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EXPERTISE

NOTARIALE
Gaël CHANTEPIE

COPROPRIÉTÉ
IMMEUBLES
BÂTIS
À jour de la
réforme de la
copropriété
Juin 2020

un savoir-faire de
DEFRENOIS Lextenso,
La copropriété
des immeubles bâtis
Gaël Chantepie
Professeur à l ’université de L ille

La copropriété
des immeubles bâtis

EsaHüsac^s un savoir-faire de
Dans la même collection

B eauvarlet P., Les servitudes, 2013.


C amoz J.-Y., Les contrats immobiliers des collectivités territoriales, 2e éd., 2019.
C hantepie G., L a copropriété des immeubles bâtis, 2020.
G arçon J.-P., La TVA appliquée à l ’immobilier, 2e éd., 2013.
G entilhomme R., H erail M. et F ouché E., Fiscalité des m utations à titre gratuit et des
partages, 2e éd., 2013.
Krajeski D., Droit rural, 2e éd ., 2016.
L asne T. e t L eviaux L ., Comptabilité notariale, 2e éd., 2017.
P érès C., Renonciations et successions : quelles pratiques ?, 2017.
P iedelièvre S. et J., L a publicité foncière, 2014.
P iedelièvre J. et S., Les promesses immobilières, 2018.
R evi Liard M., Droit international privé et européen : pratique notariale, 9e éd., 2018.
R evillard M., Stratégie de transmission d ’un patrimoine international, 2e éd., 2016.
R evillard M., Les régimes patrim oniaux des couples en droit international privé,
européen et comparé, 2020.
R uet L., Les baux commerciaux, 5e éd., 2020.
Sagaut J.-F. et L atina M., Déontologie notariale, 4e éd ., 2019.
Un an d ’application de la réforme des contrats, Quel impact su r la pratique notariale ?,
ouvrage collectif, 2017.

© 2020, Defrénois, Lextenso


1, Parvis de La Défense
92044 Paris La Défense Cedex
www.defrenois.fr
ISBN : 978-2-85623-213-2
Sommaire

Avant-propos....................................................................................... 7
Introduction......................................................................................... 9

PREMIÈRE PARTIE
LA RÉGLEMENTATION DE L’IMMEUBLE EN COPROPRIÉTÉ
Chapitre 1. Le statut légal de l’immeuble.......................................... 27
Chapitre 2. La réglementadon privée de l’immeuble........................ 53
DEUXIÈME PARTIE
L’ORGANISATION COLLECTIVE DE LA COPROPRIÉTÉ
Chapitre 1. Le syndicat des copropriétaires....................................... 75
Chapitre 2. Les organes du syndicat des copropriétaires.................. 119
TROISIÈME PARTIE
LE FONCTIONNEMENT DE LA COPROPRIÉTÉ
Chapitre 1. La situation des copropriétaires...................................... 179
Chapitre 2. La situation de l’immeuble.............................................. 241
Table alphabétique.............................................................................. 251
Table des matières .............................................................................. 255
Avant-propos

