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Sommaire

introduction
I- Tentatives de définition
II- Les sources de la procédure civile
A- Les sources nationales
1. Les sources codifiées
2. Les sources non-codifiées
3. Les sources informelles
B- Les sources internationales
III- Les acteurs de la PC
IV- Les défis adressés à la matière
V- Le principe dispositif
C- L’initiative du procès
4. Le principe : l’initiative procédurale réservée aux parties
5. Les exceptions : les possibilités d’autosaisine
6. La liberté de mettre fin à l’instance
D- La conduite de l’instance
E- L’objet du litige
F- La question des faits
G- La question des preuves
H- La question du droit
VI- Le principe du contradictoire
VII- Le rôle pacificateur du juge
VIII- Intérêt à agir
I- Direct et personnel
IX- Qualité à agir
A- Restriction du droit d’agir
B- Extension du droit d’agir : le cas des ligues de défense
X- Le principe : actor sequitur forum rei
C- Le prérequis à l’application du principe
D- Les difficultés d’application du principe
XI- Les exceptions
A- Les compétences optionnelles
B- Les compétences dérogatoires
7. La dérogation par l’effet de la loi
8. Les dérogations par l’effet de la convention
XII- Les principales règles de compétence matérielle
C- La plénitude de juridiction du tribunal judiciaire
D- Les compétences attribuées des juridictions d’exception
9. Les tribunaux de commerce
10. Le conseil de prud’hommes
XIII- Les règles de la « répartition matérielle » interne au tribunal judiciaire
A- Le tribunal de proximité
B- Les juges spécialisés
XIV- La demande initiale
C- Notion
D- Régime
11. Régime commun
12. Régime différencié
XV- Les demandes incidentes
A- Typologie tripartite
B- Régime commun
XVI- Défenses au fond
C- Notion
D- Régime
XVII- Exceptions de procédure
A- Notion
B- Esquisse du régime
13. Le régime commun
14. Les régimes spéciaux des nullités
XVIII- Fins de non-recevoir
A- Notion
B- Esquisse du régime
XIX- Les débats
XX- Le délibéré
XXI- Le jugement
C- Dispositions générales
D- Dispositions spéciales
15. Jugement contradictoire, par défaut et réputé contradictoire
16. Jugement définitif et jugement provisoire
XXII- Cartographie des voies de recours
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introduction
I- Tentatives de définition
La procédure civile (PC) est la branche du droit relative à la réalisation contentieuse du droit privé.
Elle se distingue de la procédure pénale et du contentieux administratif. Elle permet de répondre aux
questions qui surgissent lorsqu'une partie est frustrée et doit requérir la réalisation contentieuse du
droit (assignation). Elle concerne le droit civil, mais aussi le droit des affaires et le droit du travail.

La PC est une notion complexe qui se réfère au désaccord entre les parties et à la dimension
juridique. Elle comprend le règlement judiciaire des litiges (réalisation contentieuse du droit privé) et
les modes alternatifs de règlement des différends (MARD) qui sont une réalisation amiable du droit
privé. La PC inclut également la matière gracieuse (articles 25 et suivants du CPC) qui ne concerne
pas la réalisation contentieuse du droit privé. La PC est donc plus qu'un simple contentieux.

La PC et le DJP sont synonymes et le DJP a une couverture disciplinaire plus large. Les voies
d'exécution sont le droit qui gouverne la mise à exécution forcée des titres exécutoires.
Traditionnellement, on réserve une place à part aux procédures civiles d'exécution, qui font l'objet
d'un cours spécial en Master 1. Le droit processuel désigne le droit fondamental du procès
(ConvEDH, art. 6 par. 1) ou le droit commun aux trois grandes disciplines procédurales.

Le droit processuel est un élément essentiel de la Procédure Civile (PC). Il est composé de principes
fondamentaux tels que le contradictoire, le droit à un procès équitable, l'impartialité, l'indépendance
du juge, la célérité de la justice et l'égalité des armes. La PC est une matière technique et difficile à
comprendre et à maîtriser, mais elle est fondamentale et doit être maitrisée par tous les auxiliaires de
justice. Une réforme de la PC est prévue pour avril 2023.

La PC est un droit sanctionnateur qui sert à la réalisation contentieuse d'un droit substantiel, mais
elle est théoriquement indifférente à sa teneur. En France, elle est fondamentale et permet la justice
civile du quotidien. Elle peut être transposée dans d'autres pays sans retoucher au droit civil et
réciproquement.

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II- Les sources de la procédure civile


Il y aura une question sur les sources à l’examen.

A- Les sources nationales


La PC est principalement nationale et textuelle, codifiée dans le CPC. Elle relève du domaine
règlementaire, ce qui signifie que l'exécutif peut la modifier par décret. Toutefois, le législateur peut
aussi intervenir dans le domaine règlementaire, comme le montrent le COJ et le CPCE. Le ministre de
la justice a annoncé qu'il allait associer le législateur à la réforme de la PC par une loi.

1. Les sources codifiées


Le COJ (Code de l'Organisation Judiciaire) et le CPCE (Code de Procédure Civile d'Exécution) sont
des codes procéduraux importants en PC (Procédure Civile). Le COJ précise l'organisation judiciaire
française et arbore des règles déterminant la compétence des juridictions. Il contient aussi des
principes fondamentaux tels que la gratuité de la justice (L.111-2), la célérité de la justice (L.111-3) et
le fait que les décisions sont rendues au nom du peuple français (L.111-1). Le CPCE, créé en 2011,
définit les voies d'exécution. Le CPC (Code de Procédure Civile) de 1806 est technique et manque de
hauteur de vue théorique.

Au 19ème siècle, une doctrine s'est intéressée à la PC au-delà de la technique et a adossé une
réflexion théorique à ce domaine. Au milieu du 20ème siècle, Jean FOYER, Gérard CORNU et Henri
MOTULSKY ont proposé de placer la PC dans le domaine règlementaire. En 1962, Jean FOYER a
instauré une Commission de réforme de la PC qui a abouti en 1975 à un décret créant le Nouveau
Code de PC (NCPC). Depuis 1975, le Code de PC a été réformé à plusieurs reprises, mais ses grandes
lignes sont restées intactes.

Le CPC (Code de procédure civile) est une œuvre de qualité rédactionnelle, dont l'article 14 dispose
que « Nul partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée ». Il est composé d'une partie
générale (Livre I) et de parties spéciales (les autres Livres). Il contient des principes directeurs
(articles 1 à 24) dont le principe du contradictoire. Les codes substantiels (Code civil, Code de

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commerce, Code du travail, Code de la consommation) contiennent également des règles procédurales
importantes.

La PC se puise principalement dans les codes procéduraux mais aussi dans un certain nombre de
codes substantiels.

2. Les sources non-codifiées


La loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique (AJ) prévoit les modalités d'attribution d'une prise
en charge financière pour l'accès aux tribunaux civils aux personnes défavorisées. La loi du 18
novembre 2016 (loi J21) contient des dispositions non-codifiées concernant le règlement amiable des
différends et les actions de groupe. Un arrêté du 20 mai 2020 non-codifié régit la communication
électronique devant la cour d'appel. La Constitution et le bloc de constitutionnalité sont des sources
non-codifiées importantes de la PC, notamment par l'instauration de la QPC qui rattache les
juridictions à la Constitution et appelle des aménagements procéduraux.

De bien des manières la Constitution est une source non-codifiée de la PC.

3. Les sources informelles


Les sources informelles de PC sont très influentes sur la PC admise par les praticiens. Elles
comprennent les circulaires et documents assimilés en provenance de la chancellerie (MJ), les
documents de communication des juridictions, et les protocoles de procédure conclus entre les
juridictions et les barreaux locaux. La Cour de cassation ne les prend pas en compte, mais en pratique,
ils sont observés et respectés. Ces sources sont informelles, non publiques et conventionnelles, et ne
sont pas reconnues par la Constitution.

La jurisprudence est une source essentielle de PC. La Cour de cassation, par le biais de sa 2ème
chambre civile, peut poser de nouveaux principes et est souvent sollicitée pour des avis. En 2022, elle
a rendu 2 avis importants concernant la procédure d'appel. Le Tribunal des conflits a pour but de faire
vivre le dualisme des ordres juridictionnels et le Conseil d'Etat est également à surveiller.

Le Conseil d'Etat et le Conseil constitutionnel sont des sources fondamentales pour le procéduraliste.
En 2022, le Conseil d'Etat s'est prononcé sur la légalité de la réforme de la PC de 2019 et, en avril

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2022, sur l'emploi de la langue française dans les décisions de justice de l'ordre administratif. Le
Conseil constitutionnel peut se prononcer sur la constitutionnalité d'une disposition législative
intéressant la PC et dégager des grands principes de PC. Les procéduralistes regardent également la
jurisprudence des cours suprêmes et des cours d'appel.

La jurisprudence et la pratique sont des sources informelles importantes de la PC. La pratique se


manifeste par des mentions imposées dans les actes de procédure et par la rédaction des décisions des
juridictions. La doctrine, quant à elle, réalise un travail précieux d'examen des textes et façonne la
matière. La jurisprudence permet de voir se dessiner des grandes tendances d'interprétation et des
divergences d'interprétation avant que la Cour de cassation ne s'exprime.

B- Les sources internationales


La PC s'internationalise grâce à des conventions bilatérales et multilatérales, dont la Convention de
La Haye de 1970 sur l'obtention des preuves et la Convention de La Haye de 1965 relative à la
notification internationale. La Convention européenne des droits de l'homme (ConvEDH) est
particulièrement importante, avec ses articles 13 (droit à un recours effectif) et 6 (droit à un procès
équitable). Le juge français peut contrôler la conventionnalité des textes de PC à l'aune de ces textes,
ou procéder à une interprétation conforme. La Cour de cassation a récemment refusé d'imposer une
charge procédurale excessive à l'appelant, sur le fondement de l'article 6 paragraphe 1 de la
ConvEDH.

La CEDH joue un rôle important dans le domaine du droit procédural et sa jurisprudence est suivie
de près par les spécialistes. En 2022, l'arrêt Lucas contre France a été rendu et a eu une influence sur
la Cour de cassation. La CEDH est donc une source précieuse de PC.

Le droit de l’UE intéresse la PC de deux manières : le droit primaire inscrit dans les textes
fondateurs (article 47 de la Charte des DF de l’UE) et le droit dérivé inscrit dans les directives et
règlements. Le droit dérivé intéresse la PC de 3 manières : le règlement 1215/2012 (Bruxelles I bis)
détermine les règles de compétence internationale en matière civile et commerciale, le règlement
2020/1784 met en place des mécanismes procéduraux de coordination à un niveau supranational et le
règlement 1896/2006 institue une procédure européenne d’injonction de payer. Ces procédures civiles
européennes ont donné naissance à un droit judiciaire privé européen.

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L’importance des textes européens en PC donne une importance évidente à la jurisprudence de la


CJUE.

