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Procè s pé nale 

La garde a vue et la dé tention


pré liminaire

Master Sciences juridiques

-S2-

2020/2021

Encadré par :

Professeur NISRINE EL FEDDALI

Réalisé par : MED KARIM LAROUI


Introduction

« La nécessité de l’institution est aussi indiscutable que ses vices » . Professeur


Jean Paul DOUCET1

Le droit à la liberté et à la sûreté, garanti par l'article 5 de la convention européenne des droits de
l'Homme, par l'article 6 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et par l'article 9
du pacte international relatif aux droits civils et politiques. Cette affirmation se retrouve dans le point
de vue de la commission européenne des droits de l'Homme selon lequel : l'expression « liberté et
sécurité » doit dans cette disposition lue comme formant un tout et comme ne visant que la liberté
physique et la sécurité physique.

La détention avant jugement sous-entend toute mesure privative de liberté prise à l'encontre d'un
suspect ou d'un accusé avant qu'il soit rendu un jugement définitif à son encontre. Il s'agit, en fait, de
la garde à vue devant la police judiciaire, du dépôt en prison opéré par le ministère public et de la
détention préventive décidée en phase d'instruction.

La matière de la détention préventive, devenue détention provisoire, a été bouleversée par une
douzaine de lois. Mais les avantages et les inconvénients, les difficultés et les problèmes
liés à la détention avant jugement n’ont pas changé pour autant, c’est pourquoi il conserve un
certain intérêt du point de vue de la science criminelle.
La détention préventive en tant que mesure exceptionnelle suppose qu’il convient de ne l’appliquer
que là où elle est indispensable car elle peut avoir des conséquences particulièrement graves sur la
personne qui quoique présumée innocente, est emprisonnée.

La détention préventive a connu une évolution puisque si le code de procédure pénale de 1959
l’avait réglementé de manière à protéger les droits et libertés fondamentales, les dahirs de 1962 et
1974 ont nuancé sa réglementation protectrice pour engendrer des abus à son égard dans un souci
d’accélérer la procédure2.
Heureusement, le code de procédure pénal de 2002 est venu pallier à ces insuffisances en
réinstaurant la détention préventive en tant que mesure exceptionnelle.
On s’accorde à reconnaître que la détention préventive est une mesure qui répond à trois fins
différentes : elle facilite l’instruction en plaçant le prévenu à la disposition de la justice et en lui
interdisant de faire disparaître les preuves, elle assure la sécurité publique en le mettant hors d’état
de nuire et elle garantit l’exécution de la peine qui sera prononcée en l’empêchant de prendre la
fuite.
Ainsi la détention préventive présente une nature juridique panachée : elle est tout à la fois acte
d’instruction, mesure de sûreté et peine par anticipation.

En effet, la présomption d'innocence couvre les personnes en conflit avec la loi pénale jusqu'à ce
qu'elles soient rendues coupables. Cette présomption veut que le suspect ou l'accusé soit traité en
tant que citoyen honnête jusqu'au prononcé d'un jugement définitif le rendant coupable. Ce
traitement ne doit porter atteinte ni à la liberté ni aux droits de l'inculpé.

Ce sujet revêt une grande importance car lié aux droits et libertés fondamentaux, consolidés par la
Constitution de 2011. De même, l'une des problématiques de la politique pénale est de savoir
comment concilier entre les droits et libertés des citoyens et la sécurité de la collectivité. Or, cette
conciliation n'est pas toujours favorable aux individus impliqués dans un procès pénal, lesquels se

1
Gazette du Palais - Journal du 10 juin 1966, Recueil 1966 I Doct. 130
2
Professeur CHAHDIi LOUBNA polycopié
trouvent dans certains cas, en vertu de la nécessité de l'enquête ou de l'instruction, privés de leur
liberté, le bien suprême de l'être humain. 3

Alors la détention provisoire : une protection réelle contre l’atteinte à la


sûreté ou une atteinte au droit à un procès équitable par une anticipation sur
la culpabilité ?
Pour bien approfondir la réflexion autour des mesures privatives de liberté avant jugement, il serait
préférable de voir dans un premier temps les mesures privatives de liberté avant le jugement
(atteinte à la sureté) (1) et, dans un second temps, la détention provisoire affecte les droits
fondamentaux des justiciables

Plan
I / Les mesures privatives de liberté avant le jugement (atteinte à la sureté)
A- Au cours l’enquête préliminaire
B- Au cours de l’instruction préparatoire
II/ la détention provisoire affecte les droits fondamentaux des justiciables

