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Le don, les prélèvements et la greffe des organes et tissus humains


Au Maroc, le dahir du 15 juillet 1952 relatif aux prélèvements anatomiques sur personne décédée a permis de donner
une assise juridique à des pratiques de prélèvements et de greffes de tissus (peau, os, cornée) qui existaient déjà surtout
en matière de greffe de cornée.
Toutefois, le législateur n’a pas mis à la disposition des praticiens, les décrets d’application et les arrêtés pouvant activer
ce dahir. Ce dernier a été abrogé par le dahir n° 1-99-208 du 25 août 1999 portant promulgation de la loi n° 16-98 relative
au don, au prélèvement et à la transplantation d'organes et de tissus humains.

LÉGITIMITÉ RELIGIEUSE DU DON D’ORGANES


Les récents progrès médicaux ont soulevé de nouveaux défis moraux provoquant partout dans le monde, un retour de la
philosophie et des religions dans le domaine des sciences.
En effet, l’absence de versets coraniques et d’Hadith, qui constituent les textes fondamentaux de l’islam, autorisant
clairement le prélèvement d’organes et la greffe a suscité de nombreuses discussions sur la légitimité religieuse de telles
pratiques.
Dans l’islam, le corps humain est inviolable. Il ne peut être porté atteinte au corps d’une personne à moins qu’elle n’ait
commis des actes réprouvés et châtiés par la Chari’a (apostasie, assassinat...)
De ce fait, il est prohibé de porter atteinte au corps humain aussi bien d’un vivant que d’un cadavre.
Toutefois, l’islam a invité le musulman à utiliser tous les moyens pour son traitement en cas de maladie afin de préserver
la vie. La chari’a oblige l’être humain à prendre soin de son corps et l’invite même à enfreindre les interdits si la
conservation de la vie est en jeu.
En se basant sur deux règles principales du Fiqh, qui sont :
« La nécessité lève l’interdit »
« Le moindre des deux maux doit être choisi si les deux ne peuvent pas être évités ».
En tenant compte que le fait de sauver une vie est une nécessité plus importante que la préservation du corps, et sur le
fait que le musulman soit autorisé à utiliser son corps pour son bénéfice et celui de la communauté (c’est le cas du Djihad
«la guerre sainte »), la plupart des Fatawa émises, notamment celles des instances islamiques officielles ont conclu à la
légitimité du don d’organes et de la greffe.

PRINCIPES ÉTHIQUES DIRECTEURS

Le but du prélèvement : Le consentement :


Le corps et la dignité de l’homme, mort ou vivant sont sacrés. Il est donc - Le consentement est une exigence
formellement prohibé de porter préjudice au cadavre d’un mort ou au corps éthique, déontologique et juridique dans
d’un vivant sans nécessité thérapeutique (l’intérêt thérapeutique d’un tiers) ou le registre de la santé et des soins.
scientifique (dans l’intérêt de la science ou pour établir les causes de la mort) - La déontologie, les chartes des droits
(article 3 de la loi marocaine n° 16-98). des patients et la législation ne cessent
d’étendre et de baliser le domaine du
La gratuité : consentement.
La gratuité du don est un principe directeur en matière de greffe d’organes. - L’obligation d’obtenir le consentement
D’un point de vue éthique et religieux, le don d’organes doit être considéré est fondée sur le respect de la dignité
comme un acte de charité altruiste effectué sans aucune contrepartie humaine et du principe de l’autonomie de
financière. L’une des principales raisons pour refuser le commerce des la volonté.
organes est qu’il porte atteinte à la dignité humaine et qu’il aliène à la liberté - Le consentement doit être éclairé par
de décision. Un donneur qui subit une néphrectomie pour de l’argent n’est pas une information concernant les risques
réellement libre de sa décision déterminée par la pauvreté et l’appât du gain. inhérents aux prélèvements et sur ses
conséquences éventuelles sur la santé
L’anonymat :
du donneur et du receveur.
L’anonymat permet surtout d’éviter tout attachement passionné, ressentiment
- Le consentement doit être donné
ou chantage, entre la famille du donneur et les différents receveurs.
librement et sciemment (c'est-à-dire de
Tout le personnel mobilisé pour un prélèvement d’organes aussi bien à
façon spécifique et expresse). Il peut être
l’hôpital qu’à l’extérieur doit se sentir concerné par le respect de l’anonymat en
révoqué à tout moment.
se gardant de rompre ce terrible contrat moral qui rentre dans la cadre du
- Ce consentement est soumis à des
secret médical.
exigences de forme, contrairement au
droit commun.

DISPOSITIONS DE LA LOI 16-98


A/ Définition de l’organe humain :
Il a été défini selon l’article 2 de la loi marocaine n° 16-98 par « l’élément du corps humain qu’il puisse se régénérer ou
non, ainsi que les tissus humains à l’exclusion de ceux liés à la reproduction »
Pour l’application de cette loi, les organes et les tissus du corps humain pouvant faire l’objet de don, de prélèvement ou
de transplantation sont les suivants :
- Organes humains : rein, cœur, poumon, foie, pancréas, intestin, bloc cœur-poumon, globe oculaire ;
- Tissus humains : os, artères, veines, moelle osseuse, valves cardiaques, membrane amniotique, peau, tendons,
cornée, ligaments, dure-mère, aponévrose, cellules souches hématopoïétiques
- Toutes autres cellules en dehors de celles liées à la reproduction.

