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UNITÉ DE FORMATION ET DE RECHERCHE

DE SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES

LICENCE 1
Sciences Juridiques et Politiques
Semestre 1

INTRODUCTION AU DROIT ET DROIT DES PERSONNES

COURS MAGISTRAL : M. Alioune Badara THIAM


TRAVAUX DIRIGÉS :
M. Soulèye FAYE M. Michel Guedj SENE
M. Ousseynou SEYE Mme Ndèye Amy NDIAYE
M. Abdoulaye DIOP Mme DIALLO Khadidiatou LY

FICHE DE TRAVAUX DIRIGÉS

ANNÉE UNIVERSITAIRE :
2022/2023

1
DÉROULEMENT DES SÉANCES

Les travaux dirigés d’Introduction au Droit et Droit des personnes comporteront sept (07)
séances, qui se dérouleront comme suit :

PREMIÈRE PARTIE : INTRODUCTION AU DROIT

THÈME 1 : LA NOTION DE DROIT (séance 1)

THÈME 2 : LES DROITS SUBJECTIFS (séance 2)

THÈME 3 : LES SOURCES DU DROIT (séance 3)

SECONDE PARTIE : DROIT DES PERSONNES

THÈME 4 : LA PERSONNALITÉ JURIDIQUE (séance 4)

THÈME 5 : L’INDIVIDUALISATION DE LA PERSONNE (séance 5)

THÈME 6 : LES INCAPACITES (séances 6 et 7)

SOUS-THÈME 1 : LES MINEURS (séance 6)

SOUS-THÈME 2 : LES MAJEURS INCAPABLES (séance 7)

2
PREMIÈRE PARTIE : INTRODUCTION AU DROIT
THÈME 1 : LA NOTION DE DROIT

Objectifs pédagogiques :

À l’issue de cette séance, l’étudiant devrait être en mesure de :

• définir la règle de droit ;


• connaitre les fondements de la règle de droit ;
• connaitre les règles d’organisation sociale, autres que celles juridiques et les relations
qu’elles peuvent entretenir avec la règle de droit ;
• distinguer la règle de droit des autres règles de conduite sociale.

TRAVAIL A FAIRE : COMMENTAIRE DE TEXTE

Veuillez commenter le texte reproduit au document n° 2.

LECTURE CONSEILLEE :

1. Loi n°2001-03 du 22 janvier 2001 portant Constitution du Sénégal ;


2. SIDIBÉ Amsatou Sow, Droit civil, Droit sénégalais : introduction à l'étude du droit état
des personnes famille, Dakar, Imprimerie Monteiro, 2014 ;
3. Extraits du cours d’introduction historique au droit de Mme Geneviève CHRETIEN-
VERNICOS : « La notion de droit : distinction entre le droit, la loi, la norme (quelles sont
les règles) » ;
4. BUFFLAN-LANORE Yvaine et LARRIBAU-TERNEYRE Verginie, Droit civil :
introduction, biens, personnes, famille, Paris, Sirey, 17ème éd. 2011, pp. 9-10 ;
5. SALL Alioune, « Les débuts des cours de justice de la CEDEAO et de l’UEMOA : propos
sur la faiblesse du droit jurisprudentiel de l’intégration en Afrique de l’Ouest »,
Nouvelles Annales Africaines, n° 1/2010, pp. 5-72 ;
6. DEFRENOIS-SOULEAU Isabelle, Je veux réussir mon droit : Méthodes de travail et
clés du succès, Paris, Dalloz, 8e édition, 2012. ;
7. BONNARD Jérôme, Méthodes de travail de l’étudiant en droit, Paris, Hachette
supérieur 6e édition, 2013.

DOCUMENTS :

1. CORNU Gérard, Droit civil : introduction au droit, Paris, Monchrestien, 13e édition,
2007, pp.17 à 24 (Extrait) ;
2. AUBERT Jean-Luc et SAVAUX Éric, Introduction au droit et thèmes fondamentaux du
droit civil, Paris, Sirey, 14e éd. 2012, p. 8 et suivants ;
3. Conseil constitutionnel du Sénégal, Décision N°3/C/93 du 16 décembre 1993.

DOCUMENT 1 : CORNU Gérard, Droit civil : introduction au droit, Paris, Monchrestien,


13e édition, 2007, pp.17 à 24 (Extrait)

Ce qui est sûr c’est que le droit n’est pas le seul régulateur de la vie en société. Ensemble de
règles gouvernant la vie sociale, ce n’est pas l’ensemble de toutes les règles qui gouvernent

3
celle-ci. D’autres sources – morales et religions, etc. – ont, chacune dans son ordre, vocation
à constituer des normes sociales de comportement, de conduite, à énoncer des règles (de vie,
de mœurs, de pensée). La société connaît et suit beaucoup d’autres normes que le droit, qui
sont autant de normes extrajuridiques.

Comment s’opère donc la distinction entre ces diverses normes ? L’analyse toute particulière
des rapports du droit d’une part et, d’autre part, de la morale de la religion ou d’autres règles
est une question classique.

Des signes extérieurs permettent, en général, de repérer la règle de droit parce que celle-ci
est consacrée par un texte de loi ou une coutume que tout le monde connaît. Sources formelles
du droit, lois et coutumes en sont deux révélateurs.

Mais, au fond, existe-t-il un critère intrinsèque qui distinguerait en substance la règle de droit
de toutes les autres règles de la vie sociale ? (….)

Une règle est l’énoncé d’une obligation générale. C’est une disposition obligatoire et générale.
Cela est vrai de toutes les règles de conduite humaine mais, d’abord, des règles de droit.

Toute règle se définit par son caractère obligatoire. Elle est un commandement ; elle veut être
obéie ; elle exprime un ordre, soit qu’elle prescrive l’accomplissement d’un acte (porter secours
à une personne en détresse, fournir des aliments à un ascendant dans le besoin), soit qu’elle
interdise d’en accomplir un autre (voler le bien d’autrui, causer un dommage à autrui). Même
lorsqu’elle est libérale, permissive, par exemple lorsqu’elle ouvre, pour un individu, une faculté
ou établit un droit, la règle de droit est un ordre adressé à tous les autres de respecter cette
liberté ou ce droit. Le caractère obligatoire de la règle n’apparaît pas seulement dans une
interdiction ou dans une prescription, mais dans une permission (elle-même garantie, au
demeurant, par une interdiction, etc.), ou dans l’affirmation d’un droit.

Toute règle se définit par un certain caractère de généralité. Non point qu’il n’y ait de règle
qu’universelle et éternelle : la généralité de la règle de droit est relative.

Sous cette précision, la vocation de la règle de droit est de s’appliquer – c’est une première
dimension – à un groupe d’individus (tous les citoyens d’un Etat, tous les membres d’une
Eglise ou d’une profession, tous les représentants d’une catégorie sociale), non à une
personne déterminée. La loi qui ordonne des funérailles nationales pour les obsèques d’un
homme d’Etat n’est pas une règle ; celle qui accordait à Edouard Herriot l’usage gratuit du
téléphone n’était pas une véritable règle, mais une disposition ad personam. La loi est un
« précepte commun », une norme unipersonnelle. C’est le contraire d’une mesure individuelle.
La généralité de la règle s’affirme, quant aux personnes auxquelles s’adresse l’obligation,
comme une aptitude à régir un ensemble de sujets.

La même observation vaut quant aux situations que la règle est destinée à régir. La règle n’est
pas la décision d’un cas. Elle est apte à gouverner un type de situation. Là encore apparaissent
des distinctions de degré. Certaines règles ont vocation de principe, d’autres valeur
d’exception. Mais l’exception est aussi une règle, car elle a vocation à saisir une série de cas,
non à donner dans un cas singulier, une dérogation universelle.

La vocation générale de la règle de droit se traduit enfin dans le temps. Douée d’une certaine
permanence, la règle a vocation à régir l’avenir, à durer un certain temps (ce qui demeure
exact même pour les règles temporaires). C’est toujours un projet, un acte de prévision, un
précepte pour le futur (même s’il est établi, dès le départ, que la règle ne régira qu’une période
transitoire). Il existe, sous ce rapport, des degrés : aux règles permanentes (établies sans
limitation de temps) s’opposent des règles de circonstances (édictées pour la durée des
hostilités ou pour un temps de pénurie). Sous cette nuance, la généralité de la règle de droit
se définit comme une aptitude à maîtriser l’avenir, au moins pendant une certaine durée (…).

A ces caractères génériques, communs à toutes les règles, la règle de droit associe des
caractères spécifiques qui la distinguent des autres de vie sociale.

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Le trait le plus spécifique et manifeste de la règle de droit est celui de la contrainte étatique.
Si l’ordre juridique exclut la justice privée – qui serait le pouvoir, pour le titulaire d’un droit, de
se faire justice soi-même – c’est parce que, par compensation, il assume lui-même la fonction
de justice (ou s’y applique). La règle de droit est celle dont le respect est assuré, s’il le faut,
par l’autorité publique. La justice est une dette publique, un devoir de l’Etat envers les citoyens,
et il faut bien voir que le recours à la justice englobe le recours à la force publique car il
comprend : 1. Le droit pour un citoyen, de faire reconnaître son droit en justice par une action
en justice ; 2. Le droit d’obtenir ensuite l’exécution forcée, par les voies légales d’exécution, si
besoin est. Cette contrainte potentielle plane sur tout droit.

Ce n’est pas dire que préceptes religieux, obligations morales ou même règles de bienséance,
soient dépourvues de sanction. Les sanctions qui les assortissent peuvent être vivement
ressenties par ceux qu’elles frappent (réprobation sociale, discrédit, mise à l’écart,
quarantaine). Dans les sociétés particulières les mieux organisées – les églises, les partis – la
sanction peut aller plus loin (blâme public, exclusion, excommunication). Mais l’Etat –qui n’est
plus bras séculier – ne prête pas main forte à ces règlements intérieurs, au moins dans les
systèmes juridiques qui admettent une séparation des Eglises et de l’Etat. Dans un Etat laïc –
le nôtre en est un – toutes les règles de droit mais seules les règles de droit, peuvent bénéficier
pour leur application d’une sanction étatique : la force publique est au service exclusif du droit ;
le droit en a le monopole.

Ce critère appelle cependant plusieurs observations.

A première vue, la force du droit éclate dans la diversité des sanctions qu’il peut mettre en
œuvre. Il est des sanctions préventives (le président du tribunal ordonne le huis clos pour
prévenir des troubles à l’audience). D’autres sont répressives : ainsi les sanctions pénales
(emprisonnement, amende). D’autres sont réparatrices (ce sont, en général, les sanctions
civiles). Un contrat est-il contraire à l’ordre public ? un jugement d’annulation l’anéantira. Un
dommage est-il causé à autrui ? l’auteur du dommage sera condamné à indemniser la victime
en lui versant, à titre de réparation, des dommages et intérêts. Dans cette gamme riche, le
vœu du législateur est, en général, que soit préférée (sous l’appréciation du juge) la sanction
la plus adéquate. La profusion des sanctions civiles, fiscales, administratives, disciplinaires,
montre bien que la loi pénale qui a le monopole des sanctions pénales n’a pas celui de la
sanction. L’éventail des sanctions juridiques est largement ouvert, panoplie intimidante.

Mais la limite – la faiblesse- du droit apparaît aussi dans cette quête dont les résultats bornés
sont décevants. La sanction peut-être plus ou moins parfaite. Le versement d’une somme
d’argent pour la réparation d’un préjudice corporel ou d’un dommage moral peut être
juridiquement adéquat. Humainement, est-il satisfactoire ? ce n’est qu’une compensation
souvent dérisoire, une réparation par équivalent. Le divorce, sanction d’une infidélité conjugale
n’est qu’un pis-aller, et, pour des époux, on ne trouvera sans doute jamais de sanction
harmonieuse à l’obligation de vire ensemble.

Aussi bien ne faudrait-il pas exagérer l’importance de la coercition en action dans la règle
juridique. En effet, la mise en œuvre effective des sanctions demeure un accident, une
exception dans la réalisation du droit. Le droit ne vit pas toujours sur pied de guerre ; sous la
contrainte virtuelle, la sanction étatique reste souvent à l’état de menace. Armée de sa vertu
dissuasive, la valeur comminatoire de la règle juridique n’est peut-être même pas le ressort le
plus énergique de l’observation spontanée de la règle de droit. Statistiquement, le respect
volontaire du droit demeure, sans doute, si l’on peut dire, la règle, et ce n’est pas seulement
la peur du gendarme qui l’inspire. Entre époux qui s’aiment, la fidélité repose-t-elle sur la
crainte des sanctions de l’adultère ? Est-il risible de supposer que, même face aux loups du
siècle, les hommes de bonne volonté ont, dans leur cœur, le respect de la parole donnée
qu’ordonne l’article 1134 du Code civil ? N’y aurait-il pas une dilection particulière à observer
le droit, à rendre à César ? Vision idyllique. Au moins peut-on espérer que les sujets de droit
adhèrent volontiers à ce qu’ils aperçoivent de juste et de bon dans la règle de droit. Le critère
externe de la force – qui serait au service d’ambitions démesurées- devient au demeurant
supportable dans un programme raisonnablement modéré.

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Le critère fondamental de la distinction ressort de la finalité du droit. Le droit borne ses
ambitions à régler les relations extérieures des hommes entre eux, pour y faire régner une
certaine paix sociale. Fondée sur un rapport transcendant, la religion présente ses
recommandations comme venant de Dieu. Ouverte aux impératifs de la conscience, la morale
est plus exigeante que le droit, elle qui attend de l’homme un dépassement.

