Vous êtes sur la page 1sur 11

Séance 1

INTRODUCTION AU DROIT DU TRAVAIL

§1 - Objet

S interroger sur l objet du droit du travail revient à s interroger sur en premier lieu sur
le travail.
Qu est-ce que le travail ?
Étymologiquement, du latin tripalium = trois pieux, référence à un outil de torture
auquel on attachait les esclaves. Longtemps la langue française va garder l idée de
la souffrance liée au travail.
Au XVIe siècle, on a défini le travail comme l activité productive.
Quand on parle de droit du travail, on devrait donc parler du droit de l activité
productive mais en fait, on parle du droit applicable aux relations de travail
subordonné (pour le compte et sous l autorité d autrui) dans le secteur privé.
Le droit du travail regroupe ainsi l ensemble des règles juridiques applicables aux
relations individuelles et collectives qui naissent entre les employeurs et leurs
salariés à l occasion du travail.
Le droit du travail ne s applique donc pas à toutes les relations professionnelles : il
est en principe limité au travail subordonné dans le secteur privé.

§2 - Cham d a lica i

Le droit du travail ne concerne donc qu un seul pan des travailleurs. Il ne s applique


qu aux rapports de travail dits subordonnés, dans lesquels une personne, le salarié,
est aux ordres d'une autre, appelée employeur.
Le droit du travail ne concerne pas les travailleurs qui sont soumis au droit public (par
exemple, les fonctionnaires), les travailleurs indépendants (artisan, commerçant,
professions libérales…), les bénévoles et les dirigeants d entreprise. Il existe
toutefois plusieurs exceptions.
Le droit du travail salarié occupe une place centrale : la majeure partie des actifs y
est soumise.
Voir graphique ci-après.
Source : https://www.insee.fr/fr/statistiques/2424696

Au premier trimestre 2017, les créations nettes d'emploi salarié augmentent de


nouveau solidement : elles atteignent 89 700, soit +0,4 %, après +0,3 % au trimestre
précédent. L'emploi salarié augmente de 80 300 dans le privé et de 9 500 dans la
fonction publique. Sur un an, l'emploi salarié est en hausse de 284 100 (soit +1,2 %).
Il s'accroît de 255 400 dans le privé et de 28 700 dans la fonction publique.

Source : https://www.insee.fr/fr/statistiques/2863671
§3 - Nature du droit du travail

Le droit du travail est un droit qui bouge tout le temps, il est sans cesse en train de se
renouveler. La législation évolue très rapidement (surtout depuis une vingtaine
d années) et doit s adapter au contexte social et économique changeant.
Le droit du travail est, en effet, un droit en constante évolution car il comprend des
enjeux sociaux, économiques et politiques forts.
Il est donc essentiel d'en suivre l'actualité. Les réformes Macron de 2017, en
particulier, ont fortement impacté la matière.

§4 - Fonctions du droit du travail

À quoi sert le droit du travail ?


On pense souvent que le droit du travail a pour finalité de protéger le salarié, la partie
faible du contrat. C est le droit de la protection de la classe ouvrière. Il est fondé sur
les luttes du mouvement ouvrier. Cette idée n est pourtant pas très répandue chez
les ouvriers ou dans les syndicats.
L'un des auteurs ayant contribué à cette théorie, Georges Scelle, a écrit un précis de
législation industrielle en 1922, ouvrage dans lequel il défend l'idée selon laquelle la
législation est faite pour les ouvriers qui ont lutté pour obtenir une législation de
privilèges : « l'ouvrier à ses lois comme jadis le clergé et les nobles ».
Le droit du travail aurait donc pour fonction de protéger les droits des salariés contre
les pouvoirs de l'employeur. Ces pouvoirs doivent être contenus pour rétablir un
équilibre des forces, favorable aux salariés placés contractuellement dans une
situation inégalitaire, un état de subordination juridique et économique.

