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DROIT CIVIL

Droit des personnes et de la famille

Partie 1 : Les personnes

Le système juridique n’est pas construit pour lui-même. Les règles qui le constituent sont des
règles pour la société et donc des règles pour les personnes qui forment cette société. La société
politique et donc le droit qu’elle produit sont mythiquement conçus comme des instruments au
service de certaines ns humaines et individuelles. Les règles sont faites pour des personnes. Le
droit a une fonction de protection de la personne.

Cette protection n’est pas la même pour les personnes physiques et morales.

Le livre 1er du Code civil s’appelle « Des personnes ».

- Les titres I à IV : traitent des droits de la personne et comment on l’individualise

- Les titres V à IX : traitent du droit de la famille

- Les titres X à XI : traitent de l’individu avec une personnalité diminuée > droits des incapacités
et des protections

Titre 1 : Les droits de la personnalité

La personnalité : aptitude à avoir des droits et à les exercer sous réserves des incapacités. La
qualité de sujet de droit est le premier attribut de la personnalité. Le patrimoine est un autre
attribut de la personne juridique. Mais les personnes pudiques se voient aussi reconnaitre, du fait
de leur naissance, certains attributs physiques que ne sont pas dotés les personnes morales > ce
sont les droits de la personnalité. Ces derniers tendent à l’intégrité physique.

Chapitre 1 : le droit au respect de l’intégrité physique

C’est le respect du corps de la personne. Le droit distingue la protection du corps vivant et du


corps mort.

Section 1 : Le corps de la personne vivante

En protégeant le corps humain, le droit protège, en même temps, la personne. Ce lien entre le
corps et la personne est directement a rmée par le Code civil aux articles 16 et suivants depuis
les lois de bioéthique de 1994. Il y a un principe d’inviolabilité du corps humain.

I. Inviolabilité du corps humain et de droit à l’intégrité physique

L’article 16-1 alinéa 2 dispose que « le corps humain est inviolable ».

L’article 16-3 alinéa 1er dispose que « il ne peut-être portée atteinte à l’intégrité du corps humain
qu’en cas de nécessité médicale pour la personne ou, à titre exceptionnel, dans l’intérêt
thérapeutique ».

A. Les principes

Il existe des règles qui traduisent ce principe de protection du corps humaine contre les atteintes
des tiers :

- Les règles de droit pénal : avec des règles de droit pénal qui sanctionnent les infractions contre
les personnes comme l’homicide ou les coups et blessures.

- Les règles en responsabilité civile qui tendent à la réparation des dommages corporels.

Ces règles concernent des comportements illicites.

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Les atteintes portées au cours humain mais qui présenteraient un caractère licite. En principe tout
individu doit consentir à une atteinte de son intégrité physique > il ne peut-être porté atteinte à
l’intégrité de la personne sans son consentement. De ce point de vue, la personne à un droit
quasi absolue de supposer à tout acte matériel pratiqué sur son corps, ne serait-ce qu’un simple
prélèvements salivaire ou sanguin. Ainsi, par exemple, une expertise sanguine dans le cadre d’une
action relative à la liation ne peut être imposée à un individu même si elle est ordonnée par un
juge. L'article 16-11, alinéa 2, du code civil précise même que pour l'identi cation d'une personne
par ses empreintes génétiques : « (...) Le consentement de l'intéressé doit être préalablement et
expressément recueilli (...) ».
La jurisprudence a certes posé que l’expertise biologique est de droit en matière d’établissement
judiciaire de la liation (« sauf motif légitime de ne pas y procéder » : Civ. 1ère, 28 mars 2000 n°
98-12.806 ). Mais le principe d’inviolabilité du corps humain s’oppose à ce que cette expertise
puisse être réalisée de force en cas de refus de la personne de s’y soumettre.

L’Union Européenne est un regroupement d’Etats qui évolue avec un système très organisé. A
coté, il y a l’Europe des Droits de l’Homme avec le conseil de l’Europe qui est à l’origine de la
Convention EDH, qui a sa propre juridiction (la CEDH) à Strasbourg. Cette cour peut être saisie
une fois que tous les recours internes d’un pays sont épuisés.

Il existe des moyens de contraintes indirects :

- Le juge peut analyser le refus de se soumettre à un test génétique comme un aveu de


paternité, avec des preuves qui montrent une liation entre la mère de l’enfant et le dit père
pendant la durée de conception. Le juge peut tirer les conséquences d'un refus de se
soumettre à une expertise génétique et établir judiciairement la liation demandée (Ex : Civ. 1re,
11 juill. 2006, n° 05-17.814 ; encore récemment : Civ. 1re, 8 juill. 2020, n° 18-20.961). Cette
position du droit français a été jugée conforme à la Convention EDH dans un arrêt de la Cour
EDH avec l’arrêt Canonne du 25 juin 2015.

- Le principe d’inviolabilité du corps humain ressort également de l’exigence du consentement


de la personne pour qu’il soit procédé à un acte médical. L’article 16-3 alinéa 2 du code civil
dispose ainsi que « le consentement de l'intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas
où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n'est pas à même de
consentir ». Cette exigence est d’autant plus importante qu’elle s’articule avec une obligation
d’information pesant sur le professionnel de santé car l’article L. 1111-2 al. 1er CSP dispose
que « Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte
sur les di érentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur
utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves
normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les
conséquences prévisibles en cas de refus  ». La loi de 2002, dites loi Kouchner, marque une
rupture avec, ce qui est quali é, de paternalisme médical. Les patient doivent donc consentir.
Donc, non seulement, la personne nécessitant des soins doit donner son consentement mais il
doit s’agir d’un consentement éclairé par les informations apportées par les professionnels de
santé.

La situation particulière des personnes vulnérables :

- Le mineur : le consentement à l'acte médical pratiqué sur un mineur doit émaner du ou des
titulaire(s) de l'autorité parentale, mais le mineur doit être associé à la décision. L'article L.
1111-4 du code de la santé publique précise par ailleurs que le consentement du mineur doit
être systématiquement recherché s'il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la
décision. Le mineur, étant une personne, a le droit de donner son avis. Toutefois, son
consentement étant seulement recherché et non exigé, le médecin peut passer outre le refus
du mineur si le titulaire de l'autorité parentale a donné son consentement (sauf certains actes
médicaux pour lesquels la volonté du mineur s’impose). Il y a une sorte d’arbitrage.

- Les majeurs protégés : il ressort également de l’article L. 1111-4 du CSP (récemment modi é
par l’ordonnance du 11 mars 2020) que le consentement du majeur, y compris de celui sous
mesure de protection juridique avec représentation relative à sa personne, doit être obtenu
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s'il est apte à exprimer sa volonté, au besoin avec l'assistance de la personne chargée de sa
protection. Ces textes posent des conditions (faire attention). Lorsque tel n'est pas le cas, il
appartient à la personne chargée de la mesure de protection juridique avec représentation
relative à la personne de donner son autorisation en tenant compte de l'avis exprimé par la
personne protégée. Sauf urgence, en cas de désaccord entre le majeur protégé et la
personne chargée de sa protection, le juge autorise l'un ou l'autre à prendre la décision.

Les atteintes portées au corps de la personne doivent donc, en principe, être consenties par elle.
Ce principe connaît cependant certaines exceptions.

B. Les exceptions

Certains soins peuvent être imposés sans le consentement de la personne qui les recevra. Ce
sont généralement des considérations d'ordre public qui justi ent le recours à ces soins sans
consentement. C’est le cas, par exemple, des soins psychiatriques non consentis, tels que les
soins psychiatriques demandés par un tiers (articles L. 3212-1 à art. 3212-5 du CSP) ou décidés
par le représentant de l'État (article L. 3213-1 du CSP).

Les actes médicaux non consentis trouvent en général leur justi cation dans l'intérêt de la
collectivité qu'il convient de protéger. On peut évoquer ici la question des vaccinations obligatoires
(articles L. 3111-1 à L. 3111-3 du CSP), à propos desquelles le Conseil constitutionnel a jugé qu'il
est loisible au législateur de dé nir une politique de vaccination a n de protéger la santé
individuelle et collective (Cons. const. 20 mars 2015, n° 2015-458 QPC). Le CE a également
reconnu la conformité de l’obligation vaccinale avec les stipulations de l’article 8 de la Conv. EDH :
il a été jugé qu’« en rendant obligatoires les onze vaccins gurant déjà au calendrier des
vaccinations rendu public par le ministre chargé de la santé, mais qui, pour huit d'entre eux, étaient
antérieurement seulement recommandés, l'article L. 3111-2 du CSP a apporté au droit au respect
de la vie privée prévu à l'art. 8 Conv. EDH une restriction justi ée par l'objectif poursuivi
d'amélioration de la couverture vaccinale pour, en particulier, atteindre le seuil nécessaire à une
immunité de groupe au béné ce de l'ensemble de la population, et proportionnée à ce but » (CE. 6
mai 2019, Ligue nationale pour la liberté des vaccinations, n° 419242). On doit relever qu’il n’y a
pas d’atteinte directe au droit à l’intégrité physique dans la mesure où même si la vaccination est
obligatoire, on ne peut recourir à la contrainte physique pour vacciner les personnes.

Quelle sanction ?

La loi du 30 décembre 2017 de nancement de la sécurité sociale pour 2018 a étendu les
obligations vaccinales en population générale (ajout de 8 vaccins autrefois simplement
recommandées, aux trois vaccins déjà obligatoires). Cette extension s'est accompagnée d'une
abrogation de l'article L. 3116-4 du code de la santé publique, et donc de la sanction pénale
spéci que au refus de vaccination obligatoire.
Article L. 3116-4 du code de la santé publique : « Le refus de se soumettre ou de soumettre ceux
sur lesquels on exerce l'autorité parentale ou dont on assure la tutelle aux obligations de
vaccination prévues aux articles L. 3111-2, L. 3111-3 et L. 3112-1 ou la volonté d'en entraver
l'exécution sont punis de six mois d'emprisonnement et de 3 750 Euros d'amende » > Abrogé par
la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017.

La sanction du refus vaccinal n'est donc plus de nature pénale. Elle réside dans le refus d'accès
des enfants non vaccinés à certaines structures collectives. En effet, « l'admission ou le maintien
dans toute école, garderie, colonie de vacances ou autre collectivité d'enfants » est subordonnée à
la preuve du respect des obligations vaccinales (articles L. 3111-2 II et R. 3111-8 du CSP).
L’obligation vaccinale concernant des enfants a été validée par la Cour européenne des droits de
l'homme (CEDH 8 avril 2021, n° 47621/13 , Vavricka et autres c/ République tchèque) > la
législation tchèque est très proche de la législation française. L’obligation vaccinale pour certaines
maladies infantiles prévue par la loi française devrait donc échapper à toute condamnation par la
Cour EDH.

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D’autres fois, l’acte médical non consenti aura pour but de protéger la santé de la personne
elle-même. Se pose alors la délicate question du refus de soin.

Parmi les controverses les plus classiques au sujet du refus de soin gure la question de l'attitude
des témoins de Jéhovah qui refusent les transfusions sanguines. En vertu du principe d'inviolabilité
du corps humain, un soin ne peut être imposé. La seule exception au respect du refus de soins du
patient majeur est l'hypothèse du péril vital imminent.
Cette solution était déjà celle de l'Ordre national des médecins et celle du juge administratif avant
2002 (CE 26 oct. 2001, Mme Senanayaké, n° 198546). Pour le CE, l'obligation pour le médecin de
sauver la vie ne prévaut pas de manière générale sur celle de respecter la volonté du malade.
Toutefois, ne commet pas de faute de nature à engager la responsabilité du service public le
médecin qui, quelle que soit son obligation de respecter la volonté de son patient fondée sur ses
convictions religieuses, a choisi, compte tenu de la situation extrême dans laquelle celui-ci se
trouvait, dans le seul but de tenter de le sauver, d'accomplir un acte indispensable à sa survie et
proportionné à son état (à propos d’un patient témoin de Jéhovah nécessitant une transfusion
sanguine).

La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a
expressément prévu cette situation d'urgence ou d'impossibilité d'obtenir le consentement libre et
éclairé de la personne (article L.1111-4, al. 4 du CSP). Postérieurement à la loi du 4 mars 2002, le
Conseil d'État a réitéré sa position (CE , ord., 16 août 2002, Mme Feuillatey, n° 249552). Dans
cette décision, le CE a rappelé la nécessité d'obtenir le consentement de la patiente sauf situation
extrême mettant en jeu son pronostic vital. Dans cette hypothèse, après avoir tenté de la
convaincre, les médecins sont autorisés à transfuser s'ils démontrent que la transfusion est un
moyen proportionné à son état et indispensable à sa survie. Un médecin ne peut donc voir sa
responsabilité engagée s’il a sacri é l'exigence d'un consentement libre et éclairé pour
sauvegarder la vie de son patient face à un péril vital imminent. Philippe Malaurie a pu quali er
cette jurisprudence de contra legem. La remarque vaut a fortiori depuis la loi du 2 février 2016. En
effet, l’article L. 1111-4 du CSP a été modi é et prévoit que « toute personne a le droit de refuser
ou de ne pas recevoir un traitement. Le suivi du malade reste cependant assuré par le médecin,
notamment son accompagnement palliatif. Le médecin a l'obligation de respecter la volonté de la
personne après l'avoir informée des conséquences de ses choix et de leur gravité. Si, par sa
volonté de refuser ou d'interrompre tout traitement, la personne met sa vie en danger, elle doit
réitérer sa décision dans un délai raisonnable. [...].»

Encore récemment, la question du refus d’une transfusion sanguine par un patient témoin de
Jéhovah s’est reposée. La spéci cité de l’affaire résidait dans le fait que le refus avait été exprimé
dans des directives anticipées (les directives anticipées permettent à une personne majeure de
manifester ses souhaits concernant sa n de vie pour le cas où, hors d’état d’exprimer sa volonté,
elle ne serait plus en mesure de le faire). Ce patient hors d’état d’exprimer son consentement était
porteur, lors de son accident, d'un document signé indiquant qu’il refusait toute transfusion
sanguine, même pour lui sauver la vie. Des transfusions sanguines lui ont été administrées et
l'équipe médicale a af rmé sa décision de renouveler les transfusions sanguines en dépit de la
volonté du patient. La famille a demandé au juge administratif d’enjoindre aux médecins de ne plus
pratiquer de transfusions. Le Conseil d'État a rejeté la demande de la famille Il relève que : « le
droit pour le patient majeur de donner son consentement à un traitement médical revêt le caractère
d'une liberté fondamentale » et qu’ « en ne s'écartant des instructions médicales écrites dont M. C
était porteur lors de son accident que par des actes indispensables à sa survie et proportionnés à
son état, alors qu'il était hors d'état d'exprimer sa volonté, les médecins de l'hôpital d'instruction
des armées Sainte-Anne n'ont pas porté atteinte à ce droit [...] » (CE , ord., 20 mai 2022, n°
463713)

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En n, s’agissant du refus de soin, il existe certaines règles protectrices pour les mineurs ou
les majeurs protégés. Si le refus d'un traitement par les parents ou par la personne chargée de la
mesure de protection juridique s'il s'agit d'un majeur faisant l'objet d'une mesure de protection
juridique avec représentation relative à la personne, risque d'entraîner des conséquences graves
pour la santé du mineur ou du majeur protégé, le médecin peut délivrer les soins indispensables
sans leur consentement (article L. 1111-4 al. 9 du CSP).

II. La non-patrimonialité du cours humain

Le principe de non-patrimonialité du corps humain se trouve exprimé à l’article 16-1 al. 3 du code
civil qui dispose que « le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l'objet d'un
droit patrimonial ». L’article 16-5 du code civil ajoute encore que « les conventions ayant pour effet
de conférer une valeur patrimoniale au corps humain, à ses éléments ou à ses produits sont nulles
». La non-patrimonialité se distingue de l’inviolabilité. Par la non-patrimonialité, il s’agit d’interdire à
tout individu de monnayer son corps ou les éléments et produits de son corps.

A. La distinction de la non-patrimonialité et de l’indisponibilité du corps humain

Le corps humain est souvent considéré comme indisponible. Qu’est-ce que cela signi e ? On
entend par là qu’il ne peut faire l’objet, pour son respect, d’actes juridiques. Ce principe a été posé,
en 1991, par l’assemblée plénière de la Cour de cassation pour condamner les conventions de
gestations pour autrui (AP. 31 mai 1991, n° 90-20.105). La loi du 29 juillet 1994 a, par la suite,
consacré à l’article 16-7 du code civil, l’illicéité des conventions de gestation pour autrui (« Toute
convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui est nulle ») mais sans
se référer au principe d’indisponibilité du corps humain. Dans le code civil, on ne trouve que la
règle posée à l’article 16-5 du code civil déjà évoquée selon laquelle « les conventions ayant pour
effet de conférer une valeur patrimoniale au corps humain, à ses éléments ou à ses produits sont
nulles ». Or, on ne saurait déduire de ce texte un principe d’indisponibilité du corps humain.
En effet, il faut bien faire attention à ce qui est posé à l’article 16-5. Ce texte interdit les
conventions conclues à titre onéreux (càd celles qui ont pour effet de conférer une valeur
patrimoniale au corps humain). Il n’interdit pas les actes juridiques à titre gratuit.
Toutes les conventions portant sur le corps humain ne sont donc pas prohibées, ce qui résulterait
de la reconnaissance d’un principe général d’indisponibilité du corps humain. La loi n’a, au nal,
retenu que le principe de non-patrimonialité qui s’exprime à l’article 16-5 et à l’article 16-1 alinéa 3.
En revanche, toute convention portant sur la gestation ou la procréation pour autrui sera nulle
(qu’elle soit conclue à titre onéreux ou à titre gratuit).

Il faut donc retenir qu’il n’y a pas d’équivalence entre indisponibilité et non-patrimonialité :

- l’indisponibilité implique l’interdiction de conclure tout acte juridique portant sur le corps
humain, ses éléments et ses produits.

- la non-patrimonialité empêche de leur conférer une valeur patrimoniale et les soustrait à la


circulation marchande.

B. L’application du principe de non-patrimonialité

Le corps humain, ses éléments et ses produits ne pouvant faire l’objet d’un droit patrimonial, ils ne
peuvent faire l’objet que de dons. L’article 16-6 du code civil précise ainsi qu’ « aucune
rémunération ne peut être allouée à celui qui se prête à une expérimentation sur sa personne, au
prélèvement d'éléments de son corps ou à la collecte de produits de celui-ci » et on l’a vu
précédemment, en vertu du principe d’inviolabilité, le consentement de la personne est toujours
exigé. On doit ici relever qu’en cas de prélèvement d’organes sur une personne décédée, celle-ci
est présumée avoir consenti au prélèvement si elle n’a pas fait connaître son refus de son vivant.
Les personnes qui ne souhaitent pas que leurs organes soient prélevés peuvent désormais
s’inscrire en ligne sur le registre national automatisé des refus de prélèvement.
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Les éléments et produits du corps humain peuvent donc faire l’objet d’acte de disposition mais
uniquement à titre gratuit : dons de sang, de sperme, d’ovocytes. Le principe de gratuité a pour but
de protéger la personne en empêchant que le corps humain ne puisse être monnayé.

Ce principe de gratuité connaît cependant certains aménagements :



- Si la loi pose que l’expérimentation ne donne lieu à aucune contrepartie nancière pour les
personnes qui s’y prêtent, elle prévoit toutefois le remboursement des frais exposés ainsi qu’une
indemnité versée par le promoteur en compensation des contraintes subies. Le montant total des
indemnités qu'une personne peut percevoir au cours d'une même année est limité à un maximum
xé par le ministre chargé de la santé (un arrêté du 25 avril 2006 a xé ce montant maximum à
4500 €). Pas de rémunération donc, mais une possible indemnisation. Et cette possibilité
d’indemnisation fait l’objet d’une certaine vigilance de la part du législateur qui l’exclut pour les
personne les plus vulnérables (article L.1121-11du CSP al. 2). Le versement d'une telle indemnité
est notamment interdit dans le cas des recherches effectuées sur des mineurs, des personnes qui
font l'objet d'une mesure de protection juridique, des personnes majeures hors d'état d'exprimer
leur consentement, des personnes privées de liberté ou bien encore des personnes faisant l'objet
de soins psychiatriques.

- Autre limite au principe de gratuité, il est admis que les cheveux ou les ongles, par exemple,
puissent faire l’objet d’actes de disposition à titre onéreux, c’est-à-dire, puissent être vendus.

- En n, le principe de gratuité ne s’applique que dans les rapports entre le donneur et


l’établissement qui procède au prélèvement. Une fois collectée et traitée ou transformée, la
matière humaine intègre les circuit de la distribution. Les éléments et produits du corps humain
sont ainsi considérés comme des produits potentiellement défectueux susceptibles d’engager la
responsabilité d’un producteur. La loi du 19 mai 1998, instaurant une responsabilité spéciale du fait
des produits défectueux a ainsi intégré les éléments et produits du corps humain dans son champ
d’application (article 1245-11, anc.1386-1 du code civil).

III. Le droit à la mort : la question de l’euthanasie.

Il s’agit de savoir si l’on peut aider une personne à mourir. Le débat est régulièrement relancé par
des a aires très médiatisées : l’a aire Pretty (au RU) et l’a aire Vincent Lambert (encore
récemment en France).

Deux lois ont été adoptées sur la n de vie en France :


- la loi dite Leonetti du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la n de vie.


- la loi dite Claeys-Leonetti du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et
des personnes en n de vie.

Ces lois précisent les pratiques interdites et celles qui sont autorisées.

A. Les pratiques interdites

Il convient d’abord d’envisager la position du droit français avant d’apprécier quelle est celle de la
Cour européenne des droits de l’homme.

- Le droit français prohibe aussi bien l’euthanasie active que le suicide assisté.

L’euthanasie que l’on quali e d’active consiste à provoquer la mort grâce à un acte positif :
débrancher un appareil médical ou bien administrer une substance létale. Cette pratique est
autorisée dans certains pays comme les Pays-Bas ou la Belgique mais elle est interdite en
France. Sur le plan pénal, l’euthanasie active constitue un crime qui peut être poursuivi selon les
cas sur le fondement de l’assassinat ou de l’empoisonnement. Le suicide assisté vise l’hypothèse
d’un tiers qui fournit une substance mortelle au malade que celui-ci s’administre lui-même.

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En l’état actuel du droit français, le tiers en question encourt des sanctions pénales. Le suicide
assisté relève, en e et, soit de la provocation au suicide, soit de la non-assistance à personne en
danger.

- La position de la Cour EDH :

Dans un arrêt Pretty contre Royaume-Uni du 29 avril 2002, la Cour de Strasbourg a refusé « de
déduire de l’article 2 de la Convention un droit à mourir, que ce soit de la main d’un tiers ou avec
l’assistance d’une autorité publique ».

Sa position a par la suite quelque peu évolué sur le sujet puisqu’elle a jugé dans un arrêt Haas c/
Suisse du 20 juin 2011 que « le droit d’un individu de décider de quelle manière et à quel moment
sa vie doit prendre n, à condition qu’il soit en mesure de se forger librement sa propre volonté (...)
à ce propos et d’agir en conséquence, est un des aspects du droit au respect de la vie privée au
sens de l’article 8 de la Conv. EDH ».

La Cour EDH va jusqu’à admettre que la demande de M. Haas d’avoir accès à une substance
mortelle puisse être examinée sous l’angle d’une « obligation positive » de l’État de prendre les
mesures nécessaires permettant un suicide digne (Obligation positive : les obligations positives
mettent à la charge des autorités des États le devoir de prendre des mesures pour protéger les
droits que les individus tiennent de la Convention). Toutefois, la Cour EDH a considéré que «
même à supposer que les États aient une obligation positive d'adopter les mesures permettant de
faciliter un suicide dans la dignité, les autorités suisses n'avaient pas violé cette obligation en
l'espèce ».

B. Les pratiques autorisées

Les lois Leonetti et Claeys-Leonetti ont reconnu la possibilité aux médecins de prendre dans
certaines circonstances des décisions qui peuvent avoir pour effet d’anticiper la mort du patient
sans la provoquer directement.

1. L’arrêt ou la limitation des traitements traduisent une obstination déraisonnable

L’obstination déraisonnable est proscrite. On parlait auparavant «d’acharnement


thérapeutique ».

L’article L. 1110-5-1 al. 1 du CSP dispose que les actes de prévention, d'investigation ou de
traitements et de soins « ne doivent pas être mis en œuvre ou poursuivis lorsqu'ils résultent d'une
obstination déraisonnable. Lorsqu'ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou lorsqu'ils n'ont
d'autre effet que le seul maintien arti ciel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être
entrepris, conformément à la volonté du patient et, si ce dernier est hors d'état d'exprimer sa
volonté, à l'issue d'une procédure collégiale dé nie par voie réglementaire ».

La volonté du patient est depuis la loi de 2016 au cœur du dispositif.

- Ainsi, lorsque la personne est consciente, elle seule doit pouvoir décider de l’arrêt des
traitements qui la maintiennent en vie et le corps médical doit respecter sa volonté.

- Lorsque le patient est hors d'état d'exprimer sa volonté, la décision de limiter ou d'arrêter les
traitements dispensés, au titre du refus d'une obstination déraisonnable, ne peut être prise qu'à
l'issue de la procédure collégiale prévue à l'article L. 1110-5-1 du CSP et dans le respect des
directives anticipées et, en leur absence, après qu'a été recueilli auprès de la personne de
con ance ou, à défaut, auprès de la famille ou de l'un des proches le témoignage de la volonté
exprimée par le patient. Le médecin en charge du patient peut engager la procédure collégiale
de sa propre initiative. Il est tenu de le faire à la demande de la personne de con ance, ou, à
défaut, de la famille ou de l'un des proches. La personne de con ance ou, à défaut, la famille ou
l'un des proches est informé, dès qu'elle a été prise, de la décision de mettre en œuvre la
procédure collégiale. Ici, le terme de procédure collégiale peut donner l’impression d’une
procédure de délibération collective, mais tel n’est [...] pas le cas. Il s’agit d’une procédure de
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consultation. Le médecin ne prend sa décision ni avec la personne de con ance, quand elle a
été désignée, ni avec la famille, ni avec les proches (ni avec l’équipe soignante, ni avec le
médecin consultant) : il prend sa décision seul, après avoir consulté ces différents intervenants
et avoir recueilli leur avis ». J.-C. AMEISEN, « Observations du Comité consultatif national
d’éthique », dans le dossier « Droit au respect de la vie et droits du patient – La question de
l’interruption d’un traitement », RFDA, 2014. La décision de limitation ou d'arrêt de traitement est
prise par le médecin en charge du patient à l'issue de la procédure collégiale. Cette procédure
collégiale prend la forme d'une concertation avec les membres présents de l'équipe de soins, si
elle existe, et de l'avis motivé d'au moins un médecin, appelé en qualité de consultant. Il ne doit
exister aucun lien de nature hiérarchique ntre le médecin en charge du patient et le consultant.
L'avis motivé d'un deuxième consultant est recueilli par ces médecins si l'un d'eux l'estime utile
(article R 4127-37-2 CSP).