III- Les acteurs de la PC


L'avocat est un acteur essentiel de la procédure civile (PC). Il conseille son client sur les clauses de
procès et est responsable de leur validité et efficacité. Il est aussi un rouage important du système
judiciaire, car il attire l'attention du juge sur les irrégularités et les difficultés de procédure. Enfin, il
est un interlocuteur important pour les réformes de PC, grâce aux institutions représentatives comme
le CNB (Conseil national du barreau). Il décortique les textes, en souligne les faiblesses et propose
des interprétations. En cas de mauvaise réforme, le CNB peut déférer au Conseil d'Etat la légalité de
la réforme.

L'avocat et le juge sont des figures centrales de la PC française. L'avocat est à la fois opposé à toute
réforme qui durcirait le formalisme et complexifierait la PC, mais il est aussi le premier à devoir
exploiter les règles de la PC pour remporter le procès. Le juge est assujetti à des règles de PC qu'il
doit observer sous peine de sanction et il est le gardien principal des parties. Il est à l'origine de
décisions importantes et de la jurisprudence en PC. Il peut aussi être à l'origine de règles informelles
de PC.

Le greffier et le commissaire de justice sont des acteurs indispensables de la procédure civile (PC).
Le greffier assiste le juge dans la bonne marche de la PC et s'occupe de missions administratives et
juridictionnelles. Le commissaire de justice est en charge des significations (art. 651 CPC), des
assignations (art. 55 CPC) et des constats authentiques (art. 651 CPC). Il procède également à des
expulsions, des saisies à titre conservatoire ou confiscatoire. Autrefois, il était chargé de constater les
adultères, mais cette pratique est aujourd'hui interdite.

Le commissaire de justice intervient du début à la fin du procès civil (assignation 🡪 exécution de la


décision). Le ministère public peut aussi intervenir en PC, notamment en matière d'enlèvement
international d'enfant, de droit des personnes et de la famille (opposition au mariage, demande de
nullité) et en droit économique (insolvabilité). Le procès civil est avant tout la chose des parties.

IV- Les défis adressés à la matière

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La digitalisation offre des opportunités pour la justice civile, mais elle soulève aussi des inquiétudes
quant à sa déshumanisation. Les acteurs de la justice sont d'accord sur le fait que le progrès
technologique doit faciliter la prise de décision du juge, sans la préempter. Cependant, la technologie
n'est pas encore suffisamment avancée pour permettre une robotisation ou une automatisation de la
justice civile. En 2020, le décret DataJust a été approuvé par le Conseil d'Etat, mais en 2022,
l'Exécutif a finalement renoncé à ce projet pour des raisons techniques.

Le rapport remis à la Cour de cassation sur l’Open Data des décisions de justice aborde l’impact de
la digitalisation sur la notion de jurisprudence et l’exploitation intelligente par l’intelligence
artificielle. La massification et la procéduralisation de la société ont rendu le recours au juge plus
facile, mais la justice civile n’est pas adaptée à ce type de litiges. Depuis 50 ans, le constat de la «
clochardisation » de la justice est récurrent et malgré les efforts consentis, elle n’est pas réparée.

En 2021, la Tribune des 3 000 magistrats français s'est transformée en Tribune des 8 000 pour
dénoncer le malaise et la pauvreté de la justice. Les magistrats se sont mis en grève pour réclamer des
moyens supplémentaires. Les états généraux de la justice de 2022 ont abouti à un rapport préconisant
une augmentation des moyens de la justice civile. En 2023, le Garde des sceaux a annoncé sa volonté
de donner suite à ces préconisations, ce qui se traduira par un nombre plus important de places à
l'ENM. La pauvreté de la justice a des conséquences très importantes.

La justice française est caractérisée par un décalage entre la théorie et la pratique, avec des délais de
3-5 ans. La crise sanitaire a révélé son manque de résilience et d'agilité, et a entraîné une
paupérisation de la justice. Des réformes de PC ont été mises en place pour colmater les brèches et
complexifier l'accès au juge. On assiste aujourd'hui à un mouvement de déjudiciarisation, avec le
divorce par consentement mutuel qui ne se fait plus devant le juge. Les réformes de PC sont pensées
dans une optique de gestion des stocks et des flux, avec une logique de management qui convient à
une entreprise commerciale mais pas à la justice civile.

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Les principes directeurs


La PC est réformée de façon sectorielle et paramétrique année après année, ce qui ajoute à sa
complexité et à son manque d’efficacité. Pour y remédier, il faudrait mettre en place un moratoire ou
une commission en charge de repenser la matière sur le long terme (5 à 10 ans). Les principes
directeurs du CPC (1er article) donnent une structure et une direction globale à la matière et reflètent
nos convictions contemporaines sur la justice civile (ex. principe de publicité).

Le CPC (Code de procédure civile) prévoit 3 principes relatifs à la défense : le principe d'auto-
représentation (article 18), la représentation par défenseur syndical et la représentation obligatoire par
avocat dans certaines procédures. Ces principes sont complétés par le principe de publicité et les
principes de contradiction et de conciliation. La pratique montre que les parties non-représentées sont
généralement mal défendues.

Le principe d'audition personnelle (article 20 du CPC) dispose que le juge doit toujours pouvoir
entendre la partie elle-même, même en présence de l'avocat. Le principe de libre choix du défenseur
(article 19 du CPC) permet aux parties de choisir librement leur défenseur. La loi « Confiance dans
l'institution judiciaire » de décembre 2021 a ouvert la possibilité de filmer et de retransmettre des
audiences en France, ce qui a mis le principe de publicité des débats au cœur de l'actualité.

Les principes relatifs à la publicité de la justice civile sont énoncés aux articles 22 à 23-1 du CPC.
Les audiences sont publiques sauf si la loi prévoit des chambres du conseil. Des exceptions peuvent
être faites pour protéger la vulnérabilité d'une partie, la préservation de la vie privée ou de certains
secrets des parties, ou pour assurer la tranquillité des débats. C'est le cas des audiences JAF ou lorsque
la procédure concerne un secret d'affaire.

L'article 2 de la Constitution de 1958 et l'ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539 établissent que la


langue du procès est le français. Cependant, l'article 23 du CPC permet aux parties de s'exprimer dans
une autre langue si le juge la connaît. L'article 23-1 du CPC prévoit des dispositifs pour les
justiciables atteints de surdité. Enfin, l'article 24 du CPC impose aux parties le devoir de réserve et le
magistrat du siège peut prendre des sanctions en cas de non-respect.

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V- Le principe dispositif
Le principe dispositif est essentiel en PC. Il signifie que les parties ont la maitrise de l'instance et du
litige. Le juge est un arbitre passif et ne peut pas influencer l'introduction de l'instance ou la
détermination de l'objet du litige. Le droit applicable est déterminé par le juge et la preuve est
principalement dévolue aux parties. Le principe dispositif n'est plus de droit positif et manque de
nuances.

C- L’initiative du procès
L'article 1 du CPC énonce le principe selon lequel les parties ont la liberté d'introduire et de mettre
fin à une instance, sauf exceptions prévues par la loi. Les parties sont donc maitresses de l'initiative
procédurale et partiellement de l'extinction de l'instance.

4. Le principe : l’initiative procédurale réservée aux parties


Le principe de l'interdiction de l'autosaisine du juge civil est simple à comprendre : seules les parties
peuvent introduire l'instance civile et le juge ne peut pas s'autosaisir d'une instance entière ou d'une
demande au cours d'une instance déjà en cours. Ce principe était admis avant même le Code de
Procédure Civile de 1975 et la 2ème chambre civile de 1963 a jugé que les tribunaux ne pouvaient
juger que les litiges portés devant eux. Les raisons soutenant cette interdiction sont : le respect des
limites fixées par les parties, le maintien de l'équilibre entre les parties et le respect de la séparation
des pouvoirs.

Le droit civil, qui régit les relations entre personnes privées, ne permet pas au juge civil de
s'autosaisir. Cette interdiction est liée à la liberté individuelle et à la liberté d'agir en justice. En
France, personne ne peut être forcé à mobiliser son droit. L'autosaisine est également contraire à
l'exigence d'impartialité du juge civil. Le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution
des textes du Code de commerce qui autorisaient le juge consulaire à s'autosaisir (décisions de 2014 et
2012).

5. Les exceptions : les possibilités d’autosaisine

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Le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation admettent des exceptions à l'interdiction de


l'autosaisine, à condition que cela soit prévu par la loi et fondé sur un motif d'intérêt général. L'article
375 du Code civil permet au juge de se saisir d'office à titre exceptionnel pour des mesures
d'assistance éducative au bénéfice d'un enfant, dans l'intérêt supérieur de celui-ci.

6. La liberté de mettre fin à l’instance


Les parties ont la maitrise totale de l’introduction de l’instance et une maitrise partielle de son
extinction. Elles peuvent s’extraire de l’instance avant qu’une autre cause d’extinction n’apparaissent
(le jugement) par un désistement conjoint. Unilatéralement, le défendeur ne peut pas s’extraire seul de
l’instance engagée contre lui, mais le demandeur peut le faire sous certaines conditions. CPC art. 1.

D- La conduite de l’instance
Le CPC (Code de procédure civile) prévoit que les parties doivent conduire l'instance sous les
charges qui leur incombent et accomplir les actes de la procédure dans les formes et délais requis. Le
juge veille au bon déroulement de l'instance et a le pouvoir d'impartir les délais et d'ordonner les
mesures nécessaires. Si les parties ne font pas progresser l'instance pendant 2 ans, elle peut se périmer
et entrainer une péremption d'instance.

Le juge veille au bon déroulement de l'instance et à sa progression par des injonctions et un


calendrier de procédure. Cependant, c'est aux parties de faire progresser le procès. En appel, l'appelant
doit conclure dans un délai de 3 mois sous peine de sanctions. Le juge joue le rôle de case manager et
les parties ont la maitrise de l'objet du litige, conformément au principe dispositif.

E- L’objet du litige
L'article 4 du CPC énonce le principe d'immutabilité du litige, selon lequel l'objet du litige est
déterminé par les prétentions respectives des parties. L'article 5 du CPC ajoute que le juge doit se
prononcer uniquement sur ce qui est demandé. L'article 4 du Code civil prévoit des sanctions pour le
déni de justice. Les parties délimitent le litige à l'intersection de leurs demandes et défenses.

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Un contrat de vente est en cause, l'acquéreur ne payant pas le prix et considérant avoir été floué
(dol). Le vendeur assigne l'acquéreur en paiement devant le juge civil et demande l'exécution du
contrat. L'acquéreur répond par une exception de nullité du contrat et le vendeur réplique par une
demande de validité. L'acquéreur contre-attaque par une demande reconventionnelle d'allocation de
dommages et intérêts. Le litige porte donc sur la validité et l'exécution du contrat, ainsi que sur la
responsabilité civile du vendeur.

Le juge ne peut pas modifier l'objet du litige, c'est le principe d'immutabilité. Il ne peut pas élargir ou
étendre le litige d'un point de vue personnel ou matériel (jurisprudence constante depuis 1985). Il ne
peut pas non plus étendre sa saisine d'un point de vue matériel, ni d'un point de vue qualitatif ou
quantitatif. Il y a des exceptions lorsque l'ordre public de direction entre en jeu. Il ne peut pas non plus
statuer ultra petita, c'est-à-dire au-delà de ce qui lui a été demandé.

