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Gustave Peiser
Droit administratif des biens
La 19e édition de cet ouvrage comporte d’importantes innovations
liées à l’évolution récente du droit administratif des biens.
La théorie de la domanialité constitue l’une des théories les plus
originales et les plus intéressantes du droit administratif. D’origine
très ancienne, elle a jusqu’à une date récente été développée surtout
par la jurisprudence. Mais le nouveau « Code général de la propriété
des personnes publiques » entré en vigueur le 1er juillet 2006 modifie
et modernise très sensiblement le droit applicable. Ce Code prend
Droit administratif
en compte en particulier la valorisation économique du domaine
et l’intrusion du droit de la concurrence. des biens
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Droit administratif
des biens
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MÉMENTOS DALLOZ
série droit public - science politique
sous la direction de Yves Jégouzo
professeur à l’Université Panthéon-Sorbonne (Paris I)
Droit administratif
des biens
Gustave Peiser
Professeur émérite de l’Université
Pierre-Mendès-France (Grenoble II)
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Le pictogramme qui figure ci-contre mérite une explication. Son objet est
d’alerter le lecteur sur la menace que représente pour l’avenir de l’écrit, parti-
culièrement dans le domaine de l’édition technique et universitaire, le dévelop-
pement massif du photocopillage.
Le Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992 interdit en effet
expréssément la photocopie à usage collectif sans autorisation des ayants droit.
Or, cette pratique s’est généralisée dans les établissements d’enseignement supé-
rieur, provoquant une baisse brutale des achats de livres et de revues, au point
que la possibilité même pour les auteurs de créer des œuvres nouvelles et de les faire éditer correctement est aujourd’hui
menacée.
Nous rappelons donc que toute reproduction, partielle ou totale, de la présente publication est interdite sans autorisation de
l’auteur, de son éditeur ou du Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC, 20 rue des Grands-Augustins, 75006 Paris).
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que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale
ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4).
Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée
par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
SOMMAIRE
Introduction 1
Bibliographie sommaire 4
P R E M I È R E P A R T I E
LE DOMAINE 5
D E U X I È M E P A R T I E
L’EXPROPRIATION POUR CAUSE D’UTILITÉ PUBLIQUE
ET LA RÉQUISITION 89
> C H A P I T R E I N T R O D U C T I F L’ É V O L U T I O N H I S T O R I Q U E 90
> CHAPITRE I LES CONDITIONS DU RECOURS À L’EXPROPRIATION 92
> C H A P I T R E II L A P R O C É D U R E D ’ E X P R O P R I A T I O N 101
> C H A P I T R E III L E S R É G I M E S P A R T I C U L I E R S 117
EN MATIÈRE D’EXPROPRIATION
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VI - S O M M A I R E
T R O I S I È M E P A R T I E
LE TRAVAIL PUBLIC 129
INTRODUCTION
● Les particuliers on le sait, sont propriétaires de biens. Ils exercent sur ces biens un
droit de propriété qui vient du droit romain et qui est repris très largement dans le
Code civil. Celui-ci donne au propriétaire un droit qui semble parfois être absolu. On
fait souvent allusion, encore que cela ne corresponde plus tout à fait à la réalité, à
l’« usus, fructus, abusus ». Mais même si le droit de propriété privée a subi certaines
limitations, il constitue toujours une donnée essentielle des sociétés modernes.
Le droit de propriété a même été hissé par la Déclaration des droits de l’homme et du
citoyens de 1789 au même rang que la liberté et l’égalité.
Art. 2 de la déclaration : « Le but de toute association politique est la conservation des
droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété,
la sûreté et la résistance à l’oppression. »
● Le Code civil ne détermine pas seulement le régime juridique du droit de propriété
mais il détermine aussi les modes de transmission qui se font par contrat, par succession
ou par l’intermédiaire des régimes matrimoniaux. Mais les modes de transmission font
appel à la volonté du propriétaire. Ce caractère sacré du droit de propriété est souligné
lui aussi par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
Art. 17. La propriété étant un droit inviolable et sacré...
● Enfin, lorsque des particuliers font des travaux sur leur propriété, ils sont soumis
au régime de droit commun et le régime de responsabilité relève des Art. 1382-1386
du Code civil.
● Les collectivités publiques, l’administration possèdent aussi des biens. Or, le
régime juridique de ces biens échappe, en général, aux règles du droit commun et en
particulier aux règles du Code civil. De même qu’il existe un droit administratif
général qui soumet à un régime particulier les actes et les activités de l’administration
(v. Mémento Droit administratif général, Actes administratifs) il existe un droit admi-
nistratif spécifique pour les « biens » de l’administration. Mais la détermination précise
du champ d’application et du contenu de ces règles n’est pas toujours aisée.
Trois problèmes essentiels seront étudiés : La nature juridique du droit de l’adminis-
tration sur ses biens ; c’est la distinction domaine public-domaine privé. La possibilité
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pour les collectivités publiques d’acquérir des biens, dans certaines hypothèses, par
décision unilatérale de l’administration. C’est le régime très particulier de « l’expro-
priation pour cause d’utilité publique ».
Enfin, l’administration réalise des travaux sur ses biens. Dans certains cas, ces travaux
ont un régime juridique très particulier : c’est le régime des « travaux publics ».
1. Le droit de propriété de l’administration sur ses biens : la distinction du domaine
public et du domaine privé
Les collectivités publiques, l’administration possèdent deux sortes de biens, les biens
que l’on appelle « biens du domaine public » et les biens que l’on fait entrer dans la
catégorie « biens du domaine privé ». Le domaine public ce sont p. ex. les routes, les
ouvrages militaires, les rivages de la mer, etc. La théorie du domaine public est
ancienne, elle remonte à l’Ancien Régime, même si les conceptions actuelles sont très
éloignées des conceptions traditionnelles. Ce droit de propriété – et encore on s’est
interrogé s’il s’agissait réellement d’un droit de propriété – est très différent du droit
de propriété privé. D’ailleurs la détermination précise des biens appartenant au
domaine public et ceux appartenant au domaine privé est très délicate. Lorsqu’on aura
classé un bien dans le domaine public, un régime juridique tout à fait particulier, qui
sera étudié en détail, lui sera applicable. Quant aux biens du domaine privé, (forêts,
maisons d’habitation, etc.), l’administration en est en principe propriétaire comme un
propriétaire ordinaire. Mais la réalité est différente et on verra que même les biens du
domaine privé sont soumis à certaines règles particulières.
La distinction domaine public-domaine privé constitue l’une des théories les plus
intéressantes du droit administratif français. Il est à remarquer que les textes sur la
domanialité sont relativement rares et d’ailleurs pas toujours appliqués. La distinction
domaine public-domaine privé ainsi que le régime appliqué à ces domaines, en
particulier au domaine public, constitue un bel exemple de construction du droit par
le juge.
Peu de pays sont allés aussi loin dans la spécificité du régime de la domanialité
publique. Mais ce régime sans qu’il soit aujourd’hui réellement en crise, a du mal à
s’adapter à l’évolution générale de la société française et aux problèmes posés par
l’Europe (v. p. 85 et s.).
Il faut souligner que le droit du domaine a été largement « codifié » et remanié par
le Code général de la propriété des personnes publiques entré en vigueur le 1er juillet
2006 (v. infra).
Voir les deux dossiers : « La codification du droit des propriétés des personnes publi-
ques » (AJDA 2006, p. 1073 et s.) et « Propriété publique, domaine public » (RFDA
2006, p. 899 et s.).
2. L’acquisition des biens par l’administration par la procédure de l’expropriation
pour cause d’utilité publique
L’administration et les collectivités publiques acquièrent très fréquemment des biens
comme les particuliers, c’est-à-dire par des contrats d’achat. Parfois ces contrats d’achat
sont soumis à des régimes spécifiques, p. ex. la soumission aux Codes des marchés
publics. Mais ce n’est pas ici que se situe la différence essentielle de l’acquisition des
biens par l’administration. En effet, dans certains cas, mais dans certains cas seulement,
l’administration peut acquérir des biens par seule volonté unilatérale, elle peut imposer
aux particuliers la cession de certains biens. L’administration recourt donc à une sorte
de privilège fondamentalement attentatoire au droit de propriété tel qu’il existe en
droit français.
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BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE
– Jean-Marie Auby, Pierre Bon
Droit administratif des biens, Précis Dalloz, 4e éd., 2003.
– René Chapus
Droit administratif général, t. 2, Domat, 15e éd., 2001.
– Charles Debbasch, Jacques Bourdon, Jean-Marie Pontier, Jean-Claude Ricci
Institutions et droit administratifs, t. 3, PUF, 3e éd., 1999.
– Philippe Godfrin, Michel Degoffe
Droit administratif des biens, A. Colin, 8e éd., 2007.
– Yves Gaudemet
Traité de droit administratif, t. 2, 12e éd., LGDJ, 2001.
– Charles Lavialle
Droit administratif des biens, PUF, 1996.
– Jacqueline Morand-Deviller
Cours de droit administratif des biens, Montchrestien, 2003.
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LE DOMAINE
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> C HAPITRE I
LES SOURCES DES RÈGLES DE LA DOMANIALITÉ
> INTRODUCTION
L’évolution des sources : la codification
Il existe depuis 1957 un « Code du domaine de l’État » qui n’avait pas fait l’objet d’une
révision d’ensemble depuis 1970. Les problèmes fondamentaux posés par la distinction
du domaine public et du domaine privé ainsi que du régime juridique de ces domaines
n’étaient pas réellement résolus. Le Code était extrêmement mal rédigé et certains
articles du Code étaient en réalité inapplicables. De plus de nombreuses règles étaient
devenues complètement obsolètes. Ainsi, et jusqu’à une date récente, l’essentiel du
droit de la domanialité était d’origine jurisprudentielle. La jurisprudence, celle du
Conseil d’État en particulier, a réellement créé l’essentiel des règles de la domanialité.
(Sur tous ces points et ceux qui suivent voir l’important article « Genèse et présentation
du Code général de la propriété des personnes publiques » par Christine Maugue et
Gilles Bachelier, AJDA 2006, p. 1073 et s.)
Une importante réforme vient d’avoir lieu : une ordonnance du 21 avril 2006 est
relative à la partie législative du « Code général de la propriété des personnes
publiques » (appelé aussi CG3P) entré en vigueur le 1er juillet 2006. Cette réforme
est fondamentale en la forme et la méthode, puisqu’est désormais codifié un droit
d’origine principalement jurisprudentiel. Mais la réforme est aussi lourde de consé-
quences pratiques et elle soulèvera bien des questions.
Cette codification a la particularité, contrairement à bien d’autres, d’être une codifi-
cation à droit « non-constant ». En effet dès 1986, le Conseil d’État dans son rapport
avait estimé qu’il fallait moderniser le droit de la propriété des personnes publiques.
Le droit domanial était devenu trop rigide, inadapté ; il y avait une sédimentation de
textes successifs largement contradictoires et inadaptés.
À la suite du rapport du Conseil d’État de 1986 un groupe de travail s’est réuni en
1991 et a achevé ses travaux en 1999. Le projet de Code établi par le gouvernement a
été transmis au Conseil d’État qui a étudié le texte pendant 18 mois.
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intérieure. Dans d’autres cas et pour des raisons de lisibilité, le Code se réfère
fréquemment aux dispositions d’autres Codes.
Ainsi, le Code s’applique à des personnes publiques différentes – il est donc trans-
versal – mais il n’embrasse pas toutes les dispositions relatives aux biens des personnes
publiques.
B. Le plan retenu
Il montre que les problèmes de propriété des personnes publiques ne sont pas
fondamentalement différents du problème de la propriété dans le Code civil. La
commission avait suggéré la différenciation fondamentale domaine public/domaine
privé. Mais le cadre retenu par le Code civil centré autour des questions d’acquisition,
d’administration et d’aliénation est apparu plus adéquat. La structure du Code en
5 parties suit l’ordre logique de déroulement pour le propriétaire (procédés d’acqui-
sition, modes de gestion et enfin aliénation). Les régimes spécifiques (domanialité
publique) correspondent à une réglementation supplémentaire qui vient s’ajouter aux
droits et obligations que la personne publique tient de sa qualité de propriétaire du
bien.
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> C HAPITRE II
LES NOTIONS DE DOMAINE PUBLIC
ET DE DOMAINE PRIVÉ
> SECTION 1
La distinction du domaine public et du domaine privé
§ 1 - L’ ÉVOLUTION DE LA DISTINCTION
e
A. Les théories antérieures au XIX siècle
1. Sous l’Ancien Régime, les biens du roi étaient certes soumis à un régime juridique
particulier, marqué essentiellement par leur inaliénabilité (édit de Moulins, 1566), mais
à l’intérieur de ces biens on ne fait pas la distinction entre domaine public et domaine
privé.
2. Le législateur révolutionnaire a transformé le domaine de la Couronne en domaine
de la nation, abolissant en même temps leur inaliénabilité, car les pouvoirs de la nation
ne peuvent être limités. Mais l’unité du domaine est maintenue, l’emploi par le décret
de 1790 du terme « domaine public » n’ayant pas de signification à cet égard.
3. Le Code civil a consacré au domaine les articles 538 à 541. Si l’emploi du terme de
domaine public devient plus fréquent, en réalité domaine public et domaine national
sont toujours considérés comme synonymes. Il n’existe pas de domaine public distinct
du domaine privé.
e
B. Les théories développées depuis le XIX siècle
1. La théorie de la domanialité publique est d’origine doctrinale. Elle a été développée
par des juristes tels que Pardessus, Toullier et surtout Proudhon dans son Traité du
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domaine public. L’idée fondamentale est que certains biens des collectivités publiques
doivent être soumis à un régime juridique particulier. Proudhon distingue entre les
biens du domaine privé appartenant en propriété à la communauté politique qui en
jouit comme les particuliers, et les « biens », du domaine public, « qui sont comme
asservis par les dispositions de la loi civile aux usages de tous ». Ces derniers biens
seront inaliénables et imprescriptibles.
2. Cette distinction de base sera très rapidement consacrée par la doctrine et la
jurisprudence. Mais les auteurs ont de profondes divergences portant à la fois sur la
nature du domaine public et sa consistance. Pour Berthélémy, ces biens se reconnais-
sent du fait qu’il s’agit de « portions » du territoire affectées à l’usage de tous et
insusceptibles de propriété privée. Pour Duguit et Jèze, il ne peut y avoir dépendance
du domaine public que si la chose est affectée à un service public ; pour Hauriou,
pour qu’il y ait domanialité publique, il faut qu’il s’agisse de « propriétés administra-
tives » affectées à l’utilité publique. Pour M. Waline, le domaine public ne doit
comprendre, parmi les biens affectés à « l’utilité publique », que ceux qui sont indis-
pensables à la satisfaction des exigences de l’utilité publique. Doit appartenir au
domaine public, tout bien, qui soit à raison de sa configuration naturelle, soit à raison
d’un aménagement spécial, est particulièrement adapté à la satisfaction d’un besoin
public et ne saurait être remplacé par aucun autre dans ce rôle.
3. L’évolution doctrinale et jurisprudentielle relative au critère de la distinction du
domaine public et du domaine privé est donc liée à la conception que l’on se fait de la
nature du domaine public (p. ex. biens insusceptibles d’appropriation privée ou « pro-
priété administrative » ayant une affectation particulière). Tout dépend alors des finali-
tés que l’on veut assurer en soumettant des biens à un régime juridique particulier.
À cet égard une profonde évolution s’est faite jour. À l’origine, on estimait qu’il
s’agissait uniquement d’assurer la finalité naturelle de certains biens destinés à l’usage
de tous (voies de communication). Le régime particulier de la domanialité était limité
à ces biens. Les pouvoirs de l’administration étaient eux-mêmes fonction de cette fin.
Puis, on a estimé qu’il fallait étendre la domanialité publique à des biens que la
puissance publique voulait affecter à l’intérêt général. C’est donc la volonté d’affecter
un bien à l’intérêt général et la nécessité de la soumettre au régime de la domanialité
qui déterminera le critère de la domanialité publique.
4. C’est le juge administratif qui a compétence pour déterminer l’appartenance au
domaine public d’un bien (T. confl. 28 avr. 1980, Préfet de la Seine St-Denis, AJDA
1980, p. 60). C’est donc lui qui en pratique détermine les critères et en fera application.
La juridiction administrative est exclusivement compétente pour définir et délimiter
le domaine public. Cette exclusivité a aussi été reconnue à la juridiction administrative
par le juge judiciaire lui-même. Toutefois, le juge judiciaire est compétent s’il n’y a
pas de contestation sérieuse sur la qualité des biens (T. confl. 17 déc. 1962, Sté civ. du
domaine de Couteville, Rec, p. 838).
Dans certaines rares hypothèses, l’appartenance d’un bien au domaine public est
directement prévue par la loi (voies communales, Ord. 7 janv. 1959, autoroutes, etc.).
En revanche, on estimait comme inopérant et inapplicable, l’article 2 du Code du
domaine de l’État de 1957 qui stipulait que « ceux des biens qui ne sont pas susceptibles
d’une propriété privée en raison de leur nature ou de la destination qui leur est donnée
sont considérés comme des dépendances du domaine public national ».
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Seuls peuvent faire partie du domaine public les biens qui sont les propriétés des
personnes publiques. Lorsqu’un service public a été concédé à une société privée, les
biens qu’elle utilise ne peuvent faire partie du domaine public que s’ils sont restés
propriété de la collectivité concédante (p. ex. autoroutes concédées à des sociétés
privées). La question de savoir si un bien appartient à une personne publique ou à
une personne privée, relève de la compétence du juge judiciaire. Dans certains cas, la
double question, à qui appartient le bien et son appartenance au domaine public ou
privé peut entraîner des difficultés considérables (T. confl. 24 févr. 1992, M. Couach,
AJDA 1992, p. 365).
La domanialité publique est parfois imposée par les textes.
Au nombre des textes qui sont intervenus, on peut mentionner :
● Une ordonnance du 7 janvier 1959 relative à la voirie communale qui a classé les
chemins ruraux dans le domaine privé des communes, ce qui facilite leur aliénation.
● La loi du 28 novembre 1963 qui a fait figurer parmi les biens composant le domaine
public maritime, le sol et le sous-sol de la mer territoriale ainsi que les lais et relais
futurs de la mer.
● La loi du 16 décembre 1964 relative au régime des eaux et à la lutte contre leur
pollution qui a ajouté au critère traditionnel du domaine public fluvial, reposant sur
la notion de cours d’eau navigables et flottables, un critère d’ordre formel faisant appel
à la notion de classement dans le domaine public de cours d’eau déterminés, baptisés
cours d’eau domaniaux.
● La loi du 3 janvier 1969 sur les voies rapides affirmant que les routes font partie du
domaine public.
Mais plus généralement les critères de la domanialité ont été déterminés par la
jurisprudence administrative.
La jurisprudence administrative a du reste été inspirée par la formule contenue dans
le projet élaboré par la commission de réforme du Code civil. Selon ce projet font
partie du domaine public, les biens des collectivités publiques ou établissements
publics, qui sont, soit mis à la disposition directe du public usager, soit affectés à
un service public pourvu qu’en ce cas, ils soient par nature ou par le fait d’amé-
nagements spéciaux, adaptés exclusivement ou essentiellement au but particulier
de ces services.
Ainsi, l’origine du bien, les éléments formels d’acquisition, l’intention manifestée par
l’administration dans une décision ou un contrat, n’ont pas d’importance. En revanche,
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un bien ne peut faire partie du domaine public que s’il est propriété d’une personne
publique. Un tel bien fera partie du domaine public s’il a reçu une certaine affectation.
A. Affectation à l’usage du public
Font partie du domaine public, les biens affectés à l’usage du public, mais la notion
d’aménagement spécial peut aussi intervenir.
1. NOTION
● Font partie normalement du domaine public les biens affectés à l’usage du public.
C’est le critère le plus ancien, le plus traditionnel du domaine public. Ainsi, à titre
d’exemple, feront partie du domaine public, la presque totalité de la voirie terrestre
(font partie du domaine public, les « usoirs » lorrains, bande de terrain entre la voie
publique et les habitations, qui servent aux dépôts faits par les riverains mais qui sont
aussi affectés à la circulation publique [T. confl. 22 sept. 2003, Grandidier, AJDA 2004,
p. 930]), les rivages de la mer, les rivières navigables et flottables etc. (v. ci-après p. 13
et s.). Mais ce principe général connaît certaines exceptions. Tout d’abord, les chemins
ruraux avaient été classés expressément dans le domaine privé de la commune par le
Code de la voirie routière. (Toutefois, la loi d’orientation pour l’aménagement et le
développement durable du 25 juin 1999 consacre l’affectation à l’usage du public des
chemins ruraux et pose de nouvelles règles relatives à leur aliénation, afin de prendre
en compte, pour le développement rural et le tourisme vert, la protection de l’envi-
ronnement.) Quant aux forêts domaniales elles sont traditionnellement classées dans
le domaine privé. Les forêts ne sont pas prioritairement affectées à l’usage public, et
leur utilisation est dominée souvent par des considérations économiques. Ainsi, une
énorme partie des biens immobiliers des collectivités territoriales et surtout des
communes échappe au régime du domaine public. Enfin, ne font pas partie du domaine
public, les promenades publiques.
Mais ces exceptions ont elles mêmes connu des exceptions importantes, en particulier
en ce qui concerne les forêts et les promenades publiques. En effet, le juge se référant
à la notion « d’aménagement spécial », notion qu’il emploie depuis plus longtemps
et plus fréquemment lorsqu’il s’agit du domaine public affecté au service public (v.
ci-après p. 16 et s.), a utilisé ce critère subsidiaire pour classer certains biens dans le
domaine public. Mais, on le verra, la jurisprudence est loin d’être claire.
● Tout d’abord il y a des hypothèses où l’aménagement spécial d’un bien suffit à le
faire entrer dans le domaine public. En ce qui concerne les promenades publiques,
lorsque celles-ci sont aménagées, elles font partie du domaine public (CE, Ass., 22 avril
1960 Berthier Rec. p. 486 ; RDP 1962, p. 1213) : place aménagée en jardin public ; v.
aussi CE S., 13 juillet 1961 Dame Lauriau, Rec. p. 486, RDP 1962 p. 524, parc municipal.
Il en va différemment s’il s’agit d’améliorer la desserte des bâtiments du domaine privé
sans créer une promenade publique (CE, 3 juin 1998, Cne de Saint-Palais ; Juris-data
1998-050663). La jurisprudence est parfois similaire en matière de forêts : ainsi, le bois
de Vincennes a été considéré comme faisant partie du domaine public (CE, 14 juin
1972, Eidel, Rec. p. 442, AJDA 1973, p. 495). Il en va de même du bois de Boulogne
(CE, 23 février 1979, Gourdain Henry, AJDA 1979(10)40).
Parfois la notion d’aménagement spécial a un caractère très attractif. Le bois de
Boulogne fait partie du domaine public non seulement dans ses parcelles aménagées
mais même dans les parcelles non aménagées (CAA Paris 6 juin 1989, SA Le Pavillon
Royal, DA 1989 no 559). On peut invoquer ici le caractère « indivisible » de l’ensemble
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2. CONSISTANCE
a) Domaine public terrestre : il comprend les voies publiques, leurs acces-
soires (égouts, arbres, colonnes de publicité, etc.), les halles et marchés, les cime-
tières (CE, 28 juin 1935, Marécar, D. 1936-2-20), les bibliothèques publiques, les
lavoirs publics, les édifices du culte... La loi du 22 juin 1983 et le décret du
4 septembre 1989 ont institué le Code de la voirie routière (voirie nationale,
départementale, communale).
La voirie nationale est composée des autoroutes et des routes nationales appartenant
à l’État.
La voirie départementale comprend les routes départementales.
La voirie communale comprend les « voies communales » regroupant les anciennes
voies urbaines et les chemins vicinaux.
Un chemin rural non classé expressément dans le domaine public reste dans le
domaine privé (T. confl. 21 juin 2004, M. Belin c/ Cne de Vernet-la-Varenne, AJDA
2004, p. 2357).
b) Domaine public fluvial : il comprend essentiellement les cours d’eau
navigable ou flottables, lacs navigables ou flottables et canaux inscrits sur une
nomenclature (loi du 8 avr. 1910) et ceux rayés de la nomenclature et maintenus
dans le domaine public par décret en Conseil d’État, ainsi que les cours d’eau et
lacs classés spécialement en vue d’assurer l’alimentation en eau des voies navigables,
les besoins en eau de l’agriculture et de l’industrie, l’alimentation des populations
ou la protection contre les inondations (loi du 16 déc. 1964). L’installation de
barrages en vue de la production d’électricité est également conforme à la desti-
nation de ce domaine (CE, 22 févr. 1961, Bousquet et Lurgvié, p. 136) idem Canal
d’amenée des eaux à un moulin constitué par un bras naturel de la Garonne (CE,
20 juin 1997 ; LPA 5 oct. 1998-13) (v. aussi l’important arrêt du Conseil d’État,
Ass., 15 oct. 1999, Cne de Lattes et autres, RFDA 1999, p. 1284, sur la répartition des
compétences entre les différentes collectivités, en l’espèce, l’État et la région). Même
si la question reste discutée, il semble admis que l’eau elle-même, difficilement
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« appropriable », ne fasse pas partie du domaine public (v. art. Géraldine Chevrier,
RFDA 2004, p. 928 et s.). Toutefois, la jurisprudence fait certaines exceptions. Ne
font pas partie du domaine public fluvial, les ponts enjambant une rivière. Ils
s’intègrent à la voirie routière pour assurer la « continuité du passage » (CE, 26 sept
2001, Dpt de la Somme, RFDA 2001, p. 1319) ainsi d’ailleurs que les quais de la
Seine où exercent les bouquinistes (CE, 6 nov. 1998, Assoc. amis des bouquinistes,
res. 17131). Il en va différemment des pont tournants et des ponts sur les chemins
de halage (Rép. min, JOAN, Q. 7, déc. 1998 p. 6719).
en communication avec la mer, les étangs salés, les plages « aménagées » (CE, 7 déc.
1984, Delapierre, RDP, 1986, p. 213). La loi du 28 novembre 1963 incorpore au
domaine public maritime, le sol et le sous-sol de la mer territoriale française dont
la largeur a été portée de trois à douze milles marins (de 5,5 à 22 km environ) (loi
du 24 déc. 1971). En ce qui concerne les lais et relais, c’est-à-dire les parties du
rivage de la mer qui par suite d’alluvionnements ou de soulèvements de terrain
émergent au-dessus des plus hautes eaux, leur statut a été modifié en 1963. Les lais
et relais, existants à cette date peuvent être inclus dans le domaine public si l’intérêt
général le commande (CE, 3 mars 1989, Sté gestion du golfe de Valinco, p. 81).
Quant aux lais et relais « futurs » (apparus après l’entrée en vigueur de la loi de
1963) ils s’incorporent au domaine public (CE, 29 nov. 1978, Bessière, p. 478 ; CE,
25 janv. 1989, Sté civile familiale Giraudet, RDP 1989, p. 1517). Il faut toutefois
préciser que si des terrains avaient été inclus dans le périmètre de délimitation du
domaine public maritime par un décret ancien (en l’espèce de 1884) et qu’ils aient
été exondés avant l’intervention de la loi du 28 novembre 1963, ils font bien partie
du « domaine privé » de l’État, et le régime juridique du domaine privé doit
s’appliquer à ces terrains (CAA Marseille 10 février 1998 Sinigaglia, AJDA 1998,
p. 279). Le Code général des propriétés publiques prévoit que font désormais partie
du domaine public de l’État tous les lais et relais du domaine privé de l’État
(c’est-à-dire tous ceux qui n’ont pas été acquis par des tiers (art. L. 2111-4 du
Code).
● Un problème particulier se pose aussi pour les concessions d’endigage, c’est-
à-dire les terrains artificiellement soustraits à l’action des flots (v. détails, p. 74 et s.).
Le domaine public maritime peut être accru par l’adjonction de « zones réservées »
de 20 à 50 mètres que la loi peut instituer sans indemnité ; en cas d’acquisition par
l’État (que les propriétaires peuvent exiger) ces zones entrent dans le domaine
public de l’État.
● À côté du régime particulier de la domanialité publique, le domaine public
maritime est fréquemment soumis à des législations particulières qui ne sont pas
toujours en relation avec la notion de domaine public, mais qui cherchent à protéger
la mer et les côtes.
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2004, p. 1709 et CAA Paris 4 avril 2006, Mme Mercier, AJDA 2006, p. 1294) il a été
jugé que les fragments de la « colonne Vendôme » que se sont appropriés les
particuliers au moment de la démolition du monument (en 1872) ont certes perdu
leur caractère immobilier mais, qu’eu égard à leur origine, ils ont toutefois acquis
le caractère de biens meubles du domaine public de l’État (légalité du refus de
certification d’exportation par la ministre de la Culture).
On peut en tout cas exclure de la domanialité publique mobilière, les voitures, les
armoires, les meubles non précieux. Certes, il n’existe pas de jurisprudence sur ce
point, mais il n’y a aucune raison de les classer dans le domaine public. Il faut bien
constater que la classification de certains biens mobiliers dans le domaine public
n’est pas aisée.
Le Conseil d’État dans un avis du 14 octobre 1980 estime que les contrats d’ins-
tallation de mobilier urbain (p. ex. abris) sont des contrats administratifs (variété
de marchés publics).
Ne font pas partie du domaine public les matériels informatiques et logiciels affectés
au service public (CE 28 mai 2004, Aéroports de Paris, RFDA 2004, p. 855).
1re P A R T I E – L E D O M A I N E - 17
de ces terrains en raison duquel ceux-ci se sont trouvés incorporés du fait de cette
concession, dans le domaine public de l’État. »
Même le fait que ces terrains, à la différence des autres terrains aménagés pour une
utilisation commune qui en font partie, font l’objet de contrats d’utilisation privative
au profit de particuliers ou de sociétés purement privées, ne saurait avoir pour
conséquence de les soustraire au régime de la domanialité publique. Cette jurispru-
dence, quoique critiquée, a été abondamment appliquée.
Ex. : acquisition par voie d’expropriation d’un hôtel particulier pour y implanter des
services publics municipaux. Réalisation d’importants travaux de restauration et réno-
vation. La location du rez-de-chaussée à des particuliers maintient le caractère de
domaine public de l’ensemble (CE 1er juin 2005, M. et Mme Gayant, AJDA 2005, p. 1747,
idem CE 19 juin 2006, Ville de Lyon, AJDA 2006, p. 1686 : une fraction de parcelle
affectée à un service public fait entrer tout le terrain dans le domaine public). Toutefois,
la création de deux sentiers et d’un centre de découverte ne confère pas la domanialité
publique à l’ensemble des terrains (CE 8 juin 2005, Synd. mixte pour la protection,
AJDA 2005, p. 1700).
En réalité, l’application des critères jurisprudentiels a permis d’étendre la Domanialité
publique à un très grand nombre de biens dont la liste s’allonge constamment. Cette
extension résulte de divers facteurs.
2. CONSISTANCE
Le domaine affecté aux services publics comprend essentiellement les dépendances
artificielles du domaine public naturel (ports maritimes et fluviaux, aérodromes et
leurs installations, p. ex. bar-restaurant dans un aéroport : CE, 25 mars 1988, Consorts
Desserreau, RDP 1988, p. 1406), phares, bouées, balises, ouvrages de défense des rives
fluviales, le domaine public militaire (fortifications, arsenaux, bases navales et aérien-
nes) le domaine public ferroviaire (voies ferrées, ainsi que les dépendances des gares)
(CE, 15 janv. 1988, Cie française d’entreprise et de garage, RDP 1989, p. 1516), (v. Décr.
13 sept. 1983, relatif au domaine confié à la SNCF), les meubles précieux, les halles
des marchés (CE, 22 avr. 1977, Michaud, p. 185).
L’application des critères jurisprudentiels permet d’étendre la domanialité publique à
un très grand nombre de biens dont la liste s’allonge. Cette extension résulte de divers
facteurs. D’une part, la jurisprudence a aujourd’hui une conception très large de la
notion de service public.
Ainsi, dans un intéressant arrêt du 11 mai 1959 (CE, Dauphin, p. 294 D. 1959.314), il
s’agissait de savoir quelle était la nature juridique de l’allée des Alyscamps, allée très
connue, qui appartient à la ville d’Arles. Le Conseil d’État a considéré que cette allée
est affectée à un service public « de caractère culturel et touristique » et qu’elle a fait
l’objet d’aménagements spéciaux en vue de cet usage. De même a été considéré comme
un service public, la prise en charge par une société, d’enfants atteints de déficience
mentale (T. confl. 3 déc. 1979 Ville de Paris, p. 579).
Mais c’est surtout la notion d’aménagement spécial qui a reçu une interprétation
extrêmement extensive :
C’est ainsi qu’ont été inclus dans le domaine public :
● le stade municipal de Toulouse « édifié en vue de permettre le développement
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population ainsi que les ouvrages publics destinés à les recueillir (CE S., 16 nov.
1962 Ville de Grenoble, Rec. p. 611 ; il en va différemment des eaux non-captées),
(CAA de Lyon, 25 oct. 1995, Cne de Saint-Ours les Roches, Juris-data 1995-057019) ;
● le dépôt d’autobus de Saint-Ouen affecté au service public des transports en
1re P A R T I E – L E D O M A I N E - 19
locaux situés sous la gare d’Auteuil (CE, 2 oct. 1987, Sté « Le Sully d’Auteuil », RDP
1988, p. 575). Il en va différemment lorsque les galeries sont trop profondes (CE,
17 déc. 1971, Véricel, p. 782). Font partie du domaine public, étant donné leur
configuration, des locaux indivisibles du reste de l’immeuble affecté à un service public
(cinéma lié à un palais des sports et des congrès de la commune, AJDA 2005, p. 1804).
Font partie du domaine public, des lieux occupés entre deux voûtes de soutènement
de la voie publique (CE, 14 oct. 1989, M. Félix, RDP 1989, p. 1517), ou des parcs
publics de stationnement situés sous les voies publiques et considérés comme acces-
soires de la voie (CE, 24 janv. 1973, Spiteri, p. 64) ; un canal qui fait partie du réseau
d’assainissement d’une commune fait partie du domaine public de cette commune en
tous ses éléments, y compris la voûte qui le recouvre (CE, 28 janv. 1970, Consorts
Bissinger, p. 58). De même, un bien peut être considéré comme faisant partie du
domaine public en tant qu’il constitue un accessoire utile (arbres des routes, bornes
kilométriques, corbeilles à papier). Lorsqu’un ouvrage est construit sur le domaine
public, même par un particulier, il peut faire partie du domaine public par voie
d’accession (CAA Lyon, 20 mai 1992, Torre, RFDA 1993, p. 1151). En revanche dans
certains ensembles immobiliers modernes (p. ex. grands centres commerciaux), il se
peut que certains niveaux fassent partie du domaine public (p. ex. la gare, le métro)
mais non pas les niveaux supérieurs (magasins).
● L’application du critère domanial peut être écarté éventuellement si l’intéressé peut
se prévaloir d’un titre juridique sur la parcelle tel que p. ex. titre juridique datant de
l’Ancien Régime, en particulier sur le domaine public maritime. Mais le Conseil d’État
n’admet que difficilement l’existence de tels titres (CE, 27 nov. 1985, Sté Couach, RDP,
1987, p. 819).
● De toute façon l’application trop large du critère jurisprudentiel du domaine public
a été critiquée par la section du rapport du Conseil d’État (v. détails p. 29 et s.). La
jurisprudence est peut-être en train d’évoluer. Il semble que le juge s’oriente vers une
appréciation plus restrictive de la notion « d’accessoire » (CE, 24 janv. 1990, Boulier
CJEG, 1990, p. 238-240). De même dans un arrêt du 8 août 1990 (CE, Min. de
l’Urbanisme, CJEG, 1991, p. 15 à 21), le juge s’oriente vers la reconnaissance d’une
divisibilité possible des locaux, volumes, terrains en fonction de leur affectation et
aménagement et non de leur juxtaposition ou superposition. Un terrain servant
d’assiette à un réseau de distribution d’eau ne fait pas partie du domaine public. (Il
en est de même d’un logement de fonction, CE, 24 janv. 1990, Dame Boulier).
● Enfin, lorsqu’il y a copropriété, il est difficile de concilier celle-ci avec les principes
de la domanialité publique. Aussi la Cour administrative d’appel de Paris a-t-elle estimé
(20 juin 1989, Min. Éco. c/ Sté Prévoyance foncière, RDP, 1990, p. 545-555, note Lorens)
que les locaux détenus en copropriété par l’État n’ont pas le caractère de domaine
public, sans qu’il soit nécessaire de se référer à l’affectation à l’usage du public ou à
un service public (v. aussi CE, 11 févr. 1994, Cie d’assur. Préservatrice foncière, op. cit.).