Le cas de Vincent Lambert illustre les dif cultés soulevées par la décision d’arrêt des
traitements pour une personne inconsciente. Depuis un accident de la circulation survenu en 2008,
Vincent Lambert se trouvait dans un état végétatif. En 2013, le médecin le prenant en charge a
décidé, après avoir consulté son épouse, d’arrêter l’alimentation et l’hydratation arti cielle au titre
du refus de l’obstination déraisonnable.
La décision d’arrêt des traitement (qui est une décision médicale) a été contestée par les parents
de Vincent Lambert et certains de ses frères et sœurs. Le Conseil d’État a, dans une décision du
24 juin 2014, jugé que la décision du médecin de mettre n à l’alimentation et l’hydratation de
Vincent Lambert était légalement fondée dans la mesure où l’obstination déraisonnable visée dans
la loi était caractérisée.
Il a ainsi considéré que l’alimentation et l’hydratation arti cielle sont des « traitements » au sens du
code de la santé publique. Cette position jurisprudentielle a été consacrée par la loi du 2 février
2016 (article L. 1110-5-1 al. 2 CSP).
Les parents de Vincent Lambert ont alors saisi la Cour EDH qui après avoir suspendu la décision
du Conseil d’État a validé la décision d’arrêt des traitement dans une décision du 5 juin 2015. La
Cour de Strasbourg a jugé qu’il n’y avait pas violation de l’article 2 de la Convention (qui consacre
le droit à la vie) en cas de mise en œuvre de la décision du Conseil d’État du 24 juin 2014. Elle a
constaté qu’il n’existe pas de consensus entre les États membres du Conseil de l’Europe pour
permettre l’arrêt d’un traitement maintenant arti ciellement la vie. Dans ce domaine qui touche à la
n de vie, il y a lieu d’accorder une marge d’appréciation aux États.
La Cour EDH a considéré que les dispositions de la loi Leonetti du 22 avril 2005 telles
qu’interprétées par le Conseil d’État, constituaient un cadre législatif suf samment clair pour
encadrer de manière précise la décision du médecin dans une situation telle que celle-ci (CEDH,
gr. ch., 5 juin 2015, Lambert c/ France, req. n° 46043/14).
Le cas de Vincent Lambert a encore connu des suites dont une autre décision du Conseil d’État du
24 avril 2019 validant une décision d’arrêt des traitements et la Cour EDH a refusé de suspendre
l’exécution de la décision du CE (CEDH, 30 avril 2019, Lambert c/ France, n° 21675/19).
Parallèlement, les parents de Vincent Lambert avaient saisi le Comité des droits des personnes
handicapées de l’ONU qui a demandé à la France de suspendre l’arrêt des soins. Cette demande
ne s’imposant pas à l’État, la procédure d’arrêt des soins a repris pour être de nouveau suspendu
par la CA de Paris. Cette décision a été censurée par l’assemblée plénière de la Cour de cassation
qui a jugé le 28 juin 2019 que le juge judiciaire n’était pas compétent en l’espèce. Finalement la
décision médicale d’arrêt des traitements a bien été mise en œuvre et le patient en est décédé le
11 juillet 2019.

2. L’autorisation du traitement à double effet

La loi du 22 avril 2005 avait reconnu la possibilité aux médecins d’utiliser un traitement dit «
à double effet » et cette possibilité a été reconduite par la loi du 2 février 2016 à l’article L. 1110-
5-3 du CSP. Selon ce texte, « le médecin met en place l'ensemble des traitements analgésiques et
sédatifs pour répondre à la souffrance réfractaire du malade en phase avancée ou terminale,
même s'ils peuvent avoir comme effet d'abréger la vie ».

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Le premier effet du traitement peut être de soulager la douleur mais avoir pour effet secondaire
d’abréger la vie. Si la volonté du médecin a bien été d’atténuer la douleur, le décès du patient qui
résulterait de l’utilisation du traitement à double effet n’est alors pas passible de sanctions pénales.

3. Le droit à une sédation profonde et continue

La loi du 2 février 2016 a admis, lorsque le patient demande à éviter toute souffrance et à
ne pas subir d’obstination déraisonnable, le droit de mettre en œuvre « une sédation profonde et
continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu’au décès », dans deux cas :

- Lorsque le patient atteint d'une affection grave et incurable et dont le pronostic vital est engagé
à court terme présente une souffrance réfractaire aux traitements

- Lorsque la décision du patient atteint d'une affection grave et incurable d'arrêter un traitement
engage son pronostic vital à court terme et est susceptible d'entraîner une souffrance
insupportable (article L. 1110-5-2 du CSP).

Section 2 : Le corps de la personne morte

Pendant longtemps, la mort n’a été appréhendée par le droit civil que comme le dernier
acte de l’état civil. Le code civil réglementait les conséquences du décès en tant que fait juridique (
la mort fait perdre la personnalité juridique). Mais le code civil restait silencieux sur le statut de la
dépouille mortelle.

C’est par une loi du 19 décembre 2008 que le législateur a introduit des dispositions dans le code
civil relatives à la protection civile du cadavre. L’article 16-1-1 du code civil énonce ainsi que « le
respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort » et que « les restes des personnes
décédées, y compris les cendres de celles dont le corps a donné lieu à crémation, doivent être
traités avec respect, dignité et décence ».
On peut observer que les termes utilisés « respect, dignité, décence », sont les mêmes que ceux
que l’on emploie pour la personne humaine vivante. Il ne s’agit pas de prolonger le statut de
personne au-delà de la mort, mais de traiter le corps mort en tenant compte du fait qu’ « il a été
celui d’une personne vivante ».
Dans la mesure où la mort fait perdre la personnalité juridique, le cadavre intègre la catégorie
juridique des choses. L’être humain, en cessant de vivre, devient donc une chose. Pourtant, l’ordre
juridique refuse d’ignorer la personne qu’il a été. Il en résulte un devoir de respecter l’intégrité
physique du cadavre (§.1) ainsi qu’une extension du principe de non-patrimonialité du corps vivant
au cadavre (§. 2).

I. Le respect de l’intégrité physique

C’est d’abord le droit pénal qui a intégré dans l’ordre juridique un devoir de respecter
l’intégrité physique du cadavre. La loi incrimine toute atteinte à l’intégrité du cadavre ainsi que la
violation ou la profanation de tombeaux, de sépultures, d'urnes cinéraires ou de monuments
édi és à la mémoire des morts (article 225-17 du code pénal).
Depuis la loi du 19 décembre 2008, précédemment évoquée, le respect est dû aux restes des
personnes décédées, « y compris les cendres de celles dont le corps a donné lieu à crémation
» (article 16-1-1 du code civil). Corrélativement, la loi a investi le juge d’une compétence pour
prescrire toutes mesures propres à empêcher ou faire cesser une atteinte illicite au corps humain
(article 16-2 du code civil).
Toute personne justi ant d’un intérêt à agir au sens du code de la procédure civile (article 31)
pourra solliciter le juge en cas d’atteinte à l’intégrité du cadavre ou de traitement irrespectueux de
la personne décédée. Attention , cela ne vaut que sous réserve des actes que la loi autorise
expressément.

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- Le droit détermine les actes matériels qui peuvent être pratiqués sur un cadavre avant son
inhumation ou sa crémation ainsi que les conditions de leur réalisation. Certains actes peuvent
même être réalisés sans le consentement de la personne décédée. Ainsi, des autopsies
peuvent être ordonnées dans le cadre d'une procédure pénale pour établir les circonstances de
la mort. Elles peuvent être pratiquées sans l’autorisation des proches.

De même, des prélèvements d'organes sur les cadavres des personnes dont la mort a été
dûment constatée peuvent être effectués mais uniquement à des ns thérapeutiques ou
scienti ques. Conformément à l'article L.1232-1 du code de la santé publique, le prélèvement
peut être pratiqué sur les personnes qui n'ont pas fait connaître, de leur vivant, leur opposition.
Si la personne décédée est un mineur, le prélèvement ne peut avoir lieu qu'à la condition que
chacune des personnes investies de l'exercice de l'autorité parentale y consente par écrit (art. L.
1232-2 du CSP).

- Le respect du cadavre persiste après l’inhumation :



On peut ici évoquer le prélèvement sur un cadavre en vue d’une expertise biologique. La
possibilité d’une telle expertise a été marquée par l'affaire Montand : une jeune femme se
prétendait la lle naturelle d'Yves Montand, décédé quelques années plus tôt. Elle a agi en
justice a n que la paternité du défunt soit établie.

En appel, la cour de Paris avait ordonné l'exhumation du cadavre six ans après la mort d'Yves
Montand pour que soient prélevés des tissus devant permettre une comparaison des
empreintes génétiques du défunt avec celles de la demanderesse. Les ayants droit du défunt
avaient accepté l'exhumation pour que la vérité soit établie. Par la suite, l’examen a révélé que
la jeune femme n’était pas la lle d’Yves Montand.

Après cette affaire, la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique a complété l'alinéa 2 de l'article
16-11 du code civil. Cet article dispose désormais, après avoir énoncé dans quels cas
l'identi cation par empreintes génétiques peut être utilisée sur décision du juge en matière civile,
que « sauf accord exprès de la personne manifesté de son vivant, aucune identi cation par
empreintes génétiques ne peut être réalisée après sa mort ».

Ainsi, en cas de silence du défunt avant sa mort (et a fortiori de refus exprès de sa part), la loi
refuse désormais tout prélèvement post mortem en vue d'une expertise biologique. Il n’en irait
autrement que si, de son vivant, l'intéressé avait manifesté son accord exprès à une telle
mesure. Cette position entraîne néanmoins un risque de condamnation par la Cour européenne
des droits de l’homme.

En effet, par son arrêt Jäggi c/ Suisse du 13 juill. 2006, la Cour de Strasbourg a admis que
l'article 8 de la Conv. EDH imposait l'exhumation d'un cadavre pour réaliser un prélèvement
d'ADN qui permettrait d'établir la vérité biologique nécessaire à un enfant en quête de ses
origines. En revanche, le Conseil constitutionnel dans une décision QPC du 30 septembre 2011
a considéré que le législateur pouvait choisir de faire prévaloir la paix des familles sur le droit de
l’enfant devenu adulte de connaître ses origines. Par ailleurs, le respect dû au cadavre explique
le régime particulier dont font l’objet les tombeaux et sépultures. Une fois inhumée, la dépouille
mortelle est supposée le rester jusqu’à la n de la concession et donc sans limite de temps si
celle-ci est perpétuelle. Il est possible d’exhumer un cadavre, notamment pour le réinhumer
dans un autre cimetière. Mais l’opération doit être justi ée par un motif grave et légitime. Les
parents portugais d'un homme né en France qui avait été enterré dans la commune française où
il était domicilié avec sa compagne et ses enfants, souhaitaient que leur ls repose nalement
au Portugal.

En raison du refus de la concubine du défunt, les parents ont saisi le juge en vue d'une
exhumation mais ils ont été déboutés. Ils ont alors formé un pourvoi que la Cour de cassation a
rejeté au motif « qu'il découle du principe, selon lequel le respect dû au corps humain ne cesse
pas avec la mort, que l'exhumation d'un corps ne peut être effectuée que pour des motifs graves
et sérieux, tels le caractère provisoire de la sépulture et le respect de la volonté, exprimée ou
présumée, du défunt ». La Cour de cassation retient que les juges d’appel avaient relevé que la
sépulture ne présentait pas de caractère provisoire, que les parents n'apportaient pas la preuve
que leur ls, qui vivait en France avec sa famille, avait clairement manifesté sa volonté d'être
enterré au Portugal et que leur souhait de résider dans ce pays ne constituait pas un motif grave
et sérieux permettant de déroger au principe de l'immutabilité des sépultures. Comme le relève
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Denis Mazeaud (RTD civ 2018, 361) : « le respect dû au cadavre n'est ici que le prolongement du
respect de la volonté que la personne avait exprimée avant de devenir poussière et de la
personnalité juridique dont, corps en vie, il fût le support ».

II. L'extension du principe de non-patrimonialité du cours vivant du cadavre

On l’a vu la non-patrimonialité a été posée en principe, pour le corps vivant, aux articles
16-1 et 16-5 du Code civil. C’est la jurisprudence qui a étendu ce principe de non-patrimonialité au
corps mort. Dans un arrêt de la première chambre civile du 16 septembre 2010 (n° 09-67.456), la
Cour de cassation a jugé à l’occasion de la célèbre affaire Our Body qu’« aux termes de l’article
16-1-1, alinéa 2, du code civil, les restes des personnes décédées doivent être traitées avec
respect, dignité et décence » et considéré que « l’exposition de cadavre à des ns commerciales
[méconnaissait] cette exigence ».

Lors de cette exposition, des cadavres humains « plastinés » étaient exhibés dans des
poses diverses (la plastination est une technique visant à préserver des tissus biologiques en
remplaçant les différents liquides organiques par du silicone).
La question se posait de savoir si des cadavres et des organes conservés pouvaient être exposés
et mis en scène sans porter atteinte à la dignité humaine. La CA de Paris pour justi er l’interdiction
s’était préoccupée de l’origine licite des corps et plus particulièrement de l’existence d’un
consentement donné de leur vivant par les intéressés à l’utilisation de leur cadavre (CA Paris 30
avril 2009).
Cette position posait question : l’exposition deviendrait-elle licite par le contrôle de l’origine des
cadavres et la preuve du consentement des personnes décédées ?

La Cour de cassation a refusé de s’en remettre à l’examen du consentement des intéressés :
l’exposition de cadavre à des ns commerciales se trouve interdite. Peu importe l’origine des
cadavres ou le consentement des proches : l’interdit repose sur la nalité commerciale de
l’exposition. Pour la Cour de cassation, l’exposition de cadavres à des ns commerciales est
incompatible avec un traitement décent, digne et respectueux des restes des personnes
décédées.
Tout l’enjeu sera alors de savoir ce qu’il faut entendre par « ns commerciales ». Est-ce que toute
exposition de « restes humains » se trouve prohibée dès lors qu’il y a paiement d’un droit
d’entrée ? La doctrine considère que non (on manque de jurisprudence sur la question). Ainsi,
c’est l’exposition organisée dans un but lucratif qui se trouverait interdite . L’interdit ne devrait donc
pas concerner l’exposition dans des musées de vestiges humains comme des momies ou des
ossements d’hommes préhistoriques puisque la nalité n’est pas lucrative ➣ la nalité
pédagogique l’emporte sur l’éventuelle recherche de pro t (les musées étant généralement
payants).
Comme le relève Grégoire Loiseau (D. 2010, p. 2750) : « il y a [...] une différence entre des
vestiges anciens, comme des momies ou des ossements d'hommes préhistoriques, et des corps
humains utilisés et manipulés dans le seul objectif d'être des objets d'exposition. La dimension
spectaculaire et transgressive de l'instrumentalisation de ces cadavres pour fabriquer des non-
êtres déshumanisés fait en effet sensiblement ressortir le caractère commercial de l'entreprise : le
"show" est ostensiblement organisé à l'attention d'un public géré comme une clientèle. C'est la
raison pour laquelle, d'ailleurs, une exposition d'objets fabriqués à partir de cendres humaines
n'échapperait pas non plus au soupçon d'une exploitation commerciale de restes humains ».

Chapitre 2 : Le droit au respect de l’intégrité physique

Le respect de l’intégrité morale suppose notamment le respect de l’honneur et de la présomption


d’innocence

Section 1 : Le droit au respect de l’honneur

Selon Philippe Malaurie : « l’honneur est un sentiment complexe, que chaque personne se fait de
sa dignité et que les autres s’en font. Chacun a le droit d’exiger que les tiers le respectent parce
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que chacun a le droit d’être respecté ». Le droit à l’honneur, c’est le droit à une forme de
considération sociale.

L’honneur d’une personne est protégé principalement au travers du délit de diffamation publique
régi par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. La diffamation publique est dé nie
comme « toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération
d’une personne ou du corps auquel le fait est imputé » (article 29 de la loi du 29 juillet 1881).
La preuve de l'exactitude des faits allégués exonère son auteur de toute responsabilité (article 35
de la loi du 29 juil. 1881). La diffamation est en tant que calomnie, une atteinte indue à l'honneur
ou à la considération : la répression n'a donc plus lieu d'être lorsque les faits allégués sont vrais
(toutefois « l'exceptio veritatis » n'est pas toujours recevable : en particulier, il n'est pas permis de
prouver la vérité de faits relatifs à la vie privée de la personne diffamée).

Quelles sanctions ?

Les atteintes au droit à l'honneur peuvent être pénalement sanctionnées car la diffamation est un
délit. En cas de diffamation publique à l’encontre d’un particulier la peine encourue est de 12 000
€ d’amende et la diffamation publique à caractère discriminatoire fait encourir un an
d'emprisonnement et 45 000 € d'amende (article 32 de la loi du 29 juil. 1881).
Par ailleurs, la réparation du dommage causé par la diffamation relève exclusivement du droit
spécial de la presse a n de protéger la liberté de la presse. L’action publique ou civile se prescrit
par trois mois à compter de la publication (c’est un délai très court qui vise à entraver le moins
possible la liberté de la presse).

Section 2 : Le droit au respect de la présomption d’innocence

Le droit au respect de la présomption d’innocence a fait son apparition dans le Code civil, à l’article
9-1 en 1993 . Ce texte dispose :

« Chacun a droit au respect de la présomption d'innocence.



Lorsqu'une personne est, avant toute condamnation, présentée publiquement comme étant
coupable de faits faisant l'objet d'une enquête ou d'une instruction judiciaire, le juge peut, même
en référé, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que
l'insertion d'une recti cation ou la diffusion d'un communiqué, aux ns de faire cesser l'atteinte à la
présomption d'innocence, et ce aux frais de la personne, physique ou morale, responsable de
cette atteinte ».

Ce droit ne doit pas être confondu avec la présomption d’innocence elle-même : la présomption
d’innocence est une règle relative à la charge de la preuve en matière pénale, en vertu de laquelle
toute personne poursuivie pour une infraction est, a priori, supposée ne pas l’avoir commise. Le
droit au respect de la présomption d’innocence ne concerne pas la conduite du procès pénal. Il
signi e que l’on ne doit pas présenter quelqu’un comme coupable avant toute condamnation
dé nitive. L’article 9-1 du code civil s’adresse en particulier aux journalistes car il instaure un droit
à l'honneur et au respect de la réputation.

Notons, que récemment, la Cour de cassation a pour la première fois af rmé que « le droit à la
présomption d'innocence et le droit à la liberté d'expression ayant la même valeur normative, il
appartient au juge saisi de mettre ces droits en balance en fonction des intérêts en jeu et de
privilégier la solution la plus protectrice de l'intérêt le plus légitime » (Civ. 1er, 6 janvier 2021, n°
19-21.718). Concernant le lm « Grâce à Dieu » de François Ozon, la demande de suspension de
l’œuvre audiovisuelle jusqu'à la décision dé nitive sur la culpabilité d'un protagoniste du lm, au
titre de la protection de la présomption d’innocence, a été refusée au motif qu'elle constituerait une
mesure disproportionnée aux intérêts en jeu. Comme pour le droit au respect de la vie privée (que
l’on va étudier à la suite), le droit au respect de la présomption d’innocence se trouve mis en
balance avec la liberté d’expression.

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On a le droit au respect de la présomption d’innocence et de la liberté expression et c’est comme
si on posait ces deux droits sur une balance. Et la Cour de cassation dit que les deux ont la même
valeur normative. Il appartient alors au juge de choisi quel droit prime sur l’autre. Il y a un arbitrage
au regard de la situation et des enjeux.

Chapitre 3 : Le droit au respect de la vie privée et le droit à l’image

La protection du droit au respect de la vie privée par le juge civil a longtemps été assurée sans que
l’on recourt à des textes spéciaux. On se contentait de la mise en œuvre des règles de la
responsabilité civile, plus précisément de l’ancien article 1382 du Code civil (devenu 1240 depuis
octobre 2016), qui dispose que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un
dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Les atteintes à la vie privée
d’une personne, par exemple, étaient considérées comme constitutives de fautes qui causaient à
l’intéressé un préjudice, au moins moral.

La réunion des trois conditions posées par l’ancien article 1382 (une faute, un préjudice et un lien
de causalité entre les deux) permettait de condamner l’auteur de la faute à réparer le dommage
qu’il avait causé > il était condamné à des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi
par celui dont le droit au respect de la vie privée avait été atteint.
Mais le droit civil ne s’est pas contenté de ce recours au droit commun de la responsabilité : le
droit au respect de la vie privée s’est trouvé protégé par un texte spéci que auquel s’est trouvé
rattaché le droit à l’image.

On envisagera successivement le droit au respect de la vie privée (section 1), puis le droit à
l’image (section 2).

Section 1 : Le droit au respect de la vie privée

Le protection de la vie privée (§1) doit s’articuler avec le droit à l’information (§.2).

I. La protection de la vie privée

Une loi du 17 juillet 1970 a introduit dans le Code civil un nouvel article 9, qui dispose en son
alinéa 1er que : « Chacun a droit au respect de sa vie privée ». Désormais donc, il n’est plus
nécessaire de se fonder sur l’article 1240 du Code civil (ancien article 1382) pour obtenir une
indemnisation. Il suf t de prouver une atteinte à sa vie privée, pour que l’indemnisation soit
envisageable : la preuve d’une faute ayant causé un préjudice n’est plus nécessaire. C’est ce qu’a
décidé très clairement la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 5
novembre 1996 (n° 94-14.798) en retenant « que selon l’article 9 du Code civil, la seule
constatation de l'atteinte à la vie privée ouvre droit à réparation ».

Le droit au respect de la vie privée est aussi protégé par l’article 8 § 1de la Conv. EDH qui stipule
que « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa
correspondance ».

Le principe de ce droit au respect de la vie privée admis, quels en sont les béné ciaires ? Certes,
à la lumière des décisions de justice, les béné ciaires de la protection accordée par la loi sont
dans une très large mesure des personnes connues : acteurs, chanteurs, personnalités politiques,
membres de familles princières, etc. Mais, en droit, le respect de la vie privée est, en tant que droit
attaché à la personne, reconnu à tout un chacun > c’est « chacun » qui selon l’article 9 du Code
civil a droit au respect de sa vie privée. Toute personne peut donc se prévaloir du droit au respect
de sa vie privée. Encore faut-il que la personne soit vivante : la Cour de cassation a ainsi af rmé,
dans un arrêt concernant l’ancien Président de la République François Mitterrand que « le droit
d’agir pour le respect de la vie privée s’éteint au décès de la personne concernée, seule titulaire de
ce droit » (Civ. 1re, 14 décembre1999, n° 97-15.756).

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Les béné ciaires de la protection ainsi déterminés, quel est l’objet de ce droit ?
Se pose régulièrement en jurisprudence la question de savoir quels sont les éléments relevant de
la vie privée et donc qui béné cient de la protection de l’article 9. Les décisions sont extrêmement
nombreuses (voir les références jurisprudentielles sous l’article 9 du code civil). Il ressort de la
jurisprudence que la notion de vie privée protégée par l’article 9 du code civil recouvre des
données tenant à la vie personnelle des individus : sa vie sentimentale ou amoureuse, son état de
santé, sa grossesse ou bien encore son adresse ....

Pourront donc constituer des atteintes à la vie privée : la révélation d’une grossesse ou d’une
maladie, une liaison ou une séparation etc....

La question de savoir si l’état de fortune des individus et les informations sur leur patrimoine
relèvent de la vie privée est plus discutée. La Cour de cassation considère que des révélations sur
la fortune d’une personne sont licites lorsqu’elles participent de l’information du public. Le public
doit être informé de l’actualité économique et sociale (par exemple : la publication de salaires dans
un contexte de plan social). Au-delà, « le salaire de celui qui n’est pas une personne publique et ne
jouit d’aucune notoriété particulière ressortit à sa vie privée » (Civ. 1re, 15 mai 2007, n°
06-18.448).

Comme le relève Grégoire Loiseau (Droits de la personnalité, Légipresse 2021, 57) : « La situation
patrimoniale de la personne fait partie des données situées à la périphérie de la vie privée. Il faut
entendre par là que, dans une représentation de la vie privée sous forme de cercles
concentriques, l'intensité de la protection varie entre le cœur de la vie privée, qui touche au plus
intime de la personne et présente par nature un caractère secret (mœurs, orientation sexuelle,
identité de genre, vie sentimentale, etc.), les conditions de vie con dentielles que chacun peut
avoir subjectivement intérêt à ne pas voir révéler (état de santé, maternité ou paternité, lieu du
domicile, etc.) et, au-delà, les bordures qui rassemblent des situations d'ordre personnel que
l'individu peut vouloir garder secrètes mais dont il dépend des circonstances qu'elles soient jugées
ou non divulgables (pratique d'une religion, revenus, situation nancière, etc.) ».
L’atteinte au respect dû à la vie privée peut donner lieu à deux sortes de sanctions civiles
énoncées au second alinéa de l’article 9 du Code, qui peuvent être appliquées cumulativement ou
séparément.

- Une réparation en argent : l’atteinte à la vie privée ouvre à celui qui la subit un droit à réparation
(dommages-intérêts).

- Mais aussi une sanction en nature : lorsque, en effet, l’atteinte n’a pas été consommée ou
qu’elle peut être effacée, en tout ou partie, la sanction la plus adéquate consiste à la prévenir ou
à la faire disparaître. A la demande de la victime, les juges peuvent ainsi prescrire, selon les
termes de l’article 9 alinéa 2, « toutes mesures, telles que séquestre, saisie ou autres, propres à
empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée ». Il pourra ainsi s’agir de la
saisie de l’ensemble d’une publication non encore parue ou de ses invendus si elle est déjà
parue. Il pourra aussi s’agir de la publication, le cas échéant dans le journal condamné, du
jugement de condamnation. (pour ces sanctions spéci ques, le texte ne vise que les atteintes
les plus graves qui touchent « à l’intimité de la vie privée »).

L’article 9 du code civil a par ailleurs été complété par des dispositions pénales (article 226-1 CP).
Il y aura notamment sanction pénale de l’atteinte à l’intimité de la vie privée en cas
d’enregistrement ou de captation, sans le consentement de leur auteur, de paroles prononcées à
titre privée ou con dentiel > l’article 226-1 du code pénal a été récemment modi é par la loi n°
2020-936 du 30 juillet 2020 qui a introduit une circonstance aggravante quand l'infraction est
commise par le conjoint, le concubin ou le partenaire de la victime.