Plus terre à terre, le précepte juridique n’est ni une règle de salut, ni une loi d’amour : c’est un
facteur d’ordre, un régulateur de la vie sociale, un modérateur, un dénominateur commun, une
norme moyenne, et c’est déjà beaucoup.

Sans doute y aurait-il excès à séparer radicalement droit et morale, comme deux ordres
étrangers. Pour certains devoirs élémentaires qui ont été juridiquement consacrés, le domaine
du droit et celui de la morale entrent en coïncidence. Certains préceptes, piété filiale (art. 137
c. civ.), respect de la parole donnée (art. 1134 c ; civ.) sont à la fois juridiques et moraux. La
conformité aux bonnes mœurs est une condition de validité du contrat, référence morale. La
bonne foi doit régner dans l’exécution du contrat. Il arrive que le droit prenne en considération
des états de conscience. Mouvements intimes, attitudes psychologiques, la loyauté, la
mauvaise foi, l’esprit de fraude, sont des données que prend en compte le droit ; l’intention de
nuire ou l’intention de rendre service ont des conséquences juridiques. Le droit fait de la probité
un précepte et, sous ce rapport, on pourrait souscrire à ce que qui fut écrit : « je ferai de la
droiture une règle ». Il y a de la sève morale dans le droit.

Même alors, cependant droit et morale sont assez souvent de faux amis. Le droit demeure
moins exigeant que la morale, même lorsqu’il couvre un devoir moral ; les bonnes mœurs
constituent un minimum garanti de décence et d’honnêteté publique, non un idéal qui exalte
la conscience, règle de comportement extérieur. Quant aux mobiles, le droit ne les considère
jamais isolément. Je peux haïr intensément autrui, éprouver dans mon cœur les passions les
plus agressives, le droit ne s’en préoccupe pas, jusqu’au jour où ces sentiments se
concrétisent dans une violence matérielle. Le droit ne prend en compte ces états d’âme qu’à
l’occasion du passage à l’acte, du geste qui leur donne une existence et une portée sociales.
Dans cet acte, le droit tient compte du mobile qui l’a inspiré, qu’il soit bon ou mauvais, pour en
faire une circonstance atténuante ou aggravante, mais toujours à propos d’un agissement
extérieur. Un œil de désir ne consomme, civilement, l’adultère. Nulle intention n’est en soi
punissable.

Voilà qui borne la vocation du droit. Sans doute n’est-ce pas rien que l’ambition de faire régner
une certaine harmonie sociale. Le droit n’est pas sublime.

Document 2 : Jean-Luc AUBERT, Éric SAVAUX, Introduction au droit et thèmes


fondamentaux du droit civil, Sirey, 14e éd. 2012, p. 8 et suivants

La règle de droit a pour objet d’organiser la vie en société et les relations entre les membres
qui la composent. Cette conception de la règle de droit, qui n’est assurément pas fausse, n’est
cependant pas suffisante : elle ne permet pas, à elle seule, de distinguer la règle de droit d’un
certain nombre d’autres règles qui ont aussi vocation à régir la vie sociale.

(….) « Le droit n’est pas le seul régulateur de la vie en société». Or, si nombre des caractères
que revêt la règle de droit se révèlent impropres à la distinguer des autres règles de vie sociale,
il en est un, en revanche, qui permet de la spécifier : la coercition qui s’y attache.

A titre principal- mais non exclusif- la règle de droit dicte un comportement aux personnes qui
y sont soumises… Mais l’homme en société est soumis à bien d’autres règles : règles morales,
règles religieuses, règles du « savoir-vivre » …Or, il se révèle difficile de distinguer nettement
ces diverses sortes de normes. Certes, nul ne sera surpris que le caractère général et
impersonnel de la règle de droit, déjà évoqué, ne suffise pas à la révéler. Mais cela est vrai
aussi de deux autres caractères a priori plus symptomatiques de la règle de droit : sa finalité
sociale, et son caractère extérieur à l’individu.

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La règle de droit concerne chacun et ne désigne personne en particulier ; elle a un caractère
général et impersonnel. Cela ne permet pas, pour autant, de la distinguer des autres règles
qui s’appliquent à la vie sociale. Les règles de morale ou de religion, comme celles du savoir-
vivre, présentent pareillement ce caractère d’abstraction. Cela ne peut surprendre : ce
caractère est dans la nature de la notion de règle, c’est-à-dire de toute prescription qui prétend
régir un groupe d’individus. Une prétendue « règle » qui viserait une seule personne ne serait,
en réalité, qu’une décision. C’est le cas des lois ordonnant les funérailles nationales en
reconnaissance des mérites d’un chef d’État, d’un savant ou d’un héros ; c’est également le
cas, le plus courant, des décrets portant nomination d’un fonctionnaire.

La généralité de la règle de droit n’est donc pas un critère satisfaisant.

Droit, morale et religion ont des finalités distinctes. Tandis que le droit vise à organiser la
société et les relations qui s’y établissent entre les personnes qui la composent, la morale et
la religion concernent essentiellement l’individu.

La règle morale tend à la perfection de la personne et à l’épanouissement de sa conscience.


La règle religieuse veille au salut de l’être humain dans une rencontre d’amour avec Dieu. Ces
perspectives sont assurément bien différentes de celles dans lesquelles se place la règle de
droit qui « n’est ni une règle de salut, ni une loi d’amour : c’est un facteur d’ordre, un régulateur
de la vie sociale… »

Il faut toutefois nuancer l’opposition ainsi faite entre le droit et les deux autres ordres normatifs.
C’est que la finalité sociale du droit ne se réduit pas une préoccupation de sécurité, et donc
d’ordre. L’organisation des relations sociales par le droit se fait aussi en considération d’un
besoin de justice, c’est-à-dire d’harmonie et d’équilibre, notamment pour assurer une
protection des plus faibles et le respect de la bonne foi. (…)

Sans doute cette finalité sociale est-elle bien un trait particulier de la règle de droit, ce qui
apparaît avec une singulière netteté, non seulement dans les cas où elle entre en conflit avec
la règle morale ou religieuse, mais encore dans ceux où elle a une fin de pure organisation (
organisation de l’État, règles de la propriété, code de la route...). Mais le fait que les règles
morales ou religieuses aient une finalité essentiellement individuelle n’empêche que, tendant
au bien de l’individu, elles ont souvent une résonance sociale qui les rapproche de la règle,
au point d’avoir, parfois, le même contenu, ce qui brouille la valeur du critère.

C’est une semblable conclusion, plus nette encore, que l’on aboutit avec l’examen du
caractère extérieur de la règle de droit.

La règle de droit est extérieure à la volonté individuelle des personnes qui y sont soumises.
Parce qu’elle vise à organiser la société et à régir les relations qui s’établissent entre ses
membres, la règle de droit ne peut qu’être extérieure à la personne. Elle n’est pas une
contrainte ou une consigne qui procède de la volonté de chacun. Elle est, un ordre ou une
suggestion, selon le cas, qui est adressé à chacun des membres du corps en dehors de sa
volonté. (…)

Il est dans la nature des règles de comporter une sanction. C’est une condition de leur respect,
sinon de leur existence. Mais, selon les règles, la sanction varie : de ce point de vue, la règle
de droit se caractérise par ceci que son respect est sanctionné par l’État, ce qui inclut le
recours à l’Autorité judiciaire ou à la force publique…

La caractéristique principale de la règle de droit consiste en ce qu’elle est une règle à la fois
rendue obligatoire et sanctionnée par l’État.

Cette affirmation a parfois été contestée en ce sens qu’il y aurait un critère substantiel du
juridique : les règles dites « de droit » seraient juridiques par nature, ce que la sanction de
l’autorité publique ne ferait que constater. En bref, la coercition étatique ne serait pas le critère
de la règle juridique mais une conséquence de sa nature profonde. L’objection correspond à
certaines apparences : ainsi les règles de pure organisation sociale – le code de la route, par

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exemple – peuvent apparaître d’une certaine manière, comme « juridique par nature ». Mais
l’observation n’a qu’une portée limitée. L’histoire, à elle seule, suffit pour démontrer que tel ou
tel comportement n’est pas nécessairement et immuablement lié à tel ou tel ensemble
normatif : en France, avant de devenir règle de droit, le mariage n’était-il pas du domaine des
règles religieuses ? Et l’on a justement souligné la fréquente relativité de la nature d’une règle
déterminée : « Dans le métro, la défense de fumer procède du droit ; ailleurs, de la politesse
ou de l’hygiène ».

Il n’y a donc pas de critère substantiel de la règle de droit. Toute règle, morale, religieuse ou
autre, peut devenir juridique : il lui suffit, pour cela, d’être rendue obligatoire et sanctionnée
par l’État. C’est cette consécration par l’État qui fait la règle de droit.

Si les particularités, notables, du caractère obligatoire de la règle de droit – et dans une


moindre mesure, la notion protéiforme de sanction juridique – peuvent servir à la distinguer de
la règle morale comme de la règle religieuse, il reste que c’est l’origine de la contrainte – à
savoir l’État – qui est véritablement décisive.

Document 3 : Conseil constitutionnel du Sénégal /Décision N°3/C/93 du 16 décembre


1993

Le Conseil,

… 1 - Considérant que par requête en date du 29 novembre 1993, le Président de la


République, en se fondant sur l'article 78 de la Constitution, a saisi le Conseil aux fins de voir
:

- Statuer sur la conformité à la Constitution des articles 14 à 16 du Traité relatif à


l'Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique ;

- « Relever d'office, le cas échéant, en application de l'avant-dernier alinéa de l'article 15 de la


loi organique n°92/23 du 30 mai 1992 sur le Conseil constitutionnel, une violation de la
Constitution qui n'aurait pas été soulevée » ;

2 - Considérant que cette requête, dont le Conseil constitutionnel a été saisi après la signature
de l'engagement international et avant le vote de la loi autorisant sa ratification ou son
approbation, est recevable, en application des articles 78 de la Constitution et 14 de la loi
organique sur le Conseil constitutionnel ;

3 - Considérant que le Président de la République demande au Conseil constitutionnel de se


prononcer sur la constitutionnalité des articles 14, 15 et 16 du Traité de Port-Louis au regard
des articles 80 et 82, alinéa 3, de la Constitution ;

Au regard de l'article 80 de la Constitution :

4 - Considérant que les articles 14, 15 et 16 du traité attribuent compétence à une Cour
commune de justice et d'arbitrage devant assurer dans les États parties l'interprétation et
l'application communes du traité et des règlements pris pour son application et des actes
uniformes ;

Que saisie par la voie du recours en cassation cette Cour pourra également se prononcer sur
les décisions rendues par les juridictions d'appel des États parties dans toutes les affaires
soulevant des questions relatives à l'application des actes uniformes et des règlements prévus
au présent Traité, à l'exception des décisions appliquant des sanctions pénales et, dans les
mêmes conditions, sur les décisions non susceptibles d'appel rendues par toute juridiction des
États parties dans les mêmes contentieux;

5 - Considérant que l'article 80 de la Constitution, en disposant que le pouvoir judiciaire est «


exercé par le Conseil constitutionnel, le Conseil d'État, la Cour de Cassation et les cours et
tribunaux », réserve cet exercice aux seules institutions qu'il énumère limitativement, à
l'exclusion de toute autre institution, qu'elle soit d'ailleurs nationale ou internationale ;

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6 - Considérant toutefois que les dispositions de l'article 80 ne visent que l'exercice du pouvoir
judiciaire dans l'ordre juridique sénégalais, qu'elles n'ont ni pour objet ni pour effet d'interdire
la participation d'une institution autre que celles qu'elles énumèrent, à l'exercice du pouvoir
judiciaire du Sénégal mais dans un cadre différent du cadre national, qu'il n'y a donc pas, en
l'espèce, une contrariété logique entre les dispositions de l'article 80 et les articles 14, 15 et
16 du Traité attribuant à une juridiction internationale comme la Cour commune de justice et
d'arbitrage la compétence de connaître, par voie de cassation, certaines décisions rendues en
dernier ressort par les juridictions du Sénégal, dans le cadre d'une organisation internationale
telle que l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires.

Au regard de l'article 82, alinéa 3, de la Constitution :

7 - Considérant, il est vrai, qu'en conférant cette compétence à la Cour commune de justice et
d'arbitrage, les articles 14, 15 et 16 du Traité réduisent d'autant les attributions de la Cour de
Cassation telles qu'elles sont définies par l'article 82, alinéa 3, de la Constitution qui dispose
qu'en toutes matières autres que celles qui relèvent des compétences respectives du Conseil
constitutionnel et du Conseil d'État (article 82, alinéas 1 et 2), « la Cour se prononce par la
voie de recours en cassation sur les jugements rendus en dernier ressort par les juridictions
subordonnées » ;

8 - Considérant qu'il n'en résulte cependant ni changement du statut international du Sénégal


en tant qu'État souverain et indépendant, ni modification de son organisation institutionnelle ;
que le dessaisissement de certaines de ses institutions - Cour de Cassation, mais aussi
Assemblée nationale - n'est ni total ni unilatéral, qu'il s'agit donc, en l'espèce, non pas d'un
abandon de souveraineté, mais d'une limitation de compétences qu'implique tout engagement
international et qui, en tant que telle, ne saurait constituer une violation de la Constitution, dans
la mesure où celle-ci, en prévoyant la possibilité de conclure des traités, autorise, par cela
même, une telle limitation de compétences ;

9 - Considérant que même si les articles soumis à l'examen du Conseil constitutionnel avaient
prescrit un véritable abandon de souveraineté, ils ne seraient pas inconstitutionnels ; que s'il
y avait un doute à ce sujet, il serait levé par les dispositions du paragraphe 3 du Préambule
de la Constitution aux termes duquel :

Le peuple sénégalais :

Soucieux de préparer l'unité des États de l'Afrique et d'assurer les perspectives que comporte
cette unité ;

Conscient de la nécessité d'une unité politique, culturelle, économique et sociale,


indispensable à l'affirmation de la personnalité africaine ;

Conscient des impératifs historiques, moraux et matériels qui unissent les États de l'Ouest
africain ;

DÉCIDE :

« Que la République du Sénégal ne ménagera aucun effort pour la réalisation de l'unité


africaine.

