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Introduction
I- La terminologie des droits et libertés fondamentaux
A- Droits et libertés
B- Droits de l’Homme, droits fondamentaux, droits et libertés publiques
1. Droits de l’Homme et libertés publiques
2. Les droits et libertés fondamentaux
II- Typologie des droits et libertés
A- Le critère de l’objet des droits fondamentaux (DF)
B- Le critère du mode d’exercice des DF
C- Le critère de l’ordre historique d’apparition
D- Le critère de la hiérarchie des DF
III- Titulaires et débiteurs des droits fondamentaux
A- Les titulaires des droits et libertés
1. La question des personnes morales
2. Les titulaires personnes humaines, physiques
B- Les débiteurs des droits et libertés
Conclusion
I- Les sources juridiques nationales
2. La DDHC de 1789
C- Les droits et libertés visés par le texte constitutionnel
D- Les droits et libertés visés par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789
E- Les droits et libertés visés par le préambule de la constitution de 1946
1. Les PPNT
2. Les droits et libertés constituant des « principes fondamentaux reconnus par les lois de la
République »
F- La Charte de l’environnement
G- Les Principes à valeur constitutionnelle (PVC)
H- Les objectifs de valeur constitutionnelle
II- Les sources juridiques internationales
III- Les sources juridiques jurisprudentielles
A- Le juge administratif et les PGD
B- Le juge constitutionnel (les réserves d’interprétation)
C- Les juges européens – l’exemple de la CEDH
D- La légitimité du droit prétorien des droits et libertés
IV- Le principe de la limitation de l’exercice des droits et libertés
E- Les droits et libertés intangibles
F- Les droits et libertés « ordinaires »
3. Les motifs de la restriction
4. Les conditions de la restriction
V- Les autorités compétentes pour limiter les droits et libertés
A- L'Union européenne
B- La réglementation des droits et libertés par le législateur
C- La réglementation des droits et libertés par le pouvoir réglementaire
D- Les personnes privées
1. L'hétéro-aménagement
2. L'auto-aménagement
VI- Les principaux régimes d’aménagement des droits et libertés
A- Le régime répressif
B- Le régime préventif
C- La déclaration préalable
VII- Les circonstances exceptionnelles prévues par la Constitution
A- L'article 16 de la Constitution
B- L'état de siège
VIII- Les circonstances exceptionnelles prévues par la loi
A- L'état d'urgence
B- L'urgence sanitaire
IX- Les circonstances exceptionnelles prévues par la jurisprudence
X- Le droit de dérogation de l'article 15 de la CEDH
Conclusion
XI- La garantie des droits et libertés par les gouvernés
C- La résistance à l'oppression et la désobéissance civile
3. La récurrence de la théorisation et du recours à la résistance à l'oppression
4. La difficulté d'inscription en droit positif de la résistance à l'oppression
5. L'exemple du lanceur d'alerte
D- Le contrôle par l'opinion publique ou l'électeur
XII- La garantie des droits et libertés par les gouvernants
A- La garantie des droits et libertés par les gouvernants dans le cadre national
B- La garantie des droits et libertés par les gouvernants dans le cadre international
XIII- La garantie des droits et libertés par des organes indépendants
A- Les organes indépendants nationaux : l'exemple du défenseur des droits
B- Les organes indépendants internationaux
Section 1 – La juridiction constitutionnelle
XIV- Les compétences du Conseil constitutionnel
C- Le contrôle a priori
D- Le contrôle a posteriori : la QPC
XV- Composition du Conseil
Section 2 – Les juridictions ordinaires
I- Le juge judiciaire gardien traditionnel de la liberté individuelle
A- L’affaiblissement du titre général de compétence du juge judiciaire en matière de droits et libertés
B- La persistance de titres de compétence spécifiques
C- La définition d’exceptions au profit du juge administratif
II- Le juge administratif protecteur traditionnel des libertés publiques
III- Le contrôle de conventionnalité
Deuxième partie = cours en CM
Introduction
On va se poser 3 grandes questions : Quels sont les termes qu’on utilise et quelles sont leur
signification en droit des libertés ? Quelles sont les différentes typologies qui existent en droit des
libertés ? Comment peut-on les classer ? Qui sont les titulaires des droits fondamentaux et qui en
sont les débiteurs ?
A- Droits et libertés
Les libertés et le droit sont des concepts distincts mais liés. Les libertés définissent une sphère
d'autonomie autour de l'individu, tandis que le droit est un pouvoir ou une prérogative reconnue à des
individus. Le droit permet de préciser l'exercice d'une liberté et peut même en prolonger certains
aspects. Par exemple, la liberté d'expression peut être à l'origine du droit d'expression des salariés
dans l'entreprise. En théorie, le droit est plus précis que la liberté, mais en pratique, le législateur
mélange les deux.
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LE DROIT en 3 minutes
Les libertés publiques sont des droits accordés à l'administré par le droit administratif et sont prévues
par la Constitution (article 34). Elles sont rattachées au légicentrisme et à la théorie positiviste des
droits. Les droits de l'Homme sont plus larges et peuvent renvoyer à un cadre international de
protection des droits ou à une philosophie des libertés publiques. La DDHC a été intégrée au bloc
constitutionnel par le Conseil constitutionnel en 1971 et la Convention EDH, ratifiée par la France en
1974, renvoie aux droits de l'Homme. Cette évolution a conduit à une montée en puissance des droits
de l'Homme.
Les droits fondamentaux sont des droits constitutionnels qui imposent à l'Etat de respecter le droit et
de mettre en place des politiques publiques pour garantir le droit à un environnement sain. Ils ont des
effets positifs et horizontaux, c'est-à-dire entre les particuliers, et le juge judiciaire participe à leur
protection. La QPC de 2010 a permis le contrôle de constitutionnalité des lois. Les droits
fondamentaux ont une tendance à envahir et irradier l'ordre juridique.
Les droits fondamentaux sont inscrits dans la Constitution et découlent de la dignité de la personne
humaine. Ils sont très importants en droit français et se multiplient, mais ne sont pas toujours bien
protégés. Les juristes les classent selon une typologie (pyramide de Kelsen, jusnaturalisme). La notion
de droits humains est plus récente et vise à protéger les droits des hommes et des femmes.
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LE DROIT en 3 minutes
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LE DROIT en 3 minutes
La classification des droits en trois générations (DF, DSR et DC) permet d'adapter les droits à
l'évolution de la société. Cependant, elle pose des problèmes car certains droits ne s'y inscrivent pas
(liberté syndicale) et tous nécessitent une intervention de l'Etat pour être effectifs. La DSR (droits de
seconde génération) ne nécessite pas l'intervention de l'Etat, mais la DC (droits de troisième
génération) pose des problèmes en termes de mise en application.
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LE DROIT en 3 minutes
leurs DF. Toutefois, toutes les personnes morales ne reposent pas sur des personnes physiques et
certaines DF (droit d'asile, interdiction de la torture...) ne s'appliquent pas à elles. Parmi les principaux
DF des personnes morales figurent le droit de propriété (Protocole CEDH), les droits de procédure, la
liberté d'expression (CEDH).
Les personnes morales de droit public ne sont pas titulaires de DF, mais de droits qui existaient avant
comme les droits au procès. La CJUE utilise le terme « droit de procédure » et non « droit
fondamental ». Les DF ont été consacrés pour protéger l’individu contre l’ingérence des autorités
publiques. Cependant, les personnes morales de droit public peuvent bénéficier de droit de propriété
et de droits de procédure lorsqu’elles agissent en justice. De plus, l’Etat bénéficie de droit de
procédure lorsqu’il est opposé à la Commission européenne lors d’un recours en manquement.
Conclusion
Les DF (Droits Fondamentaux) sont devenus très importants. Cependant, leur multiplication et leur
valorisation peuvent poser des questions, notamment en ce qui concerne la sécurité publique et
sanitaire, ainsi que le changement climatique. Les DF peuvent-ils aller trop loin dans la valorisation
de l’individu ? Cette question est abordée dans le cours de Droit sur Moodle, qui traite des sources
juridiques des DF.
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LE DROIT en 3 minutes
2. La DDHC de 1789
Le préambule de la Constitution de 1946 et les PPNT, PFRLR, PVC et OVC sont des principes
fondamentaux reconnus par la République. La Charte de l'environnement de 1958 ajoute des principes
à valeur constitutionnelle et des objectifs de valeur constitutionnelle.
