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Sommaire

Introduction
I- La terminologie des droits et libertés fondamentaux
A- Droits et libertés
B- Droits de l’Homme, droits fondamentaux, droits et libertés publiques
1. Droits de l’Homme et libertés publiques
2. Les droits et libertés fondamentaux
II- Typologie des droits et libertés
A- Le critère de l’objet des droits fondamentaux (DF)
B- Le critère du mode d’exercice des DF
C- Le critère de l’ordre historique d’apparition
D- Le critère de la hiérarchie des DF
III- Titulaires et débiteurs des droits fondamentaux
A- Les titulaires des droits et libertés
1. La question des personnes morales
2. Les titulaires personnes humaines, physiques
B- Les débiteurs des droits et libertés

Conclusion
I- Les sources juridiques nationales
2. La DDHC de 1789
C- Les droits et libertés visés par le texte constitutionnel
D- Les droits et libertés visés par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789
E- Les droits et libertés visés par le préambule de la constitution de 1946
1. Les PPNT
2. Les droits et libertés constituant des « principes fondamentaux reconnus par les lois de la
République »
F- La Charte de l’environnement
G- Les Principes à valeur constitutionnelle (PVC)
H- Les objectifs de valeur constitutionnelle
II- Les sources juridiques internationales
III- Les sources juridiques jurisprudentielles
A- Le juge administratif et les PGD
B- Le juge constitutionnel (les réserves d’interprétation)
C- Les juges européens – l’exemple de la CEDH
D- La légitimité du droit prétorien des droits et libertés
IV- Le principe de la limitation de l’exercice des droits et libertés
E- Les droits et libertés intangibles
F- Les droits et libertés « ordinaires »
3. Les motifs de la restriction
4. Les conditions de la restriction
V- Les autorités compétentes pour limiter les droits et libertés
A- L'Union européenne
B- La réglementation des droits et libertés par le législateur
C- La réglementation des droits et libertés par le pouvoir réglementaire
D- Les personnes privées
1. L'hétéro-aménagement
2. L'auto-aménagement
VI- Les principaux régimes d’aménagement des droits et libertés
A- Le régime répressif
B- Le régime préventif
C- La déclaration préalable
VII- Les circonstances exceptionnelles prévues par la Constitution
A- L'article 16 de la Constitution
B- L'état de siège
VIII- Les circonstances exceptionnelles prévues par la loi
A- L'état d'urgence
B- L'urgence sanitaire
IX- Les circonstances exceptionnelles prévues par la jurisprudence
X- Le droit de dérogation de l'article 15 de la CEDH

Conclusion
XI- La garantie des droits et libertés par les gouvernés
C- La résistance à l'oppression et la désobéissance civile
3. La récurrence de la théorisation et du recours à la résistance à l'oppression
4. La difficulté d'inscription en droit positif de la résistance à l'oppression
5. L'exemple du lanceur d'alerte
D- Le contrôle par l'opinion publique ou l'électeur
XII- La garantie des droits et libertés par les gouvernants
A- La garantie des droits et libertés par les gouvernants dans le cadre national
B- La garantie des droits et libertés par les gouvernants dans le cadre international
XIII- La garantie des droits et libertés par des organes indépendants
A- Les organes indépendants nationaux : l'exemple du défenseur des droits
B- Les organes indépendants internationaux
Section 1 – La juridiction constitutionnelle
XIV- Les compétences du Conseil constitutionnel
C- Le contrôle a priori
D- Le contrôle a posteriori : la QPC
XV- Composition du Conseil
Section 2 – Les juridictions ordinaires
I- Le juge judiciaire gardien traditionnel de la liberté individuelle
A- L’affaiblissement du titre général de compétence du juge judiciaire en matière de droits et libertés
B- La persistance de titres de compétence spécifiques
C- La définition d’exceptions au profit du juge administratif
II- Le juge administratif protecteur traditionnel des libertés publiques
III- Le contrôle de conventionnalité
Deuxième partie = cours en CM

Introduction et absence de mécanismes juridictionnel au niveau mondial


IV- L'absence de mécanisme de garantie juridictionnelle des droits et libertés au niveau universel
D- Le recours prévu dans le cadre du PIDCP : un mode de garantie « para juridictionnel »
E- Une justice internationale peu impliquée dans la protection des droits et libertés
V- Les mécanismes régionaux de garantie juridictionnelle des droits et libertés
A- Le système de protection de la Convention européenne des droits de l'Homme
6. Composition et fonctionnement interne de la CourEDH
7. Les conditions de recevabilité des recours portés devant la CourEDH
8. Les effets des arrêts de la CourEDH
B- La garantie juridictionnelle des droits et libertés au sein de l'UE
1. La contestation d’actes de l’Union attentatoires aux droits fondamentaux
2. Le contrôle de l’action des Etats dans le champ d’application du droit de l’UE
Section 1 – Le droit fondamental à la protection des données personnelles
Section 2 – Le droit au respect de la vie privée
VI- Sources
VII- Déclinaisons
C- Le droit au secret
D- Le droit au respect de l’identité
E- La liberté sexuelle
F- Le droit à la réputation
G- Le droit de vivre dans un environnement sain
VIII- Focus sur la GPA
LE DROIT en 3 minutes

Introduction
On va se poser 3 grandes questions : Quels sont les termes qu’on utilise et quelles sont leur
signification en droit des libertés ? Quelles sont les différentes typologies qui existent en droit des
libertés ? Comment peut-on les classer ? Qui sont les titulaires des droits fondamentaux et qui en
sont les débiteurs ?

I- La terminologie des droits et libertés fondamentaux


La terminologie juridique fait référence à des notions telles que les libertés fondamentales, les droits
de l'Homme, les libertés publiques, les droits du citoyen et les droits fondamentaux, qui ont des
significations différentes et qui sont essentiels à la compréhension du droit.

A- Droits et libertés
Les libertés et le droit sont des concepts distincts mais liés. Les libertés définissent une sphère
d'autonomie autour de l'individu, tandis que le droit est un pouvoir ou une prérogative reconnue à des
individus. Le droit permet de préciser l'exercice d'une liberté et peut même en prolonger certains
aspects. Par exemple, la liberté d'expression peut être à l'origine du droit d'expression des salariés
dans l'entreprise. En théorie, le droit est plus précis que la liberté, mais en pratique, le législateur
mélange les deux.

B- Droits de l’Homme, droits fondamentaux, droits et libertés


publiques
Il y a 2 duos : Droits de l’Homme et libertés publiques. Puis les droits et libertés fondamentaux.

1. Droits de l’Homme et libertés publiques

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Les libertés publiques sont des droits accordés à l'administré par le droit administratif et sont prévues
par la Constitution (article 34). Elles sont rattachées au légicentrisme et à la théorie positiviste des
droits. Les droits de l'Homme sont plus larges et peuvent renvoyer à un cadre international de
protection des droits ou à une philosophie des libertés publiques. La DDHC a été intégrée au bloc
constitutionnel par le Conseil constitutionnel en 1971 et la Convention EDH, ratifiée par la France en
1974, renvoie aux droits de l'Homme. Cette évolution a conduit à une montée en puissance des droits
de l'Homme.

2. Les droits et libertés fondamentaux


Au milieu des années 80, les droits et libertés fondamentaux font leur apparition, sous l'influence de
la conception allemande et de Louis Favoreu. Ils sont présents dans le préambule de 1946, le référé-
liberté et la jurisprudence du Conseil constitutionnel. La notion de droits fondamentaux a failli être
intégrée à l'article 1102 alinéa 2 du Code civil. Elle est également présente dans les textes
internationaux comme la Convention EDH et la Charte des droits fondamentaux de l'UE. En
Allemagne, la Loi fondamentale contient un catalogue de droits fondamentaux qui bénéficient d'une
protection renforcée et d'un recours juridictionnel spécifique.

Les droits fondamentaux sont des droits constitutionnels qui imposent à l'Etat de respecter le droit et
de mettre en place des politiques publiques pour garantir le droit à un environnement sain. Ils ont des
effets positifs et horizontaux, c'est-à-dire entre les particuliers, et le juge judiciaire participe à leur
protection. La QPC de 2010 a permis le contrôle de constitutionnalité des lois. Les droits
fondamentaux ont une tendance à envahir et irradier l'ordre juridique.

Les droits fondamentaux sont inscrits dans la Constitution et découlent de la dignité de la personne
humaine. Ils sont très importants en droit français et se multiplient, mais ne sont pas toujours bien
protégés. Les juristes les classent selon une typologie (pyramide de Kelsen, jusnaturalisme). La notion
de droits humains est plus récente et vise à protéger les droits des hommes et des femmes.

II- Typologie des droits et libertés


Les droits fondamentaux (DF) sont une série de droits découlant de la dignité humaine, tels que le
droit de vote, la liberté de religion, le droit au respect de la vie privée et familiale, le droit à la vie, le
droit à l’éducation, le droit au procès équitable (principe du contradictoire), le droit à un recours

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juridictionnel effectif, le droit de propriété (notamment intellectuelle), le droit d’expression (liberté de


la presse), la liberté de réunion et d’association, le droit d’aller et venir, le droit d’asile, le droit de
grève et la liberté syndicale, le droit à la santé, l’égalité et le droit à la non-discrimination, le droit à la
sûreté, l’interdiction de la torture et des traitements inhumains et dégradants, l’interdiction de
l’esclavage, le droit au travail, le droit d’entreprendre, le droit à la sécurité sociale, le droit à un
environnement sain, la résistance à l’oppression, le droit à la protection des données personnelles, etc.
Ces DF sont indivisibles et ont la même importance, car l’atteinte à l’un peut porter atteinte à d’autres.

On va voir les différents critères.

A- Le critère de l’objet des droits fondamentaux (DF)


Les libertés sont classées en 3 catégories: physiques, intellectuelles et relatives à l'individu. On
trouve aussi des droits qui ne rentrent pas dans ces catégories, comme les droits de procédure, la non-
discrimination et le droit de propriété. Ce critère est souvent utilisé dans les manuels pour sa
classification objective.

B- Le critère du mode d’exercice des DF


Le DF peut s'exercer individuellement ou collectivement. La liberté d'aller et venir et le droit à la vie
sont des droits individuels, tandis que la liberté de religion est à la fois individuelle et collective. Le
droit des minorités est un droit collectif.

C- Le critère de l’ordre historique d’apparition


Les droits de l'Homme sont classés en trois générations. La première génération (DDHC de 1789)
concerne les droits civils et politiques, tels que le droit de vote, la liberté d'expression et la protection
de la vie privée. La deuxième génération (préambule de la Constitution de 1946 et Déclaration
universelle des droits de l'Homme en 1948) comprend les droits économiques et sociaux, comme le
droit à la santé, le droit au travail, le droit au logement et le droit d'accès à l'énergie et à Internet. La
troisième génération (Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples en 1981 et Charte de
l'environnement en 2005) se compose des droits de solidarité, tels que le droit à la paix et le droit à un

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environnement sain. Des évolutions technologiques pourraient nécessiter l'apparition de nouveaux


droits liés à la notion d'humanité.

La classification des droits en trois générations (DF, DSR et DC) permet d'adapter les droits à
l'évolution de la société. Cependant, elle pose des problèmes car certains droits ne s'y inscrivent pas
(liberté syndicale) et tous nécessitent une intervention de l'Etat pour être effectifs. La DSR (droits de
seconde génération) ne nécessite pas l'intervention de l'Etat, mais la DC (droits de troisième
génération) pose des problèmes en termes de mise en application.

D- Le critère de la hiérarchie des DF


Les textes qui protègent les DF mettent en avant certains droits (par ex. dignité humaine dans la Loi
fondamentale allemande et liberté d'expression dans le Bill of Rights des USA). Le juge peut donner
l'impression de privilégier certains DF par rapport à d'autres, mais cela va à l'encontre du principe
d'indivisibilité des droits. En pratique, le juge prend en compte les circonstances de l'affaire et
s'efforce de concilier les droits opposés plutôt que de les opposer. Les auteurs utilisent les différents
critères en les croisant.

III- Titulaires et débiteurs des droits fondamentaux

A- Les titulaires des droits et libertés


Les DF sont reconnus à la personne humaine, mais cette affirmation n'a pas toujours été vraie
(esclavagisme, exclusion des femmes et des enfants, appartenance à une classe sociale). Il y a donc un
double phénomène : l'élargissement (avec le principe d'égalité) et la catégorisation (reconnaissance
des particularités). Les personnes morales peuvent-elles aussi bénéficier des DF ? La question reste
ouverte.

1. La question des personnes morales


Les personnes morales de droit privé (entreprise, association...) peuvent invoquer des DF (Droits
Fondamentaux) selon la jurisprudence française et européenne. Cela se justifie par le fait que derrière
la personne morale se trouvent des personnes physiques et que le Code Pénal français (CP) protège

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leurs DF. Toutefois, toutes les personnes morales ne reposent pas sur des personnes physiques et
certaines DF (droit d'asile, interdiction de la torture...) ne s'appliquent pas à elles. Parmi les principaux
DF des personnes morales figurent le droit de propriété (Protocole CEDH), les droits de procédure, la
liberté d'expression (CEDH).

