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COURS DE DROIT DES SÛRETÉS

Par M. Gaëtan IYEMBE

PLAN GENERAL DU COURS


TITRE 1 : LES SURETES PERSONNELLES
CHAP 1 : LE CAUTIONNEMENT
CHAP 2 : LA GARANTIE AUTONOME
TITRE 2 : LES SURETES REELLES
CHAP 1 : L’HYPOTHEQUE
CHAP 2 : LES SURETES MOBILIERES CLASSIQUES : GAGE ET NANTISSEMENT
CHAP 3 : LES SURETES PROPRIETE
CHAP 4 : LE DROIT DE RETENTION
CHAP 5 : LES PRIVILEGES

BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE
BRIZOUA BI MICHEL, L’attractivité du nouveau droit Ohada des hypothèques, revue
droit et patrimoine, n°197, nov. 2010, P.86
Pr Yvette Rachel KALIEU ELONGO, Cours de droit des sûretés Ohada, kalieu-
elongo.com
Dominique LEGEAIS, Sûretés et garanties du crédit, 5e éd., LGDJ
Ghislain MOUTIL, l’inscription de l’hypothèque en droit des sûretés Ohada, in
uniforme Law Review, Vol.25, Issue I, march 2020, P. 109-124
Pierre CROCQ, les sûretés fondées sur une situation d’exclusivité et le projet de
réforme de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés, Revue droit et
patrimoine, n°197, nov.2010, P.78
Olivier FILLE-LAMBIE et Ariane MARCEAU COTTE, les sûretés sur les meubles
incorporels : le nouveau nantissement de l’Acte uniforme sur les sûretés, Revue droit
et patrimoine, n°197, nov. 2010, P.72
Traité et Actes uniformes commentés et annotés OHADA, Juriscope 2016
Code civil gabonais, première partie

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INTRODUCTION GENERALE
I/ LA NECESSECITE DES SÛRETES
Faire crédit, c’est permettre à son débiteur de ne pas être tenu d’exécuter immédiatement
l’obligation souscrite autrement dit à ne pas effectuer un paiement au comptant. Ce qui revient
donc à lui accorder un terme c'est à dire une échéance à l’arrivée de laquelle la créance
deviendra exigible.
Toutefois, le crédit se réduit en réalité à un pari sur l’avenir. Le créancier fait en effet le pari
que le débiteur tiendra parole en honorant sa dette à l’échéance convenue. Quant au débiteur, il
fait corrélativement la promesse de respecter son engagement et s’exécuter une fois le moment
prévu arrivera.
Le créancier peut d’abord s’en tenir à sa seule créance et faire de ce fait entièrement confiance
au débiteur. Mais il va cependant supporter le risque du crédit c'est à dire le risque de
l’insolvabilité du débiteur, il ne sera donc qu’un créancier dit chirographaire.
En effet, aux termes de l’article 2092, devenu 2284 du code civil français à l’issue de la réforme
intervenue en 2006 « quiconque s’est obligé personnellement est tenu de remplir ses
engagements sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir ». Ce texte institut
le droit de gage général qui donne à tout créancier la faculté de poursuivre l’exécution forcée
de sa créance sur les différents biens composant le patrimoine de son débiteur.
Néanmoins, si le paiement est généralement assuré au créancier poursuivant lorsque le débiteur
n’a qu’un seul débiteur, il n’en est pas toujours ainsi lorsqu’on est en présence de plusieurs
créanciers. Selon que les poursuites sont exercées en ordre dispersé ou collectivement, le
paiement fera le prix de la course ou se fera au mar le franc.
Dans le premier cas, le premier saisissant sera le premier payé, le deuxième saisissant le
deuxième payé, et ainsi de suite jusqu’à ce que le produit de la saisie soit entièrement absorbé.
La répartition est donc inégalitaire dans le cadre d’une démarche collective, à l’exemple des
procédures collectives.
La répartition se fait en revanche de manière parfaitement égalitaire dans ce sens qu’elle et
effectuée entre les créanciers sur la base d’une contribution au prorata du montant de leur
créance. Dans un cas ou dans un autre, le créancier ne bénéficie d’aucune garantie pour obtenir
le paiement de sa créance.
Le créancier peut également, craignant la défaillance du débiteur, chercher à se prémunir contre
le risque de son insolvabilité et exiger des garanties afin d’augmenter ses chances de paiement
au jour de l’échéance. Il s’agit de moyens qui ont pour fonction de garantir l’exécution des
obligations du débiteur et par voie de conséquence de limiter le risque pris pour le créancier en
consentant des délais de paiement. Il fait alors recours à des sûretés.
Ces éliminations ou cette réduction de la menace à laquelle est soumis le créancier
chirographaire peut être recherché dans deux voies : - l’adjonction au débiteur principal d’autres
débiteurs multipliant ainsi le droit de gage général. Le risque est alors répartit sur plusieurs

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patrimoines et on parle de sûreté personnelle. – affecter prioritairement certains éléments de
l’actif du débiteur au paiement de la créance. On parle dans ce cas de sûreté réelle.

II/ LA NOTION DE SÛRETE


Elle ne fait pas l’unanimité en doctrine. Il en est d’autant plus ainsi que le code civil français
bien qu’utilisant le terme n’en donne aucune définition. Principalement, deux définitions
s’opposent.
Il y a d’abord une définition conceptuelle et par conséquent restrictive. La sûreté est ainsi
considérée comme une garantie de paiement accessoire à une créance principale. En d’autres
termes, une sûreté ne pourrait naitre, vivre et s’éteindre que dans la dépendance de l’obligation
ouverte. Si cette définition inclus les sûretés traditionnelles comme le cautionnement, le gage
ou l’hypothèque, elle exclue en revanche bien d’autres notamment celles non accessoires
comme par exemple la garantie à première demande. En d’autres termes, de ce point de vue,
toute garantie de paiement n’est pas nécessairement une sûreté.
Il y a ensuite, une définition fonctionnelle de la sûreté. Selon celle-ci, une sûreté est un
mécanisme qui tend à garantir l’exécution d’une obligation. Il en résulte que tout procédé
conduisant à cet effet qu’elle qu’en soit la nature juridique est considéré comme une sûreté.
Cette deuxième définition prend donc en compte le résultat final et présente l’avantage de
correspondre à une réalité liée à l’éclatement du droit des sûretés.
L’acte uniforme de l’OHADA portant organisation des sûretés contrairement au code civil
français donne une définition de la sûreté en son article 1er disposant qu’ « Une sûreté est
l’affectation au bénéfice d’un créancier d’un bien, d’un ensemble de biens ou d’un patrimoine
afin de garantir l’exécution d’une obligation ou d’un ensemble d’obligations, quelle que soit la
nature juridique de celles-ci et notamment qu’elles soient présentes ou futures, déterminées ou
déterminables, conditionnelles ou inconditionnelles, et que leur montant soit fixe ou fluctuant ».
Cette deuxième définition du droit uniforme africain est plus proche de la définition
fonctionnelle rappelée ci-dessus et confirme que cette dernière compte tenu de la multiplication
des variétés de sûretés tend de plus en plus à s’imposer en doctrine.
III/ L’EVOLUTION DU DROIT DES SÛRETES
Au Gabon comme dans les autres pays africain anciennement colonie française, le droit des
sûretés applicable au lendemain des indépendances, était un héritage du droit français. Il était
notamment issu pour une large part du code civil napoléon, mais aussi du code de commerce,
de certains textes spéciaux ou de certains textes coloniaux de droit foncier. C’est donc dire que
ce droit avait bien vieillit et nécessitait par conséquent une revue d’ensemble l’adaptant aux
réalités.

C’est ce qui fut fait dans le cadre du projet d’harmonisation du droit des affaires en Afrique
avec l’adoption de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés le 17 avril 1997 et entré en
vigueur le 01er janvier 1998, lequel a entièrement refondu l’ensemble de cette matière.

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Mais douze ans après son entrée en vigueur, ledit Acte uniforme a présenté bien des limites au
regard de l’évolution de l’économie mondiale mais également des récessions économiques
fragilisant le tissu économique mondiale et les pays de la zone OHADA n’ont pas été épargnés
de sorte qu’il est apparu nécessaire au législateur OHADA de procédé à un toilettage des règles
relatives aux sûretés afin de les rendre conforme aux enjeux économiques de l’heure.

Ainsi, c’est à la faveur d’une réforme en date du 15 décembre 2010, que l’Acte uniforme portant
organisation des sûretés a été adopté et entré en vigueur le 15 mai 2011. Ce nouveau texte
comporte 228 articles répartit en six titres.
A l’exclusion des sûretés propres au droit fluvial, maritime et aérien qui font l’objet d’une
règlementation particulière, les sûretés régies par le présent acte uniforme concerne les sûretés
garantissant l’exécution des obligations quelle que soit la nature juridique de celle-ci
notamment les sûretés personnelles et réelles telles que définit à l’article 4 dudit acte uniforme.
En plus de l'organisation des différentes sûretés, l'AUS comporte quelques innovations comme
l'institution du débiteur professionnel et de l'agent des sûretés.

S'agissant de son application, il faut préciser que l’AUS ne s’applique pas aux sûretés
constituées antérieurement à son entrée en vigueur conformément à l’article 227. Le régime des
sûretés, se trouve pour l’essentiel dans l’acte uniforme relatif aux sûretés. Ce texte de base doit,
sur certains points être complété par des dispositions éparses qui se trouvent dans d’autres actes
uniformes soit de manière implicite soit parce que l’AUS renvoie expressément à ces textes. Il
s’agit : l’acte uniforme relatif aux procédures collectives d’apurement du passif (AUPCAP)
pour ce qui est par exemple du sort des sûretés en cas d’ouverture d’une procédure contre le
débiteur ou même du classement des sûretés dont le régime est modifié lorsque la distribution
intervient dans le cadre d’une procédure collective, l’acte uniforme portant organisation des
procédures simplifiées de recouvrement des créances et des voies d’exécution ( AUPSRVE)
principalement pour ce qui est des règles applicables à la réalisation de l’hypothèque puisque
celle-ci, sauf dérogation, relève des règles régissant la saisie immobilière que l’AUPSRVE
organise désormais aux articles et suivants ; de l’acte uniforme relatif au droit commercial
général (AUDCG) qui seul contient les dispositions relatives au registre du commerce et du
crédit mobilier qui est appelé à recevoir les inscriptions de toutes les sûretés mobilières. L’acte
uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique
(AUSCGIE) auquel il doit être référé pour compléter le régime du nantissements des titres et
droit sociaux que l’AUS énumère parmi les formes de nantissements. Les droits nationaux
restent également applicables en matière de sûretés. Le législateur y renvoie expressément pour
certaines questions (ex. pour la publication et l'inscription des droits réels) ou implicitement
(ex. la détermination des règles de capacité).

Pour une bonne présentation du cours, celui-ci sera subdivisé en deux titres correspondant à la
distinction classique qui oppose les sûretés personnelles aux sûretés réelles. Autrement dit, la
présente étude sera divisée en deux titres : les sûretés personnelles (I) et les sûretés réelles (II).

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TITRE I : LES SURETES PERSONNELLES
L’article 4 al. 1 de l’AUS définit la sûreté personnelle comme « l’engagement d’une personne
de répondre de l’obligation du débiteur principal en cas de défaillance de celui-ci ou à première
demande du bénéficiaire de la garantie ». Les sûretés personnelles permettent au débiteur
d’offrir un second débiteur à son créancier pour garantir ses obligations autrement dit pour
réduire les risques de sa défaillance. Elles aboutissent ainsi à une multiplication des personnes
et donc des patrimoines qui peuvent répondre d’une même dette.

Un tel créancier conserve cependant la qualité de créancier chirographaire à l’égard de chaque


garant. C’est donc dire que la sûreté personnelle vaut ce que vaut l’actif du patrimoine du garant.
C’est d’ailleurs ce qui explique que les sûretés de cette nature soient généralement considérées
comme étant moins efficaces que les sûretés réelles.

Deux principales sûretés personnelles sont réglementées en droit OHADA. Il s'agit du


cautionnement (chap. 1) et de la garantie autonome anciennement dénommée lettre de garantie
(chap. 2).

CHAPITRE I : LE CAUTIONNEMENT
Dans le sens juridique, le cautionnement est défini comme un contrat par lequel une personne
appelée caution prend l’engagement de payer le créancier si le débiteur dit “débiteur principal“
n’exécute pas lui-même l’obligation souscrite. Le cautionnement met ainsi en présence trois
personnes que sont le débiteur, le créancier et la caution et donc donne lieu à une relation
triangulaire.
L’opération implique donc qu’une obligation accessoire vienne se superposer à une obligation
principale. Mais en même temps, le contrat de cautionnement a une certaine autonomie par
rapport au contrat principal. La caution ne s’engage que sur l’initiative du débiteur avec lequel
elle entretient des relations. La loi prévoit toutefois que l’engagement de la caution peut être
fait sans ordre du débiteur.
Désormais règlementé dans l’espace OHADA par les articles 13 à 38 de l’AUS, il convient
pour l’étude son régime juridique de s’intéresser successivement à son existence (section 1) et
à son efficacité (section 2).

SECTION I : L’EXISTENCE DU CAUTIONNEMENT


L’existence du cautionnement suppose la réunion d’un certains nombres de conditions. Les
premières sont relatives à sa nature juridique alors que d’autres concernent sa conclusion. Ce
qui nous conduit nous intéresser successivement aux éléments constitutifs (§1) et à la formation
du cautionnement (§2).
PARAGRAPHE 1 : LES ELEMENTS CONSTITUTIFS DU CAUTIONNEMENT

L’opération de cautionnement repose sur un certain nombre d’éléments sans lesquels


l’existence de ce mécanisme juridique ne saurait être envisagée. Pour ce faire, nous verrons
d’une part ses caractères (I) et d’autre part ses modalités d’application (II).

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I. LES CARACTERES DU CAUTIONNEMENT

Aux termes de l’article 13 de l’AUS, « le cautionnement est un contrat par lequel la caution
s’engage, envers le créancier qui accepte, à exécuter une obligation présente ou future
contractée par le débiteur, si celui-ci n’y satisfait pas lui-même ».
Il se dégage clairement de ce texte que le cautionnement est un acte contractuel conclu entre la
caution et le créancier n’impliquant pas le débiteur principal ce qui n’est qu’une résultante de
l’alinéa 2 de l’article 13 précité qui prévoit que cet engagement peut être contracté sans ordre
du débiteur. Bien que ce dernier ne soit pas partie au contrat, il demeure néanmoins un tiers
intéressé pour les deux parties. La caution a avec lui des rapports que le droit n’ignore pas.

Mais en dehors du caractère contractuel, le cautionnement présente deux autres caractères


notamment accessoire (A) et unilatéral (B).

A. LE CARACTERE ACCESSOIRE
Le cautionnement n’a de raison d’être que par référence à une obligation principale dont il a
pour objet d’assurer l’exécution. Il ne peut donc exister sans une obligation principale dont il
dépend. Très souvent, cette obligation principale est une obligation de somme d’argent née d’un
crédit octroyé par le créancier au débiteur. L’obligation garantie peut être préalable ou
concomitante à la constitution de la sûreté et exceptionnellement, elle peut être postérieure.
L’étendue du cautionnement est ensuite fonction des obligations du débiteur principal et ne peut
en aucun cas excéder celles-ci. Le caractère accessoire fait enfin que la caution n’est qu’un
débiteur de second rang qui n’est tenu de payer que lorsque le débiteur principal est défaillant.

B. LE CARACTERE UNILAT ERAL

Dans le cautionnement, seule la caution s’engage envers le créancier qui accepte, à payer la
dette du débiteur si ce dernier ne le fait pas. Le créancier quant à lui ne prend aucun engagement.
Il s’en suit donc que le cautionnement est par essence un contrat unilatéral entrainant un certain
nombre de conséquences pratique tels en matière de preuve. Ainsi selon l’article 14 de l’AUS
le cautionnement se prouve par un acte écrit comportant la signature de la caution et la mention
écrite de la main de la caution, en toute lettre et en chiffre de la somme maximale garantie. Il
se déduit du caractère unilatéral l’impossibilité pour la caution d’opposer au créancier
l’exception d’inexécution ou exceptio non adompleti contractus.
Toutefois, ce principe admet quelques aménagements. Conventionnellement, le cautionnement
peut devenir synallagmatique si les parties mettent des obligations à la charge du créancier.
Légalement, le créancier peut être tenu de certaines obligations telles que l’obligation
d’informer la caution de la défaillance du débiteur principal en lui indiquant le montant restant
dû par ce dernier en principal, intérêts et autres accessoire.

II. LES MODALITES DU CAUTIONNEMENT


Le cautionnement peut être fourni selon diverses modalités. L’AUS précise les distinctions
entre le cautionnement simple et le cautionnement solidaire (A), la certification de caution (B)
et le cautionnement réel (C).

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A. LE CAUTIONNEMENT SIMPLE ET LE CAUTIONNEMENT SOLIDAIRE

Il est simple lorsque la caution ne paie la dette du débiteur principal que si et seulement si la
défaillance de ce dernier est établie par le créancier et que cette caution s’engage seule à payer.
Le cautionnement solidaire quant à lui recouvre diverses hypothèses : la solidarité entre la
caution et le débiteur et la solidarité entre les cautions.

En effet, contrairement à la caution simple qui jouit du bénéfice de discussion et de division, la


caution solidaire est tenue dans les mêmes conditions qu’un débiteur solidaire et donc renonce
à certains droits découlant du caractère accessoire et subsidiaire du cautionnement.
Par ailleurs, l’article 20 de l’AUS dispose que : « le cautionnement est réputé solidaire » à
moins que les parties n’en précise la modalité. En faisant du cautionnement solidaire, le
cautionnement de droit commun, l’Acte uniforme innove en inversant la règle car en principe
la solidarité ne se présume pas.
B. LA CERTIFICATION DE CAUTION

Elle est prévue par l’article 21 de l’AUS qui dispose que : « la caution peut elle-même se faire
cautionner par un certificateur désigné comme tel dans le contrat ». Le certificateur de caution
s’engage à l’égard du créancier à payer ce que doit la caution lorsque celle-ci ne paie pas. Le
certificat de caution s’analyse ainsi comme le cautionnement de la caution au profit du créancier
qui se prémunit par un cautionnement de second degré.

Il n’y a en principe aucun lien entre le débiteur principal et le certificateur de caution. De même,
l’étendue de son engagement s’apprécie par rapport à l’obligation de la caution et non par
rapport à celle du débiteur principal.
Le régime juridique de la certification de caution s’apparente à celle du cautionnement
principal. Ce peut être simple ou solidaire. Mais contrairement au cautionnement principal, la
présomption de solidarité ne s’applique pas en matière de certification de caution. En l’absence
de précision, elle est présumée être un cautionnement simple au regard de 2.
Il faut souligner qu’il existe une autre hypothèse de superposition de cautionnement qui n’est
pas règlementé par l’acte uniforme : le sous cautionnement. La sous-caution garantit, à la
demande du débiteur, le recours que la caution aura contre celui-ci après paiement. La sous
caution est une caution comme les autres à la seule différence qu’elle n’a aucune obligation
envers le créancier.

C. LE CAUTIONNEMENT REEL
C’est une sûreté connue et pratiquée depuis bien longtemps mais qui n’a jamais fait l’objet
d’une règlementation d’ensemble dans le code civil ancien.
Ce vocable recouvre en réalité deux figures contractuelles différentes. – un tiers peut d’abord
affecter en garantie de la dette d’un débiteur principal un bien meuble ou immeuble lui
appartenant sans pour autant prendre d’engagement personnel. Il y a véritablement constitution
d’une sûreté réelle pour autrui. Celle-ci prendra le plus souvent la forme d’une hypothèque et
on parle de cautionnement hypothécaire. - Mais il est également possible qu’un tiers souscrive

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un engagement personnel de payer la dette d’autrui et affecte dans le même temps un de ses
biens à la garantie de cette dette. Il y a dans ce cas juxtaposition d’une sûreté réelle et
personnelle.

La première forme de cautionnement réel a suscité en droit français notamment un important


débat portant sur sa qualification. La question était de savoir si elle devait s’analyser comme
une sûreté mixte emportant de ce fait l’application à la fois des règles du cautionnement et de
celle de la sûreté réelle ou s’il fallait la considérer simplement comme une sûreté réelle pour
autrui ?
La position qui semble aujourd’hui s’imposer est que le cautionnement ne se présumant pas,
une telle opération, en l’absence de toute précision contraire, n’implique aucun engagement
personnel de la part du constituant de la sûreté. Il ne s’agit que d’une sûreté réelle, autrement
dit, d’une technique de rupture de l’égalité entre les créanciers (Cass. Mixte 02/12/2005, JCP
2005, 2e partie, n°10183, D. 2006, 61).

Certains auteurs estiment qu’il n’est même pas approprié de parler de cautionnement réel dans
ce cas.
C’est sans doute en tenant compte de cette controverse en droit français que le législateur
Ohada, n’envisage finalement que la deuxième forme de cautionnement réel. L’al 1de l’article
22 de l’AUS prévoit à cet effet que : « La caution peut garantir son engagement en consentant
une sûreté réelle sur un ou plusieurs de ses biens ». Il s’agit bien entendu de l’hypothèse où un
tiers s’engage à payer la dette d’autrui tout en garantissant cet engagement par l’affectation
d’un ou plusieurs de ses biens. Il y a véritablement sûreté mixte puisqu’elle combine la
technique de la garantie personnelle et celle de la sûreté réelle.

L’alinéa 2 du même article 22 permet à la caution de limiter son obligation aux seuls biens
affectés en garantie en disposant notamment que : « Elle peut également limiter son
engagement à la valeur de réalisation du ou des biens sur lesquels elle a consenti une telle sûreté
».

PARAGRAPHE 2 : LA FORMATION DU CAUTIONNEMENT


Le cautionnement comme tout type de contrat est soumis aux conditions de formation prévue
par les dispositions de l’article 1108 du code civil ancien. Mais en raison de sa nature
particulière, elle dispose de règles spécifiques tenant aux parties (I), à l’acte de cautionnement
(II) et l’obligation de garantie (III).
I. LES CONDITIONS RELATIVES AUX PARTIES

Le contrat de cautionnement, au-delà des conditions relatives au consentement qui doit être
exempt de tout vice, la caution qui prend l’engagement d’exécuter l’obligation du débiteur
principal si celui-ci est défaillant, doit remplir une série d’exigences liées à son aptitude de
s’engager et à sa crédibilité.
- S’agissant de son aptitude à contracter, la caution doit avoir la capacité nécessaire pour
se porter caution ce qui exclut le mineur non émancipé et le majeur déclaré incapable.
Il doit d’autant plus en être ainsi que le cautionnement compte tenu de ses conséquences
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peut être assimilé à un acte de disposition. Il est en revanche possible qu’un majeur en
curatelle puisse avec l’assistance de son curateur comme l’exige la loi souscrire une
telle obligation ; ou même pour un mandataire dès lors que les conditions du mandat
sont réunies. Le problème se pose au niveau de la représentation des personnes morales.
- S’agissant de la crédibilité de la caution, l’article 15 de l’AUS impose surtout que la
caution fournie soit solvable ou mieux présente des garanties de solvabilité. Si elle ne
l’est pas, le créancier est en droit de la refuser et dans ce cas, la loi permet à la caution
de la remplacer par une sûreté réelle. L’article 16 ajoute que la caution ne doit pas être
solvable uniquement au moment où elle est constituée mais qu’elle doit l’être « en
permanence » de sorte que l’insolvabilité survenue oblige le débiteur à remplacer cette
caution par une autre ou par une sûreté réelle. La seule exception concerne le cas où le
créancier a subordonné son consentement au contrat principal à l’engagement d’une
caution nommément désignée. Dans ce cas, la caution doit être maintenue en dépit de
son insolvabilité.

II. LES CONDITIONS RELATIVES A L’ACTE DE CAUTIONNEMENT

L’article 14 AUS dispose : « Le cautionnement ne se présume pas, quelle que soit la nature de
l’obligation garantie. Il se prouve par un acte comportant la signature de la caution et du
créancier ainsi que la mention, écrite de la main de la caution, en toutes lettres et en chiffres, de
la somme maximale garantie couvrant le principal, les intérêts et autres accessoires. En cas de
différence, le cautionnement vaut pour la somme exprimée en lettres ». Il en ressort que le
cautionnement ne se présume pas et que l’écrit ne peut constituer qu’un moyen de preuve à
condition qu’il comporte la signature de la caution et du créancier ainsi que la mention écrite
de la main de celui-ci.
L’écrit peut être constitué par un acte sous seing privé ou par un acte notarié. Cet écrit comporte
généralement toutes les informations relatives aux parties et aux modalités du cautionnement.
Pour servir de moyen de preuve, l’écrit doit comporter les mentions exigées par l’article 14
précité : la signature des deux parties et la mention manuscrite de la caution c.-à-d. que la
caution doit écrire de sa main, le montant de la somme qu’elle a accepté de garantir. La mention
manuscrite sert de preuve pour tout type de contrat (conventionnel, légal ou judiciaire), quelle
que soit la qualité de la caution (civile, professionnelle, commerçante) et quelle que soit
l’étendue de la dette garantie. Dans aucun cas, elle ne constitue une condition de validité du
cautionnement. Elle doit porter sur la somme maximale garantie couvrant le principal, les
intérêts et autres accessoires.
Lorsque la caution ne sait ou ne peut écrire, une formalité de substitution a été instaurée par
l’article 14 alinéa 3. Elle sera assistée de deux témoins dont le rôle est non pas de porter la
mention en ses lieux et place mais de certifier son identité et sa présence et d’attester que la
nature et les effets de l’acte lui ont été précisés.
III. LES CONDITIONS RELATIVES A L’OBLIGATION GARANTIE

Le cautionnement est comme déjà relevé plus haut une opération accessoire. Il suppose donc
nécessairement une dette principale à garantir car la caution ne s’engage pas à titre principal à
l’égard du créancier mais seulement en prévision de l’inexécution du débiteur.

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Aussi, le cautionnement emporte un certain nombre d’exigences relatives à l’obligation
principale et qui conditionne l’obligation de garantie notamment celles relatives à la validité de
l’obligation principale et à l’étendue de l’obligation de garantie.

- S’agissant de la validité de l’obligation principale, elle résulte de l’article 17 de l’AUS


aux termes duquel « le cautionnement ne peut exister que si l’obligation garantie est
valablement constituée ». Ainsi en cas de nullité de l’obligation principale, le
cautionnement perd sa raison d’être et devient donc caduc eu égard à son caractère
accessoire. La caution est en droit de se prévaloir de la nullité de la dette du débiteur
principal pour se dégager de l’engagement qu’elle a souscrit. Le droit Ohada donne la
possibilité à la caution d’invoquer directement la nullité relative dont est entachée
l’obligation principale. Il n’en est autrement que lorsque celle-ci est fondée sur une
incapacité. Encore faut-il que la caution se soit engagée en parfaite connaissance de
cause (article 17 al.1).
- S’agissant de l’étendue de l’obligation de garantie, il faut dire que la dette de la caution
en raison du caractère accessoire est dépendante de celle du débiteur principal tel qu’il
résulte de l’article 17 al.3 de l’AUS. L’étendue de l’obligation garantie varie selon qu’il
s’agit d’un cautionnement limité à une obligation déterminée du débiteur (art 18 AUS)
ou d’un cautionnement général des dettes du débiteur (art 19 AUS).

SECTION II : L’EFFICACITE DU CAUTIONNEMENT


Le cautionnement est considéré par certains auteurs de contrat dormant. Il ne produit d’effet
qu’à compter de la défaillance du débiteur principal. Dès lors, le créancier est en droit de réaliser
la garantie et le cautionnement va alors déployer ses effets.

Il est toutefois possible que l’opération de cautionnement ne connaisse finalement pas cette
issue. L’engagement de la caution peu prendre fin et être ainsi privée de son efficacité.

Nous verrons ainsi, la réalisation du cautionnement (§1) d’une part et l’extinction du


cautionnement (§2) d’autre part.

PARAGRAPHE 1 : LA REALISATION DU CAUTIONNEMENT


L’étude de la réalisation du cautionnement pourrait être limitée aux rapports entre le créancier
et la caution. Mais une telle approche occulterait certains effets liés à la mise en œuvre de la
garantie et notamment des conséquences importantes résultant des rapports entre la caution qui
a payé et le débiteur.
Aussi, pour une analyse plus étendue, après avoir évoqué la poursuite de l’exécution contre la
caution (Sous §1) nous verrons les différents recours ouverts à la caution contre le débiteur
principal (Sous §2).

SOUS-PARAGRAPHE 1 : L’EXERCICE DES POURSUITES CONTRE LA CAUTION


L’exercice des poursuites (II) à l’encontre de la caution en vue de l’exécution de l’obligation
souscrite est subordonné à certaines conditions préalables (I).

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I. LES CONDITIONS PREALABLES A L’EXERCICE DES POURSUITES

Il s’agit de l’exigibilité de la dette (A) et de la défaillance du débiteur principal (B).


A. L’exigibilité de la dette

Elle signifie que la caution ne peut être poursuivie que si la dette contractée par le débiteur
principal est arrivée à terme. Malgré ce principe, l’exercice des poursuites peut entraîner des
difficultés particulières en cas de déchéance du terme ou de prorogation de celui-ci.
Il y a déchéance du terme si la dette du débiteur principal doit être payée avant l’échéance
convenue et ce, pour diverses raisons. Par rapport à la caution, l’article 23 al.4 AUS prévoit que
la déchéance du terme accordée au débiteur principal ne s’étend pas automatiquement à la
caution qui ne peut être requise de payer qu’à l’échéance fixée à l’époque où la caution a été
fournie. Cette règle est d’ordre public.

La prorogation du terme accordée au débiteur principal par le créancier doit être notifiée par ce
dernier à la caution qui, informée, peut avoir deux attitudes différentes : refuser la prorogation
car elle n’est pas tenue d’accepter le bénéfice de la prorogation du terme. Dans ce cas, elle peut
poursuivre le débiteur en paiement ou obtenir contre ce dernier des mesures conservatoires ou
des garanties ou accepter la prorogation car contrairement à la déchéance, la caution peut
bénéficier des prorogations du terme accordées au débiteur principal. Dans cette hypothèse, elle
ne sera poursuivie en paiement qu’après l’écoulement du délai supplémentaire accordé au
débiteur principal sauf lorsque la prorogation du terme est d’origine légale : moratoire légal,
grâce accordée par le juge ou en cas d’ouverture d’une procédure collective contre le débiteur.

