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Introduction générale

§ 1) Objet et Définition des sûretés


L’existence des sûretés vise à réduire les risques d’un défaut de paiement d’une
créance. En effet, le paiement d’une dette est lié à la fluctuation du passif et de l’actif du
patrimoine du débiteur. La réduction de la menace d’un défaut de paiement peut
être recherchée soit par l’adjonction au débiteur d’une ou de plusieurs autres
personnes (sû retés personnelles puisque c’est l’établissement de créances sur d’autres
personnes) ou par l’affectation prioritaire de certains éléments du patrimoine du
débiteurs (sû retés réelles). Les sû retés personnelles et les sû retés réelles recouvrent des
situations très disparates, ce qui rend difficile une définition précise de la notion. La
définition est donc nécessairement vague.
La sû reté est une prérogative superposée aux prérogatives ordinaires du créanciers par
le contrat, la loi ou un jugement et qui a pour finalité juridique exclusive de la protéger
contre l’insolvabilité du débiteur.
Aux termes de l’article 1er de l’Acte Uniforme portant organisation des sû retés du 17
avril 1997, les sû retés sont les moyens accordés au créancier par la loi de chaque Etat
partie ou la convention des parties pour garantir l’exécution des obligations quelle qu’en
soit la nature.
L’article 1er du nouvel Acte uniforme adopté le 14 décembre 2010 dispose que
« Une sûreté est l’affectation au bénéfice d’un créancier, d’un ensemble de biens
ou de patrimoine afin de garantir l’exécution d’une obligation ou d’un ensemble
d’obligations, quelle que soit la nature juridique de celle-ci et notamment qu’elles
soient présentes ou futures, déterminées ou déterminables, conditionnelles ou
inconditionnelles, et que leur montant soit fixe ou fluctuant».
Certaines règles, institutions ou mécanismes peuvent aussi protéger le créancier contre
les risques d’insolvabilité du débiteur. On peut citer à titre d’exemple l’action directe,
l’action paulienne, l’action oblique ou encore la compensation. Mais elles ne sont pas des
sû retés. Elles constituent plutô t des garanties. Les garanties consistent en toute
mesure destinée à assurer la sécurité de la formation ou de l’exécution des
transactions. Les sû retés tendent exclusivement et délibérément à ménager le
paiement d’une créance, à éviter les inconvénients de l’insolvabilité du débiteur.
Quand bien même les garanties peuvent aussi aboutir à ce résultat, ce dernier n’est pas
de leur essence.
Les sûretés ont un caractère accessoire en ce que leur existence ne se justifie que
parce qu’il existe une obligation initiale, déjà nées ou qui pourrait naître. Ce
caractère accessoire est illustré par l’article 2 de l’Acte du 15 décembre qui dispose que
« sauf disposition contraire du présent Acte, les sû retés qu’il régit sont accessoires de
l’obligation dont elles garantissent l’exécution ».
§ 2) Rôle et importance des sûretés
Les sûretés découlent du crédit et en permettent le développement. Les possibilités
de financement des établissements financiers sont tributaires de leur exposition au
risque de défaillance de leurs clients et donc de la qualité des sû retés dont ils peuvent
1

bénéficier à l’occasion des prêts1. Ainsi, les garanties facilitent l’accès au crédit en
réduisant les pertes potentielles dues au risque de non-paiement 2.
Le renforcement de la qualité des sûretés est une préoccupation internationale et
justifie de nombreuses réformes entreprises dans différents pays. Nous citerons
l’Ordonnance française du 23 mars 2006 réformant le droit des sû retés. De même, la
Commission des Nations-Unies pour le droit commercial international (CNUDCI) a
publié en 2008 un guide législatif relatif aux obligations garanties. En Europe, un Groupe
de travail subventionné par la Commission européenne a publié en 2008, les principes
européens des sû retés personnelles.
Le nouvel Acte Uniforme a été inspiré par l’Ordonnance du 23 mars 2006 mais aussi par
les propositions de la CNUDCI.
Le crédit naît du décalage entre deux prestations d’un échange économique. (Exp.
La livraison qui précède le paiement du prix dans le cadre de la vente). Il dépend de la
confiance faite au débiteur. Le mot crédit au sens étymologique et économique
signifie d’ailleurs confiance. De la part du débiteur, avoir du crédit, c’est inspirer
confiance. Cette confiance elle-même est tributaire des qualités de ce dernier. Or il est
aujourd’hui de plus en plus difficile de connaître ces qualités et de les apprécier, notre
société étant une société de masse. La sûreté vient suppléer l’insuffisance des
connaissances des débiteurs et renforcer le paiement futur. Elle a pour fonction
de limiter ces risques inhérents au crédit.
Une bonne sû reté peut assurer la survie ou le développement d’un secteur. On
distingue les sûretés actives et les sûretés passives. Dans les sûretés actives, le
créancier espère que le financement engendrera lui-même les capacités de
remboursement. Ce pari est risqué (Exp. Sû retés prises sur les biens à produire ou sur
le pétrole à extraire).
Les sû retés passives sont celles qui portent sur autres choses que la capacité du
débiteur : un immeuble, un tiers, une somme d’argent etc. Ces sû retés sont certainement
plus solides.
L’existence et le régime des sû retés sont en relation directe avec l’exécution des
obligations puisqu’elles sont constituées en vue de leur exécution.
Les sû retés sont en rapport avec la notion de patrimoine ; le droit de gage général des
créanciers n’est autre chose que le patrimoine de leur débiteur.

§ 3) Efficacité des sûretés.


Quatre catégories de caractères permettent d’apprécier l’efficacité d’une sû reté.
1- La simplicité dans la constitution, la facilité dans la constitution, le coû t peu
élevé.

1
P. CROCQ, Les grandes orientations du projet de réforme de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés,
Droit &Patrimoine, novembre 2010, p. 52.
2
L. Y. BBLACK, Enjeux économique de la réforme de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés : un atout
pour faciliter l’accès au crédit, Droit &Patrimoine, novembre 2010, p. 46.
2

2- La capacité d’évolution de la sû reté en même temps que les créances sur le


débiteur. Les sû retés réelles sont soumises au principe de la spécialité qui
empêche cette évolution.
3- La faculté à ménager le crédit du constituant (exemple de l’hypothèque puisque
le constituant conserve toujours l’usage du bien à la différence du gage).
4- La facilité de réalisation : une exécution efficace qui implique des procédures peu
coû teuses et rapides permettant au créancier de couvrir sa créance et les frais.
Le droit des procédures collectives a malmené les sû retés alors que c’est justement dans
l’entreprise en difficulté que les sû retés deviennent plus nécessaires. Les sû retés
personnelles semblent mieux résister dans la destruction des sû retés par les procédures
collectives.
§ 4) Classification des sûretés

Selon leur source, on distingue les sû retés conventionnelles, les sû retés légales ou
judiciaires. Selon leur objet, on distingue les sû retés réelles et les sû retés personnelles.
A) Sû retés conventionnelles, légales ou judiciaires
Les sû retés conventionnelles sont celles qui ont été librement voulues par les parties à
un contrat. Les sû retés légales sont celles conférées par la loi à certains bénéficiaires.
Elles expriment le choix d’une hiérarchie des intérêts. Il peut s’agir d’intérêts privés
jugés dignes de la sollicitude du législateur. Elles témoignent parfois de l’intérêt général
sur les intérêts privés. Tel est le cas lorsque les bénéficiaires sont l’Etat ou les
collectivités publiques. Les sû retés judiciaires sont constituées par décision de justice, la
loi délégant le pouvoir au juge.

B) Sû retés réelles et sû retés personnelles


Les sû retés personnelles sont constituées par l’engagement d’une personne garantissant
l’exécution de l’obligation du débiteur principal en cas de défaillance de celui-ci ; elles
consistent en l’adjonction d’un débiteur (donc d’un patrimoine) au débiteur principal et
au patrimoine de celui-ci.
Exemple : Le cautionnement, la garantie autonome.
Les sû retés réelles portent sur des biens meubles ou immeubles du débiteur et sont
dites sû retés réelles mobilières (gage, nantissement) dans le premier cas et sû retés
réelles immobilières dans le second (hypothèque).

§ 5) Législation
Au lendemain des indépendances des pays africains de la zone franc, le droit des sû retés
était hérité du droit français notamment le code civil (articles 2011 à 2203), du code de
commerce (pour le gage commercial).
A part le Sénégal et le Mali, aucun autre pays de la zone franc n’avait entrepris la
réforme des sû retés. Ce droit a bien vieilli et nécessitait une réforme. C’est ce que vient
réaliser l’OHADA spécialement l’Acte portant organisation des sû retés du 17 avril 1997.
Cet Acte a été aussi abrogé par l’adoption d’un nouvel Acte le 14 Décembre 2010.
3

Cependant, l’Acte du 17 avril conserve encore une utilité et justifie que soient encore
étudiées ses dispositions. En Aux termes de l’article 227 du nouvel Acte, « Le présent
Acte uniforme, qui abroge l’Acte uniforme portant organisation des sûretés du 17 avril
1997, n’est applicable qu’aux sûretés consenties ou constituées après son entrée en vigueur.
Les sûretés consenties ou constituées antérieurement au présent Acte uniforme et
conformément à la législation alors en vigueur restent soumises à cette législation jusqu’à
leur extinction ».
L’acte uniforme s’applique à toutes les sû retés qu’il organise, quelle que soit la nature
juridique de l’obligation garantie (obligation civile ou commerciale). C’est ce qui résulte
de l’article 1er de l’AUS de l’ancien et du nouvel Acte.
Aux termes de l’article 150 AUS du 17 avril 1997, « Sont abrogés toutes les dispositions
antérieures contraires à celles du présent Acte uniforme ». La doctrine s’est interrogée
sur la portée de cette disposition. Cet article abroge-t-il tous les textes législatifs et
réglementaires nationaux ayant le même objet que lui ou seulement les dispositions de
ces textes qui seraient contraires aux siennes ?
Il convient de relever que l’Acte du 15 décembre apporte dorénavant des réponses à
cette controverse. D’abord à la question de savoir s’il est possible que des dispositions
législatives complémentaires puissent régir les sû retés déjà prévues et réglementées par
l’Acte, on admettra que « la supériorité du droit uniforme par rapport aux droits
nationaux a pour conséquence qu’elles ne sauraient faire l’objet d’une législation
complémentaires »3. Cette analyse est permise puisqu’à la différence de l’article 150
précité, il n’a plus été précisé que seules les dispositions contraires à l’acte sont
abrogées. L’article 4 al. 4 du nouvel Acte précise aussi les cas dans lesquels une
législation particulières peut régir les sûretés.
Ensuite, sur la question de savoir si les parties peuvent ou non librement créer des de
nouvelles sû retés, le nouvel Acte fait une distinction entre sû retés personnelles et
sû retés réelles. S’agissant des sûretés personnelles, la liberté contractuelle subsiste
en la matière. En effet, le nouvel article 4 disposant que « Les sûretés personnelles
au sens du présent Acte … » suggère qu’il puisse y avoir d’autres sûretés
personnelles autres que celles régies par le présent Acte. S’agissant par contre des
sûretés réelles, une réponse négative s’impose. En effet, aux termes de l’al. 2 du
même article, « Sauf disposition contraire du présent Acte uniforme, les sûretés
réelles valablement constituées sont celles qui sont régies par cet acte ». Cette
interdiction se justifierait « d’une part par le principe de l’égalité des créanciers
qui implique que des droits de préférence sur les biens de leur débiteur ne leur
soit reconnu si un texte l’a expressément prévu, et d’autres part, la volonté
d’empêcher de trop grands bouleversements du droit des sûretés … ».
Aux termes de l’article 1er al. 2, « Les sû retés propres au droit fluvial, maritime et aérien
font l’objet de législations particulières ». L’article 4 al. 4 reprend la même idée mais
étend son domaine. Ce texte dispose en effet que « Les sû retés propres au droit fluvial,
maritime et aérien, les sû retés légales autres que celles régies par le présent acte
uniforme, ainsi que les sû retés garantissant l’exécution de contrat conclus exclusivement
3
P. CROCQ, op. cit. p. 54.
4

entre établissement de financement, peuvent faire l’objet de législations particulières.


La plupart de ces sû retés sont aussi gouvernés par des accords internationaux. Ceci
justifie aussi cette exclusion.
Relevons que des innovations ont été faites par le nouvel Acte uniforme, tant en ce qui
concerne les sû retés réelles que les sû retés personnelles. Ces innovations seront
étudiées chacune dans la catégorie dont elle relève (sû retés personnelles et sû retés
réelles).
Il importe néanmoins de relever une évolution particulière qui transcende le
clivage sûretés réelles, sûretés personnelles. Il s’agit de la création de l’agent de
sûretés, régi par les articles 5 à 11 de l’Acte du 15 décembre.
En effet, aux termes de l’article 5 « Toute sû reté ou autre garantie de l’exécution d’une
obligation peut être cons tituée, inscrite, gérée er réalisée par une institution financière
ou un établissement de crédit, national ou étranger, agissant, en son nom et en qualité
d’agent des sû retés, au profit des créanciers de la ou des obligations garanties l’ayant
désigné à cette fin ».
L’institution de l’agent des sû retés devrait favoriser des investissements importants
réalisés par des pools bancaires.
Pour prendre en compte l’ensemble de la matière, il sera étudié dans une première
partie les sû retés personnelles puis dans un second, les sû retés réelles. Mais il importe
auparavant de préciser les règles régissant l’agent de sû retés.

§ 6) Agent des sûretés

La qualité d’agent des sûretés est ici réservée aux seules banques ou
établissements de crédit nationaux ou étrangers, c’est-à-dire à des structures dont
l’activité fait l’objet d’un agrément et d’un contrôle étatiques.
La désignation de l’agent des sû retés n’est pas obligatoirement faite dans l’acte qui
constate l’obligation garantie : elle peut être effectuée postérieurement, ce qui donne
beaucoup plus de souplesse au mécanisme.
Cependant l’acte de désignation est soumis à un formalisme. Non seulement il est écrit
mais aussi, à peine de nullité, doit mentionner :

1°) la ou les obligations garanties ou, si elles sont futures, les éléments de nature à
permettre leur individualisation, tels que l'indication de leur débiteur, de leur lieu de
paiement, de leur montant ou l'évaluation de ce dernier, et de leur échéance ;
2°) l'identité, au jour de la désignation de l'agent des sû retés, des créanciers de la ou des
obligations garanties ;
3°) l'identité et le siège social de l'agent des sû retés ;
4°) la durée de sa mission et l'étendue de ses pouvoirs d'administration et de
disposition;
5°) les conditions dans lesquelles l'agent des sû retés rend compte de sa mission aux
créanciers de la ou des obligations garanties.
La mission de l’Agent de sûreté consiste à représenter les créanciers dans leurs
rapports avec les débiteurs et garant,  les constituants et les tiers. Il peut
constituer, gérer et réaliser une sûreté au profit du créancier.
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L’étendue des pouvoirs de l’Agent de sû reté dépend en réalité des stipulations


conventionnelles. Il pourrait intenter une action en justice pour défendre les intérêts des
créanciers.
Lorsque dans le cadre de sa mission d’agent de sûreté, la propriété des biens lui
sont transférées ou lorsqu’il reçoit paiement au profit des créanciers, ces biens
forment un patrimoine séparé de son patrimoine propre. Ils constituent un
patrimoine d’affectation et ils ne peuvent être saisis que par les titulaires de créances
nées de la conservation et de la gestion de ces biens. Il en sera ainsi, alors même que
l’Agent de sû reté serait soumis à une procédure collective d'apurement du passif.
La loi prévoit la possibilité pour l’Agent de sû retés de se substituer un tiers dans
l’exécution de sa mission, à condition que l’Acte de désignation l’ait prévu. Le cas
échéant, les créanciers des obligations garanties peuvent agir directement contre la
personne que l'agent des sû retés s'est substituée. Mais l’Agent de sû reté répondra aussi
de sa faute lorsqu’il aurait commis une faute dans le choix de la personne dont il s’est
substitué dans l’exécution de sa mission. Qu’adviendrait-il lorsque l’Agent de sû reté se
substitue un tiers dans l’exécution de sa mission alors que l’Acte de désignation ne
l’aurait pas prévu. Dans ce cas, l’Agent de sû reté répondra des fautes commises par le
tiers dans l’exécution de sa mission.
L’acte de désignation peut aussi prévoir les conditions de remplacement de
l'agent des sûretés si celui-ci manque à ses devoirs ou met en péril les intérêts qui
lui sont confiés ou encore s'il fait l'objet de l'ouverture d'une procédure collective
d'apurement du passif. On le constate, la révocation de l’agent de sû retés ne relève pas
d’un pouvoir discrétionnaire du créancier. Cette révocation n’est possible que lorsqu’il
manque à ses devoirs, met en péril les intérêts qui lui sont confiés ou fait l’objet d’une
procédure collective. Dans les mêmes hypothèses cet acte peut également prévoir les
conditions de remplacement de l'agent des sû retés si celui-ci manque à ses devoirs ou
met en péril les intérêts qui lui sont confiés ou encore s'il fait l'objet de l'ouverture d'une
procédure collective d'apurement du passif. En l'absence de dispositions contractuelles
en ce sens, les créanciers de l'obligation garantie peuvent, dans les hypothèses précitées,
demander à la juridiction compétente, statuant à bref délai, la nomination d'un agent des
sû retés.
S’agissant de la responsabilité de l’agent de sû retés, l’article 11 de l’AUS dispose que « A
défaut de disposition contraire dans l'acte le désignant, la responsabilité de l'agent des
sû retés à l'égard des créanciers de la ou des obligations garanties s'apprécie comme
celle d'un mandataire salarié ».
Il résulte de ces dispositions que la responsabilité de l’agent de sû reté est en principe
définie par l’accord des parties. C’est à défaut de précision contractuelle qu’il faudra se
référer aux dispositions du contrat de mandat rémunéré.
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Première partie
Les sûretés personnelles

Aux termes de l’article 4 al. 1, « Les sû retés personnelles, au sens du présent Acte
uniforme, consistent en l’engagement d’une personne de répondre de l’obligation du
débiteur principal en cas de défaillance de celui-ci ou à première demande du
bénéficiaire garantie». Il importe de présenter les caractères des sû retés personnelles
et leur typologie.
§ 1) Les caractères des sûretés personnelles
La sû reté personnelle se reconnaît à la réunion de deux caractères à savoir la création
d’un droit de créance supplémentaire et l’absence de contribution à la dette par le
garant.
A) Création d’un droit de créance supplémentaire
Il n’y a de sûreté personnelle que par la multiplication des débiteurs et donc des
biens qui répondent de la dette.
Pour cette raison, ne constituent pas en principe des sû retés personnelles :
a) La lettre de confort
C’est la lettre par laquelle une société intervient auprès d’un établissement de crédit afin
que celui-ci accorde son concours à une autre société filiale ou partenaire en promettant
un renfort. Il s’agit d’un acte unilatéral qui, lorsqu’il est accepté soumet son auteur à un
engagement juridique. La portée de l’engagement dépend de la teneur du document.
Mais elle ne peut être considérée comme une sû reté tant qu’elle ne fait pas naître un
engagement direct envers le créancier.
b) La lettre de porte-fort
C’est la convention par laquelle une personne s’engage envers une autre à obtenir
l’approbation d’un tiers à un acte envisagé et s’expose de ce fait à une indemnisation
au cas où le tiers refuserait d’approuver l’acte. Il n’y a pas sû reté parce que l’engagement
du porte-fort ne vient pas s’ajouter à celui du tiers. L’acceptation du tiers libère le porte-
fort.
c) L’action oblique
Parce qu’elle ne crée aucun droit de créance nouveau au profit du créancier, elle ne
constitue pas non plus une sû reté personnelle.

B) L’absence de contribution du garant à la dette


Pour qu’il y ait sû reté personnelle, l’engagement du garant ne doit pas avoir pour
cause ou contrepartie une obligation ou une prestation à laquelle il est
personnellement tenu. Ainsi, lorsque le maître d’ouvrage s’engage à payer le banquier
de l’entrepreneur, il n’y a pas sû reté personnelle puisque son engagement envers le
banquier trouve sa contrepartie dans la prestation fournie par l’entrepreneur. Pour cette
raison, la garantie donnée par le banquier de l’importateur dans le cadre du crédit
documentaire, de payer le vendeur n’est pas considérer comme une sû reté personnelle
puisque le paiement qu’il fait au tiers (vendeur-exportateur) n’est que l’exécution de
7

l’engagement personnel d’ouverture de crédit contracté à l’égard de son client


(acheteur). Par contre l’engagement du banquier de l’exportateur qui confirme le crédit
documentaire est une sû reté personnelle car il garantit le paiement du banquier de
l’importateur sans pour autant supporter une contribution définitive à cette obligation.
La technique de l’engagement d’achat ne constitue pas non plus une sû reté personnelle
mais une garantie. C’est le mécanisme par lequel un banquier qui finance la construction
d’une usine demande à la société mère (de cette usine) de prendre l’engagement
d’acheter une certaine quantité du produit à fabriquer, pendant une certaine durée,
permettant ainsi à l’usine de pouvoir rembourser le prêt consenti pour sa construction.
Il n’y a pas sû retés à proprement parler puisque l’acheteur ne fait que payer la
contrepartie de la marchandise reçue.
Il faut observer que parfois, le financier exige de la maison mère de prendre
l’engagement de payer même si le produit fabriqué ne présente pas les qualités
nécessaires ou même dans l’hypothèse d’un retard dans la production. Cette technique
se rapproche des sû retés personnelles mais l’éventualité d’une contribution à la dette
qui existait lors de la conclusion de l’engagement doit être prise en considération.
L’engagement du tiré accepteur dans la solidarité cambiaire et celui du codébiteur
solidaire ne sont pas considérés comme des sû retés personnelles parce que l’un et
l’autre contribueront à la dette.

§ 2) Typologie des sûretés personnelles


Le cautionnement a toujours apparu comme le modèle des sû retés personnelles. Il a été
conçu depuis le droit romain et a été pendant longtemps étudié comme la seule sû reté
personnelle. Il faut aussi observer que d’autres garanties collectives fonctionnent sur le
modèle du cautionnement. Il en est ainsi de garanties collectives professionnelles crées
par les avocats, les notaires et destinées à couvrir l’insolvabilité du professionnel. Ici, la
victime de l’insolvabilité n’est pas connue lors de l’instauration de la garantie. Elles
fonctionnent alors sur le modèle des assurances pour le compte de qui il appartiendra.
Le cautionnement apparaît essentiellement comme l’accessoire de l’opération qu’il
garantit. L’existence et l’étendue du contrat principal déterminent les limites du
cautionnement. Le cautionnement est donc une sû reté accessoire. De cette situation, le
garant pourrait tirer des moyens de défense qui parfois fragilisent la situation du
créancier. D’où le besoin légitime des créanciers de chercher plus de sécurité en
exigeant du garant l’abandon de certains moyens de défense. Cette exigence était
d’autant plus pressante que la protection judiciaire de la caution fragilisait davantage les
droits du créancier. Les garanties indépendantes pourraient apparaître alors comme un
palliatif indispensable.
On peut citer aussi le constitut consistant pour une personne à se constituer
débiteur de la dette d’autrui, en assumant une obligation personnelle qui, bien
qu’empruntant son objet à cette dette en est entièrement indépendante. Le
constitut est fort peu utilisé.
La garantie à première demande a par contre connu un réel essor. Entre également dans
cette catégorie la confirmation du crédit documentaire, par laquelle le banquier de
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l’exportateur s’engage à payer le montant des exportations, sachant que le banquier de


l’importateur le remboursera grâ ce au crédit documentaire qu’il a ouvert à ce dernier.
Toutes les techniques de garanties indépendantes visent à interdire au garant
d’invoquer les exceptions tirées de l’obligation essentielle du débiteur garanti où
nées dans la personne du débiteur principal.
Au titre des garanties indépendantes, l’acte uniforme a prévu la lettre de garantie encore
appelée garantie à première demande. L’Acte du 15 décembre a consacré plutô t le terme
« Garantie autonome ».
Il faut enfin ajouter que certaines ressources du droit des obligations peuvent
être exploitées à des fins de sûretés. Des sû retés personnelles peuvent en effet
résulter de l’utilisation à des fins ad hoc des mécanismes de du droit des obligations.
Ainsi en est-il de la solidarité, lorsque celle-ci est stipulée d’un codébiteur qui n’a pas
d’intérêt à la dette. Il en est ainsi aussi de la lettre d’intention qui met en œuvre les
principes de la responsabilité civile.
Au titre des sû retés personnelles nous étudierons le cautionnement, la garantie à
première demande et le crédit documentaire, même si pour les raisons précédemment
évoquées il ne peut strictement être considéré comme une sû reté personnelle.

Chapitre I : Le cautionnement.

Une précision terminologique devra d’entrée être faite. En effet, le mot cautionnement
revêt plusieurs significations. Il peut désigner un dépô t d’argent à titre de nantissement
destiné à servir de garantie pour des créances éventuelles. L’exemple est donné par les
loyers remis d’avance au bailleur pour garantir les sommes qui seraient dues en fin de
bail. Le mot cautionnement signifie dans ce cas consignation ou encore gage d’espèces.
Il s’agit alors d’une sû reté réelle.
Il paraît aussi utile de préciser la notion de cautionnement réel qui est le contrat par
lequel un garant affecte un ou plusieurs de ses biens à la garantie d’une dette d’un
débiteur principal (art. 12 de l’AUS du 17 avril 1997 ; art. 20 de l’Acte du 14 décembre
2010).
Le cautionnement est régi par les articles 2288 à 2320 C. civ. En ce qui concerne
l’espace OHADA il était régi par les articles 3 à 26 de l’Acte de 1997 et les articles
13 à 38 de l’AUS de 2010. L’article 3 al. 1 de l’AUS de 1997 disposait que « Le
cautionnement est un contrat par lequel la caution s’engage envers le créancier qui
accepte, à exécuter l’obligation du débiteur si celui-ci n’y satisfait pas lui-même ».
L’acte du 15 décembre précise davantage la notion. En effet l’article 13 al. 1 dudit texte
dispose que « Le cautionnement est un contrat par lequel la caution s’engage,
envers le créancier qui l’accepte, à exécuter une obligation présente ou future
contractée par le débiteur, si celui-ci n’y satisfait pas lui-même ».
L’apport de ce texte réside dans le fait qu’il précise que l’obligation garantie peut être
future. En réalité, cette précision en pratique ne modifie rien puisque en pratique, les
obligations futures pouvaient déjà être garanties. Il suffit de songer à la garantie du
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solde débiteur d’un compte de crédit. Au moment de la formation du contrat, le compte


être créditeur, le déficit n’intervenant éventuellement que postérieurement.
Du fait du caractère accessoire du cautionnement, si l’obligation future une fois
née n’est pas valable, le cautionnement ne le sera pas non plus.
Le cautionnement implique l’existence d’une dette actuelle ou potentielle d’un débiteur
principal à l’égard du créancier, un engagement de la caution à l’égard de ce créancier
qui l’accepte. Il résulte de cette situation que des relations juridiques existent
naturellement entre le créancier et le débiteur principal d’une part, des relations
entre le débiteur et la caution d’autre part mais aussi des rapports très
importants entre le créancier et la caution. Il faut aussi relever qu’il peut exister
plusieurs cautions entre lesquelles s’établiront également des relations. Toutes ces
relations seront étudiées. Il s’agit du contexte de la caution (Sect. I). Le contrat de
cautionnement lui-même (sect. II) tant en ce qui concerne sa formation que son étendue
de même que son dénouement (Sect. 3) seront aussi examinés.

Sect. I : Le contexte du cautionnement.


Autant il existe des relations entre les personnes impliquées, autant il y a une relation
entre le contrat principal et le contrat de cautionnement.
§1) Les relations entre les personnes.
A) Relation entre le créancier et la caution
Ces relations sont très importantes puisqu’elles imprègnent tout le régime juridique du
cautionnement. Elles seront donc mises en évidence dans l’étude de son régime
juridique. Il faut néanmoins observer déjà que la caution n’étant pas débiteur d’une
dette qui lui est personnelle, elle n’est pas en relation économique avec le créancier. Elle
ne peut donc ni connaître en principe le risque garanti, ni suivre utilement l’évolution de
l’opération garantie. En dehors des cautions dont la situation particulière leur permet
d’être informées sur les activités du débiteur principal (cas du mari caution ou du
dirigeant qui cautionne son entreprise), la caution est privée des moyens d’information.
C’est justement pour remédier à cette raison que le législateur institue à la charge du
créancier deux obligations essentielles, celle d’informer la caution, et celle de ne pas
compromettre les recours de la caution contre le débiteur principal.
- une obligation d’information de la caution.
Cette obligation résulte de l’article 13 al. 2 et de l’article 14 de l’AUS de 1997. Le
créancier doit aviser la caution de toute défaillance du débiteur, déchéance ou
prorogation du terme en indiquant le montant restant dû en principal et intérêts. Cette
obligation d’information est encore plus stricte et automatique en cas de cautionnement
général. Dans ce cas en effet, l’information doit être donnée dans le mois qui suit chaque
trimestre civil et doit porter notamment sur l’état des dettes du débiteur principal. Cette
obligation d’information est d’ordre public. La sanction de cette obligation d’information
est la déchéance du créancier vis-à -vis de la caution des intérêts échus depuis la date de
la précédente information jusqu’à la date de la communication de la nouvelle
information.
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Il faut souligner que l’Acte du 15 décembre 2010 a reformulé l’article 13 al. 1 qui est
devenu l’article 23. L’obligation d’information a été supprimée de l’article 21 de l’AUS du
15 décembre mais reprise à l’article 22 du même Acte.
L’article 23 de l’Acte du 15 décembre 2010 apporte un amendement important sur la
périodicité de l’obligation d’information. En effet, en dehors de tout incident de
paiement, l’obligation d’information doit être exécutée tous les semestres à compter de
la signature du contrat de cautionnement. L’information doit porter sur l’état des dettes
du débiteur principal. Il sera précisé les causes des dettes, leurs échéances et leurs
montants en principal, intérêts et autres accessoires dus à la fin du semestre écoulé. A
défaut d’accomplissement de ces formalités, le créancier est déchu vis-à -vis de la caution
des intérêts contractuels échus depuis la date de la précédente information jusqu’à la
date de la communication de la nouvelle information.
L’obligation d’information se dédouble, l’obligation en cas d’incident (art. 22 de l’Acte du
15 décembre) et l’obligation d’information en l’absence de tout incident (article 23 du
même Acte).
L’article 22 al. 2 précise qu’ « A défaut, (d’information en cas d’incident), la caution ne
saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus entre la date de
cet incident et la date à laquelle elle a été informée ». Cette formulation vise à protéger la
caution en lui permettant de payer le créancier le plus rapidement possible et d’éviter
ainsi l’accumulation à son détriment des pénalités et intérêts de retard.
- L’obligation de ne pas compromettre les recours de la
caution
Aux termes de l’article 18 al. 2, La caution simple ou solidaire est déchargée quand la
subrogation aux droits et garanties du créancier ne peut plus s’opérer, en sa faveur, par
le fait du créancier. Toute clause contraire est réputée non écrite. Les mêmes
dispositions figurent à l’article 2 7 al. 2 de l’Acte du 15 décembre 2010).
Cette obligation est inspirée de l’exigence de la bonne foi qui impose au créancier de
prendre en compte les intérêts de la caution. Ainsi, en cas de vente avec réserve de
propriété, la caution peut se prévaloir de la décharge lorsque le créancier n’a pas exercé
de revendication dans le délai ouvert à cet effet, ce qui a pour résultat de priver la
caution d’un droit qui pouvait lui profiter4.
B) Relations entre le créancier et le débiteur principal
Cette relation résulte essentiellement de l’obligation principale ou de la dette principale
qui a donné lieu à garantie. Cependant la situation de la caution peut influencer les
relations entre le débiteur principal et le créancier. Ainsi, lorsque la caution fournie
par le débiteur devient insolvable, le créancier peut exiger du débiteur une nouvelle
caution. Le débiteur pourra aussi fournir une sû reté réelle donnant les mêmes garanties
au créancier.
La solvabilité de la caution s’apprécie en tenant compte de tous les éléments de son
patrimoine (Article 13 al. 2 de l’Acte du 15 décembre 2010).

4
Com. 27 fév. 1996, D, Som. 269.
11

C) Relations entre le débiteur principal et la caution


La caution peut être un professionnel dont le but est de réaliser le profit à travers le
service qu’il rend. Dans ce cas, sa rémunération est patrimoniale et représente une
commission sur le montant total des sommes garanties.
Les cautions profanes sont celles qui ne sont pas des professionnels. Les cautions
profanes sont d’une très grande diversité. La caution peut avoir un pouvoir de
direction sur l’activité du débiteur principal. C’est le cas du dirigeant-caution. C’est
une assurance supplémentaire pour le banquier que le dirigeant courre au moins les
mêmes risques que lui et ne s’abrite pas derrière la limitation de responsabilité.
L’engagement du dirigeant apparaît comme un moyen de pression supplémentaire sur le
débiteur principal. Dans ces cautionnements, la caution connaît la situation du
débiteur principal, suit son évolution et peut grâce à ses pouvoirs de direction
l’infléchir de sorte que ses intérêts soient sauvegardés. La caution profane,
étrangère à l’activité du débiteur principale est celle qui a besoin davantage d’être
informée et protégée.
Le cautionnement peut intervenir à l’initiative du débiteur principal ou à son insu et
même contre son gré. Mais il est rare que la caution s’engage sans ordre du débiteur
principal.
L’Acte uniforme du 15 décembre apporte une modification en la matière. En effet, à la
différence de l’article 3 al. 2 de l’acte du 17 avril 1997 qui dispose que « Cet engagement
peut être contracté sans ordre du débiteur et même à son insu », l’article 11 al 2 du
nouvel Acte se borne à disposer que « Cet engagement peut être contracté sans ordre du
débiteur ». Il semble que l’objectif visé est « d’éviter que le débiteur ne reste dans une
totale ignorance de l’existence du cautionnement ou de l’identité de la caution »5.
L’opportunité de cette innovation est discutable. En effet, si le débiteur n’est pas informé
de l’existence du cautionnement, la caution qui paie n’aura qu’une action subrogatoire et
le débiteur ne sera pas tenu à l’égard de la caution au-delà de ce qu’il doit au créancier.
En d’autres termes, l’ignorance par le débiteur de l’existence d’une caution a priori ne
peut lui causer un quelconque dommage.
Il convient de se demander quelle serait la sanction au cas où le cautionnement
intervenait à l’insu du débiteur principal. Dans tous les cas, la sanction ne peut être la
nullité du cautionnement. Le débiteur ne pourra éventuellement engager la
responsabilité des parties au contrat de cautionnement qu’autant qu’il démontre que
cette ignorance lui a causé un tort. Ce qui n’est pas évident.

D) Relations entre les cautions


Les cautions d’un même débiteur principal sont appelées des cofidéjusseurs. Chaque
cofidéjusseur a envers le créancier un engagement personnel dont les termes dépendent
des stipulations. (montant, durée, solidarité).
Aux termes de l’article 17 al. 1 de l’AUS (art. 28 de l’Acte du 15 décembre 2010), « S’il
existe plusieurs cautions pour un même débiteur et une même dette, sauf stipulation de
solidarité entre elles ou renonciation par elles à ce bénéfice, chacune d’elles peut sur
5
M. BRIZOUA-BI, Le nouveau visage des sûretés personnelles dans l’espace OHADA.
12

premières poursuites du créancier, demander la division de la dette entre les cautions


solvables au jour où l’exception est invoquée ». La solidarité n’est donc pas le principe
entre les cautions. Elle doit être stipulée.
La caution ne répond pas des insolvabilités des autres cautions survenues après la
division.
Le créancier peut exiger qu’il soit garanti contre l’insolvabilité de la caution. On appelle
certificateur celui qui garantit le créancier contre la défaillance de la caution et non
celle du débiteur principal. Il est caution de la caution envers le créancier. Aux termes de
l’article 11 de l’AUS (art. 21 de l’Acte du 15 décembre 2010), le certificateur doit être
désigné comme tel dans le contrat. Sauf stipulation contraire, les certificateurs sont
caution simple de la caution certifiée.
Le sous-cautionnement est un moyen de garantir le remboursement que le débiteur
principal doit à la caution qui a payé. Lorsque le débiteur principal est soumis aux
procédures collectives, la caution a intérêt à prendre des mesures conservatoires pour
éviter que la sous-caution n’organise son insolvabilité.

§ 2) Les relations entre les contrats


Le cautionnement, accessoire de l’opération qu’il garantit est assujetti à cette opération
principale par la règle de l’accessoire. Le caractère accessoire du cautionnement est de
son essence. Au cas où un contrat dit de cautionnement contredit ce caractère accessoire
(par exp. une clause qui rend l’engagement de la caution indépendante du contrat
principal), deux solutions sont offertes. Soit ladite clause est considérée comme non
écrite et donc la qualification du cautionnement est maintenue, soit on considère que
cette clause change la nature du contrat et il faut alors requalifier ce contrat. La
qualification à retenir en définitive dépendra du contexte notamment les
renseignements que l’on peut tirer du texte même du contrat, les habitudes en la
matière, les habitudes des parties etc.
Ce caractère accessoire est réaffirmé par le législateur de l’OHADA à l’article 7 de l’AUS
(art. 15 de l’Acte du 15 décembre). Le cautionnement ne peut exister que si l’obligation
principale garantie est valablement constituée.  En outre, la confirmation par le
débiteur de la dette principale ne lie pas la caution (article 17 de l’Acte de 2010),
sauf renonciation expresse de la caution. La caution peut cependant, en connaissance
de cause, cautionner les engagements d’un incapable.
L’engagement de la caution ne peut être contracté à des conditions plus onéreuses
que l’obligation principale, sous peine de réduction à concurrence de celle-ci. Le
débiteur ne peut non plus aggraver l’engagement de la caution postérieurement à
la formation du contrat.
Il a été jugé sur le fondement du caractère accessoire du cautionnement « qu'en cas de
vente de l'immeuble donné à bail, le cautionnement garantissant le paiement des loyers
est, sauf stipulation contraire, transmis de plein droit au nouveau propriétaire en tant
qu'accessoire de la créance de loyers cédée à l'acquéreur par l'effet combiné de
l'article 1743 et des articles 1692, 2013 et 2015 du Code civil »6.
6
Ass. plén. 6 décembre 2004, Arrêt n° 520.
13

Ce caractère accessoire du cautionnement est, dans ses conséquences, remis en cause


par les procédures collectives où la caution pourrait être amenée à payer plus que ne
doit le débiteur principal.
Aux termes de l’article 134 al. 5 de l’Acte uniforme portant organisation des
procédures collectives d’apurement du passif, « Le concordat de redressement
judiciaire accordé au débiteur principal ou à un coobligé ne profite pas aux autres
coobligés ou aux personnes ayant consenti un cautionnement ou affecté ou cédé
un bien en garantie ».

