deux exemples suivants : Soit un contrat de vente, cette opération est voulue par le
vendeur et l’acheteur qui entendent, l’un substituer à son droit de propriété sur une
chose une créance de somme d’argent, l’autre, devenir propriétaire de la chose : c’est un
acte juridique ;

Soit maintenant un accident de la circulation dans lequel un automobiliste renverse et


blesse un piéton ; ni l’un ni l’autre n’ont sans doute voulu cet accident ; de toute façon,
qu’il le veuille ou pas, l’automobiliste sera tenu de fournir à sa victime des dommages et
intérêts pour réparer le dommage causé : il s’agit, cette fois, d’un fait juridique]

49
50

§1 : Les actes juridiques

Un acte juridique est une manifestation de volonté destinée à produire des effets de droit
voulu par ses auteurs (créer, modifier, transmettre ou éteindre un droit). Il est d’usage de
distinguer trois catégories d’actes juridiques : les conventions, les actes juridiques unilatéraux
et les actes juridiques collectifs.

A. Les conventions

Les conventions sont des actes juridiques qui se forment par un accord de volonté entre deux
ou plusieurs personnes et destinées à créer, à modifier, à déclarer, à transmettre ou à éteindre
des droits et des obligations.

Les conventions peuvent créer des droits réels (principaux (comme les servitudes) ou
accessoires comme celles qui sont constitutives de gage ou d’hypothèque) ou des droits
personnels ou de créances. Les conventions génératrices des obligations ou de droit
personnels ou de créances sont appelées contrats qui représentant une source importante de
droits subjectifs.

Il y a des conventions qui se bornent à prendre pour objet et à manipuler des droits dé jà
constitués. Leur importance est considérable car elles sont le moteur des relations
économiques. Certaines ont pour objet de déclarer et de reconnaître un droit préexistant
comme la transaction (convention par laquelle les parties renoncent à une contestation née ou
à naître en se faisant des concessions réciproques, et en reconnaissant comme des droits
préexistants ceux qu’elle affirme). D’autres opèrent transmission des droits ou des biens. Il en
est ainsi de la vente qui assure la transmission du bien vendu ; de la donation qui opère un
transfert du droit de propriété, mais à titre gratuit, sans contre partie ; de la cession de créance
(convention par laquelle le cédant, transfère au cessionnaire sa créance contre un tiers
dénommé cédé).

Il existe enfin des conventions qui, selon des modalités diverses, assurent l’extinction des
droits et plus précisément des obligations. Il en est ainsi du paiement et de la remise de dette
qui réalisent purement et simplement l’extinction d’un droit de créance ; de la dation en
paiement qui opère pareillement un changement d’objet de l’obligation et l’extinction de

50
51

celle-ci (C’est la remise d’une chose différente de celle convenue avec l’accord du créancier
en paiement de l’obligation).

B. Les actes juridiques unilatéraux

L’acte juridique unilatéral est une manifestation de volonté par laquelle une personne seule
produit (détermine) des effets de droit.

Les actes juridiques unilatéraux générateurs de droits ou de charges sont assez f réquents en
droit public. On peut citer les décisions à caractère non réglementaires, valant décisions
individuelles ou collectives tel l’arrêté de nomination d’un fonctionnaire ou la décision de
classement des candidats reçus à un concours qui confèrent des droits aux intéressés. Telle s
sont en sens inverse les réquisitions des biens ou de services : ces décisions imposent des
charges à ceux qu’elles visent. Enfin il est des actes unilatéraux de l’administration qui à la
fois confèrent à ceux qu’ils concernent des prérogatives et leur imposent des charges. C’est le
cas des autorisations de lotir et de permis de construire qui, outre la faculté ouverte à leurs
bénéficiaires, les soumettent le plus souvent à des contraintes particulières (réalisation de
travaux ou contribution aux équipements collectifs.

Il existe également d’assez nombreux actes unilatéraux en droit privé dont l’objet est tantôt
patrimonial tel le testament (qui a pour effet dès le décès du testateur, de transmettre aux
légataires institués par celui-ci la propriété des biens qu’il leur a attribués), tantôt extra
patrimonial tel la reconnaissance d’enfant naturel qui établi un lien de filiation entre le
déclarant et l’enfant considéré. Ces actes unilatéraux du droit privé produisent, comme les
conventions, mais à un moindre degré des effets variés. Il en est dont l’objet est déclarer un
droit, ou une situation juridique préexistante. C’est le cas de la reconnaissance d’un enfant
naturel, de la reconnaissance de dette. D’autres visent à provoquer l’extinction d’un droit dont
l’auteur de l’acte est titulaire : on parle plus précisément d’acte abdicatif tel est le cas de la
renonciation à une succession, ou encore de la renonciation à la prescription.

