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GROUPE EM GABON UNIVERSITE

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Institut des Etudes Juridiques et de Sciences Politiques
I.E.J.S.P
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DROIT FORESTIER ET GESTION DES ESPACES PROTEGES

Docteur EKOMO Fabrice


Enseignant chercheur

ekomofabrice@rocketmail.com
SOMMAIRE

Introduction

Chapitre I. Formation et évolution du droit forestier

Chapitre II : Les sources du droit forestier

Chapitre II. Les caractéristiques du droit forestier

Chapitre III. Les finalités du droit forestier

Chapitre IV. Le règlement des litiges

Chapitre V. Les sanctions

Conclusion

Bibliographie sélective
-DOUMBE-BILLE, S., Le droit forestier en Afrique centrale et occidentale : analyse comparée, FAO,
Etude juridique en ligne n° 41, décembre 2004.

-DU SAUSSEY, Ch., « La protection des forêts en droit africain », in Forêt et environnement, Paris,
PUF, 1984.

-FAO, 2005. Global Forest Resources Assessment, www.fao.org/forestry/site:fra2005/fr.

-FAO, Situation des forêts du monde 2007, www.fao.org.


-MEKOUAR, A. « Evolution du droit forestier de Rio à Johannesburg : un aperçu comparatif », in Le
droit forestier au XXIème siècle. Aspects internationaux, Paris, L’Harmattan, 2004.

-PRIEUR, M., « Les forêts et l’environnement en droit français », in Forêts et environnement, Paris,
PUF, 1984.

-PRIEUR, M. et DOUMBE-BILLE, S. (sous la dir.), Droit, forêts et développement durable, Bruxelles,


Bruylant, 1996.

-Rapport final du Fonds fiduciaire pour le renforcement de la gouvernance dans le secteur forestier
dans la situation post-conflit en RDC, juin 2005, p. 5, point 8.

- Ministère de l'Economie, de l'Emploi et du Développement Durable, 4 eme rapport national sur la


biodiversité.

- Loi n° 016-01 portant Code forestier du 31 décembre 2001.

- « Le secteur forestier, les différents acteurs et leurs implications spatiales », Disponible sur : These1-
2.pdf.
Introduction

1. Brève présentation de la République Gabonaise

Le Gabon est situé en Afrique Centrale de part et d’autre de l’Equateur, le long


de la Côte occidentale, entre les latitudes 2°30N et 3°55S. Selon le dernier
recensement la population gabonaise s’élève à 2.341 millions d’habitants avec
un taux croissance moyenne de 2,2 à 2,5 %. Cette population, peu dense
(environ 5 habitants au km²), occupe une superficie de 267 667 km².
Essentiellement urbaine à hauteur de 75 %, la population gabonaise est
inégalement répartie sur l’ensemble du territoire. 1

2. Présentation des forêts gabonaises et des espaces protégés

a. Etendue

Pays forestier par excellence, le Gabon dispose d’une importante superficie


forestière à près de 22 millions d’hectares (85 % du territoire) dont 40 %
demeurent encore à l’état primaire. La forêt gabonaise compte six types de
formations végétales : forêts inondées et marécageuses ; forêts du bassin côtier
; forêts de montagnes ; forêts des plateaux de l’intérieur ; forêts des plateaux
du Nord-Est ; forêts dégradées ou secondaires. Cet écosystème forestier côtoie
une mosaïque de milieux naturels (savanes et steppes, estuaires et lagunes,
mangroves, montagnes), indicateurs d'une diversité biologique composite.

1Ministère de l'Economie, de l'Emploi et du Développement Durable, 4 eme rapport national sur la


biodiversité, ga-nr-04-fr.pdf, consulté le 30/12:2023, p.1.
Concernant les écosystèmes agricoles, il est à noter que le Gabon est un pays
faiblement agricole où les terres cultivées ne représentent que 5% de la
superficie totale, et où la population rurale avoisine 25% de la population totale.
La connaissance de l’état des lieux des écosystèmes agricoles existent de façon
éparse et ne sont quasiment pas disponibles. Toutefois, il en résulte que la
biodiversité agricole est moyenne élevée. Cette biodiversité se base sur une
agriculture de plantation (café, cacao, palmier à huile, canne à sucre) et une
agriculture de subsistance, avec des spéculations vivrières de consommation
courante (bananes et plantains, maniocs, taro, igname, ...).

La flore et la faune du Gabon sont d'autant plus remarquables que la forêt


équatoriale y est encore bien préservée et sont caractérisés par fort taux
d'endémisme. Plusieurs familles d'espèces végétales font l’originalité de sa
flore, notamment les Caesalpiniaceae, les Burseracae, les Olacaceae, les
Anacardiaceae. Sur la base de données relatives à plus de 65 000 spécimens
d'herbier, 4 170 plantes vasculaires ont été recensées. Cette diversité végétale
renferme près de 11% de plantes endémiques

A ce jour, le Gabon compterait environ 190 espèces de Mammifères dont 19


espèces de Primates, parmi lesquels des Mandrills, des Colobe, 35 000 Gorilles
64 000 Chimpanzés et environ 85 000 Eléphants et 500 individus
d’Hippopotames ; 20 espèces de Carnivores (Canidés, Félidés, Hyanidés,
Mustelidés et Viverridés). Ainsi que 13 espèces d’Artiodactyles (Suidés,
Tragulidés et Bovidés).
L’Avifaune aquatique compte près de 20 espèces. On distingue environ 90
espèces paléarctiques en provenance d’Europe et d’Asie et près de 50 espèces
d’Oiseaux migrateurs exclusivement africains.

Pour la faune des papillons, elle s’avère très riche en espèces (environ 950
espèces de papillons diurnes contre 10 à 15 fois plus d’espèces nocturnes).

On dénombre également 88 espèces d’Amphibiens, 121 espèces de Reptiles


dont 13 espèces Cheloniennes ou Tortues 3 espèces de Crocodiles, 70 espèces
de serpents (Ophidiens) 32 espèces de Lézards (Lacertiliens).