A- Problématiques liées a la garde a vue


B- L’usage excessif de la détention préventive, l’exception devenue une
règle

3
BOUSSETTA Mourad. Principes élémentaires de la procédure pénale marocaine. 2 ème édition 2006.
I / Les mesures privatives de liberté avant le jugement (atteinte à la sureté)

A- Au cours l’enquête préliminaire

Garde à vue : - On désigne sous ce titre la mesure par laquelle la police judiciaire maintient à sa
disposition des personnes qui sont suspectes, mais ne font pas encore l'objet d'inculpation ni de
titre de détention.
Le nouveau Code réglemente le régime de la "garde à vue" et prévoit trois cas dans lesquels elle
peut être exercée, dans d'étroites limites.
Dans le cas de crime ou délit flagrant. - L'officier de police judiciaire qui instrumente peut garder à
vue la personne suspecte pendant 48 heures. Si des indices graves et concordants sont relevés
contre cette personne, il peut la garder à sa disposition pendant trois jours au maximum sur
autorisation écrite du procureur (art. 68).
Tous ces délais sont eux-mêmes doublés lorsqu'il s'agit d'atteinte à la sûreté intérieure ou
extérieure de l'Etat.
L'officier de police judiciaire est tenu de mentionner sur son carnet de déclarations et sur son
procès-verbal le jour et l'heure où la personne a été appréhendée, ainsi que le jour et l'heure où il
la libère ou la présente au procureur (art. 69, 1°, art. 70).
Au cours de l'enquête préliminaire  : - L'officier de police judiciaire ne peut retenir plus de quarante-
huit heures une personne suspecte. A l'expiration de ce délai, il doit conduire cette personne
devant le procureur, qui ne peut prolonger la garde - par autorisation écrite - que de vingt-
quatre heures (art. 82).  4  
Les formalités d'écritures prévues précédemment doivent obligatoirement être respectées.
Au cours de l'exécution d'une commission rogatoire  : - Lorsque l'officier de police judiciaire exécute
une commission rogatoire du juge d'instruction et se trouve dans l'obligation de retenir une
personne à sa disposition, il doit la conduire dans les vingt-quatre heures devant le juge
d'instruction.5
Le juge d'instruction peut autoriser la prolongation de la garde à vue pour une durée de
quarante-huit heures (art. 169).
Les formalités d'écritures prévues dans les deux hypothèses précédentes doivent toujours être
observées par les officiers de police judiciaire.

Une privation de liberté par le ministère public: Le ministère public est une partie principale et
poursuivante dans le procès pénal. Néanmoins, cette position ne l'empêche pas de décider de la
liberté de la partie poursuivie. Le parquet est ainsi habilité à ordonner le dépôt en prison des
suspects. Cette prérogative trouve comme fondement les articles 17,71 et 73 du CPP.

Selon l'article 47 du CPP lorsqu'il s'agit d'un délit flagrant, le procureur du Roi interroge le suspect,
et peux ordonner son dépôt en prison si le délit en question est punissable de l'emprisonnement.

Quant à l'article 74, il dispose que lorsqu'il s'agit d'un délit flagrant punissable de l'emprisonnement,
ou lorsque les garanties de présence des auteurs font défaut, le procureur du Roi ou son substitut
peut ordonner le dépôt de l'accusé en prison (..).

4
Revue de la gendarmerie royale
5
Revue de la gendarmerie royale
En outre, l'article 73 du CPP permet aussi au procureur général du Roi d'ordonner le dépôt de
l'accusé en prison lorsqu'il est établi que l'affaire est en état d'être jugé.

La personne contre laquelle cette mesure est prononcée est qualifiée de détenue préventivement
en vertu de deuxième alinéa de l'article 618 du CPP selon lequel est qualifié du détenu préventif
toute personne poursuivie pénalement sans être condamnée par un jugement ayant acquis la force
de la chose jugée.

En effet, ce pouvoir de poursuite en état d'arrestation est soumis au pouvoir discrétionnaire du


représentant du parquet. Ainsi, dés que les faits sont constitutifs d'un délit de police, d'un délit
correctionnel ou d'un crime le parquet peut poursuivre le suspect en ordonnant son dépôt en
prison. Toutefois, l'article 47 du CPP distingue entre le délit et le crime flagrants et le délit et le
crime non flagrant. Dans les délits et crimes non flagrants, il faut que la décision du dépôt en prison
soit motivée par l'aveu du prévenu, l'apparition des preuves palpables de sa commission de
l'infraction, le défaut des garanties de présence ou la dangerosité du prévenu.
Si l'infraction est flagrante, il suffit qu'elle soit punissable de l'emprisonnement pour que la décision
du dépôt en prison soit fondée conformément au premier alinéa de l'article 47 du CPP. 6

La personne poursuivie en état d'arrestation doit être renvoyée devant la première audience
convenable que tiendra la juridiction du jugement," et dans tous les cas dans le délai de trois (3)
jours à partir de son dépôt en prison.

