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Royaume du Maroc

Université Abdelmalek Essaâdi


Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et Sociales de Tanger
Master Droit International des Affaires

Exposé en
« Droit International Privé »

« La Loi de qualification du contrat en DIP »

Professeur : ALAOUI Faiza


Réalisé par : - AFALLAH Tarik
- ASSRI Zoubair
- MEDHOUNI Ali
- TOUZANI Mohamed Said

Année Universitaire : 2018 – 2019


Plan :

Introduction Générale

Partie I : Méthode de la théorie de qualification

Chapitre I : Les modes de qualification des contrats spéciaux

Chapitre II : La notion et l’origine de la théorie de qualification en DIP

Partie II : La détermination de la loi applicable au contrat

Chapitre I : Présence d’un choix des parties

Chapitre II : L’absence d’un choix des parties

Conclusion

Bibliographie

2
Abréviations :

DOC : Dahir des obligations et des contrats


DIP : Droit International Privé
CC : Code de commerce
T. Civ. : Tribunal Civil
CA : Cours d’Appel
Art. : Article
Cass. : Cassation
Civ. : Civil(e)

Mots clés :

- La qualification
- Locus regit actum
- Lege fori
- Lege causae
- Application de la loi étrangère / Loi du for
- Extranéité
- Contrat International

3
Introduction Générale :

« Le droit international privé tout entier repose, en dernière analyse, sur la doctrine
des qualifications » observait un illustre auteur français1.
Dans les relations économiques internationales, les conflits en matière contractuelle
sont fréquents en raison de la mondialisation du commerce2. Chaque pays dispose
de ses propres lois et réglementations, probablement différentes d’un pays à un
autre. La question de la qualification d’un rapport juridique à l'échelle internationale
est indispensable puisqu'elle conduit à le soumettre à une ou plusieurs lois qui
peuvent être locales ou étrangères.

Selon la définition classique du contrat, il s'agit d'un accord des volontés, qui crée
des obligations, une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent,
envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose3. Il
se forme donc par la simple acceptation de l'offre, c'est la définition admissible dans
presque tous les systèmes juridiques.

Au Maroc, le contrat est réglementé par le DOC4, texte législatif datant de 1913 et
qui a été institué par les autorités du protectorat français.

1
Étienne Bartin, « La doctrine des qualifications et ses rapports avec le caractère national du conflit des lois », dans
Académie de droit international, Recueil des cours. 1930-I, t. 31, Paris, Recueil Sirey, 1931, p. 561, à la page 618 ;
dans le même sens, Gérald Goldstein et Ethel Groffier, Droit international privé, t. 1 « Théorie générale »,
Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1998, no 58, p. 129, qui observent que la qualification revêt, en droit international
privé, « une importance fondamentale ».
2
https://www.erudit.org
3
L’article 1101 du code civil français.
4
Dahir des Obligations et des Contrats.

4
Le DOC comprend deux grandes parties : l’une relative aux obligations en général5
et l’autre relative aux différends contrats déterminés6 (Les contrats nommés) et aux
quasi-contrats qui s’y attachent tels que la vente, l’échange, le louage, le dépôt et le
séquestre, le mandat, le prêt, l’association, le contrat aléatoire, la transaction, le
cautionnement, le nantissement et les différents espèces de créanciers.
Mais les contrats sont aussi régis par le code de commerce tel qu’il fût modifié par
le DH n°1-96-8-83 du 1er Août 1992. Il s’agit particulièrement des contrats
commerciaux.
Le DOC comme le code de commerce apparaît comme des codes libéraux mettant
l’accent sur la liberté individuelle et sur la volonté humaine. La théorie classique
repose sur le principe de l’autonomie de la volonté, en vertu duquel les personnes
sont libres de créer leur propre loi : le contrat.

Cependant, la notion du contrat pourrait avoir en D.I.P. un sens différent de celui


qu’on en donne en droit interne, la question qui peut se poser, c'est de savoir quels
sont les éléments qui peuvent conférer l’internationalité à un contrat donné ? A cet
égard, avant de procéder à la qualification du contenu d'un contrat, il faut tout
d'abord faire la nuance entre un contrat interne et un contrat international.

Dire qu'un contrat est international, c'est mettre l'accent sur les particularités qui
résultent de son caractère hétérogène découlant du fait qu'il se trouve dans la
mouvance de plusieurs systèmes juridiques7. Il convient de rechercher l’élément

5
DOC, Livre premier : Des obligations en générales.
6
DOC, Livre deuxième : Des différents contrats déterminés et des quasi-contrat qui s’y rattachent.
7
Jean-Michel Jacquet, Le contrat international, 2ème édition, 1999, p.5 et 6.

5
d’extranéité du contrat afin de savoir si un tel ou tel contrat peut être considéré
comme étranger à l’égard de l’ordre juridique du juge du for.

Le contrat est international lorsqu'il présente des liens de rattachement avec plus
d'un système juridique. En effet, plusieurs éléments d'extranéité pourraient être pris
en compte : la nationalité des parties, le domicile, la résidence habituelle ou le siège
social de la personne morale. Par ailleurs, le lieu de conclusion ou d’exécution d’une
obligation contractuelle, le lieu de situation de l’objet du contrat peuvent être
également pris en compte. Il suffit en principe donc qu'un élément d'extranéité
apparaisse pour que le contrat soit considéré comme international, et par
conséquent la règle de conflit des lois entre en jeu.

Reste à souligner que, pour attribuer le caractère international à un contrat, le


rapport juridique en cause doit être en lui-même international. Le seul fait de choisir
le tribunal d’un pays autre que celui où se concentrent tous les éléments de la
relation litigieuse ne saurait satisfaire à cette exigence.

En présence d’un contrat international, un problème de qualification est souvent


posé, il convient tout d’abord de définir cette notion de qualification avant de
procéder à l’étude de ses différents aspects.

Commençons par préciser ce que nous entendons par « qualification », il s’agit d’une
matière à mi-chemin entre la théorie pure et le droit « concret », C’est une opération
commune à toutes les branches du droit. Un outil incontournable du raisonnement
qui touche le système juridique dans son ensemble. Elle se définit comme « une

6
opération fondamentale et intellectuelle d'analyse juridique, outil8 essentiel de la
pensée juridique, consistant à prendre en considération l'élément qu'il s'agit de
qualifier (fait brut, acte, règle, … etc.) et à faire entrer dans une catégorie juridique
préexistante (d'où résulte, par rattachement, le régime juridique qui lui est
applicable) en reconnaissant en lui les caractéristiques essentielles de la catégorie
de rattachement9 ».

Selon cette définition, l'opération de qualification donc correspond au raisonnement


intellectuel suivi par le juge et au procédé par lequel il intègre un cas concret dans la
catégorie avec laquelle il partage ses traits communs. Dans le but de rechercher un
régime juridique particulier, un tribunal compétent ou bien encore la loi applicable,
c’est l’activité centrale d’un juriste.

D'un point de vue théorique, la qualification est un processus complexe par lequel
les juristes décident ou non d’attribuer tel nom « catégorie juridique » à une chose
ou à une situation « un fait »10, afin de leur associer des effets ou des conséquences
juridiques.

La détermination du régime juridique applicable à une situation privée


internationale suppose sa connaissance préalable et une détermination de son
contenu, pour le comparer au contenu de la norme légale11, la qualification donc

8
Pour disposer d’une certaine rationalité, le système juridique doit se doter d’outils. Il doit s’articuler autour « d’un
certain nombre de principes, de notions fondamentales, de procédés techniques dont la mise en œuvre suppose
certaines méthodes ». Parmi ces outils, on retrouve la catégorie, que l’on nomme également qualification.
9
Pour une conception moniste de la qualification : Tristant Azzi, Brxelles I, Rome I, Rome II : regard sur la
qualification en droit international privé communautaire – D. 2009. 1621.
10
https://books.openedition.org
11
https://www.erudit.org

7
occupe une position intermédiaire. Perçue comme un « pont »12 entre le fait et le
droit.

En matière contractuelle, la qualification se fait avant tout en considération des


éléments objectifs du contrat, c’est-à-dire ses éléments caractéristiques, sa cause et
son objet prédominant, il faut donc se concentrer uniquement sur son contenu et
de mettre de côté, en principe, les circonstances extérieures à celui-ci.

L’effort de qualification nécessite une analyse objective des obligations en vue


d'identifier l'obligation fondamentale ou la prestation caractéristique du contrat. Les
parties auront peu d'influence sur la qualification qui sera ultérieurement donnée à
leur contrat13.

À l'époque, les contrats étaient soumis à une loi unique, la loi du lieu de conclusion
de contrat, en vertu du principe locus regit actum, mais avec l'évolution de la matière
et l'admission de la théorie subjective, d'autres critères entrent en jeu,
principalement la volonté des parties, leur nationalité commune, la nature de l'acte
et la situation des bien... etc.

Toute qualification a un effet incontestable sur la vie et la mort du contrat, elle


entraine des conséquences importantes en dehors du régime législatif lui étant
applicable, des règles jurisprudentielles peuvent entrer en jeu en fonction de cette
qualification, elle est susceptible d’avoir un impact sur la détermination du tribunal
compétent, la validité du contrat... etc.