10 - Considérant en effet que la réalisation de l'unité africaine impliquant nécessairement un


abandon de souveraineté de la part des États qui y participent, le peuple sénégalais, par cette
«décision constitutionnelle » accepte d'accomplir un tel «effort » qu'il s'ensuit qu'un
engagement international, par lequel le Sénégal consentirait à abandonner sa souveraineté
dans ce but, serait conforme à la Constitution à condition que cet abandon de souveraineté se
fasse sous réserve de réciprocité et dans le respect des droits de l'homme et des peuples,
ainsi que des libertés fondamentales, garantis par les dispositions de valeur constitutionnelle.

11 - Considérant qu'il en est ainsi, à fortiori, du Traité de Port-Louis du 17 octobre 1993 relatif
à l'Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique, dont les articles 14, 15 et 16 ne prescrivent

9
qu'une limitation de compétences dans le but, selon les termes mêmes du Préambule dudit
traité, « d'accomplir de nouveaux progrès sur la voie de l'unité africaine » ; que ces articles ne
sont donc pas contraires à la Constitution ;

12 - Considérant que le Conseil constitutionnel ne relève dans le Traité aucune violation de la


Constitution susceptible d'être soulevée d'office, conformément aux dispositions de l'article 15,
alinéa 3, de la loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

DÉCIDE :

Article premier

La requête du Président de la République est recevable

Article 2 : Les articles 14, 15 et 16 du Traité de Port-Louis du 17 octobre 1993 relatif à


l'Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique ne sont pas contraires à la Constitution ;

Article 3 : Aucune des autres dispositions du Traité ne lui est contraire.

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THÈME 2 : LES DROITS SUBJECTIFS

Objectifs pédagogiques :
À l’issue de cette séance, l’étudiant devrait être en mesure de :

• appréhender la notion de droit subjectif ;


• classer les droits subjectifs ;
• comprendre la notion juridique de patrimoine ;
• établir le lien entre patrimoine et droits subjectifs ;
• connaitre les règles de protection des droits subjectifs ;
• maîtriser la preuve des droits subjectifs.

TRAVAIL A FAIRE : COMMENTAIRE DE TEXTE

Veuillez commenter le texte ci-après

CABRILLAC Rémy, Introduction Générale au Droit, Paris, Dalloz, 5ème éd., 2003 (Extrait).

Les droits patrimoniaux ont une valeur pécuniaire qui permet de les inclure dans le patrimoine
d’un individu, et qui leur confère plusieurs caractéristiques. Ils sont cessibles (entre vifs),
transmissibles (à cause de mort), prescriptibles (ils disparaissent après l’écoulement d’un
certain temps), saisissables (par le créancier de leur titulaire). Un droit réel sur un bien, un
droit de créance contre une personne constituent par exemple des droits patrimoniaux.

A l’inverse, un droit extrapatrimonial n’a pas de valeur pécuniaire. Sont des droits
extrapatrimoniaux les droits de l’homme (droit de penser librement, de s’exprimer librement,
d’aller et de venir…), les droits liés à la personne (droit au respect de la vie privée et ses
différentes facettes), les droits liés à la famille (prérogatives de l’autorité parentale…). Les
droits extrapatrimoniaux ont des caractéristiques inverses des droits patrimoniaux : ils sont
incessibles, intransmissibles, imprescriptibles, insaisissables.

Cette distinction entre droits patrimoniaux et droits extrapatrimoniaux n’est pas toujours aussi
rigide. On peut d’abord observer que des droits patrimoniaux et extrapatrimoniaux peuvent
parfois coexister dans un même cadre : par exemple le droit d’auteur sur son œuvre comprend
à la fois des aspects patrimoniaux (droit de céder l’édition de son œuvre) et extrapatrimoniaux
(droit moral de faire respecter son œuvre, de ne pas la divulguer, voire de la détruire).

D’autres contestations relativisent davantage la distinction. La patrimonialité d’un bien est


susceptible de degrés, comme en témoignent plusieurs exemples. Le cas le plus éloquent est
peut-être des clientèles civiles. En raison des liens personnels entre le professionnel et ses
clients, la jurisprudence s’est refusée à admettre leur cession jusqu’il y a peu. On peut
également évoquer la force de travail, « à mi-chemin entre la sphère patrimoniale et la sphère
extrapatrimoniale ». D’autre part, les droits extrapatrimoniaux ne sont pas toujours dépourvus
de conséquences pécuniaires : par exemple, l’établissement d’un lien de filiation pour un
enfant produit des conséquences patrimoniales. Enfin, on ne peut que constater une certaine
patrimonialisation de la personne : la violation d’un droit extra patrimonial a souvent une
compensation pécuniaire, à travers la responsabilité civile. Par exemple, qu’il soit porté
atteinte au droit à l’honneur d’une personne dans la presse, et elle obtiendra des dommages-
intérêts compensant ce préjudice. De plus, la personne ou certains de ces éléments devient
fréquemment l’objet de conventions : contrats relatifs à l’exploitation de l’image d’une
personne, don d’organes en sont autant d’exemples.

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LECTURE CONSEILLÉE

1. SIDIBÉ Amsatou Sow, Droit civil, Droit sénégalais : introduction à l'étude du droit état
des personnes famille, Dakar, Imprimerie Monteiro, 2014 ;
2. AUBERT Jean-Luc, Introduction au droit et thèmes fondamentaux du droit civil, Paris,
Armand Colin, 9e édition, 2002 ;
3. CABRILLAC Rémy, Introduction Générale au Droit, Paris, Dalloz, 5ème éd., 2003 ;
4. CARBONNIER Jean, Droit Civil, Introduction, Paris, PUF, 25ème éd. refondue,
Collection « Thémis », 1997 ;
5. FABRE-MAGNAN Muriel, Introduction générale au droit, Droit des personnes-
Méthodologie juridique, Paris, PUF, Collection « Thémis », 2012 ;
6. MALINVAUD Philippe, Introduction à l’étude du droit, Paris, LexisNexis 14ème éd, 2013 ;
7. CATALA Pierre, « La transformation du patrimoine dans le droit civil moderne » RTD.
Civ, 1966, p. 206 et s ;
8. COHET-CORDEY Frédérique, « La valeur explicative de la théorie du patrimoine en
droit positif français », RTD civ., 1996, p. 819.

DOCUMENTS

1. CARBONNIER Jean, Droit civil : Introduction, Paris, Thémis, 25ème éd., édition
refondue, p. 296.
2. AUBERT Jean-Luc, Introduction au droit et thèmes fondamentaux du droit civil, Paris,
Armand Colin, 9e édition, 2002, p. 213 (extrait).

Document 1 : CARBONNIER Jean, Droit civil : Introduction, Paris, Thémis, 25ème éd.,
édition refondue, p. 296.

LE PATRIMOINE

Le mot, qui n’est pas sans une couleur familiale, désigne l’ensemble des biens et des
obligations d’une personne, envisagé comme formant une universalité de droit, c’est-à-dire un
tout, une unité juridique.

Le patrimoine est d’abord un actif, la réunion des biens ayant un même propriétaire, des droits
ayant un même titulaire. On n’y fait pas, cependant, entrer tous les droits. Qui dit patrimonial
dit pécuniaire. Aussi, convient-il de comprendre parmi les droits patrimoniaux que les droits
susceptibles d’une évaluation en argent. Ceux qui y répugnent resteront par leur nature en
dehors. Ce sont les droits extra-patrimoniaux : non seulement les droits publics, politiques de
l’individu, mais aussi certains droits privés (ex. les droits constituant l’autorité parentale, les
actions qui protègent l’état de la personne, le droit à l’honneur, les droits que l’on appelle droit
de la personnalité).

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Le patrimoine est, d’ailleurs, distinct des biens qui le composent à un moment donné de sa
durée. Par-delà les biens présents, il s’étend, en effet, aux biens à venir, ce que l’individu
acquerra par la suite (cf. a. 2092). Il apparait comme une virtualité, un potentiel plutôt qu’une
masse figée. Outre qu’il demeure le même, malgré les fluctuations de ses éléments concrets :
certains biens peuvent être aliénés, d’autres acquis, le patrimoine demeure. C’est un
contenant, a-t-on dit, un portefeuille qui peut être vide, ou même avoir un contenu négatif (des
factures à payer).

Car le patrimoine comporte aussi le passif, les dettes de la personne. Les articles 2092-2093
expriment cette corrélation essentielle de l’actif et du passif : ce qui fait le patrimoine ; c’est
que les biens, les droits y sont soudés par la nécessité d’y répondre des dettes.

La théorie classique voit dans le patrimoine une émanation de la personnalité. C’est ce qui
explique, selon elle, que toute personne, physique ou morale, ait un patrimoine, que le
patrimoine ne soit aliénable (sauf, par succession, à la mort de son titulaire) ; que seules les
personnes puissent avoir un patrimoine ; enfin, qu’une même personne ne puisse jamais avoir
plus d’un patrimoine (principe de l’unité du patrimoine) ; toutefois, l’entreprise unipersonnelle
à responsabilité limitée ouvre la possibilité d’avoir, à côté du patrimoine général, un patrimoine
autonome spécialisé (a. 1832, al. 2 l. du 11 juill. 1985)

Document 2 : AUBERT Jean-Luc, Introduction au droit et thèmes fondamentaux du droit


civil, Paris, Armand Colin, 9e édition, 2002, p. 213 (extrait).

La distinction des droits extrapatrimoniaux et des droits patrimoniaux

Le critère de la distinction. Les droits extrapatrimoniaux. – Même si elle est imparfaite,


ainsi qu’il sera dit plus loin, la distinction entre droits extrapatrimoniaux et droits patrimoniaux
a le double mérite d’être relativement simple, et de tenir compte d’une réalité sociale
importante en opposant les droits dont la finalité est principalement économique à ceux qui
sont, a priori au moins, étrangers à cette fin. Elle s’opère à partir du critère que constitue la
possibilité d’une évaluation pécuniaire du droit considéré.

Alors que les droits patrimoniaux – ainsi dénommés parce qu’ils ont vocation à être réunis
dans le patrimoine- sont des droits qui représentent un élément de richesse pour leur titulaire,
les droits extrapatrimoniaux – qui demeurent hors du patrimoine – sont insusceptibles d’une
évaluation pécuniaire.

Tel est le cas, tout d’abord, des droits de l’homme - prérogatives inhérentes à l’être humain et
inviolables, tels, par exemple, la dignité et la primauté de la personne ( art. 16 C. civ), le droit
à la vie, à la liberté à la justice (art. 2, 5 et 6 Convention européenne des droits de l’homme).
C’est le cas, également, des droits de nature politique que sont, par exemple le droit de vote
ou l’éligibilité. Il en va de même des droits qui résultent des statuts de la famille : droits
rattachés à l’autorité parentale, droit pour les grands-parents d’entretenir des relations
personnelles avec leurs petits-enfants (art. 371-4 C. civ.). Enfin, les droits extrapatrimoniaux
comptent divers droits auxquels s’attachent les intérêts moraux de leur titulaire, parmi lesquels,
notamment, les droits de la personnalité : droit à la sauvegarde de son intégrité physique, droit
à l’honneur, au respect de sa vie privée, droit au nom, dans la mesure où un tel droit peut être
consacré.

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Il convient cependant d’observer que, pour utile qu’elle soit, la distinction entre droits
patrimoniaux et droits extrapatrimoniaux n’est pas absolue. D’une part, il est fréquent que des
droits extrapatrimoniaux emportent des effets pécuniaires. Ainsi, les liens de parenté font-ils
naitre des droits à pension, et plus généralement, un droit de succession, dont la nature est
pécuniaire. Ainsi, encore, la lésion d’un droit extrapatrimonial- l’atteinte à la vie ou à l’intégrité
corporelle, ou encore à l’honneur- peut justifier l’allocation d’une indemnité de nature
également pécuniaire.

Plus nettement, il est certains droits qui, bien que qualifiés extrapatrimoniaux, peuvent
néanmoins servir de substance à une opération commerciale. Ainsi, le nom peut-il être cédé,
malgré son indisponibilité, lorsque, par l’usage, qui en est fait dans le commerce, il devient un
nom commercial ou enseigne. De même, le droit de chacun à sa propre image peut être
monnayé.

Sans doute convient-il de ne pas exagérer la portée de ces altérations du principe de


distinction : les premières ne mettent en relief que des effets, des conséquences du droit
extrapatrimonial, les secondes ne concernent qu’un usage du nom ou de l’image, qui jamais,
à l’évidence, ne prive le cédant de son droit. Du moins, faut-il encore retenir qu’il n y’a pas de
cloison étanche entre les deux catégories de droit que l’on s’efforce de distinguer. Sous cette
réserve, assurément importante, il reste que le droit extrapatrimonial se distingue assez
clairement du droit patrimonial qui constitue directement un bien.