La faune ichtyologique des eaux gabonaises répertorie près de 540 espèces de


poissons, dont 471 poissons osseux (Téléostéens) et 69 poissons cartilagineux
(Chondrichtyens). On compte aussi près de 163 espèces océaniques ou
strictement marines (155 Téléostéenes et 48 Chondrichtyenes) qui vivent en
haute mer, au-delà du plateau continental.2 La faune ichtyologique des eaux
douces compte environ 275 espèces appartenant à diverses familles, dont 27
espèces sont endémiques ou sub-endémiques.

Conscient de la richesse de son patrimoine naturel exceptionnel, abritant une


faune et une flore uniques, le Gabon a élaboré une Stratégie Nationale et un
Plan d'Action sur la Diversité Biologique (SNPA-DB), dont la première action a
été de renforcer la conservation in situ. D'où la création, en 2002, de 13 parcs
nationaux, couvrant 11 % du territoire national, et la mise en place de l'Agence
Nationale des Parcs Nationaux (ANPN) pour la gestion de ces parcs. L’Etat a

2Ministère de l'Economie, de l'Emploi et du Développement Durable, 4 eme rapport national sur la


biodiversité, Op. Cit., p.1.
aussi privilégié l’établissement d'Aires Protégées Transfrontières ou APT, gérées
par le Réseau d’Aires Protégées d’Afrique Centrale (RAPAC). Une autre action a
concerné la révision de la liste des espèces menacées.3

b. Les traits physiques

Les principaux traits physiques connus sont les forêts denses et humides, les
forêts de montagne, les forêts denses sèches, les forêts bambou, les forêts
claires, les forêts sur sol hydro morphe, les galeries forestières, les forêts de
mangrove, diverses forêts secondaires. Il est fort probable – pour des raisons
liées au manque d’inventaire et de statistiques fiables – que la forêt gabonaise
n’ait pas encore fini de dévoiler ses facettes et ses multiples secrets. Aussi,
serait-il prudent de considérer ces traits comme indicatifs.

c. L’érosion du couvert forestier


eme
Selon le 4 rapport national du Ministère de l'Economie, de l'Emploi et du
Développement Durable au Gabon sur la biodiversité, au Gabon, la dynamique
de déforestation reste relativement faible, avec un taux de 0,09 % par an, pour
une moyenne régionale annuelle de 0,21 % (Etat des forêts, 2006). 4
Outre l'exploitation forestière, les autres principales causes de la déforestation
sont les activités agricoles (agriculture vivrière essentiellement sur brûlis) et les
activités de collecte de bois-énergie (bois de chauffe), de bois de service, de

3 Ministère de l'Economie, de l'Emploi et du Développement Durable, 4 eme rapport national sur la


biodiversité, Op. Cit., p.1.
4 Ibid.p.57.
produits de la pharmacopée traditionnelle, principalement autour des villes et
dans les zones rurales à forte densité de population. L’agro-industrie est
également responsable du défrichement de plusieurs hectares de forêts et
d’une perte considérable de la biodiversité, dans la mesure où les plantations
de rente mises en place sont monospécifiques (palmiers, hévéa) et que les
espèces ont transformé les habitats dans lesquels elles ont été introduites. La
déforestation peut mener à la disparition de certaines portions d'habitats des
espèces inféodées aux forêts (effet lisière, par exemple, sur des populations
d'oiseaux).
La fragmentation est une division par déforestation d'une forêt à l'origine
continue en plusieurs blocs isolés (par exemple, une coupure physique par des
routes). La barrière ainsi constituée peut générer des difficultés d'accès aux
ressources ou limiter les déplacements de certains animaux, avec pour
conséquences des réductions de possibilité de reproduction, donc des
diminutions potentielles de la taille des populations.5
L'interruption de la canopée peut également avoir des répercussions sur les
espèces arboricoles et les oiseaux du sous étage qui ont besoin du couvert
forestier.
D'où la présence au sol d'espèces arboricoles, notamment les singes
(cercopithèques, hocheurs, moustacs, ...) qui sont obligés de descendre pour se
nourrir et se rendent ainsi plus vulnérables. La fragmentation peut également

5Ministère de l'Economie, de l'Emploi et du Développement Durable, 4 eme rapport national sur la


biodiversité, Op. Cit., p.57.
augmenter les effets de lisière sur l’environnement, ce qui expose certaines
espèces à de nouveaux dangers (Dallmeier et al., 2006).

d. La dépendance des populations des forêts

De nombreux gabonais vivent de manière quotidienne de la forêt. En 1998, le


secteur forestier représentait 2.5% du PNB6. En 1996, la valeur totale du bois
exporté en grumes et en sciage a atteint près de 203 milliard de FCFA.7 Les
exportations d’Okoume représentaient environs 71% du total des revenus
financiers. Le bois et le charbon de bois de l’énergie domestique et servent à la
construction des maisons d’habitation et des pirogues. Les exploitants
artisanaux utilisent pour la plupart du bois vendu sur le marché local pour divers
besoins, notamment l’ameublement, l’outillage, l’ornement et l’artisanat. Donc,
le bois de forêt est la principale source d’énergie économiquement accessible
et culturellement acceptée.

Par ailleurs, le gibier fournit probablement la principale source de viande dans


les zones forestières. Etc.

6
Voir : Fao. Org. (Consulté le 31/12/20233)
7 Ibid.
Chapitre I : Formation et évolution du droit forestier

1. De 1885 à 1949
C’est en 1885 qu’a été organisé la colonisation du Gabon. Les textes qui
régissent les forêts pendant la période coloniale ont eu une visée
essentiellement utilitariste.

a. La dépendance du droit forestier à l’égard du droit foncier


Les règles relatives à la gestion de l’environnement8 sont dépendantes du droit
foncier. En effet, pendant la période coloniale, la politique française a été
consacrée à l’occupation des terres. Ce qui a obligé le pays à orienter ses efforts
vers les activités immédiatement rentables en encourageant les entreprises
privées à se livrer au commerce des matières premières.

