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Thème : Le principe
compétence-compétence
Miloud ECH-CHAMALI
Bibliographie ................................................................................... 14
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Liste des abréviations
CPC : Code de procédure civile
2
Introduction
En droit moderne de l’arbitrage, tant interne qu’international, les arbitres sont compétents
pour apprécier leur propre compétence, c’est le principe compétence-compétence. Ainsi, le juge
doit se déclarer incompétent lorsqu’un arbitre est déjà saisi. Il en est de même lorsque l’arbitre
n’est pas encore saisi, à moins que la convention d’arbitrage ne soit manifestement nulle.
Ce principe fondateur du droit d’arbitrage1, est l'un des plus importants mais également l'un
des plus délicats de l'arbitrage interne et international. Il a donné lieu à de nombreuses
controverses et à de nombreux malentendus 2.
Il s’agit, en effet, d’une règle matérielle solidement ancrée dans le droit de l’arbitrage. Il se
définit comme étant la faculté reconnue à l’arbitre de se prononcer prioritairement sur sa propre
compétence.
1
4 J.-P. ANCEL, « La Cour de cassation est les principes fondateurs de l’arbitrage international », in Le juge entre deux millénaires,
Mélanges offerts à Pierre DRAI, Dalloz, 2000, p. 161
2
GAILLARD (E.), « Arbitrage commercial international », juris- clas. D.I.P, Fasc. 586-5, p.8
3
MAYER(P.), art. précité, R.C.A.D.I 1989, t 217 n°9 p.339. 3
Ce principe a évolué en un mécanisme de résolution des conflits de compétence, reposant
sur la coordination d’un pouvoir commun que juges et arbitres détiennent, celui de juger de leur
compétence.
Le droit marocain consacre ce principe dans l’article 327-9 du code de procédure civile qui
dispose que « Préalablement à tout examen au fond, il appartient au tribunal arbitral de statuer,
soit d'office, soit sur la demande de l'une des parties, sur la validité ou les limites de ses
compétences ou sur la validité de la convention d'arbitrage… ».
4Mohamed El Mehdi Najib « L’intervention du juge dans la procédure arbitrale », ED N°41, 2016, p 140
5 P. Lalive, « Le juge et l’arbitrage : Les problèmes spécifiques de l’arbitrage international », Rev. arb., 1980, p. 358.
4
Toutefois, ce principe dont jouit l’institution de l’arbitrage quant à son autonomie par
rapport aux juridictions étatiques, trouve certaines limites notamment lorsque la clause
compromissoire est jugée manifestement nulle. Cette situation, en plus de la soumission de la
sentence arbitrale au contrôle du juge de l’Etat, risquerait de mettre en cause le principe de
l’autonomie de la clause compromissoire, qui est la raison d’être du principe compétence-
compétence.
En effet, ce principe est en lien avec l’arbitrabilité, mais aussi avec l’autonomie, puisque
compétence-compétence et autonomie convergent. L’autonomie protège « ainsi la clause
d’arbitrage contre les causes d’inefficacité procédurale liées à une contestation de la compétence
arbitrale » 6
Ce qui nous amène à la question suivante : Dans quelle mesure le principe compétence-
compétence garantit une ample autonomie de l’arbitre par rapport au juge étatique ?
63 J.-B. RACINE, « Réflexions sur l’autonomie de l’arbitrage commercial international », in Journée d’hommage et d’études à la mémoire
de Philippe Fouchard, Comité français de l’arbitrage, Rev. arb., 2005, n° 2, p. 314.
5
Plan
6
I- L’effet positif du principe compétence-compétence
L’aspect positif du principe de compétence-compétence fait l’objet d’une adhésion
massive en droit comparé de l’arbitrage de sorte qu’il ne peut être sérieusement envisagé de le
contester. Malgré l’acceptation quasi-universelle du principe en droit comparé de l’arbitrage7, il
connaît, pourtant, des exceptions notamment en droit conventionnel.
S’agissant du droit marocain, celui-ci a adopté l’aspect positif dudit principe en vertu de
l’article 327-9, relatif à l’arbitrage interne, du CPC qui dispose au premier alinéa que :
« Préalablement à tout examen au fond, il appartient au tribunal arbitral de statuer, soit d'office,
soit sur la demande de l'une des parties, sur la validité ou les limites de ses compétences ou sur
la validité de la convention d'arbitrage, et ce par ordonnance qui n'est susceptible de recours que
dans les mêmes conditions que la sentence au fond et en même temps qu'elle ». Or en matière
internationale il est fait renvoie aux conventions internationales l’ayant ratifié.
C’est ainsi que la cour d’appel8de Casablanca a rejeté, une ordonnance du président du
tribunal de commerce9de Casablanca ayant refusé d’accorder l’exéquatur d’une sentence
internationale de la chambre de commerce internationale, au motif que le juge d’exécution « a
7 POUDRET (J.F) et BESSON (S), droit comparé de l’arbitrage international, op.cit, p.406.
8 C.A.com, Casablanca, 15/01/2015, n°220, RG n° 2669/8224/2013, disponible sur : http://www.mahkamaty.com/, consulté le 29/11/2021.