Cet ouvrage présente un droit de la copropriété des immeubles bâtis au


milieu du gué. Réformé par l’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre
2019, destinée à entrer en vigueur au 1erju in 2020, il devait faire l’objet
d ’une nouvelle ordonnance codifiant sa partie législative à l’autom ne
2020. Le présent ouvrage m et ainsi en évidence les nouveautés applicables
à com pter du l erjuin 2020 en y consacrant des paragraphes distincts, à la
suite des développements thématiques. Le lecteur pourra accéder aisém ent
aux modifications, m ineures ou substantielles, apportées par l’ordonnance
du 30 octobre 2019, en attendant la renum érotation que ne m anquera pas
d ’apporter la codification.
La dram atique actualité de l’épidém ie de covid-19 a toutefois bouleversé le
calendrier initial et conduit les pouvoirs publics à adopter des modifications
en urgence. D’une part, comme l’ensemble des habilitations en cours, celle
relative à l’adoption par ordonnance d ’un code de la copropriété est pro­
longée de quatre mois, repoussant donc son adoption au plus tard au prin­
temps 2021 (L. n° 2020-290 d ’urgence pour faire face à l’épidém ie de covid-
19 du 23 mars 2020, art. 14). D ’autre part, les mesures de confinem ent et les
interdictions de rassemblement em pêchant la tenue des assemblées généra­
les, et faisant peser une m enace sur le renouvellem ent des contrats de syn­
dic, l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020, modifiée par l’ordonnance
n° 2020-460 du 22 avril 2020, prévoit que le contrat de syndic qui expire ou
a expiré pendant la période comprise entre le 12 mars 2020 et l’expiration
d ’un délai de deux mois à com pter de la date de cessation de l’état d ’urgence
sanitaire est renouvelé dans les mêmes termes jusqu’à la prise d ’effet du nou­
veau contrat du syndic désigné par la prochaine assemblée générale des
copropriétaires (art. 22. V. infra, n°247). Enfin, le m andat des mem bres du
conseil syndical qui expire ou a expiré entre le 12 mars 2020 et l’expiration
d ’un délai de deux mois à compter de la date de la cessation de l’état d ’ur­
gence sanitaire est renouvelé ju sq u ’à la tenue de la prochaine assemblée
générale des copropriétaires, laquelle intervient au plus tard huit mois
après la date de cessation de l’état d ’urgence sanitaire, actuellement fixée
au 10 juillet 2020 inclus par la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 (art. 22-1).
8 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

Au cours de cette période de confinement inédite, la question s’est posée


de la liberté d’accéder ou de se déplacer au sein des cours d ’immeuble ou
jardins communs, compte tenu des règles de restriction de déplacement. Si
ces parties communes peuvent parfois être assimilées à un espace public1,
elles permettent généralement l’usage des parties privatives dont elles
constituent l’accessoire nécessaire. Dès lors, il ne paraît pas possible de limi­
ter le libre accès des occupants de l’immeuble, dans le respect des règles de
distanciation sociale prescrites par les pouvoirs publics. Il semble cependant
que des arrêtés préfectoraux aient entendu restreindre l’accès aux parties
communes de certains immeubles, considérant le risque sanitaire que leur
usage aurait pu faire courir à leurs occupants. L’usage collectif des parues
communes de l’immeuble et son libre accès au public conduiraient alors à
éclipser, pour un temps, « ces embryons de vie communautaire qui s’arrê­
tent toujours aux paliers »2, à écarter leur caractère privatif pour motif sani­
taire.
La période en cours, emplie d’une succession de pedtes règles dérogatoi­
res, rend d ’autant plus nécessaire l’étude des principes essentiels de la
copropriété, moins sujets, peut-être, à leur péremption rapide. Hâtons-
nous ; le temps fuit et nous traîne avec soi.
Chaües-les-Eaux, le 14 mai 2020

1. V. not., retenant le délit d’injure pour des propos injurieux proférés dans une cour, partie
commune d’un immeuble, Cass, crim., 8avr. 2014, n° 12-87497.
2. G . P érec , La Vie mode d ’emploi, Fayard, Le Livre de Poche, 1978.
INTRODUCTION

1. Présentation.- La division de la propriété et de la jouissance d’un


immeuble entre plusieurs copropriétaires relève le plus souvent du régime
de la copropriété des immeubles bâtis123.Son statut spécifique, prévu par la
loi du lOjuillet 1965, s’applique, aux termes de son article premier, à « tout
immeuble bâti ou groupe d’immeubles bâtis dont la propriété est répartie,
entre plusieurs personnes, par lots ». Sur le terrain sociologique, la copro­
priété d’un immeuble apparaît comme un mode normal d’exercice de la
propriété, qui concerne plus de huit millions de logements en France' et
connaît toujours une croissance régulière, plus soutenue que les immeubles
individuels . Les raisons en sont connues : le phénomène d’urbanisation4,
la raréfaction des terrains constructibles et l’accroissement de leur coût.
L’avenir serait donc à l’expansion des constructions verticales, qui consti­
tuent l’essentiel des copropriétés. Sur le terrain juridique, le statut de la
copropriété fait pourtant figure de droit complexe, difficile à connaître et