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LE DROIT en 3 minutes
1. Les PPNT
Les PPNT (Principes du Préambule de la Constitution de 1946) sont des droits économiques et
sociaux, dont l'égalité entre les femmes et les hommes, la liberté d'asile, la liberté syndicale, le droit
de grève, le droit à des prestations sociales et le droit à des services publics. Ils ont été utilisés pour la
première fois dans l'affaire IVG de 1975. Cependant, le Conseil Constitutionnel doit concilier ces
PPNT avec les principes libéraux de la DDHC de 1789, ce qui a souvent pour effet d'effacer les PPNT
au profit de ces derniers.
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LE DROIT en 3 minutes
a explicité sa démarche pour « découvrir » de nouveaux PFRLR, qui sont utilisés de manière
subsidiaire lorsque aucune autre disposition de la Constitution ne peut offrir la protection recherchée.
Les PFRLR sont des principes démocratiques issus des lois républicaines adoptées avant 1946,
principalement de la IIIème République. Le Conseil constitutionnel détermine librement ce qui est «
fondamental » et ce qui ne l'est pas. Seules les dispositions qui énoncent le principe fondamental de la
matière reçoivent la valeur constitutionnelle. Une seule exception empêche la qualification de
PFRLR.
Le juge constitutionnel a qualifié certains principes de principes fondamentaux reconnus par les lois
de la République (PFRLR). Parmi ceux-ci, on peut citer la liberté d'association (déc. 16 juillet 1971),
les droits de la défense (déc. 2 déc. 1976), la liberté d'enseignement et de conscience (déc. 37 nov.
1977), la liberté individuelle (déc. 12 janv. 1977), l'indépendance des juridictions administratives
(déc. 22 juil. 1980), la garantie de l'indépendance des professeurs d'université (arrêt 29 déc. 1997), la
compétence exclusive du juge administratif en matière d'annulation des actes de la puissance
publique, la réserve de compétence au profit de l'autorité judiciaire en cas d'atteinte à la propriété
privée immobilière et l'existence d'une justice pénale des mineurs.
F- La Charte de l’environnement
Le 1er mars 2005, la loi constitutionnelle a intégré dans la Constitution française la problématique de
la protection de l'environnement. Le CE (3 octobre 2008) et le Conseil constitutionnel (19 juin 2008)
ont confirmé sa valeur constitutionnelle. Elle consacre le principe de précaution et l'article 7 donne le
droit à toute personne d'accéder aux informations relatives à l'environnement et de participer à
l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement. La QPC 2012-269/270
du 27 juillet 2012 a déclaré contraire à la Constitution l'article L. 411-2 du Code de l'environnement
car le législateur n'a pas prévu la participation du public dans les procédures permettant de délivrer
des dérogations à l'interdiction des atteintes aux espèces animales ou végétales.
La Décision n° 2021-971 QPC du 18 février 2022 de France Nature Environnement a constaté que le
législateur a méconnu les articles 1er et 3 de la Charte de l'environnement en ne prévoyant pas
l'examen des conséquences environnementales lors de la prolongation des concessions minières.
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LE DROIT en 3 minutes
La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (DUDH) de 1948 a eu une influence mondiale et
régionale. Elle a conduit à l'adoption des deux Pactes des Nations-Unies de 1966, le PIDCP et le
PIDESC, qui rendent contraignants les droits inscrits dans la DUDH. Ces pactes sont surveillés par
des organes spécifiques, le Comité des droits de l'Homme et le Comité des droits économiques et
culturels. Un troisième Pacte des Nations-Unies est en projet pour consacrer des droits et devoirs
relatifs à la protection de l'environnement, notamment le droit à un environnement sain.
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LE DROIT en 3 minutes
Influence de la DUDH sur le plan mondial : la multiplication des instruments sectoriels. La seconde
direction suivie est celle de la multiplication des instruments particuliers visant à garantir certains
droits ou les droits de certaines catégories de personnes. On a par exemple :
La Déclaration universelle des droits de l'Homme (DUDH) de 1948 a eu une influence régionale sur
le plan des droits et libertés. En Amérique, la Charte de l'Organisation des États américains (OEA) et
la Déclaration américaine des droits et devoirs de l'Homme (DADH) de 1948, ainsi que la Convention
américaine relative aux droits de l'Homme de 1969, ont été adoptées. La Convention interaméricaine
sur la prévention et la répression de la torture (1985) et la Convention sur la prévention, la sanction et
l'éradication de la violence domestique contre les femmes (1995) sont des instruments spécifiques. En
Afrique, la Déclaration américaine des droits et devoirs de l'Homme (1981) et la Commission
africaine des droits de l'Homme et des peuples (1986) sont des instruments importants. En Europe, le
Conseil de l'Europe a adopté la Charte sociale européenne (1961 et 1996), la Convention européenne
pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (1987), la
Convention européenne sur les droits de l'enfant (1996), la Convention d'Oviedo sur la biomédecine et
les droits de l'Homme (1997) et la Convention européenne des droits de l'Homme (1950).
La Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH) est entrée en vigueur le 3 sept 1953. Elle
souligne l'attachement des États européens à « un patrimoine commun d'idéal et de traditions
politiques, de respect de la liberté et de prééminence du droit » et réaffirme que le maintien des
libertés fondamentales repose « sur un régime politique véritablement démocratique » et « sur une
conception commune et un commun respect des droits de l'Homme ». La CourEDH (la juridiction
chargée de contrôler la bonne application de ce texte par les États parties) a qualifié la Convention «
d’instrument constitutionnel de l'ordre public européen ». Elle est assortie de 9 protocoles additionnels
dont 8 actuellement en vigueur (en dernier lieu, les protocoles n°16 entré en vigueur le 1er août 2018
et n°15 entré en vigueur le 1er août 2021). Elle énumère des droits essentiellement civils et politiques
ayant pour objet de préserver la liberté et l'intégrité de la personne humaine et est dotée d'un
mécanisme institutionnel de garantie : la Cour européenne des droits de l’Homme. La jurisprudence
de la Cour a considérablement enrichi et développé la Convention et le protocole n°14 et le protocole
15 visent à adapter ce mécanisme de garantie.
L'Union européenne n'a pas consacré la protection des droits fondamentaux dans les Traités de Rome
de 1957. Cependant, la Cour de Justice a développé progressivement un corpus de droits
fondamentaux à partir de l'arrêt Stauder (12 nov. 1969), basé sur les principes généraux du droit
communautaire et le droit de la CEDH. La Charte des droits fondamentaux de l'UE (2001) a ensuite
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LE DROIT en 3 minutes
acquis une force juridique contraignante avec le traité de Lisbonne (2009). Ces droits s'imposent aux
Institutions de l'UE et aux États membres lorsqu'ils agissent dans un domaine de compétence de l'UE.
Les rédacteurs des traités ont progressivement mis en avant la protection des droits fondamentaux,
avec l'article 6 TUE de l'accord d'Amsterdam (1997). La Charte des droits fondamentaux de l'UE
(2001) a été rédigée et proclamée par les institutions, et a acquis une force juridique contraignante en
2009. L'article 6 TUE du traité de Lisbonne prévoit que la Charte a la même valeur juridique que les
traités, et que l'UE doit adhérer à la CEDH. Cependant, l'avis 2/13 de la Cour de justice (2014) a
repoussé l'hypothèse d'une telle adhésion.
Les PGD (Principes Généraux du Droit) sont des déclinaisons des principes d'égalité et de liberté
individuelle. Ils incluent l'égalité entre usagers des services publics (CE, Ass. 8 déc. 1978, GISTI,
GAJA n°90), le principe de sécurité juridique (CE, Ass., 24 mars 2006, Sté KPMG), le libre choix du
médecin et la liberté de prescription de ce dernier. La liste des PGD est provisoire et le juge peut la
compléter. Cependant, elle cède du terrain face aux sources constitutionnelles et conventionnelles
(ex : l'article 8 CEDH protège le droit de mener une vie familiale normale : CE, 19 avr. 1991,
Belgacem). Le Conseil peut toutefois utiliser des PGD à la place des sources conventionnelles (ex. les
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LE DROIT en 3 minutes
principes d’impartialité et de respect des droits de la défense : CE, Ass, 3 déc. 1999, Didier, GADLF
n°57 & CE, 27 oct. 2006, Parent).