Le juge doit s'en tenir aux termes du litige déterminés par les parties (CPC, art. 5). Il ne peut pas
statuer infra petita (CPC, art. 5 ; Code civil, art. 4). Toute la matière litigieuse doit être appréhendée
par le juge et il doit véritablement traiter la matière litigieuse (jurisprudence constante depuis 1983).
Si le juge refuse de juger, il se rend coupable de déni de justice. En cas d'omission de statuer, il est
possible de saisir le juge par une requête en omission de statuer (jurisprudence de 1985).

Le principe dispositif, qui régit la répartition des rôles dans le procès civil, est strictement entendu
comme l'initiative procédurale, la conduite de l'instance, son extinction et la matière litigieuse.
Largement entendu, il concerne le rôle du juge et des parties relativement aux faits, aux preuves et aux
droits. Cependant, certains éléments peuvent contrecarrer l'idée selon laquelle les parties disposent du
procès civil.

F- La question des faits


Le juge ne peut pas amener dans le débat des faits qui n'ont pas été évoqués par les parties. Selon
l'adage « da mihi factum, dabo tibi jus », c'est aux parties de porter les faits à la connaissance du juge.
L'article 6 du CPC prévoit que les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à fonder leurs
prétentions. Si le demandeur manque à cette charge, le juge ne pourra que le débouter, selon l'article 7
alinéa 1 du CPC.

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Le juge ne peut pas investiguer personnellement le dol dont le défendeur se serait rendu coupable. Il
ne peut pas non plus mobiliser ses souvenirs ou ses connaissances générales pour mettre un fait au
débat. Il peut seulement inviter les parties à fournir les explications de fait nécessaires à la solution du
litige (CPC, art. 8). Les parties peuvent parfois ne pas identifier le fait opérant qui soutient leur
prétention, ou mettre l'accent sur des faits inopérants. Ces faits sont appelés faits adventices.

Le juge civil peut prendre en considération les faits adventices, mais c'est à lui de décider s'il les tient
compte ou non. C'est ce que l'article 7 alinéa 2 du CPC (Code de procédure civile) prévoit. La Cour de
cassation a confirmé cette faculté en 1982. Les parties doivent donc faire le tri des faits et mettre en
relief les faits adventices. Le principe dispositif veut que l'aspect factuel du litige soit la chose des
parties.

G- La question des preuves


La preuve ne concerne que les faits non-constants, c'est-à-dire allégués et discutés. Le droit n’a pas à
être prouvé, sauf exception. Les faits constants, c'est-à-dire allégués et non-discutés, sont tenus pour
avérés et ne font pas l’objet d’une preuve. Cependant, la jurisprudence est hésitante sur ce point.

Le juge peut avoir l'obligation ou la faculté de tenir un fait constant pour avéré. Dans ce cas, la non-
contestation du fait par l'autre partie équivaut à une reconnaissance implicite et forme indirectement la
preuve du fait allégué. En pratique, le juge tient le fait constant pour avéré pour des raisons
d'économie procédurale. Si le fait n'est pas constant, la charge de la preuve incombe à la partie qui
l'allègue et elle encourt le risque de la preuve.

L'article 9 du CPC énonce le principe selon lequel la charge de l'allégation des faits et de la preuve
incombe à celui qui allègue le fait. Il y a également le principe de licéité probatoire et le principe de
loyauté probatoire, qui peuvent céder devant le droit à la preuve. La question probatoire incombe
principalement et prioritairement aux parties et le juge ne doit que contrôler la suffisance ou
l’insuffisance probatoire.

Le juge peut ordonner des mesures d'instruction légalement admissibles (art. 10 CPC) et apporter
son concours à une partie pour l'aider à établir un fait (art. 145 CPC). Il peut autoriser une saisie de
documents compromettants, procéder à l'interrogatoire des parties ou l'audition de témoins (art. 11

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CPC). En cas de refus sans motif légitime d'un test de paternité, le juge peut désigner le prétendu père
(arrêt 1er juillet 2003).

Le CPC (Code de procédure civile) prévoit que le juge ne doit pas pallier l'insuffisance de l'offre
probatoire d'une partie (art. 146). Il faut donc un début de preuve pour qu'une mesure d'instruction soit
ordonnée. La Cour de cassation veille à ce que cet article soit bien appliqué. On parle moins d'un
principe dispositif que d'un principe de coopération entre le juge et les parties concernant la
préoccupation probatoire.

La preuve est un élément stratégique pour les parties. L'article 145 du CPC permet de faire appel au
juge avant le procès au fond, de façon unilatérale, pour obtenir l’autorisation d’envoyer un
commissaire de justice sur place. Cette procédure sur requête est non-contradictoire et permet de
ménager un effet de surprise. En justice, « ne pas être prouvé ou ne pas être, c’est la même chose ».

H- La question du droit
L'article 12 du CPC énonce les principes selon lesquels le juge doit trancher le litige conformément
aux règles de droit applicables et donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes
litigieux. La Chambre sociale a rappelé en 1980 que le juge ne peut juger en équité et que les parties
ne peuvent conférer expressément un rôle d'amiable composition qu'en dehors des matières d'ordre
public. Les parties n'ont pas nécessairement besoin de faire du droit dans leurs écritures et n'ont pas à
préciser le fondement juridique de leur demande.

Le CPC (Code de procédure civile) prévoit que les parties peuvent, par accord exprès, lier le juge sur
les qualifications et points de droit pour les droits dont elles ont la libre disposition. L'article 56 du
CPC impose aux parties de faire figurer dans l'assignation un exposé des moyens en fait et en droit,
sous peine de nullité. Ainsi, le juge peut inviter les parties à faire du droit si nécessaire.

La jurisprudence Cesareo impose aux parties de faire du droit et de présenter tous les moyens à
même de faire triompher leur prétention dès la première instance. Le juge n'a pas l'obligation de
combler les angles morts juridiques des parties et son office est facultatif. Toutefois, le 2 févr. 2023, la
2ème chambre civile a mis de côté Cesareo en présence de moyens postérieurs venu modifier la
situation antérieurement reconnue en justice.

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Les parties doivent faire du droit et du zèle, et non plus se contenter de l'adage "donne-moi le fait je
te donnerai le droit". Elles doivent coopérer et se faire mutuellement connaître leurs moyens de droit
pour respecter le principe du contradictoire.

VI- Le principe du contradictoire


Le principe de la contradiction procédurale est inscrit aux articles 14 à 17 du CPC et se retrouve dans
la ConvEDH. Il permet la disputatio entre les parties pour connaître leurs arguments et favoriser la
manifestation de la vérité. Il garantit également le droit d'être entendu en justice et contribue à
l'acceptabilité de la décision rendue.

Le principe de la contradiction est un droit fondamental inscrit à l'article 14 du CPC. Il se compose


de deux dimensions distinctes: le droit d'être entendu et le droit d'être appelé. La jurisprudence
considère ce droit comme étant naturel depuis 1828 et l'inobservation de cette règle d'ordre public doit
être relevée d'office. La Cour de cassation a réitéré cette jurisprudence en 2022 et en 1989.

Le droit d'être appelé à comparaître est un droit fondamental reconnu par l'article 14 du CPC. La
Cour de cassation l'a rappelé le 1er octobre 2020 et le 17 novembre 2022. Le juge doit s'assurer que la
partie citée a été régulièrement appelée, c'est-à-dire par recours à un commissaire de justice et en
mentionnant les diligences prévues par les textes. Si ce n'est pas le cas, le juge doit ordonner une
nouvelle citation. Le droit d'être appelé n'est pas un devoir de comparaître, mais un droit à être averti
qu'un procès civil est diligenté à son encontre. Le juge doit vérifier la régularité, la recevabilité et le
bienfondé des demandes formulées.

Le principe selon lequel nul ne peut être jugé au civil sans avoir été appelé (CPC art. 14 et
ConvEDH art. 6 §1) est exceptionnellement susceptible d'être inversé (CPC art. 17) lorsque la loi le
permet ou la nécessité le commande. Dans ce cas, la procédure prend la forme d'une requête et non
d'une assignation, le juge décidant après que les parties aient discuté.

Le contentieux inversé est une procédure non-contradictoire où le juge décide d'abord et les parties
discutent ensuite. La partie requise peut alors référer au juge pour rétracter l'ordonnance et rétablir le
contradictoire. L'injonction de payer est un moyen simplifié de recouvrement des créances où la partie
requise n'est pas appelée à l'instance. Si le juge estime que la demande est fondée, il rend une

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Le droit en 3 minutes

ordonnance qui enjoindra à la partie défenderesse de payer. Si elle ne le fait pas, elle peut former
opposition et retourner à la procédure contradictoire classique.

L'inversion du contentieux est une procédure qui facilite le recouvrement de la créance. Avant de
procéder à un procès, il est possible de pratiquer des mesures conservatoires, comme le gel des
comptes ou la saisie d'un bien. Pour cela, il faut une autorisation judiciaire du juge de l'exécution.
Cette procédure est non-contradictoire, car si l'autre partie est prévenue, elle peut organiser son
insolvabilité. Le créancier doit alors convaincre le juge qu'il existe un péril dans le recouvrement de la
créance. Si le juge autorise, l'autre partie peut faire valoir son point de vue pour obtenir la main levée
de la mesure conservatoire.

Le principe de la contradiction est essentiel au seuil et au cours du procès. L'article 15 du CPC exige
que les parties se communiquent mutuellement en temps utile leurs moyens de fait, leurs éléments de
preuve et leurs moyens de droit afin de pouvoir organiser leur défense. Cependant, il existe un
contentieux important de communication tardive d'écritures et de pièces qui peut entrer en
contradiction avec le principe de la contradiction. La mise en état s'achève par une ordonnance de
clôture, mais il arrive que des parties concluent à la dernière minute. Le juge doit alors apprécier le
caractère tardif de la communication et déterminer si elle est contraire au principe de la contradiction.

Le juge est tenu de respecter le principe du contradictoire (art. 16 CPC) et doit veiller à ce que les
parties puissent débattre contradictoirement des moyens, explications et documents invoqués. En cas
de conclusions tardives, le juge peut révoquer la clôture pour permettre à l’autre partie de prendre
connaissance des nouveaux éléments ou exclure les écritures et pièces produites tardivement. La
jurisprudence admet les deux types de sanctions. En 2018, la 3ème chambre civile de la Cour de
cassation a rappelé que le principe de la contradiction autorise les expertises amiables préconstituées
par une seule partie.

Le juge doit respecter le principe de la contradiction, c'est-à-dire qu'il doit laisser les parties discuter
un nouvel élément qu'il apporte aux débats. Cette règle est constante (arrêt de la 3ème chambre civile
du 14 mai 2020) et ne peut pas être contournée par une expertise non-judiciaire. Il existe cependant
des exceptions, par exemple lorsqu'il octroi l'exécution provisoire à une décision. En général, le juge
ne doit pas surprendre les parties par sa décision et doit leur donner une chance de faire valoir leur
point de vue.