1. Bibliographie générale. C. A tias et J.-M. R o u x , Guide de la copropriété des immeubles bâtis, 6e éd.,
Edilaix, 2017; J.-L. B ergei., S. C imamonti, J.-M. R oux et L. T ranchant, Les biens, 3e éd., LGDJ,
Traité de droit civil, 2019, n°543 ets. ; P. C apoulade et D .T omasin (dir.), La copropriété, coll.
«Dalloz Action», 10eéd., Dalloz, 2018; W . D ross, Droit des biens, 4eéd., LGDJ, 2019, n“ 207
ets. ; W. D ross, Les choses, LGDJ, 2012, n” 207 ets. ; C . Sabatié , Copropriété. Statut. Gestion. Conten­
tieux, 23e éd., Delmas, 2019; F. T erré et P. S imler , Droit civil. Les biens, 10e éd., Dalloz, 2018,
n ° 604 ets. Adde P. C apoulade , C. G iraudfa et B. D robenko , Copropriété dans la cité, Le Moniteur,
2000 ; E. K ischinewsky-B roquisse , La copropriété des immeubles bâtis, 4e éd., Litec, 1989. La biblio­
graphie relative au droit de la copropriété est abondante si l’on inclut les multiples guides
pratiques à usage des copropriétaires ou des conseillers syndicaux. Parmi ces multiples ouvra­
ges, il faut signaler l’ouvrage édité par l’association des responsables de copropriété, La copro­
priété pratique en 300 questions, 13e éd., Vuibert, 2018.
2. Ce qui représente 28,1 % du parc métropolitain, le reste relevant du parc social (11,8 %) et
des logements en « mono-propriété » (60,1 %) (les conditions de logement en France, étude
Insee, 2017, p. 118).
3. Les logements en copropriété dans l’enquête nationale du logement 2006, étude de l’ANAH, 2011,
spéc. p. 6.
4. Plus de 80 % de la population vit en zone urbaine en Europe occidentale (J.-B. A uby, Droit de
la ville. Du fonctionnement juridique des villes au droit à la Ville, LexisNexis, 2013, p. 1).
10 LA COPROPRIETE DES IMMEUBLES BATIS

source d ’un contentieux abondant. Ce constat pessimiste suppose de reve­


nir sur les origines du droit de la copropriété.
2. Propriétés collectives et copropriété des immeubles bâtis.- Le terme
« copropriété » désigne, dans une acception large, l’ensemble des formes
d’appropriation concurrente d’un bien3. Elle relève du champ des proprié­
tés collectives, sur la nature et le régime desquelles la doctrine s’interroge567.
A ce titre, la copropriété des immeubles bâtis se rapproche de multiples
formes d’appropriation collective, partant de l’indivision de droit commun
pour aller vers des formes particulières, telles que la mitoyenneté, voire des
variétés très spécifiques, par exemple les copropriétés de navires ou de bre­
vets. L’histoire de la copropriété des immeubles bâtis est celle d’une auto­
nomisation progressive d’un corps de règles, du fait de son importance
socio-économique.

§ 1. Evolution du statut de la copropriété des immeubles bâtis


3. Copropriété par étages. Les rédacteurs du Code civil avaient seulement,
sous la pression des tribunaux de Grenoble et Lyon, prévu un article 664,
depuis abrogé, relatif à la répartition des charges entre les propriétaires des
différents étages d ’une maison'. Ce texte se contentait, de manière lapi­
daire, de déterminer les modalités de répartition des charges entre les
copropriétaires de l’immeuble. Si cette question demeure, encore aujour­
d ’hui, particulièrement délicate8, elle n’épuise pas le sujet des rapports
entre copropriétaires et de l’organisation collective de l’immeuble objet
d ’une appropriation collective. Confronté à ce qui était déjà nommé crise
du logement, conduisant à un usage accru de la copropriété immobilière9,
et à l’insuffisance de la réglementation prévue par le code, insuffisamment
suppléée par la pratique, le législateur devait intervenir en deux temps10.

