Vous êtes sur la page 1sur 14

LA PREVENTION DES DIFFICULTES DES ENTREPRISES DANS LE NOUVEL

ACTE UNIFORME PORTANT ORGANISATION DES PROCÉDURES


COLLECTIVES D’APUREMENT DU PASSIF

Par Dieunedort NZOUABETH,


FSJP UCAD

Sauf cas exceptionnel, les difficultés de l’entreprise procèdent de signaux dont l’examen
et le traitement permettent de prévenir les pathologies plus graves. C’est la comptabilité
qui n’est peut-être pas tenue ou qui l’est insuffisamment. Les échéances méconnues
pourront ne pas être alors honorées. Le personnel est pléthorique et inadapté parce que
recruté avec complaisance. Les rémunérations et les avantages salariaux sont excessifs.
Le patrimoine de la société est confondu avec ceux des dirigeants sociaux ; l’incapacité
ou l’incompétence des dirigeants sociaux ; l’insuffisance de fonds propres ; le mauvais
fonctionnement des organes sociaux voire leur inexistence de fait etc.
La plupart de ces dérèglements peuvent être traités au plan interne. Ainsi, les associés
ou les actionnaires ont un rôle important mais limité dans la prévention des difficultés
de l’entreprise.
Les mesures préventives sont destinées à détecter très rapidement les signes annonciateurs
des difficultés afin d’éviter l’évolution vers une situation irrémédiablement compromise.
Elles sont de plusieurs ordres et ne se trouvent pas toutes dans l’Acte uniforme portant
organisation des procédures collectives ; certaines de ces mesures ont leur siège dans
l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt
économique ainsi que dans l’Acte uniforme portant organisation et harmonisation de la
comptabilité des entreprises.
Le passage de la logique de sanction à celle de protection de l’entreprise a permis au
législateur d’agir sur le plan comptable en perfectionnant l’information comptable. En
effet, la comptabilité a pour fonction de faire apparaître la situation financière et
patrimoniale de l’entreprise d’où le renforcement de l’information rétrospective à travers
l’extension du domaine des entreprises assujetties à la comptabilité et l’exigence
d’information complémentaire afin d’apprécier le crédit de l’entreprise (Article 74
AUOHCE). Au surplus, le recours à l’information prévisionnelle permet d’anticiper

1
l’évolution de la situation de l’entreprise et éviter au besoin toute difficulté à l’entreprise
(Article 71 AUOHCE).
La réforme du droit OHADA des procédures collectives en 2015 a introduit des
innovations importantes en matière de prévention des difficultés des entreprises. L’Acte
uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif adopté le
10 septembre 2015 à Grand Bassam en Côte d’Ivoire a introduit de nouvelles procédures
préventives telles que la médiation et la conciliation tout en améliorant le régime du
règlement préventif déjà consacré dans l’ancien Acte uniforme.
I. La consécration d’une procédure de conciliation
La conciliation est une procédure préventive de la cessation des paiements introduite en
droit OHADA par la réforme de 2015. Elle est reprise de la législation française qui l’a
instituée à la faveur de la réforme apportée par la loi de 2005 dite de sauvegarde des
entreprises. Elle a pour but de permettre au débiteur de résoudre les difficultés de son
entreprise par le biais d’un accord avec ses créanciers et éventuellement ses cocontractants.
C’est ce qui résulte de l’article 2 de l’AUPC/AP qui précise que la conciliation est une
procédure préventive consensuelle et confidentielle destinée à éviter la cessation des
paiements de l’entreprise débitrice en tout ou en partie, sa restructuration financière ou
opérationnelle pour la sauvegarder. Une telle restructuration s’effectue par le biais de
négociations privées entre le débiteur et ses créanciers ou au moins ses principaux
créanciers grâce à l’appui d’un tiers neutre, impartial et indépendant appelé conciliateur.
La particularité de son régime peut être appréhendée à travers l’analyse de ses conditions
d’ouverture et celle des règles qui gouvernent sa mise en œuvre.
A. Conditions d’ouverture de la conciliation
L’ouverture de la procédure de conciliation obéit au respect de certaines conditions
spécifiques de fond et de forme.
1. Les conditions de fond
Elles sont relatives à la qualité du débiteur et aux difficultés dans lesquelles doit se trouver
une entreprise pour pouvoir recourir à la procédure de conciliation.
La conciliation est ouverte aux mêmes personnes habilitées à demander un règlement
préventif. Conformément à l’article 1-1 de l’AUPC, il s’agit des personnes exerçant une
activité professionnelle indépendante civile, commerciale, artisanale ou agricole. Il n’est