La qualification en droit international privé a donc une certaine originalité en raison


de la pluralité des ordres juridiques susceptibles d’entrer en jeu. Aucune difficulté

12
François TERRÉ, L’influence de la volonté individuelle sur les qualifications, Paris, L.G.D.J., 1957, no685, p. 551.
13
https://papyrus.bib.umontreal.ca

8
ne serait à souligner si les différentes lois en présence retenaient la même
qualification de la situation litigieuse. Or, bien souvent, ce n’est pas le cas, la
qualification en DIP intervient donc comme une étape fondamentale dans le
processus de résolution du conflit entre des lois concurrentes. Cette dimension du
problème de la qualification est propre au droit international privé et ne se retrouve
pas en droit interne.

En outre, il ne faut pas oublier que l’esprit qui anime le droit international privé, soit
la recherche de l’harmonie des solutions et la coordination des systèmes, diffère
sensiblement de celui qui existe en droit interne.14

A cet égard, des questions d’importance surgissent, celles de savoir : Comment peut-
on procéder au choix de la qualification d’un contrat en DIP ? Et quelle loi sera
applicable au contrat ?

On verra tout d’abord, Dans la première partie, les modalités de qualification des
contrats en général (Chapitre I), et puis, on va procéder dans un deuxième lieu à
présenter la notion et la théorie de la qualification en DIP (Chapitre II).

La deuxième partie sera consacrée à la loi applicable au contrat lorsqu’un choix sera
présent (Chapitre I) et lorsqu’il y aura absence d’un choix (Chapitre II).

14
Nabil BEN AÏCHA, « La place du droit étranger dans la qualification », Revue tunisienne de droit 2000.357, 365 et Suiv.

9
Partie I :
« Méthode de la théorie de qualification »

10
Chapitre I : Les modes de qualification des contrats spéciaux

Généralement, que ça soit sur le plan interne ou international, la classification des


contrats spéciaux se fait selon leur contenu ( aléatoire ou commutatif, à titre onéreux
ou à titre gratuit ), leur objet ( transfert d'un bien, une prestation de service, l'octroi
des crédits ...) l'étendue de leurs obligations ( unilatéral, synallagmatique), mais
avant tout sur la base de l'existence ou pas d'un régime juridique et des règles qui
leur sont propres, sur cette base, les formulations contractuelles envisagées par le
législateur sont appelés des contrats nommées, alors que pour les autres inventions
pratiques et jurisprudentielles pour lesquelles la loi ne prévoit pas de règles
particulières, ce sont des contrats innommés non réglementés par un texte législatif
propre, seule la pratique leur donne naissance.

Pour les contrats nommés, la question de qualification est moins posée en raison de
la réglementation stricte de leurs différents aspects, les juges, une fois qu’ils
observent le contenu du contrat et les clauses inclues, font référence aux textes
législatifs et réglementaires adéquates pour trancher et bien encadrer la relation
contractuelle en question. Les difficultés de qualification s'élèvent donc lorsqu'il
s'agit d'une création purement extra-législative.

La détermination de la nature du contrat passe principalement par un processus de


qualification indépendant et objectif en recherchant son contenu, son objet et le but
envisagé par les parties et en analysant ses obligations en vue d'identifier l'obligation
fondamentale ou la prestation caractéristique du contrat15.

15
https://www.erudit.org/fr/revues/cd1/2010-v51-n2-cd4001/045635ar/

11
A cet égard, plusieurs méthodes peuvent être utilisées, à savoir :

1) La qualification exclusive et indépendante16 :

Comme principe, le contrat prend toujours la nature que lui impose son élément
principal. A travers l'analyse des clauses contractuelles, la distinction entre les
obligations fondamentales et celles accessoires grâce à un effort de hiérarchisation
pour savoir quelles obligations ou quels aspects particuliers du contrat sont
considérés comme les plus importants. Le juge peut estimer que ce dernier est
compatible avec un type de contrat existant, et par conséquent il sera assimilé à un
modèle connu, rattaché à un contrat nommé déjà prévu et réglementé par le
législateur.

2) La qualification distributive :

Il y aura qualification distributive lorsque le contrat unit des conventions de nature


différente. Les parties peuvent normalement unir à l’intérieur d’un même contrat
plusieurs opérations juridiques, une multitude d’obligations bilatérales, chose qui
peut susciter des confusions surtout en présence d'un impact sur la question en
litige.

Le recours à cette méthode est exigé dans les contrats appelés complexes, devant
l’impossibilité de hiérarchiser les obligations et d’unir le contrat autour d’une seule
opération juridique ou d’une prestation caractéristique. C’est-à-dire lorsque le juge
se trouve devant un contrat dont les obligations se rattachent à plusieurs contrats
nommés, sans pouvoir trancher ou s'orienter vers un régime bien précis, c'est le cas
par exemple d'un contrat de vente d'un bien à construire, on se trouve dans un

16
Dr. Faiza Alaoui, Droit des contrats nommés, 2éme édition, Septembre 2017.

12
premier lieu devant un contrat d'entreprise qui vise à construire l'immeuble, mais
une fois les travaux prennent fin avec l'achèvement de la construction, il fallait
transférer la propriété dans le cadre d'un contrat de vente. Cette association de
plusieurs contrats originaux pour créer un nouveau modèle exige une rupture ou un
dépeçage dans l'espace ou dans le temps, pour distribuer à chaque partie une
qualification adaptée mais partielle et afin de garantir une application successive et
une soumission à des régimes différents en fonction des obligations en cause.

3) La création d'un régime propre et autonome :

La qualification opérée par le juge peut aboutir soit à designer un régime préexistant
lorsqu'il s'agit d'un contrat simple et nommé ou de cumuler deux ou plusieurs
régimes dans le cas d'un contrat complexe, mais parfois on se trouve devant des
formulations contractuelles qui ne rassemblent à aucun type connu, où ni la
qualification unique ni la qualification distributive ne peuvent être appliquées. Ce
sont des contrats qui n'ont pas de régime propre et qui n’entrent pas dans les moules
« préfabriqués » par le législateur17.

Le juge donc qui voudra donner un nom au contrat, se trouve dans l'obligation soit
d'inventer un contrat original qui ne rassemble à aucun autre, il s'agit donc d'une
création purement jurisprudentielle, ou bien de se référer aux règles du droit
commun des contrats et éviter cette création nouvelle. Dans ce cas, on parle de
contrats sui generis18.

17
https://www.erudit.org/fr/revues/cd1/2010-v51-n2-cd4001/045635ar/
18
« On dit qu’un contrat ou qu’une situation juridique est sui generis quand il n’est réductible à aucune catégorie
préexistante ; il constitue alors, à lui seul, une espèce nouvelle »

13
Chapitre II : La notion et l’origine de la théorie de qualification en
DIP

« La qualification est l’un des thèmes les plus discuté en DIP » comme faisait
remarquer un auteur19.
La qualification se diffère d'un tribunal à un autre, c’est-à-dire le tribunal marocain
n'est pas l’anglais, et non plus l'espagnol.
Donc c’est une opération essentielle puisqu’elle permet de déterminer, parmi les
règles de conflit du for, celle qui désignera la loi applicable.
En d’autres termes, la qualification consiste à rechercher par référence à quel
système juridique elle, la qualification, doit être donnée.
De ce fait et en termes précis (Section I.1), la théorie de qualification (Section I.2)
soulève des problèmes spécifiques (Section II).

Section I : La notion de la théorie de qualification


1) Définition de la qualification :
En droit international privé, la qualification est une opération qui permet au juge de
classer l'affaire dans son vrai champ légal (statut personnel, contrats, responsabilité
délictuelle, …), donc le choix de tel tribunal conduit au choix de la qualification. Elle
est présente dans toutes les branches du droit.
En d’autres termes, elle consiste à rechercher à quelle catégorie juridique se rattache
la situation internationale qui suscite un conflit de lois qui, à l’époque actuelle, est
résolu selon la méthode conflictualiste20.
Pour qu’un litige soit de nature internationale, il doit obligatoirement comporter un
élément d’extranéité21. Lorsqu’il est internationale, il faut impérativement au juge

19
Erik Jayme, « Identité culturelle et intégration : le droit international privé postmoderne. Cours général de droit
international privé », dans Académie de droit international, Recueil des cours. 1995, t. 251, Boston, Martinus
Nijhoff Publishers, 1996, p. 9, à la page 108
20
Repose sur un certain nombre d’opérations intellectuelles auxquelles le juge procède pour résoudre les conflits.
Ces opérations sont : La qualification, le rattachement, l’office du juge, la vérification de la conformité de la loi
applicable à l’ordre public du for et la prévention de l’existence d’une fraude à sa loi.
21
Points d'ancrage dans des systèmes juridiques étrangers (Nationalité, domicile, … etc.)