Cependant, l idée réductrice d un droit protecteur des travailleurs ne pouvait masquer


l ambivalence du droit du travail, mise à nu par Gérard Lyon-Caen (auteur de
l ouvrage Le Droit du travail. Une technique réversible) : le droit du travail reconnaît
des droits aux salariés, mais ses règles peuvent aussi être lues comme coïncidant
avec les intérêts du patronat et utilisées comme telles. Le droit du travail est
émancipateur des salariés, tout en apparaissant très adéquat au capitalisme.
En effet, une même règle peut être à la fois protectrice des travailleurs et garante du
pouvoir de l employeur, telle la règle qui détermine les cas de recours aux contrats à
durée déterminée (art. L. 1242-2 du Code du travail). Vue sous un certain angle, elle
protège les salariés en limitant les formes d emploi précaires. Envisagée sous un
autre angle, elle permet à l employeur de jouer de la flexibilité, dans un cadre légal
assuré, pour faire face à des surcroits d activité ou à des absences.
De nombreuses règles du droit du travail sont ambivalentes et les fonctions du droit
du travail sont multiples.
Cette multiplicité ne doit pas masquer le fait que la finalité la plus fréquemment
assignée aux règles de droit du travail reste la protection des travailleurs. Il s agit
donc de protéger le salarié dans le travail mais également contre la perte de revenus
(partielle ou totale). L objet de la protection est donc double : atténuer les effets de la
subordination et encadrer la dépendance économique.

Si la protection du travailleur est un objectif souvent affiché, le droit du travail


constitue également un des rouages des politiques publiques.
La fonction de relais des politiques publiques que remplit le droit du travail est
notamment visible dans les lois relatives à la réduction du temps de travail à 35
heures (lois du 13 juin 1998 et du 19 janvier 2000). Ces lois n avaient pas pour
justification principale l amélioration des conditions de travail, c est un objectif de
réduction du chômage qui était mis en avant.
Enfin, l apport du droit du travail aux politiques publiques s incarne incontestablement
dans la création de contrats de travail aidés qui vise à la réinsertion de personnes en
situation sociale précaire.

Le droit du travail peut enfin être compris comme une technique de gestion de
l e e i e. Il offre des ressources pour organiser l entreprise en permettant
d aménager le temps de travail, de répartir les tâches, de mettre en place une
organisation des services, d avoir une gestion fine du personnel avec des statuts
différents.

De manière plus générale, le droit du travail assure la soumission du salarié. En


justifiant la protection du salarié par l existence d un lien de subordination, le droit du
travail consacre l existence d un pouvoir de l employeur sur le salarié. La possibilité
pour un employeur de modifier unilatéralement les conditions de travail témoigne
nettement de cette fonction du droit du travail.

§5 - Historique

Le droit du travail est apparu et s est développé comme celui du travail salarié, dont
la naissance est souvent située au XIXe siècle.
Le décret d'Allarde des 2 et 17 mars 1791 et la Loi le Chapelier des 14 et 17 juin de
la même année sont parfois cités comme ayant permis au droit du travail de se
développer en « libérant » le travail du corset des corporations de l'Ancien régime. Le
travail devient ainsi une liberté.
Toutefois, si ces lois (le décret d'Allarde est en réalité une loi) ont été fort importantes
pour le développement de l'activité productive en général, il est difficile d'y voir un
embryon de droit du travail salarié, puisqu'elles s'appliquaient indifféremment à
toutes formes de travail. Certaines études tendent même à montrer que l'interdiction
des corporations a eu pour principale conséquence la multiplication de l'installation
de petits artisans et non l'accroissement des travailleurs subordonnés. En outre,
l'abolition des corporations, qui résulte de la loi le Chapelier a conduit à brider,
interdire ou rendre clandestine l'organisation des travailleurs subordonnés ou
dépendants, même si d'autres formes de régulation collective ont pu émerger. Cette
loi faisait ainsi du travail une liberté mais une liberté individuelle, où l action collective
et le regroupement des travailleurs ne trouvaient aucune place.
Il faut donc chercher ailleurs les racines du droit du travail. Elles peuvent être
trouvées dans les premières lois sur les temps de travail (1). Plus encore,
l affirmation du lien entre protection et subordination signe le début du droit du travail
(2).