Les personnes morales de droit public ne sont pas titulaires de DF, mais de droits qui existaient avant
comme les droits au procès. La CJUE utilise le terme « droit de procédure » et non « droit
fondamental ». Les DF ont été consacrés pour protéger l’individu contre l’ingérence des autorités
publiques. Cependant, les personnes morales de droit public peuvent bénéficier de droit de propriété
et de droits de procédure lorsqu’elles agissent en justice. De plus, l’Etat bénéficie de droit de
procédure lorsqu’il est opposé à la Commission européenne lors d’un recours en manquement.

2. Les titulaires personnes humaines, physiques


La recherche d'égalité réelle entre les personnes a conduit à la mise en place de politiques de
discrimination positive, notamment à l'article 1 de la Constitution de 1958 (égal accès des hommes et
des femmes aux mandats). Les étrangers, quant à eux, ont moins de DF que les autres, notamment en
ce qui concerne le droit de vote et le droit au respect de la vie privée.

B- Les débiteurs des droits et libertés


Les DF doivent être respectées par l'Etat, l'UE et les institutions publiques, ainsi que par les
personnes privées et les personnes morales. La Cour de cassation a également établi que les DF
doivent être respectées dans les relations de travail.

Conclusion

Les DF (Droits Fondamentaux) sont devenus très importants. Cependant, leur multiplication et leur
valorisation peuvent poser des questions, notamment en ce qui concerne la sécurité publique et
sanitaire, ainsi que le changement climatique. Les DF peuvent-ils aller trop loin dans la valorisation
de l’individu ? Cette question est abordée dans le cours de Droit sur Moodle, qui traite des sources
juridiques des DF.

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I- Les sources juridiques nationales


La Constitution est la norme fondamentale de l'ordre juridique et le bloc de constitutionnalité
regroupe les dispositions qui visent à protéger les droits et libertés. Il comprend 8 composantes : le
texte de la Constitution, les principes généraux du droit, les droits fondamentaux, les droits sociaux,
les droits économiques, les droits culturels, les droits politiques et les droits de l'environnement.

2. La DDHC de 1789

Le préambule de la Constitution de 1946 et les PPNT, PFRLR, PVC et OVC sont des principes
fondamentaux reconnus par la République. La Charte de l'environnement de 1958 ajoute des principes
à valeur constitutionnelle et des objectifs de valeur constitutionnelle.

C- Les droits et libertés visés par le texte constitutionnel


L'article 1 de la Constitution garantit l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction
d'origine, de race ou de religion, ainsi que le respect de toutes les croyances et l'accès égal des femmes
et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. L'article 3 prévoit l'universalité, l'égalité
et le caractère secret du droit de suffrage. L'article 4 garantit la liberté de création et la libre activité
des partis et groupements politiques, ainsi que le pluralisme des opinions. L'article 53-1 prévoit le
droit d'asile. L'article 64 garantit l'indépendance de l'autorité judiciaire. L'article 66 interdit toute
détention arbitraire et protège la liberté individuelle. L'article 66-1 prohibe la peine de mort. Les
articles 88-2 et 88-3 garantissent les droits des citoyens européens, notamment la liberté de circulation
et le droit de vote et d'élection.

D- Les droits et libertés visés par la Déclaration des droits de


l’homme et du citoyen de 1789
La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (DDHC) contient plusieurs principes
fondamentaux. L'article 2 établit le droit à l'IVG et à la vie privée, l'article 4 la liberté d'entreprendre
et contractuelle, l'article 1 l'égalité devant la justice, les fonctions publiques et les charges publiques.
L'article 8 établit la proportionnalité des peines et la non-rétroactivité de la loi pénale, l'article 11 la

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liberté de communication des pensées et des opinions, l'article 16 l'indépendance du pouvoir


juridictionnel et le droit à un recours juridictionnel effectif et l'article 17 la protection du droit de
propriété.

E- Les droits et libertés visés par le préambule de la constitution de


1946
Ce texte décrit des droits variés, dont le contenu et les modalités d'application sont souvent vagues.
Le Conseil constitutionnel a toutefois réussi à en extraire des principes, à savoir les PPNT et les
PFRLR.

1. Les PPNT
Les PPNT (Principes du Préambule de la Constitution de 1946) sont des droits économiques et
sociaux, dont l'égalité entre les femmes et les hommes, la liberté d'asile, la liberté syndicale, le droit
de grève, le droit à des prestations sociales et le droit à des services publics. Ils ont été utilisés pour la
première fois dans l'affaire IVG de 1975. Cependant, le Conseil Constitutionnel doit concilier ces
PPNT avec les principes libéraux de la DDHC de 1789, ce qui a souvent pour effet d'effacer les PPNT
au profit de ces derniers.

2. Les droits et libertés constituant des « principes fondamentaux reconnus par


les lois de la République »
Le préambule de 1946 énonce que tous les êtres humains, sans distinction, possèdent des droits
inaliénables et sacrés. Il réaffirme les droits et libertés de l'Homme et du citoyen consacrés par la
Déclaration des droits de 1789 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.
Cependant, le texte ne précise pas la nature et le contenu de ces principes.

Le Conseil Constitutionnel a inscrit dans le préambule de la Constitution de 1946 un compromis


entre le MRP et les partis de gauche, faisant référence à la Loi Falloux de 1850. Le juge ordinaire peut
proposer de nouveaux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, qui seront
ensuite consacrés ou non par le Conseil. Dans sa décision n°88-244 DC du 20 juillet 1988, le Conseil

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a explicité sa démarche pour « découvrir » de nouveaux PFRLR, qui sont utilisés de manière
subsidiaire lorsque aucune autre disposition de la Constitution ne peut offrir la protection recherchée.

Les PFRLR sont des principes démocratiques issus des lois républicaines adoptées avant 1946,
principalement de la IIIème République. Le Conseil constitutionnel détermine librement ce qui est «
fondamental » et ce qui ne l'est pas. Seules les dispositions qui énoncent le principe fondamental de la
matière reçoivent la valeur constitutionnelle. Une seule exception empêche la qualification de
PFRLR.

Le juge constitutionnel a qualifié certains principes de principes fondamentaux reconnus par les lois
de la République (PFRLR). Parmi ceux-ci, on peut citer la liberté d'association (déc. 16 juillet 1971),
les droits de la défense (déc. 2 déc. 1976), la liberté d'enseignement et de conscience (déc. 37 nov.
1977), la liberté individuelle (déc. 12 janv. 1977), l'indépendance des juridictions administratives
(déc. 22 juil. 1980), la garantie de l'indépendance des professeurs d'université (arrêt 29 déc. 1997), la
compétence exclusive du juge administratif en matière d'annulation des actes de la puissance
publique, la réserve de compétence au profit de l'autorité judiciaire en cas d'atteinte à la propriété
privée immobilière et l'existence d'une justice pénale des mineurs.

F- La Charte de l’environnement
Le 1er mars 2005, la loi constitutionnelle a intégré dans la Constitution française la problématique de
la protection de l'environnement. Le CE (3 octobre 2008) et le Conseil constitutionnel (19 juin 2008)
ont confirmé sa valeur constitutionnelle. Elle consacre le principe de précaution et l'article 7 donne le
droit à toute personne d'accéder aux informations relatives à l'environnement et de participer à
l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement. La QPC 2012-269/270
du 27 juillet 2012 a déclaré contraire à la Constitution l'article L. 411-2 du Code de l'environnement
car le législateur n'a pas prévu la participation du public dans les procédures permettant de délivrer
des dérogations à l'interdiction des atteintes aux espèces animales ou végétales.

La Décision n° 2021-971 QPC du 18 février 2022 de France Nature Environnement a constaté que le
législateur a méconnu les articles 1er et 3 de la Charte de l'environnement en ne prévoyant pas
l'examen des conséquences environnementales lors de la prolongation des concessions minières.

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G- Les Principes à valeur constitutionnelle (PVC)


Le Conseil constitutionnel peut dégager des principes fondamentaux de la Constitution sans
référence précise à une base textuelle. Parmi ces PVC, on trouve le principe de continuité du service
public (79-105 DC du 25 juill. 1979) et le principe de sauvegarde de la dignité de la personne
humaine (94-343/344 DC du 27 juil. 1994), fondé sur le préambule de 1946.

H- Les objectifs de valeur constitutionnelle


Les OVC (Objectifs de Valeur Constitutionnelle) sont des directives d'interprétation qui doivent être
suivies par le législateur. Parmi ces objectifs figurent le droit à un logement décent, le bon usage des
deniers publics et la sauvegarde de l'ordre public. La décision 2019-823 QPC du 31 janvier 2020 a
consacré l'objectif de « la protection de l'environnement, patrimoine commun des êtres humains ». Les
OVC sont apparus avec la 1ère République (1792-1804) et ont été réaffirmés par la 2ème (1848-
1852), la 3ème (1870-1940) et la 4ème République (1946-1958).

II- Les sources juridiques internationales


La DUDH (Déclaration universelle des Droits de l’Homme) adoptée par l’Assemblée Générale des
Nations-Unie le 10 décembre 1948 est à l’origine d’un corpus de normes de plus en plus important
que l’on étudie sous l’appellation de « droit international des droits de l’Homme ». Elle proclame une
grande diversité de droits civils, politiques, économiques et sociaux, mais n’a pas de valeur juridique
obligatoire. Éléonore Roosevelt, présidente du comité de rédaction de la DUDH, a déclaré que cette
déclaration était destinée à être approuvée par vote formel des membres de l’Assemblée générale.

La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (DUDH) de 1948 a eu une influence mondiale et
régionale. Elle a conduit à l'adoption des deux Pactes des Nations-Unies de 1966, le PIDCP et le
PIDESC, qui rendent contraignants les droits inscrits dans la DUDH. Ces pactes sont surveillés par
des organes spécifiques, le Comité des droits de l'Homme et le Comité des droits économiques et
culturels. Un troisième Pacte des Nations-Unies est en projet pour consacrer des droits et devoirs
relatifs à la protection de l'environnement, notamment le droit à un environnement sain.

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Influence de la DUDH sur le plan mondial : la multiplication des instruments sectoriels. La seconde
direction suivie est celle de la multiplication des instruments particuliers visant à garantir certains
droits ou les droits de certaines catégories de personnes. On a par exemple :

La Déclaration universelle des droits de l'Homme (DUDH) de 1948 a eu une influence régionale sur
le plan des droits et libertés. En Amérique, la Charte de l'Organisation des États américains (OEA) et
la Déclaration américaine des droits et devoirs de l'Homme (DADH) de 1948, ainsi que la Convention
américaine relative aux droits de l'Homme de 1969, ont été adoptées. La Convention interaméricaine
sur la prévention et la répression de la torture (1985) et la Convention sur la prévention, la sanction et
l'éradication de la violence domestique contre les femmes (1995) sont des instruments spécifiques. En
Afrique, la Déclaration américaine des droits et devoirs de l'Homme (1981) et la Commission
africaine des droits de l'Homme et des peuples (1986) sont des instruments importants. En Europe, le
Conseil de l'Europe a adopté la Charte sociale européenne (1961 et 1996), la Convention européenne
pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (1987), la
Convention européenne sur les droits de l'enfant (1996), la Convention d'Oviedo sur la biomédecine et
les droits de l'Homme (1997) et la Convention européenne des droits de l'Homme (1950).

La Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH) est entrée en vigueur le 3 sept 1953. Elle
souligne l'attachement des États européens à « un patrimoine commun d'idéal et de traditions
politiques, de respect de la liberté et de prééminence du droit » et réaffirme que le maintien des
libertés fondamentales repose « sur un régime politique véritablement démocratique » et « sur une
conception commune et un commun respect des droits de l'Homme ». La CourEDH (la juridiction
chargée de contrôler la bonne application de ce texte par les États parties) a qualifié la Convention «
d’instrument constitutionnel de l'ordre public européen ». Elle est assortie de 9 protocoles additionnels
dont 8 actuellement en vigueur (en dernier lieu, les protocoles n°16 entré en vigueur le 1er août 2018
et n°15 entré en vigueur le 1er août 2021). Elle énumère des droits essentiellement civils et politiques
ayant pour objet de préserver la liberté et l'intégrité de la personne humaine et est dotée d'un
mécanisme institutionnel de garantie : la Cour européenne des droits de l’Homme. La jurisprudence
de la Cour a considérablement enrichi et développé la Convention et le protocole n°14 et le protocole
15 visent à adapter ce mécanisme de garantie.

L'Union européenne n'a pas consacré la protection des droits fondamentaux dans les Traités de Rome
de 1957. Cependant, la Cour de Justice a développé progressivement un corpus de droits
fondamentaux à partir de l'arrêt Stauder (12 nov. 1969), basé sur les principes généraux du droit
communautaire et le droit de la CEDH. La Charte des droits fondamentaux de l'UE (2001) a ensuite

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acquis une force juridique contraignante avec le traité de Lisbonne (2009). Ces droits s'imposent aux
Institutions de l'UE et aux États membres lorsqu'ils agissent dans un domaine de compétence de l'UE.

Les rédacteurs des traités ont progressivement mis en avant la protection des droits fondamentaux,
avec l'article 6 TUE de l'accord d'Amsterdam (1997). La Charte des droits fondamentaux de l'UE
(2001) a été rédigée et proclamée par les institutions, et a acquis une force juridique contraignante en
2009. L'article 6 TUE du traité de Lisbonne prévoit que la Charte a la même valeur juridique que les
traités, et que l'UE doit adhérer à la CEDH. Cependant, l'avis 2/13 de la Cour de justice (2014) a
repoussé l'hypothèse d'une telle adhésion.

