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Le respect du corps humain

Dissertation

Descartes : « Ce moi, c’est-à-dire l’âme par laquelle je suis ce que je suis, est entièrement distinct du
corps ». Le corps humain n’est que matière ; il n’est qu’une « machine ».

Le corps humain est le substratum de la personne. Il ne peut faire l’objet ni d’un droit de propriété ou
d’un droit patrimonial, ni d’un contrat de location. Il est une chose d’un genre particulier, une chose
hors du commerce, une chose sacrée. Il faut distinguer le corps humain comme un ensemble d’organes
d’une part et d’autre part les éléments et les produits du corps humain. Le corps doit être protégé
comme la personne elle-même, car toute atteinte au corps est aussi une atteinte à l’individu.

La protection du corps humain est la condition première du respect des personnes physiques. Depuis
1994, l’article 16 du Code civil proclame la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité
de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie. Le respect du corps
humain est aujourd’hui garanti en droit interne par les dispositions issues des deux lois dites bioéthiques
du 29 juillet 1994. La première pose le principe de l’existence d’un droit au respect du corps humain et
la seconde tire l’utilisation d’éléments et de produits du corps humain.

Le droit au respect du corps humain pose le problème général : est-ce qu’on peut assurer ce respect en
protégeant le corps de la personne qu’il supporte ?

Cette assurance du respect du corps humain s’effectue en présence de deux principes essentiels :
l’inviolabilité (I) et l’indisponibilité du corps humain (II).

I. L’inviolabilité du corps humain

La traduction juridique du principe du respect du corps humain trouve son expression parfaite dans
le principe de l'inviolabilité du corps humain. Ce principe d’inviolabilité comporte en lui-même les
atteintes illégales et légales au corps humain.

A. Les atteintes illicites du corps humain

Le corps est, en premier lieu, inviolable. La règle de l’inviolabilité du corps humain est exprimée par
l’article 16-1 alinéa 2 du Code civil : « Le corps humain est inviolable ». Ainsi l’article 16-3 affirme
également que : «  Il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité
thérapeutique pour la personne  ». Il a toujours été admis que le médecin qui porte atteinte à
l’intégrité physique de la personne accomplit un acte légitime. L’exception tirée de la nécessité
thérapeutique pour la personne vise tout aussi bien la personne concernée directement que
d’autres. En validant le don d’organes en faveur d’autrui, la loi autorise ouvertement l’atteinte au
corps sans nécessite thérapeutique pour celui qui donne un organe, mais dans l’intérêt d’autrui.

Les atteintes portées à la vie ou à la santé de la personne peuvent être source de sanctions pénales
et de réparations civiles. On peut voir la protection du corps humain précisée et étendue dans
différents directions. L’inviolabilité est élargie à l’espace toute entière : l’article 16-4 du Code civil
garantit l’ « intégrité de l’espace humaine » et interdit toute pratique eugénique tendant à
l’organisation de la sélection des personnes. La protection est également étendue à l’embryon :
l’article 16 du Code civil « garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie »,
toute expérimentation sur l’embryon est interdite et le Code pénal réprime toutes sortes d’atteintes
portées à l’embryon, spécialement son utilisation à des fins industrielles ou commerciales. L’article
16-11 alinéa 3 du Code civil interdit d’abord l’identification d’une personne par ses empreintes
génétiques sans le consentement de celle-ci. Le principe d’inviolabilité interdit au juge de recourir à
une mesure de coercition, mais en même temps l’article 11 al.1 du Nouveau Code de procédure civil
permet au juge d’analyser librement le refus de se prêter à un examen médical. En droit de la
responsabilité civile la jurisprudence considère que le principe d’inviolabilité du corps humain
interdit de contraindre la victime d’un préjudice à subir un traitement ou une intervention
chirurgicale. En matière chirurgicale, sauf en cas d’urgence, un chirurgien ne peut opérer une
personne sans avoir préalablement recueilli le consentement exprès à l’opération de l’intéressée.

B. Les atteintes légalisées du corps humain

D'une manière générale la légitimité des atteintes au corps humain que celles-ci soient consenties
par la personne ou imposées par des tiers est subordonnée à « I'intérêt d'un tiers supérieur à celui
qu'aurait la personne au maintien de son statu quo »  En outre, ces atteintes doivent être exclusives
de risque pour I'intéressé ou à la rigueur ne comporter qu'un risque minimum. En considération de
ces exigences, on a classé les actes de disposition, constitués par les prélèvements de substance
humaine, en fonction des risques qu'ils constituent, et de leur utilité pour le corps humain : les
éléments nécessaires à la conservation de la personne ; les éléments utiles à la personne à des
degrés divers ; les éléments non utiles à la personne.

