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FACULTE DE MEDECINE D’ALGER CENTRE HOSPITALO-UNIVERSITAIRE

MUSTAPHA SERVICE DE MEDECINE LEGALE.

Module de médecine légale 6éme année médecine


Par Dr BENCHERIK.

LE SECRET PROFESSIONNEL
« Il n’y a pas de médecine sans confiance, de
confiance sans confidence et de confidence sans secret »
Pr. LOUIS PORTES 5 juin 1950

Objectifs pédagogiques :
- Connaitre les principes du secret médical ;
- Connaitre les dispositions juridiques et déontologiques ;
- Connaitre les dérogations au secret médical et/ou professionnel ;
- Connaitre les éléments constitutifs du délit de violation du secret médical.
Plan :
I. Introduction, généralités ;
II. Les fondements du secret médical :
1. Fondements déontologiques ;
2. Fondements juridiques.
III. Les personnes tenues au secret médical et/ou professionnel :
1. Personnel médical ;
2. Personnel non médical.
IV. Les domaines du secret médical et/ou professionnel ;
V. Les dérogations au secret médical et/ou professionnel :
1. Dérogations absolues ;
2. Dérogations relatives.
VI. Les éléments constitutifs du délit de violation du secret médical et/ou
professionnel ;
VII. Cas particuliers.
VIII. Conclusion.

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I. Introduction, généralités :
Le secret médical constitut avec la responsabilité, la pierre angulaire de la
profession médicale ; C’est dès l’antiquité, et même bien avant, que les médecins
considéraient comme un devoir de garder le silence absolu ;
Pendant très longtemps, le caractère absolu du secret fut le maitre mot des
médecins, BROUARDEL le résuma dans la formule « Silence quand même et
toujours » ;
Son expression s’est faite dans l’un des plus anciens serments de la médecine, le
serment d’HIPPOCRATE conçu vers les 400 avant JC ; Dans sa version de
Montpelier « … Admis dans l’intérieur des maisons, mes yeux ne verront pas ce qui s’y
passe, ma langue taira les secrets qui me seront confiés, et mon état ne servira pas à
corrompre les mœurs, ni à favoriser le crime… » ;
D’autre serments s’en inspirent, le secret médical était alors aussi absolu et sacré
que le secret de la confession et le médecin représentait l’archétype de la personne
tenue au secret, non seulement par sa profession mais aussi par son état ;
Secret, secretus en latin a pour origine le verbe « secerne » qui signifie « séparer,
isoler de… » il évoque l’intime, la pensé, l’espace caché dont chacun ignore
l’étendue et la profondeur.
Mais en raison de l’évolution de la société et de l’acte médical, les discussions se
multiplient et les avis divergent quant aux limites au secret ;
En effet le secret professionnel est une obligation morale mais aussi légale,
consacré d’abord dans la constitution en assurant l’inviolabilité de la personne, dans
le code de déontologie dans son chapitre règles de déontologie, dans la loi de la
santé abordant différents thèmes et sa violation est sanctionné par le code pénal ;
Le secret a pour but de protéger la vie privée des particuliers et leurs intérêts en
leur permettant de se confier à un médecin, sans arrière-pensées et sans crainte de
trahison, mais aussi la sauvegarde de l’intérêt public ;
L’observation du secret est le signe le plus évident du respect dans lequel le
médecin tient son malade ;
Néanmoins et dans un intérêt d’ordre public, il existe certaines constatations
médicales qui font l’objet de dérogation au secret.

II. Les fondements du secret médical et/ou professionnel :


1. Fondements déontologiques :
De l’art 36 à 41 et l’art 51 (décret exécutif n° 92-276 du 06 juillet 1992, portant le code de
déontologie médicale).