Sect. II : Le contrat de cautionnement lui-même


Le cautionnement est une sû reté personnelle. Il est un contrat accessoire, unilatéral.
Traditionnellement, le cautionnement est considéré comme un contrat consensuel. Mais
le législateur de l’OHADA semblait en faire un contrat formaliste. Nous étudierons les
conditions de formation du cautionnement puis l’étendue du cautionnement.
§1) Conditions de formation du cautionnement
Naturellement, le cautionnement doit répondre aux conditions générales de formation
de tout contrat à savoir, la capacité, le consentement, la cause et l’objet. Ces exigences
peuvent nécessiter quelques adaptations au cautionnement. A ces conditions générales,
il faut ajouter certaines exigences propres aux situations particulières.
A) Conditions générales
1) conditions de fond
 Le consentement
Le consentement au cautionnement est lourd de conséquences. Il ne peut donc être
déduit d’une promesse imprécise ou ambiguë. C’est pourquoi le cautionnement doit être
convenu de façon expresse entre la caution et le créancier (art. 4. al.1 in fine de l’AUS et
2292 C. civ.).
Le nouvel Acte du 15 décembre 2010 en son article 12 se contente de disposer que « Le
cautionnement ne se présume pas, quelle que soit la nature de l’obligation
garanties ». Cette formulation ne remet nullement en cause les principes
précédemment admis.
L’exigence d’un consentement exprès n’implique pas un mot sacramentel. Il suffit que le
caution manifeste l’intention de payer en cas de défaillance du débiteur. Ainsi,
l’autorisation donnée par une société mère à une banque d’inscrire au débit de son
compte courant toute somme qui serait due par ses filiales a été qualifiée de
cautionnement (Com. 28 avril 1987, D. 88, 341).
L’erreur est souvent invoquée comme vice du consentement par la caution. Il peut
s’agir de l’erreur sur la solvabilité du débiteur, ou l’erreur sur l’étendue de
l’engagement. Cette dernière hypothèse est illustrée par une espèce dans laquelle une
personne garantit le remboursement des dettes d’un notaire avant que le passif ne soit
dévoilé (Civ. 1re, 17 juill. 1979, Gaz. Pal. 79, Pan. 16-18 déc.). Ce problème de l’erreur sur
la situation du débiteur est en partie réglé s’agissant du cautionnement général par le
législateur de l’OHAHA. En effet, « sauf clause contraire, le cautionnement général ne
14

garantit pas les dettes du débiteur principal antérieures à la date du cautionnement »


(art. 9 al. 4, art. 19 al. 3 de l’Acte du 15 décembre).
Mais il ne semble pas que le créancier ait une obligation de dévoiler lui-même les
informations qu’il détient sur la situation ou la moralité du débiteur principal. Il
appartient à la caution de se renseigner elle-même sur l’étendue du risque qu’elle court.
 La capacité
S’agissant de la capacité, il faut observer qu’elle répond au régime normal. Ainsi, un
mineur ou un majeur incapable ne peuvent se porter caution.
 L’objet
Il faut relever que dans le cautionnement des dettes futures ou éventuelles, le bien
objet du contrat (la somme d’argent) est éventuel mais le service (engagement du
patrimoine) existe immédiatement. Cette situation donne lieu à deux types
d’obligations à la charge de la caution, l’obligation de couverture (qui naît avec le contrat
du fait que le patrimoine est déjà engagé) et l’obligation de règlement qui naît au fur et à
mesure des dettes. Cette obligation de couverture permet au créancier de pouvoir
prendre dès à présent des mesures conservatoires en exigeant de la caution de ne pas
accepter d’autres cautionnements ou encore à ne pas se dessaisir de certains biens.
 La cause
Il est parfois recouru à la notion de cause pour soutenir que si les relations qui ont existé
entre le débiteur principal et la caution et qui ont justifié l’engagement de la caution
disparaissent (cas du dirigeant caution qui démissionne ou de l’époux caution qui
divorce), alors le cautionnement prend fin, la cause ayant disparu. Il faut observer que ce
raisonnement n’a pu prospérer.

2) Les conditions de forme


Aux termes de l’article 4 al. 2 de l’AUS, « Le cautionnement doit être constaté dans un
acte comportant la signature des deux parties et la mention, écrite de la main de la
caution, de la somme maximale garantie, en toute lettre et en chiffres. En cas de
différence, le cautionnement vaut pour la somme exprimée en lettre ». Ce texte est
diversement apprécié par les auteurs, les uns estimant que le cautionnement doit
dorénavant à peine de nullité être écrit (contrat formaliste), les autres soutenant que ce
texte n’est qu’un condensé des articles 136 et 2015 C. civ. et qu’il ne saurait être
considéré comme une condition de validité du contrat de cautionnement. Cette dernière
analyse s’appuie également sur le fait que le législateur OHADA n’a nulle part sanctionné
cette exigence par la nullité.
Il faut observer que l’absence d’une sanction expresse par le législateur ne suffit pas à
elle seule à faire de cette exigence un élément de preuve puisque le texte qui édicte la
règle pourrait elle même être considéré comme recelant virtuellement la sanction
(Théorie de la nullité virtuelle). Ensuite, si l’insertion de l’article 1326 C. civ. dans une
section intitulée de la preuve littérale accrédite en France la valeur probatoire de cette
exigence, il est à noter que l’article 4 de l’AUS est inclus dans une section intitulé
« Formation du cautionnement ». Il faut enfin signaler que la jurisprudence française a
parfois fait de cette exigence une condition de validité du cautionnement même si cette
15

solution n’est plus d’actualité. Il n’est donc pas sû r que le législateur OHADA ait
seulement voulu condenser les principes résultant des articles 1326 et 2015 C. civ. Il est
donc probable qu’il ait fait de l’écrit une condition de validité.
Il importe de relever que ce débat n’est plus d’actualité, l ’Acte du 15 décembre
ayant apporté des précisions. En effet, il est substitué à l’expression le
cautionnement « doit être constaté par écrit », une autre formulation à savoir le
cautionnement « se prouve » art. 14 al. 1. Il semble donc que cette nouvelle
rédaction mette l’accent sur le caractère consensuel du cautionnement 7.
Des exigences particulières sont prévues par le même texte s’agissant de la caution qui
ne sait ou ne peut écrire. Dans ce cas, il doit se faire assisté de deux témoins qui
certifient dans l’acte, son identité et sa présence. Ils attestent également que la
nature et les effets de l’acte lui ont été précisés. Cette mesure vise entre autres à
s’assurer que son consentement a été donné en toute connaissance de cause.
3) L’exigence d’une caution solvable
Cette exigence résulte de l’article 2295 C. civ. L’article 2296 précise les conditions de la
solvabilité. « La solvabilité d'une caution ne s'estime qu'eu égard à ses propriétés
foncières, excepté en matière de commerce, ou lorsque la dette est modique.
On n'a point égard aux immeubles litigieux, ou dont la discussion deviendrait trop
difficile par l'éloignement de leur situation ».
La fortune mobilière de la caution pressentie n’est pas prise en considération. Cette
solution manifeste l’adage res mobilis, res vilis. Le législateur français dans le cadre des
reformes aurait pu redresser la situation. Mais ce ne fut pas le cas
Le législateur OHADA retient une solution différente en la matière. En effet, aux termes
de l’article 5 al. AUS (art. 15 de l’Acte de 2010) « La caution doit présenter des garanties
de solvabilité appréciées en tenant compte de tous les éléments de son patrimoine ». Cette
solution est plus conforme à l’évolution de la composition des patrimoines des individus
et à celle des biens. En effet, les biens mobiliers ont aujourd’hui pris de la valeur au point
que la primauté faite aux biens immobiliers ne se justifie plus totalement. Mais il faut
admettre tout comme la solution retenue en Droit français que les biens litigieux ne
doivent pas être pris en considération en raison de la possibilité d’éviction du droit de
propriété de la caution sur ces biens.

Engagement manifestement disproportionné par rapport à la solvabilité de la


caution.

La première situation est celle où l'engagement de la caution est manifestement


disproportionné par rapport à sa solvabilité. Peut-on consentir, sans erreur, ou sans
faute du banquier contractant, à sa propre ruine ?
Les cautions ont un moment évoqué les dispositions de l'article 2018 du Code civil, qui
précise que le débiteur qui doit fournir une caution doit en présenter une qui ait « un
bien suffisant pour répondre de l'objet de l'obligation ». Mais il a été jugé que ce texte

7
M. BRIZOUA-BI, Le nouveau visage des sûretés personnelles dans l’espace OHADA, op. cit. p. 62
16

édicté au bénéfice du seul créancier, n'était pas invocable par la caution (Cass. com., 3
mars 1987 : Bull. civ. IV, n° 58 ; Gaz. Pal. 1987, 1, pan. jurispr. p. 118. – CA Paris, 27 janv.
1987 : D. 1987, inf. rap. p. 33). Le créancier peut en revanche y renoncer (Cass. com., 7
févr. 1984 : Gaz. Pal. 1984, 2, pan. jurispr. p. 163, obs. Piédelièvre).
Ce texte a en effet été considéré comme insusceptible d'entraîner l'annulation de
l'engagement de la caution pour erreur (Cass. 1re civ., 7 juin 1988 : Bull. civ. I, n° 173 ; D.
1988, inf. rap. p. 177). Seule la faute précontractuelle de la banque peut donc être
invoquée par la caution. Elle sera caractérisée par deux éléments. D'abord par la
disproportion ; celle-ci doit être particulièrement nette, il faut qu'elle soit manifeste, et
que « l'énormité » de la somme garantie soit avérée. Cette disproportion est
objectivement appréciée. Ensuite, cette disproportion exclut la bonne foi, c'est-à -dire
qu'elle établit le manquement du banquier à une obligation de s'informer qui pèse sur
lui. Le banquier doit en effet questionner la caution sur sa fortune et ses
ressources (actuelles ou prévisibles), ou se renseigner à cet égard (V. l'arrêt Macron,
Cass. com., 17 juin 1997 : Bull. civ. IV, n° 188 ; D. 1998, p. 208, note Casey ; RTD civ.
1998, p. 100, obs. Mestre, et p. 157, obs. Bandrac et Crocq).
– La seconde situation est celle où le banquier n'informe pas suffisamment la caution sur
les risques qu'elle encourt. Il s'agit d'hypothèses très voisines de celles dans lesquelles
les erreurs des cautions ont été découvertes (V. supra n°49 s.). Ici encore, la connaissance
par la caution des affaires du débiteur garanti sera décisive pour exclure la faute du
banquier (dirigeant, Cass. com., 9 nov. 1993 : Gaz. Pal. 1994, 2, p. 638. – Cass. 1re civ., 13
févr. 1996 : JCP G 1996, II, 22725).Il ne faut de toute manière pas perdre de vue
l'affirmation raisonnable selon laquelle il est tout à fait possible de cautionner un
débiteur insolvable, pourvu que cela soit conscient (Cass. com., 10 oct. 1995 : Quot. jur. 9
nov. 1995, p. 2). Que serait le cautionnement s'il ne servait à couvrir les mauvais
débiteurs, ou les risques tarés ?
Il a été ensuite jugé que la caution ne pouvait engager la responsabilité du créancier
qu’autant qu’elle démontre que ce dernier aurait eu sur les revenus de la caution, son
patrimoine et ses facultés de remboursement prévisibles, des informations que la
caution elle-même aurait ignorées (Com. 8 oct. 2002 ; Com. 2 fév. 2003 ; chambre
commerciale 26 janvier 2016 N° de pourvoi: 14-20478 ). En réalité, la cour fait une
distinction entre caution profane et caution avertie. C’est à l’égard de la caution avertie
que la banque n’a pas une obligation d’information : « Mais attendu qu’ayant retenu par
les motifs vainement critiqués au premier moyen que la caution était avertie, la cour
d’appel faisant ressortir que la banque n’était tenue d’aucune obligation à son égard, a
légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches »8.

B) Condition spéciales
Il faudra signaler les interdictions et les autorisations spéciales se rapportant
cautionnement donné par les personnes morales.
Le cautionnement fait par les sociétés anonymes avec conseil d’administration ou avec
administrateur général en faveur de ses dirigeants est interdits (art. 450 et 507 AUSC).

8
Com. 17 mai 2011, n° de pourvoi 10-11810.
17

La même interdiction est faite aux sociétés à responsabilité limitées de cautionner ou


garantir les gérants et les associés ainsi que leurs conjoints, ascendants et descendants
(art. 356 AUS).
S’agissant des cautionnements souscrits par la société anonyme au profit des tiers, la loi
exige une autorisation préalable soit du conseil d’administration, soit de l’assemblée
générale ordinaire (art.449 et 506 AUSC).

§2) Les modalités du cautionnement


Le cautionnement peut être simple ou solidaire. L’article 10 de l’AUS (art. 20 de l’Acte
de 2010) dispose que « Le cautionnement est réputé solidaire ». La solidarité constitue
le droit commun et le cautionnement simple doit résulter expressément soit de la loi de
chaque Etat ou de la convention des parties. Et lorsqu’elle résulte de la loi d’un Etat, la
solidarité devra résulter d’une volonté expresse des parties.
La solution retenue par le législateur OHADA consacre une pratique largement répandue
dans le monde des affaires.
A) La caution simple
La caution simple a le bénéfice de discussion. C’est la faculté reconnue à la caution
d’exiger que le créancier poursuive d’abord la vente des biens du débiteur principal,
avant de poursuivre éventuellement la vente de ses propres biens. Dans ce cas, la
caution devra indiquer les biens du débiteur à saisir et avancer les frais de la
poursuite (article 16 al. 2 ; Article 27 al. 2 de l’Acte de 2010).
Le bénéfice de discussion a pour effet de suspendre les poursuites engagées contre la
caution. Le créancier ne pourra reprendre les poursuites que s’il ne retire pas de la vente
des biens un paiement intégral.
L’article 16 al. 3 dispose que « le créancier est, jusqu’à concurrence des biens indiqués,
responsable, à l’égard de la caution, de l’insolvabilité du débiteur principal survenue par le
défaut de poursuite ». Le créancier a donc intérêt à agir avec célérité. Ces dispositions
sont protectrices de la caution simple. Elle n’aura pas à supporter les négligences du
créancier qui s’abstiendrait de poursuivre à temps le débiteur principal. Le bénéfice de
discussion doit être demandé dès les premières poursuites. Si elle ne l’invoque pas
in limine litis, elle est censée y avoir renoncé. Elle sera traitée comme une caution
solidaire.
B) La caution solidaire
La solidarité a pour effet d’exclure le bénéfice de la discussion. L’article 16 al. 1 (art. 25
al. 1 de l’Acte de 2010) dispose en effet que « La caution judiciaire et la caution solidaire
ne disposent pas du bénéfice de discussion ». Elles deviennent à l’égard du créancier un
codébiteur solidaire. Le caractère subsidiaire de la caution ne subsiste plus que dans les
rapports entre caution et débiteurs principal.
C) La pluralité de cautions
La pluralité de caution d’une même dette contractée par un même débiteur pose le
problème du bénéfice de la division. Le créancier peut-il poursuivre une seule caution
pour la totalité de la dette du débiteur ? Aux termes de l’article 17 de l’AUS (Art. 28 al. 1
de l’Acte de 2010), sauf stipulation contraire, chaque caution a le bénéfice de division.
18

Chaque caution peut donc demander la division de la dette entre les cautions solvables.
Ici encore, la caution doit demander le bénéfice de la division dès les premières
poursuites.
D) La caution réelle
Le cautionnement réel est celui dans lequel la caution n’affecte à la garantie de la dette
principale qu’un ou plusieurs de ses biens. L’article 12 de l’AUS (art. 22 de l’Acte de
2010) précise que la caution peut  limiter son engagement à la valeur de réalisation du ou
des biens sur lesquels elle a consenti une telle sûreté. Il résulte de ce texte qu’à défaut de
stipulation particulière, la caution est tenue pour la totalité de la dette et non à la seule
valeur des biens donnés en garantie.
Il faut relever que cette question a donné lieu à un débat en droit français. En effet, trois
situations sont à distinguer.
La première est celle dans laquelle, une caution offre en garantie du paiement de la
créance une sû reté réelle. Nous sommes d’abord en présence du cautionnement, sû reté
personnelle qui est ensuite garantie par une sû reté réelle. Dans cette hypothèse, la
nullité du cautionnement par exemple anéantit aussi la sû reté réelle constituée. La
sû reté réelle dans ce cas n’est qu’un accessoire de la sû reté personnelle qu’est le
cautionnement.
La seconde situation est celle de la constitution d’une sureté réelle en garantie de la
dette d’autrui. Ce qui est désigné sous le nom sû reté réelle pour autrui. La nature
juridique de cette opération a donné lieu à un débat. Il s’agissait de savoir si en affectant
un bien en garantie du paiement de la dette d’autrui, le tiers n’entendait pas aussi se
porter caution à la hauteur de la valeur du bien affecté. L’ambiguïté de l’expression
caution réelle pourrait traduire cette hésitation. La cour de cassation avait d’abord
consacré cette conception mixte pour appliquer à cette sû reté certaines règles du
cautionnement9. Il y a eu ensuite un revirement : « Le créancier n’a d’action que sur le
bien affecté en garantie »10. Le cautionnement réel n’est donc pas un cautionnement. Il
s’agit exclusivement d’une sû reté réelle sans aucun rapport avec le cautionnement.
La troisième situation est celle dans laquelle une personne offre un bien en garantie de
la dette d’autrui (sû retés réelle) mais aussi se porte caution indépendamment de cette
sû reté réelle. Dans cette hypothèse le sort de cette sû reté réelle est indépendant de la
validité du cautionnement. Le créancier dispose d’abord d’un droit de gage sur le
patrimoine de la caution, et un droit de préférence sur le bien donné en garantie.

§ 3) L’étendue du cautionnement
L’étendue du cautionnement est d’une grande importance. Elle présente deux aspects,
l’étendue en montant et l’étendue en durée.
1) L’étendue en montant
Dans la pratique des affaires, rares sont les cautionnements qui comportent une limite
chiffrée très précise à l’engagement de la caution. Le législateur OHADA a apporté des
solutions précises concernant le montant du cautionnement et la nature des dettes.

9
Civ. 1re 15 mai 2002, Bull. civ. I, n° 127.
10
Ch. Mixte, 2 décembre 2005, Bull. mixte n° 7
19

a) La détermination des dettes garanties


Aux termes de l’article 8 de l’AUS de 1997, « Le cautionnement d’une obligation peut
s’étendre, outre le principal, … aux accessoires de la dette et aux frais de recouvrement de
la créance, y compris ceux postérieurs à la dénonciation qui est faite à la caution, à
condition que cet engagement résulte d’une mention manuscrite de la caution ». Il résulte
de ce texte qu’à défaut de précision, le cautionnement devrait en principe être
circonscrit à la dette principale, dans la limite du montant maximum prévu dans le
contrat. Lorsque le contrat le prévoit, le cautionnement peut s’étendre aux
accessoires que sont les intérêts, les clauses pénales … et aux frais de
recouvrement de la créance notamment les frais de signification, de mise en
demeure etc..
Il est important de souligner que l’Acte de 2010 a apporté une modification en la
matière. En effet, aux termes de l’article 18 du nouvel Acte, « Sauf clause contraire,
le cautionnement d’une obligation s’étend, outre le principal, et dans la limite de
la somme maximale garantie, aux accessoires de la dette et aux frais de
recouvrement de la créance, y compris ceux postérieurs à la dénonciation qui est
faite à la caution ».
Il résulte de ce texte que le principe précédemment annoncé se trouve inversé. En
effet, le cautionnement dorénavant s’étend aux accessoires de la dette principale.
Il n’en ira autrement que si une clause contraire a été expressément prévue par
les parties.
Généralement les dettes garanties sont les dettes présentes. Mais rien ne s’oppose à ce
qu’il soit garanti des dettes futures. D’ailleurs, le nouvel article 13 le prévoit
expressément.
b) Cas du cautionnement général
Le cautionnement général qui s’entend du cautionnement de tout engagement du
débiteur à l’égard d’un créancier ne s’entend que de la garantie des dettes contractuelles
directes aux termes de l’article 9 de l’AUS (Article 18 de l’Acte de 2010). Ces dispositions
excluent non seulement les dettes délictuelles mais aussi les dettes indirectes. Ces
dernières concernent notamment les dettes contractées par les tiers auprès du même
créancier et garanties par le débiteur principal.
Sont également exclues du cautionnement général, sauf stipulation contraire, les dettes
du débiteur principal antérieures au cautionnement.
c) Le montant du cautionnement
L’acte de cautionnement doit indiquer, par une mention écrite de la main de la caution,
la somme maximale garantie en toutes lettres et en chiffres. Le cautionnement général
doit être conclu, à peine de nullité, pour une somme maximale librement
déterminée entre les parties (art. 9 AUOS ; Article 19 de l’Acte de 2010). Le
cautionnement général peut être renouvelé si le montant maximum est atteint. Le
renouvellement doit être exprès ; toute clause contraire est réputée non-écrite. Il peut
aussi être révoqué à tout moment par la caution, même avant que le montant
maximum ne soit atteint. Toutes les dettes nées antérieurement à la révocation
sont couvertes par la caution même en cas de révocation.
20

2) L’étendue dans la durée


Il faut distinguer selon qu’il s’agit de l’obligation de règlement ou de l’obligation de
couverture.
a) L’obligation de couverture
Elle n’existe que dans le cautionnement des dettes futures et a pour fonction de
déterminer celles des dettes futures qui seront garanties. Elle peut être de durée
déterminée ou indéterminée. Lorsqu’elle est à durée indéterminée, elle permet à
chaque partie d’y mettre fin par une manifestation unilatérale de son souhait. Il ne peut
y avoir d’engagement perpétuel. Il faut rappeler que l’article 9 al. 4 (Nouvel article 19 al.
2) dispose que le cautionnement peut être révoqué à tout moment par la caution. Mais
lorsque l’engagement est à durée déterminée (par exemple le directeur qui cautionne les
activités de sa société pendant 5 ans) ou comporte une durée minimale, peut-il y avoir
résiliation avant le terme convenu ? Les dispositions relatives à la faculté de révocation
ne sont pas d’ordre public et les clauses fixant une durée minimale sont valables.
b) Obligation de règlement
L’obligation de règlement n’a aucune durée ; elle est à exécution instantanée. Les dettes
nées au moment où l’obligation de couverture prend fin sont garanties. L’obligation de
règlement peut néanmoins avoir un terme extinctif. Ainsi les stipulations du type le
présent cautionnement sera valable jusqu’au 31 décembre 2006 alors que la dette
principale arrive à échéance le 31 décembre 2005 signifie que le créancier dispose d’un
délai d’un an pour engager des poursuites contre la caution. Il en est de même des
clauses du type « la caution ne sera tenue que pendant tel nombre de mois suivant
l’échéance ».

Section III : Le dénouement du cautionnement


Le dénouement du cautionnement se fait essentiellement par le paiement. Mais il peut se
dénouer aussi par d’autres modes.
§ 1) Le dénouement par le paiement.
Il peut s’agir du paiement de la dette principale ou le paiement par la caution
A) Le paiement de la dette principale
1) Le paiement de la dette principale par le débiteur lui-même
Lorsque la dette est payée par le débiteur principal lui-même, le cautionnement est
éteint. En effet, le cautionnement étant l’accessoire de la dette principale, la disparition
de son support emporte la sienne. Ceci distingue le cautionnement de la garantie à
première demande où l’exécution de l’opération principale ne peut en principe
être invoquée par le garant. Il est fait exception à ce principe lorsque la dette
principale est payée par un tiers.
2) Le paiement de la dette principale par un tiers
Le tiers qui paie est subrogé dans les droits du créancier, non seulement dans la créance
mais également dans les accessoires de cette créance dont le cautionnement. Le tiers
peut donc exiger de la caution qu’elle paye ce que doit encore le débiteur.
Une autre difficulté est celle du payement partiel de la dette et son imputation
3) L’imputation du payement partiel
21

Le paiement partiel ne peut être imposé au créancier (Cf. art 1244 C. civ.). Mais dans les
faits le créancier accepte souvent le paiement partiel. Il se pose alors le problème de
l’imputation du paiement en cas de pluralité de dettes. En cas de pluralité de dettes dont
certaines ne sont pas cautionnées, le paiement partiel est imputé d’abord aux dettes
cautionnées car elles sont plus onéreuses. Cette solution est supplétive de la volonté des
parties.
Lorsqu’il s’agit plutô t d’une seule dette partiellement cautionnée, la jurisprudence et la
doctrine admettent que l’imputation doit d’abord se faire sur la fraction non cautionnée.
La solution est expliquée par le fait que le créancier ayant pris soin d’exiger une
garantie, cette dernière devra jouer jusqu’à entière satisfaction.
B) Le payement du cautionnement
Si le débiteur principal ne s’exécute pas, le créancier peut demander directement le
paiement à la caution, qu’il s’agisse de la caution solidaire ou de la caution simple. Cette
dernière pourra cependant invoquer le bénéfice de discussion. L’article 15 al. 2 de l’AUS
(article 27 al. 1 de l’Acte de 2010) dispose que le créancier ne peut poursuivre la caution
simple ou solidaire qu’en appelant en cause le débiteur principal. Il faut relever que la
défaillance du débiteur principal sera constatée par une mise en demeure restée
infructueuse. La caution doit aviser le débiteur principal ou le mettre en cause avant de
payer la dette au créancier poursuivant (article 19 al. 1 de l’AUOS ; Nouvel article 30 al.
1).
Le paiement par la caution soulève quelques interrogations dont celles de savoir à quel
moment la caution doit-elle payer ?
1) Le moment du payement
Le cautionnement étant accessoire, la caution ne doit payer que lorsque la créance est
exigible à l’encontre du débiteur principal. Se pose alors la question de savoir ce qui
adviendrait en cas de déchéance du terme à l’encontre du débiteur principal ou en cas de
prorogation de terme à son profit.
d) La déchéance du terme
La déchéance du terme a pour conséquence que la dette du débiteur principale devient
exigible avant la date initialement convenue. Il en sera ainsi lorsque le débiteur diminue
les sû retés, en cas de liquidation judiciaire ou encore en vertu d’une clause contractuelle.
La caution est-elle tenue de payer immédiatement le créancier ? La jurisprudence a
décidé en France que la caution a son terme propre même en l’absence de toute
stipulation en ce sens. C’est la solution retenue par le législateur OHADA. En effet, aux
termes de l’article 13 al. 4 de l’AUS « Nonobstant toute clause contraire, la déchéance du
terme accordé au débiteur principal ne s’étend pas automatiquement à la caution qui ne
peut être requise de payer qu’à l’échéance fixée à l’époque où la caution a été fournie ».
Les mêmes dispositions sont reprises à l’article 2 3 al. 4 de l’Acte de 2010. La caution
n’encourt la déchéance que par sa propre faute par exemple lorsqu’à l’échéance, elle ne
satisfait pas à ses obligations ou diminue la sû reté réelle consentie.
e) La prorogation du terme
Aux termes de l’article 13 al. 3, (article 23 al. 3 de l’Acte de 2010) « La prorogation du
terme accordée au débiteur principal par le créancier doit être notifiée par ce dernier à
22

la caution. Celle-ci est en droit de refuser le bénéfice de cette prorogation et de


poursuivre le débiteur pour le forcer au paiement ou obtenir une garantie ou une
mesure conservatoire ». Cette solution se justifie par le fait que la prorogation du terme
peut aggraver la situation de la caution si elle lui est applicable.
Qu’adviendrait-il si la prorogation du terme a été imposée au créancier lui-même par
l’obtention d’un délai de grâ ce. Cette prorogation ne bénéficie pas à la caution qui pourra
être poursuivie par le créancier.

2 ) Le remboursement de la caution
La caution ne devant en définitive supporter aucune contribution, elle dispose des
recours juridiques contre le débiteur principal et éventuellement contre les
cofidéjusseurs.
a) le recours contre le débiteur principal
Le recours de la caution s’exerce en principe après payement. Mais il arrive qu’il soit
exercé même avant payement.
) Le recours après payement
La caution dispose de deux actions qui se cumulent, une action personnelle et une action
subrogatoire
 L’action personnelle
Elle trouve son fondement dans le contrat ou le lien de droit qui existe entre la caution et
le débiteur principal. La qualification de ce lien importe peu : mandat, gestion d’affaire,
prestation de service etc. La finalité de cette action est de permettre à la caution une
totale indemnisation par suite de tout ce qu’elle a eu à subir en exécutant son
engagement. Il s’agit du principal, des intérêts, des frais engagés et des dommages et
intérêts si l’exécution lui a causé un dommage particulier.
En cas de caution partielle, le créancier ne peut pour le reliquat, être préféré à la caution
qui a payé et agi en fonction de son recours personnel. (article 21 al. 2 ; article 32 al. 2 de
l’Acte de 2010).
Il est admis que lorsque la caution s’engageait à l’insu du débiteur ou contre son
gré, il est mis à l’écart le recours personnel. Mais le recours subrogatoire resterait dû
car il résulte de la seule considération objective du paiement effectué par la caution
entre les mains du créancier. Malgré la nouvelle rédaction de l’article 13 al 2 du nouvel
Acte selon lequel « Cet engagement peut être contracté sans ordre du débiteur »,
l’admission du recours subrogatoire lorsque le cautionnement est effectué à l’insu du
débiteur principal ne devrait pas être remise en cause.
 L’action subrogatoire en remboursement
Elle est affirmée par l’article 20 al. 1er (nouvel article 31 al. 1er) qui dispose que « la
caution est subrogée dans tous les droits et garanties du créancier poursuivant pour tout
ce qu’elle a payé  ». En vertu de cette action la caution se met à la place du créancier
désintéressé. Elle bénéficie ainsi de tous les droits et avantages que le créancier
s’était ménagé à l’encontre du débiteur principal, notamment le bénéfice des
sûretés du créancier. L’action subrogatoire a pour inconvénient de ne permettre qu’un
remboursement limité au montant payé par la caution. De plus, la caution exerçant
23

l’action du créancier, c’est la même prescription qui continue à courir depuis que
l’obligation est devenue exigible.
S’il y a plusieurs débiteurs principaux solidaire d’une même dette, la caution est
subrogée contre chacun d’eux pour tout ce qu’elle a payé, même si elle n’en a cautionné
qu’un. Si les débiteurs sont conjoints, elle doit diviser ses recours » (Nouvel article 28 al.
2).
 Cumul des deux actions
Par une même demande en justice, la caution peut agir sur les deux terrains pour
cumuler leurs avantages respectifs.
 Obstacles légaux au remboursement (article 19 al. 2 ; Nouvel article 27 al. 5)
La caution qui a payé sans en aviser le débiteur principal perd son recours contre lui
dans deux cas : si au moment du payement ou antérieurement à ce paiement, le débiteur
avait le moyen de déclarer cette dette éteinte ou s’il avait payé dans l’ignorance du
paiement de la caution. Si le moyen de faire déclarer la dette éteinte est postérieur au
payement, il ne peut constituer un obstacle au remboursement qu’autant que l’exception
existait déjà en germe au moment du payement (cas d’une créance non liquide, ni
exigible mais certaine).
Dans ces hypothèses, la caution dispose d’une action en répétition de l’indu contre le
créancier.
) Le recours avant payement
Elle a pour finalité d’éviter que la situation de la caution ne s’aggrave et que son
remboursement ne soit compromis par l’attente d’un terme prévu au contrat. Il s’agit
donc pour la caution de se prémunir contre l’insolvabilité du débiteur. Il a pour support
l’article 24 de l’AUS (Article 35 de l’Acte de 2010). Aux termes de ce texte, avant même
d’avoir payé, la caution peut agir en paiement contre le débiteur principal ou demander
la conservation de ses droits dans le patrimoine de celui-ci dès qu’elle est poursuivie,
lorsque le débiteur est en état de cessation de payement ou en déconfiture, lorsque le
débiteur ne l’a pas déchargé dans le délai convenu, lorsque la dette est devenue exigible
par l’échéance du terme sous le quel elle avait été contractée.
Ces recours anticipés sont interprétés strictement en ce qu’ils ne sont ouverts que
contre le débiteurs principal et ne peuvent être exercés par la caution contre les
cofidéjusseurs11 ni contre les associés de la société cautionnée ou contre les codébiteurs
solidaires du débiteur garanti12.
b) Le recours contre les cofidéjusseurs
La caution qui a payé peut obtenir des cofidéjusseurs, le remboursement de ce qu’elle a
déboursé en plus de sa part. Mais elle est tenue de diviser ses poursuites entre les
cofidéjusseurs, chacun ne devant payer que sa part. Si une caution est insolvable, la part
doit être répartie entre les autres cautions. Il est admis qu’elle peut agir cumulativement
sur le fondement de son action personnelle et sur celle de l’action subrogatoire.

11
Com. 3 mars 1981, Bull civ. IV, n° 117 ; Com. 27 nov. 1978, Bull. civ. IV, n° 277; Com. 24 nov. 1980, Bull. IV, n°
141.
12
Cf. C. MOULY, Le recours anticipé de la caution contre la sous-caution ; JCP 80, I, 2985.
24

§2) Les autres dénouements du cautionnement


La caution qui conteste la dette évoquera souvent de nombreuses causes d’extinction
parmi lesquelles l’impossibilité de subrogation, la faute du créancier, la novation, la
transaction, la remise de dette et la prescription.

A) L’impossibilité de subrogation du fait du créancier


Aux termes de l’article 18 al. 2 AUS Nouvel article 29 al. 2 (2037 C. civ.), la caution est
déchargée quand la subrogation aux droits et garanties du créancier ne peut plus
s’opérer, en sa faveur, par le fait du créancier. Le fait du créancier peut consister par
exemple en une mainlevée d’une hypothèque. Toute clause contraire est réputée non
écrite. Il faut souligner que la caution n’est déchargée qu’à proportion de la valeur des
droits perdus.
B) La novation
La novation par changement d’objet, qui consiste ici en une substitution d’un nouveau
rapport de dette à celui que la caution garantissait, éteint le cautionnement si la caution
n’a pas été appelée à cette nouvelle dette. Mais la caution doit prouver à la fois
l’intention des parties de modifier leur contrat antérieur (élément intentionnel) et le
changement suffisant pour qu’il y ait novation (élément matériel).
C) La remise de dette
La remise de la dette principale emporte aussi extinction par le mécanisme de
l’accessoire. En cas de remise de dette imposée au créancier par le juge dans les
procédures collectives, la caution demeure entièrement tenue des dettes.
D) La prescription
Elle sanctionne une inaction prolongée du créancier. Cette inaction peut être
involontaire ou volontaire, le créancier laissant s’éteindre la dette sans faire
ouvertement de remise de dette.
E) La confusion
La confusion suppose que les qualités de créancier et de débiteur se trouvent réunies
dans la même personne. Cette situation entraîne l’extinction de la dette et donc du
cautionnement. Lorsque la qualité de créancier et de caution se trouvent réunies en la
même personne, la créance n’est pas éteinte mais le créancier perd sa sû reté et devient
créancier chirographaire (Article 26 AUS ; art. 35 de l’Acte de 2010).

Chapitre 2 : La garantie autonome

Elle est une innovation apportée par l’AUS aux législations nationales existantes. On
retiendra aussi que la dénomination garantie autonome a été substitué à celle de lettre
de garantie précédemment retenue dans l’Acte de 1997. Le droit des garanties
indépendantes est né de la pratique contractuelle dans les années 1970. Lorsque le
25

cautionnement est rendu moins efficace en raison des exceptions que la caution pouvait
soulever, la pratique a cherché à renforcer l’engagement du garant en le privant des
exceptions. Elle sera par la suite consacrer par la jurisprudence. Malgré le succès connu
par les garanties indépendantes dans le commerce international, il était ignoré par la
plupart des législations nationales. La Chambre de commerce international (CCI) pour
combler ce vide juridique a élaboré en 1978 « Les règles uniformes pour les garanties
contractuelles ». En 1992, elle élabore les nouvelles « Règles uniformes relatives aux
garanties autonomes » afin de prendre en compte les intérêts divergents des parties. La
nouvelle formule reconnaît expressément le droit du bénéficiaire de prétendre à un
paiement inconditionnel de sa sû reté. Mais la demande de paiement doit être écrite et
justifiée pour protéger le débiteur principal contre les appels injustifiés de garantie.
L’AUS s’est inspiré de cette formule. La garantie à première demande se distingue des
autres sû retés, particulièrement du cautionnement. Il faut souligner que l’acte de 2010 a
apporté des modifications dans les règles de formations aussi bien qu’aux effets de la
garantie autonome. Il conviendra de préciser sa nature juridique, les règles de sa
formation, ses effets avant d’aborder les problèmes que pose sa mise en œuvre.

Section 1 : Nature juridique et mécanisme de la garantie autonome


Aux termes de l’article 28 AUS, « La lettre de garantie est une convention par laquelle à la
requête ou sur instruction du donneur d’ordre, le garant s’engage à payer une somme
déterminée au bénéficiaire, sur simple demande de la part de ce dernier.
La lettre de contregarantie est une convention par laquelle, à la requête ou sur instruction
du donneur d’ordre au garant, le contregarant s’engage à payer une somme déterminée au
garant, sur première demande de la part de ce dernier ».
Le nouvel article 39 de l’Acte de 2010 dispose que « La garantie autonome est
l’engagement par lequel le garant s’oblige, en considération d’une obligation souscrite
par le donneur d’ordre et sur instructions de ce donneur d’ordre, à payer une somme
déterminée au bénéficiaire, soit sur première demande de la part de ce dernier, soit
selon des modalités convenues ».
On observera que dans l’Acte initial, la loi précisait bien que la lettre de garantie est une
convention, c’est-à -dire un accord de volontés et n’envisageait aucune autre voie par
laquelle puisse se constituer une garantie à première demande.
Par contre, dans l’Acte de 2010, il est seulement indiquer qu’il s’agit d’un Acte par le quel
lequel le garant s’oblige. Cette formulation indique que la garantie autonome peut
résulter d’un engagement unilatéral. Il n’est pas exclu qu’il puisse s’agir aussi d’une
convention puisque le paiement peut se faire suivant  « des modalités convenues ».
Qu’il s’agisse de la garantie ou de la contregarantie, le mécanisme fait intervenir trois
parties : Un donneur d’ordre, un garant et un bénéficiaire.
Le donneur d’ordre est le débiteur qui cherche à constituer une garantie au profit du
bénéficiaire, déjà créancier ou en voie de le devenir
Le garant est celui qui s’engage envers le créancier de l’obligation, à verser une certaine
somme, sur première demande. C’est entre le garant et le bénéficiaire qu’intervient la
convention de garantie à première demande ou suivant la nouvelle disposition, un
26

engagement unilatéral. Cette précision implique que la garantie autonome peut exister
même sans l’accord du bénéficiaire. En Belgique et en Allemagne, la garantie autonome
est analysée aussi en un engagement unilatéral.
Le garant est généralement un établissement financier. Mais le garant ne s’engage
envers le bénéficiaire que sur instruction du donneur d’ordre.
Enfin, le bénéficiaire au profit de qui doit se faire ce versement. Il est normalement
créancier du donneur d’ordre et partie au contrat de garantie à première demande avec
le garant.
Le garant peut lui-même demander à être garanti contre la défaillance du donneur
d’ordre. Il lui demandera alors une contregarantie.
Il se pose la question de savoir la nature des rapports entre le donneur d’ordre et le
garant.
Ce rapport a pu être analysé comme un mandat. Le garant serait mandataire du
donneur d’ordre. Cette analyse a été à juste titre critiquée. En effet, le garant prend à
l’égard du bénéficiaire un engagement personnel alors que le mandataire n’agit que pour
le compte et au nom du mandant.
Il faut admettre qu’on est en présence d’un contrat de service par lequel le garant,
chargé par le donneur d’ordre de prendre l’engagement garanti, assume envers
lui une promesse de faire constitutive d’une convention de crédit, se traduisant
pour le garant par un engagement par signature.
Le rapport entre le garant et le contregarant a été aussi analysé en une convention de
crédit par lequel le garant s’engage pour le compte du contregarant.

Les garanties autonomes sont souvent utilisées dans les contrats d’entreprise,
notamment dans les contrats de construction, pour garantir au maître d’ouvrage
l’exécution des obligations prévues au contrat. On distingue :
- La garantie de soumission : Par cette garantie, le garant prend l’engagement de
payer une certaine somme en général un pourcentage, 1 à 2% du montant du
contrat pour lequel le donneur d’ordre, débiteur, soumissionne. Ce montant
serait dû au cas où le soumissionnaire n’accepterait pas de signer un contrat
conforme aux propositions faites dans sa soumission ou dans le cahier des
charges. Cette demande de garantie se justifie par le fait que l’examen des
soumissions est une procédure longue et coû teuse.
- La garantie d’exécution ou de bonne fin : Cette garantie engage le garant à payer
une certaine somme pour le cas où le bénéficiaire ne s’estimerait pas satisfait par
l’exécution du contrat. Elle est aussi un moyen de stimuler le débiteur dans
l’exécution de ses obligations.
- Les garanties de remboursement d’acompte : Par ces garanties, le garant s’engage
à rembourser au bénéficiaire une partie des sommes avancées par le bénéficiaire
au débiteur. Le montant de ces garanties peut être réduit au fur et à mesure que
les avances sont utilisées pour payer des marchandises ou des services délivrés
au bénéficiaire.
27

- Les garanties de retenues ou de maintenance : Par cette garantie, le garant


accepte de payer au bénéficiaire la totalité du montant de la retenue (dernière
fraction du prix du contrat) que ce bénéficiaire a accepté de ne pas conserver
pendant la période de garantie qui suit l’acceptation des travaux ou pendant la
période de maintenance.
- La garantie de paiement des droits de douanes : Le matériel acheminé par
l’entrepreneur étranger dans le pays où le marché doit être exécuté, bénéficie sur
le plan douanier du régime d’admission temporaire. En conséquence,
l’importation de ce matériel dans le pays considéré ne donne pas lieu à
perception de droit de douanes sous la condition d’une réexportation à une date
déterminée. L’administration douanière peut exiger qu’une banque du pays de
l’entrepreneur s’engage à payer, à première demande, les droits de douanes si le
matériel n’est pas réexporté à la date convenue.