II. La vie privée confrontée au droit à l’information

La liberté de la presse, composante de la liberté d’expression, est un grand principe : elle est une
des libertés fondamentales que le droit s’attache également à protéger. La liberté d’expression doit
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néanmoins respecter la vie privée des personnes. La Cour de cassation refuse d’opérer une
hiérarchie entre ces droits : elle retient que « le droit au respect de la vie privée, prévu par les
articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et
9 du code civil, et le droit à la liberté d'expression, régi par l'article 10 de la Convention, ont la
même valeur normative » et qu’ « il appartient au juge saisi de rechercher un équilibre entre ces
droits et, le cas échéant, de privilégier la solution la plus protectrice de l'intérêt le plus légitime
» (Civ. 1er 30 septembre 2015, n° 14-16.273 ; églt : Civ. 1er, 9 juill. 2003, n° 00-20.289).

Les juges doivent donc opérer une mise en balance entre le droit au respect de la vie privée d’un
côté et la liberté d’expression de l’autre.

Il est ainsi usuel que soient en même temps visés dans les décisions les articles 8 et 10 de la
Conv. EDH et l’article 9 du code civil.

La jurisprudence laisse toutefois apparaître un certain recul de la protection du droit au respect de


la vie privée.

C’est ainsi que la Cour de cassation estime depuis quelques années que la révélation de faits de
la vie privée peut être considérée comme licite si elle s’avère justi ée par les nécessités de
l’information, autrement dit par le besoin d’information du public. Il en ressort que des éléments de
la vie privée d’une personne peuvent être révélés.

D’abord, il n’y a pas faute à révéler des faits de la vie privée s’il y a consentement de la personne
concernée. Même chose si cet élément a déjà fait l’objet d’une divulgation antérieure. (Ex : Civ. 1,
3 avril 2002, 99-19.852 : la Cour de cassation relève que « la rupture du couple constituait, non
plus une révélation sur la vie privée, mais la relation de faits publics »).

Ensuite, ainsi qu’on l’a déjà précisé, un élément de la vie privée pourra être révélé pour satisfaire à
un légitime besoin d'information du public. Un élément de la vie privée peut être divulgué, malgré
l’absence de consentement de l’intéressé, s’il est en rapport suf samment étroit avec un sujet
d’intérêt général. Ex : un mariage ou une naissance dans une famille princière relève d’un débat
d’intérêt général. Concernant la famille princière de Monaco, la Cour de cassation avait pu
considérer que si la naissance d’un enfant né en mariage peut être révélée car il peut accéder au
trône, celle d’un enfant né hors mariage relève, elle, de la vie privée. Cette position n’est pas celle
de la Cour européenne des droits de l’homme. Par un arrêt rendu en grande chambre le 10
novembre 2015, la Cour EDH (Couderc et Hachette Filipacchi associés c/ France, n° 40454/07), à
propos de la publication relative à un enfant du Prince Albert de Monaco, conçu hors mariage, la
Cour EDH a sanctionné la France pour violation de l’article 10 de la Conv. EDH. Selon la Cour
EDH, la publication touchait certes au domaine de la vie privée du prince mais l’élément essentiel
de l’information (l’existence cachée d’un enfant) dépassait le cadre de la vie privée, compte tenu
du caractère héréditaire de ses fonctions de chef de l’État monégasque, contribuant ainsi à un
débat d’intérêt général.

Dans cette décision, la Cour de Strasbourg a précisé les critères ressortant de sa jurisprudence
pour procéder à la mise en balance des droits. Ainsi, pour procéder à la mise en balance des droits
en présence, il y a lieu de prendre en considération : « la contribution à un débat d’intérêt général,
la notoriété de la personne visée, l’objet du reportage, le comportement antérieur de la personne
concernée, le contenu, la forme et les répercussions de la publication, ainsi que, le cas échéant,
les circonstances de la prise des photographies » (§ 93). Plus précisément, concernant la
contribution à un débat d’intérêt général, la Cour EDH rappelle que l’information ne doit pas avoir
pour seul objet de « satisfaire la curiosité d’un certain lectorat » et que pour le véri er, « il faut
apprécier la totalité de la publication et rechercher si celle-ci, prise dans son ensemble et au
regard du contexte dans lequel elle s’inscrit se rapporte à une question d’intérêt général » (§ 102).

La Cour de cassation a adopté la méthode de résolution des con its entre le droit à la liberté
d’expression et le droit au respect de la vie privée de la Cour EDH ➣ lorsqu’elle contrôle la mise
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en balance de la vie privée et de la liberté d'expression réalisée par les juges du fond, la Cour de
cassation se réfère aux critères dégagés par la Cour EDH.

En particulier, la Cour de cassation véri era si les juges du fond ont bien recherché si les
informations relatives à la vie privée qui ont pu être révélées participaient ou non d'un débat
d'intérêt général.

Par la méthode de la « mise en balance des droits », on tranche entre deux droit fondamentaux
d’égale valeur normative. Or, il en ressort que, depuis quelques années, la vie privée des
personnes publiques, au nom du droit du public à être informé, est de moins en moins protégée.
Ainsi, a été censuré l’arrêt d’une cour d’appel qui ne s’était pas appliquée à rechercher, de façon
concrète, si le public avait un intérêt légitime à être informé du mariage religieux d'un membre
d'une monarchie héréditaire et du baptême de son ls. Il est rappelée que pour opérer une juste
conciliation entre la liberté d'expression et le respect dû à la vie privé, les juges du fond doivent
analyser chacun des critères xés par la jurisprudence de la Cour EDH (cf. CEDH, arrêt du 10
novembre 2015, Couderc et Hachette Filipacchi associés c. France [GC], n° 40454/07, § 93) (Civ.
1er, 21 mars 2018, n°16-28.741).

Autre exemple, il a pu être jugé que la révélation, dans un ouvrage, de l’homosexualité du


secrétaire général d’un parti politique relevait d’un débat d’intérêt général dans la mesure où
l’information était en lien avec l’évolution du parti qui à l’occasion de l’adoption de la loi ouvrant le
mariage aux personnes de même sexe avait montré des signes d’ouverture à l’égard des
homosexuels (Civ. 1er , 11 juillet 2018, n° 17-22.381). Concernant la révélation d’une relation
amoureuse entre deux anciens ministres, l'atteinte à la vie privée et à l'image a pu en revanche
être caractérisée car la publication litigieuse ne contenait aucun élément de nature à nourrir le
débat public (Civ. 1re, 11 mars 2020, n° 19-13.716).

En n, notons qu’il n’y aura pas atteinte au droit au respect de la vie privée si l’élément révélé
présente un caractère anodin. Ex : deux personnes connues qui sont en train de divorcer et qui
déjeunent dans un restaurant très fréquenté (Civ. 1er, 3 avril 2002, n° 99-19.852).

Si elle a ainsi fait reculer les frontières du droit au respect de la vie privée devant celles du droit à
l’information, la Cour de cassation a peut-être plus encore fait reculer les frontières du droit à
l’image de la personne.

Section 2 : Le droit à l’image

On envisagera là aussi la protection dont béné cie l’image (§1) puis son articulation avec le droit à
l’information (§ 2)

I. La protection de l’image

Lui aussi, sanctionné à l’origine sur le fondement de l’article 1382, c'est-à-dire de la responsabilité
civile, le droit à l’image est aujourd’hui rattaché par la jurisprudence à l’article 9 du Code civil.

C’est ainsi que la Cour de cassation a pu juger que « le seul constat de l’atteinte au droit de
chacun de s’opposer à la publication de son image [...] ouvre droit à réparation sur le fondement
de l’article 9 du Code civil » (Civ. 2ème, 30 juin 2004, n° 03-13.416).

La seule atteinte au droit à l’image, comme la seule atteinte au droit au respect de la vie privée,
ouvre droit à réparation sur le fondement de l’article 9 du Code.

Par ailleurs, la Cour de cassation retient que le respect dû à la vie privée et celui dû à l'image
constituent des droits distincts (Civ. 1er, 10 mai 2005, n°02-14.730).

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Il peut y avoir violation du droit à l’image et en même temps violation du droit au respect de la vie
privée : mais il peut y avoir atteinte à la vie privée sans violation du droit à l’image et, inversement,
il peut arriver qu’il y ait atteinte au droit à l’image sans violation du droit au respect de la vie privée.
Ainsi, en principe, toute personne a sur son image un droit exclusif et absolu et peut s’opposer à
sa xation, à sa reproduction ou à son utilisation sans autorisation préalable. Encore faut-il qu’elle
soir reconnaissable : il ne peut y avoir atteinte à l’image d’une personne que si on peut l’identi er
(Civ. 1er 21 mars 2006 n° 05-16.817).

II. L’image confrontée au droit à l’information

Depuis le début des années 2000, la Cour de cassation juge que le droit du public à l’information
autorise la publication d’images de personnes « impliquées dans un événement d’actualité », sans
qu’il soit utile de recueillir leur autorisation préalable.

Une décision est très révélatrice de cette tendance. A la suite de l’attentat survenu à la station du
RER Saint-Michel à Paris, une photographie avait été publiée par l’hebdomadaire Paris- Match,
représentant une victime de cet attentat (sans qu’elle ait autorisé la publication de cette image).
Celle-ci avait fait valoir une atteinte à son droit à l’image, en se fondant sur l’article 9 du Code civil.
La Cour de cassation a censuré l’arrêt d’appel qui avait admis une telle atteinte (Civ. 1er, 20 février
2001, n° 98-23.471). Elle le fait en se fondant en particulier sur l’article 10 de la Convention
européenne des droits de l’homme, qui garantit la liberté de l’information, et en énonçant, dans un
attendu de principe que: «la liberté de communication des informations autorise la publication
d'images des personnes impliquées dans un événement, sous la seule réserve du respect de la
dignité de la personne humaine ». La personne dont l’image avait été reproduite avait été
impliquée dans un événement d’actualité : la reproduction de son image était licite : le droit à
l’information l’emporte alors sur le droit à l’image.

De la même manière, dans une affaire où un acteur connu avait été victime d’un accident
cardiaque et pris en photo sur un brancard, la première chambre civile de la Cour de cassation a
jugé dans un arrêt du 16 mai 2006 (n° 04-10.359) qu’il n’y avait pas atteinte à son droit à l’image
car les photos avaient été prises dans un lieu public et qu’elles étaient en lien direct avec l’article
sans que rien ne porte atteinte à la dignité de la personne. Il est jugé que les photos comme le
texte relevaient du droit à l’information.
Par ailleurs, l’arrêt est intéressant en ce qu’il montre quand l’atteinte peut être caractérisée. En
effet, l’article comportait d’autres photos avec des membres de sa famille dans une scène de la vie
privée sans aucun lien avec l’évènement : là, l’atteinte au droit à l’image est retenue.

En outre, allant encore plus loin, la Cour de cassation, a jugé que la liberté de la presse permet
l’utilisation d’image de personne pour illustrer un débat sur un phénomène de société. C’est ce qui
ressort d’un arrêt de la deuxième chambre civile du 4 novembre 2004 (n° 03-15.397).

Un magazine avait publié, à titre d’illustration d’un article consacré aux accidents de la route, la
photographie d’un jeune homme inanimé. Celle-ci était assortie du sous-titre suivant : « Il faisait la
course en scooter. Il avait 16 ans. Les médecins ne pourront le réanimer ». La Cour d’appel avait
estimé que la nécessité de l’illustration ne pouvait être valablement invoquée dans un contexte qui
ne relatait pas un fait d’actualité mais un phénomène de société ; elle avait ajouté que la
publication de la photographie, sans précaution d’anonymat, d’une victime le visage maculé de
sang, inanimée, sur un brancard, portait atteinte à la dignité de la personne. Mais l’arrêt est
censuré (pour manque de base légale), la Cour de cassation jugeant que « le principe de la liberté
de la presse implique le libre choix des illustrations d’un débat général de phénomène de société
sous la seule réserve du respect de la dignité de la personne humaine ». Ainsi, le droit à l’image
cède non seulement quand il s’agit d’illustrer un événement d’actualité, mais également des «
phénomènes de société ».

Mais la liberté de la presse n’est pas absolue et peut aussi être limitée.

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Ainsi, si le droit à l’information l’emporte, c’est du moins, ce que précise la Cour de cassation dans
ces différents arrêts, « sous la seule réserve du respect de la dignité de la personne humaine ».

Que faut-il entendre par là ?

Une illustration a pu en être donnée dans un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour
de cassation le 20 décembre 2000 (98-13.875).

Était en cause la publication, par les hebdomadaires Paris Match et VSD, de la photographie du
corps du préfet Claude Érignac, gisant sur la chaussée, à la suite de son assassinat. La Cour de
cassation avait cette fois approuvé la Cour d’appel d’avoir jugé la publication illicite « dès lors que
cette image était attentatoire à la dignité de la personne humaine ». C’est reconnaître que si
l’implication dans un événement d’actualité et, par là même, le droit à l’information fait désormais,
en général, céder le droit à l’image de la personne, le droit à l’information doit lui- même céder
devant le respect de la dignité de la personne.

Il reste que la Cour de cassation retient une conception assez restrictive de la notion de dignité : la
posture de la personne ne suf t pas pour considérer la photographie indécente. Pour la Cour de
cassation, l’image ne porte pas atteinte à la dignité de la personne lorsqu’elle est dépourvue de
recherche de sensationnel et de toute indécence.

Que ressort-il de la jurisprudence sur cette question ? L’atteinte à la dignité peut résulter de la
représentation du corps blessé comme dans l’arrêt concernant le Préfet Érignac dans lequel il était
mentionné que « la photographie publiée représentait distinctement le corps et le visage du préfet
assassiné, gisant sur la chaussée d'une rue ». Motif repris récemment : l'atteinte manifeste à la
dignité a ainsi été retenue à propos de l’image d'un « corps nu gisant au sol et blessé » (TGI
Nanterre, réf., 8 oct. 2018, n° 18/2119).

A également été considérée comme « indécente » et portant « atteinte à la dignité humaine », une
photographie suggérant « la soumission imposée et la torture » de la personne représentée
(Affaire Ilan Halimi : Civ. 1er, 1er juillet 2010, n° 09-15.479).

A cette limite au droit à l’image qu’est la liberté de la presse, il faut en ajouter une seconde : le fait
que intimement liés à la vie de la personne, les droits de la personnalité s’effacent avec elle ➣ les
droits de la personnalité sont ceux de la personne vivante.
Ainsi, le droit au respect de la vie privée et le droit à l’image ne sont pas transmissibles aux
héritiers de la personne : ces héritiers ne peuvent plus défendre la vie privée ou l’image d’une
personne décédée.

La Cour de cassation a pu juger que « le droit d’agir pour le respect de la vie privée s’éteint au
décès de la personne concernée, seule titulaire de ce droit ». (Civ. 1er, 14 décembre 1999, préc).
Et elle a jugé de même pour le droit à l’image (Civ. 1er, 15 février 2005, n° 03-18.302).

C’est pourquoi, dans l’arrêt Érignac précité, les héritiers du préfet ne pouvaient pas faire valoir
d’atteinte au droit au respect de la vie privée du préfet, ni même d’atteinte à son image. Ils ont
tenté de faire valoir une atteinte à leur propre droit au respect de leur propre vie privée. Mais ce
n’est nalement pas le fondement qu’a retenu la Cour de cassation qui lui a préféré celui de la
dignité de la personne.

Ainsi, si le droit à l’image s’éteint avec la personne titulaire de ce droit, le respect de la dignité se
prolonge, quant à lui, au-delà de la mort. D’où l’intérêt du recours à la dignité dans cet arrêt.

Postérieurement, la Cour de cassation a retenu que les proches d'une personne peuvent
s'opposer à la reproduction de son image après son décès, dès lors qu'ils en éprouvent un
préjudice personnel en raison d'une atteinte à la mémoire ou au respect dû au mort (Civ. 1er, 1er

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juill. 2010, préc.). Pour écarter la violation invoquée de l'article 10 de la Convention européenne
des droits de l'homme, la Cour de cassation a repris à son compte les constatations des juges du
fond qui ont considéré que la photographie, contraire à la dignité humaine, constituait une atteinte
à la mémoire ou au respect dû au mort et dès lors à la vie privée des proches (Civ 1er , 1er juillet
2010, n° 09-15.479)

Pour conclure, lorsque l’image d’une personne est publiée, il faut véri er plusieurs choses :

-  La photographie a-t-elle été prise avec l’autorisation de la personne représentée : s’il y a 

autorisation, il ne peut y avoir atteinte au droit à l’image. 


-  La personne est-elle véritablement identi able ? si elle est de dos, ou si la photo est oue, de la
même manière, il ne peut y avoir atteinte au droit à l’image. 

Hors de ces hypothèses, en principe, la reproduction de l’image d’une personne est illicite, ce
qui expose l’auteur de la diffusion de l’image à des sanctions civiles (art. 9. al. 2) et pénales (art.
226-1 et s). Pour les sanctions pénales, il faut que l’image soit prise dans un lieu privé.

- Toutefois, le droit à l’image est mis en balance avec la liberté de la presse. La diffusion de
l’image d’une personne sans son autorisation est permise pour illustrer un événement d’actualité
et même un débat relatif à un phénomène de société. Il faut alors que l’image soit en relation
avec l’évènement considéré. Sans ce lien, on en revient au droit à l'image pur et simple : a ainsi
été censurée la cour d'appel qui n'avait pas jugé abusive la photo d'un enfant en costume
folklorique isolée de la manifestation au cours de laquelle elle avait été prise. (Civ. 1re, 12 déc.
2000 n° 98-21.311).

- En outre, ces droits de la personnalité ne concernent que les personnes vivantes.


- Reste la limite aux limites du droit à image ➣ la dignité. L’image ne doit pas porter atteinte à la
dignité de la personne représentée. Et une image contraire à la dignité humaine peut constituer
une atteinte à la mémoire ou au respect dû au mort et dès lors à la vie privée des 

proches. 


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Titre 2 : L’individualisation des personnes

L’état des personnes peut se dé nir comme l’ensemble des éléments qui concourent à identi er et
individualiser une personne dans la société. Les principaux éléments retenus qui différencient
chaque personne des autres sont la liation, le nom, le sexe, le domicile, la nationalité, le mariage.

À chacun de ses éléments de différenciation des personnes correspondent des incidences
pratiques. On envisagera d’abord la nationalité et le domicile (§1) puis le sexe et le nom (§ 2).

Chapitre 1 : la nationalité et le domicile

Section 1 : La nationalité

La nationalité se dé nit comme « l’appartenance juridique et politique d’une personne à la


population constitutive d’un État ». La Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948
proclame que « tout individu a droit à une nationalité ».

Elle permet d’obtenir les droits, les libertés et les devoirs qu’un État accorde à ses ressortissants.
Par exemple, l’entrée, le séjour et l’établissement des étrangers en France sont réglementés. Une
nationalité est attribuée à chacun, à la naissance, en fonction, selon les pays et les hypothèses,
de la nationalité de ses propres parents (c’est le droit du sang, ou jus sanguini) ou bien du lieu de
sa naissance (c’est le droit du sol, ou jus soli). Mais une nationalité peut aussi s’acquérir, par
exemple par le mariage ou la résidence en France.
La déchéance, la perte et le retrait permettent dans des conditions différentes de mettre n à la
nationalité. La n de la nationalité ne peut conduire à l’apatridie.

Section 2 : le domicile

Les enjeux attachés au domicile sont des enjeux essentiellement procéduraux. C’est en effet le
plus souvent à l’occasion d’une action en justice que l’on a besoin de savoir où une personne est
domiciliée. En effet, la compétence territoriale des tribunaux est très souvent déterminée par le
domicile des parties et en principe par le domicile du défendeur (art. 42 du Code de procédure
civile sur le fait que la compétence dépend du lieu où demeure le défendeur ; art. 43 al. 2 du Code
de procédure civile sur le fait que le lieu où demeure le défendeur est en principe celui de son
domicile).

Le domicile est dé ni par le Code civil à l’article 102 comme le lieu où la personne a son principal
établissement.Chaque personne a nécessairement un et un seul domicile (pour les besoins de
l’individualisation). Si une personne a plusieurs lieux de vie, la méthode du faisceau d’indices est
utilisée pour déterminer quel est le lieu qui constitue son domicile. Le domicile d’origine de la
personne est le domicile de ses parents. L’article 108-2 du Code civil dispose en effet que le
mineur non-émancipé est domicilié chez ses père et mère (article 108-2 du code civil). Par la suite,
ce domicile est susceptible d’être modi é. Toute personne est libre de rompre son attache
territoriale et d’en choisir une autre. Mais cette volonté de changement doit correspondre à une
réalité : le changement de domicile s’opère par le fait d’une habitation réelle dans un autre lieu,
joint à l’intention d’y xer son principal établissement (article 103 du code civil).

Chapitre 2 : Le sexe et le nom

Section 1 : le sexe de la personne

La prise en considération du sexe par le droit est ancienne. Pourtant, elle n’a pendant longtemps
appelé que peu de développement en droit des personnes, si ce n’est au sujet de la déclaration du
sexe de l’enfant, à sa naissance. Deux facteurs principaux, relativement récents, ont conduit à des
évolutions en la matière. L’importance des droits de l’homme, qui s’est traduite par l’égalité
af rmée des hommes et des femmes (§.1) et le développement de la science, qui a conduit à
appréhender la dif culté du changement de sexe (§. 2) mais aussi parfois de la détermination
même du sexe (c’est la question de l’intersexuation ou de l’intersexualité) (§. 3)
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I. L’égalité des sexes

Depuis 1804 (et principalement durant le XXe siècle), il y a une perte d’importance de la distinction
des hommes et des femmes, au nom de l’égalité.

Le mouvement d’égalité entre les sexes s’est manifesté en matière politique avec l’accès des
femmes au statut de citoyennes à part entière lorsque, en 1945, elles ont pu voter pour la première
fois. Cette dynamique s’est cristallisée dans le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946,
qui énonce que « la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de
l’homme ».
Ce mouvement en faveur de l’égalité des hommes et des femmes s’est naturellement manifesté
aussi en droit civil et surtout dans le droit de la famille (➣ égalité dans l’administration des
biens, dans les règles relatives à l’autorité parentale sur les enfants mineurs, égalité dans les
règles d’attribution du nom de famille, etc.)
L’égalité n’a pas pour autant conduit à la disparition de la distinction des sexes en droit.
On observe même que la distinction est désormais sollicitée au nom d’une nouvelle manière de
conquérir l’égalité ➣ l’exigence de parité.

A cette n, la loi constitutionnelle du 8 juillet 1999 relative à l’égalité entre les hommes et les
femmes a inséré un nouvel alinéa à l’article 3 de la Constitution, aux termes duquel « la loi favorise
l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives ».
Cette disposition a depuis été déplacée à l’article 1er et a élargi la parité au domaine des «
responsabilités professionnelles et sociales ».
Le sexe de la personne, qui était indifférent au droit pour ces matières est devenu un enjeu. C’est
le paradoxe de la technique de la discrimination positive: pour parvenir à une égalité effective,
on se trouve amené à prendre en considération une différence.
Après la question de l’égalité femme/homme, une autre question s’est posée aux juristes, celle du
changement de sexe.

II. Le changement de sexe

Longtemps la question du critère juridique du sexe ne s’est pas vraiment posée.


C’est avec la conscience de l’existence de phénomènes de discordance entre le sexe biologique,
qui lui-même se subdivise entre le sexe chromosomique et le sexe anatomique, et le sexe
psychologique que cette question a pris une importance inattendue.

En effet, il arrive que ces différents éléments (➣ sexe chromosomique, sexe anatomique et sexe
psychologique) ne concordent pas. C’est ce qui a été quali é de « syndrome transsexuel ».

Aujourd’hui ce terme est contesté. En 2022, dans son rapport « Orientation sexuelle, identité de
genre et intersexuation : de l'égalité à l'effectivité des droits », la Commission nationale
consultative des droits de l'homme (CNCDH) revenait sur cette question des quali catifs employés
et indiquait que certains termes, souvent empruntés au champ médical et utilisés par le passé,
comme celui de « transsexuel » pour désigner les personnes transidentitaires étaient désormais
récusés en raison de la stigmatisation qu'ils véhiculaient ou de leur inadéquation avec la réalité
qu'ils étaient censés décrire.

Initialement, la question de la modi cation de la mention du sexe à l’état civil s’est posée pour des
personnes ayant entamé une transition médicale.
Si la médecine ne peut intervenir sur le sexe chromosomique, il est en revanche possible d’obtenir
des changements très importants en matière anatomique, en recourant à des traitements
hormonaux et à des interventions chirurgicales. La médecine peut conférer à un individu
l’apparence de l’appartenance au sexe opposé au sien.

La personne transidentitaire dont l’apparence a été modi ée peut-elle obtenir à sa demande un


changement du sexe mentionné à son état civil ?

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Dans un premier temps, les juridictions françaises n’ont pas admis le changement de
sexe. Les fondements de la solution ont varié.

D’abord, les juridictions ont invoqué l’indisponibilité de l’état des personnes, c’est-à-dire le fait
que la volonté de la personne ne pourrait pas avoir de prise sur les éléments constitutifs de son
état. En application de ce « principe », dès lors que le changement d’apparence physique était le
résultat d’un choix délibéré, il ne pouvait conduire à un changement de l’état civil. L’argument avait
été critiqué dans la mesure où parler de choix délibéré en présence de ce que la communauté
médicale considérait alors être une pathologie semblait très discutable.
C’est pourquoi, ensuite, la Cour de cassation a préféré se fonder sur la dé nition du sexe. Elle a
décidé dans un premier temps que les éléments physiques étaient prépondérants dans la
détermination du sexe. Plus précisément elle a clairement laissé entendre que le sexe
chromosomique devait l’emporter sur toute autre considération : l’homme est celui qui porte des
chromosomes XY et la femme celle qui porte des chromosomes XX. C’est ce qu’il faut comprendre
lorsque dans un arrêt du 21 mai 1990, la Cour de cassation décide que « le transsexualisme,
même lorsqu’il est médicalement reconnu, ne peut s’analyser en un véritable changement de
sexe, le transsexuel, bien qu’ayant perdu certains caractères de son sexe d’origine, n’ayant pas
pour autant acquis ceux du sexe opposé ». Toutefois, moins de deux ans plus tard, cette position
devait être abandonnée.
C’est de la Cour EDH qu’est venu le changement. Une des personnes transidentitaires dont la
requête avait été rejetée par la Cour de cassation a saisi la Cour européenne sur le fondement en
particulier de l’article 8 de la Convention (➣ le droit au respect de sa vie privée). La demande
semblait vouée à l’échec. En effet, en 1986, le Royaume-Uni avait échappé à toute condamnation
alors que la Cour EDH avait été saisie pour qu’il soit jugé que son refus d’admettre un changement
d’état d’une personne transsexuelle était contraire à l’article 8 de la Convention (CEDH, 17 oct.
1986, Rees c/ Royaume-Uni : Série A, n° 106).
Pourtant, la France a été condamnée pour violation de l’article 8 dans l’arrêt B contre France du 25
mars 1992.