B. La défaillance du débiteur principal


La caution n’est tenue de payer la dette qu’en cas de non-paiement du débiteur. C’est la
conséquence du caractère accessoire et subsidiaire du contrat de cautionnement. La défaillance
prouvée du débiteur principal est un préalable à la poursuite de la caution. Cette défaillance doit
être constatée et la caution doit en être informée.
La poursuite de la caution est conditionnée par une mise en demeure adressée au débiteur et qui
est restée sans effet c’est-à-dire qu’après le délai assorti, ce dernier ne s’est pas toujours exécuté.
Une fois la défaillance constatée par la mise en demeure, la caution doit en être avisée par le
créancier dans le mois de la mise en demeure. Le créancier ne doit pas se contenter d’informer
la caution de la défaillance, il doit en même temps indiquer le montant restant dû en principal,
intérêts et accessoires à la date de l’incident de paiement. A défaut, la caution ne saurait être
tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus entre la date de cet incident et la
date à laquelle elle en a été informée. Toute clause contraire est réputée non écrite.
II. LA MISE EN ŒUVRE DES POURSUITES

Une fois les conditions ci-dessus réunies, le créancier peut valablement exercer les poursuites
à l’encontre de la caution. Ce dernier peut réagir positivement en procédant au paiement (A) ou
négativement en invoquant des moyens de défense (B).

A. Le paiement de la dette par la caution


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La caution poursuivie, est tenue d’assurer le paiement en lieu et place du débiteur principal. Ce
paiement suppose que la dette soit au préalable liquidée c'est-à-dire déterminée dans son
montant au moment de la saisine de la caution. Car il reste difficile de savoir à quel moment le
débiteur principal sera défaillant. Le paiement de la créance correspond soit à l’intégralité de la
dette couvrant le principal et les accessoires (intérêts, frais…) sans pour autant être supérieur à
la somme maximale garantie tel qu’indiqué par la mention manuscrite faite par la caution sur
l’acte de cautionnement ; Soit limité à une somme inférieure au montant de la dette principale
(art 8 AUS).

Par ailleurs, l’article 30 de l’AUS impose à la caution d’aviser le débiteur ou de le mettre en


cause avant de payer. La caution qui a payé sans avertir le débiteur ou le mettre en cause peut
perdre son recours contre lui.
A défaut de payer, la caution peut retarder le paiement en opposant certaines exceptions au
créancier.
B. Les moyens de défense de la caution
La caution, lorsqu’elle est poursuivie en paiement par le créancier, peut opposer deux moyens
de défense. Il s’agit d’une part du bénéfice de discussion et d’autre part du bénéfice de division.
- Le bénéfice de discussion
Le bénéfice de discussion est le droit reconnu à la caution d’amener le créancier à poursuivre
d’abord le débiteur principal. C’est l’une des conséquences du caractère accessoire de
l’engagement de la caution. A cet effet, l’article 27 al. 2 dispose : « la caution simple, à moins
qu’elle ait expressément renoncé à ce bénéfice, peut, sur premières poursuites dirigées contre
elle, exiger la discussion du débiteur principal, en indiquant les biens de ce dernier susceptibles
d’être saisis immédiatement sur le territoire national et de produire des deniers suffisants pour
le paiement intégral de la dette ».
Son domaine est limité car seule la caution simple et le certificateur de caution qui est toujours
considéré comme une caution simple peuvent s’en prévaloir. Ce bénéfice est expressément
refusé à la caution solidaire et à la caution judiciaire. Il faut noter que la caution simple peut
refuser de se prévaloir de ce bénéfice par une renonciation expresse.
Le bénéficie de discussion produit des effets tant à l’égard du créancier qu’à l’égard de la
caution. S’agissant du créancier, il doit supporter les conséquences de sa faute s’il s’abstient de
poursuivre le débiteur alors même que les conditions de discussion sont réunies. S’il le fait avec
retard ou négligence, il est jusqu’à concurrence des biens indiqués responsable à l’égard de la
caution de l’insolvabilité du débiteur principal survenue par sa faute. A l’égard de la caution,
l’exercice des discussions suspend les poursuites contre elle jusqu’à la fin de la procédure. Elles
ne seront reprises que si la dette n’est pas intégralement payée. Mais la suspension totale des
poursuites suppose que les biens indiqués soient susceptibles de couvrir la dette entière.
- Le bénéfice de division
Il ressort de l’article 28 AUS que s’il existe plusieurs cautions pour un même débiteur et une
même dette, chacune d’elle peut, sur premières poursuites dirigées contre elle demander la
division de la dette. Le bénéfice de division suppose qu’il y ait plusieurs cautions pour un même

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débiteur. Il faut par ailleurs qu’il n’y ait pas de solidarité entre ces cautions. De même, la caution
ne doit pas avoir renoncé à ce bénéfice. Le bénéfice de division est une exception péremptoire
tendant à la limitation définitive des poursuites à la part contributive de la caution qui l’invoque
et ce, contrairement au principe suivant lequel chaque caution doit être obligée à la totalité de
la dette cautionnée.

SOUS-PARAGRAPHE 2 : LES RECOURS DE LA CAUTION


Dans la mesure où son engagement n’est qu’accessoire et qu’elle ne paye pas sa propre dette,
la caution ne doit pas supporter de façon définitive la charge de l’obligation principale. Une
fois le paiement effectué, un certain nombre de recours lui sont ouverts afin de recouvrer ce
qu’elle aura perdu. Elle dispose ainsi d’un recours contre le débiteur principal (I) mais
également contre les autres cautions (II).

I. Le recours contre le débiteur principal


Par principe, La caution exerce son recours contre le débiteur principal après avoir procédé au
paiement. Il s’agit d’un recours normal. La caution qui a payé est en droit de réclamer au
débiteur le remboursement de ce qu’elle a payé pourvu que certaines conditions soient remplies.
Celles-ci concernent essentiellement le paiement et le délai de recours. Le paiement doit avoir
été effectué par la caution, en sa qualité de caution. Ce paiement doit être intégral, valable et
libératoire. Quant aux délais, la caution ne peut agir utilement que si l’action n’est pas prescrite.

Ces deux conditions remplies, la caution peut poursuivre le débiteur principal soit par la voie
de l’action personnelle soit par la voie de l’action subrogatoire.
Néanmoins, il est exceptionnellement permis à la caution d’exercer des recours contre le
débiteur principal avant tout paiement. Le législateur OHADA a énuméré de manière limitative
les hypothèses dans lesquelles le débiteur peut être poursuivi par la caution avant paiement.
Toute caution, qu’elle soit simple ou solidaire, personnelle ou réelle doit pouvoir exercer le
recours si elle se trouve dans l’un des cas prévus. Il y en a quatre :
- lorsque le débiteur est en état de cessation de paiement ou est en déconfiture.
- Lorsque la caution est poursuivie en paiement. Dans ce cas, la caution poursuivie par le
créancier va appeler en garantie le débiteur principal sauf si celui-ci est soumis à une procédure
de redressement judiciaire ou de liquidation des biens.
- Lorsque le débiteur est obligé de lui rapporter sa décharge dans un certain temps.
- Lorsque la dette est devenue exigible par l’échéance du terme. On suppose ici que malgré
l’arrivée du terme de la dette, le créancier n’a pas engagé de poursuites contre le débiteur
principal et la caution ne souhaite pas continuer à assumer le risque d’insolvabilité du débiteur.
II. Le recours contre les autres cautions

Si plusieurs cautions appelées cofidéjusseurs ont cautionné la même dette et si l’une d’elle a
acquitté la totalité de celle-ci, cette dernière bénéficie de recours contre les autres garants.

Pour que ce recours soit mis en œuvre, il faut que la caution poursuivante ait utilement acquitté
la dette du débiteur. Il n’y aurait pas paiement utile si par exemple la caution a payé une dette
qui n’était pas encore exigible ou si elle a payé sans en informer le débiteur qui avait déjà payé

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la dette. Par ailleurs, le paiement doit être effectif et libératoire pour les autres cautions
poursuivies mais il peut être partiel. La caution solvens doit informer les autres cautions du
paiement fait par elle au créancier. Ce n’est que sous ces conditions que son action pourra porter
des fruits.
La caution poursuivante, c’est-à-dire la caution solvens bénéficie de deux recours. Un recours
personnel qui lui permet d’obtenir en plus du principal, des frais et des accessoires, le paiement
des dommages- intérêts et un recours subrogatoire qui lui permet d’être subrogé dans les droits
du créancier et de profiter éventuellement des garanties qui lui ont été accordées par l’une des
cautions. Ces recours s’exercent dans les mêmes conditions que les recours offerts au débiteur
principal.
Le but de l’action est de faire supporter à chacune des cautions sa part et portion. Après
déduction de sa part contributive, la caution doit diviser les poursuites. L’insolvabilité de l’une
des cautions doit être supportée par toutes les cautions solvables conformément au droit
commun des obligations.
PARAGRAPHE 2 : L’EXTINCTION DU CAUTIONNEMENT
Le cautionnement s’éteint pas voie accessoire (II) ou par voie principale (I). Chaque fois que la
caution aura perdu tout bénéfice de subrogation dans les droits du créancier, le cautionnement
sera appelé aussi à s'éteindre (III).

I. L'extinction par voie principale

Il s’agit de l’extinction de l’obligation de règlement qu’il faut distinguer de l’obligation de


couverture.

L’obligation de règlement c’est l’obligation qui pèse sur la caution de payer les dettes
effectivement nées entre le débiteur et le créancier autrement dit de « régler la dette garantie ».
La plupart des causes classiques d'extinction de l'obligation se retrouvent dans l'extinction de
l'obligation de règlement qu’il s’agisse de l’extinction par le paiement ou de l’extinction par
divers autres modes. L'extinction du cautionnement par l'effet du paiement suppose que le
paiement soit valable, qu’il ait été fait intégralement par la caution et qu’il ait payé en qualité
de caution. En cas de contestation, il lui appartient de prouver qu'il l'a fait en cette qualité. Quant
aux autres modes d'extinction, il s'agit de situations dans lesquelles l'obligation est éteinte alors
que le créancier n'a pas reçu la prestation attendue de la caution. Le législateur en a énuméré
quelques-unes : remise de dette, compensation ou confusion. Il faut ajouter que la nullité du
contrat de cautionnement a pour effet la libération rétroactive et totale de la caution.

Quant à l’obligation de couverture, son extinction marque la date à partir de laquelle les dettes
du débiteur ne seront plus couvertes par la caution. Elle peut résulter du décès de la caution, de
l'arrivée du terme (exprès ou implicite) ou de la résiliation du cautionnement à durée
indéterminée.

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II. L'extinction par voie accessoire

L'extinction totale ou partielle de l'obligation principale éteint l’engagement de la caution dans


la même mesure. Cette extinction peut intervenir d’abord par le paiement de l'obligation
principale. Le paiement fait doit pouvoir libérer effectivement et intégralement le débiteur. La
caution ne peut valablement opposer cette exception au créancier que si et seulement si elle
prouve que le paiement a été réellement effectué. Le paiement partiel ne libère pas la caution.

Cette extinction peut intervenir ensuite par divers autres modes d’extinction accessoire. Il s'agit
des situations dans lesquelles l'obligation est éteinte alors que le créancier n'a pas reçu la
prestation attendue du débiteur. L’article 29 pose en quelque sorte une règle générale en
disposant que la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions inhérentes à la dette
appartenant au débiteur principal et qui tendent à réduire, éteindre ou différer la dette. La dette
du débiteur peut ainsi être éteinte en cas de remise de dette, de dation en paiement, de novation,
de compensation, de confusion, de prescription ou encore de nullité ou résolution du contrat
principal. Dans toutes ces hypothèses, la caution est libérée partiellement ou totalement.

III. L’extinction consécutive à la perte du bénéfice de subrogation

Au terme de l'article 29 alinéa 2 de l'AUS, « La caution simple ou solidaire est déchargée quand
la subrogation aux droits et garanties du créancier ne peut plus s'opérer en sa faveur, par le fait
du créancier ». S’il arrive donc que la subrogation aux droits du créancier rencontre des
obstacles, ceci aura pour conséquence de décharger la caution de son obligation. Ces obstacles
peuvent être la faute du créancier ou l’impossibilité de subroger. La décharge de la caution est
l'une des principales conséquences de la perte du bénéfice de subrogation qui joue donc comme
une exception opposée par la caution poursuivie en paiement par le créancier. Elle profite aussi
bien à la caution simple qu’à la caution solidaire et elles ne peuvent pas y renoncer dans le
contrat car l’article 18 précité prévoit que toute clause contraire est réputée non écrite.
Toutefois, la caution n’est déchargée qu'en proportion de la valeur des droits perdus.

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CHAPITRE 2 : LA GARANTIE AUTONOME

Consacrée en 1997 sous l’appellation de lettre de garantie, la garantie autonome ainsi rebaptisée
en 2010, constitue la seconde sûreté personnelle expressément règlementée par le législateur
communautaire africain. Née des nécessités particulières du commerce international, elle est
encore dénommée dans la pratique et en droit comparé sous les vocables de garantie à première
demande, garantie financière ou garantie indépendante.

La garantie autonome est définie à l’article 39 de l’AUS comme : « l’engagement par lequel le
garant (généralement un établissement de crédit) s’oblige, en considération d’une obligation
souscrite par le donneur d’ordre (débiteur avéré ou potentiel) et sur instruction de ce donneur
d’ordre, à payer une somme déterminée au bénéficiaire (créancier avéré ou potentiel), soit sur
première demande de la part de ce dernier, soit selon des modalités convenues. Ainsi, comme
le cautionnement, la garantie autonome met en exergue trois protagonistes que sont le donneur
d’ordre, le garant et le bénéficiaire. Elle est une sûreté personnelle en ce qu’un engagement est
pris par un tiers à titre de sûreté de la dette d’un débiteur principal. De cette définition, il apparait
ainsi, l’admission implicite d’un engagement unilatéral du garant alors que le droit français en
son article 2321 consacre plutôt la qualification contractuelle.

Dans tous les cas, il s’agit d’un engagement contractuel dont la particularité par rapport au
cautionnement est d’être indépendante, totalement autonome du contrat de base dont les
exceptions ne profitent pas au garant. Néanmoins, ce dernier peut à son tour faire garantir son
engagement par une contre-garantie autonome définie à l’article 39 al.2 de l’AUS
comme : « l’engagement par lequel le contre-garant s’oblige, en considération d’une obligation
souscrite par le donneur d’ordre et sur instruction de ce donneur d’ordre, à payer une somme
déterminée au garant, soit sur première demande de la part de ce dernier, soit selon des
modalités convenues ».

SECTION 1 : L’IDENTIFICATION DE LA GARANTIE AUTONOME

Il existe une variété de garanties susceptibles d’être qualifiées de garantie autonome. Mais
encore, elles doivent contenir des caractères qui les distinguent du cautionnement et qu’elles
soient conforme aux conditions de validité prévue par le droit communautaire.

Paragraphe 1 : La typologie des garanties autonomes

La garantie autonome est d’un usage habituel dans les relations commerciales internationales
entre banques et entreprises généralement multinationales ou étrangères ou même en droit
interne pour assurer la bonne exécution d’un contrat. Ainsi, par exemple, un maitre de l’ouvrage
gabonais (généralement l’Etat, un établissement public, une entreprise ou une collectivité
publique) soumet l’obtention d’un marché ou l’exécution d’un important contrat par un
entrepreneur sur le marché international (donc souvent étranger mais aussi les grandes
entreprises installées au Gabon), à la fourniture d’une garantie bancaire couvrant le paiement
des sommes qui pourraient éventuellement être dues au maitre de l’ouvrage qui est ainsi le
bénéficiaire de la garantie. Cette relation triangulaire suppose l’existence de deux contrats. Le

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contrat de garantie qui lie le donneur d’ordre au garant tenu de payer le bénéficiaire en principe
à première demande de ce dernier. Lequel contrat s’appuie sur un contrat initial conclu entre le
donneur d’ordre et le bénéficiaire.

A ces deux contrats peut se greffer un troisième contrat dit de contre garantie à savoir la banque
du donneur d’ordre par exemple conclut un accord avec un établissement bancaire local qui va
consentir la garantie de premier rang avec la possibilité, si elle est amenée à désintéresser le
bénéficiaire, d’exercer un recours contre la banque du donneur d’ordre, contre-garante.

La garanti autonome peut être souscrite pour différents motifs. Sans être exhaustif, on peut
notamment citer dans la pratique internationale :

- La garantie de soumission souscrite dans le cadre de la soumission à un marché par le donneur


d’ordre et par laquelle le garant s’engage à payer une certaine somme qui peut être évaluée à
un pourcentage du montant du contrat dans le cas où le soumissionnaire ne signerait pas le
contrat suivant les modalités contenues dans la soumission ou le cahier des charges.

- La garantie d’exécution, encore appelée garantie de bonne fin, qui engage le garant à payer
une certaine somme pour le cas où le bénéficiaire de la garantie, maître d’ouvrage ne serait pas
satisfait de l’exécution d’un contrat.

- La garantie de remboursement d’acomptes qui est exigée lorsque dans le cadre d’un marché,
le bénéficiaire a payé des acomptes au débiteur (donneur d’ordre) pour faciliter l’exécution de
ce marché.

La lettre de garantie tend ainsi à remplacer en pratique le dépôt de garantie dont l’inconvénient
est de priver le débiteur de la disposition des fonds.

Paragraphe 2 : Les caractères fondamentaux de la garantie autonome


Deux caractères principaux sont nécessaires à la qualification de garantie autonome notamment
l’autonomie de l’objet de l’engagement (I) et l’inopposabilité des exceptions (II). L’acte
uniforme énonce par ailleurs deux caractères complémentaires à savoir l’incessibilité du droit
à la garantie (III) et l’irrévocabilité de la garantie (IV).
I/ L’autonomie
Une garantie suppose une obligation à garantir. L’idée d’une garantie détachée de l’opération
principale c'est-à-dire du contrat de base qui en justifie l’existence parait paradoxale.
Néanmoins, l’article 40 al.2 de l’AUS dispose clairement que les garanties et contre-garantie
autonomes « créent des engagements autonomes, distincts des conventions, actes et faits
susceptibles d’en constituer la base ». Ainsi, à la différence de la caution dont l’engagement est
l’accessoire du contrat principal, le garant ne s’engage pas à payer la dette du débiteur principal,
il contracte une obligation personnelle, nouvelle, indépendante de celle du débiteur garanti.

De même l’article 2321 du code civil ancien dispose in fine que « sauf convention contraire,
cette sûreté ne suit pas l’obligation garantie ».

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Il en ressort que contrairement au cautionnement, l’engagement né de garantie autonome est
principal et non accessoire. Certes, la souscription de la garantie intervient nécessairement en
considération du contrat de base qui prévoit l’obligation principale du donneur d’ordre, mais ce
lien évident au moment de la négociation préalable entre les parties impliquées, est rompu par
la suite après la conclusion effective de la garantie autonome : son existence, son régime et son
extinction sont dès lors indépendants du contrat de base.
L’objet de l’engagement du garant doit être déterminé ou du moins déterminable sans qu’il soit
besoin de se référer à ce qui est dû par le débiteur garanti.
Il convient toutefois de noter que certaines dispositions du texte communautaire atténuent
quelque peu le caractère autonome de la lettre de garantie. Or, l’autre particularité de la garantie
autonome et qui est la traduction concrète de son autonomie c’est de priver le garant des
exceptions inhérentes à la dette.
II/ L’inopposabilité des exceptions

Selon un auteur, l’inopposabilité des exceptions n’est que « le corollaire et la traduction


concrète de l’autonomie de la garantie ». Ce principe d’inopposabilité des exceptions signifie
que celui qui s’engage comme garant renonce par cet engagement et d’avance à se prévaloir de
tout fait susceptible d’éteindre ou de réduire son engagement et qui résulterait du contrat de
base ou de faits propres à la relation donneur d’ordre - bénéficiaire. Il s’agit de toutes sortes
d’exceptions telles que la nullité, la résiliation ou la résolution du contrat de base ou encore
l’inexécution justifiée par la force majeure, le fait du prince ou le fait du créancier. Ne peuvent
non plus être admis les exceptions tendant à l’extinction de la dette garantie comme la
compensation, la novation ou la confusion. Mais encore faut-il pour cela que la garantie n’ait
pas été stipulée payable à première demande, auquel cas, l’inopposabilité des exceptions est
quasi-absolue.

Dans cette hypothèse, c’est comme si l’on assistait à un renversement de la charge de la preuve.
En effet, celui qui se prétend créancier d’une obligation doit, en principe prouver son droit de
créance; or, dans le cas d’une garantie à première demande, le paiement a lieu avant toute
discussion. Ce n’est qu’une fois le paiement effectué par le garant, que la preuve de l’absence
de droit du bénéficiaire pourra être rapportée. Le bénéficiaire occupe alors la position de
défendeur au litige qui est plus avantageuse que la position de demandeur, surtout dans le
domaine du commerce international.

Ce principe de l’inopposabilité des exceptions n’est pas limité à la personne du garant. Il


s’impose aussi au donneur d’ordre qui ne peut soulever aucune exception pour s’opposer à la
demande en paiement du bénéficiaire. Mais il n’est pas non plus limité au seul contrat de base,
la garantie étant également indépendante à l’égard du rapport d’ordre. La convention de garantie
doit d’ailleurs comporter entre autres mentions celle précisant l’impossibilité pour le garant de
bénéficier des exceptions de la caution (art 41 in fine AUS).

Deux exceptions uniquement sont admises. Il s’agit de l’appel manifestement abusif et de


l’appel frauduleux.

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III/ L’incessibilité du droit à la garantie

Elle résulte de l’article 42 de l’AUS aux termes duquel : « sauf clause ou convention contraire
expresse, le droit à garantie du bénéficiaire n’est pas cessible. Toutefois, l’incessibilité du droit
à garantie n’affecte pas le droit du bénéficiaire de céder tout montant auquel il aurait droit à la
suite de la présentation d’une demande conforme au titre de la garantie ».

La règle est donc supplétive puisque les parties peuvent en décider autrement. Cette incessibilité
de principe souligne le caractère intuitu personae de la garantie autonome. Mais même si le
bénéfice de la garantie est incessible, cela n’affecte pas la cessibilité de la créance née du rapport
de base.

IV/ L’irrévocabilité de la garantie


Ce principe signifie dans le cas d’une garantie et d’une contre-garantie autonomes à durée
déterminée que les instructions du donneur d’ordre, la garantie et la contre-garantie sont
irrévocables. Le donneur d’ordre accepte donc par avance de ne pas contester le bien-fondé des
paiements que le garant sera amené à effectuer entre les mains du bénéficiaire. Le garant pour
sa part, ne peut plus, une fois que la convention de garantie a été signée se soustraire à
l’engagement qu’il a pris à savoir payer une somme déterminée au bénéficiaire si les conditions
prévues au contrat sont réunies.
Par contre, les garanties et contre-garanties à durée indéterminée peuvent être révoquées par le
garant et le contre-garant.
Il fait toutefois préciser que le législateur communautaire est venu mettre un terme à
l’imprécision qu’il y avait dans l’Acte uniforme de 1997 qui se bornait à prévoir une stipulation
de révocabilité sans préciser si cette faculté s’appliquait aux seules garanties à durée déterminée
ou devait être étendue aux garanties à durée indéterminée.
Paragraphe 3 : Les conditions de validité de la garantie autonome

La formation d’une garantie autonome est subordonnée au respect de certaines conditions de


fond (I) et de forme (II).

I/ Les conditions de fond


Il ressort de l’article 39 de l’AUS que la garantie autonome est une convention et non un acte
unilatéral comme il pourrait être pensé à première vue. Dans ce sens, elle doit satisfaire aux
exigences générales de validité applicables à tout acte juridique notamment un consentement
libre et sincère ; un objet et une cause licites. L’objet de l’obligation du garant est clairement
précisé par l’article 39 précité puisque ce dernier s’engage à payer une somme déterminée au
bénéficiaire sur première demande de la part de ce dernier ou selon les modalités convenues.
Quant à la cause, son exigence résulte spécifiquement de l’article 30 qui oblige les parties à
indiquer dans la convention « la convention de base, l’acte ou le fait, en considération desquels
la garantie ou la contre-garantie autonome est émise » ; ce qui confirme l’opinion exprimée par
la doctrine française selon laquelle la garantie autonome n’est pas un acte abstrait dépourvue
de cause malgré son caractère autonome. L’on admet d’ailleurs que la seule référence au contrat
de base ne remet pas en cause l’autonomie de la garantie. Cette référence est du reste
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indispensable pour permettre au garant de vérifier que l’appel à la garantie se rattache bien à la
convention de base, cause de son engagement.

Enfin, le législateur Ohada a limité la souscription des garanties et contre-garanties autonomes


uniquement aux personnes morales et ce, sous peine de nullité (art 40 AUS) qualifiée d’ordre
public par une partie de la doctrine africaine. Il peut s’agir aussi bien des personnes morales de
droit privé que de droit public, commerçantes ou non. Habituellement, les garants sont
généralement des banques ou des établissements de crédit, des sociétés commerciales et parfois
des sociétés-mères qui s’engagent pour le compte de leurs filiales. Elles doivent cependant
s’astreindre au respect d’un certain formalisme.
II/ Les conditions de forme
Aux termes de l’article 41 de l’AUS, la garantie et la contre-garantie ne se présument pas et
doivent être constatées par un écrit qui doit comporter à peine de nullité, certaines mentions
limitativement énumérées par ladite disposition entre autres :
- La dénomination de garantie ou de contre garantie autonome ;
- Le nom du donneur d’ordre, du bénéficiaire, du garant ou du contre-garant ;
- La convention de base, l’acte ou le fait, en considération desquels la garantie ou la
contre-garantie autonome est émise ;
- Le montant maximum de la garantie ou de la contre-garantie autonome ; etc.
Le formalisme prévu par le législateur communautaire est comparable au droit cambiaire.
L’écrit est exigé non seulement pour servir de preuve mais aussi ad validitatem puisque
l’absence de l’une des mentions précitées entache la garantie de nullité. Cette sanction extrême
se justifie en raison de la gravité des engagements souscrits par le garant qui, contrairement à
une caution, se trouve dans l’impossibilité d’invoquer des exceptions tirés du contrat de base
conclu par le donneur d’ordre.
SECTION 2 : L’EFFICACITE DE LA GARANTIE AUTONOME
Nous verrons successivement l’étendue de la garantie autonome (§1) et l’exécution de la
garantie autonome (§2).
Paragraphe 1 : L’étendue de la garantie autonome

Le législateur africain enferme l’étendue de la garantie dans des limites étroitement définies. Il
en est ainsi s’agissant de la durée et du montant de la garantie.
I/ La durée
Il s’agit d’analyser la date de prise d’effet de la garantie et sa durée de validité

A/ La date de prise d’effet

La garantie autonome prend effet à compter du jour où elle est émise sauf si les parties décident
qu’elle produira effet à une date ultérieure. Par contre, l’engagement du garant ne pourrait
couvrir des faits antérieurs à la signature de l’acte comme tel est le cas pour le cautionnement.
Ces règles posées par l’article 43 de l’AUS suscitent deux questions :

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- Quel est le moment à partir duquel un engagement de garantie doit être considéré
comme émis ? Dans le silence de l’Acte uniforme, il convient de se référer à la solution
proposée par le projet de convention des nations unies sur les garanties indépendantes
et les lettres de crédit de stand by. Aux termes de ce texte, ce n’est pas le moment de
l’établissement de la lettre de garantie qui marque sa prise d’effet, mais, au contraire,
l’instant où le garant s’en dessaisit au profit du bénéficiaire.
- Du fait de la prise d’effet à la date d’émission de la garantie, l’acceptation du
bénéficiaire est-elle indispensable à la formation de la convention de garantie ? la
question n’est pas expressément réglée par l’Acte uniforme qui affirme cependant le
caractère contractuel de la lettre de garantie. La doctrine française estime que l’offre de
garantie émane du garant, le bénéficiaire étant quant à lui, le destinataire dont
l’acceptation n’est pas toujours exprès, son silence étant souvent interprété comme
valant acceptation. Ce qui n’est pas toujours vrai dans la pratique où c’est le
bénéficiaire qui prends l’initiative de l’opération de garantie en l’exigeant du donneur
d’ordre qui transmet ensuite ses instructions au garant.

Au final, les parties ont la possibilité de différer l’entrée en vigueur de l’engagement souscrit
par le garant : il y a un simple report de la prise d’effet de la garantie qui est assortie d’un terme
suspensif.

B/ La durée de validité de la garantie


La garantie autonome nous l’avons vu est limitée dans le temps. L’engagement de garantie
autonome peut être à durée déterminée ou indéterminée avec possibilité de révocation. L’article
49 de l’AUS prévoit d’autres faits susceptible d’entrainer l’expiration de la garantie : il s’agit
de la présentation au garant ou contre-garant « des documents libératoires spécifiés dans la lettre
de garantie » ou de la « déclaration écrite du bénéficiaire libérant le garant et le contre-garant » ;
ces faits provoquent une extinction anticipée de la garantie lorsqu’ils interviennent avant le
terme fixé.