5. G. C ornu (dir.), Vocabulaire juridique, 10e éd., P U F , 2014, v° « Copropriété ».


6. V. not., F. Z enati-C astaing , « La propriété collective existe-t-elle ? », Mélanges Gilles Goubeaux,
Dalloz-LGDJ, 2009, p. 589.
7. « Lorsque les différents étages d’une maison appartiennent à divers propriétaires, si les titres
de propriété ne règlent pas le mode de réparations et reconstructions, elles doivent être faites
ainsi qu’il suit :
Les gros murs et le toit sont à la charge de tous les propriétaires, chacun en proportion de la
valeur de l’étage qui lui appartient;
Le propriétaire de chaque étage fait le plancher sur lequel il marche ;
Le propriétaire du premier étage fait l’escalier qui y conduit ; le propriétaire du second étage
fait, à partir du premier, l’escalier qui conduit chez lui ; et ainsi de suite. »
8. V. infra, n° 363 et s.
9. M. P laniol et G. R ipert , Traité pratique de droit civil français, t. III, Les biens, avec le concours de
M. P icard , LGDJ, 1926, n" 319.
10. J. F oyer, « De l'article 664 du Code civil à la loi de 1965 », AJÜI2006, p. 526.
INTRODUCTION 11
4. Loi du 28 juin 1938. - La loi du 28juin 1938, tendant à régler le statut de la
copropriété des immeubles divisés par appartements, paraît aujourd’hui
d’une sobriété exceptionnelle, ne comportant que neuf articles consacrés
spécifiquement à son régime. D’une nature supplétive, cette loi a pourtant
posé certainsjalons essentiels de la réglementation actuelle, avec la réunion
des copropriétaires en un syndicat des copropriétaires chargé de l’adminis­
tration de l’immeuble, quoique non doté expressément de la personnalité
morale, la nomination d’un syndic, agent officiel du syndicat, et un règle­
ment de copropriété11. Les critiques émises à l’encontre du texte tenaient
principalement à l’unanimité requise pour toute amélioration de l’im­
meuble et toute modification du règlement, autant qu’au rôle insuffisant
du syndic dans la gestion de l’immeuble12.
5. Loi du 10juillet 1965.- La loi du 10juillet 1965 s’inscrivait à la fois dans la
continuité de la loi de 1938, et en rupture par rapport aux limites qui
avaient été décelées. Elle intervint surtout alors que la sociologie des copro­
priétés avait encore évolué, l’immédiat après-guerre faisant surgir de vastes
projets immobiliers, dont les dimensions ne pouvaient plus s’accommoder
d’une prise de décision à l’unanimité. La loi du lOjuillet 1965, fixant le
statut de la copropriété des immeubles bâtis, rompit avec le caractère sup­
plétif de la loi de 1938, l’article 43 réputant non écrites les clauses contrai­
res à la plupart des dispositions de la loi. Elle fit émerger la figure du lot de
copropriété, complexe de propriété, divise et indivise . En somme, le légis­
lateur a fixé pour la première fois un véritable statut de l’immeuble en
copropriété, garantissant une organisation collective robuste et favorisant
la conciliation entre les aspirations individuelles des copropriétaires et les
intérêts de la collectivité.
6. Transformations postérieures de la loi du lOjuillet 1965.- Le législateur
n’a jamais fait preuve de timidité à l’égard de la loi de 1965. Le fait qu’il
s’ingénie à réformer aussi fréquemment le droit de la copropriété apparaît
d’ailleurs comme un signe ambigu, qui peut traduire aussi bien son intérêt
pour l’institution que l’inadaptation de celle-ci aux problèmes contempo­
rains. La loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un
urbanisme rénové, dite loi ALUR, est le dernier texte ayant profondément
modifié le statut de la copropriété des immeubles bâtis, avant la refonte