Cette décision est extrêmement intéressante. En effet, elle illustre la méthode de raisonnement de
la Cour EDH, très attachée aux faits. Si le Royaume-Uni n’avait pas été condamné c’est parce que
les références au sexe dans les papiers of ciels pouvaient être aisément modi ées, ce qui n’était
pas le cas en France. La France est donc condamnée pour violation de l’article 8 de la Convention.

➤ Comment cette condamnation allait-elle se traduire dans le droit français ? La Cour de


cassation a, à la première occasion, procédé à un revirement complet de sa jurisprudence,
par un arrêt d’Assemblée plénière du 11 décembre 1992. Dans cette décision, elle a admis le
changement de la mention du sexe sur les actes de l’état civil. Diverses conditions devaient
néanmoins être remplies : la mention du sexe dans l’état civil ne pouvait être modi ée qu’en
présence de certaines circonstances.

- Le syndrome transsexuel devait être reconnu par un expert médical désigné par le juge ;
- La conversion sexuelle devait être antérieure à la saisine du juge ;
- Le transsexuel devait avoir l’apparence et le comportement social du sexe qu’il revendique.

Postérieurement, certains juges du fond s’étaient éloignés de ces conditions. Certaines
personnes ont sollicité un changement de la mention du sexe à l’état civil tout en refusant de se
soumettre à une expertise judiciaire ou même sans subir « une réassignation sexuelle totale » :
c’est-à-dire une hormonothérapie accompagnée d’une ablation des organes génitaux avec une
reconstruction des organes sexuels. Des cours d’appel ont pu autoriser des changements de sexe
à l’état civil en se référant aux documents médicaux présentés mais sans exiger d’expertise. De
même, certaines juridictions avaient autorisé le changement de sexe sans qu’il y ait une
réassignation sexuelle totale (en se contentant de l’hormonothérapie sans qu’il y ait ablation des
organes génitaux, par exemple).

La Cour de cassation avait condamné ces solutions dans deux décisions de la 1re chambre civile
du 7 juin 2012 (Civ. 1re, 7 juin 2012, n° 11-22.490 et n° 10-26.947 ).

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Elle y rappelait les conditions exigées pour obtenir un changement de sexe à l’état civil :

- La réalité du syndrome transsexuel devait être établie.


- Le caractère irréversible de la transformation de son apparence était exigé. 


Cette position a par la suite été réaf rmée dans deux arrêts de la 1re chambre civile du 13 février
2013 (Civ. 1re , 13 févr. 2013, n° 11-14.515 et n° 12-11.900).

Cette position était discutable, notamment du fait de la « dépathologisation » du transsexualisme :


en France, le transsexualisme n’est plus une maladie psychiatrique depuis un décret du 8 février
2010. En 2019, l’OMS a déclassi é la transidentité de la catégorie des troubles mentaux et
psychiatriques.

Jusque récemment la question du changement de la mention du sexe à l’état civil ne trouvait de


réponse que dans la jurisprudence. Depuis quelques années, elle se trouve dans la loi.
La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a introduit
une nouvelle section dans le code civil, intitulée « De la modi cation de la mention du sexe à l'état
civil » qui précise les conditions de modi cation de la mention relative au sexe à l'état civil.

Ainsi, l'art. 61-5 du code civil dispose désormais que « toute personne majeure ou mineure
émancipée qui démontre par une réunion suf sante de faits que la mention relative à son
sexe dans les actes de l'état civil ne correspond pas à celui dans lequel elle se présente et
dans lequel elle est connue peut en obtenir la modi cation ».

Le texte précise les principaux faits à retenir :

- Se présenter publiquement et être connu de son entourage familial, amical, ou 



professionnel comme appartenant au sexe revendiqué.

- Avoir obtenu le changement de son prénom a n qu'il corresponde au sexe revendiqué 



(cela alors que la loi a également simpli é le changement de prénom : cf. article 60 du 

code civil).

- Par ailleurs, l'art. 61-6, al. 3, précise que « le fait de ne pas avoir subi des traitements 

médicaux, une opération chirurgicale ou une stérilisation ne peut motiver le refus de faire droit à
la demande ».

Le texte n’exige pas la réunion des trois éléments mentionnés à l’article 61-5 mais la preuve (par
tous moyens) des « principaux de ces faits ». 

La demande de modi cation de la mention du sexe doit être présentée au tribunal judiciaire Le
tribunal ordonne la modi cation de la mention relative au sexe ainsi que, le cas échéant, des
prénoms, dans les actes de l'état civil (article 61-6 al. 4). 


Les modi cations de sexe et de prénom sont portées en marge de l'acte de naissance de
l'intéressé (article 61-7).

L’apparence et la réputation (sorte de « possession d’état » du sexe opposé) suf sent désormais
pour obtenir un changement de sexe. Aucun traitement médical n’est même nécessaire.
Dans un arrêt du 6 avril 2017, A.P., G. et N. c. France (req. n° 79885/12), la Cour EDH a
condamné la France au regard du droit antérieur à la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016,
parce qu’en posant l'irréversibilité de la transformation de l'apparence comme préalable au
changement de sexe à l'état civil, il imposait, de fait, le recours à un traitement hormonal ou à une
intervention chirurgicale souvent synonyme de stérilité.

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Par ailleurs, l’article 61-5 du code civil vise « toute personne majeure ou mineure émancipée ». Un
mineur non émancipé ne peut donc obtenir la modi cation de la mention de son sexe à l’état civil.
Toutefois, la Cour d’appel de Chambéry dans une décision du 22 janvier 2022 l’a admis au titre
d’un contrôle de proportionnalité. En s’appuyant sur l'âge du mineur (17 ans et demi), la constance
dans sa démarche, le fait que son entourage le considère comme un garçon, qu'il a déjà changé
de prénom, et qu'il est accompagné dans sa démarche par ses parents, la cour d'appel a écarté
l'interdiction légale et considéré qu'il convenait d'admettre la recevabilité de la demande de
changement de sexe, au motif qu'un refus porterait une atteinte disproportionnée à sa vie privée, «
en l'obligeant à révéler son parcours personnel particulier notamment la mention de son genre
féminin qui sera portée sur ses diplômes sanctionnant la n de sa scolarité ».

Conséquences de la modi cation de la mention du sexe à l’état civil ?



Depuis 1992, le changement de la mention du sexe à l’état civil est possible. L’admission de ce
changement conduit à se poser un certain nombre de questions.

Concernant le mariage, se posent deux questions : celle du devenir du mariage passé, celle de la
possibilité d’un mariage à venir ?

Si la personne transidentitaire était mariée au moment de l’obtention du changement de


sexe, ce mariage deviendrait un mariage entre deux personnes du même sexe. Avant la loi du 17
mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, le sort de mariage
antérieur au changement de sexe d’un des époux suscitait des interrogations. Certains juges
avaient pourtant reconnu la survie du mariage malgré l’identité des sexes (not. CA Rennes du 16
octobre 2012). Depuis la loi du 17 mai 2013, il n’y a plus d’obstacle à la survie du mariage
antérieur si les époux souhaitent le maintenir.

Quant à la possibilité d’un mariage postérieurement au changement de sexe. Avant la loi


du 17 mai 2013, la Cour EDH avait admis dans un arrêt Goodwin c/ RU du 11 juillet 2002 que les
personnes transsexuelles ont la possibilité de se marier avec une personne de sexe opposé à leur
nouveau sexe. La Cour de cassation n’avait, elle, jamais eu à se prononcer directement sur cette
question. Aujourd’hui, il n’y a plus de dif culté, le mariage pouvant être « contracté par deux
personnes de sexe différent ou de même sexe » (article 143 du code civil).

La situation des enfants de la personne transidentitaire ne peut pas être modi ée du fait du
changement de sexe de leur auteur qui conserve à leur égard son sexe d’origine et donc sa qualité
de père ou de mère. Le changement de sexe n’a pas d’effet rétroactif ➣ « on n’est de son
nouveau sexe que pour l’avenir ». On dit que le jugement est constitutif d’état : il créé une
situation nouvelle (par opposition au jugement déclaratif d’état = qui est déclaratif d’un état
préexistant).
Autrement dit, la modi cation de la mention du sexe d’une personne à l’état civil ne remet pas en
cause la nature de la liation de son enfant. Ce dernier conserve légalement le père ou la mère
dont il est né (article 61-8).

Toutefois, le législateur n’a envisagé que le cas des enfants déjà nés quand leur parent change de
sexe à l’état civil. Quid, par exemple, de l’enfant qui naît d’un homme, qui n’a pas subi
d’intervention chirurgicale, mais qui est désormais une femme à l’état civil ? Des juges du fond ont
eu recours à la notion de « parent biologique » (CA de Montpellier, 14 novembre 2018).
Cette décision a été censurée par la Cour de cassation dans un arrêt de la première chambre
civile du 16 septembre 2020 ➣ la Cour de cassation retient qu’ « une personne transgenre
homme devenu femme qui, après la modi cation de la mention de son sexe dans les actes de
l'état civil, procrée avec son épouse au moyen de ses gamètes mâles, n'est pas privée du droit de
faire reconnaître un lien de liation biologique avec l'enfant, mais ne peut le faire qu'en ayant
recours aux modes d'établissement de la liation réservés au père ». Dans son arrêt rendu sur
renvoi après cassation le 9 février 2022, la cour d'appel de Toulouse a admis la possibilité d'établir
judiciairement la maternité.
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Par ailleurs, il convient de relever que la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique
ne contient pas de dispositions relatives à l'accès à l'assistance médicale à la procréation (AMP) et
à l'établissement de la liation des personnes transgenres.

En n, s'agissant des actes de l'état civil des conjoints et enfants, l'art. 61-7 prévoit que les
modi cations de prénoms corrélatives à une modi cation de sexe ne sont portées en marge
qu'avec leur consentement.

III. L’intersexualité ou intersexuation

L’article 57 du code civil prévoit que l’acte de naissance énonce notamment « le sexe » de l’enfant.
Or, il arrive que le sexe de l’enfant soit indéterminé à la naissance. On appelle ces enfants «
intersexes ». Dans la récente loi de bioéthique du 2 août 2021, on parle plus précisément d’enfants
présentant une variation du développement génital.
Selon le Conseil d’État, « les variations du développement génital renvoient à des situations
médicales congénitales caractérisées par un développement atypique du sexe chromosomique (ou
génétique), gonadique (c’est ‐‑à ‐‑dire des glandes sexuelles, testicules ou ovaires) ou anatomique
(soit le sexe morphologique visible). Les personnes nées avec de telles variations des
caractéristiques sexuées sont parfois quali ées d’"intersexes" ou "intersexuées" ». (Révision de la
loi bioéthique : Quelles options pour demain ?, Rapport au Premier ministre, 28 juin 2018, spec. p.
129).

Lorsque le sexe est indéterminé à la naissance, la médecine intervient – notamment par des
interventions chirurgicales – pour donner un sexe déterminé (masculin ou féminin) à l’enfant. En
effet, les of ciers d’état civil ne peuvent pas indiquer « sexe indéterminé » sur l’acte d’état civil. Il
était seulement possible de laisser un délai – maximum de deux ans – avec l'accord du procureur
de la République pour qu'aucune mention sur le sexe de l'enfant ne soit initialement inscrite dans
l'acte de naissance. Il s’agissait de permettre aux médecins de procéder aux traitements ou
interventions médicales pour donner à l’enfant un sexe déterminé.
Les personnes intersexes ont milité pour qu’on ne leur impose pas de sexe à la naissance et
notamment qu’on ne procède plus à des interventions de conformation sexuée sur des enfants.
Elles souhaitent pouvoir choisir leur sexe en toute connaissance de cause (notamment une fois la
puberté passée), voire ne pas choisir.

Ces demandes ont été en partie prises en compte par la toute récente loi de bioéthique.

D’abord, un alinéa a été ajouté à l'article 57 qui prévoit qu' « en cas d'impossibilité médicalement
constatée de déterminer le sexe de l'enfant au jour de l'établissement de l'acte de naissance, le
procureur de la République peut autoriser l'of cier d'état civil à ne pas faire gurer immédiatement
le sexe sur l'acte de naissance ». Cela ne répond pas à la revendication de la mention d’un sexe
neutre mais cela permet d'aménager un report de la déclaration relative à la mention du sexe.
L'inscription du sexe médicalement constaté devra cependant se faire « dans un délai qui ne peut
être supérieur à trois mois à compter du jour de la déclaration de naissance ».
Ensuite, un nouvel alinéa a été ajouté à l'article 99 du code civil qui régit la recti cation des actes
de l'état civil. Il prévoit que « la recti cation du sexe et, le cas échéant, des prénoms peut être
ordonnée à la demande de toute personne présentant une telle variation ou, si elle est mineure, à
la demande de ses représentants légaux, s'il est médicalement constaté que son sexe ne
correspond pas à celui gurant sur son acte de naissance ». Cette nouvelle disposition évite aux
personnes présentant une variation du développement génital d'engager la procédure judiciaire de
changement de sexe.
En n, un nouvel article L. 2131-6 a été introduit dans le code de la santé publique qui vise à
encadrer la prise en charge des enfants présentant une variation du développement génital. Ce
texte pose que l’« abstention thérapeutique » est une proposition thérapeutique possible en vertu
du « principe de proportionnalité ». Les membres d’une réunion de concertation pluridisciplinaire
devront établir s’il y a plus de béné ces à intervenir sur l’enfant qu’à ne pas le faire. Ce nouveau
texte insiste sur la recherche du consentement du mineur « s’il est apte à exprimer sa volonté »,
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sur la nécessité d’un « accompagnement psychosocial » de la famille et prévoit l’information de
l’existence d’associations spécialisées dans les variations du développement génital.

Par ailleurs, le mention du sexe neutre est toujours refusée ➣ assez récemment, un homme avait
revendiqué l’inscription « sexe neutre » à l’état civil. Le TGI de Tours dans une décision
du 20 aout 2015 avait fait droit à cette demande et ordonné la substitution de la mention « sexe
neutre » à celle de « sexe masculin ». La CA d’Orléans a par la suite in rmé cette décision. La
Cour de cassation, saisie d’un pourvoi, a quant à elle refusé d’admette la mention sexe neutre
dans un arrêt de la 1er chambre civile du 4 mai 2017 (16-17. 189). La raisonnement tenu est
intéressant (➣ notamment du point de vue des sources du droit).

Dans un premier temps, elle a précisé que la loi française ne permet pas de faire gurer dans les
actes de l’état civil, l’indication d’un sexe autre que masculin ou féminin ; et que si l’identité
sexuelle relève de la sphère protégée par l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de
l’Homme et des libertés fondamentales, la dualité des énonciations relatives au sexe dans les
actes de l’état civil poursuit un but légitime en ce qu’elle est nécessaire à l’organisation sociale et
juridique, dont elle constitue un élément fondateur ; la reconnaissance par le juge d’un « sexe
neutre » aurait des répercussions profondes sur les règles du droit français construites à partir de
la binarité des sexes et impliquerait de nombreuses modi cations législatives de coordination.
Dans un second temps, la Cour de cassation procède à un contrôle de conventionnalité in
concreto (contrôle qui vise à véri er si l’application de la loi qui in abstracto est conforme à la
Conv. EDH ne porte pas, in concreto, une atteinte disproportionnée au droits reconnus pas la
Convention). Et elle a considéré que l’atteinte au droit au respect de la vie privée n’était pas, en
l’espèce, disproportionnée.

Section 2 : le nom de la personne

L’identi cation de la personne est, à l’époque contemporaine, assurée par diverses méthodes.
Cette individualisation peut être assurée par des chiffres ou par des lettres.

Des chiffres : l’un des modes d’individualisation le plus courant, et le plus ef cace, est le numéro
d’INSEE, le numéro de sécurité sociale.

Des lettres : le nom. Ce nom de la personne est composé d’un nom de famille (§1 ) et d’un prénom
(§. 2)

I. Le nom de famille

Le nom n’est pas uniquement un mode d’identi cation, d’individualisation, de la personne. Il


permet aussi de la situer dans une lignée, de la rattacher à un groupe. Le nom a une forte
dimension familiale. Cette dimension familiale du nom se traduit dans ce que l’on appelait le nom
patronymique et que l’on quali e désormais de nom de famille.
Il importe de connaître les principes qui gouvernent l’attribution du nom de famille (A), avant de
s’intéresser aux caractères de ce nom (B).

A. L’attribution du nom de famille

L’attribution du nom de famille est liée au statut familial de l’enfant.

Lorsque l’enfant n’est rattaché juridiquement qu’à un seul de ses parents au moment de sa
naissance, la question ne pose pas de dif culté.

Si, par exemple, un enfant est né d’une relation hors mariage, et que sa liation n’est établie qu’à
l’égard de sa mère, car le père ne l’a pas reconnu, son nom de famille sera nécessairement le nom
de famille de sa mère (article 311-23 al. 1er du code civil).

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Si, par la suite, l’enfant est reconnu par l’autre parent, il conservera en principe son nom initial, à
moins que les parents ne fassent conjointement, pendant sa minorité, une déclaration pour que lui
soit attribué ou bien le nom de l’autre, ou bien les deux noms accolés, dans l'ordre choisi par eux
et dans la limite d'un nom de famille pour chacun d'eux (article 311-23 al. 2 du code civil).

En revanche, si l’enfant est rattaché à son père et à sa mère, soit parce que les parents sont
mariés, soit parce que le père de l’enfant l’a reconnu avant la naissance ou au moment de la
naissance, la situation n’est plus si simple.
Il n’est pas possible que les deux parents puissent transmettre leur nom à l’enfant. Ce qui serait
envisageable à la première génération (M. Dupont et Mme Durand aurait un enfant Albert Dupont
Durand) ne le serait plus à la deuxième génération.

Ex : Albert Dupont Durand et Alice Martin Germain qui seraient parents d’un petit René Dupont
Durand Martin Germain (et au-delà pour les générations suivantes) > il est donc indispensable de
faire un choix.

Traditionnellement, le choix qu’opérait le droit français était celui du patronyme, c’est-à-dire du


nom du père. Lorsque les deux parents étaient mariés ou que les deux parents avaient reconnu
l’enfant en même temps, le nom attribué à l’enfant était le nom du père.
Mais, on l’a vu, l’exigence d’égalité des sexes s’est de plus en plus imposée dans la société
contemporaine. Elle a conduit à l’adoption de la loi n 2002-304 du 4 mars 2002 relative au nom de
famille qui a entendu mettre n à la primauté masculine en matière de transmission du nom. La loi
du 4 mars 2002 a été modi ée par la loi n° 2003-516 du 18 juin 2003 et est entrée en vigueur le
1 janvier 2005. Les textes ont encore été modi és par l’ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005,
entrée en vigueur le 1er juillet 2006. Par la suite, la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le
mariage aux personnes de même sexe a encore retouché diverses mesures relatives au nom de
famille. La loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 a quant à elle précisé les règles applicables pour
l’attribution du nom de l’enfant en cas de reconnaissance conjointe par deux femmes. En n, la loi
n° 2022-301 du 2 mars 2022 relative au choix du nom issu de la liation a assoupli la pratique du
nom d’usage et prévu une nouvelle procédure simpli ée de changement de nom.
Ainsi, depuis le 1er janvier 2005, la liberté des parents s’exprime dans le choix du nom de famille
que portera leur enfant, mais l’égalité n’est pas encore totale.

La liberté des parents s’exprime, et c’est nouveau.


L’article 311-21 du code civil dispose en effet que « lorsque la liation d'un enfant est établie à
l'égard de ses deux parents au plus tard le jour de la déclaration de sa naissance ou par la suite
mais simultanément, ces derniers choisissent le nom de famille qui lui est dévolu : soit le nom du
père, soit le nom de la mère, soit leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi par eux dans la
limite d'un nom de famille pour chacun d'eux ».
Désormais, les parents sont donc libres d’attribuer à l’enfant soit le nom de l’un, soit le nom de
l’autre, soit les deux noms accolés (dans l’ordre qu’ils ont choisi et dans la limite d’un seul nom
pour chacun d’eux).

Pour éviter les noms composés trop longs, l’article 311-21 du code civil limite le choix des parents
à un seul nom pour chacun d’eux. Si les parents portent eux-mêmes un double nom et qu’ils
veulent attribuer à leur enfant leurs noms accolés, chacun d’entre eux doit choisir la partie de son
nom qu’il veut transmettre, à moins qu’ils ne décident de transmettre le double nom de l’un d’entre
eux.
La déclaration conjointe de choix de nom prévue à l'article 311-21 du code civil est faite par écrit.
Elle est annexée à l'acte de naissance de l'enfant pour lequel cette déclaration a été faite.
Quand le nom attribué est un double nom (les noms accolés dans l’ordre choisi par les parents),
une circulaire du 6 décembre 2004 indiquait qu’un double tiret (--) devait séparer les deux noms. Il
s’agissait de ne pas confondre des doubles noms avec les noms composés (noms composés
anciens ou à particules ou résultant de l’adjonction du nom de l'adoptant à celui de l'adopté
simple).

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Ex : Ledru-Rollin ou de la Rochefoucauld et qui sont, eux, indivisibles et donc intégralement
transmissibles comme un nom simple.

Ce système de double tiret avait été condamné par le Conseil d’État. Une circulaire du 25 octobre
2011 a supprimé l’utilisation du double tiret. En cas de double nom résultant de l’accolement des
deux noms de famille des parents, ces deux noms sont séparés par un espace. Et l’origine de
chaque vocable du nom sera mentionnée dans les actes d’état civil selon une présentation
spéci que.

Ex : nom de famille : Dupont Durant (première partie : Dupont ; seconde partie : Durant).

Lorsque le double nom est formé de plus de deux vocables, les mêmes règles s’appliquent pour
identi er et différencier les deux parties formant ce double nom (le nom « simple » et le nom «
composé »).

Ex: nom de famille : Ledru-Rollin Martin (première partie : Ledru-Rollin ; seconde partie : Martin).

La liberté de choix ne s’exprime toutefois, totalement, qu’à la naissance du premier enfant


commun. En effet, l’alinéa 3 de l’article 311-21 du code civil prévoit que lorsque les parents ont
exercé leur faculté de choix à l’égard de leur premier enfant commun, le nom choisi est dévolu à
tous les autres enfants communs.
L’ordonnance du 4 juillet 2005 a toutefois précisé que cette règle ne s’applique qu’aux enfants
dont les parents ont exercé la faculté de choisir le nom de leur enfant en vertu des nouvelles
règles. Autrement dit, si, par exemple, des parents mariés ont eu un premier enfant né avant le 1er
janvier 2005 qui, comme le voulait alors la règle, s'est vu attribuer le nom du père, ils peuvent
désormais, lors de la naissance de leur deuxième enfant, exercer la faculté de choix qu'ils
n'avaient pas pour le premier. En revanche, si un troisième enfant survient, il portera
obligatoirement le même nom que celui du deuxième enfant.

Si la liberté de choix est importante, le texte, adopté en 2002 pour parfaire l’égalité entre les sexes
n’a pourtant abouti qu’à une égalité limitée.
Ainsi, toute primauté masculine n’a pas disparu. C’est ce qui résulte encore de l’article 311-21
l’alinéa 1er du code civil : en l’absence de déclaration conjointe à l'of cier de l'état civil
mentionnant le choix du nom de l'enfant, celui-ci prend le nom de celui de ses parents à l'égard
duquel sa liation est établie en premier lieu et le nom de son père si sa liation est établie
simultanément à l'égard de l'un et de l'autre ».

- L’absence de choix des parents se résout donc, selon la tradition, en faveur du nom du père >
l’égalité entre les sexes n’est donc pas parfaite.

- Notons toutefois que, depuis la loi du 17 mai 2013, ouvrant le mariage aux couples de même
sexe, la solution diffère en cas de désaccord entre les parents sur le choix du nom. En ce cas,
l’enfant prend le nom des deux parents, dans la limite du premier nom de famille pour chacun
d'eux, accolés selon l'ordre alphabétique. Pour cela, il faut que l’un des parents ait pris la peine
de signaler l'existence de ce désaccord à l'of cier d'état civil (on trouve un modèle de
déclaration de désaccord sur le nom dans la circulaire du 29 mai 2013).

Il existe également des règles spéci ques en cas d’adoption.



L’adoptant transmet en principe son nom à l’adopté selon des modalités différentes selon qu’il y ait
adoption plénière ou adoption simple.

1. Dans l’hypothèse d’une adoption plénière (> l’adoption plénière entraîne une rupture avec la
famille par le sang) : l’adopté reçoit le nom de l’adoptant qui se substitue, en tant que nom de
famille, au nom des parents de naissance (art. 357 C. civ.).

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En cas d'adoption d'un enfant par un couple, les adoptants choisissent, par déclaration conjointe,
le nom de famille dévolu à l'enfant : soit le nom de l'un d'eux, soit leurs deux noms accolés dans
l'ordre choisi par eux, dans la limite d'un nom de famille pour chacun d'eux. En l'absence de
déclaration conjointe mentionnant le choix de nom de l'enfant, celui-ci prend le nom de l'adoptant
ou de chacun des deux adoptants, dans la limite du premier nom de famille pour chacun d'eux,
accolés selon l'ordre alphabétique.

2. Dans l’hypothèse d’une adoption simple (> en cas d’adoption simple, il n’y a pas de rupture avec
la famille d’origine et l’enfant se trouve rattaché à deux familles) : le nom de l’adoptant est ajouté à
celui de l’adopté (art. 363 C. civ.). Si l'adopté est âgé de plus de treize ans, il doit consentir à cette
adjonction.
En cas d'adoption par deux époux, partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou concubins, le
nom ajouté à celui de l'adopté est, à la demande des adoptants, celui de l'un d'eux, dans la limite
d'un nom. En cas de désaccord ou à défaut de choix, le nom conféré à l'adopté résulte de
l'adjonction en seconde position du premier nom des adoptants selon l'ordre alphabétique, au
premier nom de l'adopté.

Attention : l’article 357 et l’article 363 du code civil ont été successivement modi és par la loi du 21
février 2022 visant à reformer l’adoption et l'ordonnance du 5 octobre 2022 qui a restructuré la
partie du code civil relative à l'adoption.

