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COURS DE DROITS FONDAMENTAUX

Leçon n°2 Les fondements des « droits et libertés fondamentaux »


Quels sont les fondements permettant aux droits et libertés d’être insérés dans un cadre
institutionnel qui les reconnait (ou les reçoit) et leur donne un cadre d’exercice ?

Introduction
– Questions :
– Sur quels fondements repose la reconnaissance des droits et libertés
fondamentaux au sein de l’État ?
– Quelles sont les motivations de l’État dans la reconnaissance des droits et
libertés fondamentaux ?
– État : organe de concrétisation juridique des droits et libertés
– Réfléchir à la signification juridique des mots « droits et libertés
fondamentaux » 
– Réfléchir à la position de l’État pour reconnaître ces droits et libertés
fondamentaux

Section 1. La « reconnaissance » des droits et libertés fondamentaux : des


libertés publiques aux droits fondamentaux - Brève histoire d’une évolution

Paragraphe 1. Des « Droits de l’homme » aux « Droits et libertés fondamentaux »

A. L’émergence et l’affirmation des droits de l’Homme

– Aux origines : le fruit d’une pensée « la singularité de l’Être humain »


– Liens entre les « droits de l’Homme et le droit naturel
– Une reconnaissance interne et internationale en droit positif
– 20 siècle : des instruments de droit interne aux ’instruments internationaux
e

– Texte emblématique : la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948

B. Différenciation et jonction des droits de l’Homme et des droits fondamentaux

– Opposition originaire : de la philosophie des droits de l’Homme à la concrétisation des


droits fondamentaux
– Droits fondamentaux :
– plus récents 
– ancrage et nature constitutionnels (droits de l’Homme : caractère international,
conventionnel )
– Multiplication des différents catalogues de droits et libertés tant constitutionnels que
conventionnels
– Deux catégories de droits de plus en plus imbriquées les unes aux autres
– Un rapprochement prenant appui sur deux éléments :

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1. Quasi identité des droits de l’Homme et des droits fondamentaux dans leur
fonction juridique et contentieuse
2. La liste des droits fondamentaux et des droits de l’Homme est
substantiellement la même
– Limites :
1. Pas d’identité absolue de contenu
2. Pas d’identité complète de « valeur » entre les deux concepts 
– Coexistence des droits de l’Homme et des droits fondamentaux : pas toujours
synonyme de coexistence pacifique

Paragraphe 2. Des « libertés publiques » aux « droits et libertés fondamentaux »

– Les libertés publiques : première forme de « juridicisation » des droits de l’Homme


– Limites découlant :
1. de leur nature
2. de leur régime juridique
– Corrélation établie entre 1) le perfectionnement de l’État de droit et 2)
l’approfondissement du régime des libertés
– Substitution progressive du concept de « Droits et libertés fondamentaux » au
concept de « libertés publiques »

A - Les libertés publiques  : définition et régime juridique

– Les termes «  libertés publiques  » forgés par la doctrine et la jurisprudence françaises


1. « Libertés  » : faculté(s) d’agir reconnues à l’individu et à sa sphère
d’autonomie dont il dispose.
2. « publiques » : dimension verticale : opposabilité des prérogatives
reconnues à l’individu contre les pouvoirs publics (l’État)
– Libertés publiques : libertés reconnues par le droit opposables à la puissance
publique (pouvoir administratif )
– G. Jellinek : libertés publiques : droits de défense de l’individu contre l’État

Illustration: Développement d’une abondante législation fondée sur le DDHC de 1789


– Loi le Chapelier de 1790 affirmant la liberté du commerce et de l’industrie
– Loi Falloux de 1850 organisant la liberté de l’enseignement primaire et secondaire
La IIIe République : adoption de nombre de lois ayant façonné le régime
traditionnel des libertés publiques en France :
– Loi sur la liberté de l’enseignement supérieur en 1875
– Lois de 1881 sur la liberté de réunion et la liberté de la presse
– Loi de 1884 sur la liberté syndicale
– Loi de 1901 sur la liberté d’association
– Loi de 1905 sur la liberté des cultes

– Régime juridique applicable aux « libertés publiques »

1. Le rôle de la loi : libertés publiques placées sous la protection de la loi à l’abri du


pouvoir administratif

1. Libertés publiques sous la dépendance du législateur

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2. Progrès considérable par rapport à l’Ancien régime : placer les libertés sous la
protection de la loi (article 4 & article 5 DDHC)
1. Compétence législative non-délégable au pouvoir règlementaire
2. Compétence réglementaire strictement délimitée par la loi à la mise
en œuvre des règles de principe 
3. Loi ne pouvant faire l’objet d’aucune contestation 

