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Ohadata D-22-30

LE FORMALISME EN DROIT OHADA : ENTRE


ACCENTUATION ET ATTENUATION

Par

Assana Lynda Hormonde TOURE


Email : lynhormondetoure1@gmail.com

1
Table des matières

INTRODUCTION ................................................................................................................................... 4
I-LE FORMALISME ACCENTUÉ, GAGE D’UNE SÉCURITÉ JURIDIQUE .................................... 7
A-LE FORMALISME ACCENTUÉ EN DROIT OHADA DES CONTRATS ................................ 7
1) La nécessité de la forme écrite des contrats de cession ........................................................... 7
2) L’exigence de l’écrit comme forme des contrats de sûreté ..................................................... 9
B-LE FORMALISME RIGIDE EN DROIT OHADA DES PROCÉDURES .................................. 10
1) Les mentions obligatoires dans les procédures judiciaires .................................................... 10
2) La forme contraignante dans les procédures extrajudiciaires ................................................ 11
II- LE FORMALISME ATTÉNUÉ, SOURCE D’UNE INSÉCURITÉ JURIDIQUE ......................... 13
A-LE FORMALISME ATTÉNUÉ DANS LES CONTRATS COMMERCIAUX ......................... 13
1) La liberté de la forme des contrats conclus entre commerçants ............................................ 13
2) L’option de la forme dans les contrats mixtes ....................................................................... 15
B-LE FORMALISME SOUPLE AU SEIN DES SOCIÉTÉS COMMERCIALES ......................... 17
1) Les formalités légères en matière de constitution de société................................................. 17
2) La reconnaissance paradoxale de la société en participation................................................. 19
CONCLUSION ..................................................................................................................................... 21
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................................ 22

2
RESUMÉ

Le formalisme en Droit OHADA a un caractère mixte. Cette mixité est due à la coexistence du
formalisme accentué et du formalisme atténué en Droit OHADA. Le législateur OHADA ayant
opté pour le formalisme atténué dans la majorité des matières régies par le Droit OHADA et
pour le formalisme accentué dans des matières spécifiques. Cependant, après plusieurs années
d'application de ces deux types de formalisme, la sécurité juridique constitue toujours un
véritable challenge en Droit OHADA. Ce qui représente une pierre d’achoppement pour l’essor
des investissements dans la zone OHADA. Il est donc impérieux de déterminer lequel de ces
deux types de formalisme constitue un frein à la sécurité juridique en Droit OHADA. Cette
détermination est nécessaire dans la mesure où elle servira de boussole au législateur OHADA
dans le choix du type de formalisme à instaurer dans les futurs actes uniformes. Une analyse
minutieuse des règles en vigueur permet d’attester que le formalisme accentué contribue à la
sécurité juridique, tandis que le formalisme atténué entraîne une insécurité juridique.

MOTS-CLÉS : Formalisme – Formalité – Contrat – Sécurité juridique – Société –


Investissement

ABSTRACT

The formalism in OHADA law has a mixed character. This diversity is due to the coexistence
of accentuated formalism and attenuated formalism in OHADA law. The OHADA legislator
having opted for attenuated formalism in the majority of matters in OHADA law and for
accentuated formalism in specific matters. However, ofter several year of application of these
two types of formalism, legal security is still a real challenge in OHADA law. This represents
a stumbling block for the development of investments in the OHADA zone. It is therefore
imperative to determine which of these two type of formalism constitutes an obstacle to legal
security in OHADA law. This determination is necessary insofar as it will serve as a compass
for the OHADA legislator in the choice of the type of formalism to be introduce in future
uniform acts. A careful analsis of the rules in force makes it is possible to certify that
accentuated formalism contributes to legal security, while attenuated formalism leads to legal
insecurity.

KEYS-WORDS : Formalism – Formality – Contract - Legal Security– Company –


Investment

3
INTRODUCTION

« Chassez le formalisme, il revient au galop1 ! »

1. Cette exclamation témoigne des vives tensions qui surgissent en doctrine, lorsque la
question du formalisme est abordée. Tandis que d'aucuns militent pour la disparition du
formalisme, certains prônent sa renaissance. La définition du formalisme n'est pas elle-même
à l'abri des divergences.

2. Dérivé de formel, le formalisme est un mot polysémique. En interprétation juridique,


le formalisme désigne une méthode consistant à considérer la forme d’une règle comme ayant
plus de valeur que son objectif premier ou encore à accorder plus d'importance à la forme de la
règle qu'au fait de parvenir, tout bien considéré, au meilleur jugement possible dans un cas et
un contexte précis2. Dans ce sens, le formalisme est conçu comme une méthode d’analyse du
Droit dans son entièreté ou de la pensée juridique. Cette acception est généralement utilisée
pour décrire le formalisme du Droit.

3. Le formalisme est aussi utilisé pour désigner le principe en vertu duquel


l'accomplissement d'une formalité, souvent la rédaction d'un écrit, est nécessaire à la validité
d'un acte juridique3. Il renvoie alors au principe selon lequel la validité d’un acte juridique est
conditionnée à l’accomplissement d’une ou plusieurs formalités. Dans ce sens, il est opposé au
consensualisme, principe en vertu duquel sauf exception, tous les actes juridiques sont
consensuels4. Plus précisément, ce formalisme est opposé au principe selon lequel un acte
juridique peut être conclu, au gré des intéressés, sous une forme quelconque et dont on dit qu’il
résulte du seul échange des consentements, dès lors que les volontés se sont accordées d’une
manière ou d’une autre, soit par écrit, soit oralement soit tacitement5. Il s’agit d’un principe
« sacro-saint » en vertu duquel un acte juridique est valablement formé par la simple volonté
des parties sans qu’aucune condition de forme ne soit exigée. Ici, le formalisme est plus
employé en référence au formalisme en Droit.

1
Véronique CHAMPEIL-DESPLATS, « L’idée de formalisme dans la pensée juridique française du XX siècle »,
Revue de Recherche Juridique, 2019, tome 5, n°33, p.1755
2
Stefan GOLTLBERG, « les racines théologiques de l'anti-formalisme en Droit », Revue de Recherche Juridique,
2019, tome 5, n°33, p.1779
3
Rémy CABRILLAC, Dictionnaire du vocabulaire juridique, Paris : Lexis Nexis Litec, 3ème édition, 2008, p.417
4
Gérard CORNU, Vocabulaire juridique, Paris : Quadrige PUF, 11ème édition mise à jour, 2016, p.244
5
Gérard CORNU, Ibid., p.244

4
4. Cette conception du formalisme a connu une évolution. Par la suite, le formalisme a
été défini comme le principe en vertu duquel la validité ou l’efficacité des actes juridiques est
subordonnée à l’accomplissement de certaines formalités prédéterminées6. Désormais, les
formalités ne sont plus exigées uniquement pour la validité d’un acte juridique, elles
interviennent aussi pour son efficacité. Eu égard à son utilité, le formalisme devient alors une
tendance générale usitée dans plusieurs législations y compris dans la législation de l’OHADA.
Cette tendance consiste à multiplier les formalités dans la formation des actes juridiques ou
dans l'exercice des droits, soit à des fins de preuve, soit à des fins de publicité, soit à peine de
nullité7.