II/ Le montant
La détermination du montant de la garantie est nécessaire car elle permet au garant d’être fixé
sur les limites de son engagement au moment de la souscription de la garantie. L’art 44 al 1er
de l’AUS dispose que « le garant et le contre-garant ne sont obligés qu’à concurrence de la
somme stipulée dans la garantie ou la contre-garantie autonome sous déduction des paiements
antérieurs faits respectivement par le garant ou le contre-garant conformément aux termes de
leur engagement ».
Il en résulte que le montant de l’engagement du garant doit être déterminé d’avance par les
parties. Le garant peut donc en vertu de cet article opposer au bénéficiaire des paiements
antérieurement effectués et admis par ce dernier, contrairement au principe qui interdit au garant
de se prévaloir de l’exécution de l’obligation principale par le donneur d’ordre pour ne pas
s’exécuter. L’alinéa 2 du même article 44 permet, en outre, aux parties contractantes de réduire
progressivement la somme prévue à l’acte pour « un montant déterminé ou déterminable à des
dates précises ou contre présentation de documents indiqués à cette fin ». Il y a des dispositions

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qui atténuent la portée de l’autonomie de la garantie autonome et de son corollaire
l’inopposabilité des exceptions.
Paragraphe 2 : L’exécution de la garantie autonome

L’autonomie, l’indépendance de la garantie autonome favorise l’efficacité de cette garantie dont


l’exécution peut être sollicitée sur première demande (dès qu’il le souhaite) par le bénéficiaire.
Mais le législateur africain a tout de même atténué la rigueur de l’engagement du garant.
D’abord, il subordonne l’appel de la garantie à des conditions précises. Ensuite, il prévoit la
possibilité de faire opposition dans certains cas. Enfin, le garant ou contre-garant dispose,
naturellement, lorsqu’il a effectivement payé le bénéficiaire de recours contre le donneur
d’ordre.
I/ L’appel en garantie

L’appel en garantie est le fait pour le bénéficiaire de solliciter du garant qu’il honore son
engagement. Aussi, la demande doit être justifiée par le bénéficiaire et examiné par le garant
pour en apprécier la conformité avec la garantie souscrite par ses soins.
A/ La justification de la demande de paiement

Aux termes de l’article 45 de l’AUS, la demande de paiement au titre de la garantie autonome


doit résulter d’un écrit du bénéficiaire accompagné de tout autre document prévu dans la
garantie. Cette demande doit indiquer le manquement reproché au donneur d’ordre dans
l’exécution de l’obligation en considération de laquelle la garantie a été souscrite.
Il en résulte que l’Acte uniforme exige du bénéficiaire qu’il justifie sa demande. La souscription
de garantie indépendante, inconditionnel, simplement à première demande, très répandue dans
le commerce international est donc prohibée en droit uniforme africain. Toutefois, le
bénéficiaire n’a pas besoin de prouver la réalité des faits invoqués à l’appui de sa demande de
paiement. Le garant n’exerce aucun contrôle sur les allégations du bénéficiaire.

Ce dernier doit, par ailleurs, joindre à sa demande les documents prévus dans la convention de
garantie. Ces documents sont susceptibles de varier d’une convention à l’autre en fonction des
engagements du garant ou de la nature de la convention de base. Il s’agira par exemple de
rapports d’expertise, de décision de justice, de factures non réglées, etc.
B/ L’examen de la demande de paiement
Aux termes de l’article 46 al.1er de l’AUS : « le garant et le contre-garant disposent chacun de
cinq jours ouvrés pour examiner la conformité de la demande en paiement aux termes de la
garantie ou de la contre-garantie autonome. Ils ne peuvent rejeter la demande qu’à la condition
de notifier au bénéficiaire ou, en cas de contre-garantie, au garant, au plus tard à l’expiration de
ce délai, l’ensemble des irrégularités qui motivent ce rejet ».
Le garant doit transmettre une copie de la demande du bénéficiaire et tous documents
accompagnant celle-ci au donneur d’ordre ou, en cas de contre-garantie, au garant à charge pour
ce dernier de les transmettre au donneur d’ordre.

22
Le garant doit aviser le donneur d’ordre, ou en cas de contre-garantie, le garant, qui en avisera
le donneur d’ordre, de toute réduction du montant de la garantie et de tout acte ou évènement
mettant fin à celle-ci autre qu’une date de fin de validité.
Contrairement à l’ancien acte uniforme qui prévoyait en son article 35 alinéa 2 un délai
raisonnable d’exécution de l’obligation d’appréciation de la conformité de la demande en
paiement et de tous documents justificatifs, l’Acte Uniforme de 2010 substitue cette exigence
de délai raisonnable par un délai fixe et précis de cinq jours ouvrés (art 46 al.1). Cette innovation
permet une plus grande rapidité dans la mise en œuvre de la garantie enfermée dans un délai
impératif.
Le garant ne peut rejeter la demande qu’à condition de notifier au bénéficiaire, au plus tard à
l’expiration ce délai, les irrégularités justifiant le rejet. Ensuite, le garant doit transmettre copie
de la demande ainsi que les documents au donneur d’ordre pour information. Enfin, le garant
doit aviser le donneur d’ordre de toute réduction du montant de la garantie ainsi que de tout
acte ou évènement y mettant fin à l’exception de la date de fin de validité.
II/ Les moyens de défense au paiement
L’article 47 est clair et précis : « Le donneur d’ordre ne peut faire défense de payer au garant
que si la demande de paiement du bénéficiaire est manifestement abusive ou frauduleuse. Le
contre-garant dispose de la même faculté dans les mêmes conditions ».

Les notions d’abus et de fraude manifestes, ici comme dans d’autres domaines du droit sont
toujours difficiles à définir. L’appréciation sera laissée aux parties et surtout au juge lorsque le
bénéficiaire estime que dans un cas précis, il n’y avait pas lieu à défense de payer. On estime
qu’il y a abus en règle générale lorsqu’on constate que le bénéficiaire de la garantie a usé de
son droit d’une manière fautive et contraire à la finalité de celui-ci. Il doit résulter de l’abus un
préjudice pour le donneur d’ordre. Il y a fraude, par contre, en cas de détournement du droit par
diverses manœuvres du bénéficiaire dans l’intention de nuire au donneur d’ordre.

Par respect pour le principe d’irrévocabilité de l’instruction donnée par le donneur d’ordre, il
parait souhaitable de n’accueillir cette exception de défense en paiement que lorsque la
mauvaise foi du bénéficiaire est évidente.

III/ Les recours du garant ou contre-garant

Il s’agit de l’un des aspects du régime de la garantie autonome qui le rapproche du


cautionnement. L’article 48 précise que le garant qui a fait un paiement conformément aux
termes de la garantie ou de la contre-garantie dispose des mêmes recours que la caution contre
le donneur d’ordre.
Le garant ne paye pas la dette d’autrui mais sa propre dette. Pourtant, il doit être indemnisé par
le donneur d’ordre à condition que son paiement soit conforme aux termes de la garantie. Il
bénéficie ainsi des actions subrogatoire et personnelle contre le donneur d’ordre.
Par ailleurs, si la garantie ou contre-garantie autonome a cessé dans les conditions prévues par
l’article 49 de l’AUS, le garant qui accéderait à la demande du bénéficiaire ou le contre garant

23
à celle du garant, il ferait un paiement inutile et n’aurait aucun recours contre le donneur
d’ordre.
Néanmoins, l’action en répétition de l’indu continuerait à bénéficier au garant contre le
bénéficiaire et au contre-garant contre le garant.

TITRE 2 : LES SURETES REELLES


La sûreté réelle, contrairement à la sûreté personnelle, confère à son bénéficiaire un droit sur
un ou plusieurs biens appartenant à son débiteur ou à un tiers. Il en résulte une plus grande
stabilité et même une plus grande rigidité du droit des sûretés réelles par rapport au droit des
sûretés personnelles. Les parties n’ont pas la possibilité de créer librement de nouvelles sûretés.
En effet, à l’issue de la réforme intervenue en 2010, le droit des sûretés réelles a été
profondément modifié s’agissant aussi bien de la terminologie que des caractères essentiels des
différentes sûretés. Pour ce faire, l’article 4 alinéa 2 de l’AUS dispose que : « sauf disposition
contraire du présent acte uniforme, les seules sûretés réelles valablement constituées sont celles
qui sont régies par cet Acte ».
Sans avoir consacré un titre spécifique tenant aux sûretés réelles comme en matière de sûreté
personnelle, le législateur communautaire dans un souci de clarification distingue les sûretés
mobilières et les sûretés immobilières.
Ainsi, définies par l’article 4 de l’AUS les sûretés réelles « consistent soit dans le droit du
créancier de se faire payer par préférence sur le prix de réalisation d’un bien affecté à la garantie
de l’obligation de son débiteur, soit dans le droit de recouvrer la libre disposition d’un bien dont
il est propriétaire à titre de garantie de cette obligation ». Il ressort de cette définition, que le
champ d’application des sûretés réelles est désormais plus vaste au regard de l’ancien article 2
de l’AUS de 1997 qui définissait les sûretés réelles comme « le droit du créancier de se faire
payer, par préférence, sur le prix de réalisation du bien meuble ou immeuble affecté à la garantie
de l’obligation de son débiteur ». Aussi, afin de rendre compte de l’ampleur de ces garanties
nous verrons tour à tour : les sûretés immobilières (Chapitre 1), les sûretés mobilières : gages
et nantissements (Chapitre 2), les sûretés réelles portant sur la propriété: propriétés-sûretés
(chapitre 3) et les sûretés réelles spécifiques: droit de rétention et les privilèges (Chapitre 4).

CHAPITRE 1 : LA SÛRETE IMMOBILIERE : L’HYPOTHEQUE


L’hypothèque est une sûreté sans dépossession par excellence et porte de façon générale sur un
droit immobilier en conférant à son bénéficiaire un droit de suite et de préférence. Il faut tout
de même signaler que dans certains systèmes juridiques, l’hypothèque a été adaptée au meuble
en portant notamment sur des navires ou des avions de sorte que son champ d’application est
mixte.
La réforme intervenue en 2010 est restée sur la tradition juridique en réservant cette garantie
aux immeubles. Définie à l’article 190 de l’AUS comme étant : « l’affectation d’un immeuble
déterminé ou déterminable appartenant au constituant en garantie d’une ou plusieurs créances,
présentes ou futures à condition qu’elles soient déterminées ou déterminables », l’hypothèque
24
est la seule sûreté immobilière réglementée par l’AUS contrairement au droit français qui
compte également l’antichrèse depuis la réforme intervenue en 2006.
L’article 190 in fine de l’AUS les distingue en fonction de leur source. Ainsi, les hypothèques
sont conventionnelles (Section 1), légales (Section 2) ou judiciaires (Section 3).

Section 1 : L’HYPOTHEQUE CONVENTIONNELLE


Une présentation de la notion d’hypothèque (§1) parait nécessaire avant d’en étudier les
éléments constitutifs (§2), la publicité réalisée par son inscription dans un registre (§3), ses
effets (§4) et enfin, les règles relatives à sa transmission et son extinction (§5).
Paragraphe 1 : La notion d’hypothèque
L’hypothèque est une garantie utilisée pour diverses raisons. D’abord, le constituant y trouve
avantage en ce qu’il conserve l’utilité et la maîtrise totale de l’immeuble puisque cette garantie
n’emporte pas dépossession. La seule limite à sa liberté est d’éviter de diminuer la valeur de
l’immeuble. L’absence de dépossession a pour avantage qu’il peut obtenir plusieurs crédits dans
la limite de la valeur totale du bien. Mais également, les tiers et autres créanciers y trouve
avantage car ils sont informés par la publicité qui en ait faite.
Cette garantie immobilière est devenue un instrument privilégié du crédit car il satisfait aux
exigences des créanciers et des débiteurs. Bien que présentant quelques inconvénients, ceux-ci
ne sauraient remettre en cause son utilité.
L’Acte Uniforme portant organisation des sûretés constitue certes le texte majeur de
règlementation de l’hypothèque dans l’espace Ohada mais un ensemble d’autres textes viennent
le compléter. A l’exemple de l’Acte Uniforme portant organisation des Procédures Collectives
d’Apurement du Passif (AUPACAP) dans le cas notamment de la constitution d’une
hypothèque après l’ouverture d’une procédure collective.
Afin de mieux cerner la notion nous déterminerons ses caractéristiques (I) puis son rôle et son
intérêt pour les parties (II).
I/ les caractères de l’hypothèque

L’hypothèque est constitutive de droit réel. Le créancier est donc titulaire d’un droit de
préférence qui s’exerce sur la valeur de l’immeuble hypothéqué et d’un droit de suite qui lui
permet de saisir le bien entre les mains d’un tiers détenteur (art 197 AUS). En tant que sûreté,
elle a nécessairement un caractère accessoire en ce qu’elle garantit le recouvrement d’une
créance. Elle se transmet et s’éteint avec elle. Mais cette conséquence est atténuée par le fait
que le législateur communautaire permet que l’affectation hypothécaire garantisse plusieurs
créances.

L’hypothèque se singularise par deux caractères principaux : l’indivisibilité (A) et la spécialité


(B).

A/ Le caractère indivisible

Aux termes de l’art. 193 de l’AUS : « L’hypothèque est indivisible par nature et subsiste
totalement sur les immeubles affectés jusqu’à complet paiement et malgré la survenance d’une

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succession ». L’indivisibilité concerne ainsi, l’assiette de la garantie d’une part et d’autre part
la créance elle-même.

S’agissant de l’assiette de la garantie, l’indivisibilité signifie que tous les immeubles désignés
et chaque fraction de l’immeuble répondent de la totalité de la dette. En conséquence, le
créancier peut saisir la portion qu’il désire. En cas de partage, chaque héritier qui reçoit une part
de l’immeuble est tenu de la totalité de la dette. Chaque immeuble, en cas de pluralité
d’immeubles hypothéqués, répond de la totalité de la dette. Le créancier peur donc saisir l’un
quelconque pour son paiement.

Quant à la créance, l’indivisibilité peut être envisagée activement et passivement.


L’indivisibilité active de la créance, par exemple suite au décès du créancier, permet à chacun
des nouveaux créanciers (héritiers) de saisir la totalité de l’immeuble l’hypothéqué.
L’indivisibilité passive de la dette notamment en cas du décès du débiteur, n’affecte en rien la
situation du créancier hypothécaire. Si l’immeuble grevé est affecté à un seul héritier qui ne
supporte pourtant que sa quote-part de la dette, il demeure néanmoins tenu du tout en raison de
l’hypothèque quitte à se retourner pour le surplus contre les autres cohéritiers. En cas de
paiement partiel, l’hypothèque demeure pour garantir le paiement du solde si minime soit-il.

B/ Le caractère de spécialité

La spécialité concerne aussi bien l’assiette de la sûreté que la créance garantie. La spécialité
quant à l’assiette découle d’abord de l’article 190 précité qui dispose que « l’hypothèque est
l’affectation d’un immeuble déterminé ou déterminable appartenant au constituant, à la garantie
d’une créance… ». Ce texte est complété par l’article 192 qui prévoit que « seuls les immeubles
présents peuvent faire l’objet d’hypothèque ». Comme conséquence du principe de spécialité,
le contrat d’hypothèque doit préciser les immeubles ou parties d’immeuble sur lesquelles
s’exercent les droits du créancier. En pratique il sera donné dans l’acte d’hypothèque une
description des caractéristiques de l’immeuble ou des immeubles : lieu de situation, nature,
superficie, numéro de titre foncier.
Mais, cette spécialité de l’hypothèque est désormais atténuée. Non seulement, il n’est plus exigé
expressément la mention dans le contrat d’hypothèque des caractéristiques de l’immeuble ou
des immeubles mais aussi et surtout, l’article 203 prévoit que l’hypothèque conventionnelle
peut être consentie sur des immeubles à venir. Trois hypothèses sont prévues à cet effet :

- Cas du débiteur qui ne dispose pas d’immeubles présents et libres ou qui n’en dispose
pas en quantité suffisante pour la sûreté de la créance qui peut consentir que chacun des
immeubles qu’il acquerra par la suite sera affecté au paiement de celle-ci au fur et à
mesure de leur acquisition ;

- Cas où l'immeuble présent assujetti à l'hypothèque a péri ou subi des dégradations telles
qu'il est devenu insuffisant pour la sûreté de la créance. Ainsi, le constituant peut, sans
préjudice du droit pour le créancier de poursuivre dès à présent son remboursement,
consentir une hypothèque sur un immeuble futur;

- Cas de celui qui possède un droit réel lui permettant de construire à son profit sur le
fonds d’autrui, sur le domaine public ou sur le domaine national d’ hypothéquer les
bâtiments et ouvrages dont la construction est commencée ou simplement projetée ; en
cas de destruction de ceux-ci, l'hypothèque est reportée de plein droit sur les nouvelles
constructions édifiées au même emplacement.
26
La spécialité quant à la créance signifie que l’hypothèque ne peut garantir qu’une ou plusieurs
créances spécifiées. Ainsi, la créance peut être déterminée, déterminable ou même future
pourvu qu’elle soit déterminable conformément à l’article 190 de l’AUS. Les éléments
permettant de rendre la créance déterminable sont notamment le montant maximal garantie ou
la durée de l’octroi du crédit. Cet élargissement du champ de l’hypothèque a pour but de
permettre et d’accroitre son attractivité

II/ Le rôle et l’intérêt de l’hypothèque

Nous verrons successivement le rôle de l’hypothèque (A) et son intérêt par rapport aux parties
(B).

A/ Le rôle de l’hypothèque

Elle a pour fonction de garantir les crédits immobiliers. Elle permet le plus souvent en pratique
aux particuliers d’emprunter pour se loger. Cette garantie parait plus attractive que le
cautionnement en ce que l’immeuble conserve toujours une valeur et que le contentieux relatif
à cette garantie est minime tandis que le patrimoine de la caution gage de la sûreté de la créance,
peut être fluctuant ou décadent sans que le créancier n’en maitrise la stabilité. Aussi, les prêts
immobiliers ne sont consentis par les prêteurs que s’ils bénéficient d’une hypothèque.

B/ L’intérêt de l’hypothèque pour les parties

L’hypothèque présente un atout aussi bien pour le créancier que pour le débiteur ou constituant.

En effet, en raison de la publicité de la garantie, le droit du créancier constitué sur l’immeuble


peut être difficilement contesté ce dernier étant protégé contre tous risque de déplacement de
l’immeuble à son insu. Le créancier n’a pas à craindre non plus la loi du concours en ce que le
désintéressement interviendra en fonction du rang et de la date d’inscription de l’hypothèque.
Son aspect contraignant à l’égard du débiteur qui a le sentiment de ne plus être totalement
propriétaire de l’immeuble tant qu’il n’aura pas remboursé la dette en totalité est favorable au
créancier en ce que le débiteur prend toutes les dispositions afin d’y remédier et redevenir
pleinement propriétaire de son bien.

Néanmoins, cette garantie présente un intérêt pour le constituant qui conserve la jouissance de
son bien mais aussi peut constituer l’hypothèque au profit de plusieurs emprunteurs lui
permettant d’obtenir un financement total de ses acquisitions.

En matière d’hypothèque, le régime de droit commun est celui de l’hypothèque conventionnelle


à côté duquel réside des régimes spéciaux propres aux hypothèques légale et judiciaire en ce
qu’ils dérogent sur certains points au droit commun (art 191 AUS).

Paragraphe 2 : La constitution de l’hypothèque

L’hypothèque est constituée pour garantir une créance. C’est un contrat conclu entre le
créancier qui bénéficie de la sûreté et le constituant qui la concède sur un ou plusieurs de ses
immeubles. Il peut s’agir du débiteur ou d’un tiers. On parle, dans ce dernier cas, de caution

27
réelle et plus précisément de caution hypothécaire dont le régime emprunte aussi bien à celui
du cautionnement qu’à celui de l’hypothèque.
L’hypothèque n’est valable qu’à certaines conditions de fond (I) et de forme (II).

I/ Les conditions de fond

En tant que contrat, il est soumis à la théorie générale des obligations. Dans cette optique,
l’hypothèque peut s’analyser comme une obligation de dare dont l’objet est de constituer un
droit réel. C’est également un contrat nommé qui fait d’une réglementation spécifique aussi
bien dans sa formation, qui obéit à des règles bien particulières, que dans ses effets, qui sont
rigoureusement réglementés.

De manière générale, les conditions de fond relatives à la constitution d’hypothèque ont connu
des améliorations notables sous l’empire du nouvel AUS. Une décennie de pratique de l’AUS
de 1997 avait révélé un certain nombre de contraintes au niveau de la constitution de la garantie
hypothécaire. Les rédacteurs de l’AUS révisé ont donc eu pour tâche essentielle de remédier à
ces contraintes afin de faciliter davantage la constitution de cette sûreté.

Ces règles de fond sont relatives à l’assiette de la garantie (A), aux créances garanties (B) et
aux qualités du constituant (C).

A/ L’assiette de l’hypothèque

L’hypothèque a nécessairement pour assiette des droits réels immobiliers, ce qui s’explique par
le fait que l’immeuble en tant que chose peut faire l’objet de différents droits réels immobiliers.
L’hypothèque n’a donc pas pour assiette des choses mais les droits qui portent sur elles. Par
exemple, l’hypothèque n’a pas pour assiette l’immeuble mais le droit de propriété portant sur
l’immeuble.
En effet, aux termes de l’article 192 de l’AUS, peuvent faire l’objet d’hypothèque les droits
réels immobiliers régulièrement inscrits selon les règles de l’Etat partie. Ainsi, le droit de
propriété et les démembrements du droit de propriété peuvent être hypothéqués. Mais on peut
s’interroger sur le sort de certains droits immobiliers spécifiques (1). Par ailleurs, le nouvel Acte
Uniforme consacre un élargissement de l’assiette de l’hypothèque par l’admission de
l’hypothèque sur des biens futurs aboutissant à un recul de la spécialité de l’hypothèque (3).
Pour autant, l’exigence traditionnelle d’immatriculation de l’immeuble demeure (2).
1/ Les droits susceptibles d’hypothèques
Pour être hypothéqué, un droit doit exister et être disponible lors de la mise en jeu de la garantie.
les biens doivent être dans le commerce car le créancier doit pouvoir les faire vendre pour
exercer son droit de préférence sur le prix Les droits réels immobiliers susceptibles d’être
hypothéqués conformément à l’article 192 de l’AUS sont énoncés par d’anciens textes
coloniaux encore en vigueur dans certains Etats. Il s’agit entre autres des fonds de terre bâtis
ou non bâtis qui sont dans le commerce mais également leurs accessoires réputé immeuble.
L’hypothèque peut porter ainsi sur le droit de propriété lui-même, c’est le cas le plus fréquent,

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mais aussi sur l’usufruit1, dans ce cas l’hypothèque n’est valable que tant que dure l’usufruit ;
le droit de superficie2, le bail emphytéotique qui est un bail conclu entre 18 et 99 ans, dans ce
cas l’hypothèque est consentie pour la durée maximum du bail.
Ne sont pas hypothécables, les droits d’usage et d’habitation étant donné que le bénéficiaire ne
peut céder son droit, ni la servitude puisque celle-ci ne peut être détaché du fonds auquel elle
profite.
L'hypothèque peut aussi porter sur les droits immobiliers spécifiques. Il s’agit des droits qui ne
sont pas constitutifs de droits réels immobiliers classiques mais qui confèrent aux bénéficiaires
des prérogatives qui s’en rapprochent plus ou moins. C’est le cas des bénéficiaires de
concession sur le domaine national (art 203-3 AUS).

De plus, les droits hypothéqués peuvent être des droits conditionnels ou indivis conformément
aux dispositions de l’article 194 de l’AUS.

Dans le premier cas, ce peut être des droits soumis à résolution ou des droits susceptibles de
rescision. L’hypothèque se trouve dans ce cas affectée de la même condition suspensive ou
résolutoire que le droit lui-même lorsque la condition se réalise. Par exemple, lorsque
l’hypothèque est constituée sur un bail emphytéotique soumis à une condition résolutoire, la
réalisation de cette condition anéantit rétroactivement l’hypothèque constituée sur ce droit.

Dans le second cas, l’indivision suppose que le bien appartient à plusieurs personnes, chacune
ayant droit à une quote-part du bien mais sans avoir de droit privatif sur une part tant que le
partage n’a pas eu lieu. L’indivision n’empêche pas, si les autres conditions sont réunies, que
le bien soit hypothéqué. Le législateur communautaire distingue entre plusieurs hypothèses :
- L’hypothèque consentie par tous les indivisaires sur un immeuble indivis : Dans ce cas,
l’hypothèque conserve son effet quel que soit le résultat du partage, si elle a été consentie par
tous les indivisaires.
- L’hypothèque consentie par un indivisaire sur un immeuble indivis : Dans ce cas,
l’hypothèque ne conserve son effet que dans la mesure où l’indivisaire qui l’a consentie est,
lors du partage, alloti de l’immeuble indivis ou, lorsque l'immeuble est licité à un tiers, si cet
indivisaire est alloti du prix de la licitation.
- L’hypothèque d’une quote-part dans un ou plusieurs immeubles indivis : Dans cette
dernière hypothèse, l’hypothèque ne conserve son effet que dans la mesure où l’indivisaire qui
l’a consentie est, lors du partage, alloti du ou de ces immeubles indivis ; elle le conserve alors
dans toute la mesure de cet allotissement, sans être limitée à la quote-part qui appartenait à
l’indivisaire qui l’a consentie ; lorsque l’immeuble est licité à un tiers, elle le conserve
également si cet indivisaire est alloti du prix de la licitation.

2/ L’exigence d’immatriculation de l’immeuble

Il ressort des dispositions de l’article 192 de l’AUS que: « Sauf dispositions contraire, seuls les
immeubles (…) immatriculés peuvent faire l’objet d’une hypothèque ». Il convient de relever
que la nouvelle disposition a supprimé la possibilité expressément offerte par l’article 119 de
l’AUS de 1997 qui permettait de procéder à l’inscription provisoire d’un droit réel au cours de

1Qui est le droit d’user et de jouir d’un bien à charge d’en conserver la substance 29
2Confère au bénéficiaire le droit de posséder des constructions, ouvrages ou plantations sur un fond
appartenant à autrui ou d’être autorisé à le faire.
la procédure d’immatriculation de l’immeuble, à charge d’en opérer l’inscription définitive
après l’établissement d’un titre foncier. Cette disposition n’était rendue applicable que dans la
mesure où les lois nationales l’autorisaient.

Il faut toutefois préciser que la portée de cette suppression doit être mesurée. En effet, le
tempérament à la règle de l’immatriculation de l’hypothèque dans l’ancien acte uniforme était
la possibilité offerte de procéder à l’inscription provisoire d’un droit réel au cours de la
procédure d’immatriculation. Or, les nouvelles dispositions vont plus loin en autorisant toute
dérogation législative quelles qu’elles soient. Cela se matérialise notamment par l’expression
« sauf disposition contraire… », sans autre précision, ce qui témoigne bien de la volonté des
rédacteurs du nouvel Acte Uniforme de donner à l’article 192 un caractère supplétif auquel
peuvent librement déroger les droits nationaux. Des immeubles non immatriculés pourront donc
faire l’objet d’hypothèques, à la seule condition que cela soit expressément prévu par les
dispositions des lois nationales. Une application non uniforme au sein de l’espace OHADA de
la règle de l’article 192 n’est donc pas à exclure, selon que les législations nationales auront ou
non prévu la possibilité d’hypothéquer un immeuble non immatriculé.

3/ L’admission de l’hypothèque sur un immeuble futur


Comme toute sûreté réelle spéciale, l’hypothèque repose sur le principe de spécialité et ne peut
porter que sur des biens présents et déterminés à l’exclusion des biens à venir sur lesquels le
débiteur ne dispose d’aucun droit même conditionnel, aucun engagement contractuel n’ayant
été consenti.

Les exigences du crédit ont cependant imposé l’admission de tempéraments important au


principe de spécialité. En effet, l’article 190 al. 1 de l’AUS dispose que : « L’hypothèque est
l’affectation d’un immeuble présent et déterminé appartenant au constituant en garantie d’une
ou plusieurs créances, présentes ou futures à condition qu’elles soient déterminées ou
déterminables ».
Sans pour autant remettre totalement en cause le principe de spécialité tel qu’il était prévu dans
l’ancien droit, le législateur communautaire permet de préserver les intérêts du créancier en
exigeant que l’assiette de la garantie soit clairement déterminée dans l’acte constitutif
d’hypothèque. L’acte constitutif d’hypothèque doit donc clairement préciser le droit ou le bien
sur lequel il porte.
Il faut se référer à l’article 203 de l’AUS pour la détermination des différentes hypothèses de
constitution d’une hypothèque sur un immeuble futur.

B/ Les créances garanties


Traditionnellement, l’hypothèque conventionnelle était dominée par le principe de spécialité,
selon lequel l’hypothèque ne devait porter que sur un bien déterminé et garantir une créance
également déterminé. La règle se justifiait aussi bien par les contraintes tenant aux impératifs
de la publicité foncière mais aussi par la volonté de protéger le constituant en l’incitant à limiter

30
l’étendue de l’hypothèque consentie. Ainsi, la spécialité de l’hypothèque était à la fois une
condition de validité du contrat d’hypothèque mais également à son opposabilité.
La réforme de l’Acte Uniforme portant sur les sûretés tout en maintenant le principe de
spécialité quant à l’assiette, l’a assoupli s’agissant des créances garanties. En effet, aux termes
de l’article 204 de l’AUS, l’hypothèque conventionnelle doit être consentie pour une somme
déterminé ou au moins déterminable en principal et portée à la connaissance des tiers par
l’inscription de l’acte. Le débiteur aura droit, s’il y a lieu, par la suite, de requérir la réduction
de cette somme en se conformant aux règles de la publicité foncière prévues à cet effet ».
Contrairement à l’ancien acte uniforme qui limitait la garantie hypothécaire aux seules créances
déterminées, dans le nouvel Acte Uniforme, l’hypothèque peut être consentie pour des créances
déterminables.
En pratique, les conventions d’affectation hypothécaires rédigées dans la plupart des Etats
parties de l’OHADA sous l’empire de la version initiale de l’AUS indiquaient l’origine de la
créance (contrat de prêt par exemple) ainsi que le montant pour lequel l’inscription hypothécaire
pouvait être prise par le débiteur.
Il semble que les rédacteurs du nouvel AUS aient abandonné l’exigence d’une mention de la
cause et de l’origine de la créance, de telle sorte que les parties ne soient plus obligées de les
préciser dans l’acte constitutif de l’hypothèque. On observera toutefois que la ou les créances
garanties par l’hypothèque doivent être déterminées ou déterminables, selon l’article 190 du
nouvel AUS, et que cette détermination nécessitera souvent, en pratique, l’indication de la cause
ou de l’origine de la créance, ce qui limite fortement la portée de cette suppression.