A cette privation de liberté au cours de l'enquête préliminaire s'ajoute celle qui peut être prononcée
par le juge d'instruction au cours de l'instruction préparatoire.
B- Au cours de l’instruction préparatoire

La détention préventive qui, généralement, fait suite à la garde à vue est une mesure extrêmement
grave, qui n'est ordonnée par le juge d'instruction que sous certaines conditions.
Le nouveau Code prévoit que lorsque la peine est inférieure à deux ans de prison, la durée de la
détention préventive ne peut, en principe excéder dix jours (art. 153).7
Si la peine prévue est supérieure à deux ans de prison, la durée de la détention préventive doit être
limitée à deux mois (art. 154). Cette détention ne peut alors être prolongée de deux mois en deux
mois que par des ordonnances motivées du juge d'instruction rendues sur réquisitions également
motivées du procureur.8
A tout moment de la procédure, l'inculpé peut demander sa mise en liberté provisoire et le juge
d'instruction doit statuer dans les cinq jours, faute de quoi l'inculpé a la faculté de saisir directement
la chambre d'accusation qui se prononce alors dans les quinze jours. La partie civile n'est admise
qu'à présenter ses observations au juge d'instruction (art. 156).
La partie civile n'est admise qu'à présenter ses observations au juge d'instruction (art. 156) .Elle ne
peut faire appel d'une décision concernant la détention de l'inculpé (art. 207).
On note, dans le nouveau code (art. 407) , que le prévenu doit être immédiatement mis en liberté,
bien qu'appel ait été interjeté, s'il a été acquitté, absous, condamné à l'emprisonnement avec sursis
ou à l'amende, ou encore dès que la peine prononcée en première instance est accomplie.
Toutes ces dispositions constituent, par rapport à celles du dahir du 15 safar 1373 (24 octobre 1953)
formant code de procédure pénale marocain, un progrès considérable pour la liberté individuelle.
6
BOUSSETTA Mourad. Principes élémentaires de la procédure pénale marocaine. 2 ème édition 2006.
7
Dahir n° 1-58-261 du 1er chaabane 1378 formant Code de procédure pénale
8
Dahir n° 1-58-261 du 1er chaabane 1378 formant Code de procédure pénale
Ce code donnait pratiquement tous pouvoirs au commissaire du Gouvernement pour les questions
de détention préventive. Il prévoyait, en effet, que le commissaire du gouvernement pouvait
toujours décerner des mandats contre l'inculpé (art. 34 et 35) et ne permettait au juge d'instruction
de les délivrer lui-même que sur avis conforme du commissaire du Gouvernement (art. 68). Au cas
où le tribunal avait, sur une inspiration autre que celle du commissaire du Gouvernement, acquitté
le prévenu, prononcé le sursis ou une peine d'amende, l'appel du commissaire du Gouvernement
permettait de maintenir l'inculpé en détention préventive malgré la décision des premiers juges (art.
149) .9
Quant à la détention préventive au cours de l'information elle pouvait, aussi bien devant les
juridictions de droit commun que devant celles instituées par le dahir du 9 ramadan 1331 (12 août
1913), se prolonger pendant des mois, voire des années, sans que le parquet ni le juge d'instruction
aient à prendre de décisions particulières pour s'expliquer sur cette anomalie.
II/ la détention provisoire affecte les droits fondamentaux des justiciables
C- Problématiques liées a la garde a vue10