Il est également un acte unilatéral, le testament, qui a des effets plus étendus. Son objet est
d’opérer la transmission à un tiers d’un ou plusieurs droits du testateur. Mais sur cet effet

51
52

translatif peut se greffer la constitution de certains droits réels tels qu’une servitude ou un
usufruit.

Reste la question de savoir si un acte juridique unilatéral peut être générateur d’obligations. Il
ne fait aucun doute que nul ne saurait susciter, par sa seule volonté, une obligation à la charge
d’un tiers. Mais une personne ne pourrait-elle pas, de sa seule volonté faire naître sur sa
propre tête une obligation au bénéfice d’un tiers, C’est le problème de l’engagement unilatéral
de volonté, problème qui a donné lieu à un important débat qui n’est pas clos. On se bornera à
indiquer que le droit positif, tant légal que jurisprudentiel, con sacre quelques cas
d’engagement unilatéral de volonté et, d’autre part, qu’on doit admettre la possibilité, mais à
titre exceptionnel, et en en subordonnant la validité à des exceptions rigoureuses destinées
notamment à s’assurer d’une libertés libre et éclairée (Voir Flour Aubert et Savaux, les
obligations, n° 501).

C. Les actes juridiques collectifs

Ils correspondent à une notion beaucoup plus incertaine que les précédents et dont il n’existe
pas de critère réellement décisif. La catégorie est constituée de deux sortes d’actes.

D’une part les actes unilatéraux collectifs qui sont constitués par un faisceau de volontés
identiques ou, plus techniquement, de déclarations unilatérales de volonté produisant des
effets de droit. L’exemple le plus caractéristique est en fourni par les décisions majoritaires
des groupements, telles les décisions prises par les assemblées regroupant les membres d’une
société ou d’une association.

D’autre part les conventions collectives qui reposent comme le contrat, sur un acco rd de
volonté. Un bon exemple est fourni par les conventions collectives de travail qui sont des
accords conclu par les syndicats de salariés et d’employeurs pour fixer certaines conditions de
travail dans un secteur donné. Sous certaines conditions dont celle que l’accord ait été conclu
par des représentants des organisations syndicales les plus représentatives, certaines
conventions collectives peuvent faire l’objet d’un arrêté d’extension pris par le ministre du
travail et s’appliquer pour toute la branche d’activité concernée, sans considération pour
l’appartenance ou la non-appartenance des intéressés aux organisations syndicales signataires.

52
53

Collectifs par leurs conditions de formation, ces actes juridiques le sont aussi, le plus
souvent, quant à la portée de leurs effets. En dérogation au principe de l’effet relatif des
conventions, ceux-ci s’étendent à des personnes qui n’ont pas participé à l’acte, voire qui
s’y sont opposés (ainsi des décisions majoritaires (appellation significative) s’imposent-
elles à la minorité du groupement considéré). A telle enseigne que l’on a pu relever que
ces actes sont caractérisés par une tendance normative, en ce sens que souvent, l’acte
établit pour l’avenir une règle générale et impersonnelle destinée à régir tout un groupe
plus ou moins déterminé d’individus. En bref, cette catégorie d’actes se situe aux
frontières des actes juridiques relatifs aux droits subjectifs et ceux qui constituent les
sources du droit objectif.

§2 : Les faits juridiques

Les faits juridiques sont des évènements, volontaires ou non, qui engendrent des effets
de droit directement déterminés par la loi. Cette définition tout à fait générale peut être
illustrée par l’obligation de réparer que la loi impose à celui qui a causé un dommage par sa
faute (fait personnel dommageable), ou encore par la transmission du patrimoine de la
personne qu’elle attache au décès de celle-ci. Elle ne signifie pas (il faut y prendre garde), que
le droit soit en l’occurrence indifférent à la volonté de la personne ; bien au contraire, cette
volonté, si elle existe, peut déterminer des conséquences de droit particulières (ainsi, le f ait
que des blessures aient été infligées à autrui volontairement justifie une sanction pénale plus
sévère que dans le cas de blessures involontaires). Elle indique seulement que les effets que la
loi attache à l’événement considéré se produisent indépendamment de sa volonté, qu’elle les
ait voulus ou non, l’auteur de la faute dommageable sera tenu, bon gré mal gré, de réparer le
préjudice causé ; nul ne peut faire obstacle à la transmission de son patrimoine au jour de son
décès. De même, un meurtre prémédité est bien une manifestation de volonté, mais il ne
constitue pas un acte juridique car, l’intention a été de donner la mort, non de s ubir une
condamnation

La notion de fait juridique recouvre des évènements variés. Ce sont tantôt des faits de la
nature- tels la naissance ou le décès d’un être humain ; un cataclysme dévastateur-, tantôt des
faits de l’homme, volontaires ou involontaires : par exemple le fait de causer un dommage à

53
54

autrui que ce soit par imprudence ou par désir de vengeance ; le fait de gérer les affaires
d’autrui qui se trouve empêché d’y veiller sans son accord préalable.