5. Ainsi, analyser le formalisme en Droit OHADA revient à analyser le mécanisme


d’instauration des formalités dans la formation des actes juridiques ou dans l’exercice des droits
en Droit OHADA. En effet, adoptés pour une meilleure sécurité juridique des affaires8, les actes
uniformes instaurent diverses formalités en vue de la validité, de la publicité et de la preuve des
actes juridiques.

En matière de voie d'exécution et de sûretés par exemple, les actes uniformes prescrivent des
formalités rigides. En cas de non-respect des formes prescrites, les sûretés sont nulles9 ainsi que
les actes de procédure10. Ces actes sont considérés comme inexistants. Dans un tel cas, le
formalisme est qualifié d'accentué, dans la mesure où la forme est imposée pour la validité de
l'acte juridique, à peine de nullité ou d'inexistence11.

Par contre, en droit des sociétés, l'accomplissement de la formalité de l'immatriculation est


exigé pour l'acquisition de la personnalité juridique12. Il est également prescrit la forme écrite
de l'acte constitutif de la société13. Cependant paradoxalement, le non-respect de ces formalités
n'entraîne pas l'inexistence de la société mais plutôt l'inefficacité de la société. Et ce, pour la
simple raison que cette non-conformité entraîne la naissance de sociétés particulières à savoir :

6
Tien Dien NGUYEN, Le formalisme en matière contractuelle dans les droits français et vietnamien, Droit privé,
Université Panthéon-Assas, 2011, p.14
7
Gérard CORNU, op.cit., p474
8
Préambule du traité relatif à l’harmonisation en Afrique du droit des affaires adopté le 17/10/1993
9
Articles 14, 41, 127 de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés adopté le 15/12/2010
10
Articles 8, 77, 111et 121 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et
des voies d’exécution adopté le 10/04/1998
11
Tien Dien NGUYEN, op.cit., p.44
12
Article 98 de l’Acte uniforme révisé relatif au Droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt
économique adopté le 30/01/2014
13
Article 10 et suivants de l’Acte uniforme révisé relatif au Droit des sociétés commerciales et du groupement
d’intérêt économique adopté le 30/01/2014

5
la société de fait et la société en participation14. Ainsi, en matière de société, le formalisme
semble atténué en Droit OHADA. On parle de formalisme atténué, lorsqu'une forme est requise
pour l'efficacité d'un acte juridique et non pour l'existence de cet acte15. À l’opposé du
formalisme accentué, le formalisme atténué ne s’intéresse pas directement à l’existence ni à
l’intégrité du consentement des parties et il s’impose simplement en vue de renforcer l’efficacité
de l’acte juridique dans certaines situations particulières16. Il se décline généralement en
l’instauration des formes probatoires et des formalités de publicité.

6. Il est donc certain que le législateur OHADA n’a pas attaché d’importance au formalisme
lorsqu’il ne l’a pas jugé utile ; toutefois il n’a pas non plus perdu de vue l’importance des formes
juridiques dans la pratique des affaires17. Raison pour laquelle, quelques opérations
commerciales requièrent un formalisme rigoureux en Droit OHADA contrairement à d’autres.
Dès lors, en Droit OHADA, deux types de formalisme semblent coexister à savoir : Le
formalisme accentué et le formalisme atténué.

Cependant, après plusieurs années d'application de ces deux types de formalisme, la sécurité
juridique constitue toujours un vrai challenge en Droit OHADA18. Ce qui met à mal les
investissements en zone OHADA, car aucun climat juridique ne peut être favorable aux
investissements sans une véritable sécurité juridique. Il est donc impérieux de déterminer
lequel de ces deux types de formalisme constitue un frein à la sécurité juridique en Droit
OHADA. Cette détermination est nécessaire dans la mesure où elle servira de boussole au
législateur OHADA dans le choix du type de formalisme à instaurer dans les futurs actes
uniformes.

7. Une question s’impose donc, à savoir : Quel formalisme choisir pour une meilleure
sécurité juridique ? L’on ne saurait apporter une réponse acceptable à cette interrogation sans
préalablement examiner distinctement les deux types de formalisme en vigueur en Droit
OHADA à la lumière de l’impératif de sécurité juridique.

8. D’emblée, la sécurité juridique renvoie dans un sens abstrait à toute garantie, tout
système juridique de protection tendant à assurer, sans surprise, la bonne exécution des

14
Articles 114 et 145 de l’Acte uniforme révisé relatif Droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt
économique adopté le 30/01/2014
15
Tien Dien NGUYEN, op.cit., p.156
16
Ibid.
17
Paul-Gérard POUGOUÉ, Encyclopédie du Droit OHADA, Lamy, 2011, p.13
18
La Tribune d’Afrique, « Investissements : Sécurité juridique, l’autre enjeu pour le climat des Affaires »,
Finances, 17 décembre 2017, consulté le 20/06/2022 sur https://afrique.latribune.fr

6
obligations, à exclure ou au moins réduire l’incertitude dans la réalisation du droit19. Promue
par le traité de l’OHADA, la sécurité juridique vise à protéger les acteurs du monde des affaires
contre toutes surprises juridiques désagréables.

9. Ainsi, s'il est incontestable que le formalisme accentué préserve les acteurs du monde
des affaires contre toutes surprises juridiques désagréables (I), Ce n'est le cas du formalisme
atténué qui semble exposer les acteurs du monde des affaires à de nombreux risques (II).

I-LE FORMALISME ACCENTUÉ, GAGE D’UNE SÉCURITÉ JURIDIQUE

10. Bien que le consensualisme soit le principe dans la formation des contrats en Droit
OHADA, plusieurs contrats portent le sceau d’un formalisme accentué (A). Les actes de
procédure (B) n’échappent pas également à ce formalisme accentué qui sécurise diverses
opérations dans la zone OHADA.

A-LE FORMALISME ACCENTUÉ EN DROIT OHADA DES CONTRATS

11. En Droit OHADA, la validité de certains contrats, notamment les contrats de cession
(1) et les contrats de sûretés (2), est subordonnée à la production d’un écrit. Ce formalisme
participe de la sécurité juridique.