14
d’effectuer un choix entre les règles de DIP. En effet, il faut choisir celle qui désignera
l’ordre juridique compétent.
Pour cela, le litige en question doit être classé dans l’une des catégories juridiques
prévues par le droit interne du juge saisi.
En principe, le litige doit être qualifié pour le classer, mais au préalable il faut définir
avec précision l’objet à qualifier afin que la phase du classement puisse être abordée.
Cependant, la qualification n’est pas une activité intellectuelle portant seulement sur
le langage22 ou sur le sens d’un texte : elle désigne, en effet, à la fois « une opération
de l’esprit et un cadre façonné par lui23» dont la mise en œuvre suppose certaines
méthodes24.
C’est un outil incontournable du raisonnement juridique25 puisqu’il joue un rôle clef
dans l’intelligibilité du droit. Celui-ci est présenté comme une science, c’est-à-dire
comme un « ensemble de connaissances ordonné d’après des principes »26.
Un arrêt de la Cour d’appel de Tunisie l’a décrit par ces termes, du reste concis et
peu clairs : « une opération de logique mentale » qui constitue une « démarche
inévitable »27, ou mieux « une étape obligatoire » conduisant au prononcé des
décisions.
Grosso modo, la qualification comprend des inductions, des déductions, des
inférences, des raisonnements par analogie, des évaluations et, peut-être, même
des intuitions personnelles28. C’est-à-dire, une méthodologie juridique à suivre.

22
Patrick Wachsmann.
23
François Terré, « Retour sur la qualification », dans La procédure en tous ses états. Mélanges en l’honneur de Jean
Buffet, Paris, Petites Affiches, 2004, p. 419, à la page 419 ; François Terré, « Volonté et qualification », Arch. phil. dr.
1957.99, 100.
24
J.-L. Bergel, Théorie générale du droit, Dalloz, 5e éd., 2012, p. 225, no 169.
25
G. Kalinowski et Ch. Perelman, Introduction à la logique juridique, LGDJ, 1965 ; Ch. Perelman, Logique juridique :
nouvelle rhétorique, Dalloz,1999 ; V° « Raisonnement juridique », Dictionnaire encyclopédique de théorie et de
sociologiedu droit, LGDJ, 2e éd., 1993
26
V° « Science », in A. Lalande (dir.), Vocabulaire technique et critique de la philosophie, PUF, 2010.
27
C.A. Tunisie, arrêt n° 31-32 du 12 janvier 1999, note 17.
28
Olsen A. Ghirardi, Le raisonnement judiciaire, trad. par Nelly Aldana de Prol, Bordeaux, Éditions Bière, 1999, p.
117.

15
2) L’élaboration des théories de la qualification :
Il existe trois affaires importantes qui ont permis d’élaborer les théories de
qualification :
- Le mariage du Grec Orthodoxe ;
- La succession du Maltais (Bartholo) ;
- Le testament du Hollandais.
La jurisprudence a presque toujours qualifié en utilisant les catégories du for.
Au départ, elle l’a fait de façon implicite (T. Civ. Seine 19 Février 1927 : affaire du
testament du Hollandais). La consécration expresse de la qualification lege fori
interviendra seulement en 1955 lors de l’arrêt Caraslanis29.
Parfois, il peut arriver que le juge doit qualifier une institution étrangère sans
équivalent en droit français. Comme l’affaire : Quarte du conjoint pauvre30 puisqu’il
n’y a pas d’équivalent en droit français.
A) Le mariage du grec orthodoxe :
Il s’agit du mariage d’un Grec et d’une Française, et ce mariage est célébré en France.
Or, à l’époque, le mariage en France était un mariage laïc, alors qu’en Grèce, il était
religieux (à défaut, il n’était pas reconnu comme valable).
C’est pour cela que la célébration de ce mariage peut revêtir plusieurs qualifications
: cela peut être un problème de forme (loi française compétente), mais on peut
également avoir la qualification suivante : le caractère religieux et laïc touche au
statut personnel des individus. C’est donc la loi nationale du mari qui doit l’emporter
(car en général, on préfère prendre le statut personnel inférieur).
Or, le droit grec considère l’exigence de la célébration religieuse comme une
condition de fond du mariage, alors que le droit français la considère comme étant
une condition de forme du mariage et en résulte ainsi un conflit de qualification.
Pour la première fois, la jurisprudence française a dit qu’il fallait qualifier « lege fori
» (loi du for).

29
Civ. 1er, 22 Juin 1955 : affaire du mariage du Grec Orthodoxe.
30
C.A d’Alger le 24 décembre 1889(Cluney 1891, page 1171)

16
Cass. Civ. 22 JUIN 1955, Caraslanis
— Sur le moyen unique pris en ses deux branches ;
-- Attendu que l'arrêt attaqué, confirmatif, a prononcé le divorce entre Dimitri
Caraslanis, sujet hellène, et Maria-Richarde Dumoulin, de nationalité française, dont
le mariage, uniquement civil, avait été célébré le 12 septembre 1931, devant l'officier
de l'état civil du 10e arrondissement de Paris ; qu'il est fait grief à la Cour d'appel
d'avoir rejeté les conclusions du mari dans lesquelles il soutenait que le mariage était
inexistant, l'Eglise orthodoxe, à laquelle appartenait Caraslanis, imposant comme
condition indispensable à la constitution légale du mariage, la célébration par un
prêtre orthodoxe, exigence de fond n'ayant pas été respectée en l'espèce ;
— Mais attendu que la question de savoir si un élément de la célébration du mariage
appartient à la catégorie des règles de forme ou à celle des règles de fond devait être
tranchée par les juges français suivant les conceptions du droit français, selon
lesquelles le caractère religieux ou laïc du mariage est une question de forme ; --
Qu'en conséquence, le mariage civil contracté en France par les époux Caraslanis-
Dumoulin était valable conformément à la règle locus regitactum31 ; d'où il suit
qu'abstraction faite du motif critiqué par le pourvoi, tiré de ce que le mari, en
introduisant sa demande reconventionnelle en divorce, aurait reconnu la validité du
mariage, et qu'on peut tenir pour surabondant, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Par ces motifs : — Rejette

31
Locus regitactum : Formule latine selon laquelle un acte juridique est soumis aux conditions de formes édictées
par la législation en vigueur dans le pays où il a été conclu

17
B) La succession du Maltais (Bartholo) ou quarte du conjoint survivant pauvre :
Dans cette affaire32, il s’agit de deux conjoints Anglo-Maltais qui se sont mariés à
Malte où ils établissent leur premier domicile conjugal, ils se sont installés en Algérie
où le mari va acquérir des immeubles et devait décéder par la suite.
Sa veuve prétend exercer sur les immeubles situés en Algérie un droit reconnu à
l’époux survivant, par la loi Maltaise. Elle réclame contre les enfants une institution
maltaise qui voudrait que la veuve puisse récupérer un quart de la succession.
Le problème consistait dès lors à déterminer si la quarte du témoin pauvre était un
avantage matrimonial et dans ce cas, elle devait être classé dans la catégorie de
rattachement « Régimes matrimoniaux » ou si elle ne constituait pas plutôt un droit
de succession proprement dit ce qui conduisait à l’intégrer dans la catégorie de
rattachement. La loi applicable et les prétentions de la veuve dépendaient de la
qualification.
En effet si on classait la question de la quarte du conjoint pauvre dans la catégorie
des régimes matrimoniaux, c’est la loi maltaise en tant que loi du premier domicile
conjugal qui s’applique. Ce qui assure à la veuve le bénéfice de la quarte du conjoint
pauvre. Si au contraire, on classe la question dans la catégorie des successions c’est
la loi française qui s’applique surtout que loi de situation de l’immeuble, ce qui
conduit à débuter la veuve de sa demande.
Cour d'appel d'Alger. 24 décembre 1889 (Clunet 1891. 1171)

« La Cour; -Sur le défaut de qualité de la dame Marie Aquilina, veuve François


Bartholo.
-Attendu que l’appelante prétend, à tort, que la dame Aquilina ne justifie pas, par
des documents suffisamment probants, de sa qualité de femme légitime du de
cujus; que, sur ce point, il convient tout d'abord d'observer qu'il n'existe à Malte
d'autre état civil que celui qui est dressé par l'autorité ecclésiastique; Attendu que
la dame Aquilina produit, à l'appui de sa demande, un extrait des actes de mariage
de la paroisse de Nadur, île de Guzzo (Malte), duquel il résulte qu'elle a contracté
mariage avec François Bartholo, le 9 mai1839; Que les énonciations de cet acte,
légalisé par le représentant de l'autorité locale et le consul de France à Malte,
doivent être tenues pour exactes; qu'il appert, en outre, de la volumineuse