Cette diversité est telle qu’il apparaît impossible de construire une théorie générale du fait
juridique. Il n’est pas davantage concevable, ni utile, d’en donner une liste exhaustive. Mais
on peut tenter d’en faire une classification.

Il existe plusieurs classements possibles des faits juridiques. On peut opposer les faits
volontaires aux faits involontaires.

Dans la catégorie des faits volontaires on range : les quasi-contrats, faits volontaires de
l’homme qui sont générateurs d’obligations en vertu de la loi. La loi met alors à la charge
d’une personne sous des conditions diverses et selon des modalités variables, une obligation
de restitution au bénéfice de celui qui a procuré l’avantage. Dans cette catégorie le Code
civil a rangé la gestion d’affaire et le paiement de l’indu qui correspondent à des
situations où un avantage a été illégitimement recueilli par une personne. La
jurisprudence a inféré de ces deux institutions et d’autres dispositions éparses du code
civil un principe général d’enrichissement sans cause.

La gestion d’affaire (article 1372 à 1375 du Code civil) concerne les cas où une personne
dénommée gérant, accomplit des actes matériels ou juridiques, au profit d’une autre dite
géré ou encore le maître de l’affaire, sans en avoir été chargée par celle -ci. Sous
certaines conditions, et notamment celle de l’utilité de la gestion ainsi entreprise, la loi
impose au géré d’indemniser le gérant des dépenses qu’il a engagées.

Le paiement de l’indu consiste dans l’exécution par une personne d’une prestation au
bénéfice d’une autre personne (dénommée payé ou accipiens) qui n’était pas en droit de
l’exiger faute d’avoir la qualité de créancier de celui qui a payé dit payeur ou solvens.
C’est par exemple le cas de celui qui par erreur paie deux fois une même réparation
faite par son garagiste. Au paiement indu ainsi caractérisé, la loi attache une obligation
de restitution : le solvens bénéficie d’une action en répétition (c’est-à-dire en restitution)
qui lui permet de réclamer à l’accipiens ce dont celui-ci s’est enrichi du fait du paiement.

54
55

L’enrichissement sans cause correspond à l’hypothèse où un même fait produit


l’enrichissement d’une personne et l’appauvrissement corrélatif de l’autre. Dans un tel
cas, et à la condition que cette situation ne soit pas consacrée par la loi, la jurisprudence
admet que l’appauvri peut réclamer un dédommagement à l’enrichi par la voie de
l’action de in rem verso. Il faut noter toutefois d’abord que les conditions mises à
l’exercice de cette action en restreignent beaucoup les cas d’ouverture et, ensuite que le
dédommagement reste limité : il ne peut excéder ni l’appauvrissement subi par le
demandeur, ni l’enrichissement procuré au défendeur ; il doit donc égaler la plus faible
de ces deux valeurs. [ Par un arrêt du 6 septembre 2002, la Cour de cassation r eprenant
la définition donnée par l’article 1371 en guise d’attendu de principe , a adopté une
conception très extensive du quasi contrat selon laquelle le fait purement volontaire de
l’homme engage celui-ci. Mais, il est permis de se demander si l’arrêt consacre ainsi un
véritable nouveau quasi contrat d’engagement volontaire dont il serait en vérité difficile
de fixer les limites- ou s’il adopte seulement une solution d’opportunité en profitant de la
formulation très générale de l’article 1371 pour régler un cas très particulier, ce qui
semble plutôt être le cas (Flour).

Dans celle des faits involontaires, on retrouve .