Il existe aussi des règles spéci ques pour les enfants nés à l’étranger

L'article 311-21, alinéa 2, qui doit être combiné avec le nouvel article 311-24-1 du code civil (issu
de la loi du 18 novembre. 2016), prévoit que lorsqu'un enfant de nationalité française, pour lequel
l'article 311-21 du code civil est applicable, naît à l'étranger, la transcription de l'acte de naissance
doit retenir le nom de l'enfant gurant sur l'acte de naissance étranger mais que les parents
peuvent, au moment de la transcription, opter pour la loi française et déterminer le nom de l'enfant.

Il existe encore des règles spéci ques pour les enfants nés par AMP dans un couple de femmes.

La loi du 2 août 2021 a précisé les règles applicables pour l’attribution du nom de l’enfant en cas
de reconnaissance conjointe par deux femmes (article 342-12 du code civil) > il y a transposition
des règles régissant le nom de l’enfant en matière d’adoption plénière : les femmes désignées
dans la reconnaissance conjointe « choisissent le nom de famille qui est dévolu à l'enfant au plus
tard au moment de la déclaration de naissance : soit le nom de l'une d'elles, soit leurs deux noms
accolés dans l'ordre choisi par elles dans la limite d'un nom de famille pour chacune d'elles. En
l'absence de déclaration conjointe à l'of cier de l'état civil mentionnant le choix du nom de l'enfant,
celui-ci prend leurs deux noms, dans la limite du premier nom de famille de chacune d'elles,
accolés selon l'ordre alphabétique ».

B. Les caractères du nom de famille

1. Le nom de famille est obligatoire

Comme il sert à individualiser les personnes, il est indispensable que chacune d’elles en ait un. Il
est donc impératif que toute déclaration de naissance comporte un nom de famille et cela même
dans l’hypothèse où la liation de l’enfant concerné n’a été établie ni à l’égard de son père, ni à
l’égard de sa mère. L’article 57, alinéa 3, du code civil prévoit que « lorsque les parents de l’enfant
ne sont pas connus, l’of cier d’état civil choisit trois prénoms dont le dernier tient lieu de nom de
famille à l’enfant ».

2. Le nom de famille est imprescriptible

Le nom de famille qui a été attribué l’est en principe dé nitivement. Le nom est donc, en principe,
imprescriptible, c'est-à-dire qu’il ne pourrait pas être perdu par le non-usage, comme il ne pourrait
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pas, en principe, s’acquérir par l’usage, même prolongé (la prescription est le mécanisme de perte
ou d’acquisition d’un droit par l’écoulement du temps). Autrement dit, en matière de nom,
l’écoulement du temps serait sans effet.

Le juge est toutefois venu tempérer cette af rmation et ces principes doivent donc être nuancés.
D’abord, on considère que le nom ne se perd par le non-usage. Mais le juge apprécie si la
revendication d’un nom ancien qui, par hypothèse, n’est pas porté est pertinente. Une personne
peut donc, en principe, revendiquer le nom de ses ancêtres, qui ne lui a pas été transmis (par
exemple, du fait d’une erreur de l’of cier d’état civil) > il n’y a pas de perte du nom par le non-
usage. Toutefois, le juge doit apprécier s’il y a lieu d’accueillir cette revendication. Le temps joue
donc tout de même un rôle : un nom perdu depuis plusieurs siècles et qui n’a été porté que peu de
temps par les aïeuls ne pourra pas être utilement revendiqué (voir. Civ. 1re, 25 mai 1992 n°
90-13.613).
Ensuite, le nom ne s’acquiert pas en principe par le seul usage. Mais par exception, le juge admet
que l’on puisse se voir of ciellement reconnaître le droit de porter un nom qui a cours depuis
plusieurs générations dans sa famille. Là encore, on retrouve l’idée qu’il faut donner la primauté à
la stabilité, à la situation de fait (V. Civ. 1re, 30 sept. 2003, n° 01-03.219).

3. Le nom de famille est immuable

On ne peut en principe changer de nom de famille. En fait, ce principe connaît des tempéraments,
de natures assez différentes.
Parfois, il peut n’y avoir qu’une apparence de changement > c’est l’hypothèse du nom d’usage .

D’autres fois, il peut y avoir un véritable changement > c’est l’hypothèse du changement de nom.

a. Le nom d’usage

Un nom d’usage peut être ajouté au nom de famille. Ce nom d’usage peut même se substituer,
dans les relations sociales, au nom de famille > dans certaines hypothèses, une personne va ainsi
pouvoir faire usage du nom de famille d’une autre.

1. C’est le cas en particulier de l’épouse.

Le nom de famille de la femme mariée reste toujours le même ➣ ce que l’on appelle son « nom de
jeune lle » est son véritable nom.

Ce n’est qu’à titre d’usage qu’elle peut ajouter à son nom de famille le nom de son époux, ou
même remplacer son nom par le nom de son époux. Quant au mari, un usage admettait qu’il
puisse accoler le nom de son épouse au sien. Il ne semblait pas qu’il puisse seulement utiliser le
nom de son épouse.
Jusqu’à la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de même sexe, la règle d’origine
coutumière n’était pas directement posée par la loi. Désormais, l’article 225-1 du code civil précise
que « chacun des époux peut porter, à titre d’usage, le nom de l’autre époux, par substitution ou
par adjonction à son propre nom, dans l’ordre qu’il choisit ». La loi du 2 mars 2022 a ajouté « dans
la limite d'un nom de famille pour chacun d'eux ».

2. Le mariage n’est pas le seul cadre dans lequel puisse apparaître un nom d’usage.

Une loi du 23 décembre 1985 prévoyait à son article 43 que « toute personne majeure peut ajouter
à son nom, à titre d'usage, le nom de celui de ses parents qui ne lui a pas transmis le sien » et
qu’à « l'égard des enfants mineurs, cette faculté est mise en œuvre par les titulaires de l'exercice
de l'autorité parentale » > un enfant avait donc la possibilité d’adjoindre un nom à celui qui lui
aurait été transmis.
La loi n° 2022-301 du 2 mars 2022 relative au choix du nom issu de la liation a introduit les règles
relatives au nom d’usage dans le code civil dans un nouvel article 311-24-2 :
Toute personne majeure peut porter, à titre d'usage, l'un des noms prévus aux premier et dernier
alinéas de l'article 311-21.

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A l'égard des enfants mineurs, cette faculté est mise en œuvre par les deux parents exerçant
l'autorité parentale ou par le parent exerçant seul l'autorité parentale.
En outre, le parent qui n'a pas transmis son nom de famille peut adjoindre celui-ci, à titre d'usage,
au nom de l'enfant mineur. Cette adjonction se fait dans la limite du premier nom de famille de
chacun des parents. Il en informe préalablement et en temps utile l'autre parent exerçant l'autorité
parentale. Ce dernier peut, en cas de désaccord, saisir le juge aux affaires familiales, qui statue
selon ce qu'exige l'intérêt de l'enfant.

Dans tous les cas, si l'enfant est âgé de plus de treize ans, son consentement personnel est
requis.

3. Cas des personnes majeures.

Désormais toute personne majeure pourra porter à titre d’usage le nom de son parent qui ne lui a
pas transmis le sien (par substitution ou adjonction à son propre nom de famille).

4. Cas des personnes mineures.

- A l'égard des enfants mineurs, cette faculté est mise en œuvre par les deux parents exerçant
l'autorité parentale ou par le parent exerçant seul l'autorité parentale.

- Par ailleurs, le parent qui n'a pas transmis son nom de famille peut adjoindre celui-ci, à titre
d'usage, au nom de l'enfant mineur.

Cette adjonction se fait dans la limite du premier nom de famille de chacun des parents. Il en
informe préalablement et en temps utile l'autre parent exerçant l'autorité parentale. Ce dernier
peut, en cas de désaccord, saisir le juge aux affaires familiales, qui statue selon ce qu'exige
l'intérêt de l'enfant. Le but est de faciliter la vie des mères qui élèvent seules leur enfant qui s’est
vu attribué le nom de leur père à la naissance.

Dans tous les cas, si l'enfant est âgé de plus de treize ans, son consentement personnel est
requis.

En conséquence, l'article 43 de la loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985 relative à l'égalité des


époux dans les régimes matrimoniaux et des parents dans la gestion des biens des enfants
mineurs qui permettait d’ajouter à son nom, à titre d'usage, le nom de celui de ses parents qui ne
lui a pas transmis le sien a été abrogé (à compter du 1er juillet 2022).
Le trait essentiel de ce nom d’usage est qu’il n’est pas susceptible de transmission à ses
descendants. Il n’apparaît pas en marge de l’acte de l’état civil mais seulement sur des documents
administratifs comme la carte d’identité ou le permis de conduire, par exemple.

b. Le changement de nom de famille

On a déjà relevé que le nom de famille était susceptible d’évoluer lorsque la liation de l’enfant est
établie successivement à l’égard de l’un puis de l’autre parent. L’hypothèse est prévue à l’article
311-23 al. 2. Il n’est plus nécessaire de saisir le tribunal, le changement de nom s’effectue par une
déclaration conjointe des parents devant l’of cier d’état civil. Le consentement de l’enfant est exigé
s’il a plus de treize ans (article 311-23 al. 4).

En cas d’adoption ou au contraire de contestation de paternité, le changement de nature de la


liation va aussi, généralement, entraîner un changement de nom. En cas de requête en
modi cation de l’état de l’enfant, le tribunal peut, dans le même jugement, statuer sur cette
modi cation et le changement de nom de l’enfant (article 331 du code civil).

Dans ces hypothèses, les changements de nom ne sont que la conséquence d’un autre
changement de l’état.
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Mais il existe également des changements de nom qui s’opèrent à situation de fait constante. La
situation de la personne n’a pas changé (elle a toujours la même liation notamment). Et pourtant,
on va lui attribuer un autre nom que celui qui était jusqu’alors le sien. Cette possibilité de changer
de nom est vue avec une certaine mé ance par le droit.
Longtemps, le principe a été l’intangibilité du nom (c’est-à-dire, l’impossibilité de le modi er). Ce
principe a été posé dans un texte adopté sous la Révolution française > la loi du 6 fructidor an II
(23 août 1794). L’article 1er de cette loi dispose : « aucun citoyen ne peut porter de nom ni de
prénom autres que ceux exprimés dans son acte de naissance ». On peut justi er cette solution
par la dimension de police civile du nom (le nom permet d’identi er la personne dans l’intérêt du
groupe social).
Toutefois, ce principe a, par la suite, été relativisé. La loi du 11 germinal an XI (1er avril 1803) a
admis une procédure administrative de changement de nom pour des raisons graves comme la
consonance particulièrement ridicule du nom, les confusions déshonorantes ou le désir de relever
un nom familial menacé d’extinction. La loi n° 93-22 du 8 janvier 1993 est venue modi er la donne
en abrogeant la loi du 11 germinal an XI.

Aujourd’hui, une personne peut donc changer de nom, indépendamment d’un changement de
liation dans plusieurs hypothèses :

- si elle justi e d’un intérêt légitime,


- en vue de la francisation du nom porté,
- pour relever le nom d’un citoyen mort pour la France
- a n de porter un nom acquis à l’étranger
- en n, la loi du 2 mars 2022 a prévu une nouvelle procédure simpli ée pour changer de nom

1. Le changement de nom pour intérêt légitime



L’article 61 alinéa 1er du Code civil dispose que « toute personne qui justi e d'un intérêt légitime
peut demander à changer de nom ». Le texte précise également que « la demande de
changement de nom peut avoir pour objet d'éviter l'extinction du nom porté par un ascendant ou
un collatéral du demandeur jusqu'au quatrième degré ».
L’existence d’un intérêt légitime pourra encore être retenue en cas de nom ridicule ou odieux. Par
exemple, l’intérêt légitime sera retenu quand le nom porté est celui du père qui a été condamné
pour viol et agression sexuelle sur l’enfants (CE. 4 décembre 2009, n° 309004). L’existence d’un
intérêt légitime pourra aussi être retenue en cas de nom à consonance étrangère ou dif cile à
prononcer (CE, 29 septembre 2003, n° 244589).

La Cour EDH a, par ailleurs, dans un arrêt Henry Kismoun c/ France du 5 décembre 2013,
condamné la France parce que les autorités françaises n’avaient pas pris en considération
l’importance d’avoir un nom unique. Dans cette affaire, le requérant avait été déclaré à l’état civil
sous le nom de sa mère « Henry » puis avait été abandonné par celle-ci et il avait été recueilli par
son père nommé « Kismoun ». Ce dernier l’avait emmené vivre en Algérie avec son frère
également nommé Kismoun. Le requérant demandait donc le changement de son nom « Henry »
en « Kismoun » : nom sous lequel il avait été scolarisé, qu’il avait toujours porté, sous lequel il
s’était marié et qu’il avait donné à ses quatre enfants, avant que le ministère public n’ordonne la
recti cation de leur nom en Henry sur leurs actes de naissance. La Cour EDH a rappelé que le
nom, en tant qu'élément d'individualisation principal d'une personne au sein de la société,
appartient au noyau dur des considérations relatives au droit au respect de la vie privée et familiale
et qu’il est important pour une personne d'avoir un nom unique. L'aspect identitaire de la demande
de changement de nom doit être prise en compte, en mettant en balance, avec l'intérêt public en
jeu, l'intérêt primordial du requérant.

Prenant en compte cet aspect identitaire du port du nom, on peut relever que des motifs d'ordre
affectif peuvent, dans des circonstances exceptionnelles, caractériser l'intérêt légitime requis par
l'article 61 pour déroger aux principes de dévolution et de xité du nom établis par la loi (CE. 31

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janv. 2014, n° 362444 : est acceptée la substitution du nom de la mère au nom du père qui les
avaient abandonnés après le divorce).

Quelle est la procédure de changement de nom pour intérêt légitime ?

La demande de changement de nom est adressée au garde des Sceaux et doit être précédée
d’une publication au Journal of ciel. L’autorisation, ou le refus de changement de nom ne peut
intervenir que deux mois après la date de cette publication a n de permettre aux intéressés de
faire opposition devant le CE pendant ce délai. La décision est prise par décret du Garde des
Sceaux.
Le Conseil d’État a opéré un revirement de jurisprudence dans la décision du 31 janvier 2014 déjà
évoquée et décidé, en cas de rejet de la demande de changement par le Garde des Sceaux,
d’exercer un contrôle normal (et pas seulement restreint) > le Conseil d’État peut donc apprécier la
notion d’intérêt légitime.
Le décret portant changement de nom est publié au Journal of ciel, ce qui ouvre un nouveau délai
d’opposition de deux mois. Le Conseil d’État est compétent pour connaître des recours des tiers
contre le décret autorisant le changement de nom (article 61-1 du code civil) ➣ le changement de
nom prend effet à l’expiration du délai d’opposition ou après le rejet d’une éventuelle opposition.
Le changement de nom s’étend de plein droit aux enfants du béné ciaire âgé de moins de 13 ans
et, seulement avec leur consentement, aux enfants de plus de 13 ans (article 61-2 du code civil).

2. Le changement de nom pour francisation



Il existe encore une autre voie pour obtenir un changement de nom. Elle concerne spéci quement
la francisation des noms étrangers. Toute personne qui acquiert la nationalité française peut
demander la francisation de son nom (et de ses prénoms) lorsque leur apparence et leur
consonance étrangères sont susceptibles de gêner l’intégration dans la communauté française (loi
n° 72-964 du 25 octobre 1972, art. 1er). La francisation consiste dans la traduction en langue
française de ce nom ou dans la modi cation nécessaire pour lui faire perdre son caractère
étranger.

Dans cette hypothèse, le changement de nom présuppose un changement d’un autre élément de
l’état des personnes (la nationalité) mais il n’en est pas un effet direct (➣ le changement de nom
est nécessairement postérieur au changement de nationalité mais il n’est pas une conséquence
automatique du changement de nationalité).

3. Le changement de nom en vue de relever le nom d’un citoyen mort pour la France.

Une loi du 2 juillet 1923 perpétuant le nom des citoyens morts pour la Patrie a instauré la
procédure de relèvement du nom des citoyens morts pour la France. Quand le dernier
représentant d’une famille est mort à l’ennemi sans postérité, le plus proche successible, a le droit
de relever son nom en l’ajoutant au sien (ce droit appartient aux successibles jusqu’au sixième
degré, si le plus proche successible ne l’exerce pas). La demande doit être introduite par voie de
requête devant le tribunal judiciaire du lieu d’ouverture de la succession.

4. Le changement de nom en vue de porter un nom acquis à l’étranger



La loi du 18 novembre 2016 a introduit dans un nouvel article 61-3-1 du code civil, la possibilité
pour une personne qui s'est vu attribuer un nom dans un État étranger de « demander à l’of cier
de l’état civil dépositaire de son acte de naissance établi en France son changement de nom en
vue de porter le nom acquis dans cet autre État. [...]. Le changement de nom est consigné par
l'of cier de l'état civil dans le registre de l'état civil en cours. [...]. En cas de dif cultés, l'of cier de
l'état civil saisit le procureur de la République, qui peut s'opposer à la demande. En ce cas,
l'intéressé en est avisé. » (➣ ces dispositions ont été modi ées par la loi du 2 mars 2022).

Le changement de nom peut également être demandé directement au procureur de la République
du lieu de naissance de la personne, lequel peut ordonner lui-même le changement de nom.
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La loi du 18 novembre 2016 a innové en introduisant dans le code civil un changement de nom «
de droit » et en permettant que ce changement de nom relève de la compétence de l'of cier d'état
civil. Il s'agit ici moins d'un véritable changement de nom que du choix par la personne de vouloir
utiliser, et transmettre, son nom d'origine.

5. La procédure simpli ée de changement de nom



La loi du 2 mars 2022 (entrée en vigueur le 1er juillet 2022) a introduit une nouvelle procédure de
changement de nom en vue. L'article 61-3-1 du code civil est modi é :

Toute personne majeure peut demander à l'of cier de l'état civil de son lieu de résidence ou
dépositaire de son acte de naissance son changement de nom en vue de porter le nom de son
père, de sa mère ou les deux noms accolés:

- il peut donc y avoir ajout au nom de famille transmis du nom de l’autre parent (celui qui n’avait
pas transmis son nom).

- il peut aussi y avoir un changement au pro t du seul nom qui n’avait pas été transmis (par
exemple, le nom de la mère). L’intéressé n’a aucune justi cation à fournir à l’appui de sa
demande.

Sans préjudice de l'article 61, ce choix ne peut être fait qu'une seule fois.

Le changement de nom est consigné par l'of cier de l'état civil dans le registre de l'état civil en
cours, après con rmation par l'intéressé devant l'of cier de l'état civil, au plus tôt un mois après la
réception de la demande > un délai de ré exion est imposé.
Le changement de nom acquis dans les conditions xées au présent article s'étend de plein droit
aux enfants du béné ciaire lorsqu'ils ont moins de treize ans. Au-delà de cet âge, leur
consentement est requis.

II. Le prénom, accessoire du nom

Le nom de famille a non seulement une fonction d’identi cation mais aussi une fonction de
rattachement à un groupe. Pour sa part, la fonction principale du prénom est de distinguer un sujet
au sein du groupe familial auquel son nom le rattache.

On étudiera d’abord l’attribution du prénom (A) puis le changement de prénom (B).

A. L’attribution du prénom

En matière d’attribution du prénom, deux phases sont clairement à distinguer.



L’une au cours de laquelle le législateur a fait preuve d’une certaine rigueur en matière de choix du
prénom par les parents de l’enfant. La loi du 11 germinal an XI prévoyait en effet que ne pouvaient
être choisis comme prénoms que les noms en usage dans les différents calendriers ainsi que ceux
des personnages connus de l’histoire ancienne. L’of cier d’état civil avait pour mission de ne pas
en admettre d’autre.

En réalité, depuis le début du XXe siècle, cette limitation dans le choix du prénom était discutée.
Les of ciers d’état civil ont nalement été autorisés à accueillir des prénoms consacrés par l’usage
et relevant d’une tradition étrangère ou des prénoms conformes à une traditions locale (V.
L’instruction de la Chancellerie sur l’état civil, éd. de 1987)
Le législateur a tenu compte de cette évolution et la loi de l’an XI a été abrogée en 1993. Depuis,
l’article 57 alinéa 2 du Code civil ne pose plus de limite en matière de choix des prénoms. Le
principe est donc désormais la liberté, mais une liberté sous contrôle. L’alinéa suivant, l’alinéa 3 de
l’article 57, dispose en effet que, lorsque ces prénoms ou l'un deux, seul ou associé aux autres
prénoms ou au nom, lui paraissent contraires à l'intérêt de l'enfant ou au droit des tiers à voir
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protéger leur nom de famille, l'of cier de l'état civil en avise sans délai le procureur de la
République qui peut saisir le juge aux affaires familiales. Ce dernier peut ordonner la suppression
du prénom s’il n’est pas conforme à l'intérêt de l'enfant ou méconnaît le droit des tiers à voir
protéger leur nom de famille. Les parents sont alors invités à procéder à un autre choix conforme
aux intérêts en question. À défaut d’un tel choix, le juge attribue à l'enfant un autre prénom.
Le jurisprudence a dû se prononcer sur des choix de prénoms pouvant être considérés comme
contraires à l’intérêt de l’enfant. Le prénom de Mégane pour une petite lle dont le nom de famille
était Renaud qui avait tout d’abord été refusé a ensuite été admis. Le prénom de Zébulon a
également été admis après un premier refus.
En revanche, la Cour de cassation a estimé que les juges du fond avaient pu juger contraire à
l’intérêt de l’enfant le choix du prénom Titeuf (Civ. 1er 15 février 2012, n° 10-27. 512). La
motivation ici est intéressante. Pour la CA de Versailles (7 octobre 2010) : « Il s'agit d'un
personnage caricatural, bien que plutôt sympathique, destiné à faire rire le public en raison de sa
naïveté et des situations ridicules dans lesquelles il se retrouve. C'est donc à bon droit et par des
motifs exacts et pertinents que le premier juge a considéré que le prénom Titeuf n'est pas
conforme à l'intérêt de l'enfant au motif qu'il est de nature à attirer les moqueries tant de la part des
enfants que des adultes en raison de la grande popularité du personnage en France depuis
plusieurs années, et que l'association du prénom Titeuf au personnage de préadolescent naïf et
maladroit risque de constituer un réel handicap pour l'enfant devenu adolescent puis adulte, tant
dans ses relations personnelles que professionnelles ». Comme pour le nom pour des raisons de
police civile, le principe est la stabilité du prénom. Mais il est néanmoins possible d’en changer.

B. Le changement de prénom

Le changement de prénom n'est pas vu par le droit avec la même mé ance que le changement du
nom. La loi du 18 novembre 2016 a modi é l'article 60 du code civil relatif au changement de
prénom. Il peut s’agir de substituer un nouveau prénom, d'en ajouter, d’en supprimer ou d'en
modi er l'ordre s'il y a plusieurs. La demande n'est plus adressée au juge aux affaires familiales,
mais à l'of cier de l'état civil du lieu de résidence ou du lieu où l'acte de naissance a été dressé (al.
1er). Si la demande émane d'un mineur, elle est remise par son représentant légal, le
consentement personnel de l'enfant étant requis s'il a plus de treize ans (al. 2). En cas
d'acceptation, la décision de changement de prénom est inscrite sur le registre de l'état civil (al. 3).
Néanmoins, s'il estime que la demande ne revêt pas un intérêt légitime, notamment si elle apparaît
contraire à l'intérêt de l'enfant ou aux droits des tiers relatifs à la protection de leur nom de famille,
l'of cier de l'état civil en informe le demandeur et saisit sans délai le procureur de la République. Si
ce dernier s'oppose également au changement, le demandeur, ou son représentant légal, peut
saisir le juge aux affaires familiales (al. 4).
Par ailleurs, une circulaire du garde des Sceaux du 17 février 2017 est venue éclairer la loi du 18
novembre 2016 et a fourni un véritable mode d’emploi du changement de prénom pour les
services de l’état civil. A la lire, on comprend que les of ciers d’état civil devront procéder à un
contrôle similaire à celui antérieurement opéré par le juge.
La circulaire précise encore que l’appréciation de l’intérêt légitime au changement de prénom par
les of ciers d’état civil est effectuée in concreto et un panorama de la jurisprudence est proposé à
titre indicatif. Il est expressément rappelé que la demande ne peut intervenir pour des motifs de
pure convenance personnelle. Et pour le reste, un tableau présente les motifs traditionnellement
reconnus comme permettant de retenir l’existence d’un intérêt légitime tels que l’usage prolongé
d’un autre prénom que celui gurant à l’état civil, le souci de favoriser l’intégration par la
francisation du prénom ou bien encore la suppression d’un prénom jugé ridicule.
En outre, on a vu que la loi du 18 novembre 2016 offre la possibilité aux personnes transgenres
d’obtenir la modi cation de leur sexe à l’état civil et celle de leur prénom pour un de l’autre genre
(ou un prénom mixte).

Or, chronologiquement, les demandes de changement de prénom et de la mention du sexe


peuvent intervenir à des moments différents :

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- la demande de changement de prénom peut être accessoire d’une demande en modi cation de
la mention du sexe à l’état civil. En ce cas, la demande doit être portée devant le tribunal
judicaire.

- la demande de changement de prénom peut être faite avant la demande de modi cation de la
mention du sexe à l’état civil. En ce cas, elle sera portée devant l’of cier de l’état civil qui devra
apprécier l’existence d’un intérêt légitime.

Or, la circulaire du 17 février 2017 qui rappelle l’état de la jurisprudence sur cette question précise
que « caractérise un intérêt légitime au changement de prénom, la volonté de mettre en
adéquation son apparence physique avec son état civil en adoptant un nouveau prénom conforme
à son apparence, et ce, indépendamment de l’introduction d’une procédure de changement de
sexe ». En outre, on l’a vu, l’article 61-5 fait le lien entre changement de prénom et changement de
la mention du sexe à l’état civil.
En n, pour conclure, et pour insister sur le rôle d’identi cation du nom, on relèvera que l'article
61-4 prévoit que la mention des décisions de changement de prénoms et de nom est portée en
marge des actes de l'état civil de l'intéressé et, le cas échéant, de ceux de son conjoint, de son
partenaire lié par un pacte civil de solidarité et de ses enfants et plus particulièrement, que les
décisions de changement de prénoms et de nom régulièrement acquises à l'étranger sont portées
en marge des actes de l'état civil sur instructions du procureur de la République.
Par ailleurs, rappelons que par dérogation à l'article 61-4, les modi cations de prénoms
corrélatives à une décision de modi cation de genre ne sont portées en marge des actes de l'état
civil des conjoints et enfants qu'avec le consentement des intéressés ou de leurs représentants
légaux (article 61-7 du code civil).