32
La Cour d’appel d’Alger le 24 décembre 1889(Cluney 1891, page 1171).

18
correspondance échangée au cours de longues années entre _Marie Aquilina, les
membres de sa famille et François Bartholo, que ce dernier ne lui a jamais contesté
sa qualité d'épouse; que c'est à ce titre qu'il s'adresse à elle, qu'il lui envoie des
fonds, qu'il l'engage à prolonger son séjour à Malte, en lui laissant entendre qu'elle
tirera profit de son éloignement; qu'aucun doute ne saurait donc exister sur la
qualité de la dame Marie Aquilina, veuve Bartholo, au regard de ce dernier; Sur
l'exception d'incompétence:-Attendu que l'exception dont s'agit ne soulève pas un
moyen d'ordre public; qu'on ne saurait, en l'espèce, lui attribuer un caractère aussi
rigoureux par suite de cette circonstance qu'elle puise sa raison d'être dans la
qualité des parties, qu'elle leur est personnelle, qu'elle peut, dès lors, être couverte
par leur consentement ou leur acquiescement;
-Attendu que si la femme Vall, dans les conclusions signifiées le 15 novembre 1881,a
accepté le débat au fond sans soulever ce moyen de compétence, à observer que
lorsque l'instance a été utilement reprise, après le décès de son défenseur, devant
les juges du premier degré, elle a décliné, dans ces conclusions du 17 mars 1886, la
compétence du Tribunal de Blida, que c'est dans cet état que la cause a reçu
solution; qu'il est donc inexact de prétendre que cette exception doit être écartée
en raison de sa tardiveté ;-Mais attendu qu'elle ne saurait être accueillie; que les
biens dont le partage est poursuivi par la veuve Bartholo sont situés à Blida; -Que
l'article 3 du Code civil dispose que les immeubles possédés en France par des
étrangers sont régis par la loi française; -Que cette attribution de compétence est
d'ordre public, qu'il n'appartient à personne de l'éluder ou de la méconnaître; -Que
c'est donc à bon droit que l'action de la veuve Bartholo a été portée devant le
Tribunal de Blida qui est celui de la situation des biens;-Sur le moyen tiré de ce que
la demande de la veuve Bartholo ne constituerait, de sa part, que l'exercice d'un
droit successoral dont les tribunaux ne pourraient connaître aux termes de la loi du
14 juillet 1819 ;-Attendu qu'il est de principe que les lois concernant l'état et la
capacité des étrangers les suivent en France lorsqu'elles n'ont rien de contraire à
une disposition de la loi française revêtue d'un caractère d'ordre public, et que leur
application n'est pas de nature à léser des intérêts français;
1

-Attendu qu'à l'époque de la célébration de leur mariage, les époux Bartholo se


trouvaient placés sous l'empire de la législation du Code Rohan qui est resté en
vigueur, à Malte, jusqu'en 1868; que ce sont, par conséquent, les dispositions de ce
code qu'il échet d'appliquer, qu'elles prévoient, en ce qui concerne la situation de

19
l'époux survivant, lors de la dissolution du mariage, trois hypothèses bien distinctes
: -1° Celle où des conventions ont été arrêtées entre époux et établies par contrat;
-2° Celle où, aucun contrat n'étant intervenu, des enfants sont nés du mariage; -
3°Celle, enfin, où il n'y a eu ni contrat, ni survenance d'enfant;-Que c'est à cette
dernière hypothèse, prévue et réglementée par les articles 17 et 18 du Code Rohan,
qu'il convient de se reporter, les époux Bartholo s'étant mariés sans contrat et aucun
enfant n'étant né de leur union; -Que les articles précités sont ainsi conçus : Ile de
Malte. Code de Rohan. Livre III, chapitre 1
er
-« Article 17. Après la dissolution du mariage contracté sans acte écrit et lorsqu'il
n'est pas né d'enfants, de sorte que les biens n'ont pas été confondus et partagés
en trois portions, le conjoint survivant aura en usufruit, s'il est pauvre, le quart des
biens du conjoint prédécédé; il aura en outre la propriété et l'usufruit de la moitié
des biens qu'ils auront acquis pendant le mariage par leur travail et leur industrie,
le tout après prélèvement des dettes » ;-« Article 18. Dans le cas où aucun des
conjoints n'est pauvre, les biens acquis pendant le mariage par le travail ou
l'industrie des époux appartiendront de plein droit pour moitié à la femme ou à ses
héritiers et, pour l'autre moitié, au mari ou à ses héritiers; on n'appliquera pas les
dispositions du paragraphe précédent relativement à l'usufruit du quart. »-Attendu
que l'on ne saurait voir dans cette attribution de part, à la femme survivante, autre
chose que la consécration, par le fait de la loi, de ses droits de propriété sur les biens
acquis pendant le mariage; que le législateur reconnaît qu'il s'est créé, au cours de
l'association conjugale, en ce qui concerne les acquêts provenant du travail et de
l'industrie des époux, un véritable état de communauté et qu'il le divise en deux
parts, une pour le mari ou ses héritiers, l'autre pour la femme ou ses héritiers;-
Attendu que l'appelante soutient, à tort, que cet état de communauté, ainsi défini,
ne pourrait exister que dans le cas où il aurait été expressément convenu ou dans
celui de survenance d'enfant; -Que si, dans ces deux hypothèses, la part du conjoint
survivant n'est plus la même, cette circonstance n'affecte en rien, quant à son
essence, la disposition en vertu de laquelle la répartition des acquêts s'effectue; qu'à
ce point de vue, elle reste invariable; qu'elle tire son origine, non de la qualité des
époux au regard l'un de l'autre, mais de ce principe du droit naturel qui veut que
chacun fasse sien, dans la limite de sa coopération et de son effort, le bien acquis
en commun; -Attendu que s'il ressort des termes de l'article 17 que la confusion ne
s'opère pas entre les biens des époux, dans le cas où le mariage a été consacré sans
écrit et celui où il n'a pas été suivi de survenance d'enfant, on ne saurait en induire
que cette disposition est exclusive de toute communauté, qu'elle ne vise que les

20
biens personnels des conjoints, confondus quand ils en ont convenu ou que des
enfants leur sont nés, restant leur chose propre dans le cas contraire; qu'en décidant
que l'époux survivant pauvre prendra le quart en usufruit de la fortune personnelle
de son conjoint, alors que la confusion des biens ne s'est pas produite, le législateur
indique nettement qu'il attribue à cet état de pauvreté l'effet que la confusion eût
entraîné; qu'il paraît, dès lors, rationnel de décider que celle-ci ne s'exerce que sur
les biens propres du de cujus; -Attendu, d'autre part, que les termes de
2

l'article 18, seul applicable à l'espèce, sont formels; qu'ils portent: « Que la moitié
des biens acquis pendant le mariage appartiendra de plein droit à la femme
survivante ou à ses héritiers », que ces expressions « de plein droit» sont
évidemment déterminatives de son droit de propriété; -Que cet article se trouve,
d'ailleurs, placé au titre du Mariage et de la Société conjugale et non au chapitre des
successions; qu'il convient donc de décider que la veuve Bartholo puise le principe
de son action dans ses droits de femme commune en biens et que la loi du 14 juillet
1819, sur la dévolution des successions aux étrangers, ne saurait lui être opposée;-
Sur le moyen tiré de l'incompétence des tribunaux français pour connaître d'une
action en partage de communauté d'acquêts en dehors de tout contrat,. -Attendu
que ce moyen doit être écarté, que la veuve Bartholo se borne à réclamer le partage
judiciaire, dans les formes fixées par la loi française, de la communauté ayant existé
entre elle et son mari ;-Que de ce chef la compétence des tribunaux français n'est
pas douteuse;-Par ces motifs: -Confirme; -Dit notamment que la qualité de femme
légitime de François Bartholo ne saurait être contestée à Marie Aquilina, veuve
Bartholo;-Rejette, comme non fondée au fond, l'exception tirée de l'incompétence
des tribunaux français;-Dit que l'action de la veuve Bartholo tire son origine du droit
de communauté que lui confère l'article 18 du Code Rohan, que la loi du 14 juillet
1819 ne saurait lui être opposée; -Dit que les tribunaux français sont compétents
pour connaître, dans les conditions imparties par la loi française, de l'action en
partage de la communauté ayant existé entre les époux Bartholo. Du 24 décembre
1889. -Cour d'appel d'Alger. -MM. Zeys, prés.; Brocard, min. publ. -MMesJouyne et
Mallarmé, av.

OBSERVATIONS. -1. La renommée persistante de cet arrêt est un hommage au génie


d'Etienne Bartin (1860-1948). Pour les besoins d'une étude intitulée « De
l'impossibilité d'arriver à la suppression définitive des conflits de lois» (Clunet 1897
p. 225, 466 et 720, reproduite in Etudes de droit international privé, 1899,sous le

21
titre: « La théorie des qualifications en dr. int. privé» p. 1 et s.),Bartin puisa dans
cette décision les éléments d'un des exemples les plus célèbres de la doctrine de
droit international privé. L'exemple illustre la première présentation jamais faite en
langue française du conflit de qualifications (que Franz Kahn avait révélé en
Allemagne dès 1891, v. AbhandlungenzumintemationalenPrivatrecht, t. l, p. 1). Il est
bâti sur l'institution, héritée du droit romain, de la quarte du conjoint pauvre, dont
on remarquera pourtant qu'elle n'était pas au cœur de la cause. C'est Bartin qui l'y
mettra (v. Etudes, p.68). Néanmoins parce qu'elle donnait à la difficulté tout son
relief, cette version révisée de l'affaire a très vite supplanté dans les esprits la
relation originelle. Aussi avant de poser avec Bartin la question du conflit de
qualifications(II), il convient, afin de prévenir les équivoques, d'examiner d'abord
l'arrêt lui-même (1).