Les droits patrimoniaux et la notion de patrimoine

La notion de patrimoine est, en quelque sorte, la tradition juridique de la dimension


économique du sujet de droit : elle appréhende, en effet, l’ensemble des éléments –actifs ou
passifs ; biens et dettes- qui définissent l’état de fortune de la personne.

Les principaux droits patrimoniaux

Les droits de créance – Les droits patrimoniaux se regroupent en trois catégories : celles des
droits de créance, celle du droit réel, celle, enfin, des droits intellectuels, également appelés
propriétés incorporelles.

Le droit de créance représente l’aspect positif du rapport d’obligation : c’est le lien de droit qui
existe entre deux personnes et en vertu duquel l’une- le créancier, titulaire du droit de créance-
est en droit d’exiger quelque chose de l’autre- le débiteur, tenu de la dette, aspect négatif de
ce même rapport d’obligation. Il convient de souligner, à la suite immédiate de cette définition,
que, contrairement à une croyance répandue, le droit de créance ne s’applique pas seulement
aux sommes d’argent. Selon la loi, les obligations – donc droit de créance et dettes corrélatives
– peuvent être « de donner, de faire, ou de ne pas faire quelque chose » (art.1101 C. civ.).
Cette formule ouvre au droit de créance trois objets possibles : transférer la propriété d’une
chose -- c’est le sens juridique du verbe «donner» - telles l’obligation du vendeur quant à la
chose vendue, et celle de l’acheteur quant à la somme promise ; exécuter une prestation,
comme c’est le cas d’un transporteur ou d’un garagiste ; s’abstenir de certains actes, par
exemple, ne pas faire concurrence à telle entreprise.

Ainsi défini, le droit de créance est constitué de deux éléments : d’abord, une relation
interpersonnelle – entre le créancier et le débiteur- qui délimite le pouvoir d’exiger dont est
investi le créancier (c’est au débiteur, et à lui seul, qu’il doit réclamer ce à quoi il a droit) ;
ensuite, un élément économique qui consiste dans le droit sur le patrimoine du débiteur –
c'est-à-dire sur l’ensemble des biens de celui-ci – que l’on qualifie de droit de gage général.

Il résulte de cette analyse que le droit de créance constitue une prérogative relativement
fragile : l’exécution de ce droit – ce que l’on appelle le paiement de la dette – suppose que le
patrimoine du débiteur soit en état de satisfaire la prérogative du créancier.

Cette fragilité peut être illustrée de deux manières. D’abord, si le débiteur a vidé son patrimoine
en aliénant tous ses biens, le créancier ne pourra pas saisir l’un de ceux-ci pour obtenir son

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paiement : il n’a pas, en termes techniques, de droit de suite qui lui permette de reprendre tel
ou tel bien entre les mains de qui il a été aliéné. Ensuite, à supposer que le débiteur ait souscrit
d’autres dettes, tous ses créanciers se voient reconnaitre un droit égal au paiement, de telle
sorte que si le patrimoine du débiteur ne suffit pas pour payer tout le monde, chacun ne
touchera qu’une partie de sa créance, à proportion du montant de celle-ci : on exprime cette
solution en disant que le créancier n’a pas de droit de préférence, ce qui signifie qu’il ne
bénéficie, par rapport aux autres créanciers, d’aucune priorité, même fondée sur son
ancienneté.

Les droits réels- Par comparaison avec ce qui vient d’être exposé, le droit réel apparait en
revanche comme particulièrement vigoureux. De manière classique, cette sorte de droit est
définie comme le pouvoir juridique reconnu à une personne, et qui porte directement sur une
chose. Il ne s’agit donc plus, comme pour le droit de créance, d’un droit qui porte sur un
ensemble de biens indéfinis et dont l’exécution passe par l’intermédiaire d’un tiers, mais d’un
pouvoir direct et immédiat sur une chose déterminée. L’exemple type en est le droit de
propriété.

Cette différence fondamentale de structure emporte, au profit du titulaire du droit réel, les deux
prérogatives qui, précisément, font défaut au droit de créance. D’une part, il bénéficie d’un
droit de suite : le propriétaire peut revendiquer son bien, c'est-à-dire reprendre la chose entre
les mains de qui s’en est emparé. D’autre part, il jouit d’un droit de préférence : à supposer
que le bien ait été vendu, mais que la livraison n’en ait point encore été faite, l’acquéreur,
investi du droit de propriété par le seul fait de la vente, pourra en obtenir la livraison alors
même que les créanciers du vendeur, qui serait devenu entre-temps insolvable, prétendraient
en partager la valeur avec lui. Ces deux prérogatives, qui, signalent le droit réel, sont la
justification directe de ce que l’on appelle les droits réels accessoires, lesquels constituent
l’une des deux catégories de droits réels.

On distingue, en effet, deux sortes de droits réels : les droits réels principaux et les droits réels
accessoires.

Les droits réels principaux, qui ont une utilité autonome, assurent à leur titulaire la maitrise
absolue de la chose. Mais il existe des degrés dans cette maitrise : elle est complète dans le
droit de propriété ; mais elle est réduite, de façon variable, pour les autres droits réels
principaux qui ne sont que des démembrements de la propriété, tels l’usufruit et la servitude…

Les droits réels accessoires sont ainsi dénommés parce qu’ils accompagnent une créance :
ils sont accessoires à une créance. Ce sont les deux prérogatives spécifiques du droit réel –
droit de suite et droit de préférence- qui justifient cette association : le droit réel accessoire
assure au créancier qui en bénéficie une garantie, en affectant au paiement de sa créance un
bien déterminé qu’il pourra, le cas échéant, reprendre entre les mains de tiers et sur la valeur
duquel il bénéficiera d’un paiement prioritaire...

Les droits intellectuels – Les droits intellectuels -- également appelés propriétés


incorporelles- sont une catégorie de droits subjectifs qui a pris, dans le droit moderne, une
importance grandissante.

Bien que leur diversité soit rebelle à une synthèse satisfaisante, il est possible de définir ces
droits comme des monopoles d’exploitation affirmés au regard du produit ou du moyen d’une
activité intellectuelle. L’exclusivité du droit fait, assurément, penser à la propriété ; mais l’objet
de cette appropriation est incorporel et interdit l’assimilation.

De ces droits intellectuels, qui sont très divers, on ne signalera que les plus importants : d’une
part, les droits sur les œuvres de l’esprit- tels, notamment, le droit de la propriété littéraire et
artistique et la propriété industrielle, en particulier les droits sur les brevets d’invention – et
d’autre part, les droits de clientèle- droits des officiers ministériels, droit sur le fonds de
commerce.

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THÈME 3 : LES SOURCES DU DROIT

Objectifs pédagogiques :
À l’issue de cette séance, l’étudiant devrait être en mesure de :

• connaître parfaitement les différentes sources du Droit objectif et des droits subjectifs ;
• maitriser de la hiérarchie des sources du droit ;
• maitriser les questions relatives à l’application de la loi dans le temps et dans l’espace ;
• maitriser l’articulation entre les différentes sources de la règle de droit.

TRAVAIL A FAIRE : DISSERTATION

SUJET : La loi et la coutume

LECTURE CONSEILLÉE

1. Loi n°2001-03 du 22 janvier 2001 portant Constitution du Sénégal, notamment les


articles 67 à 79 ;
2. Constitution française du 04 octobre 1958 ;
3. Code civil français, notamment les articles 1 à 6 ;
4. SIDIBÉ Amsatou Sow, Droit civil, Droit sénégalais : introduction à l'étude du droit état
des personnes famille, Dakar, Imprimerie Monteiro, 2014 ;
5. NDOYE Doudou, La Constitution Sénégalaise du 22 Janvier 2001 commentée, Dakar,
EJA, 2e édition, 2011, Collection : « Droit Constitutionnel et Droit Administratif » ;
6. CABRILLAC Remy, Introduction générale au droit, Paris, Dalloz, 9e édition, 2011, p.
96 ;
7. MALAURIE Philippe et AYNES Laurent, Introduction au droit, Paris, Defrénois, 2004,
p. 159 et suivantes.

DOCUMENTS
1. HESS-FALLON Brigitte et SIMON Anne-Marie, Droit civil, Paris, Dalloz Sirey, 10e éd.,
2010, p. 25 à 27 (Extrait) ;
2. BACH Louis, « Conflits de lois dans le temps », Répertoire droit civil, mai 1998 (Extrait).

Document 1 : HESS-FALLON Brigitte et SIMON Anne-Marie, Droit civil, Paris, Dalloz


Sirey, 10e éd., 2010, p. 25 à 27 (Extrait).

La jurisprudence
Elle est constituée de l’ensemble des décisions rendues par les différentes
juridictions.

- L’obligation de juger

L’article 4 du Code Civil édicte : « Le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de
l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de
justice. »

Le déni de justice est assorti de sanctions pénales (art. 434.7.1 C. pén.).

16
- L’importance de cette source du droit

L’unification de la jurisprudence de la Cour de cassation

Son contrôle portant exclusivement sur l’application des règles de droit et ses décisions étant
rendues en toute suprématie, la jurisprudence de la Cour de cassation joue un rôle
déterminant pour l’unité de la jurisprudence

Le rôle du « droit prétorien » La jurisprudence :

- Interprète la loi, quand elle est obscure (exemple sur la notion de « cause réelle et sérieuse
» de licenciement, de « faute inexcusable ». Les débats préalables, les questions aux ministres
ou la doctrine aident aussi à l’interprétation des textes ;
- Adapte la loi générale à des
situations précises ; même si le législateur a fait un effort d’exhaustivité – pas nécessairement
souhaité- existent toujours des situations créées par la complexité de la nature humaine qui
n’ont pas été prévues ;

- Supplée la loi ; l’évolution des mœurs, des sciences, de la technique, crée des problèmes
nouveaux ; on constate alors qu’il y a un « vide juridique » que la jurisprudence va combler.
Exemple : en matière d’accident de la circulation, la responsabilité civile s’est construite autour
de l’article 1384 du Code civil sur la responsabilité du fait des choses, article rédigé à une
époque où les automobiles n’existaient pas.

- Inspire les lois nouvelles ; le législateur est amené à agir sur des problèmes nouveaux
repérés par les juges, souvent, dans le même sens que la jurisprudence mais parfois dans un
sens inverse. Exemple : à la suite de l’arrêt Perruche du 17 novembre 2000, le législateur a
introduit dans la loi du 04 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système
de santé un article 1er qui dispose: « nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa
naissance » ; ce principe a été qualifié par plusieurs auteurs de disposition « anti-perruche».

- Crée des théories qui permettent aux règles juridiques de s’adapter. Exemple : la théorie
de l’abus de droit, de la stipulation pour autrui, des obligations contractuelles tacites de
sécurité et de renseignement à la charge des professionnels, le principe général de la
responsabilité du fait des choses et du fait d’autrui de l’article 1384 al. 1er du Code civil.

- L’autorité de la jurisprudence

Elle a un caractère référentiel. Les juges du fond (les magistrats du siège qui jugent à la fois
les faits et le droit) en présence d’un problème précis et concret auquel la loi ne donne pas de
solution explicite, ont tendance à se référer à des décisions prises par d’autres juridictions
dans des affaires similaires, profitant de l’effort de réflexion déjà fourni par d’autres juges; les
avocats essaient d’ailleurs de trouver de la jurisprudence favorable à leur thèse, qu’ils
présentent dans leurs « conclusions » (documents écrits, exposant les arguments des parties
et qui doivent être déposés obligatoirement devant le TGI ou la Cour pour que l’affaire soit «
en état » ; quand il s’agit d’une jurisprudence « établie » ou indiscutée qui apporte de façon
habituelle la même solution à un problème de droit, ils pensent - avec raison – avoir de grandes
chances de gagner leur procès.

Les limites de l’autorité de la jurisprudence


La jurisprudence n’est pas une source du droit directe car il lui manque :

- Le caractère général : article 5 du Code civil : « il est interdit aux juges de se prononcer par
voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises ». On dit
que les décisions judiciaires n’ont qu’une autorité relative

- Le caractère obligatoire : une juridiction n’est jamais liée par des solutions déjà rendues
dans le passé ; des « revirements » de jurisprudence se produisent, permettant une évolution

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du droit. (en droit anglo-saxon dit de common law, au contraire, les magistrats sont liés par les
« précédents»).

Document 2 : BACH Louis, « Conflits de lois dans le temps », Répertoire droit civil, mai
1998 (Extrait).

Généralités

1. « Théorie de la non-rétroactivité des lois », « domaine d'application de la loi dans le temps


», « problème du droit transitoire », sont autant d'expressions utilisées pour désigner la
question plus communément appelée, des « conflits de lois dans le temps », bien que ces
diverses expressions ne soient pas toujours parfaitement synonymes. La dernière entend
mettre en évidence l'analogie qui existe entre cette sorte de conflits et les « conflits de lois
dans l'espace » que s'emploie à régler le droit international privé et qui réside dans le fait que,
dans les deux cas, on hésite sur la loi compétente pour régir une situation juridique donnée.

2. Mais là s'arrête la ressemblance entre les deux sortes de conflits. En effet, en cas de conflits
de lois dans le temps on hésite entre une règle de droit ancienne et une règle de droit nouvelle
émanant du même législateur, alors qu'en cas de conflits de lois dans l'espace il convient de
choisir, entre plusieurs ordres juridiques qui émanent de législateurs différents, celui dans
lequel il faudra, dans un second temps, rechercher la règle de droit applicable (V. J. Héron,
L'application dans le temps des règles de conflits, Rev. crit. DIP 1987.305, note 15.