11. V. not,J.-L. Bergel, S. C imamonti, J.-M. Roux et L. T ranchant, Les biens, 3e éd., LGDJ, Traité de
droit civil, 2019, n° 546.
12. Rapport fait au nom de la commission des lois du Sénat par J. Voyant sur le projet de loi
fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, session 1964-1965, n° 178, p. 6-7.
13. F. Givord, « Essai sur la nature juridique de la copropriété par appartements », Mélanges Voi-
rin, LGDJ, 1967, p. 262. .............................
12 LA C O PR O PR IÉ T É DES IMMEUBLES BÂTIS

globale du statut en cours14. Elle se démarquait des multiples réformes


antérieures par son volume, inédit jusqu’alors. Dans son volet relatif à la
copropriété, la loi ALUR reposait sur plusieurs rapports consacrés aux
copropriétés dégradées'3. Ses objectifs relevaient de trois ordres : améliorer
l’information du copropriétaire ou de l’acquéreur d’un lot de copropriété,
mais aussi des pouvoirs publics par la mise en place d’un registre des copro­
priétés ; faciliter la gestion de la copropriété, notamment en situation de
crise ; permettre l’évolution de l’immeuble en favorisant ses améliorations
et son élévation. Parmi les dispositions majeures du texte, l’immatriculation
des syndicats, favorisant la connaissance des copropriétés par les pouvoirs
publics, et le fonds de travaux destiné à améliorer la prise de décision sur
le long terme témoignent de mutations plus profondes du statut, qui se
poursuivent dans sa réécriture actuelle.
7. Ouverture du chantier de la réécriture de la loi du 10 juillet 1965. - L’encre
de la loi ALUR à peine sèche, et sans qu’il soit nécessaire de mentionner
plusieurs réformes ponctuelles de faible ampleur, le législateur s’est attelé
de nouveau à « améliorer le droit des copropriétés » par la loi n° 2018-1021
du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et
du numérique16. Décrite comme un « hors-d’œuvre » destiné à préparer
« des mesures plus radicales »* ', la loi ELAN se projette dans le futur autant
qu’elle encadre le présent. Projection dans l’avenir, d ’une part, car la dis­
position la plus remarquée relative à la copropriété autorise le Gouverne­
ment à légiférer par voie d’ordonnance pour des mesures destinées à

14. Bibliographie. P. C apoulade , «La copropriété dans la loi ALUR», Defrénois 2014, p. 550 ;
F. C o h e t , A. D errida et B. Kan-B alivet, RTDI 2014, n° spécial loi ALUR, p. 50; L. G uécan ,
«Loi ALUR: principales dispositions relatives à la copropriété», Rev. Loyers 2014, 1795;
«Loi ALUR: autres dispositions relatives à la copropriété», Rev. Loyers 2014, 1814;
F. R osenfeld et J.-M . Roux, « Les nouvelles mesures en madère de copropriété », Dr. à ? Patr.
2014, n" 237, p. 51 ; D. T omasin , « La copropriété après la loi ALUR », A/D72014, p. 414. Sur le
projet de loi, D . T omasin , « La copropriété dans le projet de loi ALUR», AJDI2013, p. 578.
15. Rapport de l’Agence nationale de l’habitat, présidée par D. Braye, Prévenir et guérir les difficultés
des copropriétés. Une priorité des politiques de l’habitat, ANAH, janv. 2012 ; rapport de la mission
sénatoriale présidée par C. Dilain, Les copropriétés très dégradées. Pistes de réflexion législatives,
avr. 2013.
16. Bibliographie. C. C outant - L vpai.us , « L’organisation de la copropriété après la loi ELAN »,
loyers et copr. 2019, dossier 6 ; F. de L a V aissière, « La réforme de la copropriété après la loi
ELAN », Defrénois 2019, n° 150c4, n° 35, p. 21 ; P.-E. L agraulet, « Esquisse des nouveaux
contours du droit de la copropriété », 4/7)72019, 604 ; A. L ebatteux , « Panorama d ’ensemble
de l’impact de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 dite loi Elan sur le droit de la copro­
priété », Loyers et copr. 2019, dossier 5 ; M. P oumarède, « L’impact de la loi Elan sur le droit de
la copropriété», RDI 2019, p .44; A.-L.T homat-R aynaud, «Loi ELAN et copropriété des
immeubles bâtis», Gaz. Pal. 2 avr. 2019, p. 58; D. T omasin , «Les dispositions de la loi ELAN
relatives à la copropriété », AJDI 2019, p. 40 ; « Les orientations de la réforme du droit de la
copropriété », Droit et Ville 2018/2, n° 86, p. 3.
17. D. T omasin , « Les dispositions de la loi ELAN relatives à la copropriété », art. préc.
INTRODUCTION 13