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Le droit en 3 minutes

VII- Le rôle pacificateur du juge


L'article 21 du Code de procédure civile (CPC) pose le principe fondamental selon lequel il entre
dans la mission du juge de concilier les parties. Les chercheurs et praticiens ont montré les vertus de
la conciliation et des solutions amiables, qui permettent de dénouer le litige et de reconnecter les
parties, tout en préservant la confidentialité. Le juge doit donc jouer un rôle pacificateur et non
seulement trancher le litige.

III. L’action
L'action est un droit reconnu par le CPC (art. 30). Elle n'est pas subordonnée à la démonstration de
son bien-fondé (jurisprudence du 6 mai 2004). L'absence de droit d'agir est sanctionnée par une
irrecevabilité (art. 32). L'abus du droit d'agir peut être sanctionné par une amende civile ou par la
responsabilité civile (art. 32-5 et 1240 du Code civil). Pour qu'une action soit recevable, il faut qu'elle
soit portée par une personne ayant un intérêt à agir (art. 31). Par exception, la loi peut réserver le droit
d'action à certaines personnes qualifiées.

VIII- Intérêt à agir


L'article 31 du CPC dispose que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès
ou au rejet d'une prétention. Les adages « Pas d’intérêt, pas d’action » et « L’intérêt est la mesure des
actions » résument l'exigence d'un intérêt à agir. La demande doit viser à améliorer la condition du
plaideur, sur le plan pécuniaire ou moral. L'intérêt doit être direct, personnel, né et actuel, sérieux et
légitime, selon CORNU et FOYER.

I- Direct et personnel
L'intérêt personnel est une exigence pour intenter une action en justice. Il doit être « direct et
personnel » et exclut toute action pour le bénéfice d'autrui. Une personne ne peut agir en justice à la
place d'une autre. Par exemple, une société mère ne peut se substituer à sa filiale pour recouvrer des
sommes dues (arrêt du 12 mai 1981) ou pour intenter une action en réparation d'un préjudice
personnel (arrêt du 17 décembre 1991).

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Le droit en 3 minutes

Les ligues de défense sont des mouvements qui défendent un intérêt collectif catégoriel qui dépasse
l’accumulation des intérêts particuliers des membres. La détermination de leur intérêt à agir pose des
questions de PC. Lorsque ces groupements disposent d'une habilitation à agir d'origine légale ou
règlementaire, ils sont présumés avoir un intérêt à agir. De même, lorsqu'ils enclenchent une action de
groupe, des dispositifs légaux les y autorisent expressément.

Les groupements peuvent agir en justice pour défendre un intérêt collectif couvert par leur objet
social, à condition que cette action soit prévue dans leurs statuts. La jurisprudence est très restrictive à
ce sujet. Cependant, le droit positif est plus libéral et permet aux associations d'agir en justice même
sans habilitation expresse. Selon l'arrêt de la 1ère chambre civile du 30 mars 2022, l'action peut être
introduite devant toute juridiction territorialement compétente, à moins que les statuts ne prévoient
une restriction du champ d'action géographique. Ainsi, il est possible de plaider par groupement
interposé.

L'exigence d'un intérêt direct et personnel ainsi que d'un intérêt né et actuel sont des principes
fondamentaux en droit français. Ces exigences visent à éviter les actions anticipées, c'est-à-dire celles
qui sont antérieures à la naissance du litige. Les juridictions françaises ne sont pas là pour donner des
avis sur des litiges qui ne sont pas encore matérialisés.

L'intérêt né et actuel est une exigence pour toute action en justice. Il est interdit d'introduire des
actions préventives ou provocatoires. Par exemple, le bailleur n'a pas d'intérêt né et actuel à faire
déclarer un congé valable avant sa date d'effet (arrêt de 2006 de la 3ème chambre civile). De même,
un contractant n'a pas d'intérêt né et actuel à solliciter l'interprétation d'un contrat loin de tout litige
(arrêt de 1985 de la chambre commerciale).

L'intérêt à agir doit être actuel. Toutefois, des exceptions sont admises, notamment en droit
international (arrêt du 7 décembre 2011 de la 1ère chambre civile) et en droit des successions (arrêt du
9 juin 2011 de la 1ère chambre civile). Ces actions préventives et déclaratoires sont motivées par
l'existence d'une incertitude juridique qui justifie la sécurisation de la situation. Elles peuvent
s'appliquer à des cas tels que la déclaration de nationalité, l'action négatoire de nationalité française et
la déclaration de non-contrefaçon de brevet d'invention (L. 515-9 du CPI).

L'article 145 du Code de procédure civile (CPC) autorise expressément une partie à demander des
mesures d'instruction in futurum. Cette demande est justifiée par l'intérêt né et actuel à la collecte

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Le droit en 3 minutes

immédiate des preuves, même si le procès au fond reste à venir. De plus, l'action anticipée est possible
si l'intérêt est certain et l'imminence du péril ou la probabilité élevée de sa réalisation est justifiée.
Toutefois, l'intérêt à agir doit être sérieux et légitime, selon l'article 31 du CPC.

La légitimité à agir est une exigence pour toute action en justice. Elle vise à empêcher des actions
qui ont pour objet l’obtention d’un avantage illicite ou immoral. La jurisprudence admet la
recevabilité d’une action dirigée contre un acte auquel le demandeur à lui-même pris part au fond
(jurisprudence de 1976). L’incohérence du demandeur au regard du fond ne suffit pas à le priver
d’intérêt à agir, mais l’incohérence procédurale est sanctionnée (jurisprudence du 2 mai 1994). C’est
l’estoppel : interdiction de se contredire au détriment d’autrui.

Le principe « De minimis non curat praetor » dispose que les actions visant à l'obtention d'un
avantage dérisoire ne sont pas recevables. Cependant, si la question est d'une importance intrinsèque,
la demande sera jugée recevable même si elle est relativement basse. Cela ouvre le droit d'action et
constitue un intérêt à agir.

IX- Qualité à agir


Selon l'article 31 du CPC, la qualité à agir peut être attribuée par la loi à tous ceux qui ont un intérêt
légitime à l'issue d'une prétention, ou à des personnes spécifiques pour défendre un intérêt déterminé.
La qualité à agir peut être nécessaire pour engager une action en justice, ou pour pallier l'inexistence
d'un intérêt à agir.

A- Restriction du droit d’agir


L'intérêt à agir ne suffit pas toujours pour les actions attitrées ou réservées, qui requièrent une qualité
à agir. Celle-ci peut être législative ou règlementaire. Par exemple, l'époux n'a pas à démontrer son
intérêt à agir en divorce, sa qualité d'époux suffit. Cependant, l'installation d'une qualité peut bloquer
ceux qui n'en disposent pas, même s'ils ont un intérêt objectif à agir.

Selon les articles 230 et suivants du Code civil, seuls les époux peuvent exercer l’action en divorce
et l’action en nullité du mariage. De plus, les actions en matière de filiation sont attitrées, notamment

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Le droit en 3 minutes

l’action en contestation de filiation (article 333 alinéa 1 du Code civil). Cette restriction du droit
d’agir nécessite une qualité à agir pour pallier au droit d’agir.

B- Extension du droit d’agir : le cas des ligues de défense


Le droit d'agir peut être étendu par l'attribution d'une qualité selon 3 modes: défense de l'intérêt
général, défense d'un intérêt collectif catégoriel et défense de l'intérêt d'autrui. Le ministère public
(CPC 422) et le ministre de l'économie (L.442-1 du Code de commerce) peuvent agir pour des
considérations d'ordre public. Des groupements peuvent également agir pour défendre un intérêt
collectif catégoriel (L.3132-3 du Code du travail et L.621-1 du Code de la consommation).

Le droit d'action est reconfiguré par la qualité à agir pour les groupements, les associations. Ces
derniers peuvent disposer d'une habilitation ou bénéficier de la jurisprudence des ligues de défense
pour accéder au juge. Les règles de compétence territoriale sont définies par les articles 42 à 48 du
CPC et sont stables depuis longtemps. La jurisprudence est également constante et stable.

IV : La compétence territoriale

Le droit européen détermine parfois la compétence territoriale au sein des Etats membres, comme le
règlement n° 1215/2012 (Bruxelles I bis). Il y a une grande convergences des solutions entre le droit
français et le droit européen. Selon l'article 42 du CPC, le principe de compétence territoriale est le
lieu où demeure le défendeur, mais des exceptions diverses peuvent apparaitre, comme une
compétence alternative ou dérogatoire.

X- Le principe : actor sequitur forum rei


Le principe actor sequitur forum rei signifie que le juge du lieu où demeure le défendeur a la
préférence. Pour s'appliquer, l'article 42 exige que le lieu de résidence du défendeur soit déterminé.

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C- Le prérequis à l’application du principe


L'article 43 du CPC permet de déterminer le lieu de juridiction compétente pour les personnes
physiques et morales. Pour les personnes physiques, le domicile est le lieu principal d'établissement et
sa détermination relève de l'appréciation souveraine des juges du fond. Des indices courants peuvent
être pris en compte pour le caractériser, tels que le nom sur la boite aux lettres, l'acquittement des
factures énergétiques et les impôts locaux, et l'inscription sur les listes électorales. La résidence est
une notion plus factuelle et peut s'accommoder d'un lieu de vie plus ponctuel et moins habituel.

Le lieu de domicile ou de résidence d'une personne physique est déterminé par le juge au seuil de
l'instance et ne peut être modifié en cours de procédure (principe de la perpétuation de la
compétence). Pour les personnes morales, le lieu de domicile est le siège social statutaire, sauf si le
siège social réel est établi (Com., 5 mai 1952 ; Civ. 2e, 24 janv. 1958 ; Com., 8 mars 1988).

L'article 43 du Code de procédure civile permet au demandeur de saisir le juge du lieu du siège
social statutaire ou réel. La théorie des gares principales (construction jurisprudentielle) permet de
saisir le juge du lieu où la personne morale est établie, si elle dispose de plusieurs centres d’intérêts ou
d’un centre d’exploitation ou d’administration distinct du siège social. Pour cela, il faut que
l’établissement dispose d’une autonomie suffisante et qu’il soit impliqué dans le litige. La personne
morale peut alors être assignée devant la juridiction du ressort dans lequel elle dispose d’une
succursale ou d’une agence qui a le pouvoir de la représenter à l’égard des tiers (Civ. 2e, 6 avr. 2006,
n° 04-17.849).

L'exercice de détermination du lieu de vie de la société doit être effectué à la date de l'acte
introductif d'instance pour appliquer l'art. 42.

D- Les difficultés d’application du principe


L'article 42 du Code de Procédure Civile (CPC) permet au demandeur de saisir la juridiction du lieu
où il demeure ou celle de son choix si le défendeur réside à l’étranger. Dans le cas où il y a plusieurs
défendeurs, le demandeur peut saisir la juridiction du lieu où demeure l’un des codéfendeurs et y
attraire tous les codéfendeurs. Cependant, pour se prévaloir de cette option, le demandeur doit exercer
une action directe et personnelle contre chacune des parties assignées et l'action à juger doit être la
même pour toutes (Com., 7 avr. 1987 ; Civ. 2e, 10 mars 2004, n° 01-15.725).