B/Prélèvement d’organes sur une personne vivante :

La finalité du prélèvement : La qualité du Modalités du consentement :


- Le législateur marocain a conditionné le donneur : - Selon l’article 10 de la loi n° 16-98, le consentement est
prélèvement sur une personne vivante Aucun exprimé devant le président du tribunal de 1ère instance
par l’intérêt thérapeutique d’un receveur prélèvement en ou devant le magistrat désigné par le président à cet effet,
déterminé (article 9). vue d’une assisté par deux médecins désignés par le ministre de la
- La qualité du receveur pour un donneur transplantation ne santé sur proposition du président du conseil de
vivant : peut avoir lieu sur l’ordre national des médecins.
L’article 9 de la loi n° 16-98 a limité une personne - Le législateur a chargé ces médecins d’expliquer au
l’affectation des organes prélevés à partir vivante mineure donneur la portée de son don et au magistrat l’intérêt
d’un donneur vivant aux seuls ascendants ou majeure thérapeutique du prélèvement.
de ce dernier, ses descendants, ses faisant l’objet - Le président ou le magistrat dresse un constat du
frères, ses sœurs, ses oncles, ses tantes d’une mesure de consentement du donneur après avis du procureur du roi.
et leurs enfants, ainsi qu’au conjoint à protection légale» - Ce constat est signé par le président du tribunal ou le
condition que le mariage soit contracté (article 11 de la magistrat et par les médecins concernés puis remis aux
depuis une année au moins. loi n°16-98). médecins responsables du prélèvement.

C/ Prélèvement d’organes sur une personne décédée :


Finalité du prélèvement :
Thérapeutique et scientifique.
Modalités du consentement :
- Au Maroc, l’expression de la volonté d’autoriser ou d’interdire des prélèvements sur une personne après son décès est
une faculté permise à toute personne majeure jouissant de ses pleines capacités (article 13 de la loi marocaine n° 16-98).
- En l’absence d’une position exprimée par l’individu de son vivant vis-à-vis du don, c’est le principe du consentement
présumé qui a été retenu par la lettre de la loi n° 16-98 comme une base légale au prélèvement sur les défunts n’ayant pas
exprimé leur refus de leurs vivants.
- Ce principe est annoncé à l’article 16 de la loi n° 16-98 qui stipule : « Dans les hôpitaux publics agréés et dont la liste est
fixée par le ministre de la santé, les prélèvements d’organes peuvent être effectués à des fins thérapeutiques ou
scientifiques sur des personnes décédées n’ayant pas fait connaître de leur vivant leur refus de tels prélèvements, sauf
dans le cas d’opposition du conjoint et à défaut, les ascendants et à défaut les descendants ».
- Toute personne n’ayant pas exprimé son refus sera susceptible d’être prélevée.
- Les articles 14 et 15 de la loi marocaine n°16-98 abordent les modalités d’enregistrement du consentement et du refus
des prélèvements au niveau du tribunal compétent. La déclaration du consentement ou du refus du donneur potentiel est
transmise à tous les hôpitaux compétents pour effectuer des prélèvements sur des personnes décédées.
- Par ailleurs, il est instauré dans les hôpitaux susvisés un registre spécial destiné à recevoir les déclarations notamment
de refus aux prélèvements de toute personne admise dans ces hôpitaux (article 17 et 18 de la loi n°16-98).
- Le consentement en faveur du don d’organes ne peut être présumé que si le défunt n’a laissé aucune indication ou
n’existe aucun témoignage de la part des personnes qui l’ont côtoyé, laissant penser qu’il s’opposerait à un prélèvement
sur son cadavre.
- La famille a le pouvoir de décision en l’absence d’une volonté exprimée par le défunt de son vivant. Bien entendu, la
volonté de ce dernier prime celle des proches.
- Le législateur a par ailleurs, établi une hiérarchisation de ce pouvoir décisionnel au sein de la famille dans le souci
d’éviter les conflits intrafamiliaux. L’article 16 de la loi n° 16-98 stipule en effet : « Dans les hôpitaux publics agréés et dont
la liste est fixée par le ministre de la santé, des prélèvements d’organes peuvent être effectués à des fins thérapeutiques et
scientifiques sur des personnes décédées n’ayant pas fait connaître de leur vivant leur refus de tels prélèvements, sauf
dans le cas d’opposition du conjoint et à défaut, des ascendants et à défaut, des descendants ».
- Le prélèvement sur un mineur ou un incapable majeur décédé :
On retrouve ici la notion du consentement substitutif alloué par le législateur marocain au représentant légal. Toutefois, ce
consentement ne joue que dans la mesure où le défunt n’a pas fait connaître de son vivant son refus à de tels
prélèvements (article 20 de la loi n° 16-98).
- Concernant la personne majeure qui n’est pas en mesure de manifester sa volonté en raison de son état mental,
l’opposition pourra être exprimée durant sa vie par le représentant légal.

D/ Les conditions techniques :


*Le constat de la mort cérébrale (encéphalique) :
- Le législateur marocain a admis à son tour le critère neurologique de la définition de la mort en stipulant dans l’article 21
de la loi n° 16-98 : « Le prélèvement ne peut être effectué qu’après avoir établi un constat de la mort cérébrale du donneur
et en l’absence de toute suspicion sur les origines du décès. Ce constat est effectué par deux médecins de
l’établissement hospitalier désignés à cette fin par le ministre de la santé après avis du président du conseil national de
l’ordre des médecins. En aucun cas, ces médecins ne peuvent être affectés à l’équipe médicale chargée du prélèvement
ou de la transplantation de l’organe prélevé sur la personne dont ils ont constaté le décès ».
- Le constat de mort cérébrale est établi ainsi à partir des signes cliniques et paracliniques concordants qui ont été fixés
par le ministre de la santé dans son arrêté n° 1641-03 du 10-11-2003 (voir cours de la mort).

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