On peut aussi distinguer les faits générateurs de statut, les faits attributifs ou extinctifs des
droits patrimoniaux et les faits correctifs de régime juridique.
Les faits générateurs de statut sont, le plus souvent, des faits de la nature qui af fectent l’être
humain et qui déterminent son accès ou sa soumission à un statut juridique déterminé. Le
premier d’entre eux est la naissance qui est une condition de la personnalité juridique. On peut
aussi citer la majorité qui emporte la pleine capacité civile. Dans cette catégorie on peut
également ranger certains faits de l’homme tels la commission d’une infraction pénale qui
détermine l’application du régime pénal.
Les faits attributifs ou extinctifs de droits patrimoniaux en dehors du décès (qui détermine
l’ouverture de la succession du défunt et opère le transfert de ses biens à ses héritiers) sont le
plus souvent des faits de l’homme plutôt que ceux de la nature. On cite les faits de l’homme
dommageables pour autrui que sont les délits et quasi délits qui sont des causes de
responsabilité civile et administratives et qui engendrent au profit des victimes un droit à
réparation, c’est-à-dire un droit de créance. On cite également les quasi-contrats, faits
volontaires de l’homme qui sont générateurs d’obligations en vertu de la loi (gestion d’affaire

55
56

etc). On cite enfin la prescription (acquisition perte de droit par l’écoulement du temps) qui
peut avoir des effets forts différents. On distingue la prescription acquisitive qui permet
d’acquérir un droit (il en est ainsi de la possession prolongée d’une chose qui permet à son
possesseur d’en devenir propriétaire : encore appelé usucapion) de la prescription extinctive
qui a pour effet d’éteindre un droit. Ainsi le créancier qui n’a pas réclamé son paiement
depuis un certain temps perd son droit par non-usage.

Les faits correctifs de régime juridique bien que peu nombreux sont fort importants. On
peut citer la force majeure, la fraude et l’apparence.

La force majeure s’entend d’un événement extérieur à la fois imprévisible et irrésistible qui
se trouve à l’origine d’un dommage. Un tel événement a vocation à écarter l’application de
tout régime de responsabilité aux personnes impliquées dans la réalisation d’un dommage,
alors même qu’elles sembleraient y être soumises.

La fraude est difficile à définir. Elle désigne un détournement de la règle de droit consistant
dans la mise en œuvre des règles juridiques pour en tirer un profit illégitime. L’existence
d’une telle fraude a pour effet de rendre les actes juridiques qui en sont entachés inopposables
aux personnes auxquelles ils pourraient porter préjudice : leurs effets seront neutralisés à
l’endroit de ces personnes, et de celles-là seulement. Cette correction de la mise en œuvre des
règles de droit est exprimée par la maxime « fraus omnia corrumpit » : la fraude prive d’effet
tout ce qu’elle couvre ou, encore, « la fraude fait exception à toutes les règles ».

L’apparence est prise en compte par le droit pour lui faire produire les effets de droit qu’elle
appelle, bien que la réalité juridique soit différente. La jurisprudence admet, en effet, que,
sous certaines conditions, une situation juridique donnée peut être privée de ses effets naturels
pour tenir compte de ce qu’elle a pu être ignorée, ou mal interprétée par les tiers. Dans ce cas,
il y a lieu de faire produire à la situation considérée les effets correspondant à celle que les
tiers ont perçu par erreur. On tient compte, ainsi, de leur croyance erronée, laquelle devient,
sous diverses conditions nécessairement exigeantes, source de droits. Le mandat apparent
constitue un exemple classique : qu’une personne traite avec une autre, dont elle croit, à tort ,
qu’elle est mandataire d’une troisième de qui elle veut acheter un bien, l’acquisition ainsi faite
pourra être validée, malgré l’absence de pouvoir de l’intermédiaire, si le juge constate l’erreur
légitime commise par l’acheteur.

56
57

Chapitre 2 : La preuve des droits subjectifs

Pour se prévaloir d’un droit subjectif, il faut être en mesure d’établir son existence et de
démontrer qu’on en est titulaire. Il revient en effet au même de ne pas pouvoir prouver
l’existence de son droit que de ne pas en être titulaire.

La première interrogation que pose le droit de la preuve est celle de savoir ce qu’il faut
prouver. Techniquement il s’agit de déterminer l’objet de la preuve. En droit il f aut prouver
tous les actes, tous les faits, tous les évènements qui ont une portée juridique. Ceux qui sont
de nature à donner naissance à un droit (prescription acquisitive, contrat, agissement
dommageable, une possession) ou à en assurer le transfert (décès, naissance, voire
conception).

La deuxième interrogation porte sur la charge de la preuve. Elle se préoccupe du point de


savoir qui doit prouver ? La question est importante car si celui à qui incombe la charge de la
preuve ne parvient pas à prouver, il perd son procès et sans doute son droit. Le principe
général est que la charge de la preuve incombe au demandeur, autrement dit, c’est à celui qui
entend se prévaloir de l’acte ou de l’événement considéré qu’il revient de l’établir (article
1315 Code civil). On dit que la charge de la preuve pèse sur le demandeur, c’est à dire celui
qui dans le débat judiciaire y appuie ses prétentions. (Actori incumbit probatio ). Ce principe
général dont ma mise en œuvre est très complexe (en effet, si le demandeur ayant démontré
son droit, le défendeur invoque contre lui des moyens de défense, le second devient le
demandeur à l’intérieur de ce moyen de défense et c’est lui qui doit prouver) doit être nuancé.
Ce principe n’est pas d’application absolue.