III- Les sources juridiques jurisprudentielles


Le rôle du juge en tant que gardien des libertés est récent et peut être remis en cause. Il peut aussi
être attentatoire aux libertés (action du juge pénal). Il doit interpréter les droits et libertés consacrés
par les textes nationaux et/ou internationaux et créer du droit.

A- Le juge administratif et les PGD


Le droit administratif est en grande partie le résultat de l'action du juge qui a forgé les grands
principes qui commandent l'action administrative. Pour protéger les droits et libertés, le Conseil d'État
a mis en place des principes généraux du droit, issus de la tradition juridique française et de l'esprit du
droit français. Ces principes, apparus après la Seconde Guerre mondiale avec l'arrêt Aramu du 26
octobre 1945 (GADLF n°52), visent à limiter l'action de l'administration et à interpréter des textes
législatifs. Ils sont le résultat de la prise de conscience par le Conseil que les instruments existants ne
pouvaient pas assurer une garantie effective des droits fondamentaux, comme l'illustre l'épisode de
Vichy.

Les PGD (Principes Généraux du Droit) sont des déclinaisons des principes d'égalité et de liberté
individuelle. Ils incluent l'égalité entre usagers des services publics (CE, Ass. 8 déc. 1978, GISTI,
GAJA n°90), le principe de sécurité juridique (CE, Ass., 24 mars 2006, Sté KPMG), le libre choix du
médecin et la liberté de prescription de ce dernier. La liste des PGD est provisoire et le juge peut la
compléter. Cependant, elle cède du terrain face aux sources constitutionnelles et conventionnelles
(ex : l'article 8 CEDH protège le droit de mener une vie familiale normale : CE, 19 avr. 1991,
Belgacem). Le Conseil peut toutefois utiliser des PGD à la place des sources conventionnelles (ex. les

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principes d’impartialité et de respect des droits de la défense : CE, Ass, 3 déc. 1999, Didier, GADLF
n°57 & CE, 27 oct. 2006, Parent).

B- Le juge constitutionnel (les réserves d’interprétation)


Le Conseil constitutionnel s'exprime principalement par le recours à la technique des réserves
d'interprétation. Selon la théorie de l'aiguilleur (Montesquieu/Vedel), le Conseil dit au législateur que
ce dernier n'est pas compétent pour adopter la loi et que celle-ci doit être adoptée sous la forme
constitutionnelle. Parfois, le Conseil va plus loin en indiquant les conditions à respecter pour que la
loi soit conforme à la Constitution.

Le Conseil constitutionnel a rendu une décision le 15 nov. 2007 (déc. 2007-557 DC) concernant la
loi relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile. Il a précisé que l'application d'un
test ADN pour prouver le lien de filiation en cas d'absence de document d'état civil étranger est
possible, mais ne peut être utilisé que sous le contrôle d'un juge et après un examen individuel de
l'acte d'état civil produit. Cela garantit le droit de mener une vie familiale normale.

C- Les juges européens – l’exemple de la CEDH


La CourEDH a développé une jurisprudence dynamique fondée sur l'idée que la Convention protège
des droits concrets et effectifs. Elle a donc adopté une interprétation évolutive pour s'adapter aux
changements sociaux et aux évolutions des mœurs. Dans l'arrêt Lopez Ostra c/ Espagne (9 déc. 1994),
elle a reconnu le droit à un environnement sain au titre de l'article 8 CEDH (vie privée et familiale).
La CourEDH a ainsi constaté la violation de cet article par l'Espagne, en raison de l'installation d'une
station d'épuration à proximité du domicile de la requérante.

La CourEDH a jugé, dans l'arrêt Christine Goodwin c/ RU du 11 juil. 2002, que le respect de l'article
8 de la CEDH imposait aux États l'obligation positive de reconnaître juridiquement l'identité
transsexuelle et le changement de sexe de ces personnes. Elle a avancé que, au XXIe siècle, les
transsexuels doivent pouvoir jouir pleinement des droits au développement personnel et à l'intégrité
physique et morale. Cette démarche dynamique de la CourEDH a suscité des critiques, car elle
anticipe le consensus pour mener une interprétation constructive de la Convention. Cela soulève des
questions sur la légitimité de cet acteur.

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D- La légitimité du droit prétorien des droits et libertés


Le juge est souvent accusé de gouverner librement et de protéger les droits qu'il souhaite. En France,
le Conseil constitutionnel a été critiqué pour sa censure de la loi Pasqua sur la maîtrise de
l'immigration en 1993 par Y. Guéna et de la loi durcissant les conditions du licenciement économique
en 2003 par A. Montebourg. Les députés, qu'ils soient dans la majorité ou l'opposition, font appel au
Conseil constitutionnel pour censurer des lois qu'ils jugent contraires à la Constitution. Plus
récemment, E. Zemmour a formulé une critique similaire.

Le juge occupe une place importante dans la définition des droits et libertés protégés, ce qui suscite
des interrogations légitimes. Selon M. Troper, la démocratie ne se limite pas à la domination de la
majorité, mais à l'État de droit, et le pouvoir judiciaire est le seul contre-pouvoir face au bloc législatif
et exécutif. Ainsi, le juge est garant de la démocratie. Cependant, sa légitimité reste à prouver. EJLS
(vol. 1 n°2) propose plusieurs réponses possibles.

Le positivisme juridique et sociologique sont les deux explications de la légitimité du juge. Selon le
positivisme juridique, le juge doit respecter la procédure et interpréter le droit. Le positivisme
sociologique, quant à lui, fait appel à la bonne écoute des évolutions de la société et à la fidélité à ses
exigences. Le jusnaturalisme, enfin, fonde la légitimité du juge dans la préservation des normes
fondatrices intemporelles. Les DF inscrits au niveau constitutionnel et international permettent de
s'assurer que le législateur et le pouvoir règlementaire respectent bien les DF. En cas de conflit entre
plusieurs textes protégeant les DF, le choix se fait en fonction de leur place dans la hiérarchie des
normes. Devant les juridictions ordinaires françaises, il n’est pas nécessaire de faire de choix. Par
contre devant le juge constitutionnel il n’est pas possible d’invoquer des conventions internationales.

La DUDH a engendré un mouvement international pour la protection des droits de l'Homme. Les
Etats peuvent conclure des conventions pour protéger ces droits, mais ces conventions ne sont pas les
mêmes partout dans le monde. En France, les sources nationales de protection des droits
fondamentaux sont situées dans le bloc de constitutionnalité, sans hiérarchie interne. En 1971, le
Conseil constitutionnel a décidé de contrôler la constitutionnalité des lois et de protéger la liberté
d'association. Les sources internationales sont parfois plus difficiles à invoquer devant le juge, mais le
principe de primauté permet de choisir la loi applicable en cas de conflit de normes.

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Le principe d'immédiateté régit l'effet des normes internationales dans l'ordre juridique interne.
Selon le droit français, les normes infra-constitutionnelles s'écartent si elles sont contraires aux
normes internationales, mais les normes constitutionnelles sont supérieures et ne peuvent être
écartées. Le droit international a longtemps concerné uniquement les relations entre Etats, mais avec
l'introduction des droits de l'Homme, il s'intéresse aussi aux personnes. Pour qu'une norme
internationale ait un effet direct, il faut que les Etats partis à une convention l'aient souhaité et que la
disposition invoquée soit claire, précise et inconditionnelle.

Le Conseil d'Etat et la Cour de cassation ont formulé des critères favorables à l'effet direct du droit
international des droits de l'Homme en matière de droits sociaux des migrants. La Cour de cassation a
rejeté l'effet direct de l'intégralité de la Charte sociale européenne, mais a reconnu l'effet direct de
l'article 24 devant le Conseil d'Etat. Les questions de l'effet direct des dispositions sont traitées au cas
par cas selon les juridictions. Les sources jurisprudentielles sont créées par le juge, y compris pour les
normes constitutionnelles, mais les arrêts de la CEDH ne seront pas appliqués si les Etats le
reprouvent.

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IV- Le principe de la limitation de l’exercice des droits et libertés


L’exercice des droits libertés fondamentaux peut être limité par des exigences d'intérêt général ou
des impératifs découlant de l'ordre public. Toutefois, certains droits ont acquis le statut de norme
intangible, lié à la notion de dignité humaine ou à leur caractère intangible selon les textes qui les
consacrent.

E- Les droits et libertés intangibles


La CEDH a établi quatre droits fondamentaux intangibles: le droit à la vie (art. 2), le droit de ne pas
être soumis à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants (art. 3), le droit de
n’être tenu ni en esclavage ni en servitude (art. 4) et le droit à la non rétroactivité de la loi pénale (art.
7). Le protocole 7 de la CEDH ajoute le principe de non bis in idem (art. 4). En cas d'état d'urgence,
l'article 15 de la CEDH prévoit que ces droits ne peuvent faire l'objet d’aucune dérogation, à
l'exception du droit à la vie (sauf pour le cas de décès résultant d’actes licites de guerre).

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Le droit à la vie est protégé par la loi selon l'Article 2 de la CEDH. La mort ne peut être infligée
intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal. La mort n'est
pas considérée comme infligée en violation de cet article dans les cas où elle résulterait d'un recours à
la force absolument nécessaire. Le Conseil d'État français a interdit la torture et les traitements
inhumains ou dégradants dans son arrêt du 2 sept. 2009 concernant l'Association réseau d'alerte et
d'interventions sur les droits de l'homme.

F- Les droits et libertés « ordinaires »


Les droits fondamentaux sont des droits « ordinaires » qui peuvent être limités, mais seulement pour
des motifs légitimes (1) et en respectant certaines conditions (2).

3. Les motifs de la restriction


Le droit à l'exercice des droits fondamentaux peut être limité en cas de collision avec un autre droit
fondamental. La Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 précise en son article 4 que
« la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ». Ainsi, le juge doit concilier les
deux droits fondamentaux en cause, ce qui se traduit par la limitation de l’exercice de l’un ou l’autre.
Par exemple, la liberté d'expression peut être limitée pour préserver la vie privée d'une autre personne.

La Cour de cassation a été amenée à se prononcer sur le traitement médiatique d'une affaire en cours
d'information judiciaire (Civ. 1ère, 9 juil. 2003, n° 00-20.289) et sur une affiche comparant Marine Le
Pen à un "étron fumant" (Ass. Plén, 25 oct. 2019, n°17-86.605). Le Conseil constitutionnel a
également été amené à concilier le droit de grève et le principe de la continuité des services publics
(Déc. n° 79-105 DC, 25 juil. 1979). Plus récemment, il a concilié la liberté d'entreprendre et les
objectifs à valeur constitutionnelle de protection de la santé et de l'environnement (2019-823 QPC, 31
janv. 2020).

La CEDH reconnaît que l'exercice des droits fondamentaux peut être limité par des impératifs
résultants de l'ordre public, c'est-à-dire l'ensemble des valeurs dont les pouvoirs publics jugent
nécessaire d'imposer le respect. Cela peut inclure des considérations liées à la sécurité nationale, à la
sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la
santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. La CEDH prévoit donc que ces
ingérences peuvent être admises dans une société démocratique.

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La CourEDH et le Conseil constitutionnel ont reconnu que le droit au respect de la vie privée peut
être limité pour préserver la santé publique et la dignité de la personne humaine (CourEDH, 19 février
1997, Laskey, Jaggard et Brown c/ Royaume-Uni, Rec. 1997-I). De même, il est possible de limiter la
liberté individuelle pour rechercher des auteurs d'infractions (Conseil constitutionnel, Déc. n° 97-389
DC, 22 avril 1997).

4. Les conditions de la restriction


La restriction aux droits fondamentaux doit être « prévue par la loi », selon les articles 8 à 11 de la
CEDH et l'article 52 de la Charte des droits fondamentaux de l'UE. La CourEDH s'appuie sur une
définition matérielle de la loi, qui se concentre sur les qualités dont la norme doit disposer plutôt que
sur son statut en droit interne. La restriction doit poursuivre un des deux motifs légitimes évoqués et
respecter des conditions formelles, ainsi qu'une condition générale de nécessité et de proportionnalité
de la limitation aux objectifs poursuivis.

La CourEDH considère que la notion de « loi » est autonome et peut s'appliquer à des circulaires
émanant d'autorités militaires ou à une jurisprudence bien établie. Le Conseil d'État a ainsi considéré
que les mots « prévus par la loi » doivent être compris comme impliquant des mesures adoptées au
titre des articles 34 ou 37 de la Constitution (CE, 28 juil. 1995, CGT). Cette conception large de la
notion de loi pose des problèmes aux pénalistes. La CourEDH exige que la loi soit accessible, claire et
précise afin que les justiciables puissent régler leur conduite (CourEDH, 26 avril 1979, Sunday Times
c. RU). Les juridictions françaises s'étant également saisi de cette conception pour les sanctions
administratives et l'intelligibilité et l'accessibilité de la loi.

Le jeu des principes de proportionnalité et de nécessité est une constante dans le contrôle du respect
des droits et libertés quel que soit l'ordre juridique. Le principe de proportionnalité vise à vérifier que
la restriction ne porte pas une atteinte excessive au droit ou à la liberté fondamentale, tandis que le
principe de nécessité vise à vérifier que la restriction est bien nécessaire pour poursuivre l'objectif
légitime. Le PIDCP et la CEDH disposent qu'une restriction à l'exercice d'un droit doit constituer «
une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire » à la poursuite de l'objectif fondant la
restriction (24 nov. 1986, Gillow c. RU, §55). La Charte des droits fondamentaux dispose, quant à
elle, qu'une limitation doit « respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés » et « dans le
respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont

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nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d'intérêt général reconnus par l'Union ou au
besoin de protection des droits et libertés d'autrui ».