1. Les premières lois sur le temps de travail


Souvent la naissance du droit du travail est associée à l adoption de la loi du 22 mars
1847 qui limite le travail des enfants dans les usines. Cette loi est souvent citée
comme la première loi sociale, puisqu elle aurait pour objet la protection des
travailleurs. Cette affirmation doit être nuancée. D une part parce qu elle ne
s applique que dans l industrie, alors qu à l époque, la majeure partie des travailleurs
sont à domicile ou travaillent dans des petites exploitations, souvent agricoles.
D autre part, si la protection des enfants n est pas étrangère aux finalités de la loi,
cette dernière poursuit également d autres buts : élever la « morale ouvrière »,
permettre un meilleur recrutement militaire en évitant que les enfants à 18 ans soient
inaptes au service et améliorer l état de santé de la population.
Une nouvelle loi est votée le 2 novembre 1892, comportant une nouvelle limitation de
la durée du travail pour les mineurs (travail après 13 ans, journée de 10h pour les
moins 16 ans, 11h pour moins 18 ans et femmes, interdiction du travail de nuit), mais
aussi des règles de sécurité et d hygiène pour tous les salariés. Elle crée aussi le
corps des inspecteurs du travail qui sont chargés de veiller à l application de la
législation du travail dans les entreprises, au respect de la limitation de la durée du
travail pour les mineurs et les femmes.
Manque encore toutefois un élément essentiel : aucun lien n est affirmé entre la
protection octroyée et la subordination du salarié. La loi du 2 novembre 1892 est
ainsi applicable indistinctement aux salariés et aux petits artisans, entrepreneurs ou
sous entrepreneurs qui interviennent dans les usines.
Tel sera le débat qui fera naître le droit du travail : à qui faut-il réserver les
protections qui se mettent en place au début du XXe siècle ?
2. L affi ma i d lie e e b di a i e ec i
L activité législative est assez intense au tournant du XXe siècle et se déploie dans
trois directions principales : la santé des travailleurs, la perception du salaire, la
protection contre la perte de revenus.
Les préoccupations liées à l intégrité physique et la santé des travailleurs
apparaissent clairement dans une loi du 12 juin 1893 applicable aux industries et aux
commerces où il est fait usage d appareils mécaniques. Cette loi qui pose les
premières règles relatives à l hygiène, au nettoyage des locaux et à la prévention des
incendies, sera étendue à tous les établissements de commerce dix ans plus tard.
Témoigne également de cette volonté de prendre en compte la santé des
travailleurs, la loi du 29 décembre 1900 dite « loi des sièges » qui, votée à
l instigation des associations féministes, obligeaient les commerçants à mettre à
disposition des employés (le souvent des femmes) un siège pour éviter d avoir à
attendre les clients debout. La loi n a toutefois guère été appliquée.
Du côté de la protection du salaire, il faut noter la loi du 12 juillet 1895 qui limite la
proportion saisissable du salaire à 1/10e. Cette loi s applique aux ouvriers et
domestiques ainsi qu aux employés et commis qui gagnaient moins de 2000 francs
par an. Elle oblige donc les créanciers du salarié à lui laisser 90% de son salaire
sans lequel il ne peut pas vivre dans des conditions décentes. Dans cette loi, est
identifié, pour la première fois, un ensemble de travailleurs soumis aux ordres d un