Le Conseil constitutionnel a rendu une décision le 15 nov. 2007 (déc. 2007-557 DC) concernant la
loi relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile. Il a précisé que l'application d'un
test ADN pour prouver le lien de filiation en cas d'absence de document d'état civil étranger est
possible, mais ne peut être utilisé que sous le contrôle d'un juge et après un examen individuel de
l'acte d'état civil produit. Cela garantit le droit de mener une vie familiale normale.
La CourEDH a jugé, dans l'arrêt Christine Goodwin c/ RU du 11 juil. 2002, que le respect de l'article
8 de la CEDH imposait aux États l'obligation positive de reconnaître juridiquement l'identité
transsexuelle et le changement de sexe de ces personnes. Elle a avancé que, au XXIe siècle, les
transsexuels doivent pouvoir jouir pleinement des droits au développement personnel et à l'intégrité
physique et morale. Cette démarche dynamique de la CourEDH a suscité des critiques, car elle
anticipe le consensus pour mener une interprétation constructive de la Convention. Cela soulève des
questions sur la légitimité de cet acteur.
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LE DROIT en 3 minutes
Le juge occupe une place importante dans la définition des droits et libertés protégés, ce qui suscite
des interrogations légitimes. Selon M. Troper, la démocratie ne se limite pas à la domination de la
majorité, mais à l'État de droit, et le pouvoir judiciaire est le seul contre-pouvoir face au bloc législatif
et exécutif. Ainsi, le juge est garant de la démocratie. Cependant, sa légitimité reste à prouver. EJLS
(vol. 1 n°2) propose plusieurs réponses possibles.
Le positivisme juridique et sociologique sont les deux explications de la légitimité du juge. Selon le
positivisme juridique, le juge doit respecter la procédure et interpréter le droit. Le positivisme
sociologique, quant à lui, fait appel à la bonne écoute des évolutions de la société et à la fidélité à ses
exigences. Le jusnaturalisme, enfin, fonde la légitimité du juge dans la préservation des normes
fondatrices intemporelles. Les DF inscrits au niveau constitutionnel et international permettent de
s'assurer que le législateur et le pouvoir règlementaire respectent bien les DF. En cas de conflit entre
plusieurs textes protégeant les DF, le choix se fait en fonction de leur place dans la hiérarchie des
normes. Devant les juridictions ordinaires françaises, il n’est pas nécessaire de faire de choix. Par
contre devant le juge constitutionnel il n’est pas possible d’invoquer des conventions internationales.
La DUDH a engendré un mouvement international pour la protection des droits de l'Homme. Les
Etats peuvent conclure des conventions pour protéger ces droits, mais ces conventions ne sont pas les
mêmes partout dans le monde. En France, les sources nationales de protection des droits
fondamentaux sont situées dans le bloc de constitutionnalité, sans hiérarchie interne. En 1971, le
Conseil constitutionnel a décidé de contrôler la constitutionnalité des lois et de protéger la liberté
d'association. Les sources internationales sont parfois plus difficiles à invoquer devant le juge, mais le
principe de primauté permet de choisir la loi applicable en cas de conflit de normes.
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LE DROIT en 3 minutes
Le principe d'immédiateté régit l'effet des normes internationales dans l'ordre juridique interne.
Selon le droit français, les normes infra-constitutionnelles s'écartent si elles sont contraires aux
normes internationales, mais les normes constitutionnelles sont supérieures et ne peuvent être
écartées. Le droit international a longtemps concerné uniquement les relations entre Etats, mais avec
l'introduction des droits de l'Homme, il s'intéresse aussi aux personnes. Pour qu'une norme
internationale ait un effet direct, il faut que les Etats partis à une convention l'aient souhaité et que la
disposition invoquée soit claire, précise et inconditionnelle.
Le Conseil d'Etat et la Cour de cassation ont formulé des critères favorables à l'effet direct du droit
international des droits de l'Homme en matière de droits sociaux des migrants. La Cour de cassation a
rejeté l'effet direct de l'intégralité de la Charte sociale européenne, mais a reconnu l'effet direct de
l'article 24 devant le Conseil d'Etat. Les questions de l'effet direct des dispositions sont traitées au cas
par cas selon les juridictions. Les sources jurisprudentielles sont créées par le juge, y compris pour les
normes constitutionnelles, mais les arrêts de la CEDH ne seront pas appliqués si les Etats le
reprouvent.
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LE DROIT en 3 minutes
Le droit à la vie est protégé par la loi selon l'Article 2 de la CEDH. La mort ne peut être infligée
intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal. La mort n'est
pas considérée comme infligée en violation de cet article dans les cas où elle résulterait d'un recours à
la force absolument nécessaire. Le Conseil d'État français a interdit la torture et les traitements
inhumains ou dégradants dans son arrêt du 2 sept. 2009 concernant l'Association réseau d'alerte et
d'interventions sur les droits de l'homme.
La Cour de cassation a été amenée à se prononcer sur le traitement médiatique d'une affaire en cours
d'information judiciaire (Civ. 1ère, 9 juil. 2003, n° 00-20.289) et sur une affiche comparant Marine Le
Pen à un "étron fumant" (Ass. Plén, 25 oct. 2019, n°17-86.605). Le Conseil constitutionnel a
également été amené à concilier le droit de grève et le principe de la continuité des services publics
(Déc. n° 79-105 DC, 25 juil. 1979). Plus récemment, il a concilié la liberté d'entreprendre et les
objectifs à valeur constitutionnelle de protection de la santé et de l'environnement (2019-823 QPC, 31
janv. 2020).
La CEDH reconnaît que l'exercice des droits fondamentaux peut être limité par des impératifs
résultants de l'ordre public, c'est-à-dire l'ensemble des valeurs dont les pouvoirs publics jugent
nécessaire d'imposer le respect. Cela peut inclure des considérations liées à la sécurité nationale, à la
sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la
santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. La CEDH prévoit donc que ces
ingérences peuvent être admises dans une société démocratique.
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LE DROIT en 3 minutes
La CourEDH et le Conseil constitutionnel ont reconnu que le droit au respect de la vie privée peut
être limité pour préserver la santé publique et la dignité de la personne humaine (CourEDH, 19 février
1997, Laskey, Jaggard et Brown c/ Royaume-Uni, Rec. 1997-I). De même, il est possible de limiter la
liberté individuelle pour rechercher des auteurs d'infractions (Conseil constitutionnel, Déc. n° 97-389
DC, 22 avril 1997).
La CourEDH considère que la notion de « loi » est autonome et peut s'appliquer à des circulaires
émanant d'autorités militaires ou à une jurisprudence bien établie. Le Conseil d'État a ainsi considéré
que les mots « prévus par la loi » doivent être compris comme impliquant des mesures adoptées au
titre des articles 34 ou 37 de la Constitution (CE, 28 juil. 1995, CGT). Cette conception large de la
notion de loi pose des problèmes aux pénalistes. La CourEDH exige que la loi soit accessible, claire et
précise afin que les justiciables puissent régler leur conduite (CourEDH, 26 avril 1979, Sunday Times
c. RU). Les juridictions françaises s'étant également saisi de cette conception pour les sanctions
administratives et l'intelligibilité et l'accessibilité de la loi.
Le jeu des principes de proportionnalité et de nécessité est une constante dans le contrôle du respect
des droits et libertés quel que soit l'ordre juridique. Le principe de proportionnalité vise à vérifier que
la restriction ne porte pas une atteinte excessive au droit ou à la liberté fondamentale, tandis que le
principe de nécessité vise à vérifier que la restriction est bien nécessaire pour poursuivre l'objectif
légitime. Le PIDCP et la CEDH disposent qu'une restriction à l'exercice d'un droit doit constituer «
une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire » à la poursuite de l'objectif fondant la
restriction (24 nov. 1986, Gillow c. RU, §55). La Charte des droits fondamentaux dispose, quant à
elle, qu'une limitation doit « respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés » et « dans le
respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont
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LE DROIT en 3 minutes
nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d'intérêt général reconnus par l'Union ou au
besoin de protection des droits et libertés d'autrui ».