2
pas tenu compte de la taille des entreprises. L’essentiel est qu’elles soient structurées. Étant
une mesure de faveur mise à la disposition des professionnels pour leur permettre de
redresser leurs entreprises en difficultés, on doit considérer que seuls les professionnels
exerçant régulièrement leur activité en ayant respecté toutes les règles inhérentes à leur
statut, peuvent recourir à cette procédure préventive.
Par rapport aux groupements, il faut également relever que seules les personnes morales
de droit privé ou les entreprises publiques constituées sous la forme d’une personne morale
de droit privé peuvent recourir à la conciliation.
S’agissant de la condition relative aux difficultés du débiteur, l’article 5-1 de l’AUPC,
évoque les personnes qui connaissent des difficultés avérées, c’est à dire celles dont les
conséquences se font déjà ressentir (retard dans les paiements, problèmes
d’approvisionnement…) ou des difficultés prévisibles (la baisse de la rentabilité d’une
unité de production). Cette dernière catégorie concerne certainement celles qui ne sont pas
encore constatables mais qui cependant, sont inéluctables eu égard aux conséquences de
certaines mesures prises ou aux défaillances de certaines activités.
Toutefois, quel que soit le niveau de ces difficultés, l’entreprise ne doit pas être déjà en état
de cessation des paiements. Ainsi contrairement à la procédure de conciliation de doit
français (qui peut être déclenchée même si l’entreprise est déjà en cessation des paiements,
à condition que cela n’ait pas duré plus de 45 jours) la cessation des paiements semble être
en droit OHADA le critère de répartition des procédures amiables et judiciaires.
2. Les conditions de forme
La procédure de conciliation a pour objectif de trouver un accord amiable avec les
principaux créanciers et cocontractants du débiteur en vue de mettre fin à ces difficultés.
Toutefois, à la différence du règlement préventif, la conciliation est une procédure
confidentielle. Néanmoins son ouverture nécessite la formulation d’une demande sous
forme de requête adressée au président de la juridiction compétente en matière de
procédures collectives. En cela elle se différencie de la conciliation de droit commun qui
peut être complètement extrajudiciaire.
Cette requête peut être formulée par le débiteur agissant seul. Il peut également s’agir d’une
requête conjointe du débiteur avec un ou plusieurs de ses créanciers.

3
Cette demande doit décrire les difficultés du débiteur et décliner les moyens envisagés pour
les résoudre. La procédure de conciliation n’est envisageable que si la personne qui en
demande le bénéfice entend prendre des mesures de redressement, ce qui suppose qu’elle
ne se trouve pas dans une situation irrémédiablement compromise. Même si le texte ne le
prévoit pas expressément, le requérant doit persuader le président qu’avec un financement
adapté, son entreprise pourra surmonter des difficultés qui demeureront simplement
passagères.
L’article 5-2 prévoit également que la requête doit être accompagnée d’un certain nombre
de documents permettant de bien identifier le débiteur, de se faire une idée sur la
consistance de son patrimoine, la taille de son entreprise et d’avoir la preuve qu’il n’est pas
au moment de sa demande soumis à une procédure collective non encore clôturée. Comme
dans le cadre du règlement préventif, ces documents doivent dater de moins de trente jours
et ils doivent être signés et certifiés conformes et sincères par le requérant.
Par ailleurs, tenant compte de la difficulté de certains débiteurs de produire tous ces
documents, le législateur prévoit qu’en d’impossibilité pour le requérant de produire
certains documents, la requête doit contenir l’indication des motifs de cet empêchement.
B. L’encadrement de la mise en œuvre de la procédure de conciliation
Il s’agit des règles qui sont relatives au prononcé de la décision d’ouverture de la
conciliation, au déroulement et à l’issue de la procédure.
1. La décision d’ouverture de la conciliation
L’ouverture de la conciliation est marquée par sa confidentialité. Dès lors, elle est effectuée
par le président de la juridiction statuant à huis clos.
Le juge ouvre la conciliation pour une période de trois mois qu’il peut, par une décision
spécialement motivée, proroger d’un mois et après avis écrit du conciliateur.
À l’expiration de ces délais, la conciliation prend fin plein droit et aucune nouvelle
procédure de conciliation ne peut être introduite avant l’expiration d’un délai de trois mois.
L’ordonnance du juge ouvrant la conciliation ou rejetant la demande faite à cet effet, ne
doit faire l’objet d’aucune publicité. La décision ouvrant la conciliation doit également
désigner un conciliateur dont le rôle est de favoriser la conclusion entre le débiteur et ses
principaux créanciers et ses cocontractants habituels, un accord capable de mettre fin aux
difficultés de l’entreprise.