C/ Les conditions relatives aux parties


Le contrat d’hypothèque est conclu entre le créancier bénéficiaire et le constituant. La situation
du créancier hypothécaire n’appelle pas d’observation particulière. Tout créancier peut se faire
consentir une hypothèque pour sûreté de sa créance. Il faut toutefois réserver les cas où la
demande de constitution est formulée alors que le débiteur est en difficulté. La sûreté constituée
pourrait être annulée pour constitution en période suspecte.
Le constituant de la garantie hypothécaire est celui qui affecte son droit réel immobilier pour
sûreté et garantie de la dette du débiteur. Dans la plupart des cas, il s’agira du débiteur lui-même
ou d’un tiers qui est appelé caution réelle. Le constituant de la garantie hypothécaire doit avoir,
d’une part, la propriété du bien immobilier affecté en hypothèque (1) et, d’autre part, la capacité
juridique de contacter et le pouvoir d’aliéner le bien (2).

1/ La propriété du bien
Le principe est que le constituant doit être propriétaire du bien hypothéqué ou du droit réel
immobilier affecté en hypothèque. A cet effet, l’article 203 de l’AUS dispose que :
« l’hypothèque conventionnelle ne peut être consentie que par celui qui est titulaire du droit réel
immobilier régulièrement inscrit et capable d’en disposer ». Lorsqu’il s’agit d’un droit de
propriété, il doit apporter la preuve de la propriété c’est-à-dire, en pratique, fournir le titre

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foncier qui constitue la preuve de propriété dans la plupart des droits nationaux. Aussi,
l’hypothèque constituée sur la chose d’autrui est nulle. Cette règle est réaffirmée de manière
très ferme par la jurisprudence qui considère que l’hypothèque de la chose d’autrui est nulle
d’une nullité absolue, laquelle peut être invoquée aussi bien par le constituant, par le véritable
propriétaire de l’immeuble que par tout tiers intéressé. En outre, cette nullité n’est pas
susceptible de régularisation, de sorte que le constituant venait ultérieurement à acquérir la
propriété de l’immeuble, la nullité demeurait (Cour d’Appel de Bobo – Dioulasso, Chambre
civile et commerciale, arrêt n°81 du 05 mai 2003, BIB C/ O. K. et O. D., www. ohada.com,
ohadata J-04-193).
L’hypothèque sur la chose d’autrui étant prohibée, le créancier lésé par les effets de la nullité
peut-il trouver un secours dans la théorie de l’apparence ainsi que l’a admis la jurisprudence
française ? En droit OHADA, cette faveur à l’égard du créancier hypothécaire ne devrait pas
trouver à s’appliquer dans la mesure où le seul propriétaire à prendre en compte est celui
figurant sur les registres de l’Etat foncier comme propriétaire au moment de la constitution de
l’hypothèque, et ce même si un autre propriétaire venait à être révélé par la suite.
Une difficulté est toutefois susceptible de se poser dans l’hypothèse où, en application des
dispositions de l’article 192 de l’AUS révisé, l’hypothèque porterait sur un immeuble non
immatriculé, de sorte que les registres de l’Etat foncier ne seraient pas d’une très grande utilité.
Dans ce cas de figure, les règles relatives à la théorie de l’apparence pourraient fort bien trouver
à s’appliquer.

2/ Capacité et pouvoir d’aliéner le bien hypothéqué

Le bien, objet de l’hypothèque est susceptible d’être vendu e cas de défaillance du débiteur. Le
constituant doit donc avoir la capacité d’aliéner. C’est ce qui apparait clairement de l’article
203 de l’AUS aux termes duquel l’hypothèque conventionnelle ne peut être consentie que par
le titulaire du droit réel immobilier et capable d’en disposer. Cette règle qui vise à protéger le
constituant est sanctionnée d’une nullité relative. Elle limite la possibilité pour les incapables
de consentir des hypothèques. Seuls les mineurs émancipés et les majeurs placés sous mains de
justice peuvent agir seuls.
Le constituant doit avoir le pouvoir nécessaire pour consentir une hypothèque. Le titulaire du
droit réel est la personne désignée par la publicité foncière. En cas de copropriété, ou de
cotitularité, le consentement de tous les copropriétaires ou cotitulaires est nécessaire.
S’agissant de l’hypothèque consentie par un époux sur les biens relevant de la communauté, il
faut ici se référer aux règles applicables dans les différents Etats en la matière (V. en ce sens art
254 du code civil gabonais). Le pouvoir de l’un des époux ou du mari de constituer seul une
hypothèque sur les immeubles de la communauté varie suivant les différentes législations
nationales.
S’agissant du droit des sociétés, le problème pourra se poser notamment à l’égard des dirigeants
sociaux ; il faut parfois déterminer s’ils ont le pouvoir d’engager les biens sociaux et par
conséquent de les donner en garantie.

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En cas de procédures collectives, les pouvoirs pour constituer une hypothèque sont également
affectés. En cas de règlement préventif, la décision de suspension provisoire des poursuites
individuelles qui ouvre la procédure interdit au débiteur la constitution des sûretés (article 11
AUPCAP). En cas de redressement judiciaire, les pouvoirs du débiteur étant limités,
l’assistance du syndic est nécessaire pour continuer l’activité et donc pour conclure certains
actes tels que la constitution de l’hypothèque (article 52 AUPCAP). Dans l’hypothèse de
liquidation des biens, le syndic se substitue au débiteur qui ne peut plus agir (article 53) ; par
conséquent, celui-ci n’a plus le pouvoir de consentir une hypothèque. Seul le syndic dans
l’hypothèse où la continuation de l’activité est autorisée pourrait consentir éventuellement une
hypothèque si l’obtention d’un crédit est nécessaire. Mais on peut douter de l’utilité pratique de
ce pouvoir car l’entreprise est appelée à être liquidée.

II/ Les conditions de forme

Les conditions de forme sont relatives à la nécessité d’un écrit (A) et à l’exigence de publicité
(B).
A/ L’écrit
L’hypothèque d’un bien est un acte de disposition puisqu’elle réduit la maîtrise du constituant
sur son bien et altère la consistance de son patrimoine.
En outre, elle est susceptible d’aboutir à une perte du bien en cas de non remboursement du
créancier hypothécaire à l’échéance et de réalisation de la garantie. Ceci explique que la
constitution de l’hypothèque soit soumise à un formalisme particulièrement rigoureux.
Aux termes de l’article 205 AUS, l’hypothèque conventionnelle peut être établie sous diverses
formes mais dans tous les cas il s’agira d’un acte écrit dont la nature dépend des dispositions
nationales applicables et plus particulièrement de la loi du lieu de situation de l’immeuble.
L’écrit peut prendre suivant les cas, trois formes différentes :
- Un acte authentique établi par un notaire territorialement compétent ;
- Un acte authentique établi par une autorité administrative ou judiciaire habilitée à faire
de tels actes ;
- Un acte sous seing privé dressé suivant un modèle agréé par la conservation de la
propriété foncière. Dans ce dernier cas, les Etat membres doivent prendre des modèles
d’acte agréé, auquel cas, la forme notariée demeurera la seule voie.
Ainsi, le législateur communautaire laisse aux Etats membres le choix entre l’acte notarié et
l’acte sous seing privé.
L’article 205 in fine précise par ailleurs, que la procuration donnée à un tiers pour constituer
une hypothèque en la forme notariée doit être établie en la même forme. Il s’agit du respect du
parallélisme de forme. En conséquence, est nulle et de nul effet l’hypothèque consentie par un
mandataire muni d’un pouvoir sous seing privé alors que l’hypothèque a été établie par acte
notarié (CA Bobo-Dioulasso, civ. et com., arret n°81 du 5 mai 2003 : ohadata J-04-193).
Quelle que soit la forme de l’écrit, il devra comporter les éléments relatifs à l’identité des
parties, notamment le constituant de l’hypothèque, à la créance garantie et à l’assiette de la
garantie (tout en notant que la sûreté peut porter sur les immeubles futurs).

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B/ La publicité
Pour être opposable aux tiers et produire l’effet escompté (2), l’hypothèque doit être inscrite
(1). A défaut elle devra être radiée (art 202 AUS). En outre, lorsque l’hypothèque porte sur un
droit réel autre qu’un immeuble, une exigence additionnelle de notification est expressément
prévue.

1/ L’inscription de l’hypothèque

La publicité foncière garantit la sécurité des opérations juridiques portant sur des immeubles.
Le droit de la publicité foncière est constitué par l’ensemble des règles destinées à faire
connaitre aux tiers intéressés la situation juridique des immeubles.
L’inscription de l’hypothèque est une formalité obligatoire prévue par l’article 195 de l’AUS
aux termes duquel : « Tout acte conventionnel (…) constitutif d’hypothèque doit être inscrit
conformément aux règles de publicité édictées par l’Etat partie où est situé le bien grevé et
prévues à cet effet ». Elle tient compte du droit foncier de chaque Etat partie car il apparaissait
difficile de légiférer de façon uniforme en ce domaine.
Il faut souligner par ailleurs que l’inscription de l’hypothèque conditionne son opposabilité aux
tiers. A défaut d’inscription, il s’agit d’une simple promesse synallagmatique d’hypothèque, tel
qu’il résulte de l’article 206 de l’AUS. En l’absence d’inscription de l’hypothèque consentie, le
créancier reste chirographaire. De cette disposition, e dégage une question fondamentale
relative à la nature de l’inscription, est-ce une condition de publicité ou de validité de
l’hypothèque ?
Le législateur communautaire n’y apporte pas une réponse claire. Il se dénote de ces
dispositions une sorte d’ambivalence de la nature de l’inscription de l’hypothèque entendue
comme une condition d’opposabilité et implicitement comme une condition de validité dès lors
que l’acte d’hypothèque demeure une promesse synallagmatique faute d’inscription.
Lorsque l’hypothèque porte sur un démembrement du droit de propriété, l’inscription doit être
notifiée par acte extrajudiciaire aux titulaires d’autres démembrements à savoir le propriétaire,
le tréfoncier ou le bailleur (art. 195, al. 4).
Certains évènements peuvent empêcher que la sûreté régulièrement obtenue soit inscrite. Ainsi,
en est-il de la survenance d’une procédure collective. Il ressort de l’article 73 AUPCAP que la
décision d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens
arrête le cours des inscriptions des sûretés. Par conséquent, l’hypothèque ne peut plus être
inscrite. Toutefois, l’inscription d’une hypothèque régulièrement prise peut être renouvelée
malgré l’ouverture de la procédure. Par ailleurs, sont inopposables de droit lorsqu’elles sont
faites pendant la période suspecte, les inscriptions provisoires d’hypothèques c’est-à-dire les
hypothèques judiciaires.
L’inscription donne généralement lieu à la délivrance au requérant, d’un certificat d’inscription.
Quant aux tiers, ils peuvent avoir accès à l’état d’inscription des hypothèques en se faisant
délivrer, par les services de la conservation foncière, un extrait ou des copies des inscriptions.
Il est généralement délivré à cet effet, contre paiement des droits y afférents, soit un certificat
d’inscription des droits ou charges, soit un relevé des droits immobiliers.

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2/ les effets de l’inscription

L’inscription de l’hypothèque lui confère un rang à compter du jour où elle est prise. Autrement
dit, l’hypothèque régulièrement publiée prend rang du jour de l’inscription (art. 195 al 2 AUS).

Quant à la durée de l’inscription, celle-ci n’a pas un caractère perpétuel. L’inscription a une
durée déterminée qui doit être fixée par la convention ou la décision de justice. Cette durée ne
peut excéder trente ans à compter du jour où la formalité a été accomplie sauf disposition
contraire d’une loi nationale (art 196 AUS). Il s’agit d’une innovation introduite dans l’AUS.
L’effet de l’inscription cesse et on dit qu’il y a péremption, si l’inscription n’est pas renouvelée
avant l’expiration de la durée pour laquelle elle était consentie.

Le renouvellement, lorsqu’il intervient, doit l’être pour une durée déterminée. Il permet de
conserver le rang de la sûreté c’est-à-dire que c’est la date de première inscription qui est prise
en compte, les évènements qui interrompent l’inscription n’ayant pas d’effet comme par
exemple la survenance d’une procédure collective.

Il faut toutefois préciser que la durée de l’inscription est différente de la durée de l’hypothèque
qui, elle, peut être indéterminée.

Les formalités prévues pour l’inscription doivent être également respectées pour tous les actes
relatifs à l’hypothèque c’est-à-dire la transmission, le changement de rang, la subrogation et
l’extinction de l’hypothèque (art. 201 de l’AUS).

Paragraphe 3 : Les effets de l’hypothèque

Une hypothèque produit de nombreux effets car la constitution du droit réel intéresse non
seulement le constituant et son créancier mais également les autres créanciers et éventuellement
les tiers acquéreurs du bien hypothéqué.
L’hypothèque présente deux intérêts majeurs. D’une part, elle ne compromet nullement la
sécurité des transactions immobilières. D’autre part, elle ne paralyse aucunement la liberté du
débiteur de jouir du bien grevé.
Aussi, les effets de l’hypothèque doivent être envisagés successivement dans les rapports entre
le créancier et le constituant (I), dans les rapports entre le créancier hypothécaire et les autres
créanciers (II) et enfin dans les rapports entre le créancier hypothécaire et le tiers détenteur (III).

I/ Dans les rapports entre le constituant et le créancier hypothécaire

L’hypothèque il faut le rappeler est un contrat conclu entre le créancier bénéficiaire et le


constituant. Elle produit ses effets à leur égard dès son inscription. Tant que le constituant
respecte ses obligations à l’égard du créancier et qu’il rembourse le prêt consenti, il n’a pas à
subir les effets de l’hypothèque. En cas de défaillance, le créancier est en droit de faire vendre
le bien ou de se le faire attribuer. Des obligations pèsent alors sur le constituant dans le but de
préserver les droits du créancier désormais acquis. Il faut donc distinguer les effets de
l’hypothèque avant (A) et après (B) sa réalisation.

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A/ Les effets antérieurs à la réalisation de l’hypothèque

Il s’agit de mettre en exergue les pouvoirs du constituant à l’issue de l’inscription de


l’hypothèque. Ce dernier demeure non seulement propriétaire du bien et conserve les
prérogatives liées à cette qualité, mais il doit préserver la valeur du bien affecté en
garantie au créancier. Il ne doit poser aucun acte de nature à diminuer la valeur dudit bien ou
à rendre impossible ou inefficace les droits du créancier. Quoique propriétaire du bien, ses
prérogatives n’en sont pas moins limitées. Il doit faire usage du bien en bon père de famille
c'est-à-dire, exercer les prérogatives qui entrent dans le cadre d’une gestion normale du bien. Il
peut notamment en percevoir les fruits, continuer d’exploiter l’immeuble, consentir des baux
mais pour une période limitée etc.
Au final, le propriétaire de l’immeuble hypothéqué ne peut, au détriment des droits du créancier,
faire aucun acte de disposition matérielle ou juridique qui, directement ou par sa nature, aurait
pour conséquence de diminuer la valeur de l’immeuble tel que l’a relevé la doctrine. Le
créancier peut surveiller les actes matériels du constituant et solliciter toutes les mesures
conservatoires lui permettant d’éviter que des fractions d’immeuble ne disparaissent ou que leur
prix ne soit versé au constituant.
En dépit du droit de suite et du droit de préférence dont bénéficient les créanciers par la
constitution de l’hypothèque, ceux-ci interdisent bien souvent en pratique aux débiteurs
l’accomplissement de tout acte postérieur à la constitution d’hypothèque tels que la constitution
de bail, la délégation des loyers, la constitution de nouvelles sûretés, etc. Il s’agit parfois de
clauses abusives qui pourraient être dénoncées par le débiteur ou le constituant.

B/ Les effet postérieurs à la réalisation de l’hypothèque

Par la réalisation de l’hypothèque, le créancier met en œuvre la sûreté dont il bénéficie. La


réforme de l’AUS a modifié assez fondamentalement les règles de mise en œuvre de
l’hypothèque en renforçant notamment les droits du créancier qui peut de façon traditionnelle
saisir l’immeuble faute de paiement (1) mais surtout, et c’est en cela que réside l’innovation, se
faire attribuer judiciairement (2) l’immeuble lorsque certaines conditions sont réunies ainsi que
la possibilité de conclure, conformément aux exigences prévues par le législateur
communautaire en la matière, un pacte commissoire avec le constituant (3).
A son choix, le créancier peut donc soit vendre le bien, soit se le faire attribuer judiciairement
ou conventionnellement.

1/ La vente par voie de saisie immobilière


Le créancier qui n’est pas payé à bonne date dispose du droit de faire saisir l’immeuble afin
d’exercer son droit de préférence sur le prix de vente. A cet égard, il doit avoir recours, tout
comme un créancier chirographaire, aux règles de la saisie immobilière.
La procédure de saisie proprement dite relève des voies d'exécution telles qu’organisées par
l’AUPSRVE aux articles 246 et suivants auxquelles les parties ne peuvent déroger, dans la
convention d’hypothèque (interdiction des clauses de voie parée).

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Il convient cependant d’indiquer que la procédure de saisie des biens immobiliers peut être
suspendue par le débiteur s’il justifie que le revenu net et libre de ses immeubles pendant deux
années suffit pour le paiement de la dette en principal, frais et intérêts. La saisie pourra toutefois
être reprise s’il survient la moindre opposition ou obstacle au paiement.
La procédure de saisie immobilière débute par un commandement de payer contenant des
mentions prescrites à peine nullité signifié au débiteur défaillant, ainsi que, le cas échéant, au
tiers détenteur de l’immeuble hypothéqué. Ledit commandement est, par la suite, publié au
bureau de la conservation foncière et opère dessaisissement du débiteur qui, tout en conservant
la possession du bien hypothéqué, voit ses pouvoirs d’administration considérablement
diminués et son pouvoir d’aliénation réduit à néant.
Les effets du commandement sont régis par les dispositions des articles 262 à 265 de l’Acte
uniforme OHADA sur les voies d’exécution. Il en ressort pour l’essentiel que « les actes
d’aliénation ou de constitution de droits réels antérieurement consentis, mais non publiés avant
la transcription du commandement de saisie sont inopposables au créancier saisissant ».
Le droit de préférence, qui permet à son titulaire d’échapper au concours des autres créanciers,
s’exerce selon les dispositions de l’article 225 de l’AUS révisé pour garantir aussi bien le
principal de la dette que les frais et trois années d’intérêts au même rang, sauf à prendre des
inscriptions particulières portant hypothèques à compter de leurs dates pour les intérêts autres
que ceux conservés par l’inscription initiale (cf. art. 197 de l’AUS révisé). Il convient de noter
que le droit de préférence peut, également, s’exercer par subrogation sur l’indemnité
d’assurance de l’immeuble sinistré.

L’ouverture d’une procédure collective modifie les conditions de réalisation de l’hypothèque


prévues par l’AUPSRVE.

2/ L’attribution judiciaire de l’immeuble

Comme déjà préciser en entame, l’attribution judiciaire comme moyen de réalisation de


l’hypothèque fait partie de l’une des deux innovations introduites par le législateur
communautaire. L’article 198 de l’AUS dispose à cet effet que : « A moins qu’il ne poursuive
la vente du bien hypothéqué selon les modalités prévues par les règles de la saisie immobilière,
auxquelles la convention ne peut déroger, le créancier hypothécaire impayé peut demander en
justice que l’immeuble lui demeure en paiement ». Il s’agit d’une faculté accordé au créancier
hypothécaire encadré par des règles emprunté du droit français et aligné si on peut le dire sur le
régime du créancier gagiste. Etant une faculté, le créancier hypothécaire est libre de l’exercer
ou non. En cas de mise en œuvre, des conditions doivent être observées.
En effet, il faut au préalable que la créance poursuivie soit devenue exigible et la défaillance du
débiteur constatée. Le créancier hypothécaire pourra alors saisir la juridiction compétente d’une
demande d’attribution de l’immeuble objet de sa garantie. Il ressort du texte de l’article 198 que
le pouvoir d’appréciation de la juridiction saisie est limité à la vérification de l’existence et
l’exigibilité de la créance sans pouvoir juger de l’opportunité de la demande.

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Si ces conditions sont réunies, l’attribution judiciaire est de droit. La juridiction saisie va alors
désigner, faute d’accord entre les parties, un expert aux fins de déterminer la valeur de
l’immeuble conformément à l’article 200 de l’AUS. Si la valeur de l’immeuble excède le
montant de la garantie du créancier hypothécaire, celui-ci doit au constituant une somme égale
à la différence et s’il existe d’autres créanciers hypothécaires, ce montant sera consigné par le
créancier.
En revanche, la faculté de demander l’attribution judiciaire n’est pas ouverte lorsque
l’immeuble hypothéqué constitue la résidence principale du constituant, ainsi que l’indique
l’alinéa 2 in fine de l’article 198 précité. Cette exigence vise, bien entendu, à protéger le
constituant, ainsi que sa famille, pour qui il pourrait être dramatique d’être privé de logement
du fait des risques liés à la garantie hypothécaire.
Toutefois, il peut se poser le problème de la détermination de la résidence principale du
constituant. Il n’est pas rare, dans les pays africains de la zone OHADA, d’observer que des
personnes aient plusieurs résidences. Pour de telles personnes, l’identification de la résidence
principale ne sera pas toujours aisée.
En cas de contentieux sur ce point, il appartiendra au juge d’identifier in concreto la résidence
principale, en se référant notamment aux documents contractuels relatifs à l’hypothèque
consentie et au comportement du constituant, le fait d’emménager dans l’immeuble hypothéqué
peu de temps avant la demande d’attribution judiciaire pouvant se présenter un caractère
frauduleux. Il faut espérer que cette question ne donne pas lieu à des décisions contradictoires
qui ruineraient l’intérêt et l’attractivité de ce mode de réalisation.

3/ L’attribution conventionnelle du bien : le pacte commissoire

Aux termes de l’article 199 de l’AUS : « A condition que le constituant soit une personne
morale ou une personne physique dûment immatriculée au Registre du Commerce et du Crédit
mobilier et que l’immeuble hypothéqué ne soit pas à usage d’habitation, il peut être convenu
dans la convention d’hypothèque que le créancier deviendra propriétaire de l’immeuble
hypothéqué. A l’issue d’un délai de trente jours suivant une mise en demeure de payer par acte
extra-judiciaire demeurée sans effet, le créancier pourra faire constater le transfert de propriété
dans un acte établi selon les formes requises par chaque Etat Partie en matière de transfert
d’immeuble». Comme il l’a été introduit préalablement en droit français au cours de la réforme
intervenue en 2006, le pacte commissoire est désormais admis en droit Ohada. Il s’entend de la
convention par laquelle les parties décident que le bien sera attribué au créancier en cas de
défaillance du débiteur.
L’article 199 précité détermine le domaine et les modalités de l’attribution.
- S’agissant du domaine et contrairement à l’attribution judiciaire qui peut être mise en
œuvre par tous les créanciers, l’attribution conventionnelle est doublement limitée quant
aux constituants et aux immeubles concernés. Pour ce qui est des constituants, cette
procédure ne peut concerner que les constituants (débiteurs ou tiers) qui sont des
personnes morales ou des personnes physiques immatriculées (commerçants ou
entreprenants). Précisément, seuls les immeubles donnés en hypothèque par ces
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personnes peuvent faire l’objet d’attribution judiciaire. Elle ne peut donc être mise en
œuvre sur les immeubles des autres débiteurs ou constituants personnes physiques. Pour
ce qui est des immeubles concernés ou précisément de leur destination, l’attribution
conventionnelle ne peut pas porter sur des immeubles à usage d’habitation. Ceci exclut
non seulement ceux servant de résidence du constituant ( qu’il s’agisse de la résidence
principale ou secondaire) mais aussi tous les autres immeubles destinés à l’habitation
qu’ils soient ou non occupés ou qu’ils soient occupés par des tiers ( cas des immeubles
mis en location). Seule importe donc la destination de l’immeuble.
- En ce qui concerne les modalités, l’attribution par l’effet du pacte commissoire
comprend plusieurs étapes. Cette attribution doit d’abord être convenue préalablement
dans la convention d’hypothèque. Elle ne saurait donc résulter d’une convention
ultérieure ou d’un avenant à la convention principale – contrairement à l’attribution
judiciaire pour laquelle le créancier peut opter seulement après la défaillance du
débiteur. C’est sur la base de cette convention que le créancier pourra, en cas de
défaillance, opter soit pour la saisie, soit pour l’attribution de l’immeuble. Ensuite, le
créancier doit, en cas de défaillance, adressée une mise en demeure de payer au débiteur.
Il ne peut agir que si cette mise en demeure est restée sans effet à l’issue d’un délai de
trente jours. Enfin, le créancier doit faire constater le transfert de propriété. Autrement
dit, un acte de propriété doit être établi en son nom suivant les formes requises par la loi
nationale en matière de transfert d’immeuble. Dans la plupart des pays de l’OHADA, le
transfert de propriété s’établissant par un acte notarié, le notaire devra intervenir de
nouveau pour établir le titre de propriété au nom du créancier.
Comme en matière d’attribution judiciaire, L’immeuble sera estimé par un expert
désigné amiablement par les parties ou, à défaut, par le juge. Cet expert aura pour
mission de déterminer la valeur de l’immeuble. Si la valeur de l’immeuble excède le
montant de la garantie du créancier hypothécaire, celui-ci devra verser au constituant
une somme égale à la différence et s’il existe d’autres créanciers hypothécaires, ce
montant sera consigné par le créancier.

II/ Dans les rapports entre créanciers hypothécaires

Le créancier hypothécaire bénéficie d’un droit de préférence par rapport aux autres créanciers
(art 197 AUS). Ce droit lui permet d’être payé par priorité aux autres créanciers sur la totalité
de la valeur de l’immeuble.
Quoique titulaire du droit de préférence, le créancier n’a pas pour autant la certitude de recevoir
la somme qui lui est due. L’immeuble peut être grevé de plusieurs hypothèques. Il faut alors
tenir compte des droits des créanciers ayant des privilèges portant sur l’immeuble vendu. Un
classement entre créanciers hypothécaires est dès lors apparu nécessaire. Aux termes de l’article
225-3 de l’AUS, le créancier hypothécaire vient en troisième rang sur le prix de vente de
l'immeuble ; il est primé par le privilège des frais de justice et les créances de salaires super-
privilégiées, mais il prime lui-même d'autres créanciers notamment les créanciers
chirographaires.
Le classement se fait en tenant compte de l’ordre d’inscription. Si plusieurs inscriptions ont été
prises le même jour, la préférence devrait être donnée au créancier dont le titre est plus ancien.
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Mais, dans la pratique parfois, puisque l’on ne mentionne pas l’heure de l’inscription, les
inscriptions effectuées le même jour viennent en concours sans considération de l’ancienneté
du titre.
Une difficulté est, par exemple susceptible de se poser lorsqu’un même créancier est titulaire
d’une hypothèque inscrite sur plusieurs immeubles appartenant à un même débiteur. Dans cette
hypothèse, il peut, en principe, choisir celui sur lequel il va exercer ses poursuites.
Mais, ce faisant, il risque de sacrifier les intérêts de certains créanciers postérieurs s’il saisit un
immeuble grevé d’hypothèques multiples plutôt qu’un immeuble libre de charges hypothécaires
ou moins lourdement grevé. C’est la raison pour laquelle la jurisprudence française impose que
son choix soit exercé dans un intérêt légitime et soit dépourvu de toute intention de nuire,
notamment aux créanciers dont le rang de l’inscription hypothécaire lui est postérieur.

Le droit de préférence s’exerce en principe sur le prix de vente de l’immeuble vendu, une fois
que celui-ci a été payé et consigné. La transformation du droit du créancier d’un droit sur la
chose en un droit sur le prix est désignée sous le vocable d’effet légal de l’hypothèque. Cette
dernière est alors éteinte et l’immeuble libéré. Le droit de préférence s’exerce peu importe que
la vente soit amiable ou faite aux enchères. Il s’exerce aussi sur toute somme représentant la
valeur de l’immeuble telle qu’une indemnité d'assurance ou d'expropriation. Le droit de
préférence garantit le principal, les frais et trois ans d'intérêts au même rang. Pour les intérêts
non couverts, le créancier peut prendre des inscriptions particulières portant hypothèques à
compter de leurs dates.
Une interrogation demeure quant aux effets du pacte commissoire et de l’attribution judiciaire
de l’immeuble en cas de pluralité de créancier ?

III/ Dans les rapports entre le créancier hypothécaire et les tiers détenteurs

Le législateur OHADA n’a pas apporté de réformes substantielles sur ce point. Le créancier
hypothécaire dispose toujours d’un droit de suite sous réserve de l’exercice, par le tiers
détenteur, de la purge ou de la faculté de délaissement. Le droit de suite prévu par l’article 197
de l’AUS signifie que le créancier hypothécaire inscrit, tant qu’il n’a pas été payé totalement
de sa créance, peut faire saisir l'immeuble entre les mains de celui auquel il a été cédé pour le
faire vendre et se faire payer sur le prix. Aux termes de l'art. 223 al. 2 AUS, « le droit de suite
s'exerce contre tout tiers détenteur de l'immeuble dont le titre est publié postérieurement à
l’hypothèque ». Le tiers détenteur est généralement un acquéreur, c'est-à-dire un acheteur, un
donataire ou un légataire particulier. Il peut s'agir aussi d'un ayant-cause à titre universel tel un
héritier non tenu personnellement à la dette et dont le droit est né après la constitution de
l’hypothèque.
Si la cession a été faite à titre onéreux et que le prix n’a pas encore été payé c’est-à-dire dans
l’hypothèse d’une vente de l’immeuble faite à crédit, au lieu de saisir l’immeuble, le créancier
pourrait plutôt chercher à se faire payer en priorité selon son rang sur le montant qui est dû par
l’acquéreur au vendeur. Dans ce cas, c’est la mise en œuvre du droit de préférence qui lui permet
en réalité d’être payé.