3.Mais les deux sortes de conflits peuvent se trouver réunies (H.Batiffol et P. Lagarde, Droit
international privé, 8e éd., t. 1, 1993, LGDJ, nos 313 et s. ; Y. Loussouarn et P. Bourel, Droit
international privé, 4e éd., 1993, Dalloz, nos 222 et s. ; P. Mayer, Droit international privé, 5e
éd., 1994, Montchrestien, nos 260 et s. ; P.Courbe, Les objectifs temporels des règles de droit
international privé, thèse, Rouen, 1981 ; Hage-Chahine, Les conflits dans l'espace et dans le
temps en matière de prescription, 1977, Dalloz).

4. Il en est ainsi, tout d'abord, en cas de modification de la règle de conflit du for, c'est- à-dire
lorsque, deux règles de conflit se succédant dans l'ordre juridique du for, on se demande si la
question de droit considérée est régie par l'ancienne règle ou par la nouvelle. Pour résoudre
cette sorte de conflit qui tend à se multiplier avec l'intervention plus fréquente, aujourd'hui, du
législateur français en la matière (not.dans le droit de la filiation en 1972 et dans celui du
divorce en 1975;

V. P. Lagarde, Le droit transitoire des règles de conflit après les réformes récentes du droit de
la famille, Travaux com. dr. DIP 1977-1979, p. 89), la jurisprudence déclare que la règle de
conflit du for doit être « déterminée par les principes généraux du droit transitoire interne »,
c'est-à-dire qu'il doit être donné à la règle nouvelle de conflits de lois, le même domaine
d'application dans le temps qu'à une règle substantielle interne qui serait édictée dans les
mêmes matières. C'est ainsi que les règles nouvelles substantielles édictées en ce qui
concerne l'établissement de la filiation, s'appliquant, en principe, aux enfants nés avant leur
publication, il convient d'appliquer dans les mêmes conditions la nouvelle règle de conflit. De
même, en est-il en matière de divorce ; le principe étant celui de l'application de la loi nouvelle
substantielle à toutes les procédures de divorce non encore introduites lors de sa publication,
la nouvelle règle de conflit dans l'espace doit recevoir application dans ces procédures. De
même, puisqu'une loi nouvelle substantielle ne peut remettre en cause l'acquisition déjà
réalisée d'un droit réel, il faut admettre qu'un changement de règles de conflit ne doit pas
modifier la loi applicable à une telle acquisition. Il reste que le principe de la survie de la règle
ancienne semble devoir avoir une force plus grande que pour une règle substantielle en droit
interne ; d'une part, parce que l'application, pour des raisons d'ordre public, de la loi nouvelle
à des situations contractuelles qui normalement devraient rester soumises à l'application de
la loi ancienne, ne s'impose pas en soi, d'autre part, parce que le principe de l'application de
la loi nouvelle aux situations extra-contractuelles en cours, pourrait contredire la cohérence de
telle ou telle institution qui peut ne pas être prête à recevoir application des dispositions
nouvelles.

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5. Les deux sortes de conflits peuvent se trouver, aussi, réunies à la suite d'une modification
de la règle de conflit dans l'espace de l'ordre juridique étranger, désigné par la règle de conflit
du for. Le juge français doit, alors, régler le conflit de droit transitoire s'élevant entre les deux
règles étrangères de conflit qui se sont succédé, et l'application de la règle nouvelle ou de la
règle ancienne peut conduire à un renvoi. La solution semble, alors, devoir dépendre de
l'analyse que l'on fait du renvoi : si l'on considère qu'il constitue un mécanisme de coordination
ou d'harmonisation des systèmes, la solution doit être recherchée dans les règles du droit
transitoire étranger sur les conflits de lois dans l'espace. En revanche, si l'on voit dans le renvoi
le moyen de parvenir à un résultat déterminé (par ex., favoriser l'établissement d'une filiation),
des aménagements ou des corrections peuvent être apportés au droit transitoire étranger, afin
de faire prévaloir celle des deux règles étrangères de conflit qui, en l'espèce, assure, le mieux,
la réalisation du résultat visé par la règle de conflit du for.

6. Les deux sortes de conflits peuvent aussi se trouver réunies en cas de modification de la loi
interne étrangère, c'est-à-dire lorsque deux règles substantielles se sont succédé dans l'ordre
juridique étranger que désigne la règle de conflit du for. La solution réside alors, en principe,
dans l'application de l'ordre juridique étranger dans son ensemble, c'est-à-dire y compris le
droit transitoire prévu par cet ordre juridique.

7. Enfin, certains auteurs estiment que les deux sortes de conflits peuvent être réunies en cas
de conflit mobile, c'est-à-dire lorsque, par suite du changement d'un élément de rattachement,
une situation donnée est successivement soumise à deux systèmes juridiques différents : par
exemple, un meuble acquis à l'étranger est importé en France, un étranger se fait naturaliser
français. Le problème se pose alors de déterminer les domaines respectifs de la loi ancienne
et de la loi nouvelle dans la succession des rapports juridiques qu'engendre cette situation ;
ainsi un étranger, naturalisé français, peut-il divorcer selon la loi française alors que la loi de
son pays, sous l'empire de laquelle il a contracté mariage, n'admet pas le divorce ? (V. Batiffol,
Conflits mobiles et droit transitoire, Mélanges Roubier, 1961, t. 1, p. 39 et s. ; Rigaux, Le couple
mobile en droit international privé, Rec. Acad. La Haye, 1966.I, p. 329 et s.). La solution
consiste, ici aussi, à appliquer les règles du droit transitoire interne, sauf que les tribunaux,
d'une part, excluent systématiquement toute rétroactivité et, d'autre part, manipulent parfois la
règle de conflit mobile afin de pouvoir appliquer la loi la plus favorable à la partie qu'ils
considèrent comme devant être particulièrement protégée ; cependant, d'autres auteurs ne
rattachent pas le conflit mobile au droit transitoire et ils affirment qu'aucune solution générale
ne permet alors de résoudre la question et que la solution doit être recherchée dans chaque
cas de conflit mobile, en fonction d'une interprétation de la règle de conflit, notamment en
fonction des impératifs qui ont dicté le choix du rattachement.

Position du problème des conflits de lois dans le temps - NATURE JURIDIQUE DU


PROBLÈME

14. Le problème des conflits de lois dans le temps est intimement lié à celui de la détermination
de la période de leur applicabilité c'est-à-dire de leur caractère obligatoire pour les sujets de
droit. En effet, lorsqu'une loi, par sa mise en vigueur, a intégré l'ordonnancement juridique,
une question doit recevoir réponse (aussitôt) de la part de l'autorité qui l'a édictée, ou, à défaut
(un jour ou l'autre) de la part de l'organe chargé de son application, au premier chef de la part
du juge : cette question est celle de la détermination de l'instant précis auquel cette loi
s'impose, aux sujets de droit ou à certains d'entre eux.

15. Mais, inéluctablement, la loi nouvelle aura substitué à la solution qui s'était imposée
jusque-là, une solution, peu ou prou, différente, et ce, même lorsqu'elle n'aura pas substitué
une règle nouvelle à une règle ancienne (sur la distinction qu'il convient d'opérer entre « règles
de droit » et « propositions de droit » ou « solutions de droit », V. infra, nos 165 et s.). Dès
lors, un autre impératif surgira : celui de déterminer les sujets de droit dont les conduites
étaient, sont ou seront régies soit par le droit nouveau, soit par le droit ancien. En effet, il peut
arriver que la loi ait vocation à s'appliquer à des conduites antérieures à son entrée en vigueur.
De même, il se peut que la loi ancienne survive à son abrogation pour régir des conduites

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postérieures. Plus précisément, le problème des conflits de lois dans le temps concerne les
normes juridiques successivement édictées par le législateur et il est celui de la détermination
des sujets de droit de chacune des solutions successives qui découle de l'édiction d'une norme
nouvelle.

Solution générale de principe du problème des conflits de lois dans le temps

26. Elle est donnée par l'article 2 du code civil selon lequel : « La loi ne dispose que pour
l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif », auquel fait écho, en droit pénal, pour les lois de fond,
l'article 112-1 du code pénal, aux termes duquel : « Seuls sont punissables les faits constitutifs
d'une infraction à la date à laquelle ils ont été commis » (al. 1er). - « Peuvent seules être
prononcées les peines légalement applicables à la même date » (al. 2) (pour l'application,
dans le temps, des lois de compétence, d'organisation judiciaire, de procédure, ou relatives à
la prescription, V. NCP, art. 112-2, 112-3 et 112-4 constituant avec l'art. 112-1 le chap. II du
titre Ier du livre Ier intitulé « De l'application de la loi pénale dans le temps ».

27. De même, depuis la décision no 84-181 du Conseil constitutionnel en date des 10 et 11


octobre 1984, rendue à propos de la loi no 84-937 du 23 octobre 1984 visant à limiter la
concentration et à assurer la transparence financière et le pluralisme des entreprises de
presse, il apparaît que la règle de la non-rétroactivité des lois s'impose, en principe, au
législateur lui-même « lorsqu’il organise l'exercice d'une liberté publique ». De même, la Cour
de justice des Communautés européennes affirme le principe de la non-rétroactivité des actes
communautaires qu'elle tire du principe général de la sécurité juridique due aux sujets de droit
(Décis. 22févr. 1984, Kloppenburg, in Boulouis et Chevallier, Les grands arrêts de la CJCE,
6e éd., 1994, p. 70).

28. Mais l'article 2 du code civil n'entend formuler qu'une solution générale de principe. En
effet, hormis en matière pénale, et, en tout domaine, chaque fois que la loi nouvelle concerne
des principes ou des droits de valeur constitutionnelle, le législateur peut déterminer comme
il lui paraît souhaitable, le domaine d'application dans le temps des lois qu'il édicte.

29. Aussi bien, rares sont aujourd'hui les lois dont le texte ne se termine pas par des «
dispositions transitoires ». Celles-ci ont parfois pour objet d'aménager les transitions entre
deux états différents de législation et de prévoir, pour un temps déterminé, un régime différent
à la fois de l'ancien et du nouveau et qui souvent les combine. Il s'agit alors de dispositions
transitoires au sens strict.

30. C'est ainsi que l'article 14 de la loi no 64-1230 du 14 décembre 1964 (D. 1965.4), portant
modification des dispositions du code civil relatives à la tutelle et à l'émancipation, avait prévu,
après avoir déclaré que « les dispositions antérieures du chapitre « De l'émancipation »
[resteraient] applicables aux mineurs déjà émancipés », que « toutefois, s'ils ont atteint l'âge
de 18 ans révolus, le bénéfice de l'entière capacité prévu par le nouvel article 481 [pourrait]
leur être conféré par une déclaration complémentaire, ... faite dans les mêmes formes que
l'émancipation ».

31. De même, la loi no 66-1010 du 28 décembre 1966 (D. 1967.31), relative à l'usure, et fixant
le taux maximum de l'intérêt que le prêteur est en droit de demander, a organisé une transition
entre le droit ancien et le droit nouveau lorsqu'elle a prévu dans son article 18 qu'« en ce qui
concerne les contrats en cours, les intérêts commençant à courir à compter de la première
échéance, suivant la mise en vigueur de la ... loi, [seraient], s'il échet, réduits de plein droit,
sous peine des sanctions prévues par ladite loi, au taux maximum admis pour la catégorie
d'opérations dont ils relèvent ».

32. C'est ainsi également que l'article 21 de la loi no 68-5 du 3 janvier 1968, portant réforme
du droit des incapables majeurs, avait prévu, après avoir réduit de dix ans à cinq ans le délai
de prescription des actions en nullité relative, régi par l'article 1304 du code civil, que « les
actions en nullité antérieurement ouvertes [resteraient] soumises au délai de dix ans que
prévoyait l'ancien article 1304 du code civil, sans pouvoir néanmoins être introduites plus de

20
cinq ans après l'entrée en vigueur de la loi nouvelle ».

33. De même, après que l'article 11 de la loi no 70-459 du 4 juin 1970, relative à l'autorité
parentale, ait prévu dans son alinéa 1er la survie de principe de la loi ancienne, son alinéa 2
prévoyait, à titre d'exception, la possibilité d'une application immédiate de la loi nouvelle, en
déclarant que, si le père naturel se désintéressait de l'enfant, la mère pourrait demander que
l'autorité parentale lui soit transférée.

34. De même, afin d'éviter que l'application de la loi no 93-22 du 8 janvier 1993 (préc. supra,
no 12), relative à l'état civil, à la famille et aux droits de l'enfant et instituant le juge aux affaires
familiales, n'entraîne pour l'enfant une trop brusque modification de ses rapports avec le
titulaire de l'autorité parentale (la mère, en principe, selon le droit antérieur), l'article 46 de
ladite loi dispose que « par dérogation à l'article 372 du code civil, le parent d'un enfant naturel
reconnu avant la date d'entrée en vigueur de la... loi, par ses père et mère, avant qu'il ait atteint
l'âge d'un an et si ces derniers vivaient en commun au moment de la reconnaissance
concomitante ou de la seconde reconnaissance (situation qui commande, normalement,
l'exercice en commun de l'autorité parentale par les deux parents), conservera l'exercice
exclusif de l'autorité parentale, si, à cette date, il exerce seul cette autorité et si l'enfant réside
habituellement chez lui seul».

