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Leçon 2.

L’ordre juridique

Introduction

 Rappel de la leçon 1 :

o Notion de « règle de droit » :

• Structure

• Destinataires (primaires, secondaires et tertiaires)

o Caractères : général et abstrait, obligatoire et coercitif

 Leçon 2 : ordre juridique = cadre dans lequel la règle de droit prend place
 Questions : s’agit-il d’un ordre juridique ?
1. L’ordre juridique et ses spécificités dans les sociétés occidentales contemporaines

 OJ : le droit considéré dans son ensemble (acteurs, institutions et règles)

 Remarque terminologique :

1) « Système juridique » : institutions participant à l’élaboration et à la mise


en œuvre des règles de droit
2) « Droit positif » : état du droit d’un ordre juridique (règles de droit,
doctrine et jurisprudence) à un moment précis
2. L’État moderne, la souveraineté et la Nation

 Fondement d’un ordre juridique = souveraineté

 Distinction :

1) Souveraineté externe :

o Pas de soumission d’un état à un autre état

o Deux conséquences :

 Règle fondamentale : égalité des états

 Pas d’ingérence d’un état dans les affaires d’un autre

2) Souveraineté interne : pouvoir absolu et indivisible au sein de


l’état (plan politique et plan juridique)
 Titulaire de la souveraineté ?

o Article 33 de la Constitution : « Tous les pouvoirs émanent de la Nation »

o Notion de « Nation » = générations passées, présentes et futures

• Vous êtes donc tous un peu… des souverains !


 Conception de la souveraineté dans les sociétés occidentales

o État = monopole de la violence légitime

o État = assure l’effectivité du droit

Moyens ?
3. L’État de droit

 Définition par ses caractéristiques (=/= définition statique)

 Quatre caractéristiques :

1) Respect par chacun du droit (ou « soumission » par chacun au droit)

2) Idéal démocratique

3) Séparation des pouvoirs (« équilibre des pouvoirs »)

4) Protection juridictionnelle permettant de garantir l’effectivité du droit


3.1. Respect dû au droit

 Plan historique : respect de « contraintes formelles » (premier temps) et


« d’impératifs de nature substantielle » (second temps)

3.1.1. Exigences formelles

 Fondement des compétences des autorités publiques :

o Source : habilitation légale

o Compétences : conférées aux autorités en vertu d’une règle de droit


 Deux exemples :

o Fusion institutionnelle : article 137 de la Constitution :

« […] le Parlement de la Communauté française et le Parlement de la


Communauté flamande ainsi que leurs Gouvernements peuvent exercer les
compétences respectivement de la Région wallonne et de la Région
flamande, dans les conditions et selon les modalités fixées par la loi […] »

o Révision de la Constitution : article 195 de la Constitution :

« Le pouvoir législatif fédéral a le droit de déclarer qu'il y a lieu à la révision


de telle disposition constitutionnelle qu'il désigne […] »
 Exercice des compétences des autorités publiques :

o Respect des conditions de fond et de procédure prévues par la loi

o Exemple : article 195 de la Constitution :

« Le pouvoir législatif fédéral a le droit de déclarer qu'il y a lieu à la révision


de telle disposition constitutionnelle qu'il désigne.

[…]

[Les] Chambres [i.e. la Chambre des représentants et le Sénat] statuent,


d'un commun accord avec le Roi, sur les points soumis à la révision.

Dans ce cas, les Chambres ne pourront délibérer si deux tiers au moins des
membres qui composent chacune d'elles ne sont présents; et nul
changement ne sera adopté s'il ne réunit au moins les deux tiers des
suffrages ».
 Conséquence des exigences formelles : autolimitation du pouvoir de l’État

o Notion : l’État se soumet aux règles de droit dont il est l’auteur

o Conclusion : respect des formes = respect des libertés


3.1.2. Exigences substantielles

 Notion : respect d’un système de valeurs jugées supérieures

o Respect des libertés fondamentales et des droits l’Homme

o Citation : « l’État de droit n’est pas l’État de n’importe quel droit »

 Perspective historique : apparition plus tardive

 Liste des droits de l’Homme ? (= « droits humains »)

o Principe d’égalité et de non-discrimination


o Droit à la vie
o Interdiction de la torture
o Liberté d’expression
o Respect de la vie privée
o Droit à un procès équitable
o Etc.
 Où se situent les droits de l’Homme ?