20 - D R O I T A D M I N I S T R A T I F D E S B I E N S
1re P A R T I E – L E D O M A I N E - 21
22 - D R O I T A D M I N I S T R A T I F D E S B I E N S
Le Code s’inspire de diverses lois relatives aux monuments historiques. L’article fait une
énumération (1 à 11) qui n’est pas exhaustive puisque l’article emploi le terme
« notamment ».
1re P A R T I E – L E D O M A I N E - 23
> SECTION 2
Intérêt et valeur de la distinction
du domaine public – domaine privé
● En principe, l’intérêt de la distinction s’énonce très clairement : le domaine public
est soumis au régime juridique du droit public, le domaine privé au régime juridique
du droit privé. Le contentieux relèvera dans le premier cas du juge administratif, dans
le second cas, du juge judiciaire.
●Mais la valeur de cette distinction a été très critiquée (en particulier par M. Duguit,
M. Auby et M. Capitant) :
1. Les auteurs ont fait remarquer que tous les biens des collectivités publiques sont
par définition affectés à l’intérêt général. Le critère de distinction entre domaine
public et domaine privé n’a pas grande utilité dans la mesure où l’on fait entrer
dans le domaine privé des biens dont la destination générale est certaine (prome-
nades publiques, biens affectés à un service public sans aménagement spécial).
2. On constate aussi que le domaine public n’est plus simplement objet de police
(v. infra), il fait aussi l’objet d’une exploitation économique. Inversement, le
domaine privé ne tend pas uniquement à procurer des revenus aux collectivités
publiques. Ce domaine privé peut être le siège d’activités administratives d’intérêt
général (p. ex. travaux publics sur le domaine privé) ; sa gestion même peut être
dominée par des considérations d’intérêt général (forêts).
Cela ne sera pas sans incidence sur les régimes respectifs des biens faisant partie
des deux domaines. Certains biens faisant partie du domaine public ont un régime
moins dérogatoire au droit commun que d’autres ; inversement, certains biens du
domaine privé ont un régime plus dérogatoire au droit commun que d’autres.
Quelques auteurs ont donc estimé qu’il valait peut-être mieux abandonner les
distinctions du domaine public-domaine privé ou classer les biens d’une autre
manière en tenant compte « des échelles de la domanialité ».
● En conclusion, on peut dire que ces théories sont certainement intéressantes et
mettent en valeur les difficultés des distinctions. Il faut toutefois souligner que s’il
existe bien une « échelle de domanialité », législation et jurisprudence ont maintenu
la distinction de base domaine public-domaine privé : le domaine public est par
définition soumis au Droit public et le contentieux relève du juge administratif, le
domaine privé est en principe soumis au droit privé et le contentieux relève du
juge judiciaire.
● Dans un important rapport du Conseil d’État sur le droit des propriétés
publiques (EDCE, 1987, no 38, p. 14 et s.) il est indiqué « que même si l’État, les
collectivités locales et les établissements publics ont des règles propres d’organisa-
tion et de fonctionnement et des patrimoines d’importance et de composition
différentes, il est souhaitable que les principes de base applicables à leurs biens
soient communs ».
Il faut évidemment souligner que ce rapport du Conseil d’État est antérieur de
neuf années au nouveau CGPPP et que celui-ci s’est largement inspiré de ce
rapport. Il nous a semblé important cependant, de voir quelles avaient été les
conclusions et propositions de ce rapport.
Surtout, et cela concerne directement le problème posé ici, le rapport estime « qu’il
faut maintenir la ligne générale de droit positif actuel qui est celle d’une
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24 - D R O I T A D M I N I S T R A T I F D E S B I E N S
adaptation des règles aux différentes catégories de biens appartenant aux per-
sonnes morales de droit public ».
Le rapport constate que même si le bien fait partie du domaine privé, un minimum
incompressible de règles de droit public est applicable du seul fait de la qualité du
propriétaire. Toujours pour les biens du domaine privé, des dispositions législatives
particulières soustraient certains biens à l’application du droit commun de la
propriété privée. Quant aux biens faisant partie du domaine public, ils sont soumis
par définition à un régime particulier, mais pour certains de ces biens, il existe des
dispositions législatives ou réglementaires spécifiques.
Cela ne remet pas en cause l’existence du domaine public. « La solidité du régime
jurisprudentiel de la domanialité publique tient à son réalisme fondamental. »
Il ne s’agit pas de faire du bien, un bien de mainmorte. « Il s’agit seulement de
défendre l’affectation du bien à l’usage du public ou d’un service public parce
qu’elle répond à la mission même des personnes publiques » (rapport p. 16).
Mais le rapport estime qu’il est nécessaire d’apporter des améliorations ponctuelles
à la portée ou au champ d’application du régime du domaine public.
En ce qui concerne la portée du régime juridique, l’expropriation d’un bien du
domaine public n’est pas possible et, si une autre collectivité publique veut utiliser
ce bien, une « mutation domaniale » est nécessaire (v. p. 40 et s.). Le rapport
préférerait que l’on consacre pour l’État, la possibilité d’exproprier les biens du
domaine public, d’une autre personne morale de droit public. En ce qui concerne
le champ d’application du régime du domaine public, il est souvent difficile de
savoir d’avance pour certains immeubles s’ils font oui ou non partie du domaine
public. Lorsque l’immeuble est loué, le bail commercial est très différent du régime
de la domanialité publique. La jurisprudence pourrait réduire progressivement
l’application du régime de la domanialité publique. Mais le rapport envisage aussi
le recours nécessaire à la voie législative pour réduire le champ d’application du
régime actuel de la domanialité publique.
Si le rapport conclut « les textes qui régissent actuellement le domaine public sont
anachroniques et inadaptés et il faudra de toute façon les revoir », il ne remet
aucunement en cause la distinction domaine public, domaine privé.
Il faut ajouter que la récente loi sur la privatisation de France Télécom (loi du
27 juill. 1996) fait sortir les biens de cette entreprise du domaine public, mais
ils restent largement soumis à certaines exigences des biens du domaine public
(v. p. 37).
De même, la loi du 11 décembre 2001 (MURCEF) pose le principe, sans que la
Poste ne soit privatisée que les biens immobiliers de cette entreprise, lorsqu’ils
relèvent du domaine public sont « déclassés » et qu’ils peuvent donc être gérés et
aliénés dans les conditions de droit commun. La loi prévoit toutefois certaines
restrictions à cette liberté, comme en matière de France Télécom (v. p. 37) (v. aussi
EDF, p. 37 et s.).
Est-il possible de chercher un « critère réducteur de la domanialité publique ? »
(v. Fabrice Melleray, AJDA 2004, p. 1490). Pour l’auteur, à l’heure où le gouver-
nement a été « habilité » à moderniser par ordonnance la définition du domaine
public, il est peut-être opportun de chercher un critère réducteur de la domanialité
publique. Cette recherche, on l’a vu, a mobilisé doctrine et jurisprudence depuis
près d’un siècle. Pour l’auteur, on peut constater que cette recherche s’est avérée
infructueuse. Elle lui semble même vaine, avec la substitution de plus en plus
importante de la législation aux définitions jurisprudentielles.
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§ 1 - É VOLUTION
Pendant très longtemps, la doctrine s’est montrée hostile à l’idée d’une reconnaissance
d’une propriété des personnes publiques sur leur domaine public. Cela résultait
d’ailleurs tout naturellement de la conception prévalant au XIXe siècle selon laquelle le
domaine public est constitué de « biens insusceptibles de propriété privée ». L’État
n’exerce aucun des attributs de la propriété, ni l’usus, ni le fructus, ni l’abusus. On
ajoutait parfois que l’État exerce un « droit de garde et de surintendance ».
C’est Hauriou qui a introduit dans la doctrine l’idée d’un droit de propriété sur le
domaine public, propriété sans doute marquée par un caractère propre qui résulte de
l’affectation du bien, « propriété d’affectation » ou « propriété administrative », mais
propriété tout de même. Le caractère spécifique de cette propriété provient du fait que
la collectivité publique ne peut retirer du domaine public les avantages du Droit de
propriété que dans la mesure où ceux-ci ne contredisent pas l’affectation du bien.
§ 2 - LA NATURE ACTUELLE
L’idée d’un droit de propriété sur le domaine public a progressé et est généralement
admise aujourd’hui.
1. La jurisprudence a admis sur de nombreux points particuliers des solutions dans
lesquelles on peut voir des arguments en faveur du droit de propriété : les collectivités
publiques peuvent exercer au profit de leur domaine public, l’action en revendication,
les actions possessoires, invoquer la mitoyenneté, s’approprier les éléments acces-
soires de la propriété (alluvions, fruits naturels).
2. L’idée d’un droit de propriété correspond aux tendances générales du droit
administratif en matière de domanialité publique. Si la négation de l’idée de propriété
au XIXe siècle a permis de débarrasser le domaine public de conceptions qui, pendant
très longtemps, furent trop patrimoniales, la réintroduction de cette idée à notre
époque permet à l’administration de tenir compte des impératifs économiques. Le
domaine public n’est plus seulement le moyen d’organiser l’exercice et la police de
certaines libertés, mais « c’est un bien dont l’administration doit assurer, dans
l’intérêt collectif, la meilleure exploitation » (concl. Chenot, CE, Cie maritime de
l’Afrique Orientale, 5 mai 1944, p. 278).
L’idée de propriété permet aussi de déterminer la collectivité qui a la charge de
l’entretien, la collectivité responsable en cas de dommages, la détermination du
possesseur des revenus que procure le bien. La jurisprudence a d’ailleurs employé le
terme de « propriété » à propos du domaine public (CE, 17 janv. 1923, Piccoli, p. 44).
3. Il est nécessaire toutefois que l’utilisation économique du bien ne nuise pas à son
affectation à l’usage du public ou au service public. Malgré les conceptions qui se sont
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1re P A R T I E – L E D O M A I N E - 27
faites jour (Maroger, Capitant) il ne peut donc s’agir d’une propriété privée ordinaire.
Il est préférable d’en revenir aux idées d’Hauriou de « propriété d’affectation » ou
« propriété administrative ». Ainsi on peut paralyser les conséquences habituelles de
la propriété ordinaire incompatibles avec l’affectation du bien.
4. Les décisions récentes du Conseil constitutionnel renforcent ce point de vue. Dans
plusieurs décisions, en particulier celle du 21 juillet 1994 relative à la constitutionnalité
du projet de loi concernant la création de droits réels sur le domaine public, la haute
juridiction estime que la possibilité d’un renouvellement d’une autorisation après 70
ans « est de nature à porter atteinte à la protection due à la propriété publique ».
De même le Conseil constitutionnel estime que les dispositions sur le domaine public
ne doivent pas nuire au principe de continuité des services publics.
5. Si le nouveau Code ne donne pas une définition du droit des personnes publiques
sur leur domaine public, il retient bien l’idée d’un droit de propriété. Tout d’abord il
s’intitule « Code général de la propriété des personnes publiques ». Dans le rapport au
président de la République il est indiqué que « la structure du code… privilégie une
approche par la propriété publique qui rompt avec l’approche domaniale du Code du
domaine de l’État ». Par ailleurs, et comme le fait remarquer M. Gaudemet (« Les droits
réels sur le domaine public », AJDA 2006 p. 1094 et s.), « C’est sur cette base d’un solide
droit de propriété reconnu aux personnes publiques que (l’ordonnance) a ou reprend,
clarifie et systématise la question par ailleurs si débattue et controversée récemment des
droits réels sur le domaine public. » Le même auteur l’indiquait déjà en 2004 (LPA
23 juillet 2004, no 147, p. 12) « La propriété des personnes publiques est – dans son
principe – celle du droit privé ; la domanialité (on devrait dire les domanialités) – dont
la domanialité publique – est un régime d’affectation. Il y a une sorte de « propriété
éminente de l’État » (article Xavier Boy, AJDA 2006, p. 963 et s.).
Conclusion
28 - D R O I T A D M I N I S T R A T I F D E S B I E N S
1re P A R T I E – L E D O M A I N E - 29
> C HAPITRE IV
LE RÉGIME JURIDIQUE DU DOMAINE PUBLIC
L’existence d’un Code du domaine de l’État déterminant le régime juridique du
domaine laisse place à un très large droit jurisprudentiel. L’administration du domaine
fait intervenir un service important, le « service des domaines » qui gère aussi le
domaine privé.
> SECTION 1
La détermination particulière du domaine public
30 - D R O I T A D M I N I S T R A T I F D E S B I E N S
un buffet de gare est, par ce fait, incorporé au service public des transports et
incorporé au domaine public ferroviaire (CE, 14 févr. 1969, Sté des Éts Frenkiel,
p. 100, v. a contrario, CE, 15 févr. 1989, Cne de Mouvaux, RDP 1989, p. 1517).
L’affectation juridique résulte en général d’un acte de la collectivité propriétaire
qui a une compétence discrétionnaire à cet effet. Toutefois, dans certains cas, cette
compétence n’est pas discrétionnaire (les routes nationales sont ainsi classées par
décret en Conseil d’État) ; parfois le législateur lui-même dessaisit la collectivité
propriétaire des compétences d’affectation (ex. : le préfet, sur avis du conseil
municipal, prononce l’établissement ou la translation des cimetières, propriétés
communales).
Avec la décentralisation, les problèmes sont parfois devenus plus complexes. Il
appartient à la région en vertu de l’article 5 de la loi du 22 juillet 1983, de créer
des canaux et d’aménager des ports fluviaux. Que ces ports ou ces canaux soient
créés sur un canal ou sur une voie navigable transférés à la région, l’État, dont
relèvent les fleuves, rivières et lacs appartenant au domaine public, est seul compé-
tent, en vertu des prescriptions du Code du domaine public fluvial et de la
navigation intérieure pour décider au préalable qu’un cours d’eau ni navigable, ni
flottable, sera incorporé au domaine public fluvial. Aussi l’aménagement par une
région d’un cours d’eau en voie navigable et la création d’un port sur ce cours
d’eau, doivent être précédés de décisions de l’État relatives à l’incorporation de ce
cours d’eau dans le domaine public fluvial et au transfert de sa gestion à la région.
En l’espèce les travaux devaient être réalisés sur une section non-navigable d’un
cours d’eau. Le cours d’eau est donc non-domanial et les délibérations du conseil
régional concédant la réalisation et l’exploitation d’installation à une commune
sont illégales (CE, Ass., 15 oct. 1999, Cne de Lattes et autres, RFDA 1999, p. 1284).
b) L’affectation de fait : pour qu’un bien entre dans le domaine public, il est
nécessaire que l’acte juridique d’affectation soit suivi de l’affectation réelle du bien
et éventuellement de l’aménagement du bien à cet usage. L’acte administratif non
suivi d’affectation effective est entaché de nullité (CE, 21 déc. 1956, SNCF c/ Époux
Giraud, p. 492).
Toutefois dans un important avis donné par le Conseil d’État le 31 janvier 1995,
celui-ci a estimé que le fait de prévoir l’affectation, implique que ce terrain est
soumis dès ce moment aux principes de la domanialité publique. On est donc en
présence d’une sorte de domanialité « virtuelle » (CE, avis, 31 janv. 1995, Section
Int. et Trav. pub. réunies, AJDA 1997, p. 139, v. commentaire d’Étienne Fatome et
Philippe Terneyre). Cet avis avait d’ailleurs été précédé d’un arrêt du Conseil d’État
du 6 mai 1985 (Eurolat) allant dans le même sens et a été confirmé par l’arrêt CE,
1er février 1995 (Préfet de la Meuse). Mais les problèmes restent très délicats. Selon
un avis de la section de l’intérieur du Conseil d’État du 18 mai 2004 (EDCE 2005,
p. 185) il faut distinguer le moment ou le bien est affecté de manière certaine à un
service public ou à l’usage direct du public et celui ou il devient un bien du
« domaine public ». Si un bien est affecté de manière « certaine » pour l’avenir à
un service public ou à l’usage du public les règles générales de la domanialité
publique doivent s’appliquer (domaine public virtuel) mais le bien n’entre dans
« le domaine public » qu’à compter de l’achèvement des aménagements impliqués
par l’affectation (v. article E. Fatôme, « À propos de l’incorporation au domaine
public », AJDA 2006, p. 292 et s.). (V. aussi p. 21.)
Dans l’affaire de la destruction des paillotes en Corse, affaire que l’on retrouvera,
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1re P A R T I E – L E D O M A I N E - 31
la Cour de cassation a jugé que « du seul fait qu’il est propriétaire du domaine
public maritime naturel auquel elles étaient attachées (paillotes), à défaut d’auto-
risation temporaire, l’État a acquis la propriété des paillotes par accession ».
Le Conseil d’État (S. 20 janv. 2005, Cne de Cyprien) a admis l’acquisition par la
commune de biens sur la plage, par voie d’accession, car le restaurant discothèque
était fermé depuis longtemps.
B. La sortie du domaine public
La sortie d’un bien du domaine public résulte de la désaffectation (ou du déclasse-
ment) du bien, sinon il continue à faire partie du domaine public (CE, 30 déc. 2002,
Cne de Pont-Audemer, cité AJDA 2003, p. 1792). Le bien déclassé reste propriété
publique mais fait partie à l’avenir de son domaine privé, échappant ainsi au régime
juridique sévère de la domanialité publique.
1. L’acte juridique de désaffectation ou de déclassement s’impose en principe pour
faire sortir un bien du domaine public. Ce sont les autorités compétentes pour affecter
un bien, qui sont aussi compétentes pour le désaffecter. Comme la désaffectation
constitue une mesure grave, le contrôle juridictionnel sera très étroit (ex. : en l’espèce
le déclassement d’une partie de la voie publique a un motif d’intérêt général, le
développement économique. La fermeture à la circulation générale ne gène guère les
usagers alors que les entreprises peuvent être mieux desservies – CAA Douai, 29 janvier
2004, Sarl artisanale Sambre modelage, AJDA 2004, p. 1044).
Il n’est pas certain que cette désaffectation juridique constitue une mesure suffisante
pour faire sortir un bien du domaine public et elle doit être suivie d’une désaffectation
de fait. Il n’y pas de déclassement d’un bien tant qu’il est affecté au service public
(CAA Versailles 23 mars 2006, Cne du Chesnay, AJDA 2006, p. 1404 : bien encore
occupé par la police ; pas de désaffectation de fait antérieure ou concomitante ; il ne
pouvait faire l’objet d’une décision de déclassement).
Le déclassement peut aussi se faire par voie législative. Le Conseil constitutionnel
exercera éventuellement un contrôle (Cons. const., 23 juill. 1996 à propos du déclas-
sement des installations France Télécom). En l’espèce d’ailleurs, les biens, quoique ne
faisant plus partie du domaine public, gardent leur affectation primitive (v. Duroy, La
sortie des biens du domaine public : Le déclassement, AJDA 1997, p. 819). On est ainsi
en présence de biens déclassés mais qui demeurent affectés au service public de la
télécommunication. En ce qui concerne la Poste, le « déclassement » des biens, qui les
fait sortir du domaine public, a été réalisé par la loi MURCEF du 11 décembre 2001
(v. p. 37 et s.).
2. En revanche, dans certaines rares hypothèses, la désaffectation de fait est suffisante,
sans qu’un acte juridique de désaffectation ne s’impose. Ainsi, en ce qui concerne le
domaine public naturel, les biens sortent du domaine lorsque les circonstances qui
avaient justifié l’incorporation du bien dans le domaine public disparaissent. Toutefois,
la loi du 28 mai 1963 a apporté des atténuations à ce principe pour le domaine public
maritime.
Quant au domaine public artificiel sa simple désaffectation de fait est insuffisante et la
cessation de son appartenance au domaine public est subordonnée à l’intervention
d’une décision de « déclassement » expresse (CE, 17 mars 1967, Ranchon p. 131 ; 6 avril
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32 - D R O I T A D M I N I S T R A T I F D E S B I E N S
1979, Sté la Plage-la-Forêt, p. 656 ; 19 mars 1988, Marou, RDP 1989, église démolie,
domanialité subsiste).
En ce qui concerne en particulier le domaine public ferroviaire, le Conseil d’État tente
de distinguer la décision de « fermeture de la ligne » de celle qui la « déclasse », la
faisant sortir du domaine public (CE, 6 nov. 2000, Comité Somport..., AJDA 2001,
p. 574). Mais en l’espèce, la distinction semble fragile et pas très convaincante.
Conclusion : le juge cherche à éviter qu’un bien ne sorte trop facilement du domaine public.
Ainsi dans une affaire Michaud du 22 avril 1977 (AJDA 1977, p. 441), le Conseil d’État
a estimé qu’une délibération d’un Conseil municipal classant une halle municipale
dans le domaine privé n’avait pas d’effet (idem, TA Nice, 6 févr. 1997, Assoc. région.
des œuvres éducatives, RFDA 1997, p. 1189 : à propos d’une caserne utilisée par une
association qui organise des colonies de vacances. La désaffectation par simple arrêté
ministériel constitue une illégalité).
La haute juridiction a aussi estimé qu’un bien affecté au domaine public puis classé
dans ce domaine n’en sortait pas du seul fait de sa désaffectation, mais qu’il fallait en
outre une décision de désaffectation (CE, 6 avr. 1979, Sté la Plage-la-Forêt, p. 656).
De même la décision de déclassement d’un terrain dépendant d’un fort, doit être
confortée par la disparition effective de l’aménagement spécial pour que le bien fasse
partie du domaine privé (CE, 13 nov. 1987, Secrét. État c/ Mme Amiot, AJDA 1988,
p. 296). Enfin, lorsqu’un bien désaffecté a vocation à entrer dans le domaine public,
la circonstance que les aménagements spéciaux nécessaires à son affectation à un
nouveau service public n’aient pas encore été réalisés, n’autorise pas à procéder au
déclassement (CE, 1er févr. 1995, Préfet de la Meuse, Petites affiches, 26 janv. 1996,
p. 4-6).
Si normalement la décision de désaffectation revient à la collectivité propriétaire, il peut
en aller autrement lorsqu’une autre collectivité publique que la collectivité propriétaire
intervient dans l’organisation du service public qui fonctionne sur le bien. Pour les
établissements d’enseignement public, qui appartiennent soit aux communes (écoles),
soit aux départements (collèges) soit aux régions (lycées), une décision de désaffecta-
tion ne peut être prise que par accord de l’État et de la collectivité locale propriétaire
(CE, Ass. 2 déc. 1994, Dpt de la Seine-St-Denis ; Cne de Pulversheim, même date ; AJDA
1995, p. 47).
La désaffectation d’une église ne peut avoir lieu sans l’accord écrit du représentant du
culte affectataire, même si le culte n’y est plus célébré (CAA Bordeaux, Assoc. Église
St-Éloi, AJDA 2004, p. 949).
La loi peut désaffecter et déclasser des biens (p. ex. ouvrages militaires) qui sortent
ainsi du domaine public (CE, 13 nov. 1987, Secrét. d’État, RDP 1989, p. 1516).
De plus, l’ordonnance du 19 août 2004 a autorisé la cession de bureaux sans avoir
besoin de les déclasser du domaine public. Il est aussi permis de les vendre alors qu’ils
sont encore utilisés par les services publics qui y sont implantés. La continuité du
service public est toutefois assurée par des clauses inscrites dans l’acte de vente.
Le nouveau Code (art. L. 2141-1) exige explicitement un acte formel de déclassement
à toute procédure de sortie du domaine public qui en constitue ainsi au delà d’une formalité
substantielle une condition nécessaire.
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1re P A R T I E – L E D O M A I N E - 33
Mais il faut surtout ajouter que le nouveau Code a prévu la légalité sous conditions d’un
déclassement anticipé.
L’article L. 2141-2 permet de déroger au principe fondamental selon lequel une mesure
de déclassement est illégale, si elle ne sanctionne pas une désaffectation de fait. Il est
possible dans certains cas de procéder à un déclassement par anticipation, d’immeubles
encore affectés à un service public. Une cession ne pourra plus être empêchée au prétexte
que la désaffectation matérielle de l’immeuble n’est pas encore réalisée, alors qu’elle est
certaine ou en cours.
Cette mesure est cependant limitée, et on peut le regretter à l’État et ses établissements
publics, excluant les collectivités territoriales et les établissements publics.
L’intérêt de cette mesure permet d’accélérer les opérations lorsque la désaffectation se
prolonge dans le temps. Il faut noter que le régime est strictement encadré : désaffectation
du bien décidée préalablement ; il faut que les nécessités du service public justifient le
déclassement dans un certain délai (fixé par l’acte de déclassement), etc. En principe le
déclassement ne peut porter que sur les biens immobiliers du domaine artificiel lorsqu’il
s’agit d’une vente. En cas d’échange, le déclassement peut porter sur tout bien – donc
aussi bien mobilier qu’immobilier.
34 - D R O I T A D M I N I S T R A T I F D E S B I E N S
rivage, que la mer couvre et découvre entre ses plus hautes et ses plus basses eaux.
L’administration doit tenir compte de ces limites naturelles (CE, 12 oct. 1973, Kreit-
mann, p. 563, application aussi bien pour la Méditerranée que pour l’Océan de
l’Ordonnance de 1681 retenant le plus haut flot de mars). Des difficultés importantes
peuvent apparaître (CE, 11 avr. 1986, Min. Transports c/ M. Dancy, RFDA 1987, p. 44
et s. ; v. aussi CAA Marseille, 10 févr. 1998, AJDA 1998, p. 279). En principe la
domanialité publique s’étend « au point jusqu’où les plus hautes mers peuvent s’étendre
en l’absence de perturbations météorologiques exceptionnelles » (CE, 6 mars 1987, Lavern,
RDP 1988, p. 574 ; 11 déc. 1987, Sté Face au Grand Large, RDP 1988, p. 1518).
Dans l’arrêt Bessière du 29 novembre 1978, (p. 478), il est décidé que si la mer se retire
après submersion du rivage, la domanialité publique persiste s’il y a création de lais et
relais « futurs » (loi de 1963) qui tombent de plein-droit dans le domaine public (pour
les lacs v. CE, 23 févr. 1979, Assoc. syndic. des copropriétaires, p. 89) ; de même si la
création de lais et relais est artificielle (CE, 25 janv. 1989, Sté civile familiale Giraudet,
RDP, 1989, p. 1517) (v. p. 14). Selon le juge, « la délimitation du domaine public
maritime dépend de la constatation d’une situation de fait à un moment donné » (CE,
27 juill. 1988, Bellay, RFDA 1988, p. 885, v. aussi CE, 26 juill. 1991, Consorts Lecuyer,
RFDA 1991, p. 876).
Pour les cours d’eaux domaniaux, il y a constatation de la hauteur des eaux coulant à
plein bord avant de déborder. Il faut remarquer toutefois que dans la pratique, et on
peut le regretter, seulement 10 % du rivage a fait l’objet d’une délimitation.
La délimitation du domaine public fluvial demandée par un riverain est obligatoire
(CAA Lyon, 12 nov. 2003, Favier, AJDA 2004, p. 728). Il est plus délicat de déterminer
la ligne séparant, à l’embouchure, le domaine public maritime et le domaine public
fluvial.
4. Le particulier, qui estime qu’une délimitation est irrégulière, peut attaquer cette
décision par la voie du recours pour excès de pouvoir. Ce contentieux relève évidem-
ment du juge administratif. Le particulier a-t-il aussi la possibilité de demander une
indemnité au juge judiciaire en se fondant sur l’expropriation indirecte dont il a été
victime ? L’existence d’une telle voie juridique a été très discutée par la doctrine ; elle
a cependant été admise par le Tribunal des conflits dans un important arrêt de 1873
(T. confl. 11 janv. 1873, Paris-Labrosse, D. 1873.3.70).
Lorsque la délimitation est régulière, il ne peut y avoir lieu à indemnisation du
propriétaire, que dans les hypothèses où les propriétaires tiennent de l’administration
des droits sur les biens en cause (vente domaniale, concession de lais et de relais). Le
juge administratif sera compétent.
1re P A R T I E – L E D O M A I N E - 35
1. LE PLAN D’ALIGNEMENT
● Le plan d’alignement est la délimitation générale d’une ou d’un ensemble de
voies. Il est toujours établi unilatéralement par les autorités administratives (décret en
CE ou arrêté préfectoral pour les routes nationales, décision du conseil général pour
les chemins départementaux etc.). Les plans doivent faire l’objet d’une publication.
● L’administration peut rétrécir la voie, la conserver dans ses limites ou l’élargir.
En cas d’élargissement de la voie, les terrains nus, ni bâtis, ni clos de murs, sont
incorporés à la voie publique, les propriétaires ayant droit à une indemnité. Les terrains
clos de murs ou bâtis ne sont pas, en principe, incorporés immédiatement à la voie
publique ; le transfert n’a lieu qu’au moment de la démolition de l’immeuble, quelle
que soit la cause de cette démolition (péril pour la sécurité, démolition volontaire...).
En attendant, ces terrains sont frappés d’une servitude de reculement, qui empêche
le propriétaire de faire des constructions nouvelles ou des travaux confortatifs pouvant
prolonger la durée de l’immeuble.
● Ce procédé de cession forcée, malgré l’indemnité touchée par les propriétaires,
36 - D R O I T A D M I N I S T R A T I F D E S B I E N S
> SECTION 2
La répartition du domaine public
entre les collectivités publiques
§ 1 - I NTRODUCTION
A. Les solutions traditionnelles
a) Le domaine public doit être la propriété d’une collectivité publique
À l’heure actuelle, toutes les collectivités publiques ont un domaine public. Ainsi,
le département est propriétaire d’un domaine public extrêmement important,
puisque un décret du 25 avril 1972 a permis le transfert aux départements de
55 000 km de routes nationales alors qu’il existe déjà de nombreux chemins
départementaux.
Le problème essentiel s’est posé pour les établissements publics. De façon tradi-
tionnelle, on refusait aux établissements publics la possibilité d’avoir un domaine
public. Même certains auteurs comme Hauriou et Bonnard ont affirmé que les
établissements publics ne pouvaient être propriétaires d’un domaine public.
La jurisprudence a évolué. Avant 1965, la jurisprudence était incertaine. En 1965,
dans un arrêt sans ambiguïté (CE, 19 mars 1965, Sté Lyonnaise des eaux et de
l’éclairage, Rec. p. 184, JCP 1966-II-14583 note Dufau), la Haute juridiction exclut
la possibilité pour les établissements publics d’avoir un domaine. Toutefois, déjà à
cette époque la Cour de cassation avait admis la solution contraire (Cass 1re civ.,
2 avril 1963, Sieur Montagne c/ Réunion des Musées de France et autres, AJDA
1963.483). Les sections administratives du Conseil d’État ont elles-mêmes donné
des avis favorables à l’existence d’un domaine public des établissements publics
(28 août 1977, 31 janv. 1978, domaine public hospitalier, domaine public d’un
aérodrome géré par un établissement public).
C’est certainement sous la pression des tribunaux administratifs que le Conseil
d’État allait modifier sa jurisprudence. (p. ex. TA Marseille 19 novembre 1954,
Administration de l’Assistance publique à Marseille, D. 1955 J 624 ; et plus tard TA,
Paris 18 septembre 1979, Établissement public pour l’aménagement de la région
Défense, AJDA 1979, p. 36 ; D. 1980 p. 439).
Le Conseil d’État se rallia à cette solution par les décisions Epp et Mansuy, rendues
à propos de syndicats de commune et d’aménagement urbain (CE, 6 févr. 1981
Epp p. 745 et surtout CE, 21 mars 1984, Mansuy, R. 616 et 645 ; RFDA 1984,
p. 1059) : les établissements publics ont la possibilité d’avoir un domaine public.
Deux questions restaient alors ouvertes : cette décision n’était-elle valable que pour
les seuls établissements publics territoriaux ou s’appliquait-elle à tous les établissements
publics ? En cas de réponse positive à la première question, fallait-il limiter la
possibilité d’avoir un domaine public aux établissements publics administratifs ou
fallait-il l’étendre aux établissements publics industriels et commerciaux ?
Dans les deux cas, la jurisprudence a donné une réponse positive. Tout d’abord, le
Conseil d’État a étendu la solution à des établissements publics non-territoriaux (CE,
23 juin 1986, Thomas, p. 167, à propos du muséum national d’histoire naturelle,
AJDA 1986, p. 598 et 599). Quant à la cour administrative d’appel de Bordeaux, elle
étend la solution aux établissements publics industriels et commerciaux, en confir-
mant une solution en ce sens du tribunal administratif de Limoges (CAA Bordeaux,
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1re P A R T I E – L E D O M A I N E - 37
38 - D R O I T A D M I N I S T R A T I F D E S B I E N S
1re P A R T I E – L E D O M A I N E - 39
le juge administratif doit renvoyer devant le juge judiciaire qui a seul qualité pour
déterminer la personne propriétaire (CE, 29 juin 1990, Consorts Marquassuroli,
RFDA 1990, p. 660).
B. Les solutions du nouveau Code
Comme le constate M. Fatôme (op. cit.), alors qu’aux termes de la jurisprudence antérieure
toute personne pouvait être propriétaire d’un domaine public sous réserve qu’aucune
« disposition législative la concernant ne fasse obstacle à l’application de la domanialité
publique » (CE Avis 9 déc. 1999, relatif à la Banque de France, EDCE 2000, p. 21 ; ainsi
que dans le cas de l’EDF déjà analysé), il convient désormais d’opérer la distinction entre
deux catégories de personnes publiques (art. L. 1, L. 2 et L. 2111-1).
Il y a tout d’abord les personnes publiques mentionnées à l’art. 1 c’est-à-dire les
personnes publiques classiques (État, collectivités territoriales, groupement de collectivités
territoriales, établissements publics). Elles peuvent de plein droit être propriétaire d’un
domaine public.
Il y a ensuite les « autres personnes publiques », les personnes publiques sui generis
(Banque de France, groupements d’intérêt public, Institut de France, etc. Aussi l’ordon-
nance à laquelle le CGPPP est annexé complète le statut d’un certain nombre de personnes
publiques sui generis (Banque de France, Autorité de contrôle des assurances et des
mutuelles) par une disposition leur permettant d’avoir un domaine public dans les mêmes
conditions que les établissements publics. Toutefois, en cas de silence des textes, le régime
des biens de ces personnes sui generis reste assez vague.
40 - D R O I T A D M I N I S T R A T I F D E S B I E N S
A. Système traditionnel
1. MUTATION PAR TRANSFERT DE PROPRIÉTÉ
En réalité, il s’agit généralement d’un changement de propriétaire qui implique très
souvent aussi un changement d’affectation.
Cette transformation a lieu parfois par voie législative : la loi du 16 avril 1930 a
autorisé le transfert dans la voirie nationale de 40 000 km de routes départementales
et communales. La loi de finances de 1972 prévoit la possibilité de transférer 55 000 km
de routes nationales dans la voirie départementale. Dans ces cas précis, il n’y a pas de
changement d’affectation.
Parfois il y a un accord amiable ; dans ce cas il n’y a pas de problème. Le problème
qui avait été posé en particulier au siècle dernier est le suivant : l’État peut-il obliger
les collectivités publiques territoriales de leur céder des biens de leur domaine public ?
Si le recours éventuel à l’expropriation était possible au siècle dernier, il n’est plus
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1re P A R T I E – L E D O M A I N E - 41
possible aujourd’hui (v. p. 48). Même si les réflexions sur cette question sont en train
d’évoluer, la solution reste certaine pour le moment.
Ainsi, la seule solution est la voie législative, telle qu’on l’a vu pour les routes. Mais en
dehors de ce problème très général des routes, il y a eu des transferts par voie législative
pour des biens plus spécifiques : ainsi, l’ordonnance du 4 février 1959 et l’article 19 de
la loi du 10 juillet 1964 décident que certains biens appartenant à la ville de Paris (ou
au département de la Seine) sont transférés à l’établissement public « Syndicat des
transports de la région parisienne ».
Il existe aussi des cas de transfert de propriété des biens des communes aux commu-
nautés urbaines (art. L. 5218-28, CGCT). Les biens sont transférés par accord amiable,
sinon par décret en Conseil d’État.
Le Code général des collectivités territoriales prévoit aussi des possibilités facultatives
– de transfert de biens – par convention aux syndicats et aux communautés d’agglo-
mération nouvelle (L. 5211-5). Le transfert se fait sans indemnité. Éventuellement,
mais les hypothèses sont complexes, il peut y avoir dans certaines hypothèses « resti-
tution du bien » (v. p. 42 et s.).
Il faut bien souligner que la théorie des « mutations domaniales » est très entravée par
l’impossibilité actuelle d’exproprier des biens du domaine public.
42 - D R O I T A D M I N I S T R A T I F D E S B I E N S
concessionnaire de la ligne avait passé un contrat avec la ville de Paris, prévoyant qu’en
cas de difficulté en ce qui concerne les indemnités, il y aurait expropriation. La Cour
de cassation rejette la possibilité d’expropriation (Cass. 20 déc. 1897 Chemin de fer
d’Orléans, D. 1899.I.257). Paris reste propriétaire. La Cie des chemins de fer se retourne
contre l’État devant le Conseil d’État pour obtenir une indemnisation. Celui-ci estime,
tout comme la Cour de cassation, que la ville de Paris reste propriétaire, même si
l’affectation a été modifiée. D’ailleurs, toute indemnité est refusée finalement à la
compagnie concessionnaire.