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Dans certains cas, la loi décide que le droit de suite ne s'exerce pas contre le tiers acquéreur. Il
en est ainsi en cas de vente sur saisie immobilière ou de vente aux enchères qui emporte
automatiquement purge des hypothèques. Le droit de suite est également exclu en cas
d'aliénation d'éléments séparés de l'immeuble qui deviennent alors meubles par nature.
Exemple: les récoltes coupées ou les matériaux issus de la démolition de l'immeuble.
La mise en œuvre du droit de suite prend obligatoirement la forme d'une procédure de saisie
immobilière mais qui connaît quelques aménagements destinés à protéger le tiers acquéreur : il
est protégé contre la vente forcée, il peut mettre en œuvre la procédure de purge et il peut
délaisser l’immeuble.
Le tiers détenteur, lorsqu’il est informé par le créancier de sa volonté de mettre en œuvre son
droit de suite, dispose de moyens de défense opposable au créancier :
- Il peut invoquer les exceptions et moyens de défense liés à la dette garantie (paiement,
prescription, nullité) ou à l’hypothèque.
- - Il peut également opposer l'exception de garantie que peut lui devoir le créancier
poursuivant, puisque <<qui doit garantie ne peut évincer>>.
- - Il peut opposer le bénéfice de discussion. Le tiers détenteur peut retarder les poursuites
contre lui jusqu'à la preuve que le débiteur n'a pas d'autres immeubles hypothéqués à la
même dette susceptibles de saisie. Mais, cette protection est limitée, ses conditions de
mise en œuvre étant restrictives.
- - Il peut invoquer la faculté de payer qui lui est faite au début de la procédure en se
fondant sur l'article 223 al.2 de l’AUS qui permet au tiers détenteur de désintéresser le
créancier poursuivant du montant intégral de sa créance en disposant que : « Bien que
le tiers détenteur ne soit pas personnellement obligé à la dette, il peut désintéresser le
créancier poursuivant du montant intégral de sa créance, en capital, intérêts et autres
accessoires, en se subrogeant à lui ». Le tiers adoptera cette solution s'il n'a pas encore
payé le débiteur vendeur du montant de la créance et si celui-ci suffit pour payer les
créanciers. Il pourra même payer une seconde fois si l'opération est plus avantageuse
pour lui. Et lorsqu'il a payé, il est subrogé, dans les droits du créancier principal contre
le débiteur et bénéficie des sûretés que le créancier s’était fait éventuellement consentir.

Par ailleurs, s’il ne veut ou ne peut payer la dette, le tiers détenteur peut délaisser l’immeuble
c’est-à-dire faire abandon de la détention mais le délaissement n’est possible que si le prix est
insuffisant pour payer les créanciers. Il peut donc être rétracté à tout moment contre le payement
des créanciers jusqu'à l'adjudication.
Enfin, il est permis au tiers détenteur lors de l’acquisition de libérer l’immeuble des sûretés qui
le grève au moyen de la procédure dite de purge. Par cette procédure, l’acquéreur paie aux
créanciers, de manière anticipée dès l’acquisition de l’immeuble ou après l’exercice du droit de
suite, les sommes représentant la valeur réelle de l’immeuble ce qui lui permet de garder
l'immeuble et d'obtenir ainsi l'extinction et la radiation de toutes les hypothèques. Elle suppose
évidemment que le prix n'ait pas déjà été payé au débiteur. Elle est obtenue même si le prix
offert ne permet pas de désintéresser tous les créanciers.

41
Paragraphe 4 : LA TRANSMISSION ET L’EXTINCTION DE L’HYPOTHEQUE

Par l’effet du caractère accessoire, l’hypothèque se transmet et s’éteint en même temps que la
créance principale garantie (I). Mais elle peut aussi, indépendamment de la créance garantie, se
transmettre et s’éteindre à titre principal (II).

I/ La transmission de l’hypothèque

L’hypothèque peut être transmise à titre accessoire, soit à titre universel si la créance est
transmise à cause de mort, soit à titre particulier en cas de cession de créance garantie par une
hypothèque ou en cas de paiement par subrogation légale ou conventionnelle par exemple.
Conformément à l’article 201 de l’AUS, la transmission peut être faite soit par acte notarié, soit
par acte sous seing privé suivant un modèle conforme aux règles de l’Etat partie concerné. La
transmission doit être également publiée comme l’acte d’hypothèque lui-même.
L’hypothèque peut également être transmise à titre principal. Dans ce cas, le créancier conserve
sa créance mais perd sa garantie. Elle peut résulter d’une convention de cession de rang ou
d’antériorité ou par l’effet d’une subrogation.
- Dans le cas de la cession de rang ou d’antériorité, il s’agit le plus souvent pour deux
créanciers hypothécaire d’intervertir leurs rangs respectifs. Un des créanciers cède son
rang à un autre moins bien classé que lui. La convention ne porte que sur le droit de
préférence. Une telle convention qui ne saurait nuire aux tiers ne peut donc valoir que
dans la limite de la plus faible des deux sommes garanties. Ainsi, le cessionnaire n’est
classé au rang avantageux qu’il a acquis que dans la mesure où la créance du cédant
n’est pas éteinte et seulement dans la limite de son montant et dans la limite du montant
de sa propre créance. Si la somme due au cessionnaire est inférieure à la créance du
cédant, ce dernier est colloqué au rang qu’il a cédé pour la différence. La cession
d’antériorité n’est soumise à aucune formalité particulière sauf qu’elle doit être passée
dans la même forme que le contrat constitutif d’hypothèque et qu’elle doit être publiée
conformément à l’article 201 de l’AUS.
- S’agissant de la subrogation à l’hypothèque, c’est la convention par laquelle un
créancier hypothécaire transmet son hypothèque à un autre créancier, non hypothécaire,
du même débiteur, tout en conservant sa propre créance. La convention transmet au
subrogé toute les prérogatives que le cédant tenait de l’hypothèque. Les droits du
subrogé reste cependant attachés à la créance du cédant et s’éteint donc avec elle. La
subrogation n’est soumise à aucune formalité particulière sauf qu’elle doit être passée
dans la même forme que le contrat constitutif d’hypothèque et qu’elle doit être publiée
conformément à l’article 201 de l’AUS.

II/ L’extinction de l’hypothèque

Il existe une variété de cause d’extinction de l’hypothèque conventionnelle et judiciaire.


L’article 201 de l’AUS en énumère quatre notamment : l’extinction de l’obligation principale,
la renonciation du créancier à l’hypothèque, la péremption de l’inscription et l’accomplissement
de la procédure de purge par le tiers détenteur. L’énumération a un caractère limitatif de sorte
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que la faute commise par le créancier hypothécaire ne saurait constituée une cause d’extinction.
De cette énumération, il apparait que l’hypothèque s’éteint soit par voie accessoire (A) soit par
voie principale (B).

A/ L’extinction par voie accessoire

L’hypothèque s’éteint en même temps que la créance qu’elle garantit. C’est la conséquence
naturelle de son caractère accessoire. Lorsque l’hypothèque a produit son effet légal et que,
d’un droit sur la chose, elle a été transformée en un droit sur le prix, elle s’éteint. Toutes les
causes d’extinction de l’obligation telle le paiement, la dation en paiement ou la compensation
peuvent éteindre l’hypothèque par voie accessoire.
Le paiement pur et simple sans subrogation éteint la créance et donc l’hypothèque mais ce
paiement doit être total car l’indivisibilité de l’hypothèque impose son maintien en cas de
paiement partiel pour le reliquat.

B/ L’extinction par voie principale


Indépendamment de la créance principale, l’hypothèque peut s’éteindre par l’effet d’autres
causes énumérées par l’article 201 de l’AUS.
- En cas de renonciation du créancier à l’hypothèque : il s’agit d’une faculté accordé au
créancier la renonciation porte sur la garantie et non pas sur la créance qui demeure. La
renonciation peut s’expliquer par exemple par l’inutilité de la sûreté. La renonciation
doit être établie dans la même forme que l’acte constitutif de l’hypothèque et publiée
conformément à l’article 201 de l’AUS.
- En cas de péremption de l’inscription de l’hypothèque : l’inscription de l’hypothèque
étant prise pour une durée déterminée ne pouvant excéder trente ans, sauf disposition
contraire d’une loi nationale, son non renouvellement à l’issue de ce délai emporte sa
péremption. Cela s’applique même lorsqu’il s’agit d’une hypothèque à durée
indéterminé. La péremption doit être attestée par le conservateur du registre de la
publicité foncière dans un acte mentionnant qu’aucune prorogation ou nouvelle
inscription n’affecte la péremption.
Il faut préciser que la préemption de l’inscription n’emporte pas extinction de
l’hypothèque mais juste son inopposabilité.
- En cas de purge de l’hypothèque : L’hypothèque est éteinte en cas de purge. Celle-ci
doit résulter du procès-verbal d’adjudication sur expropriation forcée et du paiement ou
de la consignation de l’indemnité d’expropriation pour cause d’utilité publique. Peu
importe que le prix ou l’indemnité obtenue soit suffisant pour désintéresser tous les
créanciers inscrits.
- En cas de perte du droit hypothéqué : Cette cause d’extinction est difficilement
envisageable lorsque le droit hypothéqué est le droit de propriété mais elle est possible
pour d’autres droits comme l’usufruit, le droit de superficie ou le bail emphytéotique
qui peuvent avoir une durée limitée. De même, l’annulation de la convention à l’origine
de ces droits peut entraîner leur perte et par conséquent l’extinction de l’hypothèque qui
était constituée. Par contre, il n’y a pas perte de droit en cas de destruction ou de
dégradation des constructions ayant pour effet de rendre l’immeuble hypothéqué
43
insuffisant pour garantir la créance. L’article 222 de l’AUS prévoit que, dans ce cas, le
créancier peut obtenir soit la déchéance du terme, soit une autre hypothèque.

SECTION 2 : LES HYPOTHEQUES FORCEES


Aux termes de l’article 209 de l’AUS : « l’hypothèque forcée est celle qui est conférée, sans le
consentement du débiteur, soit par la loi, soit par une décision de justice ». Il s’agit de toutes
les hypothèques qui n’ont pas été consenties par le débiteur. Le législateur communautaire
laisse cependant aux Etats parties la possibilité de prévoir des hypothèques forcées autres que
celles prévues dans l’AUS. Mais cette dérogation ne concerne que les hypothèques forcées non
réglementé par l’Ohada car pour celles qui sont règlementées, il est fait application du principe
de suprématie de la loi communautaire sur la loi nationale.
Il appartient, dans tous les cas, à chaque partie à un contrat d’hypothèque d’un immeuble située
sur le territoire d’un Etat partie de connaitre toutes les hypothèques forcées relevant de la loi
nationale existantes.

Pour l’heure, le législateur communautaire prévoit deux sortes d’hypothèque forcées qui sont
soit légale (§1) soit judiciaire (§2) et obéissent au principe de spécialité qui impose que la sûreté
porte sur des immeubles déterminés pour des créances identifiées par leur cause et leur origine
et pour une somme déterminée.

Paragraphe 1 : L’hypothèque forcée légale


Elle est une forme particulière d’hypothèque. Elle ne résulte pas d’un accord entre les parties
ni d’une décision de justice, elle est accordée à certains créanciers en raison de leur statut ou de
la nature de la créance. Il s’agit dans tous les cas pour le créancier d’obtenir une garantie de
remboursement.
L’AUS n’a retenu que trois hypothèques légales : l’hypothèque légale de la masse des
créanciers, l’hypothèque légale du vendeur, de l’échangiste ou du copartageant et l’hypothèque
légale des architectes, entrepreneurs et personnes assimilées.
- L’hypothèque de la masse des créanciers : prévue par l’article 210 de l’AUS, elle
relève essentiellement de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures
collectives notamment en son article 74 aux termes duquel « la décision d’ouverture
emporte, au profit de la masse, hypothèque (…) ». Elle est inscrite dans le délai de dix
jours à compter de l’ouverture de la procédure collective sur les immeubles présents et
à venir du débiteur conformément aux règles de publicité foncière, le rang sur chaque
immeuble étant fonction de la date d’inscription. L’intérêt de cette hypothèque réside
dans le cadre d’exécution du concordat ou en cas d’ouverture d’une seconde procédure
afin de protéger les créanciers bénéficiaires des créanciers bénéficiaires.
- L’hypothèque légale du vendeur, de l’échangiste et du copartageant : le vendeur,
l’échangiste ou le copartageant peuvent pour garantir le paiement total ou partiel du
prix, de la soulte de l’échange ou des créances résultant du partage constitué une
hypothèque conventionnelle ou forcée régulièrement publiée. Il en est par exemple ainsi

44
lorsque le vendeur d’immeuble a fait un crédit à son acheteur, il dispose ainsi d’un
privilège sur le bien. La juridiction saisie d’une telle demande n’a pas le pouvoir d’en
apprécier l’utilité mais est tenu de l’octroyer. Dès lors, l’hypothèque forcée
régulièrement inscrite entraine la reconnaissance et la conservation de l’action
résolutoire de la vente, de l’échange ou du partage de sorte que le créancier non payé a
le choix entre demander la résolution de l’opération ou la réalisation de l’immeuble.
- L’hypothèque légale des architectes, entrepreneurs et personnes assimilées : les
personnes qui édifient, réparent ou reconstruisent des bâtiments, peuvent, avant le début
des travaux, se faire consentir une hypothèque conventionnelle sur l’immeuble
considéré ou un autre. A défaut, ils peuvent solliciter du juge une hypothèque forcée sur
cet immeuble faute de paiement. L’hypothèque est inscrite provisoirement pour le
montant de la somme qui sera estimée due. Cette inscription prend rang à sa date jusqu’à
l’expiration d’un délai d’un mois suivant la date d’achèvement des travaux qui sera
constaté par acte d’huissier. Si dans ce délai d’un mois, l’inscription est devenue
définitive par accord des parties ou par décision de justice, elle conserve sa date initiale
pour toute la somme ou pour partie de celle-ci. Auquel cas, l’inscription ne prendra rang
qu’à la date de la seconde formalité.

Paragraphe 2 : L’hypothèque forcée judiciaire

Elle n’est rien d’autre que l’hypothèque conservatoire destinée à garanti une créance non
assortie de titre exécutoire et mise en péril. Tout créancier qui engage une procédure de
recouvrement de sa créance et qui redoute l’insolvabilité future de son débiteur a intérêt à
solliciter son inscription. Cette hypothèque comme les autres mesures conservatoires, est
autorisée le plus souvent par le juge qui doit être saisi par voie de requête. Son régime n’a pas
subi de modification à l’issue de la réforme intervenue en 2010.

L’hypothèque forcée judiciaire est un droit, sur le bien immobilier d’un débiteur garantissant
une créance. Elle est issue d’une décision de justice rendue à l’initiative de tout créancier et
autorisant celui-ci à inscrire provisoirement sa sûreté à la conservation foncière (art 213 AUS).
Ce qui lui permettra par la suite d’obtenir une inscription définitive. L’hypothèque prendra alors
rang au jour de son inscription. Cette décision doit être notifiée au débiteur et le créancier doit
demander un titre exécutoire dans les délais prescrits.

Les conditions de la mise en œuvre de ce type d’hypothèque sont constituées par le fait que le
requérant doit justifier d’une créance existant dans son principe. Le recouvrement de la
créance doit être menacé et le créancier ne doit pas être muni d’un titre exécutoire.
L’hypothèque rend la créance privilégiée au moment du recouvrement de la créance. Le
débiteur n’est pas obligatoirement celui qui est propriétaire du bien, étant donné qu’en cas de
cautionnement, l’immeuble appartenant à la caution sera saisi pour non remboursement de la
créance par le débiteur de l’obligation principale.

La compétence rationae loci est attribuée à la juridiction du domicile du débiteur ou à la


juridiction du lieu de situation du bien (art 213 AUS). En ce qui concerne la compétence
rationae materiae, elle est confiée aux États membres parce que l’organisation judiciaire de

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chaque État membre est différente. Le juge compétent dans ce domaine est saisi par une requête
adressée au président du tribunal. Cette requête contient en plus du nom des parties, l’origine
de la créance, le montant de la dette, le domicile élu du créancier et les documents soutenant
les prétentions du requérant (les reconnaissances de dettes sont valides dans ce cas puisque la
procédure est provisoire) conformément à l’article 216 de l’AUS.

Le juge rend une ordonnance où il est mentionné le montant de la créance (en intérêts, frais et
principal), le délai accordé au créancier pour intenter une action en validation de l’hypothèque
(deux mois). Il faut noter que le juge ayant rendu l’Ordonnance, est seul compétent pour statuer
en cas de contentieux de l’exécution de la décision découlant de cette mesure (art 213in fine).

En outre, le tribunal peut exiger que le créancier justifie d’une solvabilité suffisante. Une fois
le titre obtenu, le créancier doit notifier le conservateur foncier de l’obtention d’une hypothèque
provisoire, afin qu’il procède à l’inscription de sa sûreté sur le titre foncier dans un délai de
quinze jours. Ce après quoi cette inscription doit être notifiée au débiteur. Le débiteur qui le
souhaite, doit demander la mainlevée ou la réduction de l’hypothèque dans le mois de la
notification de l’assignation en validité de l’hypothèque ou de l’instance au fond. Le délai de
notification du débiteur, à la suite d’une décision autorisant une hypothèque définitive, est de
six mois après l’inscription de la sûreté auprès de la conservation foncière. Cette décision est
exécutoire sur minute.

En cas de décès du débiteur, la partie requérante doit demander au président du Tribunal de


Grande Instance de nommer un administrateur provisoire en cas d’absence des ayants droits.
S’il s’agit d’une dette à court terme, après le décès, le créancier a trois mois pour procéder à
l’inscription. L’opposition à l’ordonnance est faite par assignation, en raison du caractère
contradictoire de la procédure. Il a été précisé, avant de clore l’exposé sur ce sujet, que le juge
de l’urgence est différent du juge des référés : le premier doit prendre des mesures impératives
et provisoires, alors que le second peut examiner l’affaire au fond.

46
CHAPITRE 2 : LES SURETES MOBILIERES CLASSIQUES : GAGE ET
NANTISSEMENTS
Le gage (sect.1) et le nantissement (sect. 2) constituent traditionnellement les principales sûretés
réelles mobilières bien que le législateur en prévoit d’autres. Elles ont respectivement pour
assiette des biens meubles corporel et incorporel. La réforme de l’Acte Uniforme intervenue en
2010 a eu pour effet une modification assez profonde de leur régime.
Section 1 : LE GAGE DES MEUBLES CORPORELS

Les dispositions de l’AUS de 2010 modifient considérablement le régime juridique du gage en


revenant sur le critère traditionnel de différenciation entre le gage et le nantissement. Le gage
s’entend comme le contrat par lequel le constituant - débiteur ou tiers - accorde à un créancier
le droit de se faire payer par préférence sur un bien meuble corporel ou un ensemble de biens
meubles corporels, présents ou futurs (art. 92 AUS). Il s’oppose ainsi au nantissement qui est
l'affectation d'un bien meuble incorporel ou d'un ensemble de biens meubles incorporels,
présents ou futurs, en garantie d'une ou plusieurs créances, présentes ou futures, à condition que
celles-ci soient déterminées ou déterminables (art. 125 AUS).
Ainsi sont prévus des régimes spéciaux de gage : il s’agit du gage de matériel professionnel
(outillage et matériel professionnel), du gage de véhicule automobile (véhicule terrestre à
moteur) et du gage de stock (matière première, stock de produits agricoles, stock de produits
industriels, marchandise à vendre – bordereau de stock).
Ces choses faisaient l’objet de nantissements avant la réforme mais avec l’AUS de 2010, seuls
les meubles incorporels pouvant faire l’objet de nantissement, il fallait aménager des règles
spéciales pour ces gages. Pour la même raison, le gage de créances a disparu pour faire place
au nantissement de créances. Aussi l’on retrouve dans ce nouvel Acte Uniforme aussi bien le
régime général du gage (§1) que les règles spéciales pour certaines formes de gage (§2).

Paragraphe 1 : Le régime général du gage


La lecture de l’article 92 de l’AUS définissant le gage permet de constater que celui-ci n’est
plus défini, comme il l’était sous l’empire de l’ancien Acte uniforme, par l’une de ses conditions
de validité (la dépossession), mais par son objet même notamment le droit de préférence conféré
au créancier gagiste.
Libérée de la dépossession, cette nouvelle définition permet la constitution de gages portant sur
des biens futurs. Le constituant verra ainsi sa capacité de crédit singulièrement augmenté par la
possibilité de consentir un gage sur des biens qu’il n’a pas encore acquis. Dès lors que ces biens
futurs seront déterminés avec suffisance dans le contrat de gage, le créancier gagiste (ou le tiers
convenu) n’aura plus à conclure de nouveaux contrats, pour étendre ses droits aux biens
nouvellement acquis par le constituant.
Pour ce faire, il convient de voir successivement la formation (I), les effets (II) et l'extinction
du gage (III).

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I/ La formation du gage
Avant la réforme de l’AUS, le gage, de par son caractère réel, se formait par la remise de la
chose. Cette exigence conditionnait largement les règles relatives à l’assiette de la garantie à
son opposabilité. Désormais, le gage requiert la réunion de certaines conditions (A) et
l’accomplissement de formalités précises (B).
A/ Les conditions de formation du gage

Avant la réforme, compte tenu de l’exigence de dépossession, le gage ne pouvait porter que sur
un bien présent susceptible d’être remis au créancier. La perte du caractère réel a permis d’offrir
de nombreuses possibilités utilisées pour beaucoup par le législateur communautaire et qui ont
trait à la créance garantie et à l’objet du gage.

En effet, aux termes de l’article 93 de l’AUS le gage peut être constitué en garantie d'une ou de
plusieurs créances peu importe qu’elles soient présentes ou futures. L’assiette de la garantie est
désormais plus large qu’auparavant car pouvant porter sur un ou plusieurs meubles qui peuvent
être présent ou futur. L’innovation est considérable s’agissant des biens futurs car jusqu’en
2010, le gage ne pouvait garantir que des créances déjà nées ou éventuelles. La seule exigence
à la garantie des créances futures est qu’elles soient déterminées ou déterminables (art 93 AUS).
Le principe de spécialité est en effet conservé. La créance peut exister à l’égard du constituant
ou d’un tiers dont le constituant se porte caution réelle.
Le gage a ainsi pour objet tout type de meuble corporel pourvu qu’il soit dans le commerce,
qu’il ne soit pas inaliénable et indisponible peut être donné en gage. Le bien peut être présent
ou futur. Lorsque le gage porte sur des biens présents, ces biens doivent appartenir au
constituant. A défaut, le créancier gagiste de bonne foi, peut, en application de l’article 95 de
l’AUS, s’opposer à la revendication du véritable propriétaire dans les conditions prévues par
l’article 2279 C.Civ.
Le gage peut porter sur un bien isolé ou sur un ensemble de biens. Le gage peut également
porter, aux termes de l’article 94 sur des sommes ou des valeurs déposées à titre de consignation
par les fonctionnaires, les officiers ministériels ou toute autre personne pour garantir les abus
dont ils pourraient être responsables et les prêts consentis pour la constitution de cette
consignation.
Du fait de leur nature, certains biens font l’objet de dispositions particulières quant à leur mise
en gage. Il en est ainsi pour les choses fongibles. Les articles 101 et 102 imposent des mesures
particulières quant à leur conservation.
B/ Les formalités requises pour la constitution du gage

Aux termes de l’article 96 de l’AUS, à peine de nullité « le contrat de gage doit être constaté
dans un écrit… ». L’écrit est désormais exigé à peine de nullité et constitue donc une condition
de validité du gage alors que l’ancien article 49 ne l’exigeait qu’à titre d’opposabilité. Cette
nouvelle disposition parait plus conforme aux réalités de la pratique car il paraissait difficile
d’enregistrer le contrat de gage comme l’exigeait l’ancien texte pour le rendre opposable sans
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pour autant disposer d’un écrit. La nature de l’écrit importe peu. Il peut s’agir d’un acte
authentique tout comme un acte sous seing privé. A l’issue de la réforme, l’écrit constitue donc
la seule condition de validité du gage. L’enregistrement du contrat de gage a été supprimé étant
donné que l’opposabilité du gage est liée soit à la dépossession, soit à l’inscription au registre
du commerce et du crédit mobilier qui est une innovation (art. 97 AUS).

En effet, la dépossession du constituant n’est qu’une modalité du gage, une condition


d’opposabilité qui peut être remplacée par l’inscription du contrat au RCCM. Celle-ci sera faite
suivant les règles prévues pour l’inscription des sûretés au RCCM, conformément aux articles
51 et suivants de l’AUS. L’inscription est prise par le constituant, le créancier ou l’agent des
sûretés auprès de la juridiction compétente sur présentation des différents documents exigés par
la loi. Des mesures particulières ont été prises pour protéger le créancier gagiste contre les
risques qu’il encourt du fait de l’absence de dépossession du constituant. Une fois le gage
régulièrement publié, les ayants cause à titre particulier du constituant ne peuvent être considéré
comme des possesseurs de bonne foi si bien que le créancier gagiste peut exercer son droit de
suite contre eux.
Lorsque plusieurs gages successifs sans dépossession ont été constitués sur le même bien, le
rang des créanciers est déterminé par l’ordre de leur inscription (art. 107). Par contre, lorsqu'un
bien donné en gage sans dépossession fait ultérieurement l'objet d'un gage avec dépossession,
le droit de préférence du créancier gagiste antérieur est opposable au créancier gagiste
postérieur lorsqu'il a été régulièrement publié et ce, nonobstant le droit de rétention de ce dernier
(art. 107 al.2).
II/ Les effets du gage

Lorsque le gage est réalisé avec dépossession, le constituant court le risque le plus sérieux.
Avant l’échéance de la garantie, le risque est de voir le créancier ne pas prendre soin du bien
gagé. Lors de la réalisation de la sûreté, le risque est de voir le créancier obtenir plus que ce qui
lui est dû. Aussi pour encadrer ce risque, avant la réalisation de la garantie (B), des obligations
et prérogatives sont reconnus aux parties (A).
A/ Les obligations et prérogatives des parties

Les parties au contrat de gage bénéficient de plusieurs prérogatives mais sont également tenues
de certaines obligations relatives au bien remis ou conservé à titre de gage. Si les obligations et
prérogatives concernent principalement le créancier gagiste qui a reçu le bien objet du gage,
elles concernent aussi, dans le cas du gage sans dépossession, le constituant du gage.

❖ Les prérogatives reconnues au créancier gagiste sont le droit de rétention, le droit


de suite et le droit de préférence.
S’agissant du droit de rétention il est expressément par l’article 99 AUS qui dispose que «
Lorsque le gage est constitué avec dépossession, le créancier gagiste peut, sous réserve de
l'application de l'article 107, alinéa 2 du présent Acte uniforme, opposer son droit de rétention
sur le bien gagé, directement ou par l'intermédiaire du tiers convenu, jusqu'au paiement intégral
en principal, intérêts et autres accessoires, de la dette garantie ». L’article 100 ajoute que « s'il
a été dessaisi contre sa volonté, le créancier peut revendiquer la chose gagée comme un

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possesseur de bonne foi ». Le droit de rétention peut être opposé au constituant même si le bien
est entre les mains d’un tiers. Il peut l’être également aux acquéreurs de la chose ou aux
créanciers du constituant.

Quant au droit de suite, le créancier gagiste, en cas de dépossession, en bénéficie comme le


créancier hypothécaire. En tant que possesseur, il peut aussi opposer son droit aux acquéreurs
successifs et, surtout, s’il est dépossédé involontairement de la chose, il peut la revendiquer
comme un possesseur de bonne foi. C’est ce que prévoit l’article 100 AUS.

Pour ce qui est du droit de préférence, le créancier gagiste en bénéficie sur le prix de la chose
vendue (article 104). Ce droit de préférence se reporte sur l’indemnité qui lui est substituée en
cas de perte ou de destruction de l’objet du gage. Il couvre non seulement le principal de la
dette mais aussi les intérêts et les frais. Il s’exerce conformément à l’article 226 AUS dont il
ressort que les créanciers gagistes sont classés en quatrième position sur le prix de vente des
meubles après les frais de justice, les frais de conservation et les créances de salaire
superprivilégiés. Entre les créanciers gagistes, l’ordre de paiement dépend de l’ordre
d’inscription du gage et, en l’absence d’inscription, de l’ordre de constitution des différents
gages.
❖ Les obligations des parties sont principalement le non usage, l'obligation de
conservation et l'obligation de restitution.
- Le non usage : Lorsque le gage emporte dépossession, le créancier gagiste ne peut user de la
chose donnée en gage ni en percevoir les fruits. La solution est fondée sur l’article 103 AUS
qui rapproche le créancier gagiste du dépositaire qui reçoit une chose en dépôt. La règle n’est
cependant pas d’ordre public. S’il est autorisé à percevoir les fruits, il doit les imputer sur les
intérêts qui peuvent lui être dus et à défaut sur le capital de la dette.
- L’obligation de conservation: Elle pèse aussi bien sur le créancier gagiste ou le tiers en cas
de gage avec dépossession que sur le constituant en cas de gage sans dépossession.
Le créancier gagiste ou le tiers doit conserver et en bon état, le bien qui lui est remis (art. 108).
Cela s’explique par le fait qu’à l’échéance et en cas de paiement, il est tenu de restituer le bien
au propriétaire. De ce fait, il est tenu responsable en cas de perte ou de détérioration de la chose
due à sa faute (ex. du fait de la négligence). Il doit conserver la chose et lui apporter les soins
qu’elle nécessite. Toutefois, il ne supporte pas en principe les frais qui en découlent puisqu’il
doit être remboursé des dépenses utiles et nécessaires faites pour la conservation qu’on appelle
aussi les impenses ( article 113 AUS). La conservation n’emporte pas nécessairement
l’obligation de faire assurer la chose. La méconnaissance des obligations de conservation
entraîne la responsabilité du créancier gagiste.

- L’obligation de restitution: Elle ne s’impose qu’en cas de gage avec dépossession. Le


créancier gagiste ou le tiers convenu est tenu de restituer la chose lorsque, à l’échéance, la
créance garantie a été entièrement payée en capital, intérêts et accessoires (article 113 AUS).
La restitution porte sur les biens remis ainsi que les accessoires et les fruits ou produits perçus
sur le bien et sur les sommes venues en remplacement ou les objets substitués. S’il s’agit de
choses fongibles, le créancier doit remettre la même quantité de choses de même nature.

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Le défaut de restitution, la restitution incomplète ou le retard dans la restitution entraîne la
responsabilité contractuelle du créancier ou du tiers convenu. Le défaut de restitution peut
également être sanctionné pénalement pour détournement de gage par application de certaines
dispositions pénales.

B/ La réalisation du gage
Lorsque le débiteur est défaillant, le créancier peut réaliser le bien en sa possession. Il dispose
alors de plusieurs prérogatives. En cas de gage avec dépossession, le créancier continu
d’exercer son droit de rétention. Cette prérogative est d’autant moins remise en cause en ce que
l’Acte Uniforme consacre le droit de rétention en matière de sûreté. Mais pour obtenir paiement,
le créancier doit réaliser le gage. Pour ce faire, il peut exercer son droit de préférence (1) ou
demander l’attribution judiciaire du bien (2). Dans certains cas, les parties peuvent convenir de
l’attribution conventionnelle du bien gagé (3).