Le juge interne se base sur le Conseil constitutionnel, le juge administratif et le juge judiciaire pour
contrôler la nécessité et la proportionnalité des restrictions aux droits des citoyens. Par exemple, le
Conseil constitutionnel a pris la décision 2003-467 DC du 13 mars 2003 concernant la loi sur la
sécurité intérieure. Le juge administratif a également été confronté aux mesures de police dans
l'affaire CE ord. du 9 janvier 2014. Le juge judiciaire peut s'appuyer sur les articles L.1121-1 et 1321-
3 du Code du travail, ainsi que sur la Cass Soc. du 12 janvier 1999 et du 12 juillet 2005. La Cass Civ
1ère du 2 mars 2022 et la Cass. Ass plén. du 16 décembre 2022 concernent respectivement le port de
signes religieux par l'avocat durant l'audience et les visites et saisies domiciliaires opérées par l'AMF.

V- Les autorités compétentes pour limiter les droits et libertés


Le législateur et l'administration sous le contrôle du juge sont les principaux acteurs qui limitent
l'exercice des droits et libertés en France, selon les articles 34 et 37 de la Constitution et
l'interprétation du Conseil constitutionnel. Cependant, l'UE, le pouvoir réglementaire et les personnes
privées peuvent également intervenir.

A- L'Union européenne
L'Union européenne peut limiter l'exercice des droits et libertés de ses agents et des personnes se
trouvant sur son territoire, notamment dans le cadre de la mise en place du marché intérieur (PAC) et
de l'Espace de liberté sécurité et justice (Dir. 2008/115). Ces restrictions peuvent résulter d'actes de
l'UE (règlement) ou d'actes nationaux adoptés en application du droit de l'UE (directive). Les droits et
libertés ainsi limités incluent le droit de propriété, la liberté d'entreprendre, la protection de la vie
privée et familiale et des droits procéduraux (mandat d'arrêt européen).

B- La réglementation des droits et libertés par le législateur


L'article 34 de la Constitution de 1958 prévoit que le législateur fixe les règles concernant les droits
civiques et les garanties fondamentales, la détermination des crimes et délits et leur peine, ainsi que
les principes fondamentaux de l'enseignement, de l'environnement, de la propriété et du droit syndical.

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Cependant, le Conseil Constitutionnel a interprété ces expressions de manière large, confiant au


législateur le soin de déterminer les situations dans lesquelles les libertés peuvent être mises en cause
et au pouvoir réglementaire la mise en œuvre de ces libertés. Selon G. Lebreton, le Conseil exige du
législateur qu'il ne délègue pas sa compétence en matière de réglementation des droits et libertés.

Le Conseil constitutionnel considère que le pouvoir réglementaire ne peut déterminer les


contraventions et les peines qui leur sont assorties que si ces peines ne comportent pas de mesures
privatives de liberté. Il étend donc la compétence du législateur en se fondant sur le principe que la
détermination des atteintes au droit à la sûreté doit revenir au législateur. Le Conseil a également
autorisé le législateur à préciser la « mise en œuvre » des droits et libertés, à condition que le pouvoir
réglementaire ne s'y oppose pas. Ainsi, le pouvoir réglementaire ne peut déterminer que les mesures
de mise en œuvre des droits et libertés.

C- La réglementation des droits et libertés par le pouvoir


réglementaire
Le pouvoir réglementaire peut réglementer les droits et libertés en vertu de la théorie des pouvoirs de
police, source distincte de l'article 37 de la Constitution. Cette prérogative, héritage de l'Ancien
régime, a été maintenue sous la Vème République (déc. 20 février 1987). Elle a été mise en
application avec le décret n°2020-260 du 16 mars 2020, qui a instauré les premières mesures de
confinement de la population dans le cadre de la crise du Covid-19.

D- Les personnes privées


Les personnes privées peuvent limiter l'exercice des droits et libertés d'une autre personne (hétéro-
aménagement) ou de leurs propres droits et libertés (auto-aménagement).

1. L'hétéro-aménagement
L'article L. 1321-1 du Code du travail oblige le chef d'entreprise à mettre en place un règlement
intérieur encadrant l'exercice des droits et libertés fondamentaux des salariés. Dans les arrêts Spileers
et Ordre des avocats de Bayonne c. Fidal, c'est une personne privée qui limitait l'exercice des droits et
libertés. Une décision de demander aux employés d'ouvrir leurs sacs devant des agents de sécurité à

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l'entrée des locaux (Cass Soc., 3 avril 2001, Sarrasin) et le règlement intérieur interdisant le port du
voile islamique de la crèche Baby Loup (Cass Ass.plén, 25 juin 2014, Baby Loup, n°13-28.369,
GADLF n°105) sont des exemples d'encadrement des droits et libertés.

2. L'auto-aménagement
L'auto-aménagement est une forme de limitation volontaire des droits et libertés d'un individu. En
droit du travail, cela se manifeste par des clauses de non-concurrence (Cass Soc., 10 juil. 2002, n°00-
45.135, GADLF n°99) et des contraintes liées au lieu du domicile si cela est justifié par la tâche à
accomplir.

VI- Les principaux régimes d’aménagement des droits et libertés


La réglementation des droits et libertés peut être préventive (avant l'action) ou répressive (après
l'action). Une solution intermédiaire, la déclaration préalable, est également possible.

A- Le régime répressif
Le régime de droit pénal est le plus favorable aux droits et libertés. L'article 4 de la DDHC exprime
ce principe selon lequel « tout ce qui n'est pas défendu par la loi est permis ». Les interdictions
doivent être précises et les sanctions proportionnées. La peine de mort a été abolie en France en 1981
par la loi puis par l'article 66-1 de la Constitution le 23 février 2007. Les infractions et les sanctions
sont prononcées par un juge, mais certaines peuvent être fixées par des sanctions administratives. Ces
dernières peuvent être contestées en justice.

C'est le régime qui prédomine en France et il faut s'en féliciter.

B- Le régime préventif
Le régime préventif est un système où l'interdiction est le principe et la liberté l'exception. Pour
exercer un droit ou une liberté, il faut obtenir l'accord d'une autorité publique. Il peut prendre la forme
d'une autorisation préalable ou d'une interdiction. L'autorisation préalable peut être expresse ou tacite

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et la latitude laissée à l'administration dépend du droit ou de la liberté concernée. Auparavant, ce


système concernait la liberté de la presse et celle d'association. Heureusement, le Conseil d'État et le
Conseil constitutionnel limitent son utilisation par les pouvoirs publics.

L'interdiction est une forme de réglementation moins dangereuse que la répression car elle ne
nécessite pas d'autorisation préalable. Cependant, elle est plus incertaine car elle dépend de
l'appréciation de l'administration. Par exemple, le maire de Nevers a interdit une conférence littéraire
en 1933 (arrêt Benjamin) en raison de menaces de manifestation. L'administration peut exercer ce
pouvoir mais il est soumis au contrôle du juge administratif. Depuis 2000, le référé-liberté permet de
suspendre une décision administrative portant atteinte aux libertés fondamentales.

L'article L224-1 du Code de la sécurité intérieure prévoit une interdiction de sortie du territoire pour
les Français ayant des raisons sérieuses de participer à des activités terroristes ou de se rendre sur un
théâtre d'opérations de groupements terroristes. Cette interdiction est prononcée par le Ministre de
l'intérieur pour une durée maximale de six mois. Bien que cette mesure soit une atteinte aux droits et
libertés, elle est nécessaire pour préserver l'ordre public et l'exercice effectif des libertés. Cependant,
ces dernières années, le prolongement régulier de l’État d’urgence a conduit à un renforcement du
régime préventif au détriment du régime répressif, ce qui n'est pas favorable aux droits et libertés.

C- La déclaration préalable
Le régime de droit commun des DF (droits fondamentaux) prévoit que les DF peuvent être limités, à
condition que cela soit prévu par la loi, que cela poursuive un objectif d’intérêt général et que cela
respecte le principe de proportionnalité. Certains DF revêtent un caractère intangible ou absolu, et ne
peuvent donc pas être limités. Cependant, l’article 15 de la CEDH prévoit des dérogations aux DF
dans des situations exceptionnelles, sauf pour les droits intangibles qui peuvent être limités.

Le droit à la vie (article 2 CEDH) est absolu sauf en cas de peine capitale. Les protocoles 6 et 13 de
la ConvEDH ont successivement aboli la peine de mort sauf dans des situations exceptionnelles, puis
purement et simplement. Cependant, il est possible que l’on meure sans violation du droit à la vie.
L'arrêt du Conseil d'Etat 2 septembre 2009 interdit la torture, mais il y a une marge de manœuvre pour
savoir si le traitement est inhumain ou dégradant. Dans 90% des cas, le cœur du contrôle est la
proportionnalité, ce qui enlève beaucoup de sécurité juridique au droit français.

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Les autorités compétentes pour limiter les DF sont l’autorité publique et les personnes privées. Le
régime préventif (Code de la sécurité intérieure) et le régime répressif (principe de légalité pénale)
sont les deux principaux régimes pour règlementer le droit. La déclaration préalable permet de
sécuriser le cortège. La liberté d'expression est un DF ordinaire qui conditionne le respect d'autres
droits (droit de vote, liberté de la presse, liberté des arts, liberté académique, liberté d'information).

La liberté d'expression est un droit fondamental reconnu par l'article 11 de la DDHC, l'article 10 de
la CEDH, l'article 19 du PIDCP et l'article 11 de la Charte des DF de l'UE. Elle est essentielle à la
démocratie, comme le démontre le CourEDH de 1976 (Handyside contre Royaume-Uni). Elle
s'applique à toutes les formes d'expression, mais peut être limitée selon le type de discours. Elle relève
du régime répressif et des sanctions peuvent être appliquées si les limites sont franchies
(négationnisme, outrage, incitation à la haine).

La liberté d'expression est encadrée par des régimes


répressifs et préventifs (autorisation et interdiction) qui
se multiplient. La loi de 1881 et l'article L221-1 du
Code du cinéma sont des exemples de ces régimes. La
jurisprudence a défini des critères pour déterminer le
cadre de la liberté d'expression, notamment la
contribution de l'expression à un débat d'intérêt général
(Cour de cassation, 1ère chambre civile du 6 janvier
2021). La liberté d'expression peut également être
limitée par une partie de l'opinion publique. La prise en
compte des circonstances dans la réglementation des
droits et libertés est également importante.

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VII- Les circonstances exceptionnelles prévues par la


Constitution

A- L'article 16 de la Constitution
L'article 16 de la Constitution confère au Président de la République des pouvoirs renforcés en cas
de crise grave. Pour être mis en œuvre, deux conditions doivent être réunies : une condition de fond
(menace grave et immédiate des institutions de la République, etc.) et une condition formelle
(consultation du Premier ministre, des présidents des deux assemblées et du Conseil constitutionnel).
Le Président peut alors librement choisir de déclencher l'article 16 et doit en informer la Nation. Cet
acte ne peut pas faire l'objet d'un contrôle juridictionnel et aucune limitation de durée n'existe. La
révision de 2008 a cependant introduit un nouvel alinéa prévoyant que le Conseil constitutionnel peut
rendre un avis au bout de 30 ou 60 jours. La mise en œuvre de l'article 16 a été déclenchée une fois
depuis 1958, lors du putsch des généraux à Alger en 1961.

Le régime de l'article 16 permet au Président de prendre des mesures sans contrôle juridictionnel. En
1961, le général De Gaulle l'a appliqué pendant plus de 5 mois. Le Président peut adopter des actes
dans n'importe quel domaine, à condition de consulter le Conseil constitutionnel avant. Il ne peut pas
dissoudre l'Assemblée nationale ni réviser la Constitution (sauf que le Conseil se refuse à contrôler la
constitutionnalité d'une révision). Le contrôle des actes adoptés dépend du domaine auquel l'acte
aurait pu être rattaché en situation normale.

Le juge administratif est compétent pour contrôler les actes relevant du domaine du règlement,
notamment dans le cadre de la théorie des circonstances exceptionnelles. En revanche, le contrôle des
actes relevant du domaine législatif était initialement impossible. Cependant, depuis 1961 (CE, 2 mars
1962, Rubin de Servens) et le développement du contrôle de conventionnalité des lois et de la QPC,
un contrôle juridictionnel est possible, même s'il est peu approfondi.

B- L'état de siège
L'état de siège est régi par l'article 36 de la Constitution et la loi du 9 août 1849 (L. 2121-1 et suiv.
du Code de la défense). Il peut être décrété par le Conseil des Ministres en cas de péril imminent,
résultant d'une guerre étrangère ou d'une insurrection à main armée, et sa prorogation au-delà de 12
jours doit être autorisée par le Parlement. Il permet aux autorités militaires de prendre le contrôle de la

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police, de juger des militaires et des civils, et d'accroître leurs pouvoirs (perquisitions, éloignement
des repris de justice, interdiction des réunions et publications). Il a été utilisé entre 1914 et 1918 et
brièvement en 1939, mais n'a pas été proclamé depuis.