Section 2 : La formation de la garantie autonome


La formation de la lettre de garantie est soumise à des conditions de fond et de forme.
A) Les conditions de fond
Il s’agit d’abord des conditions communes à tout contrat à savoir la capacité, le
consentement, l’objet et la cause. Néanmoins, certaines précisions sont nécessaires.
1) La capacité
C’est la plus grande particularité à relever. La doctrine parfois en fait d’ ailleurs une
condition particulière à cô té des conditions générales. En effet, les personnes physiques
ne peuvent souscrire une telle convention. Aux termes de l’article 29 AUS (nouvel article
40), « Les lettres de garanties et de contregarantie ne peuvent être souscrites sous peine de
nullité par des personnes physiques ». Probablement la rigueur qui s’attache à ses
conséquences explique cette exclusion. La doctrine se demande néanmoins s’il était
opportun d’étendre cette exclusion aux personnes physiques commerçantes. Malgré les
discussions sur la question lors de l’adoption du nouvel Acte, la solution antérieure a été
maintenue.
En dehors de cette exclusion, il faut souligner que toute personne morale, de droit privé
ou de droit public, commerçante ou non, peut souscrire une lettre de garantie ou de
contregarantie.
2) Le consentement
Le consentement doit non seulement exister mais aussi exempt de vice. L’erreur, le dol
et la violence entraîneront la nullité de l’acte. Néanmoins, l’erreur sur la solvabilité du
donneur d’ordre ne peut être une cause de nullité. Par contre, le dol du bénéficiaire
ou du garant pourront donner lieu à la nullité.
Il faut aussi souligner que la garantie autonome pouvant dorénavant résulter d’un
engagement unilatéral, le consentement ne s’entendrait donc pas d’un accord de
volontés mais de l’expression d’une volonté, celle du garant à s’engager.
3) La cause
Dans le droit commun, la cause doit non seulement exister, mais elle doit être aussi licite.
La question s’est posée de savoir si la garantie autonome devait être causée. Cette
28

interrogation a été suscitée du fait que cette garantie est autonome en ce qu’elle
se détache du rapport de base qui lui a donné naissance. L’article 40 al. 2 le rappelle
expressément : « Elles créent des engagements autonomes, distincts des conventions,
actes et faits susceptibles d’en constituer la base ». Mais il est admis que la cause de
l’engagement se situe dans le contrat de base qui lui sert de support économique.
Cette analyse est confortée par l’exigence légale de l’indication dans l’acte de garantie, de
la convention de base, l’action ou le fait cause de l’émission de la garantie (nouvel article
40).
4) L’objet
Le garant s’engage à payer une somme déterminée au bénéficiaire sur première
demande de la part de ce dernier. Cependant, aux termes 33 al. 2 (Nouvel article 44 al.
2), « La lettre de garantie peut stipuler que la somme garantie peut être réduite d’un
montant déterminé ou déterminable à des dates précises ou contre présentation au
garant ou au contregarant de document indiqué à cette fin ». C’est la pratique des
garanties dites glissantes. C’est là une première entorse au caractère autonome de la
garantie ou de la contregarantie puisqu’il est admis la déduction des paiements faits
antérieurement, à conditions que ceux-ci ne soit pas contesté par le bénéficiaire.
B) Conditions de forme
La lettre de garantie ou de contregarantie est soumise à un formalisme. Aux termes de
l’article 30 AUS (Nouvel article 38), elles doivent être écrites. A peine de nullité l’écrit
doit contenir :
- la dénomination de lettre de garantie ou de contregarantie autonome ;
- le nom du bénéficiaire ;
- le nom du garant ou du contregarant ;
- la convention de base, l’action ou le fait, en considération desquelles la garantie
ou la contre-garantie autonome est émise ;
- le montant maximum de la garantie ou de la contregarantie autonome ;
- la date ou le fait entraînant l’expiration de la garantie ;
- les conditions de la demande de paiement, s’il y a lieu ;
- l’impossibilité pour le garant ou le contregarant, de bénéficier des exceptions de
la caution.
Ce formalisme rigoureux vise à attirer d’abord l’attention des parties, particulièrement
le garant sur la nature des engagements pris et surtout leur portée. Le document pourra
aussi éviter les difficultés de preuve.

Section 3 : Effets de la garantie autonome


Les principaux effets de la garantie à première demande sont l’autonomie,
l’inopposabilité des exceptions, l’incessibilité du droit à la garantie et l’irrévocabilité de
la garantie.
A) L’autonomie de la garantie
Cette autonomie signifie que la garantie autonome n’est pas l’accessoire de l’opération
principale de base. Le garant contracte un engagement nouveau dont l’objet est
différent de celui de l’obligation garantie.
29

A la différence de la caution, le garant ou le contregarant ne s’engage pas à payer la


dette d’autrui mais à exécuter une prestation personnelle. Ainsi, la jurisprudence
décide que l’engagement d’acquitter « la propre dette de la société garantie », fut-il
stipulé dans un acte intitulé « garantie à première demande » comportant par ailleurs les
mentions exigées (en particulier l’interdiction pour le garant d’invoquer les exceptions
appartenant au débiteur principal), était constitutif eu égard à son objet, d’un
cautionnement13. Ce qui n’exclut pas qu’il soit fait référence au contrat de base dans la
lettre de garantie. Il suffit que soient prises des précautions de rédaction de sorte que
l’engagement du garant n’implique pas une appréciation des modalités d’exécution du
contrat de base pour l’évaluation des montants garantis ou pour la détermination des
durées de validité 14.
 Il en résulte que le garant est privé des exceptions inhérentes au contrat de base
que la caution, elle, pouvait invoquer : paiement déjà effectué, prescription,
nullité etc. Le garant doit s’exécuter quelles que soient les objections relatives au
contrat de base. En cela, la garantie se substitue à un dépôt d’espèce entre les mains du
bénéficiaire. Il faut néanmoins relever que certaines dispositions de l’Acte uniforme
tendent à réduire cette autonomie.

B) L’inopposabilité des exceptions.


Parmi les mentions exigées à peine de nullité dans la convention figure « l’impossibilité
pour le garant ou le contregarant, de bénéficier des exceptions de la caution ». C’est la
spécificité de la garantie à première demande qui la distingue nettement du
cautionnement.
La règle signifie que le garant ou le contregarant ne peut se prévaloir d’aucune
autre exception que celle tirée du contrat de garantie. L’engagement du garant ou du
contregarant constitue un engagement principal dont l’exécution ne saurait être
subordonnée à la défaillance du débiteur couvert. La nullité du contrat de base, sa
résolution ou sa résiliation sont sans incidence sur la garantie à première demande.

C) Incessibilité du droit à la garantie


Aux termes de l’article 31 de l’AUS de 1997, « Sauf clause contraire expresse, le droit à
garantie du bénéficiaire n’est pas cessible. Toutefois, l’incessibilité du droit à garantie
n’affecte pas le droit du bénéficiaire de céder le montant auquel il aurait droit en vertu
du rapport de base ». Il résulte de cet texte que le droit à garantie est en principe
incessible sauf si les parties en disposent autrement. Il s’agit donc d’une règle supplétive
de la volonté des parties. Néanmoins elle laisse apparaître le caractère personnel de la
garantie.
L’incessibilité n’affecte que le droit à garantie et non les sommes dues en vertu du
contrat de base. Il en résulte que le bénéficiaire peut céder tout ou partie des montants
qui lui sont dus en vertu du rapport de base. Seulement le cessionnaire ne peut profiter
d’une garantie qui serait attachée à la somme cédée. Le caractère personnel se révèle

13
Civ. 1er , 13 mars 1996 RD bancaire et bourse 1996, p. 123.
14
Com. 27 juin 2000 Revue de droit bancaire et financier, novembre/décembre 2000, p. 355.
30

encore ici. Il faut ajouter que cette cession de la créance résultant du rapport de base
n’exonère pas le garant de son obligation à l’égard du bénéficiaire. C’est-dire que malgré
la cession, le garant reste entièrement tenue à l’égard du bénéficiaire en vertu de la
convention de garantie à première demande.
Le principe résultant de l’article 31 a été reformulé dans le nouvel Acte. En effet, aux
termes de l’article 42 de l’Acte de 2010, « Sauf clause ou convention contraire expresse,
le droit à garantie du bénéficiaire n’est pas cessible. Toutefois, l’incessibilité du droit à
garantie n’affecte pas le droit du bénéficiaire de céder tout montant auquel il aurait droit
à la suite de la présentation d’une demande conforme au titre de la garantie ». Il résulte
de cette dernière formulation que le bénéficiaire peut céder les droits nés de la garantie
autonome, mais seulement au moment de la présentation de la demande de paiement.
Cette demande doit être aussi conforme au titre.
D) Irrévocabilité de la garantie
Aux termes de l’article 32 al. 2 de l’Acte de 1997, « Sauf clause contraire expresse les
instructions du donneur d’ordre, la garantie et la contregarantie sont irrévocables ». Ces
dispositions prévoient la possibilité pour l’une des parties, le donneur d’ordre, le garant
ou le contregarant de révoquer son engagement à condition que cette possibilité ait été
expressément prévue dans la convention.
Cette clause si elle venait à être insérée dans l’acte, serait de nature à engendrer une
insécurité quant à la situation du bénéficiaire.
Reste à savoir si cette clause étant prévue, sa mise en œuvre peut-elle être source de
responsabilité ? En principe, sa mise en œuvre n’est que l’exercice d’une faculté ou d’une
disposition du contrat. Mais il n’est pas exclu que sur le fondement de l’abus de droit,
l’on puisse envisager d’engager la responsabilité de celui qui révoque son engagement
de manière abusive, par exemple de manière trop tardive.
L’Acte de 2010 a apporté aussi sur cette question une modification. En effet, aux termes
de l’article 43 al. 2 et 3, « Les instructions du donneur d’ordre, la garantie et la
contregarantie sont irrévocables dans le cas d’une garantie ou d’une contregarantie à
durée déterminée.
Les garanties et contre-garanties à durée indéterminée peuvent être révoquées par le
garant ou le contre-garant- respectivement ».
Ce texte introduit à juste titre la différence de régime entre la garantie à durée
déterminée et la garantie à durée indéterminée. En effet, on le sait, le droit s’oppose aux
engagements illimités dans le temps.
Section 4 : La mise en œuvre de la garantie

On étudiera comment se fait l’appel à garantie, le dénouement de la garantie et les


recours ouverts aux parties les unes envers les autres.

§ 1) L’appel à garantie
L’appel à garantie est soumis à l’exigence d’une justification et engendre des obligations
à la charge du garant et du contregarant.
31

A) Justification de l’appel
Aux termes de l’article 34 al. 3 de l’Acte initial, « Toute demande de paiement au titre de
la lettre de garantie ou de contregarantie doit être faite, au plus tard à la date d’expiration
de celle-ci, accompagnée des documents spécifiés, au lieu d’émission de la garantie ou
contregarantie ».
Généralement, la justification requise se limite à une simple affirmation que le risque
s’est réalisé, c’est-à -dire que le donneur d’ordre n’a pas honoré les engagements
envers le bénéficiaire. Il doit être précisé aussi en quoi consistent les manquements du
donneur d’ordre. Dans tous les cas, la demande de paiement doit être écrite.
La convention peut aussi spécifier d’autres documents tels les rapports d’expertise
attestant que l’obligation n’a pas été effectuée ou encore une décision arbitrale, une
attestation des factures non acquittées. La garantie est dite alors documentaire.
Dans la pratique internationale, c’est la garantie à première demande pure et simple qui
est souvent utilisée. C’est dire que la demande du bénéficiaire ne s’accompagne d’aucune
justification. L’OHADA écarte cette forme de garantie en exigeant que la demande soit
accompagnée de documents prévus dans la lettre de garantie.
L’article 45 de l’Acte de 2010 reprend les mêmes exigences : « La demande de paiement
au titre de la garantie autonome doit résulter d’un écrit du bénéficiaire accompagné de
tout autre document prévu dans la garantie. Cette demande doit indiquer le
manquement reproché au donneur d’ordre dans l’exécution de son obligation en
considération de laquelle la garantie a été souscrite ». On retiendra aussi de ce texte que
l’inexécution d’une autre obligation que celle pour laquelle la garantie a été
souscrite ne peut donner lieu à la mise en œuvre de la garantie.
L’alinéa 2 de l’article 34 (Nouvel article 45 al. 2) exige s’agissant de la demande de
contregarantie qu’elle soit accompagnée d’une déclaration écrite du garant selon
laquelle ce dernier a reçu une demande de paiement émanant du bénéficiaire, conforme
aux stipulations des lettres de garantie et de contregarantie.
Ces dispositions attestent que le garant n’est tenu qu’autant que la demande est
conforme aux stipulations de la garantie autonome. Pour s’en assurer, le garant doit
remplir certaines obligations. Ces mêmes obligations incomberont aussi au
contregarant.

B) Les obligations du garant ou du contregarant


La première est celle de la vérification de la conformité de la demande à la lettre de
garantie. La seconde est celle d’en informer le donneur d’ordre.

1) L’obligation d’apprécier la conformité de la demande


La loi fait obligation au garant et au contregarant de vérifier la conformité des
documents. Cela va de soi et découle d’ailleurs de l’exécution du contrat dans les termes
dans lesquels il a été conclu. Le garant ou le contregarant doit disposer,
conformément à l’article 35 al. 1er ancien, d’un délai raisonnable pour apprécier la
conformité des documents. Ce délai peut être contractuellement déterminé. A
défaut on devra se référer aux usages en la matière. Le nouvel Acte a apporté des
32

précisions sur cette question. En effet, aux termes de l’article 46 al. 1 er « Le garant et le
contre-garant disposent chacun d’un délai de cinq jours ouvrés pour examiner la
conformité de la demande de paiement aux termes de la garantie autonome. Cette
précision règle les éventuels différends qui pourraient résulter de l’appréciation du délai
raisonnable.
Il convient aussi de se demander quelle est l’étendue du contrô le que doit opérer le
garant ou le contregarant. Il s’agit d’un simple contrô le de la matérialité des documents
et de leur conformité à ceux indiqués dans la lettre. Il ne s’agit pas pour le garant de
vérifier si les indications contenues dans les documents sont conformes à la réalité. Il n’a
pas à vérifier si le donneur d’ordre a ou n’a pas effectivement honoré ses engagements.
Le garant ne peut rejeter la demande de paiement qu’à condition de notifier au
bénéficiaire, dans ce délai de cinq jours, l’ensemble des irrégularités qui motivent ce
rejet (Nouvel article 46 al. 2).
2) L’obligation d’informer le donneur d’ordre
Aux termes de l’article 35 al.2, « Avant tout payement, le garant doit transmettre, sans
délai, la demande du bénéficiaire et tous documents accompagnant celle-ci au donneur
d’ordre pour information, le cas échéant, au contregarant pour transmission au donneur
d’ordre aux mêmes fins ». Cette transmission permet au donneur d’ordre de prendre
connaissance de l’appel au paiement et le cas échéant, faire défense de payer. On peut
se demander ce qui pourrait advenir si, sans transmettre au donneur d’ordre
l’appel au paiement, le garant verse au bénéficiaire les sommes garanties. De ce
seul fait, engage-t-il sa responsabilité à l’égard du donneur d’ordre. Il faut répondre par
la négative d’autant plus que l’obligation du garant n’est pas liée à la prestation du
débiteur principal. Cependant, lorsque le donneur d’ordre a un motif valable de
s’opposer au paiement par exemple en cas de fraude, le garant qui n’informe pas le
donneur d’ordre pourra engager sa responsabilité.
Le nouvel Acte a apporté ici aussi une modification. En effet, l’article 46 al. 2 de l’acte de
2010, tout en maintenant cette obligation de transmission des documents, n’en fait plus
un préalable à tout paiement. Il en résulte que le paiement peut se faire
concomitamment à la transmission des documents ou même après le paiement, pourvu
qu’il le fasse sans retard.
§ 2) Le dénouement de la garantie
Le dénouement peut intervenir par le paiement, le refus de paiement et par l’extinction
de la garantie.
A) Le paiement
Aux termes de l’article 33 al. 1 (Nouvel article 44 al. 1) de l’AUS, le garant et le
contregarant ne sont obligés qu’à concurrence de la somme stipulée dans la lettre de
garantie ou de contregarantie, sous déduction des paiements antérieurs faits par le
garant ou le donneur d’ordre, non contestés par le bénéficiaire.
Par ailleurs les parties peuvent aussi s’accorder sur le paiement d’un montant dégressif.
Le garant doit sans délai informer le donneur d’ordre ou le contregarant de toute
réduction de la garantie.
B) Le refus de paiement
33

La décision de refus de paiement doit dans les meilleurs délais être portée à la
connaissance du donneur d’ordre ou le cas échéant, du contregarant qui avisera
le donneur d’ordre.
Le garant ou le contregarant peut refuser le paiement lorsque la demande de paiement
du bénéficiaire est manifestement abusive ou frauduleuse ou non conforme aux
stipulations de la garantie. L’ensemble des irrégularités justifiant le refus de paiement
doit être notifié au bénéficiaire avant l’expiration du délai de cinq jours (article 46 al.1).
Le donneur d’ordre peut aussi faire défense au garant ou au contregarant de payer
lorsque la demande du bénéficiaire est manifestement abusive ou frauduleuse (Nouvel
article 47 al.1). La preuve du caractère manifestement abusif ou frauduleux de la
demande se heurte à quelques difficultés.
La première difficulté résulte du caractère autonome de la lettre de garantie ou de
contregarantie. Il en résulte une exigü ité de la notion de fraude et l’interdiction de se
référer au contrat de base. Une conception trop large de la notion de fraude reviendrait à
méconnaître ce principe d’autonomie. Or la tentation est grande pour le garant ou le
contregarant de tirer prétexte des faits relatifs aux conditions d’exécution du contrat de
base alors que l’autonomie de la garantie interdit toute référence au contrat de base et
aux circonstances de son exécution.
Dans l’OHADA, il y a lieu de souligner que la preuve est facilitée par la consécration de la
formule de garantie justifiée. Il suffit d’établir que la justification de la demande du
bénéficiaire ne répond pas aux faits survenus.
C) Extinction de la garantie
Elle peut résulter de la commune volonté des parties ou de la seule volonté du tiers.
1) Extinction par la commune volonté des parties.
Aux termes de l’article 38 (nouvel article 49) AUS, la lettre de garantie ou de
contregarantie peut cesser par commune volonté des parties exprimée soit par un jour
calendaire spécifié ou un délai d’expiration prévu, soit  par une clause stipulant la remise
de documents libératoires.
2) Extinction par la seule volonté du bénéficiaire
La lettre de garantie ou de contregarantie peut aussi cesser par la seule volonté du
bénéficiaire exprimée sous forme de déclaration écrite libérant le garant ou le
contregarant de son obligation (art. 38 AUS ; nouvel article 49). La déclaration doit
indiquer de façon précise, sans équivoque que le bénéficiaire entend renoncer à sa
créance à l’égard du garant et du contregarant. Cette renonciation n’affecte pas
l’exécution du contrat de base.
§ 3) Le recours judiciaire
Le garant et le contregarant après avoir payé, disposent d’un recours en remboursement
contre le donneur d’ordre. Il convient aussi d’évoquer le recours dont disposent aussi le
donneur d’ordre et le bénéficiaire.
A) Le recours en remboursement du garant et du contregarant.
Aux termes de l’article 37 AUS, « Le garant ou le contregarant qui a fait un paiement utile
au bénéficiaire dispose des mêmes recours que la caution contre le donneur d’ordre ».
34

Cela suppose qu’il dispose à la fois de l’action subrogatoire et de l’action personnelle


comme la caution.
S’agissant d’un paiement utile il s’entend d’un paiement qui ne pouvait pas être rejeté
parce qu’il est conforme à la lettre de garantie, la demande de paiement n’étant pas non
plus abusive ou frauduleuse. Dans tous les cas, il faut admettre que lorsque le donneur
d’ordre régulièrement informé et à qui les documents ont été transférés ne fait pas
obstacle au paiement, il ne peut s’opposer au recours exercé contre lui par le garant ou
le contregarant.
L’article 48 nouveau a reformulé l’article 37 en substituant à la notion de « paiement
utile » celle de « paiement conformément aux termes de la garantie ». Cette rédaction a
le mérite de la clarté mais ne devrait rien changer aux exigences initiales.
B) Recours du donneur d’ordre et du bénéficiaire
1) Le recours du donneur d’ordre contre le bénéficiaire
Lorsque le bénéficiaire a été payé par le garant à la suite d’un appel à garantie abusif ou
frauduleux, le donneur d’ordre dispose d’un recours contre le bénéficiaire. Ce recours
apparaît alors comme une restitution de l’indu.
Le donneur d’ordre dispose aussi d’un recours contre le garant et le contregarant qui a
payé en dépit d’une défense formelle qui lui aurait été faite15.
2) Le recours du bénéficiaire
Le bénéficiaire dispose d’un recours contre le garant et le contregarant qui refuse de
payer alors que la demande a été faite dans le délai requis et qu’il n’y a ni abus, ni
fraude.

15
Com. 10 juin 1997, cité par F.Aanouka ha et autres, p. 61 ;
35

Chapitre 3 : Le crédit documentaire

Le législateur de l’OHADA n’a pas prévu le crédit documentaire dans l’AUS. Les règles
applicables au crédit documentaire ont été dégagées progressivement par la pratique et
la jurisprudence. La chambre de commerce internationale a codifié en 1933 sous le titre
« Règles et usances uniformes relatives au crédit documentaire » les principes sur
lesquels repose cette opération. Ces règles ont été révisées à maintes reprises et
approuvées officiellement par la Commission des Nations unies pour le Droit
commercial international.
On pourra certes relever des similitudes entre la lettre de garantie prévue par l’Acte
uniforme et le crédit documentaire. D’ailleurs, à travers l’expression garantie à première
demande à laquelle s’est référé le législateur dans l’Acte de 1997 (art. 38 AUS) on
pourrait entendre garantie documentaire. Pour autant, la lettre de garantie
documentaire se distingue du crédit documentaire et est en principe un
instrument de règlement du prix des prestations commerciales.
Il s’agit toujours d’une opération bancaire s’appliquant à des marchandises en voie
d’acheminement par laquelle l’acheteur fait ouvrir un crédit qui permettra au vendeur,
se dessaisissant des documents représentatifs de la marchandise, d’obtenir en échange
le prix de celle-ci ou l’acceptation d’une traite donnée par le banquier ou le négociateur
d’un effet, sans même attendre que la marchandise soit arrivée à destination.
Le crédit documentaire offre au vendeur une plus grande sécurité et davantage de
commodité pour l’encaissement de sa créance. La garantie à première demande elle,
déborde le cadre de la vente et s’applique au contrat d’entreprise.
Alors que la mise en œuvre de la garantie à première demande suppose a priori
que le débiteur n’a pas exécuté son obligation (sans que le bénéficiaire soit obligé
d’en rappo rter la preuve), la prestation du banquier dans le crédit documentaire
implique que le débiteur (vendeur) a déjà exécuté son obligation (par exemple
expédition des marchandises).
La preuve de cette exécution résulte des documents fournis. Seul compte l’examen des
documents et non la réalité, la bonne exécution ou les vices de la marchandise (Exp.
Protéger le vendeur contre un refus de paiement par l’acheteur invoquant une baisse de
valeur de la marchandise.

Modalités du crédit documentaire


Le crédit documentaire peut être révocable ou irrévocable. Dans ce dernier cas, le
banquier prend un engagement ferme envers le bénéficiaire. Le crédit révocable est
celui par lequel le banquier promet au donneur d’ordre d’exécuter le crédit mais ne
s’oblige pas envers le bénéficiaire. Cela ne signifie pas pour autant que le crédit
révocable n’a aucune réalité. Le contrat conclu lie la banque au donneur d’ordre
(acheteur) et l’oblige envers celui-ci. Mais il n’y a pas d’engagement direct de la banque à
l’égard du bénéficiaire. Il en résulte que ce dernier n’a pas un droit propre à faire valoir
contre le banquier. Le crédit révocable n’est pas sécurisant pour le bénéficiaire.
36

Le crédit documentaire irrévocable est celui dans lequel le banquier a pris un


engagement ferme à l’égard du bénéficiaire.

Les documents et traites documentaires


Les documents ont une double fonction ; ils sont un instrument de preuve de
l’accomplissement de certaines prestations et ils sont attributifs de droits. Les
principaux documents sont :
 Le connaissement : C’est un titre représentatif de la marchandise. Il est une
reconnaissance écrite de prise en charge de marchandises par le capitaine d’un
navire. Sa possession procure au banquier la qualité de créancier gagiste grâ ce à
laquelle il pourra retenir et faire vendre la marchandise. Le connaissement doit
correspondre aux termes de la lettre de crédit (l’accréditif).
 La police ou certificat d’assurance : Délivré au banquier avec le connaissement,
il le garantit contre les risques de pertes ou d’avaries de la marchandise.
 Factures et autres documents : la facture contient la description générique des
marchandises, l’indication de leur prix et du coû t du fret ainsi que les diverses
pièces attestant l’origine ou la qualité de la marchandise.

En pratique, le crédit documentaire se réalise par l’émission, la négociation et le


paiement d’une ou de plusieurs traites que le banquier s’oblige à payer. D’où le nom de
traite documentaire.
Le porteur de la traite documentaire est propriétaire de la provision, mais celle-ci est
représentée non par les marchandises elles-mêmes, mais par la créance du prix stipulé.
N’étant pas propriétaire des marchandises, mais seulement créancier gagiste en tant que
possesseur du connaissement, il est soumis aux formalités de réalisation du gage.
Une fois la traite acceptée par le banquier, alors même qu’il n’avait accordé qu’un crédit
révocable, son engagement se transforme. Il devient un tiré accepteur qui sera tenu de
payer la traite à tout porteur de bonne foi sans pouvoir opposer à celui-ci les exceptions
tirées de l’inexécution de la vente ou de l’ouverture du crédit.

L’engagement du banquier : nature de la convention entre l’acheteur et le


banquier

Le problème est de la même nature que celui rencontré dans la garantie à première
demande entre le garant et le donneur d’ordre. Il s’agit d’une convention de crédit se
traduisant pour le banquier par un engagement de signature.
L’ouverture de crédit donne lieu au paiement d’une commission dont le taux diffère
selon que le crédit est révocable ou irrévocable. Le banquier est libre d’exiger la
constitution de garantie s’il l’estime nécessaire (par exemple sous forme de dépô t de
garantie).

Obligation de la banque envers le bénéficiaire d’un crédit irrévocable


37

Le banquier n’est pas engagé envers le bénéficiaire dès qu’il a conclu la convention de
crédit avec le donneur d’ordre, mais seulement lorsque le bénéficiaire a reçu notification
de l’accréditif.
Le banquier de l’acheteur peut aviser le vendeur de l’ouverture d’un crédit
documentaire en sa faveur en lui adressant soit directement, soit par l’intermédiaire
d’un correspondant local un accréditif dans lequel sont définies les conditions du crédit.
Il est cependant admis qu’il pourrait y avoir une responsabilité extracontractuelle en cas
de notification tardive (Trib. com Nancy, 8 janvier 1988, D. 88, Somm. 181).
Le banquier créditeur est tenu envers le bénéficiaire du crédit, sans pouvoir
opposer à ce dernier la nullité ou l’inexécution de la convention l’unissant au
donneur d’ordre.
L’autonomie de l’obligation du banquier est réelle tout comme dans le cas de la garantie
à première demande.
L’inopposabilité des exceptions nées de la vente s’est imposée dans l’intérêt du vendeur
qui échappe ainsi aux manœuvres de l’acheteur pour retarder le paiement et dans
l’intérêt du banquier qui n’aura pas à se soucier de la validité ou de l’exécution du
contrat de vente auquel il n’est pas partie. Il a cependant l’obligation de s’assurer de
la conformité des documents qui lui sont remis. Il peut les rejeter lorsqu’ils ne sont
pas conformes, sans rechercher si le contrat de base a été exécuté ou non (Com. 24
novembre 1988, JCP 1988, IV, n° 42). Le contrô le se fait par une confrontation des
documents avec l’accréditif.
Si l’irrégularité que présentent les documents semble peu grave, le banquier peut
consentir à réaliser le crédit, mais en assortissant de réserve le paiement, l’acceptation
ou la négociation. Si le donneur d’ordre ratifie l’exécution, celle-ci devient définitive. Si
non, le banquier a un recours contre le bénéficiaire.
En pratique, avant le règlement sous réserve, la banque subordonne sa prestation à la
remise d’une garantie de la part du bénéficiaire (Exp. Cautionnement de la banque du
bénéficiaire de l’obligation de remboursement).
Le banquier peut refuser le règlement en cas de fraude commise par le bénéficiaire en
vertu du principe « la fraude corrompt tout ».(Exp. La marchandise expédiée ne
correspond pas à la description). Mais généralement, la fraude ne sera découverte
qu’après l’exécution du crédit.
Rapport entre le banquier et le donneur d’ordre
Lorsque le banquier a honoré le crédit, il doit transmettre les documents au donneur
d’ordre. La remise des documents est cependant subordonnée au remboursement du
crédit et aux paiements des frais, commissions et intérêts.
Le droit au remboursement n’est ouvert que si le crédit a été réalisé dans les conditions
régulières c’est-à -dire si les documents répondent aux instructions du donneur d’ordre.
38

Deuxième partie

Les sûretés réelles

La sû reté réelle consiste en l’affectation de certains biens du débiteur à la garantie de la


dette de sorte qu’en cas de défaillance, le prix de vente de ces biens est remis par
préférence au créancier. Ce sont ces biens ou cet ensemble de biens qui constituent
l’assiette de la sû reté. Mais en réalité, c’est sur le droit portant sur la chose que se
constitue la sû reté. Très souvent il s’agit du droit de propriété. Mais il peut s’agir aussi
d’un droit réel démembré comme l’usufruit par exemple.
La constitution d’une sûreté réelle se traduit par l’établissement au profit du
créancier d’un droit réel sur le bien objet de la garantie. Ces droits réels sont dits
« accessoires » par opposition aux droits réels principaux. Cependant, toute sû reté n’est
pas nécessairement un droit réel accessoire. Exp. le droit de propriété qui par un
montage contractuel peut être réduit à une sû reté (Clause de réserve de la propriété).
Il s’est posé la question de savoir si la création des sûretés réelles était un
monopole législatif ou si des volontés individuelles pouvaient aussi créer de telles
sûretés. Cette question est suscitée par l’article 2094 C. civ. qui dispose que « les causes
légitimes de préférence sont les privilèges et les hypothèques ». On y ajoute qu’une
sû reté n’est opposable qu’au prix d’une publicité, laquelle ne peut être organisée que par
le législateur. Aussi enseigne-t-on que la liste des sû retés réelles est limitative et ne
comprend que celle que le législateur présente comme telle. Cette opinion n’est pas
unanimement admise.
A priori, rien n’empêche d’exploiter la liberté contractuelle de façon à assurer au
bénéficiaire de la convention un paiement préférentiel répondant aux critères d’une
sû reté. Cette sû reté sera valable si les combinaisons sur lesquelles elle repose le sont.
Exp. sû retés-propriétés².
Il faut néanmoins préciser que le législateur dans le cadre du nouvel Acte a clairement
résolu le problème. En effet, aux termes de l’article 4 al. 2 de l’Acte de 2010, « Sauf
disposition contraire du présent Acte uniforme, les sûretés réelles valablement
constituées sont celles qui sont régies par cet acte ». Il en résulte que qu’en dehors des
sû retés réelles prévues par l’Acte, la constitution d’autres sû retés réelles n’est pas
possible dans l’espace OHADA. Il faut rappeler que cette interdiction se justifierait
« d’une part par le principe de l’égalité des créanciers qui implique que des droits
de .préférence sur les biens de leur débiteur ne leur soit reconnu que si un texte l’a
expressément prévu, et d’autre part, la volonté d’empêcher de trop grands
bouleversements du droit des sû retés … ».
Il faut observer que l’Acte de 2010 a consacré de nouvelles sû retés qui n’étaient pas
prévues dans l’Acte de 1997. Il en est ainsi de la réserve de propriété et du transfert
fiduciaire d’une somme d’argent.
39

Section 1: Le régime primaire des sûretés réelles


Il s’agit d’un certain nombre de règles qui s’appliquent à l’ensemble des sû retés réelles
ou à la plupart d’entre elles. Ces règles sont fondées soit sur l’idée du gage commun des
créanciers, soit sur la nature des sû retés ou enfin sur les exigences particulières de
l’ordre public.
§1) Les règles fondées sur la préservation du gage commun des
créanciers
La règle selon laquelle l’actif du débiteur est le gage commun de tous les créanciers est
contrebalancée par la reconnaissance des causes légitimes de préférences. Souvent, en
raison de l’inflation des sû retés réelles, la situation d’insolvabilité se dénoue par un
classement et non par le jeu de la répartition proportionnelle.

a) La règle d’interprétation stricte


Elle ressort implicitement des articles 2093 et 2094 C. civ. Elle est souvent présentée
comme une caractéristique des privilèges. Les privilèges sont de « droit étroit », ce qui
signifie qu’il n’y a pas de privilèges sans texte. Le juge ne peut les étendre au-delà de
leurs termes. En raison du fondement de la règle, on admet que le principe est aussi
applicable aux sû retés légales.
Par ailleurs, étant donné que la règle selon laquelle l’actif du débiteur est le gage
commun des créanciers est considérée comme de droit commun et la sû reté réelle la
dérogation, il est admis que le principe de l’interprétation stricte s’applique aussi aux
sû retés conventionnelles. C’est dire qu’elles ne peuvent être étendues au-delà de ce que
permet la loi et au-delà de la stipulation des parties. Ce qui n’exclut pas qu’il soit tenu
compte de la volonté réelle du législateur ou des parties.
b) La règle du droit des procédures collectives
Le souci de préserver le gage commun des créanciers et l’idée d’égalité entre eux sont
beaucoup plus accusés dans les procédures collectives. Il en résulte deux règles
essentielles. La première est celle de la nullité de plein droit des sû retés réelles
constituées pendant la période suspecte pour garantir des dettes antérieures. La
seconde est la prohibition des inscriptions, à partir du jugement d’ouverture, des sû retés
soumises à publicité nées antérieurement.

§ 2) Les règles fondées sur la nature des sûretés


Les sû retés réelles sont des droits réels, portant sur la valeur du bien et sont des
accessoires de la créance. De ces caractéristiques résultent des conséquences.

A) La nature de droit réel : le principe de l’indivisibilité


Les droits réels portent sur la totalité de la chose qui en est l’objet. Il en résulte que les
sû retés réelles sont indivisibles. Ceci revêt trois aspects. D’abord, en cas de division du
bien grevé, chaque fraction continue à répondre de la totalité de la dette. Ensuite, en cas
de division de la dette, le créancier peut faire valoir la totalité de ses droits sur le bien
grevé. Enfin, même en cas de paiement partiel, le bien affecté reste entièrement grevé
40

même s’il est divisible. A titre d’exemple, le banquier qui bénéficie d’un nantissement sur
cent titres n’est pas tenu d’en rendre cinquante si la moitié de la dette a été remboursée.
Il faut cependant ajouter que le principe de l’indivisibilité n’est pas d’ordre public.
B) La nature de droit sur la valeur : l’attribution des indemnités d’assurance
Le droit du créancier est assis sur la valeur du bien grevé. Il en résulte que si le bien
vient à être détruit, son droit portera sur l’indemnité d’assurance suivant son rang.

C) Nature d’accessoires de la créance


En tant qu’accessoires de la créance, les sû retés la suivent de plein droit lorsque la
créance change de patrimoine. Il en est ainsi en cas de subrogation, ou de cession. En
revanche en cas de novation, les sû retés qui garantissaient l’ancienne créance
disparaissent. Le principe de la transmission de la sûreté de plein droit n’est pas
d’ordre public. Toujours par voie d’accessoire, les sû retés réelles s’éteignent avec la
dette.

§ 3) Les règles répondant à des exigences particulières


de l’ordre public.

A) La protection du constituant
Le besoin de crédit qu’éprouve un constituant ne doit pas le mettre à la merci d’un
créancier sans scrupules. Ainsi, si la réalisation de la sû reté s’avère nécessaire, elle sera
faite selon les modalités légales permettant de tirer le meilleur parti du bien grevé. Cette
exigence se traduit par une double prohibition. La première est celle de la clause dite de
voie parée. Elle voudrait que l’exécution se fasse en dehors des formes imposées par la
loi.
La seconde concerne le pacte commissoire, stipulation qui autorise le créancier à
s’approprier le bien en cas de défaut de paiement. Cependant lorsque les conventions
qui autorisent le créancier à s’approprier le bien ou à s’affranchir des formalités légales
sont postérieures à la constitution de la sû reté, elles sont valables. On estime qu’elles
interviennent en un moment où le constituant n’est plus en position de faiblesse.
L’acte de 2010 a apporté des atténuations au principe. Ces atténuations résultent des
articles 104 et 199 de l’AUOS.
Aux termes de l’article 104 al. 3, « Si le bien gagé est une somme d'argent ou un bien
dont la valeur fait l'objet d'une cotation officielle, les parties peuvent convenir que la
propriété du bien gagé sera attribuée au créancier gagiste en cas de défaut de paiement.
Il en va de même pour les autres meubles corporels lorsque le débiteur de la dette
garantie est un débiteur professionnel. En ce cas, le bien gagé doit être estimé au jour du
transfert par un expert désigné à l'amiable ou judiciairement, toute clause contraire
étant réputée non écrite ».
Il résulte de ce texte que le pacte commissoire est admis lorsque le débiteur est un
professionnel. Lorsque le débiteur n’est pas un professionnel, le pacte sera admis si le
bien objet du gage est une somme d’argent ou fait l’objet d’une cotation officielle.
S’agissant des hypothèques, le pacte commissoire est aussi admis de façon très
restrictive en vertu de l’acte 199 AUOS.
41

B) Le sauvetage de l’entreprise
L’existence des sû retés réelles peut gêner la poursuite de l’objectif primordial assigné à
la procédure collective. Il peut donc être nécessaire de vendre le bien grevé de sû retés
pour favoriser la restructuration de l’entreprise. Toutefois, les créanciers bénéficiant de
sû retés réelles spéciales ne sont obligés que par les délais et remises particuliers
consentis par eux ; si le concordat comporte des délais n’excédant pas deux ans, ceux-ci
peuvent leur être opposés si les délais consentis par eux sont inférieurs (art. 134 al. 2 de
l’AUOPC). Dans l’acte uniforme, il n’est pas porté atteinte à la substance de leur droit.
D’ailleurs, la cession partielle d’actif ne peut être homologuée que si le prix est suffisant
pour désintéresser les créanciers munis d’une sû reté réelle spéciales sur les biens cédés,
sauf renonciation par eux à cette condition et acceptation des dispositions de l’article
168 (art. 132 al. 2).
Section 2 : Classification des sûretés réelles.
Elle peut se faire suivant leur origine, suivant leur technique d’affectation ou être fondée
sur leur assiette.
En fonction de leur origine, on distingue :
- Les sû retés légales attachées de plein droit par la loi à une créance en raison de
sa qualité ou de la personnalité du créancier. Tel est le cas des privilèges et des
hypothèques légales.
- Les sû retés judiciaires sont celles que le juge peut accorder en vertu d’un pouvoir
qui lui est spécialement conféré par la loi.
- Les sû retés conventionnelles sont celles que la loi propose aux usagers et que
peut faire naître la commune volonté du constituant et du créancier.
En fonction des techniques d’affectation, on distingue d’une part les sû retés qui
entraînent un dessaisissement du constituant, technique la plus fruste et la plus efficace
(Exp. gage), et d’autre part celles dans lesquelles l’affectation est purement intellectuelle,
le constituant gardant la mainmise sur le bien donné en garantie (hypothèque). On
signalera déjà que le nouvel Acte de 2010 a consacré aussi le gage sans dépossession. Il
sera étudié plus loin.
En fonction de l’assiette des sû retés, deux classifications sont possibles. D’une part, on
oppose les sûretés générales aux sûretés spéciales. Les premières portent soit sur
la totalité de l’actif du débiteur, soit sur la partie mobilière ou immobilière de cet
actif. Les secondes sont celles qui ont pour assiette un ou des biens déterminés.
D’autre part, on oppose les sû retés mobilières aux sû retés immobilières.