1) La nécessité de la forme écrite des contrats de cession

12. Dérivée du verbe cedere (qui signifie aller, se retirer, faire abandon de), la cession
désigne une transmission entre vifs, du cédant au cessionnaire, d’un droit réel ou personnel, à
titre onéreux ou à titre gratuit20. Autrement dit, la cession est une opération juridique par
laquelle une personne transmet l’un ou plusieurs de ses droits patrimoniaux à une autre
personne, gratuitement ou moyennant un paiement. Cette opération aux enjeux considérables
s’effectue généralement par le biais d’un contrat. En Afrique, les grandes sociétés à l’instar de
la société PETRO IVOIRE SA en Côte d’ivoire21, de la société ECOBANK SA au Togo22, de
la société TOTAL SA au Niger23 concluent régulièrement des contrats de cession d’actions, des

19
Gérard CORNU, op.cit., p. 953
20
Gérard CORNU, op.cit., p.161
21
Sébastien KADIO-MOROKRO, Communiqué de la société PETRO IVOIRE SA du 17 octobre 2018, consulté
le 23/06/2022 sur https://www.actunew.com
22
Madibinet CISSE, Communiqué de ECOBANK TRANSNATIONAL INCORPORATED du 28 août 2019, consulté
le 23/06/2022 sur https://www.brvm.org
23
Charles FAYE, « Niger : Star Oil finalise l’acquisition avec Total Energies la totalité des actions constituant le
capital de la société TOTAL NIGER », Afrique, 17 mai 2022, consulté le 20/06/2022 sur
https://www.maderpost.com

7
contrats de cession de fonds de commerce et des contrats de cession de bail à usage
professionnel.

13. Conscient des énormes enjeux économiques de ce type de contrat, le législateur


OHADA a mis en place diverses formalités comme la forme écrite du contrat. Ainsi, la vente
d’un fonds de commerce est réalisée soit par un acte sous seing privé soit par un acte authentique
comportant des mentions obligatoires24. Partant, l’écrit est une condition de forme essentielle
dans la formation du contrat de cession de fonds de commerce. En matière de cession de bail à
usage professionnel, la forme écrite de l’acte de cession de bail à usage professionnel est
également nécessaire. En effet, l’acte uniforme énonce que toute cession du bail doit être portée
à la connaissance du bailleur par signification d’huissier ou notification par tout moyen
permettant d’établir la réception effective du destinataire25. La nécessité de la forme écrite
intervient aussi dans la cession d'action ou la cession de parts sociales au sein des sociétés
anonymes26, des sociétés en nom collectif27, des sociétés en commandite simple28, des sociétés
à responsabilité limitée29, des sociétés par actions simplifiées30 et des sociétés coopératives31.

14. Cette nécessité n’est pas sans conséquence. La forme écrite prescrite souvent à peine
de nullité, sécurise les cessions contre le risque d'inefficacité. Elle facilite la preuve du contrat
de cession en cas de litige et favorise l’exécution forcée des obligations créées. C’est ainsi que
dans une affaire32 devant la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, une cession de parts
sociales a été reconnue valable et a produit ses effets en raison de la forme écrite voire notariée
de l’acte de cession. Et ce, en dépit de la dispense de la signification de l’acte de cession aux
tiers (aux autres associés). Le formalisme accentué a alors préservé le cessionnaire contre le
risque de voir son investissement s’effondrer, comme ce fut le cas dans d’autres litiges au sein

24
Article 149 et 150 de l’Acte uniforme révisé portant sur le Droit commercial général adopté le 15/12/2010
25
Article 118 de l’Acte uniforme révisé portant sur le Droit commercial général adopté le 15/12/2010
26
Article 763-1 de l’Acte uniforme révisé relatif au Droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt
économique adopté le 30/01/2014
27
Article 275 de l’Acte uniforme révisé relatif au Droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt
économique adopté le 30/01/2014
28
Article 297 de l’Acte uniforme révisé relatif au Droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt
économique adopté le 30/01/2014
29
Article 317 de l’Acte uniforme révisé relatif au Droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt
économique adopté le 30/01/2014
30
Articles 853-3 et 763-1 de l’Acte uniforme révisé relatif au Droit des sociétés commerciales et du groupement
d’intérêt économique adopté le 30/01/2014
31
Article 218 de l’Acte uniforme relatif au Droit des sociétés coopératives adopté le 15/12/2010
32
CCJA, Michel ZOUHAIR FADOUL EL ACHKAR c/ Omaïs KASSIM, Société de Transport OMAÏS KASSIM
Selecta SARL, Arrêt n°117/2014 du 04/11/2014, Ohadata J-15-208, consulté le 26/06/2022 sur www.ohada.com

8
de la zone OHADA33. L’utilité du formalisme accentué étant visible en matière de cession,
qu’en est-il en matière de sûreté?

2) L’exigence de l’écrit comme forme des contrats de sûreté

15. Protection d’origine conventionnelle, légale ou judiciaire, conférée pour garantir le


paiement de sa créance et échapper au concours des autres créanciers34, la sûreté est un élément
indispensable pour tout investisseur. Elle vise à préserver le créancier contre tout risque futur
de non-paiement ou d’insolvabilité. Cette utilité a été très vite perçue par le législateur OHADA
qui a consacré un acte uniforme aux sûretés35. Ledit acte uniforme qui a été révisé36, régit à la
fois les sûretés nées d’un contrat, d’un engagement, d’une décision de justice ou d’une loi.

16. Considérés comme des actes créateurs de garantie pour la bonne exécution d’une
obligation, les contrats de sûreté font l’objet d’un formalisme rigoureux quant à leur formation
en Droit OHADA. En effet, les contrats de sûretés tels que le cautionnement37, le gage38, le
nantissement conventionnel39 et l’hypothèque conventionnelle40 doivent être constatés dans un
écrit soit dans un acte sous seing privé soit dans un acte notarié, à peine de nullité. Dans ce
type de contrat, la forme écrite n’est pas une option ; elle est une exigence. Cela se justifie
aisément par la fonction des contrats de sûretés dans le monde des affaires. Ces contrats sont
censés protéger le créancier généralement l’investisseur contre l’insolvabilité de son débiteur
ou de son partenaire d’affaires.