4
2. Déroulement et issue de la procédure
Le déroulement et le terme de cette procédure se réalisent à travers la recherche d’un accord
de conciliation et de son exécution.
a. La recherche d’un accord de conciliation
Le déroulement de la procédure de conciliation est en grande partie instrumenté par le
conciliateur qui a été désigné pour trouver un accord entre le débiteur et ses différents
partenaires. Pour mener à bien sa mission le conciliateur peut obtenir du débiteur tous
renseignements utiles. Il doit rendre compte de sa mission au Président de la juridiction. Il
informe celui-ci immédiatement de l’éventuelle survenance de la cessation des paiements
afin qu’il mette fin à la conciliation sans délai.
Il est également mis fin à la conciliation en cas d’impossibilité pour le conciliateur de
parvenir à un accord.
Pendant cette phase de recherche d’un accord, la participation n’emporte pas de restriction
aux droits des créanciers qui conservent toutes leurs prérogatives à l’égard de leur débiteur.
Toutefois, si le débiteur est mis en demeure ou poursuivi par un créancier appelé à la
procédure de conciliation, le président du tribunal peut, à la demande du débiteur et après
avis du conciliateur, reporter le paiement des sommes dues et ordonner la suspension des
poursuites de ce créancier.
Ces mesures prennent fin au terme de la conciliation et ne doivent pas aussi faire l’objet
d’une publicité.
b. L’exécution de l’accord de conciliation
Lorsque le conciliateur parvient à un accord entre le débiteur et ses créanciers et
cocontractants, celui-ci est soit déposé au rang des minutes d’un notaire, soit soumis à la
juridiction compétente statuant à huis clos pour être homologué ou exequaturé.
L’homologation ou l’exequatur est de droit et ne peut être refusé que si l’accord est
contraire à l’ordre public. Le président fait apposer la formule exécutoire par le greffe. La
décision d’homologation ne fait l’objet d’aucune publicité et ne reprend pas le contenu de
l’accord qui reste confidentiel.
La décision homologuant ou exequaturant l’accord n’est susceptible d’aucun recours et
elle met fin à la conciliation. Le cas échéant la conciliation prend fin par la signature de
l’accord ou à l’expiration d’une durée de trois mois ou quatre mois.