Si ces solutions ont été critiquées et sont peut-être critiquables, elles n’en sont pas
moins certaines. La solution a été expressément consacrée par l’idée de « transfert de
gestion » dans le Code du domaine (art. L. 35 et R. 58). Ces textes prévoient le transfert
de gestion des immeubles dépendant du domaine public de l’État dont la destination
est modifiée par le préfet (ex. CE, 8 juill. 1996, M. Merie, RFDA 1996, p. 1040 ; transfert
de gestion de certaines parties du domaine maritime et fluvial du département de
l’Hérault à la commune d’Agde).
Dans un très important arrêt du 23 juin 2004, amplement commenté (Cne de Proville,
AJDA 2004, p. 2149, chron. Landais et Lenica) le Conseil d’État avait à juger si la théorie
des mutations domaniales jouait encore malgré certains textes récents en matière d’ex-
propriation. L’art. 11-8 du Code de l’expropriation donne en effet au préfet, en cas
d’arrêté de cessibilité (v. p. 43), le pouvoir de prononcer le transfert de gestion des
dépendances du domaine public de la personne concernée. Mais le Haute juridiction
estime que ces dispositions n’ont ni pour objet, ni pour effet de priver le Premier
ministre ou les ministres intéressés du pouvoir qu’ils tiennent… « des principes géné-
raux qui régissent le domaine public, de décider pour un motif d’intérêt général de
procéder à un changement d’affectation d’une dépendance du domaine public d’une
collectivité territoriale » (Premier ministre autorisant par décret le changement au profit
de l’État d’une parcelle du domaine public de la commune de Proville).
Il y a donc, comme on l’a fait remarquer à juste titre, « une irréductible théorie des
mutations domaniales » (v. article Ariane Vidal-Naquet, RFDA 2005, p. 1106 et s.).
D’ailleurs des mutations domaniales peuvent avoir lieu sur le domaine public maritime
dans le cadre de la loi Littoral du 3 janvier 1986 ; ainsi un arrêté préfectoral peut
prévoir la gestion conjointe par l’État et le département de terrains du domaine public
nécessaires (à la liaison fixe de l’île de Ré au continent) si cet arrêté n’a ni pour objet,
ni pour effet d’entraîner un changement substantiel de l’utilisation de ces biens
(CE S., 8 avr. 1994, Dpt Charente-Maritime c/ Assoc. Amis de l’Ile de Ré, RFDA 1995,
p. 621).
Conclusion :
● Les solutions dégagées jusqu’ici sont insuffisantes. Mais nous avons vu que le
Conseil d’État, dans son rapport sur le domaine public rendu en 1986 (v. ci-dessus
p. 17 et s.) a lui-même critiqué cette possibilité du changement d’affectation autoritaire.
Le Conseil d’État préférerait que la loi permette à l’État d’exercer son droit régalien
d’expropriation après enquête publique à l’égard d’un bien faisant partie du domaine
public d’une autre collectivité publique.
● À côté du transfert de gestion il y aussi la « mise à la disposition ». Cette mise à la
disposition résulte essentiellement des lois de décentralisation de 1982 et 1983. La loi
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1re P A R T I E – L E D O M A I N E - 43
44 - D R O I T A D M I N I S T R A T I F D E S B I E N S
> SECTION 3
Les charges pesant sur le domaine public
§ 1 - L ES CHARGES DE DROIT COMMUN
Le domaine public constitue une propriété des collectivités publiques. Toutefois les
principales charges de caractère légal ou conventionnel pesant habituellement sur la
propriété privée, ne pèsent pas sur le domaine public. Ainsi les servitudes légales de
droit privé (vues, drainage, bornage, écoulement des eaux, servitude d’aqueduc, de
prise d’eau) ou les servitudes conventionnelles, ne pèsent pas sur le domaine public.
Il en va différemment des servitudes conventionnelles constituées avant l’incorpo-
ration au domaine et compatibles avec l’affectation. S’il y a incompatibilité, la
décision mettant fin à l’usage de la servitude sera légale, mais l’usager sera indemnisé
(CE, 29 mai 1967, Gué, p. 467). Le domaine public ne supporte ni hypothèque légale,
ni conventionnelle. Il ne peut être exproprié. Il n’y a pas cession de mitoyenneté au
profit du riverain du domaine public.
Le nouveau Code (art. L. 2122-4) consacre la possibilité « de constituer des servitudes
conventionnelles » sur le domaine public et en détermine les modalités.
L’insertion de dispositions reconnaissant la possibilité de constituer des servitudes posté-
rieurement à l’appartenance du bien au domaine public était très attendue. Des servitudes
conventionnelles pourront désormais être créées sur le domaine public quelles que soient
les personnes publiques propriétaires. Elles pourront être constituées au profit de personnes
publiques et de personnes privées. Sous réserve qu’elle soient compatibles avec l’affectation
du domaine, l’existence de ces servitudes permet de mieux concilier l’imbrication du
domaine public et des propriétés privées.
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1re P A R T I E – L E D O M A I N E - 45
§ 2 - L ES CHARGES DE VOISINAGE
DE CARACTÈRE ADMINISTRATIF
Si, comme on vient de le voir, les règles de droit commun concernant le voisinage
sont inapplicables, les riverains bénéficient tout de même de certains droits particuliers
de caractère administratif.
A. Les aisances de voirie
Les aisances de voirie sont des droits dont bénéficient les riverains du domaine public
à l’égard de celui-ci.
Ces aisances de voirie ne sont plus considérées, comme elles l’étaient à une certaine
époque, comme des servitudes du droit civil, mais comme des droits de nature
administrative, découlant de l’affectation même des voies publiques destinées à servir
les immeubles riverains.
● Les aisances de voirie sont constituées par le droit de vue, le droit d’accès, le droit
d’égout, de déversement des eaux pluviales et ménagères. Il n’existe pas d’autres
aisances de voirie.
Ces aisances n’existent qu’à l’égard des voies publiques régulièrement classées et
affectées à la circulation publique. Elles sont très limitées pour les riverains des voies
rapides et autoroutes. Elles n’existent pas à l’égard d’autres dépendances du domaine
public ou à l’égard du domaine privé (CE, 27 juill. 1984, Mme Gaillard et M. Rudelle,
RDP, 1986, p. 268).
● L’administration doit respecter les aisances de voirie tant que la voie n’est pas
désaffectée. Le cas échéant le riverain pourra exercer un recours en annulation contre
les actes administratifs portant atteinte à ses droits. En interdisant à des riverains qui
n’ont pas de garage, l’accès de cette rue interdite à la circulation ou en limitant cet
accès à des tranches horaires, le maire excède ses pouvoirs (CE, 3 juin 1994, Cne de
Coulommiers, Dr. adm., 1994, comm. 441). Toutefois, en cas d’exécution de travaux
publics (p. ex. suppression ou modification d’accès), il ne pourra prétendre qu’à
une indemnité. Envers les tiers, le riverain pourra se défendre au moyen d’actions
possessoires.
Dans un important arrêt (CE S. 16 déc. 2005, Mme Kostiuk et autres, AJDA 2006, p. 365,
chron. C. Landais et Frédéric Lenica) la Section du contentieux juge que ne sont
recevables à former tierce-opposition – contre une décision juridictionnelle déniant à
un chemin la qualité de dépendance du domaine public – que les seuls riverains de
ce chemin ou les personnes qui en dépendent pour accéder à leur propriété (aisance
de voirie). Le Conseil d’État retient ainsi en cette matière une conception stricte de la
notion de droits lésés, condition d’ouverture de cette voie de rétractation.
● En cas de déclassement de la voie publique, les riverains n’ont droit qu’à une
indemnité ; dans certaines hypothèses ils peuvent bénéficier d’un droit de préemption.
46 - D R O I T A D M I N I S T R A T I F D E S B I E N S
> SECTION 4
La protection du domaine public
§ 1 - L’ OBLIGATION D ’ ENTRETIEN
L’administration est obligée d’entretenir le domaine public. Cette obligation revient
à la collectivité propriétaire. Le mauvais entretien du domaine peut entraîner la
responsabilité de l’administration. Les dépenses d’entretien de leur domaine consti-
tuent pour les collectivités locales des dépenses obligatoires.
● Après de longues discussions, il est généralement admis à l’heure actuelle que le
domaine public bénéficie des charges de voisinage de droit commun, en particulier
de la cession de la mitoyenneté alors que la réciproque, n’existe pas (v. infra,
Inaliénabilité).
● Plus intéressante est la question des servitudes administratives pesant sur les
propriétés riverains au profit du domaine public. Elles sont établies par de très
nombreux textes particuliers et ne sont pas soumises aux règles du Code civil. Il ne
faut pas confondre ces servitudes administratives établies au profit d’un fond appar-
tenant au domaine public avec les très nombreuses servitudes d’utilité publique qui
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1re P A R T I E – L E D O M A I N E - 47
48 - D R O I T A D M I N I S T R A T I F D E S B I E N S
§ 2 - I NALIÉNABILITÉ ET IMPRESCRIPTIBILITÉ
DU DOMAINE PUBLIC
Les dépendances du domaine public sont inaliénables et imprescriptibles. Cette règle,
prévue par le Code du domaine de l’État, a cependant une origine coutumière et est
en fait fort ancienne.
A. L’évolution du principe
● L’édit de Moulins de 1566 avait interdit l’aliénation des biens de la Couronne. Cette
règle, qui n’était nullement spéciale au domaine public d’ailleurs inconnu, ne cherchait
pas à respecter l’affectation du domaine royal, mais à protéger le domaine de la
Couronne contre les générosités et prodigalités royales. Sous la Révolution, les biens
deviennent aliénables, après décision de la représentation nationale. Le Code civil
n’établit pas, lui non plus, l’inaliénabilité des biens domaniaux.
● Le principe de l’inaliénabilité a été dégagé par les mêmes auteurs qui ont établi
la théorie du domaine public (v. supra, p. 9 et s.). Elle correspondait d’ailleurs, à cette
époque, à la conception que l’on se faisait du domaine public, composé de biens
insusceptibles de propriété privée. Aujourd’hui, la règle est unanimement admise et
l’inaliénabilité du domaine est considérée comme la conséquence de l’affectation.
Le code du domaine de l’État prévoit que les biens du domaine public sont inaliénables
et imprescriptibles.
B. La portée du principe
● L’inaliénabilité est liée à la notion d’affectation du domaine public et c’est cette
notion qui permettra d’expliquer la portée du principe. Ainsi, le domaine privé n’est-il
pas inaliénable ; de même, lorsque disparaît l’affectation, un bien devient aliénable.
● Certains auteurs ont nié la valeur du principe d’inaliénabilité ; M. Waline a fait
remarquer que l’autorité administrative ayant compétence discrétionnaire pour désaf-
fecter le domaine public, l’aliénation devient pratiquement toujours possible ; M. Capi-
tant a estimé, à propos de l’arrêt Cne de Barran (CE, 17 févr. 1933, D. 1933.3.49) que
l’aliénation est possible même sans désaffectation préalable du domaine à condition
que l’acheteur respecte l’affectation. Cette seconde théorie ne correspond pas à la
jurisprudence actuelle.
C. Les conséquences du principe
● L’inaliénabilité interdit les aliénations de toutes natures, qu’il s’agisse de vente,
d’expropriation (CE, 3 déc. 1993, Ville de Paris c/ M. Parent, RFDA 1994, p. 591).
(Cass., 20 déc. 1987, Chem. de fer d’Orléans, D., 1899.1257) de création de droits réels,
d’usufruit, d’emphytéose ou d’hypothèque, de cession de mitoyenneté. Ce n’est qu’au
cas où la preuve est apportée qu’un bien n’appartient pas au domaine public, qu’une
expropriation est possible (CE, 8 août 1990, Min. Urbanisme, RFDA 1990, 941) (CAA
Douai 23 mai 2004, Cne d’Hersoin-Coupigny, AJDA 2004, p. 1668). Les particuliers ne
peuvent exercer à l’égard du domaine public des actions possessoires contre la personne
publique propriétaire (T. confl. 24 févr. 1992, Couach., AJ, 1992, p. 327). Par ailleurs
le domaine public ne peut faire l’objet d’un contrat portant bail emphytéotique (CE,
6 mai 1985, Assoc. Eurelat, AJDA 1985, p. 620). L’inaliénabilité peut être invoquée par
des tiers (Cass. civ., 3 mai 1988, Consorts Renault c/ EDF, AJDA 1988, p. 679).
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1re P A R T I E – L E D O M A I N E - 49
Les biens du domaine public sont aussi insaisissables, quelle que soit la collectivité
propriétaire. Toutefois, dans une décision du 18 novembre 2005 (Sté fermière de
Campoloro, AJDA 2006, p. 137, chron. C. Landais et F. Lenica), le Conseil d’État en
Section a jugé qu’en application des pouvoirs du préfet, en cas de carence d’une
collectivité territoriale à assurer l’exécution d’un décision juridictionnelle passée en
force de chose jugée, le préfet peut à ce titre procéder à la vente des biens appartenant
à la collectivité défaillante dès lors que ceux-ci ne sont pas indispensables au bon
fonctionnement des services publics dont elle a la charge. Dans ce cas très particulier
il y a partiellement échec au principe d’insaisissabilité.
Le principe d’insaisissabilité est maintenu par le nouveau Code (art. L. 2311-1). Il
devient ainsi une loi. Mais on peut se demander si le principe d’insaisissabilité n’est pas
contraire, dans certains cas au moins, aux principes communautaires.
L’impossibilité d’exproprier les dépendances du domaine public crée aujourd’hui des
difficultés. La théorie des mutations domaniales ou le transfert de gestion prévus par
la loi (v. p. 40 et s.) n’étant que des pis-aller (v. art. Hostiou, AJDI 2006, p. 212). Plus
généralement, il y a « nécessité de revoir les règles de l’indisponibilité des dépendances
domaniales entre personnes publiques » (article de Marys Douence, AJDA 2006,
p. 238).
● Les articles L. 145-1 et L. 145-2 du Code de commerce excluent du champ d’appli-
cation du statut des baux commerciaux, les contrats portant sur des immeubles
nécessaires à la poursuite de l’activité des entreprises publiques et établissements
publics à caractère industriel et commercial dès lors que ces baux emportent emprise
sur le domaine public. Il en va de même lorsque le contrat est conclu entre deux
personnes privées (Cass., 20 déc. 2001 cité AJDA 2001, p 117).
● Deux réformes importantes ont cependant eu lieu :
– tout d’abord, sans remettre en cause à proprement parler l’inaliénabilité, la loi
du 5 janvier 1988 permet aux personnes publiques territoriales de passer des
baux de longue durée sur leurs biens appartenant au domaine public (99 ans au
plus) ;
– en second lieu, et ce texte est encore plus important, pour permettre de concilier
l’exploitation économique du domaine public avec les principes qui le régissent, le
législateur a procédé à d’importantes réformes pour le seul domaine public
artificiel de l’État et de ses établissements publics. La loi du 27 juillet 1994 donne
au titulaire d’une autorisation temporaire d’occupation du domaine public un
véritable droit réel.
● Pour plus de détails, v. les importants développements p. 70 et s.
Le régime de la domanialité publique est ainsi partiellement modernisé (v. AJDA nov.
1994).
● Les aliénations consenties sur le domaine public sont nulles. Le caractère relatif ou
absolu de cette nullité a été discuté. La nullité est prononcée par l’autorité judiciaire.
● L’inaliénabilité du domaine entraîne son imprescriptibilité. Les tiers ne peuvent
acquérir par voie de prescription un droit sur le domaine public qu’il s’agisse d’un
droit de propriété ou d’une servitude (mitoyenneté). L’action en réparation de
dommages causés au domaine public est imprescriptible. L’imprescriptibilité est une
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50 - D R O I T A D M I N I S T R A T I F D E S B I E N S
protection de l’administration contre elle-même et une protection contre les tiers (CE,
27 mai 1988, Marcel Brisse, LPA, 21 avril 1989, p. 12-13).
● Pour les concessions d’endigage (v. p. 12, 14, 33, 45).
● L’inaliénabilité n’interdit pas la création au profit des administrés de droits d’occu-
pation du domaine public (v. p. 64 et s.).
● Le Conseil constitutionnel dans sa décision du 26 juillet 1994 affirme l’existence
d’un principe d’inaliénabilité et d’imprescriptibilité mais sans préciser exactement sa
valeur et sa portée.
En ce qui concerne l’expropriation, il y a aussi eu quelques entorses : ainsi la CAA de
Paris considérait le 22 novembre 1994, qu’une parcelle du domaine public maritime
affecté au service des phares et balises du ministère de l’Équipement peut être expro-
priée « eu égard à l’objet de l’opération déclarée d’utilité publique et à la très faible
importance de la surface de la parcelle » (CAA Paris, 22 nov. 1994, Conservatoire de
l’espace littoral et des rivages lacustres, LPA no 62, 24 mai 1995, p. 4, note
J. Morand-Deviller).
1re P A R T I E – L E D O M A I N E - 51
sont tenues en principe d’exercer leurs pouvoirs afin d’écarter les obstacles qui
s’opposent à l’utilisation normale du domaine public fluvial. Toutefois cette obligation
trouve sa limite dans les « nécessités de l’ordre public » (en l’espèce il n’y a pas de
faute lourde de l’autorité de police en s’abstenant d’utiliser la force pour rompre des
barrages de péniches créés en signe de protestation). Mais la responsabilité de la
puissance publique peut éventuellement être fondée sur la responsabilité sans faute
(rupture du principe d’égalité). De même, lorsqu’une situation irrégulière compromet
l’usage normal des voies communales, l’autorité communale doit mettre en œuvre les
pouvoirs que les textes lui confèrent pour mettre fin à cette situation (CE, 11 mai
1984, M. et Mme Arribey, RDP, 1986, p. 270).
L’autorité de police ne peut se soustraire à ses charges pour de simples raisons de
convenance.
Il y a parfois difficulté à distinguer la police de la conservation du domaine de la
police de l’ordre public : la réglementation de l’occupation par les artistes de la place
du Tertre à Paris, même pour des motifs d’ordre et de sécurité publique, ne lui enlève
pas son caractère de règlement relatif à l’occupation du domaine public ; c’est le maire
de Paris et non le préfet qui est compétent. Toutefois, il ne peut soumettre l’exercice
de la profession de peintre à une autorisation (CE, 11 févr. 1998, Ville de Paris c/ Assoc.
pour la défense des droits des artistes peintres sur la place du Tertre, RFDA 1998, p. 458,
no 8, AJDA 1998, p. 523 et s.).
52 - D R O I T A D M I N I S T R A T I F D E S B I E N S
l’exécution défectueuse d’un ouvrage public pour le compte d’une autre personne de
droit public (T. confl. 20 févr. 2005, Cne d’Ormesson).
2. LE CHAMP D’APPLICATION DES CONTRAVENTIONS DE GRANDE VOIRIE comprend essen-
tiellement les atteintes portées au domaine maritime, au domaine fluvial, et à
certaines dépendances du domaine terrestre à l’exclusion des voies publiques :
chemins de fer, domaine militaire etc. (ex. : non-respect d’une servitude près du
chemin de fer (CE, 30 déc. 1996, Gordeau, RFDA 1996, p. 195) dégradation d’une
barrière de passage à niveau d’une piste d’aéroport) (CE, 8 déc. 1988, Sté Varig Brazilian
Airlines D., 1988, SC, p. 387) déversement d’eaux usées (CE, 17 juill. 1974, Dame Galli,
AJDA 1983, p. 47) ; circulation d’une voiture sur un chemin de halage, édification
d’un mur faisant obstacle à la circulation sur la plage, stationnement sans autorisation
d’un bateau, endommagement d’une cabine publique de téléphone : CE, 21 avr. 1989,
Min. PTT, RDP 1989, p. 152) ; la contravention de grande voirie suppose la violation
d’un texte par le contrevenant. Elle constitue une infraction matérielle. Mais depuis la
privatisation partielle de France Télécom, la dégradation d’un réseau de télécommu-
nications n’est plus soumise au régime juridique des contraventions de grande voirie
(CE S., 23 avr. 1997, Préfet de la Manche, RFDA 1997, p. 658, no 10).
Un bien du domaine privé de l’État qui est tombé dans le domaine public maritime
artificiel de l’État n’est pas soumis au régime des contraventions de « grande voirie »
(CAA Marseille 10 février 1998 Sinigaglia AJDA 1998, p. 279).
● Les contraventions de grande voirie sont de la compétence du juge administratif.
Les peines sont des amendes, d’ailleurs fort élevées et qui ont un caractère mixte,
comportant un élément de pénalité mais aussi un élément de réparation du préjudice
porté au domaine public ; le cumul des amendes est possible. Cette action pénale se
prescrit toutefois par un an. De plus, la loi pénale plus douce a un effet rétroactif.
Mais à cette amende, peut s’ajouter la condamnation aux frais de réparation du
préjudice causé au domaine public ; cette dernière action est imprescriptible. En
matière de contravention de grande voirie, le juge applique le principe de la possibilité
de contester la légalité d’un acte individuel non définitif par voie d’exception à
l’occasion d’un recours dirigé contre une décision ultérieure (CE, 26 juill. 1982,
Boissieu, p. 302).
● Le juge peut enjoindre au contrevenant d’évacuer l’emplacement qu’il occupait et
parfois même l’ensemble du domaine public (CAA Paris, 3 avr. 1990, Min. Transports
et mer, 1990, p. 647-648).
● Le Conseil d’État a jugé par décision du 23 février 1979 (Assoc. des chemins de Ronde,
p. 75) que lorsque l’attention de l’administration a été appelée sur le fait que des
occupations du domaine public maritime sont effectuées dans des conditions consti-
tutives d’une contravention de grande voirie, elle ne peut rester inactive en se retran-
chant derrière le principe de l’opportunité des poursuites, qui dans le domaine pénal,
est applicable au Ministère public.
● La responsabilité peut toutefois être écartée en cas de force majeure (CE, 31 janv.
1986, Patrick Payan, RDP, 1987, p. 823 ; CE, 12 juin 1989, Min. délégué Transports,
req. 77.960), ou si le fait dommageable provient de l’administration (CE, 28 nov. 1986,
Sté Brugger, RDP, 1987, p. 824, CE, 6 févr. 1987, Sté des Cars Petit, RDP, 1988, p. 578,
27 nov. 1985, Secrét. État c/ Jour, RFDA 1986, p. 188) ou si le contrevenant qui ne
comprend pas le français, n’a été informé que dans cette langue (TA Lille 30 mars
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1re P A R T I E – L E D O M A I N E - 53
1995, Voies navig. de France c/Verlu, AJDA 1995, p. 569). Les contraventions de voirie
peuvent faire l’objet d’une mesure d’amnistie (CE, 8 avr. 1987, Entr. Jean Lefebvre,
AJDA 1987, p. 547).
● Jusqu’à une date récente, le Conseil d’État estimait que lorsque des faits concourant
à la réalisation du dommage étaient constitutifs d’une contravention de grande voirie,
le propriétaire pouvait être condamné à la réparation du dommage, même si le véhicule
lui avait été subtilisé, dès lors qu’il n’établissait pas avoir pris toutes les précautions
nécessaires pour que sa voiture soit à l’abri du vol, preuve en pratique impossible à
apporter. Cette jurisprudence semblait tout à fait injuste et constituait une dérogation
grave aux principes de mise en jeu de la responsabilité pénale et d’engagement de la
responsabilité civile. Dans un important arrêt du 5 juillet 2000 (CE, Min. de l’Équip.
c/M. Chevallier, AJDA 2000, p. 800 et 857) le Conseil d’État abandonne cette juris-
prudence : le propriétaire d’un véhicule volé, dès lors qu’il n’a plus la garde de son
véhicule, ne peut être tenu pour l’auteur de la contravention de grande voirie causée
par ce véhicule.
● Le juge de cassation contrôle aussi sévèrement les décisions des juridictions infé-
rieures (CE, 30 nov. 1997, Sté de chauffe, de combustible, de réparations et d’appareils
ménagers, RFDA 1997, p. 659, no 11).
Dans une intéressante décision à propos des dégâts causés par le pétrolier Erika, le
juge estime que l’obligation de dresser une contravention de voirie trouve sa limite
aussi bien s’il existe une convention internationale sur la réparation des dommages
causés par la pollution par les hydrocarbures, que s’il existe un « motif d’intérêt
général » (en l’espèce accord conclu avec le responsable s’engageant à participer à la
réparation dans les plus brefs délais) et notamment lorsqu’il s’agit du maintien de
l’ordre public. Mais les autorités administratives ne peuvent se soustraire à leurs obli-
gations « pour des raisons de simple convenance administrative » (CE 20 sept. 2005,
Cacheux, RFDA 2005, p. 1217) (v. aussi AJDA 2005, p. 2469, concl. Collin).
● Selon le Conseil constitutionnel, les contraventions de voirie ne constituent pas des
contraventions de police, mais elles peuvent relever du domaine législatif lorsque les
amendes dépassent le montant prévu pour les contraventions de police (Cons. const.,
23 sept. 1987, AJDA 1988, p. 60 ; RFDA, p. 273 et s.).
a) Le domaine public est aussi protégé contre les occupants sans titre
L’exécution d’office quand celle-ci est possible, action répressive, actions devant le
juge administratif ou civil en expulsion (ex. : CE, 30 mars 1984, Sté civ. immob.,
RFDA 1984, p. 39).
b) L’obligation pour l’administration de se plier aux documents d’ur-
banisme
Elle a été nettement affirmée par le Conseil d’État dans l’arrêt du 30 mars 1973
(Ministre de l’Aménagement du territoire c/ Schwetzoff, p. 264). L’administration
avait autorisé la réalisation d’un port de plaisance et de maisons à usage d’habitation
sur des terrains soustraits artificiellement à l’action des flots. Or, le document
d’urbanisme prévoyait qu’aucune construction ne serait possible en bord de mer.
Ici, il s’agissait de terrains gagnés artificiellement sur la mer. Le juge estime que le
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54 - D R O I T A D M I N I S T R A T I F D E S B I E N S
> SECTION 5
L’utilisation du domaine public
Les utilisations du domaine public doivent être conformes à l’affectation : elles ne
doivent jamais entraver le droit qu’a l’administration de déterminer ou de modifier
l’affectation du domaine.
§ 1 - L’ UTILISATION DU DOMAINE
AFFECTÉ AUX SERVICES PUBLICS
● En principe, le domaine affecté aux services publics ne peut être utilisé par les
particuliers. Toutefois, le public a parfois une possibilité d’accès aux bâtiments admi-
nistratifs, chemins de fer, mais il n’utilise alors le domaine public que par l’intermé-
diaire du service public.
● L’administration utilise le domaine conformément à son affectation. S’il y a disso-
ciation entre le service affectataire et la collectivité propriétaire, cette dernière ne reste
maîtresse de l’utilisation que dans la mesure où cette utilisation n’est pas contraire à
l’affectation.
● Le domaine public peut être utilisé par un concessionnaire de service public. Le
cas type est celui de la concession de chemin de fer. Il faut remarquer que si à l’origine
on estimait que le concessionnaire n’avait que des droits précaires et révocables, ceux-ci
ont peu à peu été affermis. Envers les tiers, le concessionnaire possède des actions
possessoires : le concessionnaire peut retirer du bien tous les profits compatibles avec
l’affectation enfin, au cas où l’administration mettrait fin à l’affectation, le concession-
naire peut obtenir une indemnisation.
● Les autorités de police ont l’obligation juridique de permettre aux usagers l’uti-
1re P A R T I E – L E D O M A I N E - 55
charges publiques (ex. : CE, 11 juin 1984, Port autonome de Marseille, AJDA 1984,
p. 706). Mais dans certains cas, le Conseil d’État a aussi estimé que les pouvoirs publics
restés passifs devant une action de blocage de ports ont commis une faute lourde de
nature à engager la responsabilité de l’État (CE, 15 juin 1987, Sté navale chargeurs
Delmas-Vieljeux, RFDA 1988, p. 518).
§ 2 - L’ UTILISATION DU DOMAINE
AFFECTÉ À L ’ USAGE DU PUBLIC
C’est à propos de l’utilisation du domaine affecté à l’usage du public et particulièrement
du domaine public naturel que la jurisprudence a explicité que l’administration doit
assurer l’utilisation normale du domaine et qu’elle était tenue d’engager des poursuites
justifiées s’il y avait atteinte à l’affectation du domaine (CE, 27 mai 1977, Victor
Delforge, p. 253).
Mais c’est aussi à propos de cette utilisation que l’on ressent tout particulièrement
l’évolution des conceptions relatives au domaine public. Le domaine public a long-
temps été considéré comme un ensemble de biens que l’administration a seulement
pour obligation de mettre à la disposition des usagers sans avoir à organiser cette
utilisation du domaine public, sans pouvoir l’orienter vers une meilleure exploitation
économique. Il en découle une sorte de devoir de neutralité, d’abstention des autorités
détentrices du domaine, dont la compétence se restreint à des compétences de police.
Cette conception a sensiblement évolué. On a reconnu à l’administration, par le biais
de ses compétences domaniales, des droits d’intervention d’un caractère nouveau. Le
domaine public est apparu, plus qu’il n’était autrefois, comme une richesse de l’ad-
ministration. Les personnes publiques peuvent et doivent se préoccuper de sa
meilleure utilisation dans l’intérêt général.
Diverses classifications peuvent être faites à propos de l’utilisation du domaine public :
● Le domaine public peut être l’objet d’utilisations communes ou d’utilisations
privatives. L’utilisation commune est celle qui est réalisée collectivement et anony-
mement par le public (circulation et stationnement sur les voies publiques) ; l’utilisa-
tion privative comporte l’utilisation d’une partie du domaine public par des usagers
individuellement identifiés et qui possèdent un titre juridique (terrasse de café, sépul-
ture dans un cimetière).
● Le domaine public peut être utilisé de façon normale ou anormale. L’utilisation
normale du domaine public est celle qui est directement en rapport avec l’affectation
même du bien (circulation sur la voie publique) ; l’utilisation anormale du domaine
public est l’utilisation qui n’est pas directement en rapport avec l’affectation du bien
mais qui est toutefois compatible avec elle (terrasses de café installées sur la voie
publique qui est destinée à la circulation).
● Si l’on tente de faire une classification des différentes portions du domaine public,
on constate que certaines d’entre elles sont affectées par nature à l’utilisation collective
du public (voirie publique) alors que d’autres sont affectées à l’utilisation privative
(ex. stalles dans les halles et marchés). Mais comme on vient de le préciser, il est
possible que même le domaine affecté à l’usage collectif soit utilisé privativement ;
l’utilisation sera cependant compatible avec l’affectation (terrasses de café).
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vant dans la même situation doivent être traitées de manière identique (CE, 2 nov.
1956, Biberon, p. 403).
Des situations de faits différentes peuvent certes justifier des discriminations dont
l’appréciation est délicate. Mais la jurisprudence est restée longtemps très sévère,
n’admettant pas p. ex. les stationnements réservés au profit de certains usagers (même
pas les services publics).
● La gratuité de l’utilisation : l’abolition des péages a été réalisée progressivement et
la gratuité d’utilisation du domaine constitue aujourd’hui la condition la plus impor-
tante de la liberté d’utilisation. Toutefois ce principe n’a jamais eu un caractère absolu
(taxe pour l’accès aux musées, bacs). Par ailleurs, l’application de l’idée d’une utilisation
économique du domaine par l’administration ainsi que l’extension de la circulation
automobile ont eu pour effet de réinstituer très largement le système du péage.
(Autoroutes : les péages sont considérés comme des taxes. T. confl. Mlle Ruban, 28 juin
1965, p. 816.) Le Conseil d’État a pris une position différente en voyant dans le péage
une redevance, c’est-à-dire la somme d’argent demandée à l’usager en contrepartie
du service rendu (CE, 13 mai 1977, Sté Cofiroute, p. 219). Dans l’importante affaire
Tête (second arrêt dans cette affaire) à propos de la réalisation du tronçon nord du
boulevard périphérique de Lyon, le Conseil d’État a de nouveau confirmé que les
péages sur une voirie routière ne sont pas des impositions, mais des redevances pour
service rendu (CE, 28 juillet 2000, RFDA 2001, p. 126).
● En ce qui concerne les plages, la loi du 3 janvier 1986 (art. 30) prévoit que « l’usage
58 - D R O I T A D M I N I S T R A T I F D E S B I E N S
circulation sont de plus en plus nombreuses. Il arrive même que certaines zones
soient interdites à certains véhicules (ainsi dans la zone verte de Paris de 13 heures
à 19 heures). La loi permet aujourd’hui de limiter la liberté de circulation. La loi
du 18 juin 1966 dispose que la mairie peut, par arrêté motivé, eu égard aux
nécessités de la circulation « interdire à certaines heures l’accès de certaines voies
de l’agglomération ou réserver cet accès à certaines heures, à diverses catégories
d’usagers ou de véhicules » ; des emplacements peuvent aussi être réservés pour
faciliter la circulation et le stationnement des transports en commun et des taxis,
ainsi qu’en faveur des grands invalides ou handicapés. Évidemment, les plus atteints
sont les poids lourds.
On a aussi pris l’habitude, dans de nombreuses communes de réserver des rues à
certains jours, à certaines heures pour des manifestations ou des activités très
variées : marchés, spectacles, rues piétonnes à certaines heures. C’est d’ailleurs le
développement considérable de l’institution permanente de rues piétonnes ou de
secteurs piétons dans les villes qui devient la norme. À Paris, le secteur piéton
autour du centre Georges-Pompidou est très étendu. Si autrefois le Conseil d’État
était très réservé à l’égard de ces « rues piétonnes » il n’en va plus du tout de
même de nos jours (CE S., 8 déc. 1972, Ville de Dieppe, AJDA 1972, p. 28).
Pour le juge administratif il faut que les mesures de police respectent et aient pour
objet « la commodité et la sécurité de la circulation ». Mais dans des jurisprudences
plus récentes, le juge se réfère aussi à la notion « meilleures conditions d’agrément ».
Le juge a même admis plus récemment qu’une réglementation peut dans une
certaine mesure porter atteinte aux droits des propriétaires riverains à condition
toutefois que les atteintes ne soient pas excessives (CE, 3 juin 1994, Cne de
Coulommiers, p. 288).
Dans certains cas le Conseil d’État s’appuie aussi sur la notion de tranquillité.
Parfois il est interdit de circuler la nuit ou certaines nuits dans certaines rues qui
comportent de nombreux hôtels de tourisme (CE, 9 juin 1976, Ville de Menton,
p. 7911). L’exercice d’activités commerciales peut-être réglementé (par ex. ventes
ambulantes, CE, 25 janv. 1980, Gadiaga, p. 44).
Une autre préoccupation devient déterminante dans les grandes cités depuis quel-
ques années. Cette préoccupation est d’éviter la pollution de l’air, de permettre aux
habitants de respirer un « air sain ». Toute une série de mesures vont alors limiter
la circulation (jours sans voitures, jours pairs, impairs, mesures pour favoriser les
transports en commun)...
(Restrictions en ce qui concerne d’autres dépendances du domaine public :
Le domaine public maritime : Si les mesures restrictives sont moins importantes,
Dossier : 203215 Fichier : Biens Date : 22/3/2007 Heure : 7 : 48 Page : 65
1re P A R T I E – L E D O M A I N E - 59
elles existent néanmoins. Ainsi, dans un arrêt important, le Conseil d’État a-t-il
reconnu que l’autorité gouvernementale pouvait imposer un pilote professionnel
pour l’entrée dans le port de certains bateaux [CE, 2 juin 1972, Féd. fçse des Syndicats
professionnels des pilotes maritimes, AJDA 1972, p. 647]. On prend en compte ici
« des raisons impérieuses se rattachant aux nécessités de l’utilisation du domaine
ou de la sécurité publique ». V. aussi CE, 13 nov. 2002, Cne de Ramatuelle, AJDA
2003, p. 337 : lorsqu’un espace est identifié comme un espace remarquable ou
caractéristique du patrimoine, la loi « littoral » en prescrit l’inconstructibilité à
l’exception « d’aménagements légers ». Comme l’indique M. Hostiou, le décret du
29 mars 2004 n’apporte « que des modifications à la marge des règles de la loi
littoral ». La question qu’il pose est de savoir s’il faut y voir un aménagement
raisonnable de ces règles ou un premier pas vers une plus large remise en cause de
celles-ci (Hostiou, art. AJDA 2005, p. 370 et s.) (notion d’espace « remarquable »,
notion d’aménagement « léger »).