Les différentes problématiques pratiques qui entachent la garde à vue à la lumière des circulaires du
Ministère de la justice mentionnées ci-dessus.
1. Le contrôle judiciaire et la problématique du flagrant délit : Dans le Code de Procédure Pénale, le
législateur marocain a confié les fonctions de placement en garde à vue aux OPJ, comme indiqué à
l’article 66 du CPP, après notification des cas de flagrant délit au parquet général, ou sous son
autorisation.
Ce qui attire l’attention ici, c’est la partie chargée du placement en garde à vue. À cet égard, les
chartes internationales affirment que la restriction de la liberté doit intervenir par le biais du pouvoir
judiciaire.
Le Maroc est parvenu à éviter cette problématique après séparation du Parquet général de la tutelle
du pouvoir exécutif et du Ministère de la justice.
En revanche, on ne peut manquer de constater le nombre sans cesse élevé des cas de flagrant délit
qui outrepassent la notion juridique réelle, telle que définie tant par le législateur/ marocain.
2. La durée de placement en garde à vue : la durée de placement en garde à vue, fixée par le
législateur marocain à 48 heures dans le cas de crimes de droit commun, et prolongeable de 24
heures une seule fois, 96 heures pour les crimes d’atteinte à la sécurité intérieure ou extérieure de
l’État, prolongeable une seule fois pour la même durée, et deux fois pour la même durée dans le cas
de crimes terroristes, est une durée longue au regard des législations comparées, comme c’est le cas
pour la législation française qui la fixe à 24 heures , prolongeable une seule fois dans le cas de crimes
de droit commun, et deux fois pour les crimes prévus par l’article 706-73
3. Le droit à la défense :L’accès à l’avocate constitue une garantie essentielle pour la bonne
application des mesures prises pendant la durée de garde à vue, et dès les premiers instants du
placement en détention. L’une des autres garanties consiste à ce que l’avocate informe son client des
droits que la loi
lui garantit, ce qui donc ne peut être pleinement fait si la loi ne permet pas à la présence de l’avocate
l’efficacité suffisante, afin qu’elle ne soit pas dépourvue d’intérêt.
le Code de Procédure Pénale n’autorisait le contact avec l’avocate que pendant la prolongation de la
garde à vue, soit 48 heures après.
4. Le contrôle des lieux de garde à vue : La législation marocaine a investi la procureure du Roi de la
possibilité de se rendre sur les lieux de placement en garde à vue chaque fois qu’il le juge nécessaire.
L’autorité que le procureur du Roi exerce sur la PJ se voit ainsi dans le suivi des actes et
comportements de la PJ lorsque ceux-ci émanent d’elle en cette qualité, et se reflète dans le suivi de
toute irrégularité ou tout manquement attribué aux officiers de la PJ pendant l’exercice de leurs
fonctions, qu’il constate personnellement, parvient à sa connaissance ou qui lui est rapporté. avec
9
La place du procès équitable dans la justice pénale par Abdeljalil DALIL ESSAKALI
10
Thèse d’étude juridique comparative France –Maroc par Khadija BOUROUBAT
d’autres le contrôle des registres de garde à vue, des carnets de déclarations et du registre de
surveillance des mineurs qu’ils doivent le fassent au moins deux fois par mois, tel que le prévoit
l’article 45 du CPP, ce qui n’est existe jamais a la réalité.
5. Le droit à l’intervention médicale bénéficiant aux gardées à vue : Le CPP a réuni les dispositions
légales relatives à l’intervention médicale bénéficiant aux personnes placées en garde à vue chaque
fois que la demande en est faite au Parquet général,
mais les aspects entachés d’insuffisance peuvent-ils être brièvement énumérés comme suit:
• L’emploi du terme «médecin» sans indication précise ni sur le médecin habilitée à effectuer ce type
d’examens, ainsi que la compétence scientifique dont il doit disposer, ce qui se répercute sans doute
sur la crédibilité et la transparence du rapport qu’il sera amené à établir
• Les mesures à caractère médical prévues au profit des gardées à vue ne sont énoncées que dans le
cas des personnes prises en flagrant délit ; en revanche, le texte ne dit rien sur les mêmes garanties
prévues pour les personnes placées en garde à vue en vertu de la procédure ordinaire d’enquêtes
préliminaires.
6. Nullité des procès-verbaux : S’agissant des PV établis par la PJ, le législateur marocain a prévu
nombre de mesures entrant dans le cadre des garanties bénéficiant à la personne placée en garde à
vue. Toutefois, il n’a pas prévu la nullité des PV qui n’observent pas les procédures de garde à vue, à
l’instar de ce qui en est pour la perquisition des domiciles, ce qui a entraîné une divergence en
matière d’appréciation.

D- L’usage excessif de la détention préventive, l’exception devenue une règle

Le Procureur général du Roi près la Cour de Cassation, président du ministère public, El Hassan Daki, a
rappelé que "le ministère public, sur la base de son rôle constitutionnel dans la protection des droits
et libertés des personnes et des groupes, tient, avant d'émettre des ordonnances de mise en
détention préventive, à la nécessité d'équilibrer entre deux intérêts fondamentaux, à savoir le droit
de l'individu à la liberté et le droit de la société à la sûreté et à la sécurité, à travers la lutte contre les
crimes", estimant qu'"il s'agit d'un équilibre difficile à atteindre, et que la bonne décision n'est pas
facile à prendre"11.