Le premier texte signé par les autorités coloniales au Gabon concerne le


domaine foncier. En effet, les populations locales pouvaient bénéficier de petits
permis de quelques pieds d’arbres, appelés permis spéciaux. Le but de cette
législation, pour les pouvoirs publics de l’époque, était de permettre aux
populations de satisfaire leurs besoins en matériaux de constructions. Peu à
peu, cette catégorie de permis, devait évoluer vers une autre catégorie de

8
Il n’est pas pris en compte l’étude de tous les domaines de l’environnement, notamment de la chasse régie par le décret du
25 juillet 1889, Bulletin Officiel (BO) 1889, n° 8, p. 169 ; ni des mesures hygiéniques dans les bateaux prises par le décret
du 6 octobre 1889, BO 1890, n° 1. 28 BO 1885, p. 30.
permis par pieds, réservée en principe aux populations vivant en zone rurale
appelé « coupe familiale ».

b. Aux origines du droit forestier

Entre 1900 et 1913, l’exploitation forestière n’a pas été véritablement


règlementée au Gabon. Elle relevait des décrets de 1899 relatif au régime
domanial qui en vertu de la notion de « terres vacantes et sans maitre »
considérait que la plupart du massif forestier appartenait au domaine de l’Etat.
Puisqu’elle était réputée sans propriétaire selon les critères du droit français.
L’exploitation était subordonnée à une autorisation du commissaire général ou
de son délégué qui délivrait un permis, strictement personnel et temporaire. Le
texte est resté une déclaration de principe durant toute la période où ou la
production a été le fait de coupeurs libres. Mais avec le développement de la
coupe directe, une règlementation plus précise a été nécessaire ne serait que
pour garantir les droits des exploitants qui s’apprêtaient à investir dans des
chantiers.

C’est ainsi qu’une convention a été établie avec la société J. Peyrebere et


compagnie le 04 novembre 1913. Elle lui a attribué un permis d’exploitation
forestière de 10 000 hectares en bordure du Lac Ogouémoué pour une durée
de 10 ans.

Le 30 juillet 1914 un arrêté a été adopté. Celui-ci précisait les conditions


juridiques d’exploitation forestières.
Le 19 septembre 1924, un autre arrêté a été adopté. Ce dernier précisait par
exemple que « le chantier, de 100 à 500 hectares, réservé aux autochtones. La
coupe, de 2500 hectares, accordée à toute personnes pouvant apporter un
cautionnement de 2500 f, délivré pour un an et renouvelable 10 fois. La
concession temporaire de la coupe, de 5000 à 10000 hectares, réservé aux
français »

Le 23 avril 1938, un autre décret a été adopté en vue de limiter les faveurs et
les l’arbitraire constaté dans les textes précédents.

En 1946, une autre législation a été adopté. Celle qui va constituer la base du
code forestier du Gabon jusqu’à l’indépendance. La disposition la plus
importante de la loi subordonnait la délivrance des permis temporaires
d’exploitation à l’obtention d’un droit de coupe adjugé aux enchères publiques.
L’exploitant qui avait enlevé l’adjudication se voyait attribuer un droit de coupe
pour une durée de 5 à 20 ans.9

c. De 1960 à ce jour

Depuis 1960, le Gabon s’est doté de plusieurs instruments juridiques qui


régulent le domaine forestier. Il s’agit notamment :

- De la loi n° 1-82 d’orientation en matière des eaux et des forêts en date du


22 juillet 1982

9« Le secteur forestier, les différents acteurs et leurs implications spatiales », Disponible sur : These1-
2.pdf Consulté le 31/12/2023).
- Loi n° 4-84 du 12 juillet 1984 portant annulation des titres de propriété
forestières et agricoles
- Décret n° 184-87 du 4 mars 1987 fixant les modalités de classement et
déclassement des forêts de l’Etat ;
- Décret n° 87-185 du 4 mars 1987 relatif à la répression des infractions en
matière des eaux, forêts, faune, chasse et pêche.
- Loi n° 16-93 du 26 août 1993 relative à la protection de l’environnement ;
- Décret n° 1285-93 du 27 septembre 1993 fixant le diamètre minimum
d’exploitabilité des bois d’œuvre ;
- Décret n° 1205-93 du 30 août 1993 définissant les zones d’exploitation
forestière ;
- Décret n° 559-94 du 12 juillet 1994 portant réglementation des coupes
familiales ;
- De la loi n° 016-01 portant Code forestier du 31 décembre 2001.
Chapitre II : Les sources du droit forestier

1. Les sources Externes

Forestière forestières nationales actuelles applicables au Gabon se sont


adaptées au contexte international de gestion rationnelle et durable des forêts.
Aussi le droit forestier du Gabon tire aussi sa substance des Conférences de
Stockholm et de Rio et, en Afrique Centrale, de la Commission des forêts
d’Afrique Centrale (COMIFAC).

En effet, la Conférence de Stockholm sur l’environnement, tenue en 1972 en


Suède, reconnait l’importance de l’environnement dans la vie de l’Homme, et
la nécessité de le préserver. La question de la protection de l’environnement se
pose beaucoup plus d’acuité dans les pays dit en développement, alors que
dans les pays dits du Nord, les problèmes de l’environnement sont liés à
l’industrialisation.