- Le secret professionnel est institué dans l’intérêt du malade et la


collectivité, il s’impose à tout médecin sauf dérogation légale ;
- Il couvre tout ce que le médecin a vu, entendu, compris ou lui a été confié
dans l’exercice de sa profession ;
- Le médecin veillera à faire respecter le secret par les auxiliaires ;

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- Le médecin doit protéger les fiches cliniques et tout document concernant
son malade des indiscrétions ;
- Le secret n’est pas aboli par le décès du malade, sauf pour faire valoir des
doits ;
- En cas de diagnostic grave le malade peut être laissé dans l’ignorance,
mais la famille doit en être informée, sauf si le malade en a décidé autrement.

2. Fondements juridiques :
a. La constitution Algérienne :
Art. 39 : L’Etat garantit l’inviolabilité de la personne.
Art. 47 : La personne a droit à la protection de sa vie privée et son honneur.
b. Le statu général de la fonction publique : (ordonnance n° 06-03 du
15.07.2006)
Art. 48 : Le fonctionnaire est tenu au secret professionnel…
c. La loi du 02 juillet 2018 relative à la santé :
Art. 24 : Toute personne a droit au respect de sa vie privée ainsi qu’au secret des
informations médicales la concernant, exception faite des cas prévus expressément
par la loi.
Le secret médical couvre l'ensemble des informations parvenues à la connaissance
des professionnels de santé.
Le secret médical, peut être levé par la juridiction compétente.
Il peut être également levé pour les mineurs et les incapables à la demande du
conjoint, du père, de la mère ou du représentant légal.
Art. 25 : En cas de diagnostic ou de pronostic grave, les membres de la famille de la
personne malade peuvent recevoir les informations nécessaires destinées à leur
permettre d’apporter un soutien à celle-ci, sauf opposition de sa part.
Sauf volonté contraire exprimée par la personne de son vivant, le secret médical ne
représente pas un empêchement à l’information de la famille d’une personne
décédée, si toutefois celle-ci leur est nécessaire afin de défendre la mémoire du
défunt ou de faire valoir des droits.
Art. 28 : Tout patient ou toute personne, habilitée à le représenter, a le droit de
déposer un recours, en cas de violation de ses droits…
Art. 39 : Tout praticien médical est tenu de déclarer, sans délais, aux services
sanitaires concernés, tout cas suspect ou confirmé d’une maladie figurant sur la liste
des maladies à déclaration obligatoire…
Art. 47 : Il est institué pour certaines maladies non transmissibles, dans le respect
du secret médical, un registre destiné à la collecte, à la conservation et à
l’interprétation des données relatives aux malades atteints de ces maladies.
Art. 73 : Les professionnels de santé doivent déclarer la femme enceinte…
Art. 102 : Les services de santé relevant de l’administration du milieu pénitentiaire
établissent un rapport annuel sur les conditions et l’état de santé des détenus dans

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les établissements pénitentiaires, adressé aux ministres chargés respectivement de
la santé et de la justice.
Art. 154 : En cas de nécessité d’hospitalisation d’office, le médecin psychiatre de
l’établissement adresse au wali, un certificat médical détaillant les motifs pour
lesquels il estime cette mesure nécessaire.
Art. 169 : Le professionnel de la santé exerce sa profession à titre personnel. Il est
tenu au secret médical et/ou professionnel.
Art. 198 : Les professionnels de la santé sont tenus d’informer, dans l’exercice de
leur profession, les services concernés, des violences subies, notamment par les
femmes, les enfants et les adolescents mineurs, les personnes âgées, les
incapables et les personnes privées de liberté, dont ils ont eu connaissance.
Art. 199 : En cas de violence sur une personne, tout médecin est tenu de constater
les lésions et blessures et d’établir un certificat descriptif…
Art. 293 : Les structures et les établissements publics et privés de santé sont tenus,
également, de communiquer aux services sanitaires concernés, les informations
indispensables aux fins d’enquêtes épidémiologiques ou d’établissement de
statistiques sanitaires.
Art. 294 : Les structures et les établissements publics et privés de santé sont dans
l’obligation de déclarer les naissances et les décès aux services compétents de la
commune.
Art. 322 : La mise en œuvre du système national d’information sanitaire s’effectue
dans le respect des règles de sécurité et de confidentialité…
Art. 363 : Il est interdit, de révéler l'identité du donneur décédé au receveur et celle
du receveur à la famille du donneur…
Art. 417 : L’inobservation de l’obligation du secret médical et professionnel expose
son auteur aux sanctions prévues aux dispositions de l’article 301 du code pénal.