35. Les dispositions transitoires de cette nature écartent habituellement les solutions
traditionnellement retenues en matière de conflits de lois dans le temps ; elles édictent, le plus
souvent, une solution intermédiaire entre l'application de la loi nouvelle qui pourrait se révéler
impossible ou inopportune et la survie de la loi ancienne, considérée comme devant être
écartée.

36. Pour réaliser un tel compromis le législateur atténue parfois les conditions d'application de
la loi nouvelle. C'est ainsi que l'article 18 de la loi no 72-3 du 3 janvier 1972 relative à la filiation
(D. 1972.51), a écarté, pour les enfants nés avant son entrée en vigueur, les délais établis
pour intenter l'action en contestation de paternité légitime aux fins de légitimation, permise par
l'article 318-1 du code civil dans les six mois après le remariage de la mère et les sept ans
depuis la naissance de l'enfant. V. de même l'art. 14, al. 1er, disposant que les droits
successoraux que la loi institue ou qui résultent des règles nouvelles concernant
l'établissement de la filiation ne sauraient être exercés dans les successions ouvertes avant
son entrée en vigueur, alors que, traditionnellement, l'établissement du lien de filiation rétroagit
au jour de la naissance, ou même de la conception, de l'enfant. De même, la loi no 76-1036
du 15 novembre 1976, complétant les dispositions transitoires de la loi no 72-3 du 3 janvier
1972 sur la filiation, décida que les enfants adultérins ou incestueux nés avant le 1er août
1972 (date d'entrée en vigueur de la loi) qui n'avaient pas disposé d'un délai de deux ans pour
exercer l'action en recherche de paternité, pourraient le faire dans le délai d'un an à compter
de son entrée en vigueur, alors même qu'une forclusion aurait été constatée par une décision
judiciaire devenue irrévocable. La même loi édicta des dispositions semblables pour l'action à
fins de subsides.

37. De même, la loi no 84-595 du 12 juillet 1984 définissant la location-accession à la propriété


immobilière a prévu (art. 41, al. 2) que « pendant une durée d'un an à compter de la date de
publication de la présente loi,... les parties [pourraient] modifier les contrats en cours en vue
de les rendre conformes aux dispositions [de cet] article ».

38. De même, l'article 48 de la loi no 85-677 du 5 juillet 1985, tendant à l'amélioration de la


situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures
d'indemnisation, aménagea pendant un délai de dix-huit mois à compter de l'entrée en vigueur
de la loi les délais prévus aux articles 12, 14 et 20.

39. Les dispositions transitoires du premier type modèrent parfois les effets de la loi nouvelle,
déclarée pourtant applicable. C'est ainsi que la loi no 82-536 du 25 juin 1982, relative à
l'établissement de la filiation naturelle par la possession d'état, après s'être déclarée «
applicable aux enfants naturels nés avant son entrée en vigueur », disposa que « ceux-ci ne

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pourront néanmoins demander à s'en prévaloir dans les successions déjà liquidées ».

40. De même, la loi no 74-631 du 5 juillet 1974 fixant à 18 ans l'âge de la majorité, permit aux
personnes devenues majeures à 18 ans du fait de l'entrée en vigueur de la loi, ou dans les six
mois suivants, de répudier ou de décliner la nationalité française dans un délai de six mois à
compter du jour où elles avaient acquis leur majorité, sans toutefois que cette faculté ait pu
être exercée après l'âge de 21 ans (art. 23). Cette loi permit également aux personnes
devenues majeures par l'effet de la loi, ou dans l'année suivante, de bénéficier d'une adoption
plénière (normalement réservée aux mineurs), tant qu'elles n'avaient pas atteint l'âge de 21
ans (art. 22).

41. De même, la loi no 77-1447 du 28 décembre 1977, portant réforme du titre IV du livre Ier
du code civil (« Des absents ») attribua à certains jugements déclaratifs d'absence rendus
selon la loi ancienne, les effets que la loi nouvelle attachera désormais aux jugements
déclaratifs d'absence (art. 10).

42. De même, la loi no 86-18 du 6 janvier 1986 relative aux sociétés d'attribution d'immeubles
en jouissance à temps partagé, après avoir prescrit la mise en conformité des statuts des
sociétés déjà constituées avec les dispositions nouvelles, a prévu que celles de son article 4,
écartant la responsabilité indéfinie des associés des sociétés constituées sous la forme de
sociétés civiles, par dérogation à l'article 1857 du code civil, ne seraient pas applicables aux
dettes sociales antérieures à la mise en conformité des statuts (art. 34).

43. Mais les dispositions transitoires qui accompagnent une loi ont parfois aussi ou seulement
pour objet de préciser son domaine d'application par rapport à celui de la loi ancienne, afin
d'éviter les difficultés que ne cesse de susciter l'interprétation de l'article 2 du code civil. Déjà,
les rédacteurs du code de 1804 avaient pris soin de régler eux-mêmes l'application des règles
nouvelles relatives à l'hypothèque légale et à la prescription. Depuis, il est permis de citer
comme dispositions transitoires ayant pour objet de fixer le domaine d'application dans le
temps des lois qu'elles accompagnent: celles de l'article 11 de la loi du 23mars 1855 relative
à la transcription en matière hypothécaire, celles de l'article 4 de la loi du 27 juillet 1884 qui a
rétabli le divorce, et qui fut expressément déclarée applicable aux époux qui avaient contracté
mariage à l'époque où celui-ci était indissoluble, celles de l'article 5 de la loi du 6 février 1893
relative à la pleine capacité de la femme séparée de biens, et déclarée expressément
applicable aux femmes dont la séparation de biens avait été antérieurement prononcée.

44.Lorsque le législateur a, par une disposition expresse, fixé le domaine d'application de la


loi nouvelle, cette disposition s'impose à l'interprète.

22
SECONDE PARTIE : DROIT DES PERSONNES
THÈME 4 : LA PERSONNALITÉ JURIDIQUE

Objectifs pédagogiques :
À l’issue de cette séance, l’étudiant devrait être en mesure de :

• appréhender la notion de personnalité juridique et ses modalités d’acquisition ;


• saisir la durée de la personnalité juridique ;
• comprendre le statut de l’enfant conçu en Droit sénégalais ;
• maîtriser les situations de doute sur l’existence de la personnalité et leur traitement par
la législation sénégalaise.
TRAVAIL À FAIRE : DISSERTATION

Sujet : Le corps humain et la personnalité juridique

LECTURE CONSEILLÉE

1. Tribunal de 1ère Inst. de Dakar, 6 juillet 1974 - RJS CREDILA VII, p. 11 ;


2. Tribunal de 1ère Inst. de Dakar, 10 décembre 1977 ;
3. SIDIBÉ Amsatou Sow, Droit civil, Droit sénégalais : introduction à l'étude du droit état
des personnes famille, Dakar, Imprimerie Monteiro, 2014 ;
4. LABBÉE Xavier, Condition juridique du corps humain : Avant la naissance et après la
mort, Villeneuve-d'Ascq, Septentrion, 2012 ;
5. CALAIS Bertrand, « La mort et le droit », Dalloz 1985, chronique, 73 ;
6. LEBRETON Gilles, « Le droit, la médecine et la mort (à propos de l'arrêt du Conseil
d'État du 2 juillet 1993, Milhaud) », Dalloz, 1994, chronique, 352 ;
7. LE CLERE Marcel, « Les autopsies et le respect des droits de la personne humaine »,
Dalloz, 1964, chronique, 167
8. RINGEL (F.), PUTMAN (F.), « Après la mort… », Dalloz, 1991, chronique, 241
9. SOHM-BOURGEOIS (A.-M.), « La personnification de l’animal, une tentation à
repousser », Dalloz 1990, chronique, 33.
10. PUIGELIER Catherine, « Qu'est-ce qu'un droit à la vie ? », Dalloz, 2003. chron.
2781 ;
11. BELLIVIER Florence, « Loi n° 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique », RTD
civ., 2004. 787 ;
12. PEIS-HITIER Marie-Pierre, « Recherche d'une qualification juridique de l'espèce
humaine », Dalloz, 2005. chron. 865 ;
13. THOUVENIN Dominique, « La loi relative à la bioéthique ou comment accroître l'accès
aux éléments biologiques d'origine humaine », Dalloz, 2005. chron. 116 ;
14. MEMETEAU Gérard, « La situation juridique de l'enfant conçu, De la rigueur classique
à l'exaltation baroque », RTD civ., 1990. 611 ;
15. NEIRINCK Claire, « L'embryon humain : une catégorie juridique à dimension variable
? », Dalloz, 2003. chron. 841 ;
16. GRIDEL Jean-Pierre, « L'individu juridiquement mort », Dalloz, 2000, chron. 266-6 ;
17. CHEYNET DE BEAUPRE Aline (Terrasson de Fougères), « Vivre et laisser mourir »,
Dalloz, 2003. chron. 2980 ;
18. CHEYNET DE BEAUPRE Aline, « La loi sur la fin de vie », Dalloz, 2005. chron. 164.

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DOCUMENTS
1. Tribunal de 1ère Instance de Dakar, 6 juillet 1974 ;
2. Tribunal de 1ère Instance de Dakar, 10 décembre 1977.

DOCUMENT N° 1 : Tribunal de 1ère Instance de Dakar, 6 juillet 1974.

Attendu qu’il résulte des pièces du dossier, notamment le procès-verbal du commissariat


spécial du Port de Dakar en date du 7 avril 1971 et l’acte de disparition en mer en date du 10
mars 1971 dressé par le Commandant du Chalutier “ AMORUSO ” que le sieur A. ND, né en
1929 à Bassoul (Sine-Saloum) Sénégal, fils de L. ND. et de A. S. matelot de son vivant, à bord
du chalutier “ AMORUSO ” a disparu le 9 mars 1971 ;
Attendu que le motif invoqué étant légitime ;
Attendu que dans l’intérêt de l’ordre public, il échet de faire droit à la requête et vu les articles
25 et suivants du Code de la famille de déclarer A. ND., décède le 9 mars 1971 à Dakar et
d’ordonner la transcription et la mention sur les registres de l’Etat-civil de Dakar et partout où
besoin sera conformément aux dispositions de l’article 88 du Code de la famille ;
Par ces motifs ;
Statuant en matière civile, en chambre du conseil, sur requête et en premier ressort ;
Vu les articles 25 et suivants du Code de la famille ;
Déclare A. ND., né en 1929 à Bassoul - Sine-Saloum - Sénégal, fils de L. ND. et de A. S.,
matelot de son vivant est décédé à Dakar, le 9 mars 1971 ;
Ordonne la transcription du dispositif du présent jugement sur les registres des actes
de décès de l’Etat-civil de Dakar et partout où besoin sera de l’année courante et mention en
marge des actes de décès à la date du 9 mars 1971 ;
Dit qu’en cas de réapparition postérieurement au présent jugement, l’annulation de
celui-ci pourra être poursuivie par le Procureur de la République et par lui-même, dit que le
présent jugement sera dispensé de timbre.

DOCUMENT N° 2 : Tribunal de 1ère Instance de Dakar, 10 décembre 1977.

Déclaration de présomption d’absence concernant A. B.


Le Tribunal de 1ère Instance de Dakar (Sénégal) statuant en matière civile a, en son audience
publique, ordinaire tenue en la salle des audiences le 10 décembre 1977, sous la présidence
de Monsieur Youssouf NDIAYE, Président du siège, en présence de Monsieur Baudin,
substituant de Monsieur le Procureur de la République, et avec l’assistance de Madame
Guindo, Greffier, rendu le jugement dont la teneur suit ;
- LE TRIBUNAL :
Vu la requête en date du 1er novembre 1977, de la dame K. B., les motifs qui y sont exposés
et les pièces à l’appui ;
Vu l’ordonnance de soit-communiqué et les conclusions écrites du Ministère Public ;
Les débats ont eu lieu en chambre du conseil ;
Sur le rapport fait à la présente audience par Monsieur le Président ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ; et entendu le Ministère Public en ses
conclusions orales;
Attendu que par requête en date du 1er novembre 1977, la dame K. B., domiciliée à Pikine-
Icotaf, parcelle n° 2258, chez S. B., a formulé une demande de déclaration de présomption
d’absence concernant son mari A. B. ;
Attendu que des pièces du dossier, en particulier du procès-verbal de la Gendarmerie Dakar-
ville, en date du 17 février 1977, n° 113, il appert que le sieur A. B. n’a pas donné de nouvelles
depuis 1970 ;
Attendu qu’ainsi les dernières nouvelles remontent à plus d’une année, la requête est
recevable ;
Qu’il échet en conséquence, d’y faire droit et de déclarer présumé absent le sieur A. B., de
désigner la dame K. B., en qualité d’administratrice des biens de A. B., de déclarer également
les enfants mineurs : I. et S. B. soumis à l’administration légale de leur mère K. B. ;

24
Par ces motifs :
Statuant publiquement, après débats en Chambre du Conseil et en premier ressort ;
Vu les réquisitions du Ministère Public ;
Déclare la dame K. B. en qualité d’administratrice provisoire des biens de A. B. ;
Déclare les mineurs I. et S. B., soumis à l’administration légale de leur mère K. B. ;
Dit qu’en cas de réapparition de A. B., les dispositions des articles 27 et s. du Code de la
famille devront s’appliquer ;
Dit que lesdites mesures se prolongeront jusqu’à la déclaration d’absence ;
Dit que le présent jugement sera dispensé de timbre et enregistré gratis ;
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;
Et ont signé le Président et le Greffier.