L’amélioration de la qualité de la vie passe par la défense et la préservation de


l’environnement, devenue pour l’humanité un objectif primordial. Pour
atteindre cet objectif, les acteurs, à tous les niveaux (citoyens, collectivités,
pouvoirs publics, etc.) se doivent de conjuguer leurs efforts et d’assumer leurs
responsabilités. Des 16 principes posés par la Conférence et interpellant les
États, on peut citer, entre autres : la rationalisation par les États de la gestion
des ressources ; l’application des mesures de protection et d’amélioration de
l’environnement ; l’adoption des politiques nationales d’environnement de
nature à renforcer le potentiel de progrès des pays en voie de développement.
La Conférence sur l’environnement et le développement s’est tenue à Rio de
Janeiro au Brésil, en juin 1992. Elle se situe dans le prolongement de la
Conférence de Stockholm, qui n’a pas prospéré du fait des crises pétrolières
successives de 1973 et 1974.10 Cette conférence a adopté la Déclaration de Rio
sur l’environnement et le développement, l’Agenda 21 ainsi que 27 principes
pour le développement durable.
L’Agenda 21, en ce qui le concerne, est un plan d’actions complet contenu dans
un document de 800 pages qui précise les objectifs à atteindre pour parvenir à
un développement durable pour le XXIe siècle, et le couple environnement-
développement constituant, dans ce cadre, une priorité.
La Conférence de Rio vise à établir un partenariat mondial équitable par la
création de nouveaux niveaux de coopération interétatique, la population, la
société civile, etc. La notion de développement durable est au cœur des
préoccupations de ladite Conférence. Elle offre d’exprimer des préoccupations
quant aux conséquences futures du comportement actuel de l’Homme.12
La Conférence de Rio insiste par conséquent sur le fait que les êtres humains
se situent au centre du développement durable et ont pour cela droit à une vie
saine, en harmonie avec la nature. Elle reconnaît que l’environnement et les
ressources naturelles des peuples soumis à oppression, domination et
occupation doivent être protégés. À cet effet, les populations et communautés
autochtones et les autres collectivités locales ont un rôle vital à jouer dans la
gestion de l’environnement et le développement par leurs connaissances du
milieu et de leurs pratiques traditionnelles. Les États doivent donc reconnaître
l’identité de ces groupes, leurs cultures, leurs intérêts et leur accorder tout
l’appui nécessaire pour leur permettre de participer efficacement à la réalisation
d’un développement durable.
Au niveau sous-régional, le traité de Brazzaville relatif à la conservation et la
gestion durable des écosystèmes forestiers d’Afrique centrale, signé le 5 février
2005, institue la COMIFAC. Cette institution est chargée de l’orientation, de
l’harmonisation et du suivi des politiques forestières et environnementales en
Afrique centrale.
Cette organisation internationale sous-régionale, constituée d’un Sommet des
Chefs d’État et de Gouvernement, d’un Conseil des ministres et d’un Secrétariat
exécutif, assure le suivi de la Déclaration de Yaoundé du 17 mars 1999, issue de
la Conférence des ministres en charge des forêts d’Afrique centrale, ainsi que
du Plan de Convergence de la COMIFAC. Le Plan de convergence est le cadre
de référence et de coordination de toutes les interventions en matière de
conservation et de gestion durable des écosystèmes forestiers en Afrique
centrale. Il contribue au renforcement des actions engagées par les Etats
membres de la Commission et les autres acteurs de développement. Ses axes
prioritaires sont, notamment, l’harmonisation des politiques forestières et
environnementales, la gestion et la valorisation durable des ressources
forestières ainsi que la communication, la sensibilisation, l’information et
l’éducation.
Ces différentes conférences et la COMIFAC vont influencer l’encadrement
juridique des forêts, sans toutefois écarter les préoccupations des bailleurs de
fonds, qui ont exercé une influence considérable dans l’élaboration du nouveau
droit forestier gabonais.
Le droit forestier gabonais est aussi le fruit des exigences des bailleurs de fonds,
en particulier les institutions de Bretton Woods, dans le cadre des programmes
d’ajustement structurel (PAS). En effet, vers la fin des années 1980, le Fonds
monétaire international (FMI) et la Banque mondiale avaient souhaité, que le
Gabon se dote d’une législation forestière lui permettant d’une part, de tirer
des revenus substantiels de son riche patrimoine forestier et, d’autre part, de
mettre fin à l’exploitation abusive de ses forêts. Il s’agissait là de l’une des
conditionnalités ouvrant au Gabon la possibilité de poursuivre sa coopération
avec lesdits bailleurs de fonds, l’objectif étant de limiter l’exploitation forestière
dans le but de pérenniser les ressources.
Le rôle des bailleurs de fonds n’a par conséquent pas été négligeable dans la
mise en place d’une nouvelle politique forestière, en ce sens qu’ils ont exercé
des pressions qui ont contribué à faire monter les enjeux de la gestion durable
des forêts au Gabon.10

2. Les sources internes

Hormis les textes et autres sources de droit à vocation Internationale, le droit


Forestier tire aussi ses sources des lois, de la coutume, de la jurisprudence et
de la doctrine au Gabon.

10 « Le secteur forestier, les différents acteurs et leurs implications spatiales », Op.cit.


Quelques exemples de loi en matière de droit forestier au Gabon :

- Loi n° 1-82 d’orientation en matière des eaux et des forêts en date du 22


juillet 1982
- Loi n° 4-84 du 12 juillet 1984 portant annulation des titres de propriété
forestières et agricoles
- Décret n° 184-87 du 4 mars 1987 fixant les modalités de classement et
déclassement des forêts de l’Etat ;
- Décret n° 87-185 du 4 mars 1987 relatif à la répression des infractions en
matière des eaux, forêts, faune, chasse et pêche.
- Loi n° 16-93 du 26 août 1993 relative à la protection de l’environnement ;
- Décret n° 1285-93 du 27 septembre 1993 fixant le diamètre minimum
d’exploitabilité des bois d’œuvre ;
- Décret n° 1205-93 du 30 août 1993 définissant les zones d’exploitation
forestière ;
- Décret n° 559-94 du 12 juillet 1994 portant réglementation des coupes
familiales ;
- Loi n° 016-01 portant Code forestier du 31 décembre 2001.

a. Le canevas général du Code forestier

Le caractère programmatique et de durabilité du nouvel instrument légal est


annoncé dès l’exposé des Principes généraux : « au sens de la présente loi et
ses textes d’application, le code forestier est l’ensemble des dispositions
applicables au secteur des eaux et forêts.
A ce titre, il fixe les modalités les modalités de gestion durable dudit secteur en
vue d’accroitre sa contribution au développement économique, social, culturel
et scientifique du pays ».