Section 3 : Les sûretés par voie détournée et les autres garanties
La propriété peut être utilisée à titre de sû retés de même que d’autres garanties
peuvent assortir une créance.
§ 1) La propriété utilisée comme sû retés
La doctrine s’était demandé si les traits fondamentaux de la propriété sont compatibles
avec le rô le d’accessoire de la créance qui serait dévolue à la sû reté-propriété. Ce débat
est aujourd’hui tranché en jurisprudence. La chambre commerciale a reconnu que le
bénéfice de la réserve de propriété était un accessoire de la créance et devait en suivre le
42

sort. Toutefois, toute propriété aménagée en garantie n’est pas nécessairement une
sû reté. Aussi distingue-t-on les propriétés qui constituent de véritables sû retés et les
propriétés à simple effet de garanties.
1) Les propriétés-sûretés
Deux situations sont visées. Il s’agit de la propriété fiduciaire et la propriété réservée. Le
nouvel Acte en a fait de véritables sûretés en consacrant la réserve de propriété
(article 72 à 78 de l’Acte et le transfert fiduciaire d’une somme d’argent (article 87 à 91).
Elles seront étudiées en cette qualité.

2) Les propriétés à effet de garanties


Nous étudierons particulièrement le crédit-bail. C’est une opération complexe par
laquelle un professionnel qui désire disposer d’un équipement le fait acheter par un
établissement de crédit qui le lui donne en location pour une période dite irrévocable
correspondant à la durée normale de l’amortissement. A la fin de cette période,
l’utilisateur peut soit acheter le bien pour sa valeur résiduelle en vertu d’une promesse
de vente souscrite par le crédit-bailleur, soit le restituer, soit enfin demander le
renouvellement de la location pour un loyer plus faible.
Lorsque le crédit-bail porte sur un immeuble bâ ti et que le preneur est propriétaire du
terrain sur lequel sont édifiées les constructions, il acquiert automatiquement en fin
d’opération par le jeu de l’accession, la propriété de l’ensemble. Economiquement, le
crédit-bail est une opération de crédit. Juridiquement, le prêt prend la forme d’un prix
d’achat qui est remboursé de façon indirecte sous forme de loyers. Le crédit-bail n’est
pas une sû reté authentique. Par exemple, la propriété n’est pas ici contractuellement
dépouillée de toutes ses utilités. En effet, l’établissement financier conserve l’usus du fait
qu’il est appelé à percevoir les loyers. De plus, la propriété n’est pas nécessairement
transférée lorsque le remboursement est achevé.
Lorsque durant la période irrévocable, le locateur ou le preneur est défaillant, le crédit-
bailleur peut mettre fin à la location et reprendre la disposition de la chose. Cette
récupération ne s’apparente pas à la réalisation de la sû reté car elle ne lui fait pas perdre
pour autant la créance des loyers échus et impayés, ni même la créance des indemnités à
laquelle elle peut prétendre en vertu d’une clause pénale traditionnellement insérée
dans les contrats.

§ 2) Les autres garanties


Il s’agit des actions directes, des garanties offertes par les situations de réciprocités
(exception d’inexécution, la compensation, la résolution pour défaut d’exécution) et les
sû retés négatives. Seules ces dernières retiendront notre attention.
Les sû retés négatives embrassent diverses formules contractuelles restreignant la
liberté d’action du débiteur ou l’astreignant à renseigner le créancier de façon à
accroître les chances de paiement. Les sû retés négatives ont une efficacité limitée.
Mais elles présentent l’avantage de ne rien coû ter tout en ménageant au prêteur, selon
les cas, un « droit de veto » ou un « droit de regard ». Les sû retés négatives peuvent
affecter un bien déterminé ou l’ensemble du patrimoine.
43

1) Les sûretés négatives affectant un bien déterminé


Le débiteur s’engage à ne pas faire, sans l’accord du créancier, certaines
opérations sur un bien déterminé, le plus souvent, celui dont le créancier a
financé l’achat. Il peut s’agir de l’interdiction d’une aliénation, de la constitution d’une
sû reté etc. En fonction de sa rédaction, cette clause peut être interprétée comme une
clause d’inaliénabilité ou simplement un engagement de ne pas faire. Dans le
premier cas, elle sera éventuellement sanctionnée par une nullité relative et aura pour
conséquence de faire revenir le bien dans le patrimoine du débiteur qui, il faut le
rappeler, constitue le gage commun des créancier. Lorsque cette clause d’inaliénabilité
porte sur un meuble, elle sera le plus souvent frappée d’inefficacité par l’article 2279 C.
civ (nouvel article 2276). Dans le second cas, sa transgression fait jouer les règles de
droit commun, la condamnation à des dommages et intérêts et éventuellement la
résolution du prêt. Il faut observer que les sû retés négatives ne constituent pas une
véritable sû reté. Elles ne font pas acquérir au stipulant un droit particulier sur le
bien concerné qui lui donnerait un avantage sur les autres créanciers. Elles ne
visent qu’à maintenir un bien dans l’assiette du gage général des créanciers.
2) Les sûretés négatives affectant l’ensemble du patrimoine
Le débiteur peut s’engager à ne pas modifier l’actif de son patrimoine ou à ne pas en
augmenter le passif en contractant un emprunt ou un crédit-bail. Il peut également
s’engager à informer son créancier de toute modification qu’il apporterait à son
patrimoine. Les premières de ces stipulations ne constituent pas des clauses
d’inaliénabilités puisqu’elles ne portent pas sur un bien déterminé. Il s’agit d’un
engagement de ne pas faire. Les secondes apparaissent comme de simples
obligations de renseignements.
Section 4 : Les sûretés conçues comme telles
Toute sû reté serait selon l’article 2094 C. civ. privilège ou hypothèque. Le droit de
préférence que comporte le nantissement ne serait qu’un privilège comme le voudrait la
lettre des articles 2073 et 2074 C. civ. Pourtant le nantissement est une sû reté par ses
traits propres et ne peut être assimilé au privilège. Aussi doit-on remarquer que les
sû retés conçues comme telles se présentent soit sous la forme d’un nantissement, d’une
hypothèque ou d’un privilège. Il faut ajouter que le législateur OHADA a fait du droit de
rétention une sû reté autonomes.
Les sû retés réelles emportent droit de préférence et droit de suite.
Le droit de préférence permet au créancier de se faire payer avant tout créancier
chirographaire sur le prix de la vente du bien qui lui est affecté.
Le droit de suite permet de poursuivre le bien garantissant sa créance en quelque main
qu’il se trouve.
On distingue les sû retés réelles mobilières (le droit de rétention, le gage, les
nantissements), les sû retés réelles immobilières (l’antichrèse et l’hypothèque) et les
privilèges qui en principe peuvent porter sur les meubles et les immeubles.

Section 5 : L’inscription des sûretés mobilières


44

Aux termes de l’article 50 al. 2, « Sauf dispositions contraires, les sû retés mobilières
soumises à publicité font l’objet d’une inscription au RCCM … ». Cette inscription est
régie par des règles formulées aux articles 51 à 66 de l’AUS.
Ces règles sont relatives :
- aux personnes à la requête desquelles pourraient se faire l’inscription à savoir le
créancier, l’Agent de sû reté ou le constituant (article 51).
- Le RCCM territorialement compétent pour recevoir l’inscription (article 52)
- Le formulaire d’inscription et les mentions indispensables notamment les
éléments d’identification du créancier, de l’agent des sû retés du débiteur et du
constituant, la date du titre générateur de la sû reté, la durée de l’inscription
convenue par les parties, le montant de la créance garantie, la désignation du
bien grevé et les éléments permettant son identification, la faculté le cas échéant
pour le constituant d’aliéner les biens fongibles grevés de sû retés (article 53).
- Les règles de tenues du RCCM par le greffier, notamment la notification des
inscriptions et des refus d’inscriptions, les recours contre les inscriptions et les
refus d’inscription dans un délai de huit jours (article 54).
- L’ouverture d’un dossier individuel sur la personne contre laquelle est prise
l’inscription, de même que la notification de l’inscription (art. 55).
- Les effets de l’inscription notamment lorsque sur le même bien, la requête
d’inscription a été faite le même jour. Il faut ici relever que l’inscription
régulièrement faite est opposable au tiers à la date de son inscription. Si
l’inscription de plusieurs sû retés portant sur le même bien sont requises le même
jour, sera réputée avoir été inscrite en premier, la sû reté dont le titre est le plus
ancien ; si les sû retés ont été consenties à la même date, elles sont réputées avoir
le même rang à l’exception des cessions à titre de garantie et réserve de propriété
« qui sont alors réputées inscrites avant les autres sû retés dont l’inscription a été
requise le même jour quel que soit l’ordre du registre susvisé ».
On retiendra que la réserve de propriété l’emporte sur la cession à titre de
garantie, lorsque les inscriptions sont requises le même jour.
- La durée de validité de l’inscription des privilèges généraux du trésor, de
l’Administration de la douane et des institutions de sécurité sociales qui est de
trois ans ; celle des autres sû retés sera définie conventionnellement par les
parties sans dépasser 10 ans (art. 58).
- Le renouvellement de l’inscription qui est toujours opposable au tiers dès lors
que le renouvellement intervient avant l’expiration du délai pour lequel
l’inscription initiale a été faite (art. 59) ;
- Les inscriptions modificatives en cas de cession d’antériorité, de subrogation
conventionnelle, de modification conventionnelle ou judiciaire de l’assiette de la
sû reté (article 60) ;
- Les règles se rapportant aux demandes de main levée par les personnes faites par
les personnes contre lesquelles a été inscrite une sû reté (art. 60)
- Les radiations conventionnelles et judiciaires des inscriptions (art. 62 à 64) ;
- La sanction des inscriptions frauduleuse (art. 65).
45

- La demande d’information pouvant être faite au greffier (article 66). Le même


texte prévoit la responsabilité du greffier ou du responsable de l’organe
compétent en cas d’inscription, de modification et de radiation non conformes
aux prescriptions légales.

Chapitre I : Le gage

On enseignait que le gage est le contrat par lequel un bien meuble est remis au créancier
ou à un tiers convenu entre les parties pour garantir le paiement d’une dette (article 44
AUS). Il confère un droit de préférence au créancier contrairement au gage général qui
ne crée aucune situation privilégiée par rapport au bien du débiteur. Il est réglementé
par les articles 44 à 62 AUS. Le gage semble plus adapté aux relations privées qu’aux
relations d’affaires en raison de la dépossession qu’il implique pour le débiteur.
L’affirmation doit être nuancée en raison du gage des biens incorporels prévu et
réglementé aux articles 50 et s. de l’AUS de 1997.
L’Acte de 2010 a apporté de réelles modifications qui rendent caducs ces
développements. En effet, le nantissement se distinguait du gage par le fait que le
premier ne donnait pas lieu à la dépossession du débiteur alors que cette dépossession
est inhérente au second. Aujourd’hui, le gage se distingue du nantissement par le fait
qu’il porte sur des meubles corporels alors que le nantissement ne concerne que les
biens incorporels. Le gage peut actuellement être constitué sans dépossession. Cette
situation favorisera la constitution de gages successifs sur un même bien augmentant
ainsi la capacité de crédit du débiteur. Aussi le nouvel Acte définit-il en son article 92 le
gage comme « le contrat par lequel le constituant accorde à un créancier, le droit
de se faire payer par préférence sur un bien meuble corporel ou un ensemble de
biens meubles corporels, présents ou futurs ».
Nous étudierons les conditions de formations du gage, ses effets et les modalités de son
extinction. Les dispositions particulières à certains gages seront aussi examinées.

Section 1 : Constitution du gage


Nous envisagerons les conditions de fond et les formalités requises.
§ 1) Les conditions de fond
Certaines de ces conditions sont relatives aux éléments matériels du gage alors que les
autres se rapportent aux parties.
A) Conditions relatives aux éléments matériels du gage
1) La créance garantie
46

Le gage est une sû reté et donc un accessoire de la créance garantie. A ce titre, il dépend
de l’existence et de la validité d’une créance principale qu’il garantit. Il s’agit plus
précisément d’un droit réel qui est l’accessoire de la créance garantie.
Il existe une grande souplesse quant à la créance susceptible d’être garantie. Elle
peut être antérieure, future ou même éventuelle. Cela signifie que le gage peut être
bien constitué après que la dette ait été contractée. La jurisprudence retient qu’il suffit
que la créance existe en germe pour que la garantie soit valablement constituée.
L’article 45 de l’Acte de 1997 dispos e que le gage peut être constitué pour « des dettes
antérieures, futures ou éventuelles … ». Dans l’article 93 de l’Acte de 2010, les dettes
« antérieures, futures » ont été remplacées par les créances « présentes et futures ». La
substitution des dettes présentes aux créances antérieures aurait pour but d’éviter
qu’un gage puisse être constitué en garantie d’une dette antérieure qui ne serait plus
exigible, (du fait d’une prescription, par exemple) »16.
Le même article précise que la créance future pouvant donner lieu à la constitution du
gage doit nécessairement être « déterminées ou déterminable ».
Selon l’article 45 AUS la créance ne doit pas avoir été entachée de nullité. Le
caractère accessoire du gage implique que le débiteur puisse se prévaloir de la nullité de
l’obligation principale. Les mêmes exigences sont aussi valables dans le cadre de l’Acte
révisé, en raison du caractère accessoire des sû retés, sauf disposition contraire de la loi.
2 ) Assiette du gage
Le gage étant une sû reté mobilière et à ce titre, seuls les meubles peuvent faire l’objet
d’un gage. Il s’agit, en raison de la nouvelle définition du gage, de meuble corporel. Le
gage des meubles incorporels était admis et obéissait à un régime particulier.
La nature fongible ou non, consomptible ou non est sans véritable incidence sur la
constitution du gage. Ces caractéristiques n’auront d’incidence que sur la conservation
du bien et sa restitution. Alors, il ne s’agira que de l’exécution du contrat de gage.
La loi exigeait que la chose objet du gage existe au moment de la constitution du
gage. Ainsi, le gage portant sur des choses futures était considéré seulement comme une
promesse de gage. Cette promesse donne lieu à une obligation de remettre la chose dans
les conditions convenues (article 48 al. 2 AUS).
Le nouvel acte autorise aujourd’hui le gage portant sur des choses futures.
L’article 92 le dit expressément.
La loi précise que les parties peuvent convenir de la subrogation, en cours
d’exécution du contrat, de la chose gagée par une autre. Le créancier évidemment
n’accepterait une telle subrogation que lorsque le bien offert permet de garantir
utilement la créance.
Il faut relever que la remise d’un bien par une personne tenue comme caution
n’entraîne pas transformation de la nature du lien qui lie les parties. Il n’y pas
contrat de gage mais une caution. Les prétentions du créancier ne se cantonneront pas,
en principe, à la valeur de la chose.

16
Ariane Marceau-Cotte et Louis-Jérôme Laisney, Vers un nouveau droit du gage OHADA, Droit &Patrimoine,
novembre 2010, p. 67.
47

Le gage ne peut concerner les meubles par nature devenus immeubles par destination.
Ces biens pourront au contraire, ensemble avec l’immeuble faire l’objet d’une
hypothèque.
B) Conditions relatives aux parties
Le contrat de gage concerne principalement deux parties, le débiteur ou le constituant et
le créancier, bénéficiaire de la garantie.
1) Le constituant
Logiquement, c’est le débiteur qui offre le bien en garantie de sa dette. Néanmoins rien
n’exclut qu’un tiers puisse offrir un bien en garantie de la dette d’autrui. Le constituant
doit être le propriétaire du bien car on ne peut transmettre plus de droit qu’on en a.
Toutefois, le créancier qui a reçu en gage un bien appartenant à autrui sera protégé s’il
est de bonne foi en vertu de la règle de l’article 2279 à savoir en fait de meuble, la
possession vaut titre. L’article 95 du nouvel Acte le précise « Le constituant d’un gage de
biens présents doit être le propriétaire de la chose gagée. S’il ne l’est pas, le créancier
gagiste peut s’opposer à la revendication du propriétaire dans les conditions prévues
pour le possesseur de bonne foi »
2) Le créancier
Aucune condition particulière n’est expressément requise du créancier gagiste. Mais il
est évident qu’il doit être capable de contracter. A défaut, il ne pourra pas procéder à la
réalisation de sa garantie qui nécessite une procédure judiciaire. Mais il n’est pas exclut
qu’il puisse être représenté dans cette procédure judiciaire, l’incapacité ayant été édicté
dans son intérêt.
§ 2) Formalités du gage
La constitution du gage est soumise à des conditions générales. Parmi les formalités
générales, on citera l’écrit, l’enregistrement et la remise de la chose.
1) L’écrit, une condition de validité
Aux termes de l’article 49 al. 1 AUS de 1997, « Quelle que soit la nature de la dette
garantie, le contrat de gage n’est opposable aux tiers que s’il est constaté par un écrit
dû ment enregistré contenant indication de la somme due, ainsi que l’espèce, la nature et
la qualité des biens meubles donnés en gage ». Il résulte de ce texte que l’écrit était
simplement une condition d’opposabilité du gage au tiers et non de validité du
contrat entre les parties. Une modification notable a été apportée par le nouvel Acte.
En effet, aux termes de l’article 96 « A peine de nullité, le contrat de gage doit être
constaté dans un écrit contenant la désignation de la dette garantie, la quantité des biens
donnés en gage ainsi que leur espèce ou leur nature ». On observera d’abord que les
indications que doit contenir l’écrit permettent une identification sû re du bien gagé et
facilitera aussi la détermination de l’étendue de l’obligation de restitution à la fin du
gage.
2) Les formalités, conditions de l’opposabilité
La loi exigeait la formalité administrative de l’enregistrement. L’enregistrement visait à
donner date certaine à l’acte. Le contrat de gage étant souvent sous seing privé,
l’enregistrement devient une formalité importante pour empêcher un débiteur de
mauvaise foi d’antidater l’acte et soustraire le bien du gage général des créanciers.
48

Cette formalité de l’enregistrement a été supprimée dans l’Acte révisé. A


l’enregistrement, il a été substitué l’inscription au registre du Commerce et du crédit
immobilier. En effet, aux termes de l’article 97 de l’Acte révisé, « Le contrat de gage est
opposable aux tiers soit par l’inscription au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier,
soit par la remise du bien gagé entre les mains du créancier gagiste ou d’un tiers
convenu entre les parties ».
La remise de la chose n’étant plus une condition de formation du contrat de gage, cette
formalité devient, avec l’inscription au RCCM, une condition alternative d’opposabilité
du gage aux tiers.
La remise de la chose au créancier constitue un moyen de publicité suffisant qui rend
superflu l’inscription. Mais lorsqu’il y a gage sans dépossession, il ne pourra être opposé
au tiers que par son inscription.
Qu’adviendrait-il alors lorsque malgré l’inscription du gage, le débiteur resté en
possession du bien le vend à un tiers. Traditionnellement, l’article 2279 du code civil
devenu article 2276 (En fait de meuble possession vaut titre), permettait la protection
du tiers acquéreur de bonne foi ; l’Acte révisé fait échec à cette règle. En effet, aux termes
de l’article 97 al. 2, « Lorsque le gage a été régulièrement publié, les ayants cause à titre
particulier du constituant ne peuvent être regardés comme des possesseurs de bonne foi
et le créancier gagiste peut exercer son droit de suite à leur encontre ». L’acquéreur sera
réputé avoir eu connaissance du gage.
Lorsque les biens seront dévolus par voie de succession, le créancier gagiste demeure
toujours protégé puisque les héritiers assumeront les obligations de leur auteur.
Lorsque le gage s’accompagne de la dépossession, la remise de la chose peut se faire
entre les mains du créancier ou d’un tiers convenu.
La remise du bien entre les mains du tiers est une solution très commode lorsque le gage
sert à garantir plusieurs dettes du débiteur à l’égard de créanciers différents ou plus
simplement à l’égard des héritiers du créancier.

Section 2 : Effets du gage


La détention du bien par le créancier est une source de prérogatives mais aussi
d’obligations à son égard. On examinera la situation avant l’échéance et à l’échéance.

§ 1) Les effets avant l’échéance


On examinera les prérogatives et obligations du créancier.
A) Prérogatives du créancier
Il faut distinguer selon qu’il s’agit d’un gage avec ou sans dépossession.
1) Le créancier gagiste avec dépossession
Le gage avec dépossession fait naître au profit du créancier un droit de rétention. Il a
également un droit de suite.
a) Le droit de rétention
Le droit de rétention est la prérogative qui permet au détenteur de refuser la restitution
du bien remis en gage jusqu’à complet paiement. Son efficacité est telle qu’il est
consacrée aujourd’hui comme une sû reté autonome et achevé. Ce droit est exercé par le
49

créancier gagiste lui-même ou le tiers désigné en qualité de dépositaire. Le créancier


exerce cette prérogative jusqu’à complet paiement y compris les intérêts et frais qui sont
à la charge du débiteur. Le droit de rétention garantit le paiement des impenses c’est-à -
dire les frais que le créancier a dû exposer pour la conservation du bien.
Un paiement partiel ne met pas fin à la rétention. De même la division de la dette entre
les héritiers du débiteur ne peut nuire au créancier qui retient le bien jusqu’à complet
paiement. Ces prérogatives sont confirmées par l’article 96 de l’Acte révisé
b) Droit de suite
Il est reconnu au créancier gagiste dessaisi contre sa volonté, un droit de suite. Il en est
ainsi en cas de perte de la chose et non en cas de dessaisissement volontaire. En effet,
aux termes de l’article 100 de l’Acte de 2010, « S’il a été dessaisi contre sa volonté, le
créancier peut revendiquer la chose gagée comme un possesseur de bonne foi ».
2) Le créancier gagiste sans dépossession
Il faut le rappeler, le droit du créancier gagiste qui a régulièrement inscrit son gage au
RCCM est opposable à tous ceux qui auront acquis des droits sur ces biens
postérieurement à la publication. Ainsi, lorsqu’un bien qui a précédemment fait l’objet
d’un gage sans dépossession, régulièrement inscrit, a ensuite donné lieu à un gage avec
dépossession, le droit du créancier gagiste antérieur est opposable au créancier gagiste
postérieur, nonobstant le droit de rétention de ce dernier (Article 107 al. 2 de l’Acte de
2010).

B) Les obligations du créancier gagiste


Avant l’échéance, le créancier gagiste avec dépossession a l’obligation de conservation ;
il faudra aussi examiner la situation lorsque le gage porte sur des biens fongibles.
1) L’obligation de conservation
Le créancier gagiste est assimilable au dépositaire. L’obligation de conservation
implique d’abord que le créancier veille à ce que le bien ne perde pas sa valeur. L’article
105 précise qu’il « doit veiller sur la chose et en assurer la conservation comme le doit
un dépositaire rémunéré ». Les choses consomptibles sont remplacées en argent.
La conservation implique aussi l’obligation de ne pas user de la chose. Cependant, ce qui
est interdit, c’est l’usage à titre personnel ; rien n’empêche les parties de stipuler
l’exploitation du bien pour préserver sa fonction économique. Dans ce cas, les fruits
perçus par le créancier sont imputés sur ce qui lui est dû en intérêts, et à défaut, sur le
capital de la dette (article 103 de l’Acte de 2010). Si le créancier ne satisfait pas à son
obligation de conservation, le constituant peut aussi réclamer la restitution du bien gagé
(article 109 de l’Acte révisé).
Cette obligation est aussi sanctionnée sur le plan civil et pénal. La responsabilité civile
peut être engagée pour négligence dans la conservation de la chose. Sur le plan pénal il
encourt une peine pour abus de confiance, s’il commet un détournement du bien gagé.
C’est en vertu de cette obligation de conservation que la faculté est donnée au créancier
gagiste de faire vendre, sous sa responsabilité, le bien gagé et menacé de péril, sur
autorisation de la juridiction compétente. Cette autorisation est notifiée au constituant
(article 111 de l’Acte de 2010).
50

2) Le gage portant sur des biens fongibles


Lorsque le gage avec dépossession porte sur des biens fongibles, le créancier a
l’obligation de les tenir ou de les faire tenir séparées des choses de même nature
détenues par lui. Cette prescription vise à permettre la restitution des biens gagés
dans leur individualité. Si le créancier ne respecte pas cette obligation, le constituant
peut réclamer la restitution du bien gagé, sans préjudice des dommages-intérêts (Article
101 de l’Acte de 2010).
Il faut relever que cette obligation n’est pas d’ordre public. Le créancier peut en être
dispensé. Le cas échéant, il acquiert la propriété des choses gagées à charge de restituer
le moment venu, la même quantité des choses équivalentes.

C) Les obligations du constituant


Avant l’échéance, le constituant n’a véritablement d’obligation qu’en cas de gage sans
dépossession. Aux termes de l’article 108 al. 2, « … lorsque le constituant est resté en
possession du bien gagé, il doit le conserver en bon père de famille, et notamment
l’assurer contre les risques de perte et de détérioration totale ou partielle ».
Il a aussi l’obligation de ne pas aliéner le bien gagé. Cette obligation sera sanctionnée à la
fois sur le plan pénal (détournement de bien gagé) et sur le plan civil. Sur le plan civil,
outre l’inopposabilité de la vente au créancier gagiste, le constituant pourrait aussi
engager sa responsabilité civile du fait du dommage subi par le créancier et même
l’acquéreur de bonne foi qui sera évincé.
Lorsque le gage sans dépossession a pour objet des biens fongibles, le contrat peut
permettre au constituant de les aliéner, à charge de les remplacer par la même quantité
de choses équivalentes (article 102 du nouvel Acte). Cette autorisation donnée au
constituant s’oppose à ce que le créancier exerce un droit de suite.
Dans tous les cas, le créancier peut exiger du constituant, à peine de déchéance du
terme, qu’il en maintienne la valeur (article 110 al. 1 de l’Acte révisé). A cette fin, le
créancier peut à tout moment et aux frais du débiteur, obtenir du constituant ou du tiers
convenu, un état de l’ensemble des biens gagés ainsi que la comptabilité des opérations
le concernant (article 110 al. 2). Il faut observer que cette disposition qui dans l’Acte de
1997 ne concernait que le nantissement des stocks, relève aujourd’hui du droit commun
du gage.

§ 2. Les effets à l’échéance de la garantie


Il faut distinguer selon que le créancier a été ou non désintéressé.
A) Le créancier non désintéressé
S’il veut être désintéressé, le créancier gagiste doit mettre en œuvre les voies
d’exécution pour la vente forcée du gage. Toutefois, il peut aussi demander l’attribution
judiciaire. Enfin, dans des cas déterminés, la propriété du bien gagé peut être attribuée
conventionnellement au créancier (article 104 de l’Acte de 2010).
1) La vente forcée
La procédure est judiciaire et suppose toujours un titre exécutoire. La procédure de
vente est écartée en cas de procédure collective contre le débiteur. La décision de
51

suspension des poursuites individuelles s’applique à tous les créanciers, même à tous
ceux qui sont munis d’une sû reté comme le gage. Il est aussi impossible de procéder à la
vente forcée lorsque le bien a péri. Le créancier ne peut alors qu’exercer son droit de
préférence sur l’indemnité d’assurance si unetelle garantie existe.
Une fois le bien vendu, le créancier gagiste est désintéressé jusqu’à concurrence de sa
créance. Toutefois, la distribution est faite suivant le rang tel que défini à l’article 149
AUS. Le gagiste occupe le quatrième rang après les créanciers des frais de justice, le
conservateur et les salariés.
2) Attribution judiciaire du gage en propriété (Article 104 al. 2)
C’est une faculté laissée au tribunal qui doit cependant prendre certaines précautions.
Le bien ne peut être attribué en paiement au créancier qu’après une expertise ou
estimation de sa valeur.
3) L’attribution conventionnelle
La clause ou pacte commissoire prévoyant une attribution automatique du bien au
créancier est interdite. Mais on doit admettre sa validité lorsqu’il intervient
postérieurement à la constitution, surtout à l’échéance. Ceci permettra d’éviter les frais
engendrés par la vente forcée ou la procédure judiciaire.
L’Acte révisé a apporté une innovation en la matière. En effet, si le bien gagé est une
somme d’argent ou un bien dont la valeur fait l’objet d’une cotation officielle, les parties
peuvent convenir que la propriété du bien sera attribuée au créancier gagiste en cas de
défaut de paiement (article 104 al. 3).
4) Les droits du créancier en cas de perte ou de détérioration du bien gagé
Aux termes de l’article 106 de l’Acte, « En cas de perte ou de détérioration totale ou
partielle de la chose gagée qui ne serait pas de son fait, le créancier gagiste exerce son
droit de préférence sur l’indemnité d’assurance s’il y a lieu … ».
5) La pluralité de créanciers gagistes
Trois situations sont visées. La première est celle dans laquelle le bien a fait l’objet de
gages successifs sans dépossession. Le rang de chaque créancier est fonction de sa date
d’inscription, à l’instar de l’inscription d’hypothèques. Les dates de constitution
importent peu ; c’est celle de l’inscription qui l’emporte. On peut cependant se demander
si cette solution serait aussi valable si le créancier postérieur qui a inscrit le premier son
gage n’ignorait pas l’existence du gage antérieur. Il s’agit de rapprocher la situation de
l’acquéreur de mauvaise foi d’un meuble appartenant au tiers. On le sait, dans ce dernier
cas, l’acquéreur de mauvaise foi n’est pas protégé par l’article 2279 ancien du code civil.
Cependant, on devra admettre qu’en matière d’inscription d’hypothèque, la
connaissance par le créancier gagiste d’un gage antérieur non inscrit ne fait pas de lui un
gagiste de mauvaise foi. En effet, le premier créancier gagiste peut délibérément refuser
d’inscrire son gage. Rien ne l’y oblige. Ensuite, à la différence de l’aliénation du bien
d’autrui qui est en principe nul en raison du caractère exclusif du droit de propriété, un
même bien peut faire l’objet de plusieurs gages successifs.
La deuxième situation est celle dans laquelle un bien objet d’un gage sans dépossession
régulièrement publié a fait ensuite l’objet d’un gage avec dépossession. Le droit de
préférence du créancier gagiste antérieur l’emporte.
52

Lorsqu’un bien donné en gage avec dépossession a fait l’objet d’un autre gage sans
dépossession régulièrement publié, le créancier gagiste antérieur qui a la maîtrise
matérielle de la chose exerce valablement son droit de rétention jusqu’au complet
paiement.

B) Le créancier désintéressé
Le créancier est tenu de restituer le bien dès qu’il a été désintéressé. Le créancier est
tenu de restituer le bien au débiteur s’il reçoit une sû reté équivalente, conformément à
l’accord des parties. Le bien est restitué avec tous ses accroissements. La restitution peut
intervenir à titre de sanction lorsque le créancier est déchu de ses prérogatives pour
violation de ses obligations.
Le défaut de restitution est passible de sanction civile et pénale, précisément lorsque
l’objet du gage a été détourné.

Section 3 : Extinction du gage


Elle a lieu par voie d’accessoire ou par voie principale.

§ 1) L’extinction par voie d’accessoire


Le gage s’éteint lorsque l’obligation qu’il garantit est entièrement éteinte. Il en est ainsi
en cas de paiement ou de remise de dette.
A) Le paiement
Le solvens est en principe le débiteur lui-même. Toutefois, un tiers peut payer à la
place du débiteur, soit de manière gratuite soit en qualité de caution. Tout paiement
effectué en qualité de caution crée une action subrogatoire au profit du solvens. Ce
paiement laisse le poids de la dette intact à la charge du débiteur principal.
Le paiement doit être effectué entre les mains du créancier ou son mandataire désigné.
Peut-on aussi le faire entre les mains du tiers dépositaire du gage ? Il ne peut en être
ainsi que lorsque les parties l’ont habilité à recevoir le paiement. Si son mandat se limite
au dépô t du gage, il ne peut recevoir paiement.
Le créancier peut-il refuser le paiement avant échéance pour bénéficier des intérêts
qui s’accumulent ? Dans ce cas, par l’intermédiaire d’un officier ministériel, la somme est
mise à la disposition du créancier ou déposer entre les mains d’un tiers. Le débiteur se
libère ainsi et peut revendiquer le bien remis en gage.

B. La remise de la dette
Par la remise de la dette, le créancier libère le débiteur en renonçant à la dette. Mais la
remise du bien éteint la garantit et non la dette elle-même.

§ 2) Extinction par voie principale


Elle se réalise par la restitution volontaire de l’objet remis en gage. C’est une
renonciation à la sû reté. Il s’agit d’un acte unilatéral abdicatif que le créancier gagiste est
tout à fait apte à effectuer dès lors que le gage est à son avantage exclusif.
53

Le juge peut également ordonner la restitution lorsque le créancier ne respecte pas ses
obligations de conservation par l’usage du bien ou le défaut d’entretien (article 114 de
l’Acte Uniforme de 2010).
Enfin le nouvel Acte ajoute un nouveau cas d’extinction du gage. En effet, si la chose
donnée en gage est perdue par le fait du créancier gagiste, le gage avec dépossession
disparaît indépendamment de l’obligation garantie (article 117). Dans cette hypothèse
quelle serait le sort de l’obligation principale. Cette obligation qui n’est pas encore
exécutée reste due. Cependant, lorsqu’elle sera exécutée, le créancier engagera aussi sa
responsabilité du fait qu’il ne sera pas en mesure de restituer le bien donnée en gage.
Pour se prémunir de la responsabilité qui résulterait de la perte de la chose, le créancier
gagiste avec dépossession aurait parfois intérêt à souscrire une assurance de chose pour
le compte du débiteur, assurance qui couvre au même moment la responsabilité
éventuelle du créancier.

Section 4 : Les dispositions particulières à certains gages


L’Acte de 2010 a prévu des dispositions particulières au gage du matériel professionnel
et des véhicules automobiles et au gage de stocks. Il faut signaler que dans l’Acte de
1997, ces deux sû retés étaient connues sous le nom de nantissement du matériel
professionnel et des véhicules automobiles et du nantissement des stocks.

§1. Le gage du matériel professionnel et des véhicules automobiles


Deux articles sont consacrés à la matière dans l’Acte révisé. Il s’agit des articles 118 et
119.
Le premier des deux textes admet la possibilité d’un gage portant sur le matériel
professionnel et véhicules automobiles, assujettis ou non à une déclaration de mise en
circulation et à immatriculation. Le même article précise que ce gage est soumis au droit
commun du gage, à savoir les articles 93 à 117 de l’Acte.
L’alinéa 2 de l’article 118 précise que le matériel professionnel faisant partie d’un fonds
de commerce peut être nanti en même temps que le fonds de commerce. Il pourrait alors
se poser la question de la préférence entre un gage sans dépossession constitué sur un
matériel professionnel déterminé et le nantissement du fond de commerce comprenant
le matériel professionnel. C’est en réalité l’ordre d’inscription du gage et du
nantissement qui déterminera le rang des créanciers.
Aux termes de l’article 119, le gage des véhicules automobiles assujettis à une
déclaration de mis en circulation et à immatriculation administrative doit être
mentionnée sur le titre administratif portant autorisation de circuler. Cette formalité est
une précaution supplémentaire destinée à informer un tiers qui voudrait acquérir ce
bien.
Cependant, l’absence de cette mention ne remet pas en cause la validité ou l’opposabilité
du gage dû ment inscrit au RCCM.
Lorsque ce défaut d’inscription cause un dommage à autrui, ce dernier pourrait donc
engager la responsabilité du constituant.
§ 2. Le gage de stocks.
54

Le gage de stocks obéit d’abord au droit commun des gages ; A ces dispositions il faut
ajouter celles qui lui sont spécifiques. Elles se rapportent à l’émission d’un bordereau, à
la souscription d’une assurance puis à la vente des stocks gagés et à la consignation du
prix.
A) L’émission d’un bordereau de gage de stocks
Elle résulte de l’article 121. Aux termes de ce texte, la constitution d’un gage de stocks
sans dépossession peut donner lieu à l’émission par le greffier, ou par le responsable de
l’organe compétent dans l’Etat partie, d’un bordereau de gage de stocks.
L’Acte constitutif du gage doit comporter les mentions requises, pour tout gage, à
l’article 96. Il s’agit de la désignation de la dette garantie, la quantité des biens donnés en
gage ainsi que leur espèce ou leur nature.
L’acte doit en outre comporter le nom de l’Assureur qui couvre les stocks gagés contre
les risques d’incendie de vol et de détérioration totale ou partielle ainsi que
l’établissement domiciliataire du bordereau de gage de stocks. L’établissement
domiciliataire est celui où serait consigné le prix de vente des marchandises.
B) Les mentions figurant sur le bordereau
Il doit comporter de manière apparente :
- La mention gage de stocks ;
- La date de sa délivrance ; elle correspond à celle de son inscription au RCCM ;
- Le numéro d’inscription au registre chronologique des dépô ts ;
- La signature du débiteur.
Ce bordereau doit être remis au débiteur par le greffier. Ce dernier, par voie
d’endossement daté et signé, le remet au créancier. Tout porteur du bordereau en vertu
d’un endossement a la qualité et les droits d’un créancier gagiste.
C) L’obligation de souscription d’une assurance
Cette obligation apparaît clairement de l’exigence de l’inscription du nom de l’assureur
sur l’acte constitutif du gage (article 121 al. 2). L’obligation d’assurance concerne les
risques de vol, d’incendie et de détérioration. Le nouvel acte ajoute aux risques
d’incendie et de détérioration déjà prévus à l’article 101 al. 3 de l’Acte de 1997, le risque
de vol.
Il faut observer que la constitution d’un gage de stocks avec établissement d’un
bordereau n’est qu’une faculté offerte aux parties. A défaut, elles peuvent se contenter
d’un gage de droit commun, moins exigent. Notamment, l’obligation d’assurance se
limitera aux risques de perte et de détérioration partielle ou totale (article 105 de l’Acte
du 14 décembre 2010).
D) La vente et la consignation du prix
Le débiteur émetteur du bordereau de gage de stocks conserve le droit de vendre les
stocks gagés. Seulement, il ne peut livrer les biens vendus qu’après consignation du prix
auprès de l’établissement domiciliataire.
55

Chapitre 2 : Les autres sûretés mobilières

Il s’agit du droit de rétention et des nantissements.

Section 1 : Le droit de rétention


On enseigne que le droit de rétention ne doit pas être une arme trop efficace laissée
entre les mains des créanciers au point de faire échec à toute procédure de
redressement judiciaire dont pourrait faire l’objet le débiteur. Pour éviter cet écueil, les
rédacteurs de l’Acte de 1997 ont eu une conception large du domaine de la rétention
tout en limitant son efficacité. Les auteurs de l’Acte révisé ont cherché à remédier à
cette situation en réduisant le domaine d’application du droit de rétention tout en
accentuant ses effets, c’est-à -dire en restaurant son efficacité. Ainsi, le régime du droit de
rétention a été considérablement modifié.
Le droit de rétention est prévu aux articles 41 à 43 de l’AUS de 1997. Il se définissait
comme le droit reconnu à tout créancier qui détient légitimement le bien de son
débiteur de le retenir jusqu’à complet payement de sa dette indépendamment de toute
autre sû reté. A ce niveau déjà , on peut relever un apport essentiel. En effet, aux termes
de l’article 67 de l’Acte de 2010, « Le créancier qui détient légitimement un bien mobilier
de son débiteur peut le retenir jusqu’au complet paiement de ce qui lui est dû ,
indépendamment de toute autre sû reté, sous réserve de l’application de l’article 107 al.
2.
Il faut le rappeler, l’article 107 al. 2 consacre la préférence du créancier gagiste
sans dépossession qui a régulièrement inscrit son gage sur un créancier gagiste
avec dépossession postérieur, exerçant son droit de rétention. Le gage sans
dépossession inscrit est donc opposable au créancier exerçant son droit de
rétention.

§1) Conditions d’exercice du droit de rétention


Certaines sont relatives à la détention, d’autres à la créance ou encore à la rétention.
A) Conditions relatives à la détention
Pour retenir une chose, le créancier doit la détenir légitimement pour son propre
compte, par lui-même ou par l’intermédiaire d’une personne agissant valablement pour
son compte (mandataire ou préposé).
Le créancier doit être de bonne foi dans sa rétention. Il ne le serait pas s’il usait de
manœuvres dolosives pour retrouver la détention. La détention ne serait pas légitime si
elle est consécutive à une violence.
La chose détenue ne peut être qu’une chose mobilière. Il est admis que la chose
retenue peut être un meuble corporel ou incorporel dès lors que cette dernière fait
l’objet d’une matérialisation par un titre (valeurs mobilières, connaissements …).