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Le droit en 3 minutes

Le demandeur doit adresser des demandes connexes à chaque défendeur. Le principe de perpétuation
de la compétence s'applique même si le défendeur d'ancrage est mis hors de cause. Il est possible de
saisir une juridiction dont la compétence procède d'une option de compétence à l'égard de tous les
codéfendeurs, à condition de démontrer que sa compétence est fondée sur un critère différent que le
lieu de vie d'un codéfendeur (Com., 7 juill. 2009, n° 08-16.633). L'article 42 alinéa 2 du CPC interdit
d'attraire les défendeurs devant une juridiction dont la compétence ne procède pas de l'article 42
alinéa 1.

Il faut toujours partir du principe.

XI- Les exceptions


L'article 42 prévoit une compétence territoriale basée sur le lieu de résidence du défendeur.
Toutefois, deux exceptions sont possibles: les compétences optionnelles, où le demandeur peut choisir
le juge du lieu de résidence du défendeur, et les compétences dérogatoires, où la compétence du juge
du lieu de résidence du défendeur est exclue sauf cas exceptionnels.

A- Les compétences optionnelles


L'article 46 du CPC établit 4 options de compétences limitatives pour les praticiens. En matière
contractuelle, le demandeur peut saisir la juridiction du lieu de livraison de la chose ou de l'exécution
de la prestation de service. En matière délictuelle, le demandeur peut saisir la juridiction du lieu de
réalisation du fait générateur ou du lieu de matérialisation du dommage. En matière mixte, le
demandeur peut saisir la juridiction du lieu de situation de l'immeuble (situs). En matière alimentaire
et de contribution aux charges du mariage, le demandeur peut saisir la juridiction du lieu où demeure
le créancier. (Civ. 2e, 1er juill. 1992 ; Civ. 2ème 7 juin 2006, n° 04-20.316).

L'option de l'article 46 ne s'applique qu'aux contrats impliquant la livraison d'une chose (vente) ou
l'exécution d'une prestation de service (contrat d'entreprise). Elle ne s'applique pas aux quasi-contrats.
La jurisprudence a retenu une interprétation très large de la prestation de service, mais exclu certains
contrats. L'option s'applique même si l'existence ou la validité du contrat est discutée. Le lieu de
conclusion du contrat n'est pas un chef de compétence territoriale en matière contractuelle (Civ. 2e, 27
juin 2019, n° 18-19.466 ; Civ. 2e, 1er juill. 1999, n° 97-20.597 ; Ch. com., 8 juin 1999).

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Le droit en 3 minutes

La détermination du lieu de livraison de la chose et de la prestation de service a fait l’objet


d’hésitations jurisprudentielles. La chambre commerciale (1988, 1994) a estimé que l’option ne
pouvait être mobilisée si la remise n’avait pas effectivement eu lieu. La 2ème chambre civile (18
janvier 2001) a considéré que le lieu de livraison effectif s’entend du lieu où la livraison a été ou
devait être effectué. La Cour de cassation (1996) a retenu que chaque juridiction de chaque lieu
d’exécution d’une seule et même prestation de service peut connaitre de l’entier litige qui s’y rattache.

L'article 46 offre au demandeur en matière délictuelle la possibilité d'assigner le lieu de réalisation


du fait dommageable ou le lieu de matérialisation du dommage. En règle générale, ces deux lieux
coïncident. Des difficultés peuvent survenir si le dommage est pluri-localisé ou s'il entraîne des
dommages par ricochet. Dans ce cas, le demandeur peut choisir entre le for du défendeur, le lieu du
fait générateur et le lieu de matérialisation du dommage. Enfin, si plusieurs victimes subissent
plusieurs dommages en cascade, le demandeur peut assigner le lieu de la victime directe et des
victimes indirectes.

En cas de dommage en cascade, la juridiction compétente est celle du lieu de réalisation du


dommage direct et premier (jurisprudences convergentes de la 2ème chambre civile et de la chambre
commerciale 1984, 1990, 2000). En cas de dommages pluri localisés, la juridiction du lieu de
matérialisation partielle du dommage est compétente pour l’entier litige (2ème chambre civile, 1997).
L'article 47 du CPC permet le dépaysement des causes lorsqu'un magistrat ou un auxiliaire de justice
est parti à un litige qui relève d’une juridiction dans le ressort de laquelle il exerce. Des dispositions
spéciales s'appliquent aux avocats et excluent le dépaysement.

Le consommateur peut saisir la juridiction compétente sur le fondement du CPC ou celle du lieu où
il demeurait au moment de la conclusion du contrat ou de la survenance du fait dommageable (R.631-
3 C. consommation). En droit du travail, l'article R.1412-1 du Code du travail suit une logique
similaire.

B- Les compétences dérogatoires


Les compétences dérogatoires sont celles qui ne sont pas disponibles pour les juridictions du lieu du
défendeur. Elles peuvent être directement imposées par la loi ou indirectement par le contrat (clause
attributive de juridiction).

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Le droit en 3 minutes

7. La dérogation par l’effet de la loi


L'article 44 du CPC prévoit une compétence exclusive des juridictions du lieu où est situé
l'immeuble en matière réelle immobilière. L'article 45 du CPC prévoit que la juridiction compétente
en matière successorale est celle du dernier domicile du défunt. D'autres dispositions en dehors du
Code prévoient des compétences dérogatoires, notamment en matière d'assurance, de sécurité sociale,
de bail d'habitation et de voies d'exécution.

8. Les dérogations par l’effet de la convention


Article 48 du CPC : clauses attributives de juridictions territoriales prohibées. Exception : entre
commerçants, spécifiées de façon très apparente. Critère personnel : qualité de commerçant des
parties. Si l’un des 2 n’est pas commerçant, clause réputée non-écrite. Condition de validité principale
: spécification très apparente (majuscules, police particulière). Si noyée dans les conditions
contractuelles, neutralisée. Pouvoir d’appréciation souverain des juridictions.

V : La compétence matérielle


La compétence matérielle des juridictions dépend de la matière litigieuse et non du montant. En
France, il existe des juridictions spécialisées qui disposent d'un pouvoir juridictionnel propre. En
2006, il a été décidé qu'il n'était pas nécessaire que la juridiction soit déterminée, il suffisait qu'elle
soit déterminable. En 2019, le tribunal d'instance et le tribunal de grande instance ont fusionné pour
donner naissance au tribunal judiciaire. Le taux de 10 000 euros qui sert à déterminer la compétence
de la chambre de proximité n'est pas un taux de compétence mais un taux de répartition interne des
affaires au sein du tribunal judiciaire.

Les juridictions judiciaires de première instance civiles, commerciales et prud’hommales


déterminent leur compétence matérielle. La répartition des compétences entre les ordres judiciaires et
administratifs, ainsi que le taux de ressort (5 000 euros) sont mis de côté. La répartition interne des
affaires au sein du TJ est également abordée.

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Le droit en 3 minutes

XII- Les principales règles de compétence matérielle


Le TJ est la juridiction civile de droit commun, disposant d'une plénitude de juridiction. Les
juridictions d'exception, en revanche, ont une compétence restreinte.

C- La plénitude de juridiction du tribunal judiciaire


Le principe de plénitude de juridiction du tribunal judiciaire est posé par l'article L.211-3 du COJ. Il
connait de toutes les affaires civiles dont la connaissance n'est pas réservée à une autre juridiction.
L'article L.721-2 du Code de commerce précise que le TJ connait des matières attribuées aux
tribunaux de commerce. Le TJ dispose également de compétences réservées, telles que la réparation
du dommage corporel, le droit des personnes et de la famille et la matière immobilière. Certains TJ
sont spécialisés ou spécialisables.

Les TJ de Paris et de Nantes ont une compétence matérielle sur l'ensemble du territoire. D'autres TJ
ont des spécialisations locales, notamment en matière environnementale et de Sécurité sociale. Le
COJ permet une spécialisation plus poussée, avec des TJ désignés pour connaître des matières
particulières (baux commerciaux, responsabilité médicale). Par exception, cette désignation peut
porter sur un TJ d'un autre département.

Le TJ est compétent en matière de plénitude de juridiction et de compétences réservées. Dans


certains cas, il faut déterminer lequel est spécialement compétent pour une question donnée.

D- Les compétences attribuées des juridictions d’exception


Le TJ, le TPBR, le juge de l'expropriation, le tribunal de commerce et le CPH sont des juridictions
d'exception. Elles sont chargées de résoudre des litiges spécifiques et de protéger les droits des parties
concernées.

9. Les tribunaux de commerce


L'article L.721-3 du Code de commerce définit la compétence des tribunaux de commerce. Il prévoit
que ces juridictions connaissent des contestations entre commerçants, entre établissements de crédit et

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Le droit en 3 minutes

autres sociétés de financement, et entre tous leurs intervenants, quelle que soit la source de
l'engagement. De plus, l'engagement doit se rapporter à l'activité de négoce des intéressés. Si
l'engagement est mixte, le commerçant ne peut assigner la partie civile que devant le TJ, mais la partie
civile peut assigner le commerçant devant le tribunal de commerce ou le TJ. Cependant, certains
contentieux, comme celui des baux commerciaux, relèvent de la compétence du TJ.

Le tribunal de commerce connait des litiges entre associés ou entre l’associé et la société, des
souscriptions d'actions ou cessions de titres et autres droits sociaux, ainsi que des procédures
collectives. Il connait aussi des actes de commerce par la forme et des lettres de change. Certains
tribunaux consulaires disposent d'une compétence spécialisée en matière d'insolvabilité et de
concurrence, mais cela pose des questions de principes.

10. Le conseil de prud’hommes


Le CPH (Conseil de Prud'hommes) est une juridiction d'exception en matière civile qui connait du
contentieux du travail (L.1411-1 et suivants du Code du travail). Il traite des litiges entre employeurs
et travailleurs (promesse d'embauche, contrat de travail, licenciement, etc.). Il est à noter que le CPH a
pour mission première de concilier les parties et subsidiairement, trancher leurs différends (BCO et
BJ). Toutefois, des modifications sont envisagées (tribunal du droit du travail, tribunal des affaires
économiques).

XIII- Les règles de la « répartition matérielle » interne au


tribunal judiciaire

A- Le tribunal de proximité
Le tribunal de proximité est une structure interne au tribunal judiciaire (TJ) créée en 2019 suite à la
réforme des tribunaux de grande instance (TGI) et des tribunaux d'instance (TI). Il est composé de
pôles de proximité et de tribunaux de proximité, qui sont en réalité des chambres délocalisées du TJ.
Le tribunal de proximité a hérité des compétences dévolues au TI, à l'exception de la saisie des
rémunérations, et connait des actions personnelles ou mobilières dont la valeur n'excède pas 10 000
euros, des actions en bornage et du contentieux rural.

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Le droit en 3 minutes

Le tribunal de proximité a une compétence matérielle qui dépend du montant de la demande ou de la


matière, ou des deux. Certaines chambres de proximité ont des compétences supplémentaires
spéciales, comme la tutelle des mineurs, et peuvent se voir attribuer des compétences supplémentaires
par le PP et le PG. La réforme de 2019 a simplifié le système, mais pas autant que prévu.