Le code forestier comprend 298 articles subdivisés en 2 titres et 10 Chapitres.


Le premier titre traitre des principes généraux alors que le deuxième s’attèle sur
la gestion durable des ressources forestières.

Le chapitre 1 présente l’aménagement des forêts et de la faune sauvage.

Le chapitre 2 aborde la question de l’exploitation des forets et de la faune


sauvage.

Le chapitre 3 parle de l’industrialisation de la filière bois

Le chapitre 4 traite de la question de la commercialisation et la promotion des


produits forestiers.

Le chapitre 5 évoque les dispositions économiques, financières et sociales.

Le chapitre 6 aborde les droits d’usage coutumier.

Le chapitre 7 présente les dispositions répressives.

Le chapitre 8 traite des dispositions diverses.

Le chapitre 9, les dispositions transitoires et enfin le Chapitre 10, des


dispositions finales.
Chapitre III : Les caractéristiques du droit forestier
Comme la plupart des pays qui ont reçu l’héritage juridique latin11, la « forêt »
trouve une définition dans le code forestier. Les forêts y sont définies, à l’article
4, comme : « L’ensemble des périmètres comportant une couverture végétale
capable de fournir du bois ou des produits végétaux autres qu’agricoles,
d’abriter la faune sauvage et d’exercer un effet direct ou indirect sur le sol, le
climat ou le régime des eaux ».

Cette définition évoque la fonction de production reconnue à la forêt et établit


qu’elle est nécessairement un peuplement d’arbres ou d’arbustes. Toutefois,
l’énumération faite par le législateur à propos des aptitudes de la forêt ne doit
pas être considérée comme cumulative. Une seule possibilité suffirait à qualifier
l’espace considéré comme forêt.

De même, la forêt se confond avec l’espace naturel. Dans la mesure où elle


comprend plusieurs produits végétaux autres qu’agricoles.

Mais c’est aussi un espace comprenant des terres réservées pour être
recouvertes d’essences ligneuses soit pour la production du bois, soit pour la
régénération forestière, soit pour la production du sol.

Le législateur a ainsi donné au concept « forêt » une acception large. Nous


retenons six caractéristiques principales du droit forestier du Gabon : le statut
public des forêts (1), la distinction nette entre le statut forestier et le statut
foncier sur lequel reposent lesdites forêts (2), la possibilité offerte aux

11
Ch. DU SAUSSEY, « La protection des forêts en droit africain », in Forêt et environnement, Paris, PUF, 1984, p. 147.
communautés locales de posséder leurs propres forêts (3), l’absence ou la
faiblesse d’un mécanisme participatif (4), la gestion centralisée (5) et la
classification tripartite des forêts (6).

1. La prédominance du statut public

a. La règle générale
Le statut public de la forêt est clairement précisé dans le code forestier. Aux
termes de l’article 13, « Toute forêt relève du domaine forestier national et
constitue la propriété exclusive de l’Etat ».

Elles relèvent soit du domaine public, soit du domaine privé de l’Etat. Ce qui
justifie les tempéraments de l’article 14 du même code.

b. Les exceptions
L’article 14 prévoit : « Nul ne peut, dans les domaines des Eaux et Forêts, se
livrer à titre gratuit ou commercial à l’exploitation, à la récolte ou à la
transformation de tout produit naturel, sans autorisation préalable de
l’administration des Eaux et Forêts.

Toutefois, en vue d’assurer leur subsistance, les communautés villageoises


jouissent de leurs droits d’usages coutumiers, selon les modalités déterminées
par voie réglementaire. ». Ces forêts relèvent normalement du domaine privé
forestier de l’Etat.
2. La distinction entre le statut foncier et le statut forestier
a. Statut foncier

La charte de la Transition Gabonaise déclare dans son article : « Le Gabon est


une République unie et indivisible, souveraine, laïque, sociale et
démocratique ». En effet, la souveraineté du Gabon s’étend notamment sur le
sol, le sous-sol, les eaux et les forêts, sur les espaces aérien, fluvial, lacustre et
maritime ainsi que sur la mer territoriale et sur le plateau continental.

b. L’incidence du régime foncier sur les forêts

Cette appropriation exclusive du sol et du sous-sol crée des effets à l’égard du


droit forestier notamment, d’une part, à cause de la dépendance de la forêt vis-
à-vis du sol et,

D’autre part, parce que les forêts sont considérées comme immeubles par
incorporation. En effet, aux termes de l’article 7, d’une loi du 20 juillet 1973 : «
Sont immeubles par incorporation : les arbres et plantes quelconques, tant
qu’ils ne sont pas détachés du sol, les fruits et récoltes tant qu’ils n’ont pas
d’existence séparée ».

3. La distinction entre propriété Foncière et propriété forestière

Il ressort du code forestier que le législateur a fait une nette distinction entre le
régime de la propriété foncière et le régime de la propriété forestière. En effet,
l’octroi d’une concession forestière n’accorde des droits réels que sur les
essences forestières concédées, le concessionnaire forestier ne peut prétendre
au droit de propriété foncière sur la partie du sol où il est établi, sauf si la
concession foncière superficiaire en vue d’ériger les constructions nécessaires
aux activités liées à son exploitation. En d’autres termes, la concession foncière
diffère de la concession forestière dans la mesure où un propriétaire forestier
n’est pas toujours le propriétaire foncier et vice-versa.