17. En outre, la rigidité du formalisme dans les contrats de sûretés participe à l’instauration
d’un climat de sécurité juridique attractif. À titre d’illustration, le taux de financement en
Afrique n’a cessé de croître depuis la réforme de l’acte uniforme portant organisation des
sûretés. Pour preuve, les indicateurs de Doing Business (DB) indiquent dix-sept (17)
améliorations enregistrées dans les États membres de l’OHADA, suite à la réforme de l’acte

33
Cour d’Appel de Ouagadougou , Société ATLANTIQUE TELECOM c/ Société PLANOR AFRIQUE et Société
TELECEL FASO, Arrêt n°030 du 15/05/2009, Ohadata J-10-213, consulté le 26/06/2022 sur www.ohada.com ;
Cour d’Appel de Ouagadougou, Société ATLANTIQUE TELECOM et Société ETISALAT c/ Société PLANOR
AFRIQUE et Société TELECEL, Arrêt n°037/09 du 19/06/2009, Ohadata J-10-214, consulté le 26/06/2022 sur
www.ohada.com
34
Rémy CABRILLAC, op.cit., p.385
35
Article 1 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés adopté le 17/04/1997
36
Article 2 de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés adopté le 15/12/2010
37
Articles 13 et 14 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés adopté le 15/12/2010
38
Articles 92 et 96 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés adopté le 15/12/2010
39
Articles 125, 127, 141, 147, 157 et 163 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés adopté le 15/12/2010
40
Articles 190 et 205 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés adopté le 15/12/2010

9
uniforme portant organisation des sûretés, de 2012 à 201741. Les améliorations transparaissent
également dans le taux d’obtention de prêts dans l’espace OHADA qui est passé de 19 (en
2010) à 37 (en 2013). On note aussi une croissance au niveau des recours juridiques des
créanciers garantis dans plusieurs économies qui ont appliqué les réformes de 2014 à 201642.
Ce qui atteste de la fiabilité des sûretés en général et des contrats de sûretés en particulier.

S’il est vraisemblable que le formalisme accentué renforce la sécurité juridique en Droit des
contrats, ce type de formalisme est-il au même titre avantageux en Droit des procédures ?

B-LE FORMALISME RIGIDE EN DROIT OHADA DES PROCÉDURES

18. Dans l’espace OHADA, les procédures qu’elles soient judiciaires (1) ou
extrajudiciaires (2) respectent toujours un formalisme. Ce formalisme rigide contribue à la
sécurité juridique.

1) Les mentions obligatoires dans les procédures judiciaires

19. Quelle que soit la durée des relations d’affaires, un litige peut surgir du jour au
lendemain. Pour résoudre avec célérité les litiges en Droit des affaires, le législateur OHADA
a uniformisé diverses procédures judiciaires parmi lesquelles figurent les procédures
simplifiées de recouvrement et les voies d’exécution43.

20. Ces procédures se déroulent devant les juridictions étatiques et obéissent à des règles
strictes. En effet, la recevabilité des actes de procédure en la matière est conditionnée au respect
de mentions obligatoires. Dans la procédure d’injonction de payer, par exemple, la requête
adressée à la juridiction doit comporter des mentions obligatoires sous peine d’irrecevabilité44.
L’acte de signification de la décision portant injonction de payer doit de même contenir des
mentions obligatoires telles que l’indication du délai pour former opposition45. La procédure
simplifiée tendant à la délivrance ou à la restitution d’un bien meuble déterminé n’est pas en
marge de ce formalisme accentué. La requête46 doit contenir des mentions obligatoires de même

41
ECOPA et ECONOMIC ASSOCIATION, Évaluation de l’impact des réformes OHADA, Programme IFC sur
le climat d’investissement-OHADA (2007-2017), décembre 2018, p.32, consulté le 09/06/2022 sur
https://www.ifc.org
42
ECOPA et ECONOMIC ASSOCIATION, Ibid., p.32
43
Article 336 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies
d’exécution adopté le 10 avril 1998
44
Article 4 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies
d’exécution adopté le 10 avril 1998
45
Article 8 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies
d’exécution adopté le 10 avril 1998
46
Article 21 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies
d’exécution adopté le 10 avril 1998

10
que l’acte de signification47 de la décision portant injonction de délivrer ou de restitution. En
matière de voies d’exécution également, l’acte uniforme prévoit des mentions obligatoires
devant figurer dans les actes de saisie, sous peine de nullité de la saisie48. Il s’agit entre autres
de la désignation détaillée des biens saisis et la mention du titre ou de l’autorisation permettant
la saisie.

21. Lesdites mentions font l’objet d’un contrôle strict par les juridictions qui veillent à leur
respect scrupuleux. Dans l’affaire Scierie d’Agnibilkrou Wahad Noulad et autres c/ Hassan
Sahly49, par exemple, la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage a déclaré irrecevable la
requête aux fins d’injonction de payer pour omission des mentions obligatoires à savoir le
domicile du débiteur, la forme sociale du créancier et le décompte des sommes dues. Et ce, dans
la mesure où les mentions obligatoires jouent un rôle essentiel dans le cadre des recouvrements
et des voies d’exécution. Elles entraînent une célérité dans le traitement des dossiers judiciaires.
Elles réduisent également le risque des décisions entachées d’arbitraire. De ce fait, les mentions
obligatoires préservent les créanciers de toutes surprises juridiques désagréables dès l’instant
que leur requête ou leur acte de saisie est conforme aux règles prescrites. Quid du formalisme
dans la procédure extrajudiciaire ?

2) La forme contraignante dans les procédures extrajudiciaires

22. À la différence de la procédure judiciaire, la procédure extrajudiciaire a lieu en dehors


de l’office du juge. Ici, les parties tentent de trouver une solution à leur litige par le recours aux
modes alternatifs de règlement de différends à savoir la médiation et l’arbitrage. Ces modes de
résolution de litige n’ont pas été ignorés par le législateur OHADA. Celui-ci les a
rigoureusement encadrés en prescrivant la forme écrite des actes de procédure.

23. C’est ainsi qu’une médiation extrajudiciaire réussie s’inaugure par une convention, la
clause de médiation ou la convention de médiation et se solde par une autre convention, l’accord
de médiation ou le protocole de médiation50. À cet effet, l’article 12 de l’acte uniforme énonce
que la procédure de médiation prend fin soit par la conclusion d’un accord écrit issu de la

47
Article 25 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies
d’exécution adopté le 10 avril 1998
48
Articles 64, 68, 77, 79, 82, 88, 92, 100, 109, 157, 160, 184, 219, 223, 224, 231, 237,254,267 et 270 de l’Acte
uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution adopté le 10
avril 1998
49
CCJA, Scierie d’Agnibilktou Wahad Noulad et autres c/ Hassan Sahly, Arrêt n°016/2004 du 29 avril
2004,consulté le 26/06/2022 sur http://biblio.ohada.org
50
Yacouba-Sylla KOÏTA, « La médiation ou le Blivet du Droit OHADA », Doctrine, Ohadata D-19-9, p.19,
consulté le 20/06/2022 sur www.ohada.com

11
médiation et signé par les parties, soit par une déclaration écrite des parties ou d’une partie,
soit par l’expiration du délai de médiation51.