d. Le code pénal :
Art. 301. (Modifié) : Les médecins, chirurgiens, pharmaciens, sage-femmes ou
toutes autres personnes dépositaires, par état ou profession ou par fonctions
permanentes ou temporaires, des secrets qu’on leur confie, qui hors le cas où la
loi les oblige ou les autorise à se porter dénonciateurs, ont révélé ces secrets, sont
punis d’un emprisonnement d’un (1) à six (6) mois et d’une amende de cinq cents
(500) à cinq mille (5.000) DA.
Toutefois, les personnes ci-dessus énumérées, sans être tenues de dénoncer les
avortements dont elles ont eu connaissance à l’occasion de l’exercice de leurs
fonctions, n’encourent pas, si elles les dénoncent, les peines prévues à l’alinéa
précédent ; citées en justice pour une affaire d’avortement, elles sont déliées du
secret professionnel et doivent fournir leur témoignage.

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e. Le code de procédure pénale :
Art. 45 modifier : _2) en cas de perquisition dans les locaux occupés par une
personne tenue par la loi au secret professionnel, il a l’obligation de prendre
préalablement toutes les mesures utiles pour que soit garantis le respect de ce
secret professionnel…
Art. 88 : _ le juge d’instruction fait convoquer devant lui, toute personne dont la
déposition lui parait utile…
Art. 97 : _toute personne citée pour être entendue comme témoin, est tenue de
comparaitre, de prêter serment et de déposer sous réserve des disposition légales
en matière de secret professionnel…

III. Les personnes tenues au secret médical et/ou professionnel :


Il s’agit au sens du code pénal algérien de toute personne dépositaire, par état ou
profession ou par fonctions permanente ou temporaire, de secret ;
1. Le personnel médical :
a. Le personnel soignant : à savoir :
- Le médecin traitant ;
- Les étudiant en médecine ;
- Le dentiste, le pharmacien, sage-femme ;
- Auxiliaires médicaux (infirmiers, kinésithérapeutes, orthophonistes…) ;
- Psychologue, laborantins…
- Le service hospitalier est tenu au secret.

b. Le personnel non soignant :


- Médecin conseil ;
- Médecin de travail ;
- Médecin des compagnies d’assurance ;
- Médecin expert.

2. Le personnel non médical :


- Les secrétaires médicales ;
- L’agent hospitalier ;
- Les personnes habilitées à recevoir les certificats médicaux…

IV. Les domaines du secret médical et/ou professionnel :


Le secret médical concerne tout ce qui a été vu, entendu ou compris, voir
même ce qui a pu être interprété lors de l’exercice de la profession ;
Il concerne toute les déclarations et les confessions du malade, les diagnostics,
les thérapeutiques, les dossier médicaux, mais aussi les conversations surprises
au cours d’une visite médicale ;
Le malade est détenteur du secret, sauf diagnostic grave, il ne peut donc lui être
opposé ;

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Le patient peut demander de lui faire délivrer les certificats nécessaires pour faire
valoir ces droits, en connaissance des implications éventuelle de cette révélation
à un tiers.
V. Les dérogations au secret médical :
Il existe certaines constatations médicales qui font l’objet d’une dérogation au secret,
dans l’intérêt du patient et parfois de la société.
1. Dérogations absolues :

a. Dans l’intérêt de la sécurité publique :


- L’obligation de révéler à l’autorité compétente les actes ou les faits de nature
à nuire à la sureté de l’Etat ;
- L’obligation de témoigner auprès de l’autorité compétente.

b. Dans l’intérêt de la santé publique :


- Déclaration des maladies à déclaration obligatoires ;
- Déclaration des naissances et des décès ;
- Déclaration des femmes enceinte ;
- Déclaration des maladies professionnelles et accidents de travail ;
- Déclaration des violences faites aux femmes, mineurs, personnes âgées,
privées de liberté…
- Déroulement des cures de désintoxication (art.10 loi 04-18 du 25.12.2018)
- Certificat pour hospitalisation d’office ;
- Fournir des informations épidémiologiques ;
- L’établissement de rapport sur l’état de santé des détenus.