5
Pendant la durée de son exécution, l’accord interdit ou interrompt toute action en justice et
arrête ou interdit toute poursuite individuelle tant sur les biens meubles que sur les biens
immeubles du débiteur dans le but d’obtenir paiement des créances qui en font l’objet. En
d’autres termes, la situation des créanciers, parties à l’accord, est gelée. Ils s’interdisent de
poursuivre le débiteur en paiement. Le débiteur bénéficie ainsi d’un répit qui lui permet de
surmonter ses difficultés et pouvoir respecter ses engagements. Mais en contrepartie de ce
répit que lui donnent ses créanciers, le débiteur doit exécuter tous les engagements qu’il a
souscrits dans l’accord de conciliation. Le chef d’entreprise doit respecter le plan de
redressement qui a été négocié et, notamment, effectuer les restructurations auxquelles il
s’est obligé.
Néanmoins les intérêts des créanciers ayant conclu l’accord sont préservés.
En effet, l’accord interrompt pour la même durée les délais impartis aux créanciers qui
sont parties à l’accord à peine de déchéance ou de résolution des droits afférents aux
créances mentionnées par l’accord.
L’Acte uniforme n’interdit, cependant de façon expresse que les actions en paiement des
créances qui font l’objet de l’accord. Sont donc exclus les actions qui poursuivent un but
autre que le paiement d’une somme d’argent telles que les actions en résolution, en nullité,
en rescision, en revendication, en garanties des vices cachés… On doit également exclure
les créances qui ne rentrent pas dans l’accord, soit que le créancier n’y est pas partie, soit
que tout en ayant signé l’accord de conciliation, il a limité son sacrifice à certaines
créances. Pour celles qui demeurent en dehors, le créancier conserve son droit de poursuite
individuelle. Enfin le texte ne semble pas interdire au créancier dont la créance est
incertaine d’agir en justice pour en faire reconnaître l’existence ou en faire fixer le montant.
Toutefois, les sûretés obtenues par les créanciers en garantie du paiement de leurs créances
sont affectées par les termes de l’accord. L’Acte uniforme prévoit à cet effet que les
personnes ayant consentis une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en
garantie ainsi que les coobligés peuvent se prévaloir des termes de l’accord.
Cette règle affaiblit certes le régime du cautionnement, et encore plus celui des garanties
autonomes. Mais elle est de nature à inciter les dirigeants lorsqu’ils se sont portés garants
de la société dirigée à solliciter l’ouverture d’une procédure de conciliation puisqu’ils

6
pourront bénéficier des délais et remises de l’accord que celui-ci soit homologué ou
simplement exéquaturé.

II. L’amélioration du régime du règlement préventif

Le règlement préventif est une innovation du droit OHADA qui s’est inspiré du règlement
amiable de droit français. Son régime a été légèrement modifié par la réforme de 2015 afin
de le rendre plus efficace et plus accessible aux entreprises en difficulté dans le contexte
particulier des économies africaines. Le règlement préventif est défini par l’article 2 al.2
de l’AUPC comme étant une procédure collective préventive destinée à éviter la cessation
des paiements de l’entreprise débitrice et à permettre l’apurement de son passif au moyen
d’un concordat préventif. C’est une procédure préventive destinée à toutes les entreprises
quelle que soit leur forme et la nature de leur activité, qui traversent une situation difficile,
mais non irrémédiablement compromise. Cette amélioration peut être appréciée au niveau
de ses conditions d’ouverture et des règles qui régissent le déroulement de la procédure.
A. L’accessibilité du règlement préventif
Dans sa réglementation actuelle le législateur a amélioré l’accès au règlement en
élargissant le cercle des personnes qui peuvent recourir à cette procédure préventive et en
simplifiant et en clarifiant les conditions de forme.
1. Élargissement du domaine du règlement préventif
Dans l’ancien comme dans le nouvel Acte uniforme le règlement préventif est ouvert aussi
bien aux débiteurs personnes physiques qu’aux débiteurs personnes morales.
C’est au niveau des débiteurs personnes physiques, que l’on peut relever une importante
innovation de l’Acte uniforme de 2015. En effet, s’agissant des personnes physiques,
l’ancien Acte uniforme prévoyait que seuls les commerçants pouvaient demander
l’ouverture d’une procédure de règlement préventif. Ce qui excluait du domaine de cette
procédure une bonne partie des opérateurs économiques, tels que les agriculteurs, les
artisans, les membres des professions libérales… n’exerçant pas leur activité dans le cadre
d’une entreprise sociétaire.
Désormais, l’art. 1-1 de l’AUPC/AP vise toutes les personnes exerçant une activité
professionnelle indépendante, civile, commerciale, artisanale ou agricole. Il ne s’agit donc
plus seulement des commerçants. Toutefois, quelle que soit la nature de son activité,