–
Consécration jurisprudentielle de la compétence législative en matière de
libertés publiques : les principes généraux du droit : 5 mai 1944, Trompier-
Gravier; 26 octobre 1945, Aramu
– Régime juridique applicable aux « libertés publiques » (suite)
2. Le rôle dévolu au juge : perçu comme le gardien naturel des droits et libertés
1. Dualisme juridictionnel français : facteur de perturbation et de complication
2. Un système à la recherche d’un équilibre
3. Une mission conjointe de protection des libertés pour le juge administratif
et le juge judiciaire :
1. Conseil constitutionnel décision 87-224 DC du 23 janvier 1987,
Conseil de la concurrence
2. Conseil constitutionnel 89-256 DC du 25 juillet 1989, Loi portant
dispositions diverses en matière d'urbanisme et d'agglomérations
nouvelles

B. Ascension et déclin des libertés publiques

1er temps : l’ascension des libertés publiques


– Place dominante des libertés publiques dans le droit public français (fin 19 e-début 20e
s)
– Ascension des libertés publiques concomitante à la montée en puissance de l’État
légal 
– Rejet de l’État de police
– Étape intermédiaire vers l’État de droit
– Juge (administratif) : définition des grandes lignes du régime de protection des
Libertés

1. Les techniques de protection des libertés publiques

– Juge administratif :
– Affirmation d’une règle :la liberté est la règle, la restriction – notamment de
police - l’exception. (concl. Corneille sur l’arrêt CE 10 août 1917 Baldy)
– Principe de conciliation : CE Benjamin 19 mai 1933, conciliation entre le
respect de la liberté avec le maintien de l’ordre public
– Trois méthodes utilisées par le législateur pour aménager le régime d’exercice des
libertés :
– Possibilité pour la loi de prévoir des sanctions pénales réprimant soit une
atteinte à la liberté, soit son usa ge excessif
– Déclaration préalable de l’exercice de la liberté
– Soumission de l’exercice d’une liberté à un régime d’autorisation

2. l’expérience de la IIIe République

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– Libéralisme politique dans le champ des libertés : lutte contre les congrégations
religieuses et interdiction d’enseigner pour les membres du clergé à partir de 1907,
dissolution des ligues après les émeutes du 6 février 1934
– Action et rôle protecteur déterminants de la part du Conseil d’État
– Jurisprudence : progression constante du niveau de protection des libertés tout au long
du XXe siècle (1ère moitié puis après 2nde GM)
– Age d’or des libertés publiques en France

3. Emprise des libertés publiques dans le domaine académique et universitaire 

– Enseignement des libertés publiques : obligatoire à l’Université au début des


années 1950
– Importance croissante des libertés : développement des prémices d’une protection
européenne et internationale
– « Le système français des libertés publiques » longtemps pris en exemple hors de
nos frontières

Second temps : le déclin des libertés publiques

– État légal caractérisé par :


– La toute-puissance de la loi
– Le «  régime administratif » des droits et libertés (M. Hauriou)
– Loi : vecteur de l’ascension des libertés également cause de leur déclin
– Développement de lois liberticides (attentatoires aux libertés) entre les années 1920 et
1940 (émeutes de février 1934)
– Absence de contrôle juridictionnel sur la loi :
– Absence de texte constitutionnel de référence considéré comme directement
applicable
– Absence d’organe qualifié pour exercer un contrôle de constitutionnalité
des lois

La souveraineté de la loi : un dogme incontournable paralysant la compétence des


tribunaux

– Conseil d’État Sect. 6 novembre 1936, Arrighi


« Sur le moyen tiré de ce que l'art. 36 de la loi du 28 févr. 1934, en vertu duquel ont été pris
les décrets des 4 avr. et 10 mai 1934, serait contraire aux lois constitutionnelles ;
Considérant qu'en l'état actuel du droit public français, ce moyen n'est pas de nature à être
discuté devant le Conseil d'État statuant au contentieux »
– Modification de la situation sous la IVe République : Préambule de la Constitution
de 1946 : liste de droits et de libertés (éco et soc). Conseil d’État :
– Donne effet aux dispositions du Préambule de la Constitution de 1946 : 11
juillet 1956 Amicale des Annamites de Paris
– S’interdit de contrôler la constitutionnalité d’un acte réglementaire pris sur le
fondement d’une loi (théorie de la loi-écran)

Des libertés remises entre les mains du législateur et soumises aux changements de
majorité parlementaire et de gouvernement