En déclarant que la loi assure la primauté de la personne et interdit toute atteinte à la dignité de
celle-ci, elle-même fait des entorses à cette règle. La pratique de la procréation médicalement
assistée a été légalisée, ce qui implique la validation de la technique de la congélation d’embryons.
Les possibilités de dons d’organes et d’expérimentations sur le corps humain ont été
successivement élargies. L’individu a le droit à une indemnité pécuniaire en réparation du préjudice
qu’il a subi, lorsqu’une atteinte a été portée à son corps – c’est la sanction du principe d’inviolabilité.
Il semble impossible que le corps de l’homme libre pût être évalué en argent. Le dommage corporel
est susceptible d’évaluation partant de réparation en argent. On considère que l’indemnité à le
réparer tire de son objet une nature original peut être incessible ou attachée à la personne. Il existe
deux sortes de dommages. Le dommage matériel – le manque à gagner correspondant à la
réduction de la capacité de travail et le dommage moral dont l’estimation est nécessairement
arbitraire, la douleur éprouvée par la victime dans sa chair et la souffrance morale qu’elle peut
ressentir à la suite d’un accident.

Une question a été posée, toute théorique, de la nature des pouvoirs de la personne sur son corps.
Question philosophique, morale, religieuse, et comme telle controversée, comme en témoignent les
divers courants. Sur le plan juridique cette question se traduit par le principe de I'inviolabilité du
corps humain sous ses deux aspects, l'interdiction aux tiers d'y porter atteinte et la limite du pouvoir
de disposition de la personne sur son corps. Mais pour assurer le respect au corps humain d’une
autre manière, il faut examiner le second principe essentiel – celui de l’indisponibilité(II).

II. L’indisponibilité du corps humain

Le corps humain a longtemps été considéré comme quelque chose de sacré : reflet de l'âme(A), il est
indissociable de la personne et porte le caractère extrapatrimonial(B).

A. Le corps humain : reflet de l’âme

Le corps est, en deuxième lieu, indisponible. Il est hors du commerce juridique et il est insusceptible
de convention. Il est interdit de vendre un organe, un bout de peau, des gamètes ou un embryon. Ce
principe a été mis en avant par la Cour de cassation pour déclarer le caractère illicite du recours aux
« mères porteuses ». On peut trouver cette solution dans l’article 16-7 du Code civil : «  toute
convention partant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle ».
L’indisponibilité cesse dans les mêmes circonstances que l’inviolabilité : les contrats relatifs au corps
sont licites s’ils sont justifiés par le but médical poursuivi ou s’ils sont conformes à la réglementation
de la pratique dans laquelle ils s’insèrent, expérimentation biomédical ou prélèvement de fragments
ou produits du corps. En réalité les conventions sont possibles mais ce qui est interdit c’est de
conférer une valeur patrimoniale aux éléments ou produits du corps humain.

Enfin c’est utile de consacrer l’évolution des sciences biomédicales et de valider l’utilisation des
éléments et produits du corps humain pour favoriser le développement de la procréation
médicalement assistée et la transplantation d’organes : la loi intégrée au code de la santé publique
autorise et réglemente l’utilisation des produits et éléments du corps humain, qui sont en réalité
traités comme des biens susceptibles de faire l’objet de convention. Seuls les « dons » sont
autorisés : une personne fait un don, une autre personne le reçoit. On ne peut pas faire un
rapprochement entre le donneur et le receveur et par là les identifier. Souvent le don est anonyme,
ceci explique la disposition de L’article 16-8 : «  aucune information permettant d’identifier à la fois
celui qui a fait don d’un élément ou d’un produit de son corps et celui qui l’a reçu ne peut être
divulguée. Le donneur ne peut connaître l’identité du receveur ni le receveur celle du donneur ».

L’un des caractères principaux du corps humain, après l’inviolabilité et l’indisponibilité, est celui de
non-patrimonialité.
B. Le corps humain : exception du droit patrimonial

L’extrapatrimonialité signifie qu’aucune valeur pécuniaire ne peut être conférée au corps lui-même,
à ses éléments ou produits. Ce principe consacre l’article 16-1, al. 3 du Code civil : « Le corps
humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l’objet d’un droit patrimonial ». Tous les actes
juridiques portant sus ces éléments ou produits sont nécessairement à titre gratuit. Cette nécessaire
gratuité, en droit français, est garantie par le Code civil qui déclare nulle toute convention ayant
pout but de conférer une valeur patrimoniale au corps humain, à ses éléments ou à ses produits
(article 16-5) et interdit de rémunérer celui qui se prête à une expérimentation ou à un prélèvement
d’ éléments ou de produits de son corps (article 16-6). Non seulement les tiers ne peuvent établir
des conventions portant sur le corps d’un individu, puisqu’ils ont l’obligation de respecter le corps
d’autrui, mais l’individu lui-même ne peut librement disposer de son corps ou de ses éléments.
Le principe de non-patrimonialité a une portée qui reste limitée : une fois le produit ou l’élément du
corps prélevé, rien n’empêche qu’il rentre dans le commerce. Par exception, certaines conventions
sont autorisées, tels la vente de cheveux ou le contrat de travail acrobatique, même s’il met en
danger l’intégrité corporelle du salarié.

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