Il doit tenir compte de l’existence des présomptions qui opèrent un renversement de la charge
de la preuve. Les présomptions sont les conséquences que la loi ou le magistrat tire d’un f ait
connu pour déduire un fait inconnu. [Il existe de présomption légales qui constituent un
déplacement ou un déplacement de la charge de la preuve et les présomptions de fait ou des
présomptions de l’homme qui constituent un véritable mode de preuve (exemples traces de
freinage lors d’un accident ou constat d’huissier non commis, enregistrements etc). Preuves

57
58

dangereuses, les présomptions de fait ne sont admises que si elles sont graves et
concordantes).]. La présomption légale est une dispense ou un renversement de la charge de la
preuve. Elle consiste à considérer comme prouvé un fait qui n’est pas connu sur le seul
fondement de la constatation d’un fait distinct connu. Ainsi, l’article 1282 affirme la
libération du débiteur (présomption de paiement) du seul fait que le créancier lui a remis son
titre de créance. Le débiteur n’a plus à prouver qu’il a payé, c’est au créa ncier qu’il revient de
démontrer qu’il ne l’a pas fait.

La question sur laquelle nous insisterons porte sur la manière dont doit se faire la preuve,
autrement dit sur les modes de preuve. Notre droit oscille entre deux systèmes différents : le
système de la preuve légale et le système de la preuve morale. D’après le premier, la pr euve
doit se faire par certains moyens que la loi indique et qui ne laissent au juge aucun pouvoir
d’appréciation. Quant au système de la preuve morale, il laisse au juge un pouvoir
d’appréciation, ce qui lui permet de statuer selon son intime conviction, c’est-à-dire
conformément aux convictions que, par les preuves rapportées les parties ont pu faire naître
en lui.
Le droit camerounais ne consacre, en aucune matière, un pur système de preuve légale.
L’opposition se fait plutôt entre le droit civil caractérisé par un système de preuve mixte (pour
partie légale et pour partie morale) et les autres matières qui sont plus proches de la preuve
morale. La preuve dans les autres matières étant des régimes dérogatoires, nous mettrons
l’accent sur le système du droit civil qui apparaît comme le droit commun. Ce qui nous
permet d’envisager en cette matière successivement les différents procédés de preuve (Section
1) et leur utilisation ou admissibilité (section 2).

Section 1 : Les différents modes ou procédés de preuve

Il existe deux grands procédés ou modes de preuve en droit : les procédés de preuve parfaits et
les procédés de preuve imparfaits.

§1: Les procédés de preuves parfaits

Ce sont les modes de preuve qui limitent les pouvoirs du juge. Dès qu’ils sont administrés, le
juge est plus ou moins lié. Dans cette catégorie on range, la preuve littérale ou preuve par

58
59

écrit, l’aveu et le serment décisoire. Le serment n’existant plus, il faut présenter l’écrit (A) et
l’aveu (B).
A. La preuve littérale ou par écrit

C’est celle qui résulte d’écrits émanant des parties et destinés à servir de preuve. Ses
avantages sont nombreux : il s’agit d’une preuve préconstituée, ménagées à l’avance et
antérieurement à toute contestation, ce qui justifie sa crédibilité (le soin apporté à la rédaction
d’un acte, lors d’opérations économiques importantes, montre le gage de sécurité qu’il
représente). [Pendant longtemps l’écrit valable était celui qui se trouvait sur un support papier.
L’évolution technologique a fait apparaître des écrits sous forme électronique. Cela a conduit
en France à une évolution de la définition de l’écrit. D’après l’article 1316 nouveau du Code
civil français (issu de la loi n° 2000-230 du 13 mars 2000), « la preuve littérale ou preuve par
écrit, résulte d’une suite de lettres, de caractères, de chiffres ou de tous signes ou symboles
dotés d’une signification intelligible, quels que soient leur support et leurs modalités de
transmission ». Le même texte énonce que l’écrit électronique est admis en preuve à égalité
avec l’écrit sur support papier. Le Cameroun n’a pas fait de réforme dans ce sens).

L’écrit peut être un acte authentique ou sous seing-privé.