En ce qui concerne le domaine public fluvial, la liberté de navigation peut subir
des restrictions pour des raisons de sécurité [p. ex. navigation de plaisance sur les
canaux entravant les bateliers professionnels]. La pêche est exploitée au nom de
l’État. Le droit s’exerce par voie d’adjudication. L’établissement public « Voies
navigables de France » qui gère le domaine public fluvial peut percevoir des taxes
[CE S., 6 mars 2002, Mmes Triboulet et Brosset-Potpisil, sur l’obligation de remettre
les lieux en l’état].) (Sur la liberté de navigation et responsabilité sur le domaine
public fluvial v. art de Matthieu Fau-Nougaret, AJDA 2005, p. 1990 et s.)
● Le problème du stationnement est l’un des problèmes les plus délicats qui soient.
60 - D R O I T A D M I N I S T R A T I F D E S B I E N S
et Robin). Toutefois, le stationnement ne doit pas porter atteinte au libre accès aux
immeubles riverains (CE, 26 mai 1975, Juillard, RDP, 1977, p. 243) et doit être
distingué d’un simple « arrêt » qui doit être plus largement admis. Mais le Conseil
d’État, laisse, semble-t-il un large pouvoir d’appréciation à l’administration (ex. :
CE, 30 oct. 1996, Sté Henri-Henmann, RFDA 1996, p. 1263).
Le stationnement payant constitue un bouleversement fondamental du système
du stationnement depuis quelques décennies. Mais la multiplication des voitures,
la rareté des places de stationnement, la nécessité d’assurer une rotation des
« stationnements automobiles » ont peu à peu conduit à multiplier, probablement
à l’excès, les stationnements payants. Contrairement aux péages autoroutiers ou
aux péages pour les ouvrages d’art, il ne s’agit pas de récolter de l’argent (encore
que cette préoccupation ne soit pas totalement absente) mais d’assurer la commo-
dité de la circulation et du stationnement.
Le stationnement payant est déterminé par le maire après délibération du conseil
municipal. Le nouveau projet de loi sur l’habitat et les transports prévoit que le
stationnement payant échappera à la compétence du maire.
C’est à partir de 1928 que la création de stationnements payants a été admise. Le
Conseil d’État s’était référé à l’idée de « stationnement excédant l’usage normal du
domaine public » (CE, 16 mai 1928, Laurens, p. 645, D. 1928.3.65) Peu à peu, on
est passé des stationnements payants sur des « emplacements réservés » au station-
nement payant le long des voies publiques (CE, 26 février 1969, Féd. nat. des clubs
automobiles de France, p. 121, AJDA 1969, p. 706). Le Conseil d’État se réfère encore
nettement à l’idée d’un stationnement excédant l’usage normal des voies publiques
mais aussi aux « exigences de la circulation ».
Plus récemment, on a créé des parcs de stationnement, soit en surface, mais
souvent aussi souterrains dont l’aménagement requiert des investissements finan-
ciers considérables. L’aménagement et l’exploitation sont alors confiés à des conces-
sionnaires, qui tenteront d’en tirer des avantages financiers (CE, 26 févr. 1969,
Chabrot, p. 120, AJDA 1969, p. 318).
Théoriquement, le stationnement ne devrait être payant que lorsque l’institution
d’une redevance s’avère réellement nécessaire pour permettre la fluidité de la
circulation et des arrêts. Mais la réalité est bien différente. Certes, dans les petites
communes où aucun problème réel de stationnement ne se pose, des stationne-
ments payants ne pourront pas être institués. Dans les villes importantes, si
théoriquement il faudrait toujours laisser une partie de stationnements gratuits le
long des voies publiques, cette possibilité est de moins en moins réalisée. Comme
le fait remarquer très justement M. Chapus « il ne paraît pas exagéré de dire (à la
lumière des arrêts) qu’il y a usage anormal de la voie publique dès lors que le
stationnement des uns empêche celui des autres ». On sait que dans toutes les
grandes villes de France, la quasi-totalité des stationnements du centre-ville, et à
l’approche du centre ville, sont payants.
Est-il possible de faire des tarifs différenciés suivant les catégories d’usagers ? En
principe il faudrait tenir compte uniquement des « différences de situation ». Mais
les jurisprudences ne sont pas toujours très nettes. La chambre criminelle de la
Cour de cassation (16 juin 1993, JCP 1994.II.22303) et le Conseil d’État (4 mai
1994, Ville de Toulon, p. 121) ont jugé légale l’institution par un arrêté municipal
d’un forfait mensuel de péage au profit des seuls résidents d’une zone de sta-
tionnement payant. Mais la cour d’appel de Grenoble (3 oct. 1997, Prudhomme,
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1re P A R T I E – L E D O M A I N E - 61
D. 1999, p. 60) a considéré comme illégal, le tarif réduit offert aux seuls « résidents »
domiciliés dans la zone.
Ajoutons que ces stationnements payants, dans la mesure où ils ne relèvent pas des
pouvoirs de police de la seule compétence de l’autorité publique, peuvent faire
l’objet de contrats de délégation de service public, qu’il s’agisse de stationnement sur
la voie publique ou de stationnement dans les parcs publics. La jurisprudence a
progressivement précisé le régime juridique de ces délégations tant en ce qui
concerne la formation que l’exécution du contrat (v. article Muriel Dreifuss, AJDA
2001, p. 129). Ex. : CAA Paris 13 juin 2006, Cne d’Asnières-sur-Seine, AJDA 2006,
p. 1844 et s. ; contrôle du juge sur une délégation de service public pour un ouvrage
public de stationnement.
62 - D R O I T A D M I N I S T R A T I F D E S B I E N S
qu’elle délivre. L’autorisation accordée est assortie d’un véritable cahier de charges
transformant l’entrepreneur en « service public » et même en une sorte de conces-
sionnaire de service public. Cette jurisprudence, inaugurée à propos des entreprises
de transport en commun fut étendue ensuite à d’autres domaines (à propos d’une
entreprise de remorquage dans un port CE, Cie maritime de l’Afrique orientale,
5 mai 1994, p. 129 ; v. aussi CE, 2 juin 1972, Féd. fçse des Syndicats professionnels
de pilotes maritimes, p. 407).
Ces jurisprudences ne font pas obstacle, à moins que les nécessités du fonctionne-
ment l’exigent, au respect du principe d’égalité de traitement (à propos des diffé-
rents usagers d’armement dans un port, CAA Nantes, 28 juin 2002, Sté Vedette,
AJDA 2002, p. 908).
● La nature très particulière de certaines dépendances domaniales a aussi eu pour
lorsqu’elles sont concédées), la loi du 18 avril 1955 avait introduit à titre « exception-
nel » les péages sur les autoroutes. Ce sont les premières concessions d’autoroutes
qui ont amené le législateur à prendre cette position. On pensait à l’époque que le
recours à la concession resterait exceptionnel. En réalité, peu à peu, ce qui était
exceptionnel est devenu la norme, et la majorité des autoroutes sont aujourd’hui
des autoroutes confiées à des concessionnaires, avec institution de péages, d’ailleurs
fort élevées, même si des mesures de péréquation sont prévues. Un décret du 12 mai
1970 a permis d’accorder des concessions à de véritables sociétés privées, qui se
rémunéreront sur les péages. Sur les près de 8 000 km d’autoroutes existant en
France, aujourd’hui la plus grande partie sont des autoroutes à péage. La variation
des prix du péage selon l’intensité du trafic à tel ou tel moment, n’est pas discrimina-
toire (CE, 28 févr. 1996, FO Consomm., RFDA 1996, p. 406).
● À coté des péages sur les autoroutes, il existe des possibilités de péage sur certains
ouvrages d’art. Pour le pont de Tancarville, une loi du 17 mai 1951 avait prévu la
création d’un passage sur ce pont. Mais la loi du 12 juillet 1979 relative à certains
ouvrages reliant des voies nationales ou départementales, et qui avait justement été
soumis au Conseil constitutionnel, a permis d’institutionnaliser des péages pour
certains ouvrages faisant partie de la voirie : il s’agit en particulier de certains ponts,
de bacs routiers, et de tunnels. Cette loi doit être interprétée de façon restrictive,
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1re P A R T I E – L E D O M A I N E - 63
de la voie publique (pont) car on est présence d’un service public administratif
(CE, 2 oct. 1985, Jeisson, AJDA 1986, p. 40).
● De façon accessoire s’est posé aussi le problème de la liberté de manifestation :
64 - D R O I T A D M I N I S T R A T I F D E S B I E N S
contrôler les personnes qui veulent déambuler dans l’espace clos » (Rép. min. 3560,
Q JOAN, 15 nov. 1999, p. 6603).
Conclusion : L’usage des édifices du culte. Le culte n’est plus, depuis 1905, un
service public mais les lieux du culte sont affectés depuis la loi du 2 janvier 1907 à
l’exercice du culte. Les édifices construits avant 1905 sont mis à la disposition des
fidèles, et des ministres du culte. L’administration doit respecter cette affectation.
Les ministres du culte disposent d’un certain pouvoir de réglementation intérieure.
Même si le culte n’y est plus célébré, une église ne peut être désaffectée sans l’accord
des autorités religieuses, ni tacitement. La convention par laquelle la commune met
cet édifice religieux à la disposition d’une association porte atteinte aux droits du
clergé affectataire (TA Bordeaux, 20 déc. 2002, M. Savary, AJDA 2003, p. 390).
Par ailleurs, malgré la séparation de l’Église et de l’État, le juge prend en compte,
pour déterminer quel ecclésiastique peut y célébrer l’office, « l’institution ecclé-
siale » telle qu’elle se présente à lui (à propos des occupations d’églises, v. en
particulier article Vandermeeren, AJDA 2003, p. 427 et s.).
Toutefois, les églises qui étaient des biens privés avant 1905, même si elles ont été
cédées ultérieurement à une collectivité locale qui les loue à une association pour
célébrer le culte, ne constituent pas des biens du domaine public (CE, 19 oct. 1990,
Assoc. Saint Pie V et Saint Pie X, AJDA 1991, p. 46). Une commune ne peut instituer
des visites payantes qu’avec l’accord du desservant (CE, 4 nov. 1994, Abbé Chalu-
mey, RFDA 1995, p. 992).
La liberté du culte, qui a le caractère d’une liberté fondamentale, inclut la libre
disposition des biens nécessaires à l’exercice d’un culte. Ainsi, un maire commet
une illégalité manifeste en autorisant une manifestation dans un édifice affecté à
l’exercice d’un culte sans l’accord du prêtre chargé d’en régler l’usage (CE, Ord.
réf., 25 août 2005, Cne de Massat, AJDA 2006, p. 91).
En ce qui concerne les donations faites à une église : TA Grenoble 26 oct. 2005,
Féd. Isère…, AJDA 2006, p. 199.
Le Code général de la propriété des personnes publiques comporte une disposition
originale (art. L. 2124-31) qui a pour objet de permettre le développement dans les
lieux du culte d’activités compatibles avec leur destination cultuelle. Il y a obligation
d’obtenir l’accord de l’affectataire de l’édifice (v. art. C.-H. Lavialle, RFDA 2006,
p. 949 et s.).
Le nouveau Code confirme la possibilité « conformément à une pratique ancienne et
constante de l’utilisation du bail emphythéotique pour la réalisation d’édifices du
culte ouverts au public par une association cultuelle » (rapport au président de la
République).
B. Les utilisations privatives du domaine public
On entend par utilisation privative les utilisations faites par des personnes à titre
individuel, utilisation qui résulte d’un titre obtenu de la part de l’administration. Cette
utilisation ne bénéficie donc pas du même régime de liberté que l’utilisation collective ;
elle n’est jamais gratuite ; du fait du caractère privatif, la règle de l’égalité n’est pas
respectée. Il faut toutefois faire une distinction importante à l’intérieur de ces utilisa-
tions privatives : lorsque l’utilisation privative a lieu sur une dépendance du domaine
affecté à l’usage public, l’utilisation privative présente un caractère anormal ; les
pouvoirs de l’administration seront très importants, les droits du bénéficiaire réduits ;
lorsqu’au contraire l’utilisation privative a lieu sur une dépendance du domaine affecté
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1re P A R T I E – L E D O M A I N E - 65
tinée à créer le titre juridique de l’usager ; cette intervention peut se faire soit sous
forme d’une autorisation (permission de voirie) soit sous forme d’un contrat (conces-
sion de voirie) qui pourra d’ailleurs être le complément d’une concession de service
public. Une concession domaniale peut même être requalifiée éventuellement de
« délégation de service public » (Olivier Rousset, art. RFDA 2002, 9 1059). En dehors
de la voirie, des permissions et des contrats peuvent permettre une installation (p. ex.
installation d’une librairie dans des locaux situés à l’intérieur du jardin des plantes à
Paris : CE, 23 juin 1986, Thomas, AJDA 1986, p. 598), ou sur le domaine public affecté
aux Universités (CE, 10 mars 1996, p. 186). Ces contrats, comme tous les contrats
comportant occupation du domaine public, ont un caractère administratif en vertu
du décret du 17 juin 1938 (CE, 12 mars 1987, Nivose, AJDA 1987, p. 548). Lorsque
des conventions d’occupation du domaine public sont passées, il est parfois très difficile
de déterminer la nature de la convention. (Ex. : un contrat confiait une mission
d’intérêt général d’animation culturelle à une société. Ce contrat portait occupation
du domaine public ; la société pouvait user de prérogatives de puissance publique pour
la gestion du domaine public ; la rémunération est assurée par des redevances payées
par les locataires. On est bien en présence d’une concession de service public ; CE,
11 déc. 2000, Mme Agofroy, AJDA 2001, p. 193, p. 62.) Ce problème n’est certes pas
limité à ce type de conventions et se pose de plus en plus en droit public. Très souvent
on doit se poser la question : est-on, oui ou non en présence d’une « délégation de
service publics » ? On sait que c’est là un des grands problèmes actuels du droit
administratif des contrats. Il se pose aussi sur le domaine public (CE, 12 mars 1999,
Ville de Paris c/ Sté Stella Maillot Orée du Bois, AJDA 1999, p. 439). La ville de Paris
avait voulu conclure avec la Sté Stella un contrat comportant occupation du domaine
public, pour l’exploitation du café-restaurant « L’Orée du Bois ». Le magistrat délégué
du TA avait suspendu, sur demande d’un tiers, la procédure de passation et le juge du
fond avait estimé qu’on était en présence d’une délégation de service public exigeant
le respect des procédures spécifiques. Pour le Conseil d’État « si l’activité du restaurant
à l’Orée du Bois contribue à l’accueil des touristes dans la capitale et concourt ainsi
au rayonnement et au développement de son attrait touristique, cette seule circons-
tance, compte tenu des modalités d’exploitation de l’établissement et de son intérêt
propre, ne suffit pas à lui conférer le caractère d’un service public ».
● Les autorités administratives compétentes pour délivrer la permission ou la
concession sont variables : s’agit-il d’une modification de l’assiette du sol (pompes à
essences, pose de canalisations) c’est l’autorité propriétaire qui est compétente ; dans
le cas d’une occupation sans emprise (terrasse de café, cabines de bains) la compétence
appartient à l’autorité qui a la police de la circulation (permis de stationnement), à
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moins que l’occupation ne soit permanente (CE, 20 janv. 1989, SARL Ammis club,
RDP, 1989, p. 1521). Font partie du domaine public départemental, la voirie dépar-
tementale même dans la traversée des agglomérations. Seul le président du Conseil
général et non le maire, est compétent pour délivrer des permissions de voirie en vue
de l’installation de mobiliers urbains (TA Montpellier, 21 janv. 1998, Rev. gén. coll.
terr. 1998, p. 76-83).
Même les décisions prises éventuellement par un particulier et relatives à l’occupation
du domaine public (en l’espèce organisateur privé d’une brocante sur le domaine public,
TA Versailles, M. Milliot, AJDA 2003, p. 1106) sont des actes administratifs. Il faut par
ailleurs préciser, à propos d’implantations d’ouvrages par des opérateurs de télécom, que
le pouvoir réglementaire ne peut légalement instituer un régime d’autorisation tacite
d’occupation du domaine public, qui fait obstacle à ce que soient précisées les différentes
prescriptions d’implantation et d’exploitation nécessaires à la circulation et à la conser-
vation du domaine (CE, 21 mars 2003, Synd. intercommunal, AJDA 2003, p. 1935).
Selon l’Assemblée générale du Conseil d’État (avis consultatif) (21 mars 2003, Synd.
intercommunal, EDCE 2004, p. 95) l’impératif d’ordre constitutionnel de protection du
domaine public s’oppose à ce que fut institué, même par la loi, un régime d’autorisation
tacite en matière de permissions de voirie qui ferait notamment obstacle à ce que soient,
le cas échéant, précisées les prescriptions d’implantation et d’exploitation nécessaires à
la circulation publique et à la conservation de la voirie. Mais le juge annule évidemment
les autorisations d’occupation du domaine public incompatibles avec l’intérêt général
(CAA Nancy 24 juin 2004, Cne de Chantrain, AJDA 2004, p. 1722).
Sur les contrats de partenariat public-privé, v. p. 73.
● L’occupant sans titre d’une dépendance du domaine public peut être expulsé (CE,
10 oct. 1986, Sté Nautique de Fos s/ Mer, RDP, 1987, p. 821). Déjà avant, mais surtout
depuis la décision du Tribunal des conflits du 24 septembre 2001 Sté B Diffusion (AJDA
2002, p. 445 et s., note Jean Dufau) « les litiges nés de l’occupation sans titre du
domaine public, que celle-ci résulte de l’absence de tout titre d’occupation ou de
l’expiration pour quelque cause que ce soit du titre précédemment détenu » relèvent
du seul juge administratif (T. confl. 24 sept. 2001, Sté BE Diffusion c/ RATP). Le principe
comporte cependant deux séries d’exceptions : le juge judiciaire demeure compétent
soit par application « de dispositions législatives spéciales » (p. ex. en matière de voirie
routière, CE, 14 juin 1972, Eidel, p. 442) soit « dans le cas “de voie de fait ou dans
celui où s’élève une contestation sérieuse en matière de propriété” ». Lorsque l’expul-
sion est ordonnée par le juge administratif celui-ci pourra condamner l’occupant
récalcitrant à une astreinte et même permettre à l’administration de recourir à l’exé-
cution forcée. En cas d’urgence, mais seulement dans ce cas (CE, 23 juin 1986, Muséum
national d’histoire naturelle, AJDA 1986, p. 599 ; absence d’urgence à expulser l’occu-
pant sans titre d’un local à usage de librairie du muséum), l’expulsion peut être
demandée par référé (CE, 15 févr. 1989, Port autonome de Dunkerque, RDP, 1989,
p. 1493). Dans la même affaire du Muséum, le Conseil d’État estime que le juge
administratif doit faire droit à une demande d’expulsion d’un occupant sans titre du
domaine public (en dehors du référé) et que le muséum peut même réclamer des
dommages-intérêts (CE, 13 févr. 1991, Thomas, RFDA 1991, p. 367).
Autres exemples de référés : expulsion par voie de référé de personnes occupant un
bien sans titre ; astreinte possible ; expulsion sans qu’il soit nécessaire de désigner
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redevance ont été très discutés. On admet aujourd’hui qu’il s’agit d’une taxe. Elle ne
peut résulter que d’un tarif préétabli. Elle peut varier selon l’emplacement et la nature
de l’activité exercée. Dans le cas de la concession de voirie, le tarif peut être établi par
le moyen d’une stipulation contractuelle. Mais dans les deux hypothèses, la redevance
peut faire l’objet d’une révision unilatérale. Le contentieux est généralement de la
compétence du juge administratif (CE, 5 mai 1993, Cne de Montrouge ; T. confl. 20 oct.
1997, SA Papeteries Ètienne c/ Voies navigables de France, RFDA 1998, p. 452, no 3). Le
concessionnaire d’une autoroute doit payer une redevance annuelle pour l’occupation
du domaine public (CE, 28 juill. 1999, Cie fin. et ind. des autoroutes, req. 189412).
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Il en résulte notamment que le droit réel est constitué aussi bien lorsqu’il s’agit des
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72 - D R O I T A D M I N I S T R A T I F D E S B I E N S
programmation pour la sécurité intérieure, qui amende le Code général des col-
lectivités territoriales et le Code du domaine de l’État, afin de faciliter la construc-
tion de bâtiments à construire pour les besoins de la justice, de la police ou de la
gendarmerie nationale. Il s’agit de permettre l’utilisation de la location avec option
d’achat pour les immeubles réalisés sur le domaine public par les bénéficiaires
d’autorisations temporaires, d’autoriser en la matière la technique du crédit-bail et
d’étendre les possibilités d’utilisation de la technique du bail emphythéotique par
les collectivités locales. Le Conseil constitutionnel a estimé (22 août 2002) que la
loi apporte à la sauvegarde des propriétés publiques des garanties suffisantes mais
il ne faut pas que les prérogatives du crédit-bailleur soient incompatibles avec le
bon fonctionnement du service public.
● Le Conseil d’État dans un important avis du 31 janvier 1995 (AJDA 1997,
p. 126 et s.) a estimé que le titulaire d’une occupation temporaire sur le domaine
public de l’État possède un droit réel sur les ouvrages, constructions et installations
de caractère immobilier qu’il réalise. Il est même titulaire de droits réels sur les
immeubles à usage de bureau que le gestionnaire l’autoriserait à construire. Il peut
réaliser des ouvrages qui par voie de bail sont mis à la disposition de la personne
gestionnaire du domaine de l’État. Le problème de la propriété des biens construits
est complexe (v. CE, 21 avr. 1997, Min. du Budget c/ Sté Sagifa, et note de Fatome
et Terneyre, RFDA 1997, p. 935 et s., CA, 27 févr. 1998, Secrét. d’État à la Mer
c/ M. Torre, RFDA 1996, p. 1127-1130).
(En ce qui concerne les ports, la possibilité de constituer des droits réels a finalement
été étendue même aux communes, qui pourront constituer des droits réels sur les
ports qui dépendent d’elles [loi 27 févr. 2002, décret 30 oct. 2003].)
1. COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Une innovation importante est apportée par le Code. Les collectivités locales pourront
disposer, à côté des « baux emphythéotiques », d’un dispositif adapté d’autorisations
d’occupation constitutives de droits réels sur leur propre domaine inspiré de celui
accordé à l’État par la loi du 25 juillet 1994 (v. ci-dessous) (art. L. 2122-20 du Code).
Il s’agit d’une ouverture importante qui répond aux besoins des collectivités territoriales.
Toutefois il y a une certaine complexification du doit. Il n’y a pas unification des droits
réels de l’État et des collectivités publiques, mais maintien de l’existant avec possibilité
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1re P A R T I E – L E D O M A I N E - 73
aux collectivités locales de recourir au mécanisme prévu par l’État. Il existe par ailleurs
des différences dans le régime d’ouverture de ces droits réels. Pour les collectivités locales,
le droit est limité à l’accomplissement d’une mission de service public ou d’une mission,
d’intérêt général ce qui n’est pas le cas pour l’État. Le crédit-bail est possible sans
limitation pour les collectivités locales, pas pour l’État. De plus la délivrance de droits
réels ne constitue pour les collectivités locales qu’une simple faculté, alors que pour
l’État la délivrance de droits réels est systématique sauf prescription contraire du titre.
Il en résulte des différences substantielles.
On peut remarquer aussi que le Code n’évoque pas les contrats de partenariat
public-privé régis par l’ordonnance du 17 juin 2004. Selon celle-ci « lorsque le contrat
emporte occupation du domaine public, il vaut autorisation d’occupation de ce domaine
pour sa durée ». Signalons que le titulaire dispose (sauf stipulations contraires) de
droits réels sur les ouvrages et équipements. Ces droits lui confèrent les prérogatives et
obligations du propriétaire, « dans les conditions et les limites définies par les clauses
du contrat ayant pour objet de garantir l’intégrité et l’affectation du domaine public »
(art. 13 Ord. ; art. L. 1414-6 CGCT).
74 - D R O I T A D M I N I S T R A T I F D E S B I E N S
s’agit surtout de sécurité et salubrité publiques (ex. : poste de secours sur une plage)
ou lorsque l’occupation contribue à assurer la conservation du domaine (canalisation
d’égout ou d’eaux pluviales) ou la sécurité des usagers.
Mais le Code n’a pas saisi l’occasion pour donner une cohérence au système de
crédit-bail, se bornant à reprendre la loi de 1994 excluant toujours les ouvrages affectés
à un service public ou affectés directement à l’usage du public. Le système du crédit-bail
reste très complexe (v. art. Maugue et Bachelier op. cit., p. 1084).
Conclusion :
● Par ailleurs depuis quelques années, les concessions délivrées sur le domaine
public maritime ont pris une importance tout à fait particulière.
● Les plages naturelles sont en principe louées par l’État aux communes qui peuvent
les concéder à des plagistes. Mais le cahier des charges type impose certaines limites
à l’exploitation, v. aussi loi 27 févr. 2002. Les concessions de plages artificielles sont
soumises à des règles moins sévères pour le concessionnaire, mais il ne peut en aucun
cas obtenir la propriété des terrains. Quelle est la nature juridique des concessions
de plage ? Cette question est restée sans réponse très longtemps. Les concessions de
plage sont sans conteste des concessions domaniales. Dans un important arrêt du
21 juin 2001 (Sarl Plage « chez Joseph », RFDA 2000, p. 802) le Conseil d’État a en
outre admis qu’on est bien en présence d’une « délégation de service public ».
Il en va autrement des concessions d’endigage, contrat par lequel l’État autorise un
concessionnaire à effectuer des travaux pour soustraire les terrains à l’action des flots
et qui peut entraîner transfert de propriété au profit du concessionnaire. En effet, si
en principe la loi du 28 novembre 1963 prévoyait l’incorporation au domaine public
maritime de terrains « artificiellement soustraits à l’action des flots », elle prévoyait
toutefois la possibilité de dispositions contraires, permettant le transfert des terrains
exondés au profit du concessionnaire (CE, 13 oct. 1967, Cazeaux, p. 368). Cette
pratique a donné lieu à des abus considérables dénoncés par la Cour des comptes en
1973. Deux circulaires ministérielles des 3 janvier et 16 juillet 1973 et le décret du
3 janvier 1979 ont tenté d’y remédier. L’utilisation du domaine public maritime
doit être orientée fondamentalement vers la satisfaction des besoins collectifs.
Des concessions d’endigage doivent en principe être accordées sans transfert de
propriété et pour une durée limitée (CE, 18 nov. 1977, Sté Anon, Entr. J. Mar-
chand). Le Conseil d’État estime par ailleurs que les projets de ports de plaisance et
d’endigage devront être obligatoirement mentionnés dans le plan d’urbanisme (CE,
30 mars 1973, Min. Amén. territ. Schwetzoff, p. 269). La loi du 3 janvier 1986 prévoit
qu’en dehors des zones portuaires, il est en principe interdit de porter atteinte à l’état
naturel du rivage notamment pour endigage, assèchement, etc.) (sauf exception telle
que la réalisation d’ouvrages de sécurité, etc.). En principe ces dispositions ont pour
objet de rendre impossible les opérations immobilières réalisées sur le domaine
public maritime par le moyen de concessions d’endigage.
Deux nouveaux décrets ont vu le jour sur ce problème important.
Le décret du 29 mars 2004 simplifie la procédure de délivrance des concessions et
élargit le champ des concessions. Le décret cherche à trouver un équilibre entre
rationalité économique et protection de l’environnement. On l’a vu la notion d’es-
pace « remarquable », d’aménagement « léger »est précisé.
Le décret du 26 mai 2006 vient réglementer de façon stricte l’attribution de conces-
sions et de sous-concessions sur les plages appartenant au domaine public de l’État.
Le régime est nettement modernisé. La notion de plage est précisée, le décret partant
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1re P A R T I E – L E D O M A I N E - 75
du postulat que les plages font nécessairement partie du domaine public de l’État.
La nature juridique des concessions est clarifiée ; les règles sont articulées avec le
Code de l’urbanisme et le droit de l’environnement. Les concessions portent sur le
domaine public maritime. Les activités autorisées sont destinées « à répondre au
besoins du service public balnéaire ». Le maintien de l’usage libre et gratuit des plages
doit être assuré ; il y a des impératifs de préservation des paysages. La durée maxi-
male des contrats est de 12 années. Un minimum de 80 % (en linéaire et en surface)
doit rester libre de tout équipement et installation. Les équipements ou installa-
tions doivent être démontables et transportables. Les investissements réalisés par les
concessionnaires et sous-traitants sont sécurisés. D’autres règles, importantes, préci-
sent les modalités d’attribution, de résiliation.
l’objet d’une utilisation collective par les acheteurs, mais d’une utilisation privative par
les marchands (dans leurs stalles). La concession, généralement faite par la commune
propriétaire, est un contrat administratif. Au cas où par erreur, l’administration
contracte un bail commercial sur le domaine public, sa responsabilité peut être
éventuellement engagée. (Ex. : Bail commercial passé pour l’occupation d’un empla-
cement dans la halle centrale lyonnaise ; offre de continuer l’exploitation par un contrat
comportant occupation du domaine public moins favorable ; responsabilité de l’ad-
ministration CE, 6 déc. 1985, Mlle Boin-Favre, RFDA 1986, p. 393.) Les maires
possèdent d’importants pouvoirs pour réglementer les ventes ou exclure des mar-
chands. De nouveaux problèmes ont été posés par la création des marchés d’intérêt
national, problèmes qui dépassent le cadre de l’étude du domaine public.
● Cas des concessions funéraires dans les cimetières : particularité de ces contrats
76 - D R O I T A D M I N I S T R A T I F D E S B I E N S
1re P A R T I E – L E D O M A I N E - 77
Le domaine public est donc réellement investi par les règles de la concurrence
(v. art. Gérard Gonzalez, « Domaine public et droit de la concurrence », AJDA 1999,
p. 387 et s.). Les décisions du Conseil de la concurrence et de la cour d’appel de Paris
en la matière deviennent de plus en plus nombreuses (pour la répartition des compé-
tences v. aussi T. confl., Aérodrome de Paris, 18 oct. 1999, AJDA 1999, p. 996). Certes,
la légalité des actes administratifs d’occupation du domaine public ne peut être
appréciée que par le juge administratif mais, et c’est le cas p. ex. du choix par le
concessionnaire des loueurs de voitures, lorsque les chambres de commerce (ou
l’aéroport de Paris) donnent des autorisations d’accès au domaine public à des
entreprises concurrentes moyennant le versement d’une redevance, on est bien en
présence d’activités de services soumises au droit de la concurrence. Cette intervention
du Conseil de la concurrence et de la cour d’appel de Paris sera fondée soit sur renvoi
du juge administratif (v. plus haut), ou plus directement sur la théorie de l’acte
détachable. Les fondements juridiques sont parfois complexes, mais elles ont été
admises aussi par la Cour de cassation (CA Paris, 31 oct. 1991 Mme Parouty, D. 1992,
Jur. p. 312 ; Com., 5 mars 1996, Sté Total Réunion Comores et Sté Elf-Antar France,
Bull. Cass. no 76) v. aussi à propos d’accès aux hôtels dans la périphérie de l’Aéroport
de Paris : le Conseil de la concurrence enjoint à l’Aéroport de Paris de faire des
propositions sur le poids d’auvent des navettes.
Une personne morale de droit public ne peut accorder à une entreprise chargée d’un
service public de transport maritime, le monopole de l’utilisation des ouvrages por-
tuaires. Il lui appartient en revanche, dans des limites compatibles avec le respect des
règles de la concurrence et du principe de la liberté du commerce et de l’industrie,
d’apporter aux armements chargés du service public l’appui nécessaire, ce qui peut
inclure des facilités particulières pour l’utilisation du domaine public (CE 20 juin 2004,
Dép. de la Vendée, AJDA 2004, p. 2210). Toute autorité administrative détenant des
pouvoirs dont l’exercice est susceptible d’affecter des activités économiques doit veiller
au respect des règles de concurrence (confrontation au droit de l’urbanisme, CE 5 mars
2003, Immaldi et Cie, 30 juillet 2003, Caen Distribution, 17 décembre 2003, Cne
Nanterre, AJDA 2004, p. 1508).
L’application du droit de la concurrence par le juge ne touche pas seulement le
contentieux de l’annulation mais aussi le plein-contentieux (CAA Paris 4 déc. 2003,
Sté d’équip. de Tahiti…, AJDA p. 200 : responsabilité d’un opérateur public pour
méconnaissance des règles de la concurrence lorsqu’il accorde une autorisation d’oc-
cupation du domaine public) (sur la compétence du Conseil de la concurrence v. Civ.
1re 29 sept. 2004, EDF/SNIET, AJDA 2004, p. 2309).
On constate que si le Conseil d’État et le Conseil de la concurrence vont globalement
dans le même sens (CE S., 26 mars 1999, Sté EDA, AJDA 1999, p. 427, op. cit.) (BOCC,
12 mai 1999, p. 258, reproduite AJDA 1999, p. 534, note L. Richer), il y a toutefois
des différences d’appréciation. Certes le Conseil de la concurrence et la Cour d’appel
de Paris ne sont pas compétents pour annuler une autorisation d’occupation du
domaine public. Seul le juge administratif reste compétent. Toutefois pour le Conseil
d’État, agir par voie d’actes administratifs à propos de la gestion du domaine public,
ne constitue pas une activité de production, de distribution ou de service au sens de
l’ordonnance sur le droit de la concurrence (Ord. 1er déc. 1986). Les règles de la
concurrence s’appliquent néanmoins, mais uniquement parce que l’autorisation portait
sur des dépendances qui sont « le siège d’activités de production, de distribution ou
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78 - D R O I T A D M I N I S T R A T I F D E S B I E N S
1re P A R T I E – L E D O M A I N E - 79
> C HAPITRE V
LE RÉGIME JURIDIQUE DU DOMAINE PRIVÉ
Le domaine privé des collectivités publiques constitue une sorte de propriété ordi-
naire comme la propriété des particuliers. La doctrine s’est longtemps attachée à
montrer l’analogie du domaine privé et des biens des particuliers soumis au droit civil.
Mais si cette analogie est souvent réelle, on a pu démontrer que très souvent la réalité
est différente. Comme on l’a déjà vu (v. supra p. 23 et s.) M. Auby dans un célèbre
article (Études et Documents du Conseil d’État) de 1958 « Contribution à l’étude du
domaine privé de l’administration » a bien montré que la distinction du domaine
public affecté à l’intérêt général et du domaine privé dont l’intérêt serait purement
patrimonial, était exagérée. Des nombreuses activités sur le domaine privé « sont des
activités d’intérêt général ». Il en va ainsi et à titre d’exemple, des travaux publics
effectués sur le domaine privé ou la gestion de chemins ruraux qui pourtant font partie
du domaine privé de la loi. L’administration, en gérant son domaine privé, n’a pas
seulement des préoccupations d’intérêt financier. Aussi M. Auby estime-t-il qu’au fond
le domaine privé est « un service public à gestion privée ». Cette analyse est très
certainement exacte dans son ensemble. Elle nous fait revenir à l’idée d’échelles de la
domanialité, et il faudra en tenir compte dans notre étude. Mais il reste qu’à l’heure
actuelle, même si elle est partiellement critiquable, la distinction de base reste celle du
domaine public et du domaine privé.
Pour définir le domaine privé, on peut dire qu’il s’agit de biens non-affectés essentielle-
ment à un service public ou à l’usage du public. Mais cette définition ne veut pas dire
que le public ne peut pas utiliser les biens du domaine privé. Rien n’empêche le public
d’aller en forêt et de s’y promener. Mais les forêts (du moins les plus grandes) font partie
du domaine privé car leur vocation essentielle n’est pas d’être utilisée par le public. De
même, de nombreux services publics peuvent être installés sur le domaine privé. Mais
les biens n’ont pas été aménagés dans le but de faire fonctionner le service public.
L’ordonnance du 19 août 2004 a autorisé le classement dans le domaine privé de certains
biens immobiliers de l’État (immeubles à usage de bureau, immeubles dans lesquels
sont effectués le contrôle technique des véhicules). Il s’agit de vendre, avant fin 2004,
une partie du patrimoine pour un montant de 500 millions d’euros. Ce texte n’est que
la première étape d’une modernisation importante du patrimoine domanial.
80 - D R O I T A D M I N I S T R A T I F D E S B I E N S
« l’échange », « les dons et legs » soumis éventuellement à des règles spécifiques. L’acqui-
sition des « successions en déshérence » et des « biens sans maître » est clarifiée.
2. LES MODES D’ACQUISITION EXORBITANTS DU DROIT COMMUN
● Les biens du domaine privé peuvent être acquis à titre gratuit (successions en
déshérence, biens vacants et sans maître, épaves terrestres et fluviales ou maritimes)
ou à titre onéreux, impliquant donc une contre-prestation de la part de la collectivité
publique (expropriation, réquisition, nationalisation).
Le nouveau Code fait référence aux acquisitions « selon des procédures de contrainte » :
nationalisation, expropriation, droits de préemption du Code de l’urbanisme et du Code
du patrimoine (art. L. 1112-1 et s. du CGPPP).