L’arbitrage obéit également à un formalisme accentué. L’arbitrage est fondé sur une convention
d’arbitrage écrite ou sur un instrument relatif aux investissements, notamment un code des
investissements ou un traité bilatéral ou multilatéral relatif aux investissements52. En cas
d’inexistence d’un écrit attestant l’existence d’une convention d’arbitrage ou l’application
d’une disposition commandant l’arbitrage, il ne peut y avoir d’arbitrage. En outre, comme la
médiation, l’arbitrage prend fin par un acte écrit, plus précisément une sentence arbitrale. Cette
sentence doit comporter des mentions obligatoires telles que la date, les noms et prénoms des
parties ainsi que des arbitres, les motifs et les signatures des arbitres53.

24. Cette forme contraignante des actes de procédures en matière de médiation et


d’arbitrage n’est pas sans avantage pour le monde des affaires. En effet, elle favorise la fluidité
des procédures de médiation et d’arbitrage. Elle offre un meilleur aperçu des enjeux du litige.
Elle sécurise également la volonté des parties. Dans le cadre de l’arbitrage en particulier, la
forme écrite contribue à faire de l’arbitrage la chose des parties et à rendre la décision de
l’arbitre irrévocable54. À supposer que la forme écrite des actes ne soit pas exigée, la
détermination de la véritable volonté des parties ne sera pas aisé. Dans un tel cas, les parties
seront exposées à un énorme risque, celui de la remise en cause de leur accord. Il en est de
même dans le cadre de la procédure de médiation ; car de par son caractère volontaire, la
médiation est l’affaire des parties qui maîtrisent la solution qui est apportée au litige55. Le
médiateur ne joue qu’un rôle de facilitateur de l’accord des parties. Ainsi, la forme écrite fortifie
la sécurité juridique dans les procédures extrajudiciaires au sein de l’espace OHADA.

25. En somme, le formalisme accentué a un impact considérable sur la sécurité juridique


en Droit OHADA. Dans le domaine des contrats comme dans le domaine des procédures, le
formalisme accentué est présent et il agit minutieusement à l’effet de renforcer la sécurité
juridique en Droit OHADA. Cependant, il n’est pas seul en Droit OHADA. Il a un coéquipier,
le formalisme atténué qui, au demeurant, semble le ralentir dans sa course.

51
Article 12 de l’Acte uniforme relatif à la médiation adopté le 23 novembre 2017
52
Article 3, 3-1, 4 de l’Acte uniforme relatif au Droit de l’arbitrage adopté le 23 novembre 2017
53
Articles 20 et 21 de l’Acte uniforme relatif au Droit de l’arbitrage adopté le 23 novembre 2017
54
Abdoulaye SAKHO, « Deux clés de compréhension des atouts de l’arbitrage dans l’espace OHADA », Série de
documents de recherche, n°3, 2020, p.11, consulté le 27/06/2022 sur www.africaportal.org
55
Innocent TCHAMGWE, « La médiation conventionnelle dans l’espace OHADA », RDDA, regard, décembre
2019, p.14

12
II- LE FORMALISME ATTÉNUÉ, SOURCE D’UNE INSÉCURITÉ JURIDIQUE

26. Encore attaché au consensualisme, le législateur OHADA a opté pour un formalisme


plus léger dans la conclusion de la majorité des actes juridiques commerciaux. Ce formalisme
atténué appliqué particulièrement en Droit des contrats commerciaux (A) et en Droit des
sociétés commerciales (B), constitue une entrave à la sécurité juridique en Droit OHADA.

A-LE FORMALISME ATTÉNUÉ DANS LES CONTRATS COMMERCIAUX

27. Dans la zone OHADA, la forme des contrats commerciaux est généralement laissée
à la discrétion des parties, qu’il s’agisse des contrats conclus entre commerçants (1) ou des
contrats conclus entre commerçant et non-commerçant (2). Cette liberté freine certainement la
sécurité juridique en Droit OHADA.

1) La liberté de la forme des contrats conclus entre commerçants

28. En vue d’accroître leurs chiffres d’affaires, les commerçants concluent régulièrement
des contrats entre eux. Ces contrats sont généralement conclus automatiquement, dans
l’immédiat. Cela se justifie par une considération populaire selon laquelle : « Les commerçants
n’ont que peu de temps à perdre et donc ont conscience de ce que les pertes de temps ont un
coût peu compatible avec la logique économique de la rentabilité au cœur de leurs
opérations.56 ».

29. Cette considération populaire a été entérinée par le législateur OHADA qui n’a pas
jugé nécessaire d’imposer une forme particulière pour la conclusion des contrats commerciaux
courants conclus entre commerçants. Ainsi les contrats tels que le contrat de vente commerciale
et le contrat de transport de marchandises par route, ne sont soumis à aucune condition de
forme. A cet effet, l’acte uniforme énonce que le contrat de vente commerciale peut être écrit
ou verbal ; il n’est soumis à aucune condition de forme57. Il ajoute que le contrat de vente
commerciale est prouvé par tous moyens.

En ce qui concerne le contrat de transport de marchandises par route, l’acte uniforme dispose
que le contrat de transport de marchandises existe dès lors que le donneur d’ordre et le
transporteur sont d’accord pour le placement d’une marchandise moyennant un prix convenu58.
Ledit acte prévoit également une lettre de voiture censée matérialiser l'accord intervenu en
précisant les caractéristiques de la marchandise, la mission ainsi que l’identité des

56
Paul-Gérard POUGOUÉ, op.cit., p.13
57
Article 240 de l’Acte uniforme révisé portant sur le Droit commercial général adopté le 15 décembre 2010
58
Article 3 de l’Acte uniforme sur le contrat de transport de marchandises par route adopté le 22 mars 2003

13
parties59.Cependant, paradoxalement, il est également énoncé que l’absence ou l’irrégularité de
la lettre de voiture ou des mentions prescrites, de même que la perte de la lettre de voiture
n’affecte ni l’existence, ni la validité du contrat de transport60.

30. Une telle marge de liberté laisse transparaître la volonté du législateur d’imposer qu’un
formalisme léger à des fins de preuve. Cependant elle comporte des risques tant au niveau de
la preuve desdits contrats que de leur exécution. Bien que la preuve de ce type de contrat se
fasse par tout moyen, elle n’est nullement aisée. En effet, rassurés par la possibilité qui leur est
offerte de conclure un contrat de vente commerciale ou un contrat de transport verbalement et
sans écrit, les commerçants se plongent dans un laxisme. Ils ne se préoccupent guère du moyen
par lequel ils pourront prouver l’existence de leurs contrats en cas de litige.