4. La possibilité pour les communautés locales de posséder les forêts

Le code forestier prévoit la possibilité pour les communautés locales de


posséder les forêts. La matière est réglée à la sous-section 5 « Des forêts
communautaires»12. La forêt des communautés locales est en réalité une
concession que l’Etat attribue à titre gratuit13 à une communauté locale. L’octroi
est soumis à deux conditions principales : d’une part, une demande formulée
par la communauté et, d’autre part, la portion de forêt doit se situer dans une
forêt protégée dont elle est coutumièrement propriétaire14. Le concept de «
concession forestière » utilisé signifie que l’Etat conserve son droit de propriété
sur le sol qui sous-tend ladite forêt, n’attribuant à la communauté que les
ressources qui s’y trouvent. Les modalités de cette attribution doivent être
déterminées par voie de décret.

12
Articles 156 du CF, 2021.
13
Article 156 du CF, 2021.
14
Article157du CF, 2021.
5. La faible participation du public

Le code traite de la participation du public de manière très passive et assez


équivoque. C’est le cas lorsqu’il prévoit la création des conseils consultatifs
nationaux ou provinciaux des forêts, constitués en majorité de membres des
institutions publiques centrales, dénotant une fois encore le centralisme en la
matière. Dans d’autres cas où il est envisagé la possibilité d’impliquer ou de
consulter les populations riveraines, la formulation légale parait sibylline et
comparable à un slogan. Elle n’est pas souvent accompagnée de la possibilité
d’une loi ou d’un règlement de mise en application, ou en tous les cas, ceux-ci
n’interviennent presque jamais.

5. La gestion centralisée

Le Gabon dispose d’un ministère des eaux et forêts chargé de la préservation


de l’environnement du climat et conflit homme-faune depuis 1957. C’est l’un
des premiers pays africains qui se soit doté, d’un ministère autonome en
matière d’environnement. C’est à ce ministère qu’incombe la responsabilité de
la gestion, l’administration, la conservation, la surveillance et la police des forêts.
En effet, le Ministère a pour mission, de mettre en œuvre la politique de l’Etat
en matière de protection de l’environnement, de gestion des terres, de lutte
contre les changements climatiques et de la protection de la nature, de la faune
et la flore. Cela pour le développement d’une économie verte et résiliente, au
bénéfice des générations actuelles et futures.
6. La classification tripartite des forêts

Le code forestier énumère trois catégories de forêts : les forêts classées, les
forêts protégées et les forêts productives enregistrées. 15

a. Les forêts classées

Définition
Les forêts classées sont celles qui sont soumises, en application d’un acte de
classement, à un régime juridique restrictif concernant les droits d’usage et
d’exploitation ; elles sont affectées à une vocation particulière, notamment
écologique16. Sont notamment classées les réserves naturelles intégrales, les
forêts situées dans les parcs nationaux, les secteurs sauvegardés, les jardins
botaniques et zoologiques, les réserves de la biosphère, les réserves de faune
et les domaines de chasse. S’y ajoutent les forêts nécessaires pour la protection
des pentes contre l’érosion, la protection des sources et des cours d’eau, la
conservation de la diversité biologique, la conservation des sols, la salubrité et
l’amélioration du cadre de vie et la protection de l’environnement humain.

Caractéristiques
Les forêts classées font partie du domaine public de l’Etat. Elles sont
indisponibles et inaliénables, c’est-à-dire ne peuvent être vendues ni concédées
pour quelque raison que ce soit. C’est le rôle écologique de la forêt qui

15
Article 6 du CF, 2021.
16
Article 8, du CF, 2021.
commande de domanialiser certaines parties de la forêt. Car la forêt remplit un
rôle d’intérêt public. Ce faisant, elle doit être placée au premier rang des biens
ayant besoin de cette protection17. Cette indisponibilité reste absolue tant que
la forêt n’est pas déclassée. Selon les articles 9 du code, le déclassement comme
le classement d’une forêt est effectué par voie règlementaire.

Limitations d’usage
Dans les forêts classées, les droits de concessions sont prohibés et les droits
d’usage en faveur des populations riveraines sont très restrictifs ou simplement
supprimés. C’est ainsi que les populations riveraines ne peuvent qu’y ramasser
du bois mort, de la paille et des chenilles ; y cueillir des fruits, plantes
alimentaires et médicinales ; y récolter des gommes, des résines ou du miel ; y
prélever du bois pour la construction des habitations et pour usage artisanal.
Les différents droits énumérés ne peuvent pas être exercés dans les réserves
naturelles intégrales, les parcs nationaux et les jardins botaniques, où
l’interdiction d’exploitation est totale.

b. Les forêts protégées

Définition
Les forêts protégées sont celles qui n’ont pas fait l’objet d’un acte de classement
et sont soumises à un régime juridique moins restrictif quant aux obligations
d’usage et aux droits d’exploitation. Il s’agit du solde des forêts non classées.

17
Cité par M. PRIEUR, « Les forêts et l’environnement en droit français », in Forêts et environnement, PUF, 1984, p. 64.
Elles appartiennent à l’Etat et font partie de son domaine privé. Les forêts qui
sont attribuées par concession sont soustraites des forêts protégées.

Les différents droits exercés sur les forêts protégées


L’utilisation des forêts protégées est multiple et variée. Les droits d’usage sont
ouverts à tout Gabonais qui peut y pratiquer de l’agriculture et prélever des
produits forestiers à des fins domestiques. Si les besoins de conservation
l’exigent, l’Etat peut restreindre les droits d’usage. De même, les populations
riveraines d’une concession forestière continuent d’exercer leurs droits d’usage
traditionnels sans que le concessionnaire puisse prétendre à une quelconque
indemnisation.

c. Les forêts de production permanente

Constituent des forêts domaniales productives enregistrées, les forêts


naturelles productives du domaine forestier permanent de l’Etat autres que
celles visées à l’article 8 ci-dessus.18

En effet, les forêts de production permanente sont les forêts soustraites des
forêts protégées par une enquête publique en vue de les concéder19. Elles sont
constituées des concessions forestières et des forêts destinées au commerce.
L’Etat conserve la propriété des terrains et cède aux concessionnaires et aux
communautés locales la propriété des ressources faisant l’objet du contrat.

