À partir de la lecture du livre de Christian GILIOLI…
Philippe SVANDRA Plan
A/ Pourquoi les droits des patients ?
(contextes d’apparition) B/ Les grands textes de la législation et leur mise en œuvre dans la réalité C/ Répercussions pour la relations de soin (2 exemples : l’empowerment et l’éducation thérapeutique) Pourquoi les droits des patients ? Les droits des patients s’inscrivent dans le cadre plus large des droits fondamentaux de la personne (Droit à la vie privée, du Respect de la dignité et de la Liberté d’aller et venir = Droits de l’Homme) Les droits des patients sont historiquement issues : D’une évolution de la médecine et de l’hôpital D’une évolution plus générale de notre société (individualisme et remise en cause de l’autorité) Une évolution de l’hôpital
L’hôpital a longtemps été un lieu
d’enfermement avant d’être un lieu de soins
L’hôpital devient un espace de soin et
l’administration s’intéresse (depuis au moins une cinquantaine d’année / humanisation des hôpitaux) à la vie des personnes hospitalisées. Une évolution de la médecine
Une médecine enfin efficace mais aussi plus
risquée (ex : la découverte des antibiotiques va inaugurer un progrès médical considérable)
La mise en place de l’assurance maladie en
1945 qui institue un droit (fictif) à la santé
Le SIDA dans les années 1990 un moment
charnière Une évolution sociétale
La percée de l’individualisme vers un patient
consommateur ?
Une revendication autonomique et le refus de
l’autorité médicale et du paternalisme Avant les grands textes de la législation La première charte du patient hospitalisé qui est publié en1974 qui sera réactualisé en 1995 et rappelle un certain nombre de droits très largement repris dans la loi : • toute personne est libre de choisir l’établissement de santé qui la prendra en charge • les établissements de santé garantissent la qualité de l’accueil, des traitements et des soins • l’information donnée au patient doit être accessible et loyale • la personne hospitalisée peut, à tout moment, quitter l’établissement • la personne hospitalisée est traitée avec égards. Ses croyances sont respectées (et notamment la possibilité de pratiquer son culte) • le respect de la vie privée est garanti à toute personne • la personne hospitalisée (ou ses représentants légaux) bénéficie d’un accès direct aux informations de santé la concernant • la personne hospitalisée exprime ses observations sur les soins et sur l’accueil. Les grands textes de la législation La loi du 20 décembre 1988 dite Huriet-Sérusclat. Il s’agit d’une loi relative à la protection des patients participant à la recherche biomédicale. Elle introduit pour la première fois la notion de consentement
Les ordonnances Juppé de 1996. Ces dispositions
organisent les procédures d’accréditation puis de certification des établissements hospitaliers. Elles visent à s’assurer de la qualité et de la sécurité des soins qui paraissent le minimum exigible par les usagers qui sont les co-financeurs du système de santé. Le grand texte reste la loi du 4 Mars 2004 Un volet individuel avec : L’accès au dossier médical La désignation d’une personne de confiance L’obligation du consentement
Un volet collectif avec :
les commissions des usagers (appelées CRUQ PC auparavant). Première étape vers l’idée de « démocratie sanitaire » La loi du 4 Mars 2004 (volet individuel) L’accès au dossier médical
Le dossier médical peut être obtenu sur simple demande
du patient qui ne doit plus transiter, comme c’était autrefois le cas, par son médecin traitant. Les notes personnelles médicales ne sont pas transmissibles. Il semblerait que les demandes de dossier se multiplient. Elles constituent un excellent indicateur de la qualité de la communication d’un service. La loi du 4 Mars 2004 (volet individuel) La désignation d’une personne de confiance La désignation d’une personne de confiance : l’idée est que chaque citoyen malade ou non désigne une personne censée le représenter s’il ne peut plus s’exprimer directement. Le rôle de la personne désignée n’est pas de donner son propre avis mais de servir de porte-parole - au sens strict du terme - d’une personne empêchée (dans le coma par exemple). Les hôpitaux mais aussi les médecins traitants sont mis clairement à contribution dans la désignation de cette personne de confiance. On notera que l’on peut changer autant de fois qu’on le désire de personne de confiance (il faut surtout dater la désignation) La loi Clayes Leonetti renforce aussi le rôle de la personne de confiance. L’avis de celle-ci est désormais supérieur à celui de la famille. La loi du 4 Mars 2004 (volet individuel) L’obligation du consentement Le consentement : on l’a dit, il s’agit de la pierre angulaire des droits du patient. Ce consentement s’applique à la totalité des soins, du nursing à la chimiothérapie. Il doit être tracé dans le dossier du patient. Celui-ci doit être obtenu à la suite d’une information claire et loyale. On parle ainsi de consentement libre et éclairé. Il existe trois exceptions à ce consentement : L’urgence vitale Les vaccinations obligatoires Les soins sous contrainte dans le champ psychiatrique La loi du 4 Mars 2004 (volet collectif)
La loi du 4 mars institue le rôle de médiateur et
surtout les commissions des usagers d’abord appelées CRUQ PC.