● Il faut remarquer enfin que la délimitation du domaine privé se fait par le moyen
du bornage.
B. Aliénation du domaine privé
En principe le domaine privé est aliénable et prescriptible. Mais la réalité est très
différente et il peut exister des aliénations interdites ou des aliénations soumises à des
procédures spéciales.
1. LES ALIÉNATIONS INTERDITES
Il faut tout d’abord se référer à l’art. 34 de la Constitution. L’art. 34 de la Constitution
de 1958 décide que la loi fixe les règles concernant « les transferts de propriété
d’entreprises du secteur public au secteur privé ». En clair, cela a pour conséquence
que le capital des entreprises publiques est certes aliénable, mais que cette aliénation
ne peut être faite que par le législateur ; si le législateur ne cède pas lui-même le capital
ou une partie du capital, au moins doit-il déterminer les modalités de cession.
Ce problème de l’aliénation du capital a été maintes fois soulevé. Ce sont toutes les
questions de la participation du personnel, des privatisations entières ou partielles,
l’instillation de capitaux extérieurs qui sont en jeu. Ce sont les lois des 2 juillet et
6 août 1986 ainsi que celle du 19 juillet 1993, qui tentent de résoudre les problèmes.
Selon ces lois, telles qu’elles sont interprétées par le Conseil constitutionnel, un acte
administratif est suffisant pour un transfert de propriété mais il faut que le prix de
cession soit conforme à celui fixé par la commission de privatisation.
D’autres aliénations sont plus ou moins interdites : tout d’abord les procédures d’aliéna-
tion forcée ne peuvent être utilisées à l’égard des biens, même du domaine privé de
l’administration. En effet, on sait qu’aucune mesure d’exécution forcée n’existe à l’égard
de l’administration. Mais les biens du domaine privé peuvent faire l’objet d’une expro-
priation pour cause d’utilité publique. Il faut aussi signaler que l’administration ne peut
jamais céder un bien, ni à titre gratuit, ni à un prix inférieur à la valeur du bien.
En dernier lieu, certaines aliénations de biens spécifiques ne peuvent se faire qu’au profit
de certaines personnes ou dans un but précis ; on peut citer en particulier les réserves
foncières et surtout les réserves qui ont été acquises par le Conservatoire du littoral.
2. LES ALIÉNATIONS SOUMISES À DES FORMALITÉS PARTICULIÈRES
Les biens du domaine privé ne peuvent être vendus qu’après intervention du Service des
domaines (aujourd’hui « France-domaine »). En ce qui concerne les biens appartenant
Dossier : 203215 Fichier : Biens Date : 22/3/2007 Heure : 7 : 48 Page : 87
1re P A R T I E – L E D O M A I N E - 81
domaines (aujourd’hui service France-domaine). Les ventes des biens des collectivités
locales sont décidées par l’autorité délibérante et réalisées par l’autorité exécutive.
82 - D R O I T A D M I N I S T R A T I F D E S B I E N S
s’exercer sur des parcelles appartenant à des personnes privées (CE 29 nov. 2004, Dpt
Alpes-Maritimes, AJDA 2005, p. 1006).
1re P A R T I E – L E D O M A I N E - 83
84 - D R O I T A D M I N I S T R A T I F D E S B I E N S
Rochettes, p. 606, RFDA 1995, p. 408) v. aussi CE, 3 juin 1998 Cne de Saint-Palais sur
Mer, de même la décision d’un département d’augmenter le loyer d’un logement loué à
un fonctionnaire de l’État (T. confl. 22 mai 1995, Punter, p. 718 D. 1995 IR, p. 197).
Toutes ces décisions, surtout les plus récentes, montrent la volonté du Tribunal des
conflits de maintenir la distinction entre actes détachables et actes non détachables.
En conclusion et selon l’expression de M. Chapus « le régime du contentieux du domaine
privé est l’un des plus tourmentés qui soient ».
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1re P A R T I E – L E D O M A I N E - 85
> C HAPITRE VI
CONCLUSION GÉNÉRALE
SUR LA DOMANIALITÉ PUBLIQUE
86 - D R O I T A D M I N I S T R A T I F D E S B I E N S
1re P A R T I E – L E D O M A I N E - 87
appartenant au domaine privé. 99 ans au plus, mais c’est déjà une éternité. C’est
surtout l’importante loi du 27 juillet 1994 qui confère aux titulaires d’une simple
autorisation temporaire d’occupation du domaine, le droit de posséder de véritables
droits réels, permettant l’indemnisation éventuelle du titulaire, la transmission, la
cession ou même la soumission à hypothèque de ces droits. Même des contrats de
crédit-bail peuvent être conclus.
Ce n’est pas encore la fin de l’inaliénabilité, d’autant plus que le Conseil constitu-
tionnel dans une décision du 21 juillet 1994 a annulé la possibilité de renouvellement
et que la loi limite l’application du texte au domaine de l’État et de ses établisse-
ments publics. Mais ne peut-on craindre que cette prétendue « modernisation » du
régime de la domanialité publique n’amène à terme une sorte d’abdication du régime
administratif ?
Sur le problème du régime du domaine public, le Code ouvre aussi de nouvelles
perspectives. L’inaliénabilité subsiste certes pour les biens du domaine public, mais les
possibilités de déclassement anticipé, la prise en compte plus large des « mutations
domaniales » la possibilité d’instituer des « servitudes conventionnelles », la possibilité pour
les collectivités territoriales de disposer à coté des baux emphythéotiques d’autorisation
d’occupation constitutives de droits réels sur leur propre domaine, et celle pour le titulaire
d’un droit d’occupation sur le domaine de l’État aussi bien sur la « superficie » que sur
« l’ouvrage » montrent bien que l’inaliénabilité prend une forme très différente de ce qu’elle
était à l’origine.
Plus largement, et le problème a déjà été soulevé, on assiste à une sorte de marchan-
disation du domaine public. Le droit du domaine public a longtemps été considéré
comme un droit de souveraineté exprimant la puissance publique et la majesté des
biens mis au service de la puissance publique, sans égal, ni rival. La « valorisation » du
domaine public est aujourd’hui chose faite, alors que traditionnellement domaine
public et entreprise privée n’étaient pas appelés à se rencontrer. On passe d’un domaine
public « espace marchand » à un domaine public « espace dominé par le marché »
(Catherine Mamontoff, Domaine public et entreprises privées, L’Harmattan 2003).
À cet égard d’ailleurs le CGPPP et les commentaires sur le texte sont très clairs : la
valorisation économique fait l’objet, on l’a déjà relevé, de nombreuses mesures (clarification
du régime des droits réels élargissement des possibilités offertes aux collectivités territoriales,
servitudes conventionnées). Le régime financier est précisé et en principe toute occupation
du domaine public doit faire l’objet d’une rémunération.
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D E U X I È M E P A R T I E
L’ EXPROPRIATION POUR
CAUSE D ’ UTILITÉ PUBLIQUE
ET LA RÉQUISITION
L’expropriation pour cause d’utilité publique est une opération administrative par
laquelle l’administration contraint un particulier à lui céder la propriété d’un
immeuble dont elle a besoin pour la réalisation d’un objet d’intérêt général. La
réquisition est un procédé qui permet à l’administration de se procurer la propriété
et l’usage de biens mobiliers, l’usage de biens immobiliers, les services d’entreprises
ou de personnes.
L’expropriation et la réquisition constituent évidemment des atteintes graves au droit
de propriété. Elles constituent l’une des manifestations les plus typiques de l’inégalité
entre l’administration, gardienne de l’intérêt général, et les particuliers, qui ne défen-
dent que leur intérêt privé.
Mais alors que l’expropriation est très fréquemment utilisée, la réquisition ne constitue
pas une pratique habituelle et n’est d’ailleurs possible que dans certaines situations
particulières.
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90 - D R O I T A D M I N I S T R A T I F D E S B I E N S
T ITRE I
L’expropriation
pour cause d’utilité publique
Le recours à l’expropriation, on l’a déjà signalé, est très fréquent. Il constitue aujour-
d’hui l’un des aspects essentiels de la politique foncière et d’urbanisme des collectivités
publiques.
e
2 P A R T I E – E X P R O P R I A T I O N E T R É Q U I S I T I O N - 91
92 - D R O I T A D M I N I S T R A T I F D E S B I E N S
> C HAPITRE I
LES CONDITIONS DU RECOURS
À L’EXPROPRIATION
e
2 P A R T I E – E X P R O P R I A T I O N E T R É Q U I S I T I O N - 93
§ 3 - L ES BUTS DE L ’ EXPROPRIATION
L’expropriation doit être justifiée par un motif d’utilité publique, c’est-à-dire, comme
l’affirme le Conseil d’État, d’intérêt général. Cette notion, très limitée au début du
XIXe siècle, s’est considérablement étendue, l’expropriation devenant un moyen d’ac-
tion normal et courant de l’État. Cette évolution résulte aussi bien de la législation
que de la jurisprudence.
Il en résulte que l’expropriation devient le mode normal et non plus exceptionnel
d’acquisitions de terrains auquel recourt l’administration pour mettre en œuvre ses
activités.
A. L’élargissement législatif
Le nombre de textes permettant le recours à l’expropriation est considérable. On citera,
à titre d’exemple, dans le domaine social, la loi du 7 février 1953 pour permettre
l’accession à la petite propriété, dans le domaine sportif, les lois de 1925, 1941, 1946
pour faciliter les installations d’éducation générale et sportive, dans le domaine
agricole, la loi du 23 mai 1943, pour permettre l’exploitation de terres mal exploitées,
dans le domaine de l’hygiène, la loi du 16 décembre 1964, relative à l’expropriation
destinée à éviter la pollution des eaux, dans le domaine de la construction et de
l’urbanisme, la loi relative à la disparition des bidonvilles (loi du 16 déc. 1964 et
12 juill. 1965) réalisations des opérations d’urbanisme telles que les zones à urbaniser
en priorité et à la rénovation urbaine (Déc. 31 mars 1958). Particulièrement importante
est la loi d’orientation foncière du 30 décembre 1967 qui a permis l’expropriation
pour constituer des réserves foncières (mod. par loi 18 juin 1985). Ce ne sont là que
quelques exemples dans un ensemble de textes complexes. On signalera encore le
récent décret du 17 oct. 1995 permettant l’expropriation en cas de risque de catastrophe
naturelle et la création d’un fonds de prévention permettant l’indemnisation (v. ci-
après).
B. L’élargissement jurisprudentiel
● Le Conseil d’État admet que l’expropriation est légale chaque fois que l’opération
est entreprise dans un but d’intérêt général. Or, la conception de l’intérêt général
devient de plus en plus large : besoins culturels d’une commune, installation d’un
musée, logement d’un secrétaire général de préfecture ou de personnels civils des
ateliers des aérodromes, construction d’une auberge de jeunesse, etc. Une commune
peut même poursuivre l’expropriation hors de son territoire (CE, 6 mars 1981, Assoc.
quartier de Chèvre morte, p. 125). Une expropriation peut avoir lieu pour satisfaire
l’intérêt d’une organisation internationale ou d’un État étranger (CE, 28 juin 1957,
Oribus, p. 428).
(Ex. récent : CE, 18 juin 2003, Assoc. fonc. urbaine : terrains ensablés Cap-Ferrat : le
fait que l’opération porte essentiellement sur des terrains appartenant à des associations
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qui auraient pu elles-mêmes réaliser une partie des travaux n’enlève pas le caractère
d’utilité publique à l’opération.)
(CE, 20 juillet 1971 p. 561 ; AJDA 1972, p. 227). Une expropriation avait été
poursuivie pour établir une déviation routière rendant plus aisée la circulation très
dense entre Sochaux et Montbéliard. Cette expropriation favorise en réalité essen-
tiellement les usines Peugeot. Pourtant le Conseil d’État admet la légalité de
l’expropriation, car « il est conforme à l’intérêt général de satisfaire à la fois les
besoins de la circulation publique et les exigences du développement d’un ensemble
industriel qui joue un rôle important dans l’économie régionale ». De même,
peut-on légalement créer un chemin propre à désenclaver une ferme de montagne
dans le cadre des programmes de maintien en activité des zones montagneuses (CE,
21 nov. 1990, Labit, p. 133 D. 1991, SC, p. 400).
● Parfois le juge va même plus loin : il n’y a pas détournement de pouvoir
lorsqu’une commune tente par le moyen de l’expropriation de réaliser une opéra-
tion d’intérêt général au moindre coût (CE, 7 déc. 1983, Cne de Lauterbourg, p. 491
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D 1984 p. 583 ; la création d’une base de loisir facilite aussi l’exploitation d’une
gravière privée).
Aujourd’hui, et depuis le développement du contrôle de « l’utilité publique » (v. ci-
après) le détournement de pouvoir est rarement retenu.
96 - D R O I T A D M I N I S T R A T I F D E S B I E N S
Est du 28 mai 1971, p. 409, concl. Braibant, AJDA 1971, p. 405). En l’espèce, des
expropriations avaient été poursuivies près de Lille pour créer à la fois une
agglomération de 20 000 habitants (aujourd’hui Villeneuve-d’Ascq) ainsi qu’un
complexe universitaire de 25 000 étudiants. L’utilité publique du projet en lui-
même ne faisait aucune doute. Le Conseil d’État, certes, rejette le recours, mais il
procède à un examen concret des éléments ; il met les avantages et les inconvénients
dans la balance, et conclut, en l’espèce au poids plus grand des avantages sur les
inconvénients. C’est la théorie du bilan.
● Le juge ira beaucoup plus loin encore avec l’arrêt Sté civile Sainte-Marie de
l’Assomption (CE, 20 octobre 1972 Ass. p. 657, AJDA 1972, p. 576). Le juge eut à se
prononcer sur l’utilité publique de la construction de l’autoroute nord de Nice,
qui devait relier la Provence à l’Italie en contournant Nice. Le juge devait aussi se
prononcer sur l’utilité publique des ouvrages reliant l’autoroute aux voies urbaines
de Nice, grâce à une bretelle et un échangeur. Cette opération menaçait l’hôpital
psychiatrique Sainte-Marie-de-l’Assomption, établissement privé, mais pratique-
ment seul établissement de ce type dans le département où il n’y avait pas d’hôpital
psychiatrique public. L’autoroute entraînait la destruction d’un bâtiment de quatre-
vingt lits, la bretelle surplombant l’hôpital interdisait toute extension de l’hôpital ;
quant à l’échangeur il imposait la démolition d’un réfectoire et privait l’hôpital de
ses espaces verts. Le Conseil d’État fit un arbitrage nuancé entre les deux
intérêts publics en cause : la démolition du bâtiment de quatre-vingts lits pouvait
se concevoir, ne contrebalançant pas l’intérêt de la construction de l’autoroute,
la construction de la bretelle de raccordement aurait en revanche créé autour de
l’hôpital, une zone de circulation intense entraînant un fort bruit, et privé l’éta-
blissement de ses espaces verts et de toute possibilité d’extension. La construction
de la bretelle fut donc annulée.
Aujourd’hui, le juge estime « qu’une opération ne peut être légalement déclarée
d’utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et
éventuellement les inconvénients d’ordre social ou l’atteinte à d’autres intérêts
publics qu’elle comporte, ne sont pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’elle
présente ». (À propos du camp du Larzac, CE, 5 mars 1976, Tarlier et autres,
p. 130.) Le contrôle du juge se rapproche d’un contrôle de l’opportunité de
l’opération (CE, 26 oct. 1973, Grassin, p. 598, coût financier excessif). Même
l’intérêt écologique peut être invoqué par le juge (CE, 25 juill. 1975, Syndicat CFDT,
Rev. jur. environnement, 1976, p. 63 ; CE, 29 déc. 1977, Min. Équip. c/ Sieur Weber,
Rev. jur. environnement, 2/1978, p. 181), but de meilleure défense de l’environne-
ment, si les mesures de protection ne sont pas suffisantes (p. ex acquisition par le
Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres (CE, 12 avr. 1995, Conser-
vatoire..., AJDA 1995, p. 660). Toujours en ce qui concerne la défense de l’envi-
ronnement, annulation d’une DUP autorisant la création d’un sentier pédestre situé
en bordure de rivière et visant à permettre au public de découvrir un ensemble
paysager et patrimonial (incidences excessives sur l’environnement, CAA Nantes
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27 sept. 2005, Mme Marie-Louise Savelli, AJDA 2006, p. 604, note Hostiou) ou
l’intérêt d’un monument historique (CE, Ass. 3 mars 1993, Cne de Saint-Germain-
en-Laye, AJDA 1993, p. 384). Le juge tient largement compte aujourd’hui des efforts
de l’administration pour réduire les nuisances (p. ex. en ce qui concerne les
autoroutes, CE, 9 déc. 1994, Assoc. des riverains de l’autoroute A 12 et autres, RFDA
1995, p. 217 ; CE, 26 avril 2006, Assoc. pour RN 89, RDI 2006, p. 194). Le juge tient
compte de mesures d’aménagement compensatoires (CE, 18 juin 1997, Assoc.
Quartiers, AJDA 1998, p. 267). Il y a véritablement mise en balance des avantages
et des inconvénients d’une opération. C’est la théorie du bilan. Ex. : annulation
d’une DUP car si l’opération envisagée contribue à améliorer la circulation, elle est
aussi de nature à accroître les risques et nuisances pour les populations (CE, 19 mars
2003, Ferrand, cité AJDA 2003, p. 2224).
Inversement, étant donné les mesures prises pour protéger la flore et la faune, le
projet de déviation d’une route ne comporte pas d’inconvénients excessifs (CE,
13 déc. 2002, Assoc. pour la sauvegarde, AJDA 2003, p. 1048).
● Toutefois, entre plusieurs possibilités « légales », l’administration a un choix
discrétionnaire (CE, 22 févr. 1974, Adam, p. 145, 24 janv. 1975, Sieur Gorlier et
Bonifay, p. 53). Ainsi, si le tracé d’une autoroute constitue un élément de légalité
soumis au contrôle du juge, il reste que l’autorité compétente n’est nullement tenue
de choisir le meilleur tracé possible, et qu’entre plusieurs tracés possibles dont
aucun ne met en cause l’utilité publique de l’ouvrage public projeté, elle doit
rester libre de son choix (concl. Gentot dans aff. Adam op. cit.). Toutefois, le refus
de contrôle par le Conseil d’État de solutions alternatives est souvent critiqué
(v. B. Seiller, favorable à un contrôle de la légalité « extrinsèque », AJDA 2003,
p. 1472 et s.).
Travaux relatifs au prolongement ouest du Trans Val-de-Marne (CE, 7 févr. 2003,
Sté Rungis Delata, AJDA 2003, p. 751).
● Une expropriation peut aussi perdre son utilité publique quand les terrains
revendiqués seraient mieux utilisés par leurs propriétaires qui deviennent en quel-
que sorte meilleurs défenseurs de l’intérêt général (CE, 20 févr. 1987, Ville de
Lozanne c/ Époux Fischnaller, RFDA 1987, p. 533, D. 1989, p. 126-130), mais la
défaillance de l’initiative privée ou même l’hypothèse que l’administration substitue
son projet à celui sensiblement identique des particuliers, ne rend pas sans objet
une DUP (v. p. ex. CAA Paris, 16 juin 1994, Min. de l’Intérieur et de la Sécurité
publique, AJDA 1994, p. 808).
– Il faut constater que dans la pratique et même depuis 1971, les annulations ne
sont pas très fréquentes, surtout s’il s’agit d’opérations de grande envergure, telles
les centrales nucléaires, les autoroutes, les trains à grande vitesse (CE, 4 mai 1979,
Dpt de la Savoie, p. 185. Centrale nucléaire de Malville-rejet ; CE, 23 janv. 1985,
Cté de défense... D., 1986 IR, p. 412, TGV Atlantique-Rejet ; 3 déc. 1990, Ville
d’Amiens, D., 1991, SC, p. 902 – TGV Nord-rejet) ; DUP TGV Sud-Est (Valence-
Marseille-Montpellier) (CE, 17 nov. 1995, Union juridique Rhône-Méditerranée,
RFDA 1996, p. 154, Rejet ; CE, Ass. 28 mars 1997, M. de Malafosse, Autoroute
Rouen-Alençon (malgré les conclusions partiellement contraires du commissaire du
gouvernement Delarue) ; v. aussi Féd. des Ctés de défense..., même jour, RFDA 1997,
p. 656, no 7, RFDA 1997, p. 754 et s. ; de même pour la ligne ferroviaire Noisy-le-
Roy-Saint Germain en Laye, CE, 21 avr. 1997, Mlle Jubert et autre, RFDA 1997,
Dossier : 203215 Fichier : Biens Date : 22/3/2007 Heure : 7 : 48 Page : 104
98 - D R O I T A D M I N I S T R A T I F D E S B I E N S
p. 659, no 9). Les annulations portent le plus souvent sur des opérations de faible
importance (CE, 24 juill. 1987, Min. Inter. c/ Époux Denizet, RFDA 1987, p. 866
CE, 25 nov. 1988, Cne de Plessis-Feu-Aussous, RFDA 1989, p. 161). Il existe aussi
des exemples d’annulation pour des opérations plus importantes (CE, 31 janv.
1986, Mlle Lansac, RDP, 1987, p. 840, projet de constitution de réserves foncières
à Toulouse) ou parce que l’opération est déraisonnable (CE, 26 mars 1980, Premier
ministre c/ Mme Vve Beau de Loménie, p. 171 – création d’une énorme station
touristique à l’Île d’Oléron) ou parce que pour une opération de moyenne impor-
tance (bretelle de desserte) il y a danger pour les riverains et des nuisances
acoustiques (CE, 11 mars 1996, Min. Équip. et Logt, RFDA 1996, p. 612) ; v. aussi
annulation d’une DUP pour la construction d’une route près d’un rivage ; utilisa-
tion injustifiée d’un texte admettant une dérogation (CE, 4 oct. 1996, Assoc. Déf. et
protect. de l’environnement de Pleurtuit et autres, RFDA 1196, p. 1262). Est d’utilité
publique : le projet d’aménagement d’une aire d’accueil de nomades qui répond à
l’obligation faite aux communes de plus de 5 000 habitants de réserver certains
terrains à cet effet (CE, 18 juin 1997 Assoc. de quartier La Chambrée, l’Oisonière, la
Gemmetruie, la Moricerie, AJDA 1997, p. 267).
● Surtout, il faut souligner, que dans une décision récente (CE, 28 mars 1997,
e
2 P A R T I E – E X P R O P R I A T I O N E T R É Q U I S I T I O N - 99
100 - D R O I T A D M I N I S T R A T I F D E S B I E N S
Le Conseil d’État dans ses formations administratives tiendra compte aussi du bilan
coût-avantage (ex. : installation d’une centrale hydroélectrique de la chute de
Rizzanese en Corse du Sud ; bilan finalement positif, Section des travaux publics,
EDCE 2005, p. 90).
d) Contrôle par le Conseil constitutionnel
Ce contrôle peut intervenir lorsqu’il y a une « validation législative » suite à une
déclaration d’utilité publique définitivement ou même non définitivement annulée
par le juge administratif.
C’est ainsi qu’avait été procédé, pour des motifs de légalité externe, relatif au
contenu de l’étude d’impact et à la motivation de la commission d’enquête, à
l’annulation de la déclaration d’utilité publique relative à l’extension des lignes de
tramway. Des élus du Bas-Rhin avaient fait ajouter à la loi – dite de programmation
sociale – un amendement prévoyant que pour les lignes de tramway la mise en
compatibilité des documents d’urbanisme ne peut être contestée sur le fondement
de l’illégalité des arrêtés préfectoraux. Ce « cavalier législatif » avait fait grand bruit.
Le Conseil constitutionnel saisi de la loi de programmation pour la cohésion
sociale annule la disposition avec des considérants très sévères : « Considérant
toutefois que l’intérêt général ainsi poursuivi n’est pas suffisant pour justifier
l’atteinte portée au principe de séparation des pouvoirs et au droit de recours
juridictionnel effectif, qui découlent de l’art. 16 de la Déclaration de 1789, atteinte
d’autant plus importante que la mesure contestée porte sur l’ensemble des lignes
de tramway ayant fait l’objet d’une DUP en 2004 ; qu’il ne justifie pas l’atteinte
portée au droit de propriété garanti par l’art. 17 de la Déclaration de 1789, lequel
exige avant toute expropriation, que la nécessité publique fondant la privation de
propriété ait été légalement constatée » (Cons. const. 13 janv. 2005, RFDA 2005,
p. 293, note Hostiou).
Dossier : 203215 Fichier : Biens Date : 22/3/2007 Heure : 7 : 48 Page : 107
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> C HAPITRE II
LA PROCÉDURE D’EXPROPRIATION
Si la procédure a pour but d’assurer des garanties aux particuliers, il faut aussi qu’elle
permette à l’administration de faire face très rapidement aux besoins croissants de
la collectivité. La multiplication des opérations complexes ne facilite pas cette
conciliation.
Avant 1958 la procédure d’expropriation était très lente. Les trois phases, décision
d’expropriation, transfert de propriété, fixation de l’indemnité devaient se dérouler
successivement. Les procédures spéciales étaient extrêmement nombreuses. La procé-
dure de droit commun devenait l’exception. Les autorités compétentes étaient parfois
difficiles à déterminer. Les procédures de fixation de l’indemnité avaient beaucoup
varié et n’étaient jamais satisfaisantes. La procédure d’expropriation était inadaptée
aux opérations d’urbanisme.
La grande réforme de 1958, complétée par divers textes, a eu pour objet de rendre
la procédure plus rapide et plus simple ; aussi la plupart des procédures spéciales
ont-elles été abolies ; les opérations administratives et judiciaires, tout en restant
distinctes, peuvent être menées simultanément. La fixation de l’indemnité qui avait
donné lieu à bien des difficultés, a été confiée à un juge unique.
Enfin, pour faciliter les travaux importants, l’expropriation a été adaptée aux opéra-
tions complexes.
102 - D R O I T A D M I N I S T R A T I F D E S B I E N S
qui détermine les raisons du choix entre les différents partis ou projet projetés.
Ainsi, si un projet initial a été abandonné, il faut donner les raisons de cet abandon.
● Particulièrement important est aussi l’estimation financière. Le service France-
domaine sera en tout état de cause, et sous des formes diverses, appelé à donner
son avis.
L’estimation financière doit aussi comporter « l’appréciation sommaire des dépen-
ses ». La notion d’appréciation est très complexe et variera selon les cas. Il faut que
l’on puisse connaître à peu près le coût réel de l’expropriation, mais le juge n’exige
pas une exacte précision, impossible à fournir (CE, 1er décembre 1993, Assoc. Meylan
Démocratie, JCP 1994, no 22236).
● Lorsqu’on est en présence de travaux, l’expropriant a pour obligation de faire
connaître la « nature et la localisation » des ouvrages projetés mais non pas les
éléments accessoires.
● La grande nouveauté de la loi sur la protection de la nature du 10 juillet 1976
est la nécessité d’une étude d’impact (qui ne se limite d’ailleurs pas à l’hypothèse
de l’expropriation).
● Lorsque les décisions relatives à la réalisation des travaux et ouvrages sont
e
2 P A R T I E – E X P R O P R I A T I O N E T R É Q U I S I T I O N - 103
nisme (qui ne sera pas étudié ici). L’expropriation doit être compatible avec le
« plan local d’urbanisme » (PLU) ainsi qu’avec les « schémas de cohérence territo-
riale » tels qu’ils ressortent de la nouvelle loi relative à la solidarité et au renou-
vellement urbains du 13 déc. 2000, (loi SRU).
● Pour les très grandes opérations telles que p. ex. la création de zones urbaines,
de travaux de rénovation portant sur des secteurs entiers, les études peuvent porter
sur de longues périodes, souvent sur plusieurs années. Il en résulte qu’il est
pratiquement impossible, au moment où l’opération est déclenchée, de connaître
tout ce qui va être finalement réalisé et surtout de chiffrer le montant global des
dépenses.
● Le problème est finalement complexe : il est en effet pratiquement impossible
stricte des textes en vigueur à cette époque, il a tout d’abord estimé que l’admi-
nistration devait fournir, comme dans la première hypothèse, toutes les indications
précises (CE, 27 mai 1964, Groupt de défense de l’îlot Firminy-centre ; p. 299, AJ
1964, p. 432.
● Cette jurisprudence s’avérait pleine d’inconvénients. Peu à peu le Conseil d’État,
d’État, dans un important arrêt Ellia (CE, Ass., 24 janv. 1975, p. 55 ; AJDA 1976,
p. 128 et p. 142) n’accorde à l’administration la faculté de dissocier les opérations
Dossier : 203215 Fichier : Biens Date : 22/3/2007 Heure : 7 : 48 Page : 110
104 - D R O I T A D M I N I S T R A T I F D E S B I E N S
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2 P A R T I E – E X P R O P R I A T I O N E T R É Q U I S I T I O N - 105
opérations, dont les seuils sont inférieurs à ceux de la saisine obligatoire, mais
dépassent un autre seuil inférieur. Les seuils sont fixés par décret en Conseil d’État.
La commission peut être saisie aujourd’hui par certains élus, certaines collectivités,
le maître d’ouvrage, par les associations agréées chargées de la protection de
l’environnement.
La loi organise avec précision les modalités de participation du public. À l’issue du
débat, le président dresse un bilan et publie un compte-rendu mis à la disposition
du commissaire-enquêteur ou de la commission d’enquête (pour une saisine tardive
de la commission au sujet du projet de l’extension d’un aéroport, CE, 8 oct. 2001,
Union fçse contre les nuisances, RFDA 2001, p. 1320.).
2. L’ENQUÊTE PRÉALABLE
Cette enquête, obligatoire, a pour objet de faire connaître à l’administration, l’avis des
collectivités et des particuliers sur le projet, de recueillir toutes les informations utiles.
Un dossier est constitué par l’autorité expropriante. Il doit être composé différemment
suivant que la déclaration est demandée en vue de la réalisation de travaux ou
d’ouvrages ou de l’acquisition d’immeubles. Le problème de la composition du
dossier a donné lieu à une jurisprudence abondante (CE, 24 janv. 1975, Ellia, p. 54)
(CE, 22 avr. 1977, Sieur Prémolli, p. 180). Ce dossier est transmis au préfet qui désigne
un « commissaire enquêteur » ou une « commission d’enquête ». Après avoir recueilli
divers avis, dont certains peuvent être obligatoires (Commission de contrôle des
opérations immobilières) le commissaire ou la commission émet un avis favorable ou
défavorable. Depuis la loi du 31 décembre 1975, toute personne concernée par une
déclaration d’utilité publique peut demander communication des conclusions du
commissaire enquêteur. Le décret du 14 mai 1976 a amélioré la procédure d’enquête
préalable sur certains points : la notice explicative sera plus étoffée, le choix des
commissaires enquêteurs est élargi, la communication des conclusions de l’enquête est
améliorée (CE, 24 nov. 1982, Colombet).
● La loi du 12 juillet 1983 a prévu de façon générale et non seulement pour
l’expropriation « la démocratisation des enquêtes publiques et protection de l’en-
vironnement ». L’enquête vise à informer le public et de recueillir ses appréciations,
suggestions et contre-propositions. La nouvelle procédure s’applique uniquement
lorsque la réalisation d’aménagements ou de travaux est susceptible d’affecter
l’environnement. Dans ce cas, la pré-publicité est renforcée ainsi que la durée de
l’enquête. La durée de validité de l’enquête est de cinq ans (éventuellement 10 ans).
Les principales modifications concernent le commissaire-enquêteur. Ceux-ci seront
désignés à l’avenir par le président du tribunal administratif. Les incompatibilités sont
précisées. Il en va de même des membres de la commission d’enquête (CE, 15 janv.
1996, Dufay ; CE, 19 janv. 1996, Assoc. quartier et avenir, AJDA, 1996, p. 465-466). Le
commissaire ou la commission rémunérés par l’État bénéficient d’un large pouvoir
d’instruction (sur les taux de vacation : CE 10 janvier 2005, MM. Hardy et Le Cornec,
AJDA 2005, p. 1575). Mais les problèmes liés à l’exercice des fonctions du commissaire
enquêteur restent complexes : le Conseil d’État a jugé qu’un commissaire enquêteur,
pouvait écarter, sans que cela ait des conséquences, une observation contestant l’utilité
publique au motif que l’expropriant possédait déjà des terrains permettant de réaliser
le projet sans recourir à l’expropriation. Cette décision a été critiquée (v. CE 13 janv.
2006, Cne de Polliat, BJCL 2006, p. 253, concl. Verclytte et Elise Carpentier, JCP A
2006, no 1155). Des réunions publiques peuvent être organisées. La loi du 2 février
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3. L’ACTE DÉCLARATIF D’UTILITÉ PUBLIQUE (Ord. de 1958, Rapp. 19 mai 1959, Déc.
29 févr. 1972).
La déclaration publique était prise jusqu’à la loi du 27 février 2002 (et décret 11 février
2004), par décret en Conseil d’Etat lorsque les conclusions du commissaire enquêteur
étaient défavorables ou lorsqu’il s’agissait d’opérations importantes. Dans les autres
cas, la déclaration d’utilité publique relevait de la compétence du ministre et surtout
du préfet (v. CE S., 11 juin 1997, Jay et autres c/ Cne de Montbonnot, St-Martin et Sté
d’aménag. du dpt de l’Isère, AJDA 1998, p. 110-112). Aujourd’hui toutes les déclarations
d’utilité publique, même lorsque les conclusions du commissaire enquêteur sont
défavorables, relèvent d’un arrêté ministériel ou d’un arrêté préfectoral. Il n’y a plus,
et c’est peut-être regrettable, de décret en Conseil d’État. Toutefois, l’utilité publique
est déclarée par décret en Conseil d’État pour certains grands travaux (art. 2, décret
11 février 2004 : autoroutes, aérodromes catégorie A, certains travaux ferroviaires,
centrales nucléaires, etc.).
Il faut surtout retenir la disparition de toute référence au sens de l’avis du commissaire-
enquêteur ainsi que la compétence de principe des préfets. L’autorité administrative
peut d’ailleurs, sous le contrôle du juge, refuser de déclarer l’utilité publique qui lui
est demandée.
Lorsque la déclaration d’utilité publique comporte des modifications des caractéristi-
ques essentielles d’une opération par rapport au dossier d’enquête publique (réalisation
de deux fois trois voies au lieu de deux) il y a illégalité (CE ; 2 juill. 2001, Cne de la
Courneuve, RFDA 2001, p. 1131).
Lorsqu’il n’y a que « projet » et pas expropriation (ce qui ne relève pas de notre étude)
il faut une « déclaration de projet ». Dans l’hypothèse de l’expropriation, que nous
étudions ici « La déclaration d’utilité publique tient lieu de déclaration du projet »
(art. L. 11-1, 2 nouveau Code de l’expropriation). Toutefois, s’il s’agit de projets
importants soumis à enquête publique de la loi sur l’environnement et qui nécessite
une expropriation au profit d’une collectivité territoriale (ou l’un de ses établissements)
l’autorité compétente de l’État, avant déclaration d’utilité publique, doit demander à
la collectivité de se prononcer, dans un délai de six mois au maximum, sur ledit projet
(loi 27 février 2002).
« L’acte déclarant l’utilité publique (doit être) accompagné d’un document qui expose
les motifs et considérations justifiant le caractère d’utilité publique de l’opération. »
De même, la décision de refus de déclarer l’utilité publique d’un projet ou d’une
opération doit être motivée. Toutefois, une fois la déclaration d’utilité publique prise,
la directive européenne qui exige une information supplémentaire explicitant les motifs
et les considérations qui ont fondé cette décision, ne sauraient être interprétées comme
imposant une motivation en la forme qui serait une condition de légalité de cette
dernière (CE, 2 juin 2003, Union féd. consommateurs Que Choisir ?, AJDA 2003, p. 1978)
(v. p. 114 et s.).
● La déclaration autorise, mais n’oblige pas l’autorité expropriante à poursuivre
l’expropriation. Le délai, qui ne peut être supérieur à cinq ans, doit être indiqué. Il
peut être prorogé une fois. Des délais spéciaux existent en matière d’opérations
d’urbanisme. L’administration ne peut légalement proroger les effets de la DUP d’une
opération, quand le projet a subi des modifications substantielles depuis la première
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108 - D R O I T A D M I N I S T R A T I F D E S B I E N S
déclaration (CE, 12 mai 1989, Astier et autres, Tiradon, CJEG, 1990, p. 57 et s., v. aussi
8 mars 1989, Dpt de la Charente-Maritime, RFDA 1990, p. 198 et s.).