25
THÈME 5 : L’INDIVIDUALISATION DE LA PERSONNE

Objectifs pédagogiques :
À l’issue de cette séance, l’étudiant devrait être en mesure de :

• connaître l’utilité de l’individualisation du sujet de droit ;


• comprendre la notion d’état des personnes et ses caractères ;
• maitriser les instruments juridiques à travers lesquels la personne est individualisée.

TRAVAIL À FAIRE : Commentaire de dispositions

Article 8 code de la famille du SENEGAL

« Nul ne peut porter de nom patronymique ni de prénoms autres que ceux exprimés
dans l’acte de naissance.

Il est expressément défendu à tous fonctionnaires ou officiers publics de désigner


une personne dans un acte autrement que par les prénoms et le nom patronymique
exprimés dans l’acte de naissance ».

LECTURE CONSEILLÉE
1. Loi n° 2008-12 du 25 janvier 2008, portant sur la protection des données à caractère
personnel ;
2. SIDIBÉ Amsatou Sow, Droit civil, Droit sénégalais : introduction à l'étude du droit état
des personnes famille, Dakar, Imprimerie Monteiro, 2014 ;
3. BRETON André, « Le nom de l’épouse divorcée », Études offertes à René RODIÈRE,
Dalloz, 1981, p. 17 ;
4. LINDON Raymond, « La transmission du nom de la mère légitime à ses enfants »,
Dalloz, 1985, chr. 113 ;
5. POLLAUD-DULIAN Fréderic, « L’utilisation du nom patronymique comme nom
commercial », JCP 1992, éd. G., I, 3618
6. NEPVEU Pierre, « Du Pseudonyme », JCP, 1961, Ed. G., I, 1662.

DOCUMENTS
1. Justice de paix de Dakar : 13/02/1975 ;
2. Tribunal de première instance de Dakar : 13/04/1976.

DOCUMENT N° 1 : Justice de paix de Dakar : 13/02/1975

Attendu que par requête en date du 17 mai 1975, la dame Marie Soumah, veuve Johnnie
Wilfred Davies, a saisi la Justice de Paix de Céans aux fins de rectification de l’acte
d’enregistrement du mariage coutumier n° 319 dressé le 17 mars 1972 par l’officier de l’Etat
civil de la Mairie du 3ème arrondissement de Dakar;
Attendu que la requérante soutient que c’est par erreur qu’il a été écrit, par le responsable de
l’Etat civil, que son mariage a eu lieu le 15 mars 1972 alors qu’il a été célébré effectivement le
20 février 1963 ;

26
Attendu que M. Le Procureur de la République, par ses réquisitions en date du 20 août 1975
a déclaré ne pas s’opposer à la requête de la dame Marie Soumah ;

Attendu qu’il résulte des pièces du dossier, notamment de la copie littérale d’acte
d’enregistrement de mariage coutumier que le sieur Johnnie Wilfred Davies et la dame Marie
Soumah s’étaient présentés ensemble et en personne le 17 mars 1972 devant l’Officier de
l’Etat civil de la Mairie du 3ème arrondissement de Dakar pour faire enregistrer leur mariage
célébré selon la coutume soussou islamisée le 15 mars 1972 ;
Attendu que si la requérante et son mari avaient déclaré, lors de leur comparution le 17 mars
1972 devant l’Officier de l’Etat civil du 3ème arrondissement que leur mariage a eu lieu le 20
février 1963, le responsable de la tenue des registres de mariage, n’aurait pas dressé l’acte
d’enregistrement de mariage n° 319 ;
Attendu que l’acte d’enregistrement de mariage n° 319 a été dressé dans les délais prescrits
par la loi ;
Attendu que la modification que la requérante veut apporter à l’acte d’enregistrement de
mariage se traduit par des perturbations regrettables dans le fonctionnement de l’Etat civil ;
Attendu d’autre part qu’en raison du caractère authentique de l’acte incriminé, il échet de
rejeter la requête de la dame Marie Soumah ;
PAR CES MOTIFS ;
Statuant publiquement sur requête en matière civile et en premier ressort ;
Rejette la requête de la dame Marie Soumah ;
La condamne aux dépens.

DOCUMENT N°2 : Tribunal de première instance de Dakar : 13/04/1976

Statuant sur l’appel régulièrement interjeté le 13 janvier 1976 par Dame Marie Soumah contre
le jugement n° 584, rendu le 13 février 1975 par la Justice de Paix de Dakar qui a rejeté la
requête en rectification de la date de l’acte de mariage n° 319 du 17 mars 1972, dressé par
l’Officier de l’Etat civil du 3ème arrondissement ;
Au fond :
Attendu qu’il apparaît des documents produits au débat et notamment de la copie littérale
d’acte d’enregistrement de mariage coutumier dressé le 17 mars 1972 que Johnnie Wilfred
Davies et Dame Marie Soumah ont contracté mariage, selon la coutume Soussou islamisée
le 15 mars 1972 ;
Attendu que Dame Marie Soumah, tant devant le 1er juge qu’en cause d’appel, a soutenu que
le mariage a été célébré le 20 février 1963 et non le 15 mars 1972, comme l’a indiqué à tort
l’Officier de l’Etat civil du 3ème arrondissement ; qu’à l’appui de cette prétention, elle a cité deux
témoins : El Hadji Pierre Mapouyat et Keita Souba ;
Attendu qu’il y a lieu de remarquer, s’agissant de la loi applicable, que la requête introductive
d’instance étant datée du 17 mai 1975, le Code de la famille devait normalement s’appliquer,
conformément aux dispositions de l’article 831, al. 2, du même Code qui prévoit : « La loi
nouvelle a effet immédiat au jour de sa mise en vigueur. Elle régit les actes et faits juridiques
postérieurs et les conséquences que la loi tire des actes ou faits qui ont précédé sa mise en
application » ; qu’ainsi, la rectification des actes de mariage qui ressortait de la compétence
du Tribunal de 1ère instance, est passée à celle du juge de Paix qui est devenu, en vertu de
l’article 86 al. 1er du Code de la famille, le juge de droit commun en matière d’état civil ;

Attendu qu’il apparaît de la copie littérale de l’acte de mariage que Johnnie Wilfred Davies et
Dame Marie Soumah se sont présentés en personne, le 17 mars 1972, à 15 h 05 devant
l’Officier de l’Etat civil du 3ème arrondissement et ont déclaré tous deux avoir consenti au
mariage ; qu’il y est également mentionné que le Procès-verbal a été signé par les deux époux
;
Attendu qu’il y a lieu de noter qu’en déclarant le 17 mars 1972, leur mariage célébré le 15 du
même mois, les époux se sont conformés aux dispositions des articles 37 et 27 de la loi n° 61-
55 du 23 juin 1961 en vigueur le jour de l’enregistrement du mariage ; que ces textes disposent
en effet que l’enregistrement doit être effectué dans les 5 jours ;

27
Attendu que si les époux avaient à ce moment-là précisé à l’officier de l’Etat civil que leur
mariage remontait au 20 février 1963, celui-ci ne l’aurait très certainement pas enregistré, sans
y être invité par un jugement supplétif, qui tenait lieu, sous l’empire de la loi de 1961,
d’autorisation d’inscription de mariage ;
Que, s’agissant de la force probante des actes de l’Etat-civil, il est admis par une jurisprudence
constante que si ceux-ci font foi jusqu’à inscription de faux des faits que l’Officier de l’Etat civil
a reconnus ou constatés personnellement, ils ne font foi que jusqu’à preuve contraire quant
aux déclarations des parties et des témoins à l’acte ;
Qu’ainsi, la loi n’attache cette force probante absolue qu’aux affirmations personnelles de
l’Officier de l’Etat civil, la sincérité des énonciations émanant des parties et des témoins
pouvant être combattue par la preuve contraire dans les termes du droit commun, notamment
par la preuve testimoniale ;
Que se fondant sur cette jurisprudence, Dame Marie Soumah a cité El Hadji Pierre Mapouyat
et Souba Keita ; que le premier qui a assisté à la célébration du mariage a déclaré que celui-
ci a eu lieu il y a 9 ans, sans pouvoir préciser la date exacte ; que le second qui a célébré lui-
même le mariage a fait la même déclaration que le premier, affirmant comme celui-ci que le
mariage remonte à moins de 10 ans ;
Attendu que ces déclarations ayant été souscrites en 1975, on peut en déduire que le mariage
a été célébré après 1965 ;
Attendu que ces déclarations contredisent formellement la prétention de Dame Soumah selon
qui le mariage a été célébré le 20 mars 1963 ; qu’en conséquence, elle n’a pas rapporté la
preuve que le mariage a été contracté à la date indiquée ;
Attendu que la date du 15 mars 1972 indiquée par l’Officier de l’Etat civil étant la date exacte
du mariage, il y a lieu de confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a rejeté la requête de
Dame Marie Soumah ;
Attendu qu’il doit en être ainsi, non pas parce que, comme le dit à tort le 1er juge, l’acte est
authentique, mais en raison du fait que les énonciations des actes de l’Etat civil doivent avoir
un caractère de sincérité et de stabilité qui participe de leur nature même ;

PAR CES MOTIFS :


Statuant publiquement, en appel de justice de paix, en matière civile et en dernier ressort ;
Reçoit en la forme l’appel interjeté le 13 janvier 1976 par Dame Marie Soumah contre le
jugement rendu le 13 février 195 par la Justice de Paix de Dakar ;
Vu les conclusions du Ministère public ;
Confirme le jugement rendu le 13 février 1975 par la Justice de Paix de Dakar en ce qu’il a
rejeté la requête de Dame Marie Soumah tendant à la rectification de la date de l’acte de
mariage n° 019 du 17 mars 1972.

28
THÈME 6 : LES INCAPACITES

Objectifs pédagogiques :
À l’issue de cette séance, l’étudiant devrait être en mesure de :

• maîtriser les règles de protection des mineurs ;


• comprendre les modalités d’exercice de la puissance paternelle et de sa dévolution ;
• comprendre le fonctionnement de l’administration légale ;
• connaître les régimes de protection des majeurs incapables ;
• maîtriser les règles de protection des majeurs incapables.

SOUS-THÈME 1 : LES MINEURS

TRAVAIL A FAIRE : Dissertation

Sujet : La gestion du patrimoine du mineur incapable

SOUS-THÈME 2 : LES MAJEURS INCAPABLES

TRAVAIL A FAIRE : COMMENTAIRE DE DÉCISION DE JUSTICE

Veuillez commenter la décision reproduite au document n° 2 ( Cass. civ. 1ère 1er juil.
2009.).

LECTURE CONSEILLÉE

1. Livre V la loi loi n° 72-61 du 12 juin 1972 portant Code sénégalais de la famille ;
2. LEMOULAND Jean-Jacques., « L’assistance du mineur, une voie possible entre
l’assistance et la représentation », RTD civ., 1997, 1 et s. ;
3. MONTANIER Jean-Claude, « Les actes de la vie courante en matière d’incapacité »,
JCP, 1982. 3072.
4. NEIRINK Claude, « La dualité de régime de l’administrateur ad hoc des mineurs », JCP
2000. I. 1228
5. « La réforme de la protection des majeurs : guide de lecture de la loi du 5 mars 2007
», JCP, éd. N, 2007. 1128 ;
6. VINEY Geneviève, « Réflexion sur l’art. 489-2 du Code civil », RTD civ., 1974, 254 et
s;
7. SIMON Odile, « La nullité des actes juridiques pour trouble mental », RTD civ., 1974,
707 et s.

DOCUMENTS
1. François Terré et Dominique Fenouillet, Droit civil. Les personnes, Paris, Dalloz, 8e éd.
2012, pp. 279-281 (Extrait) ;
2. Cass. civ 1ère 1er juil. 2009 ;
3. Moyen annexé à l’arrêt : Cass. civ 1ère, 1er juil. 2009 ;
4. Civ 1ère 22 du 12 janvier 2011.

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DOCUMENT 1 : François Terré et Dominique Fenouillet, Droit civil. Les personnes,
Paris, Dalloz, 8e éd. 2012, pp. 279-281 (Extrait).