B) Conditions relatives à la créance


56

La créance doit être certaine liquide et exigible. C’est là une différence fondamentale
avec les sû retés réelles conventionnelles qui sont consenties aussi bien pour des dettes
échues ou à échoir. Le droit de rétention apparaît ainsi comme une réelle mesure de
coercition exercée contre le débiteur pour obtenir le paiement. Dès lors que l’un de ces
éléments fait défaut, le créancier ne peut exercer son droit de rétention. Il en sera ainsi
lorsque la créance est contestée dans son principe ou non déterminée dans son montant,
ou non encore exigible.
Il doit y avoir un lien de connexité entre la créance et la chose détenue. La réduction
du domaine du droit de rétention tient à la nouvelle définition du lien de connexité. En
effet, aux termes de l’article 42 al. 2 de l’Acte de 1997, « La connexité est réputée établie
si la détention de la chose et la créance sont la conséquence de relation d’affaire entre le
créancier et le débiteur ». L’article 69 de l’Acte de 2010 dispose que « La connexité est
réputée établie :
1°) lorsque la chose retenue a été remise jusqu’à complet paiement de la créance du
détenteur ;
2°) lorsque la créance impayée résulte du contrat qui oblige le rétenteur à livrer la chose
retenue ;
3°) lorsque la créance impayée est née à l’occasion de la détention de la chose retenue.
Ce texte distingue la connexité conventionnelle, la connexité juridique et la connexité
matérielle. Il reprend l’article 2286 du code civil. Et il est admis que le constat d’un
simple courant d’affaire, fait de prestations indépendantes les unes des autres est
insuffisant à constituer un lien de connexité 17.
Exemple de connexité matérielle ou objectif : travaux de comptabilité sur des pièces
comptables fournies par le débiteur ; détention d’une chose ayant causé un dommage.
Connexité juridique ou intellectuelle issu d’un seul rapport juridique (contrat de
réparation sur un véhicule).

C) Conditions relatives à la rétention


Les articles 41 et 42 AUOS disposent que le droit de rétention s’exerce
indépendamment de toute autre sûreté et avant toute saisie, ce qui tend à faire de
cette prérogative une sûreté autonome.
Si le droit de rétention ne peut se concevoir comme l’accessoire d’une autre sû reté, il
peut, toutefois, se combiner avec une autre sû reté dont le créancier peut être également
titulaire, tel un privilège mobilier spécial (privilège du bailleur d’immeuble par
exemple), à condition que séparément, les conditions d’existence et d’exercice de l’un et
de l’autre soient réunies.
Indépendamment de toute autre sûreté signifie également qu’une autre sû reté
existant déjà au profit d’un autre créancier ne fait pas obstacle au droit de rétention,
sous réserve des dispositions de l’article 104 al. 2.
Avant toute saisie signifie que la rétention doit être exercée avant qu’il ne soit procédé
à toute saisie. Il en résulte que si le droit de rétention ne peut s’exercer sur un bien déjà
saisi, il peut laisser place à une opposition de la part du créancier c’est-à -dire la
17
Com. 6 mai 1997, n° 94 -16. 133, RTD com. 1997p. 490.
57

possibilité de se joindre à la procédure de saisie (art. 91 al. 2 AUVE). Ce qui entraînera


l’application de la règle de la pluralité de saisie (art. 130 et s. et 190 et s. de l’AUVE) sans
que l’opposant ait le droit de préférence du créancier gagiste.
Le droit de rétention ne peut s’exercer que lorsqu’il y a un lien de connexité entre la
créance et le bien retenu. Exemple : le garagiste qui retient le véhicule réparé jusqu’à
complet payement.
§ 2) Effets du droit de rétention
Les effets du droit de rétention se rapprochent de ceux du gage sans s’identifier
totalement à eux.
A) Effets antérieurs au paiement
Entre le moment de la rétention et celui du paiement et de la restitution consécutive, le
rétenteur se trouve dans la situation analogue à celle du créancier gagiste ; il est tenu de
conserver la chose et de ne pas en user sauf à se voir déchoir de la rétention. Quand bien
même cette obligation n’était pas précisée dans l’Acte de 1997, elle allait de soi. Le
nouvel Acte l’a clairement établie à l’article 70 al. 1.
L’alinéa 2 du même texte ajoute que le créancier « peut faire procéder, sur autorisation
de la juridiction compétente statuant à bref délai, à la vente de ce bien si l’état ou la
nature périssable de ce dernier le justifie ou si les frais occasionnés par sa garde sont
hors de proportion avec sa valeur. Dans ce cas, le droit de rétention se reporte sur le prix
de vente qui doit être consigné »

Il a le droit de refuser de restituer le bien tant qu’il n’a pas été totalement désintéressé.
Ce droit est indivisible et opposable à tous.
Aux termes de l’article 42 de l’Acte de 1997, le détenteur doit renoncer à la rétention s’il
lui est proposé une sû reté équivalente (article 42 AUS). Cet article a été supprimé dans
l’Acte de 2010 afin de restaurer au droit de rétention toute son efficacité.
B) Effets en cas de non paiement
L’article 43 de l’Acte de 1997 affirmait que si le créancier ne reçoit pas paiement, il peut
après signification faite au débiteur et au propriétaire de la chose, exercer ses droits de
suite et de préférence comme en matière de gage.
Les rédacteurs de l’Acte de 2010 ont observé que le droit de rétention reposant par
nature sur une possibilité de blocage du bien, la reconnaissance d’un droit de suite ne
présente pas d’utilité. Aussi, l’article 43 a-t-il été supprimé. Il a été également observé
qu’un tel blocage ne peut qu’engendrer une situation d’exclusivité sur le bien et aboutit à
exclure tout concours avec d’autres créanciers ; ce qui fait que la reconnaissance d’un
droit de préférence va à l’encontre de la nature du droit de rétention.
Les dispositions de l’Acte de 1997 permettaient la conversion du droit de rétention en
droit de gage en passant à la réalisation de la sû reté. Le texte actuel ne donne pas ces
précisions. Dans tous les cas, le droit de rétention ne peut être indéfini lorsque le
créancier n’est pas payé. Il faudra alors passer à la réalisation du bien conformément
aux procédures de réalisation.
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Section 2. La propriété retenue ou cédée à titre de garantie

§1. La réserve de propriété


Aux termes de l’article 72 de l’AUS de 2010, « La propriété d'un bien mobilier peut être
retenue en garantie par l'effet d'une clause de réserve de propriété qui suspend l'effet
translatif d'un contrat jusqu'au complet paiement de l'obligation qui en constitue l a
contrepartie. Il résulte de ce texte les conditions de constitution de la réserve de
propriété.

I) La constitution de la réserve de propriété.


La réserve de propriété résulte d’un contrat translatif de propriété. La loi précise à quel
moment les parties peuvent consentir la réserve de propriété et l’objet sur lequel il peut
porter. Il faut aussi rappeler que cette sû reté doit être inscrite.
1. Une sûreté conventionnelle
La réserve de propriété résulte d’une clause insérée dans un contrat. L’article 73 le
réitère en disposant que la réserve de propriété « est convenue ». Il doit s’agir d’un
contrat translatif de propriété. Très souvent, c’est dans le contrat de vente que les
parties insèrent la clause de réserve de propriété. Mais il pourrait aussi être
insérer dans un contrat d’échange, d’entreprise notamment, pourvu qu’il y ait
transfert de propriété.
La clause de réserve de propriété a pour effet de retarder le transfert de propriété. On le
sait, dans le droit commun de la vente, le transfert de propriété se fait solo consensu, par
le seul échange des consentements, indépendamment du paiement du prix. La clause de
réserve de propriété fait donc obstacle à ce transfert automatique. Mais il ne peut s’agir
en principe que d’un obstacle temporaire. En effet, le transfert de propriété n’est
suspendu que jusqu’à l’exécution complète, par l’autre partie, de son obligation. Dans le
contrat de vente par exemple, cette contrepartie sera le paiement du prix.
Il faut aussi rappeler que le transfert de propriété dans le contrat de vente, suivant
l’OHADA, se fait au moment de la prise de livraison.
2. Un contrat écrit
La réserve de propriété est une clause écrite. L’écrit en est une condition de validité.
L’article 73 l’affirme expressément. Cet écrit peut avoir exclusivement pour objet
d’instituer la réserve de propriété. On peut imaginer un contrat d’entreprise conclu
verbalement et une réserve de propriété convenue postérieurement, mais avant la
livraison du bien fabriqué. Il peut aussi s’agir d’une disposition spéciale inséré dans un
ensemble d’opérations présentes ou à venir.
3. Un contrat portant sur un bien mobilier
La clause de réserve de propriété ne peut porter que sur un meuble. L’article 72 le dit
expressément. Deux questions se posent néanmoins. La clause peut-elle porter sur un
meuble par anticipation ou sur un immeuble par destination.
S’agissant d’abord du meuble par anticipation, on devra répondre par l’affirmative.
On peut en effet imaginer aisément l’hypothèse de la vente des récoltes à venir dont le
59

transfert de propriété ne se ferait qu’après l’acquittement du prix par l’acquéreur.


S’agissant des immeubles par destination, on peut penser que la réserve de propriété
s’oppose même à la nature de l’immeuble par destination puisque cette qualification
implique que les deux biens appartiennent à la même personne. Or la clause de réserve
de propriété fait obstacle au transfert de propriété du bien meuble à l’acquéreur
propriétaire du bien immobilier.
4. Un contrat intervenant avant la livraison du bien
« A peine de nullité, la réserve de propriété est convenue par écrit, au plus tard au jour
de la livraison du bien » (article 73 AUS). La sanction de la nullité s’applique non
seulement à l’écrit mais aussi au moment de la réserve de la propriété. Il en résulte que
lorsque le bien est livré à l’acquéreur, la clause de réserve de propriété ne peut plus
utilement intervenir. La réserve de propriété peut être postérieure au contrat translatif
de propriété, pourvu que le bien objet du contrat n’ait pas été livré.
La livraison est l’une des obligations essentielles du vendeur. Aux termes de l’article 251
de l’AUDCG, « Lorsque le vendeur n'est pas tenu de livrer la marchandise en un lieu
particulier, il doit la tenir à la disposition de l'acheteur soit au lieu où elle a été fabriquée
ou stockée, soit au siège de son activité de vendeur ». La livraison ne s’entend donc pas
du transport en la puissance de l’acheteur. Il s’agit de la mise à disposition de la
marchandise afin que l’acquéreur puisse le prendre.
Une question essentielle demeure. Doit-on considérer que le législateur, en se référant à
la livraison, pense en réalité au transfert de propriété  ? Cette interrogation se justifie par
le fait que le transfert de propriété correspond à la prise de livraison dans la vente,
conformément à l’article 275 l’AUDCG. Ce texte dispose que « La prise de livraison opère
transfert à l’acheteur de la propriété des marchandises vendues ». De plus, la réserve de
propriété n’avait été prévue que par cet Acte à l’article 284 relatif au transfert de
propriété. Enfin, cette interrogation est confirmée par le fait qu’on ne peut retenir que ce
que l’on a encore en sa puissance (Voir article 72), c’est-à -dire ce qui n’a pas encore été
transféré à l’autre partie. Cette interprétation parait plausible ; Dans tous les cas, la
clause doit intervenir avant la mise à disposition du bien à l’acquéreur.
5. L’inscription de la réserve de propriété
La publicité de la clause de réserve de propriété est la condition de son opposabilité aux
tiers. Il en résulte que le défaut de publicité ne remet pas en cause la validité de la
convention entre les parties. Reste à préciser dans les effets de la réserve de propriété
celui qui doit être préféré entre le bénéficiaire de la réserve de propriété régulièrement
inscrite et celui qui exerce son droit de rétention ou encore le bénéficiaire du gage avec
dépossession sur le même bien.
II) Les effets de la réserve de propriété
La réserve de propriété a vocation à prendre fin dès l’exécution de l’obligation qui en est
la contrepartie. Il s’agira souvent du prix de vente, mais aussi des honoraires dans un
contrat d’entreprise avec effet translatif de propriété.
A défaut de l’exécution de l’obligation qui en est la contrepartie, le bien doit être restitué.
Qu’adviendrait-il si le bien objet de la réserve est incorporé à un autre ?
1. La restitution du bien à défaut d’exécution de l’obligation
60

Aux termes de l’article 77 de l’AUS, « A défaut de complet paiement à l’échéance, le


créancier peut demander la restitution du bien afin de recouvrer le droit d’en disposer ».
Il ne s’agit que d’une faculté offerte au créancier. Mais il aura intérêt à l’exercer
promptement ; Par exemple, lorsqu’il n’aura pas exercé ce droit à temps et que le bien
objet de la clause perd sa valeur, la caution qui aurait garanti la dette du débiteur pourra
lui opposer les exceptions tirées de l’article 29 al. 2 de l’AUS.
Malgré la restitution du bien, le débiteur est tenu du solde de la créance, déduction faite
de la valeur du bien restitué. Si la valeur du bien repris excède le solde, le créancier doit
au débiteur une somme égale à la différence $(art. 77 al. 3). Cette disposition est
impérative et toute clause contraire est réputée non écrite. Cette mesure vise à protéger
le débiteur pour éviter qu’il ne soit encore tenu de l’entièreté du solde de la créance, en
vertu d’une clause contractuelle, malgré la restitution du bien.
2. L’incorporation du bien à un autre
L’incorporation du bien objet de la réserve à un autre bien ne fait pas obstacle à
l’exercice des prérogatives du créancier. En d’autres termes, le créancier pourra toujours
demander la restitution du bien. Cependant, cette restitution ne sera admise que
« lorsque ces biens peuvent être séparés sans subir de dommages ».
A défaut, le tout appartient au propriétaire de la chose qui forme la partie principale à
charge pour lui de payer à l’autre la valeur, estimée à la date du paiement de la chose qui
y a été unie.
3. La charge des risques
Le risque est attaché à la propriété. L’article 277 de l’AUDC le rappelle lorsqu’il dispose
que « Le transfert de propriété entraîne le transfert des risques à l’acheteur…. ». Il en
résulte qu’en cas de réserve de propriété, la charge du risque incombe en principe au
propriétaire quand bien même la détention et l’usage sont transférés à l’acquéreur. Pour
y remédier, il importe d’insérer une clause dans le contrat transférant le risque à
l’acquéreur. En effet, le principe selon lequel le risque est attaché à la propriété est
supplétif de la volonté des parties.
4. La perte du bien
La destruction du bien ou sa vente entraîne le report du droit de propriété sur
l’indemnité d’assurance ou sur la créance du débiteur contre le sous–acquéreur. Cela
suppose que le sous-acquéreur n’a pas versé le prix de vente au débiteur. On peut
cependant se demander si le sous-acquéreur peut être libéré s’il verse le prix au
débiteur alors qu’il connaissait la clause de réserve de propriété. Sa responsabilité
pourrait être engagée.

5. La réserve de propriété d’un bien fongible


Aux termes de l’article 75 de l’AUS « La propriété réservée d'un bien fongible peut
s'exercer, à concurrence de la créance restant due, sur des biens de même espèce et de
même qualité détenus par le débiteur ou pour son compte ». La fongibilité d’un bien ne
s’oppose donc pas à la réserve de la propriété.
61

§ 2. La propriété cédée à titre de garantie


Il s’agit de la cession de créance à titre de garantie et du transfert fiduciaire d’une
somme d’argent.

I. La cession de créance à titre de garantie


Elle est régie par les articles 79 à 86 de l’AUS. Ces dispositions précisent les conditions
de formation de même que les effets de la cession de créance à titre garantie.
A. La constitution de la sûreté
Aux termes de l’article 80 al. 1 de l’AUS, « Une créance détenue sur un tiers peut être
er

cédée à titre de garantie de tout crédit consenti par une personne morale nationale
ou étrangère, faisant à titre de profession habituelle et pour son compte des
opérations de banque ou de crédit ». Ce texte révèle les parties impliquées dans la
cession de créance à titre de garantie de même que la nature de la créance garantie. On
ajoutera aussi que la cession de créance est un contrat formaliste.
1. Les parties impliquées dans la cession de créance
La cession de créance est un contrat intervenant entre le cédant et le cessionnaire. Il
faudra aussi examiner la situation du tiers cédé.
a) Le cessionnaire
C’est le bénéficiaire de la cession. La législation OHADA a restreint le domaine de la
cession de créance en accordant le bénéfice de cette sû reté qu’à « une personne morale
nationale ou étrangère, faisant à titre de profession habituelle et pour son compte des
opérations de banque ou de crédit ». Il s’agit donc des établissements de crédit.
b) Le cédant
C’est le débiteur de l’établissement de crédit à qui ce dernier a consenti un crédit. Il
détient lui-même une créance sur un tiers. Il importe peu que le cédant soit un une
personne physique ou une personne morale, commerçant ou non commerçant. Il n’est
pas non plus exigé que le crédit lui soit accordé dans le cadre de ses activités
professionnelles.
c) Le débiteur cédé
Il n’est pas partie au contrat de cession. Aussi doit-on seulement lui notifier la cession.
Cependant son acceptation de la cession produit d’importantes conséquences.
 La notification de la cession au débiteur cédé
Aux termes de l’article 84 de l’AUS, « Pour être opposable au débiteur de la créance
cédée, la cession de créance doit lui être notifiée ou ce dernier doit intervenir à l'acte.
A défaut, le cédant reçoit valablement paiement de la créance ».

Il ressort de ce texte que le consentement du débiteur cédé n’est pas requis. Une simple
notification ou une intervention à l’acte suffit. Cette situation se justifie aisément. La
cession de créance n’aggrave pas la situation du débiteur cédé. Il est tenu à l’égard du
cessionnaire dans les mêmes termes qu’il l’est vis-à -vis du cédant.
La notification a pour effet d’empêcher le débiteur cédé d’effectuer le paiement entre les
mains du débiteur cédant, c’est-à -dire son créancier initial. Il faut cependant souligner
62

que l’acceptation de la cession par le débiteur cédé modifie radicalement sa situation


juridique.
 Le débiteur cédé acceptant
L’article 85 de l’AUS dispose que « Lorsque le débiteur de la créance cédée est un
débiteur professionnel au sens de l’article 3 du présent Acte uniforme, celui-ci peut, à la
demande du cessionnaire, s'engager à le payer directement en acceptant la cession.
Dans ce cas, le débiteur ne peut opposer au cessionnaire les exceptions fondées sur ses
rapports personnels avec le cédant, à moins que le cessionnaire, en acquérant ou en
recevant la créance, n'ait agi sciemment au détriment du débiteur ».
On le constate, l’acceptation par débiteur cédé aggrave sensiblement sa situation. Son
obligation se détache du rapport de base qui le lie à son créancier. Ainsi, il ne peut se
prévaloir dans ses rapports avec le bénéficiaire, des exceptions qu’il aurait pu opposer à
son propre créancier. On pourrait rapprocher sa situation de celle du tiré accepteur qui
ne peut plus se prévaloir à l’encontre du porteur de bonne foi, les exceptions résultant
du contrat de base.
L’obligation qui lui est faite de payer le cessionnaire ne s’estompe que lorsque le
cessionnaire en acquérant la créance « n’ait agi sciemment au détriment du débiteur ».
Cette expression signifie que le cessionnaire doit être animé par l’intention de nuire au
débiteur cédé. Cette intention de nuire ne peut en principe résulter de la simple
connaissance du caractère litigieux de la créance. Cette intention de nuire doit exister
déjà au moment de l’acceptation de la cession de créance par le cessionnaire.
La sévérité des conséquences attachées à l’acceptation de la cession explique que le
législateur exclut la possibilité de l’acceptation lorsque le débiteur est une personne
physique non professionnelle.
Il faut le souligner, la loi exige que cette acceptation, à peine de nullité, soit écrit dans un
acte intitulé « Acte d’acceptation de la cession de créance ». Il doit également reproduire
en caractères très apparents, les dispositions de l’article 85. En d’autres termes il doit
indiquer qu’il s’engage à payer le cessionnaire sans pouvoir opposer à ce dernier les
exceptions tirées de ses rapports personnels avec le cédant. Encore une fois, la sévérité
des conséquences résultant de l’acceptation justifie ce formalisme de rigueur.

2. Les conditions relatives aux créances


On examinera les conditions relatives à la créance garantie et celles afférentes à la
créance cédée.
a) La créance garantie
La créance garantie doit résulter d’un crédit consenti par un établissement financier. On
peut se demander si le débiteur cédant doit être lui-même le bénéficiaire du crédit ou s’il
peut n’être que le garant du crédit consenti ? On imagine l’hypothèse d’une caution qui
cède une créance en garantie d’un crédit accordé au débiteur cautionné. Rien ne
s’oppose à ce que le cédant ne soit pas directement le bénéficiaire direct du crédit
consenti. Il faut ajouter que la créance garantie peut être actuelle ou future (article 79 de
l’AUS).
b) La créance cédée
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Aucune condition spécifique n’est requise s’agissant de la créance cédée. Il peut s’agir
d’une créance professionnelle ou non. Mais il va de soi qu’il ne peut s’agir d’une créance
légalement incessible, par exemple une pension alimentaire.
Lorsque l’incessibilité de la créance est d’origine conventionnelle et qu’elle est née en
raison de l'exercice de la profession du débiteur cédé ou se trouve en rapport direct avec
l'une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n'est pas principale, elle n’est pas
opposable au cessionnaire. Il s’agit de deux conditions cumulatives. La créance cédée
peut être actuelle ou future.
3. L’exigence d’un contrat écrit
La cession de créance à titre de garantie est un contrat écrit, à peine de nullité. L’écrit
doit obligatoirement comporter certaines mentions à savoir :
1°) le nom ou la dénomination sociale du cédant et du cessionnaire ;
2°) la date de la cession ;
3°) et la désignation des créances garanties et des créances cédées.
4. L’inscription de la cession de créance
L’inscription de la cession au RCCM rend la cession opposable au tiers. Elle est sans effet
dans les rapports entre les parties puisqu’elle prend effet entre elles dès sa conclusion.
La cession est opposable au tiers signifie que les tiers créanciers du débiteur cédé ne
peuvent plus prétendre saisir cette créance. Elle ne peut plus être considérée comme
faisant partie du gage commun des créanciers.
B. Effets de la cession
La cession de créance cristallise les obligations du débiteur cédé à l’égard du cédant. Il
conviendra aussi d’examiner l’étendue des créances cédées de même que les
conséquences attachées au paiement effectué au profit du cessionnaire.
1. La cristallisation des obligations du débiteur cédé
Aux termes de l’article 82 al.2 de l’AUS, « A compter de la date de la cession, le cédant ne
peut, sans l’accord du cessionnaire, modifier l’étendue des droits attachés à la créance
cédée ». En effet, une fois la cession consentie, le cessionnaire bénéficie de tous les droits
attachés à la créance au moment de la cession. Devenu créancier du débiteur cédé, le
cessionnaire ne peut se voir imposer aucune restriction à ses droits sans son
consentement. Il en sera par exemple ainsi non seulement de la remise partielle ou
totale de dette que le cédant pourrait consentir au débiteur cédé mais aussi de toute
sû reté dont serait assortie la créance cédée. Cette règle est confirmée à l’article 83 de
l’AUS qui dispose que « A moins que les parties n'en conviennent autrement, la cession
s'étend aux accessoires de la créance et entraîne de plein droit leur transfert et son
opposabilité aux tiers sans autre formalité que celle énoncée à l'article précédent ». Non
seulement les sû retés seront transmises de plein droit sauf stipulation contraire, mais
aussi les intérêts que pourrait produire cette créance dès l’inscription de la cession de
créance.
2. Incidence des paiements effectués au profit du cessionnaire
Aux termes de l’article 86 de l’AUS, « Les sommes payées au cessionnaire au titre de la
créance cédée s'imputent sur la créance garantie lorsqu'elle est échue. Le surplus s'il y a
lieu est restitué au cédant. Toute clause contraire est réputée non écrite ».
64

L’imputation de sommes payées sur les sommes garanties rappelle que le cédant n’est
pas libéré de ses obligations du fait de la cession. Il garantit l’exécution par le débiteur
cédé de ses obligations.
Lorsque la créance cédée arrive à échéance postérieurement à la créance garantie, le
cessionnaire devra attendre l’échéance de la créance cédée. Lorsque l’échéance de la
créance cédée intervient avant celle de la créance garantie, le cessionnaire a intérêt à
agir avec diligence et à recouvrer la créance cédée dès son échéance. L’insolvabilité
postérieure du débiteur cédé pourrait lui être reprochée.

II. Le transfert fiduciaire d’une somme d’argent


Aux termes de l’article 87 de l’AUS, « Le transfert fiduciaire d’une somme d’argent est la
convention par laquelle un constituant cède des fonds en garantie de l’exécution d’une
obligation.
Ces fonds doivent être inscrits sur un compte bloqué, ouvert au nom du créancier de
cette obligation, dans les livres d’un établissement de crédit habilité à le revoir ».

a. Un contrat formaliste

Il s’agit d’un contrat écrit qui à peine de nullité doit nécessairement indiquer « les
créances garanties, ainsi que le montant des fonds cédés à titre de garantie. La
convention doit permettre aussi d’identifier le compte ». Cette exigence rappelle la règle
de la spécialité des sû retés réelles.
b. Une sûreté non soumise à la formalité de l’inscription.

Aux termes de l’article 89, « Le transfert fiduciaire devient opposable aux tiers à la date
de sa notification à l’établissement teneur du compte, pourvu que les fonds soient
inscrits sur un compte bloqué  ». On le constate, la simple notification à l’établissement
rend la sû reté opposable au tiers. Cette solution se justifie par le fait que le transfert
fiduciaire est considéré comme une sû reté avec dépossession du débiteur. Cette
dépossession se réalise par l’ouverture du compte au nom du créancier. La somme est
transférée au créancier. Le constituant n’étant pas titulaire du compte, ses créanciers ni
lui-même ne peuvent retirer les fonds bloqués sur le compte.
c. Un mécanisme qui assure la protection du débiteur

Du fait que cette somme est inscrite sur un compte bloqué, permet aussi de protéger le
débiteur constituant puisque le créancier au nom duquel le comte a été ouvert ne peut
non plus disposer des fonds. Il ne le pourra que dans le cas strict prévu par la loi,
précisément à l’article 91 l’AUS.
Est-il possible que les créanciers du créancier saisissent le compte ouvert à son nom ? En
principe, rien ne s’oppose à ce que ce compte soit saisi ; cependant, étant donné que le
créancier lui-même ne peut avant l’échéance disposer de ce compte, les droits de ses
propres créanciers connaîtront les mêmes limites.
« Si les fonds cédés produisent intérêts, ces derniers sont portés au crédit du compte,
sauf convention contraire ».
65

d. La situation à l’échéance

Lorsque la créance garantie a été complètement payée, les fonds inscrits sur le compte
sont restitués au constituant.
Lorsque la créance garantie n’a pas été payée, le constituant en ait averti. Un délai de 8
jours commence et au terme duquel le créancier peut se faire remettre les fonds cédés,
dans les limites du montant des créances garanties.

Section 3. Les nantissements

Aux termes de l’article 125 al. 1er de l’AUS, « Le nantissement est l'affectation d'un bien
meuble incorporel ou d'un ensemble de biens meubles incorporels, présents ou futurs,
en garantie d'une ou plusieurs créances, présentes ou futures, à condition que celles-ci
soient déterminées ou déterminables ».
Cette définition rappelle la distinction faite actuellement entre le gage et le
nantissement, ce dernier ne portant que sur les meubles incorporels.
L’expression du législateur selon lequel « Peuvent notamment être nantis » suppose que
les différents cas de nantissements prévus par le code sont indicatifs. Cependant, en
nous référant aux dispositions de l’article 4 al. 2 on est conduit à dire que cette liste est
exhaustive. Les nantissements organisés par l’AUS portent donc sur :
- les créances,
- le compte bancaire
- les droits d’associés, les valeurs mobilières et comptes de titres financiers
- le fonds de commerce
- Les droits de propriété intellectuelle.

§ 1) Le nantissement de créance

Le nantissement de créance consiste en l’affectation d’une créance en garantie du


paiement d’une autre créance. Il en résulte une créance nantie et une créance garantie.
A la différence de la cession de créance en garantie du paiement d’une créance, le
nantissement n’implique pas que la créance nantie serve à payer directement et
nécessairement la créance garantie. Ce paiement sera en principe accidentel c’est-à -dire
lorsque la créance garantie n’aura pas été payée. En principe cette dernière a vocation à
être payée. Nous étudierons la constitution du nantissement de créance, ses effets et la
situation à l’échéance
a. La constitution

Le nantissement de créance est nécessairement un contrat formaliste. Il faudra aussi


préciser son assiette.
 Un contrat écrit

Aux termes de l’article 127 de l’AUS, « A peine de nullité, le nantissement de créance doit
être constaté dans un écrit contenant la désignation des créances garanties et des
créances nanties ou, si elles sont futures, les éléments de nature à permettre leur
66

individualisation, tels que l'indication du débiteur, le lieu de paiement, le montant des


créances ou leur évaluation et leur échéance ».
On relèvera que la nullité sera encourue non seulement en l’absence d’écrit mais aussi
lorsque l’instrumentum ne comporterait pas les mentions indiquées. Ces mentions visent
à identifier à la fois la créance nantie et la créance garantie.
A la différence de la cession de créance, qui ne peut être consentie qu’au profit d’un
établissement financier, le nantissement de créance peut bénéficier à tout créancier.
 L’assiette du nantissement de créance.

Le nantissement peut porter sur une fraction de créance, sauf si cette créance est
indivisible. Elle peut porter sur une créance déjà née ou une créance future.
Le nantissement d’une créance s’étend automatiquement à ses accessoires aux termes
de l’article 129. Mais il ne s’agit que d’une règle supplétive de la volonté des parties.

b. Il faut distinguer les effets entre les parties, à l’égard du débiteur de la créance
nantie puis à l’égard des tiers.
 Effet entre les parties

Aux termes de l’article 131 AUS, « A la date de sa conclusion, le nantissement d'une
créance, présente ou future, prend effet entre les parties, qu elle que soit la date de
naissance, d'échéance ou d'exigibilité de la créance nantie … ». Entre les parties le
contrat prend effet à la date de la conclusion. Il en résulte que les parties sont liées par
l’engagement souscrit, même si son exécution est différée en ce que les échéances ne
sont pas encore arrivées.
 Effet à l’égard des tiers (l’opposabilité)
Le nantissement ne devient opposable aux tiers qu’ « à compter de son inscription au
Registre du Commerce et du Crédit Mobilier, et ce, quelles que soient la loi applicable à
la créance et la loi du pays de résidence de son débiteur ».
Cette opposabilité implique le tiers ne peut plus prétendre à un droit sur cette créance.
La possibilité de la saisie de cette créance par le tiers créancier du même débiteur ou
constituant est paralysée.
 Effet à l’égard du débiteur de la créance nantie
L’opposabilité du nantissement au débiteur de la créance nantie ne s’opère que soit par
notification qui lui est faite du nantissement, soit qu’il est intervenu à l’Acte de
nantissement. Cette opposabilité a pour effet de lui interdire de payer cette créance au
constituant, c’est-à -dire son propre créancier.
A défaut de notification ou d’intervention à l’Acte, le débiteur de la créance nanti ne peut
payer qu’à son créancier, le constituant. Le cas échéant, il appartiendra au constituant de
verser le montant au créancier nanti.
Après notification ou intervention à l’acte du débiteur de la créance nantie, seul le
créancier nanti reçoit valablement paiement de cette créance tant en capital qu'en
intérêts et autres accessoires, même lorsque le paiement n'a pas été poursuivi par lui.

c. L’échéance des créances


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S’agissant de deux créances, il est fort probable que l’échéance de la créance garantie ne
coïncide pas avec celle de la créance nantie.
 Cas où la créance nantie arrive à échéance avant la créance garantie.
Dans ce cas, le créancier nanti conserve les sommes sur un compte ouvert auprès d’un
établissement financier. Si à l’échéance de la créance garantie, le débiteur exécute son
obligation, le créancier nanti restitue au constituant les sommes déposés sur le compte.
Si au contraire le débiteur n’exécute pas son obligation, le créancier met en demeure le
débiteur de payer. Si cette mise en demeure est restée sans effet, passé un délai de 8
jours, le créancier pourra affecter les fonds au remboursement de sa créance. Si la
créance nantie est supérieure à la créance garantie, le solde est reversé au constituant.
 Cas où l’échéance de la somme garantie est antérieure à celle de la créance nantie
Si l'échéance de la créance garantie est antérieure à l'échéance de la créance nantie, le
créancier peut se faire attribuer, par la juridiction compétente ou dans les conditions
prévues par la convention, la créance nantie ainsi que tous les droits qui s'y rattachent.
Le créancier nanti peut également attendre l'échéance de la créance nantie.

§ 2) Le nantissement de compte bancaire


Aux termes de l’article 136 de l’AUS, « Le nantissement de compte bancaire est un
nantissement de créance. Les règles qui régissent celui-ci lui sont applicables, sous
réserve des dispositions de la présente section ».
Il en résulte que le nantissement de compte bancaire est un cas spécifique des
nantissements de créances. Outre les règles déjà étudiées, on relèvera les particularités
du nantissement de compte bancaire. Ces particularités se rapportent à l’assiette du
nantissement, à la convention sur les fonds inscrits sur le comte nanti et à la survie du
compte après réalisation.
a) L’assiette du nantissement
Aux termes de l’article 137 de l’AUS, « Lorsque le nantissement porte sur un compte
bancaire, la créance nantie s'entend du solde créditeur, provisoire ou définitif, au jour de
la réalisation de la sû reté, sous réserve de la régularisation des opérations en cours, … ».
Il résulte de cette règle que le nantissement d’un compte bancaire n’implique pas
l’indisponibilité des fonds qui y sont inscrit. Le nantissement portera alors sur le solde
du compte à l’échéance de la créance garantie.

b) La convention sur les fonds inscrits sur le compte nanti


Les parties peuvent convenir des conditions dans lesquelles le constituant pourra
continuer à disposer des sommes inscrites sur le compte nanti. Il pourrait s’agir de la
définition d’un seuil à ne pas dépasser dans la disposition des fonds.
c) La survie du nantissement après réalisation
Aux termes de l’article 139 de l’AUS, même après réalisation, le nantissement de compte
bancaire subsiste tant que le compte n'a pas été clô turé et que la créance garantie n'a
pas été intégralement payée.
Il en résulte que le nantissement ne prend fin que lorsque l’une des deux conditions est
réalisée : soit la créance garantie a été intégralement payée, soit le compte a été clô turé.
68

§ 3) Le nantissement de compte de titres financiers.


Il est la conséquence de la dématérialisation des titres par leur inscription en compte. Il
est régi pas les articles 146 à 155 de l’Acte révisé.
La mise en place d’un nantissement de compte de titres financiers va, en pratique,
concerner peu de sociétés immatriculées dans les pays membres de l’OHADA. En effet,
pour être inscrits en compte, les titres et valeurs mobilières doivent être dématérialisés,
ce qui, à ce jour, concerne essentiellement les sociétés cotées auprès des bourses
régionales de l’espace OHADA.
Aux termes de l’article 146 « Le nantissement d’un compte de titres financiers est la
convention par laquelle le constituant affecte en garantie d’une obligation l’ensemble des
valeurs mobilières et autres titres financiers figurant dans ce compte ».
 Constitution de la sûreté
Il est de constitution simple. En effet, aux termes de l’article 147 al. 1 de l’Acte, le
nantissement de compte de titres financiers est constitué, tant entre les parties qu’à l’égard
de la personne morale émettrice et des tiers, par une déclaration datée et signée par le
titulaire du compte.
Il ressort de ces dispositions que le nantissement de compte de titres financiers n’est
pas soumis à l’inscription au RCCM.
Cependant, le nantissement donne lieu à l’ouverture d’un compte spécial au nom du
constituant, tenu par la personne morale émettrice ou l’intermédiaire financier. Ce
compte comporte alors les titres nantis.
La déclaration constitutive du nantissement doit comporter à peine de nullité les
éléments permettant d’identifier :
- Le créancier, le débiteur et le constituant
- Le nombre et la nature des titres financiers formant l’assiette initiale du
nantissement
- Les éléments d’identification de la créance garantie (montant sa durée et son
échéance)
- Les éléments d’identification du compte nanti.
 L’assiette du nantissement
Outre les titres figurant initialement au crédit du compte nanti, ceux qui leur sont
substitués ou les complètent ainsi que leurs fruits ou produits sont compris dans
l’assiette du nantissement. De même, les titres financiers et les sommes inscrites au
crédit du compte postérieurement à la date de déclaration constitutive de nantissement
sont réputés avoir été remis à la date de la déclaration. Il en résulte qu’ils font partie de
l’assiette du nantissement.
 Les conventions sur le compte nanti
Il est convenu entre le créancier nanti et le titulaire du compte, les conditions dans les
quelles le titulaire du compte peut disposer des titres financiers et des sommes figurant
sur le compte nanti.
Lorsque le teneur du compte n’est pas le créancier nanti, le titulaire du compte et le
créancier informent le teneur du compte, par écrit, des conditions dans lesquelles le
69

titulaire peut disposer de des titres et des sommes inscrits au compte. Le teneur est tenu
de respecter les instructions reçues.
Aux termes de l’article 151 al. 1in fine, le créancier nanti bénéficie en toute hypothèse
d’un droit de rétention sur les titres financiers et sommes figurant au compte nanti.
 L’attestation de nantissement
Sur simple demande, le créancier nanti peut obtenir du teneur de compte la délivrance
dune attestation de nantissement indiquant l’inventaire des titres financiers et des
sommes inscrits sur le compte à la date de la délivrance de l’attestation.
 La réalisation de la sûreté
La réalisation est subordonnée à une mise en demeure préalable. Cette mise en demeure
est faite au débiteur à mains propres ou par lettre recommandée. Elle est aussi notifiée
au constituant lorsqu’il n’est pas le débiteur, ainsi qu’au teneur du compte.
Cette mise en demeure fait courir un délai de 8 jours ou tout autre délai convenu.
A peine de nullité, cette mise en demeure doit comporter intégralement les mentions
suivantes :
1°) « Faute de paiement, le nantissement pourra être réalisé par le créancier dans les
huit jours ou à l'échéance de tout autre délai préalablement convenu avec le titulaire du
compte nanti » ;
2°) « Le titulaire du compte nanti peut, jusqu'à l'expiration du délai mentionné ci-dessus,
faire connaître au teneur de compte l'ordre dans lequel les sommes ou titres financiers
devront être attribués en pleine propriété ou vendues, au choix du créancier ».
Passé le délai indiqué, et dans l’ordre éventuellement indiqué par le titulaire du compte,
les sommes inscrits sur le compte nanti sont transférés en pleine propriété au créancier,
et les titres vendus sur un marché réglementé ou attribué en pleine propriété au
créancier nanti. La quantité de titre est déterminée en fonction du dernier cours
disponible sur un marché réglementé.
70

Chapitre 4 : Les privilèges

Aux termes de l’article 2095 C. civ. « Le privilège est un droit que la qualité de la créance
donne à un créancier d’être préféré aux autres créanciers, même hypothécaires ». Deux
éléments caractérisent les privilèges ; leur origine est légale ; leur attribution est
faite en considération de la qualité de la créance. Les privilèges peuvent être
généraux, c’est-à -dire portant sur l’ensemble des biens du débiteurs (Exp. les frais
d’inhumation, les frais de la dernière maladie du débiteur ayant précédé la saisie de ses
biens). Les privilèges spéciaux portent sur des biens déterminés. Ainsi, le bailleur
d’immeuble a un privilège sur les meubles garnissant les lieux loués. Le vendeur a sur le
meuble vendu un privilège pour garantie du paiement du prix non payé, s’il est encore
en la possession du débiteur ou sur le prix encore dû par le sous-acquéreur.

Section I : Les privilèges généraux


Certains privilèges généraux existent sans qu’une publicité soit nécessaire (article 180
AUS) alors que l’existence des autres est soumise à publicité.

A) Les privilèges généraux non soumis à publicité.