2. Dérogations relatives :
- En vertu de l’art 301/2 du code pénal, les professionnels de santé sont libres
de dénoncer ou non un avortement dont ils ont eu connaissance au cours de
leur activité professionnelle.
Il faut préciser que ces dérogations instituées par des textes législatifs ne
prescrivent qu’une certaine révélation et qui impose un certain formalisme, celle
de la désignation par un code (CIM 10) ;
La dérogation ne permet pas n’importe quelle révélation, le secret demeure pour
tout ce qui n’est pas nécessaire à la finalité recherchée par la loi.
VI. Les éléments constitutifs du délit de violation du secret médical :
Le délit est constitué lorsque quatre éléments se trouvent réunis ;
1. Faire partie des professions tenues au secret ;
2. La révélation à un tiers, peu importe le moyen par lequel la révélation a été
faite ;
3. Révélation faite avec connaissance, peu importe l’intention, l’intention
coupable est toujours retenue ;
4. L’absence d’ordre ou d’autorisation légale de révéler le secret.

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Le délit de violation du secret médical et/ou professionnel engage les
responsabilités pénale, civile, disciplinaire et administrative du professionnel de
santé.

VII. Les cas particuliers :


1. Secret et assurances :
 Médecin conseil et sécurité sociale :
Une dérogation au secret médicale est admise « secret partagé ».
 Assurances privées :
Aucune dérogation n’existe, néanmoins, le médecin peut délivrer des certificats
médicaux à son patient attestant de son état de santé, pour lui permettre de faire
valoir ses droits.
 Après le décès :
Certains patients souscrivent une assurance vie, après leur décès les assurances
exigent des ayant droits de savoir la cause exacte du décès, pour déterminer s’il ne
s’agit pas d’une clause d’exclusion ;
Le médecin ne peut absolument pas délivrer ce genre d’information, il peut
demander à l’organisme assureur de lui faire parvenir les clauses du contrat, et il
établit un certificat attestant que la cause du décès n’est pas une des clauses
d’exclusion.
2. Le secret et la justice :
 Médecin témoin :
Le médecin a l’obligation de témoigner lorsqu’il est appelé à le faire, il doit prêter
serment et dire la vérité, en appréciant à chaque question la possibilité de révéler tel
ou tel information, sans violation du secret.
 Médecin requis ou expert :
Le médecin agit en tant qu’auxiliaire de la justice, il doit répondre à la mission et rien
que la mission ;
Il ne peut être médecin traitant et expert d’un même patient ;
Le secret est partagé entre le médecin et le magistrat, il n’existe pas de violation du
secret.
 Médecin accusé :
Le médecin a le droit de levé le secret pour assurer sa défense, en ce qui concerne
seulement les fait qui lui sont reprochés.
3. Secret et informatique :
Les données médicales enregistrées sur ordinateur, peuvent être modifier,
supprimées volontairement ou accidentellement, le médecin en a la responsabilité et
doit prévoir des sauvegardes et des codes d’accès.

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VIII. Conclusion :
Le secret est une obligation faite au médecin et à tout professionnel de la santé ;
Cette obligation est morale, déontologique et légale ;
C’est une clause essentielle du contrat médical, institué par la confiance que peu
accordé le patient aux médecins, aux équipes soignantes et aux établissements qu’il
choisit pour sa prise en charge thérapeutique.

Pour en savoir plus :

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