Il a relevé que l'augmentation du taux de détention préventive est principalement dû au fait que la
plupart des textes juridiques comportent des dispositions répressives qui comprennent des peines
privatives de liberté, en plus de l'absence d'alternatives à la détention préventive au niveau législatif,
et de l'accroissement du nombre de personnes soupçonnées d'avoir commis des délits et présentées
devant le parquet général (20% entre 2017 et 2020) 12.

Mais La politique pénale actuelle du Maroc pose un grand problème : le parquet général et le juge
d’instruction, pour n’importe quel délit, aussi minime soit-il, envoient quasi automatiquement le
suspect en détention préventive. Les prisons marocaines sont encombrées de détenus.

Les magistrats, eux, relativisent. Exemple : sur les 600 dossiers traités quotidiennement à Casablanca,
seulement 17% des suspects qui passent devant eux sont envoyés en détention préventive, «Ce n’est
pas du tout exagéré», rétorque ce magistrat. Mais si à Casablanca le taux n’est que de 17%, «il faut
savoir que dans d’autres villes, il dépasse les 65% (la moyenne nationale est de 47%) qui sont placés
en détention préventive. Or, cette dernière est une mesure d’exception qui devient la règle. c’est
tout le principe de la présomption d’innocence qui est mis à mal, sans parler du fait que l’on passe
outre la nouvelle Constitution de 2011 et les conventions internationales signées par le Maroc 13.

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Revue de ministère public 2021
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Revue de ministère public 2021
Les autorités qui ordonnent la détention préventive justifient leur acte par le fait que les faits
reprochés aux suspects sont assez graves, et une remise en liberté de ces prévenus pourrait
constituer «une atteinte à l’ordre public». Mais la pratique c’est que le magistrat n’étudie pas assez,
ou du tout le dossier pour prendre sa décision. Souvent, il se contente du PV de la police judiciaire,
même si dans ce PV l’accusé nie les faits qui lui sont reprochés.

Le CPP marocain lui-même est clair sur ce point. Si la détention préventive est une mesure
«exceptionnelle et grave», l’arrestation de certains délinquants et leur détention préventive est
nécessaire, «pour s’assurer de leur personne, les empêcher de commettre de nouvelles infractions
ou de faire disparaître les preuves du délit». A une seule condition, ajoute le code : «Maintenir les
arrestations et les détentions dans les limites raisonnables…, en fixer les termes».

. Le mieux est de recourir aux autres mesures alternatives car il n’y a pas moins de 18 mesures
alternatives prévues par le Code de procédure pénale (CPP) qui dispenseraient le parquet et le juge
d’instruction d’envoyer les suspects en prison. Le même CPP est en effet clair : il stipule que la
détention préventive est «une mesure exceptionnelle. Elle fait généralement suite à la garde à vue».
Plus, «c’est une mesure extrêmement grave, qui n’est ordonnée par le juge d’instruction qu’à
certaines conditions», insiste le même code.

Reste maintenant à savoir quelles sont ces mesures alternatives que le parquet général et le juge
d’instruction n’exploitent pas (ou très rarement), pour éviter la prison. Entre autres mesures, citons
ˆle contrôle judiciaire : pour le délit moyen, le présumé coupable peut rester en liberté provisoire,
mais tout en restant sous le contrôle de la justice, en allant toutes les semaines au commissariat
justifier sa présence, dans l’attente du procès. Il y a aussi la caution personnelle et la caution
pécuniaire. Le premier est «la garantie d’une tierce personne au profit du suspect, la seconde
consiste en le versement d’une somme d’argent par la personne concernée tout en restant sous
contrôle judiciaire».

Bibliographie :

BOUSSETTA Mourad. Principes élémentaires de la procédure pénale


marocaine. 2ème édition 2006.
La place du procès équitable dans la justice pénale par Abdeljalil DALIL
ESSAKALI

Dahir n° 1-58-261 du 1er chaabane 1378 formant Code de procédure pénale

Thèse :
Thèse d’étude juridique comparative France –Maroc par Khadija
BOUROUBAT

Revue :

Revue de ministère public 2021

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DROITS DE L’HOMME DANS LA NOUVELLE CONSTITUTION, AMDH 2020
Revue de la gendarmerie royale

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