VIII- Les circonstances exceptionnelles prévues par la loi

A- L'état d'urgence
L'état d'urgence a été mis en place en 1955 pour répondre à la situation en Algérie avant son
indépendance. Il a été appliqué à plusieurs reprises, notamment en 1985 en Nouvelle-Calédonie et en
2005 lors des émeutes urbaines. Un projet de constitutionnalisation a été abandonné. Il est proclamé
par décret en conseil des ministres et peut être recouru devant le Conseil d'État et le Conseil
constitutionnel. La loi de 1955 prévoit des garanties pour sa mise en œuvre.

L'état d'urgence permet aux autorités civiles d'étendre leurs pouvoirs de police, notamment par des
assignations à résidence (art. 6, 1955), des perquisitions administratives (art. 11), la dissolution des
associations ou groupements de fait (art. 6-1) et la fermeture provisoire des lieux de culte (art. 8). En
nov. 2015, plus de 4 000 perquisitions ont été effectuées, dont seulement 20 enquêtes pour association
de malfaiteurs en matière terroriste et 41 pour apologie du terrorisme. Le juge administratif et le
conseil constitutionnel encadrent ces mesures (QPC).

L'État d'urgence a été marqué par l'utilisation d'assignations à résidence, parfois pour des motifs peu
liés à l'urgence elle-même. Bien que le nombre de personnes assignées ait diminué, certaines le sont
encore depuis novembre 2015, ce qui pose des problèmes de liberté. Le régime de l'État d'urgence est
soumis à un double contrôle juridictionnel : le juge administratif et le juge constitutionnel via des
QPC. Le contrôle du juge administratif s'est durci au fil des prorogations.

B- L'urgence sanitaire
Le régime d'exception visant à préserver la santé publique a été instauré par la loi du 9 août 2004,
qui a créé un régime de police spéciale en cas de menace sanitaire. La crise du Covid-19 a conduit à la
création d'un nouveau régime d'exception : l'état d'urgence sanitaire (loi n°2020-290 du 23 mars

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2020). Il confère des pouvoirs importants au Premier ministre et peut être déclenché et prorogé par
décret et par le Parlement, après avis d'un comité scientifique.

L'état d'urgence sanitaire (L3131-15 Code santé publique) permet au Premier ministre de prendre des
mesures restrictives, telles que le confinement, la quarantaine, l'isolement et la fermeture de certains
établissements. Le ministre de la santé et le préfet peuvent également adopter des mesures
d'application. Ces mesures doivent être proportionnées aux risques et cesser sans délai lorsqu'elles ne
sont plus nécessaires. Elles peuvent entraîner des atteintes à la liberté d'aller et venir, au commerce et
à l'industrie ou à l'entrepreneuriat, mais peuvent faire l'objet d'un contrôle juridictionnel par le juge
administratif.

Le 23 mars 2020, l'Assemblée nationale a voté pour la prorogation de l'application jusqu'au 1er juin
2021 (278 pour, 193 contre et 13 abstentions). Le Sénat a rejeté cette prorogation, mais le Conseil
constitutionnel l'a déclarée conforme à la Constitution (Décision n° 2020-808 DC du 13 novembre
2020).

IX- Les circonstances exceptionnelles prévues par la


jurisprudence
La théorie jurisprudentielle des circonstances exceptionnelles a été établie à partir des arrêts du CE
du 28 juin 1918 (Heyriès) et du 28 février 1919 (Dames Dol et Laurent). Elle se caractérise par un
caractère de particulière gravité et d'imprévisibilité, et par l'impossibilité pour l'administration d'agir
dans le respect de la légalité ordinaire. Les pouvoirs ainsi conférés à l'administration doivent
poursuivre un but d'intérêt général et être proportionnés. Le juge vérifie le respect de ces conditions et
valide les mesures, même si elles dérogent à des règles. Par exemple, l'administration peut interdire
aux débits de boisson de servir des prostituées dans une zone fréquentée par l'armée (CE, 28 février
1919).

Il ne s'agit pas à proprement parler d'un régime d'exception puisque le juge a recours à cette théorie a
posteriori et au coup par coup afin de valider un acte de l'administration qui autrement aurait été
illégal.

X- Le droit de dérogation de l'article 15 de la CEDH


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L'article 15 de la CEDH permet aux États contractants de suspendre la jouissance et l'exercice des
droits proclamés en cas de guerre ou de danger exceptionnel menaçant la vie de la nation. Les
conditions à respecter sont celles définies au niveau national et celles inscrites à l'article 15 et
développées par la jurisprudence de la CourEDH. Les dérogations ne sont pas autorisées pour l'article
2, sauf pour le cas de décès résultant d'actes licites de guerre, et aux articles 3, 4 (paragraphe 1) et 7.
L'État doit informer le Secrétaire général du Conseil de l'Europe des mesures prises et des motifs qui
les ont inspirées, ainsi que de la date à laquelle ces mesures ont cessé d'être en vigueur.

Les États ont l'obligation de notifier au secrétariat de la Convention le recours à l'article 15, ce que la
France a fait après les attentats du 13 novembre 2015. La CourEDH a précisé ce qu'il fallait entendre
par l'existence d'un danger public menaçant la vie de la nation : une situation de crise ou de danger
exceptionnel et imminent. La jurisprudence a été appliquée en Irlande du Nord en 1968, en Turquie en
1996 et au RU après les attentats de 2005. Les mesures dérogatoires doivent être nécessaires et
strictement indispensables pour faire face au danger public. Exemple du RU : la législation anti-
terroriste a été jugée disproportionnée et discriminatoire par la Cour suprême et la CourEDH, le RU a
alors élargi le champ d'application de la mesure aux nationaux avant de l'abroger.

La CourEDH accorde aux États une large marge d'appréciation pour lutter contre les périls auxquels
ils sont confrontés. Cependant, ces mesures dérogatoires doivent être compatibles avec le PIDCP et ne
pas porter atteinte aux droits intangibles. La France a formulé une réserve à l'encontre de l'article 15
de la CourEDH et a précisé que les termes « dans la stricte mesure où la situation l'exige » ne limitent
pas le pouvoir du Président de prendre les mesures exigées par l'article 16 de la Constitution.

Conclusion

L'état d'urgence a été mis en place en France pour répondre à une situation exceptionnelle et
temporaire. Cependant, il a duré deux ans et est actuellement en application depuis presque un an. Le
Conseil d'État a rappelé que l'état d'urgence doit rester temporaire. La fin de l'état d'urgence a été
marquée par l'adoption de la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre
le terrorisme. Les mécanismes mis en place permettent aux pouvoirs publics de réagir plus facilement
aux situations en n'ayant moins de compte à rendre quant au respect des droits et libertés.

L'article 16 de la Constitution donne des pouvoirs importants à l'autorité publique. En 2008, le


Conseil constitutionnel a été autorisé à donner un avis sur la persistance des conditions permettant

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LE DROIT en 3 minutes

l'application de l'article 16. Le juge peut réaliser un contrôle restreint en cas de violation manifeste
d'un DF. L'Etat de siège et l'état d'urgence sont des mécanismes préventifs visant à prévenir des
attentats terroristes. Entre 2015 et 2017, l'état d'urgence a été modifié à chaque prorogation.

L'état d'urgence sanitaire a entraîné des restrictions aux libertés individuelles, sans mécontentement.
Le juge administratif contrôle le contentieux d'état d'urgence et l'article 15 de la CEDH permet des
dérogations, sous réserve que l'article 16 du Président de la République ne soit pas limité. Il est
difficile de sortir de l'état d'urgence. L'article 3 de la CEDH interdit la torture et les peines ou
traitements inhumains ou dégradants (CEDH, 28 juil 1999, Selmounic. France).

La CEDH et le PIDCP utilisent l'article 1 de la Convention des Nations-Unies contre la torture et les
autres peines ou traitements cruels et inhumains pour définir la torture. La Cour a évolué dans sa
manière d'interpréter la torture et les traitements inhumains et dégradants, notamment dans l'affaire
Tomasi contre France (1992) et Selmouni contre France (1999). Dans l'arrêt Kudla contre Pologne
(2000), la CEDH a pris en compte le vécu subjectif de la personne pour élargir l'application de l'article
3.

La CEDH a appliqué l'article 3 concernant les conditions de détention et les châtiments corporels (25
avril 1978). Elle a aussi reconnu que les conditions d'accueil des étrangers demandeurs d'asile peuvent
relever de l'article 3. Le principe de la protection par ricochet permet à un Etat parti à la CEDH d'être
condamné pour violation de l'article 3 s'il renvoie volontairement une personne dans un territoire où
elle risque de subir un traitement contraire à l'article 3 (CEDH Soering contre RU de 1989).

XI- La garantie des droits et libertés par les gouvernés


Les citoyens sont idéalement censés assurer la défense de leurs droits et libertés face aux violations
des autorités publiques. Cependant, selon M. Levinet, cette idée repose sur le postulat de la maturité
politique et l'absence de comportement populiste. La garantie des droits et libertés par les gouvernés
est donc insuffisante, et nécessite une éducation civique et une information suffisante.

C- La résistance à l'oppression et la désobéissance civile

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La résistance à l'oppression est un principe historiquement reconnu (1), mais difficile à inscrire dans
le droit positif (2). C'est notamment le cas du lanceur d'alerte (3).

3. La récurrence de la théorisation et du recours à la résistance à


l'oppression
La résistance à l'oppression peut prendre diverses formes, allant de la désobéissance civile à la
révolte ou révolution. Des exemples sont fournis, allant de l'Antiquité romaine à la déclaration des
343 femmes affirmant avoir avorté en violation de la loi en 1975, en passant par la révolte des colons
britanniques en 1776, la résistance française au régime de Vichy, la lutte contre la guerre d'Algérie et
le combat de Martin Luther King. Des théorisations ont été faites pour définir ce droit, notamment
celles de Gandhi et de Martin Luther King.

Le christianisme et la philosophie des Lumières ont tous deux proposé des théories de la résistance à
l'oppression. Jésus Christ (NT) avec le fameux « rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est
à Dieu », Saint Paul, Saint Augustin, Saint Thomas d'Aquin, Thomas Hobbes, John Locke, Samuel
Pufendorf, Benjamin Constant et Alexis de Tocqueville (XIXème siècle) ont tous développé des
théories selon lesquelles l'action du souverain doit être conforme au droit naturel et que seule une
résistance passive est légitime, l'insubordination active étant cantonnée à des situations
exceptionnelles.

4. La difficulté d'inscription en droit positif de la résistance à l'oppression


Le droit à la résistance à l'oppression est reconnu par la DDHC (article 2) et la Constitution de 1793
(articles 33, 34 et 35). Le Conseil constitutionnel français l'a également consacré en 1982. Il fait donc
partie du droit positif français, mais est-il possible de l'invoquer actuellement ?

5. L'exemple du lanceur d'alerte


Le cours abordera la protection des lanceurs d'alerte, en se basant sur la LOI n° 2022-401 du 21 mars
2022 et la directive 2019/1937/UE. Cette dernière apporte un nouveau dispositif et, à titre
complémentaire, le texte de la directive est à disposition. Enfin, l'article de Danièle Lochak intitulé
«Les lanceurs d’alerte et les droits de l’Homme : réflexions conclusives» peut être consulté.

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D- Le contrôle par l'opinion publique ou l'électeur


Le contrôle du respect des droits et libertés peut prendre différentes formes, notamment la
participation aux élections, le référendum et l'initiative populaire, ou encore les manifestations.
Cependant, ces procédés sont peu/mal exercés en France et leur efficacité est limitée en raison de
l'indifférence de la majorité des français. P. Wachsmann (§ 244) souligne d'ailleurs cette faiblesse.

XII- La garantie des droits et libertés par les gouvernants


Les droits et libertés sont garantis par des organes nationaux et internationaux. Cependant,
l'efficacité de ce contrôle est incertaine. Historiquement, deux types d'organes ont assumé ce rôle de
gardien des libertés : l'État et les organisations internationales (ONU, OMC, etc.).

A- La garantie des droits et libertés par les gouvernants dans le


cadre national
Le chef de l'État, selon la Constitution de 1958, a pour mission de veiller au respect de la
Constitution et d'assurer le fonctionnement régulier des pouvoirs publics. Dans d'autres pays
européens, le chef de l'État est une figure neutre qui exerce une magistrature morale et peut intervenir
pour garantir les droits et libertés. En France, le Parlement est traditionnellement considéré comme le
défenseur des droits et libertés, mais le « fait majoritaire » et la discipline de parti limitent son
contrôle. Le Conseil constitutionnel est alors le principal garant des droits et libertés.

B- La garantie des droits et libertés par les gouvernants dans le


cadre international
Les gouvernants peuvent contribuer à la défense des droits et libertés fondamentaux par leur action
politique classique sur la scène internationale. Cependant, cette action est souvent plus discursive que
réelle. Par exemple, la Chine a exprimé sa réprobation à l'encontre des Etats qui ont boycotté les Jeux
Olympiques. En outre, les gouvernants peuvent garantir ces droits par des actions juridiques, comme

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l'article 7 TUE et la communication de la Commission européenne de 2014 instaurant un « nouveau


cadre pour préserver l’État de droit ».

XIII- La garantie des droits et libertés par des organes


indépendants
Il est nécessaire de distinguer les organes indépendants non-juridictionnels nationaux de leurs
homologues internationaux.