L’acte authentique est un acte dressé par une personne qui a reçu spécialement pouvoir à cet
effet, qui a qualité d’officier public. Par exemple : un OEC, un notaire. (son régime tout entier
est dominé par un souci de sécurité : outre le fait que l’acte ne peut être établi que par des
personnes spécialement habilitées par la loi, sa rédaction est soumise à des multiples
exigences, notamment de forme : mentions obligatoires, indication de la date, signature de
l’officier public, des parties etc. Il peut être dressé sur support papier ou électronique en
France aujourd’hui). L’acte authentique fait foi des mentions qu’il contient, relativement aux
faits constatés personnellement par l’officier public jusqu’à inscription de faux. Cela signif ie
que, pour le priver de sa force probante, il faut démontrer que l’officier public a fait un faux.

L’acte sous seing-privé est un écrit établi par de simples particuliers ou des personnes n’ayant
pas la qualité d’officier public ; normalement les parties à l’acte juridique qu’il constate. Les
contraintes formelles y sont très réduites. Hormis l’exigence, générale, de la signature des
parties, il n’en est que deux. La première est la formalité du double original pour les contrats
synallagmatiques ; cette sorte de contrat ayant pour effet d’engendrer d es obligations
réciproques, l’article 1235 du Code civil exige qu’il soit fait en autant d’originaux qu’il y a

59
60

des parties ayant un intérêt distinct ». La seconde consiste dans l’exigence d’une mention de
la substance de l’engagement pour les actes qui constatent une obligation unilatérale . Selon
l’article 1326 du Code civil, l’acte qui constate l’engagement d’une personne envers une autre
à lui payer une somme d’argent ou à lui livrer un bien fongible doit comporter la mention
écrite de la main de celui qui s’engage, « de la somme ou de la quantité en toute lettres et en
chiffres ». La règle s’explique par le souci d’écarter les risques d’abus inhérent à tout
engagement souscrit « en blanc », c’est-à-dire sans indication de sa substance. L’acte sous
seing privé fait foi jusqu’à la preuve contraire.
Il faut signaler que seuls les actes authentiques et les actes sous seing privé sont des écrits
dotés de force probante. Les simples copies en sont au contraire dépourvues ; elles ne peuvent
servir que de commencement de preuve par écrit dans des conditions bien précises.
A côté de l’écrit, il existe d’autres procédés de preuve parfaits.

B. L’aveu

L’aveu est la reconnaissance par une personne, d’un fait qui est de nature à produire contre
elle des conséquences défavorables. Il ne peut porter que sur une question de fait ; il ne peut
porter sur une question de droit. L’existence ou le sens d’une règle juridique ou la
qualification d’une situation ne peut dépendre de l’aveu d’une partie (il s’agit d’une nouvelle
application de la distinction entre le fait et le droit, la détermination du droit relevant de
l’office du juge. [ L’aveu est en principe un mode de preuve admissible en toutes matières.
D’une façon « exceptionnelle, la preuve par aveu est cependant exclu e, et cela pour
différentes raisons. Il arrive que la loi dénie expressément toute efficacité à l’aveu pour
déjouer une collusion frauduleuse entre deux plaideurs, au détriment notamment de leurs
créanciers (art. 1299 NCPC). D’une manière plus générale, et indépendamment de toute
précision formelle de la part du législateur, le fait même que l’aveu soit une manifestation
unilatérale de volonté a pour conséquence d’en exclure l’usage dans toutes les matières où
l’aveu emporterait la renonciation à un droit auquel il n’est pas permis de renoncer, ou dont
on ne peut disposer. Etant donné la gravité des conséquences de l’aveu, le sort du procès en
dépendant, une certaine capacité est nécessaire pour qu’un aveu soit valable : celle de disposer
de l’objet de la contestation, lequel doit déjà par nature, être disponible. Ainsi, l’aveu fait par
un mineur ou un majeur en tutelle n’a pas de force probante. Pour les mêmes raisons, au
regard du pouvoir, l’aveu du tuteur du mineur ou du majeur en tutelle n’a de f orce prob ante
que s’il a trait à un droit dont son pouvoir de gestion lui permet de disposer. D’une façon plus

60
61

générale, le mandataire même muni d’un pouvoir général, ne lierait pas son mandant par un
aveu ; il doit être muni d’un pouvoir spécial].
On distingue deux types d’aveu : l’aveu judiciaire et l’aveu extra-judiciaire. L’aveu judiciaire
est celui qui est fait par une partie à un procès, dans le cours du procès. Il est indivisible et
irrévocable et fait pleine foi contre son auteur et ses héritiers. Il doit en principe être admis,
alors même qu’un écrit serait exigé et peut prouver contre un écrit, même authentique. (au
Cameroun il n’est plus admis dans un procès pénal depuis la promulgation du Code de
procédure pénale. Pour condamner il faut des preuves matérielles désormais).
L’aveu extra-judiciaire est celui qui est exprimé en dehors d’un procès. Il n’a pas une grande
portée et peut être contesté, même par un simple témoignage.