B- Les juges spécialisés


Le TJ est composé de juges spécialisés, dont le JCP (juge des contentieux de la protection), le JAF
(juge aux affaires familiales) et le JEX (juge de l'exécution). Le JCP est l'héritier du juge d'instance et
connait du droit des personnes, du crédit à la consommation, du surendettement des particuliers, de
l'expulsion et des litiges locatifs. Le JAF connait du contentieux de la séparation matrimoniale et de la
tutelle des mineurs. Le JEX est une figure importante du TJ.

Le JEX connait des mesures conservatoires, des saisies immobilières et des demandes en réparation
fondées sur l’exécution dommageable des mesures d’exécution. Depuis 2019, il connait également de
la saisie des rémunérations. La demande en justice consiste à mettre en œuvre formellement le droit
d’action et comprend une distinction entre la demande initiale et les demandes incidentes.

VI : La demande en justice

XIV- La demande initiale

C- Notion
Le législateur a fourni un réel effort de définition sous l’influence directe du doyen Cornu. La
demande initiale (art. 53) est celle par laquelle un plaideur prend l’initiative d’un procès en
soumettant au juge ses prétentions. Elle est introductive d’instance à la condition qu’est ensuite lieu
une saisine de la juridiction par la remise au greffe de l’assignation (enrôlement). Les prétentions
peuvent être hiérarchisées (demandes principales et subsidiaires).

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Le droit en 3 minutes

D- Régime
La demande initiale est soumise à un régime commun auquel s’ajoute un régime spécial selon qu’elle
est réalisée par assignation ou par requête.

11. Régime commun


La demande initiale en matière contentieuse peut être introduite par assignation ou par requête (CPC,
art. 54). En matière gracieuse, seule la requête est disponible. Certaines mentions sont obligatoires,
notamment l'indication de la juridiction, l'objet de la demande, l'identification du demandeur et les
éventuelles diligences entreprises en vue de la résolution amiable du litige. L'omission ou
l'inexactitude de l'une de ces mentions peut conduire à la nullité de l'acte introductif d'instance.

12. Régime différencié


L'assignation est l'acte d'huissier de justice par lequel le demandeur cite son adversaire à comparaitre
devant le juge (art. 55 CPC). Elle doit mentionner les lieux, jour et heure de l'audience, un exposé des
moyens en fait et en droit, ainsi qu'une liste des pièces sur lesquels la demande est fondée (BCP).
Faute de comparaitre, le défendeur s'expose à ce qu'un jugement soit rendu contre lui sur la fois des
seuls éléments fournis par son adversaire (art. 56 CPC).

L'article 648 prescrit des mentions obligatoires pour tout acte d'huissier, à savoir la date, le
demandeur, les noms et domiciles du destinataire, ou s'il s'agit d'une personne morale, sa
dénomination et son siège social, ainsi que les nom, prénoms, demeures et signature de l’huissier de
justice. L'omission ou l'inexactitude de ces mentions peut entraîner la nullité de l'acte introductif
d'instance. La jurisprudence a précisé que la date illisible ou raturée équivaut à une absence de date,
que la mention du nom de la personne physique qui exerce les pouvoirs du représentant n'est pas
exigée et que l'omission de signature de l’huissier de justice constitue un simple vice de forme.

La requête est une demande portée par une personne devant une juridiction. Elle peut être unilatérale
ou conjointe. La requête unilatérale doit comporter des mentions obligatoires à peine de nullité, telles
que les noms, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée, ou s’il s’agit
d’une personne morale, sa dénomination et son siège social (art. 57 CPC). Elle doit également
indiquer les pièces sur lesquelles la demande est fondée (art. 57 et 494 CPC). Elle doit en outre

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mentionner les circonstances qui justifient qu’il soit procédé de façon non-contradictoire, sous peine
de rejet ou de rétractation de l'ordonnance rendue (jurisprudence 2ème chambre civile 2006 et 2015).

La requête conjointe doit être signée et datée, et indiquer les pièces sur lesquelles elle est fondée (art.
57). Les parties peuvent conférer au juge une mission de statuer en équité ( art. 12) et lui lier les
qualifications et points de droit auxquels elles entendent limiter le débat (art. 58). La défense doit
préciser les nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance (personne
physique) ou forme, dénomination, siège social et organe qui le représente (personne morale) ( art.
59).

XV- Les demandes incidentes


La notion de demande incidente va être explicitée au moyen d’une typologie tripartite, puis il faudra
voir le régime commun des demandes incidentes.

A- Typologie tripartite
L'article 63 du CPC définit les demandes incidentes comme étant la demande reconventionnelle, la
demande additionnelle et l'intervention. La demande reconventionnelle est une demande par laquelle
le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son
adversaire. La Cour de cassation a démontré la difficulté de tracer la frontière entre les défenses au
fond et la demande reconventionnelle. Par exemple, la nullité du contrat invoquée par le défendeur
peut constituer une demande reconventionnelle si le défendeur entend voir tirer les conséquences de
cette nullité (arrêt de l’assemblée plénière du 22 avril 2011). En revanche, si le défendeur n'entend pas
voir tirer les conséquences de la nullité, il s'agit d'un simple moyen de défense.

La reconvention est une demande formulée par le défendeur originaire à l'encontre du demandeur
initial. Les codéfendeurs ne peuvent pas former de demandes reconventionnelles entre eux, mais
doivent procéder par appel en garantie ou par demande initiale suivie d'une demande en jonction des
instances parallèles. La Cour de cassation a cependant étendu la définition de la reconvention en 2013,
admettant la possibilité d'opposer à une demande reconventionnelle une autre demande
reconventionnelle (2ème chambre civile, 10 janvier 2013).

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L’addition et l’intervention sont des demandes modificatives permettant au demandeur initial ou au


demandeur reconventionnel de modifier ses prétentions antérieures. Selon l’art. 65, une demande
additionnelle peut être « soustractionnelle » ou « additionnelle ». Selon l’art. 66, une intervention est
une demande visant à rendre un tiers partie au procès engagé entre les parties originaires.

L'intervention volontaire est régie par les articles 328 à 330 du Code de procédure civile (CPC) et
l'intervention forcée, ou mise en cause, par les articles 331 à 338. L'intervention volontaire principale
élève une prétention au profit de celui qui la forme, tandis que l'intervention volontaire accessoire
opère en renfort des prétentions d'une partie originaire à l'instance. Les interventions forcées
comprennent la mise en cause afin de jugement commun, la mise en cause afin de condamnation et
l'appel en garantie. Le régime commun des demandes incidentes est applicable à toutes ces catégories
d'intervention.

B- Régime commun
Le régime des demandes incidentes est globalement commun. L'article 67 n'indique pas que les
prétentions et les moyens de la partie doivent être accompagnés de pièces justificatives à peine de
nullité, mais ces prescriptions sont observées en pratique. Selon l'article 68 alinéa 1, les demandes
incidentes sont formées à l'encontre des parties à l'instance de la même manière que les moyens de
défense, c'est-à-dire par conclusion. L'intervention volontaire est en principe formée par conclusion,
mais l'intervention forcée doit être faite par assignation, comme une demande initiale. La demande
additionnelle du demandeur initial doit aussi être formée par assignation si le défendeur originaire est
défaillant.

Le CPC (articles 70 et 325) exige un lien suffisant entre les demandes incidentes et les demandes
originaires. Le juge du fond a un pouvoir souverain d'appréciation de ce lien et l'irrecevabilité ne peut
être relevée d'office. L'acte formant la demande incidente vaut conclusion et doit être dénoncé aux
autres parties. Il faut distinguer les défenses au fond, les exceptions de procédure et les fins de non-
recevoir.

VII : Les défenses

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XVI- Défenses au fond

C- Notion
Le Code prévoit la défense au fond, qui consiste à contester l'existence ou l'étendue du droit de
l'adversaire. La jurisprudence fournit des exemples de défense au fond, tels que le moyen tiré de ce
que le défendeur n'est pas signataire de l'acte juridique (2ème chambre civile de 2016) ou le moyen
invoqué par la caution défenderesse, tiré de la disproportion du cautionnement (1ère chambre civile de
2018). Dans le cas des exceptions de nullité, le moyen tiré de la nullité de l'acte juridique constitue
une défense au fond, à moins que le défendeur ne demande des conséquences de cette annulation,
auquel cas il s'agit d'une demande reconventionnelle.

Le moyen tiré de la nullité d’un acte de procédure, n’est jamais une défense au fond, il s’agit d’une
exception de procédure, une exception de nullité qui obéit à son propre régime.

D- Régime
Le CPC (Code de procédure civile) prévoit que les défenses peuvent être proposées à toute hauteur
de cause (art. 72). Elles peuvent être formulées pour la première fois en première instance, en appel
ou en cassation (sauf si le moyen est totalement nouveau, art. 619). Il est même possible d'invoquer
des exceptions imprescriptibles, comme la nullité du contrat (art. 1185 du Code civil). Cependant, si
le contrat a été partiellement exécuté, l'exception peut être prescrite.

XVII- Exceptions de procédure

A- Notion
L'exception de procédure (art. 73 CPC) est un moyen qui tend à faire déclarer la procédure
irrégulière ou éteinte, ou à en suspendre le cours. Elle est distincte de la défense au fond, car elle ne
vise pas le droit au fond, mais sa réalisation judiciaire. On distingue plusieurs exceptions:
d'incompétence (art. 75 et suivants), de litispendance et de connexité (art. 100 et suivants).
L'exception d'incompétence permet de discuter la compétence territoriale, matérielle ou internationale
du juge saisi, ou de faire valoir que le litige relève de l'arbitrage (art. 81 CPC). Les exceptions de
litispendance et de connexité invitent la juridiction saisie en second lieu à se dessaisir au bénéfice de

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la juridiction saisie en premier. La litispendance requiert une triple identité de partie, de cause et
d'objet, alors que la connexité nécessite un simple lien.

Les exceptions de procédure figurent aux articles 108 et suivants du CPC. Elles peuvent prendre la
forme d'une exception dilatoire (bénéfice de discussion ou de division par la caution, principe du
criminel tient le civil en état, question préjudicielle) ou d'une exception de nullité des actes de
procédure (vice de fond ou de forme). La Cour de cassation a cependant exclu la caducité de la
citation en justice et l'article 47 du CPC de la qualification d'exception de procédure (Civ. 2, 5 sept.
2019).

B- Esquisse du régime
On va d’abord regarder le régime commun puis les régimes spéciaux.

13. Le régime commun


Le principe d'invocation liminaire et simultanée est inscrit à l'article 74 du CPC. Les exceptions de
procédure doivent être soulevées in limine litis avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, et
simultanément. Si cette règle n'est pas respectée, l'exception est irrecevable, même si elle est d'ordre
public. Par exemple, le défendeur comparant qui n'a pas excipé en première instance de
l'incompétence de la juridiction étatique sera irrecevable à soulever cette exception pour la première
fois en cause d'appel (Civ. 1ère, 4 juillet 2018). Toutefois, il est recevable à contester en appel la
compétence de la juridiction saisie s'il présente cette exception in limine litis.