C) Le testament du Hollandais :
L’ancien article 992 du code civil néerlandais prévoyait l’interdiction pour un
hollandais de tester en la forme olographe et considère que cette prohibition vaut
même pour les hollandais qui se trouvent à l’étranger. Au contraire le droit français
admet le testament olographe aussi si un hollandais rédige en France son testament
sous la forme olographe, il y a un intérêt à déterminer si ce testament relève de la
loi Française qui le valide ou de la loi néerlandaise qui l’annule.
Là aussi la réponse dépend de la qualification attribuée à la question.
Si l’on considère le caractère olographe du testament comme une question de
forme, on est conduit à appliquer la loi française en vertu de la règle (Locus régit
actum33).
Si au contraire l’on considère le caractère olographe du testament comme une
question de fond c’est à dire de capacité on est conduit à appliquer la loi
néerlandaise en tant que loi nationale du testateur. Or le droit français considère
qu’il s’agit d’une question de forme et le droit néerlandais considère qu’il s’agit d’une
question de fond.
Il y a donc grand intérêt à déterminer suivant quelle loi la qualification doit être.

33
Comme indiqué supra, c’est une formule latine selon laquelle un acte juridique est soumis aux conditions de
formes édictées par la législation en vigueur dans le pays où il a été conclu

22
Grâce à ces efforts jurisprudentiels, les théories de qualifications ont été élaborées.

23
Section II : Les types de qualification

Si la qualification d'un contrat se résume en droit interne dans le fait de savoir


comment attribuer un régime propre et une série des règles biens définies à un
contrat en fonction des obligations des parties. La qualification en DIP prend d'autres
dimensions, dont le problème principal est celui de savoir d'après quelle loi le juge
doit qualifier? Autrement dit, comment le juge va-t-il choisir entre les règles de DIP,
et parmi les règles de conflit en présence, l'ordre juridique compétent applicable aux
questions de droit débattues.

La nature internationale du litige est susceptible de donner naissance à un conflit de


qualifications, un effort juridictionnel doit être fourni pour déterminer « la loi de
qualification », c’est-à-dire de « rechercher par référence à quel système juridique
la qualification doit être donnée ».

À cet égard, la théorie de qualification en DIP suscite des controverses doctrinales


profondes, trois courants s'opposent à ce sujet, il s'agit de :

1) La qualification lege fori :

Pendant une longue durée, la qualification lege fori34 s’est imposée comme modèle
de qualification en droit international privé. C’est une théorie défendue par la
majorité des auteurs et spécialistes, qui considèrent que le juge doit se référer à sa
propre loi (loi du for) pour qualifier l'objet du litige, un juge marocain doit toujours
fondé sa qualification sur les concepts du droit marocain.

34
Elaborée par l'auteur allemand Kahn et le français Étienne Bartin

24
Une théorie qui apparaisse logique surtout avec l'impossibilité de séparer le choix de
la qualification du sens de la règle de conflit et son caractère national. D'ailleurs c'est
la règle de conflit d'un droit interne qui peut désigner le droit étranger auquel elle
offre la compétence.

La qualification lege fori retenue par Bartin trouve sa justification aussi dans des
considérations de souveraineté, L’auteur estime que l’application de la loi étrangère
désignée par la règle de conflit du for est une atteinte à la souveraineté du for.

En plus, le seul élément de rattachement évident, au moment de la qualification,


reste celui de rattachement juridictionnel lié au juge appelé à donner la qualification,
ajoutant aussi l'avantage de la simplicité de cette méthode puisque les juges
connaissent et maîtrisent parfaitement leur propre droit.

Cependant, Si la qualification lege fori a occupé depuis longtemps le premier rôle sur
la scène internationale. Elle présente aujourd'hui des faiblesses apparentes et des
défaillances qui révèlent un défaut d’efficacité interne de cette qualification qui s’est
concrètement matérialisé par des critiques et la proposition de modèles alternatifs
de qualification. La qualification lege causae et les qualifications universelles sont les
principales.

Aujourd'hui, avec la diversification des sources qui marque le droit international


privé et l'ambition d'unifier ses règles, comme le cas par exemple de l'union
européenne qui est compétente pour édicter des normes en droit international
privé, la qualification lege fori est incapable de surmonter cette diversification des
sources en proposant un modèle de qualification adapté.

25
2) La qualification lege causae :

Une théorie qui consiste à se référer à un droit étranger éventuellement applicable


à l'affaire objet de litige pour demander sa qualification.

Sur le plan pratique, la qualification lege causae est difficile à mettre en œuvre35, en
effet, comment on peut se référer à une qualification proposée par une loi étrangère
sans appliquer tout d'abord les règles de conflit internes, cela implique une
qualification préalable pour désigner ces règles. C’est la raison pour laquelle la
qualification lege causae fait l'objet de critiques par les auteurs en raison de son
fondement illogique.

3) La qualification par références à des concepts autonomes et universels :

Dans le but de l'unification des règles de conflits en DIP, et de diminuer les conflits
de qualification, cette théorie proposée par Rabel36 favorise le recours à des
concepts autonomes qui ont un caractère universel, le juge doit dépasser la
qualification simple purement liée à une loi déterminée, par l'utilisation d’une étude
comparative, pour arriver à la création d'un droit matériel unifié.

L’exemple le plus significatif de cette qualification c'est l'interprétation supra-


étatique fournie par les institutions de l'Union européenne, la Cour de justice de
l’Union européenne peut délivrer une interprétation autonome qui s’imposera de

35
http://www.legalnewsnotaires.com
36
Ernst Rabel (28 Janvier 1874 - 7 Septembre 1955) était un érudit américain de droit romain, de droit privé
allemand et de droit comparé né en Autriche; fondateur de l'Institut Kaiser Wilhelm pour le droit privé étranger et
international, à Berlin. Il a acquis une reconnaissance internationale au cours de la période qui s'est écoulée entre
les deux guerres mondiales

26
manière unitaire sur l’ensemble des États membres comme un modèle alternatif de
qualification.

27
Partie II :
« La détermination de la loi applicable au contrat »

28
Chapitre I : Présence d’un choix des parties
1) Le principe de la liberté d’un choix :
« Tout litige pose au juge le problème d’un choix des normes applicables aux
questions de droit débattues. Lorsque le litige est international, il faut
préalablement effectuer un choix entre les règles de droit international privé.
Autrement dit, parmi les règles de conflit en présence, quelle est celle qui
désignera l’ordre juridique compétent ? » 37
En principe, le contrat conclu entre les parties dans le cadre international est
soumis au principe de l’autonomie de la volonté dont les parties ont la liberté de
choisir la loi applicable, ce qui est établie en la matière depuis longtemps. Par
ailleurs les parties du contrat peuvent choisir une multitude de lois qui sont
susceptibles d’être appliquées par la juridiction compétente, prenant l’exemple
d’un contrat du « transport maritime ».
La liberté de choix de la loi applicable n’est pas absolue. Dans certaines hypothèses,
l’intervention de mécanismes préventifs d’ordre juridique du for est indispensable.
Il en est de même en l’absence de choix, l’application de la loi étrangère désignée
par la règle de conflit ne devra pas porter atteinte aux principes fondamentaux
censés être protégés par le for38.

La théorie générale des contrats repose sur le principe de la liberté contractuelle,


issue de l’autonomie de la volonté des parties. L’autonomie de la volonté est un
principe de notre droit selon lequel la volonté est la seule créatrice de droits et
d’obligations

Selon ce principe, l’Homme est un être libre ; il ne peut pas être soumis à des
obligations autres que celles qu’il a voulues.39

Le principe de l’autonomie de la volonté mène à deux conséquences en ce qui


concerne la formation des contrats : La liberté contractuelle et le consensualisme.

La liberté contractuelle comporte trois aspects qui sont :

37
Abdellah Ounnir, Introduction aux règles du droit international privé, Année Univ. 2017-2018 P.59
38
Ratchaneekorn Larpvanichar, Les contrats internationaux : étude comparative franco-thaïlandaise P.46
39
http://www.lyc-rostand-mantes.ac-versailles.fr/IMG/pdf/cours_Le_contrat_et_la_liberte_contractuelle.pdf

29
- La liberté de contracter ou de ne pas contracter ;
- La liberté de choisir son cocontractant ;
- Celle de choisir les clauses de son contrat.
Le consensualisme est un principe selon lequel le contrat étant formé par la seule
rencontre des volontés, l’écrit n’est pas nécessaire à la formation du contrat.
L’idée force dans les deux derniers siècles tient en ce que tout le contenu et tous
les effets du contrat sont dictés par les volontés qui les ont fait naitre. En
conséquence, d’une part, le rôle du juge sur la détermination du contenu du
contrat sera minoré : toute appréciation qu’il pourrait porter sur ce dernier, sur son
équilibre notamment, sera regardée comme illégitime.
Les volontés rationnelles et libres qui se sont exprimées sont censées avoir formé
un échange juste que le juge ne peut pas remettre en cause. D’autre part, une
seconde conséquence découlera de cet attachement à la volonté : tout l’avenir du
contrat est considéré comme figé au moment de sa formation, c’est-à-dire au
moment de la rencontre de ces volontés toutes-puissantes.40
En ce qui concerne le choix de la loi applicable dans le contrat à caractère
international, il permet de réduire des coûts d’une opération en raison de la
connaissance anticipée du résultat de l’application de la règle de conflit, les
contractants pourraient éviter les incertitudes41.
Le choix de la loi applicable par rapport au contrat international est accordé par le
législateur marocain sous le cadre du DCC42 par son article 13 dont il dispose que le
choix des parties est fait soit d’une manière expresse : prévu par écrit, ou soit
d’une manière tacite : informulé et implicite.