18 Art. 10 CF, 2021.


19
Article 10, al. 4 du CF Congo, 2020.
Elles supposent une enquête publique préalable dont les modalités
administratives restent à définir.
Chapitre IV : Les finalités du droit forestier
Le droit forestier poursuit une double finalité : la protection forestière et le
développement socio-économique national et local.

1. Les protections de la forêt et des espaces protégés

a. La protection contre les dégradations

Le code forestier prévoit plusieurs mesures en vue de protéger les forêts contre
toutes formes de dégradation. Parmi celles-ci, on peut citer :

 Quelques mesures formelles

La réalisation d’un plan d’aménagement de la forêt (Art.20).

La réalisation d’un plan de gestion de chaque Unité forestière (Art.

L’exigence d’un cahier des clauses contractuelles (Art. 40).

La réalisation d’un plan annuel d’opérations

La soumission des activités d’exploitation à l’obtention d’un permis


(article 94). En exigeant un tel permis, le code forestier assure une protection
contre certains types de dégradation ; etc.

 Les autres mesures

La lutte contre les incendies : le code forestier impose aux personnes


publiques et privées l’obligation de lutter contre les incendies. A cet effet, des
brigades de lutte contre les feux sont formées, de même que sont créés des
postes d’observation et de prévention contre les feux. L’allumage des feux est
soumis à d’importantes précautions, et parfois à des autorisations
administratives, sous peine des sanctions pénales. L’autorité administrative a
une obligation d’information envers les populations locales ;

La mise en réserve toute espèce végétale (Art. 67).

La restriction des activités (Art. 67).

Le retrait du permis attribué (Art. 67).

La limitation des droits des visiteurs dans les espaces protégés (Art.84)

b. La protection par la fiscalité

Le code forestier (Art.244) prévoit la répartition des taxes et redevances perçues


de la manière suivante :

L’attribution, la possession, le renouvellement, l’échange et le transfert de tout


titre d’exploitation, la transformation par sciage à la tronçonneuse, la
commercialisation et l’exportation des grumes et des produits autres que le
bois, sont soumis selon le cas aux taxes ou redevances ci-après :
• taxe d’abattage ;
• taxe de superficie ;
• taxe de renouvellement ;
• taxe de transfert ;
• taxe de transformation par sciage à la tronçonneuse ;
• droits et taxes de sortie ;
• taxe de fermage ;
• surtaxe progressive à l’exportation des grumes hors quotas ;
• redevance spécifique de soumission des plantations ;
• charges forestières.

2. Le développement national et local des populations


Le régime forestier vise à promouvoir une gestion rationnelle et durable des
ressources forestières de nature à accroître leur contribution au développement
économique, social et culturel des générations présentes, tout en préservant
les écosystèmes forestiers et la biodiversité forestière au profit des générations
futures. Cette disposition montre la valeur socio-économique et
environnementale de la forêt.

a. Dimension socio-économique

Le code forestier consacre le rôle de la forêt en matière de développement


socioéconomique, notamment en exigeant des concessionnaires qu’ils insèrent
dans leurs cahiers de charges la réalisation d’infrastructures au profit des
communautés locales, ce qui est de nature à améliorer le niveau de vie des
populations rurales par la construction d’écoles, de routes, d’hôpitaux, etc.

b. Dimension environnementale

Lorsque le code érige les forêts classées au premier plan dans le territoire
national, il poursuit un objectif écologique dans mesure où les étendues de
forêts ainsi soumises à un régime restrictif pourront continuer à remplir des
fonctions environnementales multiples, notamment sur le climat et la
biodiversité.
Chapitre V : Le règlement des litiges
1. Le règlement non juridictionnel des litiges

Le règlement non juridictionnel des litiges est prévu dans la seule hypothèse
du conflit résultant des servitudes de passage entre des concessions contiguës.
S’il en résulte un dommage, le concessionnaire lésé est autorisé à saisir
l’administration pour chercher une solution amiable. A défaut d’une solution
amiable, le différend est soumis à une commission ad hoc composée d’un
représentant de l’autorité administrative locale, d’un représentant de
l’administration chargée des forêts, d’un représentant des associations des
exploitants et d’un représentant désigné par chacune des parties en conflit. La
partie non satisfaite de la décision garde néanmoins la possibilité de porter le
litige devant les juridictions de droit commun (Art.142).

2. Le règlement juridictionnel

Les juridictions de droit commun peuvent se saisir ou être saisies de tout litige
qui concerne la forêt.

a. L’accès à la justice

Le droit de saisir la justice est reconnu à toute personne physique ou morale


reconnue comme telle par les lois gabonaises.
Les agents forestiers
Il est reconnu à certains agents forestiers la qualité d’officiers de police judiciaire
(Art.262). En effet, l’action publique en matière forestière est exercée par les
inspecteurs forestiers et les fonctionnaires assermentés, qui sont tenus, avant
l’exercice de leurs fonctions, de prêter serment (Art.263). Lorsqu’ils recherchent
et constatent les infractions, ils en consignent la nature, le lieu, les circonstances
ainsi que les déclarations des personnes poursuivies sur procès-verbal (Art.264).
Le droit de transiger par les agents forestiers est admis montant maximum
prévu par la loi.

Le parquet
Le code forestier confère aux officiers de police judiciaire les mêmes
prérogatives que celles reconnues aux agents forestiers assermentés (Art.262).
L’officier du ministère public conserve ses prérogatives traditionnelles de mise
en mouvement de l’action publique. Les agents forestiers assermentés n’étant
chargés que de rechercher et constater les infractions, la suite de l’instruction
revient au ministère public. A ce titre, il reçoit les procès-verbaux établis par les
agents forestiers assermentés. En matière de transaction, l’extinction de l’action
publique est subordonnée à l’accord de l’officier du ministère public.