● La déclaration d’utilité publique constitue un acte administratif susceptible de
recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif compétent. La nature
juridique de la déclaration d’utilité publique est ainsi très complexe. C’est un acte
réglementaire au point de vue du délai du recours contentieux, de la non-obligation
de motivation (CE, 6 mars 1987, Min. Intér. c/ Cne St-Égrêve, RDP, 1988, p. 564 ; CE,
27 juill. 1988 Assoc. Défense RDP, 1989, p. 1530), une sorte d’acte individuel non
créateur de droits à d’autres points de vue. Le délai de recours part de la date de
publication (CE, 10 mai 1968, Cne de Brovès, p. 287) (Conseil d’État ou tribunal
administratif selon le cas).
La déclaration d’utilité publique est un acte autonome, spécifique, ayant sa propre
réglementation. Elle n’est pas liée au respect d’autres législations qui éventuellement
peuvent s’appliquer à l’opération telle que la législation sur les Monuments Historiques
(CE, Ass., 3 mars 1993, Cne de Saint-Germain-en-Laye, op. cit.). Le moyen tiré de
l’illégalité d’un schéma directeur ou de sa modification ou de l’illégalité d’un autre
document d’urbanisme ne peut être utilement invoqué à l’encontre d’une DUP alors
même ce document d’urbanisme ou sa modification auraient eu pour objet de rendre
possible l’opération déclarée d’utilité publique (CE S. 25 févr. 2005, Assoc. Préservons
l’avenir, RFDA 2005, p. 617, concl. M. Guyomar).
Le délai du recours part de la publication de l’acte déclaratif. L’annulation de la
déclaration par le juge administratif entraîne celle de toute la phase administrative.
● Sur le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, v. supra, p. 94 et s.
● Depuis la loi du 31 décembre 1975, une meilleure information est obtenue dans la
mesure où désormais, la déclaration d’utilité publique devra intervenir dans un délai
d’un an (ou de 18 mois en cas de décret en Conseil d’État) après la clôture de l’enquête
préalable. En cas de non-respect, l’enquête devra être refaite.
Par ailleurs, tous les propriétaires dont les terrains sont compris dans une déclaration
d’utilité publique peuvent mettre en demeure l’expropriant d’acquérir leur terrain dans
un délai de quatre ans au maximum (sur le problème de la responsabilité en cas de
retard en matière d’expropriation, v. CE, 14 mars 1975, SCI de la Vallée de Chevreuse,
p. 197). À défaut d’accord, les propriétaires peuvent saisir le juge de l’expropriation.
● La DUP est un acte non-réglementaire non-créateur de droits, v. ci-dessus (CE,
29 avril 1994, Assoc. Unimate, AJDA 1994, p. 400). Elle relève donc du régime juridi-
que des « actes intermédiaires ». Ainsi en application de la théorie des « opérations
complexes » il est possible d’exciper, après expiration du délai de deux mois, de
l’illégalité de la DUP, à l’appui d’un recours dirigé contre un acte postérieur à condition
qu’il y ait un lien direct et nécessaire (CE, 24 avr. 1981, Épx Vilain, RDP, 1982, p. 523)
(v. ci-après arrêté de cessibilité).
Comme l’acte déclaratif d’utilité publique ne crée pas de droits, le Conseil d’État
valide-t-il une pratique administrative regrettable qui consiste à prendre d’abord l’acte
initial (déclaration d’utilité publique), le retirer (p. ex. devant les protestations ou
l’opinion) puis une fois les passions apaisées et l’attention relâchée, d’abroger ce retrait
en faisant revivre pour l’avenir l’acte initial (CE, Ass. 29 avr. 1994, Assoc. Unimate et
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autres, AJDA 1994, p. 367). (CE, 7 oct. 1994, Cne de Saint-Étienne, JCP, 1994, IV,
2642).
● Sur la validation législative d’une ordonnance préalable à une DUP (ex. : loi 12 avr.
1996).
● Il existe certaines hypothèses de sursis automatique : absence d’étude d’impact ou
absence d’enquêtes démocratisées, lorsqu’elles sont requises, etc.
Les différents référés, et surtout le référé-suspension de l’article 521-1 du Code de
justice administrative, s’appliquent en matière de déclaration d’utilité publique. Mais
s’il n’y a pas urgence, le juge peut refuser par ordonnance rendue sans instruction ni
audience la suspension d’une DUP (CE, 26 déc. 2002, Assoc. pour la protection, AJDA
2003, p. 674), v. aussi note Hostiou sous CE 30 mai 2002, Assoc. pour le respect des intérêts
de chacun, AJDI 2002, p. 1487). Le Conseil d’État a admis récemment, dans une intéres-
sante décision, la suspension de la déclaration d’utilité publique en raison d’un « détour-
nement de procédure » (CE 25 mai 2005, Sté Resimmo, AJDA 2005, p. 2225, v. aussi
p. 120). V. aussi absence d’urgence à suspendre un arrêté de cessibilité pour la réalisation
du TGV Est (CE Ord. 3 avril 2006, SA Placoplâtre, AJDA 2006, p. 795).
Dans d’autres cas, s’il y a imminence des travaux, la suspension d’une DUP de la
construction d’une route peut être justifiée (CE, 3 mai 2004, Dpt de Dordogne, AJDA
2004, p. 1374).
Il existe aussi des procédures spécifiques de suspension en ce qui concerne les DUP,
sans qu’il y ait urgence (CE, 29 mars 2004, Cne de Soignolles-en-Brie, AJDA 2004,
p. 1262 et s. ; suspensions sans urgence, art. L. 554-12 du CJA en cas d’avis défavorable
du commissaire enquêteur).
B. L’arrêté de cessibilité
C’est l’acte par lequel le préfet désigne les parcelles qui devront être expropriées. Cet
acte doit être précédé d’une nouvelle enquête dite parcellaire qui doit permettre de
déterminer les propriétés auxquelles l’expropriation sera appliquée. Il faut souligner
que depuis 1958, la déclaration d’utilité publique peut dans certains cas tenir lieu
d’arrêté de cessibilité rendant cette seconde phase inutile. L’arrêté de cessibilité consti-
tue un acte administratif susceptible de recours pour excès de pouvoir pouvant
éventuellement remettre en cause la déclaration d’utilité publique même non attaquée
à temps.
L’arrêté de cessibilité peut avoir aujourd’hui une autre utilité (loi du 27 février 2002).
Lorsqu’une autorité infra-étatique doit mettre à la disposition d’une autre collectivité
un élément de son patrimoine portant sur le domaine public, cette opération se fera
par l’arrêté de cessibilité du préfet, (v. supra p. 40 et s.).
Conclusion : la législation sur l’expropriation et en particulier la DUP est indépendante
des autres Législations concurrentes. Par exemple en matière de protection des monu-
ments historiques, une illégalité relative à une Législation protectrice de la propriété
ne remet pas en cause la validité de la DUP, qui ne constitue pas une synthèse des
procédures administratives préalables à la réalisation d’un grand projet (CE, Ass.,
3 mars 1993, Cne de Saint-Germain-en-Laye, AJDA 1993, p. 348). Mais une éventuelle
atteinte aux monuments entre dans le contrôle juridictionnel du « bilan » de l’opéra-
tion (v. aussi p. 96, 105).
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C’est en cette matière que l’ordonnance de 1958 a eu les conséquences les plus
importantes puisqu’il est possible de fixer l’indemnité avant la fin de la procédure et
qu’un juge spécial, le juge de l’expropriation prononce à la fois l’expropriation et fixe
l’indemnité. Le transfert de propriété devient ainsi plus rapide.
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2 P A R T I E – E X P R O P R I A T I O N E T R É Q U I S I T I O N - 111
sur l’immeuble se transforment en droits à l’indemnité. Bien que non notifiée, une
ordonnance d’expropriation emporte transfert immédiat de propriété (CE, 19 nov.
1993, Mme Scherron, AJDA 1994, p. 252-255).
L’expropriant peut prendre possession de l’immeuble, lorsque l’exproprié aura été
indemnisé, sinon, l’exproprié dispose d’un droit de rétention ; l’ordonnance ne peut
faire l’objet que d’un recours en cassation dans les quinze jours de la notification.
Ce recours n’est pas suspensif. Plus précisément, l’ordonnance d’expropriation ne peut
être attaquée que pour incompétence, vice de forme, excès de pouvoir (art. L. 12-5,
Code expr.) mais non pas pour violation de la loi.
2. LA FIXATION DE L’INDEMNITÉ
La première remarque est que seul le dommage certain peut être réparé et non le
dommage éventuel. De toute façon, il est rare en droit français que le dommage
éventuel soit réparé.
Par ailleurs, il doit y avoir un lien direct entre l’expropriation et le préjudice. Ce
caractère direct du lien n’est pas toujours très aisé à établir, d’autant plus que le
préjudice peut naître soit directement de la dépossession de l’immeuble, soit des
travaux qui ont suivi l’expropriation, soit enfin le dommage résultant de l’ouvrage
public qui a été construit à la suite de l’expropriation. Or, pour les deux dernières
hypothèses, c’est bien le juge administratif qui est compétent.
Seul le dommage matériel donne lieu à indemnisation et non pas le dommage moral.
Tous les auteurs sont d’accord pour considérer que cette exclusion du dommage moral
n’a pas de réelle justification. Ainsi, on a fait valoir à juste titre que l’expropriation
d’un « bien de famille » représente pour son propriétaire plus qu’une simple valeur
pécuniaire (Chapus).
Une fois ces conditions réunies, l’indemnisation doit être intégrale. Tout dépendra
donc de l’appréciation, de l’évaluation du préjudice qui sera faite. On a parfois affirmé
que le fait de se laisser exproprier au lieu de recourir à l’accord amiable ferait faire
aux propriétaires de « bonnes affaires ». Cette remarque est difficile à apprécier glo-
balement. En revanche, on tentera d’éviter d’indemniser toute spéculation sur le bien
qui aurait eu lieu peu avant l’expropriation, en considération de l’expropriation à
venir.
a) Il faut tout d’abord déterminer la consistance du bien
La règle la plus importante en la matière est qu’il faut apprécier le bien à la date
de la déclaration d’utilité publique. Toutes les modifications qui interviennent
ultérieurement ne peuvent être prises en considération ; un aménagement, une
transformation postérieure à l’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique
est considérée comme ayant eu pour seul but d’obtenir une indemnité plus élevée.
On peut cependant, à titre exceptionnel, apporter la preuve contraire. Quant aux
améliorations apportées à l’immeuble avant l’enquête, l’indemnisation peut avoir
lieu, mais elle peut aussi être exclue si l’administration démontre que ces amélio-
rations n’ont eu qu’un but spéculatif.
b) Il faut ensuite apprécier la valeur du bien
1. Dans une période où l’inflation était souvent très forte, la date de l’appréciation
de la valeur du bien avait une importance considérable. L’ordonnance de 1958
fixait la date de l’appréciation au jour du jugement, ce qui avait pour conséquence
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d’entraîner une hausse spéculative des prix. Aussi la loi du 26 juillet 1962 posa le
principe, très restrictif celui-là, qu’il fallait se placer, pour évaluer le bien, à la valeur
du bien un an avant l’ouverture de l’enquête préalable. Même si cette règle était
atténuée par certains éléments, (prise en considération de l’indice du coût de la
construction) on aboutissait en fait à ne pas tenir compte des fortes hausses de
prix qui étaient très courantes.
La loi du 10 juillet 1965, qui est encore applicable aujourd’hui combine les principes
des deux textes antérieurs.
● D’une part, comme en 1958, la valeur du bien doit être appréciée à la date du
jugement.
● D’autre part, on tiendra compte de l’usage effectif du bien un an avant l’ouver-
éventuelles indemnités accessoires, telles que par ex. les indemnités de remploi.
● Le juge devra aussi tenir compte de l’estimation qui a été faite par le service
des domaines. Plus précisément, l’indemnité principale ne doit pas excéder l’esti-
mation du service des domaines, si cette estimation n’est pas inférieure à la valeur
attribuée au bien à l’occasion d’une mutation « antérieure de moins de cinq ans »
à l’expropriation. Une mutation intervenue dans les cinq ans avant l’expropriation
constituera donc un important élément de référence. Toutefois, il est naturel qu’une
importante hausse des prix pourra être prise en considération.
Certains autres facteurs vont avoir pour conséquence de limiter l’indemnité ; c’est
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3. L’ENTRÉE EN POSSESSION
L’ordonnance d’expropriation prononce outre le transfert de propriété, l’envoi en
possession du bien exproprié. Mais l’envoi en possession n’est décidé que sous réserve
du versement des indemnités (ou à leur consignation s’il y a discussion). Jusque là,
l’expropriant a un droit de rétention. En cas d’urgence, il peut y avoir prise de
possession moyennant versement d’indemnités provisionnelles.
Le Conseil d’État a d’ailleurs jugé dans un important arrêt Ville de Nice (S., 18 mai
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de rétrocession (auj. art. L. 12-6 du Code expr.) (CE, 16 juin 2000, Cne d’Airibeau-
sur-Siagne, RFDA 2000, 887).
4. De façon générale d’ailleurs, l’annulation d’une DUP concernant un aménage-
ment déjà réalisé a souvent peu de conséquences. En effet, très souvent l’admi-
nistration prend une DUP de régularisation « véritable tour de magie juri-
dique... » que beaucoup de justiciables perçoivent comme un véritable déni de
justice (Guy Durand, note sous CE, 25 janv. 1993, Rivière c/ Assoc. de Défense ;
Civ. 3e, 10 mai 1994, Guibert Miquel ; TGI Millau, 7 juill. 1994, LPA, 26 mai
1995, p. 14-17).
5. L’administration peut être amenée à renoncer à l’expropriation à tout stade de
la procédure. Dans certains cas, le propriétaire lésé pourra toucher une indemnité
dont le montant sera fixé par le juge administratif (CE, 23 déc. 1970, EDF c/ Farsat,
p. 790).
6. La Cour de cassation a abandonné la théorie de « l’expropriation indirecte »
ou « de fait » permettant à l’administration de régulariser moyennant indemnisa-
tion, une occupation sans titre de la propriété d’autrui. Un transfert de propriété
ne peut avoir lieu qu’à la suite d’une procédure régulière d’expropriation ou d’un
accord amiable (Ass. plén. 6 janv. 1995, D. 1994-J, p. 153-155).
7. L’annulation d’une ordonnance d’expropriation peut entraîner de délicates mises
en jeu de la responsabilité administrative. Ainsi la commune de Meylan avait pris
possession d’un terrain (emprise irrégulière) malgré l’annulation de l’ordonnance
d’expropriation. Finalement une dernière ordonnance d’expropriation est considé-
rée comme légale, mais la commune est condamnée par le tribunal administratif à
indemniser les dommages causés par l’emprise irrégulière. Le Conseil d’État
estime, lui, que l’État est aussi partiellement responsable (CE, 6 oct. 2000, Cne de
Meylan, RFDA 2000, p. 1354).
8. À défaut d’utilisation régulière de la procédure d’expropriation, la prise de
possession d’un bien immobilier est constitutive d’une voie de fait ou d’une emprise
irrégulière entraînant la compétence judiciaire (T. confl. 26 juin 1989, Mme Plouin,
CJEG, 1990, chron. p. 213).
Conclusion : les problèmes de l’expropriation ne sont pas simples à résoudre. Les
expropriations seront toujours nécessaires pour construire des routes, des voies ferrées,
des infrastructures diverses, etc. Mais sauvegarder les droits des propriétaires qui soit
ne veulent pas être expropriés ou qui trouvent insuffisante l’indemnisation proposée,
n’est pas chose aisée. La protection des propriétaires a fait des progrès aussi bien en ce
qui concerne la phase administrative, qu’en ce qui concerne la phase judiciaire. En
matière administrative, le développement des procédures d’enquête, les études d’im-
pact, le renforcement du contrôle juridictionnel (l’annulation de la construction de
l’autoroute Annemasse-Évian en constitue un bon exemple) est de bon augure, v. supra.
En matière d’indemnisation, les évaluations administratives et judiciaires sont devenues
plus fiables. Mais de nombreuses imperfections subsistent.
Difficultés sur la répartition des compétences : v. R. Hostiou sous T. confl. 12 déc.
2005, Masson, AJDI 2006, p. 581).
Aussi la France a-t-elle été condamnée à plusieurs reprises par la Cour européenne
des droits de l’homme, en particulier pour des procédures trop longues. Dans une
décision prise à l’unanimité, cette Cour a condamné la France (21 févr. 1997, AJDA
1997, p. 399, note Hostiou) au motif de l’insuffisance des garanties inhérentes à
l’expropriation en droit interne. Dans un arrêt du 2 septembre 1998 la Cour constate
que l’affaire n’est toujours pas jugée après 18 ans ! (v. aussi autres décisions, p. 89
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et s., 110, 113). (V. aussi CE, 27 févr. 2006, Alcaly, AJDI 2005, p. 635 ; Civ. 3e, 29 janv.
2006, Consorts Chevrier, AJDI 2006, p. 841.) Toutefois dans un arrêt Maupas c/ France
(CEDH 19 sept. 2006, AJDA 2007, p. 180 et s., note Hostiou) la Cour estime que le
droit au respect des biens n’est pas méconnu si les expropriés ont pu bénéficier de
garanties procédurales suffisantes pour contester « une privation de propriété ».
La Cour européenne sanctionne en particulier les dysfonctionnements consécutifs
au dualisme juridictionnel français en ce domaine et de nombreux auteurs se
demandent s’il ne faudrait pas remettre en question celui-ci.
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B. Le droit de délaissement
Lorsqu’un délai de un an s’est écoulé à compter de la DUP, le propriétaire peut mettre
en demeure l’expropriant d’acquérir ce bien dans un délai de deux ans, prorogeable
éventuellement de un an. À défaut d’accord amiable, le propriétaire saisit le juge de
l’expropriation qui transfère la propriété et fixe l’indemnité.
C. Le droit de rétrocession
Ce droit de rétrocession existe dans certaines hypothèses où l’administration ne réalise
pas ce qui était prévu dans la déclaration d’utilité publique. L’administration doit
bien affecter le bien exproprié à ce qui était prévu dans la déclaration d’utilité publique.
Elle doit aussi, si cela était prévu, réaliser les travaux.
La rétrocession peut prendre plusieurs formes. Dans le premier cas, il s’agit de
l’hypothèse où l’administration désire aliéner le bien. Dans ce cas elle doit en informer
les propriétaires, qui peuvent exercer leur droit de rétrocession ou qui peuvent aussi y
renoncer.
L’autre hypothèse, finalement plus importante, est celle où l’administration ne donne
pas au bien exproprié l’affectation prévue ou elle ne réalise pas les travaux prévus.
L’administration a cinq ans à partir de son entrée en possession pour donner au bien
l’affectation prévue ou pour réaliser leurs travaux. Il faut par ailleurs que l’affectation
ayant été réalisée elle se prolonge un certain temps. Mais la jurisprudence à cet égard
n’est pas parfaitement claire (Civ. 3e, 5 juillet 1978, Époux Colson, Bull. Cass. civ. III,
no 280). Si l’administration a un délai de cinq ans pour agir, il n’est toutefois pas
nécessaire que tout, et en particulier les travaux, soient complètement achevés, ce qui
serait impossible en cas de grandes opérations. Il suffit que l’opération ait fait l’objet
d’un commencement sérieux d’exécution. Le juge appréciera.
Quant aux propriétaires expropriés ils ont un délai de trente ans pour exercer leur droit.
Le droit à rétrocession dans le cadre de l’expropriation, relève du juge judiciaire, ce
qui autorise ce juge à déterminer si les biens expropriés ont effectivement reçu une
affectation conforme à celle définie dans l’acte déclaratif d’utilité publique. En revan-
che, constitue une question préjudicielle l’interprétation ou l’appréciation de la validité
des décisions relatives à l’affectation des biens expropriés (différentes décisons : CE
16 févr. 2005, G. Basset, RD imm. 2005, p. 201, obs. C. Morel ; CE 3 mai 2004, Dpt
Dordogne, AJDA 2004, p. 1374, concl. D. Chauvaux ; T. confl. 24 févr. 2004, Cne
d’Auribeau-sur-Siagne, BJCL 6/04, p. 424, concl. D. Commaret ; obs. J.-C. Bonichot,
AJDI 2004, p. 566, note Hostiou ; RD imm. 2004, p. 568, obs. C. Morel).
L’exercice du droit de rétrocession est souvent illusoire. Rien n’empêche l’administration
en vertu de l’art. 112-6 du Code de l’expropriation de faire une nouvelle déclaration
d’utilité publique qui pourra même être postérieure à la demande de rétrocession
(Civ. 3e, 26 oct. 1983, JCP 1985.II.20350).
Plus généralement, l’exercice du droit de rétrocession se heurte au fait que les biens
ne sont plus en l’état. L’immeuble a été démoli, un autre ouvrage que celui prévu a
été installé qui est parfois immunisé par l’intangibilité de l’ouvrage public, ou l’admi-
nistration a vendu le bien à un tiers sans en informer l’ancien propriétaire.
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L’ancien propriétaire ne pourra qu’obtenir une indemnité s’il fait la preuve d’avoir
subi un dommage spécifique.
Les problèmes du droit de rétrocession sont loin d’être résolus. Ainsi le Conseil
d’État déclare le juge administratif incompétent pour se prononcer à propos d’une
rétrocession après une cession à l’amiable qui avait eu lieu en 1981, le premier jugement
du tribunal administratif sur la rétrocession datant de 1991 (CE, 16 janvier 1998,
Martinez, AJDA 1998, p. 536).
De même la Cour de cassation confirme toujours sa jurisprudence selon laquelle une
demande de rétrocession pour non-affectation d’un bien exproprié à la destination est
paralysée par la réquisition d’une nouvelle déclaration d’utilité publique. Il n’y a donc
pas à rechercher si l’impossibilité de la rétrocession pouvait donner lieu à dommages-
intérêts (Civ. 3e, 17 juin 1998, Entr. Jean Spada et autre c/ Cne de Nice, JCP, 1998-II-
10190 p. 2023-2024). Plus généralement la Cour de cassation confirme l’étroitesse du
droit de rétrocession (v. Hostiou, Cass. 12 mars 2003, Morandin, AJDI 2003, p. 439).
D. La réquisition d’emprise totale
Lorsque l’expropriation ne frappe qu’une partie de l’immeuble et que l’exproprié
estime que la partie restante devient inutilisable ou trop restreinte, il peut deman-
der au juge de faire porter l’expropriation sur la totalité du bien. Cette possibilité
a été récemment accrue en matière agricole (loi d’orientation foncière du 30 déc.
1967).
La Cour européenne des droits de l’homme (22 avril 2002, Lallement c/ France, AJDA,
p. 686, note Hostiou) estime qu’en cas de réquisition d’emprise totale d’un agriculteur
touché par une expropriation partielle pour garantir le droit de propriété, le requérant
devra en outre toucher une indemnité spécifique pour la perte de l’outil de travail
(v. Jégouzo, op. cit.).
§ 2 - P ROCÉDURES SPÉCIALES
A. La procédure d’urgence
L’urgence est fixée par l’acte déclaratif d’utilité publique. Les délais sont abrégés, les
formalités simplifiées.
B. La procédure d’extrême urgence
Elle concerne les travaux intéressant la défense nationale, la construction d’autoroutes,
de voies rapides, de routes nationales, d’oléoducs etc.
Les formalités sont extrêmement simplifiées. L’autorisation de prendre possession peut
être donnée par décret en Conseil d’État. Le Conseil constitutionnel a admis la validité
de cette procédure sous certaines réserves (Cons. const., 25 juill. 1989, RFDA 1989,
p. 1023).
C. L’expropriation des « bidonvilles »
Procédure spéciale prévue par la loi du 14 décembre 1964.
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distinction ne se vérifie pas dans tous les cas. On sait qu’en pratique de nombreuses
entreprises nationales ont été au contraire privatisées en tout ou en partie depuis 1986.
C. L’expropriation indirecte constitue une procédure particulière. Lorsque l’ad-
ministration au cours d’une opération, régulière par elle-même, a pris possession
irrégulièrement d’un immeuble privé et que cette dépossession doit subsister, il y a
expropriation indirecte. Le particulier, s’adressant aux tribunaux judiciaires peut
obtenir une indemnité ; la même décision transférera la propriété (v. cependant supra,
Cour de cassation, p. 115, no 6).
D. Droit de préemption
Lorsque la collectivité veut exercer son droit de préemption, elle manifeste son
intention d’acquérir le bien. La décision de la collectivité doit être dûment moti-
vée en application de la loi du 11 juillet 1979 sur la motivation des décisions
administratives.
Le propriétaire est parfois d’accord avec l’exercice du droit de préemption par la
collectivité. Il s’agit alors d’arriver au fixation du prix, qui se fera soit à l’amiable,
soit par l’intervention des tribunaux judiciaires.
Si le propriétaire n’est pas d’accord avec le prix fixé, il peut toujours, et c’est là un
point tout à fait essentiel, renoncer à vendre son bien. Le bien restera la propriété
du propriétaire primitif, mais il ne peut le vendre à un tiers.
122 - D R O I T A D M I N I S T R A T I F D E S B I E N S
grave au droit de propriété. En réalité, les collectivités, en général n’en abusent pas.
Informée des ventes dans la commune, celle-ci peut plus facilement mettre en
œuvre sa politique de l’habitat. Dans la pratique, le droit de préemption n’a pas
pour objet principal d’acquérir des biens, mais de lutter contre la spéculation
foncière ou éventuellement de faire des opérations foncières ou de créer des réserves
foncières pour l’avenir.
On va aussi créer de véritables « périmètres d’insalubrité » qui vont au-delà des
immeubles réellement insalubres.
● Il faudra éviter un détournement de pouvoir, consistant pour la collectivité
publique de s’appuyer sur cette procédure pour réaliser en réalité d’autres opéra-
tions d’urbanisme. Le juge contrôlera donc la validité de l’opération (CE S., 26 juillet
1982, Vigne et aussi ministre de la Santé, AJDA 1982, 1982.733).
Lorsqu’une décision de préemption est annulée, le juge peut prescrire à l’auteur de
la préemption de s’abstenir de revendre le bien illégalement préempté et de proposer
à l’acquéreur évincé, puis le cas échéant au propriétaire initial, d’acquérir ce bien.
Si entre-temps le bien a été revendu, l’exécution de l’annulation de la décision de
préemption n’impose pas au juge d’ordonner des mesures qui tendraient à la remise
en cause de cette revente (CE S., 26 févr. 2003, M. et Mme Bour, AJDA 2003, p. 729 ;
v. aussi responsabilité, CAA Paris, 3 févr. 2004, M. et Mme Bour, AJDA 2004, p. 1605.)
L’affaire Bour a entraîné des complications d’exécution extrêmement difficiles
(EDCE 2004, p. 130) qu’on ne peut exposer en entier ici. Finalement, la Section
du rapport et des études a suggéré que la commune, sans attendre l’aboutissement
de la procédure judiciaire et dans le souci de prévenir une procédure administrative
contentieuse relative aux parcelles non revendues, réexamine avec les intéressés le
sort de ces parcelles.
Autre exemple intéressant : pour exécuter un jugement déclarant illégale une
préemption, la commune doit procéder à la rétrocession du bien en le proposant
à l’ancien acquéreur. Elle exécutera la jugement en le lui proposant au prix qu’elle
a effectivement payé, même si elle a bénéficié d’un enrichissement sans cause dont
l’appréciation ne relève pas du juge de l’exécution (TA Lyon 15 nov. 2005, Joseph
Pereton, AJDA 2006, p. 149, concl. J.-P. Chenevey). V. aussi CE 6 sept. 2006, France
Télécom, AJDA 2007, p. 155.
Lorsqu’il y a une illégalité fautive dans l’exercice de droit de préemption, la
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2 P A R T I E – E X P R O P R I A T I O N E T R É Q U I S I T I O N - 123
réparation du préjudice peut être invoquée par le propriétaire (CE 15 mai 2005,
Cne du Fayet, RFDA 2006, p. 895).
Les procédures de référé autorisent le juge à ordonner la suspension des décisions
d’exercice du droit de préemption. La jurisprudence est assez mitigée : d’une part
elle est assez encourageante pour les acquéreurs évincés ; d’autre part, les demandes
de suspension formés à l’appui du référé-liberté en particulier apparaissent plus
difficiles à obtenir étant donné la condition rigoureuse d’une atteinte grave et
manifestement illégale portée à une liberté fondamentale (v. art. Laurence Dard-
halon, AJDA 2005, p. 22777) (pour un exemple récent d’admission du référé-
suspension : CE 23 janvier 2006, Cne de Blauzac, AJDA 2006, p. 1006).
124 - D R O I T A D M I N I S T R A T I F D E S B I E N S
e
2 P A R T I E – E X P R O P R I A T I O N E T R É Q U I S I T I O N - 125
T ITRE II
La réquisition
La réquisition est un procédé forcé qui permet à l’administration de se procurer la
propriété et l’usage des biens mobiliers, l’usage des biens immobiliers, le service
d’entreprises ou de personnes. La procédure est très simplifiée par rapport à l’expro-
priation mais l’utilisation en reste limitée.
Jusqu’à une date récente la réquisition était uniquement militaire, elle avait pour objet
l’acquisition de biens mobiliers et en principe elle était limitée au temps de guerre.
Mais un droit de réquisition civile a été créé par le décret-loi du 11 juillet 1938 sur
l’organisation de la nation en temps de guerre. Elle ne porte plus seulement sur
l’acquisition des meubles mais sur les objets et les services les plus divers. L’application
du procédé s’est étendue, du moins dans la pratique, en dehors du temps de guerre,
fictivement maintenu.
Si les réquisitions militaires sont toujours régies par la loi du 3 juillet 1977, les
réquisitions civiles sont variées et résultent aussi bien de la loi du 11 juillet 1938 que
de l’ordonnance du 6 janvier 1962. Il faut y ajouter l’ordonnance du 7 janvier 1959
portant organisation générale de la défense.
Il existe aussi des régimes particuliers diversifiés tels que le « logement d’office », droit
de réquisition du maire, etc. Il faut surtout constater que les régimes de réquisition
sont très variables.
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126 - D R O I T A D M I N I S T R A T I F D E S B I E N S
> C HAPITRE I
LES POSSIBILITÉS D’EMPLOI
DE LA RÉQUISITION
§ 1 - L ES RÉQUISITIONS MILITAIRES
Elle n’est ouverte qu’en vue de satisfaire à un besoin proprement militaire. Ce droit
est ouvert en cas de mobilisation, de rassemblement de troupes ou lorsque les « cir-
constances l’exigent » (loi 21 janv. 1935). Cette dernière détermination se fait en
Conseil des ministres.
Alors qu’en cas de mobilisation, la réquisition peut porter sur des objets très divers,
en dehors de ce cas, la réquisition militaire est plus limitée (surtout logement,
cantonnement, etc.).
§ 2 - L ES RÉQUISITIONS CIVILES
Le droit de réquisition peut être mis en œuvre dans de nombreuses hypothèses :
mobilisation, agression manifeste, période de tension extérieure lorsque les circons-
tances l’exigent en cas d’état d’urgence. La loi sur l’organisation de la défense nationale
du 7 janvier 1959 a prévu d’autres cas de réquisition (mise en garde, menace).
Malgré la fin des hostilités en 1945, la loi du 11 juillet 1938 sur l’organisation de la
nation en temps de guerre a pris un caractère permanent.
Les réquisitions ont été largement étendues par les textes : réquisitions en propriété
ou en usage de biens (sauf la propriété des immeubles) réquisitions de personnes et
de service, réquisitions d’entreprises (moyens matériels et personnels).
Les buts de la réquisition sont devenus extrêmement divers. Elle peut être employée à
la « satisfaction des besoins du pays » (loi 1938). Le Conseil d’État a donné de cette
notion une conception très extensive (p. ex. création d’un terrain de sports, réquisition
de personnel gréviste).
Les pouvoirs de réquisition du préfet en temps de paix ne pouvaient se fonder sur un
texte de portée générale comme le Code général des collectivités territoriales, mais
uniquement sur l’ordonnance du 6 janvier 1959 relative aux réquisitions de biens et
service qui reste applicable en dehors du temps de guerre pour les besoins du pays (TA
de Lille, 2 mai 2002, Sté France Manche, AJDA 2002, p. 933, réquisitions d’usines à
Sangatte pour y installer des étrangers-légalité). Mais le Tribunal des conflits vient
d’admettre une importante exception (T. confl. 26 juin 2006, AJDA 2006, p. 1891
et s., concl. J.-H. Stahl). Le préfet tient du Code général des collectivités territoriales
la possibilité de prendre toutes mesures relatives au maintien de la salubrité, de la sûreté
et de la tranquillité publique ; il peut ainsi requérir, en cas d’urgence, tout médecin dans
le but d’assurer ou de rétablir la continuité des soins ambulatoires interrompus par des
mouvements de refus concertés et répétés des médecins libéraux d’assurer les gardes de
nuit et des fins de semaine. Par ailleurs la détermination du montant de l’indemnisation
alloué au médecin réquisitionné appartient à la juridiction administrative.
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> C HAPITRE II
PROCÉDURE ET CONTENTIEUX
§ 1 - LA PROCÉDURE
● S’il existe certaines garanties pour les administrés, elles sont nettement moins
importantes qu’en matière d’expropriation.
● Si le droit de réquisition civile n’appartient qu’aux ministres (avec certaines possi-
bilités de délégation), la réquisition militaire appartient aux ministères des Armées et
à certains généraux avec possibilité de délégation.
● La réquisition doit être écrite et signée. Pour respecter l’égalité des charges, elle se
fait par l’intermédiaire du maire.
● Les réquisitions militaires peuvent être exécutées d’office, mais non les réquisi-
tions civiles (T. confl. 27 nov. 1952, Flavigny, p. 647), sauf les réquisitions de logement
(T. confl. 12 mai 1949, Dumont, p. 596).
● L’indemnisation est postérieure à la réquisition. L’évaluation se fait par l’intermé-
diaire de barèmes et tarifs établis à l’avance par le ministre. La détermination précise
se fait par des commissions départementales d’évaluation.
§ 2 - LE CONTENTIEUX
● Le droit des réquisitions a fait l’objet d’un développement considérable au lendemain
de la Seconde Guerre mondiale.
● Le juge administratif est compétent pour statuer sur l’acte administratif individuel
de réquisition sauf en cas de voie de fait. Le juge pénal apprécie la légalité des mesures
entraînant sanctions pénales de l’ordonnance du 11 juillet 1938.
● En matière d’indemnisation, le régime est complexe. La plupart des régimes pré-
voient que le juge judiciaire est compétent pour les réquisitions régulières. En cas de
réquisition irrégulière, la compétence se partage entre le juge administratif et le juge
judiciaire en cas d’emprise et de voie de fait.
Conclusion : spécialement important est le régime particulier du logement d’office
institué au lendemain de la Seconde Guerre mondiale étant donné la crise du logement.
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128 - D R O I T A D M I N I S T R A T I F D E S B I E N S
T R O I S I È M E P A R T I E
LE TRAVAIL PUBLIC
La théorie du travail public constitue l’une des théories les plus importantes du droit
administratif. Cette importance fondamentale s’explique de différentes façons.
1. Ancienneté : La théorie des travaux publics est l’une des plus anciennes du droit
administratif puisqu’elle trouve sa source dans la loi du 28 pluviôse de l’an VIII qui
a donné compétence aux conseils de préfecture pour connaître les litiges en matière
de travaux publics ; elle a ainsi permis au droit administratif de faire de grands progrès
à une époque où les grandes théories devenues traditionnelles depuis (contrat, res-
ponsabilité) étaient inexistantes.
2. Ampleur juridique : Par notion de travail public, il ne faut pas simplement entendre
les grands travaux en matière immobilière. Les problèmes posés par l’existence d’ou-
vrages achevés sont aussi réglés par la théorie du travail public ; de même constituent
des travaux publics, de simple travaux d’entretien. Par ailleurs, la notion de travail
public lorsqu’elle est en concurrence avec d’autres notions juridiques a un caractère
particulièrement attractif ; un litige qui par un de ses aspects présente un caractère de
travail public devient très fréquemment « Travail public » dans son ensemble.
3. Ampleur de fait : Les travaux publics constituent l’une des principales activités de
l’État et des collectivités locales. Plusieurs millions de personnes sont, directement ou
indirectement, occupées par les Travaux publics ; les dépenses se comptent en dizaines
de milliards de francs. L’industrie des travaux publics constitue l’une des grandes bases
de l’économie du pays.
4. Particularité : La théorie des dommages de travaux publics a ouvert la voie au
développement de la responsabilité sans faute.
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130 - D R O I T A D M I N I S T R A T I F D E S B I E N S
> C HAPITRE I
LA DÉFINITION DU TRAVAIL PUBLIC
> SECTION 1
La définition du travail public proprement dit
La loi du 28 pluviôse an VIII est une loi réglant des problèmes de compétence ; la
compétence contentieuse en matière de travaux publics appartient au juge adminis-
tratif. La loi n’a pas donné de définition du travail public. Cette définition est l’œuvre
de la jurisprudence. Cette notion de travail public concerne à la fois un travail
proprement dit aussi bien qu’un ouvrage public (p. ex. barrage).