7
l’entrepreneur individuel doit être un professionnel. Cela implique que les salariés et les
personnes exerçant une activité occasionnelle ou des actes isolés ne peuvent pas recourir
au règlement préventif. Cette procédure peut être utilisée par les entreprenants
commerçants ou non, de même que les artisans, les membres des professions libérales.
Le texte vise ensuite les personnes morales de droit privé et les entreprises publiques
constituées sous la forme d’une personne morale de droit privé.
Il convient d’observer que désormais aussi bien pour les personnes physiques que pour les
personnes morales, le règlement préventif n’a plus un caractère institutionnel.
Mais on peut se demander s’agissant des commerçants, si l’immatriculation est nécessaire.
Une réponse positive s’impose compte tenu des termes de l’article 60 de l’AUDCG. Il
résulte de ce texte que la personne qui exerce une activité commerciale et qui n’est pas
immatriculée est privée des droits des commerçants sans pouvoir invoquer le défaut
d’immatriculation pour échapper à ses obligations. Le règlement préventif doit être
considéré comme un droit des professionnels commerçants ou non commerçants. En
l’absence d’une immatriculation le commerçant peut en bénéficier s’il a déclaré son activité
comme entreprenant.
Par ailleurs quelle que soit la qualité du débiteur, l’entreprise doit traverser des difficultés
sérieuses (c’est à dire qui menacent réellement sa survie) mais sans être déjà en cessation
des paiements. En effet si la situation de l’entreprise est saine toute demande tendant à
obtenir un règlement préventif doit être considérée comme prématurée. Le juge devra dans
ce cas considérer que la situation de l’intéressé ne relève d’aucune procédure collective et
rejeter la demande.
Si en revanche, l’entreprise est déjà en cessation des paiements le tribunal devra
directement prononcer soit le redressement judiciaire, soit la liquidation des biens.
Notons en outre que le nouvel Acte uniforme précise bien que les difficultés de l’entreprise
peuvent être de nature économique ou financière.
2. Simplification et clarification des conditions de forme
Ces conditions sont relatives aux formalités liées à l’introduction d’une requête auprès de
la juridiction compétente, au dépôt d’un dossier comprenant un certain nombre d’éléments
et à la soumission d’un projet de concordat préventif.

8
S’agissant de la requête, il faut d’abord préciser qu’elle doit être introduite auprès de la
juridiction compétente en matière de procédures collectives (au Sénégal, tribunal de
Grande Instance). Cette requête doit en principe, être introduite par le débiteur, principal
intéressé. L’article 6 al.2 prévoit aussi que la juridiction compétente peut être saisie par
une requête conjointe du débiteur avec un ou plusieurs créanciers.
Dans cette requête le débiteur doit exposer ses difficultés financières ou économiques ainsi
que les perspectives de redressement de l’entreprise et d’apurement de son passif.
Aucune requête ne peut être introduite par le débiteur si un concordat de redressement ou
de règlement préventif est en cours d’exécution.
De même le débiteur qui a déjà demandé un règlement préventif ne peut demander
l’ouverture d’une nouvelle procédure avant l’expiration d’un délai de trois ans à compter
à compter de l’homologation du précédent concordat préventif ou avant l’expiration d’un
délai de 18 mois à compter de la fin d’un règlement n’ayant pas abouti à un concordat
homologué.
En plus de la requête, le débiteur doit en même temps déposer un dossier comprenant un
certain nombre de documents visés à l’article 6-1 de l’AUPC/AP. Il s’agit en fait de
documents permettant d’identifier le requérant et de se faire une idée sur sa situation
économique. Tous ces documents doivent dater de moins de 30 jours. Ils doivent être datés,
signés et certifiés conformes par le requérant. Il est vrai que le nombre et la nature de ces
documents pourraient constituer un obstacle pour les entreprises qui ne sont pas
suffisamment structurées, mais le législateur semble avoir pris en compte cette difficulté
lorsqu’il prévoit que si certains documents ne peuvent être fournis ou ne pourraient l’être
qu’incomplètement, la requête doit contenir l’indication des motifs de cet empêchement.
Ensuite, au moment de l’introduction de la requête et en même temps que le dossier (non
plus dans les 30 jours), le débiteur doit, sous peine d’irrecevabilité de sa demande, déposer
un projet de concordat préventif. Toutefois, dans un souci d’allègement du formalisme, il
prévu que le débiteur qui a demandé et obtenu le bénéfice d’un règlement préventif
simplifié (entreprise qui compte au plus vingt employés et dont le chiffre d’affaires pendant
les douze derniers mois n’a pas dépassé 50 millions de francs), est dispensé du dépôt
immédiat du projet de concordat préventif (qu’il pourra d’ailleurs l’établir plus tard avec
l’aide de l’expert désigné).