Attention : cela vaut pour la modi cation corrélative à une décision de modi cation de sexe et non
si le changement de prénom est intervenu en application de l'article 60 du code civil. Il y donc dans
la mise en application des mentions en marge des différents actes d'état civil concernés par la
modi cation de prénoms de la personne transidentitaire, une incohérence entre les différents
textes, selon le moment où le changement de prénom est sollicité (avant toute procédure de
changement de la mention du sexe à l’état civil ou en même temps que cette procédure)

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Titre 3 : Les personnes protégées

Certaines personnes peuvent avoir leur capacité diminuée ; il s’agit des mineurs et des majeurs dont les facultés
mentales sont altérées. On envisagera donc la situation du mineur, puis celle des majeurs. Mais avant cela, il convient
de préciser ce que l’on entend par « incapacité ».

Introduction : la notion d’incapacité

La capacité est l’aptitude d’une personne à être sujet de droits et d’obligations. C’est donc l’aptitude à acquérir des droits
et à les exercer. La capacité est donc un attribut de la personnalité juridique. Tout être humain a la personnalité
juridique à compter de sa naissance. Et la personnalité juridique, précisément, c’est l’aptitude à être un sujet de droit,
l’aptitude à être titulaire de droits et d’obligations. Ces règles connaissent néanmoins des exceptions. Ainsi, la
personnalité juridique peut être restreinte par certaines incapacités.

Il existe différentes sortes d’incapacités. On distingue ces incapacités selon leur but, et selon leur objet. Ce qui amène
à la distinction des incapacités de protection et des incapacités de dé ance, d’une part, puis à la distinction des
incapacités de jouissance et des incapacités d’exercice, d’autre part.

Section 1 : La distinction des incapacités de protection et des incapacités de dé ance

I. Les incapacités de protection

Incapacités de protection : sont celles qui ont pour but de protéger certaines personnes qui sont présumées
incompétentes ou faibles et qui pourraient pour cette raison accomplir des actes qui leur seraient préjudiciables.


Cette présomption d’incompétence existe pour deux catégories de personnes :

- Les mineurs, qui sont présumés incompétents en raison de leur âge,


- Les personnes dont les facultés mentales sont altérées. La présomption d’incompétence résulte ici de l’état mental
de la personne.

D’autre fois, l’incapacité n’a pas cette fonction de protection. 


II. Les incapacités de dé ance

Incapacités de dé ance : les incapacités de dé ance n’ont pas pour but de protéger l’incapable mais de l’empêcher
d’agir à titre de sanction ou pour protéger les tiers qui pourraient contracter avec lui.

L’incapacité intervient parfois à titre de sanction. C’est le cas des interdictions qui sont prévues comme peine
complémentaire, notamment l’interdiction des droits civiques, civils et politiques (articles 131-26 et 131-29 du code
pénal). Mais le plus souvent, l’incapacité de dé ance sert plutôt à protéger les tiers qui pourraient contracter avec la
personne frappée d’incapacité. Ces incapacités sont notamment fondées sur le risque de captation ou de con its
d’intérêt. Ainsi, par exemple, certaines incapacités de jouissance empêchent un médecin de recevoir des libéralités
(dons ou legs) du malade qu’il a soigné au cours de sa dernière maladie (article 909 du code civil). Autre exemple, le
tuteur est incapable de recevoir une libéralité de son pupille tant que les comptes ne sont pas rendus et apurés (article
907 du code civil).

On doit remarquer que l’incapacité de dé ance est généralement une incapacité de jouissance. Ce qui nous amène à la
distinction des incapacités de jouissance et d’exercice.

Section 2 : La distinction des incapacités de jouissance et d’exercice

L’une concerne la possibilité d’être titulaire du droit, l’autre la possibilité de l’exercer.

I. Les incapacités de jouissance

Les incapacités de jouissance privent l’individu de certains droits ou de certaines activités juridiques. Elles sont assez
rares parce qu’elles ont graves. En effet, il s’agit de priver l’individu de la possibilité d’être titulaire d’un droit et pas
seulement de la possibilité de l’exercer. Même si elles sont graves, il peut être utile de recourir à ces incapacités de
jouissance. Par exemple, il est interdit à un mineur de 16 ans de tester (article 903 et suivant). Personne ne peut le faire
pour lui en le représentant. De même, un médecin qui prodigue des soins à une personne dont c’est la dernière maladie,
ne peut recevoir de dons ou de legs de cette personne (article 909 du code civil). C’est une incapacité de dé ance et de
jouissance.

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II. Les incapacités d’exercice

Lorsqu’une personne a la capacité de jouissance, une autre forme d’incapacité peut intervenir : l’incapacité d’exercice.
L’incapable est alors titulaire des droits, mais sans pouvoir les exercer librement. L’incapacité d’exercice peut être plus
ou moins profonde. Parfois, elle entraîne un transfert de pouvoir : il y a représentation. L’acte est matériellement fait
par une autre personne agissant au nom de l’incapable. C’est cette technique qui est utilisé dans les régimes de la
tutelle ou de l’administration légale. D’autre fois, le procédé utilisé est celui de l’assistance. L’acte est fait par
l’incapable, assisté d’une autre personne comme le curateur dans le régime de la curatelle. En n, il peut n’y avoir qu’un
contrôle a posteriori : l’acte est fait par l’incapable agissant seul mais peut, après coup, être réduit ou annulé par le
juge. La réduction pour excès peut notamment s’appliquer au majeur placé sous sauvegarde de justice.

Chapitre 1 : Les mineurs

L’article 388 al. 1 du code civil dispose que « le mineur est l’individu de l’un ou l’autre sexe qui n’a point encore dix-huit
ans accomplis ». Jusqu’à ses 18 ans, le mineur est frappé d’une incapacité générale d’exercice (article 1146 du code
civil). Mais on ne passe pas d’une incapacité à une totale capacité du jour au lendemain de ses 18 ans. La capacité
s’acquiert peu à peu. C’est pourquoi il faut d’abord étudier l’étendue de l’incapacité du mineur (section 1) puis voir
comment elle s’organise à partir de l’administration légale (section 2) et de la tutelle (section 3).

Remarque préalable : le code civil vise le juge des tutelles dans les textes mais la fonction de juge des tutelles a été
transférée au juge aux affaires familiales depuis la loi du 12 mai 2009.

Section 1 : L’étendue de l’incapacité

L’étendue de l’incapacité juridique dépend en partie de l’âge du mineur concerné. On peut constater qu’il y a différentes
étapes dans la minorité (§ 1). Par ailleurs, le mineur peut accéder à la pleine capacité avant sa majorité grâce à
l’émancipation (§ 2).

I. Les différentes étapes de la minorité

Il est évident que l’on ne peut pas traiter de la même manière le tout petit enfant de deux ou trois ans et le grand
adolescent presque majeur.

Le tout petit enfant, que l’on appelle aussi infans, qui n’a pas de discernement ne peut accomplir aucun acte
juridique. Traditionnellement, on considère que c’est l’enfant âgé de moins de sept ans.

Le mineur capable de discernement, en revanche, se voit reconnaître une certaine autonomie juridique. Ainsi
l’article 12 de la Convention de NewYork sur les droits de l’enfant prévoit que « les États garantissent à l’enfant qui est
capable de discernement le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, les opinions de
l’enfant étant dûment prise en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité ». Conformément à ce
principe, le mineur capable de discernement peut être entendu dans toute procédure le concernant (article 388-1 al. 1 du
code civil).

Quant au grand adolescent, il est admis qu’il peut avoir une certaine capacité juridique.

D’une part, le mineur est autorisé à accomplir seul certains actes : le mineur doit pouvoir réaliser seul les actes
de la vie civile que l’usage ou la loi autorise. L’article 1148 du code civil issu de l’ordonnance du 10 février 2016
réformant le droit des contrats dispose en ce sens que « toute personne incapable de contracter peut néanmoins
accomplir seule les actes courants autorisés par la loi ou l'usage, pourvu qu'ils soient conclus à des conditions normales
». Quant à l’article 388-1-1 du code civil introduit par l’ordonnance du 15 octobre 2015, il prévoit que « l'administrateur
légal représente le mineur dans tous les actes de la vie civile, sauf les cas dans lesquels la loi ou l'usage autorise les
mineurs à agir eux-mêmes ».

- Les actes autorisés par l’usage que le mineur peut accomplir seul : Il s’agit des « actes de la vie courante », c’est-à-
dire des actes d’importance modeste et qui ne sont par dangereux : achat de livres ou de jeux de faible valeur, de
fournitures scolaire etc. La notion était d’origine jurisprudentielle. Il a pu être jugé que l’achat d’un scooter n’est pas un
acte de la vie courante pour un mineur en raison de son coût en termes d’assurance obligatoire, des frais de
fonctionnement et des risques auxquels il expose la personne (CA Caen, 15 octobre 2015). L’article 1149 du code civil
issu de l’ordonnance du 10 février 2016 réformant le droit des contrats se réfère désormais expressément à la notion
« d’actes courants ». Il ressort de ce texte que ces actes passés par le mineur peuvent être annulés pour lésion. S’ils
ne le désavantagent, ils sont valables.

- Les actes autorisés par la loi que le mineur peut accomplir seul : ils sont nombreux [on ne peut les évoquer tous] et le
seuil d’âge de 16 ans est souvent retenu. Ainsi, dès 16 ans, le mineur peut disposer par testament « de la moitié des
biens dont la loi permet au majeur de disposer » (article 904 du code civil). Le mineur de 16 ans révolus peut être
autorisé par ses parents à accomplir seul les actes d'administration nécessaires à la création et à la gestion d'une
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entreprise individuelle à responsabilité limitée ou d'une société unipersonnelle (article 388-1-2 du code civil). De
même, tout mineur âgé de 16 ans peut librement participer à la constitution d’une association et être chargé de son
administration (article 43 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté).

Quelles sanctions ?


L’article 1149 du code civil prévoit que les actes courants accomplis par le mineur peuvent être annulés pour
simple lésion (la simple lésion permet la remise en cause, non seulement des contrats économiquement déséquilibrés
mais, plus généralement, de toutes les conventions qui nuisent au mineur) ➣ il résulte de la combinaison des article
1148 et 1149 du code civil que les actes courants accomplis par un mineur sont, en principe, valables malgré son
incapacité. Leur anéantissement ne sera possible qu'à condition qu'ils soient lésionnaires. Le fait de savoir s’il y a lésion
relève de l’appréciation souveraine des juges du fond.

L’article 1149 du code civil précise toutefois que la nullité n’est pas encourue si la lésion résulte d’un événement
imprévisible.

Quant aux actes que ni l’usage ni la loi n’autorise le mineur à accomplir, ils sont annulables même s’ils ne sont
pas lésionnaires (article 1147 du code civil) : il s’agit d’une nullité relative (➣ il existe un obstacle à la nullité pour le
cocontractant prévu à l’article 1151 du code civil : établir que l’acte était utile au mineur et exempt de lésion ou qu’il lui a
pro té ; le cocontractant peut encore obtenir du mineur la con rmation de l’acte accompli une fois ce dernier devenu
majeur).

Le régime de l’action en nullité des actes accomplis par le mineur seul (➣ actes courants lésionnaires et actes
que ni la loi ni l’usage n’autorise).L'action en nullité se prescrit par le délai de droit commun de cinq ans prévu à l’article
2224 du code civil, à compter du jour de la majorité ou de l’émancipation (article 1152 C. civ). La nullité d'un acte
accompli par un mineur peut être demandée par son représentant légal pendant toute la minorité. Et dans les cinq ans
de sa majorité, le mineur peut demander lui-même la nullité si celle-ci n'a pas été invoquée antérieurement par son
représentant légal.
L’article 1149 du code civil précise la simple déclaration de majorité faite par le mineur ne fait pas obstacle à l'annulation.
En outre, les actes accomplis par le mineur dans le cadre de son activité professionnelle ne peuvent être annulés.

En n, lorsque le contrat est annulé, le mineur ne restitue ce qu’il a perçu que dans la mesure de son enrichissement
(article 1352-4 du code civil) ➣ si le mineur a reçu des fonds ou emprunté des sommes, il ne doit les restituer que s’il les
a encore en sa possession.

D’autre part, le mineur peut accomplir seul des actes personnels [on ne peut les évoquer tous]. Le mineur peut
ainsi, reconnaître un enfant ou exercer, au nom de son enfant, une action en recherche de paternité qui est ouverte à la
mère même mineure (article 328 al. 1er du code civil).

En principe, ce sont les parents, titulaires de l’autorité parentale, qui prennent les décisions concernant la santé de leur
enfant (art. 371-1, al. 2 C. civ). Toutefois, pour certaines décisions médicales étroitement liées à sa personne, et s’il est
suf samment mature, il est souvent admis que le mineur est maître de son corps. Dans certains cas, l’accès du mineur
aux dispositifs de santé ne nécessite pas le consentement préalable du ou des titulaires de l’autorité parentale. Ainsi, par
exemple, le législateur a permis la prescription, la délivrance ou l’administration de contraceptifs aux personnes
mineures en dehors de toute intervention des parents (article L5134-1 du CSP). La loi permet également qu’une IVG
puisse être pratiquée sur une jeune lle mineure sans le consentement de ses parents et même sans qu’ils en soient
informés. La mineure doit simplement se faire « accompagner dans sa démarche par une personne majeure de son
choix ». Il faut tenter d’obtenir le consentement parental, mais si la mineure n’en veut pas, sa volonté l’emporte (article
L2212-7 CSP). Cette même autonomie juridique du mineur se retrouve pour les décisions médicales à prendre lorsque
le traitement ou l’intervention s’impose pour sauvegarder sa santé : le médecin doit chercher à obtenir que les parents
soient prévenus. Mais si le mineur maintient son refus, le médecin peut mettre en œuvre le traitement ou l’intervention.
Comme en matière d’IVG, le mineur se fait alors accompagner d’une personne majeure de son choix (article L. 1111-5
du CSP).
Toujours en ce qui concerne la santé du mineur, la loi attribue au mineur un certain nombre de droits indépendamment
de son âge. Les mineurs se sont vus reconnaître le droit de recevoir eux-mêmes l’information sur leur état de santé et de
participer à la prise de décision les concernant d’une manière adaptée à leur degré de maturité (article L. 1111-2 al. 5
CSP).
De façon générale, les soins, traitements, opérations, rendus nécessaires par l'état de l'enfant relèvent de l'autorité
parentale des père et mère. Mais on voit que par dérogation certains actes échappent à leur consentement.

II. L’émancipation

Il existe plusieurs causes d’émancipation. D’abord, le mineur est émancipé de plein droit par mariage (article 413-1 du
code civil). Pour cela, il doit béné cier d’une dispense d’âge accordé par le procureur de la République pour motifs
graves car, en principe, il n’est pas possible de se marier avant 18 ans (aussi bien pour l’homme que pour la femme). Le
motif grave généralement invoqué est la grossesse de la future épouse. En outre, conformément à l'article 148 du Code
civil, les mineurs ne peuvent pas se marier sans une autorisation parentale.

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L’émancipation peut aussi résulter d’une décision du juge des tutelles. Pour qu'une demande d'émancipation judiciaire
soit présentée, le mineur doit avoir atteint l'âge de 16 ans (article 413- 2 al 1) Le prononcé de l'émancipation est
conditionné par la recherche de « justes motifs » (article 413-2 al. 2). Les « justes motifs » sont assez rares pour des
jeunes âgés de 16 à 18 ans. Il y a peu de jurisprudence. On peut signaler une décision de la CA de Fort-de-France du 26
novembre 2010 qui a retenu la formation à l’étranger d’une adolescente comme un juste motif d’émancipation.
Pour apprécier la situation et se forger une opinion, le juge des tutelles procède à différentes auditions. L’article 413-2 du
code civil lui impose d'auditionner le mineur. Il s’agit pour le juge d’exercer un contrôle sur l’opportunité de
l’émancipation.
Les personnes habilitées à demander l’émancipation de l'enfant mineur appartiennent, en principe, à sa famille. Il s'agit
d'abord de ses père et mère et, à défaut, du conseil de famille (articles 413-3 et 413-3 du code civil). En revanche, le
législateur n'a pas souhaité que le mineur puisse présenter lui-même une demande en ce sens.
Le mineur émancipé a la pleine capacité civile. Il peut, comme un majeur, exercer tous les actes de la vie civile. Il peut
faire seul tous les actes concernant ses biens et il n’est plus protégé par les règles relatives à lésion prévues aux articles
1148 et 1149 du code civil. Toutefois, le législateur refuse d’assimiler le mineur émancipé à un majeur pour certaines
décisions jugées particulièrement graves. Ainsi, le mineur émancipé n’a pas la capacité civique : il n’a pas le droit de
vote. Il doit encore obtenir le consentement de ses parents pour pouvoir se marier ou se donner en adoption (article
413-6 du code civil). Par ailleurs, il ne peut pas contracter un PACS et le législateur n’a pas prévu de mécanisme de
dispense comme en matière de mariage.

Sauf en cas d’émancipation, le mineur de 18 ans est incapable. Pour remédier à l’incapacité juridique du mineur, la
technique de la représentation permet l’accomplissement des actes de la vie civile au nom et pour le compte du mineur.
L’enfant mineur est habituellement représenté par ses parents grâce au système de l’administration légale ; à défaut, il y
a instauration du système de la tutelle.

Section 2 : L’administration légale

Une ordonnance du 15 octobre 2015 a modi é le régime d’administration des biens des mineurs. L’ordonnance a
supprimé les anciens régimes d’administration légale sous contrôle judiciaire et d’administration légale pure et simple au
pro t d’un régime unique d’administration légale.
Cette suppression a entraîné une réorganisation des textes applicables. Ils sont presque tous transférés dans le chapitre
consacré à « l’autorité parentale relativement aux biens de l’enfant » aux articles 382 à 387-6 du Code civil. Ces
dispositions sont entrées en vigueur le 1er janvier 2016.

I. Un régime unique : l’administration légale

L’administration légale permet aux parents d’administrer les biens de leurs enfants mineurs et de béné cier des revenus
de ces biens. C’est un attribut de l’autorité parentale. Avant le 1er janvier 2016, l’administration était dite "pure et simple"
lorsque les deux parents exerçaient en commun l’autorité parentale. Elle était en revanche soumise au contrôle du juge
en cas de décès de l’un des parents ou si l’un d’eux se trouvait privé de l’autorité parentale ; elle l’était également en cas
d’exercice unilatéral de l’autorité parentale. Désormais, il n’existe plus qu’un seul régime : celui de l’administration légale.

A. Le dispositif

Il ressort de l’article 382 du code civil que si l’autorité parentale est exercée en commun par les deux parents, chacun
d’entre eux est administrateur légal. Dans les autres cas, l’administration légale appartient à celui des parents qui exerce
l’autorité parentale (c’est le cas lorsqu’un des parents est décédé ou bien encore si la liation n’est établie qu’à l’égard
d’un seul parent).

Par ailleurs, quand il existe une opposition d’intérêt entre le mineur et l'administrateur légal unique ou les deux
administrateurs légaux, un administrateur ad hoc (expression latine qui signi e « à cet effet ») doit être nommé par le
juge des tutelles (article 383 al. 1). Lorsque seuls les intérêts d’un des deux administrateurs légaux sont en opposition
avec ceux du mineur, le juge des tutelles peut autoriser l’autre administrateur légal à représenter l’enfant pour un ou
plusieurs actes déterminés (article 383 al. 2).

B. Le régime des actes dans l’administration légale

Les parents administrateurs légaux (ou le parent quand il est seul) sont là pour protéger leur enfant en ce qui concerne
la gestion de ses biens. Ils font la même chose pour sa personne dans le cadre de l’autorité parentale.
Le régime des actes passés par les administrateurs légaux diffère pour les actes d’administration et les actes de
disposition. En n, il existe des actes tout simplement interdits.

1. Les actes d’administration

Pour désigner ces actes le code civil utilise une périphrase : « les actes pour lesquels un tuteur n’aurait besoin d’aucune
autorisation ».

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En présence des deux parents, l’administration légale est en principe exercée en commun. Toutefois, a n de
sécuriser les opérations effectuées par les parents, chacun d’eux est réputé à l’égard des tiers avoir reçu de l’autre
parent le pouvoir de faire seul les actes d’administration portant sur les biens de ses enfants (article 382-1 du code civil).
Sont concernés les actes visés par le décret 2008-1484 du 22 décembre 2008 (lui-même visé à l’article 496 par renvoi
de l’article 382-1 du code civil).
Selon ce décret, les actes d’administration sont les « actes d’exploitation ou de mise en valeur du patrimoine de la
personne protégée dénuée de risque anormal ». Les actes d’administration sont ceux qui consistent à gérer le
patrimoine : louer un immeuble par exemple ou exercer une action en justice relative aux droits patrimoniaux du mineur.
Lorsqu’un seul parent exerce l’administration légale, il peut accomplir seul les actes d’administration.

2. Les actes de disposition

Les actes de disposition sont dé nis par le décret du 22 décembre 2008 comme « ceux qui engagent le patrimoine de la
personne protégée, pour le présent ou l’avenir, par une modi cation importante de son contenu, une dépréciation
signi cative de sa valeur en capital ou une altération durable des prérogatives de son titulaire ».
Sauf exceptions, les administrateurs légaux agissant en commun et l’administrateur exerçant seul l’autorité parentale
peuvent accomplir les actes de disposition sans solliciter l’autorisation du juge des tutelles. Ce que l’on peut maintenant
apprécier en identi ant les actes interdits ou soumis à autorisation.

3. Les actes interdits ou soumis à autorisation

- Les actes strictement interdits :

Certains actes sont interdits à l’administrateur légal même avec une autorisation. Ainsi, l’administrateur légal ne peut
aliéner gratuitement les biens du mineur ou exercer une profession libérale au nom du mineur (article 387-2 du code civil
➣ à lire dans le détail).

- Les actes soumis à autorisation



Certains actes de disposition particulièrement graves nécessitent l’autorisation du juge des tutelles. On en trouve la liste
à l’article 387-1 du code civil (➣ à lire dans le détail).
Ainsi, les administrateurs légaux doivent solliciter le juge pour vendre de gré à gré (vente négociée librement entre les
parties) ou apporter en société un immeuble ou un fonds de commerce appartenant au mineur, pour contracter un
emprunt en son nom ou pour renoncer à l’un de ses droits ou bien encore pour l’achat ou la location d’un bien du mineur
par l’administrateur légal.

Par ailleurs, en cas de désaccord entre les parents administrateurs légaux, le juge doit être saisi aux ns d’autorisation
de l’acte (article 387 du code civil).

A retenir : les parents peuvent accomplir seuls les actes d’administration et de disposition qui ne sont pas jugés trop
graves.

Pour les autres, il faut l’autorisation du juge des tutelles et les plus graves sont même interdits.

Il faut se référer aux textes.

II. La n de l’administration légale

Elle prend n :

- Dé nitivement par l’arrivée de l’enfant à sa majorité, par son émancipation ou par son décès.
- Par son remplacement par la tutelle. Par exemple, en cas de décès simultané des deux 

parents ou en cas de « cause grave » (article 391 al. 1). On vise ici une mauvaise gestion des biens et non un
comportement vis-à-vis de l’enfant.

III. Le droit de jouissance légale

Le droit de jouissance légale est attaché à l'administration légale. Il appartient soit aux parents en commun, soit à celui
d'entre eux qui a la charge de l'administration (article 386-1 du code civil)

Le droit de jouissance légale est une sorte d’usufruit universel qui s’exerce sur les biens personnels du mineur jusqu’à
ses 16 ans.
L’usufruit est un droit qui permet à son titulaire d’avoir l’usage et la jouissance d’une chose qui appartient à autrui (le nu-
propriétaire qui conserve le droit de disposer du bien).

Ici, le droit de jouissance légale permet aux parents de percevoir les fruits et revenus des biens appartenant au mineur.
Cet usufruit légal porte sur tous les biens du mineur, sauf ceux qu’il a pu acquérir par son travail et ceux qui lui sont
donnés ou légués sous la condition expresse que ses père et mère n’en jouiront pas.
Par ailleurs, l’ordonnance du 15 octobre 2015 a ajouté les biens reçus par le mineur au titre de l’indemnisation d’un
préjudice extrapatrimonial dont il a été victime. Ces exceptions sont prévues à l’article 386-4 du code civil.
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Cet usufruit légal présente des particularités par rapport à l’usufruit ordinaire en raison de son caractère familial. Dans la
mesure où le droit de jouissance légale est destiné, en principe, à permettre aux parents d’assumer leurs charges à
l’égard de l’enfant, ils sont tenus de consacrer une partie des revenus de l’enfant « à sa nourriture, son entretien et son
éducation, selon sa fortune » (article 386-3 du code civil).
La jouissance légale permet au parent de donner au mineur le niveau de vie correspondant à ses revenus. Par ailleurs,
ce droit permet au parent dont le conjoint est décédé en laissant des biens à son enfant de continuer de béné cier des
revenus de ceux-ci.

Ce droit est toutefois limité dans le temps. Il cesse lorsque l’enfant a 16 ans (article 386-2 du code civil). La loi veut que
l’on capitalise les revenus de l’enfant apparus peu avant sa majorité, a n de lui constituer un petit pécule qui lui évitera
d’entamer son capital au moment où il devient indépendant.

Section 3 : La tutelle

La tutelle s’ouvre normalement lorsque les deux parents de l’enfant sont décédés ou ont perdu l’autorité parentale ou
bien encore lorsque le juge des tutelles estime que l’administration légale ne protège pas suf samment les biens du
mineur. C’est une forme de représentation légale plus lourde que l’administration légale.

I. Les organes de la tutelle

La tutelle comprend plusieurs organes : certains de ces organes sont individuels, un autre est collégial.

A. Les organes individuels

1. Le tuteur

Le tuteur est l’organe d’exécution de la tutelle. Le code civil établit une hiérarchie entre les personnes qui peuvent être
nommées à cette fonction. Le tuteur peut d’abord être nommé par testament : il s’agit d’un tuteur testamentaire. Il ne
peut être désigné que par le dernier mourant des père et mère par testament ou acte notarié (article 403 du code civil).
La personne désignée peut refuser ou accepter la charge tutélaire. Ce genre de tutelle est, en pratique, rarement
utilisée.
A défaut de désignation ou en cas de refus de la personne choisie, le conseil de famille doit choisir un tuteur (article 404
du code civil). Il s’agit de rechercher qui est la personne la plus à même de s’occuper de l’enfant.

Le conseil de famille peut même décider de nommer plusieurs tuteurs en fonction des missions dévolues concernant
l’enfant : par exemple, il peut y avoir un tuteur à la personne et un tuteur aux biens (article 405 du code civil).
Si la tutelle demeure vacante (➣ aucun proche ou membre de la famille du mineur n’est en mesure d’en assumer la
charge), l’article 411 du code civil prévoit que la tutelle est déférée au service de l’aide sociale à l’enfance (ASE). En ce
cas, la tutelle ne comporte ni conseil de famille ni subrogé tuteur.