La Cour de cassation a indiqué que la demande de renvoi à la CJUE échappe à l'article 74 (Civ. 2, 18
décembre 2008). L'article 74 prévoit des dérogations au principe d'invocation liminaire et simultanée
des exceptions de procédure, telles que le bénéficiaire d'un délai pour faire inventaire peut ne proposer
ses autres exceptions qu'après l'expiration de ce délai (article 111). L'exception de connexité peut être
invoquée en tout état de cause (article 103) et la nullité des actes de procédure peut être invoquée au
fur et à mesure de l'accomplissement des actes concernés (article 112). Cependant, la nullité est
couverte si celui qui l'invoque fait valoir des défenses au fond ou opposer une fin de non-recevoir sans
opposer la nullité (article 112). L'article 113 rappelle le principe de simultanéité s'agissant des
exceptions de nullité dirigées contre des actes de procédure.

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L'art. 118 permet de proposer des exceptions de nullité pour vice de fond en tout état de cause,
dérogation au principe d'invocation liminaire. Le juge peut condamner à des dommages et intérêts en
cas d'intention dilatoire.

14. Les régimes spéciaux des nullités


Le vice de forme correspond à l'irrégularité formelle d'un acte, par exemple une mention ou une
signature manquante. La Cour de cassation intervient régulièrement pour tracer la frontière entre le
vice de forme et l'irrecevabilité ou le vice de fond. Récemment, elle a indiqué que l'irrégularité des
mentions de la déclaration de saisine d'une juridiction de renvoi après cassation ne constitue pas une
cause d'irrecevabilité mais relève des nullités pour vice de forme (Civ. 2ème, 19 octobre 2017). La
Cour de cassation a simplifié l'exercice en précisant que les vices de fond sont limitativement
énumérés par l'article 117 du CPC (Chambre mixte du 7 juillet 2006). Tout vice qui n'est pas de fond
relève donc de la forme.

L'appréciation du vice de fond requiert de poser son regard sur la personne dont émane l'acte ou sur
son représentant, alors que l'appréciation du vice de forme ne demande de poser son regard que sur
l'acte lui-même, sur ses mentions et sa publicité. Il est important de maitriser cette distinction car le
régime est différent. Selon l'article 114 du CPC, il faut un texte prévoyant la nullité pour un vice de
forme et un grief pour que la nullité puisse prospérer. Par exemple, l'article 54 prévoit que la demande
initiale mentionne l'indication de la juridiction devant laquelle elle est portée à peine de nullité, alors
que l'article 56 ne prévoit pas de nullité pour le défaut ou l'irrégularité de la mention de la chambre
désignée. (Civ. 2ème, 13 janvier 1993 ; Civ. 2ème, 9 juin 2011).

Le principe « pas de nullité dans texte » est assorti d'une exception à 2 branches : si la formalité est
substantielle ou d'ordre public, alors la nullité est encourue même si elle n'est pas prévue par un texte
(nullité virtuelle). La jurisprudence admet que cette exception est de droit étroit et donc
d'interprétation stricte. Pour demander la nullité d'un acte de procédure, le plaideur doit démontrer le
grief qui en résulte (pas d'exception même en présence d'une formalité substantielle ou d'ordre
public). La jurisprudence exige la démonstration d'un véritable grief concret et non abstrait.

L'article 115 du Code de procédure civile (CPC) réglemente la régularisation d'un acte de procédure,
à condition qu'aucune forclusion ne soit intervenue et qu'aucun grief ne persiste. La régularisation doit
être ponctuelle et intervenue avant l'expiration d'un éventuel délai de procédure. La nullité pour vice
de fond peut être demandée selon les articles 117 à 121 du CPC. Ces vices sont listés à l'article 117.

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L'article 117 du Code de procédure civile (CPC) énumère des irrégularités de fond limitativement.
Cependant, l'article 119 du CPC jette le trouble, car il prévoit que la nullité pour vice de fond peut être
encourue même si elle ne résulte pas d'une disposition expresse. La jurisprudence s'est prononcée en
faveur du caractère limitatif de la liste figurant à l'article 117, ce qui a été confirmé par l'arrêt de
chambre mixte de la Cour de cassation en 2019. Cet arrêt a mis fin à la théorie de l'inexistence et a
fermé la catégorie des vices de fond, ouvrant ainsi la catégorie miroir des vices de forme.

L'article 117 du Code de procédure civile (CPC) prévoit 3 irrégularités pour vice de fond: le défaut
de capacité d'ester en justice, le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne représentant une
personne morale ou atteinte d'une incapacité d'exercice et le défaut de pouvoir d'une personne
représentant une partie en justice. La Cour de cassation régulièrement dément cette jurisprudence
solennelle et découvre de nouveaux vices de fond qui ne sont pas rattachés à l'article 117. Par
exemple, une nullité pour vice de fond est encourue lorsque l'huissier instrumente au profit d'un
proche en violation du statut des huissiers de justice arrêté par l'ordonnance du 2 novembre 1945 (Civ.
1ère, 31 mai 2007). Cette jurisprudence montre que la Cour élargit parfois les contours de l' article
117. Selon le type de personne en cause, le défaut de capacité d'ester en justice s'applique
différemment.

Le défaut de capacité d’ester en justice s’applique aux personnes physiques et aux groupements.
Pour les personnes physiques, si l’acte de procédure a été accompli au nom d’une personne décédée,
la demande ou l’appel est nul. Si le décès survient en cours d’instance, une suspension d’instance
intervient. Pour les groupements dépourvus de personnalité juridique, tels que les sociétés en
participation, les sociétés de fait ou les sociétés ayant fait l’objet d’une fusion-absorption, les actes de
procédure sont nuls.

L'erreur dans la dénomination d'une société ne l'empêche pas d'ester en justice, mais peut entraîner
une nullité sur démonstration d'un grief. Selon l'article 117, le défaut de pouvoir d'une partie peut être
invoqué dans le contexte des entreprises en difficulté, car le débiteur est dessaisi par le jugement
d'ouverture (L.641-9 I du Code de commerce). De plus, le défaut de pouvoir du représentant d'un
incapable ou d'une personne morale peut également être invoqué. La signification d'un jugement faite
par le débiteur faillit est nulle et ne peut pas faire courir le délai d'appel.

Le représentant d'une personne morale doit disposer du pouvoir nécessaire conformément aux règles
de l'incapacité. Le défaut de pouvoir constitue une irrégularité de fond qui affecte la validité de l'acte

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délivré au nom de la personne morale. Il peut s'agir d'une représentation irrégulière (désignation
irrégulière ou fonctions prises fin) ou inautorisée.

L'attention portée à la mention erronée de l'organe représentant la personne morale dans l'acte de
procédure ne constitue qu'un vice de forme. Cependant, si le pouvoir de la personne désignée comme
représentant de la personne morale est insuffisant, un vice de fond peut être caractérisé et entraîner la
nullité de l'acte. De plus, une autorisation spéciale peut être requise pour ester en justice, notamment
pour les associations et les communes. Enfin, l'acte de procédure réalisé par un avocat dépourvu de la
capacité ou du pouvoir de représenter son client est affecté d'une irrégularité de fond (Civ. 2ème, 27
fév. 2020). Le régime des nullités pour vice de fond est très dérogatoire au régime commun des
exceptions de procédure.

L’article 118 prévoit que les exceptions de nullité pour vice de fond peuvent être proposées en tout
état de cause, sauf en cas d'intention dilatoire, et ce sans qu'il soit nécessaire de justifier d'un grief ou
d'une disposition expresse (art. 119). L'office du juge est différent selon que l'ordre public ou un
intérêt privé est en cause (art. 120). En cas de défaut de capacité d'ester en justice, le juge peut relever
d'office la nullité.

L’article 121 autorise la régularisation, il suffit qu’elle soit possible et qu’elle intervienne avant que le
juge ne statut.

XVIII- Fins de non-recevoir

A- Notion
La fin de non-recevoir (irrecevabilité) est définie à l'art. 122 comme un moyen qui tend à faire
déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir
(défaut de qualité, défaut d'intérêt, prescription, délai préfix, chose jugée). L'art. 124 précise que la
liste est exemplative et la jurisprudence a régulièrement rappelé cette notion. Les fins de non-recevoir
sont nombreuses et la catégorie est devenue illisible.

B- Esquisse du régime

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Le régime des fins de non-recevoir est régi par les articles 123 à 126 du CPC. Elles peuvent être
proposées en tout état de cause et ne nécessitent pas de justification d'un grief. Les fins de non-
recevoir d'ordre public doivent être relevées d'office, tandis que celles tirées du défaut d'intérêt, de
qualité ou de la chose jugée peuvent l'être. Le juge peut condamner à des dommages et intérêts en cas
d'intention dilatoire. Une régularisation est possible sous certaines conditions.

VIII : Le jugement

XIX- Les débats


La juridiction doit être composée conformément aux règles relatives à l’organisation judiciaire (art.
430 CPC). Le ministère public n’est pas tenu d’assister à l’audience sauf dans certains cas ( art. 431
CPC). Le président veille à l’ordre de l’audience et à la police de l’audience (art. 438 et 439 CPC).
Les personnes présentes doivent observer une attitude digne et respecter la justice (art. 439 CPC). Le
président assure également la direction de l’audience (art. 440 CPC).

L'article 441 prévoit que les parties assistées de leur représentant peuvent présenter des observations
orales, mais le juge peut leur retirer la parole si elles ne discutent pas leur cause avec décence et
clarté. L'article 446 dispose que la non-respect des prescriptions relatives aux débats entraîne la
nullité, qui ne peut pas être relevée d'office et doit être invoquée avant la clôture des débats. En
procédure orale, les parties peuvent se référer aux prétentions et moyens formulés par écrit (art. 446-
1) et, si une disposition le prévoit, formuler leurs prétentions et moyens par écrit sans se présenter à
l'audience (art. 446-1). Le juge peut également organiser des échanges écrits entre les parties
comparantes.

XX- Le délibéré
L'article 447 du Code de procédure civile (CPC) prévoit que les juges délibérant doivent être au
moins aussi nombreux que ceux prévus par les règles de l'organisation judiciaire. Les délibérations
sont secrètes (article 448 du CPC) et la décision est prise à la majorité des voix (article 449 du CPC).

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XXI- Le jugement

C- Dispositions générales
Le prononcé du jugement peut se faire immédiatement ou à une audience ultérieure ( article 450 du
CPC). En pratique, le jugement est souvent prononcé par mise à disposition au greffe (article 450
alinéa 2). Les mentions du jugement sont indiquées à l’article 454 et doivent comprendre l'indication
de la juridiction, le nom des juges, la date du jugement, le nom du ministère public, le nom des parties
et leurs domiciles, et le nom des avocats. Le jugement doit être motivé (article 455 alinéa 1er) et
exposer succinctement les prétentions et moyens des parties (article 455 alinéa 1er).