9
Le projet de concordat préventif doit préciser les mesures envisagées pour le redressement
de l’entreprise, notamment les demandes de délais et de remise, la cession partiel d’actif,
la location gérance d’une branche d’activité formant un fonds de commerce, les garanties
d’exécution du concordat, le niveau et les perspectives d’emploi, les licenciements pour
motifs économiques envisagées et même le remplacement de dirigeants sociaux…
B. Une légère réorganisation des règles de mise en œuvre de la procédure
Le déroulement de la procédure de règlement préventif comporte deux phases : une
première phase d’ouverture de la procédure et une deuxième phase d’intervention du
tribunal proprement dit.
1. L’ouverture de la procédure
Elle résulte d’une ordonnance du président de la juridiction compétente et emporte un
certain nombre d’effets liés à la suspension des poursuites individuelles et à la désignation
d’un expert du règlement préventif.
Si le projet de concordat préventif lui paraît sérieux, le président de la juridiction ouvre
immédiatement la procédure. Cette décision aura des répercussions sur la situation des
créanciers et sur celle du débiteur.
Par rapport aux créanciers, la décision d’ouverture du règlement interdit ou suspend toutes
les actions contre le débiteur. Ce n’est plus au débiteur de désigner les créanciers pour
lesquels il demande la suspension des poursuites. Sont concernées :
-les poursuites qui tendent à obtenir paiement des créances nées antérieurement à ladite
décision pour une durée maximale de trois mois qui peut être prorogée d’un mois.
-Les voies d’exécution et les mesures conservatoires y compris toute mesure
extrajudiciaire.
Certaines actions échappent cependant à l’interdiction ou à la suspension des poursuites.
Ce sont d’abord les actions tendant à la reconnaissance de droits ou de créances contestés.
Ce sont ensuite, les actions cambiaires dirigées contre les signataires d’effets de commerce
autre que le bénéficiaire de la suspension des poursuites individuelles.
La suspension des poursuites a également comme effet à l’égard des créanciers, que les
délais qui leur sont impartis à peine de déchéance, de prescription ou de résolution de leurs
droits sont suspendus pendant la durée de la procédure en cours.

10
Pratiquement tous les créanciers subissent les effets de la suspension des poursuites
individuelles. Aussi bien les créanciers chirographaires que ceux bénéficiant d’un privilège
général ou spécial, d’un gage d’un nantissement, d’une hypothèque, à l’exception des
créanciers de salaires et d’aliments.
Par rapport, au débiteur, l’ouverture de la procédure entraine certaines restrictions sur ses
pouvoirs, afin d’éviter qu’il n’organise son insolvabilité.
Ainsi il ne peut accomplir certains actes qu’avec l’autorisation motivée du président de la
juridiction.
L’article 11 de l’AUPC/AP prévoit qu’il ne peut pas sans autorisation et cela sous de nullité
de droit :
-payer en tout ou en partie les créances nées antérieurement à la décision d’ouverture
-faire des actes de disposition étrangers à l’exploitation normale de l’entreprise ou
consentir une sûreté.
Il est également interdit au débiteur de désintéresser les coobligés et les personnes ayant
consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie, lorsqu’elles
ont acquitté des créances antérieurement à l’ouverture du règlement préventif.
Afin de favoriser une appréciation objective de la situation du débiteur sollicitant un
règlement préventif le législateur OHADA a reconduit la désignation d’un expert par le
président de la juridiction. Cet expert est chargé de lui faire un rapport sur la situation
économique et financière de l’entreprise débitrice et les perspectives de redressement,
compte tenu des délais et remises consentis ou susceptibles de l’être par les créanciers et
sur toute autre mesure contenue dans le projet de concordat préventif. L’expert rend compte
régulièrement au président de la juridiction de l’état d’avancement de sa mission et formule
des observations. S’il apprend que le débiteur est en état de cessation des paiements, il en
informe sans délai le président de la juridiction qui doit mettre fin au règlement préventif.
Afin de pouvoir donner une information exacte sur la situation du débiteur, il peut
recueillir des renseignements auprès des comptables, des représentants du personnel, des
commissaires au compte, des organismes de sécurité et de prévoyance sociale, des
établissements bancaires ou financiers sans qu’on puisse lui opposer le secret
professionnel.