Ils sont énumérés à l’article 180 AUS. Il s’agit des frais d’inhumation, des frais de
dernières maladies, des fournitures de subsistances faites au débiteur, des sommes dues
aux travailleurs et apprentis, des sommes dues aux auteurs d’œuvres intellectuelles,
littéraires et artistiques et enfin les créances fiscales, douanières et de la sécurité sociale.
B) Les privilèges soumis à publicité.
Les privilèges du fisc, de la douane et de la sécurité sociale sont soumis à la publicité
pour le montant excédant le plafond de l’exécution provisoire des décisions de justice
(article 181 AUS). Ces privilèges n’ont d’effet que lorsqu’ils sont inscrits dans les six
mois de l’exigibilité de ces créances. Toutefois, en cas de fraude, le délai ne commence à
courir qu’à compter de la notification de la contrainte ou du titre de perception ou de
tout autre titre de mise en recouvrement.
L’inscription se fait au registre du commerce et du crédit mobilier. L’inscription a pour
effet de conserver ces privilèges pendant trois années à compter du jour où elle a été
prise et son effet cesse sauf renouvellement demandé avant l’expiration de ce délai. Si du
l’inscription n’est pas prise dans ce délai, les créances concernées sont considérées
comme chirographaires.

C) Effet des privilèges généraux.


Les privilèges généraux sont des sû retés conférant à leur titulaire sur les biens du
débiteurs un droit de préférence. Ce droit est exercé conformément aux dispositions des
articles 225 et 226 AUS. Ils ne confèrent pas de droit de suite en ce sens que les
créanciers bénéficiaires de telles sû retés ne peuvent, pour exercer leur droit de
préférence, saisir les biens sortis du patrimoine de leur débiteur au moyen d’un
transfert de propriété sauf à recourir à l’action paulienne en cas de fraude à leur droit.
71

Le droit de préférence est accordé non seulement aux personnes désignées par la loi
mais aussi, par l’effet de la subrogation personnelle, à toutes personnes qui paient à la
place du débiteur.
Section II : Les privilèges spéciaux.
Dans la législation de l’OHADA, les privilèges spéciaux sont exclusivement des privilèges
mobiliers. Aux termes de l’article 109 AUS (nouvel article 182), les créanciers titulaires
de privilèges spéciaux ont sur les meubles qui leur sont affectés comme assiette par la
loi, un droit de préférence qu’ils exercent, après saisie, selon les dispositions des articles
225 et 226 du même Acte uniforme. Les créanciers titulaires de ces privilèges ne sont
pas classés entre eux par la nature de leurs créances mais par l’initiative de saisie qu’ils
prennent.
Ces privilèges sont dits spéciaux car ils portent toujours sur un meuble précis ou sur
un ensemble de meubles déterminés par le législateur pour garantir des créances bien
définies. Les privilèges spéciaux prévus par l’Acte Uniforme peuvent être classés pour
des raisons pédagogiques en trois catégories sans que cette classification ait un
quelconque intérêt pratique pour les créanciers qui en sont titulaires. Les uns reposent
sur l’idée de la conservation d’un bien mobilier dans le patrimoine du débiteur, les
autres soit sur l’idée de l’introduction d’une valeur dans le patrimoine du débiteur,
soit sur l’idée d’un gage tacite.

A) Les privilèges reposant sur le fondement de la conservation du patrimoine du


débiteur.
Cette catégorie de privilège est illustrée par l’ancien article 116 de l’AUS (nouvel article
189) qui dispose que « Celui qui a exposé des frais ou fourni des prestations pour éviter la
disparition d’une chose ou sauvegarder l’usage auquel elle est destinée a un privilège sur ce
meuble ». Les frais visés concernent aussi bien ceux exposés pour conserver la chose que
des fournitures de biens ou service (médicaments fourni ou achetés pour sauver un
animal de la mort, honoraires du vétérinaire). La notion de conservation s’entend de
l’action consistant à éviter à la chose sa disparition physique ou matérielle, totale ou
partielle. Elle est complétée par la préservation de l’utilité de la chose, ce que le
législateur exprime par la notion de sauvegarde de l’usage. Dans l’appréciation de
l’usage, il faudra tenir compte non seulement de l’usage générique de la chose c’est-à -
dire celui qui est commun à tous les meubles du même genre, mais aussi de l’usage
spécifique de la chose (exp ; un camion frigorifique équipé pour le transport de vivres).
Ce privilège donne au créancier un droit de préférence non sur la seule plus-value que le
conservateur lui a apporté par son intervention mais sur toute la chose. Si le bien a péri,
le privilège est reporté sur l’indemnité d’assurance.

B) Les privilèges reposant sur le fondement de l’introduction d’une valeur dans le


patrimoine du débiteur
Il s’agit du privilège du vendeur de meuble, celui du travailleur d’un exécutant à domicile
et celui des travailleurs et fournisseurs des entreprises de travaux.
72

1) Le privilège du vendeur de meuble


Aux termes de l’article 110 AUS  (nouvel article 183) « le vendeur a, sur le meuble vendu,
un privilège pour garantie du paiement du prix non payé, s’il est encore en possession du
débiteur, ou sur le prix encore dû par le sous-acquéreur ». Le privilège appartient au
vendeur proprement dit, mais aussi à l’échangiste créancier d’une soulte par application
de l’article 1707 du code civil qui renvoie aux règles de la vente.
Pour que les droits de préférence puissent s’exprimer, il faut que le bien soit en la
possession de l’acquéreur. Il faut entendre par là que le bien doit être resté dans son
patrimoine. Ainsi, même lorsque le bien est aliéné sans que la livraison n’ait été faite, le
privilège ne pourra plus jouer. Il faudra aussi tenir compte du gage qui a pu être
constitué au profit du tiers. En outre, il faudra que le bien se retrouve en nature et à
l’identique dans le patrimoine du débiteur. Si la chose a été transformée, elle perd son
individualité et le privilège ne peut plus s’exercer (matériaux de construction ayant servi
à édifier un immeuble).

2) Le privilège du travailleur d’un exécutant à domicile


Aux termes de l’article 113 de l’AUS (nouvel article 186) « Le travailleur d’un exécutant
de travail à domicile a un privilège sur les sommes dues par le donneur d’ouvrage pour
garantir les créances nées du contrat de travail si celles-ci sont nées de l’exécution de
l’ouvrage ». Cette situation suppose deux contrats : un contrat d’entreprise entre celui
qui commande l’ouvrage et celui qui s’engage à l’exécuter, un contrat de travail entre ce
dernier et les personnes embauchées pour l’exécuter.
En outre, deux conditions doivent être réunies : le donneur d’ouvrage doit encore être
débiteur de l’exécutant et les dettes envers l’exécutant doivent avoir un lien de
connexité avec l’ouvrage ayant ouvert droit aux salaires et accessoires de salaires
impayés.

3) Le privilège des travailleurs et fournisseurs des entreprises de travaux


L’article 113 AUS dispose que (Nouvel article 187) « Les travailleurs et fournisseurs des
entreprises de travaux ont un privilège sur les sommes restant dues à celles-ci pour les
travaux exécutés, en garanties des créances nées à leur profit à l’occasion de l’exécution de
ces travaux.
Les salaires dus aux travailleurs sont payés par préférence aux sommes dues aux
fournisseurs ».
L’exercice de ce privilège passe par une action directe (ou une saisie conservatoire des
créances de l’entreprise de travaux) contre le maître d’ouvrage par les travailleurs et les
fournisseurs. Il suppose que le maître d’ouvrage soit débiteur envers l’entreprise de
travaux et qu’il y a ait un lien de connexité entre cette dette et l’ouvrage ayant donné
naissance aux créances protégées.

C) Les privilèges reposant sur le fondement de gage tacite


Trois situations sont envisagées ici. Il s’agit du privilège du bailleur d’immeuble, celui du
transporteur et enfin celui du commissionnaire.
73

1) Le privilège du bailleur d’immeuble.


Ce privilège est institué par l’article 111 AUS (Nouvel article 184). L’Acte uniforme
garantit outre les dommages-intérêts qui pourraient lui être alloués, les créances du
bailleur contre le preneur pour les douze mois qui précèdent la saisie et pour les douze
mois à échoir après celle-ci.
Ce privilège porte sur les meubles garnissant les lieux loués. Tous les meubles
introduits par le preneur dans les lieux loués constituent le siège du privilège, qu’ils
l’aient été lors de l’entrée dans les lieux ou postérieurement. Mais il faut qu’il s’agisse
des biens destinés à garnir les lieux conformément à l’alinéa premier de l’article 111.
Ainsi, l’argent en espèces, les titres de créance ne tombent pas sous le coup du privilège.
Le bailleur dispose d’un droit de suite et d’un droit de préférence.
Le preneur ou toute personne qui, par des manœuvres frauduleuses, prive le bailleur de
son privilège totalement ou partiellement, commet une infraction pénale réprimée par la
loi nationale de chaque Etat Partie. En cas de déplacement des meubles sans son
consentement, le bailleur peut encore procéder à leur saisie et conserve son privilège
sur eux s'il en a fait la déclaration de revendication dans l'acte de saisie.

2) Le privilège du transporteur
Aux termes de l’article 185 de l’acte de 2010 « Le transporteur terrestre a un privilège
sur la chose transportée, pour tout ce qui lui est dû à condition qu'il y ait un lien de
connexité entre la chose transportée et la créance ».
Le transporteur terrestre a un privilège sur la chose transporté à condition qu’il y ait un
lien de connexité entre celle-ci et la créance. Ce privilège existe quel que soit le mode de
transport utilisé. Il suppose un contrat de transport même si l’opération de transport
n’est que l’accessoire du contrat d’entreprise qui l’englobe. La créance garantie est celle
qui correspond au transport proprement dit et à ses accessoires (emballage,
manutention, douanes …).

3) Les privilèges du commissionnaire


Aux termes de l’article 188 de l’acte de 2010 (article 115 de l’ancien acte), « Le
commissionnaire a sur les marchandises qu'il détient pour le compte du commettant un
privilège pour garantir ses créances nées du contrat de commission ». L’article 188 AUS
consacre ce privilège en faveur de tout commissionnaire peu importe que ce soit pour
un transport ou un achat de marchandises. Le privilège garantit toutes les créances nées
du contrat de commission et non seulement celles ayant un lien de connexité avec les
marchandises détenues.
74

Chapitre 3 : La sûreté réelle immobilière : l’hypothèque

L’hypothèque est une sû reté réelle immobilière. Elle confère au créancier toutes les
prérogatives attachées à un droit réel sans obérer tout le crédit du débiteur. Elle repose
sur un droit réel nanti de tous ses attributs : le créancier hypothécaire est titulaire du
droit de suite. Avantageuse pour le créancier hypothécaire, elle l’est aussi pour le
débiteur. Elle est une sû reté sans dépossession.
Conformément aux articles 120 et 127 al. 2 de l’AUS de 1997, on exigeait que
l’hypothèque porte sur des immeubles présents et déterminés affectés à la garantie
d’une dette déterminée (art. 120 et 127 al. 2 AUOS).
L’article 189 al. 1 de l’Acte de 2010 reprend les mêmes exigences en affirmant que « sauf
disposition contraire, seuls les immeubles présents et immatriculés peuvent faire l’objet
d’une hypothèque.
L’Acte de 2010 en son article 203 exige aussi que l’hypothèque conventionnelle ne
puisse être consentie que par celui qui est titulaire d’un droit réel immobilier
régulièrement inscrit et capable d’en disposer.
Cependant, exceptionnellement, l’hypothèque peut être consentie sur des
immeubles à venir dans les cas et conditions déterminées (article 203 al. 2).
Cette innovation conduit à donner une nouvelle définition de l’hypothèque. En effet,
l’article 117 de l’AUS de 1997 définissait l’hypothèque comme « une sûreté réelle
immobilière conventionnelle ou forcée. Elle confère à son titulaire un droit de
suite et un droit de préférence ».
L’article 190 de l’Acte révisé dispose que « L’hypothèque est l’affectation d’un
immeuble déterminé ou déterminable appartenant au constituant en garantie
d’une ou de plusieurs créances, présentes ou futures à condition qu’elles soient
déterminées ou déterminables ».
L’article 190 al. 2 dispose que l’hypothèque peut être légale, conventionnelle ou
judiciaire.

Section I. L’hypothèque conventionnelle


 §1. Constitution de l’hypothèque conventionnelle
La convention hypothécaire est soumise à une série de règles originales fixées par les
articles 120 à 131 AUS. Dans l’Acte de 2010, il s’agit des articles 203 à 208 ; Ces textes
traitent des conditions relatives aux parties au contrat et à la stipulation de la garantie
hypothécaire.
A. Conditions relatives aux parties
L’hypothèque est un acte de disposition et elle est aussi un acte solennel.
1. L’hypothèque, acte de disposition
Parce que l’hypothèque porte en germe l’aliénation de l’immeuble la loi uniforme
portant organisation des sû retés subordonne la validité de l’hypothèque à trois
conditions.
 L’obligation pour le constituant d’être le propriétaire de l’immeuble. La
constitution de l’hypothèque exige que le constituant soit propriétaire du bien
75

hypothéqué ou titulaire d’un droit réel immobilier régulièrement inscrit (article


203 al. 1er de l’Acte de 2010). Deux conséquences en résultent. La première est
la nullité absolue de l’hypothèque de la chose d’autrui 18. Tout intéressé peut
l’invoquer et elle n’est pas susceptible de régularisation, même si plus tard, le
constituant acquiert la propriété. La deuxième conséquence est que
l’hypothèque est soumise aux modalités qui affectent le droit de propriété de
sorte qu’elle est conditionnelle si la propriété est conditionnelle.
L’hypothèque peut être consentie par tous les indivisaires d’un immeuble indivis.
Elle conserve ses effets quel que soit ultérieurement le résultat de la licitation.
Cependant, lorsque l’hypothèque est consentie par un indivisaire ou
certains d’entre eux, l’hypothèque ne conserve ses effets que dans la
mesure où l’indivisaire qui l’a consentie est, lors du partage, alloti de
l’immeuble indivis ou du prix de la licitation (article 194 al. 2).
L’alinéa 3 du même texte permet à un indivisaire de consentir une hypothèque
sur sa quote-part dans un ou plusieurs immeubles indivis. Si au partage
l’indivisaire est alloti de l’immeuble indivis, l’hypothèque conserve ses effets dans
toute la mesure de l’allotissement sans être limitée à la quote-part qui
appartenait à l’indivisaire.

 Il est possible que le constituant ne soit pas le débiteur. Mais il est indispensable
qu’il soit le propriétaire de l’immeuble. En pratique le plus souvent, le constituant
est le débiteur de l’obligation garantie.
 La validité de l’hypothèque est subordonnée à la capacité d’aliéner. Les
hypothèques conventionnelles ne peuvent être consenties que par ceux qui ont la
capacité d’aliéner un immeuble (article 203 al. 1 er de l’Acte révisé). Par contre, il
n’est pas nécessaire que le bénéficiaire ait cette capacité.

2. L’hypothèque, acte solennel


La validité de l’hypothèque est soumise à l’exigence d’un écrit et d’une inscription.
a) L’exigence de l’écrit
L’article 128 AUS (article 205 de l’acte de 2010) prévoit que l’hypothèque peut être
consentie par un acte authentique établi par le notaire territorialement compétent ou
l’autorité judiciaire habilitée à la faire, ou par acte sous seing privé dressé suivant un
modèle agréé par la conservation de la propriété foncière. Les mêmes dispositions sont
reprises à l’article 205 de l’Acte révisé.
b) L’inscription
Pour être opposable au tiers, l’hypothèque doit être inscrite conformément aux règles de
publicité édictées par l’Etat partie où est situé le bien grevé et prévues à cet effet (article
195 al. 1 de l’acte révisé). Tant que l’inscription n’est pas faite, l’acte d’hypothèque n’est
pas opposable au tiers (art. 129 AUS). Il constitue entre les parties une promesse
synallagmatique qui les oblige à procéder à la publicité (article 206 de l’Acte de 2010).

18
Civ. 24 mai 1892, D. P. 1892, 1, 327.
76

La date de l’inscription de l’hypothèque détermine l’ordre de paiement des créanciers


hypothécaires. Exceptionnellement, l’inscription peut être différée lorsqu’elle est
affectée à la garantie d’un prêt à court terme. La publication est retardée pendant un
délai de 90 jours sans que le créancier perde le rang qui lui est acquis. Pour cela, le
créancier doit se conformer aux dispositions spécialement édictées à cet effet par les
règles de publicité foncière concernant les hypothèques garantissant les prêts à court
terme prévues par la loi nationale du lieu de situation de l’immeuble. Les mêmes
dispositions ont été reprises à l’article 207 de l’Acte révisé.
L’article 196 de l’Acte révisé ajoute que l’inscription a une durée déterminée,
même si l’hypothèque est constituée pour une durée indéterminée. La durée de
validité est de 30 ans au plus. Elle pourra être réduite par les parties ou la décision du
juge, sauf disposition contraire d’une loi nationale. L’inscription pourra éventuellement
être renouvelée avant l’expiration de ce délai.

B) La stipulation d’une garantie


L’hypothèque suppose l’affectation d’un immeuble déterminée à la garantie d’une dette
déterminée. Elle suppose donc l’existence d’une créance.

1) La garantie d’une créance déterminée ou déterminable


La créance ne doit pas seulement exister, elle doit aussi être déterminée. Il s’agit
principalement pour les parties d’indiquer le montant de la créance. La créance doit être
individualisée par sa cause et son origine (art. 127 AUS). Si le montant de la créance
n’est pas déterminé la créance n’étant pas liquide, les parties doivent faire état des
éléments en leur possession permettant de rendre la créance déterminable.
L’article 204 de l’Acté révisé précise que la somme doit être au moins déterminable en
principal et portée à la connaissance des tiers par l’inscription de l’acte. Le débiteur aura
droit, s’il y a lieu par la suite, de requérir la réduction de cette somme en se conformant
aux règles de la publicité foncière prévues à cet effet.

2) L’affectation d’un immeuble immatriculé


L’article 119 AUS dispose que seuls les immeubles immatriculés peuvent faire l’objet
d’une hypothèque. Il envisage néanmoins la possibilité pour des textes particuliers
d’autoriser l’inscription provisoire d’un droit réel au cours de la procédure
d’immatriculation à charge d’en opérer l’inscription définitive après l’établissement du
titre foncier. Par ailleurs, l’article 139-4 AUS autorise implicitement la prise
d’hypothèque judiciaire provisoire sur un immeuble non immatriculé lorsqu’elle est
conforme aux dispositions des législations nationales.
La règle de la spécialité énoncée à l’article 120 AUS signifie que l’immeuble grevé doit
être désigné de façon précise par l’acte de constitution. Elle ne défend pas au débiteur de
constituer hypothèque sur tous ses immeubles, mais l’oblige à les identifier avec
précision.
L’immeuble doit non seulement être identifié avec précision mais doit être également
présent conformément aux termes de l’article 120 al. 1er.
77

L’exigence de l’hypothèque sur des immeubles immatriculés a été reprise dans l’Acte
révisé. En effet, aux termes de l’article 203 al. 1 er, « L’hypothèque conventionnelle ne
peut être consentie que par celui qui est titulaire du droit réel immobilier régulièrement
inscrit et capable d’en disposer ».
Il résulte de ce texte que le principe demeure l’hypothèque des immeubles présents.
Aussi l’hypothèque des immeubles à venir apparaît-elle comme une situation
exceptionnelle strictement encadrée.

3) L’affectation exceptionnelle d’un immeuble à venir


Cette exception résulte de l’article 203 al. 2 qui dispose que « Par exception à l’alinéa
précédent, l’hypothèque peut être consentie sur des immeubles à venir dans les cas et
conditions ci-après : … »
1er cas : Le constituant ne possède pas d’immeubles présents ou en possède en nombre
insuffisant
Il résulte de ces dispositions que celui qui possède des immeubles présents non encore
hypothéqués n’est pas admis à constituer hypothèques sur des immeubles à venir. Il doit
prioritairement affectés les immeubles présents et immatriculés.
2e cas : Le constituant dont l’immeuble hypothéqué a péri ou a subi des dégradations
Lorsque l’immeuble hypothéqué et assuré a été détruit, ces nouvelles dispositions
pourraient se révélées très propices. En effet, on le sait, par le phénomène de la
subrogation réelle, lorsque l’immeuble hypothéqué, assuré a été détruit, le droit du
créancier se porte sur l’indemnité d’assurance par le phénomène de la subrogation
réelle. Ces dispositions permettront au débiteur de se servir de l’indemnité en vue de la
reconstruction de l’immeuble, le créancier devenant créancier hypothécaire de
l’immeuble à construire.
La deuxième hypothèse qui concerne l’immeuble qui a subi des dégradations répond
aussi au besoin de limiter le risque d’un défaut de paiement résultant de la perte de la
valeur de l’immeuble offert en garantie.
3e cas : Celui qui possède un droit réel lui permettant de construire à son profit sur le
fonds d’autrui ou sur le domaine public
L’hypothèse envisagée ici est celle notamment du preneur d’un bail à construction. Il se
pose la question de savoir si le titulaire d’un droit de construire à son profit sur le
terrain d’autrui peut hypothéquer l’immeuble à construire alors qu’il dispose encore
d’immeuble présents non encore hypothéqués. Le principe étant celui de l’hypothèque
des immeubles présents, il convient de répondre par la négative à cette interrogation.
Il faut souligner que l’admission même exceptionnelle de l’hypothèque des immeubles à
venir répond à la volonté constante du législateur de faciliter l’accès au crédit.
§ 2 : Effets de l’hypothèque
La situation n’est pas la même selon que le bien se trouve entre les mains du constituant
ou d’un tiers détenteur.

A) Situation de l’immeuble hypothéqué entre les mains du constituant


78

Le propriétaire débiteur conserve sur l’immeuble hypothéqué des droits aux limites
desquels se trouvent les pouvoirs du créancier hypothécaire.

1) Droits du constituant sur l’immeuble hypothéqué


Le constituant reste propriétaire de l’immeuble hypothéqué. Il conserve en règle
générale un droit d’usage, un droit de jouissance, un droit d’administration dans cette
mesure. Il perçoit librement les fruits de l’immeuble. Il peut disposer des biens grevés
d’hypothèque, ou constituer sur les mêmes biens de nouvelles hypothèques. Le
créancier hypothécaire n’a rien à redouter car ces actes ne lui sont pas opposables dès
lors qu’ils sont postérieurs à l’inscription de son hypothèque.

2) Pouvoirs du créancier hypothécaire


Il n’a ni droit de jouissance ni droit d’usage, ni droit de disposition. Son droit est différé
et n’apparaît qu’au moment de la saisie en cas de non paiement à l’échéance.

a) Droit de saisie
Le créancier hypothécaire dispose d’un droit de saisie. Toutefois, en cas de non paiement
à l’échéance, ce droit peut être suspendu si le débiteur prouve que le revenu net et libre
de ses immeubles pendant deux années suffit pour le paiement de sa dette en capital,
frais et intérêts, et s’il en offre la délégation au créancier. La poursuite peut être reprise
au moindre obstacle au paiement (art. 264 AUVE).

b) Droit de préférence
Le droit de préférence s’exerce conformément à l’article 148 AUS. Le créancier
hypothécaire occupe le troisième rang derrière les créanciers de frais de justice et les
créanciers du salaire. Le droit de préférence s’exerce également, par subrogation, sur
l’indemnité d’assurance de l’immeuble sinistré.
c) L’attribution conventionnelle de l’immeuble hypothéqué
Il s’agit là d’une innovation de l’Acte de 2010. En effet, aux termes de l’article 199 de
l’Acte de 2010, sous certaines conditions, « … il peut être convenu dans la convention
d’hypothèque que le créancier deviendra propriétaire de l’immeuble hypothéqué  ». On
remarquera que cette clause est concomitante à la formation du contrat. Une clause qui
interviendrait postérieurement n’en serait pas moins valable. Deux conditions sont
requises :
 la condition relative au constituant
Le constituant doit être une personne morale ou une personne physique dû ment inscrit
au RCCM. Cette restriction quant à la qualité du constituant vise à protéger les
personnes physiques non commerçantes. En effet, l’attribution conventionnelle prévue
dans l’acte constitutif d’hypothèque peut être lourde de conséquences pour le
constituant. L’exclusion des personnes physiques non commerçantes se justifie donc. Il
faut ajouter que l’entreprenant constituant d’hypothèque ne devrait pas pouvoir
consentir une telle clause puisque qu’aux termes de l’article 30 de l’Acte Uniforme
portant sur le Droit commercial général, il est dispensé de l’immatriculation au RCCM.
79

 Condition relative à la destination de l’immeuble


L’immeuble hypothéqué ne doit pas être à usage d’habitation. Se pose une question
essentielle. Doit-on comprendre cette disposition comme une interdiction pour le
constituant personne physique commerçante de consentir à cette clause lorsque
l’immeuble hypothéqué lui sert d’habitation ou au contraire, cette clause est interdite de
manière générale lorsque l’immeuble sert d’habitation par sa destination, c’est-à -dire
même lorsqu’il est occupé par des locataires y habitant.
Si l’on retient la dernière conception, même une personne morale propriétaire d’un
immeuble mis en location, ne peut consentir cette clause clauses dès lors que les
locataires y vivent. Une telle conception ne se justifierait pas à notre sens. L’objectif du
législateur est certainement la protection de la famille du constituant. Il s’agit d’éviter
que cette famille se trouve brusquement sans logement, dès que le constituant ne
parvient pas à honorer son obligation à l’échéance. Il faut donc retenir la première
conception en admettant qu’il est interdit au constituant personne physique de prévoir
une telle clause lorsque l’immeuble hypothéqué lui sert d’habitation.
d) L’attribution judiciaire de l’immeuble
Aux termes de l’article 198 de l’Acte révisé, « … le créancier hypothécaire impayé peut
demander en justice que l’immeuble lui demeure en paiement ». C’est une faculté offerte
au créancier, lorsqu’il ne poursuit pas la vente de l’immeuble selon les règles de la saisie
immobilière. L’attribution judiciaire n’est aussi possible qu’à condition que l’immeuble
hypothéqué ne constitue pas la résidence principale du constituant.
e) L’estimation de la valeur de l’immeuble
Il s’agit d’une exigence légale destinée à protéger le constituant. En effet, aux termes de
l’article 200 de l’Acte révisé, lorsque l’immeuble fait l’objet d’une demande d’attribution
judiciaire ou lorsqu’il est prévu une clause d’attribution conventionnelle, l’immeuble,
doit être estimé par expert désigné amiablement ou judiciairement. Lorsque la valeur
de l’immeuble excède le montant de la créance, il sera versé au constituant la différence,
à moins qu’il existe d’autres créanciers hypothécaires sur l’immeuble. Le cas échéant, la
différence est consignée.

B) Situation de l’immeuble hypothéqué entre les mains du tiers détenteur


Le droit de préférence du créancier hypothécaire deviendrait fragile si l’hypothèque
n’était pas opposable à l’acheteur ; c’est le but du droit de suite. Le droit de suite s’exerce
selon les règles de la saisie immobilière. Il est exercé contre le débiteur ou tout tiers
dont le titre est publié postérieurement à l’hypothèque.
Le tiers acquéreur n’est pas personnellement tenu de la dette. Il n’en est qu’à titre
hypothécaire ; de ce fait, il dispose d’une série d’option.
D’abord, il dispose du bénéfice de discussion en vertu duquel il peut demander au
créancier hypothécaire de discuter préalablement les biens du débiteur. Cependant le
bénéfice de discussion n’intervient que dans un cas spécifique qui réduit
considérablement sa portée pratique. En effet, l’article 2170 C. civ. n’accorde le bénéfice
de discussion que si le débiteur dispose d’autres immeubles hypothéqués à la
même dette.
80

Le tiers peut aussi délaisser l’immeuble. Le délaissement est l’acte par lequel le tiers
acquéreur abandonne l’immeuble. Il s’agit d’un abandon de la possession matérielle de
l’immeuble.
Il peut également purger l’hypothèque. L’acte uniforme n’organise pas la procédure
de la purge de l’hypothèque quand bien même l’institution est envisagée à l’article 124
in fine. Il faut alors se référer aux dispositions de droit commun du code civil. La purge
de l’hypothèque est la procédure par laquelle un acquéreur ou un donataire d’un
immeuble grevé d’hypothèque, non personnellement tenu à la dette, propose aux
créanciers de restreindre à la somme par lui offerte, les poursuites desdits créanciers,
ces derniers ou l’un d’eux pouvant provoquer la revente en offrant de porter le prix à un
dixième au-dessus de la somme offerte.
Il a été jugé que « qu’en application de l’article 2463 du code civil, le tiers détenteur qui
ne remplit pas les formalités pour purger sa propriété est tenu, ou de payer, ou de
délaisser l’immeuble ; qu’ayant relevé que M. X... était recherché en sa qualité de tiers
détenteur du bien immobilier, débiteur du droit de suite, la cour d’appel a retenu à bon
droit qu’il n’était pas fondé à se prévaloir de la prescription de la créance principale à
l’appui de sa demande de mainlevée du commandement de payer valant saisie »19.

§ 3 : Le sort de l’hypothèque conventionnelle


Aux termes de l’article 124 AUS in fine, l’extinction de l’hypothèque conventionnelle
résulte :
- de l’extinction de l’obligation principale
- de la renonciation du créancier à l’hypothèque
- de la péremption de l’inscription.
- De la purge des hypothèques
Les mêmes dispositions ont été reprises à l’article 201 de l’Acte révisé.
A) Le sort de l’hypothèque en tant qu’accessoire de la créance
L’hypothèque va suivre le sort de la créance garantie. Ainsi, la cession de la créance
emportera de plein droit cession de l’hypothèque, sauf convention contraire. De même,
l’extinction de la créance entraîne extinction de l’hypothèque. Au reste, l’hypothèque
suit la créance dans quelque main qu’elle passe.

B) Le sort de l’hypothèque en tant que droit indivis


Le caractère indivis de l’hypothèque est affirmé par l’article 120 AUS. L’indivisibilité est
généralement considérée comme la conséquence de la réalité de l’hypothèque.
L’hypothèque reste indivise même si la dette se divise ou même lorsque l’immeuble se
divise.
Lorsque le débiteur meurt en laissant plusieurs héritiers, la dette se divise de plein droit.
Mais le créancier peut faire saisir l’immeuble grevé d’hypothèque pour la totalité de la
dette, sauf à l’héritier dans le lot duquel se trouve l’immeuble hypothéqué de recourir
contre les autres.

19
Civ. 2e 19 février 2015
81

Section 2 : Les hypothèques forcées

L’originalité des hypothèques forcées tient davantage à leur source qu’à leur régime qui
pour l’essentiel est identique au régime des hypothèques conventionnelles. Aux termes
de l’article 132 al. 1 AUS (article 209 de l’Acte de 2010), « l’hypothèque forcée est celle
conférée, sans le consentement du débiteur, soit par la loi, soit par une décision de
justice ».
Quelle que soit sa source, légale ou judiciaire, l’hypothèque forcée ne peut porter que sur
des immeubles déterminés et pour la garantie de créances individualisées par leur
origine et leur cause et pour une somme déterminée (art. 132 al. 2).
Outre les hypothèques forcées prévues par l’Acte uniforme, la loi nationale de chaque
pays peut prévoir d’autres propres au droit de la famille ou au droit public.
Nous parlerons de l’hypothèque forcée légale et l’hypothèque forcée judiciaire.

§ 1 : L’hypothèque forcée légale


L’hypothèque légale est attachée de plein droit à une créance en dehors de toute
manifestation de volonté du créancier ou du débiteur.
A) Enumération des hypothèques forcées légales de l’Acte uniforme
L’Acte uniforme a prévu trois hypothèques légales forcées s’apparentant au droit des
affaires.
1) Hypothèque légale de la masse des créanciers
Les créanciers d’une personne déclarée en cessation de paiement et de ce fait
soumise à une procédure collective de redressement judiciaire ou de liquidation des
biens, sont regroupés en une masse et bénéficient, à ce titre, d’une hypothèque légale sur
les biens immobiliers de leur débiteur.
Il s’agit de la masse constituée par les créanciers dont la créance est antérieure à la
décision d’ouverture de la procédure collective, même si l’exigibilité de cette créance
était fixée à une date postérieure à cette décision à condition que cette créance ne soit
pas inopposable du fait de sa naissance pendant la période suspecte. Cette hypothèque
est inscrite dans un délai de 10 jours à compter de la date d’ouverture de la
procédure collective à la requête du syndic ou du greffier (article 210 de l’Acte
révisé).

2) Hypothèque légale du vendeur d’immeuble, de l’échangiste et du copartageant


Cette hypothèque garantit le prix de la vente, de la soulte ou des impenses. Le vendeur,
l’échangiste et le copartageant n’ont le bénéfice de cette hypothèque forcée qu’à
défaut d’une hypothèque conventionnelle.
L’article 134 al. 3 (nouvel article 211 al. 2) prévoit aussi la possibilité d’une action en
résolution de l’acte de vente, d’échange ou de partage pour défaut de paiement du prix
ou de la soulte. Cette action n’appartient à ces créanciers qu’autant qu’ils sont titulaires
d’une hypothèque conventionnelle ou forcée régulièrement publiée.
82

3) Hypothèque forcée des architectes, entrepreneurs et autres personnes employées


à la construction ou à la réparation d’un immeuble.
Ces personnes désignées peuvent avant le commencement des travaux se faire consentir
une hypothèque forcée sur l’immeuble ayant fait l’objet des travaux (art. 135 al. 1 er)
Cette hypothèque est fondée sur l’idée de la plus value apportée à l’immeuble par les
travaux réalisés.
L’article 135 al. 3 accorde à celui qui fournit les deniers pour payer ou rembourser les
architectes, entrepreneurs et autres personnes employées pour les travaux, une
hypothèque légale dans les mêmes conditions que ces créanciers dès lors qu’il est
formellement constaté dans l’acte que la somme est destinée à cet emploi.

B) Inscription obligatoire de l’hypothèque forcée légale


L’application de la règle selon laquelle il ne peut y avoir de droit réel sans inscription a
pour conséquence la condamnation des sû retés occultes et des hypothèques générales.
Cette règle est d’une portée générale en ce qu’elle s’applique indistinctement aux
hypothèques conventionnelles et aux hypothèques forcées.

§ 2 : L’hypothèque judiciaire

Aux termes de l’article 213 « Pour sû reté de sa créance, en dehors des cas prévus par les
articles 210 à 212 du présent Acte uniforme, le créancier peut être autorisé à prendre
inscription provisoire d'hypothèque sur les immeubles de son débiteur en vertu d'une
décision de la juridiction compétente du domicile du débiteur ou du ressort dans lequel
sont situés les immeubles à saisir…. ». Il s’agit de l’hypothèque judiciaire (ancien article
132).
Tous les créanciers quels qu’ils soient peuvent demander l’inscription d’une hypothèque
conservatoire. Peu importe la nature et l’origine de leur créance. La décision
rendue indique la somme pour laquelle l’hypothèque est autorisée.
Elle fixe au créancier un délai dans lequel il doit, à peine de caducité de l’autorisation,
former devant la juridiction compétente, l’action en validité de l’hypothèque
conservatoire.
La décision fixe en outre le délai pendant lequel le créancier ne peut saisir la juridiction
du fond (Article 213 al. 2 in fine de l’Acte révisé).
83

1) Nullité du contrat de prêt et sort du cautionnement

Cour de cassation chambre civile 1 Audience publique du 25 mai 1992

REPUBLIQUE FRANCAISE
 
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que la société Fina France a conclu avec la
Société vicquoise de location, dont M. Y... était le gérant, des contrats relatifs à l’exploitation
de fonds de commerce de distribution de carburants et de lubrifiants ; que la première de ces
sociétés a consenti à la seconde, par actes respectivement des 2 et 5 mai 1984 et 15 et 29 août
de la même année, deux prêts, M. Y... et Mme X..., alors épouse Y..., se portant dans lesdits
actes cautions solidaires de l’emprunteur ; que, par acte du 23 mai 1984, la Société vicquoise
de location a reconnu devoir à la société Fina France une somme d’argent représentant des
fournitures non réglées ; que, par acte séparé du même jour, les époux Y... se sont portés
cautions solidaires de cet engagement ; que, la Société vicquoise de location et M. Y... ayant
été déclarés en liquidation des biens, les 5 novembre et 3 décembre 1984, la société Fina
France, après avoir produit au passif, a assigné Mme X... en exécution de ses engagements de
caution ;
 Sur le premier moyen : (sans intérêt) ;
Sur le second moyen :
Attendu que Mme X... reproche encore à la cour d’appel d’avoir statué comme elle a fait
après avoir annulé la convention d’approvisionnement en carburants et lubrifiants pour
indétermination du prix, ainsi que les prêts et la reconnaissance de dette parce qu’ils étaient
indivisibles de cette convention, alors que, quel qu’en soit le fondement, l’obligation de
restituer imposée à l’emprunteur du fait de la nullité du contrat de prêt ne saurait être étendue
à la caution dont l’engagement est limité à la garantie d’un contrat valable et, qu’en outre, en
imposant à la caution de garantir l’exécution d’un contrat nul, la cour d’appel aurait privé
cette nullité de toute efficacité et de tout intérêt ;
Mais attendu que, tant que les parties n’ont pas été remises en l’état antérieur à la conclusion
de leur convention annulée, l’obligation de restituer inhérente au contrat de prêt demeure
valable ; que, dès lors, le cautionnement en considération duquel le prêt a été consenti subsiste
tant que cette obligation valable n’est pas éteinte ; qu’en statuant comme elle l’a fait la cour
d’appel n’a donc encouru aucun des griefs du moyen, lequel ne peut être davantage accueilli
que le précédent ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi
 
Publication : Bulletin 1992 I N° 154 p. 106
Décision attaquée : Cour d’appel de Paris, du 28 septembre 1990
 
84

 
2) Exceptions purement personnelle au débiteur et engagement de la caution

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE,


FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 27 JANVIER 2021
1°/ M. T... S...,
2°/ Mme L... K..., épouse S...,
domiciliés tous deux [...],
ont formé le pourvoi n° Y 18-22.541 contre l'arrêt rendu le 19 février 2018 par la cour d'appel
de Rouen (chambre de la proximité), dans le litige les opposant à la société [...] , société
d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , en la personne de M. Y... H...,
pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société Orn' Discothèque, défenderesse à la
cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au
présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Boisselet, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger,
avocat de M. et Mme S..., de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société [...] ,
ès qualités, après débats en l'audience publique du 1er décembre 2020 où étaient présentes
Mme Darbois, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Boisselet,
conseiller rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des
président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le
présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 19 février 2018), la société Orn'Discothèque a, le 2
juin 2014, vendu à la société AH Discothèque l'un des deux fonds de commerce de
discothèque qu'elle exploitait, pour un prix payable en 84 échéances mensuelles. M. et
Mme S... se sont rendus caution solidaire des engagements de la société AH
Discothèque.
2. A la suite de la défaillance de cette dernière, la société Orn'Discothèque a fait
inscrire une hypothèque sur un bien immobilier appartenant à M. et Mme S...
3. Les sociétés AH Discothèque et Orn'Discothèque ont été mises en liquidation
judiciaire les 7 et 21 septembre 2015, et M. H... a été désigné liquidateur judiciaire de
la seconde. Ce dernier, aux droits duquel vient la société [...] , a déclaré la créance de
la société Orn'Discothèque au passif de la société AH Discothèque puis, après avoir
fait délivrer à M. et Mme S... un commandement de payer valant saisie immobilière,
les a assignés à l'audience d'orientation du juge de l'exécution compétent.
4. M. et Mme S... ont demandé l'annulation de l'acte de vente pour dol.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. M. et Mme S... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande d'annulation de la vente
du 2 juin 2014, de fixer le montant de la créance et d'ordonner la vente forcée de leur
bien, alors qu'« à supposer même que les chiffres mis en avant aient concerné
l'établissement "Le Space" et lui seul, de toute façon, l'acte du 2 juin 2014 mentionnait
un chiffre d'affaires de 120 000 euros pour la période comprise entre le 1er octobre
85

2013 et le 2 juin 2014 ; qu'en s'abstenant de rechercher si ce chiffre était exact et si M.


et Mme S... n'avaient pas été trompés, sachant qu'aucune comptabilité n'a été tenue
pour la période postérieure au 1er octobre 2013 et qu'aucun livre comptable n'a été
fourni tant à l'acquéreur qu'aux cautions, l'attestation d'expert-comptable ne
concernant que la période close au 30 septembre 2013, les juges du fond ont privé leur
décision de base légale au regard des articles 1130 et 1137 nouveaux du code civil.
»Réponse de la Cour
6. Selon l'article 2313 du code civil, la caution n'est pas recevable à se prévaloir d'une
nullité relative tirée du dol subi par le débiteur principal, qui constitue une exception
purement personnelle destinée à protéger ce dernier seulement.
7. Il en résulte que M. et Mme S..., qui n'ont pas contesté la validité de leurs
engagements de cautions, ne sont pas recevables à demander l'annulation du contrat de
vente conclu entre la société Orn'Discothèque et la société AH Discothèque en raison
du dol qui aurait affecté le consentement de cette dernière, seule cessionnaire et
débitrice du prix du fonds de commerce litigieux.
8. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par
les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se
trouve légalement justifiée de ce chef.PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Cour de cassation  chambre mixte Audience publique du 8 juin 2007


  
REPUBLIQUE FRANCAISE
 
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 
LA COUR DE CASSATION, siégeant en CHAMBRE MIXTE, a rendu l’arrêt suivant :
 Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence,11 mars 2003), que par acte du 8 octobre
1993, M.X... s’est porté caution solidaire envers M. Y...du paiement du solde du prix de vente
d’un fonds de commerce acquis par la société Y...dont il était le dirigeant ; que la société
ayant été mise en liquidation judiciaire, M.X... a assigné M. Y...en nullité de la vente du fonds
de commerce pour dol ainsi que de son engagement de caution sur le fondement des articles
2012 et 2036 du code civil, devenus les articles 2289 et 2313 du même code ; que
reconventionnellement, M. Y...a demandé paiement d’une certaine somme en exécution de
l’engagement de caution ;
Attendu que M.X... fait grief à l’arrêt d’avoir déclaré irrecevable sa demande tendant à voir
prononcer la nullité de la vente du fonds de commerce et de sa condamnation à paiement
alors, selon le moyen :
1° / que la caution est recevable à invoquer la nullité pour dol de l’obligation principale ;
qu’en décidant du contraire, la cour d’appel a violé les articles 2012 et 2036 du code civil ;
2° / qu’en s’abstenant, en toute hypothèse, de rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si la
créance de M. Y..., dont l’origine était antérieure au jugement d’ouverture de la procédure
collective de celle-ci, avait été déclarée au passif, la cour d’appel n’a pas donné de base légale
à sa décision au regard des articles 2011 du code civil, ainsi que L. 621-43 et L. 621-46 du
code de commerce ;
86

Mais attendu que la caution ne peut opposer les exceptions qui sont purement personnelles au
débiteur principal ; que la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à une recherche dont
il n’est pas justifié qu’elle ait été demandée, a, par motifs propres et adoptés, retenu
exactement, que M.X... qui n’avait pas été partie au contrat de vente du fonds commerce,
n’était pas recevable à invoquer la nullité relative tirée du dol affectant le consentement du
débiteur principal et qui, destinée à protéger ce dernier, constituait une exception purement
personnelle ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;

Géraud Mégret, Moniteur-Allocataire à l'Université Paris I - Panthéon-Sorbonne, le 07-


10-2010

Alors que l'on croyait la notion "d'exceptions purement personnelles" définitivement


"enterrée" au nom du caractère accessoire du cautionnement (1), la Cour de cassation, réunie
en Chambre mixte, n'hésite pas à placer celle-ci au coeur d'une solution nouvelle qui suscitera,
sans aucun doute, la controverse.
Elle affirme que "la caution ne peut opposer les exceptions qui sont purement personnelles au
débiteur [...] ; que M. X [la caution] n'était pas recevable à invoquer la nullité relative tirée
du dol affectant le consentement du débiteur principal". Dans l'espèce rapportée, une
personne physique se porte caution solidaire du paiement du solde du prix de vente d'un fonds
de commerce acquis par la société dont il est le dirigeant. La société débitrice est placée en
liquidation judiciaire.
La caution prend l'initiative d'assigner le vendeur du fonds. Elle demande la nullité de la vente
pour dol ainsi que la nullité de son engagement de caution afin d'échapper à son engagement.