Chaque établissement est tenu d’organiser au moins
quatre commissions par an. Celles-ci peuvent être désormais présidées par un représentant des usagers. On parle aujourd’hui de démocratie sanitaire au sens on l’on vise à faire partager la décision avec les représentants associatifs. Texte concernant la fin de vie La loi de 1999 qui introduit un droit d’accès aux soins palliatifs pour tout patient dont l’état le requiert.
La loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et
à la fin de vie (Léonetti) compléter par la loi du 2 février 2016 (Claeys/ Léonetti) Une proportionnalité des soins Ces lois sont entièrement dédiées à la fin de vie. Il s’agit par l’article premier de mettre en place des soins proportionnels à l’état du patient et d’éviter toute forme d’obstination déraisonnable (d’acharnement thérapeutique). L’équipe médicale après concertation peut ne pas entreprendre ou interrompre des soins qui ne viseraient que la survie biologique du patient. Cependant, en cas de non mise en place de traitement à visée curative, le médecin se doit d’accompagner la personne malade en instituant des soins palliatifs et en respectant sa dignité jusqu’à son décès. Lutter contre la douleur et respecter la dignité
L’article 2 précise que tout doit être entrepris pour
soulager la souffrance du malade y compris des thérapies risquant d’abréger la vie du patient. Il s’agit là du concept dit du double effet : l’idée étant que le décès peut survenir mais qu’il n’est pas recherché. Rédiger des directives anticipées La loi introduit aussi la possibilité pour toute personne d’établir des directives anticipées au cas où elle ne pourrait plus s‘exprimer directement. Des modèles sont disponibles sur le site de l’HAS. L’idée là encore est de permettre l’expression de l’autonomie de la personne. On remarquera que cette procédure n’est pas sans poser de problème lorsqu’il entre en conflit avec le principe tout aussi important de bienfaisance (le soignant doit-il, par exemple, respecter des choix qui vont à l’encontre des intérêts du patient sous prétexte du respect de son autonomie ?). La question est très complexe et fait aujourd’hui l’objet de nombreux débats. Rédiger des directives anticipées Il s’agit là encore de prolonger, autant que faire se peut, l’autonomie du patient. D’abord informatives et incitatives, ces directives anticipées ont été rendues contraignantes par la loi de février 2016. Elles doivent être appliquées sauf si elles sont manifestement inappropriées. Le caractère inapproprié est aujourd’hui très difficile à définir compte tenu du peu de directives anticipées rédigées jusqu’à présent. On remarquera, à cet égard, la complexité de rédaction de cette disposition. En effet, il s’agit pour l’individu de se projeter dans un état que par définition il ne connait pas. Il est donc bien difficile de savoir ce que l’on souhaiterait si par malheur un accident neurologique nous condamnait à la tétraplégie par exemple ? La question est cependant un peu différente lorsque le patient sait qu’il est atteint d’une maladie potentiellement mortelle. La sédation profonde et continue Enfin, la loi du 2 février 2016 donne la possibilité à tout patient en phase terminale de maladie dont l’état le requiert de pouvoir bénéficier d’une sédation profonde et continue jusqu’au décès y compris à son domicile si la prise en charge est possible. Texte concernant les soins en psychiatrie
La loi du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la
protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge (dont certaines dispositions ont été modifiées par la loi du 27 septembre 2013) Texte concernant les soins en psychiatrie La loi du 5 juillet 2011 laisse persister des soins en raison d'un risque de trouble à l'ordre public (soins psychiatriques sur décision d'un représentant de l'État) et des soins sur décision du directeur d'établissement de santé avec ou sans intervention d'un tiers. Elle instaure des soins sans consentement en dehors de l'hospitalisation complète. Ils s'appuient alors sur un programme de soins élaboré par un psychiatre de l'établissement. les garanties dont bénéficie le patient sont contrôlées par le juge des libertés et de la détention de manière systématique ou à la demande. Répercussions pour la relations de soin
La fin du paternalisme ?