11
Il doit signaler à la juridiction compétente tous les manquements du débiteur par rapport
aux actes qui lui étaient interdits.
Dans sa mission, l’expert apporte son aide afin de faciliter les négociations entre le débiteur
et les créanciers pour parvenir à la conclusion d’un accord en se fondant sur le projet de
concordat proposé par le débiteur lors de la demande d’ouverture.
À la fin de sa mission, il établit un rapport contenant l’accord conclu entre le débiteur et
les créanciers ainsi que le projet de concordat préventif. Ce rapport doit être déposé dans
les trois mois de la décision d’ouverture du règlement préventif sauf prorogation
exceptionnelle d’un mois sur autorisation motivée du président de la juridiction à la
demande de l’expert ou du débiteur (En cas de règlement préventif simplifié ces délais sont
ramenés à deux mois avec une prorogation de quinze jours). A défaut de respecter ces
délais il engage sa responsabilité à l’égard du débiteur et des créanciers.
2. L’intervention du tribunal et ses conséquences
Dans les huit jours du dépôt du rapport de l’expert, le président de la juridiction provoque
l’intervention du tribunal pour un jugement éventuel.
Le président convoque le débiteur à une audience non publique pour y être entendu. Il peut
également y convoquer l’expert et tout créancier qu’il juge utile.
Le débiteur peut également saisir lui-même la juridiction compétente.
L’intervention du tribunal est strictement encadrée dans le nouvel Acte uniforme. En effet,
la juridiction saisie doit se prononcer immédiatement ou au plus tard dans un délai de 30
jours à compter de sa saisine. A défaut le règlement préventif prend fin de plein droit et les
créanciers recouvrent l’exercice de tous leurs droits. De même le débiteur recouvre la
pleine administration de ses biens.
Le tribunal n’est pas obligé de rendre un jugement favorable de règlement préventif.
Le nouvel Acte uniforme a reconduit l’option qui était consacrée par l’Acte uniforme de
1998.
La juridiction statuant en audience non publique a, selon l’article 15 de l’AUPC/AP, le
choix entre trois possibilités :
-ouvrir directement une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens.
Elle adopte cette solution lorsqu’elle estime que le débiteur est d’ores et déjà en état de
cessation des paiements