En abrégé : la « CEDH »

Articles 8 à 32
 Trois remarques :

1) Pas de liste arrêtée des droits et libertés

o Évolution constante des droits et libertés avec la société

2) Existence de conflits entre ces droits et libertés

o Exemple des propos jugés haineux ou racistes : liberté


d’expression vs. interdiction de la discrimination

o Arbitre des conflits ? Cours et tribunaux

3) Droits et libertés =/= absolus

o Exemple du Covid-19 : liberté individuelle limitée par un couvre-


feu ou un confinement pour des raisons de santé publique
 Conséquence des exigences substantielles : hétérolimitation du pouvoir de l’État

o Notion : ordre juridique est fondé sur des valeurs extérieures et indépendantes
de la volonté politique du moment

o Conséquence : existence d’un « droit naturel » ?

 Idée : règles juridiques supérieures à toutes autres ?

 Avantage et inconvénient du droit naturel :

 Avantage : lutte contre l’excès de pouvoir

 Inconvénient : légitimation d’abus (exemple : la politique coloniale)


3.2. Idéal démocratique

 Notion de démocratie : régime de gouvernement où le pouvoir est exercé par


le peuple, pour le peuple et au nom du peuple

Démocraties =/= Démocratie


 Distinction :

o Démocratie directe (« immédiate ») : citoyens participent directement


à la chose publique

o Démocratie représentative (« indirecte ») : pouvoir est exercé par des


représentants du peuple (= les parlementaires)
 Quid en Belgique : démocratie directe ou représentative ?

o Principe : démocratie représentative

o Tempéraments : article 39bis de la Constitution :

« A l'exclusion des matières relatives aux finances ou au budget ou des


matières qui sont réglées à une majorité des deux tiers des suffrages
exprimés, les matières exclusivement attribuées aux organes régionaux
peuvent faire l'objet d'une consultation populaire dans la région
concernée »

Participation directe des citoyens

Dans le même sens : article 41, alinéa


5, de la Constitution (niveau local)
 Trois traits de la démocratie :

1) Principe majoritaire

• Majorité simple (ou absolue) :

 Adoption de la règle si plus de la moitié des votes =


favorable

 Exemple : 100 votes = adoption si 51 votes en faveur

• Majorité qualifiée :

 Adoption de la règle si la fraction de votes favorables doit


dépasser la majorité simple

 Exemple : 150 votes = adoption si 100 votes en faveur


(majorité qualifiée des deux tiers)
 Exemple de majorité qualifiée : article 195 de la Constitution

« Le pouvoir législatif fédéral a le droit de


déclarer qu'il y a lieu à la révision de telle
disposition constitutionnelle qu'il désigne.

[…]

Les Chambres ne pourront délibérer sur les


points visés à l'alinéa 1er si deux tiers au moins
des membres qui composent chacune
d'elles ne sont présents; et nul changement ne sera adopté s'il
ne réunit au moins les deux tiers des suffrages ».

Deux tiers des votes = majorité qualifiée


2) Protection des minorités

• Politique de ségrégation raciale au USA (années 1960) = pas très


démocratique…

• Exemple en Belgique = communauté germanophone

3) Libre droit à la contestation et à l’opposition politique

• droit de s’exprimer et de se défendre publiquement

• droit de prendre part aux élections

• droit de constituer des partis politiques, des associations ou des


groupes de pression (ou en être membre)

• liberté de la presse et des médias (« quatrième pouvoir »)


3.3. Séparation des pouvoirs et ordonnancement des règles juridiques

3.3.1. Séparation et équilibre des pouvoirs

 Quels sont les différents pouvoirs en Belgique ?

1) Pouvoir constituant : adopte les règles constitutionnelles

2) Pouvoir législatif : adopte les règles législatives

• Qui est-ce au niveau fédéral ? article 36 de la Constitution =


Chambre des représentants, Sénat et le Roi (= les ministres)

• Attention ! Régions et Communautés ont aussi des parlements


3) Pouvoir exécutif : exécute les règles de valeur législative

o Double casquette :

a) Dirige l’administration (SPF finance, économie, intérieur, etc.)

b) Participe au pouvoir législatif par deux mécanismes :

1. Arrêté royal qui précise la loi (habilitation du législateur)

Exemple : article 8/1 de la loi du 8 novembre 1993


protégeant le titre de psychologue

« Les personnes inscrites sur la liste visée à l'article 2, §


1er, sont soumises à des règles déontologiques établies
par le Roi par arrêté délibéré en Conseil des ministres
après avis de la Commission ».