Les droits reconnus aux ONGs

Le code forestier reconnaît aux ONG de protection de l’environnement ainsi


qu’aux associations représentatives des communautés locales d’importantes
prérogatives par rapport aux ONGS agissant d’autres domaines. Les
associations représentatives des communautés locales et les organisations non
gouvernementales nationales agréées et contribuant à la réalisation de la
politique gouvernementale en matière environnementale peuvent exercer des
droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits constituant une
infraction aux dispositions de la présente loi et ses mesures d’exécution, ou une
atteinte, selon les accords et conventions internationaux ratifiés par le Gabon
et causant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu’elles ont pour
objet de défendre .

La loi accorde aux ONG la possibilité de se constituer partie civile pour solliciter
la réparation des dommages causés à la forêt ou à l’environnement. Pour les
mêmes motifs, il est logique qu’elles soient autorisées à saisir directement le
tribunal par citation directe lorsque le parquet s’abstient de déclencher les
poursuites, ou de manière inopportune, classe sans suite une affaire. L’exercice
de ce droit est assorti des conditions suivantes : l’ONG concernée doit être
nationale et agréée ; sont donc exclues les ONG internationales. Ensuite, l’ONG
doit contribuer à la protection de l’environnement. Cette condition semble
subjective dans la mesure où son appréciation dépend de l’autorité judiciaire
qui statue et doit tenir compte des activités effectives de l’ONG.

Une ONG est considérée comme ayant rempli les deux premières conditions si
elle figure dans la liste publiée chaque année par le ministre de
l’environnement. Enfin, l’ONG doit démontrer qu’elle a subi un préjudice. Celui-
ci doit être direct ou indirect par rapport aux intérêts collectifs que l’ONG
défend. On peut considérer que les défrichements illicites constituent un
préjudice direct pour une ONG qui a pour objet la protection des forêts. Le
préjudice est indirect, par exemple lorsqu’une ONG qui défend une espèce rare
de singes estime que l’exploitation forestière en cours perturbe les habitats des
espèces qu’elle protège. De même, les actions en justice émanant de riverains
protégeant un cours d’eau seront recevables si elles dénoncent la destruction
de forêts adjacentes au cours d’eaux. Il convient de préciser que cette
disposition légale ne concerne pas seulement le secteur forestier mais
l’ensemble du domaine environnemental. Ces dispositions ne connaissent pas
encore des cas d’application pratique. Ceci est dû essentiellement au manque
de sensibilisation et d’information sur la mise en œuvre de ce nouveau droit.
Au lieu de faire appliquer cette disposition, les ONG continuent à rédiger des
mémorandums qu’elles adressent aux autorités politiques pour dénoncer les
infractions au code forestier.

b. Les juridictions compétentes


Selon la nature du litige, les juridictions civiles, pénales ou administratives
peuvent être compétentes. Les voies de recours sont ouvertes à toutes les
parties.
Chapitre VI : Les sanctions
1. Les sanctions administratives

a. La remise en état des lieux


Le code forestier prévoit que les auteurs d’infractions procèdent à la remise en
état des lieux endommagés ainsi que la confiscation des instruments ayant servi
à la commission de l’infraction (article 281). Même si la compensation en nature
ne constitue pas la solution idéale, elle demeure un moindre mal dans la mesure
où il est impossible de remplacer à l’identique la valeur des forêts défrichées.

b. Le principe pollueur-payeur
C’est un principe qui est affirmé dans la loi n°007/2014 du 01/08/2014 selon
lequel l’auteur de l’acte dommageable doit assumer le coût de la réparation
des dégâts causés par son acte. Ainsi par exemple, tout déboisement (soit)
compensé par un reboisement équivalent, en qualité et en superficie, au
couvert forestier initial réalisé par l’auteur du déboisement ou à ses frais.

2. Les sanctions pénales et civiles


Le code forestier prévoit une longue série d’infractions assorties de sanctions
(articles 273 à 284). A titre conservatoire et pour mettre un terme à la
commission d’une infraction flagrante, le code permet aux inspecteurs
forestiers de procéder à la saisie et à la mise sous séquestre des instruments,
véhicules et objets ayant servi à commettre l’infraction ou qui en sont le produit
(article 281). Si l’infraction de coupe illicite du bois est en cours, l’interruption
des travaux est ordonnée par l’agent forestier (. La décision conservatoire prise
par l’agent est notifiée au parquet qui est seul compétent pour fixer le dossier
devant le tribunal en vue du maintien.

Parmi les nombreuses infractions et sanctions prévues, on peut citer :

- Les défrichements illicites

- Pénétration non autorisée dans les espaces protégés

- Violation des prescriptions relatives aux forêts classées

- Non-respect des normes de capture et d’abattage des animaux

- Exploitation des forets sans plan d’aménagement

- Exploitation abusive ou dommageable de l’environnement, etc.


Conclusion

A l’instar des codes post-Rio, le code forestier est bien taillé. Il prône une
approche programmatique20 fondée sur la durabilité et la planification. A
travers la volonté de promouvoir une gestion rationnelle et durable des
ressources forestières de nature à accroître leur contribution au développement
économique, social et culturel des générations présentes et futures, le code
forestier intègre « les trois piliers interdépendants et complémentaires
désormais indissociables que sont le développement durable, le
développement économique et la protection de l’environnement »21. Inscrite
sous le titre premier relatif aux « dispositions générales », la notion de gestion
durable est considérée comme un principe général de base qui sous-tend
l’ensemble du code. Pour l’avenir, il apparaît nécessaire, ce qui fait défaut
actuellement que les autorités politico-administratives assurent la transparence
dans l’administration et la gestion des ressources forestières afin que les
populations locales en ressentent les effets bénéfiques.

20
A propos des caractéristiques communes aux lois forestières post-Rio, lire MEKOUAR, A. « Evolution du droit forestier de
Rio à Johannesburg : un aperçu comparatif », in Le droit forestier au XXIème siècle. Aspects internationaux, Paris,
L’Harmattan, 2004, pp. 137-167.
21
A. MEKOUAR, « Evolution du droit forestier de Rio à Johannesburg : un aperçu comparatif », op.cit., p. 147.

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