Le juge interne se base sur le Conseil constitutionnel, le juge administratif et le juge judiciaire pour
contrôler la nécessité et la proportionnalité des restrictions aux droits des citoyens. Par exemple, le
Conseil constitutionnel a pris la décision 2003-467 DC du 13 mars 2003 concernant la loi sur la
sécurité intérieure. Le juge administratif a également été confronté aux mesures de police dans
l'affaire CE ord. du 9 janvier 2014. Le juge judiciaire peut s'appuyer sur les articles L.1121-1 et 1321-
3 du Code du travail, ainsi que sur la Cass Soc. du 12 janvier 1999 et du 12 juillet 2005. La Cass Civ
1ère du 2 mars 2022 et la Cass. Ass plén. du 16 décembre 2022 concernent respectivement le port de
signes religieux par l'avocat durant l'audience et les visites et saisies domiciliaires opérées par l'AMF.
A- L'Union européenne
L'Union européenne peut limiter l'exercice des droits et libertés de ses agents et des personnes se
trouvant sur son territoire, notamment dans le cadre de la mise en place du marché intérieur (PAC) et
de l'Espace de liberté sécurité et justice (Dir. 2008/115). Ces restrictions peuvent résulter d'actes de
l'UE (règlement) ou d'actes nationaux adoptés en application du droit de l'UE (directive). Les droits et
libertés ainsi limités incluent le droit de propriété, la liberté d'entreprendre, la protection de la vie
privée et familiale et des droits procéduraux (mandat d'arrêt européen).
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LE DROIT en 3 minutes
1. L'hétéro-aménagement
L'article L. 1321-1 du Code du travail oblige le chef d'entreprise à mettre en place un règlement
intérieur encadrant l'exercice des droits et libertés fondamentaux des salariés. Dans les arrêts Spileers
et Ordre des avocats de Bayonne c. Fidal, c'est une personne privée qui limitait l'exercice des droits et
libertés. Une décision de demander aux employés d'ouvrir leurs sacs devant des agents de sécurité à
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LE DROIT en 3 minutes
l'entrée des locaux (Cass Soc., 3 avril 2001, Sarrasin) et le règlement intérieur interdisant le port du
voile islamique de la crèche Baby Loup (Cass Ass.plén, 25 juin 2014, Baby Loup, n°13-28.369,
GADLF n°105) sont des exemples d'encadrement des droits et libertés.
2. L'auto-aménagement
L'auto-aménagement est une forme de limitation volontaire des droits et libertés d'un individu. En
droit du travail, cela se manifeste par des clauses de non-concurrence (Cass Soc., 10 juil. 2002, n°00-
45.135, GADLF n°99) et des contraintes liées au lieu du domicile si cela est justifié par la tâche à
accomplir.
A- Le régime répressif
Le régime de droit pénal est le plus favorable aux droits et libertés. L'article 4 de la DDHC exprime
ce principe selon lequel « tout ce qui n'est pas défendu par la loi est permis ». Les interdictions
doivent être précises et les sanctions proportionnées. La peine de mort a été abolie en France en 1981
par la loi puis par l'article 66-1 de la Constitution le 23 février 2007. Les infractions et les sanctions
sont prononcées par un juge, mais certaines peuvent être fixées par des sanctions administratives. Ces
dernières peuvent être contestées en justice.
B- Le régime préventif
Le régime préventif est un système où l'interdiction est le principe et la liberté l'exception. Pour
exercer un droit ou une liberté, il faut obtenir l'accord d'une autorité publique. Il peut prendre la forme
d'une autorisation préalable ou d'une interdiction. L'autorisation préalable peut être expresse ou tacite
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LE DROIT en 3 minutes
L'interdiction est une forme de réglementation moins dangereuse que la répression car elle ne
nécessite pas d'autorisation préalable. Cependant, elle est plus incertaine car elle dépend de
l'appréciation de l'administration. Par exemple, le maire de Nevers a interdit une conférence littéraire
en 1933 (arrêt Benjamin) en raison de menaces de manifestation. L'administration peut exercer ce
pouvoir mais il est soumis au contrôle du juge administratif. Depuis 2000, le référé-liberté permet de
suspendre une décision administrative portant atteinte aux libertés fondamentales.
L'article L224-1 du Code de la sécurité intérieure prévoit une interdiction de sortie du territoire pour
les Français ayant des raisons sérieuses de participer à des activités terroristes ou de se rendre sur un
théâtre d'opérations de groupements terroristes. Cette interdiction est prononcée par le Ministre de
l'intérieur pour une durée maximale de six mois. Bien que cette mesure soit une atteinte aux droits et
libertés, elle est nécessaire pour préserver l'ordre public et l'exercice effectif des libertés. Cependant,
ces dernières années, le prolongement régulier de l’État d’urgence a conduit à un renforcement du
régime préventif au détriment du régime répressif, ce qui n'est pas favorable aux droits et libertés.
C- La déclaration préalable
Le régime de droit commun des DF (droits fondamentaux) prévoit que les DF peuvent être limités, à
condition que cela soit prévu par la loi, que cela poursuive un objectif d’intérêt général et que cela
respecte le principe de proportionnalité. Certains DF revêtent un caractère intangible ou absolu, et ne
peuvent donc pas être limités. Cependant, l’article 15 de la CEDH prévoit des dérogations aux DF
dans des situations exceptionnelles, sauf pour les droits intangibles qui peuvent être limités.
Le droit à la vie (article 2 CEDH) est absolu sauf en cas de peine capitale. Les protocoles 6 et 13 de
la ConvEDH ont successivement aboli la peine de mort sauf dans des situations exceptionnelles, puis
purement et simplement. Cependant, il est possible que l’on meure sans violation du droit à la vie.
L'arrêt du Conseil d'Etat 2 septembre 2009 interdit la torture, mais il y a une marge de manœuvre pour
savoir si le traitement est inhumain ou dégradant. Dans 90% des cas, le cœur du contrôle est la
proportionnalité, ce qui enlève beaucoup de sécurité juridique au droit français.
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LE DROIT en 3 minutes
Les autorités compétentes pour limiter les DF sont l’autorité publique et les personnes privées. Le
régime préventif (Code de la sécurité intérieure) et le régime répressif (principe de légalité pénale)
sont les deux principaux régimes pour règlementer le droit. La déclaration préalable permet de
sécuriser le cortège. La liberté d'expression est un DF ordinaire qui conditionne le respect d'autres
droits (droit de vote, liberté de la presse, liberté des arts, liberté académique, liberté d'information).
La liberté d'expression est un droit fondamental reconnu par l'article 11 de la DDHC, l'article 10 de
la CEDH, l'article 19 du PIDCP et l'article 11 de la Charte des DF de l'UE. Elle est essentielle à la
démocratie, comme le démontre le CourEDH de 1976 (Handyside contre Royaume-Uni). Elle
s'applique à toutes les formes d'expression, mais peut être limitée selon le type de discours. Elle relève
du régime répressif et des sanctions peuvent être appliquées si les limites sont franchies
(négationnisme, outrage, incitation à la haine).
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LE DROIT en 3 minutes
A- L'article 16 de la Constitution
L'article 16 de la Constitution confère au Président de la République des pouvoirs renforcés en cas
de crise grave. Pour être mis en œuvre, deux conditions doivent être réunies : une condition de fond
(menace grave et immédiate des institutions de la République, etc.) et une condition formelle
(consultation du Premier ministre, des présidents des deux assemblées et du Conseil constitutionnel).
Le Président peut alors librement choisir de déclencher l'article 16 et doit en informer la Nation. Cet
acte ne peut pas faire l'objet d'un contrôle juridictionnel et aucune limitation de durée n'existe. La
révision de 2008 a cependant introduit un nouvel alinéa prévoyant que le Conseil constitutionnel peut
rendre un avis au bout de 30 ou 60 jours. La mise en œuvre de l'article 16 a été déclenchée une fois
depuis 1958, lors du putsch des généraux à Alger en 1961.