Adoption de l’arrêté royal du 2 avril


2014 fixant les règles de déontologies
2. Pouvoir d’initiative au niveau de l’élaboration des lois

Introduction de « projet de loi » à la Chambre

Projet de loi = loi proposée par un ministre


4) Pouvoir juridictionnel :

• Fonction : résolution des conflits par application des règles


de droit

• Attention : fonction des cours et tribunaux =/= rédiger des


lois par les décisions de justice

 Pouvoir juridictionnel : source formelle de droit ? non

Interdiction de « l’arrêt de règlement »


 Que signifie la séparation des pouvoirs ?

o Notion : équilibre entre les pouvoirs (= « freins et contrepoids »)

o Exemples non exhaustifs (synthèse du n° 2.028 à retenir) :

1) Le pouvoir législatif contrôle le pouvoir exécutif :

• Pouvoir exécutif a besoin du soutien du pouvoir législatif

• Motion de méfiance : censure du pouvoir exécutif par le pouvoir


législatif (article 46 de la Constitution)
2) Le pouvoir judiciaire contrôle le pouvoir législatif et exécutif :

a) Cour constitutionnelle : annulation des lois, décrets et


ordonnances

Article 1er de la loi spéciale du 6 janvier


1989 sur la Cour Constitutionnelle :

« La Cour constitutionnelle statue, par voie d'arrêt, sur les


recours en annulation, en tout ou en partie, d'une loi, d'un
décret ou d'une règle visée à l'article 134 de la Constitution
[i.e. une ordonnance] pour cause de violation […] »

Annulation des lois = contrôle du législateur


b) Conseil d’État : annulation des actes administratifs

Article 14, §1er,


des lois coordonnées sur le Conseil
d’État du 12 janvier 1973

« § 1er. Si le contentieux n'est pas


attribué par la loi à une autre
juridiction, la section [annulation du Conseil d’État]
statue par voie d'arrêts sur les recours en annulation
pour violation des formes soit
substantielles, soit prescrites à peine de
nullité, excès ou détournement de pouvoir, formés contre
les actes et règlements :

1° des diverses autorités


administratives […] » Annulation des actes administratifs = contrôle de l’administration
3.3.2. Hiérarchie des règles juridiques

 Pouvoir constituant, législatif et exécutif : adoption de règles de droit

 Hiérarchie entre ces règles :

1) Sommet : constitution

2) Premier étage : loi, décret et ordonnance

3) Rez-de-chaussée : arrêté royal (ou de gouvernement ou ministériel)


 Résultat : pyramide des normes (base de la hiérarchie des règles juridiques)

Niveau
constitutionnel

Niveau légal

Niveau réglementaire
 Deux subtilités :

1) Colocation dans un même niveau

• Législatif : loi, décret et ordonnance

• Réglementaire : arrêté royal, de gouvernement et ministériel

2) Sous-étages dans un même niveau :

• Exemple au premier étage : loi et décret vs ordonnance

• Exemple au rez-de-chaussée : arrêté royal et de gouvernement vs


arrêté ministériel
 Nouvelle pyramide des normes plus complète :

Constitution

Loi et décret

Ordonnance

Arrêté royal et de gouvernement

Arrêté ministériel
3.4. Protection juridictionnelle du citoyen

 Notion : accès au juge pour réclamer la sanction d’une règle juridique

 Protection constitue un élément essentiel de l’État de droit

o Recours à la contrainte possible…

o … mais respect des exigences formelles et substantielles (supra)

 Contrôle au niveau international ?

Cour de Justice de l’UE Cour Européenne des Droits de l’Homme


Numéros de la leçon à ne pas étudier : n° 2.003 (synthèse du cours oral à retenir), n°
2.005, n° 2.025, n° 2.028 (synthèse du cours oral à retenir), n° 2.032 et n° 2.033
Merci

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