Ainsi lorsque survient un litige, ils sont confrontés à des difficultés comme ce fut le cas dans
l’affaire TEGOUM Jules contre LONGTIO Joseph61. Dans ladite affaire, les juges ont rejeté
la demande de l’expéditeur pour défaut de preuve. L’expéditeur n’ayant apporté aucune pièce
prouvant l’existence du contrat de transport, son action en responsabilité a été déclaré mal
fondée. L’expéditeur aurait eu certainement plus de chances, s’il avait daigné réclamer une
lettre de transport au transporteur. Et ce, dans la mesure où la lettre de transport apparaît comme
un véritable instrument de preuve de l’état de la cargaison et des termes de l’accord des parties,
mais aussi comme un reçu de la même marchandise de la part du transporteur62. Bien plus,
l’expéditeur aurait dû exiger la conclusion d’un contrat écrit. Dès lors, la liberté de forme dans
la conclusion du contrat de transport de marchandises expose les commerçants à de sérieux
risques d’inexécution des obligations contractuelles.

Il en est de même dans les contrats de vente commerciale. Dans l’affaire OUATTARA Siaka
c/ NANEMA Étienne également, les Juges ont été confrontés à l’épineuse question de la
preuve63. Tandis que l’appelant contestait l’obligation de délivrance de cinquante-six (56) sacs
d’anacardes en affirmant qu’il avait déjà effectué la livraison des sacs d’anacardes convenus et
payés. L’intimité soutenait que le prix versé correspondait au prix de cent soixante (160) sacs

59
Article 4 de l’Acte uniforme sur le contrat de transport de marchandises par route adopté le 22 mars 2003
60
Article 4 in fine de l’Acte uniforme sur le contrat de transport de marchandises par route adopté le 22 mars
2003
61
Tribunal de Première Instance de Baffouam, TEGOUM Jules c/ LONGTIO Joseph, Jugement civil n°9 du 1er
février 2008, Ohadata J-08-155, consulté le 28/ 06/2022 sur www.ohada.com
62
Ibrahim Khalil DIALLO, « Étude de l’Acte uniforme relatif au contrat de transport de marchandises par route »,
Bulletin du transport multimodal, n°2 et 3, juillet-décembre 2004, Ohadata D-05-08, p17, consulté le 28/06/2022
sur www.ohada.com
63
Cour d’Appel de Bobo-Dioulasso, OUATTARA Siaka c/ NANEMA Étienne, Arrêt n°09/09 du 10/06/2009,
Ohadata J-12-115, consulté le 29/06/2022 sur www.ohada.com

14
d’anacarde et que la livraison avait été effectuée partiellement. C’est alors que les Juges en se
fondant sur des présomptions douteuses ont rejeté les demandes de l’appelant et ont confirmé
le jugement querellé faisant droit à l’intimé.

31. Il est donc incontestable que la liberté accordée aux commerçants quant à la forme de
leur contrat de transport de marchandises ou de bail à usage professionnel, entraîne un
libertinage. Ce libertinage dégrade la sécurité juridique tant souhaitée en Droit OHADA. Il
convient donc de limiter ladite liberté en imposant la forme écrite comme une condition de
validité du contrat. Certes, cela entraînera une rupture avec le consensualisme. Cette rupture
sera toutefois plus salvatrice que sanglante. Les risques d’inexécution fondée sur la non-
reconnaissance des clauses de l’accord seront limités, car la preuve sera rapportée
systématiquement. La nécessité de l’instauration d’un formalisme accentué est également
ostensible au niveau des contrats liant les commerçants aux non-commerçants.

2) L’option de la forme dans les contrats mixtes

32. Dans l’exercice de leurs activités économiques, les commerçants traitent fréquemment
avec les non-commerçants. Ils prennent à bail leurs locaux. Ils leur fournissent des services et
des marchandises. Pour ce faire, les commerçants concluent des contrats mixtes à l’instar des
contrats de vente, des contrats de bail à usage professionnel et des contrats de mandat.

33. Ces deux derniers contrats ont fait l’objet d’une réglementation spécifique en Droit
OHADA. Ils sont encadrés par l’acte uniforme révisé portant sur le Droit commercial général64.
En ce qui concerne le contrat de bail à usage professionnel, ledit acte prévoit que le contrat de
bail à usage professionnel peut être écrit ou verbal65. Cela dit, le législateur OHADA accorde
une option de forme aux parties au contrat de bail à usage professionnel. Relativement au
contrat de mandat, parlant particulièrement du contrat de mandat de l’intermédiaire de
commerce, l’acte uniforme énonce que le mandat de l’intermédiaire peut être écrit ou verbal et
qu'il n’est soumis à aucune condition de forme. Il ajoute même qu’en cas d’absence d’un écrit,
il peut être prouvé par tous moyens, y compris par témoin66. Ici encore, le législateur permet
aux parties d’opter pour la forme de leur choix.

34. Cette possibilité d’opter pour la forme du contrat témoigne certes de la volonté du
législateur de soumettre lesdits contrats à un formalisme souple juste à des fins de preuve,

64
Articles 101, 102, 103, 168,176 et suivants de l’Acte uniforme révisé portant sur le Droit commercial général
adopté le 15/12/2010
65
Article 103, 104,105 de l’Acte uniforme révisé portant sur le Droit commercial général adopté le 15/12/2010
66
Article 176 de l’Acte uniforme révisé portant sur le Droit commercial général adopté le 15/12/2010

15
toutefois elle encourage la conclusion de contrats verbaux. En Afrique, Les commerçants étant
minoritairement ou majoritairement analphabètes ; ceux-ci perçoivent l’oralité comme le
moyen le plus facile et rapide. À ce propos, une étude récente a démontré que le taux
d’alphabétisation en Afrique subsaharienne en 2020 était de 66%67. Partant, il existe encore
plusieurs analphabètes en Afrique, qui œuvrent généralement dans le monde des affaires. Cela
dit, le taux d’analphabétisme militent en faveur de l’option de forme dans les contrats mixtes,
cependant cette option n’est pas sans risque.