A- Les organes indépendants nationaux : l'exemple du défenseur


des droits
Le Défenseur des droits (Claire Hédon) est une autorité administrative indépendante (AAI) créée en
application de l'article 71-1 de la Constitution. Il a remplacé plusieurs AAI existantes (Médiateur de la
République, Défenseur des enfants, CNDS et HALDE) et a pour mission de protéger les droits et
libertés. Il est nommé par le Président de la République pour un mandat de six ans non renouvelables,
après application de la procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13. Son indépendance est
garantie par l'article 2 du projet de loi organique.

Le Défenseur des Droits est un organe indépendant créé par l'article 71-1 de la Constitution. Il veille
au respect des droits et libertés par les administrations publiques et les organismes de service public,
et peut être saisi directement ou par un parlementaire. Il dispose de pouvoirs variés, notamment la
possibilité de formuler des recommandations et des injonctions, et peut établir des rapports spéciaux
et demander des sanctions disciplinaires. Chaque année, il présente son rapport au Président de la
République et aux présidents des assemblées. Il participe à la protection des droits et libertés en
France, notamment en mettant à l'agenda des questions relatives à ces droits.

Le 23 janvier 2023, le DDD a pris une décision concernant les difficultés rencontrées par un enfant
de quatre ans dans son école privée sous contrat d’association avec l’État. Le 29 octobre 2021, un avis
a été donné sur deux propositions de loi visant à protéger les lanceurs d’alerte. Le 1er février 2022, un
règlement amiable a été conclu concernant un refus d’embauche discriminatoire supposé. Enfin, le
DDD a également fait référence à l'arrêt JMB et autres contre France de la CourEDH.

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B- Les organes indépendants internationaux


Les organes indépendants chargés de la protection des droits de l'Homme sont le Haut-commissaire
des Nations Unies pour les droits de l'Homme, le commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de
l'Europe, le Comité des droits de l'Homme (organe de contrôle du PIDCP) et le Comité contre la
torture. Les organisations régionales comprennent le Comité européen des droits sociaux et la
Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise). Ces mécanismes
non-juridictionnels ont une utilité pour la protection des droits et libertés fondamentaux.

Le droit de résistance à l’oppression permet aux individus de défendre leurs droits, même contre le
droit positif. L’article 122-7 du Code pénal prévoit l’état de nécessité, mais la Cour de cassation
l’interprète de manière stricte et exige un lien de causalité direct entre l’acte et la menace. La liberté
d’expression (art. 10 DDHC) n’est pas toujours reconnue. Des actions telles que l’opposition à des
constructions touristiques peuvent être entreprises.

Le statut des lanceurs d’alerte a été progressivement importé en France au 20ème siècle. La loi Sapin
II de 2016 a proposé un régime de protection pour les lanceurs d’alerte et la directive UE 2019/1937 a
renforcé cette protection. Une nouvelle loi française (mars 2022) modifiera la loi Sapin II pour offrir
une protection plus importante aux lanceurs d’alerte.

La loi Sapin II définit un lanceur d'alerte comme une personne physique qui signale ou divulgue,
sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit,
une menace ou un préjudice pour l'intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation
d'une violation d'un engagement international, du droit de l'Union européenne, de la loi ou du
règlement. Une contrepartie financière indirecte est possible.

La loi Sapin II offre une protection aux personnes physiques (facilitateurs, lanceurs d'alerte et entités
juridiques contrôlées) qui signalent des infractions ou des manquements à la loi. Cette protection
comporte des exceptions (secret défense, secret entre l'avocat et son client). La procédure de
signalement comprend 3 étapes : signalement interne (supérieur hiérarchique), signalement interne
(autorités administratives ou judiciaires) et divulgation à l'opinion publique. Si ces étapes ne sont pas
respectées, le lanceur d'alerte ne bénéficie pas de la protection.

La loi Sapin II a été modifiée par la directive européenne, offrant une protection large aux lanceurs
d'alerte, notamment en matière de responsabilité pénale, du droit du travail, des fonctionnaires et de la

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responsabilité civile. La liberté d'expression peut également offrir une protection. Cependant, des
difficultés persistent, car les lanceurs d'alerte sont souvent seuls et risquent de subir des désagréments.
La CEDH a rendu un arrêt le 14 février 2023, déclarant que la condamnation d'un lanceur d'alerte
pour divulgation de secrets bancaires violait l'article 10 de la CEDH. Des moyens de contrôle existent,
tels que le droit de vote, la liberté de manifester et le boycott.

Le juge interne est le premier mécanisme de protection des


droits et libertés fondamentaux. Il est composé de la Cour de
cassation, des Cours d'appel et des Tribunaux de grande instance.
Ces juridictions sont chargées de veiller au respect des droits et
libertés fondamentaux et de sanctionner les atteintes à ces droits.
Elles peuvent également saisir le Conseil constitutionnel pour
vérifier la conformité des lois à la Constitution. Enfin, le juge
interne peut être saisi par le Défenseur des droits pour se
prononcer sur des questions générales.

Il existe en France deux ordres de juridictions auxquels il faut ajouter la justice constitutionnelle qui
peut être perçue comme ayant un rôle unificateur mais qui joue surtout un rôle de plus en plus
important en matière de protection des droits fondamentaux. L'objet ici ne sera pas de présenter ces
différents ordres de juridiction qui sont bien connus, mais d'insister sur les aspects de leur office
respectif relatifs aux droits et libertés fondamentaux.

Section 1 – La juridiction constitutionnelle


Le Conseil constitutionnel a été mis en place pour veiller à ce que le Parlement ne dépasse pas ses
compétences. En 1971, il s'est érigé en garant de la constitutionnalité des lois et en protecteur des
droits et libertés. En 1974, la Constitution a été révisée pour permettre à 60 députés ou sénateurs de le
saisir, ce qui a ouvert la voie à la saisine par l'opposition parlementaire. La QPC a étendu son office
en lui ouvrant les portes du contrôle a posteriori de la loi. Le Conseil joue donc un rôle important dans
la protection des droits et libertés fondamentaux en France.

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XIV- Les compétences du Conseil constitutionnel


Le Conseil Constitutionnel est compétent pour se prononcer sur la constitutionnalité des lois, selon
les principes des contrôles a priori et a posteriori (Art. 61 et 61-1 de la Const. 1958). Il dispose
également d'une compétence consultative et intervient en matière électorale et référendaire.

C- Le contrôle a priori
Le Conseil constitutionnel est compétent pour se prononcer sur les lois organiques, les lois
ordinaires et les traités internationaux. Il ne peut pas se prononcer sur la constitutionnalité des lois
référendaires ou des lois constitutionnelles, sauf si cela contrevient à une règle ou un principe inhérent
à l'identité constitutionnelle de la France (Décision n° 2010-79 QPC du 17 décembre 2010). Les lois
organiques sont systématiquement soumises à son contrôle (article 61 alinéa 1 de la Constitution).
Pour les lois ordinaires et les traités internationaux, le Conseil doit être saisi par le Président de la
République, le premier ministre, le président d'une des Assemblées, 60 députés ou 60 sénateurs.

Le Conseil constitutionnel peut être saisi pour contrôler la constitutionnalité des textes législatifs,
notamment lorsqu'ils sont susceptibles de porter atteinte à des droits ou libertés fondamentaux
(comme la loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne ou les lois ayant prorogé l'état
d'urgence entre novembre 2015 et novembre 2017). Auparavant, si une loi n'avait pas été saisie avant
sa promulgation, il n'était plus possible de la contrôler. Le Conseil peut donc intervenir de façon
préventive pour vérifier le respect des droits et libertés fondamentaux.

Le Conseil constitutionnel rend chaque année des décisions DC sur le respect des droits et libertés
fondamentaux. Quatre exemples récents sont la décision n° 2021-834 DC du 20 janvier 2022 sur la
Loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, la décision n° 2022-835 DC du 21
janvier 2022 sur la Loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire, la décision n° 2021-823
DC du 13 août 2021 sur la Loi confortant le respect des principes de la République et la décision n°
2020-801 DC du 18 juin 2020 sur la Loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet.
Cependant, le contrôle du Conseil est insuffisant et il est parfois trop timoré et sa construction des
décisions est critiquée. Par exemple, la décision n°2010-613 DC du 7 octobre 2010 sur la loi
interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public est très lapidaire.

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La révision de 2008 et la loi organique de 2009 ont permis l'introduction de la QPC. En mai 2016,
Laurent Fabius a également amélioré le mode de rédaction des décisions du conseil pour les rendre
plus claires.

D- Le contrôle a posteriori : la QPC


La QPC, introduite en 2008, permet de saisir le Conseil constitutionnel lorsqu'une disposition
législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution. Elle a été ouverte le 1er
mars 2010 et a connu un grand succès avec plus de 600 décisions rendues depuis. Cette réforme vise à
combler les carences du contrôle a priori et à protéger les droits et libertés fondamentaux.

La procédure de contrôle a posteriori des lois par le Conseil constitutionnel, mise en place en France
il y a 10 à 15 ans, est considérée comme la principale innovation relative à la protection des droits
fondamentaux. Elle permet de vérifier si une disposition législative est conforme à la Constitution et,
si ce n'est pas le cas, elle est abrogée. Cette procédure a permis de purger l'ordre juridique français de
dispositions contraires aux droits et libertés et de tester de telles dispositions dans les domaines pénal,
fiscal, du droit des étrangers, droit administratif et des validations législatives. Elle a également
permis le contrôle de la plupart des dispositions législatives relatives à l’État d’urgence.

Le Conseil constitutionnel français a vu sa position renforcée par la QPC (Question Prioritaire de


Constitutionnalité) qui lui permet de contrôler indirectement l'interprétation des dispositions
législatives par la Cour de cassation et le Conseil d'État. En 2020, le Conseil a traité plus de 4 000
affaires, dont plus de 1 500 liées à la QPC.

XV- Composition du Conseil


Le Conseil constitutionnel est une juridiction indépendante qui contrôle les lois et est composé de 9
membres nommés et des membres de droit (anciens Présidents de la République). Les membres
nommés sont nommés pour 9 ans par le Président de la République, le président de l'Assemblée
nationale et le président du Sénat (renouvellement par tiers tous les 3 ans). La composition du Conseil
et le mode de désignation des membres sont-ils adaptés à ses activités ? Pour en savoir plus, consulter
la liste des membres, la tribune de Thomas Hochmann (Le Monde, février 2022), l'article de P.
Wachsmann et le texte de Pascale Deumier (RTDCiv., 2012).

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Section 2 – Les juridictions ordinaires


Le juge judiciaire et le juge administratif sont les gardiens de la liberté individuelle. Le juge
administratif joue un rôle essentiel dans la protection des libertés en tant que juge de l'administration,
c'est-à-dire de l'origine logique des atteintes aux droits et libertés. Le contrôle de conventionnalité est
également un moyen de protection des droits et libertés fondamentaux.

I- Le juge judiciaire gardien traditionnel de la liberté individuelle

A- L’affaiblissement du titre général de compétence du juge


judiciaire en matière de droits et libertés
Le juge judiciaire a longtemps été considéré comme le gardien de la liberté individuelle, selon
l'article 66 de la Constitution. Cette compétence a été interprétée largement, incluant la liberté aller et
venir (Décision n° 93-323 DC), le domicile (Décision n° 83-164 DC) et la vie privée (Décision n° 94-
352 DC). Cependant, depuis la Décision n° 99-411 DC de 1999, cette compétence s'est limitée aux
seules détentions arbitraires. De plus, les théories jurisprudentielles de la voie de fait et de l'emprise,
qui affirmaient le primat du juge judiciaire sur le juge administratif, ont été remises en question.

Voir sur ce point TC, 17 juin 2013, Bergoend c. Soté ERDF Annecy Léman, GADLF n°63


(commentaire reprenant notamment les évolutions récentes de la voie de fait et de l’emprise et
disponible via Dalloz-bibliothèque)

B- La persistance de titres de compétence spécifiques


Le juge judiciaire est compétent pour veiller au respect des droits et libertés fondamentaux. Ainsi, le
juge pénal se prononce sur le délit d'exhibition sexuelle et la liberté d'expression (Cass Crim, 26
février 2020, n°19-81.827), le juge social sur l'association Baby-Loup (Cass, Ass. plén., 25 juin 2014,
n°13-28.369, GADLF n°105) et le juge civil sur les articles 9 et 9-1 du Code civil (Cass Civ, 1ere, 17
mars 2016, n° 15-14.072 ; Cass Civ. 2 e, 8 juillet 2004, n° 01-10.426).

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Le 9e et 9-1e articles de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 garantissent le


respect de la vie privée et de la présomption d'innocence. Les juges peuvent, en référé et sans
préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire des mesures pour empêcher ou faire cesser une
atteinte à l'intimité de la vie privée. En cas de présentation publique d'une personne comme étant
coupable avant toute condamnation, le juge peut ordonner des mesures, telles que l'insertion d'une
rectification ou la diffusion d'un communiqué, aux frais de la personne responsable de cette atteinte.

C- La définition d’exceptions au profit du juge administratif


Le monopole du juge judiciaire est limité par des exceptions au profit du juge administratif,
notamment en ce qui concerne la police administrative, l'informatique et les libertés, l'hospitalisation
d'office et les écoutes téléphoniques. Le projet de loi sur le renseignement a renforcé ces exceptions
en créant la CNCTR, qui peut saisir le Conseil d'Etat pour contester certaines prérogatives des
services de renseignement.