Une judiciarisation possible
Vers une démocratie en santé
L’évolution de la relation de soin
De la confiance : « Tout acte médical n’est, ne
peut être, ne doit être qu’une confiance qui rejoint librement une conscience » Professeur Portes
Au contrat « Fais à autrui son bien, tel que tu
t’es engagé, en accord avec lui-même, à le lui faire. » Tristram Engelhart Une troisième voie ?
Dépasser ce clivage « bienfaisance-
confiance» / « autonomie-contrat »
Une troisième voie possible : l’alliance
thérapeutique Vers l’alliance thérapeutique
Il s’agirait d’être bienfaisant (moyen)pour
que le soigné puisse retrouver son autonomie (but), pour qu’il puisse, avec l’aide et le soutien non seulement des soignants mais aussi de la collectivité dans son ensemble, acquérir l’usage de nouvelles capacités physiologiques, psychologiques ou sociales. L’empowerment entre émancipation et exigences sociales Des traductions insatisfaisantes ? Nombreuses sont les traductions d’empowerment qui retiennent la racine « power » - pouvoir : « accès au pouvoir », « prise de pouvoir » et « pouvoir revendiqué »,
« L’empowerment est associé à la notion
d’autodétermination, de libération de la conscience de l’homme contraint, désormais capable de faire des choix et d’influer le cours de sa vie et celui de sa communauté. » (Freire, 1982). Un nouveau paradigme pour l'intervention sociale
Des associations féministes mènent par
exemple des actions d'empowerment auprès de femmes battues, afin de les aider à porter plainte et reprendre le pouvoir sur leur vie.
Cette notion est également utilisée dans les
politiques de la ville : les habitants sont incités à prendre eux-mêmes les décisions concernant l'évolution de leur quartier. L’empowerment dans le monde de la santé
Selon l'Organisation Mondiale de la Santé
(OMS), l’empowerment du patient est un moyen de donner aux personnes le contrôle sur leur propre santé.
Une posture qui peut se résumer par la
revendication phare d’« Etre acteur de sa santé » ou encore « No decision about me without me » (ex : Act up Paris) Le refus du paternalisme médical
« Tout patient est et doit être pour lui comme
un enfant à apprivoiser, non certes à tromper – un enfant à consoler, non pas à abuser – un enfant à sauver. » (Pr. Portes / Premier congrès de morale médicale en 1956).
A ce titre, l’empowerment est « l’antithèse du
paternalisme médical » Care et empowerment (2 faces d’une même pièce ?)
Du côté du « care » : on souligne à quel point la
vie humaine est dépendante de conditions sociales favorables ou défavorables.