En effet, en matière de mandat par exemple, des objections peuvent surgir lors du paiement de
la commission due à l’intermédiaire. Le contrat étant verbal, l’une des parties peut facilement
contester ce qui a été préalablement convenu. L'affaire NKUINGOUA Alain Thomas contre
Société MONTPARNASSE en est une illustration68. Dans cette affaire, la Cour a certes reconnu
le contrat verbal liant les parties, cependant elle s’est fondée sur des présomptions pour
déterminer les commissions dues. Le Sieur Thomas et la Société MONTPARNASSE n’ont pas
totalement obtenu gain de cause par simple négligence. Les parties ignoraient totalement les
implications de leur accord. Les contrats de bail verbaux ne sont pas non plus exempts de
risques. Bien que prisés en Afrique, le contrat de bail verbal pose des difficultés de preuve tant
de l’existence même du contrat que de sa durée ou de sa prise d’effet69. En cas de litige, le juge
ne pourra trancher que sur le fondement de ses convictions. Ce qui constitue un véritable risque
et peut engendrer une énorme perte de temps et d’argent.

35. Dès lors, le législateur OHADA gagnerait à intervenir de manière plus stricte en rendant
obligatoire la forme écrite des contrats de bail à usage professionnel et des contrats de mandat
de l’intermédiaire de commerce. Il s’agira certainement d’effectuer un changement radical
mais capital, car un minimum d’exigence de forme permettra en outre la protection des
illettrés70. Ceux-ci, comprendront la nécessité d’un conseil juridique et chercheront à se faire
assister lors de la conclusion de leurs contrats de bail ou de mandat. La sécurité juridique en
Droit OHADA se verra renforcée.

67
Institut de Statistique de l’UNESCO, Le taux d’alphabétisation : total des adultes(%des personnes âgées de
15ans et plus)-Sub-Saharan Africa, 1985-2020, consulté le 29-06-2022 sur www.donnees.banquemondiale.org
68
Cour d’Appel du Centre, NKUIGOUA Alain Thomas c/ Société MONTPARNASSE, Arrêt n°04/CIV du 06 janvier
2010, Ohadata J-12-240, consulté le 30/06/2022 sur www.ohada.com
69
Ngarlem MADJIWEI, « La forme du bail à usage professionnel dans le droit OHADA », Wordpress, 26 août
2015, consulté le 30/06/2022 sur https://madjiweingarlem.wordpress.com
70
Félix Onana ETOUDI, « Formalisme et preuve des obligations contractuelles dans l’avant-projet d’acte
uniforme sur le Droit des contrats », Revue de droit unifié, 2008, p.356

16
S’il est évident que le formalisme atténué appliqué aux contrats commerciaux constitue une
entrave à la sécurité juridique en Droit OHADA, que dire du formalisme en Droit des sociétés
commerciales ?

B-LE FORMALISME SOUPLE AU SEIN DES SOCIÉTÉS COMMERCIALES

36. En Droit des sociétés commerciales, le législateur OHADA a prévu une panoplie de
formalités nécessaires pour la création des sociétés commerciales. Ces formalités légères (1)
ainsi que la reconnaissance paradoxale des sociétés en participation (2) par le Droit OHADA,
réduisent la sécurité juridique dans l’espace OHADA.

1) Les formalités légères en matière de constitution de société

37. En vue de redynamiser l’entreprise en Afrique, le Droit OHADA a prescrit des


formalités en matière de constitution de société. D’abord, l’acte créateur de la société doit être
un acte écrit. À cet effet, l’acte uniforme prévoit que les statuts sont établis par acte notarié71
ou par acte sous seing privé72. Ensuite, les statuts doivent contenir des mentions obligatoires73
telles que la forme de la société, la dénomination, le siège social, etc. Il est également exigé
l’immatriculation74 de la société au registre du commerce et du crédit mobilier, cette formalité
confère la personnalité juridique75 à l’entité constituée. Enfin, l’acte uniforme exige la
publicité76 de la constitution de la société. La publicité consiste en l’insertion d’un avis de
constitution dans un journal habilité à recevoir les annonces légales dans l’État partie du siège
social.

38. Ces formalités sont prescrites soit à peine d’irrégularité77 soit à peine de nullité78.
Toutefois lesdites sanctions ne produisent pas leur plein effet dans l’espace OHADA. En effet,
dans le but de préserver la vie des sociétés à tout prix, le législateur OHADA a prévu un

71
Article 10 de l’Acte uniforme révisé relatif au Droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt
économique adopté le 30/01/2014
72
Article 11 de l’Acte uniforme révisé relatif au Droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt
économique adopté le 30/01/2014
73
Article 13 de l’Acte uniforme révisé relatif au Droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt
économique adopté le 30/01/2014
74
Article 97 de l’Acte uniforme révisé relatif au Droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt
économique adopté le 30/01/2014
75
Article 98 de l’Acte uniforme révisé relatif au Droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt
économique adopté le 30/01/2014
76
Article 261 de l’Acte uniforme révisé relatif au Droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt
économique adopté le 30/01/2014
77
Article 75 et suivants de l’Acte uniforme révisé relatif au Droit des sociétés commerciales et du groupement
d’intérêt économique adopté le 30/01/2014
78
Article 245 et 315 de l’Acte uniforme révisé relatif du Droit des sociétés commerciales et du groupement
d’intérêt économique adopté le 30/01/2014

17
mécanisme de régularisation très souple. Ce mécanisme consiste en la saisine de la juridiction
compétente afin que soit ordonnée sous astreinte la régularisation de la société. En outre,
l’action aux fins de régularisation est frappée de prescription trois années après
l’immatriculation de la société79. Dès lors, après une durée de trois ans à compter de
l’immatriculation, une société irrégulière ne peut plus faire l’objet d’une régularisation. Elle
n’est pas non plus automatiquement nulle.

À la réalité, la nullité des sociétés telle que préconisée par le Droit OHADA, n’est qu’une
nullité de façade. Plutôt que d’être une sanction véritable dissuasive, la nullité des sociétés pour
méconnaissance des formalités de constitution apparaît comme un léger rappel à l’ordre qui
peut être ignoré facilement. A ce propos, des mesures pour couvrir la nullité sont prévues en
cas d’action en nullité80. Bien plus, en absence d’action en justice, la société irrégulière se mue
tranquillement en société de fait81.

39. Le caractère léger des formalités de constitution de société est connu par les opérateurs
économiques. Ceux-ci se servent certainement de cette faille pour accomplir de vils desseins
à savoir les manœuvres frauduleuses d’évasion fiscale, d’escroquerie et de blanchiment de
capitaux. L’essor de la criminalité à col blanc en Afrique82, trouve alors une source non-
négligeable. Dans une telle situation, la sécurité juridique en Droit OHADA est une illusion.