(Le serment décisoire est l’affirmation, exprimée devant le juge, de la réalité d’un fait
favorable au déclarant. Le serment décisoire est celui qui est exprimé, au terme d’une
procédure plus ou moins complexe selon le cas, par une partie à un procès sur la demande
expresse de l’autre. Celui qui prête le serment qui lui a été ainsi dé féré -il affirme
solennellement la fausseté du fait allégué par son adversaire pour soutenir sa cause - gagne
automatiquement le procès. En revanche, s’il refuse de prêter le serment qui lui est demandé,
il succombe automatiquement dans ses prétentions, autrement dit, il perd le procès. C’est un
procédé de preuve qui n’est plus en usage devant les juridictions aujourd’hui).

L’aveu et le serment décisoire ont tellement perdu de leur influence que le seul procédé de
preuve parfait aujourd’hui en vigueur est l’écrit. A côté de l’écrit, il existe des procédés de
preuve imparfaits.

§2 : Les procédés de preuve imparfaits

Les procédés de preuve imparfaits sont ceux qui ne permettent pas au juge de trancher
directement, mais lui laissent une marge d’appréciation. Dans cette catégorie on retrouve : les
témoignages, les présomptions de fait ou de l’homme et indices et le serment supplétoire.

Le témoignage est une déclaration faite par une personne sur des faits dont elle a eu
personnellement connaissance (ce qui permet de le distinguer de la preuve par commune
renommée qui consiste en ce que des personnes rapportent, non plus ce qu’elles ont constatées
elles-mêmes, mais ce qu’elles ont su par ouï-dire, à propos de tel ou tel fait. Cette preuve

61
62

courante sous l’Ancien droit, était et reste dangereuse par son imprécision croissante au fur et
à mesure que l’on s’éloigne du témoignage directe). Il peut recueilli dans le cadre d’une
procédure d’enquête, ou directement par le juge. La preuve par témoin est appelée preuve
testimoniale.
Les présomptions de fait ou de l’homme qu’il ne faut pas confondre avec les présomptions
légales, sont les conséquences que l’on tire d’un fait connu à un fait inconnu. Dans la
catégorie on range les indices qui sont les premiers éléments de preuve. Ex : pour reconstituer
la vitesse à laquelle roulait la voiture, on mesure les traces qu’ont laissées les pneus sur la
route. On prouve ainsi directement des faits (traces de pneus) qui ne sont pas l’objet de la
preuve, mais en établissant un lien de causalité (la trace de pneu est la conséquence d’une
certaine vitesse), on déduit de la preuve fournie la preuve indirecte de la vitesse. [La
présomption légale est un déplacement de l’objet de la preuve ou une dispense de preuve. Le
législateur met en place une présomption lorsqu’il observe que la preuve directe d’un f ait est
trop difficile ou lorsqu’il désire éviter des disputes probatoires sur certains sujets. Ex : en f ait
de meuble possession vaut être ; 312, l’enfant conçu pendant le mariage a pour père le mari).
On distingue deux sortes de présomptions légales : les simples et les irréfragables. La
présomption simple est celle qui admet la preuve contraire. La irréfragable est celle qui
n’admet pas la preuve contraire : exemple autorité de chose jugée).
Le serment supplétoire est celui déféré d’office par le juge à une partie. C’est le juge qui
décide le déférer à une partie pour disposer d’un élément de conviction complémentaire. Il n’a
que la force probante d’un témoignage.

Les témoignages, les présomptions de fait ou de l’homme et le serment supplétoire ont une
force probante de pur fait et laissent au juge une grande marge d’appréciation. Mais ils
peuvent renforcer un commencement de preuve par écrit, servir dans les hypothèses où il a été
impossible de se pré-constituer un écrit.
Les différents modes de preuve connus, il est important de se préoccuper de leur admissibilité

Section 2 : L’utilisation (admissibilité) (les modalités ) des procédés de preuve

L’objectif ici est de déterminer comme se servir des différents modes de preuve.
L’admissibilité des modes de preuve dépend de la matière, du champ juridique dans lequel on

62
63

se place. Pour indiquer les mécanismes d’admissibilité des procédés de preuve, le législateur a
opéré une distinction entre les faits juridiques et les actes juridiques.