Du coté de « l'empowerment », il s’agit de
proposer de porter l'attention sur la restauration de la puissance d'agir, en considérant que les sujets vulnérables sont capables d'agir par eux- mêmes. But de l’empowerment
L’empowerment relève d’un processus qui doit
permettre aux individus, aux populations en situation de vulnérabilité de retrouver des marges d’action, la capacité à rendre possible une prise en compte de leurs désirs (récupérer des capabilités)
L’idée est que l’émancipation individuelle passe
par une organisation collective communautaire (ex: association de malades). Critiques de l’empowerment
« Dans une certaine mesure, le malade est
responsable de sa propre guérison, et cela comporte beaucoup d’aspects positifs. Mais le côté négatif de cette responsabilité du malade, c’est que, si ses efforts peuvent susciter une amélioration, tout échec dans ce sens peut indiquer qu’il n’accomplit pas un effort assez rude, donc qu’il doit faire retomber sur lui- même la culpabilité de son état. Robert Murphy, Vivre à corps perdu. Le témoignage et le combat d’un anthropologue paralysé, 1993. Critiques de l’empowerment
« (l’empowerment) pourra être utilisé dans une
perspective d’émancipation collective en s’appuyant sur les compétences individuelles au service de la transformation de la société. Mais il pourra aussi conforter les visions néo-libérales effaçant toute dimension collective en mettant en avant essentiellement le libre choix et la responsabilisation individuelle comme unique ingrédient d’une gestion dite plus efficace de la cité. Bertrand Quentin « Quand maximiser le pouvoir d’agir se retourne contre la personne vulnérable » Gérontologie et société (2018) Education thérapeutique Questions éthiques L’ETP une pratique d’actualité Deux facteurs expliquent cette actualité: Le développement des maladies chroniques une demande d’autonomie de la part des patients refus du paternalisme médical)
« Face à cette dynamique des maladies
chroniques, l’implication et la participation active du patient aux soins sont perçues comme une nécessité, un impératif et l’ETP comme l’outil idoine en ce sens. L’éducation thérapeutique du patient (ETP) devient une pièce essentielle pour répondre aux nouveaux besoins de santé. » (E. RUSCH) Pourquoi se soigne-t-on ?
l’ETP s’adresse non seulement à des patients
souffrant de maladie chroniques mais aussi de plus en plus à des personnes atteintes de pathologies silencieuses qui se traduisent par très peu de symptômes, voire parfois aucun, au moins au départ.
« Autrefois on soulageait des symptômes
aujourd’hui on corrige des chiffres. » (G. REACH) Au-delà d’un défaut d’information
Il est certes nécessaire que les soignants
apprennent au patient à « se soigner » en lui transmettant des compétences, …mais cela est loin d’être suffisant.
Le problème reste en effet entier : qu’est-ce
qui va pousser le patient à mettre en œuvre ces compétences ? « Je ne parle pas de la maladie comme les médecins. Je parle de la maladie réelle, vivante, vulgaire. La maladie des médecins est ordonnée, elle se manifeste par le biais de symptômes spécifiques selon un protocole clairement défini. La maladie vulgaire n’en fait qu’à sa tête, se permet des réactions non répertoriées, transgresse les lois auxquelles elle devrait obéir. Elle n’est pas prise au sérieux bien sûr. » (C. MARIN) Entre disease et illness
le terme illness représente le vécu subjectif du
malade. la maladie comme altérations biologiques portent le nom de disease
« Fort de son savoir et de ses connaissances,
le soignant devra effectuer un va-et-vient constant entre, d’une part, la logique de ses savoirs et de ses savoir-faire et d’autre part, la logique existentielle du malade. » (C. MARIN) L’ETP: une relation de soin
L’ETP est un processus continu qui fait partie
intégrante des soins
Cela signifie que l’ETP doit rester une activité
qui implique une relation entre 2 personnes : un soigné et un soignant
Il s’agit de rapprocher « illness » et
« disease », savoirs profanes et savoirs professionnels. Donner priorité à l’avenir … L’hypothèse de G. Réach est celle-ci : « Se soigner c’est, dans le cas des maladie chroniques, donner une priorité à l’avenir ».
Or, souvent l’avenir n’est pas la préoccupation
majeure des patients (« après moi le déluge !»)
D’autant plus s’ils vivent dans la précarité ou
s’ils sont dépressifs (contrairement par ex. aux femmes enceintes pour le diabète). … en favorisant l’estime de soi G. Réach en tire la conclusion : « se soigner, avoir le souci de soi, s’aimer : c’est donc bien la même chose. »
Au-delà de l’apprentissage de compétences
le soignant doit pouvoir aider le patient à retrouver une certaine estime de soi condition nécessaire pour se projeter dans l’avenir. Comme le dit la publicité, si je me soigne c’est parce que « je le vaux bien ! » Merci pour votre attention …. A bientôt.