2. Le subrogé-tuteur

Le subrogé-tuteur a pour mission de surveiller le tuteur. Il peut également être son remplaçant s’il y a un con it d’intérêt
entre le tuteur et le pupille. Le subrogé tuteur est nommé par le conseil de famille parmi ses membres. Il est informé et
consulté avant tout acte important du tuteur. Il doit informer le juge des fautes qu’il constate dans la gestion tutélaire.

B. L’organe collégial : le conseil de famille

L’article 404 du code civil prévoit que le conseil de famille désigne un tuteur au mineur (sauf s’il y a un tuteur
testamentaire).

Il désigne également le subrogé tuteur qui doit si possible être choisi dans une autre branche de la famille que le tuteur
(article 409 du code civil).
La question majeure que soulève le conseil de famille est celle de sa composition qui peut être source de querelles
familiales. Il doit être composé d’au moins quatre personnes, tuteur et subrogé-tuteur compris.

Le conseil de famille peut être composé de membres de la famille de l’enfant mais aussi de toute personne « qui
manifeste un intérêt pour lui ». Il peut donc s’agir également de voisins ou amis.

II. Le fonctionnement de la tutelle

La tutelle fonctionne à partir d’une combinaison des pouvoirs d’initiative du tuteur et de mécanismes de contrôle :

-  Le conseil de famille règle les conditions générales de l'entretien et de l'éducation du mineur en ayant égard à la
volonté que les père et mère avaient pu exprimer (article 401 du code civil) ➣ il xe les grandes lignes concernant
l’éducation de l’enfant.
- Le tuteur qui exécute les directives prises à l’égard de l’enfant sous le contrôle du subrogé-tuteur et du conseil de
famille.

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Plus précisément sur les pouvoirs du tuteur :

Le tuteur doit prendre soin de la personne du mineur et il doit le représenter dans tous les actes de la vie civile (article
408 du code civil).

Il doit également, si aucun autre tuteur n’a été désigné à cet effet, gérer les biens de l’enfant. Les pouvoirs du tuteur
ressemblent à ceux de l’administrateur légal. On retrouve la même distinction entre actes d’administration et actes de
disposition. 

Mais le tuteur étant moins proche du pupille que ne le sont ses parents, son pouvoir d’initiative est moins étendu. Le
tuteur peut faire librement les actes d’administration (article 504 du code civil) : perception des fruits et revenus comme
des loyers, par exemple. En revanche, le tuteur ne peut faire d’actes de disposition sans y avoir été autorisé par le
conseil de famille ou, à défaut, par le juge des tutelles (article 505 al. 1 du code civil). En n, on retrouve des actes
interdits : le tuteur, même avec autorisation, ne peut faire un certain nombre d’actes comme l’aliénation gratuite des
biens de la personne protégée (comme une remise de dette) (article 509 du code civil).

Le tuteur est un administrateur des biens de son pupille. De ce fait, il doit rendre des comptes au cours de la tutelle
(article 510 et 511 du code civil) mais aussi à la n de la tutelle sur l’ensemble de sa gestion (article 514 du code civil).
La tutelle prend n à la majorité du pupille ou à son émancipation, ou à son décès, ou par jugement de mainlevée (article
393 du code civil).

Chapitre 2 : Les majeurs protégés

Toute personne physique majeure de 18 ans est capable, sauf si la loi dit le contraire (article 1145
du code civil). Il faut donc savoir quand la loi précisément dit le contraire. Elle le fait pour les
mineurs et les personnes dont les facultés personnelles sont altérées et qui ont fait l’objet d’une
mesure de protection (article 1146 du code civil). Les personnes aux facultés personnelles altérées
étaient autrefois appelées « les aliénés ». On disait qu’ils étaient des incapables. Depuis la loi du 3
janvier 1968, on parle de majeurs protégés.

En réalité, derrière cette appellation se cache une réalité très diverse, très bien décrite par Philippe
Malaurie : « Le peuple des majeurs protégés est nombreux et pitoyable : les fous, furieux ou
paisible (l’idiot du village), les dépressifs, les névrosés, les schizophrènes, les autistes, les
prodigues, les faibles d’esprit, les exaltés (de la procédure, de la science, de la politique, de la
religion), les fanatiques, les drogués, les alcooliques, les handicapés, (physiques ou mentaux), les
victimes d’accident (par exemple de la route) lorsqu’elles sont diminuées mentalement, les
grabataires, les comateux, et surtout, les vieillard, de plus en plus nombreux et âgés, affaiblis,
diminués ou complètement gâteux. Leurs facultés mentales peuvent être plus ou moins altérées,
de façon intermittente ou permanente, totale ou partielle. Il y a les riches et il y a les pauvres
n’ayant pour revenus que leurs retraites et les prestations sociales et pour dépenses que les frais
d’hébergement et de soins. Ceux qui sont entourés d’une famille aimante, ou d’une famille cupide,
ou d’une famille haineuse ou indifférente, ou, les plus nombreux, seuls au monde. Les uns sont
hospitalisés, plus ou moins, d’autres dans la rue ; les autres vivent chez eux, plus ou moins. Ceux
qui vivent dans une ville et ceux qui vivent à la campagne. Un monde hétérogène, sauf qu’il s’agit
toujours de personnes diminuées ».

Le législateur est intervenu à différentes reprise en ce domaine. Les rédacteurs du code civil
s’étaient uniquement préoccupés de la protection des biens des incapables majeurs. La loi du 3
janvier 1968 reposait sur trois régimes de protection organisant une protection graduée : la
sauvegarde de justice, la curatelle et la tutelle. Ces dispositions se sont au fur et à mesure
révélées insuf santes. C’est ainsi qu’est intervenue la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la
protection juridique des majeurs et qui a été complétée par un certain nombre de décrets
d’application.
Depuis la dernière grande réforme de 2007, d’autres modi cations sont intervenues. L’ordonnance
du 15 octobre 2015 a diversi é la protection des majeurs en créant l’habilitation familiale. La loi du
23 mars 2019 a également réformé le système. Une récente ordonnance du 11 mars 2020 est
encore intervenue pour clari er le régime des décisions médicales à l’égard des personnes
protégées.

Depuis la loi du 5 mars 2007, la protection des majeurs reste toutefois distribuée entre des règles
communes (section 1), et différents mesures de protection (section 2).
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Section 1 : Les règles communes de protection

Une personne peut parfois souffrir d’une atteinte passagère de ses facultés qui lui est préjudiciable
ou préjudiciable aux autres. Il existe certaines dispositions propres à régir ce type de situation (§
1). D’autres fois, la personne a besoin d’une protection continue. Il existe différentes mesures de
protection selon le degré de protection nécessaire. Pour autant, certaines règles communes
s’appliquent à tout majeur protégé (§ 2).

I. Les règles communes indépendantes d’une mesure de protection

D’abord, le code civil prévoit qu’un acte peut être annulé en raison de l’insanité d’esprit de son
auteur (A). Ensuite, le majeur souffrant d’une altération de ses facultés mentales et qui cause un
dommage à autrui n’en est pas moins tenu de le réparer (B).

A. L’annulation de l’acte pour insanité d’esprit de son auteur

L’article 414-1 du code civil dispose que « pour faire un acte valable, il faut être sain d’esprit » et
que « c’est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l’existence d’un trouble
mental au moment de l’acte » > cette règle s’applique indépendamment de l’existence d’un régime
de protection.
L’article 414-2 du code civil précise que l’action en nullité « s’éteint par le délai prévu à l’article
2224 du code civil ». Elle se prescrit donc au bout de 5 ans à partir du jour de l’acte et la
prescription est suspendue si l’intéressé démontre qu’il a été dans l’impossibilité d’agir (➣ cette
impossibilité d'agir peut résulter d'un trouble mental caractérisant l'insanité d'esprit ou encore de
l'existence d'une mesure de tutelle).
Sur ce point, il faut faire attention car le point de départ du délai n’est pas le même si la personne
est placée sous un régime de protection permanente. Selon l’article 1152 du code civil, la
prescription ne court, à l’égard des actes fait par un majeur protégé que « du jour où il en a eu
connaissance alors qu’il était en situation de les refaire valablement ».
Par ailleurs, contre les héritiers de la personne en tutelle ou en curatelle, le délai de prescription de
l'action en nullité d'un acte à titre gratuit pour insanité d'esprit ne court que du jour de son décès à
moins qu’il n’ait commencé à courir avant. La Cour de cassation a notamment pu considérer que
lorsque l’action en nullité est exercée par les héritiers à l’encontre d’un acte à titre gratuit accompli
par leur auteur, la prescription ne commence pas à courir avant le décès de ce dernier. Solution
encore rappelée dans une décision de la 1ère chambre civile du 8 mars 2017, n° 16-12.607.
Pour qu’un acte puisse être annulé pour insanité d’esprit de son auteur il faut distinguer selon que
l’action est intentée du vivant de l’intéressé ou après sa mort.

1. L’insanité d’esprit invoquée du vivant du majeur.

Lorsque l’action en nullité est introduite du vivant du majeur, elle n’appartient qu’à lui (article 414-2
al. 1). Elle pourra toutefois être introduite par la personne chargée de sa protection. Celui qui
demande la nullité devra prouver l’existence du trouble mental et cela au moment de la passation
de l’acte.
Le trouble peut être dû à la drogue, à l’alcool ou un trouble psychiatrique.
Il faut prouver que le trouble mental a existé au moment de la passation de l’acte, càd au moment
où il a été accompli. La jurisprudence admet une présomption résultant de ce que l’auteur de l’acte
était dans un état de démence peu avant et peu après l’acte envisagé et qu’il n’était donc pas
lucide au moment de cet acte là (Civ. 1ère 27 janvier 1987, 84-15.371).
L’acte accompli par un majeur protégé assisté par son curateur peut aussi être annulé pour
insanité d’esprit car il s’agit de sanctionner l’absence de consentement et non de capacité (Voir
pour une décision récente réaf rmant cette solution : Civ. 1ère 15 janvier 2020.18-26.683).

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2. L’insanité d’esprit invoquée après la mort du majeur.

La loi ne veut pas que les héritiers du majeur atteint d’une insanité d’esprit puissent librement
contester les actes que leur auteur avait faits de son vivant. Ainsi la loi prévoit un principe et des
tempéraments :

- Le principe : L’article 414-2 du code civil prévoit qu’après le décès de son auteur, la nullité d’un
de ses actes ne peut être demandée pour insanité d’esprit que si l’acte litigieux en porte la
preuve. C’est ce que l’on appelle la preuve intrinsèque. La preuve de l’insanité ne peut résulter
que de l’incohérence de l’acte. Il n’est pas possible d’utiliser des preuves extrinsèques
(extérieures à l’acte).

- Les tempéraments (article 414-2 2° et 3°):


- Le premier : La preuve de l’insanité d’esprit de l’auteur peut être rapportée librement si avant
son décès, l’auteur de l’acte avait été placé sous sauvegarde de justice ou si une action avait
été introduite pour demander sa mise en curatelle ou en tutelle ou aux ns d’habilitation
familiale ou si un mandat de protection future avait pris effet. La jurisprudence est assez
souple et il n’est pas nécessaire que la mise sous sauvegarde ou la demande de curatelle ou
de tutelle notamment ait été antérieure à l’acte. Il suf t qu’elle ait eu lieu avant le décès (voir
Civ 1ère 27 janvier 1987, 85-16.020). Il a même été jugé que l’exigence de la preuve
intrinsèque du trouble mental est écartée lorsque la procédure de mise sous protection a été
menée à son terme avant le décès, c'est-à-dire quand l'acte a été accompli alors que la
personne était placée sous un régime de protection des majeurs (Civ. 1 ère 27 juin 2018, n°
17- 20.428). ⚠ : il n’y pas une présomption d’insanité d’esprit attachée à la sauvegarde de
justice ou à la demande de tutelle ou de curatelle. La preuve du trouble mental doit encore
être faite mais elle est libre (on échappe à l’exigence de la preuve intrinsèque).

- Le second : pour les donations et les testaments, la preuve de l’insanité d’esprit de leur
auteur est libre après son décès. On peut prouver par des preuves extrinsèques. Cela
s’explique par la dé ance que le droit manifeste à l’égard des libéralités (article 414-2 alinéa
2). La mise en place d’un régime de protection ne suf t pas à démontrer l’existence d’un
trouble mental de l’auteur de l’acte (Civ. 1re, 14 mars 2018, n° 17-15.406 : il s’agissait
d’héritier demandant la nullité du testament rédigé par leur père alors que celui était placé
sous curatelle).

B. La responsabilité du majeur atteint d’un trouble mental

L’article 414-3 du code civil prévoit que « celui qui a causé un dommage à autrui alors qu’il était
sous l’empire d’un trouble mental n’en est pas moins obligé à réparation ».
Bien que la règle gure dans les dispositions relatives aux majeurs protégés, elle s’applique à
toute personne souffrant d’un trouble mental, même non protégée et même mineure. La Cour de
cassation a ainsi jugé dans un arrêt rendu par la première chambre civile le 20 juillet 1976 (n°
70-10.238) que « l’obligation de réparer prévue à l’article 489-2 [ancienne numérotation] concerne
tous ceux – majeurs ou mineurs – qui, sous l’empire d’un trouble mental, ont causé un dommage à
autrui ».
La dif culté principale est alors de savoir ce qu’il faut entendre par « être sous l’empire d’un trouble
mental » : la jurisprudence considère que c’est plus qu’une simple perte de connaissance (on
n’appliquera pas ce texte pour le dommage causé par une personne victime d’une crise cardiaque
et qui s’effondre sur une autre qu’elle blesse V. Civ. 2 ème, 4 févr. 1981, n° 9-11.243) mais que ce
n’est pas non plus nécessairement une perte complète de la raison.

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II. Les règles communes à tout majeur protégé

On doit d’abord observer qu’avec la loi du 3 janvier 1968, il s’agissait essentiellement de la


protection des biens de l’incapable. Cette protection étant graduée en fonction de son état. Avec la
loi de 2007, on assiste à un élargissement de la protection aux intérêts extra-patrimoniaux de la
personne. Un certain nombre de dispositions sont ainsi communes à toutes les mesures. Ensuite,
il importe de relever que la loi protège « toute personne dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses
intérêts en raison d'une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de
ses facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté « (article 425 al. 1).

La formule est large. Elle implique que le majeur doit être protégé quelle que soit la cause de son
inaptitude à exprimer sa volonté : que ce soit une maladie, une in rmité physique, une diminution
mentale, un affaiblissement dû à l’âge ou une altération des facultés corporelles. Pour le cas de
l’altération des facultés corporelles, il faut qu’elle empêche la personne d’exprimer sa volonté
(Cass. civ. 1 30 septembre 2009, n° 09 -10.127).

A partir de là, il faut avoir en tête que la personne est au cœur de la protection juridique mise en
place par la loi du 5 mars 2007.

L’article 415 alinéa 2 du code civil pose ainsi que « cette protection est instaurée et assurée dans
le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité de la personne ».
L’alinéa suivant de ce texte ajoute que la protection « a pour nalité l’intérêt de la personne
protégée. Elle favorise, dans la mesure du possible, l’autonomie de celle-ci ». Il convient de
reprendre ces deux principes af rmés dans la loi : le respect de la dignité de la personne (A)
d’abord, le maintien de son autonomie (B), ensuite.

A. Le respect de la dignité de la personne

Il est d’abord permis de se demander s’il était-il réellement indispensable de préciser que la
protection est instaurée et assurée dans le respect de la dignité de la personne ? Est-il imaginable
qu'il en soit autrement ? Le respect de la dignité de la personne ne doit-il pas être assuré à toute
personne (protégée ou non) ? D’ailleurs l’article 16 du code civil lui-même pose que la loi interdit
toute atteinte à la dignité de la personne humaine. L’af rmation faite au sein des dispositions
communes aux majeurs protégés est avant tout symbolique. Elle permet aussi de rappeler que le
respect des droits fondamentaux s'impose tout particulièrement à l'égard d'une personne
vulnérable. L’importance accordée au respect du majeur protégé ressort spéci quement de
certaines exigences posées par la loi.
D’abord, la loi de 2007 oblige le juge des tutelles, avant de prendre une mesure de protection,
d’appeler, sauf impossibilité médicale, le majeur pour qu’il soit entendu, accompagné s’il le veut,
d’un avocat ou, avec l’accord du juge, d’une autre personne (article 432 du code civil).
Ensuite, la loi de 2007 a soumis les mesures de protection judiciaires à trois principes
fondamentaux : la nécessité, la subsidiarité et la proportionnalité (article 428 du code civil).

Ainsi, la protection judiciaire d’un majeur ne peut intervenir :

- Que si l’altération des facultés le justi e. Cette altération doit avoir été médicalement 

établie (article 431) > nécessité

- Que si d’autres institutions moins contraignantes n’y parviennent pas > subsidiarité. 

L’article 428 du code civil tel que modi é par la loi du 23 mars 2019 redé nit la hiérarchie des
mesures qui peuvent être prises lorsqu’une personne ne peut plus subvenir seule à ses besoins
en raison d’une altération de ses facultés personnelles : la mesure de protection judiciaire
(sauvegarde de justice, curatelle, tutelle) est clairement subsidiaire à tout autre mode de
protection. Le mandat de protection future devient la première mesure envisagée, suivent
ensuite les règles de droit commun de la représentation, telles que la procuration, les
aménagements des régimes matrimoniaux ou une « autre mesure de protection moins
contraignante », à savoir l’habilitation familiale.
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- En n, l’importance de la protection dépend de l’étendue de l’altération. Elle est donc
individualisée et circonstanciée : ainsi « la curatelle n’est prononcée que si la sauvegarde de
justice ne peut assurer une protection suf sante » et la tutelle ne doit intervenir que si ni la
sauvegarde de justice ni la curatelle ne peuvent assurer une protection suf sante. Par ailleurs,
les mesures de protection juridique devront être révisées régulièrement a n que le juge puisse
s’assurer qu’elles sont encore adaptées > proportionnalité.

B. Le maintien de l’autonomie de la personne

La recherche du maintien de l’autonomie de la personne se manifeste à deux niveaux : par le


respect de sa volonté concernant sa personne et par des mesures concernant son cadre de vie et
ses comptes bancaires.

1. Le respect de la volonté de la personne

Même pour les mesures qui portent le plus gravement atteinte à l’intégrité de la personnalité
juridique (la tutelle et la curatelle) la loi de 2007 a prévu des mesures destinées à permettre autant
que possible à la personne d’exprimer sa volonté tout en réservant des actes pour lesquelles elle
ne peut jamais être représentée. Ces règles ont été aménagées par la loi du 23 mars 2019 et, pour
les décisions médicales et médico-sociales, par l’ordonnance du 11 mars 2020.

Le législateur a ainsi opéré une distinction entre « les actes strictement personnels » et « les
décisions relatives à la personne ».

Les actes strictement personnels relèvent exclusivement de la personne protégée et ne peuvent «


jamais donner lieu à assistance ou représentation », sauf loi contraire (article 458 al. 1). Ainsi, le
curateur, le tuteur ou le mandataire judiciaire ne peuvent se substituer au majeur pour un acte
intéressant la liation. Il peut s’agir d’un acte intéressant sa propre liation ou bien celle de son
enfant > article 458 al. 2 du code civil : « Sont réputés strictement personnels la déclaration de
naissance d'un enfant, sa reconnaissance, les actes de l'autorité parentale relatifs à la personne
d'un enfant, la déclaration du choix ou du changement du nom d'un enfant et le consentement
donné à sa propre adoption ou à celle de son enfant ».
Il y a ici un problème d’articulation des textes. En effet, depuis la réforme de l’adoption par la loi du
21 février 2022 et l'ordonnance du 5 octobre 2022 qui a restructuré la partie du code civil relative à
l'adoption, l’article 350 du code civil autorise le tribunal à « prononcer l'adoption, si elle est
conforme à l'intérêt de l'adopté, d'un mineur âgé de plus de treize ans ou d'un majeur protégé hors
d'état d'y consentir personnellement, après avoir recueilli l'avis d'un administrateur ad hoc ou de la
personne chargée d'une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne
».

En dehors de ce cas des actes strictement personnels, l’article 459 du code civil pose que la
personne protégée prend seule les décisions relatives à sa personne dans la mesure où son état
le permet (on peut parler d’actes « simplement personnels » pour les distinguer des « actes
strictement personnels »). L’autonomie personnelle dépend donc directement de la faculté pour le
majeur de prendre des décisions libres et éclairées. Quels sont les actes concernés par cette
sphère d’autonomie ? Le champ est vaste. On doit admettre que l’on doit y inclure les décisions
médicales, celles concernant son lieu de vie, sa vie privée, ses relations avec des tiers comme le
fait de vivre en concubinage (situations visées par l’article 459-2 du code civil). On doit ici relever
que la possibilité pour le majeur protégé de se marier ou de conclure un PaCS font l’objet de
dispositions spéci ques (on les étudiera plus tard).
Si l’état de la personne protégée ne lui permet pas de prendre des décisions concernant sa
personne, le juge (ou le conseil de famille s'il a été constitué) peut prévoir qu'elle béné ciera, pour
l'ensemble des actes relatifs à sa personne ou ceux d'entre eux qu'il énumère, de l'assistance de
la personne chargée de sa protection. Et si cette assistance ne suf t pas, le juge peut, après le
prononcé d'une habilitation familiale ou l'ouverture d'une mesure de tutelle, autoriser la personne
chargée de l'exécution de la mesure à représenter l'intéressé, y compris pour les actes ayant pour
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effet de porter gravement atteinte à son intégrité corporelle (décision médicales). Sauf urgence, en
cas de désaccord entre le majeur protégé et le tuteur, le juge autorise l'un ou l'autre à prendre la
décision, à leur demande ou d'of ce (article 459 al. 2).
L’article 459 du code civil précise encore que, sauf urgence, la personne chargée de la protection
du majeur ne peut, sans l'autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué, prendre
une décision ayant pour effet de porter gravement atteinte à l'intimité de la vie privée de la
personne protégée.

2. La protection du logement et des comptes bancaires.

a. Le logement.

La conservation du logement :

La loi a entendu protéger le majeur dont les facultés mentales sont altérées, en le maintenant dans
son cadre de vie. L’article 426 du code civil prévoit que quel que soit le mode de protection, son
logement et les meubles meublants dont il est garni doivent être conservés aussi longtemps que
possible. C’est la personne hospitalisée qui est surtout visée ici. Il faut qu’elle puisse rentrer chez
elle, une fois guérie. Mais la loi précise bien que cela ne vaut « que si cela est possible ». Il peut
être nécessaire de disposer des droits relatifs au mobilier ou au logement : par la vente ou la
résiliation du bail. L’acte doit alors être autorisé par le juge ou le conseil de famille (s’il a été
constitué ce qui n’est pas toujours le cas).

Le choix du logement :

L’article 459-2 du code civil prend soin de préciser que la personne protégée choisit le lieu de sa
résidence et qu’elle entretient librement des relations personnelles avec tout tiers parent ou non
(ce texte concerne la tutelle et la curatelle mais aussi l’habilitation familiale et le mandat de
protection future par renvois).

b. Les comptes bancaires.

Là aussi, il est apparu nécessaire de protéger les comptes bancaires de la personne protégée
pour préserver son autonomie. L’article 427 du code civil, modi é par la loi du 23 mars 2019,
prévoit que la personne chargée de la mesure de protection ne peut pas procéder à la clôture des
comptes ou livrets ouverts, avant le prononcé de la mesure, au nom de la personne protégée, ni
procéder à l'ouverture d'un autre compte ou livret auprès d'un nouvel établissement habilité à
recevoir des fonds du public.
Il faut que la personne puisse, là encore, garder ses repères familiers sauf l’autorisation du juge
des tutelles ou du conseil de famille si l’intérêt de la personne protégée l’exige.

Si la personne protégée n’avait pas de compte, la personne chargée de la mesure de protection lui
en ouvre un. Toutes les opérations bancaires effectuées au nom ou pour le compte de la personne
protégée devront ensuite être faites au moyen des comptes ouverts au nom de celle- ci.

Section 2 : Les différentes mesures de protection juridiques des majeurs

Le code civil présente d’abord la sauvegarde de justice puis ensemble la curatelle et la tutelle, puis
le mandat de protection future et en n l’habilitation familiale. Nous reprendrons cette présentation.

Avant cela, on relèvera que le juge des contentieux de la protection (JCP) exerce les fonctions de
juge des tutelles des majeurs et connaît notamment de la sauvegarde de justice, de la curatelle et
de la tutelle des majeurs (depuis le 1 ère janvier 2020) ➣ article L. 213-4-2 COJ.

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I. La sauvegarde de justice

La mise d’un majeur sous sauvegarde de justice a été une des innovations de la loi de 1968. Elle a
été peu modi ée en 2007. La sauvegarde de justice est une institution spéci que : la personne
n’est ni un incapable (comme l’est le majeur sous tutelle), ni un semi-incapable (comme l’est le
majeur sous curatelle). C’est selon la formule de Philippe Malaurie « un capable diminué ».

A. Les conditions de la sauvegarde de justice

Pour qu’il y ait mise sous sauvegarde de justice, il faut – comme pour l’ouverture d’une curatelle ou
d’une tutelle – une altération des facultés mentales ou corporelles qui empêche l’expression de la
volonté. Le choix de tel ou tel régime dépendra alors du besoin du majeur :

- S’il a besoin d’être protégé d’une manière temporaire : il suf t de le mettre sous sauvegarde
(article 433 du code civil)

- S’il a besoin d’être assisté de manière continue, il faut le mettre sous curatelle (article 440 al. 1
du code civil)

- Si sa famille peut le protéger, il faut ordonner une habilitation familiale (article 494-1 du code
civil)

- S’il a besoin d’être représenté d’une manière continue, il faut le mettre sous tutelle (article 440
al. 3).

La mise sous sauvegarde est soumise à des conditions d’exercice très simples. Le plus souvent,
elle résulte d’une simple déclaration faite par un médecin au procureur de la République qui
constate qu’une personne à laquelle il donne des soins a besoin d’être protégée dans les actes de
sa vie civile. Cela en raison de l’altération de ses facultés. Il faut tout de même l’avis conforme d’un
psychiatre si la déclaration émane du médecin traitant (à la différence du médecin d’un
établissement de santé). Le médecin devra noti er la décision au procureur de la République.

La mise sous sauvegarde peut aussi résulter de la décision du juge des tutelles (par exemple si
une procédure d’ouverture de curatelle ou de tutelle est pendante). Cela permet de protéger
immédiatement le majeur (article 433 et 434 du code civil).

La publicité de la mesure est faible : elle résulte d’une mention dans un registre spécial tenu au
parquet. Des extraits de ce registre ne peuvent être délivrés qu’aux proches parents et à certains
hommes de loi.