Le régime de l'article 16 permet au Président de prendre des mesures sans contrôle juridictionnel. En
1961, le général De Gaulle l'a appliqué pendant plus de 5 mois. Le Président peut adopter des actes
dans n'importe quel domaine, à condition de consulter le Conseil constitutionnel avant. Il ne peut pas
dissoudre l'Assemblée nationale ni réviser la Constitution (sauf que le Conseil se refuse à contrôler la
constitutionnalité d'une révision). Le contrôle des actes adoptés dépend du domaine auquel l'acte
aurait pu être rattaché en situation normale.
Le juge administratif est compétent pour contrôler les actes relevant du domaine du règlement,
notamment dans le cadre de la théorie des circonstances exceptionnelles. En revanche, le contrôle des
actes relevant du domaine législatif était initialement impossible. Cependant, depuis 1961 (CE, 2 mars
1962, Rubin de Servens) et le développement du contrôle de conventionnalité des lois et de la QPC,
un contrôle juridictionnel est possible, même s'il est peu approfondi.
B- L'état de siège
L'état de siège est régi par l'article 36 de la Constitution et la loi du 9 août 1849 (L. 2121-1 et suiv.
du Code de la défense). Il peut être décrété par le Conseil des Ministres en cas de péril imminent,
résultant d'une guerre étrangère ou d'une insurrection à main armée, et sa prorogation au-delà de 12
jours doit être autorisée par le Parlement. Il permet aux autorités militaires de prendre le contrôle de la
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LE DROIT en 3 minutes
police, de juger des militaires et des civils, et d'accroître leurs pouvoirs (perquisitions, éloignement
des repris de justice, interdiction des réunions et publications). Il a été utilisé entre 1914 et 1918 et
brièvement en 1939, mais n'a pas été proclamé depuis.
A- L'état d'urgence
L'état d'urgence a été mis en place en 1955 pour répondre à la situation en Algérie avant son
indépendance. Il a été appliqué à plusieurs reprises, notamment en 1985 en Nouvelle-Calédonie et en
2005 lors des émeutes urbaines. Un projet de constitutionnalisation a été abandonné. Il est proclamé
par décret en conseil des ministres et peut être recouru devant le Conseil d'État et le Conseil
constitutionnel. La loi de 1955 prévoit des garanties pour sa mise en œuvre.
L'état d'urgence permet aux autorités civiles d'étendre leurs pouvoirs de police, notamment par des
assignations à résidence (art. 6, 1955), des perquisitions administratives (art. 11), la dissolution des
associations ou groupements de fait (art. 6-1) et la fermeture provisoire des lieux de culte (art. 8). En
nov. 2015, plus de 4 000 perquisitions ont été effectuées, dont seulement 20 enquêtes pour association
de malfaiteurs en matière terroriste et 41 pour apologie du terrorisme. Le juge administratif et le
conseil constitutionnel encadrent ces mesures (QPC).
L'État d'urgence a été marqué par l'utilisation d'assignations à résidence, parfois pour des motifs peu
liés à l'urgence elle-même. Bien que le nombre de personnes assignées ait diminué, certaines le sont
encore depuis novembre 2015, ce qui pose des problèmes de liberté. Le régime de l'État d'urgence est
soumis à un double contrôle juridictionnel : le juge administratif et le juge constitutionnel via des
QPC. Le contrôle du juge administratif s'est durci au fil des prorogations.
B- L'urgence sanitaire
Le régime d'exception visant à préserver la santé publique a été instauré par la loi du 9 août 2004,
qui a créé un régime de police spéciale en cas de menace sanitaire. La crise du Covid-19 a conduit à la
création d'un nouveau régime d'exception : l'état d'urgence sanitaire (loi n°2020-290 du 23 mars
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LE DROIT en 3 minutes
2020). Il confère des pouvoirs importants au Premier ministre et peut être déclenché et prorogé par
décret et par le Parlement, après avis d'un comité scientifique.
L'état d'urgence sanitaire (L3131-15 Code santé publique) permet au Premier ministre de prendre des
mesures restrictives, telles que le confinement, la quarantaine, l'isolement et la fermeture de certains
établissements. Le ministre de la santé et le préfet peuvent également adopter des mesures
d'application. Ces mesures doivent être proportionnées aux risques et cesser sans délai lorsqu'elles ne
sont plus nécessaires. Elles peuvent entraîner des atteintes à la liberté d'aller et venir, au commerce et
à l'industrie ou à l'entrepreneuriat, mais peuvent faire l'objet d'un contrôle juridictionnel par le juge
administratif.
Le 23 mars 2020, l'Assemblée nationale a voté pour la prorogation de l'application jusqu'au 1er juin
2021 (278 pour, 193 contre et 13 abstentions). Le Sénat a rejeté cette prorogation, mais le Conseil
constitutionnel l'a déclarée conforme à la Constitution (Décision n° 2020-808 DC du 13 novembre
2020).
Il ne s'agit pas à proprement parler d'un régime d'exception puisque le juge a recours à cette théorie a
posteriori et au coup par coup afin de valider un acte de l'administration qui autrement aurait été
illégal.
L'article 15 de la CEDH permet aux États contractants de suspendre la jouissance et l'exercice des
droits proclamés en cas de guerre ou de danger exceptionnel menaçant la vie de la nation. Les
conditions à respecter sont celles définies au niveau national et celles inscrites à l'article 15 et
développées par la jurisprudence de la CourEDH. Les dérogations ne sont pas autorisées pour l'article
2, sauf pour le cas de décès résultant d'actes licites de guerre, et aux articles 3, 4 (paragraphe 1) et 7.
L'État doit informer le Secrétaire général du Conseil de l'Europe des mesures prises et des motifs qui
les ont inspirées, ainsi que de la date à laquelle ces mesures ont cessé d'être en vigueur.
Les États ont l'obligation de notifier au secrétariat de la Convention le recours à l'article 15, ce que la
France a fait après les attentats du 13 novembre 2015. La CourEDH a précisé ce qu'il fallait entendre
par l'existence d'un danger public menaçant la vie de la nation : une situation de crise ou de danger
exceptionnel et imminent. La jurisprudence a été appliquée en Irlande du Nord en 1968, en Turquie en
1996 et au RU après les attentats de 2005. Les mesures dérogatoires doivent être nécessaires et
strictement indispensables pour faire face au danger public. Exemple du RU : la législation anti-
terroriste a été jugée disproportionnée et discriminatoire par la Cour suprême et la CourEDH, le RU a
alors élargi le champ d'application de la mesure aux nationaux avant de l'abroger.
La CourEDH accorde aux États une large marge d'appréciation pour lutter contre les périls auxquels
ils sont confrontés. Cependant, ces mesures dérogatoires doivent être compatibles avec le PIDCP et ne
pas porter atteinte aux droits intangibles. La France a formulé une réserve à l'encontre de l'article 15
de la CourEDH et a précisé que les termes « dans la stricte mesure où la situation l'exige » ne limitent
pas le pouvoir du Président de prendre les mesures exigées par l'article 16 de la Constitution.
Conclusion
L'état d'urgence a été mis en place en France pour répondre à une situation exceptionnelle et
temporaire. Cependant, il a duré deux ans et est actuellement en application depuis presque un an. Le
Conseil d'État a rappelé que l'état d'urgence doit rester temporaire. La fin de l'état d'urgence a été
marquée par l'adoption de la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre
le terrorisme. Les mécanismes mis en place permettent aux pouvoirs publics de réagir plus facilement
aux situations en n'ayant moins de compte à rendre quant au respect des droits et libertés.
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LE DROIT en 3 minutes
l'application de l'article 16. Le juge peut réaliser un contrôle restreint en cas de violation manifeste
d'un DF. L'Etat de siège et l'état d'urgence sont des mécanismes préventifs visant à prévenir des
attentats terroristes. Entre 2015 et 2017, l'état d'urgence a été modifié à chaque prorogation.
L'état d'urgence sanitaire a entraîné des restrictions aux libertés individuelles, sans mécontentement.
Le juge administratif contrôle le contentieux d'état d'urgence et l'article 15 de la CEDH permet des
dérogations, sous réserve que l'article 16 du Président de la République ne soit pas limité. Il est
difficile de sortir de l'état d'urgence. L'article 3 de la CEDH interdit la torture et les peines ou
traitements inhumains ou dégradants (CEDH, 28 juil 1999, Selmounic. France).