Il s’avère donc primordial d’opter pour un formalisme plus rigide dans la constitution des
sociétés. Cela impliquerait le retrait de la société de fait de l’ordonnancement juridique et le
renforcement des règles en matière de nullité pour vice de forme. Ce renforcement pourra se
traduire par l’instauration d’une véritable obligation de régularisation des sociétés irrégulières
et par l’application de la conception traditionnelle de la nullité. Grâce à ces mesures, les
opérateurs économiques seront contraints de respecter les formalités de constitution des sociétés
commerciales, dès l’instant qu’ils optent pour la forme sociétale dans la zone OHADA.
Cependant la sécurité juridique ne saurait être une réalité tant que la société en participation
sera reconnue en Droit OHADA.

79
Article 77 de l’Acte uniforme révisé relatif au Droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt
économique adopté le 30/01/2014
80
Article 247 et suivants de l’Acte uniforme révisé relatif au Droit des sociétés commerciales et du groupement
d’intérêt économique adopté le 30/01/2014
81
Article 865 de l’Acte uniforme révisé relatif au Droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt
économique adopté le 30/01/2014
82
Serigne DIAKHAT, La lutte contre la délinquance économique et financière dans l’Union Économique et
Monétaire Ouest Africain (UEMOA) et dans l’Organisation pour l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique
( OHADA) :état des lieux et perspectives, Droit privé, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, 2017, p.56

18
2) La reconnaissance paradoxale de la société en participation

40. Telle une organisation occulte, la société en participation est la société dans laquelle les
associés conviennent qu’elle n’est pas immatriculée au registre du commerce et du crédit
83
mobilier .C’est la société qui n’a pas de personnalité morale et qui n’est pas soumise à la
publicité. Elle apparaît comme une société dérogatoire qui résiste au temps. Cependant ce
caractère dérogatoire accordé par diverses législations y compris la législation de l’OHADA
n’est pas sans inconvénient.

41. L’Afrique étant un continent où le secteur informel et « l’économie de bazar » occupent


une place importante, la société en participation est le reflet de la culture africaine84. En effet,
les entrepreneurs africains exercent généralement dans l’informel, à l’insu des autorités
administratives, par crainte de la légalité et de ses implications fiscales.

Dès lors, bien que salutaire, la reconnaissance de la société en participation en Droit OHADA
est paradoxale. Certes, l’acte uniforme relatif au Droit des sociétés commerciales énonce
fièrement qu’à l’exception de la société en participation, toute société doit être immatriculée au
registre du commerce et du crédit mobilier85. Toutefois cette reconnaissance encourage les
entrepreneurs à demeurer dans l’informel en échappant aux formalités légales. Le législateur
offre ainsi aux opérateurs économiques, le privilège de rester dans l’ombre ou dans l’informel
par le biais de la société en participation. Partant, L’informel est encouragé voire légitimé. Or
il est indéniable que la réglementation d’une activité vise à lutter contre l’informel et à faciliter
le contrôle étatique. La lutte contre le secteur informel tant présent86dans les économies
africaines est donc mal menée.

42. Pour mieux lutter contre la pérennité du secteur informel en Afrique, des mesures
drastiques s’imposent. Il convient de limiter la prolifération des sociétés en participation dans
la zone OHADA. Cette limitation pourra se faire par la régularisation obligatoire des sociétés
en participation existantes et l’interdiction de la création de nouvelles sociétés en participation.
De telles mesures auront vraisemblablement des retombées positives sur le taux de la

83
Article 854 de l’Acte uniforme révisé relatif au Droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt
économique adopté le 30/01/2014
84
Bérenger Yves MEUKE , « La société non personnalisée dans l’OHADA : Études de l’impact de l’absence de
la personnalité morale dans la société en participation », Ohadata D-06-01, 2006, p.1, consulté le 09/06/2022 sur
www.ohada.com
85
Article 97 de l’Acte uniforme révisé relatif au Droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt
économique adopté le 30/01/2022
86
Nancy BENJAMIN, Ahmadou Aly MBAYE, « Les entreprises informelles de l’Afrique de l’Ouest
francophone », L’Afrique en développement, 2012, consulté le 09/06/2022 sur
https://openknowledge.wordbank.org

19
criminalité à col blanc dans l’espace OHADA. Ce taux se verra certainement réduit, car la
société à participation disparaîtra avec son côté obscur qui facilite le blanchiment de capitaux
et les autres pratiques financiers frauduleux.

20
CONCLUSION

43. En dépit de la prédominance du consensualisme dans les actes uniformes de l’OHADA,


le formalisme occupe une place non-négligeable en Droit OHADA. Il est généralement prescrit
pour les nécessités de preuves et de publicité. Dans un tel cas, il a l’apparence d’un formalisme
atténué. Toutefois, il conditionne parfois la validité des actes juridiques ou l’exercice d’un droit.
Il devient alors un formalisme accentué. Ce caractère mixte du formalisme appliqué dans
l’espace OHADA, comporte des avantages et des inconvénients. L’un des inconvénients
majeurs est la limitation de la sécurité juridique dans l’espace OHADA. La présence du
formalisme atténué dans la législation de l’OHADA semble être l’une des causes de cette
limitation. Étant donné que les matières dans lesquelles le formalisme atténué est appliqué, à
savoir le droit commercial et le droit des sociétés commerciales, sont fortement exposées à des
difficultés et ambiguïtés.

44. Contrairement au formalisme atténué, le formalisme accentué apparaît comme une


source véritable de sécurité juridique. Les formalités qu’il impose, contribuent au renforcement
de la sécurité juridique dans la zone OHADA. En effet, qu’il soit sur un support papier ou sur
un support numérique, l’écrit rend aisé la matérialisation et la preuve des contrats ainsi que des
actes juridiques en général. Aussi, les formalités telles que l’immatriculation des sociétés et la
publicité des actes sociaux offrent plus de crédibilité aux entreprises et facilitent la lutte contre
la délinquance économique et la pérennité du secteur informel en Afrique. Dès lors, le
formalisme accentué répond plus à l’impératif de sécurité juridique promu en Droit OHADA.

Ne serait-il pas temps d’accueillir à bras ouverts le formalisme en Droit OHADA, en optant
pour un formalisme accentué dans les différents actes uniformes ?

21
BIBLIOGRAPHIE

 OUVRAGES
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l’OHADA, Droit privé, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, 2017
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Droit privé, Université Panthéon-Assas, 2011
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d’acte uniforme sur le Droit des contrats », Revue de droit unifié, 2008
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MEUKE Bérenger Yves, « La société non personnalisée dans l’OHADA », Ohadata D-06-01, 2006
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La Tribune d’Afrique, « Investissements : Sécurité juridique, l’autre enjeu pour le climat des
Affaires », Finances, 17 décembre 2017, sur https://afrique.latribune.fr

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