§1. Les procédés de preuve des faits juridiques

Un fait juridique est un évènement, volontaire ou non, qui produit des effets juridiques
directement déterminés par la loi. Parce qu’ils sont subis et non voulus, parce qu’ils se
produisent entre des personnes qui ne se sont pas mises d’accord par avance pour produire un
résultat, les faits juridiques sont en principe soumis à un système de preuve libre (preuve
morale) : tous les modes de preuve peuvent être employés par les parties pour établir le f ait
considéré. Cette liberté habilite en particulier le témoignage, c’est-à-dire le rapport par une
personne de ce qu’elle a vu et entendue par elle-même. Ce principe s’applique en particulier à
la responsabilité civile. Il convient cependant de souligner qu’il supporte de nombreuses
exceptions ; l’état civil et la filiation sont en effet soumis à un système de preuves
déterminées.
§2. Les procédés de preuve des actes juridiques

Les actes juridiques sont des manifestations de volonté destinées à produire des effets de droit
voulus par les parties. L’administration de leur preuve est dominée par un principe et des
exceptions.
A. Le principe

Le principe est que les actes juridiques doivent être prouvés par écrit ou par tout autre procédé
de preuve parfait. C’est ce qui ressort d’une lecture attentive de l’article 1341 du code civil.
D’après ce texte, les parties à un acte juridique doivent se ménager la preuve des actes
qu’elles concluent par la confection d’un écrit. La preuve ici doit être préconstituée.
L’écrit qu’il soit sous seing-privé ou authentique il doit être un original.
A côté de l’écrit tout autre procédé de preuve est admissible en matière civile, notamment
l’aveu. On peut donc prouver un contrat ou une convention par écrit ou par aveu.
Mais ce principe admet de nombreuses exceptions.

63
64

B. Les exceptions

Dans plusieurs cas il est permis de rapporter la preuve des actes juridiques par tous les
moyens, y compris par les témoignages. Il en est ainsi :

- En matière commerciale, la preuve peut, en principe, être rapportée par tous les
moyens contre les commerçants ou dans les rapports des commerçants entre eux.
même s’il s’agit d’établir l’existence contesté d’un acte juridique. L’assouplissement
des règles de preuve ici est justifié par la nécessité de ne pas entraver la rapidité des
opérations commerciales. (Elle est énoncée par l’acte uniforme OHADA sur le droit
commercial général. A l’égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se
prouver par tous les moyens à moins qu’il n’en soit disposé autrement par la loi.
- En matière sociale, c’est-à-dire en matière de droit du travail et de la sécurité sociale ,
le principe est également celui de la liberté de preuve. Il est posé au Cameroun par
l’article 24 du Code du travail qui dispose que le contrat de travail peut être conclu
dans les formes qu’il convient aux parties d’adopter. Le texte ajoute que la preuve peut
être rapportée par tous les moyens. Le souci de protection du travailleur, partie f aible
au contrat justifie cette solution.
- En présence d’un acte juridique stipulant un montant inférieur à 5000 francs CFA, la
preuve peut être rapportée par tous les moyens.

- Il est possible de prouver un acte juridique par tous les moyens lorsqu’il existe un écrit
imparfait : notamment un commencement de preuve par écrit, une copie reproduisant
fidèlement et durablement un écrit qui n’a pas été conservé (article 1347 du Code
civil).

- Il résulte de l’article 1348 alinéa 1 er du Code civil qu’il est possible de recourir aux
témoignages et présomptions (procédés de preuve imparfaits), lorsque le titre qui
servait de preuve écrite a été perdu par cas fortuit. Ces tempéraments à l’exigence de
la preuve écrite ne sont que l’application de la maxime de bon sens : « à l’impossible
nul n’est tenu ».

- Il est possible de rapporter la preuve d’un acte juridique par tous les moyens, lorsqu’il
a été impossible de se ménager une preuve écrite.

64
65

L’impossibilité de prouver par écrit peut provenir d’un obstacle matériel ou


psychologique. L’impossibilité est matérielle dans tous les cas où un obstacle matériel
empêche de rédiger un écrit (ainsi par exemple lorsque le demandeur était incapable
d’écrire).
L’impossibilité peut aussi être morale, compte tenu des liens de famille, des relations
d’affection, d’amitié, de confiance, de travail ou de subordination qui unissent les
parties. Une autre source d’impossibilité morale de se pré constituer un écrit résulte
des usages répondant à un souci de délicatesse qui font regarder l’exigence d’un écrit
comme n’étant pas convenable. Il en est ainsi dans l’exercice de certaines professions
libérales être parfois dans les relations de travail.

Ces notions générales qui seront approfondies dans d’autres disciplines préparent aux études
de droit.

65

Vous aimerez peut-être aussi