9
T.C, Casablanca, Ordonnance n°3921, rendue le 28/12/2012, RG n° 2426/1/2011, in : ibidem.
7
Concernant les dispositions conventionnelles, la convention de New-York de 1958
pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères ne contient aucune
disposition reconnaissant l’aspect positif du principe. Se contentant d’assurer la reconnaissance
de la convention d’arbitrage par le juge étranger, ladite convention conclue entre Etats s’adresse
principalement aux juridictions étatiques et non pas aux tribunaux arbitraux, et qu’elle prévoit
les dispositions régissant les sentences arbitrales, et non pas la procédure arbitrale10.
10
Voir : BEGUIN (J,) BOURDAUX (G), MENJUCQ (M), RUIZ FABRI (H), SOREL (J.M), SERAGLINI (Ch), LE BARS (B) et
MAINGUY (D), droit du commerce international, op.cit, p.908 ; JACQUET (J.M), DELEBECQUE (Ph) et CORNELOUP (S), droit du
commerce international, op.cit, p.387.
8
Ce principe de compétence-compétence illustre l’idée selon laquelle l’arbitre est le « juge
naturel » du litige tant sur le fond que sur la compétence8311. Le pouvoir de l’arbitre ne doit pas
être dénié par le juge étatique car c’est un pouvoir légitime que lui confère la convention
d’arbitrage.
L’arbitre possède toute légitimité car des parties ont décidé au moment de la conclusion de leur
contrat ou au moment de la survenance de leur litige de faire appel à lui afin de résoudre leur
différend. Ce principe de compétence-compétence vient accorde une sorte d’immunité à l’arbitre
afin qu’il puisse mettre en œuvre
efficacement la convention d’arbitrage.
Le juge aura le pouvoir de contrôler la compétence de l’arbitre a posteriori une fois que la
sentence sera rendue et qu’un potentiel recours en annulation ou un appel contre l’ordonnance
d’exequatur sera formé. Même si l’arbitre s’est prononcé sur sa propre compétence en priorité,
ça ne sera jamais le dernier maillon de la chaîne dans la résolution du litige. Malgré cette forte
acceptation de l’effet positif en droit français il faut souligner qu’on ne reconnaît jamais à
l’arbitre le pouvoir de trancher définitivement la question de la compétence.
Le droit marocain n’adopte l’aspect négatif du principe que pour l’arbitrage interne,
conformément à l’article 327 du CPC qui dispose que : « Lorsqu'un litige soumis à un tribunal
arbitral en vertu d'une convention d'arbitrage, est porté devant une juridiction, celle-ci doit,
lorsque le défendeur en fait la requête avant de statuer sur le fond, prononcer l'irrecevabilité
jusqu'à épuisement de la procédure d'arbitrage ou annulation de la convention d'arbitrage ».
En revanche, le droit français consacre aujourd’hui sans ambages l’aspect négatif du principe
de compétence-compétence. Depuis l’entrée en vigueur du décret n° 2011-48 du 13 janvier 2011
portant réforme de l’arbitrage, l’aspect négatif du principe de compétence-compétence appliqué
à l’arbitrage international a été consacré par l’actuel article 1448 applicable par renvoi de
12
V. pour une étude du principe de compétence-compétence en droit comparé : POUDRET (J. –F.), BESSON
13
E. GAILLARD, « La reconnaissance, en droit suisse, de la seconde moitié du principe d’effet négatif de la compétence-compétence »,
op. cit., p. 317.
10
l’article 1506 nouveau du code de procédure civile qui dispose que « lorsqu’un litige relevant
d’une convention d’arbitrage est porté devant une juridiction de l’État, celle-ci se déclare
incompétente sauf si le tribunal arbitral n’est pas encore saisi et si la convention d’arbitrage est
manifestement nulle ou manifestement inapplicable. La juridiction de l’Etat ne peut relever
d’office son incompétence »14.
Pour mieux appréhender ces deux articles, et montrer le pourquoi on les fait apparaitre, il
convient de prime abord de dégager le véritable sens de l’effet négatif du principe compétence-
compétence(A), ensuite soulever le cas des ses exceptions(B).
Dans un sens négatif, le principe compétence-compétence vise les juridictions étatiques en leur
interdisant de statuer prima facie sur des questions relatives à la compétence, à la validité ou
l’existence de la convention d’arbitrage avant que ne se soit prononcé l’arbitre. Il s’agit en
quelques sorte d’une interdiction du juge étatique de se mêler sur les affaires du juge arbitral,
notamment sur sa compétence.
Ce principe permet à l’arbitre de statuer sur sa compétence lorsque celle-ci est contestée, tout en
limitant le juge, s’il est saisi en dépit d’une convention d’arbitrage, à un contrôle prima facies
sur cette compétence en définitive, le juge intervient que lorsque l’arbitre se sera prononcé, et ce
dans le cadre d’un contrôle a posteriori, qui lui permet d’annuler ou de confirmer la sentence.