Un défaut de réponse à conclusion constitue un défaut de motivation. Les juges doivent répondre aux
prétentions et moyens dont ils sont saisis (art. 455 al. 2). Le jugement est doté d'une force probante
équivalente à celle d'un acte authentique (art. 457), mais sous réserve de l'art. 459. La nullité d'un
jugement ne peut être demandée que par les voies de recours prévues par la loi (art. 460).

Le jugement peut être obscur sur un point et il appartient alors au juge d'interpréter sa décision (art.
461 CPC). Une requête en interprétation peut être faite par une seule partie ou conjointement entre les
parties. Une erreur ou omission purement matérielle affectant le jugement peut être réparée par la
juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré (art. 462 CPC).

Le juge peut corriger une décision par une procédure sur requête ou se saisir d'office de la question.
La décision rectificative fait corps avec la décision qu'elle corrige et ne fait pas repartir le délai
d'appel.

D- Dispositions spéciales

15. Jugement contradictoire, par défaut et réputé contradictoire


Le jugement peut être contradictoire, par défaut ou réputé contradictoire. La distinction est
importante car elle détermine les voies de recours et la notification de la décision. Le jugement est
contradictoire lorsque les parties comparaissent en personne ou par mandataire. Le jugement est par
défaut si le défendeur ne comparé pas et si la décision est en dernier ressort et si la citation n’a pas été
délivrée à personne (art. 473 al. 1 CPC). Le jugement est réputé contradictoire si le défendeur ne

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comparé pas et que la décision est en premier ressort ou que la citation a été délivrée à personne ( art.
473 al. 2 CPC). Les recours ne sont pas les mêmes selon la qualification du jugement et la notification
doit être faite dans les 6 mois de la date pour préserver la validité du jugement (art. 477 et 478 CPC).

Le jugement contradictoire est caractérisé par la comparution des parties. Si le demandeur ne


comparait pas, le défendeur peut requérir un jugement sur le fond qui sera contradictoire (art. 468). Le
juge peut aussi déclarer la citation caduque et le demandeur doit alors faire connaître le motif légitime
qui a fait obstacle à sa comparution dans les 15 jours (art. 468). Si après avoir juridiquement comparu,
l’une des parties s’abstient d’accomplir les actes de procédure dans les délais, le juge statut par
jugement contradictoire (art. 469). Si aucune des parties n’accomplie les actes de la procédure dans
les délais, le juge peut même d’office, radier l’affaire par une décision insusceptible de recours ( art.
470). Le jugement par défaut et le jugement réputé contradictoire sont donc distingués par la
comparution et la possibilité de relever appel et de la qualité de la citation.

Le défendeur non-comparant peut être invité à comparaître par le demandeur ou le juge (art. 471). Le
juge doit procéder à une vérification totale de la demande (régularité, recevabilité et bien fondé) et
statuer sur le fond (art. 472). Si le jugement est par défaut, le défendeur peut former opposition (art.
476). Si le jugement est réputé contradictoire, le défendeur peut relever appel (art. 473) ou emprunter
les voies de recours extraordinaires (cassation).

16. Jugement définitif et jugement provisoire


Le jugement sur le fond est une décision qui tranche tout ou partie du principal, l'objet du litige (art.
480 CPC). Il peut aussi statuer sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre
incident. Un jugement sur le fond dispose de certains attributs propres, contrairement à un jugement
avant dire droit (préparation) ou à une décision qui ordonne le versement d'une provision.

L'autorité de chose jugée présente un versant positif et un négatif. Le premier consiste en l'efficacité
substantielle du jugement (art. 480), c'est-à-dire la modification de l'ordonnancement juridique. Le
second est l'interdiction de refaire le même procès devant un autre juge (art. 122 et 125). La doctrine a
délaissé l'explication par la vérité judiciaire (avant 2016) pour considérer que l'autorité négative de
chose jugée a pour fondement l'idée qu'il faut trouver une issue définitive aux litiges pour la paix
sociale. Les voies de recours sont toujours disponibles pour les parties en désaccord avec le jugement.

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L’autorité de chose jugée est régie par l’article 1355 du Code civil. Elle n’a lieu qu’à l’égard du
dispositif et ne s’attache pas aux motifs de la décision. Pour opposer une fin de non-recevoir tirée de
la chose jugée, il faut que la chose demandée, la demande et les parties soient les mêmes. La qualité
procédurale des parties n’a pas d’importance, seule importe leur qualité au fond. L’objet du litige est
défini par l’article 4 du CPC.

Le CPC et le Code civil ne définissent pas la cause de la demande, c'est à la jurisprudence et à la


doctrine de le faire. La jurisprudence a opté pour une conception extensive de la cause de la demande,
englobant non seulement les faits à l'origine du litige, mais aussi tous les fondements juridiques de la
demande, qu'ils aient été invoqués ou pas. La jurisprudence Cesareo (7 juillet 2006) impose aux
parties d'invoquer dès la première instance tous les moyens juridiques à même de faire triompher leurs
prétentions.

La jurisprudence Cesareo (2006) dispose que la partie demandant la nullité d'un contrat doit
invoquer tous les fondements juridiques possibles pour faire prospérer sa demande. Si elle ne l'a pas
fait, la question du dol est couverte par l'autorité de chose jugée attachée au jugement, même si elle
n'a pas été tranchée. La partie déçue ne peut donc pas intenter un nouveau procès en invoquant le dol.
La jurisprudence Dauvin (2006) précise que le juge n'a pas à relever d'office un fondement juridique
oublié par une partie. Enfin, l'article 481 du CPC énonce le principe du dessaisissement du juge une
fois sa sentence rendue.

Le jugement sur le fond est doté de 3 attributs: l'autorité de la chose jugée, l'irrévocabilité et la force
exécutoire. Il peut être rendu à l'issue d'une procédure accélérée au fond (PAF) ou sous forme de
jugement provisoire (avant dire droit, ordonnance de référé ou ordonnance sur requête). Ces
jugements provisoires sont destinés à préparer ou anticiper le jugement au fond.

Le jugement mixte tranche une partie du fond et ordonne une mesure provisoire. Les ordonnances de
référé sont des décisions provisoires rendues à la demande d'une partie, l'autre étant présente ou
appelée. Elles sont rapides et contradictoires, le juge des référés étant en règle générale le juge de
l'évidence. Le référé suppose souvent l'urgence, mais ce n'est pas systématique. Le droit commun du
référé figure aux art. 485 et suivants du CPC.

La demande de référé est portée par assignation à une audience tenue à cet effet, généralement le
lundi ou le jeudi, sauf autorisation du juge pour assigner à heure fixe même les jours fériés ou
chômés. Le juge doit s'assurer qu'un délai de 15 jours minimum est respecté entre l'assignation et

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l'audience pour que la partie assignée ait le temps de préparer sa défense. L'ordonnance de référé est
ordinairement rendue à juge unique, sauf exception. Elle n'a pas autorité de chose jugée au principal,
mais une autorité de chose jugée au provisoire. Elle est automatiquement dotée de l'exécution
provisoire que le juge ne peut pas écarter.

L'ordonnance de référé peut être frappée d'appel sauf si elle émane du premier président de la cour
d'appel ou si elle a été rendue en dernier ressort en raison du montant de la demande ou de l'objet de la
demande (art. 490). Elle est susceptible d'opposition comme tout jugement par défaut, avec un délai
raccourci à 15 jours (normalement 1 mois). Il existe plusieurs types de référés: l'art. 834 pour les
mesures d'urgence, l'art. 835 pour les mesures conservatoires et les référés provision/injonction, l'art.
145 pour les mesures d'instruction in futurum et l'art. 510 pour l'octroi de délai de grâce.

Les ordonnances sur requête sont des décisions provisoires rendues non-contradictoirement dans des
cas d'urgence (art. 493). Elles doivent être motivées (art. 495) et sont exécutoires aux seules vues de la
minute (art. 494). Tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance par un référé
rétractation (art. 496). En cas de refus, un appel peut être interjeté dans les 15 jours, sauf si
l'ordonnance émane du premier président de la cour d'appel.

XXII- Cartographie des voies de recours


En PC française, on distingue les voies de recours ordinaires (appel et opposition) des voies de
recours extraordinaires (tierce opposition, pourvoi en cassation et recours en révision). Ces dernières
ne sont ouvertes que dans les cas spécifiés par la loi (art. 580 CPC) et leur exercice n'est pas suspensif
d'exécution (art. 579 CPC). La tierce opposition (TO) est un recours exercé par un tiers au procès
initial qui a un intérêt à le faire (art. 582 et 583 CPC).

La tierce opposition est ouverte 30 ans à compter du jugement sauf disposition contraire ( art. 586).
Elle conduit les parties devant les juridictions d'où émane le jugement attaqué et la décision peut être
rendue par les mêmes magistrats (art. 587). La décision qui fait droit à la tierce opposition ne rétracte
ou ne réforme le jugement attaqué que sur les chefs préjudiciables au tiers et uniquement à son égard
(art. 591). Le recours en révision tend à faire rétracter un jugement passé en force de chose jugée pour
qu'il soit à nouveau statuer en fait et en droit (art. 593). Il ne peut être demandé que par les personnes
qui ont été parties ou représentées au jugement (art. 594) et est ouvert aux cas où un élément nouveau

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Le droit en 3 minutes

a été découvert révélant la fraude de la partie gagnante, accréditant la thèse de la partie succombant ou
révélant le manque de sincérité des éléments de preuves (art. 595).

Le recours en révision et le pourvoi en cassation sont des voies de recours distinctes. Le délai de
recours en révision est de 2 mois à compter de la connaissance de la cause de révision invoquée (CPC
art. 596). Une révision sur révision n'est pas recevable, sauf si la cause de révision s'est révélée
postérieurement (CPC art. 603). Le pourvoi en cassation vise à faire censurer par la Cour de cassation
la non-conformité du jugement à la règle de droit (CPC art. 604). Il n'est ouvert qu'à l'encontre des
jugements rendus en dernier ressort (CPC art. 605) et peut être frappé de pourvoi en cassation pour les
jugements en dernier ressort qui mettent fin à l'instance (CPC art. 607).

La partie intéressée peut se pourvoir en cassation dans un délai de 2 mois, sauf exception. En cas de
décision par défaut, le pourvoi ne peut être formé qu'à compter du jour où l'opposition n'est plus
recevable. Si le jugement peut être rectifié, le pourvoi n'est ouvert qu'à l'encontre du jugement statuant
sur la rectification. Les moyens nouveaux ne sont pas recevables devant la Cour de cassation, sauf
s'ils sont de pure droit ou nés de la décision attaquée. La Cour de cassation peut rejeter le pourvoi par
substitution de motif de pure droit ou en faisant abstraction d'un motif erroné mais surabondant.

La Cour de cassation peut casser la décision attaquée en relevant d’office un moyen de pure droit
(MRO) et avertir les parties qui pourront formuler des observations. Elle peut casser sans renvoyer
l’affaire (art. 627) lorsque la cassation n’implique pas qu’il soit à nouveau statué sur le fond (ex.
incompétence des juridictions française) ou trancher directement la question si l’intérêt d’une bonne
administration de la justice le justifie. Exceptionnellement, la Cour de cassation peut devenir juge de
l’affaire.

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