Le principe de la loi expressément choisie a été posé par la Cour de Cassation


française par son arrêt du 05/12/1910 en décidant : « la loi applicable aux contrats
dans leur formations, leurs conditions et leurs effets est celle choisie par les
parties » 43. D’autre part, la loi tacitement choisie a été établie par le législateur
marocain dans l’alinéa deux de l’article 13 du DCC. Ce dernier dévoile que le choix

40
Judith Rochfeld, Les grandes notions du droit privé 2ème édition 2013, Paris. P.420
41
Ratchaneekorn Larpvanichar, Les contrats internationaux : étude comparative franco-thaïlandaise P.48
42
Dahir (9 ramadan 1331) sur la condition civile des Français et des étrangers dans le Protectorat français du Maroc
(B.O. 12 septembre 1913)
43
Abdellah Ounnir, Introduction aux règles du droit international privé, Année Univ. 2017-2018 P.82

30
implicite de la loi applicable dans la relation contractuelle entre les parties se divise
en six catégories : La nature du contrat, la condition relative des parties, la situation
des biens, la loi du domicile commun, la nationalité commune, et la loi du lieu du
contrat.

La mise en application de l’article 13 du DCC par le juge marocain, suppose


premièrement la recherche de la volonté contractuelle des parties dont il fallait
établir une règle qui pourrait le guider dans le processus du choix parmi les critères
que lui offre ledit article44. La jurisprudence marocaine a pu donner une solution
relativement à cette interrogation judiciaire, par l’arrêt Manjo, qui a renseigné au
juge la méthode qu’il doit suivre pour faire l’application de cet alinéa, qui doit se
manifester par l’application hiérarchique du texte de loi, c’est-à-dire que les
possibilités octroyées par l’article doivent être applique dans un ordre qui suit celui
dont elle était rédigée par le législateur45.

Le problème du choix de la loi applicable est un locus classique du droit


international privé auquel a répondu aussi bien la Convention de Rome sur la loi
applicable au contrat. Cette convention a été après convertie en Règlement Rome
I.

La réglementation européenne ne se diffère pas de celle marocaine qui attribue la


liberté d’un choix selon la volonté des parties contractantes. Le chapitre II du
règlement européen par son article 3 instaure le principe de la liberté du choix.
Ledit article précise dans ses dispositions que le contrat peut être soumis aux lois
choisies par les parties lors de sa formation, ou il peut que les règles appliquées au
contrat soient le résultat des dispositions du contrat ou des circonstances de la
cause, et d’une manière exhaustive le règlement européen donne la possibilité
d’attribuer la loi applicable uniquement à une partie du contrat ou sa totalité.

Par contre, la loi européenne confie aux parties une option de changer la loi
applicable aux relations contractuelle nées antérieurement par les dispositions de
l’alinéa 2 de l’article 3 du chapitre II du Règlement Européen Rome I, « Les parties
peuvent convenir, à tout moment, de faire régir le contrat par une loi autre que
celle qui le régissait auparavant soit en vertu d'un choix antérieur »46, toutefois le

44
Ibid P.83
45
Ibidem
46
Ibid Al.2

31
changement apostériori des règles applicables au contrat n’affecte pas la validité
formelle du contrat et n’implique aucune atteinte aux droits des tiers.

D’autre part, ledit règlement rajoute par l’article 11 que la validité du


consentement des parties est soumise aux dispositions de la loi choisie par les
parties, sauf que la question qui se pose est celle du contrat où le choix n’est pas
effectué expressément par les parties, ce qui donne au juge, lors du litige, de
qualifier le contrat selon la loi qui convient au règlement du litige.

Au regard des internationalistes, certains leur attribuent un sens étroit en raison de


l’absorbation en droit international. Pour ces internationalistes, l’autonomie de la
volonté n’est qu’une notion purement technique… Pour d’autres, la formulation
établie par les civilistes semble plus favorable. C'est-à-dire, l’autonomie de la
volonté est définie comme le pouvoir de la volonté d’être la source et la mesure
des droits subjectifs, d’être un organe créateur de droit47.

Dans le champ du de l’arbitration du commerce international, les différends sont


généralement résolus par l’application de règles de droit non-nationales, toutes
seules ou en combinaison avec la loi nationale. Les arbitres du commerce
international ne sont généralement soumis à aucune règle nationale de droit privé
international, car leur juridiction est basée sur la volonté des parties, et non sur la
souveraineté d’un état. Les règles de droit destinées à résoudre ces différends
diffèrent selon chaque système juridique. L’étude de droit comparé devrait
permettre de mieux comprendre la situation et de trouver la meilleure solution
substantielle ou processuelle48

2) Les exceptions résultant de la primauté de certaines règles impératives :

Au Maroc, la loi interne se vêtit d’un caractère de prééminence en ce qui concerne


quelques règles de formalismes qui sont appliquées d’une façon impérative.
L’article 1049 du DCC qui consiste aux règles du renvoi est écarté au bénéfice de la
loi locale qui est obligatoire dans les cas suivants :

47
Ratchaneekorn Larpvanichar, Les contrats internationaux : étude comparative franco-thaïlandaise P.32
48
Ibid P.43
49
« Les actes juridiques passés dans le protectorat français du Maroc par des Français ou des étrangers sont, quant
à leur forme, valables, s'ils sont faits suivant les prescriptions, soit de la loi nationale des parties, soit de la loi
française, soit de la législation édictée pour le protectorat français, soit enfin des lois et usages locaux. »

32
- L’obligation d’un écrit de cession d’un bien immobilier daté en application de
l’article 489 du D.O.C ;
- Des règles de formes et de publicité en cas de création des sociétés ;
- Les obligations des personnes illettrées : elles ne sont valables que si elles
ont été reçues par notaire (Article 489 D.O.C) ;
- Les moyens de preuve en justice : ils sont régis par la loi du tribunal ou par la
loi du lieu de l’acte.

33
Chapitre II : L’absence d’un choix des parties

Lorsqu’un contrat est conclu entre deux parties n’ayant pas la même nationalité et
que celles-ci n’arrivent pas à déterminer la loi applicable au contrat, il est important
que le juge la détermine en recourant à la règle de conflit de lois. Il en résulte de la
règle de conflit bilatérale que la loi désignée par celle-ci peut être la loi autre que
celle du for.
Cependant, la méthode conflictuelle présente différentes solutions parmi eux un
rattachement unique retenu comme ayant un caractère impératif et l’adoption de
certains rattachements en fonction de l’estimation des intérêts des parties.50

Section I : Le fondement en absence d’un choix

Cette section sera divisée en deux catégories où nous allons voir la thèse
subjectiviste (1) et la thèse objectiviste (2).
1) La thèse subjectiviste :
Le juge intervient à déterminer la volonté des parties lorsqu’elles ne peuvent pas
choisir la loi applicable au contrat, il peut être un choix tacite ou présumé.
Cette thèse a pour effet de déterminer la loi applicable au contrat à travers ses
différents catégories (la loi de nationalité des parties, lieu d’exécution et lieu) de
conclusion et selon cette thèse le rôle du juge semble être modéré car l’opportunité
d’apprécier quelle est la loi la plus apte au contrat est relativement diminuée.51
Quand le contrat est soumis à la loi de la conclusion du contrat, il invoque des
exceptions ; soit les parties peuvent exprimer leur volonté soit le contrat est soumis
à une autre loi.
Une fois que les parties ont choisi la loi applicable au contrat, ce choix se présente
presque

50
Ratchaneekorn Larpvanichar, thèse sur les contrats internationaux : étude comparative franco-thaïlandaise p
:173
51
Ratchaneekorn Larpvanichar, thèse sur les contrats internationaux : étude comparative franco-thaïlandaise
p :176

34
toujours en lien entre l’économie du contrat et la loi en cause.52
La règle de conflit de lois utilise le principe d’autonomie comme critère de
rattachement.
Quand les parties choisissent une loi contraire à l’économie de l’opération et qui
porte atteinte à une autre loi (c’est-à-dire une loi objectivement proche), elle peut
être écartée par le juge au profit de la loi objectivement proche. En d’autre termes,
la loi désignée est un indice privilégié de la localisation du contrat et doit être sous
contrôle du juge53.
Un arrêt de la cour de cassation française nous clarifie ceci :
ARRET AMERICAN TRADING COMPANY
COUR DE CASSATION
(Ch. civ.)
5 décembre 1910
(Rev. Dr. Int., 1911. 395, Clunet, 1912. 1156, S. 1911. 1. 129)
ARRET
(après délib. En la ch. du cons.)
La Cour ; - Sur les deux moyens du pourvoi : - Attendu que, des constatations de
l’arrêt attaqué, il résulte qu’en s’engageant à transporter de New York à la Pointe-
à-Pitre 600 sacs de farine de froment pour le compte de l’ »American Trading
Company », la « Québec Steamship Company » avait stipulé, dans le connaissement
qu’elle avait délibré à New York, qu’elle ne répondrait pas des fautes du capitaine
et des marins ; que les 66 sacs sont arrivés ç la Pointe-à-Pitre le 23 mai 1905, par le
vapeur Korona : que les farines avaient été avariées pendant le voyage par le
contact ou le voisinage d’engrais chimiques transportés sur le même navire, et que
les avaries étaient dues à un vice d’arrimage ; - Attendu que, pour écarter la clause
d’exonération des fautes du capitaine, qu’opposait, dans ces circonstances, la «
Québec Steamship Company » à la demande de l’ »American Trading Company »
en paiement de la valeur de ses farines, l’ »American », soutenait que cette clause
ne saurait avoir effet que lorsque l’armateur n’est pas en même temps
transporteur, qu’elle n’est pas applicable quand le propriétaire du navire se charge
du transport des marchandises, et que, dans l’espèce, c’était la « Québec » qui avait