patron, et ce quel que soit leur domaine d activité. En 1909, l obligation de payer le
travailleur en monnaie, et non pas en nature, est instaurée. D autres dispositions
adoptées à la même époque prohibent les économats patronaux (Loi du 25 mars
1910). Ces dispositions interdisent le paiement des ouvriers en bons d achats dans
des magasins ou des débits de boisson dépendant de l entreprise (les économats) et
condamnent l obligation de s approvisionner dans les magasins de l entreprise. Une
façon pour certains patrons de reprendre d une main ce qu ils donnaient de l autre.
Enfin, des protections contre la perte de revenus apparaissent. Par la loi du 9 avril
1898 est créée l obligation pour l employeur, qu il soit fautif ou non, d indemniser le
préjudice consécutif à un accident du travail. Un système, dans un premier temps
non obligatoire, permettant à l employeur de s assurer contre le risque de paiement
de ces indemnités a été mis en place au même moment. En 1910 est adoptée la loi
sur les retraites ouvrières et agricoles, assurant un revenu de remplacement aux
travailleurs âgés. Dans le cadre de ces lois, s opère peu à peu une dissociation entre
travailleurs subordonnés et travailleurs non subordonnés. Seuls les premiers qui sont
sous les ordres de l employeur, bénéficient de ces premières lois de protection
sociale. C est finalement au début des années 1930 que la jurisprudence se fixe et
réserve le droit du travail aux travailleurs subordonnés.
Cette histoire de la généralisation de la protection se double d une chronologie
parallèle, celle de l affirmation progressive de la subordination. Durant tout le XIX e
siècle, les formes juridiques de la mise au travail étaient partagées entre louage de
services, où le travailleur ne loue que ses services, et louage d ouvrage, dénommé
aujourd hui contrat d entreprise, où le travailleur réalise quelque chose conformément
à la demande de son cocontractant, selon un prix en général fixé à l avance. Le
louage de services était assez rare dans le domaine de la production ; il était
principalement destiné aux domestiques. Mais à la fin du XIX e siècle, la doctrine
juridique privilégie, pour analyser les relations de travail dans l industrie, la figure du
louage de services, contrat qui charrie ainsi l idée d une obéissance à son
cocontractant. La notion de contrat de travail est apparue peu après la généralisation
de cette analyse. Le mot de « contrat de travail » permit certes un temps de
regrouper dans une même catégorie les deux contrats de louage. Mais, assez vite, il
fut réservé aux seuls travailleurs subordonnés, c'est-à-dire louant leurs services. Les
nouvelles formes de production – regroupées sous le terme de seconde révolution
industrielle – imposent également que les travailleurs ni ne vendent, ni ne soient
maîtres du produit de leur travail. Le louage de services, qui implique que les
travailleurs ne cèdent rien mais louent leur corps sous la forme d une force de travail,
correspondait là encore aux besoins. Les évolutions du droit du travail, vers un droit
de l activité subordonnée, ont bien accompagné les mutations des modes de
production. En définitive, l étude de la naissance du droit du travail montre la genèse
d une sorte de pacte, un compromis socio-juridique plus précisément : la
subordination en échange de la protection.