La sauvegarde doit être temporaire. Depuis la loi de 2007, la durée de la sauvegarde est limitée à
un an renouvelable une seule fois (article 439 al. 1 du code civil).

Ainsi, la sauvegarde peut s’achever soit par l’expiration du délai, soit par la restauration de la
pleine capacité du sauvegardé (exemple : nouvelle déclaration médicale), soit encore par
l’ouverture d’une mesure de tutelle ou de curatelle.

B. Les effets de la sauvegarde de justice

Les conditions de la mise sous sauvegarde de justice sont relativement simples parce que ses
effets sont en réalité assez limités.

Comme on l’a déjà précisé, la sauvegarde de justice ne constitue pas une véritable incapacité. Le
majeur sous sauvegarde de justice conserve l’exercice de ses droits. La protection n’a lieu
qu’après coup. L’article 435 alinéa 2 du code civil prévoit que ses actes peuvent être rescindés en

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cas de lésion (annulation de l’acte) ou réduits en cas d’excès (acte réduit avec la situation
pécuniaire de l’intéressé).
C’est une protection plus poussée que celle du majeur n’ayant fait l’objet d’aucune mesure
spéciale de protection, car elle n’est pas subordonnée à la démonstration de l’altération des
facultés au moment de l’acte. Et c’est une protection moins poussée que pour la personne sous
curatelle car l’acte n’est pas nul de droit (même pour les actes de disposition). Les actes peuvent
être rescindés pour cause de lésion ou réduits pour cause d’excès (article 435 al. 2).
L'action en rescision ou en réduction n'appartient qu'à la personne protégée et, après sa mort, à
ses héritiers. Elle s'éteint par le délai de cinq ans prévu à l'article 2224.
Par ailleurs, conformément au droit commun, le sauvegardé peut demander la nullité de l’acte
conclu sous l’empire d’un trouble mental (article 414-1). La preuve du trouble est libre. C’est à lui
de le démontrer.

Outre cette protection après coup, il est possible d’organiser un minimum de gestion du patrimoine
du sauvegardé. Cette gestion peut être d’origine conventionnelle, légale ou judiciaire (article 436 et
437 du code civil).
Lorsque l’altération des facultés personnelles est plus profonde, on ne peut se contenter de
protections qui n’interviennent qu’a posteriori ou à l’occasion d’actes particuliers. Il faut alors que la
loi organise une gestion d’ensemble du patrimoine de l’incapable. Cela passe par l’organisation
d’un régime de curatelle ou de tutelle.

II. La curatelle et la tutelle

Il existe des règles communes à la curatelle et à la tutelle (A). Après leur étude, il conviendra
d’étudier le régime propre à la curatelle (B) et à la tutelle (C).

A. Les règles communes à la curatelle et à la tutelle

On envisagera d’abord les règles générales de fonctionnement de la curatelle et de la tutelle (1),


puis les sanctions applicables aux actes passés par la personne protégée (2).

1. Les règles générales de fonctionnement de la curatelle et de la tutelle

C’est la loi qui précise quelles personnes peuvent demander l’ouverture d’une mesure de
protection judicaire. La personne qu’il faut protéger peut le demander elle-même. L’hypothèse est
rare en pratique.

L’article 430 pose ensuite que la demande peut venir :

- Du conjoint, du partenaire avec qui elle a conclu un PACS ou du concubin tant que la
communauté de vie n’a pas cessé entre eux

- Un parent ou allié
- Une personne entretenant avec le majeur des liens étroits et stables
- La personne qui exerce à son égard une mesure de protection juridique
- Le procureur de la République 


On l’a vu, en application du principe de subsidiarité, il n’y a pas lieu d’ouvrir une curatelle ou une
tutelle si les règles relatives au mariage ou au régime matrimonial permettent de pourvoir à la
protection du conjoint (article 428 du code civil).

Le curateur et le tuteur sont désignés par le juge. Ils peuvent même avoir été choisis par le majeur.
Il est également possible de nommer plusieurs curateurs ou tuteurs. Cette possibilité présente
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notamment un intérêt pour les parents d’un enfant handicapé. Jusqu’à la réforme, à la majorité cet
enfant ne pouvait avoir qu’un tuteur unique. Désormais, les deux parents peuvent continuer à
exercer en commun cette fonction (article 447 du code civil). Si le majeur a choisi son curateur ou
son tuteur, le juge doit en principe respecter ce choix sauf si « l’intérêt de la personne protégée
commande de l’écarter » (article 448 du code civil) .
A défaut, le juge n’est pas libre de désigner le curateur ou le tuteur qui lui paraît le plus apte. La loi
a établi une hiérarchie à l’article 449 du code civil :

- Le conjoint, le partenaire lié par un PaCS ou le concubin « à moins que la vie commune ait
cessé entre eux ou qu’une autre cause empêche de lui con er la mesure »

- A défaut, « un parent, allié ou une personne résidant avec le majeur protégé et entretenant avec
lui des liens étroits et stables »

- A défaut encore, le juge nomme un mandataire judiciaire à la protection des majeurs (article
450).

Un subrogé-curateur ou un subrogé-tuteur peut être nommé par le conseil de famille (➣ il n’y en a
pas dans la curatelle) ou à défaut par le juge des tutelles. Il a les mêmes 

obligations d’assistance et de surveillance et la même responsabilité que le subrogé-tuteur d’un
mineur (article 454 du code civil). Par ailleurs, comme pour les mineurs, un curateur ou un tuteur
ad hoc doit être nommé chaque fois qu’existe une opposition d’intérêts entre la personne protégée
et son curateur ou son tuteur (article 455).

Pour ouvrir une mesure de curatelle ou de tutelle, le juge doit se prononcer au vu d’un certi cat
dressé par un médecin choisi sur une liste établie par le procureur de la République, constatant
l’altération des facultés mentales.

Ces mesures doivent faire l’objet d’une publicité. Le jugement de curatelle ou de tutelle –
concernant l’ouverture, la modi cation ou la mainlevée – est opposable aux tiers deux mois après
avoir été inscrit en marge de l’acte de naissance de la personne protégée. Si ces mesures de
publicité ne sont pas respectées, les mesures de tutelle et de curatelle sont inopposables aux tiers,
sauf si ceux-ci en ont eu personnellement connaissance (article 444 du code civil). Voir : Civ. 1 9
novembre 2011, n° 10-14.375.

Par exemple : un majeur est mis en curatelle, puis se fait ouvrir un compte en banque et se fait
consentir un découvert sans l’assistance de son curateur. Selon que le jugement de mise en
curatelle a été ou non publié deux mois avant l’ouverture du crédit, la banque pourra ou non se
faire rembourser.

Le juge ne pourra xer la mesure de tutelle ou de curatelle que pour une durée maximale de cinq
ans (article 441). Cette durée peut être portée à une durée plus longue ne pouvant excéder dix ans
par une décision spécialement motivée du juge prononçant la mesure de tutelle et sur avis
conforme d'un médecin habilité qui constate que l’état de la personne n’est pas susceptible
d’amélioration.

Le juge a le pouvoir de la renouveler pour une durée identique ou même plus longue mais qui ne
peut excéder 20 ans si c’est justi é notamment par l’absence d’amélioration prévisible de l’état de
la personne protégée (article 442).

La curatelle ou la tutelle cessent si les causes qui les justi aient disparaissent ou par la mort de la
personne protégée. Elles cessent également à l’expiration du délai xé (article 443 al. 1). En n, on
le sait, la curatelle peut se transformer en tutelle et inversement une tutelle peut se transformer
une curatelle. Le juge des tutelles doit alors constater l’aggravation de l’état de l’intéressé ou son
amélioration. Il doit toujours se référer à un certi cat médical et avoir entendu la personne
protégée ainsi que le tuteur ou le curateur.
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2. La sanction des actes passés par la personne protégée

Le régime applicable à la nullité des actes est identique quel que soit le régime de protection. Il
faut distinguer les actes conclus avant et après la publication du jugement d’ouverture de la
mesure de protection.

a. Les actes conclus avant la publication du jugement d’ouverture de la mesure de


protection

L’article 464 du code civil prévoit que les actes accomplis par la personne protégée moins de deux
ans avant la publicité de la mesure pourront être maintenus mais les obligations en résultant
réduites sur la preuve que l’altération des facultés personnelles de la personne à défendre ses
intérêts était notoire ou connue du cocontractant à l’époque où les actes ont été passés.
Ces actes pourront également être annulés, mais il faudra justi er l’existence d’un préjudice subi
par la personne protégée. L’action devra dans tous les cas être introduite dans les cinq ans de la
date du jugement d’ouverture de la mesure.

b. Les actes conclus après la publication du jugement d’ouverture de la mesure de


protection.

Pour ces actes l’article 465 du code civil envisage différentes hypothèses :

- Si l’acte aurait pu être fait sans assistance ni représentation [il s’agit surtout des actes de la vie
courante] : il peut être rescindé pour lésion ou réduit pour excès, comme s’il y avait eu
sauvegarde de justice, sauf s’il avait été autorisé par le juge ou le conseil de famille.

- Si la personne a accompli un acte pour lequel elle aurait dû être assisté [cela concerne
essentiellement la curatelle], « l’acte ne peut être annulé que s’il est établi que la personne
protégée a subi un préjudice ».

- Si la personne a accompli un acte pour lequel elle aurait dû être représenté [cela concerne
essentiellement la tutelle], « l’acte est nul de plein droit, sans qu’il soit nécessaire de justi er
d’un préjudice » ;

- Si le tuteur ou le curateur a accompli un acte qui aurait dû être fait par la personne protégée
avec son assistance ou qui ne pouvait être accompli qu’avec l’autorisation du juge ou du conseil
de famille, « l’acte est également nul, de plein droit sans qu’il soit nécessaire de justi er d’un
préjudice ».

- Dans tous ces cas, l’action s’éteint par le délai de cinq ans prévu à l’article 2224 du code civil. 


S’agissant du point de départ du délai de prescription, l’article 1152 du code civil pose que la
prescription ne court, à l’égard des actes fait par un majeur protégé que « du jour où il en a eu
connaissance alors qu’il était en situation de les refaire valablement ». Autrement dit pour que le
délai de la prescription coure il faut non seulement que le majeur ne soit plus sous tutelle ou
curatelle mais encore qu'il ait eu connaissance de l'acte.

En outre, l’article 466 du code civil pose que les articles 464 et 465 ne font pas obstacle à une
demande de nullité pour insanité d’esprit.

En n, les conséquences de l'action en nullité relèvent de l'article 1352-4 du code civil (comme pour
le mineur : le texte vise « les restitutions dues par un mineur non émancipé ou par un majeur
protégé »).

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B. La curatelle

Le majeur en curatelle est un semi-incapable : il intervient lui-même sur la scène juridique (il n’est
pas représenté) mais pour les actes les plus graves, il doit être assisté du curateur. A défaut de
quoi les actes passés ne sont pas valables. Il convient de préciser qui sont les personnes
concernées par ce régime de protection (A) et les pouvoirs du majeur et du curateur (B).

1. Les personnes concernées

Depuis l’entrée en vigueur de la loi de 2007, la curatelle concerne seulement les personnes qui,
ont besoin, en raison de l’altération de leurs facultés, médicalement constatée, d’être assistées ou
contrôlées d’une manière continue dans les actes importants de la vie civile (article 440). Le juge
doit donc constater l’existence de ces deux conditions : l’altération des facultés (mentales ou
corporelles si elle est de nature à empêcher l’expression de sa volonté) + le besoin d’assistance.
Aujourd’hui la curatelle concerne notamment les personnes âgées ou malades.

2. Les pouvoirs du majeur et du curateur

Le principe est que le majeur sous curatelle n’a besoin de l’assistance de son curateur que pour
les actes que le tuteur n’aurait pu faire sans l’autorisation du juge des tutelles ou du conseil de
famille. En pratique, cela concerne les actes les plus graves càd les actes de disposition portant
atteinte à son patrimoine (article 467 al. 1). Par exemple, une vente d’immeuble. Comme on l’a vu,
l’acte accompli par le majeur sans cette assistance est annulable s’il a subi un préjudice (article
465, 2°).
Pour tous les autres actes, notamment les actes d’administration et les testaments, le majeur sous
curatelle n’a pas besoin d’assistance. Mais l’article 465 1° prévoit que ces actes peuvent être
rescindés pour cause de lésion ou réduits pour cause d’excès, sauf si les actes ont été
expressément autorisés par le juge ou le conseil de famille.

A cela il faut apporter certaines précisions pour certains actes :

- Avant la loi du 23 mars 2019, le majeur en curatelle ne pouvait se marier sans le consentement
du curateur ou, à défaut, du juge des tutelles (ancien article 460 al. 1er). Par une importante
décision du 29 juin 2012 rendue sur une QPC, le conseil constitutionnel avait estimé que les
restrictions opérées par l’article 460 du code civil a n de protéger les intérêts de la personne ne
portait pas une atteinte disproportionnée à la liberté du mariage. La sanction était la nullité
relative qui pouvait être exercée dans le délai de 5 ans. Désormais cette demande d’autorisation
préalable est supprimée. Le nouvel article 460 déclare simplement que la personne chargée de
la mesure de protection est préalablement informée du projet de mariage du majeur qu’il assiste
ou représente. On espère ainsi que si le tuteur ou le curateur juge que le majeur est inapte à
donner un consentement lucide, l’organe de protection fasse opposition au mariage.

- Pour le Pacs, l’assistance du curateur est nécessaire pour signer la convention ou signi er la
rupture par décision unilatérale. En revanche, aucune autorisation n’est nécessaire pour la
déclaration conjointe du PaCS, ni pour la rupture par déclaration conjointe ou décision
unilatérale. L’assistance du curateur n’est requise que pour la signi cation de la rupture prévue
par l’article 515-7 du code civil (article 461).

- Le majeur en curatelle peut être demandeur à une action en divorce avec l’assistance de son
curateur (article 249 du code civil). Depuis la loi du 23 mars 2019, si le divorce par
consentement mutuel lui est toujours fermé (article 249-4 du code civil), le divorce sur demande
acceptée lui est désormais ouvert.

Par ailleurs, le juge des tutelles peut aménager la curatelle, en l’allégeant en prévoyant que le
majeur en curatelle peut faire seul certains actes de disposition (article 471), ce qui le rapproche
d’un majeur sous sauvegarde.

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Il peut aussi aggraver la curatelle en ordonnant une curatelle renforcée (article 472), ce qui la
rapproche d’une tutelle, en interdisant au majeur de faire seul certains actes d’administration ou
même de recevoir des paiements.

C. La tutelle

La tutelle est le régime le plus protecteur. Tous les actes intéressant le majeur protégé, sauf ceux
ayant un caractère personnel, sont accomplis par le tuteur qui le représente. Le majeur ne peut les
faire lui-même. Là encore, il convient de préciser quelles sont les personnes concernées par ce
régime de la tutelle (1) puis quels sont les pouvoirs du majeur et du tuteur (2). 


1. Les personnes concernées

La tutelle concerne les personnes que l’altération de leurs facultés mentales ou corporelles met
dans le besoin d’être protégées en étant représentées d’une manière continue dans les actes de la
vie civile (article 440). Deux conditions doivent donc être remplies : l’altération des facultés
médicalement constatée + la nécessité d’être représenté. La tutelle repose sur un régime de
représentation. Cela concerne notamment aux malades atteints d’une grave maladie mentale, les
personnes très handicapées physiquement ou bien encore les personnes âgées très diminuées.

2. Les pouvoirs du majeur et du tuteur

Le juge des tutelles dispose d’une certaine souplesse. Il peut ainsi décider d’une tutelle complète
ou d’une tutelle simpli ée :

La tutelle complète comprend un conseil de famille et un subrogé tuteur comme dans la tutelle des
mineurs. Ce sont, sous quelques réserves, les mêmes règles qui s’appliquent. Ce n’est toutefois
pas la tutelle la plus couramment appliquée. Ainsi l’article 456 du code civil ne la prévoit que si «
les nécessités de la protection de la personne ou la consistance de son patrimoine le justi ent et si
la composition de sa famille et de son entourage le permet ».

La tutelle simpli ée est la solution normale : il y a désignation d’un tuteur sans conseil de famille. Il
reste, la possibilité, que nous avons déjà vue, de désigner plusieurs tuteurs pour exercer en
commun la mesure de protection. En n, il est possible de désigner un subrogé tuteur qui peut
surveiller le tuteur ou représenter la personne protégée lorsque ses intérêts sont en opposition
avec ceux du tuteur (article 454 du code civil).

Ici, le principe est celui de l’incapacité générale du majeur en tutelle. Cette incapacité concerne
tous les actes du majeur, qu’il s’agisse d’actes d’administration ou d’actes de disposition.

Elle est toutefois écartée dans certaines hypothèses :

- Le majeur sous tutelle peut accomplir les actes de la vie courante (article 473 al.1).
- Le majeur peut faire seul son testament mais avec l’autorisation du juge des tutelles ou du
conseil de famille et il peut librement révoquer son testament fait avant ou après l’ouverture de
la tutelle (article 476 al. 2 et 3).

- Il peut aussi faire des donations avec l’autorisation du juge des tutelles ou du conseil de famille :
il sera ou assisté ou représenté par son tuteur (article 476 al. 1).

Il faut encore apporter quelques précisions concernant le mariage et le PaCS : 


- Le majeur sous tutelle ne pouvait se marier sans l’autorisation du juge des tutelles ou du conseil
de famille. La loi du 23 mars 2019 a modi é l’article 460 du code civil et a supprimé la demande
d’autorisation préalable.
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- En matière de pacte civil de solidarité (Pacs), le régime de la tutelle est aligné sur celui de la
curatelle (article 462 du code civil) > le majeur sous tutelle doit être assisté de son tuteur pour la
signature de la convention de PaCS mais il n’a pas à être assisté ou représenté lors de la
déclaration conjointe de PaCS. Il peut rompre le pacte seul par déclaration conjointe ou
unilatérale et c’est le tuteur qui effectuera la signi cation requise par l’article 515-7 du code civil.

- S’agissant du divorce : depuis la loi du 23 mars 2019, le tuteur peut représenter le majeur sans
y être autorisé par le juge des tutelles ou le conseil de famille. Par ailleurs, le majeur sous tutelle
peut accepter seul le principe de la rupture du mariage dans le cadre d’un divorce sur demande
acceptée (article 249 du code civil). Le divorce par consentement mutuel reste exclu.

- Par ailleurs, il reste toujours la réserve des actes réclamant un consentement strictement
personnel, pour lesquels la personne ne peut jamais être représentée.

- En n, loi du 23 mars 2019 a supprimé la faculté du juge des tutelles de priver le majeur sous
tutelle de son droit de vote.

III. Le mandat de protection future

Le mandat de protection future est une création de la loi du 5 mars 2007. Ce mandat peut avoir
deux nalités prévues à l’article 477 du code civil :

- La désignation d’un mandataire pour sa propre protection : il s’agit pour la personne d’assurer
sa protection si ses facultés personnelles devaient être atteintes (alors qu’elle a encore la
maîtrise de ses facultés pour le prévoir).

- La désignation d’un mandataire pour la protection de ses enfants : ce dispositif permet


notamment aux parents d’enfants handicapés d’organiser la protection de leur enfant pour le
jour où ils ne pourront plus le faire eux-mêmes.

Le mandataire peut être toute personne physique choisie par le mandant (article 480 du code civil)
ou une personne morale inscrite sur une liste établie par le représentant de l’État dans le
département. Cet agrément pour les personnes morales s’explique notamment pour éviter que des
sectes ne s’emparent du patrimoine de personnes vulnérables. 

Ce mandat permet d’assurer la protection des biens et éventuellement de la personne. Si rien n’est
précisé, le mandat couvre l’ensemble des intérêts patrimoniaux et la protection de la personne. Le
mandat de protection future peut être général ou spécial (> cela signi e qu’il est possible de le
limiter à certains aspects seulement).
Ce mandat peut être notarié ou sous-signature-privé. Si le mandat est notarié, le mandataire a les
pouvoirs les plus larges (actes conservatoires, actes d’administration, actes de disposition). Si le
mandat est sous-signature-privée, il ne peut conférer de pouvoirs que pour les actes
conservatoires ou d’administration.

Le mandat produit ses effets lorsqu’un certi cat médical émanant d’un médecin agréé, choisi sur
une liste établie par le procureur de la République, est remis au greffe du tribunal judiciaire et
constate que « le mandant ne peut plus pourvoir seul à ses intérêts » (article 481). La publicité doit
être assurée par une inscription sur un registre spécial (mais on attend toujours le décret
d’application).

Quels effets ?

Le mandant conserve sa capacité > le mandat de protection future intègre la catégorie des
mandats (qui laissent la possibilité au mandant de faire les actes pour lesquels il a mandaté
autrui). Mais l'article 488 du code civil prévoit que les actes faits par le mandant sont susceptibles
de rescision pour simple lésion ou de réduction pour excès. Ils peuvent aussi être annulés pour
insanité d’esprit en application de l’article 414-1 du code civil.
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Les causes de cessation du mandat sont prévues par l’article 483 du code civil :

- Le mandat cesse en cas de rétablissement des facultés personnelles ou de décès de la


personne protégée ou du mandataire.

- Le mandat peut être révoqué lorsque son exécution est contraire aux intérêts du mandant.
- Il cesse également en cas de placement en tutelle ou en curatelle, à moins que le juge ne le
maintienne spécialement. Il y a donc une articulation possible entre le mandat de protection
future et les mesures de protection juridique.

IV. L’habilitation familiale

L’ordonnance du 15 octobre 2015 a aménagé la protection juridique des majeurs en instaurant une
habilitation familiale. Celle-ci doit permettre aux familles capables de pourvoir seules aux intérêts
de leurs proches vulnérables d'assurer leur protection sans avoir à recourir aux mesures
traditionnelles de protection judiciaire que sont la sauvegarde de justice, la curatelle ou la tutelle >
le juge intervient au moment de la mise en place de la mesure, puis il s’efface.
L’habilitation familiale est entrée en vigueur le 1er janvier 2016. Ce régime de protection a encore
été modi é par la loi du 23 mars 2019.

A. Les personnes concernées

L’habilitation familiale concerne les majeurs dans l'impossibilité de pourvoir seuls à leurs intérêts
en raison d'une altération, médicalement constatée, soit de leurs facultés mentales, soit de leurs
facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de leur volonté (article 494-1 du code civil).
Le majeur a la possibilité de demander lui-même l'habilitation familiale. La demande aux ns de
désignation d’une personne habilitée peut aussi être présentée par une des personnes
mentionnées à l’article 494-1 du code civil (celles pouvant être habilitées) ou par le procureur de la
République à la demande de l’une d’elles (article 494-3, al. 1er du code civil).
Le juge ne peut pas ordonner une habilitation familiale lorsqu’il peut être suf samment pourvu aux
intérêts du majeur par la représentation de droit commun ou par le mandat de protection future.
Depuis le loi du 23 mars 2019, des passerelles entre les différentes mesures de protection sont
mises en place. Le juge peut ouvrir une habilitation familiale à la place d’une curatelle ou d’une
tutelle si cela est plus adapté à la situation de la personne à protéger (article 494-3 du code civil).
Mais, à l’inverse, il peut également ordonner une curatelle ou une tutelle si l’habilitation familiale
s’avère insuf sante à assurer la protection de la personne vulnérable (article 494-5 du code civil).

Qui peut être habilité ?

Les ascendants du majeur, ses descendants, ses frères et sœurs, son conjoint, son partenaire de
Pacs ou son concubin > à condition que la vie commune n’ait pas cessé entre eux (article 494-1
du code civil).

La loi précise le caractère subsidiaire de la mesure d’habilitation familiale par rapport aux
mécanismes de représentation prévus sur le fondement du droit des régimes matrimoniaux (article
494-2 code civil).

B. Les pouvoirs du majeur et de la personne habilitée

L’habilitation peut porter sur les biens du majeur ou sur sa protection personnelle.

Le champ d’application de l’habilitation judiciaire a été élargi par la loi du 23 mars 2019. Le juge
peut désormais désigner une personne habilitée à représenter ou à assister la personne protégée.
L’article 494-1 renvoie à l’article 467 du code civil, c’est-à-dire aux règles relatives à la curatelle.

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Il existe donc dorénavant différentes formes d’habilitation: en représentation ou en assistance ;
générale (càd s’étendre à la protection de tout le patrimoine et/ou de la personne du majeur) ou
spéciale (càd être limitée aux seuls actes énumérés par le juge des tutelles).

La personne habilitée est tenue par la décision du juge, qui xe en détail sa mission et son
étendue > la personne protégée conserve donc les droits qui n'entrent pas dans le cadre de
l'habilitation à la représenter (article 494-8 du code civil).

La personne habilitée à représenter le majeur peut faire des actes de disposition sans avoir à
solliciter l’autorisation du juge des tutelles (sauf les actes de disposition à titre gratuit ou les actes
d’aliénation du logement de la personne protégée : article 494-6 et 426 du code civil). La personne
habilitée dans le cadre d'une habilitation générale ne peut également accomplir les actes en
opposition avec les intérêts de la personne protégée, à moins que le juge l'y autorise (article 494-6
al. 4 du code civil)

Quelles sont les sanctions pour les actes passés irrégulièrement ?

Il faut distinguer les actes passés par la personne protégée et ceux passés par la personne
habilitée.

L'acte passé par la personne protégée alors que son accomplissement était con é à la personne
habilitée est nul de plein droit, sans qu'il soit nécessaire de justi er d'un préjudice (article 494-9 al.
1). En cas d'habilitation avec « assistance » (possible depuis le 25 mars 2019), l'acte passé seul
alors qu'il nécessitait une assistance de la personne habilitée ne peut être annulé que s’il est établi
que la personne protégée a subi un préjudice (article 494-9 al. 2).
Les actes passés moins de deux ans avant le prononcé de l'habilitation sont susceptibles d'être
réduits ou annulés, dans les conditions prévues à l’article 464 (article 494-9 al. 3 du code civil).

Lorsque c'est la personne habilitée qui a passé l'acte alors qu'il n'entrait pas dans le champ de sa
mission, l'acte est nul de plein droit, sans qu'il soit nécessaire de justi er d'un préjudice (article
494-9 al. 5 du code civil).

La nullité des actes passés irrégulièrement se prescrit par cinq ans.

C. La n de l’habilitation familiale

L'article 494-11 du code civil prévoit que l'habilitation prend n :

- par le décès ;
- par le placement de la personne protégée sous sauvegarde de justice, curatelle ou tutelle ; en
cas de jugement de mainlevée passé en force de chose jugée ;

- de plein droit, en l'absence de renouvellement de l'habilitation ;

- par l'accomplissement des actes pour lesquels l'habilitation a été donnée.

Partie 2 : La famille

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