52
Ratchaneekorn Larpvanichar, thèse sur les contrats internationaux : étude comparative franco-thaïlandaise
p :177
53 53
Ratchaneekorn Larpvanichar, thèse sur les contrats internationaux : étude comparative franco-thaïlandaise
p :178

35
reçu les farines litigieuses et signé le connaissement ; que cette compagnie
soutenait encore que, le contrat de transport ayant été passé à New York, c’était la
loi américaine qu’il fallait appliquer, conformément à la règle : Locus regit actum,
et que l’acte du Congrès des Etats-Unis du 13 février 1893 prohibe et déclare nulles
les clauses exclusives de la responsabilité des fautes du capitaine ; - Mais attendu,
d’une part, que la clause d’exonération de ces fautes suppose, par elle-même, chez
l’armateur la qualité de transporteur ; que c’est précisément parce que le capitaine
conduit le navire pour le compte de l’armateur et exécute les transports dont celui-
ci se charge que l’armateur est, d’après l’article 216 du Code de Commerce,
responsable des faits et des engagements du capitaine ; qu’il importe peu qu’en
fait, le connaissement ait, dans la cause, été signé, et que les marchandises aient
été reçues par la « Québec » avant leur embarquement ; que la responsabilité du
capitaine, spécialement au regard de l’arrimage, qui est essentiellement un acte de
sa fonction, n’en a pas moins commencé, lorsque, suivant les constatations mêmes
de l’arrêt attaqué, il a reçu à New York le long du navire les farines litigieuses, et en
a alors pris charge ; - Attendu, d’autre part, que la loi applicable aux contrats, soit
en ce qui concerne leur formation, soit quant à leurs effets et conditions, est celle
que les parties ont adoptée ; que si, entre personnes de nationalités différentes, la
loi du lieu où le contrat est intervenu est en principe celle à laquelle il faut
s’attacher, ce n’est donc qu’autant que les contractants n’ont pas manifesté une
volonté contraire ; que non seulement cette manifestation peut être expresse, mais
qu’elle peut s’induire des faits et circonstances de la cause, ainsi que des termes du
contrat ; - Et attendu qu’il est déclaré par l’arrêt attaqué que, lorsque l’ »American
Trading Company » a donné son adhésion à la clause par laquelle la « Québec
Steamship » s’exonérait de la responsabilité des fautes de son capitaine, elle
n’ignorait pas que cette clause devait être exécutée sur le territoire français, où elle
est considérée comme licite ; que l’arrêt ajoute que, s’il avait été convenu entre les
parties que leurs accords seraient régis par l’acte du Congrès des Etats-Unis du 13
février 1893, il résulte de l’esprit et des termes de leur convention que, dans leur
commune intention, elles n’entendaient se soumettre à la loi américaine que pour
tout ce qui n’aurait pas été expressément prévu par la charte-partie ; que ces
appréciations et interprétations sont souveraines ; - Attendu, dès lors, qu’en faisant
application dans la cause de ladite clause d’exonération, et en déboutant, en
conséquence, l’ »American Trading Company » de sa demande en paiement de la
valeur des farines en litige, la Cour d’appel de la Guadeloupe n’a pas violé les articles
invoqués par le pourvoi ; - Par ces motifs : - Rejette.

36
Du 5 décembre 1910. – Cour de cassation (Ch. civ.) – MM. Ballot-Beaupré, prem.
Prés. ; Durant, rapp. ; Melcot, av. gén. – Mmes Brugnon et Labbé, av.

2) La thèse objectiviste :
En cas d’absence de la volonté explicite il faut chercher la volonté implicite des
parties qui ont conclu le contrat (contractant).
Le juge doit désigner et illustrer la volonté, qu’elle soit implicite ou explicite. Cette
désignation qui est opérée par le juge doit être indicative du centre de gravité du
contrat car en l’absence de choix des parties, la reconstitution de la volonté, qu’elles
auraient dû exprimer, est hypothétique devant la divergence de leurs intérêts. On
observe qu’en réalité le juge procède à une localisation objective du contrat et
d’ailleurs il ne recherche pas la loi applicable dans une prétendue volonté tacite ou
présumée des parties.54
Un arrêt de 29 juin 1971 émanant de la cour de cassation française explique la
volonté des parties et d’autre cas :
SUR LE MOYEN UNIQUE, PRIS EN SES TROIS BRANCHES : ATTENDU QUE NASSAR
FAIT GRIEF A L'ARRET ATTAQUE D'AVOIR DECIDE QUE LA CONVENTION DU 4
FEVRIER 1963, CONCLUE EN FRANCE, ETAIT REGIE PAR LA LOI FRANCAISE ET QU'IL
ETAIT DEBITEUR, EN FRANCS FRANCAIS, AU JOUR DU PAYEMENT, ENVERS LA
BANQUE, DES SOMMES ECHUES, SELON LES TERMES DE LADITE CONVENTION,
ALORS, D'UNE PART, QUE LE SIMPLE FAIT DE LA CONCLUSION A PARIS DE CE
CONTRAT N'IMPLIQUAIT PAS NECESSAIREMENT LA VOLONTE DES PARTIES DE LE
SOUMETTRE A LA LOI FRANCAISE ET QUE LA COUR D'APPEL AURAIT DU
RECHERCHER LA VALEUR DES PRESOMPTIONS TIREES DE CE QUE LA LETTRE DE LA
BANQUE AVAIT ETE ADRESSEE A NASSAR A BAMAKO, MEME S'IL L'AVAIT RECUE DE
PARIS, ET DE CE QUE CELUI-CI AVAIT DATE SA LETTRE D'ACCEPTATION DU MEME
JOUR DE BAMAKO, AINSI QUE DE CE QUE LES COMPTES DE NASSAR AVAIENT
TOUJOURS FONCTIONNE A BAMAKO, ALORS, D'AUTRE PART, QUE LA COUR
D'APPEL NE POUVAIT AFFIRMER SANS JUSTIFICATIONS QU'IL Y AVAIT EU
NOVATION PAR CHANGEMENT D'OBJET, LA REDUCTION D'UNE DETTE NE
SUPPOSANT PAS NECESSAIREMENT L'EXTINCTION DE L'ANCIENNE ET LA
54
Ratchaneekorn Larpvanichar, thèse sur les contrats internationaux : étude comparative franco-thaïlandaise
p :179

37
SUBSTITUTION D'UNE NOUVELLE DETTE A L'ANCIENNE, ALORS, ENFIN, QUE LA
SOUMISSION QUANT AU FOND A LA LOI FRANCAISE N'IMPLIQUE PAS
NECESSAIREMENT UN PAYEMENT EN FRANCE ET QUE LES JUGES D'APPEL
DEVAIENT RECHERCHER AU FOND QU'ELLE ETAIT LA VOLONTE DES PARTIES
QUANT AU LIEU DE PAYEMENT, EN SE SERVANT A CETTE FIN DE TOUS LES INDICES
EN LEUR POSSESSION ;
MAIS ATTENDU QUE LES JUGES DU FOND APPRECIANT SOUVERAINEMENT LES
CIRCONSTANCES QUI DETERMINENT LA LOCALISATION D'UN CONTRAT D'OU ILS
DEDUISENT LA LOI QUI LUI EST APPLICABLE, QU'AYANT ANALYSE LES
CONCLUSIONS DES PARTIES ET LES ELEMENTS DE FAIT DE LA CAUSE, LA COUR
D'APPEL ETAIT FONDEE A CONSIDERER QUE LE CONTRAT DU 4 FEVRIER 1963
EMPORTAIT NOVATION DES RAPPORTS CONTRACTUELS AYANT, A L'ORIGINE,
EXISTE ENTRE LA BANQUE ET NASSAR ET QUE C'EST SOUVERAINEMENT QU'ELLE A
DECIDE, D'ABORD QUE CE CONTRAT AYANT ETE CONCLU EN FRANCE OU NASSAR
FAISAIT DE FREQUENTS SEJOURS, C'EST A LA LOI FRANCAISE QUE LES PARTIES
AVAIENT ENTENDU SE REFERER ET, ENSUITE, QUE LES PAYEMENTS AYANT ETE
STIPULES EN FRANCE X... CONSIDERES COMME UNE MONNAIE DE COMPTE, ET
NON EN MONNAIE MALIENNE, LA BANQUE ETAIT EN DROIT D'EN EXIGER
L'EXECUTION EN FRANCS FRANCAIS ;
QUE LE MOYEN N'EST FONDE DANS AUCUNE DE SES BRANCHES ET QUE L'ARRET,
MOTIVE, A LEGALEMENT JUSTIFIE SA DECISION. PAR CES MOTIFS :
REJETTE LE POURVOI FORME CONTRE L'ARRET RENDU LE 18 JUIN 1969 PAR LA
COUR D'APPEL DE PARIS

La méthode de localisation est un moyen adéquat à rattacher le contrat à la loi qui


lui convient et qui notamment présente un lien véritable et fort à la situation.