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– « La politique tient le droit et les libertés en l’état »
– Expériences fascistes et nazies
– Neutralité de la loi : contenu protecteur ou
– Exigence de droits et libertés : garanties contre le pouvoir administratif mais aussi
contre tous les pouvoirs, y compris législatif
– Deux conditions :
– Proclamer les droits et libertés dans la Constitution
– Prévoir un contrôle juridictionnel de constitutionnalité des lois

Paragraphe 3. Les droits et libertés fondamentaux (en tant que concept autonome)

A. l’apparition et la définition de la notion


– Aboutissement d’un processus
– Droits et libertés fondamentaux : complément aux étapes et formes précédentes
– Expression « droits fondamentaux » : d’abord apparue en Allemagne au 19e siècle
– Théorie des droits fondamentaux : doctrine allemande sur les « droits public
subjectifs » (G. Jellinek)
– Normes de droit public protégées contre la « puissance publique »
– Consécration solennelle après 2nde GM : Constitution allemande (Loi fondamentale
du 23 mai 1949)
– Apparition du concept de droits fondamentaux
– En France, apparition de la notion plus tardive :
– Doctrine : imposition progressive de l’usage
– Jurisprudence Conseil constitutionnel du 22 janvier 1990 (89-269 DC cons.33)
utilisation formelle -décision du 16 juillet 1971 « de droits et libertés
constitutionnellement garantis »
– Définition du concept : impossibilité de réduire abusivement par certaines règles de
droit certains comportements relevant du domaine de liberté des individus
– « Mise à l’abri d’un certain nombre de droits et libertés » : aucun pouvoir investi
d’une compétence normative ou plus largement, d’un pouvoir de décision quelconque
ne peut les méconnaitre
– Les conditions de la protection des droits et libertés fondamentaux
– Pour devenir « fondamentaux » : droits et libertés doivent être protégés :
– Contre le pouvoir exécutif - fonction déjà assurée dans le système des libertés
publiques –
– Contre les pouvoir législatif
– Contre les décisions des tribunaux
– Contre les comportements des autres individus
– Identification et distinction essentielle des Droits et libertés fondamentaux : deux
conditions cumulatives :
– Doivent être protégés contre la loi et
– Doivent pouvoir s’appliquer aussi aux relations entre individus
– Effet vertical de protection contre tous les pouvoirs incarnant la puissance publique,
exécutif, législatif et tribunaux ; et effet horizontal (drittwirkung) entre individus
– Exigences concrétisées à trois conditions 
1. Obligation de protection des droits et libertés par des normes de degré supérieur
dans la hiérarchie des normes

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2. Invalidation de toutes les normes inférieures considérées comme contraires à ces
normes supérieures
3. Titulaires des droits et libertés directement compétents pour saisir les
juridictions en cas de violation
– Une définition simple et uniforme (parmi d’autres)
Définition : Les Droits et libertés fondamentaux sont tous les droits et libertés protégés
par des normes constitutionnelles ou (et) par des normes européennes ou internationales
contre toutes autorité publique ou personne privée, toute autorité juridictionnelle et qui
sont placés en dernière instance sous la protection d’un juge
– Approche formelle directement inspirée du positivisme :
1. Lien étroit avec l’apparition de la justice constitutionnelle
2. Approche faisant l’économie de l’appréciation de la « fondamentalité » du
droit ou de la liberté
– Critique de la thèse logico formelle
– Deux critiques majeures :
1. Prendre l’effet pour la cause (inversion de l’ordre logique du raisonnement)
2. Démarche essentiellement logico-formelle (fondement ?)
– Démarche alternative – critique du positivisme juridique, en particulier du jus
naturalisme
– Contre-argumentation : droit procède nécessairement des valeurs et celui-ci est chargé
de les promouvoir selon une démarche purement réceptive ou recognitive et non
créative
– Analyse comparée de la thèse matérielle et de la thèse formelle
– Logique de la démonstration : conduit à affirmer conséquemment que certains
droits sont plus fondamentaux que d’autres (hiérarchie ? Grille ?)
– Analyse de ce mode de pensée : deux temps :
– Jonction des deux thèses : la reconnaissance politique ou social rejoint la
reconnaissance juridique
– Approche matérielle de la « fondamentalité » : difficulté à distinguer a
priori les valeurs fondamentales et non fondamentales