La CEDH et le PIDCP utilisent l'article 1 de la Convention des Nations-Unies contre la torture et les
autres peines ou traitements cruels et inhumains pour définir la torture. La Cour a évolué dans sa
manière d'interpréter la torture et les traitements inhumains et dégradants, notamment dans l'affaire
Tomasi contre France (1992) et Selmouni contre France (1999). Dans l'arrêt Kudla contre Pologne
(2000), la CEDH a pris en compte le vécu subjectif de la personne pour élargir l'application de l'article
3.
La CEDH a appliqué l'article 3 concernant les conditions de détention et les châtiments corporels (25
avril 1978). Elle a aussi reconnu que les conditions d'accueil des étrangers demandeurs d'asile peuvent
relever de l'article 3. Le principe de la protection par ricochet permet à un Etat parti à la CEDH d'être
condamné pour violation de l'article 3 s'il renvoie volontairement une personne dans un territoire où
elle risque de subir un traitement contraire à l'article 3 (CEDH Soering contre RU de 1989).
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La résistance à l'oppression est un principe historiquement reconnu (1), mais difficile à inscrire dans
le droit positif (2). C'est notamment le cas du lanceur d'alerte (3).
Le christianisme et la philosophie des Lumières ont tous deux proposé des théories de la résistance à
l'oppression. Jésus Christ (NT) avec le fameux « rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est
à Dieu », Saint Paul, Saint Augustin, Saint Thomas d'Aquin, Thomas Hobbes, John Locke, Samuel
Pufendorf, Benjamin Constant et Alexis de Tocqueville (XIXème siècle) ont tous développé des
théories selon lesquelles l'action du souverain doit être conforme au droit naturel et que seule une
résistance passive est légitime, l'insubordination active étant cantonnée à des situations
exceptionnelles.
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LE DROIT en 3 minutes
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LE DROIT en 3 minutes
Le Défenseur des Droits est un organe indépendant créé par l'article 71-1 de la Constitution. Il veille
au respect des droits et libertés par les administrations publiques et les organismes de service public,
et peut être saisi directement ou par un parlementaire. Il dispose de pouvoirs variés, notamment la
possibilité de formuler des recommandations et des injonctions, et peut établir des rapports spéciaux
et demander des sanctions disciplinaires. Chaque année, il présente son rapport au Président de la
République et aux présidents des assemblées. Il participe à la protection des droits et libertés en
France, notamment en mettant à l'agenda des questions relatives à ces droits.
Le 23 janvier 2023, le DDD a pris une décision concernant les difficultés rencontrées par un enfant
de quatre ans dans son école privée sous contrat d’association avec l’État. Le 29 octobre 2021, un avis
a été donné sur deux propositions de loi visant à protéger les lanceurs d’alerte. Le 1er février 2022, un
règlement amiable a été conclu concernant un refus d’embauche discriminatoire supposé. Enfin, le
DDD a également fait référence à l'arrêt JMB et autres contre France de la CourEDH.
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LE DROIT en 3 minutes
Le droit de résistance à l’oppression permet aux individus de défendre leurs droits, même contre le
droit positif. L’article 122-7 du Code pénal prévoit l’état de nécessité, mais la Cour de cassation
l’interprète de manière stricte et exige un lien de causalité direct entre l’acte et la menace. La liberté
d’expression (art. 10 DDHC) n’est pas toujours reconnue. Des actions telles que l’opposition à des
constructions touristiques peuvent être entreprises.
Le statut des lanceurs d’alerte a été progressivement importé en France au 20ème siècle. La loi Sapin
II de 2016 a proposé un régime de protection pour les lanceurs d’alerte et la directive UE 2019/1937 a
renforcé cette protection. Une nouvelle loi française (mars 2022) modifiera la loi Sapin II pour offrir
une protection plus importante aux lanceurs d’alerte.
La loi Sapin II définit un lanceur d'alerte comme une personne physique qui signale ou divulgue,
sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit,
une menace ou un préjudice pour l'intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation
d'une violation d'un engagement international, du droit de l'Union européenne, de la loi ou du
règlement. Une contrepartie financière indirecte est possible.
La loi Sapin II offre une protection aux personnes physiques (facilitateurs, lanceurs d'alerte et entités
juridiques contrôlées) qui signalent des infractions ou des manquements à la loi. Cette protection
comporte des exceptions (secret défense, secret entre l'avocat et son client). La procédure de
signalement comprend 3 étapes : signalement interne (supérieur hiérarchique), signalement interne
(autorités administratives ou judiciaires) et divulgation à l'opinion publique. Si ces étapes ne sont pas
respectées, le lanceur d'alerte ne bénéficie pas de la protection.
La loi Sapin II a été modifiée par la directive européenne, offrant une protection large aux lanceurs
d'alerte, notamment en matière de responsabilité pénale, du droit du travail, des fonctionnaires et de la
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LE DROIT en 3 minutes
responsabilité civile. La liberté d'expression peut également offrir une protection. Cependant, des
difficultés persistent, car les lanceurs d'alerte sont souvent seuls et risquent de subir des désagréments.
La CEDH a rendu un arrêt le 14 février 2023, déclarant que la condamnation d'un lanceur d'alerte
pour divulgation de secrets bancaires violait l'article 10 de la CEDH. Des moyens de contrôle existent,
tels que le droit de vote, la liberté de manifester et le boycott.
Il existe en France deux ordres de juridictions auxquels il faut ajouter la justice constitutionnelle qui
peut être perçue comme ayant un rôle unificateur mais qui joue surtout un rôle de plus en plus
important en matière de protection des droits fondamentaux. L'objet ici ne sera pas de présenter ces
différents ordres de juridiction qui sont bien connus, mais d'insister sur les aspects de leur office
respectif relatifs aux droits et libertés fondamentaux.
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LE DROIT en 3 minutes
C- Le contrôle a priori
Le Conseil constitutionnel est compétent pour se prononcer sur les lois organiques, les lois
ordinaires et les traités internationaux. Il ne peut pas se prononcer sur la constitutionnalité des lois
référendaires ou des lois constitutionnelles, sauf si cela contrevient à une règle ou un principe inhérent
à l'identité constitutionnelle de la France (Décision n° 2010-79 QPC du 17 décembre 2010). Les lois
organiques sont systématiquement soumises à son contrôle (article 61 alinéa 1 de la Constitution).
Pour les lois ordinaires et les traités internationaux, le Conseil doit être saisi par le Président de la
République, le premier ministre, le président d'une des Assemblées, 60 députés ou 60 sénateurs.
Le Conseil constitutionnel peut être saisi pour contrôler la constitutionnalité des textes législatifs,
notamment lorsqu'ils sont susceptibles de porter atteinte à des droits ou libertés fondamentaux
(comme la loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne ou les lois ayant prorogé l'état
d'urgence entre novembre 2015 et novembre 2017). Auparavant, si une loi n'avait pas été saisie avant
sa promulgation, il n'était plus possible de la contrôler. Le Conseil peut donc intervenir de façon
préventive pour vérifier le respect des droits et libertés fondamentaux.
Le Conseil constitutionnel rend chaque année des décisions DC sur le respect des droits et libertés
fondamentaux. Quatre exemples récents sont la décision n° 2021-834 DC du 20 janvier 2022 sur la
Loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, la décision n° 2022-835 DC du 21
janvier 2022 sur la Loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire, la décision n° 2021-823
DC du 13 août 2021 sur la Loi confortant le respect des principes de la République et la décision n°
2020-801 DC du 18 juin 2020 sur la Loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet.
Cependant, le contrôle du Conseil est insuffisant et il est parfois trop timoré et sa construction des
décisions est critiquée. Par exemple, la décision n°2010-613 DC du 7 octobre 2010 sur la loi
interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public est très lapidaire.
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LE DROIT en 3 minutes
La révision de 2008 et la loi organique de 2009 ont permis l'introduction de la QPC. En mai 2016,
Laurent Fabius a également amélioré le mode de rédaction des décisions du conseil pour les rendre
plus claires.
La procédure de contrôle a posteriori des lois par le Conseil constitutionnel, mise en place en France
il y a 10 à 15 ans, est considérée comme la principale innovation relative à la protection des droits
fondamentaux. Elle permet de vérifier si une disposition législative est conforme à la Constitution et,
si ce n'est pas le cas, elle est abrogée. Cette procédure a permis de purger l'ordre juridique français de
dispositions contraires aux droits et libertés et de tester de telles dispositions dans les domaines pénal,
fiscal, du droit des étrangers, droit administratif et des validations législatives. Elle a également
permis le contrôle de la plupart des dispositions législatives relatives à l’État d’urgence.