Les juges du fond déclarent sa demande irrecevable. Le garant forme alors un pourvoi en
cassation. Selon lui, "la caution est recevable à invoquer la nullité pour dol de l'obligation
principale". La cour d'appel aurait ainsi violé les articles 2012 (N° Lexbase : L2247ABT) (2)
et 2036 du Code civil (N° Lexbase : L2281AB4) (3).

La Cour de cassation rejette une telle analyse. Elle relève que "la caution ne peut opposer les
exceptions qui sont purement personnelles au débiteur principal". Elle approuve ainsi les
juges du fond d'avoir relevé que la caution n'était pas partie au contrat de vente et qu'elle
n'était donc pas recevable à invoquer la nullité relative tirée du dol, laquelle constituait une
"exception purement personnelle".

Une telle solution, qui place la notion d'exception purement personnelle au coeur du
raisonnement de la Cour régulatrice, constitue une limite au caractère accessoire du
cautionnement (I) qui fragilise les droits des cautions (II).

I - La notion d'exception purement personnelle : une limite au caractère accessoire du


cautionnement

La solution dégagée en l'espèce par une Chambre mixte de la Cour de cassation peut, de
prime abord, surprendre. Sans viser l'article 2314 du Code civil (N° Lexbase : L1372HIN,
87

ancien article 2036), la Cour de cassation y fait expressément référence puisqu'elle affirme
que la caution "ne peut opposer les exceptions qui sont purement personnelles au débiteur".
Or, ce texte, qui a longtemps suscité des difficultés d'interprétation, est, aujourd'hui,
unanimement relégué au second plan par la doctrine.

Pour reprendre les mots d'une doctrine avisée (4), "il convient [...] de ne pas se laisser abuser
par les termes de l'article 2036 [...] à partir du moment où le cautionnement est accessoire,
toutes les exceptions affectant l'obligation principale sont potentiellement opposables par la
caution. Autrement dit, la distinction faite par l'article 2036 n'a pas de valeur générale".

Ainsi, la jurisprudence (5), soutenue par la doctrine (6), admet-elle traditionnellement que la
caution p uisse prendre l'initiative d'invoquer la nullité du contrat principal. La solution n'était,
jusqu'alors, pas remise en cause par le caractère relatif de la nullité (7). Si la théorie générale
des nullités semblait s'opposer à une telle action de la caution (8), le caractère accessoire du
cautionnement l'emportait aux yeux de la jurisprudence. L'argument tiré de l'article 2289 du
Code civil était, lui aussi, balayé. On sait, en effet, que ce texte prévoit la possibilité de
cautionner une obligation "encore qu'elle pût être annulée par une exception purement
personnelle à l'obligé ; par exemple, dans le cas de minorité". La doctrine (9) ne s'est pas
embarrassée de la lettre du texte et s'accorde pour limiter l'application du texte au seul cas
d'incapacité du débiteur principal (10). La caution peut donc invoquer la nullité relative de
l'obligation principale, sous la seule réserve de l'incapacité.

C'est, semble-t-il, avec cette tradition que veut rompre la Cour de cassation. En affirmant sans
équivoque que la caution ne peut invoquer les "exceptions purement personnelles" au débiteur
et qu'ainsi, elle n'est pas recevable à invoquer la nullité du contrat principal tirée du dol
affectant le consentement du débiteur principal, la Cour régulatrice met fin à une lecture
restrictive des articles 2313 et 2289 du Code civil. Le doyen Simler (11) avait ainsi pu écrire :
"si la caution ne pouvait opposer au créancier les exceptions personnelles au débiteur, son
engagement ne pourrait pas, sans abus de langage, être qualifié d'accessoire". C'est donc une
nouvelle limite au caractère accessoire du cautionnement (12) que pose aujourd'hui la Cour
régulatrice. La notion d'exception purement personnelle qui avait, semble-t-il, été absorbée
par le "dogme du caractère accessoire du cautionnement" (13), retrouve une place en droit
positif.

Toute restriction du caractère accessoire du cautionnement conduit à un affaiblissement


corrélatif des droits des cautions (II).

II - La notion d'exception purement personnelle : un affaiblissement des droits des


cautions

Le caractère accessoire du cautionnement est traditionnellement considéré comme le "talon


d'Achille" du cautionnement pour les créanciers. Il offre, en effet, à la caution des moyens de
défense qui fragilisent considérablement les chances pour un créancier d'être payé (14). En
cela, il renforce la protection des garants.

La solution retenue par la Cour de cassation risque d'affaiblir considérablement une telle
protection. Sans doute, le principe posé en l'espèce est-il plus en adéquation avec les règles
gouvernant la théorie générale des nullités. Il n'en demeure pas moins que la caution est
exposée au paiement d'une dette dont le débiteur principal a la possibilité de demander la
88

nullité. Le sort de la caution est entre les mains du débiteur de l'obligation principale qui, seul,
peut décider de faire annuler l'obligation principale et, ainsi, libérer la caution.

L'affaiblissement des droits des cautions est d'autant plus grand que la solution paraît avoir un
vaste champ d'application. Si la voie de l'action en nullité est rejetée, en l'espèce, par la Cour
régulatrice, l'exception de nullité est également à exclure, ce que confirme la motivation de
l'arrêt : "la caution ne peut opposer les exceptions purement personnelles au débiteur
principal". La caution perd donc l'initiative de l'action en nullité mais également un moyen de
défense tiré de la nullité relative du contrat principal.

Par ailleurs, on peut légitiment s'interroger sur la notion même d'exception purement
personnelle. En dehors du cas de la nullité relative expressément visé par la Chambre mixte
de la Cour de cassation, quel est exactement le contenu de la notion ? Il est difficile d'y
répondre, mais les créanciers ne manqueront pas de s'engouffrer dans la brèche... Le recours à
la notion d'exception purement personnelle pour justifier la solution risque fort d'accroître un
peu plus le contentieux et donc de déstabiliser le droit du cautionnement.

On peut, au surplus, légitimement s'interroger sur l'opportunité du recours à la notion


d'exception purement personnelle en droit du cautionnement. Elle conduit à admettre que la
caution peut être tenue d'une obligation entachée d'un vice et donc susceptible de nullité. La
caution ne pourra ainsi échapper à son engagement, faute de pouvoir invoquer une nullité
réservée au débiteur de l'obligation. Elle supportera donc l'aléa d'un recours après paiement.
La finalité du cautionnement est, semble-t-il, détournée, la caution s'engageant, en principe, à
garantir l'insolvabilité du débiteur de l'obligation et non les vices qui l'affectent (15).

Une telle évolution jurisprudentielle est d'autant plus surprenante que le Code civil connaît,
désormais, d'autres formes de garanties non accessoires permettant d'assurer un paiement
systématique du créancier en dépit des vices pouvant affecter l'obligation garantie (16). En
introduisant "une dose d'inopposabilité des exceptions" en droit du cautionnement, la Cour de
cassation entretient une certaine confusion ne favorisant pas le développement de ces
nouvelles sûretés personnelles (17).

(1) En ce sens, notamment : L. Aynès, P. Crocq, Les sûretés, La publicité foncière,


Defrénois, 2ème éd., n° 126 p. 29 J. François, Les sûretés personnelles, Economica,
1ère éd., n° 305 et s. p. 254 ; Ph. Simler et Ph. Delebecque, Les sûretés, La publicité
foncière, Précis Dalloz, 4ème éd., n° 48 p. 39.
(2) Devenu l'article 2289 du Code civil depuis l'ordonnance du 23 mars 2006
(N° Lexbase : L1118HIA).
(3) Devenu l'article 2313 du Code civil depuis l'ordonnance du 23 mars 2006
(N° Lexbase : L1372HIN).
(4) J. François, Les sûretés personnelles, Economica, 1ère éd., n° 305 et s. p. 254.
(5) V. récemment : Cass. civ. 3, 11 mai 2005, n° 03-17.682, M. Yves Philippe c/
Coopérative du Gouessant, FS-P+B (N° Lexbase : A2263DIN) ; RTD Civ. 2005, p.
590 obs. J. Mestre.
(6) L. Aynès, P. Crocq, op. cit., loc. cit. ; J. François, op. cit., loc. cit. ; Ph. Simler et
Ph. Delebecque, op. cit., loc. cit..
(7) Cass. civ. 3, 11 mai 2005, préc..
(8) On sait, en effet, que la nullité relative ne peut, en principe, être invoquée que par
89

la personne protégée par la règle violée ; sur cette question, v. notamment. Ph.
Malaurie, L. Aynès et Ph. Stoffel-Munck, Les obligations, Defrénois, 1ère éd., n° 702
p. 316.
(9) J. François, op. cit., n° 183 et s. p. 162 et s.
(10) Sur cette question, v. notamment les critiques de D. Grimaud, Le caractère
accessoire du cautionnement, PUAM 2001, préf. D. Legeais. n° 83 et s. p. 95 et s.
(11) Ph. Simler, Cautionnement et garantie autonome, Litec, 3ème éd.
(12) Il y a peu, la Cour régulatrice affirmait que la caution ne peut se prévaloir de la
renonciation par le créancier à son droit d'agir contre le débiteur principal : Cass.
com., 22 mai 2007, n° 06-12.196, Société Mars Occidentale, FS-P+B (N° Lexbase :
A4900DWE) et nos obs., La caution ne peut se prévaloir de la renonciation par le
créancier à son droit d'agir contre le débiteur principal, Lexbase Hebdo n° 264 du 14
juin 2007 - édition privée générale (N° Lexbase : N3990BBE).
(13) Expression empruntée à D. Grimaud, op. cit..
(14) Cette faiblesse du cautionnement aurait conduit la pratique à s'orienter vers
d'autres formes de garanties et, notamment, la garantie autonome.
(15) Ph. Simler et Ph. Delebecque, op. cit, n° 39 p. 31 : "Le contrat de cautionnement
est le contrat par lequel une personne, la caution, s'engage à l'égard d'un créancier à
payer la dette d'un débiteur [...] au cas où celui-ci est défaillant" (souligné par nos
soins).
(16) On pense, naturellement, à la garantie autonome mais aussi au porte-fort
d'exécution.
(17) La doctrine se montre relativement pessimiste sur l'avenir de la garantie
autonome en droit interne, v. par ex., F. Jacob, L'avenir des garanties autonomes en
droit interne, 15 ans après, in Etudes offertes au doyen Philippe Simler, p. 341 et s..

3) Faute du créancier et décharge de la caution

Cour de cassation chambre mixte Audience publique du 10 juin 2005


REPUBLIQUE FRANCAISE
 
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 LA COUR DE CASSATION, siégeant en CHAMBRE MIXTE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Grenoble, 16 octobre 2002), que par acte sous seing privé
enregistré le 1er juillet 1992, la Banque Hervet (la banque) a accordé à la société Confection
industrielle de Lignères (la société) un prêt destiné à financer l’acquisition de matériel
d’outillage et d’équipement ; qu’en garantie, la banque s’est fait consentir dans le même acte
un nantissement sur le matériel ainsi que le cautionnement de M. X... ; que la société ayant été
mise en liquidation judiciaire, la banque a assigné la caution en paiement ; que faisant valoir
que la banque avait commis une faute en accordant au liquidateur la mainlevée de son
nantissement, la caution a soutenu qu’elle était déchargée ;Attendu que la banque fait grief à
l’arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen :
 1 / que l’application de l’article 2037 du Code civil est subordonnée à un fait de commission
90

ou d’omission, mais imputable au créancier, c’est-à-dire fautif et que le créancier gagiste n’est
pas tenu de demander l’attribution judiciaire de son gage ; qu’en énonçant, pour décharger M.
X... de son obligation de caution envers la banque créancière, que le moyen de défense de
celle-ci, qui se contente de soutenir qu’elle n’avait aucune obligation de solliciter l’attribution
judiciaire de son gage, ne saurait la convaincre, la cour d’appel a violé, par fausse application,
l’article 2078 du Code civil, ensemble l’article 2037 du même code ;
 2 / qu’en se bornant à affirmer qu’en négligeant de faire valoir ses droits de créancier nanti
dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société, la banque avait indubitablement privé la
caution de son droit préférentiel sur le gage, la cour d’appel, qui n’a pas caractérisé une faute
imputable à la banque créancière, titulaire d’un nantissement sur le matériel et l’outillage ne
lui conférant pas un droit de rétention, n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de
l’article 2037 du Code civil ;
Mais attendu qu’en retenant que la banque avait renoncé au bénéfice du gage, la cour d’appel
en a exactement déduit que la caution était déchargée de son obligation ;
 D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
 PAR CES MOTIFS :
 REJETTE le pourvoi ;
 Publication : Bulletin 2005 Chambre mixte n° 5 p. 13
 Décision attaquée : Cour d’appel de Grenoble, du 16 octobre 2002
 

Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 17 février 2021, 19-16.075, Inédit

RÉPUBLIQUEFRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE
ET ÉCONOMIQUE, DU 17 FÉVRIER 2021
La société Banque populaire Grand Ouest, dont le siège est [...] , venant aux droits de la
société Banque populaire Atlantique, a formé le pourvoi n° R 19-16.075 contre l'arrêt rendu le
5 mars 2019 par la cour d'appel de Poitiers (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. I... B..., domicilié [...] ,
2°/ à la société Financière Ampère Lavoisier (FIAL), société à responsabilité limitée, dont le
siège est [...] ,
3°/ à la société Dolley Collet, société civile professionnelle, dont le siège est [...] , prise en
qualité de mandataire judiciaire de la procédure de sauvegarde de la société Financière
Ampère Lavoisier,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au
présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, les observations de la SCP de Chaisemartin,
Doumic-Seiller, avocat de la société Banque populaire Grand Ouest, venant aux droits de la
société Banque populaire Atlantique, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général
référendaire, après débats en l'audience publique du 5 janvier 2021 où étaient présents M.
Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Graff-Daudret, conseiller
rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des
président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le
présent arrêt.
91

Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 5 mars 2019), le 17 mars 2009, la société Banque populaire
Atlantique, aux droits de laquelle est venue la société Banque populaire Grand Ouest (la
banque), a ouvert dans ses livres un compte courant au profit de la société Financière Ampère
Lavoisier (la société FIAL), qui a demandé un prêt destiné à financer l'acquisition de la nue-
propriété des 7 497 actions composant le capital de la société SN Intercycles (société
Intercycles) dont elle détenait déjà l'usufruit. Par un acte du 24 mars 2009, la banque s'est fait
consentir, préalablement à l'octroi du prêt, le cautionnement de M. B..., gérant de la société.
Par un acte du 30 mars 2009, la banque a accordé à la société le prêt demandé, également
garanti par le nantissement de la pleine propriété des 7 497 actions de la société Intercycles.

2. Le 8 avril 2011, dans le cadre de la cession de la société Intercycles, est intervenue la


cession des 25 % du capital de cette société détenus par la société FIAL, l'intégralité du prix
de cette dernière cession étant virée par la banque directement sur le compte de la société
FIAL, la banque renonçant ainsi au nantissement dont elle bénéficiait en garantie du prêt du
30 mars 2009.

3. Le 20 octobre 2014, après avoir prononcé la déchéance du terme et la clôture des comptes,
la banque a assigné la société FIAL et M. B..., en qualité de caution, en paiement de sommes
au titre du solde débiteur du compte courant et du prêt. La caution a invoqué sa décharge, sur
le fondement de l'article 2314 du code civil, en soutenant avoir été privée de la possibilité de
se voir subrogée dans les droits de la banque, qui n'avait pas mis en oeuvre le nantissement
dont elle bénéficiait lors de la vente des actions de la société Intercycles. L'arrêt attaqué a
accueilli cette demande.
4. Par jugement du 11 février 2015, la société FIAL a été mise en sauvegarde.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. La banque fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande de décharge de M. B..., alors « que le
juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, l'article 5 de
l'acte de cautionnement solidaire souscrit par M. B... le 24 mars 2009 stipulait qu' "en tant que
de besoin, il est précisé que le présent engagement de caution s'ajoute aux autres garanties que
LA CAUTION a déjà pu ou qu'elle pourra donner à la BANQUE en faveur de
l'EMPRUNTEUR ainsi qu'à celles constituées par ce dernier ou par un tiers" ; que dès lors, en
déclarant qu'il importait peu que M. B... soit dans l'ignorance du nantissement qui ne sera
constitué que postérieurement à son engagement de caution, puisque les termes de son
engagement lui permettaient de se prévaloir de toute garantie existante ou future, quand l'acte
de cautionnement solidaire litigieuse ne prévoyait pas que l'engagement de caution s'ajouterait
aux garanties futures constituées par l'emprunteur ou par un tiers, cette extension ne
concernant que les garanties prises par la caution elle-même, la cour d'appel a dénaturé l'acte
de caution, en violation du principe susvisé. »
Réponse de la Cour
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :
6. Pour décharger M. B... de son engagement de caution, l'arrêt retient que l'acte de
cautionnement contient une clause 5 aux termes de laquelle il est indiqué qu' « En tant que de
besoin, il est précisé que le présent engagement de caution s'ajoute aux autres garanties que
LA CAUTION a déjà pu ou qu'elle pourra donner à la BANQUE en faveur de
L'EMPRUNTEUR ainsi qu'à celles constituées par ce dernier ou par un tiers » et que, dès lors,
il importe peu que M. B... ait été dans l'ignorance du nantissement qui ne sera constitué que
postérieurement à son engagement, puisque les termes du cautionnement lui permettaient de
92

se prévaloir de toute garantie existante ou future.

7. En statuant ainsi, alors que la clause 5 de l'acte de cautionnement, laquelle se bornait à


préciser que l'engagement litigieux s'ajouterait aux autres garanties déjà constituées par
l'emprunteur ou des tiers et à celles, déjà existantes ou futures, que la caution aurait elle-
même accordées n'avait pas pour objet de permettre à M. B... de se prévaloir de la perte d'une
sûreté constituée postérieurement à son engagement par l'emprunteur ou un tiers, la cour
d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de cette clause, a violé le principe susvisé.
Et sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
8. La banque fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 2°/ que la décharge de la caution suppose qu'elle ne puisse plus être subrogée dans le
bénéfice de droits en considération desquels elle s'est engagée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel
a expressément constaté que le nantissement des actions de la société SN Intercycles a été
constitué postérieurement à la date à laquelle M. B... a souscrit son engagement ; qu'ainsi, le
droit préférentiel prétendument perdu par la faute de la banque n'existait pas lorsque M. B...
s'est engagé en qualité de caution ; qu'en retenant néanmoins que M. B... devait être déchargé
de son engagement de caution en application de l'article 2314 du code civil, pour avoir été
privé de la possibilité de se voir subrogé dans les droits que la banque, qui n'avait pas mis en
œuvre le nantissement dont elle bénéficiait lors de la vente des parts sociales, la cour d'appel
n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation dudit article
2314 du code civil ;
3°/ que dans ses conclusions d'appel, invoquant la jurisprudence de la Cour de cassation à ce
titre, la société Banque populaire Atlantique soutenait que M. B... ne démontrait pas, comme
il y était pourtant tenu, avoir fait de la constitution d'un nantissement un élément déterminant
de son engagement de caution, aucune référence n'étant notamment faite dans le
cautionnement à un éventuel nantissement ; que dès lors, en se bornant à retenir que M. B...,
gérant de la société bénéficiaire du prêt cautionné, connaissait parfaitement l'existence du
nantissement pris en garantie et qui sera formalisé dans l'acte de prêt conclu six jours après
son engagement de caution, sans rechercher, comme elle y était invitée, si celui-ci avait fait de
cette garantie supplémentaire, non encore prise à la date de la souscription du cautionnement,
un élément déterminant de son engagement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale
au regard de l'article 2314 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 2314 du code civil :
9. Aux termes de ce texte, la caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits,
hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en
faveur de la caution.
10. Pour décharger M. B... de son engagement de caution, l'arrêt retient encore que ce dernier,
gérant de la société bénéficiaire du prêt cautionné, connaissait parfaitement l'existence du
nantissement pris en garantie et qui sera formalisé dans l'acte de prêt conclu six jours après
son engagement de caution et dont les conditions étaient nécessairement arrêtées et connues à
la date du cautionnement souscrit.

11. En se déterminant ainsi, alors que la caution n'est libérée, lorsque la subrogation aux
droits, privilèges et hypothèques du créancier ne peut plus s'opérer en sa faveur, que si
ces garanties existaient antérieurement à son engagement ou étaient entrées dans les
prévisions des parties, la cour d'appel qui, constatant que le nantissement des actions avait
été consenti à la banque postérieurement au cautionnement, n'a pas recherché si la banque
93

s'était engagée à l'obtenir ou si la caution avait légitimement pu croire qu'elle le prendrait, n'a
pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement du 22 août 2017, il
décharge M. B... de son cautionnement du 24 mars 2009, l'arrêt rendu le 5 mars 2019, entre
les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

Sous-caution

Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 9 février 2022, 19-21.942, Publié au


bulletin
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________
Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 21 mai 2019), M. [E] et M. [T] étaient les dirigeants d'un
groupe de promotion immobilière dénommé Finaxiome, composé notamment de sociétés
civiles de construction vente (les Sccv), dont les sociétés [O], [F], [R], [Y], [W], [C] et [H],
destinées, chacune, à réaliser ou faire réaliser un ensemble immobilier.

2. Pour chacune des résidences à construire, la société Groupement français de caution (le
GFC) a fourni une garantie d'achèvement, contre-garantie par les cautionnements de M. [E] et
M. [T].

3. Les Sccv ayant été mises en liquidation judiciaire, tandis que la construction des immeubles
n'était pas achevée, le GFC a payé les sommes nécessaires à leur achèvement, puis a assigné
M. [E] et M. [T] en exécution de leurs engagements.

Examen des moyens


Sur le second moyen, ci-après annexé
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de
statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de
nature à entraîner la cassation.

Et sur le premier moyen


Enoncé du moyen
5. M. [E] et M. [T] font grief à l'arrêt de recevoir le GFC en ses demandes concernant les Sccv
[Y], [R], [C], [H], [W], [F] et [O] et, en conséquence, de les condamner à lui payer diverses
sommes, au titre de leurs engagements de caution de ces sociétés, alors :

« 1°/ que le cautionnement ne peut être entendu au-delà des limites dans lesquelles il a été
contracté ; que la cour d'appel a constaté que par un acte du 11 mai 2010, MM. [T] et [E]
s'étaient chacun, portés caution personnelle et solidaire, avec renonciation au bénéfice de
94

discussion au profit du GFC, dans la limite de 100 000 euros, pour une durée expirant le 30
septembre 2012, s'engageant ainsi à rembourser les sommes dues si la Sccv [O] n'y satisfaisait
pas ; qu'en se bornant à énoncer, pour juger recevable le GFC en ses demandes à l'encontre
des cautions, que la comparaison de la pièce n° 29 (tableau récapitulatif de ses dépenses) et de
la pièce 11 (estimation des travaux d'achèvement de la Sccv avec les chèques et quittances
subrogatives produits (pièce 31) établissait la réalité des paiements excédant le montant des
cautionnements, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la circonstance que les
paiements avaient tous été effectués postérieurement au 30 septembre 2012, n'établissait que
la dette était née postérieurement à l'expiration de l'obligation de couverture et étant donc
exclue de la garantie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article
1134 du code civil, devenu l'article 1103 du même code, ensemble l'article 2292 du même
code ;

2°/ que le cautionnement ne peut être étendu au-delà, des limites dans lesquelles il a été
contracté ; que la cour d'appel a constaté que par un acte du 28 juin 2010, MM. [T] et [E]
s'était, chacun, portés caution personnelle et solidaire, avec renonciation au bénéfice de
discussion au profit du GFC, dans la limite de 100 000 euros, pour une durée expirant le 30
septembre 2012, s'engageant ainsi à rembourser les sommes dues si la Sccv [F] n'y satisfaisait
pas ; qu'en se bornant à énoncer, pour juger recevable le GFC en ses demandes à l'encontre
des cautions, que la comparaison de la pièce n° 30 (tableau récapitulatif de ses dépenses) et de
la pièce 12 (estimation des travaux d'achèvement de la Sccv avec les chèques et quittances
subrogatives produits (pièce 32) établissait la réalité des paiements excédant le montant des
cautionnements, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la circonstance que les
paiements avaient tous été effectués postérieurement au 30 septembre 2012, n'établissait pas
l'existence d'une dette née postérieurement à l'expiration de l'obligation de couverture et donc
exclue de la garantie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article
1134 du code civil, devenu l'article 1103 du même code, ensemble l'article 2292 du même
code ;

3°/ que l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'admission définitive d'une créance à la
procédure collective d'un débiteur n'interdit pas à la caution solidaire d'opposer au créancier
toutes les exceptions qui lui sont personnelles, dont celle tirées de ce que la créance n'était pas
née durant la période de garantie ; que la cour d'appel a constaté que par un acte du 29 octobre
2010, MM. [E] et [T] s'étaient, chacun, portés caution personnelle et solidaire, avec
renonciation au bénéfice de discussion au profit du GFC, dans la limite de 150 000 euros,
pour une durée expirant le 31 décembre 2011, s'engageant ainsi à rembourser les sommes
dues si la Sccv [R] n'y satisfaisait pas ; qu'en énonçant, pour dire que la créance du GFC était
née pendant la durée des engagements de caution, que cette créance avait été admise pour un
montant de 1 154 407,30 euros par un arrêt irrévocable du 23 mars 2017, la cour d'appel s'est
prononcée par un motif inopérant, la décision d'admission de la créance établissant le principe
et le quantum de la créance du GFC vis-à-vis de la Sccv [R] mais étant inopérante à établir
que cette dette était née avant le 31 décembre 2011, date de l'expiration de l'obligation de
couverture ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de
l'article 1134 du code civil, devenu 1103 du même code, ensemble l'article 2292 du même
code ;

4°/ que l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'admission définitive d'une créance à la
procédure collective d'un débiteur n'interdit pas à la caution solidaire d'opposer au créancier
toutes les exceptions qui lui sont personnelles, dont celle tirées de ce que la créance n'était pas
née durant la période de garantie ; que la cour d'appel a constaté que par un acte du 29 octobre
95

2010, MM. [E] et [T] s'étaient, chacun, portés caution personnelle et solidaire, avec
renonciation au bénéfice de discussion au profit du GFC, dans la limite de 150 000 euros,
pour une durée expirant le 31 décembre 2011, s'engageant ainsi à rembourser les sommes
dues si la Sccv [Y] n'y satisfaisait pas ; qu'en énonçant pour dire que la créance du GFC était
née pendant la durée des engagements de caution, que cette créance avait été admise pour un
montant de 1 711 606,30 euros par un arrêt irrévocable du 30 janvier 2014, la cour d'appel
s'est prononcée par un motif inopérant, la décision d'admission de la créance établissant le
principe et le quantum de la créance du GFC vis-à-vis de la Sccv [Y] mais étant inopérante à
établir que cette dette était née avant le 31 décembre 2011, date de l'expiration de l'obligation
de couverture ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard
de l'article 1134 du code civil, devenu 1103 du même code, ensemble l'article 2292 du même
code. »

Réponse de la Cour

6. L'obligation de garantie de la caution, qui ne devient exigible que dans l'hypothèse où le


débiteur principal ne remplit pas ses obligations envers son créancier, a pour objet de couvrir
les dettes que le débiteur a contractées pendant la période de couverture de cet engagement.
Elle prend donc naissance à la date à laquelle le débiteur principal contracte ces dettes.
L'obligation de la sous-caution, qui a pour objet de garantir la caution non pas contre le risque
auquel cette dernière est exposée de devoir payer le créancier à la place du débiteur principal
défaillant mais contre celui de ne pas pouvoir obtenir du débiteur principal le remboursement
des sommes qu'elle a payées pour son compte en exécution de son propre engagement, prend
naissance à la même date et couvre l'intégralité de ces sommes, peu important la date de leur
exigibilité et le fait que les paiements ont été effectués par la caution après l'expiration de la
période de couverture de l'engagement de la sous-caution.

7. Ayant d'abord relevé que M. [E] et M. [T] s'étaient, chacun, rendu caution, pour une durée
expirant le 30 septembre 2012, de la garantie d'achèvement délivrée par le GFC,
respectivement à la Sccv [O] et à la Sccv [F], et que cette date constituait le terme de
l'obligation de couverture, puisqu'il résultait de l'article 5.3 des conditions particulières du
contrat, avec lesquelles les cautionnements faisaient corps, que les cautions s'engageaient à
remplir l'obligation principale comme si elles étaient le débiteur principal, la cour d'appel, qui
n'était pas tenue d'effectuer la recherche invoquée par les première et deuxième branches que
ses constatations rendaient inopérante dès lors que la date de naissance de l'obligation
couverte par la garantie extrinsèque, cautionnée par M. [E] et M. [T], correspondait à celle des
contrats de vente en l'état futur d'achèvement couverts par la garantie d'achèvement du GFC,
dont il n'était pas contesté qu'ils étaient antérieurs au 30 septembre 2012, a légalement justifié
sa décision en retenant que les dettes des sous-cautions étaient nées pendant la durée de leur
engagement.
8. Après avoir ensuite relevé que M. [E] et M. [T] s'étaient, chacun, rendu caution, pour une
durée expirant le 31 décembre 2011, terme de leur obligation de couverture, de la garantie
d'achèvement délivrée par le GFC, respectivement à la Sccv [R] et à la Sccv [Y], et
exactement énoncé que ce n'est pas la date à laquelle le paiement a été réclamé aux cautions
qui doit être prise en compte pour dire si elles sont tenues ou pas, mais celle de la naissance
de l'obligation garantie, l'arrêt retient que la créance du GFC a été admise par arrêt irrévocable
à la liquidation judiciaire de la Sccv [R] et par ordonnance du juge-commissaire à celle de la
Sccv [Y], et qu'au vu des motifs de ces décisions, il s'agit de sommes payées par le garant
d'achèvement à la suite de la défaillance desdites Sccv, de sorte que ces créances ont pris
96

naissance avant l'expiration des cautionnements, faisant ressortir que les sommes payées par
le GFC concernaient des contrats de vente en l'état futur d'achèvement conclus avant le terme
des sous-cautionnements litigieux.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;

Cass. com., 27 mai 2008

Sur le troisième moyen : Attendu, selon l’arrêt attaqué (Colmar, 22 juin 2006), que par
contrat du 12 septembre 1990, les consorts X... ont chargé la société Selam (la société) de la
construction d’un immeuble ; que par acte du 20 décembre 1990, M. Y... s’est rendu caution
de la société en faveur du Crédit industriel d’Alsace et de Lorraine (la banque) ; que cette
dernière a cautionné la société au profit du maître de l’ouvrage ; que la société ayant été mise
en redressement judiciaire, les consorts X..., estimant avoir versé des acomptes indus en
raison du non-achèvement des travaux, ont assigné la banque en exécution de son engagement
; qu’après avoir réglé les créanciers, la banque a poursuivi M. Y... ; Attendu que M. Y...
reproche à l’arrêt de l’avoir condamné à verser à la banque, substituée en qualité de caution,
dans les droits des créanciers désintéressés, les consorts X..., la somme de 137 204,11 euros
avec intérêts au taux légal à compter du 8 juin 1993 au titre d’un acte de cautionnement, alors,
selon le moyen, que la caution peut opposer au créancier, ou à toute personne substituée,
toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur et qui sont inhérentes à la dette ; que la
cour d’appel a considéré que, si M. Y... était en droit d’opposer à la banque toutes les
exceptions inhérentes à la dette, cependant l’éventuelle compensation que la société pourrait
opposer aux consorts X... relative à un cautionnement distinct de l’engagement de M. Y... ne
constituait pas une exception inhérente à la dette pouvant être invoquée par M. Y... dans ses
rapports avec la banque ; qu’en se limitant à retenir l’inopposabilité de l’exception tirée de la
compensation entre les créances de la banque et des créanciers, sans rechercher, ainsi qu’il le
lui était demandé, si les autres exceptions inhérentes à la dette expressément soulevées par M.
Y... dans ses conclusions d’appel liées, d’une part, à l’imputabilité aux créanciers de la
rupture du contrat d’entreprise à raison des modifications substantielles répétitives exigées et,
d’autre part, à leur état de débiteur au regard des sommes importantes dues au titre de
l’exécution du contrat d’entreprise, n’étaient pas également opposables à la banque, la cour
d’appel a privé son arrêt de base légale au regard de l’article 2036 du code civil ; Mais attendu
que la sous-caution, qui garantit la créance de la caution à l’égard du débiteur principal et non
la créance du créancier initial à l’égard de ce débiteur, ne peut se prévaloir des exceptions
inhérentes à la dette du débiteur principal à l’égard de ce créancier, sauf à rechercher la
responsabilité de la caution pour avoir fautivement omis d’invoquer lesdites exceptions ;
Et attendu que les exceptions invoquées par M. Y..., portant sur l’imputabilité aux consorts
X..., créanciers initiaux, de la rupture du contrat d’entreprise et l’existence d’une créance du
débiteur principal à leur égard, étant inhérentes à la dette de ce dernier envers ces créanciers,
c’est à bon droit que la cour d’appel, qui a effectué la recherche prétendument omise, a retenu
que M. Y... ne pouvait se prévaloir de ces exceptions dans ses rapports avec la banque,
caution ; que le moyen n’est pas fondé; Et attendu que le premier et le deuxième moyens ne
seraient pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ; PAR CES MOTIFS (…) :
REJETTE le pourvoi
97

4) Déclaration de créance dans les procédures collectives

Cour de cassation chambre commerciale Audience publique du 7 janvier 2003


N° de pourvoi: 99-10781

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET
ECONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt déféré (Toulouse, 2 novembre 1998), que la Caisse régionale de Crédit
agricole mutuel de Toulouse et du Midi toulousain (la Caisse) a consenti à M. X... trois prêts
pour le remboursement desquels Mme Y... s’est portée caution solidaire ; que M. X... ayant
été mis en redressement et liquidation judiciaires respectivement les 18 avril 1991 et 17
septembre 1992, le juge-commissaire a, sur proposition de M. Z..., liquidateur, admis la
créance de la Caisse, déclarée le 25 novembre 1992 ; qu’ultérieurement, la Caisse a assigné en
exécution de ses engagements Mme Y... qui a appelé en garantie M. Z..., lui reprochant de
n’avoir pas rempli normalement sa mission de vérification des créances ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que M. Z... fait grief à l’arrêt d’avoir confirmé le jugement en ce qu’il a dit qu’il avait
engagé sa responsabilité personnelle envers Mme Y... et l’a condamné à lui verser la somme
de 76 946,92 francs et de l’avoir condamné à garantir cette dernière des intérêts afférents aux
sommes qu’elle doit à la Caisse, alors selon le moyen :
1 / que la fraude du débiteur est suffisamment caractérisée par l’absence de mention de la
créance de la banque sur la liste qu’il remet au mandataire comme par le défaut
d’établissement de cette liste et entraîne comme sanction le refus d’appliquer à l’encontre de
la victime la règle que la fraude a permis de faire jouer ; qu’en décidant le contraire, bien
qu’aucune manœuvre n’ait à accompagner l’omission de déclaration d’une créance pour
constituer une fraude, la cour d’appel a violé l’article 169 de la loi du 25 janvier 1985 ;
2 / que la mission du représentant des créanciers chargé de défendre les intérêts de ceux-ci,
implique nécessairement qu’il puisse se prévaloir de la fraude effectuée par le débiteur au
détriment d’un créancier ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé l’article 46 de la
loi du 25 janvier 1985 ;
Mais attendu que le représentant des créanciers dont les attributions sont ensuite dévolues au
liquidateur ne peut légalement agir que dans l’intérêt de tous et non dans l’intérêt personnel
d’un créancier ou d’un groupe de créanciers ; qu’ayant relevé qu’en prenant sur lui de
proposer au juge-commissaire l’admission de la créance de la Caisse bien que sa déclaration
ait été manifestement tardive et que le délai pour agir en relevé de forclusion ait été expiré, M.
Z... avait manqué aux obligations de sa mission, la cour d’appel, abstraction faite des motifs
surabondants dont fait état la première branche, a légalement justifié sa décision ; que le
moyen n’est pas fondé ;
Et sur le second moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que M. Z... fait encore le même grief à l’arrêt, alors selon le moyen :
1 / que la proposition d’admission de la créance de la Caisse effectuée par le mandataire
liquidateur n’empêchait pas la caution de présenter un recours à l’encontre de la décision du
juge-commissaire y ayant fait droit ; qu’en admettant ainsi l’existence d’un lien de causalité
entre la faute de M. Z... et le principe et le préjudice invoqué par la caution, qui n’avait pu se
98

prévaloir de l’extinction de la créance cautionnée, bien que l’abstention de la caution soit la


seule cause de son préjudice, l’arrêt a violé l’article 1382 du Code civil ;
 
 
2 / qu’en retenant à l’encontre de M. Z... sa proposition fautive d’admission de la créance de
la Caisse, sans examiner les lettres du mandataire liquidateur en date des 27 janvier 1993 et 13
avril 1993, régulièrement versées aux débats, qui faisaient apparaître que les débiteurs
principaux avaient participé à la vérification des créances sans émettre aucune contestation
sur la recevabilité de la déclaration et que, partant, leur abstention était directement à l’origine
du préjudice de la caution, l’arrêt a violé ensemble l’article 1353 du Code civil et l’article 5
du nouveau Code de procédure civile ;
3 / qu’une proposition du représentant des créanciers n’emporte en elle-même aucune
conséquence, contrairement à la décision du juge-commissaire, et était fondée sur le fait que
l’administrateur croyait devoir invoquer une fraude des débiteurs principaux au détriment
d’un créancier ; que la décision du juge-commissaire, qui a fait droit à la proposition lui a
donné efficacité et a donc considéré que la créance pouvait être admise ; qu’en déclarant tout
de même responsable M. Z..., bien qu’il ne soit pas l’auteur de la décision qui a causé leur
préjudice, la cour d’appel a violé derechef l’article 1382 précité ;
Mais attendu, en premier lieu, qu’il ne résulte ni des conclusions ni de l’arrêt que M. Z... ait
soutenu devant la cour d’appel les prétentions qu’il fait valoir au soutien de la deuxième
branche du moyen qui est nouveau et mélangé de fait et de droit ;
Attendu, en second lieu, qu’après avoir relevé que la proposition fautive de M. Z... a paralysé
l’application de l’extinction de la créance qui, s’agissant d’une exception inhérente à la dette,
aurait profité à la caution, l’arrêt retient que cette seule proposition est la cause de la difficulté
; qu’en l’état de ces constatations et appréciations, la cour d’appel a pu statuer comme elle a
fait ;
D’où il suit que le moyen est irrecevable en sa deuxième branche et mal fondé pour le
surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Z... aux dépens ;
Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. Z... à payer à Mme Y...
la somme de 1800 euros et à la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Toulouse et du
Midi toulousain celle de 750 euros et rejette la demande de M. Z... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique,
et prononcé par M. le conseiller doyen faisant fonctions de président en son audience publique
du sept janvier deux mille trois.
 