Si vous souhaitez approfondir vos connaissances sur l histoire du droit du travail :


G. Aubin, J. Bouveresse, Introduction historique au droit du travail, PUF, coll. « Droit
fondamental », 1995.
J. Le Goff, Du silence à la parole, Une histoire du droit du travail des années 1830 à
nos jours, PUR, 2019.

§6 Le d i d a ail a j dh i

1. Le droit du travail, un droit à détruire ?


Les règles du droit du travail sont le produit d'une sédimentation historique longue,
mais vous le savez peut-être, le droit du travail fait l objet depuis quelques années de
nombreuses critiques…
Tout d abord, une dénonciation libérale de son caractère étatique, rigide, mettant en
avant une exigence de flexibilité.
En 2004, le rapport « Pour un code du travail plus efficace », élaboré par la
commission de Virville, prétendit évaluer le droit du travail du point de vue des
performances économiques des entreprises. Pourtant, l efficacité économique ne
saurait être une finalité du droit du travail, qui n est d ailleurs pas apte à atteindre un
tel but. Nul n a démontré à ce jour qu un allégement des règles applicables au
licenciement économique favorisait l emploi. Le concept d efficacité de la règle de
droit renvoie à la recherche d un résultat et celui-ci se rattache d abord à des valeurs,
c est-à-dire, pour le droit du travail, à une certaine conception de la justice dans les
relations individuelles et collectives de travail et du respect de la personne au travail.
Un autre procès fait au droit du travail souligne sa complexité et l insécurité juridique
engendrées par la multiplicité des lois et les évolutions de la jurisprudence.
Toutefois, l inflation des lois n est pas propre au droit du travail. La dénonciation du
droit du licenciement, qui serait responsable de l essor de la précarité sur le marché
du travail, est récurrente. L idée d un échange nécessaire entre l « allégement » des
règles du licenciement et la « sécurisation des parcours professionnels » est au cœur
de plus d un projet. Mais le risque est grand de voir remis en cause des pans entiers
du droit du travail sans la moindre « sécurisation » pour les travailleurs. La recherche
de sécurité juridique conduit aussi à évoquer l information du salarié, la sécurité dans
et par le travail, et la sécurité de l emploi.

Des tensions, voire des affrontements, dominent l évolution du droit du travail : la


place faite au « principe de faveur » les illustre, comme la difficile mais constante
affirmation des droits et libertés de la personne et des droits d action collective. La
recherche d un renouvellement des techniques propres à assurer la mise en œuvre
du droit à l emploi, exigence constitutionnelle affirmée face à la liberté
d entreprendre, conduit d abord à interroger les règles applicables aux contrats
précaires et l encadrement actuel du licenciement. Enfin, le droit international du
travail, confronté aux règles du marché, oppose au droit de la concurrence
l affirmation des droits fondamentaux des travailleurs.

Toutefois, avec les ordonnances Macron, une nouvelle ère s'ouvre, caractérisée
par une vision économique et décentralisatrice du droit du travail. Le mouvement
avait été amorcé dans les années 2000, mais il s'accélère brutalement avec les
ordonnances Macron.
L'accent n'est plus mis sur les intérêts des salariés, mais sur ceux de l'entreprise.
Pour les entreprises, le droit du travail représente un ensemble de contraintes
réglementaires, devenu illisible, incertain et obèse ainsi qu'une addition de coûts, qui
obère leur compétitivité, et partant, leur capacité à investir et à créer des emplois.
Les ordonnances Macron ont pour ambition de desserrer ce carcan administratif et
de contenir les coûts.

Pour approfondir, vous pouvez lire les documents annexes déposés sur la
plateforme.

2. Le droit du travail, un droit confronté à de nombreux défis


Parmi les défis du droit du travail, on peut citer l adaptabilité aux fluctuations de
l économie et la sécurisation des parcours professionnels mais ce n est pas vraiment
nouveau…d autres enjeux sont apparus plus récemment.
Premier défi : promouvoir un dialogue social de qualité
Le droit du travail fait aujourd hui le pari de la négociation collective !
La loi Travail de 2016 a entraîné une réécriture du Code du travail, pour donner une
place centrale à la négociation collective afin de définir les règles au plus près des
salariés.
L architecture du Code du travail a donc été modifiée avec l introduction d une trilogie
ordre public/champ de la négociation collective/dispositions supplétives.
On y trouve en effet pour certains thèmes : les dispositions légales impératives
(d « ordre public »), la portée d'un accord sur ces sujets (« champ de la négociation
collective ») et les règles qui s'appliquent en l'absence d'accord ou à défaut de
stipulations dans l'accord (« dispositions supplétives »).
Beaucoup de choses deviennent ainsi entièrement négociables, vous le verrez
notamment en matière de temps de travail dans le cours DRS101 et en matière de
représentation du personnel dans le cours DRS102 pour ceux qui le suivront.
Dans la continuité de la loi Travail, les ordonnances Macron ont consolidé la place
des partenaires sociaux au premier plan et ont poursuivi la promotion de la
négociation collective dans l entreprise. L entreprise devient ainsi le lieu de la
régulation économique et sociale par le biais de la négociation collective.
Pourquoi est-ce que le centre de gravité du droit du travail est-il désormais placé
dans la négociation collective ?
Nous sommes confrontés à des mutations sans précédent en matière de technologie
(V. second défi), d organisation des collectivités de travail et de perception du travail
humain. Or, la loi ne peut plus répondre au défi de la diversité (diversité d activités,
diversité d organisation du travail, diversité de situations économiques).
Pour autant est-il raisonnable de confier aux partenaires sociaux la possibilité de
créer des normes ?
Maintenant que la place des accords collectifs et des partenaires sociaux dans le
droit du travail a été réorganisée, quel doit être le rôle du juge dans son contrôle des
accords collectifs ?