12
-mettre fin au règlement préventif si elle estime que la situation du débiteur ne relève
d’aucune procédure ou si elle rejette le concordat préventif proposé par le débiteur.
-homologuer le concordat lorsque la situation du débiteur le justifie.
Elle opte pour cette solution si elle estime que la situation est difficile mais qu’un
redressement est possible. Elle va alors constater les délais et remises consentis et donne
acte au débiteur des mesures de redressement proposées.
La décision homologuant le concordat met fin à la mission de l’expert. Toutefois la
juridiction peut désigner d’office ou à la demande du débiteur ou d’un créancier, un syndic
et ou des contrôleurs qui seront chargés de surveiller l’exécution du concordat préventif
homologué. Pour plus d’efficacité il est prévu que la juridiction peut désigner l’expert au
règlement préventif en qualité de syndic.
Le tribunal doit également désigner un juge-commissaire chargé de contrôler les activités
du syndic ou des contrôleurs qui ont été désignés pour surveiller l’exécution du concordat
préventif homologué. Cet organe doit à son tour établir un rapport adressé à la juridiction
compétente tous les trois mois et à tout moment à la demande de cette dernière.
Le prononcé du jugement homologuant le concordat préventif permet au débiteur et aux
créanciers de recouvrer leur liberté par rapport aux restrictions qui affectaient leurs droits.
Néanmoins le débiteur doit, dans le cadre de cette liberté retrouvée, respecter les termes du
concordat, sinon il s’expose à sa résolution.
L’homologation du concordat rend celui-ci obligatoire pour tous les créanciers antérieurs
à la décision d’ouverture du règlement préventif. Qu’ils soient chirographaires ou munis
de sûretés, ils doivent respecter les délais et remises qu’ils ont accordés au débiteur ou qui
leur été imposés par le tribunal.
L’homologation du concordat rend également celui-ci obligatoire pour les personnes
coobligées ou qui ont consenti une sûreté personnelle ou affecté ou cédé un bien en garantie
lorsqu’elles ont acquitté des dettes du débiteur nées antérieurement à cette décision.
Les créanciers munis de sûretés réelles spéciales conservent ainsi leurs garanties, mais ils
ne pourront pas les réaliser pendant toute la durée d’exécution du concordat.
Cependant, les créanciers bénéficient d’une protection efficace. En effet, à l’exception des
personnes physiques, les coobligés ou les personnes ayant consenti une sûreté personnelle
ou réelle ne peuvent pas se prévaloir des délais et remises du concordat préventif.

13
Autrement dit les créanciers maintiennent toutes leurs prérogatives à l’égard des personnes
morales qui ont accepté de garantir les dettes du débiteur à leur profit. Cette solution peut
être intéressante dans les relations entre les sociétés appartenant à un même groupe et qui
se sont offertes des garanties réciproques.
De même la prescription reste suspendue pendant toute la durée d’exécution du concordat
notamment par rapport aux créanciers qui, par l’effet dudit concordat, ne peuvent exercer
leurs droits ou actions y compris toute mesure d’exécution extrajudiciaire.
Le concordat suspend également pendant la même durée, les délais impartis aux créanciers,
parties audit concordat, à peine de déchéance ou de résolution des droits afférents aux
créances mentionnées dans ledit concordat.
Notons par ailleurs que dans le règlement préventif le législateur OHADA a introduit le
privilège du « new money » afin d’offrir une protection particulière à une catégorie de
créancier qui apporte de l’argent frais en ayant consenti un nouvel apport de trésorerie au
débiteur ou ayant fourni à ce dernier un nouveau bien ou un service, en vue de poursuivre
de l’entreprise débitrice et sa pérennité. Ils sont payés conformément aux dispositions des
articles 166 et 167 de l’AUPC/AP, c’est à dire au premier rang (sauf s’il y a un créancier
rétenteur ou bénéficiant d’une sûreté propriété) aussi bien lorsqu’il s’agit de la distribution
des deniers provenant de la réalisation des biens meubles que celle des deniers provenant
de la réalisation des biens immeubles.
Une clarification a, en outre, été apportée aux voies de recours contre les décisions relatives
au règlement préventif. L’article 23 précise désormais que les décisions rejetant la
demande d’ouverture du règlement préventif ou mettant fin au règlement préventif ou
rejetant l’homologation du concordat préventif sont susceptibles d’appel formé par le
débiteur devant la cour d’appel dans un délai de quinze jours à compter de leur prononcé.
En revanche s’agissant de la décision d’ouverture du règlement préventif et celle relative
à l’homologation du concordat préventif, l’appel ne peut être exercé que par les créanciers
et le ministère public dans le même délai de quinze jours de leur première publicité
notamment lorsqu’ils estiment que l’entreprise est en cessation des paiements.

14

Vous aimerez peut-être aussi