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LE DROIT en 3 minutes
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LE DROIT en 3 minutes
Le référé liberté permet au juge administratif de protéger les libertés fondamentales contre une
atteinte grave et manifestement illégale commise par l'administration dans l'exercice de ses pouvoirs.
Le Conseil d'État a exclu les droits-créances de la notion de liberté fondamentale. La notion de
manifestement illégale inclut les conventions internationales. (CE Ord, 22 décembre 2012, Section
française de l'OIP, GADLF n°63).
Le référé liberté est une procédure judiciaire rapide et efficace qui permet d'obtenir des mesures
nécessaires de la part de l'administration. Elle peut être utilisée pour demander des restrictions aux
libertés, comme ce fut le cas lors du premier confinement en mars 2020 (CE, Ord., 22 mars 2020, n°
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LE DROIT en 3 minutes
439674). Cependant, certains actes de l'administration sont injusticiables, notamment les actes de
gouvernement, les relations entre le pouvoir législatif et le Conseil constitutionnel, ainsi que les
relations internationales.
Le Conseil constitutionnel est chargé du contrôle des lois, à travers le contrôle a priori et le contrôle
a posteriori (QPC). En 2021, le Conseil constitutionnel a décidé que l'utilisation des drones par la
police municipale devait être soumise à l'autorisation du préfet, afin de respecter la vie privée des
citoyens. En 2022, le Conseil constitutionnel a abrogé l'article 60 du Code des douanes, qui permettait
de fouiller un véhicule sans raison précise, et a modulé les effets de sa décision dans le temps.
Le Conseil constitutionnel est composé de membres dont la compétence juridique n'est pas le
principal critère. Avant 2010, il avait un rôle de prise de recul sur les assemblées, mais depuis la
création de la QPC, il est plus technique. Le juge administratif a un rôle plus important que le juge
judiciaire. La Cass Crim (26 fév. 2020, n°19-81.827) confirme que le fait de montrer sa poitrine est
une infraction, mais ne condamne pas car cela rentre dans le domaine de la liberté d'expression. La
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LE DROIT en 3 minutes
Cass Civ (1ère, 17 mars 2016, n°15-14.072) précise que l'atteinte à la vie privée ne concerne que les
personnes physiques.
Le juge administratif a longtemps été handicapé par rapport au juge judiciaire, car en droit
administratif l'administration bénéficiait du préalable. Le référé-liberté a donc constitué une véritable
révolution, comme en témoigne l'arrêt Benjamin. Le 3 avril 2020 (n°439894), le Conseil d'Etat a
décidé que la prolongation automatique des détentions provisoires du fait du confinement était grave,
mais justifiée compte tenu de la situation. Le 5 mars 2021 (n°440037 + communiqué de presse), le
Conseil d'Etat a précisé qu'il fallait l'intervention d'un juge pour chaque prolongation, ce qui est
contraire à la ConvEDH. Cela montre l'évolution de la position du juge administratif, qui se prononce
avec prudence.
Le droit international offre une protection des droits et libertés fondamentales grâce à l'intervention
d'un juge, interne ou international. Toutefois, les systèmes de protection des droits de l'Homme par un
organe juridictionnel sont rares. Seul le niveau régional, comme en Europe, est pourvu d'un tel
mécanisme.
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LE DROIT en 3 minutes
Le Comité des droits de l'Homme peut recevoir et examiner des plaintes de particuliers relevant de
sa juridiction qui prétendent être victimes d'une violation des droits énoncés dans le Pacte
international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). La France a ratifié ce protocole le 17
février 1984. Si la communication est jugée recevable, l'État a 6 mois pour présenter des observations
écrites. Le Comité se prononcera alors sur le fond et indiquera si un manquement aux obligations du
PIDCP a été retenu et quelles sont les mesures à adopter pour les faire cesser.
Le Comité des droits de l'Homme est un organe non juridictionnel institué par l' article 28 du Pacte
international sur les droits civils et politiques. Il émet des constatations qui ne lient pas juridiquement
les États, mais qui peuvent être référées par les juridictions nationales (ex. : arrêt Ortiz du 5 mai
2006). Ce mécanisme est présent dans plusieurs conventions des Nations-Unies, comme le PIDESC
(2008), la Convention contre la torture (1984) et la Convention internationale de 1965 sur
l'élimination de toutes les formes de discrimination raciales (CERD).
Les comités conventionnels sont des juridictions internationales qui peuvent être consultées pour
approfondir les décisions prises. Elles sont limitées à un seul secteur régional et interviennent
ponctuellement dans le domaine des droits et libertés. Julie Ferrero a publié un article intitulé «Faut-il
prendre les Comités conventionnels au sérieux ?» dans la RDLF 2022 chron. n°10.
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LE DROIT en 3 minutes
La CourEDH est une formation judiciaire composée de juge unique, de comités de 3 juges et de
chambres de 7 juges. Les chambres sont les formations ordinaires de jugement et peuvent rejeter une
requête à l'unanimité ou l'admettre et statuer sur le fond. La Grande Chambre de 17 juges intervient
directement sur renvoi de la Chambre ou comme instance de second degré sur renvoi de l'affaire à la
demande d'une partie. En 2022, 45 000 affaires ont été attribuées à l'une des formations judiciaires de
la Cour, 1163 arrêts ont été prononcés et 33 000 décisions d'irrecevabilité ou de radiation pour un
stock d'affaires pendantes de presque 75 000 affaires.
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LE DROIT en 3 minutes
La Cour européenne des droits de l'homme (CourEDH) peut être saisie par toute personne physique,
organisation non gouvernementale, association informelle ou certaines personnes morales de droit
public qui est victime d'une violation des droits consacrés par la Convention. La Cour admet les
notions de «victime potentielle» et de «victime indirecte», par exemple des femmes non enceintes
mais en âge de procréer ou un étranger courant un risque réel de subir la violation d'un de ses droits.
Avant de saisir la Cour, il faut avoir épuisé les voies de recours internes, ce qui met en évidence le
caractère subsidiaire de la compétence de la CourEDH. Seuls les recours utiles doivent avoir été
épuisés (CourEDH, 29 octobre 1992, Open Door et Dublin well Woman c/ Irlande).
Le délai pour saisir la CourEDH est de 4 mois à compter de la décision interne définitive. Les
requêtes manifestement mal fondées ou abusives sont écartées, sauf si le respect des droits de
l'Homme exige un examen de la requête au fond. Depuis le 1er août 2018, les juridictions suprêmes
des Etats ayant ratifié le protocole n°16 peuvent demander un avis consultatif à la CourEDH. La Cour
a rendu son avis le 10 avril 2019 concernant la transcription d'acte de naissance en France d'une GPA
réalisée à l'étranger.
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LE DROIT en 3 minutes
La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a le pouvoir d'interpréter la Convention et ses
décisions s'imposent à tous les États parties. Par exemple, l'arrêt Dudgeon c. Royaume-Uni (1981) a
jugé que la condamnation pénale des relations homosexuelles était contraire à l'article 8 de la
Convention. De même, l'arrêt Salduz c. Turquie (2008) a établi que l'avocat doit être présent dès le
début de la garde à vue. Ces décisions sont exécutées par les États grâce au contrôle du Comité des
ministres du Conseil de l'Europe et à l'influence du droit de la CEDH sur les législations et
jurisprudences nationales.
La CourEDH a eu une influence considérable sur le droit des Etats parties, notamment en France. La
loi du 3 décembre 2001 a abrogé les articles du Code civil discriminatoires à l'encontre des enfants
adultérins (CourEDH, 1er Février 2000, Mazurek c. France). Le Conseil d'État et la Cour de cassation
ont revu leur jurisprudence et appliqué les garanties de l'article 6 (procès équitable) au contentieux de
la fonction publique. La loi 2000-516 a introduit le mécanisme de réexamen en matière pénale et la loi
n°2016-1547, art 42 I 3e a mis en place un mécanisme de réexamen en matière civile ( art 452 – 1
COJ). Cependant, certains Etats résistent à l'autorité de la CourEDH, comme le Royaume-Uni et la
Russie. Des critiques à l'encontre de la CourEDH et de son travail se sont également développées ces
dernières années.