1/ L’exercice du droit de préférence : la vente forcée


Le créancier gagiste dispose d’un droit de préférence sur le prix de vente du bien gagé (art. 226
AUS). Faute de paiement à l'échéance, le créancier gagiste muni d'un titre exécutoire peut faire
procéder à la vente forcée de la chose gagée, huit jours après une sommation faite au débiteur
et, s’il y a lieu, au tiers constituant du gage conformément à l’article 104 de l’AUS. La vente se
déroule selon les modalités prévues par l’AUPSRVE auquel le contrat de gage ne peut déroger.
Il est clairement rappelé aux parties l’interdiction de conclure des clauses de voie parée.

En cas d’ouverture d’une procédure collective, l’exercice du droit de préférence ne présente pas
toujours un grand intérêt. Les droits de poursuite du créancier sont en effet suspendus.

2/ L’attribution judiciaire du bien


Le droit d’attribution est une prérogative traditionnelle du créancier gagiste. Le principe de
l’attribution judiciaire est posé par l’article 104 al.2 de l’AUS aux termes duquel le créancier
peut aussi faire ordonner par la juridiction compétente que le bien gagé lui sera attribué en
paiement jusqu’à due concurrence du solde de sa créance et d’après estimation suivant les cours
(en général pour les biens qui font souvent l’objet de transactions sur les marchés
internationaux) ou à dire d’expert.
L’expertise a pour effet de déterminer la valeur exacte du bien et éviter toute complaisance de
la part du créancier qui pourrait sous évaluer le bien. Lorsque la valeur du bien excède le
montant de la dette garantie, la somme égale à la différence est versée au débiteur ou, s’il existe
d’autres créanciers gagistes, est consignée. La jurisprudence française admet notamment que
l’attribution du gage transfère la propriété au créancier et éteint la créance de celui-ci à
concurrence de sa valeur. L’effet translatif s’opère dès le jugement d’attribution (Cass. Com.,
24 janv. 2006 : JCP E2006, 1753, obs. Ph DELEBECQUE). Mais il faut préciser que cette
évaluation ne s’impose donc pas lorsque le gage porte sur des espèces c’est-à-dire sur une
somme d’argent. En cas de pluralité de gagistes sur un même bien, il faut admettre que seul le
gagiste de premier rang peut demander l’attribution judiciaire.

51
3/ L’attribution conventionnelle du gage

Jusqu’à la réforme intervenue en 2010, le droit du gage était dominé par l’interdiction du pacte
commissoire. L’ancien article 56-1 al 3 de l’AUS disposait notamment que : «Toute clause du
contrat autorisant la vente ou l’attribution du gage sans les formalités ci-dessus est réputée non
écrite ». Il s’agissait d’interdire aux parties d’autoriser le gagiste à se faire attribuer le bien sans
intervention du juge, tout ceci pour la protection en pratique des débiteurs contre les usuriers.
Avec le temps, des tempéraments ont été admis.

Désormais, il est permis aux parties de convenir, par l’effet d’un pacte commissoire, que la
propriété du bien gagé pourra être attribuée en paiement au créancier gagiste, faute de paiement.
Toutefois, l’attribution conventionnelle n’est prévue que lorsque le gage porte sur une somme
d’argent ou sur un bien dont la valeur fait l’objet d’une cotation officielle. Elle est également
envisagée pour les autres meubles corporels mais uniquement lorsque le débiteur de la dette
garantie est un débiteur professionnel. Mais, dans ce cas, le bien n’est attribué qu’après
estimation faite, au jour du transfert, par un expert désigné à l’amiable ou par voie judiciaire.
Toute clause contraire est réputée non écrite (art 104 al 3 AUS).
Lorsque la valeur du bien excède le montant de la dette garantie, la somme égale à la différence
est versée au débiteur ou, s’il existe d’autres créanciers gagistes, est consignée (art 105 AUS).
III/ L’extinction du gage

Le gage s’éteint par voie accessoire ou par voie principale.


- Par voie accessoire : il s’agit de l’effet naturel de la sûreté en tant qu’accessoire d’une
obligation principale. Aux termes de l’article 116 de l’AUS le gage prend fin lorsque
l’obligation qu’il garantit est entièrement éteinte, tant en capital, qu’en intérêts et autres
accessoires. L’extinction emporte ainsi restitution en cas de gage avec dépossession (art
113 AUS). Cette extinction de la créance peut intervenir par le paiement, la
compensation, la remise de dette, etc. De même, l’anéantissement de la créance par
annulation ou résolution devrait emporter l’extinction du gage et donc la restitution du
gage dans l’hypothèse où il est constitué avec dépossession.
- Par voie principale : Aux termes de l’article 117 de l’AUS, le gage avec dépossession
prend fin à titre principal, c'est à dire indépendamment de l’obligation qu’il garantit
lorsque : -le bien gagé est restitué au constituant volontairement ; -si le bien est perdu
par le fait du créancier gagiste (sans préjudice de responsabilité de sa part). Mais en cas
de perte fortuite de la chose par exemple du fait d’un incendie survenu au local abritant
les biens gagés, cela n’entraîne pas l’extinction du gage mais subrogation du créancier
dans l’indemnité d’assurance s’il en existe ; -la juridiction compétente en ordonne la
restitution pour faute du créancier gagiste en cas d’utilisation de la chose gagée par
exemple. Dans ce cas, pour sauver l’existence du gage, il est possible de désigner un
séquestre qui est tenu de se comporter comme un tiers convenu.
Dans toutes ces différentes hypothèses, le créancier gagiste devient un créancier chirographaire.

52
Paragraphe 2 : Les régimes spéciaux de gages

L’AUS contient de dispositions particulières portant sur certains types de gages que sont le gage
du matériel professionnel (I), le gage des véhicules automobiles (II) et le gage de stocks (III).

I/ Le gage du matériel professionnel


La réforme a eu pour effet d’apporter tout comme en droit français une clarification des règles
relatives à cette sûreté anciennement qualifiée de nantissement. Son domaine et ses modalités
de mise en œuvre ont été précisé par le législateur.

Le gage du matériel professionnel est assujettis aux règles de droit commun relatives au gage
prévu par les articles 92 à 117 de l’AUS. Sa particularité découle des dispositions de l’article
118 aux termes duquel le matériel professionnel faisant partie d'un fonds de commerce peut être
nanti en même temps que les autres éléments du fonds, conformément aux dispositions des
articles 162 à 165 de l’AUS.
Ce gage porte essentiellement sur des biens d’équipement professionnel, c’est-à-dire outillages
et matériels à l’exclusion des marchandises et autres biens de consommation. Ces biens doivent
être utilisés dans l’exercice de la profession (profession commerciale, professions libérales,
industrielles voire artisanales). Peu importe que le matériel soit neuf ou d’occasion. La sûreté
ne peut porter sur un matériel professionnel qui fait l’objet d’une réglementation spécifique par
la loi, à l’exemple des véhicules automobiles. Les bénéficiaires du gage de matériel
professionnel ne sont pas limités. Peuvent donc être garanties non seulement les créances nées
d’opérations d’achat à crédit de matériel mais également toutes les créances du propriétaire de
matériel.
La constitution du gage de matériel professionnel est régie par les dispositions du droit commun
du gage. Il doit être établi par écrit à peine de nullité et faire l’objet d’une inscription au RCCM
pour être opposable. A défaut d’inscription, le matériel doit être remis au créancier gagiste.
Mais cette modalité devrait être rare dans la pratique.
Pour sa réalisation, le créancier bénéficie des droits reconnus à tout créancier gagiste ; il a un
droit de suite et un droit de préférence et le droit de rétention si le gage a été constitué avec
dépossession. Conformément à l’article 226 AUS, le bénéficiaire du gage sur le matériel est
inscrit au quatrième rang.
II/ Le gage des véhicules automobiles

Rangé avant la réforme dans la catégorie des nantissements, la garantie portant sur les véhicules
automobiles est désormais régie par les règles spécifiques au gage. Ceci s’explique par la nature
du bien qui est corporel.
Le gage des véhicules automobiles permet d’offrir en gage les véhicules automobiles assujettis
ou non à une déclaration de mise en circulation et à immatriculation administrative. Un tel gage
pourra ainsi porter non seulement sur des véhicules de tourisme, mais également sur des engins
de chantier ou des machines agricoles, à condition qu’ils disposent d’un moteur propre à les
mouvoir.

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Si le véhicule offert en gage n’est pas soumis à déclaration de mise en circulation ni à
immatriculation administrative, il pourra faire l’objet d’un gage dans les conditions du droit
commun. Il doit donc être établi par écrit et faire l’objet d’une inscription au RCCM. Cette
inscription conserve les droits des créanciers pour la durée convenue par les parties et qui ne
saurait excéder dix ans à compter de l’inscription.

L’unique règle spécifique au gage de véhicules automobiles ne trouve à s’appliquer que si ceux-
ci sont soumis à déclaration de mise en circulation ou immatriculation d'administration.
L’article 119 de l’Acte uniforme dispose en effet que dans ce cas, le gage doit être mentionné
sur le titre administratif portant autorisation de circuler et immatriculation. Dès lors, en cas de
cession du véhicule, le tiers acquéreur doit être informé de l’existence du gage et du droit de
suite conféré au créancier gagiste. La portée de cette information doit toutefois être relativisée,
en ce que l’absence de cette mention ne remet pas en cause la validité ou l’opposabilité du gage
dûment inscrit au Registre du commerce et du crédit mobilier.

Cette obligation n’est donc pas sanctionnée et l’inscription au Registre suffira, à l’instar des
autres sûretés réelles, à assurer l’opposabilité du gage de véhicules automobiles, soumis ou non
à déclaration et immatriculation, vis-à-vis des tiers.
Faute de paiement de la créance à l’échéance, le créancier bénéficiaire d’un gage sur véhicule
automobile procède à la réalisation de la sûreté. Il dispose pour cela et conformément au droit
commun de trois possibilités : faire procéder à la vente forcée du véhicule, demander
l’attribution judiciaire ou obtenir l’attribution en propriété du véhicule si les parties en avaient
convenu dans le contrat et si le débiteur est un débiteur professionnel et ce, conformément à
l’article 104 AUS.

III/ Le gage de stocks


A la différence de l’ancien art 100 de l’AUS qui donnait une définition du gage de stock, le
nouvel article 120 se contente d’évoquer « les matières premières, les produits d’une
exploitation agricole ou industrielle et les marchandises » comme assiette du gage de stocks.

Tout comme les autres gages spéciaux, le gage de stocks obéit aux règles de droit commun du
gage sur meubles corporels et, plus particulièrement, aux dispositions du gage de choses
fongibles, dans la mesure où le gage de stocks ne peut porter que sur les matières premières, les
produits d’une exploitation agricole ou industrielle et les marchandises qui peuvent être de
nature fongible c’est-à-dire qu’il s’agit d’une quantité de choses d’égale valeur et
interchangeables (ex. pétrole, café, blé, sucre ) qui s’opposent aux corps certains qui sont
individualisés dès l’origine. Le stock se caractérise plus par sa valeur que par la quantité de
biens qui le composent à un moment donné puisque, par hypothèse, il est appelé à se renouveler.

Toutefois, la condition de fongibilité, qui était requise pour le nantissement de stocks sous
l’empire de la précédente version de l’Acte uniforme, n’est plus exigée par le nouvel Acte
uniforme.

a. La constitution du gage de stocks


En application de l’article 120 AUS qui renvoie aux règles de droit commun, le gage des stocks
est constitué par écrit sous peine de nullité et doit faire l’objet, pour son opposabilité d’une
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remise de la chose objet du gage au créancier ou de l’inscription du gage au RCCM suivant les
règles prévues par les articles 51 et s. de l’AUS. Bien que les deux modalités soient prévues, le
gage des stocks sera très souvent constitué sous forme de gage sans dépossession. C’est
probablement la raison pour laquelle les rédacteurs de la réforme de l’AUS ont prévues des
règles particulières lorsque le gage est fait sans dépossession. Il résulte ainsi de l’article 121
que lorsque le gage est constitué suivant cette modalité, il peut donner lieu à l’émission par le
greffier ou par le responsable de l’organe compétent de l’Etat partie, d’un bordereau de gage de
stock. Dans ce cas, l’écrit constitutif du gage doit comporter, à peine de nullité, outre les
mentions prévues par l'article 96, le nom de l'assureur qui couvre les stocks gagés contre les
risques de vol, d'incendie et de détérioration totale ou partielle ainsi que la désignation de
l’établissement domiciliataire du bordereau de gage de stocks.
Après l’inscription du gage au RCCM, le bordereau est remis au débiteur. Il doit comporter de
façons apparentes certaines mentions. La mise en gage du stock se fera donc en réalité par la
remise du bordereau au créancier gagiste par voie d'endossement signé et daté. En l'absence de
remise du bordereau, le créancier gagiste ne peut se prévaloir de la seule inscription de la sûreté
au RCCM. Le bordereau peut ensuite être endossé et avalisé dans les mêmes conditions qu'un
billet à ordre avec les mêmes effets. L'endossement confère au porteur du bordereau la qualité
et les droits d'un créancier gagiste. A défaut de convention contraire, la durée de validité du
bordereau est de cinq ans à compter de la date de son émission, sauf renouvellement (art. 122
AUS).

b. Obligations et prérogatives du constituant


Elles résultent pour l’essentiel de la nature fongible des biens gagés.

-S’agissant des obligations, le constituant doit premièrement maintenir la valeur du stock. Ainsi,
comme les biens faisant partie du stock sont par nature des choses fongibles, il bénéficie
implicitement d’une faculté de remplacement c’est-à-dire qu’il peut utiliser les biens, pourvu
qu’il les remette aussitôt. Cette interdiction de ne pas diminuer la valeur du stock est renforcée
par l’obligation qui lui est faite de tenir constamment à la disposition du créancier et du banquier
domiciliataire du bordereau l’état des biens gagés ainsi qu’une comptabilité de toutes les
opérations les concernant. La diminution de la valeur des stocks a pour conséquence la
déchéance du terme de la dette garantie. A défaut, le créancier peut solliciter un complément
de gage (art. 109 AUS).
Ensuite, le constituant doit assurer les stocks contre les risques de vol, d'incendie et de
détérioration totale ou partielle. Il doit également assurer l’immeuble où sont entreposés les
stocks. Tout ceci dans le but de renforcer la protection du créancier.

-s’agissant des prérogatives, l’article 124 de l’AUS reconnait au constituant émetteur du


bordereau de gage de stocks, qui est par principe propriétaire, le droit de vendre les stocks gagés
à condition de ne les livrer qu’après consignation auprès de l’établissement domiciliataire. Ce
peut être avantageux pour le créancier bénéficiaire lorsque le gage porte sur des biens dont le
dépérissement est rapide.

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c. La réalisation du gage
Lorsque le débiteur ne remplit pas ses obligations relativement au payement de la dette à
l’échéance, le créancier gagiste ou le porteur du bordereau peut procéder à la réalisation du
stock mis en gage. Il bénéficie des mêmes prérogatives que les autres créanciers gagistes à
savoir qu’il bénéficie d’un droit de suite et d’un droit de préférence. Il peut également comme
tout gagiste, demander l’attribution judiciaire et s’il en a été convenu dans le contrat et que les
conditions en sont réunies, se voir attribuer la propriété des stocks. En droit français, cette
attribution conventionnelle est expressément refusée au créancier gagiste.
Section 2 : LE NANTISSEMENT DE MEUBLES INCORPORELS

Défini par l’article 125 de l’AUS comme étant l’affectation d’un meuble incorporel ou d’un
ensemble de meubles incorporels présents ou futurs à la garantie d’une ou plusieurs créances
présentes ou futures à condition que celles-ci soient déterminées ou déterminables, le
nantissement est une sûreté mobilière incorporelle par opposition au gage qui est une sûreté
mobilière corporelle.
Le législateur communautaire n’a pas prévu de régime général en matière de nantissement.
L’article 126 de l’AUS se contente d’énumérer une liste non exhaustive des différentes sortes
de biens incorporels susceptibles d’être nantis. Ainsi, le nantissement peut porter sur les
créances (§1), les droits d’associés, les valeurs mobilières (§2) et le compte de titres financiers
(§3), les droits de propriété intellectuelle (§4) et le fonds de commerce (§5).
Paragraphe 1 : Le nantissement de créance

Le nantissement de créance est une sûreté dont le régime parait délicat à déterminer. L’assiette
de la garantie est une créance dont est titulaire le constituant envers un tiers. Le droit conféré
au créancier est un droit contre une personne, le débiteur de la créance nantie. L’opération
modifie ainsi les droits entre le créancier initial et son débiteur. Elle fait naitre une nouvelle
relation entre le créancier nanti et le débiteur.
L’Acte Uniforme prévoit un régime de droit commun en matière de nantissement de créance
(I) mais un régime spécial peut être observé relativement au nantissement de compte bancaire
(II).

I/ Le régime de droit commun


La constitution du nantissement de créance requiert la réunion de plusieurs conditions. Il s’agit
notamment des conditions de fond (A) et de forme(B) qu’il convient d’analyser avant les règles
de mise en œuvre de la garantie (C).

A/ Les conditions de fond


Elles portent essentiellement sur la créance nantie et la créance garantie.

S’agissant de la créance nantie, le nantissement peut avoir pour assiette une créance présente
ou future à condition que celles-ci soient déterminées ou déterminables. L’abandon de la remise
de la chose comme condition de validité du nantissement permet en effet la constitution de
nantissements portant sur des créances futures. Par « créance future », il y a lieu d’entendre les

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créances déjà nées mais à terme et les créances à naître, c’est-à-dire résultant d’un acte ou d’un
fait juridique non encore survenu. Le créancier peut également se faire céder un ensemble de
créance voire même une fraction seulement de la créance sauf si elle est indivisible. Le
nantissement s’étend aux accessoires de la créance.
Aucune exigence n’est requise quant à la nature de la ou des créances nanties. En effet, toutes
les créances peuvent être nanties : elles peuvent être contractuelles ou délictuelles, civiles ou
commerciales et même d’origine étrangère.

Quant à la créance garantie, le nantissement peut garantir toute créance du débiteur à l’égard
du créancier nanti peu importe que cette créance soit présente ou future, à condition toutefois
d’être déterminées ou, à tout le moins, déterminables.
B/ Les conditions de forme

Le nantissement de créances est soumis à une triple formalité portant sur l’écrit, l’inscription
au RCCM et la notification au débiteur de la créance garantie.

Aux termes de l’article 127 de l’AUS, le nantissement de créances doit, à peine de nullité « être
constaté dans un écrit ». L’acte doit désigner les créances garanties et les créances nanties. Si
les créances sont futures, il doit être mentionné à l’acte les éléments qui permettent leur
individualisation tels que l’indication du débiteur, le lieu de paiement, le montant des créances
ou leur évaluation le cas échéant, leur échéance.

Comme toutes les sûretés réelles, le nantissement de créance doit respecter, des conditions
d’opposabilité, qui auront pour but d’informer les tiers de l’existence des sûretés, afin que le
créancier puisse leur opposer son droit. Il y a lieu, à cet égard, de distinguer les formalités
d’opposabilité accomplies d’une part à l’égard du débiteur de la créance nantie et, d’autre part,
à l’égard des autres tiers.
Pour être opposable au débiteur de la créance nantie, le nantissement doit lui être notifié. La
notification au débiteur de la créance nantie a pour effet de rendre le contrat opposable à son
égard. Elle doit être faite par écrit, à défaut, le débiteur doit intervenir à l’acte. Il s’agit
d’affirmer les droits du gagiste sur la créance qui est affectée en garantie, d’interdire au débiteur
de se libérer entre les mains du créancier originaire sous peine de régler deux fois la même
dette, car qui paye mal paye deux fois. En l’absence de notification, le constituant a le droit de
recevoir valablement le paiement mais à l’échéance, il doit en verser le montant au créancier
sauf clause contraire et moyennant le respect des dispositions de l’article 134 de l’Acte
uniforme révisé portant organisation des sûretés.

A l’égard des autres tiers créanciers du constituant, le nantissement leur est rendu opposable à
dater de son inscription au RCCM, conformément aux modalités régies par le droit commun
des inscriptions des suretés mobilières au RCCM.
C/ La réalisation du nantissement de créance
Le nantissement de créance ne peut être mis en œuvre comme une garantie portant sur un bien
meuble corporel. La réalisation de la sûreté se traduit par le droit reconnu au créancier de

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réclamer le paiement au débiteur de son débiteur. La créance nantie n’est cependant pas toujours
exigible à la même date que la créance garantie.
La réalisation du nantissement de créance est, ainsi, influencée par les échéances respectives de
la créance nantie et de la créance garantie.
Lorsque la créance nantie vient à échéance avant la créance garantie, le créancier ne peut
s’approprier les sommes reçues du débiteur, dans la mesure où cette appropriation vaudrait
paiement de la créance garantie, alors même qu’elle n’est pas encore exigible. Dans ce cas,
l’article 134 de l’AUS dispose que le créancier nanti conserve les sommes à titre de garantie
sur un compte ouvert auprès d’un établissement habilité à recevoir, à charge pour lui de les
restituer au constituant si l’obligation garantie est exécutée. Le nantissement de créance initial
se transforme alors en en une sûreté-propriété sur une somme d’argent.

Lorsque la créance garantie arrive à échéance avant la créance nantie, le créancier nanti
dispose alors d’une option. Il peut se faire attribuer la créance, soit par attribution judiciaire,
soit par l’effet d’un pacte commissoire. Le créancier nanti peut également attendre l’échéance
de la créance nantie. Pour recevoir le paiement de la créance nantie, il devra au préalable avoir
pris soin de notifier le nantissement
Lorsque le créancier nanti perçoit les intérêts de la créance garantie, il les impute sur ce qui lui
est dû. Et s’il perçoit une somme supérieure au montant de sa créance, il est tenu du surplus à
l’égard du constituant.
II/ Les règles propres au nantissement de compte bancaire

Aux termes de l’article 136 de l’AUS, le nantissement de compte bancaire « est un nantissement
de créance ». En conséquence, le régime de droit commun sus évoqué lui est applicable sous
réserve des règles particulières qui le concerne.
Lorsque le nantissement porte sur un compte bancaire, la créance nantie s’entend du solde
créditeur provisoire (arrêté provisoire) ou définitif (en cas de clôture du compte) au jour de la
réalisation de la sûreté ou au jour de l’ouverture d’une procédure collective contre le débiteur
sous réserve des opérations en cours (chèque émis, virement). L’article 138 permet aux parties
de déterminer les conditions dans lesquelles le débiteur (constituant) pourra continuer à disposer
des sommes inscrites sur le compte nanti. Quant à l’article 139, il précise que le nantissement
de compte bancaire subsiste tant que le compte n’a pas été clôturé et que la créance garantie n’a
pas été intégralement payée. La sûreté est réalisée dans les mêmes conditions que le
nantissement de créance.

Paragraphe 2 : Le nantissement des droits d associes et valeurs mobilières


Sous l’empire de l’ancien Acte Uniforme, les titres sociaux faisaient déjà l’objet d’une
règlementation. Il constitue le droit commun des sûretés portant sur les titres non dématérialisés
ou inscrits en compte. Les titres sociaux peuvent faire l’objet de diverses opérations telles que
la cession, la saisie ou le nantissement réglementé par les articles 140 à 145. L’article 140
dispose à cet effet que « les droits d’associés et valeurs mobilières des sociétés commerciales
et ceux cessibles des personnes morales assujetties à l’immatriculation au RCCM peuvent faire

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l’objet d’un nantissement conventionnel ou judiciaire ». Qu’il soit conventionnel ou judiciaire,
il n’y a pas de véritable différence quant à la forme et aux effets. Sauf que lorsqu’il est judiciaire,
il comporte deux phases : une phase provisoire qui aboutit à l’inscription provisoire et une phase
définitive qui conduit à l’inscription définitive du nantissement au vu de la décision définitive
qui valide l’inscription provisoire.

La constitution de ce type de nantissement requiert la réunion de plusieurs conditions


notamment de fond (I) et de forme (II) que nous examinerons avant de voir les modalités de
réalisation d’une telle garantie (III).
I/ Les conditions de fond

Le nantissement des droits d’associés et valeurs mobilières est soumis, comme toute
convention, aux conditions de droit commun de validité des conventions. Les parties doivent
être juridiquement capables de conclure un nantissement, sous peine de le voir annulé pour vice
de consentement. Ce qui exclut ainsi du champ contractuel les mineurs et majeurs interdits par
la loi.
Le nantissement des droits d’associés et valeurs mobilières, qu’il soit conventionnel ou
judiciaire, porte uniquement sur les droits d’associés et valeurs mobilières des sociétés
commerciales et sur ceux cessibles de toute autre personne morale assujettie à l’immatriculation
au RCCM (art.140 AUS).

La liste des sociétés commerciales est aisée à obtenir, dans la mesure où l’Acte uniforme relatif
aux sociétés commerciales et au groupement d’intérêt économique les énumère. Sont ainsi des
sociétés commerciales : les sociétés en nom collectif, les sociétés en commandite simple, les
sociétés à responsabilité limitée, les sociétés anonymes et le groupement d’intérêt économique
(art.6 AUSCGIE).
S’agissant des personnes morales assujetties à immatriculation au RCCM, la tâche est assez
difficile dans la mesure où cette inscription est ouverte à toutes personnes morales soumises par
des dispositions légales à l’immatriculation. Tombent ainsi dans le champ d’application de cette
sûreté : les droits d’associés des sociétés civiles, mais également les titres émis par toute autre
catégorie de personne morale soumise par une loi nationale à pareille inscription.

Eu égard à ces considérations, peuvent donc faire l’objet d’un nantissement des droits
d’associés et valeurs mobilières :
- Les droits d’associés, soit les actions des sociétés anonymes ou les parts sociales des sociétés
en nom collectif, en commandite simple et à responsabilité limitée ;

- Les valeurs mobilières, à savoir les titres négociables qui confèrent des droits semblables par
catégorie et qui donnent droit, directement ou indirectement, à une quotité du capital social
d’une personne morale ou à un droit de créance sur une personne morale immatriculée au
RCCM.
- Les titres participatifs, les certificats d’investissement, dès lors qu’ils sont émis par les sociétés
commerciales et qu’ils sont cessibles ;

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- les titres émis par les groupements d’intérêt économique, puisque la loi parle de personnes
morales soumises à immatriculation.
II/ Les conditions de forme

Aux termes de l’article 141 de l’AUS, le nantissement des droits d’associés et des valeurs
mobilières doit, à peine de nullité « être constaté dans un écrit » dans lequel apparaissent des
mentions obligatoires. Ainsi qu’il soit conventionnel ou judiciaire, l’acte de nantissement ou la
décision autorisant la constitution d’une telle sûreté doit comporter les mentions suivantes :

1° la désignation du créancier, du débiteur et du constituant du nantissement si celui-ci n’est


pas le débiteur ;

2° le siège social et le numéro d’immatriculation au registre du commerce et du crédit mobilier


de la personne morale émettrice des droits d’associés et de valeurs mobilières ;

3° le nombre ou le moyen de déterminer celui-ci et, le cas échéant, les numéros des titres nantis ;
4°les éléments permettant l’individualisation de la créance garantie tels que son montant ou son
évaluation, sa durée ou son échéance.
Le nantissement judiciaire peut ainsi être ordonné par le juge compétent dans les conditions
prévues pour la saisie des titres sociaux prévue dans l’AUPRSVE mais également selon les
règles de l’AUSCGIE (art.772, 319 et 322).
Par ailleurs, comme tout nantissement, le nantissement des droits d’associés et des valeurs
mobilières, pour être opposable aux tiers doit être publié au RCCM (art.143 AUS).
Lorsque le nantissement est judiciaire, une inscription provisoire doit être prise dès que
l’ordonnance du juge autorisant le nantissement est rendue et une inscription ; et une inscription
définitive après la décision de validation du nantissement provisoire passée en force de chose
jugée. Il s’agit des mesures de publicité organisées également par l’AUSCGIE aux articles 322
et 772 à propos des parts sociales et des actions.

Outre cette inscription, le nantissement conventionnel ou judiciaire peut être signifié ou


notifié à la société commerciale ou à la personne morale émettrice des droits d’associés et
valeurs mobilières ou des titres constatant les droits des associés. La signification du
nantissement à la société émettrice des titres apportés en nantissement ne doit plus être
considérée comme une obligation, mais comme une faculté, contrairement à ce qui était prévu
par l’ancien Acte uniforme portant organisation des sûretés.

En pratique, les parties conviendront le plus souvent de limiter la notification ou la signification


du nantissement à la société émettrice des titres, aux cas requis par l’AUSC.

III/ Effets et réalisation du nantissement


Le nantissement des titres sociaux confère au créancier un droit de suite et un droit de
préférence qui sont mis en œuvre comme en matière gage (art.144 AUS). Le créancier peut
donc suivre le titre s’il passe en d’autres mains, par exemple en cas de cession, pour le saisir, le
faire vendre et se payer sur le prix dans les mêmes conditions qu’en matière de gage. Il peut

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même percevoir les fruits des droits sociaux et des valeurs mobilières nanties, à condition d’en
avoir convenu dans l’acte de nantissement.
A défaut de paiement de la dette, le créancier peut, soit faire procéder à la vente forcée, soit
demander l’attribution judiciaire du titre jusqu’à due concurrence et d’après estimation faite par
expert ou suivant les cours. Pour les sociétés dont les titres sont cotés en bourse, l’art. 145
prévoit que le créancier peut les faire exécuter en bourse. Ainsi, le cours des titres sur le marché
permet de déterminer leur valeur.

Paragraphe 3 : Le nantissement de compte de titres financiers


Bien qu’il soit associé au nantissement des droits d’associés et des valeurs mobilières dans
l’énumération faite par l’article 126, ce nantissement dispose d’un régime qui lui est propre. Le
compte de titre financier s’entend comme un compte constatant le dépôt en banque, chez un
agent de change ou dans un établissement financier, de valeurs mobilières sur lesquelles le
dépositaire exerce sa surveillance (tels encaissement des coupons, vérification des opérations
importantes, achat, vente de titres), à charge de restituer les valeurs mêmes qui ont été déposés
ou celles qui restent après exécution des opérations de vente et d’achat.
L’article 146 de l’AUS défini le nantissement de compte de titres financiers comme étant : « la
convention par laquelle le constituant affecte en garantie d’une obligation l’ensemble des
valeurs mobilières et autres titres financiers figurant dans ce compte ».