II- Le juge administratif protecteur traditionnel des libertés


publiques
Le Conseil constitutionnel a consacré le principe de la compétence exclusive des juridictions
administratives en matière d'annulation des actes de la puissance publique (décision n°87-224 DC du
23 janvier 1987) et leur indépendance (décision n°80-119 DC du 22 juillet 1980). La succession des
états d'urgence a mis à l'épreuve l'engagement du juge administratif dans la protection des libertés
publiques. Il dispose d'un référé-liberté pour la protection d'une liberté fondamentale, ainsi que
d'autres référés (DALO, éloignement des étrangers).

Le référé liberté permet au juge administratif de protéger les libertés fondamentales contre une
atteinte grave et manifestement illégale commise par l'administration dans l'exercice de ses pouvoirs.
Le Conseil d'État a exclu les droits-créances de la notion de liberté fondamentale. La notion de
manifestement illégale inclut les conventions internationales. (CE Ord, 22 décembre 2012,  Section
française de l'OIP, GADLF n°63).

Le référé liberté est une procédure judiciaire rapide et efficace qui permet d'obtenir des mesures
nécessaires de la part de l'administration. Elle peut être utilisée pour demander des restrictions aux
libertés, comme ce fut le cas lors du premier confinement en mars 2020 (CE, Ord., 22 mars 2020, n°

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439674). Cependant, certains actes de l'administration sont injusticiables, notamment les actes de
gouvernement, les relations entre le pouvoir législatif et le Conseil constitutionnel, ainsi que les
relations internationales.

III- Le contrôle de conventionnalité


Le contrôle de conventionnalité permet au juge de confronter un texte de droit interne à une norme
internationale, en application de l'article 55 de la Constitution. La CEDH est le plus souvent invoquée
et sa jurisprudence est prise en compte par les juges nationaux. Ce contrôle ne permet pas d'annuler la
loi mais seulement d'écarter son application et, éventuellement, d'engager la responsabilité de l’État
(CE, 8 fév. 2007, Gardedieu). Toutefois, l'effet direct des normes internationales protectrices des
droits et libertés fondamentaux n'est pas toujours reconnu (ex. arrêt Rouquette du CE de 1999 et arrêt
de la chambre sociale du 16 déc. 2008, Eischenlaub c. Sté Axa France).

Le contrôle de constitutionnalité à la française, a priori et abstrait, a conduit à une diminution de


l'importance de la justice constitutionnelle. Pour pallier ces manques, le contrôle de conventionnalité
in concreto est devenu prioritaire. On peut se référer à Xavier Dupré de Boulois (RDLF 2015) et aux
décisions du Conseil d'Etat (CE Ass. 31 mai 2016, Gonzalez Gomez ; CE 28 décembre 2017, Molénat
; CE 24 janvier 2020) et de la Cour de cassation (Cass. Civ. 1, 4 décembre 2013, n°12-26.066 ; Cass.
Civ 1, 17 novembre 2018, n°17-25.238).

Deuxième partie = cours en CM

Le Conseil constitutionnel est chargé du contrôle des lois, à travers le contrôle a priori et le contrôle
a posteriori (QPC). En 2021, le Conseil constitutionnel a décidé que l'utilisation des drones par la
police municipale devait être soumise à l'autorisation du préfet, afin de respecter la vie privée des
citoyens. En 2022, le Conseil constitutionnel a abrogé l'article 60 du Code des douanes, qui permettait
de fouiller un véhicule sans raison précise, et a modulé les effets de sa décision dans le temps.

Le Conseil constitutionnel est composé de membres dont la compétence juridique n'est pas le
principal critère. Avant 2010, il avait un rôle de prise de recul sur les assemblées, mais depuis la
création de la QPC, il est plus technique. Le juge administratif a un rôle plus important que le juge
judiciaire. La Cass Crim (26 fév. 2020, n°19-81.827) confirme que le fait de montrer sa poitrine est
une infraction, mais ne condamne pas car cela rentre dans le domaine de la liberté d'expression. La

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Cass Civ (1ère, 17 mars 2016, n°15-14.072) précise que l'atteinte à la vie privée ne concerne que les
personnes physiques.

Le juge administratif a longtemps été handicapé par rapport au juge judiciaire, car en droit
administratif l'administration bénéficiait du préalable. Le référé-liberté a donc constitué une véritable
révolution, comme en témoigne l'arrêt Benjamin. Le 3 avril 2020 (n°439894), le Conseil d'Etat a
décidé que la prolongation automatique des détentions provisoires du fait du confinement était grave,
mais justifiée compte tenu de la situation. Le 5 mars 2021 (n°440037 + communiqué de presse), le
Conseil d'Etat a précisé qu'il fallait l'intervention d'un juge pour chaque prolongation, ce qui est
contraire à la ConvEDH. Cela montre l'évolution de la position du juge administratif, qui se prononce
avec prudence.

Introduction et absence de mécanismes juridictionnel au niveau


mondial

Le droit international offre une protection des droits et libertés fondamentales grâce à l'intervention
d'un juge, interne ou international. Toutefois, les systèmes de protection des droits de l'Homme par un
organe juridictionnel sont rares. Seul le niveau régional, comme en Europe, est pourvu d'un tel
mécanisme.

IV- L'absence de mécanisme de garantie juridictionnelle des


droits et libertés au niveau universel
L'étudiant pressé peut se dire qu'il n'est pas nécessaire de développer outre mesure l'aspect de la
protection des droits et libertés si un mécanisme n'existe pas. Cependant, il existe des procédures de
garantie "para juridictionnelles" (PIDCP) et des mécanismes juridictionnels susceptibles d'aborder
cette question à la marge.

D- Le recours prévu dans le cadre du PIDCP : un mode de


garantie « para juridictionnel »

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Le Comité des droits de l'Homme peut recevoir et examiner des plaintes de particuliers relevant de
sa juridiction qui prétendent être victimes d'une violation des droits énoncés dans le Pacte
international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). La France a ratifié ce protocole le 17
février 1984. Si la communication est jugée recevable, l'État a 6 mois pour présenter des observations
écrites. Le Comité se prononcera alors sur le fond et indiquera si un manquement aux obligations du
PIDCP a été retenu et quelles sont les mesures à adopter pour les faire cesser.

Le Comité des droits de l'Homme est un organe non juridictionnel institué par l' article 28 du Pacte
international sur les droits civils et politiques. Il émet des constatations qui ne lient pas juridiquement
les États, mais qui peuvent être référées par les juridictions nationales (ex. : arrêt Ortiz du 5 mai
2006). Ce mécanisme est présent dans plusieurs conventions des Nations-Unies, comme le PIDESC
(2008), la Convention contre la torture (1984) et la Convention internationale de 1965 sur
l'élimination de toutes les formes de discrimination raciales (CERD).

Les comités conventionnels sont des juridictions internationales qui peuvent être consultées pour
approfondir les décisions prises. Elles sont limitées à un seul secteur régional et interviennent
ponctuellement dans le domaine des droits et libertés. Julie Ferrero a publié un article intitulé «Faut-il
prendre les Comités conventionnels au sérieux ?» dans la RDLF 2022 chron. n°10.

E- Une justice internationale peu impliquée dans la protection


des droits et libertés
La Cour internationale de justice (CIJ) est une juridiction internationale dont la compétence est
reconnue par la quasi-totalité des États. Elle ne tranche que des litiges interétatiques et ne connaît que
rarement de la protection des droits et libertés. Dans l'Affaire de la Barcelona Traction (5 février
1970), elle a considéré que le respect des « droits fondamentaux de la personne humaine » était une
obligation erga omnes. Elle a également eu l'occasion de se référer aux droits de l'Homme dans le
cadre de son activité consultative. La justice pénale internationale, quant à elle, se rapproche de l'idée
d'un juge international des droits de l'Homme, notamment depuis l'entrée en fonction de la Cour
pénale internationale le 1er juillet 2002. Elle vise principalement à faire respecter le droit humanitaire,
qui est centré autour de la protection des victimes des conflits armés et qui a subi l'influence des droits
de l'Homme.

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V- Les mécanismes régionaux de garantie juridictionnelle des


droits et libertés
La Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) veille au respect des droits fondamentaux
garantis par la Convention européenne des droits de l'Homme (CEDH). La Cour interaméricaine des
droits de l'Homme (CADH) et la Cour africaine des droits de l'Homme et des peuples (CADHP)
offrent également une protection des droits fondamentaux. La CEDH et l'UE offrent des garanties
distinctes.

A- Le système de protection de la Convention européenne des


droits de l'Homme
Le système de garantie de la CEDH a été renforcé par le protocole n°11 (1998) et le protocole n°14
(réformant la procédure). Il est composé du Comité des ministres, de la Commission européenne des
droits de l'Homme et de la CourEDH. La CourEDH est responsable de l'examen des requêtes et de
l'exécution des arrêts rendus. Les conditions de recevabilité et les effets des arrêts sont également pris
en compte.

6. Composition et fonctionnement interne de la CourEDH


La CourEDH est composée d'un juge par État membre élus par l'assemblée parlementaire du Conseil
de l'Europe. Depuis le 1er novembre 2022, elle est présidée par la juge Síofra O’Leary, première
femme à occuper ce poste. Les juges doivent être âgés de 70 ans ou moins et ne pas exercer d'activité
incompatible avec leur fonction. Compte tenu du nombre important de juges (46 depuis le retrait de la
Russie le 25 février 2022), la Cour ne peut pas se réunir en plénière. Elle se réunit en formations
contentieuses pour juger.

La CourEDH est une formation judiciaire composée de juge unique, de comités de 3 juges et de
chambres de 7 juges. Les chambres sont les formations ordinaires de jugement et peuvent rejeter une
requête à l'unanimité ou l'admettre et statuer sur le fond. La Grande Chambre de 17 juges intervient
directement sur renvoi de la Chambre ou comme instance de second degré sur renvoi de l'affaire à la
demande d'une partie. En 2022, 45 000 affaires ont été attribuées à l'une des formations judiciaires de
la Cour, 1163 arrêts ont été prononcés et 33 000 décisions d'irrecevabilité ou de radiation pour un
stock d'affaires pendantes de presque 75 000 affaires.

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La CourEDH est confrontée à un grand nombre de requêtes irrecevables et répétitives qui


l'empêchent de s'occuper des requêtes recevables. Pour y remédier, le protocole n°14 a été adopté en
2004. Il comprend trois outils : l'instauration d'un juge unique pour les affaires manifestement
irrecevables, la mise en place d'arrêts pilotes pour traiter les contentieux de masse et l'introduction
d'une nouvelle cause d'irrecevabilité en cas d'absence de préjudice important. Enfin, 74% des requêtes
sont irrecevables.

7. Les conditions de recevabilité des recours portés devant la CourEDH


La CourEDH est saisie par deux catégories de requérants: les États parties et les particuliers. L'article
33 de la Convention permet aux États de saisir la Cour en cas de manquement à la Convention par un
autre État. Les particuliers peuvent saisir la Cour selon l'article 34 si une Haute Partie contractante a
violé leurs droits reconnus dans la Convention ou ses Protocoles. L'article 35 précise que les voies de
recours internes doivent être épuisées et que la requête doit être déposée dans un délai de 4 mois à
compter du 1er février 2022.

La Cour européenne des droits de l'homme (CourEDH) peut être saisie par toute personne physique,
organisation non gouvernementale, association informelle ou certaines personnes morales de droit
public qui est victime d'une violation des droits consacrés par la Convention. La Cour admet les
notions de «victime potentielle» et de «victime indirecte», par exemple des femmes non enceintes
mais en âge de procréer ou un étranger courant un risque réel de subir la violation d'un de ses droits.
Avant de saisir la Cour, il faut avoir épuisé les voies de recours internes, ce qui met en évidence le
caractère subsidiaire de la compétence de la CourEDH. Seuls les recours utiles doivent avoir été
épuisés (CourEDH, 29 octobre 1992, Open Door et Dublin well Woman c/ Irlande).

Le délai pour saisir la CourEDH est de 4 mois à compter de la décision interne définitive. Les
requêtes manifestement mal fondées ou abusives sont écartées, sauf si le respect des droits de
l'Homme exige un examen de la requête au fond. Depuis le 1er août 2018, les juridictions suprêmes
des Etats ayant ratifié le protocole n°16 peuvent demander un avis consultatif à la CourEDH. La Cour
a rendu son avis le 10 avril 2019 concernant la transcription d'acte de naissance en France d'une GPA
réalisée à l'étranger.

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8. Les effets des arrêts de la CourEDH


La CourEDH peut conclure à l'absence de violation de la Convention ou constater une violation et
accorder une «satisfaction équitable». L'arrêt est définitif et obligatoire et doit être exécuté par l'État
partie, qui dispose du libre choix des moyens pour mettre fin à la violation. La Cour peut inviter l'État
à prendre une décision particulière, comme rouvrir une procédure judiciaire. L'arrêt a une autorité de
la chose interprétée et s'impose à l'ensemble des parties à la Convention.