Définition actuelle : le travail public est un travail immobilier exécuté dans un but
d’utilité générale, soit pour le compte d’une personne publique, soit pour la
réalisation d’une mission de service public à condition, que dans cette dernière
hypothèse, il soit réalisé par une personne publique.
La notion de travail public comprend donc des éléments communs et des éléments
alternatifs.
e
3 P A R T I E – L E T R A V A I L P U B L I C - 131
p. 262). En tout état de cause la notion de travail public est indépendante de celle de
domaine public (T. confl. 24 oct. 1942, Préfet des Bouches-du-Rhône).
2. La notion d’utilité publique ne trouve de limite que lorsque les travaux sont effectués
dans un intérêt purement financier ou patrimonial (création de routes forestières
pour l’évacuation du bois, réparation d’immeubles de rapport) ou dans un intérêt
privé.
132 - D R O I T A D M I N I S T R A T I F D E S B I E N S
e
3 P A R T I E – L E T R A V A I L P U B L I C - 133
cadre général du renouveau de la notion de service public ; une des difficultés d’ap-
plication vient d’ailleurs de l’imprécision de cette dernière notion.
● L’arrêt Effimieff du Tribunal des conflits du 28 mars 1955 (AJDA 1955-II-332) a une
importance fondamentale. En l’espèce pour accélérer et coordonner la reconstruction
des immeubles sinistrés du fait de la guerre, le législateur avait institué en 1948, deux
catégories de groupements. D’une part des sociétés coopératives de reconstruction,
organismes de droit privé, et des associations syndicales de reconstruction, qui sont
elles aux termes de la loi, des organismes de droit public. Les travaux effectués avaient
donné lieu à de très nombreux litiges opposant les groupements aux entrepreneurs ou
aux sinistrés. Les travaux exécutés étaient-ils des travaux de droit privé ou des travaux
publics ? L’importance de la solution donnée était très grande, car elle intéressait
plusieurs centaines d’associations syndicales regroupant près de cent mille sinistrés.
– Les tribunaux judiciaires avaient généralement admis le caractère privé de ces travaux,
les tribunaux administratifs les rangeant en revanche dans la catégorie des travaux
publics. La solution donnée par les tribunaux judiciaires était conforme à la jurispru-
dence traditionnelle. En effet, les travaux étaient exécutés au profit de particuliers et
non au profit d’une personne publique.
– Le Tribunal des conflits allait admettre la compétence administrative. Il estime que
le « Législateur en attribuant aux associations syndicales de reconstruction le caractère
d’établissements publics » a ainsi expressément manifesté son intention d’assigner à
ces organismes dans l’œuvre de la reconstruction immobilière, une mission de service
public, dans les conditions définies et pour les fins d’intérêt national visées par la loi
et le règlement et, corrélativement, de les soumettre, qu’il s’agisse des prérogatives
de puissance publique attachées à cette qualité ou des sujétions qu’elle entraîne, à
l’ensemble des règles de droit public correspondant à cette mission ; qu’il suit de là
que nonobstant le fait que les immeubles reconstruits ne sont pas la propriété de ces
associations (qui sont maîtres d’œuvre jusqu’à la réception définitive) les opérations
de reconstruction qui ont lieu par leur intermédiaire, qu’elles intéressent des immeu-
bles appartenant à des particuliers ou des biens des collectivités publiques constituent
des opérations de travail public » (v. aussi T. confl. 28 sept 1998, Ribeirs, 1999, p. 425)
● L’arrêt Grimouard (CE S., 20 avril 1956 Ministre de l’Agriculture c/ Consorts
Grimouard, AJDA 1956-II-272) pose le même problème que l’arrêt Effimieff. L’État
s’était engagé à reboiser une propriété privée ; il est donc le maître d’œuvre. Toutefois,
il ne conserve pas la propriété des plantations. Il fait l’avance des fonds nécessaires
aux travaux, mais plus tard il se remboursera sur le produit de l’exploitation. Mais le
travail est un travail public, car il constitue l’objet même du service public de
reboisement.
3. Cette jurisprudence connaît une limite importante. En effet, pour que les travaux
effectués pour le compte d’une personne privée pour la réalisation d’une mission de
service public soient considérés comme des travaux publics, il est nécessaire que ces
travaux soient réalisés par une personne publique (T. confl. 26 oct. 1987, Gilbert,
RDP 1988, p. 1467). Ainsi, ne sont pas des travaux publics des travaux exécutés par
des personnes privées pour leur compte (CE, 18 mai 1960, Grenet, p. 340) (T. confl.
26 avr. 1980, Prunet, p. 503). Même des travaux exécutés sur la voie publique par une
entreprise privée pour le compte d’une personne privée ne constituent pas un travail
public (T. confl. 7 oct. 1991, Caisse primaire Loiret, RFDA 1992, p. 690). (Il en va
Dossier : 203215 Fichier : Biens Date : 22/3/2007 Heure : 7 : 48 Page : 140
134 - D R O I T A D M I N I S T R A T I F D E S B I E N S
différemment des travaux des offices publics d’HLM, établissements publics. Il n’est
pas nécessaire que les travaux aient été exécutés par la puissance publique en régie
avec son propre personnel. Il suffit que la personne publique ait eu la maîtrise des
travaux.)
Ainsi l’application de ces principes n’est pas toujours aisée. Pour que les travaux soient
des travaux publics, il n’est pas absolument nécessaire que l’administration les ait
exécutés directement en régie avec son propre matériel et son personnel. Les travaux
peuvent être faits par des entrepreneurs, ce qui est généralement le cas, à condition
que les travaux soient bien sous la maîtrise d’une personne publique.
Autres exemples (portant sur l’un ou l’autre critère) :
● Des travaux d’établissement de voies de réseaux par une association foncière libre
(personne de droit privé) créés pour gérer un lotissement, ne constituent pas des
travaux publics (T. confl. 15 nov. 1999, Mollo, RFDA 2000, p. 158).
● Les travaux effectués à la demande du maire par un particulier ont pour objet
l’entretien d’un arbre classé comme monument naturel en raison de l’intérêt général
présenté par sa conservation ou sa préservation. Ces travaux, réalisés pour le compte
d’une personne publique et dans un intérêt général, ont le caractère de travaux publics
(T. confl. 5 juill. 1999, Cne de Stetten, RFDA 1999, p. 452).
Constituent des travaux publics, des travaux de construction d’un immeuble réalisés
par une commune pour le compte d’une entreprise privée dans le cadre d’une mission
de service public (développement économique) (T. confl. 17 nov. 2003, Préfet du Nord,
AJDA 2004, p. 558) ; idem travaux de construction d’un immeuble par un OPAC
(T. confl. 23 juin 2003, Mme Carras et Pierboni, AJDA 2003, p. 1838).
● Des travaux d’établissement de voies de réseaux par une association foncière libre
(personne de droit privé) créée pour gérer un lotissement, ne constituent pas des
travaux publics (T. confl. 15 nov. 1999, Mollo, RFDA 2000, p. 158).
4. L’évolution apportée par la jurisprudence se justifie par le fait que les personnes
publiques interviennent de plus en plus en matière immobilière en réalisant des
ouvrages qui peuvent devenir la propriété de personnes privées.
5. Enfin, ont le caractère de travaux publics les travaux organisés par l’organisation
européenne pour la recherche nucléaire et à laquelle la France a adhéré. Cette orga-
nisation remplit dans l’intérêt des États membres une mission de service public (travail
de percement sous le Jura, CE, 18 déc. 1981, Min. Relations extér. c/ Pelas, p. 481).
6. Des travaux d’aménagement réalisés dans une voie privée destinée à être intégrée
au domaine public peuvent être qualifiés de travaux publics (CE 30 nov. 2005, Louis
Maggioni, AJDA 2005, p. 2323).
En revanche a été jugé que des travaux réalisés sans autorisation expresse du proprié-
taire constituent une emprise irrégulière (T. confl. 21 juin 2004, SCUI Camaret
c/ Sivom, AJDA 2004, p. 1722).
Conclusion
● La notion de travail public a un caractère attractif. Ceci est d’autant plus important
que le régime juridique des travaux publics est très exorbitant du droit commun :
prérogatives de l’administration, caractères particuliers de la responsabilité, caractère
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3 P A R T I E – L E T R A V A I L P U B L I C - 135
136 - D R O I T A D M I N I S T R A T I F D E S B I E N S
> SECTION 2
L’ouvrage public
La notion de travail public ne doit pas être entièrement confondue avec celle
d’ouvrage public, encore que la jurisprudence ne distingue pas toujours les deux
notions.
Le travail public consiste dans l’opération de construction, l’ouvrage public dans le
résultat du travail, p. ex. stade municipal de football (CE, 15 févr. 1989, Dechaume,
req. 48.447). Mais il existe des travaux publics sans ouvrage public (démolitions,
travaux sur des propriétés privées) et des ouvrages publics sans travail public (bâtiment
construit par des particuliers puis remis à l’administration). Si l’ouvrage fait partie du
domaine public, il y a ouvrage public. Mais l’ouvrage public ne se confond pas non
plus avec le domaine public. Ainsi une entreprise publique peut être propriétaire
d’ouvrages publics (CE, 7 nov. 1962, EDF c/ Consorts Jacquet, p. 1141) lorsqu’ils sont
utilisés pour assurer le fonctionnement du service public. De même les ouvrages
appartenant à un concessionnaire, mais directement affectés au fonctionnement du
service public sont des ouvrages publics (T. confl. 12 déc. 1955, Ané, p. 628). Enfin, les
branchements de canalisation, d’eau, d’électricité et de gaz, sont des ouvrages publics
jusqu’au compteur. De même sont des ouvrages publics, les immeubles construits par
des offices d’HLM, même si les occupants deviennent propriétaires du logement.
Constituent des ouvrages publics les voies privées – fort nombreuses dans certaines
communes – ouvertes à la circulation et entretenues par la commune.
La notion d’ouvrage public est souvent incertaine et semble le devenir de plus en plus
(v. art. Pierre Sablière : « Contribution à l’étude des incertitudes pesant sur la notion
d’ouvrage public », AJDA 2005, p. 2324 et s. à propos des ouvrage de production, de
transport et de distribution d’électricité ; application de la loi du 9 août 2004). La loi
du 20 avril 2005 relative aux aéroports prévoit expressément, alors que cela ne semblait
pas nécessaire, que les ouvrages d’Aéroport de Paris affectés au service public demeu-
rent des ouvrages publics. Cette « redondance » montre les incertitudes de la notion
d’ouvrage public (v. F. Melleray, AJDA 2005, p. 1376 et s.).
● Très longtemps la jurisprudence aussi bien administrative que judiciaire avait admis
le principe « qu’ouvrage public même mal implanté ne se détruit pas ».
Le juge judiciaire affirmait clairement sous l’autorité du Tribunal des conflits qu’« il
n’appartient en aucun cas à l’autorité judiciaire de prescrire aucune mesure de nature
à porter atteinte sous quelque forme que ce soit, à l’intégrité ou au fonctionnement
d’un ouvrage public » (T. confl. 6 févr. 1956, Cons. Sauvy p. 586, Civ. 3e, 9 mars 1982,
JCP 1982.IV.185).
Dossier : 203215 Fichier : Biens Date : 22/3/2007 Heure : 7 : 48 Page : 143
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3 P A R T I E – L E T R A V A I L P U B L I C - 137
Les juges judiciaires ont longtemps admis ce principe même lorsque la construction
de l’ouvrage public était constitutive d’une voie de fait. L’intangibilité de l’ouvrage
public l’emporte sur la voie de fait. En fait, on est en présence d’une expropriation
indirecte. Le tribunal judiciaire se bornait à constater le transfert de propriété et à
assurer une indemnité.
Le juge administratif avait une position analogue. Le juge administratif avait en
principe deux motifs de rejet s’appuyant aussi bien sur le principe de l’intangibi-
lité de l’ouvrage public que sur l’impossibilité de donner des injonctions à l’adminis-
tration.
On pouvait se demander pourquoi les ouvrages publics sont intangibles. Seuls des
auteurs anciens comme Aucoc ou Laferrière avaient avancé des explications, l’un
admettant l’idée de « l’intérêt général » l’autre l’idée de « l’intérêt financier ».
Le principe d’intangibilité des ouvrages publics a été fortement bousculé aussi bien
par la jurisprudence que par le législateur.
Tout d’abord le Conseil d’État dans un arrêt Ép. Denard et Martin (CE S., 19 avril
1991, AJDA 1991, p. 563) n’invoque plus le principe d’intangibilité de l’ouvrage public,
mais il va rejeter le recours au fond. Des riverains d’un chemin avaient formé un
recours contre le refus du maire de supprimer une petite buse qui servait à l’écoulement
des eaux. Le Conseil d’État rejette la demande car la décision du maire n’était pas
entachée d’une erreur manifeste d’appréciation. On peut supposer, a contrario, que
s’il y avait eu erreur manifeste, la demande aurait été admise.
La solution n’était cependant pas encore très claire. La Cour de cassation allait bientôt
suivre la voie ouverte par le Conseil d’État. Dans un arrêt d’Assemblée du 6 janvier
1994 (Ass. plén., Consorts Baudon de Mony c/ EdF, AJDA 1994, p. 339) la Cour de
cassation était amenée à statuer dans une affaire où des barrages hydroélectriques
avaient été implantés sur des terrains qui, suite à l’annulation ultérieure de la vente
étaient revenus dans le patrimoine des vendeurs. La Cour estime qu’un transfert de
propriété non demandé par le propriétaire ne peut intervenir qu’à la suite d’une
procédure régulière d’expropriation. Autrement dit, il n’y a pas eu transfert de
propriété par voie de « l’expropriation indirecte ».
Certes, la Cour de cassation ne fait pas détruire l’ouvrage public. Mais elle renonce au
transfert forcé du droit de propriété qui existait jusque là.
Il faut signaler aussi que la loi du 8 février 1995 qui permet au juge administratif
d’adresser des injonctions à l’administration et d’assortir cette injonction d’une
astreinte. Il semble que ce texte permet au juge administratif, en le combinant avec la
jurisprudence citée de la Cour de cassation et du Conseil d’État, de prescrire à
l’administration la destruction de l’ouvrage public mal implanté.
Il faut toutefois reconnaître que longtemps la jurisprudence était hésitante. Elle l’est
moins à l’heure actuelle.
Le Conseil d’État, dans l’arrêt Synd. départemental de l’électricité et du gaz des Alpes-
Maritimes (29 janvier 2003, RFDA 2003, p. 414), donne d’autres précisions. À propos
de l’implantation irrégulière d’un pylône électrique (la DUP approuvant le tracé de la
ligne ayant été annulée) le juge distingue entre deux types d’action : s’il y a voie de
fait, le juge judiciaire, compétent, doit rétablir le propriétaire dans ses droits, au besoin
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138 - D R O I T A D M I N I S T R A T I F D E S B I E N S
a) seuls peuvent être qualifiés « ouvrages publics » les biens qui sont le
résultat d’un travail de l’homme, peu importe l’importance de l’ouvrage (il peut
s’agir d’une petite rigole ou de l’arc de Triomphe) ; idem chemins ruraux ouverts
à la circulation (CAA Bordeaux, 8 mars 1999, Yerle, Juris-data, 043397) ;
b) l’ouvrage public ne peut être qu’immobilier (ce qui n’est pas le cas
p. ex. de tribunes ou gradins démontables posés sur la voie publique). Mais il y a
parfois hésitation (p. ex. en ce qui concerne les bacs à péage) tribune démontable
dans un stade adapté à la configuration du stade avec des aménagement spéciaux,
ouvrage public (CE, 11 déc. 1970, Ville de Saint-Nazaire, p. 364). Ne constitue pas
un ouvrage public un banc non fixé au sol qui avait le caractère d’un bien
« mobilier ». La responsabilité en matière de travaux publics (v. p. 156 et s.) ne
peut jouer (CE, 26 sept. 2001, RFDA 2001, p. 131) ;
c) l’ouvrage peut être affecté à un service public industriel et commer-
cial (p. ex. barrages d’EDF) ; idem : CAA Lyon, Couture, Juris-data, 2001-151672) ;
d) il n’y a ouvrage public que s’il y a aménagement particulier et que
l’ouvrage soit affecté à une destination d’intérêt général ; intéressantes
décisions sur le droit moral des auteurs sur une œuvre « architecturale » (ouvrage
public : CAA Nantes 27 déc. 2002, Ville de Cholet, AJDA 2004, p. 2114 ; v. aussi
CE 11 sept. 2006, Agopyan, AJDA 2006, p. 2189 : en l’espèce la « dénaturation » de
l’œuvre d’art au stade de France n’était pas indispensable) ;
e) mais les « couloirs aériens » au-dessus des aérodromes ne constituent
pas des ouvrages publics (CE, 2 déc. 1987, Cie Air Inter et autres, AJDA 1988,
p. 166) ni par elles-mêmes les « pistes de ski » (CE, Rebora, 12 sept. 1986, p. 281),
contrairement aux ouvrages en bordure (CE, 13 févr. 1987, Viéville, AJDA 1987,
p. 487-488). Ne constitue pas un ouvrage public un chemin tracé sur le sommet
d’une falaise même agrémenté de bancs (CAA Nantes, 28 févr. 2001, 151619) ;
f) très fréquemment les ouvrages publics font partie du domaine
public. Les conditions pour faire entrer un bien dans le domaine public ou pour
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> C HAPITRE II
LE RÉGIME JURIDIQUE DU TRAVAIL PUBLIC
> SECTION 1
Le projet de travail public
● L’existence d’un ministère chargé des travaux publics n’implique pas que la totalité
des opérations de travail soient faites sous l’égide de ce ministère. Il faut surtout mettre
en évidence l’importance particulière d’un grand service, celui, anciennement dit, des
Ponts et Chaussées, véritable administration des travaux publics, mais dont la struc-
ture a beaucoup évolué.
● L’initiative de la mise en œuvre d’un travail public revient aux autorités de la
personne publique qui veut réaliser le travail. Il faut signaler à cet égard qu’en principe
l’administration est libre de réaliser un travail ou de ne pas le réaliser (sauf p. ex. obli-
gation d’entretenir les bâtiments, entretien obligatoire des cimetières par les commu-
nes, etc.).
● La réalisation d’un travail public est souvent une opération complexe. Aussi de très
nombreuses personnes et autorités interviennent-elles à titre divers : consultations,
autorisations. Si l’intervention du législateur était parfois nécessaire avant 1958, l’au-
torisation de principe est aujourd’hui donnée selon le cas, par décret en Conseil d’État,
par le ministre, le préfet ou l’ingénieur en chef.
● Il existe en France quelques grandes entreprises de travaux publics : société Bouygues,
Lefebvre, Vinci, Eiffage, etc.
> SECTION 2
Les modes d’exécution du travail public
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contre le maître de l’ouvrage » (T. confl. 18 oct. 1999, Sté Cussenot Matériaux, RFDA
2000, p. 456).
● En matière de marchés de travaux publics, la compétence est cependant judiciaire
dans l’hypothèse où le litige oppose des participants à l’exécution d’un travail public
et que ces parties sont liées par un contrat de droit privé ou lorsque s’élève une
contestation sur l’étendue d’un privilège (T. confl. 15 nov. 1999, Sté Bloc-Matériaux c/
Hôpital d’Alise Sainte-Reine et autres, RFDA 2000, p. 457).
Il faut tenir compte aussi de la notion de marché public en droit communautaire.
● Les directives « travaux » du 18 juillet 1989 et « secteurs exclus » du 17 septembre
1990 et la directive du 31 mars 2004 (qui procède à une refonte dans un document
unique) ont des formulations spécifiques :
L’objet est encore nettement plus large qu’en droit interne. Le terme « marché »
recouvre toute forme de contrat d’un montant estimé qui dépasse un certain seuil
ayant pour objet soit l’exécution, soit la conception, soit la réalisation par quelque
moyen que ce soit, d’un ouvrage répondant aux besoins d’un pouvoir adjudicateur.
Ainsi en droit communautaire, on considérera comme marché public, même des
contrats d’acquisition « clés en main » pour des contrats de promotion.
● De plus un marché public nécessite qu’un « pouvoir adjudicateur » soit présent au
contrat. Il peut s’agir des collectivités territoriales, mais aussi de tout organisme doté
de certaines caractéristiques, en particulier « la soumission à l’influence des pouvoirs
publics », qui devient ainsi au regard de droit communautaire « un organisme de droit
public » alors qu’il peut fort bien s’agir d’une société d’économie mixte, d’une fon-
dation, d’une association dont le financement est majoritairement d’origine publique,
qui pourtant en droit français sont des organismes de droit privé. Il peut enfin s’agir
des associations formées par ces associations et organismes.
● L’idée fondamentale est de prendre en considération la totalité des commandes publi-
ques, peu importe le montage adopté dans les différents systèmes juridiques nationaux.
Un contrat passée par une personne de droit privée peut être un contrat de droit privé
sous l’angle du droit français, et un « marché public de travaux » sous l’angle du droit
communautaire. Il faudra combiner les principes des deux droits.
Un nouveau Code des marchés a vu le jour en 2006 et est entré en vigueur le
1er septembre 2006. Il apporte peu de modifications par rapport à son prédécesseur. Il
s’impose aux marchés de l’État et de ses établissements publics (à condition qu’ils ne
soient pas de nature industrielle et commerciale) aux collectivités territoriales et leurs
établissements publics (même s’ils sont de nature industrielle et commerciale) ainsi
qu’aux contrats passés par les mandataires des personnes publiques.
Le marché public de travaux est ainsi défini « Les marchés publics de travaux ont pour
objet la réalisation de tous les travaux de bâtiment ou de génie civil à la demande d’une
personne publique exerçant la maîtrise d’ouvrage » (art. 1er-II).
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3 P A R T I E – L E T R A V A I L P U B L I C - 145
2. LA FORMATION DU MARCHÉ
a) Les personnes contractantes
● Le marché, au sens de la directive du 31 mars 2004 et du Code de 2006, se
caractérise par son « objet » et suppose la présence d’un « pouvoir adjudicateur »
(État, collectivités territoriales, « organismes des droit public » et les associations
formées par ces organismes de droit public. Il faut que le marché (et cela est
nouveau) soit conclu « à titre onéreux ».
● Il faut distinguer le maître d’ouvrage, personne publique pour le compte de
laquelle sont entrepris les travaux qu’elle définit et le maître d’œuvre, personne
publique ou privée qui exécute des études et dirige les travaux et enfin les
entrepreneurs.
● Lorsqu’une personne publique engage des travaux, la personne compétente doit
intervenir : soit le ministre pour les marchés de l’État mais aussi, éventuellement,
la personne spécifiquement responsable du marché. Une institution spécialisée, la
Commission centrale des marchés (CCM) placée sous l’autorité du ministre de
l’Économie et des Finances contrôle les marchés. Sa compétence a été modifiée
plusieurs fois. Diverses mesures ont tenté depuis 1972 de rendre le contrôle a priori
plus efficace tout en l’allégeant.
● Le cocontractant de l’administration ne pouvait pendant très longtemps n’être
146 - D R O I T A D M I N I S T R A T I F D E S B I E N S
Pour éviter les excès dans les attributions de marchés, la loi du 6 février 1992
relative à l’administration territoriale de la République a institué une commission
d’adjudication et d’appel d’offres au sein de chaque collectivité territoriale et
d’établissement public local. Elle doit porter en principe un regard impartial sur le
marché. En matière d’appel d’offres, c’est elle seule qui détermine l’offre la plus
avantageuse. Éventuellement elle pourra déclarer l’appel d’offre infructueux.
b) Documents
Le marché comprend outre le contrat proprement dit, une série de documents, le
plus important étant constitué par le cahier des clauses administratives générales.
Il existe aujourd’hui un cahier des clauses administratives générales applicables aux
marchés publics de travaux. Il faut signaler aussi le cahier des clauses techniques
générales, les cahiers des clauses techniques particulières, le bordereau des prix, le
détail estimatif, le bordereau des salaires, etc.
c) Contrôle
Le contrôle de la régularité de la procédure de choix a été renforcé ces dernières
années. En effet, les pratiques illégales se sont développées de façon importante.
Les règles de publicité et de concurrence souvent ne sont pas respectées, en
particulier par les collectivités territoriales. Les pratiques illégales sont très variées
et sont souvent difficiles à être perçues. Les collectivités fractionnent abusivement
les contrats pour faire passer chacun au dessous des seuils fixés en francs afin
d’échapper à des règles plus contraignantes ; recours à de « faux » appels d’offres,
rendant celui-ci infructueux pour pouvoir passer au marché négocié ; laisser filtrer
des informations permettant d’avantager certains candidats ou imposer des condi-
tions factices pour éliminer certains concurrents et en éliminer d’autres.
● Les contrôles à priori
Le premier contrôle est exercé par le préfet, car tous les contrats doivent lui être
communiqués. Toutefois, les préfets ne disposent pas de services suffisants pour
exercer un contrôle réel. D’ailleurs l’application pure et simple du Code des marchés
n’exclut pas les illégalités.
Les moyens du préfet ont été renforcées d’une certaine manière par la loi du 4 février
1995. D’après ce texte, en matière de marché (et certaines autres matières) lorsque
le préfet demande un sursis au tribunal administratif dans les dix jours de la
transmission de l’acte, celui-ci est suspendu pour un délai d’un mois, permettant
au tribunal d’intervenir.
De plus, le législateur, en application des directives communautaires a institué par
la loi du 4 janvier 1992 un référé précontractuel. Une personne qui s’estime lésée,
de même que le préfet, peuvent après avoir mis en vain le responsable du marché
en demeure de se conformer aux obligations légales, saisir le président du tribu-
nal administratif. Celui-ci ou son représentant statue dans les vingt jours, après
audience publique. Le juge peut ordonner au responsable de se conformer aux
obligations, suspendre la passation, annuler des décisions, supprimer des clauses
ou prescriptions. Cette procédure permet à des tiers, préalablement à la conclusion
du contrat d’obtenir des injonctions du juge administratif.
Cette avancée importante du droit avait cependant été limitée par le Conseil d’État
qui a estimé que le tribunal ne peut plus agir une fois que le contrat est conclu, si
bien que les parties auront tendance à accélérer la conclusion du contrat (CE,
3 novembre 1995, Ch. de commerce et d’industrie de Tarbes et des Hautes Pyrénées
et 2 autres espèces, p. 394 ; RFDA 1995, p. 1077). Il en va autrement depuis la loi
Dossier : 203215 Fichier : Biens Date : 22/3/2007 Heure : 7 : 48 Page : 153
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3 P A R T I E – L E T R A V A I L P U B L I C - 147
30 juin 2000, qui prévoit que le juge des référés, désormais saisi sans recours
administratif préalable, pourra dès sa saisine « enjoindre de différer la signature
du contrat jusqu’au terme de la procédure » et pour une durée maximum de
vingt jours.
● Les contrôles à posteriori
Il existe tout d’abord une mission interministérielle d’enquête sur les marchés
qui a été créée par une loi du 3 janvier 1991. Cette commission est chargée
d’examiner les conditions de régularité et d’impartialité, de préparation, de passa-
tion, d’exécution des différents marchés publics.
Elle peut être saisie par l’État ou la Cour de comptes. Cette commission a de larges
pouvoirs d’investigation (accès aux documents, obtenir communication des factu-
res, documents professionnels, pénétrer dans les locaux, etc.). Le président peut
révéler les faits au procureur de la République et doit faire un rapport annuel.
Enfin, la loi du 3 janvier 1991 a inscrit dans le Code pénal, un nouveau délit, le
délit de favoritisme. Toute personne investie d’un mandat électif ou tout repré-
sentant d’un des organismes relevant de la mission interministérielle qui aura
procuré ou tenté de procurer un avantage injustifié par un acte contraire aux textes
tendant à garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés sera
puni de prison et (ou) d’amende. Ainsi tombent sous le coup de la loi, les fausses
factures, les dessous de tables, choix d’un titulaire qui ne devait pas l’être, etc.
Ces mesures ont certainement assaini les procédures de passation des marchés, elles
n’ont pas mis fin à toutes les irrégularités.
S’ajoutent à ces règles nouvelles, le contrôle du juge administratif. Le juge peut être
saisi d’un recours pour excès de pouvoir contre le contrat lui-même par déféré
préfectoral. Les tiers ne peuvent attaquer le contrat lui-même, mais le juge a étendu
la notion d’acte unilatéral détachable de la convention (CE, 23 octobre 1992,
Bourdiel, req. 107107) Un tiers peut aussi contraindre l’administration à saisir le
juge pour constater la nullité du contrat (CE S., 7 oct. 1994, Époux Lopez, p. 430,
RFDA 1994, p. 1090). Mais l’ensemble des problèmes reste complexe.
Il faut enfin ajouter à ces contrôles, ceux exercés par les chambres régionales des
comptes (loi du 2 déc. 1994) et les comptables publics.
3. L’EXÉCUTION DU MARCHÉ
a) Les obligations de l’entrepreneur
● Alors que jusqu’aux textes récents (Décr. du 14 mars 1973, loi du 31 déc. 1975,
Décr. du 31 mai 1976) l’entrepreneur devait exécuter les travaux personnellement,
les nouveaux textes permettent à l’entrepreneur de sous-traiter avec l’autorisation
de l’administration dans certains cas. Le problème de la sous-traitance est à la fois
important et complexe dans les détails (v. p. 143 et s.). En tout cas, le sous-traitant
doit être accepté par le maître de l’ouvrage (CE, 6 nov. 1985, Cne de Chozy, AJDA
1986, p. 42). L’entrepreneur restera en tout état de cause responsable de l’exécution
de l’ensemble du marché. Le décès de l’entrepreneur entraîne en principe la
résiliation du contrat. Les solutions admises en cas de faillite ou de règlement
judiciaire sont variables.
● Le cocontractant est obligé de respecter les délais d’exécution.
● De façon plus générale, l’entrepreneur est obligé de respecter toutes les dispositions
découlant du contrat et qui peuvent être très variées : obligations s’imposant à tous
les cocontractants de l’administration, obligations spéciales au contrat dont il s’agit.
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trouve sa justification dans le fait qu’il s’agit de travaux essentiels pour l’intérêt
public et qu’en tout état de cause l’administration reste maître de l’ouvrage. Les
pouvoirs sont donc très divers : contrôle sur les matériaux, sur l’exécution des
travaux, sur le choix du personnel, sur le travail réalisé, détermination des délais
d’exécution. Ce pouvoir de l’administration ne libère pas l’entrepreneur de la
responsabilité envers les tiers, mais il peut, le cas échéant, obtenir des indemnités
de la part de l’administration, soit au titre de la responsabilité contractuelle pour
faute de l’administration, soit en application de la théorie du fait du prince.
● Pouvoir de modification unilatérale : ce problème autrefois très discuté à propos
e
3 P A R T I E – L E T R A V A I L P U B L I C - 149
La résiliation doit en principe être précédée d’une mise en demeure (CE, 8 nov.
1985, Entr. Ozilou, AJDA 1986, p. 52).
c) Les droits de l’entrepreneur
L’entrepreneur a essentiellement des droits pécuniaires, droit au prix et le cas
échéant à des indemnités.
1) Le prix
● le prix est en principe stipulé dans le marché. Le plus fréquemment, le prix est
stipulé de façon « globale forfaitaire ». Parfois, le prix est fixé de façon « unitaire »,
cette unité étant multipliée par le nombre de quantités exécutées ; enfin, plus
rarement le marché se fait sur dépenses contrôlées (après exécution des travaux) ;
● le prix, élément contractuel fondamental, n’est modifiable que par accord de
volonté des deux parties. Il faut toutefois remarquer que très fréquemment les
marchés contiennent des clauses de révision et de variation des prix, révision ou
variation qui auront lieu en se référant à certains « paramètres ».
2) Les indemnités
L’entrepreneur peut obtenir des indemnités dans diverses hypothèses :
● application de la théorie du fait du prince (modifications indirectes apportées
général) ;
● exercice du pouvoir de modification unilatérale de l’administration : la contre-
prétendre à une indemnité lorsqu’il a exécuté, sans qu’ils aient été prévus, des
travaux nécessaires à la bonne exécution du marché ; les travaux simplement
« utiles » à l’administration sont soumis à un régime plus complexe : il peut y avoir
indemnité s’ils ont entraîné un « enrichissement sans cause » de l’administration
(v. aussi p. 151 et s.) ;
● sujétions imprévues : une indemnité sera due si l’entrepreneur dans l’exécution
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5. LA FIN DU MARCHÉ
● Le marché prend normalement fin par l’achèvement des travaux. Dans certains cas
cependant, la fin est anticipée : c’est le cas lorsque le marché est résilié unilatéralement
par l’administration (soit dans l’intérêt général ou à titre de sanction) ou lorsque,
comme cela est possible dans certaines hypothèses, la résiliation se fait à la demande
de l’entrepreneur (force majeure, obligations nouvelles trop importantes).
La fin du marché entraîne plusieurs conséquences :
● La liquidation et le paiement du prix. L’état d’avancement des travaux est constaté
au moyen « d’attachements », attachements qui ont force probante quant au volume
des travaux effectués. Les décomptes sont les pièces qui déterminent le montant des
sommes dues en fonction des attachements. Les décomptes provisoires servent à la
détermination du montant des acomptes. Les décomptes définitifs, partiels ou généraux,
ont pour objet de déterminer la dette de l’administration.
● Le décompte définitif, accepté par l’entrepreneur, devient irrévocable pour les deux
parties. En revanche, si l’entrepreneur a formulé des réserves avant l’acceptation, il
pourra éventuellement saisir les tribunaux. Pour éviter le recours trop fréquent au
contentieux, le décret du 11 mai 1953 a prescrit l’institution, dans chaque administra-
tion d’État, d’un comité consultatif de règlement amiable.
● La réception des travaux. La réception a pour objet de contrôler la fin des travaux.
Le nouveau cahier des clauses et conditions générales des marchés publics de travaux
du 21 janvier 1970 a diminué pour les marchés auxquels il s’applique, le particularisme
de la réception des travaux publics en substituant une réception unique à la distinction
de la réception provisoire et de la réception définitive. L’entrepreneur est tenu à la
garantie de parfait achèvement des travaux pendant un an après la réception et pendant
six mois si le marché ne concerne que des travaux d’entretien et de terrassement. La
garantie d’un an « prévue en tout état de cause » par l’article 1792/6 du Code civil ne
s’applique pas (CE, 28 févr. 1986, Entr. Blondet, RDP, 1986, p. 1158, RFDA 1986, p. 609).
Les fautes commises au cours de l’exécution du contrat engagent la responsabilité
contractuelle d’une partie envers l’autre (de l’entrepreneur à l’égard du maître de
l’ouvrage ou inversement).
Après la réception de l’ouvrage, il n’y a pas d’appel en garantie du constructeur par la
collectivité publique condamnée à indemniser un tiers pour des travaux liés à des
travaux publics (CE S., 11 juill. 2004, Siaec, AJDA 2004, p. 1502).
Est interdite, sauf pour un dommage entrant dans le cadre de la garantie décennale,
l’action en garantie du maître de l’ouvrage contre le constructeur pour les dommages
causés aux tiers, une fois les relations contractuelles éteintes par la réception définitive de
l’ouvrage (sauf clauses contractuelles contraires ou entrepreneur indélicat) (maintien de
la jurisprudence Forrer, CE S. 4 juill. 1980 par l’arrêt CE S. 15 juill. 2004, Synd. intercom-
munal, AJDA 2004, p. 1698 et s., chron. C. Landais et F. Lénica, EDCE 2005 p. 39).
Il n’y a pas de dommage intermédiaire entre la réception des travaux sans réserves et la
garantie décennale (TA Rennes 27 janv. 2005, Cne de Quimper, AJDA 2005, p. 942).
● La responsabilité décennale de l’entrepreneur (art. 1792 et 2270 du C. civ.).
Après le délai d’un an, une responsabilité subsiste à la charge des entrepreneurs et des
architectes. Article 1792 du Code civil : loi du 4 janvier 1978 : « Tout constructeur d’un
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ouvrage est responsable de plein droit envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des
dommages même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage
ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments
d’équipement, le rendent impropre à sa destination. » Ce texte du Code civil est
appliqué dans ses principes par le Conseil d’État. Les cahiers des clauses se réfèrent
d’ailleurs eux-mêmes à ce texte. Toutefois, le Conseil d’État donne à ce texte une
interprétation souvent différente de celle qui est donnée par les tribunaux judiciaires
lorsqu’il s’agit de litiges de leur compétence.
La responsabilité qui est décennale (le point de départ étant la prise de possession des
travaux et leur achèvement) joue uniquement pour les vices non apparents au moment
de la réception. Il doit aussi s’agir d’un vice grave, de nature à compromettre la solidité
de l’immeuble ou de le rendre impropre à sa destination. Mais la responsabilité sera
engagée sur le fondement du risque (CE, 2 févr. 1972, Trannoy, p. 95) (CE, 7 juin
1985, Dubois et Avizou, RFDA 1986, p. 763). La jurisprudence en cette matière est très
abondante et l’appréciation très concrète. La garantie décennale ne se limite pas aux
gros travaux (CE, 5 déc. 1986, Sté Entr. générale de chauffage, RDP, 1987, p. 1007).