B. Les implications : l’absorption des libertés publiques par les droits et libertés
fondamentaux

– Droits et libertés fondamentaux : élévation de la protection dans la hiérarchie des


normes 
– Changement de dénomination des « libertés publiques » en « Droits et libertés
fondamentaux » : pas un phénomène isolé 
– Constitutionnalisation du droit :
– Absorption de la légalité par la constitutionnalité
– Absorption de la grande majorité des libertés publiques et des droits de
l’Homme par les droits et libertés fondamentaux
– Champ d’application élargi aux « droits créances » (« les droits à ») en sus des
droits libertés (« les droits de »)

Section 2 – L’insertion des droits et libertés fondamentaux dans un système


institutionnel : fondements et justifications

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Paragraphe 1. Les justifications à l’intégration des droits et libertés fondamentaux dans le
système étatique

– Question : quels fondements à l’intégration des Droits et libertés fondamentaux ?


– Multiples fondements à l’intégration de différentes façons d’envisager les droits
et libertés fondamnetaux
– Évolution en fonction du contexte historique et politique
– Lien entre régime politique et : conception des droits et libertés fondamentaux

A. La liberté existe sans que l’État n’ait à intervenir

– Une intervention minimale de l’État dans le cadre de l’exercice des libertés


– Confère à l’individu une sorte de droit à réclamation de la protection de sa liberté
– Une garantie contre les dérives de l’État ?

B. La liberté est avant tout une affaire privée : elle est liée à l’indépendance de l’individu

– Liberté assimilée à l’indépendance individuelle


– Garantie par l’État des libertés individuelles
– Évaluation du degré d’ingérence acceptable de l’État sans réduction trop forte de la
sphère privée et la liberté autonomie de la volonté

C. Les droits et libertés comme constitution sociale de l’État

– M. Hauriou : Considère que la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de


1789 correspondait à une Constitution sociale qui placerait les droits et libertés dans
une sorte d’équilibre qui permettrait leur exercice par les individus (droits subjectifs)
tout en reconnaissant le rôle de l’État dans cette reconnaissance qui accepte (et
promeut) les droits et libertés dans un environnement social
– Aboutit à reconnaître aux droits individuels un statut protégé dans une
perspective d’intégration sociale

D. La théorie de l’autolimitation de l’État à l’égard des droits et libertés

– Développée par G. Jellinek : droits publics subjectifs


– Fondée sur la reconnaissance d’un pouvoir de l’État pour les droits et libertés qu’il
reconnait et s’engage à ne pas intervenir
– Originalité : consiste à accepter l’idée que la reconnaissance des droits et libertés
implique une autolimitation
– Reprise en France par R. Carré de Malberg

E. La protection des droits et libertés par la séparation des pouvoirs et la garantie


juridictionnelle

– S’inscrit dans une perspective historique plus récente : les droits et libertés reconnus
par l’État (protection normative renforcée)
– Reconnaissance : à la fois acte de volonté mais également acte d’adhésion à des
valeurs

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– Nécessité de développer un certain nombre de mécanismes supplémentaires de
concrétisation et de contrôle de ces droits
– Pouvoir : pouvoirs exécutif et législatif et juridictionnel (protection ultime des droits
et libertés)

Paragraphe 2. La mise en œuvre des justifications à l’intégration des droits et libertés


fondamentaux dans les systèmes normatifs

– Grande diversité d’explications rattachée à la conception des analyses relatives aux


droits fondamnetaux
– Traces des fondements intellectuels des libertés fondamentales se retrouvent
partiellement dans les fondements institutionnels
– Conception des droits et libertés évolutive à travers les institutions chargées de les
mettre en œuvre

A. La mise en œuvre par les autorités publiques chargées de définir le régime juridique
des droits et libertés fondamentaux

– Variété d’attitudes : époques, États


– Chaque autorité étatique définit les modalités de mise en œuvre des droits et
libertés dans le contexte dans lesquels ces droits sont reconnus : marge nationale
d’appréciation
– Droits et libertés fondamentaux : intimement liés aux régimes politiques de leur
mise en œuvre
– Évolution substantielle et contextuelle du contenu de chaque droit ou de chaque
liberté
– Illustration : se traduira par une évolution substantielle du contenu de chaque droit ou
de chaque liberté : le cas de l’outrage au drapeau ! (SCt 1989 Texas v. Johnson)

B. Le rôle institutionnel du juge confronté à la mise en œuvre des droits et des libertés
fondamentaux

– Position institutionnelle particulière du juge face à la mise en œuvre des droits et


libertés fondamentaux
– Deux remarques :
– Place le juge dans une position de gardien de la liberté et de définition des
contours
– Soumission à la pression de l’opinion publique et variation de la protection
institutionnelle ?

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