Second défi : le modèle industriel qui a inspiré le droit du travail se trouve


dépassé par la révolution numérique
Les lieux et temps de travail sont moins unifiés que par le passé, il est en effet
désormais possible de travailler partout et tout le temps, le travailleur se connecte en
permanence, peut travailler chez lui (télétravail) et n être présent sur son lieu de
travail que quelques jours par semaines mais, par ailleurs, il peut être
perpétuellement à la disposition de son employeur sauf pendant qu il dort. Outre des
difficultés au regard de la règlementation de la durée du travail, il y a des impacts
encore inédits sur la santé1.
Les outils numériques bouleversent donc les rapports de travail car ça nécessite une
adaptation des travailleurs et de l entreprise. On s interroge beaucoup sur l impact de
ses nouveaux outils à l égard des RPS (risques psycho sociaux). Les partenaires
sociaux sont donc de plus en plus appelés à trouver des nouveaux mécanismes de
protection alors que le législateur français a consacré un droit à la déconnexion.
Par ailleurs, on assiste à l éclosion d une nouvelle organisation du travail,
l intermédiation numérique mettant en présence des plateformes numériques (on
parle souvent d ubérisation).
Alors qu à partir de la fin du XIXe siècle, le droit du travail s est érigé contre les
conditions sanitaires déplorables et les journées de travail trop longues, menaçant la
santé et la vie des salariés, aujourd hui c est la liberté que confèrent la technologie et
une souplesse assumée dans l organisation du travail qui menace la condition des
travailleurs : la dépendance économique, la précarité et une certaine
déshumanisation du travail2, mais aussi l isolement, peu propice à l organisation de la
défense des intérêts professionnels.
Il faut souligner que les travailleurs de plateforme ne représentent, pour l heure,
qu une part modeste de la population active et que le phénomène de raréfaction du
travail salarié ne semble pas encore une réalité. Si tel était le cas, on devrait assister
à une chute du nombre relatif de travailleurs salariés. Or, on n observe pas, à l heure
actuelle, d incidence significative de la numérisation sur la répartition, au sein de la
population active, entre travailleurs salariés et travailleurs indépendants (voir §2 de
l introduction).
Néanmoins, le droit du travail est en train de s adapter aux plateformes numériques
qui mettent en relation les travailleurs avec une clientèle. Le droit du travail français a
encore du mal à se positionner autour de ces questions-là alors que le droit italien ou
le droit espagnol ont inventé des statuts intermédiaires. Le législateur français essaie
timidement de construire un statut social à ses travailleurs indépendants dès lors que
les juges ne considèrent pas, au cas par cas, que leur façon d exercer leur métier ne
révèle pas l existence d un contrat de travail (nous y reviendrons en détail dans la
séance sur la formation du contrat de travail).
Les modifications de l organisation du travail induites notamment par l essor du
numérique sont ainsi de nature à relancer la réflexion sur la raison d être, la fonction
et la consistance de la protection juridique et sociale du travailleur du XXIe siècle.
Elles invitent à repenser le travail et les droits qui en découlent et à créer un droit de
l'activité professionnelle. Il ne s agit pas de promouvoir l extension du droit du
travail à tous mais la mise en place d un noyau dur de droits sociaux applicable à