38
Section II : Les présomptions
1) Les présomptions de la convention de Rome 1 :
Pour déterminer la loi du contrat en cas d’absence de choix, il faut tout d’abord
délimiter avec précision les catégories de contrat, c’est-à-dire la nature de l’acte.
Quand celui-ci ne peut être classé dans l’une des catégories définies ou que ses
caractéristiques appartiennent à plusieurs catégories définies, le contrat est régi par
la loi du pays dans lequel la partie qui doit fournir la prestation caractéristique du
contrat à sa résidence habituelle.55
Le contrat est régi avec la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroit
quand il est impossible de classer le contrat dans l’une des catégories définies ou de
déterminer la résidence habituelle de la partie qui doit fournir la prestation
caractéristique du contrat.56
La convention de Rome 1 comporte une précision à propos de l’activité
professionnelle, le pays déterminant sera où est situé le principal établissement57.
Cette solution est avantageuse pour les professionnels, puisque leurs opérations
seront en principe régies par une seule et même loi, celle qu’ils connaissent le
mieux58.
Cependant, la convention de Rome 1 prévoit des présomptions en matière
immobilière et du transport :
- Lorsqu’un contrat a pour objet un droit réel immobilier ou un droit
d'utilisation d'un immeuble, il est présumé que le contrat présente les liens
les plus étroits avec le pays où est situé l'immeuble59.
- Lorsqu’un contrat a pour objet le transport de marchandise le pays dans lequel
le transporteur a son établissement principal au moment de la conclusion du
contrat est aussi celui dans lequel est situé le lieu de chargement ou de

55
Art 19 du reglement (CE) N 593/2008 du parlement européen et du conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable
aux obligations contractuelles (rome 1)
56
Art 21, 19 du reglement (CE) N 593/2008 du parlement européen et du conseil du 17 juin 2008 sur la loi
applicable aux obligations contractuelles (rome 1)
57
Art 4 al 2 de la Convention de Rome de 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles
58
http://www.alsace-eurometropole.cci.fr/sites/default/files/loi_applicable_au_contrat_international.pdf
59
Art 4 al 3 de la Convention de Rome de 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles

39
déchargement ou l'établissement principal de l'expéditeur, il est présumé que
le contrat a les liens les plus étroits avec ce pays60.

60
Art 4 al 4 de la convention de Rome 1 sur la loi applicable aux obligations contractuelles.

40
2) Les présomptions de Dahir sur les conditions civiles des étrangers
L’article 13 al 2 du D.C.C a reparti les présomptions dévoilant le choix implicite des
parties en six catégories : (Nature du contrat, la condition relative des parties, la
situation des biens, la loi du domicile commun, la nationalité commune, et la loi du
lieu du contrat)61.
Cependant le dahir sur les conditions civiles des étrangers ne dispose pas des
présomptions sur l’absence d’un choix mais l’art 15 prévoit que en cas d’absence de
contrat les biens des époux seront régis par la loi national du mari au moment de
la célébration du mariage . Ce Dahir ne dispose aucune présomption relative à
l’absence de choix.
Le Maroc a signé la convention de Rome 1 de 1980 mais il ne l’a pas ratifié.

61
Abdallah Ounnir, Introduction aux règles du droit international privé p :82

41
Conclusion :

La question de la qualification en DIP présente un intérêt majeur, c'est une étape


indispensable dans le processus suivi en application de la méthode conflictuelle et
une opération décisive pour la résolution de tout conflit de lois posé au juge.
On a essayé à travers cette recherche de monter cette importance, surtout en
matière contractuelle où le problème du choix des normes applicables aux questions
de droit débattues est lié principalement à l'analyse des obligations réciproques et
les clauses inclues par les parties.
En DIP, la qualification suscite d'autres difficultés liées à la pluralité des régimes
juridiques en question. Le choix de la loi apte à qualifier donc fait l'objet d'une
controverse entre plusieurs courants et théories.
Si le principe de l'autonomie de la volonté attribue aux parties la liberté d’inclure à
leur contrat les obligations qu’elles jugent appropriées, la qualification échappera en
grande partie au contrôle des cocontractants. La stabilité contractuelle exige que la
nature juridique des contrats soit examinée à la lumière des dispositions légales
applicables.
Sur la base de ces efforts législatifs, le juriste tentera d’abord de lier le contrat aux
diverses formes contractuelles connues, particulièrement les contrats nommés, ou
de chercher les autres modèles inventés comme fruit de la pratique.
Pourtant, le poids du consensualisme dans les rapports contractuelles à
l'international demeure non négligeable, une réalité traduite par « Le Règlement
Rome I » ainsi que d’autres conventions et législations locales qui considèrent cette
autonomie de volonté comme le pouvoir de la volonté d’être la source des droits
subjectifs, d’être un organe créateur de droit. Cette liberté reste limitée en raison de
la primauté de certaines règles impératives.
In fine, il est évident que l'absence d'un choix des parties a des conséquences
négatives sur le processus de qualification. Le juge doit fournir des efforts
supplémentaires dans l'analyse des choix tacites et présumés. Les circonstances qui
ont entouré la conclusion du contrat et puis en fonction de la catégorie du contrat
des présomptions sont instaurées par la convention du Rome 1 (signée mais encore

42
non ratifiée par le Maroc), alors que le DCC n'a prévu aucune présomption à cet
égard.

43
Bibliographie

Les jurisprudences :
Cour de Cassation, chambre civile, 22 Juin 1955, Arrêt Caraslanis.
Cour d'Appel d'Alger, 24 décembre 1889 (Clunet 1891. 1171), Arrêt Bartholo.
Cour de Cassation, Arrêt American TRADING COMPANY.
Cour de Cassation, chambre civile, 29 juin 1971, arrêt n° 69-14179.

Les codes :
Dahir des Obligations et des contrats (DOC).
Dahir sur les conditions civiles des étrangers au Maroc (DCC).
Règlement Européen de Rome I et II.

Les ouvrages de référence :


Droit des contrats nommés, Faiza ALAOUI, 2éme édition.
Introduction aux règles du droit international privé, Abdellah OUNNIR, Edition
augmentée.
Le contrat international, Jean-Michel Jacquet, 2ème édition, 1999.

Les sites internet :


https://www.erudit.org/fr/revues/cd1/2010-v51-n1-cd3889/044139ar/
http://www.cours-de-droit.net/qualification-et-controle-de-qualification-en-droit-
international-a121609846

44
Thèses :
La qualification en droit international privé, BATAL Youssef, FSJES-Settat, Master
Droit des Relations d’Affaires.
Les contrats internationaux : étude comparative franco-thaïlandaise. Ratchaneekorn
Larpvanichar

45
Table des matières
Plan................................................................................................................................................................ 1
Abréviations : ................................................................................................................................................ 3
Mots clés : ..................................................................................................................................................... 3
Introduction Générale : ................................................................................................................................ 4
Partie I : ....................................................................................................................................................... 10
« Méthode de la théorie de qualification » ............................................................................................... 10
Chapitre I : Les modes de qualification des contrats spéciaux ................................................................. 11
1) La qualification exclusive et indépendante : ..................................................................................... 12
2) La qualification distributive :............................................................................................................. 12
3) La création d'un régime propre et autonome : ................................................................................. 13
Chapitre II : La notion et l’origine de la théorie de qualification en DIP .................................................. 14
Section I : La notion de la théorie de qualification ................................................................................ 14
1) Définition de la qualification : ....................................................................................................... 14
2) L’élaboration des théories de la qualification : ............................................................................. 16
A) Le mariage du grec orthodoxe : .................................................................................................... 16
B) La succession du Maltais (Bartholo) ou quarte du conjoint survivant pauvre :.............................. 18
C) Le testament du Hollandais : ........................................................................................................ 22
Section II : Les types de qualification ..................................................................................................... 24
1) La qualification lege fori :.............................................................................................................. 24
2) La qualification lege causae : ........................................................................................................ 26
3) La qualification par références à des concepts autonomes et universels : .................................... 26
Partie II : ...................................................................................................................................................... 28
« La détermination de la loi applicable au contrat » ................................................................................ 28
1) Le principe de la liberté d’un choix : ................................................................................................. 29
2) Les exceptions résultant de la primauté de certaines règles impératives :........................................ 32
Chapitre II : L’absence d’un choix des parties ........................................................................................... 34
Section I : Le fondement en absence d’un choix ................................................................................... 34
1) La thèse subjectiviste : ................................................................................................................. 34
2) La thèse objectiviste : ................................................................................................................... 37
Section II : Les présomptions .................................................................................................................. 39
1) Les présomptions de la convention de Rome 1 :........................................................................... 39
2) Les présomptions de Dahir sur les conditions civiles des étrangers .............................................. 41

46
Conclusion : ................................................................................................................................................. 42
Bibliographie ............................................................................................................................................... 44
Table des matières...................................................................................................................................... 46

47

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