Il est très important de retenir que l'aspect négatif du principe consiste à réserver aux arbitres,
non pas « une compétence exclusive » pour statuer sur leur propre compétence, mais la
possibilité «de se prononcer en premier ». C'est ce qui fait du principe de compétence-
14 Cette réforme reflète l’attitude jurisprudentielle française ayant adopté ce principe. Deux arrêts de principe ont été rendus en la matière,
dégageant ainsi le principe de compétence-compétence en droit français de l'arbitrage international. Il s'agit des arrêts de la cour d'appel de
Paris redus le 29 mars 1991 (arrêt Ganz, C.A Paris, 1re ch. Suppl., 29 mars 1991, Rev.arb, 1991, note Idot.) et le 19 mai 1993 (arrêt
Labinal, C.A Paris, 1re ch. Suppl., 19 mai 1993, Rev.arb. 1993.645, note Jarrosson). On peut évoquer par ailleurs trois arrêts par lesquels la
cour de cassation française a appliqué ce principe en l’occurrence (Civ.1re, 11/2/2009, n° 08-10.341, Sté Afitex, Rev.arb, 2009, note Train
; (Com, 10/11/2009, n° 07-21-866, inédit), (Civ, 1re, 8/4/2009, n° 08-17.548, Sté Gefu Kuchenboss, inédit).
Voir à ce sujet : CLAY (Th), Arbitrage et modes alternatifs de règlement des litiges, Recueil Dalloz, 2009, p.2959.
11
compétence « une règle de priorité entendue au sens chronologique et non au sens hiérarchique
».15
Cette règle néanmoins pas absolue, l’effet négatif du principe compétence-compétence connait
certaines exceptions.
Le juge étatique ne peut intervenir dans une convention d’arbitrage qu’elle soit une clause
compromissoire ou un compromis sauf si la convention d’arbitrage soit nulle ou inapplicable, ou
si le tribunal arbitral n’est pas encore constitué.
En vertu de l’article 327 du CPC, lorsqu’un litige soumis à un tribunal arbitral en vertu d’une
convention d’arbitrage, est porté devant une juridiction, celle-ci doit, lorsque le défendeur en fait
la requête avant de statuer sur le fonds, prononcer l’irrecevabilité jusqu’à épuisement de la
procédure d’arbitrage ou annulation de la convention d’arbitrage.
L’effet négatif de la compétence-compétence, si son efficacité reste à améliorer, est une règle de
droit valable, relativement bien assise en droit français. Il constitue le pré-requis au caractère
pluraliste de la règle de conflit instaurée par le principe compétence-compétence.
Ce premier rouage ouvre ainsi le dialogue avec la justice privée sur la frontière commune
qu’elles partagent. Deuxième acte de cette scène qui se joue en trois temps, la parole est alors au
tribunal arbitral.
Nous voyons par-là, les cas où le juge étatique a le droit de briser l’effet positif du principe
compétence-compétence qui garantit une autonomie à l’arbitre pour s’interférer dans les affaires
de ce dernier.
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Bibliographie :
Ouvrages :
مجلة المحاكم التجارية ال عدد ال ثا لث والرابع فبرا ي ر، قرا ءة في ال قانون المغربي الجد يد للو ساطة والتحكيم،إبراهيم األي سر -
منشورات ن شر المعلومة ال قانون ية والقضا ئ ية2009
.2004 دور مؤسسة ال تحكيم في فض النزاعات سلسلة ندوات محكمة الر ماني ال عدد ال ثالث،رحال بوعنا ني -
.2008 دجنبر/ نونبر117 م جلة المحاكم المغرب ية عدد،" مشتما لته وتقن ياته، "الحكم التحك يمي:رضوان الح سوسي -
ندوة تحت عنوان ال طرق البديلة ل ت سو ية المناز عات التي نظمتها كل ية العلوم ال قانون ية واالقتصادية وا الجتم ا ع ية ب فاس ب شراك ة -
، منشورات جمعية ن شر المعلومة ا ل قانون ية والقضا ئ ية،2003 سنة5 و4 مع وزارة العدل وهيئة المحامين بفاس يومي
.2004 ، الطب عة األولى،2 عدد،سلسلة الندوات واأليام الدرا س ية
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THESES
Julie CLAVEL, Le Déni de Justice Economique dans L’arbitrage International : L’effet négatif du
principe de compétence-compétence, thèse pour l’obtention du doctorat soutenance en date du 12
décembre 2011
Mohamed El Mehdi Najib. L’intervention du juge dans la procédure arbitrale,
Web graphie :
https://tel.archives-ouvertes.fr consulté le 25/11/2021
https://mahkamaty.com/blog/2015/01/28/%d8%a7%d9%84%d8%aa%d8%ad%d9%83%d9%8a%d9%85-
%d8%a7%d9%84%d8%af%d9%88%d9%84%d9%8a-
%d8%a7%d8%aa%d9%81%d8%a7%d9%82%d9%8a%d8%a9-
%d9%86%d9%8a%d9%88%d9%8a%d9%88%d8%b1%d9%83-
%d8%aa%d9%85%d8%af%d9%8a%d8%af/ consulté le 22/11/2021
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