Il est d'usage en doctrine de distinguer l'incapacité d'exercice et l'incapacité de jouissance. On


invoque parfois en ce sens divers textes du Code civil, et notamment les articles 8 et 414 du
Code civil, le premier disposant que « tout français jouira des droits civils » , quand le second
affirme qu'à l'âge de dix- huit ans, « chacun est capable d'exercer les droits dont il a la
jouissance » . La capacité de jouissance viserait l'aptitude d'une personne à « jouir » des
droits, à en devenir titulaire, quelle que soit leur source, légale ou contractuelle. La capacité
d'exercice, quant à elle, désignerait l'aptitude du sujet à mettre en œuvre ses droits, à les «
exercer », et ce notamment par contrat. Le mineur non émancipé et le majeur sous tutelle
relèveraient en principe de la catégorie des personnes frappées d'une incapacité d'exercice :
ils jouissent normalement pleinement de leurs droits, que la source de ces derniers réside
dans un acte ou un fait juridique, la loi ou la volonté, etc. ; mais ils ne peuvent les exercer eux-
mêmes, en raison de leur immaturité ou de l'altération des facultés personnelles qui les frappe
et les empêche de pourvoir seuls à leurs intérêts, si bien que le droit charge les parents ou le
tuteur d'agir à leur place, comme représentant légal. Les incapacités de jouissance
trouveraient une illustration remarquable dans l'interdiction en principe adressée par l'article
909 du Code civil aux membres de professions médicales qui ont prodigué des soins à une
personne pendant la maladie dont elle meurt, de bénéficier des dispositions entre vifs ou
testamentaires qu'elle aurait faites en leur faveur pendant le cours de cette maladie. Dans ce
cas, le droit ne se contenterait pas d'empêcher la personne d'exercer ses droits ; il
l'empêcherait purement et simplement d'en acquérir. Et l'on poursuit généralement en faisant
valoir que l'incapacité de jouissance ne peut qu'être spéciale : si elle était générale, elle
aboutirait, en privant le sujet de tout droit subjectif, à neutraliser sa personnalité juridique, que
l'on définit justement comme l'aptitude à être titulaire de droits et d'obligations ; or une telle
négation serait contraire au droit fondamental à la personnalité juridique qu'aurait toute
personne physique.
Dès 1947, la doctrine contestait la pertinence de cette distinction, jugée confuse et dépourvue
d'effet pratique. Une thèse récente a porté plus loin la critique. Selon elle, la notion d'incapacité
de jouissance aurait été construite pour des raisons idéologiques dépassées. Il s'est agi de
justifier des dispositions privant définitivement la personne de la possibilité d'exercer certains
droits ou libertés et d'accueillir la personnalité morale, alors que le principe d'égalité civile
nouvellement consacré renvoyait à une égalité formelle et que l'on identifiait le sujet de droit à
l'être humain pourvu de volonté. La disparition de l'égalitarisme révolutionnaire et la prise
de conscience du caractère bénéfique de l'incapacité, qui est une technique de protection des
intérêts privés ou de l'intérêt général, rendraient la construction idéologiquement dépassée. À
quoi s'ajouteraient l'introuvable critère de distinction des incapacités de jouissance et des
incapacités d'exercice et l'impossible identification d'un régime juridique homogène. Les
prétendues « incapacités de jouissance » devraient donc être requalifiées : certaines d'entre
elles seraient des incapacités d'exercice, destinées à protéger le sujet lui- même, mais ayant
cette particularité qu'elles n'admettraient pas de remède ; d'autres ne seraient que des
interdictions diverses, manifestant l'existence d'un ordre public protecteur de l'intérêt général,
et échapperaient à toute règle commune avec les incapacités d'exercice. En somme,
l'incapacité de jouissance serait une pure notion doctrinale, la seule incapacité existante serait
l'incapacité d'exercice, caractérisée par quatre éléments : elle serait exceptionnelle, prévue
par la loi, fondée sur une qualité personnelle du sujet et viserait à la protection de celui- ci.

DOCUMENT N° 2 : Cass. civ. 1ère 1er juil. 2009.

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :


Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu que, par contrat du 10 septembre 1980, Mme X... a donné à bail un appartement à
MM. Y... et Z... ; que, par acte sous seing privé du 16 septembre 1980, elle a autorisé MM.
Y..., Z..., A... et D... à y exercer leur activité d’architectes ; que cette convention a été
reconduite le 25 novembre 1986 ; que le 2 mars 1993, un juge des tutelles a placé Mme X...
sous tutelle, sa sœur, Mme B..., étant désignée en qualité de tutrice ; que, le 15 octobre 1993,

30
Mme X..., représentée par sa tutrice, a assigné MM. Y... et Z... aux fins notamment de voir
déclarer nulle et de nul effet la convention du 10 septembre 1980 ; que, par jugement du 19
octobre 2001, un tribunal d’instance a constaté la prescription de l’action et a débouté Mme
X... de sa demande ;
Attendu que MM. Y... et Z... font grief à l’arrêt attaqué (Colmar, 4 février 2008) d’avoir dit que
l’action en nullité des conventions conclues par Mme X... n’était pas prescrite et d’avoir
prononcé la nullité des conventions du 10 septembre 1980 et du 25 novembre 1986, alors,
selon le moyen :
1° / que le délai de prescription de l’action en nullité pour cause d’incapacité court à compter
de la conclusion du contrat ; qu’il ne peut être suspendu que si un obstacle insurmontable
place la partie demanderesse dans l’impossibilité absolue d’agir en justice ; qu’en se fondant,
pour décider de suspendre le délai de prescription courant à l’égard de Mme X..., sur des
motifs impropres à caractériser l’impossibilité absolue d’agir en justice dans laquelle la
requérante se serait trouvée, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des
articles 489, 1304 et 2251 du code civil ;
2° / que le délai de prescription de l’action en nullité pour cause d’incapacité ne peut être
suspendu que si le représentant légal de la personne se trouvait lui-même dans l’impossibilité
absolue d’agir en justice en raison de son ignorance de l’incapacité affectant la personne
protégée ou de l’irrégularité entachant l’acte argué de nullité ; qu’en ne recherchant pas,
comme l’y invitaient pourtant MM. Y... et Z... dans leurs écritures d’appel, si un obstacle de fait
ou de droit avait interdit à Mme B... qui connaissait depuis l’origine les troubles de la
personnalité dont souffrait sa sœur et le contenu des contrats conclus avec MM. Y... et Z...,
d’agir en justice, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 489,
1304 et 2251 du code civil ;
Mais attendu qu’ayant souverainement estimé qu’il résultait des conclusions catégoriques du
docteur C..., lesquelles n’étaient pas démenties par le déroulement de l’instance judiciaire
introduite en 1983 à l’encontre de Mme X..., que celle-ci était atteinte d’un trouble mental
depuis 1979, la cour d’appel, qui n’avait pas à procéder à une recherche que ses constatations
rendaient inopérante, a pu en déduire que Mme X... s’était trouvée dans l’impossibilité d’agir
en nullité des conventions litigieuses dès le 10 septembre 1980, date de la conclusion de la
première d’entre elles, jusqu’au 2 mars 1993, date de son placement sous tutelle, de sorte
que, la prescription quinquennale ayant été suspendue jusqu’à cette dernière date, l’action en
nullité introduite le 15 octobre 1993 n’était pas prescrite ; que le moyen n’est fondé en aucune
de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;

DOCUMENT N° 3 : Moyen annexé à l’arrêt : Cass. civ 1ère 1er juil. 2009.

Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils pour MM. Y... et
Z....
Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR dit que l’action en nullité des conventions
conclues par Mlle X... n’est pas prescrite et d’AVOIR prononcé la nullité des conventions du
10 septembre 1980 et du 25 novembre 1986 ;
AUX MOTIFS QUE si les intimés soutiennent que le procès entre 1983 et 1986 auquel la
demanderesse a été partie démontre qu’elle a été en mesure d’ester en justice dès le
lendemain de la conclusion de la première convention litigieuse en date du 10 septembre
1980, ils font valoir cependant que son entourage ayant été sollicité dès 1979 pour qu’elle soit
placée sous tutelle, le délai de prescription quinquennale de l’article 1304 du code civil a
commencé à courir dès cette date, qu’ils reconnaissent ainsi implicitement mais
nécessairement, que depuis l’année 1979, Mlle X... n’était pas en mesure de contester la
validité d’actes juridiques ; que les conclusions catégoriques du Docteur C... qui ne sont pas
autrement discutées, confirment l’incapacité de la demanderesse depuis le 10 septembre 1980
au plus tard, jusqu’à sa mise sous tutelle en 1993, à solliciter la nullité des conventions
litigieuses ; que l’avis de l’expert n’est pas démenti par l’instance judiciaire introduite en 1983
à laquelle Mlle X... a été partie en qualité de défenderesse en première instance, puis
d’appelante devant la cour, celle-ci n’ayant donné aucune instruction à son avocat pour

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conduire la procédure devant le tribunal, alors qu’elle ne devait pas soutenir son appel ; que
ce rôle, presque exclusivement passif, est compatible avec l’avis de l’expert judiciaire ; que,
dès lors, Mlle X... s’étant trouvée dans l’impossibilité de demander la nullité des conventions
litigieuses, dès le 10 septembre 1980, date des conclusions de la première d’entre elles, et
jusqu’à son placement sous tutelle le 2 mars 1993, la prescription quinquennale applicable de
l’article 1304 du code civil s’est trouvée suspendue jusqu’à cette dernière date ; Que l’action
en nullité de la demanderesse, fondée sur l’article 489 du code civil et mise en œuvre par
l’assignation introductive d’instance signifiée le 15 octobre 1993, n’est pas prescrite (arrêt page
4, § 5 et 6) ;
1) ALORS QUE le délai de prescription de l’action en nullité pour cause d’incapacité court à
compter de la conclusion du contrat ; qu’il ne peut être suspendu que si un obstacle
insurmontable place la partie demanderesse dans l’impossibilité absolue d’agir en justice ;
qu’en se fondant, pour décider de suspendre le délai de prescription courant à l’égard de Mlle
Denise X..., sur des motifs impropres à caractériser l’impossibilité absolue d’agir en justice
dans laquelle la requérante se serait trouvée, la cour d’appel a privé sa décision de base légale
au regard des articles 489, 1304 et 2251 du code civil ;
2) ALORS QUE le délai de prescription de l’action en nullité pour cause d’incapacité ne peut
être suspendu que si le représentant légal de la personne se trouvait lui-même dans
l’impossibilité absolue d’agir en justice en raison de son ignorance de l’incapacité affectant la
personne protégée ou de l’irrégularité entachant l’acte argué de nullité ; qu’en ne recherchant
pas, comme l’y invitaient pourtant MM. Y... et Z... dans leurs écritures d’appel (page 3), si un
obstacle de fait ou de droit avait interdit à Mme B... qui connaissait depuis l’origine les troubles
de la personnalité dont souffrait sa sœur et le contenu des contrats conclus avec MM. Y... et
Z..., d’agir en justice, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles
489, 1304 et 2251 du code civil.

Document 4 : Civ. 1ère 22 du 12 janvier 2011.

Demandeur(s) : Mme D... X..., épouse Y... ; M. R... Y...


Défendeur(s) : L’Union départementale des associations familiales de la Haute-Garonne ; et
autres
Attendu que, par ordonnance du 12 septembre 2008, le juge des tutelles du tribunal d’instance
de Toulouse a placé Mme X... sous sauvegarde de justice pour la durée de l’instance et confié
la réalisation d’une enquête sociale à l’union départementale des associations familiales de la
Haute-Garonne (l’UDAF 31) ; que, par une ordonnance du 22 décembre 2008, le juge des
tutelles a désigné l’UDAF 31 en qualité de mandataire spécial de Mme X... ; que cette dernière
a introduit un recours à l’encontre de cette décision en sollicitant la désignation de son fils, M.
Y..., en qualité de mandataire ; que, par acte notarié du 19 février 2009, Mme X... a conclu un
mandat de protection future désignant M. Y... comme mandataire ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme X... et M. Y... font grief au jugement attaqué (Toulouse, 29 juin 2009) d’avoir
confirmé l’ordonnance en ce qu’elle a désigné l’UDAF 31 en qualité de mandataire spécial de
Mme X... et d’avoir écarté le mandat de protection future établi par Mme X... au profit de son
fils M. Y... et prononcé la mise sous curatelle renforcée de Mme X... en désignant l’UDAF 31
en qualité de curateur, alors, selon le moyen, que la révocation du mandat de protection future
exige de démontrer que son exécution est de nature à porter atteinte aux intérêts du mandant
; qu’en se contentant de relever que le manque de transparence de M. Richard Y... joint à la
mise à l’écart de sa sœur et de ses enfants faisaient obstacle à sa désignation en qualité de
curateur sans expliquer en quoi le mandat de protection future par lequel Mme Denise Y... a
institué son fils Richard Y... en qualité de mandataire était de nature à porter atteinte aux
intérêts du mandant, le tribunal a statué par des motifs impropres à fournir une base légale à
sa décision au regard de l’article 483-4° du code civil ;
Mais attendu qu’en application de l’article 483, 2°, du code civil le mandat de protection future
mis à exécution prend fin par le placement en curatelle de la personne protégée sauf décision
contraire du juge qui ouvre la mesure ; que, par la décision attaquée, le tribunal a placé Mme
X... sous le régime de la curatelle renforcée sans qu’une décision contraire maintienne le
mandat de protection future ; que le moyen est inopérant ;

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Sur le second moyen :
Attendu que Mme X... et M. Y... font le même grief au jugement, alors, selon le moyen, que la
désignation par une personne d’une ou plusieurs personnes chargées d’exercer les fonctions
de curateur pour le cas où elle serait placée en curatelle s’impose au juge, sauf si l’intérêt de
la personne protégée commande de l’écarter ; qu’en décidant d’écarter M. Richard Y...,
pourtant désigné en qualité de curateur par Mme X..., épouse Y..., sans vérifier en quoi la mise
à l’écart de sa sœur Martine Y... et le manque de transparence qui lui étaient imputés auraient
été contraires à l’intérêt de sa mère et sans rechercher en quoi l’intérêt de Mme X..., épouse
Y..., commandait une telle décision, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au
regard de l’article 448 du code civil ;
Mais attendu qu’après avoir relevé que M. Y... n’avait fait parvenir, après diverses relances,
que quelques renseignements épars, insuffisants pour permettre de déterminer si son
intervention dans la gestion était conforme aux intérêts de la personne protégée, qu’il avait
favorisé la vente du logement de sa mère puis la conclusion d’un contrat de bail alors qu’un
mandataire était désigné dans l’intérêt de cette dernière, qu’elle était sous l’influence
grandissante de M. Y... qui l’isolait du reste de la famille et qu’elle était éprouvée par ce conflit
entre ses enfants, le tribunal en a déduit souverainement que son intérêt commandait d’écarter
M. Y... des fonctions de curateur et de confier l’exercice de celles-ci à l’UDAF 31 ; que le
moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi

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