La CourEDH offre une protection juridique efficace aux particuliers, limitée par la liste des droits
inscrits dans la Convention. Elle renforce ainsi la garantie juridictionnelle existante.
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systématiquement. Elles sont conduites à assurer la garantie des droits et libertés lorsque l'on conteste
un acte de l'UE ou lorsqu'il y a un litige national portant sur le droit de l'UE en rapport avec les droits
fondamentaux.
L'affaire Sonia Yaker contre la France de 2018 a été portée devant le Comité des droits de l'Homme
(CDH) de l'ONU, qui a précisé que les restrictions doivent être prévues par la loi, légitimes et
proportionnées. Sa décision n'est pas contraignante et peut ne pas être suivie des faits. Il ne faut pas
confondre le CDH et le Conseil des droits de l'Homme. Le principe de subsidiarité (épuisement des
voies de recours) veut que la priorité soit donnée aux juridictions nationales pour protéger les droits et
libertés protégés par la Convention européenne des droits de l'Homme (ConvEDH). Un protocole
permet aux juridictions suprêmes de demander à la CEDH comment appliquer la ConvEDH. La
formation de la CEDH comprend un juge unique pour rejeter les demandes manifestement
irrecevables, un comité, une chambre et une grande chambre pour les affaires importantes ou les
appels.
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La CEDH est une Cour qui statue sur la recevabilité et le fond des affaires. Une fois l'arrêt rendu,
elle octroie une satisfaction équitable à la victime et l'Etat doit adopter des mesures pour exécuter
l'arrêt. Le Comité des Ministres surveille l'exécution des arrêts et le greffe oriente les requêtes. Malgré
cela, beaucoup de requêtes sont encore irrecevables.
L'utilisation des données à caractère personnel pose des risques pour les individus, notamment en ce
qui concerne leur droit à la vie privée, à la liberté d'expression et à la dignité de la personne humaine.
Pour y remédier, un nouveau droit fondamental a été créé : le droit à la protection des données à
caractère personnel. Ce droit a été créé pour accompagner un phénomène considéré comme
incontournable.
Le droit à la protection des données à caractère personnel est reconnu par l'article 8 de la Charte des
droits fondamentaux de l'UE, qui s'inspire de la Convention n°108 du Conseil de l'Europe (1981) et de
la Loi informatique et liberté (LIL, 1978) en France. L'UE a également adopté le Règlement
2016/679, la Directive 2016/680 et la Directive 2002/58/CE pour réglementer ce droit. En France, la
LIL a été révisée en 2018. Selon l'article 4 du RGPD, les données personnelles sont définies comme
toute information se rapportant à une personne physique identifiée ou identifiable.
Le RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données) définit le traitement des données
personnelles comme toute opération effectuée sur ces données. L'article 5 du RGPD énonce les
principes relatifs à ce traitement : licéité, loyauté, transparence, limitation des finalités, limitation des
données, exactitude, limitation de la conservation et intégrité et confidentialité.
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Le RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données) impose des principes à respecter pour
le traitement des données à caractère personnel. Le responsable du traitement doit pouvoir démontrer
qu’il a fait respecter ces principes et peut être tenu responsable en cas de problème. Pour être licite, le
traitement doit être fondé sur le consentement explicite du titulaire des données ou sur un intérêt
légitime. Les titulaires des données ont le droit à une information complète, à l’accès, à la
rectification, à l’effacement et à la portabilité des données. Des mécanismes sont mis en place pour
assurer la protection des droits, notamment le DPO (Data Protection Officer) et le contrôle externe par
le CNIL (Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés) qui peut infliger des amendes
allant jusqu'à 20 millions d'euros ou 4% du chiffre d'affaires annuel mondial de l'entreprise.
2 exemples :
Le 28 janvier 2022, le Conseil d'Etat a confirmé les sanctions infligées par la CNIL à Google pour la
difficulté à refuser les cookies. En 2014, la CJUE a invalidé une directive européenne obligeant les
opérateurs de téléphonie mobile et les fournisseurs d’accès à Internet à conserver les données de
connexion pour les forces de police. Plusieurs associations, dont la Quadrature du net, ont tenté
d’obtenir l’abrogation de ces dispositions. Le Conseil d'Etat a posé une question préjudicielle à la
CJUE qui a répondu le 6 octobre 2020 en précisant que la conservation générale et indifférenciée des
données est interdite sauf en cas de menace à la sécurité nationale. Le Conseil constitutionnel a abrogé
une disposition législative qui prévoyait de conserver des informations pour pouvoir s’en servir dans
le cadre d’enquête judiciaire, car elle était disproportionnée.
VI- Sources
L'article 8 de la CEDH et l'article 9 du Code civil protègent le droit à la vie privée et familiale. Selon
l'article 2 de la DDHC, le Conseil constitutionnel a déduit la protection à la vie privée et à la liberté.
Ces principes sont considérés comme des droits naturels et imprescriptibles.
Le droit à la vie privée est une liberté fondamentale protégée par l'article 2 de la Déclaration des
droits de l'homme et du citoyen de 1789 et par l'ordonnance du Conseil d'Etat du 25 octobre 2007. Il
s'agit d'une sphère d'intimité des individus qui ne doit pas être violée par l'Etat. La CEDH a élargi la
portée de ce droit, en considérant les relations entre les individus, ce qu'on appelle la vie privée
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sociale (arrêt Pretty contre Royaume-Uni). Cette extension progressive du droit à la vie privée est
reconnue par les juridictions.
VII- Déclinaisons
C- Le droit au secret
Le 25 février 2016, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a opposé le droit à un procès
équitable à la vie privée. Une personne victime d'un accident corporel invoquait des troubles de la
locomotion, mais la personne chez qui les travaux se faisaient contestait la réalité de l'accident. La
Cour de cassation a considéré que la durée et l'ampleur des enquêtes litigieuses portaient atteinte au
droit au respect de la vie privée, protégé par l'article 8 du Code civil et l'article 9 de la CEDH.
E- La liberté sexuelle
La CEDH considère le droit à la vie privée comme comprenant le droit à l'épanouissement
personnel, y compris dans le domaine des relations sexuelles. La liberté sexuelle inclut la libre
expression de la sexualité, y compris l'homosexualité, mais avec des limitations (présomption de non-
consentement pour les mineurs de moins de 15 ans, interdiction de la zoophilie). Il y a aussi le droit de
ne pas être discriminé en raison des choix dans son orientation sexuelle (par exemple, depuis le
16/03/22, fin de la période d'abstinence d'un an imposée aux personnes homosexuelles pour le don du
sang).
F- Le droit à la réputation
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La Cour de cassation a tranché le 25 octobre 2019 dans une affaire concernant un dessin représentant
Marine le Pen. Elle a considéré que la liberté d’expression l’emportait sur le droit à la réputation, car
elle participait à un débat d’intérêt général.
Le droit français initial interdit la GPA, sans incrimination pénale, selon l'arrêt de l'assemblée
plénière de la Cour de cassation du 31 mai 1991. La Cour de cassation a annulé l'adoption d'un enfant
né de GPA, considérant qu'il s'agissait d'un contournement de la loi. La CEDH a condamné la France
le 26 juin 2014 (Mennesson contre France) pour violation du droit au respect de la vie privée, car elle
n'a pas reconnu le lien entre l'enfant et son père biologique. La CDFUE (Article 3 § 2) interdit de faire
du corps humain et de ses parties une source de profit.
La Cour de cassation a changé sa position en 2015 et n'a pas évolué législativement. En 2019, elle a
demandé un avis à la CEDH concernant les parents d'intention biologiques ou non. La CEDH a
expliqué qu'il fallait un mécanisme effectif pour reconnaître le lien de filiation, comme une procédure
d'adoption. Suite à cet arrêt, la Cour de cassation a précisé que la transcription ne pouvait pas être
annulée et que l'on pouvait transcrire l'acte d'état civil. La loi bioéthique de 2021 interdit la
transcription des actes d'état civil, mais ne va pas à l'encontre de la CEDH puisqu'il existe la
possibilité de l'adoption.
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