L’assiette du nantissement porte sur un ou plusieurs titres ou instruments financiers inscrits


dans un compte et qui peuvent être de natures diverses. Il peut s’agir des valeurs mobilières
(actions, obligations) mais aussi d’autres titres. Le compte peut même comporter des sommes
d’argent qui représentent en général le produit ou les fruits (dividendes) des titres inscrits en
compte.
S'agissant des formalités, ce nantissement est constitué tant entre les parties qu’à l’égard de la
personne morale émettrice et des tiers par une déclaration datée et signée par le titulaire du
compte. Cette déclaration contient, à peine de nullité, certaines mentions énumérées à l’art. 147.
L’inscription au RCCM n’est pas une formalité obligatoire. Le créancier nanti peut obtenir du
teneur de compte, une attestation de nantissement comportant l’indication des titres financiers
et des sommes inscrites. Il peut aussi obtenir du teneur de compte spécial une attestation
d’inventaire des sommes inscrites au crédit de ce compte (art. 150).

Le titulaire des sommes et titres nantis peut continuer à en disposer dans les conditions définies
d’accord parties avec le créancier. Le teneur de compte lorsqu’il n’est pas créancier nanti doit
être informé des conditions de disposition et il est tenu de les respecter. Le créancier nanti
bénéficie d’un droit de rétention fictif sur les titres et sommes. La violation de ce droit de
rétention a pour conséquence l’inopposabilité des actes conclus. Ce droit de rétention est
également utile en cas d’ouverture d’une procédure collective contre le constituant.
S’agissant de la réalisation du nantissement de comptes de titres financiers, il faut dire que
conformément à l’article 152 de l’Acte uniforme, le créancier nanti peut, à condition qu’il soit
titulaire d’une créance certaine, liquide et exigible, réaliser le nantissement huit jours ou à
l’échéance de tout autre délai préalablement convenu avec le titulaire du compte après mise en
61
demeure du débiteur, remise en mains propres ou adressée par courrier recommandé. Il n’y a
pas besoin d’intervention du juge. Différents modes de réalisation sont toutefois prévus par
l’acte uniforme notamment : Le transfert direct en pleine propriété des sommes figurant dans
le compte ( comparer avec le transfert fiduciaire de sommes d’argent); la vente des titres inscrits
dans le compte au besoin sur le marché financier pour les titres des sociétés cotées en bourse
par le créancier nanti ou le teneur de compte ( s’il est différent); l’attribution en pleine propriété
des titres nantis (art.154 AUS).

Paragraphe 4 : Le nantissement des droits de propriété intellectuelle


C’est une convention par laquelle le constituant affecte en garantie tout ou partie de ses droits
de propriété intellectuelle, existants ou futurs, tels que des brevets d’invention, des marques de
fabrique et de commerce, des dessins et modèles (art.156 AUS).

L’assiette de la garantie : Elle porte donc ici sur des droits de propriété intellectuelle qu’ils
soient présents ou futurs. Le législateur communautaire énumère une liste non exhaustive des
biens ou droits pouvant faire l’objet d’un tel nantissement car il en existe biens d’autres à
l’exemple des droits de propriété littéraire et artistique. Si l’assiette de la garantie est étendue à
tout type de biens, l’article 159 de l’AUS dispose toutefois que le nantissement des droits de
propriété intellectuelle ne s’étend pas, sauf stipulation contraire des parties, aux accessoires et
aux fruits résultant de l’exploitation du droit de propriété intellectuelle, objet du nantissement.

La constitution: Le nantissement de droits de propriété intellectuelle doit être établi


obligatoirement par écrit comportant certaines mentions à peine de nullité (art.157 AUS). Le
contrat doit ensuite faire l’objet d’inscription au RCCM pour être opposable aux tiers. En plus
de ces formalités communes à tous les nantissements, le nantissement des droits de propriété
intellectuelle doit faire l’objet d’inscription dans les registres de propriété intellectuelle dans les
conditions prévues par les réglementations particulières. Le nantissement doit être également
publié lorsque les législations particulières le prévoient.
Les effets : Pour ce qui est des prérogatives, le nantissement confère au créancier le droit de
suite et le droit de préférence comme en matière de gage. La réalisation du nantissement se fait
suivant les conditions de droit commun c’est-à-dire comme en matière de gage (article 161
AUS).
Paragraphe 5 : Le nantissement du fonds de commerce

A la lecture de l’article 162 de l’AUS aux termes duquel le nantissement de fonds de commerce
« est la convention par laquelle le constituant affecte en garantie d’une obligation, les éléments
incorporels constitutifs du fonds de commerce à savoir la clientèle et l’enseigne ou le nom
commercial », ce dernier ne porterait que sur les éléments incorporels sus cités notamment la
clientèle, l’enseigne et le nom commercial qui doivent être considéré comme des éléments
obligatoires et minimaux pour la constitution d’un fonds de commerce et de son nantissement.
Mais il est également admis que ce nantissement puisse porter sur d’autres éléments incorporels
tels que le droit au bail commercial, les licences d’exploitation, les brevets d’invention, les
marques de fabrique et de commerce, il peut même être étendu au matériel professionnel qui
peut faire l’objet d’un gage séparé. Cette extension d’éléments doit au préalable faire l’objet
62
d’une clause spéciale désignant les éléments engagés et elle doit être soumise à des mesures de
publicité au RCCM. Le nantissement ne peut pas porter sur les marchandises ou sur les
créances. Tous les éléments grevés du nantissement garantissent de manière indivisible la
totalité de la créance sans distinguer entre la part de la créance affectée aux éléments incorporels
et celle affectée au matériel.

En la forme, le nantissement doit être constaté à peine de nullité par écrit (art.163 AUS). Cet
acte doit comporter obligatoirement certaines mentions : noms et domicile des parties
(créancier, débiteur ou tiers constituant), numéro d’immatriculation du débiteur au RCCM,
désignation précise du fonds ( siège et succursales), désignation des éléments nantis, montant
de la créance en précisant les conditions d’exigibilité et les intérêts, élection de domicile du
créancier. Le nantissement doit être inscrit au RCCM (art. 165) et est valable pour la durée de
l’inscription.
Effets et réalisation : Concernant les effets du nantissement de fonds de commerce, il y a
lieu de souligner que ce dernier vise à garantir le principal et deux années d’intérêts, sauf
stipulation contraire, pendant une durée librement convenue par les parties sans pouvoir être
supérieure à dix années.
Le nantissement, une fois inscrit au RCCM, confère au créancier nanti un droit de suite et de
préférence comme en matière de gage. A travers le droit de suite, le créancier dispose, lorsque
le débiteur manque de payer sa créance à l’échéance, du droit saisir le bien, de procéder à la
vente forcée des éléments du fonds de commerce et d’en recevoir le payement pour le principal
de la créance et des intérêts. Dans la pratique, le droit de suite est rarement mis en œuvre, car
l’acquéreur du fonds peut s’affranchir des sûretés inscrites par une procédure de purge, comme
en matière d’hypothèque. Il faut aussi souligner que le droit de suite ne s’exerce que sur la vente
du fonds en entier et non sur celle de ses différents éléments. Le droit de préférence est reconnu
quant à lui au créancier nanti dans les mêmes conditions que les autres créanciers.
Le créancier bénéficie également de mesures protectrices contre les agissements du constituant
qui a conservé l’usage et le droit de disposer du fonds. Il en est ainsi, en cas de vente du fonds
ou d’éléments séparés du fonds (art 174 AUS). De même, le créancier inscrit, s’il ne peut
s’opposer à la vente peut, conformément à l’article 177 AUS former une surenchère au 1/10e
du prix global figurant dans l’acte de vente c’est-à-dire proposer de rattacher au prix proposé
majoré de 10%. En outre, si le commerçant a l’intention de déplacer le fonds, il doit en informer
le créancier à l’avance en indiquant le nouvel emplacement. S’il ne respecte pas cette obligation,
il y a déchéance du terme. Par ailleurs, il peut arriver que le propriétaire des locaux abritant le
fonds envisage de résilier le bail, par exemple pour défaut de payement des loyers. Dans ce cas,
il lui est fait obligation de notifier sa demande au créancier inscrit et la résiliation ne produit
effet qu’à l’expiration d’un délai de 2 mois suivant la notification. Pendant ce délai, les
créanciers peuvent échapper aux conséquences de la résiliation en payant le propriétaire à la
place du locataire. En l’absence de notification, la résiliation est inopposable au créancier.

63
Chapitre 3 : LA PROPRIETE-SÛRETE EN DROIT OHADA

L’affaiblissement du droit de préférence procuré par les sûretés réelles, du fait de leur
multiplication, d’une part, du fait de l’incidence des procédures collectives, d’autre part, a
amené les créanciers désireux d’échapper à la loi du concours à s’intéresser à des garanties
reposant sur l’exclusivité plutôt que sur la préférence qui caractérise le droit spécifique du
titulaire d’une sûreté réelle. Cette nouvelle fonction sécuritaire recherchée dans le droit de
propriété constitue une évolution majeure du droit du crédit.

Aux termes de l’article 4 al 2 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés, la propriété
utilisée à des fins de garantie « consiste dans le droit du créancier de recouvrer la libre
disposition d'un bien dont il est propriétaire à titre de garantie de cette obligation ». Ce sont
des moyens qui permettent au créancier d’invoquer, de retenir ou de recouvrer un droit de
propriété à titre de garantie.
La nouvelle réglementation de la propriété-sûreté repose sur la distinction classique : propriété
retenue (Section 1) ou cédée (Section 2) à titre de garantie.
Section 1 : LA PROPRIETE RETENUE A TITRE DE GARANTIE

La propriété est retenue à titre de garantie, lorsque celui qui fait crédit conserve la propriété du
bien vendu ou financé jusqu’à complet remboursement. La principale manifestation en est la
réserve de propriété. Elle a pour but de suspendre l’effet translatif d’un contrat jusqu’au
paiement complet du prix. Pour en comprendre l’étendue, nous verrons d’une part les conditions
de mise en œuvre (I) et d’autre part ses effets (II).

I. LES CONDITIONS DE VALIDITE


Elles sont relatives à l’acte de garantie (A) et à la publicité (B).

A. La nécessité d’un écrit


Pour être valable, la clause de réserve de propriété doit, à peine de nullité, être convenue par
écrit au plus tard au jour de la livraison du bien (AUS article 73). L’Acte uniforme reprend pour
l’essentiel plusieurs conditions de validité énoncées auparavant par l’Acte uniforme portant
droit commercial général. En effet, l’ancien article 284 alinéa 2 de l’Acte uniforme sur le droit
commercial général disposait que : « la clause de réserve de propriété n’aura d’effet entre les
parties que si l’acheteur en a eu connaissance par sa mention dans le contrat de vente, le bon
de commande, le bon de livraison, et au plus tard au jour de celle-ci ».
La portée de cette exigence diffère selon qu’on est en droit des sûretés ou en droit des entreprises
en difficulté. Dans le premier cas, au regard des dispositions de l’article 73, il apparaît que
l’écrit est un élément de preuve de la réserve de propriété étant donné que le législateur se
prononce très clairement sur la condition d’opposabilité de la réserve de propriété. De la sorte,
il est un acte de validité visant à exprimer la volonté aussi bien du créancier réservataire que du
débiteur. Dans le droit des entreprises en difficulté, l'exigence d'une clause « convenue entre
les parties dans un écrit » n'est pas une règle de preuve mais une condition d'opposabilité de la
clause à la masse des créanciers (article 103 AUPC).

64
Par ailleurs, le législateur précise dans l’article 73 de l’AUS que la réserve de propriété peut
être convenue dans un écrit régissant un ensemble d’opérations présentes ou à venir entre les
parties. Ce passage reprend les solutions énoncées en droit positif français notamment par la loi
du 10 juin 1994 en son article 121 al 2 et des décisions jurisprudentielles. Tout comme en droit
français, la clause de réserve de propriété peut figurer dans une convention-cadre. Il s’agira par
exemple des conditions générales de vente acceptées par l’acquéreur. Les parties n’auront plus
besoin de conclure à chaque fois une clause de réserve de propriété la mention faite initialement
dans le contrat de base suffira.
En dépit d’un certain alignement du régime de la réserve de propriété en droit Ohada sur celui
du droit français, le législateur africain fait tout de même preuve d’exception en soumettant
l’opposabilité de la réserve de propriété à une exigence de publicité.

B. Condition d’opposabilité : la publicité


En matière d’opposabilité, le législateur Ohada fait preuve d’originalité. Il s’écarte plus ou
moins du régime adopté par le droit français.
En effet, en droit français, pour être opposable aux tiers, la clause doit avoir été convenue entre
les parties dans un écrit établi au plus tard au moment de la livraison3. Et en cas d’ouverture
d’une procédure collective, elle doit avoir été convenue simplement dans un écrit. Pourtant, un
projet de réforme générale du régime des sûretés avait été engagé pour aboutir à une
généralisation de l’exigence de publicité.
La spécificité du droit Ohada résulte de la soumission de l’opposabilité aux tiers de la réserve
de propriété à l’accomplissement d’une formalité de publicité qui était déjà énoncé au sein de
l’ancien article 284 de l’AUDCG. L’Acte uniforme ne se contente pas de maintenir ici une règle
déjà existante. La reforme a été l’occasion pour le législateur de clarifier les règles relatives à
l’inscription des sûretés. On peut constater une légère préférence accordée au créancier
réservataire.
Ces dispositions permettent de préserver l’efficacité de la réserve de propriété. Car s’il n’en
avait pas été ainsi, la possibilité de céder en garantie d’un crédit toutes les créances futures,
aurait remis en cause les effets de la réserve de propriété. L’obligation d’inscription de la clause
de réserve de propriété permet au vendeur impayé de faire valoir plus facilement ses droits,
notamment par l’exercice d’une action en revendication.

II. LES EFFETS DE LA RESERVE DE PROPRIETE


Les effets de la réserve de propriété peuvent être appréciés Selon que le débiteur défaillant est
dans une situation financière bénéfique (A) ou qu’il fait l’objet d’une procédure collective (B)
A. En cas de défaillance du débiteur in bonis

Aux termes de l’article 77 AUS le créancier bénéficiaire d’une clause de réserve de propriété
peut, à défaut de paiement du débiteur à l’échéance, demander la restitution du bien afin d’en
recouvrer la jouissance ou reporter son droit de propriété sur la créance du débiteur.

3 65
Article L. 624-16 du code de commerce français.
Comment procède-t-on à la restitution du bien ?

- Il s’agit d’une action en restitution du bien exercée conformément à l’acte uniforme


portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies
d’exécution. Selon l’article 19 de cet acte uniforme celui qui se prétend créancier d’une
obligation de restitution d’un bien meuble corporel déterminé, peut demander au
président de la juridiction compétente d’ordonner cette restitution. 2 conditions doivent
être réunies : -que le bien concerné soit un meuble corporel déterminé 4 et -que le
requérant se prétende créancier d’une obligation de restitution de ce bien. Dès que la
décision de restitution est revêtue de la formule exécutoire, il incombe au débiteur de
restituer ou de délivrer la chose. La reprise du bien par le créancier lui confère à nouveau
le droit d’en disposer (il peut ainsi le revendre) ;

Sur quoi s’exerce l’action en restitution ?


- Bien que l’AUPRVE réduit l’action aux seuls biens meubles corporels, l’AUS étend e
champs d’application aux biens incorporés et fongibles. Dans le 1e cas selon l’art 76 de
l’AUS la demande en restitution n’est possible que lorsque ces biens peuvent être
séparés sans subir de dommage. A défaut le tout appartient au proprio de la chose qui
forme la partie principale ; dans le 2e cas5, selon l’article 75 AUS cela s’exerce sur les
biens de même espèce et de même qualité et ce à concurrence de la créance restant due.

Dans quel cas peut-il procéder au report ?


- En cas de revente du bien, le droit de propriété se reporte sur la créance du débiteur à
l’égard du sous acquéreur, lorsque celui-ci est de bonne foi ; sinon le créancier peut
exercer une action directement contre lui ; mais tout cela n’est possible qu’à la condition
que le sous acquéreur n’ait pas encore désintéressé le débiteur ;
- En cas de destruction du bien, cela se reporte sur l’indemnité d’assurance subrogé au
bien ; on considère que cela n’est pas rentré dans le patrimoine de ce dernier et se trouve
ainsi subrogé au bien ;

B. A l’ouverture de la procédure collective


Aux termes de l’article 72 AUPC « la décision d’ouverture constitue les créanciers en une
masse représentée par le syndic qui, seul, agit en son nom et dans l’intérêt collectif et peut
l’engager ». Le créancier bénéficiaire d’une clause de réserve de propriété n’échappe pas à la
collectivisation des créanciers en masse. Mais sa qualité de propriétaire lui permet de déroger

4
Ce qui exclut les biens meubles incorporels et les biens immobiliers. Soit dit en passant, le régime actuel de la 66
réserve de propriété porte aussi bien sur les biens meubles corporels qu’incorporels, quel sort est réservé au
créancier réservataire dont le bien meuble est incorporel ? Doit-il subir les affres du défaut de paiement du
débiteur ? Ce n’est certainement pas l’objectif de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées
de recouvrement et des voies d’exécution. Ces dispositions étaient en harmonie avec l’ancien régime de la réserve
de propriété qui portait uniquement sur les biens meubles corporels. Une réforme de cet Acte uniforme doit être
envisagée pour le mettre en adéquation avec l’Acte uniforme portant organisation des sûretés.
5
Un bien fongible est celui qui est envisagé dans son espèce ou son genre mais non dans son identité. Des quantités
de blé ou de fuel sont des biens fongibles
aux restrictions liées aux procédures collectives. Il peut ainsi revendiquer 6 son bien et procéder
à sa réalisation.
Comment exerce t on l’action en revendication ?

- L’art 101-1 AUPC prévoit qu’une demande en revendication d’un bien soit adressée au
syndic dans un délai de 90 jours suivant la 2e insertion de la décision d’ouverture de la
procédure, par lettre au porteur avec accusé de réception ou par lettre recommandée ;
art 101-3 AUPC, il est dispensé de faire reconnaitre son droit de propriété lorsque le
contrat a été publié ;
Sur quoi porte la revendication ?

- Le bien grevé, il faut ainsi une individualisation et identification préalable du bien, art
103 AUPC, le bien doit être en nature; l’art 103-3 vise également les biens incorporés
et fongibles ;
- La créance du prix substitué au bien à condition que le prix n’ait ni été payé en valeur
ni compensé en compte courant art 103-2 ;
Quels sont les effets de la revendication ?

- La restitution des biens ou le paiement du prix, sauf cas particulier des contrats en cours
pour lesquels le syndic peut exiger la continuation. Cas du contrat de bail ou en matière
de contrat d’entreprise.

Section 2 : LA PROPRIETE CEDE A TITRE DE GARANTIE

La consécration de la propriété cédée à titre de garantie constitue l’une des innovations majeure
de l’Acte uniforme relatif aux sûretés. L’AUS confère un domaine d’application, a priori, assez
large à la propriété cédée. Le législateur admet qu’elle puisse être réalisée pour tout type de
biens7. Mais cette admission est toutefois tempérée par l’affirmation selon laquelle la propriété
cédée ne peut exister qu’aux conditions prévues par l’AUS8. A cet égard, deux hypothèses sont
envisagées en droit Ohada. Il peut s’agir de la cession de créance à titre de garantie (Paragraphe
1) ou du transfert fiduciaire d’une somme d’argent (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : La cession de créance a titre de garantie
La cession de créance est une convention par laquelle un créancier (le cédant) cède à un tiers
(le cessionnaire) ses droits et actions contre son débiteur (le débiteur cédé). Elle est un moyen
pour le débiteur de mobiliser sa créance et donc d’en percevoir sa contre-valeur par anticipation.
Il peut la vendre, la donner, la léguer, l’échanger ou encore la céder. Pour en comprendre la

6
C’est une mesure de faveur exceptionnelle qui permet à son titulaire de pouvoir faire reconnaitre son droit de 67
propriété sur un bien détenu par le débiteur ;
7
L’article 79 dispose que : « la propriété d’un bien, actuel ou futur, ou d’un ensemble de biens, peut être cédée
en garantie du paiement d’une dette ».
8
L’article 79 in fine dispose que : « la propriété d’un bien, (…), peut être cédée en garantie du paiement d’une
dette, (…), aux conditions prévues par la présente section (il s’agit de la section 2 du chapitre 3 du titre2)».
substance, il convient d’analyser son domaine d’application (A) ainsi que son régime juridique
(B).

A. Le domaine de la cession de créance à titre de garantie


Le souci de développer le crédit dans l’espace OHADA afin de mieux contribuer au
financement de l’économie, et donc au développement des Etats parties, a conduit le législateur
africain à autoriser la constitution de garanties sur des créances futures. Ceci n’est possible qu’à
la condition que l’acte de cession permette leur individualisation ou contienne des éléments
facilitant cette individualisation. Il s’agit, à titre d’exemple, de l’indication du débiteur, du lieu
de paiement, du montant des créances etc. (Article 81 AUS).
Ainsi, une créance détenue sur un tiers peut être cédée à titre de garantie de tout crédit.
Cependant, il convient de préciser que si toute personne peut avoir la qualité de cédant ou cédée,
il n’en va plus de même du cessionnaire qui ne peut être qu’un établissement de crédit 9. Il peut
s’agir d’une personne morale faisant à titre de profession habituelle des opérations de banque
ou de crédit (article 80 de l’AUS). Peu importe qu’il s’agisse d’une personne morale nationale
ou étrangère. Ce qui conduit à la conclusion selon laquelle le cessionnaire ne peut être une
personne physique.
En outre, et certainement pour garantir le crédit, l’Acte uniforme rend inopposable au
cessionnaire, et donc à l’établissement de crédit, l’incessibilité de la créance qui aurait été
prévue dans la convention. Il en est ainsi lorsque la créance cédée est née en raison de l’exercice
de la profession du débiteur cédé ou se trouve en rapport direct avec l’une de ses activités
professionnelles, même si celle-ci n’est pas principale (article 80 al 2). Un ensemble d’autres
règles sont également prévues afin de sécuriser l’engagement du créancier.
B. Le régime de la cession de créance à titre de garantie

Pour la constitution de la cession de créance à titre de garantie, l’Acte uniforme exige, à peine
de nullité de la cession, un écrit contenant un ensemble de mentions obligatoires. Il s’agit
notamment : 1° du nom ou la dénomination sociale du cédant et du cessionnaire ; 2° la date de
cession ; 3° la désignation des créances garanties et des créances cédées.
Dès sa conclusion, la cession prend immédiatement effet entre les parties selon l’article 82 de
l’AUS. Mais il ne devient opposable aux tiers qu’à compter de son inscription au Registre du
commerce et du crédit mobilier (RCCM). Dès lors qu’est-ce que l’Acte uniforme entend par
prise d’effet ? Est-ce l’opposabilité de la convention aux parties ou une manière de préciser le
principe de la force obligatoire des conventions ?
Une fois que le contrat est valablement conclu, il a naturellement vocation à être exécuté par la
ou les parties qui se sont obligées. Le principe de la force obligatoire des conventions visé par
l’article 1134 du code civil ancien en est la garantie. Le contrat crée un véritable lien entre les
parties. Le contrat s’impose aux parties comme la règle de droit s’impose à l’ensemble des

9
Sur ce point, elle présente de nombreux points communs avec la cession Dailly du droit français régie par les 68
articles L.313-23 et suivants du Code monétaire et financier.
citoyens. Il ne peut être révoqué que par le mutuel accord des parties 10. La prise d’effet énoncée
par le texte ne serait que l’esprit de cette règle qui gouverne depuis toujours les relations
contractuelles. Ce qui implique qu’à compter de la date de cession le cédant ne puisse plus
modifier la convention. Le contrat devra être exécuté, tel qu’il a été conclu et selon ses
modalités. La violation du lien contractuel entraine des sanctions. Ainsi des circonstances
extérieures ou imprévues lors de l’échange des consentements ne pourront venir remettre en
cause l’accord qui a été conclu.

En outre, l’Acte uniforme précise que la cession s’étend, en principe, aux accessoires, sauf si
les parties en conviennent autrement. Il en résulte qu’une créance cédée l’est, de plein droit,
avec sa sûreté au cas où elle en est affectée. Ce qui constitue une garantie supplémentaire pour
le créancier.

Quant à l’opposabilité de la cession au débiteur cédé, les dispositions de l’article 84 de l’AUS


rappellent les prescriptions de l’article 1690 du code civil ancien relatives à la cession de
créance de droit commun. L’Acte uniforme subordonne l’opposabilité de la cession au débiteur
cédé à la notification, sauf s’il est intervenu à l’acte. A défaut le cédant reçoit valablement
paiement de la créance.
Par ailleurs, le cessionnaire peut demander au débiteur cédé de s’engager à payer en acceptant
la cession. Encore faut-il que celui-ci soit un débiteur professionnel. L’acceptation du débiteur
cédé emporte pour lui renonciation aux exceptions fondées sur ses rapports personnels avec le
cédant. Celle-ci doit, à peine de nullité, être constatée dans un écrit intitulé « Acte d’acceptation
d’une cession de créance à titre de garantie ». Cette mention constitue une condition de validité
de l’acceptation de la cession. Mais qu’en est-il lorsque le débiteur accepte sans équivoque la
cession, mais que l’acte d’acceptation fait défaut ou est incomplet ?
A s’en tenir à l’Acte uniforme, cet acte est nul et il y a lieu de considérer qu’il n’y a jamais eu
engagement pour le débiteur de payer directement. Conséquence très certainement défavorable
pour le cessionnaire. Dans cette optique, n’aurait-il pas fallu se limiter au contenu de l’écrit
plutôt qu’à l’intitulé et la reproduction de l’article 85 ? Encore qu’on ne sait pas ce qu’il faut
reproduire, l’intégralité des deux alinéas ou l’alinéa 2 ? Les rédacteurs de l’Acte uniforme aurait
dû rédiger en caractère suffisamment apparent les dispositions à reproduire. Ça permettrait
d’éviter la confusion actuelle qui se dégage de la lecture du texte.

Ainsi, l’analyse du régime juridique de la cession de créance à titre de garantie révèle des
incohérences qui ne sont certainement pas insurmontable, qu’en est-il du transfert fiduciaire de
sommes d’argent ?
Paragraphe 2 : Le transfert fiduciaire d’une somme d’argent

Le transfert fiduciaire d’une somme d’argent est la deuxième forme de propriété cédée régie
par l’AUS. Nous verrons d’une part sa nature (A) avant d’examiner, d’autre part, son régime
juridique(B).

10 69
Article 1134 du code civil ancien.
A. La nature juridique du transfert fiduciaire d’une somme d’argent

La détermination de la nature juridique du transfert fiduciaire d’une somme d’argent permet de


revenir sur la controverse dont il fait l’objet. On le qualifie volontiers de gage ou nantissement
sur une somme d’argent. Ce qui n’est pas tout à fait justifié. En effet, l’argent est une chose de
genre, la somme d’argent ne s’individualise que par une opération de compte, et c’est un bien
d’une fongibilité parfaite. En raison de cette parfaite fongibilité, hors hypothèse où une somme
d’argent remise à un tiers demeurerait individualisé (dépôt de fonds dans un coffre), chaque
fois qu’une somme d’argent est remise à une personne, quelle que soit la nature juridique de
l’opération, cette somme se fond nécessairement avec l’ensemble de l’actif monétaire de celui
qui la reçoit. Ce qui a pour conséquence que, la somme d’argent est devenue la propriété de
celui qui l’a reçue. Même s’il est astreint à restitution, il ne devra jamais restituer que
l’équivalent de ce qui lui a été remis et non, par exemple, les billets mêmes initialement
transféré.

Dès lors que la remise de l’argent ne s’accompagne pas du maintien de son individualisation,
qui seule, pourrait restreindre le pouvoir de disposition de celui qui reçoit, il faut admettre que
ce dernier en est devenu propriétaire. Ce qui au demeurant conduit M. CROCQ à observer à ce
propos, qu’il s’agit d’un transfert de propriété à titre de garantie, attribution d’un droit exclusif
sur un bien, qui exclut de retenir la qualification de gage qui est un droit réel sur une chose
appartenant à autrui11.
En outre, la qualification par le législateur Ohada de la technique de “transfert fiduciaire“ exclut
à n’en point douter d’y voir désormais un quelconque gage ou nantissement portant sur une
somme d’argent. L’analyse du régime juridique permettra de nous en convaincre.

B. Le régime juridique du transfert fiduciaire d’une somme d’argent


Contrairement à l’avant-projet élaboré par la commission « Grimaldi » qui s’était contenté de
faire de cette sûreté un simple nantissement ayant pour objet des fonds figurant sur un compte
bloqué ouvert au nom du constituant, l’Acte uniforme relatif aux sûretés en fait une sûreté
fiduciaire qui transfère des fonds affectés en garantie au créancier bénéficiaire de cette sûreté.
C’est ce qui explique que les fonds soient inscrits sur un compte bloqué, ouvert au nom du
créancier de l’obligation garantie, et non du constituant. Ainsi, le constituant n’étant pas le
titulaire du compte, il ne peut pas disposer des fonds et les droits du créancier bénéficiaire sont
protégés. Il n’est, dès lors, plus nécessaire de prévoir que le constituant ou ses créanciers ne
peuvent retirer ces fonds ou qu’une procédure collective ouverte à l’encontre du constituant ne
remette pas en cause l’efficacité de cette sûreté.
En effet, à la différence du compte courant qui est un compte bancaire permettant d’effectuer
les opérations classiques auprès d’une banque : dépôts, retraits et paiements, le compte bloqué

CABRILLAC et MOULY précisent que “quant au terme de gage, il n’est pas toujours approprié ; en effet, la
11 70
nature particulière de ce bien fongible, consomptible, aux manifestations protéiformes qu’est l’argent, ne se prête
pas en toute circonstance à l’établissement d’un authentique gage mais le plus souvent à une sûreté-propriété“,
M. CABRILLAC et Ch. MOULY, Droit des sûretés, Litec, 7e édition, n°695, p.580.
rend les fonds qui y ont été inscrits indisponibles pendant une période donnée. Il s’agit ici de la
période de constitution de la garantie.
Par ailleurs, pour que ces effets se produisent, encore faut-il que le transfert fiduciaire soit
valablement constitué. La convention portant transfert fiduciaire doit, à peine de nullité de
l’acte, non seulement déterminer la créance garantie, mais également le montant des fonds
cédés à titre de garantie et identifier le compte bloqué (art.88 AUS). L’opposabilité de son
inscription n’est pas soumise au Registre du commerce et du crédit mobilier, mais plutôt à sa
notification à l’établissement de crédit teneur du compte bloqué. L’accomplissement d’une
formalité de publicité au registre du commerce n’aurait pas été jugé nécessaire car le transfert
fiduciaire est une sûreté avec dépossession. Mais qu’en est-il lorsque le créancier bénéficiaire
des fonds est également l’établissement teneur du compte ?