1
Lh ec e i e igi e de b e de a e fai e d e e a i de ie ce e e fai gag e e
a ie d ga i a i .
2
Ce e d h a i a i d a ai e a ic i e e e e a ef e e e ce e de Amazon
Mechanical Turk, i a ifie de de f c i e e d i e ige ce a ificie e.
tous les rapports de travail professionnel3 quelle que soit leur qualification formelle.
Tous les actifs sont soumis à un statut minimal unifié. Un degré de protection plus
élevé bénéficie à certaines catégories de travailleurs – et notamment aux travailleurs
salariés – par le biais de régimes particuliers selon leurs spécificités.
L économie numérique et le développement de l intelligence artificielle ont réactivé le
d ba la e i d a ail e la di a i i de l em l i, par l effet du
développement des technologies.
La numérisation suscite en effet de nombreuses inquiétudes. La crainte est forte de
la voir détruire plus d emplois qu elle n en crée. Les moins pessimistes redoutent à
tout le moins la substitution au travail salarié d une forme de travail indépendant
intermittent, échappant à la protection procurée par le droit du travail4.
Un débat similaire a surgi au sujet du développement des procédés d intelligence
artificielle ou des « robots ». L arrivée à maturité de cette technologie ferait
disparaitre à son tour tout ou partie du travail humain.
Si l automatisation fait peser une menace sérieuse sur une partie des emplois et des
activités (elle accélère l obsolescence des compétences des travailleurs les moins
qualifiés, dont les tâches sont répétitives et prévisibles), elle pourrait non seulement
en épargner beaucoup d autres, qui sollicitent la capacité du travailleur à (ré)agir de
manière autonome, mais aussi conduire à la création de nouveaux emplois liés à
l émergence de cette technologie.
L automatisation n est dès lors pas uniquement synonyme de destruction de l emploi.
Elle charrie aussi d autres effets bénéfiques pour les travailleurs. Outre la création
d emplois, l intelligence artificielle permet d imaginer une amélioration des conditions
de travail en libérant les travailleurs des tâches pénibles, ennuyeuses, bruyantes,
salissantes, etc. En d autres termes, elle laisse entrevoir un monde où n existe de
travail que proprement humain – au sens défini par A. Supiot comme le travail
qu aucune machine ne peut accomplir et dans lequel celui qui l exécute peut mettre
une part de lui‐même – avec en perspective « de nouvelles opportunités pour plus de
liberté et de créativité dans le travail ».
Il faut cependant souligner le rôle fondamental que joue, dans la transition
technologique, l aptitude des travailleurs à changer de fonction, aptitude qui est
d autant plus développée que le travailleur a un haut niveau de formation.
Une politique de l emploi suffisamment dynamique pour apprendre aux travailleurs à
s adapter aux changements technologiques (donc par le biais de la formation
professionnelle) est le seul moyen de faire reculer le niveau du chômage des
travailleurs les moins qualifiés et dont l emploi est directement menacé par les
évolutions technologiques, particulièrement l automatisation.

3
A. Supiot (Au‐ de de e i, F a a i , 2016) a e c e i e c ia c i de d i
fondamentaux aux personnes qui effectuent un travail non professionnel (mères au foyer, etc.).
4
V i C. JOLLY e E. PROUET (c d.), L a e i d a ai : e e ed fi i i de e i, de a e
des protections ?, France Stratégie, document de travail n° 2016‐ 04 d e di ib e ad e e
suivante : https://www.strategie.gouv.fr/publications/lavenir-travail-redefinitions-de-lemploi-statuts-protections

Vous aimerez peut-être aussi