La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a le pouvoir d'interpréter la Convention et ses
décisions s'imposent à tous les États parties. Par exemple, l'arrêt Dudgeon c. Royaume-Uni (1981) a
jugé que la condamnation pénale des relations homosexuelles était contraire à l'article 8 de la
Convention. De même, l'arrêt Salduz c. Turquie (2008) a établi que l'avocat doit être présent dès le
début de la garde à vue. Ces décisions sont exécutées par les États grâce au contrôle du Comité des
ministres du Conseil de l'Europe et à l'influence du droit de la CEDH sur les législations et
jurisprudences nationales.

La CourEDH a eu une influence considérable sur le droit des Etats parties, notamment en France. La
loi du 3 décembre 2001 a abrogé les articles du Code civil discriminatoires à l'encontre des enfants
adultérins (CourEDH, 1er Février 2000, Mazurek c. France). Le Conseil d'État et la Cour de cassation
ont revu leur jurisprudence et appliqué les garanties de l'article 6 (procès équitable) au contentieux de
la fonction publique. La loi 2000-516 a introduit le mécanisme de réexamen en matière pénale et la loi
n°2016-1547, art 42 I 3e a mis en place un mécanisme de réexamen en matière civile ( art 452 – 1
COJ). Cependant, certains Etats résistent à l'autorité de la CourEDH, comme le Royaume-Uni et la
Russie. Des critiques à l'encontre de la CourEDH et de son travail se sont également développées ces
dernières années.

La CourEDH offre une protection juridique efficace aux particuliers, limitée par la liste des droits
inscrits dans la Convention. Elle renforce ainsi la garantie juridictionnelle existante.

B- La garantie juridictionnelle des droits et libertés au sein de


l'UE
L'UE n'a pas pour objectif de protéger les droits et libertés, mais de s'assurer que le droit de l'UE ne
les viole pas. La garantie juridictionnelle des droits et libertés au sein de l'UE ne vise pas à offrir de
nouveaux droits aux individus. Les juridictions de l'Union (CJUE et Tribunal) n'interviennent pas

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systématiquement. Elles sont conduites à assurer la garantie des droits et libertés lorsque l'on conteste
un acte de l'UE ou lorsqu'il y a un litige national portant sur le droit de l'UE en rapport avec les droits
fondamentaux.

1. La contestation d’actes de l’Union attentatoires aux droits fondamentaux


Le recours en annulation est peu accessible pour les particuliers si l'acte ne les vise pas nommément.
Une question préjudicielle posée par un juge national est donc le seul moyen d'obtenir l'annulation
d'un acte de l'UE. Le juge de l'UE vérifie alors la conformité de l'acte avec les droits fondamentaux.
Cette voie peut concerner les sanctions de la Commission européenne, les mesures disciplinaires des
Institutions ou la contestation d'un acte de droit dérivé (directive, règlement, etc.).

2. Le contrôle de l’action des Etats dans le champ d’application du droit de


l’UE
Le droit de l'Union européenne (UE) garantit les droits fondamentaux. Lorsque les États agissent en
application de ce droit ou bien lorsqu'ils choisissent d'utiliser une dérogation prévue par le droit
communautaire, ils doivent respecter ces principes. Si un litige porté devant le juge national
correspond à l'une de ces situations, il doit appliquer le droit de l'UE et peut éventuellement poser une
question préjudicielle à la Cour de justice. Celle-ci peut alors indiquer de quelle façon les autorités
nationales doivent appliquer/déroger au droit de l'UE pour respecter les droits fondamentaux. Le droit
de l'UE s'étend maintenant à des domaines sensibles et la Charte des droits fondamentaux de l'UE
confère à la Cour de justice un rôle important en matière de protection des droits et libertés.

L'affaire Sonia Yaker contre la France de 2018 a été portée devant le Comité des droits de l'Homme
(CDH) de l'ONU, qui a précisé que les restrictions doivent être prévues par la loi, légitimes et
proportionnées. Sa décision n'est pas contraignante et peut ne pas être suivie des faits. Il ne faut pas
confondre le CDH et le Conseil des droits de l'Homme. Le principe de subsidiarité (épuisement des
voies de recours) veut que la priorité soit donnée aux juridictions nationales pour protéger les droits et
libertés protégés par la Convention européenne des droits de l'Homme (ConvEDH). Un protocole
permet aux juridictions suprêmes de demander à la CEDH comment appliquer la ConvEDH. La
formation de la CEDH comprend un juge unique pour rejeter les demandes manifestement
irrecevables, un comité, une chambre et une grande chambre pour les affaires importantes ou les
appels.

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La CEDH est une Cour qui statue sur la recevabilité et le fond des affaires. Une fois l'arrêt rendu,
elle octroie une satisfaction équitable à la victime et l'Etat doit adopter des mesures pour exécuter
l'arrêt. Le Comité des Ministres surveille l'exécution des arrêts et le greffe oriente les requêtes. Malgré
cela, beaucoup de requêtes sont encore irrecevables.

Section 1 – Le droit fondamental à la protection des données


personnelles
Le droit à la protection des données personnelles s'est développé en même temps que le
développement d'Internet. Une donnée personnelle est une donnée qui se rapporte à une personne
physique identifiée ou identifiable. Il y a 3 motifs qui justifient le traitement des données personnelles
: le motif économique, commercial, publicitaire, un motif d'intérêt général et le volet sécuritaire. Ces
données sont utilisées pour améliorer la qualité des services, pour la protection de la sécurité publique
et pour la reconnaissance faciale.

L'utilisation des données à caractère personnel pose des risques pour les individus, notamment en ce
qui concerne leur droit à la vie privée, à la liberté d'expression et à la dignité de la personne humaine.
Pour y remédier, un nouveau droit fondamental a été créé : le droit à la protection des données à
caractère personnel. Ce droit a été créé pour accompagner un phénomène considéré comme
incontournable.

Le droit à la protection des données à caractère personnel est reconnu par l'article 8 de la Charte des
droits fondamentaux de l'UE, qui s'inspire de la Convention n°108 du Conseil de l'Europe (1981) et de
la Loi informatique et liberté (LIL, 1978) en France. L'UE a également adopté le Règlement
2016/679, la Directive 2016/680 et la Directive 2002/58/CE pour réglementer ce droit. En France, la
LIL a été révisée en 2018. Selon l'article 4 du RGPD, les données personnelles sont définies comme
toute information se rapportant à une personne physique identifiée ou identifiable.

Le RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données) définit le traitement des données
personnelles comme toute opération effectuée sur ces données. L'article 5 du RGPD énonce les
principes relatifs à ce traitement : licéité, loyauté, transparence, limitation des finalités, limitation des
données, exactitude, limitation de la conservation et intégrité et confidentialité.

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Le RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données) impose des principes à respecter pour
le traitement des données à caractère personnel. Le responsable du traitement doit pouvoir démontrer
qu’il a fait respecter ces principes et peut être tenu responsable en cas de problème. Pour être licite, le
traitement doit être fondé sur le consentement explicite du titulaire des données ou sur un intérêt
légitime. Les titulaires des données ont le droit à une information complète, à l’accès, à la
rectification, à l’effacement et à la portabilité des données. Des mécanismes sont mis en place pour
assurer la protection des droits, notamment le DPO (Data Protection Officer) et le contrôle externe par
le CNIL (Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés) qui peut infliger des amendes
allant jusqu'à 20 millions d'euros ou 4% du chiffre d'affaires annuel mondial de l'entreprise.

2 exemples :

Le 28 janvier 2022, le Conseil d'Etat a confirmé les sanctions infligées par la CNIL à Google pour la
difficulté à refuser les cookies. En 2014, la CJUE a invalidé une directive européenne obligeant les
opérateurs de téléphonie mobile et les fournisseurs d’accès à Internet à conserver les données de
connexion pour les forces de police. Plusieurs associations, dont la Quadrature du net, ont tenté
d’obtenir l’abrogation de ces dispositions. Le Conseil d'Etat a posé une question préjudicielle à la
CJUE qui a répondu le 6 octobre 2020 en précisant que la conservation générale et indifférenciée des
données est interdite sauf en cas de menace à la sécurité nationale. Le Conseil constitutionnel a abrogé
une disposition législative qui prévoyait de conserver des informations pour pouvoir s’en servir dans
le cadre d’enquête judiciaire, car elle était disproportionnée.

Section 2 – Le droit au respect de la vie privée

VI- Sources
L'article 8 de la CEDH et l'article 9 du Code civil protègent le droit à la vie privée et familiale. Selon
l'article 2 de la DDHC, le Conseil constitutionnel a déduit la protection à la vie privée et à la liberté.
Ces principes sont considérés comme des droits naturels et imprescriptibles.

Le droit à la vie privée est une liberté fondamentale protégée par l'article 2 de la Déclaration des
droits de l'homme et du citoyen de 1789 et par l'ordonnance du Conseil d'Etat du 25 octobre 2007. Il
s'agit d'une sphère d'intimité des individus qui ne doit pas être violée par l'Etat. La CEDH a élargi la
portée de ce droit, en considérant les relations entre les individus, ce qu'on appelle la vie privée

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sociale (arrêt Pretty contre Royaume-Uni). Cette extension progressive du droit à la vie privée est
reconnue par les juridictions.

VII- Déclinaisons

C- Le droit au secret
Le 25 février 2016, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a opposé le droit à un procès
équitable à la vie privée. Une personne victime d'un accident corporel invoquait des troubles de la
locomotion, mais la personne chez qui les travaux se faisaient contestait la réalité de l'accident. La
Cour de cassation a considéré que la durée et l'ampleur des enquêtes litigieuses portaient atteinte au
droit au respect de la vie privée, protégé par l'article 8 du Code civil et l'article 9 de la CEDH.

D- Le droit au respect de l’identité


Le droit au nom et à la reconnaissance de son identité et de ses origines est un droit fondamental. Il
comprend la transcription au nom, la connaissance du donneur pour avoir accès à son identité et la
reconnaissance de sa filiation et de la modification de son identité en cas de changement de sexe.

E- La liberté sexuelle
La CEDH considère le droit à la vie privée comme comprenant le droit à l'épanouissement
personnel, y compris dans le domaine des relations sexuelles. La liberté sexuelle inclut la libre
expression de la sexualité, y compris l'homosexualité, mais avec des limitations (présomption de non-
consentement pour les mineurs de moins de 15 ans, interdiction de la zoophilie). Il y a aussi le droit de
ne pas être discriminé en raison des choix dans son orientation sexuelle (par exemple, depuis le
16/03/22, fin de la période d'abstinence d'un an imposée aux personnes homosexuelles pour le don du
sang).

F- Le droit à la réputation

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La Cour de cassation a tranché le 25 octobre 2019 dans une affaire concernant un dessin représentant
Marine le Pen. Elle a considéré que la liberté d’expression l’emportait sur le droit à la réputation, car
elle participait à un débat d’intérêt général.

G- Le droit de vivre dans un environnement sain


L'arrêt Lopez de la CEDH (Cour Européenne des Droits de l'Homme) a établi le droit à un
environnement sain, protégé par la vie privée. Le Conseil d'État a confirmé ce principe dans un arrêt
du 26/10/2007, concernant les nuisances sonores liées à un aéroport.

VIII- Focus sur la GPA


La GPA est une pratique controversée qui consiste à ce qu'une femme porte un enfant pour le
compte d'un couple. Elle est interdite en France par l'article 16-7 du Code civil et ne fait pas l'objet
d'une incrimination pénale. Dans certains pays, elle est autorisée et peut être rémunérée. Elle implique
des droits fondamentaux tels que le droit au respect de la vie privée, le droit à la procréation
(CourEDH, 3 nov. 2011, S.H. c. Autriche), l'intérêt supérieur de l'enfant, la dignité de la personne
humaine et le droit à l'intégrité de la personne.

Le droit français initial interdit la GPA, sans incrimination pénale, selon l'arrêt de l'assemblée
plénière de la Cour de cassation du 31 mai 1991. La Cour de cassation a annulé l'adoption d'un enfant
né de GPA, considérant qu'il s'agissait d'un contournement de la loi. La CEDH a condamné la France
le 26 juin 2014 (Mennesson contre France) pour violation du droit au respect de la vie privée, car elle
n'a pas reconnu le lien entre l'enfant et son père biologique. La CDFUE (Article 3 § 2) interdit de faire
du corps humain et de ses parties une source de profit.

La Cour de cassation a changé sa position en 2015 et n'a pas évolué législativement. En 2019, elle a
demandé un avis à la CEDH concernant les parents d'intention biologiques ou non. La CEDH a
expliqué qu'il fallait un mécanisme effectif pour reconnaître le lien de filiation, comme une procédure
d'adoption. Suite à cet arrêt, la Cour de cassation a précisé que la transcription ne pouvait pas être
annulée et que l'on pouvait transcrire l'acte d'état civil. La loi bioéthique de 2021 interdit la
transcription des actes d'état civil, mais ne va pas à l'encontre de la CEDH puisqu'il existe la
possibilité de l'adoption.

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Le Conseil d'Etat a précisé que la législation sur l'interdiction et l'exportation d'insémination ou


d'exportation en cas de décès d'un des conjoints n'est pas contraire à la CEDH. Cependant,
l'application de la loi peut violer le droit fondamental en cause. La Cour de cassation a appliqué ce
contrôle in concreto dans un arrêt du 4/12/2013 concernant un mariage entre alliés, précisant que
l'invocation de ce mariage interdit ne pouvait pas être faite après le décès du père conjoint. Le juge
doit donc prendre en compte la protection des droits fondamentaux, ce qui peut entraîner une perte de
sécurité juridique.

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