La garantie décennale entraîne la responsabilité solidaire des constructeurs. Jusqu’à une
date récente, la garantie décennale n’était pas d’ordre public et pouvait être aménagée
par le contrat. Mais la loi du 4 janvier 1978 interdisant la limitation de la garantie
décennale en matière civile, il est possible que le juge administratif soit amené à modifier
sa jurisprudence. Toute la jurisprudence illustre la souplesse des mécanismes de la
responsabilité décennale en droit public (CE, 23 mars 1990, 18 oct. 1989, Riboulet et
autres, LPA 23 mars 1990, p. 12-14 ; CE, 22 mars 1991, Synd. mixte du parc naturel des
Volcans d’Auvergne, RFDA 1991, p. 520).
Exemple de garantie décennale : La garantie décennale joue lorsque des terrasses
d’appartement sont impropres à leur destination et que le désordre est imputable au
procédé d’étanchéité. Dans ce cas, la garantie décennale s’étend à la réparation de toutes
les terrasses, y compris de celles où des désordres ne sont pas encore apparus dans le
délai d’épreuve de dix ans (CE, 30 déc. 1998 Andrault, Parat et Carre, RFDA 1999,
p. 240). V. aussi CAA Versailles 7 juin 2005, Sté Berim, AJDA 2005, p. 1859, détermi-
nation des éléments sur lesquels portent la garantie décennale.
La garantie décennale ne peut être invoquée à l’égard de la personne publique qui a eu
la maîtrise d’ouvrage déléguée et qui n’était pas maître d’œuvre des travaux (CE, 30 juin
1999, Cne de Voreppe, RFDA 1999, p. 878).
● Nature de la responsabilité des constructeurs
On a vu que l’arrêt Trannoy a mis à la charge des constructeurs une présomption
irréfragable de responsabilité. Peu importe qu’il n’y eut pas faute, la responsabilité est
solidaire entre les différents acteurs. Les seules causes d’exclusion sont la force majeure
ou la faute du maître de l’ouvrage. Les collectivités territoriales ne peuvent renoncer
aux garanties. La victime peut demander la remise en état de l’ouvrage ou des dommages
intérêts. Chacun des constructeurs est responsable du tout, et peut éventuellement
exercer ultérieurement des actions en garantie ou des actions récursoires.
Depuis 1978, les constructeurs sont tenus de justifier qu’ils ont souscrit une assu-
rance pour couvrir la garantie décennale. Mais chaque personne physique ou morale
agissant en qualité de propriétaire de l’ouvrage doit aussi souscrire une « assurance
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154 - D R O I T A D M I N I S T R A T I F D E S B I E N S
dommage » (sauf l’État) si bien que les litiges se résumeront en fin de compte à des
litiges entre assureurs. Pendant la période de réparation ou de réfection, les collectivités
seront couvertes par leur assurance qui pourra se retourner contre l’assurance de
l’entrepreneur.
Pour simplifier le règlement des litiges entre l’administration et l’entrepreneur, diverses
possibilités ont été prévues : réclamations devant l’administration, comités de règlement
amiable.
Le Conseil d’État semble aussi admettre une « garantie biennale » (C. civ., art. 1792-3,
art. 2270) garantie de bon fonctionnement portant sur des éléments d’équipement ne
faisant pas corps indissociable avec l’ouvrage (CE, 14 mai 1990, Sté Alsthom, p. 124).
Sur le contrôle exercé par le juge de cassation (CE, 19 avr. 1991, SARL, Cartigny, RFDA
1992, p. 965).
● Le recours à l’arbitrage est possible dans les conditions strictes prévues par certains
textes (p. ex. loi du 17 avr. 1906), qui permet aux collectivités de recourir à l’arbitrage
tel qu’il est prévu par le Code de procédure civile pour la liquidation de leurs dépenses
de travaux publics et de fournitures (v. aussi décret du 25 juill. 1960). Mais la
jurisprudence interprète strictement ce texte : il n’autorise pas la « clause compromis-
soire » établie à l’avance mais seulement le compromis sur un litige né (CE, 17 juill.
1946, Min. travaux publics, p. 473 ; CE, 3 mars 1989, Sté autoroute région Rhône-Alpes,
op. cit.).
> SECTION 3
Les travaux publics et les tiers
En dehors des acquisitions de propriété qui peuvent résulter des travaux publics, ces
opérations peuvent porter atteinte aux droits des propriétaires. Par ailleurs, un certain
nombre de prérogatives de l’administration sont attachées aux travaux publics. Mais
de façon très générale, l’administration est tenue de réparer les dommages causés par
les travaux publics.
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156 - D R O I T A D M I N I S T R A T I F D E S B I E N S
l’exproprié, le travail public. Des restrictions ont été imposées par la Cour euro-
péenne (v. p. 113).
2. Récupération directe : si certains textes ont prévu le principe de cette récu-
pération (p. ex. D.-L. du 30 déc. 1935 si la plus-value est supérieure à 15 % du
Ord. 23 oct. 1958) leur application s’est révélée pour le moment un échec. Le
problème se pose aujourd’hui essentiellement dans le cadre du droit de l’urbanisme.
Dans le cadre des règles relatives à l’urbanisme, les propriétaires seront souvent
amenés à participer aux dépenses de travaux publics d’équipement.
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3 P A R T I E – L E T R A V A I L P U B L I C - 157
d’État fait pour la première fois appel à cette hypothèse ; constitue un dommage de
travail public, l’avarie subie par un bateau suite à l’absence de balisage d’un rocher
situé dans le lit d’un cours d’eau.
Le dommage de travail public peut aussi provenir du fonctionnement du service
utilisant l’ouvrage public (v. p. 159 fait d’exploitation).
On peut encore citer à titre d’exemples récents : il y a compétence de la juridiction
administrative pour connaître des actions contre tous les participants, même indirects,
à une opération de travaux publics (CE, 30 juin 1999, Cne de Voreppe, RFDA 1999,
p. 878). De même a été jugé récemment, confirmant d’ailleurs une jurisprudence
traditionnelle, que les litiges entre un entrepreneur et un architecte relatif à une
opération de travaux publics, sauf le cas où ils seraient liés par un contrat de droit
privé, relèvent du juge administratif sans qu’il y ait lieu de rechercher s’ils sont liés
au maître de l’ouvrage par un contrat administratif (T. confl. 25 mai 1998, SARL
Benetiere c/ Sivom des Auberges et M. Berger, RFDA 1998, p. 1057).
● Toutefois, seul le juge judiciaire est habilité à connaître des dommages qui se
rattachent à l’existence de servitudes légales. Il en va ainsi du déplacement d’un pylône
électrique, nécessaire par le plan d’exploitation d’une carrière, et qui est une consé-
quence de la servitude de passage d’une ligne électrique où est implantée la carrière
(T. confl. 29 sept. 1997, Sté Ciments Lafarge c/ EDF, CJEG avril 1998, p. 168-173).
2. La notion de dommage de travail public connaît cependant une série de limites
du fait de l’existence de certains textes ou théories donnant compétence à l’autorité
judiciaire dans certaines hypothèses. On peut citer essentiellement :
– tout d’abord lorsqu’il n’y a pas de lien avec le travail public ou l’ouvrage public
(T. confl. 24 mai 2004, Garcia ; défaut d’entretien d’une dépendance d’un immeuble
HLM), AJDA 2005, p. 34) ;
– l’emprise ou la voie de fait sur la propriété privée ;
– l’exercice de servitudes d’utilité publique (loi du 15 juin 1906 sur les installations
d’énergie électrique) ;
– les dommages accessoires à une expropriation ;
– les dommages causés par des fautes personnelles des agents du service public
utilisateur de l’ouvrage.
Plus importantes sont deux autres théories :
● Il est admis aujourd’hui que lorsque le dommage de travaux publics est subi par
158 - D R O I T A D M I N I S T R A T I F D E S B I E N S
les « couloirs d’accès » relèvent d’un service public administratif, la compétence est
administrative (T. confl. 15 mars 1999, Pristup c/ Aéroport de Paris, no 3027).
● D’après la loi du 31 décembre 1957, sont de la compétence judiciaire, les accidents
causés par les véhicules, même lorsque le véhicule était utilisé pour une opération de
travail public. La loi du 31 décembre 1957 a un caractère encore beaucoup plus attractif
que celle du Travail public. La notion de « véhicule », est très large : il s’agit de tout
engin susceptible de se mouvoir au moyen d’un dispositif propre (drague automatique,
tondeuse à gazon automobile ; idem pour les télébennes et télécabines, téléfériques ;
en revanche ne sont pas des véhicules, les ascenseurs et monte-charges étant donné
leur incorporation à l’immeuble).
Ex. : application de la loi de 1957, curieux blessé par un arbre qu’un bulldozer arrachait
du lit d’un fleuve ; accident sur un chantier de travaux publics, fermé au public, entre
deux véhicules tous deux servant aux travaux publics ; accidents provoqués par des
boues répandues sur les routes par des camions, dommages causés aux cultures
résultant de nuages de poussière soulevés par des camions.
● En revanche, et parfois les solutions sont difficiles à comprendre, il a été jugé que
la loi de 1957 ne s’appliquait pas aux dommages résultant de trépidations dues à la
circulation des trains ; dommages causés par une pelleteuse automatique ayant creusé
des tranchées, incendie causé dans un local résultant de la combustion de matériels de
travaux publics dont un véhicule entreposé dans un garage voisin ou faute de surveil-
lance d’un chantier alors que les dommages sont causés par le véhicule (T. confl. 2 déc.
1991, Préfet Haute-Loire, RDP, 1993, p. 561).
Un conteneur qui n’avait pas vocation principale à se déplacer, n’a pas le caractère
d’un véhicule, il doit être considéré comme une dépendance de l’ouvrage public
constitué par l’immeuble au fonctionnement duquel il était affecté (CE, 7 juin 1999,
OPHLM d’Arcueil Gentilly, RFDA 1999, p. 879). Lorsqu’une commune a chargé par
contrat une société de travaux d’assainissement de voies communales, que l’État a en
outre été mis en cause pour travaux sans étude préalable et de mesures techniques
insuffisantes, on est bien en présence d’un « dommage de travail public » même si un
« véhicule » a été utilisé dans le cadre de ces travaux. La responsabilité contractuelle
prime la loi sur « les véhicules » de 1957.
Dans certains cas, la compétence est partagée : dommages causés par des vibrations
d’engins (compétence judiciaire) et des tirs de mines (compétence administrative) (CE,
16 nov. 1992, SA Entr. Ratzel Frères, AJDA 1993, p. 561).
Comme le fait remarquer M. Chapus, « la coexistence de la loi du 28 pluviôse de l’an
VIII et de celle du 31 décembre 1957 n’est pas “pacifique” et les divergences entre les
juridictions sont profondes ». Les interventions du Tribunal des conflits sont fréquen-
tes. Nouveaux arrêts en matière de dommages causés par des véhicules (ou non) :
T. confl. 21 mars 2005, Sté fçse de prévention, accident causé par un hélicoptère,
compétence judiciaire ; T. confl. 20 juin 2005, Mme Dufraisse ; dommages ; compétence
judiciaire si le dommage trouve sa cause « déterminante » dans l’action du véhicule et
non dans la conception de l’ouvrage ; T. confl. 20 juin 2005, Hyrilis c/ État, véhicule
militaire manœuvre dangereuse : compétence judiciaire, le dommage ne trouvant pas
son origine dans l’organisation défectueuse des manœuvres militaires, RFDA 2005,
p. 1057) (T. confl. 12 déc. 2005, Engin de chantier de pelle dit « pelle mécanique » ; peut
se déplacer de façon autonome ; compétence judiciaire, RFDA 2006, p. 410).
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contrepartie des avantages dont dispose la puissance publique, des risques exception-
nels que créent les travaux publics, le fait que l’administration retire des avantages de
ses travaux. Il suffit de prouver la relation de cause à effet entre le préjudice et le
travail public. La preuve porte seulement sur le lien de causalité.
● La difficulté essentielle est de définir la notion de tiers. Cette difficulté existe en
matière de dommages permanents (ex. : propriétaire de vergers, vergers gelant du fait
de la création d’un barrage hydroélectrique, c’est un tiers ; horticulteurs victimes de
l’éclairage puissant d’une route nationale [CE, 10 mars 1997, Cne de Lormont, RFDA
1997, p. 655, no 6], permissionnaire de voirie considéré comme usager à l’égard des
travaux exécutés dans l’intérêt de la dépendance occupée). Gaz de France est un tiers
à l’égard d’ouvrages publics réalisés pour les transmissions téléphoniques (CE, 19 déc.
1990, Gaz de France, RDP, 1991, p. 1442).
Elle existe aussi pour les dommages occasionnels : l’abonné d’un service industriel est
un tiers par rapport à la canalisation principale (CE, 22 mai 1991, Gaz de France, RDP,
1991, p. 1442) ; le piéton marchant sur la voie et blessé par la chute d’un ouvrage de
l’EDF est un tiers tant que cet ouvrage n’est pas incorporé à la voie ; de même est un
tiers par rapport aux chemins de fer, une personne franchissant à bicyclette un passage
à niveau de la SNCF (CE, 14 mars 1990, Mme Declerck, RDP, 1991, p. 1442). Le riverain
de la voie publique est un tiers tant qu’il ne l’utilise pas. Lors de la rupture du barrage
de Malpasset, la ville de Fréjus a été considérée comme « usagère » en ce qui concerne
la distribution d’eau (venant du barrage) et comme un tiers pour les autres dégâts
(CE, 22 oct. 1971, Ville de Fréjus, p. 630). Est aussi un tiers une personne électrocutée
par un câble à haute tension surplombant le lieu où elle travaillait. De même en ce
qui concerne le fonctionnement défectueux d’un collecteur d’assainissement dont les
eaux refoulées dans le branchement du requérant ont provoqué une inondation du
rez-de-chaussée de son immeuble (CE, 31 oct. 1991, District urbain de Toul). Est un
tiers, l’utilisateur d’un canal en ce qui concerne les travaux faits par la commune qui
n’ont pas été effectués dans l’intérêt de l’ouvrage public, CE, 31 mars 1989, Éts Soufflets,
req. 73843). Mais les solutions sont loin d’être claires et sont même parfois contra-
dictoires : ainsi, les dommages causés par une canalisation de gaz désaffectée dans des
conditions analogues sont, pour la cour d’appel de Dijon, des dommages causés à un
usager d’un service public industriel et commercial et, pour la cour d’appel de
Chambéry, des dommages de travaux publics subis par un tiers (CA Dijon, 5 déc.
1984 ; CA Chambéry, 25 févr. 1985, AJDA 1985, p. 624). Le propriétaire d’un appar-
tement qu’il n’habite pas est un tiers par rapport à EDF avec laquelle il n’a aucun
contrat d’abonnement. En cas d’incendie provoqué par les défectuosités du branche-
ment particulier établi par le locataire, le juge administratif est compétent (T. confl.
Cie la Lutèce, 2 mars 1987, AJDA 1987, p. 774). Lorsqu’une société est raccordée au
réseau communal d’assainissement et qu’il y a inondation du fait de la mise en charge
du réseau départemental et refoulement dans le réseau communal, la société a la qualité
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de tiers à l’égard des deux réseaux (CE, 9 févr. 2000, RFDA 2000, p. 459). Enfin, ne
sont pas considérés comme usagers, les personnels même des services publics, mais ils
peuvent être considérés comme usagers des « locaux » où ils exercent leurs fonctions.
● Pour les dommages permanents, la réparation n’aura lieu que si le dommage
présente certains caractères : le dommage doit présenter un caractère spécial et un
caractère anormal (ex. : pas de réparation pour l’encombrement d’une toiture par les
feuilles mortes enlevées chaque année par l’automne aux platanes d’une place publique,
CE, 24 juill. 1931, Cne de Vic Fezensac, p. 860), les modifications apportées à la
circulation générale qui causent tort à des commerçants ne constituent pas un préjudice
anormal (CE, Sté des Bateaux... Les Vedettes blanches, 2 juin 1972, p. 414). Ils doivent
dépasser les inconvénients normaux du voisinage (p. ex. pas de réparation pour de
brefs travaux ne causant que de petites gênes normales à des commerçants, dommages
provenant de fumées ne dépassant pas une certaine importance, etc.). Pas de caractère
anormal (en l’espèce) : la création d’un passage piétonnier permanent en bordure de
la propriété du riverain d’un lac, qui crée des vues sur une terrasse du propriétaire et
un passage permanent en bordure de sa propriété (CAA Bordeaux, 22 oct. 2002,
M. Fabre, AJDA 2003, p. 187 et s., note Laurence Dardhalon).
En revanche, il y aura indemnisation lorsqu’il y a privation d’accès ou gêne sévère dans
l’accès aux lieux. Il peut en résulter des préjudices commerciaux (réduction du chiffre
d’affaires) ; il peut y avoir des troubles de jouissance (intensification du bruit lié à
l’accroissement du trafic, bruits résultant de la circulation automobile, CE, 5 déc. 1990,
M. et Mme Chapon, RDP, 1991, p. 1443) du voisinage d’un terrain de football (CE,
22 mars 1991, Rivat, RDP, 1991, p. 1143), et à l’utilisation plus fréquente d’appareils
sonores ; bruits résultant de construction d’autoroutes ; il peut y avoir réparation pour
dépréciation de la valeur d’un immeuble, inconvénients résultant du voisinage d’une
centrale nucléaire (CE, 5 avr. 1991, Époux Dacquet-Chassaing, RDP, 1991, p. 1444) bruits
causés par la présence d’un aéroport (CE, 20 nov. 1992, Cne de Saint-Victoiret, RFDA,
p. 196). Autres exemples d’indemnisation : horloge dans le clocher d’une église entraî-
nant des sonneries d’une intensité exceptionnelle, prolifération de lapins de garenne dus
à un remblai, lapins qui abîment les cultures. « Les allongements de parcours » consti-
tuent aussi une variété de dommages permanents qui sont indemnisés lorsque le
dommage est spécial et anormal (ex. CE, 30 janv. 1963, Chauvet, p. 61, du fait de la
construction d’un barrage, la distance à parcourir entre une propriété rurale et l’agglo-
mération passe de 2,4 km à 7,1 km). Constitue un préjudice anormal et spécial, un
ensemble de gênes et de nuisances importantes pour un pavillon d’exposition, consistant
notamment en de sérieuses difficultés d’accès et une moindre visibilité pour la clientèle
potentielle (CE, 18 nov. 1999, Sté Les Maison de Sophie et autres, RFDA 1999, p. 242). La
CAA de Lyon dans un arrêt du 16 mars 2000 (Cne de Saint-Laurent du Pont, ADJA, 2000,
p. 900) a admis, contrairement au tribunal administratif de Grenoble, l’existence d’un
dommage causé aux tiers par la présence d’un ouvrage public, en l’espèce une salle des
fêtes dont les nuisances excèdent les inconvénients normaux de voisinage. Il y a indem-
nisation des troubles de jouissance d’un propriétaire voisin et perte de la valeur vénale
de la propriété. Le réseau ferré de France est responsable, sans faute, pour les dommages
causés aux cultures par les lapins sauvages provenant du remblai de la voie ferrée (CE
avis, 26 févr. 2003, M. Courson, AJDA 2003, p. 519).
● Les pertes de clientèle, les diminutions d’activité entraînées par la modification
de voies de communication ne sont jamais indemnisées. Le Conseil d’État le dit
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sur la voie publique (CE, 12 avr. 1991, Mme Debienne, RDP, 1991, p. 1441), affaisse-
ment du sol provoquant la chute d’un cheval au cours d’une course hippique ;
l’administration sera responsable des saillies plus importantes, des chantiers non
signalés, des glissières de sécurité ni arrondies, ni munies de protections ; d’une verrière
dans une piscine ne répondant pas aux normes de sécurité, d’un mauvais fonction-
nement des feux de stop. Autre exemple : CE, 9 mars 1976, Sté des Autoroutes
Paris-Lyon, AJDA 1976, p. 528 : eu égard aux conditions de la circulation sur les
autoroutes, l’absence de tout aménagement particulier destiné à empêcher l’accès aux
grands animaux sauvages sur ces voies publiques, ne constitue un défaut d’entretien
normal que, soit à proximité des massifs forestiers qui abritent du gros gibier, soit
dans les zones où le passage des grands animaux est habituel (idem, CE, 4 nov. 1987,
Sté autoroutes Sud France c/ de Lauzon, req. 80.150). La présence d’oiseaux sur un
aéroport, oiseaux qui entrent en collision avec un avion, ne constitue pas un défaut
d’entretien normal (CE, 28 juin 1989 Sté Uni-Air req. 75335) ni le fait que des ouvrages
aient été insuffisants pour contenir une avalanche (CE, 16 juin 1989, Assoc. Le Ski
Alpin, RFDA 1989, p. 718). Une signalisation insuffisante ou inappropriée peut consti-
tuer un défaut d’entretien normal (CE, 21 juin 1991, Ridoin, RDP, 1991, p. 1439) et la
mise en place d’une signalisation ne dispense pas l’administration d’entreprendre dans
un délai raisonnable les travaux de réfection nécessaires (CE, 19 juin 1991, Min. Équip./
Gardet, RDP, 1991, p. 1440). Constituent encore un défaut d’entretien normal :
mauvais entretien d’un grillage par la SNCF près de la voie ferrée (CE, 30 mars 1990,
OPHLM de Toulon, RDP, 1991, p. 1440), panneau de signalisation d’une nappe d’eau
renversé pendant un certain temps (CE, 17 avr. 1991, Min. Transp. c/ Mme Thévenet,
RDP, 1991. p. 1440), présence sur la chaussée d’une importante excavation non signalée
(CAA Nancy, Min. des Postes et Tél., req. N.C. 00521) ; dénivellation non signalée de
8 à 10 mètres sur une tranchée d’assainissement fraîchement remblayée (CAA Nancy,
2 juill. 1991, Sté entrepr. de tr. pub., req. 00354) ; présence de bovins sur une autoroute
(CE S., 12 nov. 1997, CRAMAIF, RFDA 1998, p. 204, p. 442).
● Autres ex. de défaut d’entretien normal : défaut d’entretien d’une rampe d’accès à
164 - D R O I T A D M I N I S T R A T I F D E S B I E N S
contre-sens, CE, 17 juin 1998, M. et Mme Pham, RFDA 1998, p. 897) (v. aussi CAA
Nantes, 26 oct. 2000, Vals, Juris-data, 2000 ; 129495). Mais la faute des tiers contrai-
rement au droit commun, n’exonère pas de cette responsabilité pour faute
« présumée ».
● L’appréciation du défaut d’entretien normal appartient au juge du fond et n’est pas
contrôlé par le juge de cassation (CE, 26 juin 1992, Cne de Bethoncourt c/ Éts Barbier,
CJEG, 1993, p. 519). Mais le Conseil d’État sanctionne la « dénaturation des faits »
(CE, 27 nov. 1999, Dora, no 17808) l’erreur de qualification (CE, 4 oct. 2000, Dpt de
Hte Gar., Juris-data, 2000, 19847) ainsi que « l’erreur de droit » (CE, 17 mai 2000,
Dpt Dordogne, RFDA 2000) (v. détails Mémento de Contentieux administratif).
● Les usagers bénéficient d’un système de responsabilité sans faute si l’accident est
causé par un ouvrage particulièrement ou exceptionnellement dangereux (automo-
biles victimes d’accidents en circulant sur une route nationale longeant une falaise et
sujette à des éboulements sur l’île de la Réunion : CE, 8 juill. 1973, Dalleau, p. 482).
Mais cette jurisprudence restait très limitée, un chemin départemental même exposé
aux avalanches à certaines périodes de l’année n’a pas le caractère d’un ouvrage
particulièrement dangereux (CE, 11 avr. 1975, Dpt Haute-Savoie, p. 230), ni une route
exposée à des chutes de rochers (CE, 5 mai 1992, Min. Équipt c/ M. et Mme Cala,
RFDA 1992, p. 712). D’ailleurs la jurisprudence Dalleau a été abandonnée, la route
no 1 de l’île de la Réunion n’étant plus considérée comme un ouvrage exceptionnel-
lement dangereux (CE, 11 juillet 1986, Kichenin).
3. DOMMAGES SUBIS PAR LES PARTICIPANTS AU TRAVAIL PUBLIC
Le régime est ici nettement plus rigoureux. Les participants au travail, ce sont essen-
tiellement, mais pas seulement, le maître d’ouvrage et l’entrepreneur. La jurisprudence
précise que les dommages subis par les participants à un travail public, n’ouvrent droit
à réparation « que s’il est établi que lesdits dommages sont imputables à une faute
du maître de l’ouvrage ou de l’entrepreneur ». C’est à la victime d’apporter la preuve
du dommage (Ex. : CE S., 2 juillet 1971 SNCF c/ Époux Le Piver, p. 504, Dr. Sté, 1972,
p. 50 ; CE, 24 avril 1981, Sté des autoroutes du Nord et de l’Est, p. 953, D. 1982, IR,
p. 112).
Quelle est la justification de cette jurisprudence restrictive ? Selon M. Chapus, comme
la jurisprudence n’explicite pas les motifs dont procède l’exigence d’une faute, on doit
supposer que cette exigence tient à la considération que les participants à l’exécution
de travaux publics « sont des professionnels pour lesquels la survenance d’un dom-
mage pendant l’accomplissement de leur service est un risque du métier. Et de plus,
à la considération que leur participation à l’exécution de travaux donne lieu à
rémunération ».
Mais dans la pratique, les « participants » ne sont pas toujours le maître d’œuvre ou
l’entrepreneur. Ont aussi été considérés comme des participants, l’architecte surveillant
les travaux (CE, 16 décembre 1970, Teppe, p. 774, AJDA 1971, p. 379) l’agent d’une
collectivité appelée sur le chantier pour donner un renseignement (CE, 17 décembre
1975, Entr. Carpentier, p. 649) et même le simple particulier à qui on a demandé de
venir couper une canalisation d’eau qui lui appartient et qui gênait les travaux (CE,
1er déc. 1976, Auda, p. 1161).
En revanche, lorsqu’on peut faire jouer la théorie du « collaborateur bénévole » les
rigueurs de la jurisprudence disparaissent. Le « collaborateur bénévole » est considéré
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9. Comme on l’a déjà indiqué (v. p. 134), si un dommage a été causé à un abonné ou
à un usager d’un service industriel et commercial, la compétence judiciaire fondée
sur la responsabilité contractuelle l’emporte (T. confl. 24 juin 1954, Gaillard, Cogemad,
Sortel, p. 717). De même, sont de la compétence judiciaire les accidents causés par les
véhicules (loi du 31 déc. 1957).
10. En matière de travaux publics, on peut attaquer l’administration devant le juge
sans application de la règle de « décision préalable » et sans être tenu par les délais
de recours (Décr. 11 janv. 1965) (v. p. ex. CE, 12 févr. 1988, Autom. Citroën, req.
46.403).
11. Lorsque le « fonds de garantie automobile » (tout d’ailleurs comme les assurances)
ont été amenés à indemniser une personne morte ou blessée dans un accident
d’automobile parce que le conducteur de l’autre voiture n’était pas assuré, il peut se
retourner éventuellement contre l’auteur du dommage de Travail public pour le tout
ou en partie (CE, 31 juill. 1996, Fonds de garantie automobile, RFDA 1996, 1041, en
l’espèce Gaz de France).
12. Le juge peut-il ordonner la destruction d’un ouvrage public ? On sait que le principe
d’intangibilité de l’ouvrage public semble avoir été remis en cause, sous une certaine
forme du moins, dans l’arrêt Époux Denard de 1991 et les arrêts qui ont suivi (v. p. 136
et s.). De plus depuis la loi du 8 février 1995, le juge dispose dans le contentieux
administratif général, de nouveaux moyens pour contraindre l’administration à l’exé-
cution, en particulier le pouvoir d’injonction et d’astreinte qui pourra aussi être utilisé
en l’espèce (v. Mémento, Contentieux administratif).
13. Il faut tenir compte, en ce qui concerne l’imputation définitive de responsabilité,
d’éléments très divers : stipulations contractuelles spécifiques, diverses dispositions
législatives ou réglementaires spécifiques, fautes commises par les coauteurs du dom-
mage. Il faut tenir compte aussi du cas particulier des dommages réparés par les caisses
de Sécurité sociale.
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INDEX ALPHABÉTIQUE
A -B publiques, 2 et s., 6 et s., 19 et s., 27,
32, 39, 43, 44 et s., 86, 87
Abus position dominante, 76 Codification, 6 et s.
Accessoires (domaine), 19, 20, 31 Commissaire-enquêteur, commission
Accord amiable (expropriation), 117 d’enquête, 105 et s.
et s. Commission nationale du débat public,
Actes détachables (domaine privé), 82 104 et s.
Acquisition (biens), 79 Compétence judiciaire, 82
Aéroport de Paris, 38 Concession d’endigage, 12, 14, 33, 45, 74
Affectation (domaine public), 9 et s., 12 Concession de service public, 54, 62
et s., 16 et s., 20 et s., 26 et s., 30 et s., Concession funéraire, 75
48 et s. Concession de travaux publics, 141
Air (domaine public aérien), 15 Concession de voirie, 64
Aisances de voirie, 45 et s., 51 Concurrence, 75 et s.
Aliénation (biens, domaine privé), 80 Conseil de la concurrence, 75 et s.
Alignement, 34 Conservation (police), 46
Aménagement spécial (domaine public) Conservatoire espace littoral, 15, 80
11 et s., 20 et s. Consistance du domaine public, 11 et s.,
Aménagement indispensable, 20 19 et s.
Amendes, 51 et s., 147 Constitution, Conseil constitutionnel,
Arrêté de cessibilité, 109 et s. 62 et s., 66, 91, 101
Attractif (caractère des TP), 130 et s., Contrats (occupation domaine), 65 et s.,
143, 156 70
Autorisation, 65 et s. Contrats (TP), 135, 143 et s., partenariat
Autorité judiciaire (expropriation), 110 public privé, 73
et s.
Copropriété (domaine), 19
Autoroute, 62 et s., 141 Contraventions de voirie, 51
Baux emphytéotiques, 64, 71 et s., 72, 142 Convention européenne des droits de
et s.
l’homme, 4, 70
Bénéficiaires (expropriation), 92 Cour européenne, 4, 70, 110, 113, 115
Bilan (théorie du), 96 et s. Crédit-bail, 72
Critère (domaine public), 11 et s., 17 et s.
C
Cassation (contrôle), 69, 99, 165
Cessibilité (arrêté), 109 D
Cession amiable, v. Accord amiable Décentralisation (domaine public), 30,
Chambres d’expropriation, 110 46
Charges (domaine public), 44 et s. Déclaration d’utilité publique, 101 et s.
Cimetières, 75 Déclassement, 31 et s., 33
Circulation, 55, 58, v. Voies publiques Décomptes (marchés TP), 152
Classement, 31 et s. Défaut entretien normal, 131, 162
Code des marchés publics, 143, 144 Délaissement, 118
Code de la propriété des personnes Délimitation, 33 et s.
Dossier : 203215 Fichier : Biens Date : 22/3/2007 Heure : 7 : 48 Page : 176
170 - I N D E X A L P H A B É T I Q U E
I N D E X A L P H A B É T I Q U E - 171
M-N R
Maître d’œuvre, 145 Réception des travaux (TP), 152
Maîtrise d’ouvrage, 145 Récupération plus-values, v. Plus-values
Manifestation, 63 Redevance, 59, 65, 67, v. aussi Péage
Marché de travaux publics, 142 et s. Référé pré-contractuel, 146 et s.
Marché d’entreprise de travaux publics, Référés, 66 et s., 123
141 Régie (TP), 140, 148
Mer (Dom. pub. marit.), 33, 58, v. Riva- Réquisition, 89 et s., 125 et s.
ges de la mer – civile, 126
Modification unilatérale, 148 – d’emprise totale, 119
Mutations domaniales, 40 et s., 87 – militaire, 126
Nationalisations, 120 Résiliation (marchés), 148
Responsabilité (travail public), 152 et s.,
156 et s.
Responsabilité décennale, 162 et s.
O Responsabilité sans faute, 159 et s.
Rétrocession, 114, 118 et s., 122
Occupation domaine public, v. Utilisa-
tion Risque (responsabilité TP), 154 et s.
Occupation temporaire, 154 Risques naturels majeurs, 123
Offres de concours, 142 et s. Rivages de la mer, 12, 14, 33, 45, 57, 74,
Opérations complexes, 120 v. Domaine public maritime
Ordonnance d’expropriation, 110 Riverains voies publiques, 45 et s.
Ouvrages d’art, 62 Rivières, 13 et s.
Ouvrage public, 136 et s.
Ouvrage public mal implanté, 136 et s.
S
P Sanctions (contrat, trav. pub.), 148 et s.
Service des domaines, 80, 102 v.
Participants (TP), 164 et s. France-domaine
Péage, 57, 62, 67 Service public (affectation), 16, 20, 54
Permission de voirie, 65 et s. Servitudes (domaine), 44 et s., 46 et s.
Pertes clientèle, 161 et s. Sortie (domaine), 31
Plages, 74, v. aussi Mer, Domaine mari- Sous-traitance, 149 et s.
time, Rivages mer Stationnement, 57, 59 et s.
Plan d’alignement, 35 Sujétions imprévues, 149, 151
Plus-values, 155 et s.
Police, conservation du domaine, 50 et s.
Poste, 30, 86
Pouvoir hiérarchique, v. Hiérarchie
Préemption (droit de), 121 et s. T
Prix (marchés travaux publics), 149, 152 Tiers (travaux publics), 154 et s.
Procédure (expropriation), 101 et s. Titulaires (expropriation), 92
Procédures spéciales d’expropriation, Travaux publics, 3 et s., 130 et s.
117 et s. – définition, 130 et s.
Projet (TP), 140 et s. Travaux sur mémoire, 141
Propriété, v. Domaine Travaux hors contrat, 150
Dossier : 203215 Fichier : Biens Date : 22/3/2007 Heure : 7 : 48 Page : 178
172 - I N D E X A L P H A B É T I Q U E
Sommaire V
Introduction 1
Bibliographie sommaire 4
P R E M I È R E P A R T I E
LE DOMAINE 5
> C H A P I T R E II L E S N O T I O N S D E D O M A I N E P U B L I C E T D E D O M A I N E P R I V É 9
> SECTION 1 La distinction du domaine public et du domaine privé 9
§ 1 L’évolution de la distinction 9
§ 2 Les critères et la consistance actuels du domaine public
antérieurs au nouveau code (CG3P) 11
§ 3 La nouvelle définition du domaine public 19
§ 4 La consistance du domaine privé 22
> C H A P I T R E IV L E R É G I M E J U R I D I Q U E D U D O M A I N E P U B L I C 29
> SECTION 1 La détermination particulière du domaine public 29
§ 1 L’incorporation et la sortie du domaine public 29
§ 2 La délimitation du domaine public 33
174 - T A B L E D E S M A T I È R E S
D E U X I È M E P A R T I E
L’EXPROPRIATION POUR CAUSE D’UTILITÉ PUBLIQUE
ET LA RÉQUISITION 89
> C H A P I T R E I N T R O D U C T I F L’ É V O L U T I O N H I S T O R I Q U E 90
> CHAPITRE I LES CONDITIONS DU RECOURS À L’EXPROPRIATION 92
§ 1 Titulaires et bénéficiaires du droit d’exproprier 92
§ 2 Les biens susceptibles d’expropriation 92
§ 3 Les buts de l’expropriation 93
> C H A P I T R E II L A P R O C É D U R E D ’ E X P R O P R I A T I O N 101
§ 1 Opérations relevant de l’autorité administrative 101
§ 2 Opérations relevant de l’autorité judiciaire 110
§ 3 Effet des imbrications contentieuses 114
T A B L E D E S M A T I È R E S - 175
T R O I S I È M E P A R T I E
LE TRAVAIL PUBLIC 129
Mémentos Dalloz
Gustave Peiser
Droit administratif des biens
La 19e édition de cet ouvrage comporte d’importantes innovations
liées à l’évolution récente du droit administratif des biens.
La théorie de la domanialité constitue l’une des théories les plus
originales et les plus intéressantes du droit administratif. D’origine
très ancienne, elle a jusqu’à une date récente été développée surtout
par la jurisprudence. Mais le nouveau « Code général de la propriété
des personnes publiques » entré en vigueur le 1er juillet 2006 modifie
et modernise très sensiblement le droit applicable. Ce Code prend
Droit administratif
en compte en particulier la valorisation économique du domaine
et l’intrusion du droit de la concurrence. des biens
16 e 9 782247 072514