En outre, si les fonds cédés produisent des intérêts, ceux-ci sont portés au crédit dudit compte.
Les droits du constituant semblent être dans ce cas protégés. Cependant, les parties peuvent en
convenir autrement.
L’analyse des différentes sûretés-propriétés a permis d’établir son étendue en droit Ohada. Leur
introduction au sein de cet Acte uniforme apparaît comme une réponse forte du législateur aux
difficultés rencontrées par les créanciers dans la mise en œuvre des sûretés réelles classiques.

CHAPITRE 4 : LE DROIT DE RETENTION


Le droit en vertu duquel un créancier détenant un bien à lui remis par son débiteur peut le retenir
jusqu’au règlement total de la dette, dit droit de rétention, en dépit de son régime juridique
discuté, a été érigé en sûreté réelle mobilière par le droit Ohada à la lecture de l’article 50 de
l’AUS. L’efficacité de ce mécanisme se mesure notamment à l’ouverture d’une procédure
collective, permettant ainsi la préservation des droits des créanciers. Le bénéficiaire d’un tel
droit peut dès lors se trouver désintéresser, en faisant jouer son moyen de pression, avant des
créanciers mieux classés que lui. Comme le bénéficiaire d’un transfert de propriété à titre de
garantie, le bénéficiaire échappe aux conséquences de l’ouverture d’une procédure collective.
Il résulte de l’article 67 de l’AUS que : « Le créancier qui détient légitimement un bien mobilier
de son débiteur peut le retenir jusqu'au complet paiement de ce qui lui est dû, indépendamment
de toute autre sûreté ». Pour apprécier de l’étendue de la notion, il convient de déterminer outre,
les conditions d’existence du droit de rétention (Sect.1), son contenu et ses modalités
d’extinction (Sect.2).

Section 1 : Les conditions de mise en œuvre du droit de rétention


La lecture combinée des articles 67 et 68 de l’AUS permettent de dégager les différentes
conditions d’exercice du droit de rétention qui sont relatives à la créance garantie (I), à la
détention (II), à l’exigence de connexité (III) mais également au bien susceptible de détention.

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I/ Les conditions relatives à la créance garantie

Le droit de rétention existe quelle que soit la nature de la créance notamment créance de somme
d’argent, créance résultant d’une obligation de faire ou de ne pas faire. Aux termes de l’article
68 de l’AUS, le droit de rétention ne peut s’exercer que si la créance du rétenteur est certaine,
liquide et exigible. Ces trois critères sont laissés à l’appréciation souveraine des juges (CCJA,
n° 07, ohadata 8-1-2004 : Ets. SPL SARL c/ Sté de transport BC SARL). Bien plus qu’une
sûreté, c’est le début d’une voie d’exécution. La créance ne doit pas faire l’objet d’une saisie
au moment de l’exercice du droit de rétention.
La certitude de la créance signifie que la créance ne doit pas être contestée. Le créancier qui
entend se prévaloir d’un droit de rétention doit justifier d’un titre de créance vis à vis du
débiteur. Elle peut également avoir pour fondement une convention conclue entre les parties.

Quant à la liquidité et à l’exigibilité, cela signifie que la créance doit avoir été déterminé dans
son quantum et que le débiteur ne peut se prévaloir d’aucun délai ou condition susceptibles d’en
retarder ou d’en empêcher l’exécution...Seuls un terme conventionnel ou un moratoire, s’ils
existent, peuvent constituer un obstacle à l’exigibilité de la créance.
L’exigence de ces trois caractéristiques exclut donc les créances litigieuses et les créances à
termes.
II/ La détention du bien

Le bien sur lequel s’exerce le droit de rétention doit être légitimement détenu par le créancier
rétenteur conformément à l’article 67 de l’AUS. Ce qui suppose, la remise de l’objet par celui
à qui le droit de rétention est opposé.
Elle emporte, pour le créancier rétenteur, la faculté de conserver par devers lui un bien de son
débiteur qu’il détient légitimement et d’en refuser la restitution jusqu’au paiement complet de
sa créance. La détention doit donc exister mais surtout, elle doit être régulière, non entachée
d’illicéité, de fraude ou de faute. Il n’est cependant pas nécessaire que le détenteur soit de
mauvaise foi. La détention peut parfois se faire par l’intermédiaire d’un tiers. La rétention peut
porter sur des biens meubles corporels tels des véhicules ou moteur…
La chose n’a pas nécessairement à être dans le commerce. Le droit de rétention se caractérise
ainsi par le pouvoir de nuire conféré à son titulaire. Le droit peut ainsi porter sur des documents
indispensables pour le débiteur notamment la carte grise, passeport, pièces comptables… sans
pour autant que l’exercice du droit de rétention ne porte atteinte à l’ordre public.
III/ L’exigence de connexité entre la créance et le bien retenu

Autre condition pour pouvoir exercer le droit de rétention : il doit exister un lien de connexité
entre la créance et la chose retenue (art.68 AUS). La connexité peut être matérielle ou juridique.
Elle est dite juridique ou intellectuelle en raison du fait que la créance et la détention sont issues
d’un même contrat ou nées d’un rapport juridique synallagmatique comme dans l’hypothèse de
restitutions réciproques suite à l’annulation ou la résolution d’un contrat. Elle rapproche le droit
de rétention de l’exception d’inexécution. La connexité matérielle ou objective pour sa part
tient au fait que la créance est née à l’occasion de la chose retenue. Le droit de rétention est
72
limité ici au contrat. Le cas type est celui du garagiste qui détient le véhicule dès lors que la
facture de réparation est impayée.
S’il ressort de l’article 68 que la connexité doit être établie, l’article 69 apporte notamment des
tempéraments en présumant la connexité lorsque la chose retenue a été remise jusqu’au
complet paiement de la créance du rétenteur ; lorsque la créance impayée résulte du contrat qui
oblige le rétenteur à livrer la chose retenue ; ou lorsque la créance impayée est née à l’occasion
de la détention de la chose retenue. Par l’effet de la préemption, il ne parait donc pas nécessaire
pour le rétenteur de prouver l’existence d’un contrat déterminé ou de préciser l’occasion à
laquelle le droit de rétention est né.

Section 2 : Les effets et les modalités d’extinction du droit de rétention


La principale prérogative que confère le droit de rétention au créancier est la faculté de ne pas
délivrer, de ne pas restituer la chose au propriétaire. La détention ou la prolongation de la
détention n’étant autorisée qu’à titre de garantie, le débiteur n’a ni l’usage, ni la jouissance du
bien même s’il les avait antérieurement. Le créancier n’a pas droit aux fruits. Il doit conserver
la chose d’autrui en bon état (art.70 AUS). Il répond de la perte et de la détérioration survenue
par sa faute.
Le droit de rétention est indivisible. Le créancier peut conserver la totalité de la chose jusqu’à
complet paiement, sans tenir compte des paiements partiels. De même, en cas de division de la
dette entre plusieurs débiteurs, le fait que certains se soient acquittés de leurs parts n’empêche
pas le créancier de refuser la restitution de la totalité de la chose quand bien même elle serait
matériellement divisible.
Par ailleurs, il est permis au rétenteur, par dérogation à l’obligation de conservation, de
procéder à la vente du bien si l’état ou la nature périssable de ce bien le justifie, ou si les frais
occasionnés par sa garde sont hors de proportion avec sa valeur. Dans ce cas, le droit de
rétention se reporte sur le prix de vente (art.70AUS).
Le droit de rétention s’éteint à titre accessoire et à titre principal. Accessoire de la créance qu’il
conforte, le droit de rétention s’éteint lorsque cette créance disparaît pour une raison
quelconque. L’extinction à titre principal se produit dans plusieurs hypothèses: en cas de
destruction ou de perte matérielle de la chose; en cas de renonciation au droit de rétention. La
renonciation peut se traduire par exemple par la remise volontaire du bien au débiteur.

CHAPITRE 5 : LES PRIVILEGES


Le privilège peut être défini comme un droit que la loi donne au créancier, en fonction de la
qualité de la créance, d’être préféré aux autres créanciers même hypothécaires. C’est un droit
réel accessoire qui prend rang à la date de l’acte qui lui donne naissance lorsqu’il est inscrit
dans le délai prévu. La reconnaissance des privilèges constitue une atteinte à la règle de l’égalité
des créanciers. Pour cette raison, il est traditionnellement admis que les privilèges sont
d’interprétation stricte. Ils sont essentiellement d’origine légale et en principe ne peuvent être
étendu à une créance non désignée par un texte. Les privilèges bénéficient soit aux créanciers
privés dont les créances sont modiques mais dignes d’intérêt pour des raisons de dignité

73
humaine ou de justice sociale, soit aux créanciers publics : trésor, sécurité sociale et ce, pour
des raisons d’intérêt général.
Le terme de privilège s’applique à des sûretés d’une grande diversité. L’Acte Uniforme portant
organisation des sûretés opère traditionnellement la distinction entre les privilèges généraux qui
portent sur l’ensemble des biens meuble et immeuble du débiteur et les privilèges spéciaux qui
ont pour assiette les biens mobiliers du débiteur.
Les privilèges confèrent essentiellement un droit de préférence qui permet au bénéficiaire
d’être payé suivant l’ordre prévu par l’acte uniforme pour le classement des différents
créanciers (articles 225 et 226 AUS). Ils ne confèrent donc pas de droit de suite. En principe,
les privilèges, qu’ils soient généraux ou spéciaux sont d’origine légale et ne sont pas soumis à
l’exigence de publicité pour leur opposabilité aux tiers. Toutefois, l’article 180 de l’AUS
impose la publicité de certains privilèges. C’est le cas, en particulier, des privilèges pour les
créances fiscales, douanières, et des organismes de sécurité sociale lorsque ces créances sont
au-delà d’un certain montant prévu par la loi.
Suivant la distinction opérée par l’Acte Uniforme, nous verrons d’une part les privilèges
généraux (section 1) et les privilèges spéciaux (section 2).
Section 1 : Les privilèges généraux
Les privilèges généraux ont toujours existé. Cependant, en raison de leur généralité et de leur
caractère occulte, ils entravaient la sécurité du commerce juridique. Leur assiette ainsi que leur
classement étaient déterminé de façon confuse. Il est alors apparu nécessaire de trouver des
privilèges qui soient adaptés aux réalités des Etat membre de l’OHADA et de déterminer de
façon précise leur assiette et leur rang entre eux d’abord et parmi les autres sûretés.

Ainsi, aux termes de l’article 179 de l’AUS, les privilèges généraux confèrent un droit de
préférence exercé par leurs titulaires selon les dispositions prévues par les articles 225 et 226
de l’AUS. Comme toute sûreté réelle, le privilège général obéit à la règle de
l’indivisibilité notamment que le privilège s’exerce sur tout élément d’actif pour la totalité de
la somme garantit. Ils ont ainsi pour assiette l’ensemble des biens meubles et immeuble. La
règle de la subsidiarité quant à elle signifie que le titulaire du privilège général doit d’abord
réaliser les biens mobiliers de son débiteur avant de faire vendre ses immeubles. Cette règle
trouve son fondement dans la volonté du législateur de protéger la propriété immobilière.

Les privilèges généraux ne sont pas soumis à la publicité à l’exception du privilège des créances
fiscales, douanières et des organismes de sécurité et de prévoyance sociale pour les sommes qui
sont au-delà de celles fixées pour l'exécution provisoire des décisions judiciaires. L’ordre des
privilèges généraux, à l’exception des privilèges soumis à publicité, est déterminé par l’article
180 AUS. Suivant cet ordre, nous verrons tour à tour :
I/ Le privilège des frais d’inhumation
Encore appelé privilège des frais funéraires, il vise à assurer des inhumations – parfois appelées
enterrements, obsèques ou funérailles - décentes au débiteur insolvable dont les biens ont fait
l’objet de saisie avant le décès. Il profite à celui qui a avancé les frais ou fourni les services

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nécessaires : frais de morgue, transport de la dépouille, services funéraires divers qui peuvent
varier suivant les us et coutumes.
Il s’agit de mesures sociales accordées aux débiteurs indigents qui sont décédés.

II/ Le privilège des frais de dernière maladie


Il s’agit de tous les frais ayant précédé le décès du débiteur. Ce privilège, qui est classé au même
rang que les frais d’inhumation, profite à tous ceux qui ont concouru au traitement du malade
pendant la période qui a précédé la saisie de ses biens. Ces frais sont privilégiés quelle que soit
l’issue de la maladie, guérison ou décès. Le privilège profite à tous ceux qui sont intervenus
pendant la maladie : médecins et membres du corps médical en général, pharmaciens, personnel
paramédical, etc. Le montant maximum des sommes couvertes par le privilège n’a pas été
déterminé. Ce privilège se justifie pour des raisons d’ordre humanitaires aisément
compréhensibles.
III/ Le privilège pour la fourniture de subsistance

Même insolvable, il faut vivre ou tout au moins survivre et pour cela, le débiteur sera parfois
contraint d’acheter ou de consommer à crédit. Ceux qui lui ont ainsi fait crédit méritent d’être
traités à leur tour avec faveur, d’où l’institution du privilège des fournitures de subsistance. Il
repose sur un fondement humanitaire : favoriser la fourniture à crédit de biens indispensables
(vêtements, nourriture, électricité, eau, etc.) à toute personne qui se trouve à un moment donné
dans un état de nécessité. Il faut cependant qu’il s’agisse de choses nécessaires et qu’elles soient
fournies au débiteur lui-même même si elles peuvent avoir profité plutôt à sa famille.

.Ce privilège couvre la période d’une année ayant précédé la saisie des biens, le décès ou
l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens contre le
débiteur sans que le montant maximum des sommes garanties au cours de cette année soit
limité.

IV/ Le privilège des salaires


En raison de leur caractère alimentaire, le paiement des salaires et plus généralement des
indemnités diverses dues aux salariés a toujours été considéré comme une nécessité. Il s’agit
d’éviter au salarié de subir les conséquences de la défaillance de son employeur. Ce privilège
permet de garantir les salaires, appointements, primes et commissions dues aux salariés. Ce
privilège profite aux travailleurs et apprentis. Les travailleurs doivent, ici, être entendus au sens
large du terme : travailleurs permanents, travailleurs à temps partiel, intérimaires, travailleurs à
domicile, etc. Peu importe qu’ils soient du secteur privé ou du secteur public lorsqu’ils n’ont
pas, dans le second cas, le statut de fonctionnaire. Par contre, il ne profite pas aux mandataires
ou aux représentants des personnes morales. Quant aux sommes garanties, il couvre aussi bien
les sommes dues pour l’exécution même du travail (salaires de base, commissions, primes et
indemnités diverses) que celles éventuellement dues en cas de résiliation du contrat (indemnités
de licenciement et autres) pour la période d’un an ayant précédé le décès du débiteur, la saisie
de ses biens ou l’ouverture d’une procédure collective contre lui.

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V/ Le privilège des droits d’auteurs

Il concerne toutes les sommes dues aux auteurs des œuvres intellectuelles, littéraires et
artistiques pour les trois dernières années ayant précédé le décès du débiteur, la saisie des biens
ou l’ouverture de la procédure collective. Le terme auteurs utilisé par l’AUS laisse un champ
de possibilité beaucoup plus large aux créateurs d’œuvres de l’esprit et s’étendre notamment
aux titulaires de droits de propriété intellectuelle tels brevets d’invention, certificats d’utilité,
dessins et modèles, obtentions végétales, marques, etc. Il peut également s’agir de toutes les
autres œuvres aussi bien les œuvres littéraires qu’artistiques (œuvres musicales, théâtrales,
cinématographiques, dramatiques, etc.). Il profite à tous les auteurs (artistes, interprètes,
producteurs, diffuseurs, etc.).
VI/ Les privilèges des créances fiscales, douanières, de la sécurité et de la prévoyance
sociale
L’AUS distingue ces privilège, on peut le dire, selon qu’ils sont ou non soumis à publicité. Leur
distinction et classement relève de l’une des innovations apportées par la réforme de l’AUS.
- S’agissant des privilèges non soumis à publicité, ils sont prévus par l’art 180 5° et 6°.

Le privilège des créances fiscales connu également sous le nom de privilège du fisc ou du trésor
repose sur le fondement que l’Etat ou les collectivités publiques c’est tout le monde et que ses
créances, profitant à tous, doivent être recouvrées avant les autres. Ce privilège garantit en
général le recouvrement de tous les impôts, droits, taxes et pénalités assis et liquidés par les
services des impôts et les pénalités de recouvrement liquidées par les services des impôts et du
trésor. Il couvre donc les contributions directes et taxes assimilées telles que l’impôt sur les
sociétés, l’impôt sur les bénéfices, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), les taxes sur le chiffre
d’affaires (TCA), l’impôt libératoire, etc. Il couvre également les contributions indirectes
(droits d’enregistrement et de timbre, amendes pénales, etc.) ainsi que les frais de poursuite, les
pénalités et éventuellement les majorations.
Le privilège de la douane pour sa part, couvre les frais dus à l’Etat au titre d’opérations
douanières notamment les droits, taxes, confiscations, amendes et restitutions (Voir article 307
du code béninois des douanes).

Le privilège de la sécurité et de la prévoyance sociale bénéficie essentiellement aux organismes


de sécurité et de prévoyance sociale pour les cotisations qui leur sont dues notamment par les
employeurs et éventuellement par les travailleurs.
- S’agissant des privilèges soumis à publicité : Les créances fiscales, douanières et de la
sécurité et prévoyance sociales peuvent toujours être privilégiées pour un montant
supérieur à celui indiqué à l’article 180 5°et 6° AUS. Seulement, dans ce cas, le privilège
doit être inscrit dans les six mois de l’exigibilité de ces créances. Cette inscription
permet aux créanciers du débiteur d’être informés du privilège et d’être fixés sur la
véritable situation du débiteur.

L’inscription est prise au RCCM du greffe de la juridiction compétente et conserve le privilège


pendant 3 ans à partir du jour où elle a été prise (article 58 AUS). Elle peut être renouvelée

76
avant l’expiration du délai, à défaut de renouvellement, son effet cesse. En l’absence
d’inscription, le fisc, la douane et les organismes de sécurité et prévoyance sociales resteraient,
pour les sommes non publiées, de simples chirographaires.

Section 2 : LES PRIVILEGES SPECIAUX


Aux termes de l’article 182 AUS, « les créanciers titulaires des privilèges spéciaux ont sur les
meubles qui leur sont affectés comme assiette par la loi un droit de préférence qu’ils exercent
après saisie selon les dispositions prévues par l’article 226». L’Acte Uniforme prévoit sept
privilèges spéciaux : le privilège du vendeur de meuble, le privilège du bailleur d’immeuble, le
privilège du transporteur, le privilège de l’auxiliaire salarié, le privilège des travailleurs et
fournisseurs des entreprises de travaux, le privilège du commissionnaire et le privilège des frais
de conservation. Il faut y ajouter le privilège du vendeur de fonds de commerce. Dans tous les
cas, il s’agit de privilèges mobiliers c’est-à-dire qu’ils portent toujours sur un ou des meubles
déterminés du débiteur.

I/ Le privilège du bailleur d’immeuble


Le propriétaire d’un immeuble a toujours bénéficié d’une garantie particulière le protégeant
contre l’insolvabilité de son locataire. De ce fait, il parait assez logique qu’en cas de non-
paiement de loyers, que le propriétaire puisse se faire payer par priorité sur les meubles du
débiteur. Il s’agit d’une sorte de gage tacite. Ce privilège est applicable quelle que soit la nature
du bail (commercial, rural, à usage d’habitation…). Il porte sur les meubles garnissant les lieux
loués et appartenant au locataire. Sont dès lors exclus, tous les meubles appartenant aux tiers.
Ce privilège permet de garantir outre les dommages et intérêts qui seraient dus au bailleur
(dégradations, résiliation du bail sans préavis…).

Par ailleurs, si le preneur ou toute autre personne prive le bailleur de son privilège par
l’enlèvement des meubles par exemple, il commet un délit. Mais pour cela, il faut qu’il y ait eu
manœuvres frauduleuses de la part de cette personne et surtout que la législation nationale des
Etats parties réprime un tel fait. En outre, si les meubles sont enlevés sans le consentement du
bailleur, celui-ci peut les faire saisir comme tout créancier et conserver son privilège sur eux
s’il le revendique dans l’acte de saisie (art.183 in fine). C’est cette formalité qui rend son
privilège opposable aux autres créanciers.
Le droit de préférence permet au bailleur de se faire payer sur le prix de vente des meubles.
Mais le bailleur est primé par d’autres créanciers comme par exemple les créanciers de salaires
superprivilégiés et il doit également subir la concurrence des autres bénéficiaires de privilèges
spéciaux. S’il n’est pas totalement désintéressé, il devient un créancier chirographaire pour le
reste. Il en est de même pour le surplus de la créance non couverte par la garantie.

II/ Le privilège du transporteur terrestre


Il porte sur toutes les créances d’un transporteur terrestre relatives à une chose transportée par
celui-ci sont privilégié sur le prix de vente de cette chose.

L’article 185 AUS dispose que « le transporteur terrestre a un privilège sur la chose transportée
pour tout ce qui lui est dû, à condition qu’il y ait un lien de connexité entre la chose transportée

77
et la créance ». Ce privilège est mis en œuvre par tout transport terrestre qu’il soit routier ou
ferroviaire ce qui exclut le transport aérien, maritime ou fluvial. Peu importe l’engin utilisé pour
le transport. Par contre, sont exclus le remorquage de véhicule, le cas où le transport est effectué
par un commissionnaire, le louage du véhicule et le contrat de déménagement lorsque les
opérations de déménagement sont plus importantes que le transport assuré. Peu importe
également qu’une rémunération soit ou non stipulée pour le transport.
Quant à l’assiette, le privilège porte sur les biens remis en vue du transport, même s’ils
appartiennent à des tiers. Mais, il faut un lien de connexité entre la créance et la marchandise
transportée ce qui signifie que le privilège ne peut être exercé sur les biens transportés en vue
du paiement d’une créance relative à un transport antérieur. Relativement aux créances
garanties, il s’agit des frais de transport proprement dit et éventuellement des accessoires c'est-
à-dire les frais de conservation de la marchandise ou les droits de douane avancés par le
transporteur.

III/ Le privilège du commissionnaire


Le commissionnaire est un professionnel qui conclut des contrats en son nom, mais pour le
compte de quelqu’un d’autre, le commentant en vertu d’un mandat qui lui est donné. Son statut
est organisé par les articles 192 et suivants de l’AUDCG tel que récemment modifiés.
Tout commissionnaire bénéficie, aux termes de l’article 188 AUS, du privilège sur les
marchandises qu’il détient pour le compte du commettant qu’il s’agisse des marchandises
déposées, consignées ou expédiées, même si elles n’appartiennent pas au commettant ; il suffit
qu’elles soient effectivement détenues par le commissionnaire. Ce privilège présente quelques
différences avec le privilège du transporteur. Contrairement à celui-ci, il garantit toutes les
créances nées du contrat de commission et pas seulement celles relatives aux marchandises
actuellement détenues. Le lien de connexité n’est donc pas exigé ici et les créances pour
lesquelles le privilège est exercé peuvent être antérieures à la détention.
IV/ Les privilèges garantissant le paiement d’un prix de vente

Il s’agit du privilège du vendeur de meuble (a) et du privilège de vendeur de fonds de commerce


(b).

a. Le privilège du vendeur de meuble


Le vendeur de meuble impayé bénéficie du privilège de l’article 183 AUS qui dispose: « le
vendeur a sur le meuble vendu un privilège pour garantie du paiement du prix non payé s’il est
encore en la possession du débiteur ou sur le prix encore dû par le sous acquéreur ». Tout
vendeur de bien mobilier corporel ou incorporel (exemple un logiciel informatique) à
l’exclusion de vendeur du fonds de commerce peut bénéficier de ce privilège. La créance
garantie est le prix de vente plus les intérêts et éventuellement les accessoires mais pas les
dommages et intérêts pour non-paiement. Quant à l’assiette de ce privilège, il porte sur le prix
de la chose vendue sur lequel le vendeur sera payé en priorité ; il porte éventuellement sur
l’indemnité de remplacement (par exemple en cas de perte d’une chose assurée) mais il faut
que le meuble soit encore en possession du débiteur (puisque le créancier n’a pas le droit de
suite). Si le meuble a été cédé à un tiers de bonne foi, l’article 183 in fine AUS prévoit que le
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privilège se reporte sur le prix dû par le sous acquéreur et qui n’a pas encore été payé. En
pratique, c’est une saisie-attribution de créance qui permettra de rentrer en possession de la
somme. Si la chose a été incorporée à une autre et a perdu son identité, le privilège ne peut plus
jouer. Il en est de même si elle a été transformée c'est-à-dire rendue méconnaissable (grains de
maïs transformés en huile de maïs, ciment transformé en mortier) ou si, s’agissant d’une chose
fongible, elle a été stockée avec d’autres choses identiques.
b. Le privilège du vendeur de fonds de commerce

Le vendeur de fonds de commerce impayé dispose d’un privilège sur le fonds de commerce
vendu. Il est réglementé par les articles 166 et sv. AUS. Le vendeur ne peut se prévaloir du
privilège que s’il a fait inscrire la vente du fonds de commerce ainsi que le privilège au RCCM
selon les formalités prévues à cet effet par les dispositions des articles 167 et suivants de l’AUS.
Le régime du privilège est assimilé pour une large part à celui du nantissement de fonds de
commerce auquel il faut se référer.

V/ Les privilèges garantissant le paiement des créances salariales et créances assimilées


A côté du privilège des salaires qui est un privilège général, certaines catégories de créances
salariales ou assimilées bénéficient également de privilèges qui ne s’exercent pas toujours à
l’égard de l’employeur principal.
a. Le privilège des travailleurs et fournisseurs des entreprises de travaux

Aux termes de l’article 187 AUS, « les travailleurs et fournisseurs des entreprises de travaux
ont un privilège sur les sommes restant dues à celles-ci pour les travaux exécutés, en garantie
des créances nées à leur profit à l'occasion de l'exécution de ces travaux ». Ce privilège n’est
mis en œuvre que s’il y a eu exécution d’un marché de travaux, peu importe qu’il s’agisse d’un
marché public exécuté au profit de l’Etat, d’une collectivité territoriale ou d’un établissement
public ou d’un marché privé réalisé au profit d’un particulier. Le privilège bénéficie aux
travailleurs et fournisseurs des entreprises ayant exécuté les travaux ; mais, l’article 187 in fine
introduit un classement entre les travailleurs et les fournisseurs en disposant que les salaires des
travailleurs - qui bénéficient par ailleurs du privilège des salaires - sont payés par préférence à
ceux des fournisseurs. Aux fournisseurs sont assimilés les sous-traitants. L’assiette du privilège
est constituée par les sommes dues à l’entrepreneur par le maître de l’ouvrage au titre du marché
qui a donné lieu à la prestation de travail ou à la fourniture. Le privilège disparaît lorsque le
paiement est fait directement à l’entrepreneur.
b. Le privilège de l’auxiliaire salarié

Encore appelé privilège du travailleur d’un exécutant à domicile, il est prévu et organisé par
l’article 186 AUS. Il se rapproche sensiblement du privilège des travailleurs puisque les
bénéficiaires ont la qualité de travailleur. Sa particularité tient cependant au fait que le
travailleur est lié à un employeur de type particulier appelé « exécutant à domicile » c’est-à-
dire un prestataire de services qui exécute ses prestations non dans une entreprise au sens
traditionnel ( à l’extérieur) mais dans son propre domicile. On l’étend au prestataire qui n’a
véritablement pas d’entreprise à l’extérieur ou au domicile mais qui a des prestations de travail
ou de fourniture à réaliser pour le compte d’un maître d’ouvrage et qui emploie pour cela des
79
salariés. L’assiette du privilège est constituée des sommes dues à l’exécutant à domicile par le
maître d’ouvrage. Les travailleurs engagés seront payés sur ces sommes si elles ne lui ont pas
encore été versées.

VI/ Le privilège des frais de conservation


L’article 189 AUS dispose que « celui qui a exposé des frais ou fourni des prestations pour
éviter la disparition d'une chose ou sauvegarder l'usage auquel elle est destinée a un privilège
sur ce meuble ». Le privilège joue aussi bien lorsque les frais ont été engagés (souscription
d’une assurance, paiement des frais de gardiennage, soins matériels apportés à la chose qu’il
s’agisse d’un meuble corporel ou incorporel) que lorsque des prestations ont été exécutées
(réfection, aménagement supposant l’achat de pièces ou de matériel et le paiement éventuel
d’une main d’œuvre) mais il faut que ces frais ou prestations, évaluables en argent aient eu
simplement pour but d’éviter la disparition totale ou partielle de la chose ou de préserver son
usage et non d’accroître sa valeur ou son rendement. Quant à l’assiette, le privilège porte
essentiellement sur les meubles qui ont bénéficié des frais et prestations et peu importe qu’ils
aient été engagés sans le consentement du débiteur. Peu importe également que le créancier
n’ait pas la détention effective de la chose.
Les privilèges spéciaux ne posent pas de problèmes de classement puisque chacun s’exerce sur
un bien déterminé. Ils viennent cependant en concours avec d’autres sûretés. De même, il peut
arriver que certains créanciers soient en concours lorsque leur privilège s’exerce sur le même
bien. Dans ce cas, la priorité est généralement accordée au premier saisissant - celui qui en
premier lieu a exercé une mesure de saisie sur le bien - ou à celui qui a la détention effective du
bien.

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