Publication : Bulletin 2003 IV N° 1 p. 1

5) Défaut de déclaration de créance dans les procédures collectives

 
Cour de cassation chambre commerciale Audience publique du 3 novembre 2010
N° de pourvoi: 09-70312
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :  
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Reims, 8 septembre 2009), que le 20 septembre 2004, la SCI
99

Pereca (la SCI) a été condamnée à payer à la société Financière de crédit immobilier de
Picardie-Champagne-Ardenne (la FCI) certaines sommes au titre d’un contrat de prêt ; que la
FCI a inscrit une hypothèque judiciaire sur un immeuble appartenant à la SCI ; que les 21
avril et 15 mai 2008, la FCI a délivré commandement de payer valant saisie-vente de
l’immeuble aux associés de la SCI, M. René X..., Mme Danielle Y... épouse X..., M. Frédéric
X..., M. François X..., Mme Pénélope X..., M. Pierre X..., Mme Cassandre Y... et Mme
Rebecca X... (les consorts X...) qui avait été mise en liquidation judiciaire le 4 septembre
2007 ; que le 29 juillet 2008, la FCI a assigné la SCI et les consorts X... à comparaître devant
le juge de l’exécution à une audience d’orientation ;  
Sur le premier moyen :  
Attendu que la SCI et les consorts X... font grief à l’arrêt d’avoir déclaré irrecevables leurs
contestations tenant au pouvoir aux fins de saisie immobilière et à la compétence territoriale
de l’huissier de justice instrumentaire, alors, selon le moyen, qu’à peine d’irrecevabilité
prononcée d’office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf
disposition contraire, être formée après l’audience d’orientation ; que la contestation incidente
portant sur l’existence d’un vice de fond entachant l’acte d’huissier de justice constitue un
moyen touchant le fond du droit et peut être soulevée en tout état de cause ; qu’en déclarant
irrecevables les demandes de la SCI et des consorts X... portant sur la validité de l’acte de
saisie au regard du pouvoir et de la compétence territoriale de l’huissier de justice
instrumentaire pour la raison qu’elles n’avaient pas été présentées devant le juge de
l’exécution, quand ces demandes portaient sur un moyen touchant au fond du droit et
pouvaient, dès lors, être soulevées en tout état de cause, la cour d’appel a violé l’article 6 du
décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006 ;  
Mais attendu qu’à peine d’irrecevabilité prononcée d’office, aucune contestation ni aucune
demande incidente ne peut, sauf disposition contraire, être formée après l’audience
d’orientation, à moins qu’elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci ; qu’ayant
constaté que les contestations, formées pour la première fois en cause d’appel, avaient été
présentées après l’audience d’orientation et portaient sur le commandement valant saisie, la
cour d’appel en a exactement déduit qu’elles étaient irrecevables ; que le moyen n’est pas
fondé ;  
Sur le deuxième moyen :  
Attendu que la SCI et les consorts X... font grief à l’arrêt d’avoir dit que la créance de la FCI
était inopposable à la liquidation judiciaire de Mme Rebecca X..., alors, selon le moyen, qu’à
défaut de déclaration d’une créance dans les délais fixés par décret en Conseil d’Etat, les
créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes ; qu’en décidant qu’à
défaut de déclaration à la liquidation judiciaire de Mme Rebecca X... la créance de la FCI était
uniquement opposable à cette procédure et non pas éteinte, quand une telle sanction n’était
pas encore prévue par les textes, la cour d’appel a violé l’article L. 622-26, alinéa 1er, du code
de commerce issu de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises dans sa rédaction
antérieure à l’ordonnance du 18 décembre 2008 ;  
Mais attendu qu’il résulte de l’article L. 622-26 du code de commerce dans sa rédaction
antérieure à l’ordonnance du 18 décembre 2008 que, si les créanciers qui n’ont pas déclaré
leur créance ne sont pas, sauf à être relevés de la forclusion encourue, admis dans les
répartitions et les dividendes, cette créance n’est pas éteinte ; que la cour d’appel en a
déduit à bon droit que la créance de la FCI, qui n’avait pas été déclarée au passif de Mme
Rebecca X..., était inopposable à sa liquidation judiciaire ;  
Et attendu que le troisième moyen ne serait pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :  
REJETTE le pourvoi ;  
Publication : Bulletin 2010, IV, n° 165
100

(1) C'est « calmement » que la Cour de cassation, après les juridictions du fond (V., par ex.,
Paris, 25 févr. 2009, 5 e ch. A, RG n° 06/12522), vient faire sienne l'analyse doctrinale
unanime, forgée pour la première fois sans doute par
Pierre-Michel Le Corre, dès 2004 (P.-M. Le Corre, Les créanciers antérieurs dans le projet de
sauvegarde des entreprises, colloque CRAJEFE du 27 mars 2004, LPA 10 juin 2004, p. 25, n°
14), du sort de la créance non déclarée après suppression par la loi du 26 juillet 2005 de la
règle d'extinction de la créance. La solution n'était plus douteuse, même si la Cour de
cassation n'avait pas encore eu l'occasion de la formuler. Après la réforme de 2005, ne
subsistait plus dans l'article L. 622-26 du code de commerce que cette seule sanction pour les
créanciers n'ayant pas déclaré dans les délais, sans avoir été relevés de forclusion : l'exclusion
des répartitions et dividendes. Ce qui signifiait l'inopposabilité de la créance à la procédure.
L'intérêt de cet arrêt du 3 novembre 2010 est de voir cette «vérité » aujourd'hui prononcée par
la chambre commerciale.
Mais c'est tout. La décision ne nous apprend rien de plus, et, bien sûr, puisqu'à cette
qualification juridique de la situation du créancier forclos se limitait l'objet du pourvoi, la
Cour n'y répond à aucune des nombreuses interrogations que soulève cette « inopposabilité »
(V. le commentaire de l'art. L. 622-26 au Code des procédures collectives Dalloz). D'autant
moins que, depuis l'ordonnance du 18 décembre 2008, qui a consacré cette analyse mais à sa
manière, les questions se sont un peu déplacées. Cherchant à « pacifier » le vif débat ouvert
par la loi de 2005 sur ce point, les rédacteurs de la réforme de 2008 ont, en effet, complété
l'article L. 622-26 par cette précision
: « les créances non déclarées régulièrement dans ces délais sont inopposables au débiteur
pendant l'exécution du plan et après cette exécution lorsque les engagements énoncés dans le
plan ou décidés par le tribunal ont été tenus. Pendant l'exécution du plan, elles sont également
inopposables aux personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou
ayant affecté ou cédé un bien en garantie ». Ce dont le bon sens commande de déduire que le
législateur de 2008 a implicitement considéré comme acquise l'inopposabilité de la créance
non déclarée à la procédure durant celle-ci. De sorte que l'inopposabilité «à la procédure»
durerait tant que dure cette dernière, et qu'elle serait relayée, et là selon l'expression du
nouveau texte, par une inopposabilité au débiteur, durant le plan et après en cas de bonne
exécution de celui-ci (F. Pérochon et R. Bonhomme, Entreprises en difficulté, Instruments de
crédit et de paiement, LGDJ, 8e éd., 2009, n° 536-1).
Il en résulte plus que jamais, avec cette décision du 3 novembre 2010, que, pour les
procédures ouvertes entre le 1e r janvier 2006 et le 15 février 2009, tout comme pour celles
ouvertes depuis cette dernière date, les créances non déclarées sont inopposables à la
procédure. Une fois encore, l'interprétation de la Cour de cassation conduit à unifier les
régimes issus des réformes de 2005 et de 2008, dans une hypothèse, là, il est vrai, où n'existait
vraiment aucune alternative.
A. Lienhard

6) Fusion absorption et cautionnement

Cour de cassation chambre commerciale  Audience publique du 16 septembre 2014


REPUBLIQUE FRANCAISE
101

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


 
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :  
Sur le premier moyen :  
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Lyon, 21 mars 2013), que la société Lyonnaise de banque (la
banque) s’est rendue caution à concurrence de 38 115 euros des engagements de la société
Etablissements Charles Cuggia (la société Cuggia) envers la société Médis ; que cet
engagement était garanti par le nantissement, au profit de la banque, d’un compte à terme
d’un montant de 38 000 euros ouvert par la société Cuggia ; que le 30 novembre 2002, la
société Distribution Casino France (la société Casino) est venue aux droits de la société Médis
par l’effet d’une fusion-absorption ; que le 18 mars 2005, la société Cuggia a été mise en
liquidation judiciaire, M. X... étant désigné liquidateur (le liquidateur) ; que la créance de la
société Casino au passif de la société Cuggia ayant été fixée à une certaine somme, la banque
a payé cette somme et mis en oeuvre le nantissement ; que soutenant que celui-ci ne
garantissait pas l’engagement de caution au-delà de la date de fusion-absorption, le liquidateur
a demandé restitution de la même somme à la banque, déduction faite de celles dues à la
société Médis à cette même date ;  
Attendu que la banque fait grief à l’arrêt d’avoir dit que le nantissement du compte à terme
ouvert dans ses livres par la société Cuggia n’avait pas été affecté à la garantie des
sommes dues à la société Casino et de l’avoir, en conséquence, condamnée à payer au
liquidateur les sommes qui auraient figuré au crédit de ce compte au jour où cet arrêt serait
devenu définitif si elles n’avaient pas été versées à la société Casino, sous déduction de la
somme de 1 863, 93 euros, soit la somme de 36 130, 07 euros à parfaire, alors, selon le moyen

1°/ que la fusion-absorption entraîne la transmission universelle du patrimoine de la société
absorbée à la société absorbante, dans l’état où il se trouve à la date de l’opération ; qu’en
relevant néanmoins que la fusion-absorption de la société Medis par la société Casino avait eu
pour conséquence de limiter l’engagement de caution de la société Lyonnaise de banque aux
dettes de la société Cuggia envers la société Medis à la date de cette fusion-absorption, de
sorte que le nantissement consenti par la société Cuggia à la banque n’avait pas été affecté à la
garantie des créances de la société Casino, bien que le cautionnement garantissant le paiement
des sommes dues par la société Cuggia ait été transmis de plein droit à la société Casino par
suite de la fusion-absorption de la société Medis, la cour d’appel a violé l’article L. 236-3 du
code de commerce ;  
2°/ qu’en cas de fusion de sociétés, par voie d’absorption d’une société par une autre,
l’obligation de la caution qui s’est engagée envers la société absorbée est maintenue pour la
garantie des dates nées postérieurement à la fusion en cas de manifestation expresse de
volonté de la caution de s’engager envers la société absorbante ; qu’en se bornant néanmoins
à relever, pour juger que le nantissement consenti par la société Cuggia à la banque pour la
garantie des créances de la société Medis n’avait pas été affecté à la garantie des créances de
la société Casino, que la société Cuggia n’avait pas donné son accord à ce transfert faute
d’avoir été informée avant sa mise en liquidation judiciaire de ce que la société Lyonnaise de
banque entendait maintenir sa caution au profit de la société Casino, sans rechercher, comme
elle y était pourtant invitée, si la circonstance que la société Cuggia ait continué après la
fusion-absorption à payer la commission de caution établissait la volonté de la société Cuggia
de voir le cautionnement maintenu au profit de la société Casino, de sorte que la volonté
manifestée par la banque, lors de la liquidation judiciaire de la société Cuggia, de s’engager
au profit du nouveau créancier emportait le maintien du cautionnement pour la garantie des
dettes nées postérieurement à la fusion et, par suite, le transfert du nantissement initialement
affecté à la garantie des créances de la société Medis, la cour d’appel a privé sa décision de
102

base légale au regard de l’article 2292 du code civil, ensemble l’article L. 236-1 du code de
commerce ;  
3°/ que si le silence ne vaut pas à lui seul acceptation, il n’en est pas de même lorsque les
circonstances permettent de donner à ce silence la signification d’une acceptation ; qu’en
affirmant néanmoins que le silence du liquidateur faisant suite au courrier lui ayant été
adressé le 6 décembre 2005 par la banque pour l’informer qu’elle réglerait, en qualité de
caution, à la société Casino la somme de 38 115 euros en libérant le compte à terme
garantissant le cautionnement des sommes dues à la société Medis ne pouvait valoir
acceptation tacite de ce transfert de garantie au profit du nouvel engagement de caution
souscrit par la banque, après avoir pourtant constaté que le liquidateur avait bénéficié d’une
information préalable et ne s’était pas opposé au paiement par la banque, ce dont il se
déduisait qu’il avait tacitement donné son accord à l’exécution par la banque de son
engagement de caution, la cour d’appel a violé les articles 1108 et 1134 du code civil ;  
Mais attendu, en premier lieu, que la cour d’appel a retenu à bon droit que la fusion-
absorption de la société Médis, entraînant sa disparition avait eu pour conséquence de
limiter l’engagement de caution de la banque aux sommes dues par la société Cuggia à
la date de cette fusion-absorption ;  
Attendu, en second lieu, que l’arrêt retient que si la banque a accepté de cautionner à
l’égard de la société absorbante de nouvelles dettes de la société Cuggia, ce seul
engagement n’a pu, à défaut d’accord de celle-ci ou de son liquidateur, avoir pour effet
de transférer la garantie dont était assorti le cautionnement antérieurement consenti en
faveur de la société absorbée ; qu’il retient encore qu’un tel accord ne saurait se déduire du
seul paiement par la société Cuggia des frais afférents à la caution ni du maintien de ses
relations commerciales avec la société Casino, dès lors qu’elle n’avait pas connaissance à
cette date de la volonté de la banque de maintenir sa caution envers cette dernière, ni du
silence du liquidateur à réception du courrier de la banque du 6 décembre 2005 l’informant
qu’elle exécuterait son engagement de caution envers la société Casino ; que par ces
constatations et appréciations souveraines de la valeur et la portée des éléments de preuve qui
lui étaient soumis, la cour d’appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a
légalement justifié sa décision ;  
D’où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa deuxième branche, n’est pas fondé
pour le surplus ;  
Et attendu que le second moyen ne serait pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;  
PAR CES MOTIFS :  
REJETTE le pourvoi ;  
Publication : Bulletin 2014, IV, n° 117
 Décision attaquée : Cour d’appel de Lyon , du 21 mars 2013

 
7) Fusion disparition du débiteur et cautionnement

Le : 08/07/2020
 
 
Cour de cassation chambre commerciale Audience publique du 8 novembre 2005
 
REPUBLIQUE FRANCAISE
 
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 
103

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET
ECONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt confirmatif attaqué, rendu sur renvoi après cassation (3e chambre civile,
16 février 2000, pourvoi n° 98-15.148), que la SCI du 75, Champs-Elysées (la SCI) a loué des
locaux à usage de bureaux à la société Promotion ingénierie Immobilière (la société PII),
devenue Société d’investissements immobiliers d’Ile-de-France (société SIIIF) ; qu’avant de
prendre cette dernière dénomination, la société PII a cédé les baux à une société portant
également le nom de Promotion ingénierie immobilière, se portant, à cette occasion,
caution et garant solidaire au profit du bailleur du paiement des loyers et charges, pour
la durée des baux ; que la société PII, titulaire des baux, a, par la suite, fait l’objet d’une
fusion-absorption par la société Cye holding ; qu’à la suite d’un commandement de payer
resté sans effet, la SCI a assigné en résolution des baux et en paiement la société Cye holding,
ainsi que la société SIIIF en sa qualité de caution solidaire ;
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Attendu que la SCI reproche à l’arrêt attaqué d’avoir rejeté ses demandes dirigées à
l’encontre de la société SIIIF, alors, selon le moyen ; que l’engagement de la caution
demeure valable lorsque la fusion-absorption de la société débitrice a été frauduleusement
motivée par l’intention de faire échapper la caution à son engagement envers le créancier ;
que dans ses conclusions d’appel elle a fait valoir que la fusion dont a été l’objet la société
PII, société débitrice, procédait d’une collusion frauduleuse entre la société caution, la société
SIIIF, la société débitrice absorbée et la société Cye Holding, qui avaient toutes, pour
président directeur général, M. X..., véritable artisan de la fusion ; que pour refuser de retenir
la collusion frauduleuse ainsi invoquée la cour d’appel a affirmé que la SCI invoquait
vainement une collusion frauduleuse entre les sociétés SIIIF et Cye holding, sans en rapporter
la preuve et qu’à la date de la fusion tous les loyers étaient échus ; qu’en statuant ainsi, sans
rechercher comme elle y était invitée, si le fait que les trois sociétés avaient le même dirigeant
social n’était pas de nature à établir une collusion frauduleuse, la cour d’appel a privé sa
décision de base légale au regard des articles L. 236-3 du Code de commerce et 2015 du Code
civil ;
Mais attendu que c’est par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui
étaient soumis que la cour d’appel, qui n’était pas tenue de suivre la SCI dans le détail
de son argumentation, a estimé que la preuve de la collusion frauduleuse invoquée par
celle-ci n’était pas établie ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur la recevabilité de la première branche du moyen contestée par la défense :
 Attendu que la société Réaumur participations, venant aux droits de la société SIIIF, oppose
que le moyen est irrecevable, comme tendant à remettre en cause la doctrine de la Cour de
Cassation énoncée dans son arrêt du 16 février 2000 et appliquée par la juridiction de renvoi ;
 Mais attendu que le moyen qui critique l’arrêt en ce qu’il n’a pas recherché à quelle date était
née la dette de loyers dans le patrimoine du débiteur ne tend pas à remettre en cause la
doctrine énoncée par la Cour de Cassation dans son arrêt du 16 février 2000, lequel s’est
seulement prononcé sur les conditions dans lesquelles la caution pouvait être tenue des dettes
du débiteur dans le cas de la fusion-absorption de celui-ci ; que le moyen est donc recevable ;
 Mais sur le moyen unique, pris en sa première branche :
 Vu les articles 2015 du Code civil et L. 236-3 du Code de commerce ;
 Attendu qu’en cas de dissolution d’une société par voie de fusion-absorption par une
autre société, l’engagement de la caution garantissant le paiement des loyers consenti à
la première demeure pour les obligations nées avant la dissolution de celle-ci ;
 Attendu que pour rejeter les demandes formées par la SCI à l’encontre de sa société SIIIF,
l’arrêt retient que la fusion ayant entraîné la disparition de la société PII que cautionnait la
104

78654société SIIIF, celle-ci devait donc obligatoirement réitérer son engagement au profit de
la société absorbante, Cye holding, pour que la SCI puisse lui réclamer le paiement des loyers
impayés du chef de cette dernière ;
 Attendu qu’en statuant ainsi, alors que le contrat de bail en exécution duquel étaient
dus les loyers avait été souscrit par la société PII avant sa dissolution, et qu’ainsi, la
dette était née avant la fusion, peu important qu’elle n’ait pas été exigible à cette date, la
cour d’appel a violé les dispositions susvisées ;
 PAR CES MOTIFS :
 CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 28 mai 2002, entre les
parties, par la cour d’appel de Versailles ;
 remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit
arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Orléans ;
Publication : Bulletin 2005 IV N° 219 p. 235
Décision attaquée : Cour d’appel de Versailles , du 28 mai 2002

8) Fusion et garantie autonome

Cour de cassation chambre commerciale Audience publique du 31 janvier 2017


 
REPUBLIQUE FRANCAISE
 
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
 Sur le premier moyen :
 Vu les articles 2321 du code civil et L. 236-3 du code de commerce ;
 Attendu que, sauf convention contraire, la garantie autonome, qui ne suit pas
l’obligation garantie, n’est pas transmise en cas de scission de la société bénéficiaire de
la garantie ;
 Attendu, selon l’arrêt attaqué, que par contrat des 26 octobre et 9 novembre 2004, la société
Hôtel les Grandes Rousses a donné son fonds de commerce d’hôtel-bar-restaurant en location-
gérance à la société HMC les Grandes Rousses ; que celle-ci a, en exécution du contrat, remis
à la société Hôtel les Grandes Rousses une garantie à première demande consentie le 3
novembre 2004 par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Pyrénées Gascogne (la
banque) ; que la société Hôtel les Grandes Rousses a, pendant le cours du contrat de location-
gérance, fait l’objet d’une scission emportant transmission de sa branche d’activité de l’hôtel
les Grandes Rousses au profit de la société Nouvelle les Grandes Rousses ; que la société
HMC les Grandes Rousses ayant résilié le contrat de location-gérance, la société nouvelle les
Grandes Rousses, après avoir vainement mis cette dernière en demeure d’exécuter ses
obligations, a, par lettre du 30 juin 2011, demandé à la banque de mettre en œuvre la garantie,
puis l’a assignée en paiement ;
 Attendu que pour dire que la société nouvelle les Grandes Rousses est en droit de
revendiquer le bénéfice de la garantie à première demande qui lui a été consentie par la
banque, l’arrêt, après avoir retenu que, sauf clause contraire, la transmission universelle du
patrimoine qui résulte d’une opération de fusion ou de scission n’est pas incompatible avec le
caractère intuitu personae de cette garantie, constate que la société Hôtel les Grandes Rousses,
bénéficiaire de la garantie originaire, a fait l’objet d’une scission ayant eu pour effet de
105

transférer à la société nouvelle les Grandes Rousses la totalité de sa branche d’activité


hôtelière à compter du 1er novembre 2005, et que la garantie à première demande accordée au
titre de la location-gérance de l’hôtel se rattache à l’activité hôtelière cédée ; qu’il en déduit
qu’il n’y avait lieu ni de mentionner l’existence de cette garantie dans l’acte de scission, ni de
recueillir le consentement exprès de la banque sur le transfert de garantie ;
 Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
 CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 19 mars 2015, entre les
parties, par la cour d’appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état
où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel
de Bordeaux ;
 
Décision attaquée : Cour d’appel de Pau, du 19 mars 2015

9) Lettre d’intention

Cour de cassation chambre commerciale Audience publique du 26 février 2002

REPUBLIQUE FRANCAISE
 
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Lyon, 6 novembre 1998), que la Banque populaire de
Bourgogne a accordé à la société Loiseau mécanique (société Loiseau) divers concours
financiers ; que, pour obtenir le maintien des crédits de trésorerie et de découvert, la société
Sofiber, aujourd’hui dénommée Exel industries, actionnaire majoritaire, a remis à la banque
une lettre d’intention, dont la durée de validité était fixée au 30 septembre 1993 ; que, le 23
septembre 1993, la banque a signifié à la société Loiseau qu’elle n’était plus disposée à
maintenir les crédits à durée indéterminée consentis qui prendraient fin à l’expiration d’un
délai de 30 jours pour l’escompte commercial et autres crédits de mobilisation de créances et
de 60 jours pour les autres concours ; qu’elle a dénoncé cet avis à la société Sofiber le même
jour ; que la société Loiseau ayant été mise en redressement judiciaire, la Banque populaire de
Bourgogne a assigné la société Sofiber en paiement des sommes dues par la première,
invoquant l’engagement pris par la lettre d’intention ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la société Sofiber fait grief à l’arrêt de sa condamnation à payer à la Banque
populaire de Bourgogne la somme de 1 300 000 francs, alors, selon le moyen :
1° que l’engagement pris par une société “ de faire le nécessaire “ pour qu’une de ses filiales
“ dispose d’une trésorerie suffisante pour faire face à ses engagements “ constitue une
obligation de moyens et non de résultat, la cour d’appel a violé les articles 1134 et 1147
du Code civil ;
2° que toute garantie donnée par le président du conseil d’administration d’une société
anonyme des engagements de tiers, notamment d’une filiale, devant être préalablement
autorisée par le conseil d’administration, la cour d’appel s’est prononcée par un motif
inopérant, en violation des articles 455 du nouveau Code de procédure civile, 1134 et 1147 du
Code civil, et 98 de la loi du 24 juillet 1966, en déduisant de l’existence d’une telle
autorisation que l’engagement de garantie donné par le président s’analysait en une obligation
de résultat et non en une obligation de moyens ;
106

Mais attendu qu’ayant relevé que la lettre litigieuse contenait l’engagement ferme de la
société Sofiber de faire le nécessaire pour que la société Loiseau dispose d’une trésorerie
suffisante lui permettant de faire face à ses engagements au titre des crédits de trésorerie
et de découvert envers la Banque de Bourgogne, ce dont elle a déduit que la première
s’obligeait à l’obtention du résultat, la cour d’appel, qui ne s’est pas fondée sur l’existence
d’une autorisation du conseil d’administration, a pu décider que le souscripteur de la lettre
avait garanti au créancier le remboursement de la dette en cas de défaillance de
l’emprunteur ; d’où il suit que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le second moyen, pris en ses deux branches :
 Attendu que la société Sofiber fait le même grief à l’arrêt alors, selon le moyen :
 1° que la dénonciation d’un concours consenti par un organisme de crédit n’ayant pas pour
effet, sauf circonstances particulières, de rendre ce concours exigible, mais de fixer le point de
départ du délai contractuel à l’issue duquel il le deviendrait, la cour d’appel a violé l’article 60
de la loi du 24 janvier 1984 en fixant l’exigibilité des crédits consentis par la Banque
populaire de Bourgogne à la société Loiseau à la date de leur dénonciation ;
 2° que, ayant relevé que la garantie de la société Sofiber expirait le 30 septembre 1993, et que
par son courrier du 23 septembre 1993 la banque signifiait à la société Loiseau que les crédits
qu’elle lui avait consentis prendraient fin à l’expiration d’un délai de 30 jours pour l’escompte
commercial et autres crédits de mobilisation de créances et de 60 jours pour les autres
concours, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, et a violé
l’article 1134 du Code civil, en énonçant que les crédits consentis à la société Loiseau étaient
devenus exigibles avant l’expiration de la garantie donnée par la société Sofiber ;
 Mais attendu, d’une part, que l’arrêt ne fixe pas l’exigibilité des crédits à la date de leur
dénonciation ;
 Attendu, d’autre part, qu’en retenant que la dénonciation par la Banque populaire de
Bourgogne des concours octroyés à la société Sofiber et l’invocation du bénéfice de la
garantie avant l’arrivée du terme empêchait le souscripteur de la lettre d’opposer à la banque
l’extinction de son engagement, la cour d’appel, qui a fait ressortir que la dette du débiteur
principal était antérieure à la date limite de la garantie, a appliqué la loi du contrat ;
D’où il suit qu’irrecevable en sa première branche, le moyen n’est pas fondé pour le
surplus ; Par ces motifs :
 REJETTE le pourvoi.
 Publication : Bulletin 2002 IV N° 43 p. 43
Décision attaquée : Cour d’appel de Lyon, du 6 novembre 199

10) Droit de rétention et procédure collective

Cour de cassation chambre commerciale Audience publique du 20 mai 1997

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


 
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Pau, 13 octobre 1994), que la société Carrosserie Lahitte
(société Lahitte), qui avait effectué des travaux sur un véhicule de la société Spavia, mise en
redressement puis en liquidation judiciaires, a, invoquant un droit de rétention, refusé de
remettre ce véhicule au liquidateur judiciaire ;
107

Attendu que le liquidateur fait grief à l’arrêt d’avoir dit que la société Lahitte exerçait à juste
titre le droit de rétention pour avoir paiement de la somme de 64 211,05 francs, montant de la
créance déclarée au passif de la société Spavia à titre chirographaire, alors, selon le pourvoi,
que le droit de rétention, droit réel dont le régime juridique est assimilé à celui du gage par
l’article 159 de la loi du 25 janvier 1985, constitue une sûreté au sens de l’article 51 de la
même loi ; d’où il suit que la cour d’appel, qui décide que la société Lahitte, qui a déclaré, à
titre chirographaire, sa créance à la liquidation judiciaire de la société Spavia, oppose à juste
titre au liquidateur, son droit de rétention sur le véhicule appartenant à la société débitrice, a
violé les textes susvisés ;
Mais attendu que le droit de rétention n’est pas une sûreté et n’est pas assimilable au gage ;
que, dès lors que le rétenteur a déclaré au passif sa créance, le liquidateur judiciaire ne peut
retirer la chose retenue qu’en payant, avec l’autorisation du juge-commissaire, cette créance ;
qu’il peut aussi procéder à sa réalisation, sous la même autorisation, dans les 6 mois du
jugement de liquidation, le droit de rétention du créancier étant de plein droit reporté sur le
prix ; que c’est donc à bon droit qu’en l’absence de paiement de la créance de la société
Lahitte la cour d’appel a dit opposable son droit de rétention au liquidateur judiciaire ; que le
moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi.
 
Publication : Bulletin 1997 IV N° 141 p. 126
Décision attaquée : Cour d’appel de Pau , du 13 octobre 1994

11) Droit de rétention et Gage

Cass. com., 31 mai 1994


Sur le moyen unique :
Vu l’article 1134 du Code civil ; Attendu, selon l’arrêt attaqué, rendu en matière de référé,
que la société Fiat crédit France (société FCF) a accordé à la société Armor auto, depuis en
liquidation judiciaire, des prêts destinés à l’achat de véhicules automobiles ; que, pour la
garantie de ces prêts, la société Armor auto a remis les pièces administratives d’un certain
nombre de véhicules ; que la société Sofinco, agissant en qualité de mandataire de la société
FCF, a déclaré, à la procédure collective, une créance de 280 000 francs, à titre
chirographaire, représentant le montant des échéances des divers prêts en cours et a entendu
exercer un droit de rétention sur les pièces administratives en sa possession ; que le
liquidateur de la société Armor, qui a obtenu du juge des référés la restitution des pièces
litigieuses, a procédé à la vente des véhicules et en a consigné le prix ; que la société FCF a
demandé aux juges du second degré que, par la réformation de l’ordonnance entreprise, soit
reconnue la légitimité de l’exercice de son droit de rétention sur les pièces administratives et
que, par voie de conséquence, le prix de vente des véhicules lui soit attribué pour le paiement
de ses créances ;
Attendu que, pour débouter la société FCF de sa demande, l’arrêt retient que, s’agissant de
véhicules automobiles, la possession fictive du créancier gagiste sur le véhicule gagé ne prend
effet que par la délivrance du reçu de la déclaration de gage à la préfecture, qu’à défaut
d’avoir procédé à un tel enregistrement pour les véhicules financés à la société Armor auto, la
société FCF ne peut prétendre bénéficier d’un droit de gage fictif sur ces véhicules à travers
les documents administratifs qui lui ont été remis, ni des avantages consentis à ce type de
privilège en cas de procédure collective, que de même elle ne saurait prétendre à un droit de
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rétention sur ces mêmes documents qui ne constituent plus, dès lors, que les accessoires de
ces véhicules sur lesquels elle ne dispose en droit d’aucune garantie ; Attendu qu’en se
déterminant ainsi, alors que les parties n’avaient pas entendu inscrire un gage sur les véhicules
et que la détention des documents litigieux et la créance de la société FCF avaient leur source
dans un même rapport juridique, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

12) Réserve de propriété et procédure collective

Cour de cassation chambre commerciale Audience publique du 15 octobre 2013

REPUBLIQUE FRANCAISE
 
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :  
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Douai, 7 décembre 2011), que la société Fleurbaix distribution
(la société Fleurbaix) a été mise en liquidation judiciaire le 28 octobre 2008 ; que la société
CSF, aux droits de laquelle est venue la société CSF France, avec laquelle la société Fleurbaix
avait conclu un contrat d’approvisionnement non exclusif, incluant une clause de réserve de
propriété, a déclaré à titre privilégié une créance d’un montant de 14 198,25 euros ; que le
liquidateur a contesté le caractère privilégié de la créance ;
Attendu que la société CSF France fait grief à l’arrêt d’avoir confirmé l’ordonnance du juge-
commissaire en ce qu’elle a dit que le caractère privilégié de la créance déclarée par la
société CSF France, à la liquidation judiciaire de la société Fleurbaix, n’était pas justifié
et devait, en conséquence, être rejeté, alors, selon le moyen, que la propriété réservée
constitue une sûreté opposable à la procédure collective, sans exercice de l’action en
revendication ; qu’en l’espèce, la cour, qui a décidé que la créance de la société CSF France
ne pouvait être admise à titre privilégié, car, faute d’action en revendication exercée dans le
délai légal, le droit de propriété de la créancière était inopposable à la procédure
collective, a violé les articles 2323 et 2329 du code civil, ensemble les articles L. 624-9 et
L. 622-25 du code de commerce ;
Mais attendu qu’en application des dispositions combinées des articles 2329 du code civil et
L. 624-9 du code de commerce, si la clause de réserve de propriété constitue une sûreté
réelle, elle ne confère à son bénéficiaire aucun droit de préférence dans les répartitions ;
que par ce motif de pur droit substitué à ceux de la cour d’appel, après avertissement donné au
demandeur au pourvoi, l’arrêt se trouve justifié ; que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi n° S 12-14.944 ;
REJETTE le pourvoi n° S 13-10.463 ;

Le titulaire de la réserve de propriété n’a pas un droit de préférence. Il avait à


revendiquer son bien mais aussi à déclarer sa créance. Si la valeur du bien repris est
inférieure à sa créance, il sera pour le surplus, créancier chirographaire.

13 ) Hypothèques judiciaires
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Cour de cassation chambre civile 1 Audience publique du 14 mars 2012


REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :  
 Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’un jugement du 8 avril 1994 a condamné M. X..., en sa
qualité de caution d’une société, à payer une somme à la société Banque populaire Lorraine
Champagne (la banque) ; que, le 10 mars 1995, celle-ci a publié deux “inscriptions
provisoires” d’hypothèques sur un immeuble propriété indivise de M. X... et de son
épouse, Mme Y... ; que, par acte du 28 mars 1997, les époux ont donné la nue-propriété
de cet immeuble à leurs enfants en stipulant son inaliénabilité ; que, par arrêt du 24 mars
1998, le jugement a été confirmé ; que le 19 juin 1998, la banque a publié une “inscription
définitive” sur l’immeuble indivis ; que le 30 juin 2000, la banque a assigné les indivisaires en
liquidation et partage en demandant, pour y parvenir, la licitation de l’immeuble indivis ; que
le 20 décembre 2002, la banque a publié une autre “inscription définitive” sur le même
immeuble fondée sur un nouvel arrêt de cour d’appel du 15 octobre 2002 ayant à nouveau
condamné M. X... ; que le 23 novembre 2004, les époux ont procédé au partage de leur
indivision ; que par jugement du 15 avril 2005, le tribunal, statuant sur l’assignation du 30
juin 2000, a ordonné le partage et la licitation de l’immeuble indivis ; que Mme X... a formé
appel de ce jugement ; que le 19 mars 2010, le juge de l’exécution, d’une part, a ordonné la
radiation de “l’inscription provisoire” du 10 mars 1995, celle-ci étant caduque faute d’être
intervenue dans le délai de deux mois du jour où le titre est passé en force de chose jugée et,
d’autre part, a dit que “l’inscription définitive” du 20 décembre 2002 est valable mais qu’elle
prend rang à sa date ; que l’arrêt attaqué, infirmant le jugement du 15 avril 2005 en ce qu’il a
ordonné la licitation de l’immeuble, a dit que les “hypothèques provisoires” du 10 mars 1995
sont rétroactivement privées d’effet, a annulé le partage du 23 novembre 2004 et a ordonné le
partage de l’indivision, sans que celui-ci puisse porter atteinte à la donation du 28 mars 1997,
notamment à la clause d’inaliénabilité stipulée ;
 Sur le moyen unique du pourvoi principal :
 Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir annulé le partage du 23 novembre 2004 et
d’avoir ordonné un nouveau partage ;
 Attendu que, d’abord, ayant relevé que les inscriptions étaient intervenues au vu des
arrêts ayant prononcé des condamnations contre M. X..., c’est à bon droit que la cour
d’appel a retenu que les sûretés, étant assises sur une décision de justice, constituaient
des hypothèques judiciaires prenant rang au jour de leur inscription et qu’ainsi la
banque en bénéficiait au jour du partage du 23 novembre 2004 intervenu au mépris de
l’opposition de celle-ci, constituée pas l’assignation en partage qu’elle avait fait délivrer
aux époux indivisaires ; qu’ensuite la cour d’appel n’était pas tenue de répondre aux
conclusions inopérantes par lesquelles Mme X... faisait valoir qu’un jugement définitif du 2
mars 2007 avait déclaré le partage régulier en la forme ; qu’en ses deux premières branches et
en sa quatrième le moyen n’est donc pas fondé ; qu’en sa troisième, il est nouveau et, mélangé
de fait, irrecevable ;
 Mais sur la première branche du second moyen du pourvoi incident :
 Vu l’article 2123 ancien du code civil et les articles 77 et suivants de la loi n° 91-650 du 9
juillet 1991 ;
Attendu que l’hypothèque judiciaire résulte des jugements, soit contradictoires, soit par
défaut, définitifs ou provisoires, en faveur de celui qui les a obtenus ;
Attendu que, pour décider que les hypothèques du 10 mars 1995 sont rétroactivement privées
d’effet et que le partage ne pouvait porter atteinte à la donation du 28 mars 1997 et,
notamment, à la clause d’inaliénabilité stipulée dans cet acte, l’arrêt attaqué retient que
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l’hypothèque judiciaire définitive de 1998 a été inscrite le 19 juin 1998 au-delà du délai de
deux mois suivant le prononcé de l’arrêt du 24 mars 1998, expirant le 24 mai 1998, de sorte
qu’elles n’ont pas été confirmées par une inscription définitive dans le délai requis ;
 Qu’en statuant ainsi après avoir constaté que l’hypothèque avait été inscrite au vu d’un
jugement du 8 avril 1994, lequel a été confirmé par un arrêt du 24 mars 1998, de sorte
que cette hypothèque était celle que la loi attache aux jugements de condamnation et
découlait de plein droit de ce jugement et n’était pas soumise aux dispositions de la loi n°
91-650 du 9 juillet 1991 et de son décret d’application du 31 juillet 1992, relatives aux
mesures conservatoires provisoires, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
 PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le premier moyen du pourvoi
incident :
 CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a décidé que les hypothèques provisoires
du 10 mars 1995 sont rétroactivement privées d’effet et que le partage ordonné ne peut porter
atteinte à la donation du 28 mars 1997, l’arrêt rendu le 13 septembre 2010, entre les parties,
par la cour d’appel de Nancy ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties
dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la
cour d’appel de Metz ;
 Publication : Bulletin 2012, I, n° 57
 Décision attaquée : Cour d’appel de Nancy, du 13 septembre 2010.

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