améliorer la gestion des immeubles et à prévenir les contentieux, notam­


ment en redéfinissant le champ d’application de la loi « au regard des
caractéristiques des immeubles, de leur destination et de la taille de la
copropriété, d ’une part, et modifier les règles d’ordre public applicables à
ces copropriétés, d ’autre part », ainsi qu’à « clarifier, moderniser, simplifier
et adapter les règles d’organisation et de gouvernance de la copropriété,
celles relatives à la prise de décision par le syndicat des copropriétaires
ainsi que les droits et obligations des copropriétaires, du syndicat des copro­
priétaires, du conseil syndical et du syndic»18. En outre, une seconde
ordonnance permettra, à l’échéance de l’automne 2020, d’adopter la partie
législative d’un code relatif à la copropriété des immeubles bâtis afin de
regrouper et organiser l’ensemble des règles régissant le droit de la
copropriété19. En d’autres termes, la loi ELAN ouvre la perspective de
réformes d’ampleur, touchant tant le fond que la forme du statut de la
copropriété. Les parlementaires n’ont toutefois pas offert une carte blan­
che à l’exécutif, donnant à ce texte une dimension plus immédiate. L ’enca­
drement du présent, d ’autre part, se perçoit à la lecture croisée de l’habili­
tation donnée au gouvernement et du reste de la loi. Soucieux d ’éviter que
le statut de la copropriété échappe totalement à la délibération, les parle­
mentaires ont en effet posé les premiers jalons de la réforme, modifiant
substantiellement des textes aussi essentiels et symboliques que la définition
de la copropriété posée par l’article premier, ou un texte d ’une grande
importance pratique, fixant le délai de prescription des actions relatives à
la copropriété. Il n’en reste pas moins que la loi ELAN ne fige pas le droit
de la copropriété, mais ouvre une phase de refondation.
8. Ordonnance du 30 octobre 2019 et le code de la copropriété. Succédant à
des travaux menés par plusieurs groupes mêlant universitaires et profes­
sionnels, d ’abord ceux du GRECCO2' , ensuite ceux du Conseil nadonal
de la transaction et de la gestion immobilières, dont les compositions assu­
raient la continuité au fond, l’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019
portant réforme du droit de la copropriété des immeubles bâtis constitue la
première pierre de l’édifice de reconstruction du statut de la copropriété21.

18. L. n° 2018-1021, 23 nov. 2018, art. 215, II.


19. L. n° 2018-1021, 23 nov. 2018, art. 215,1. L’article 14 de la loi n° 2020-290 d’urgence pour faire
face à l’épidémie de covid-19 du 23 mars 2020 prolonge cependant de quatre mois le délai
iniüalement prévu pour l’adoption de l’ordonnance.
20. Groupe de recherche sur la copropriété, «Avant-projet de réforme de la loi du 10juillet
1965», A p i 2017, p. 750.
21. Bibliographie. Dossier « Réforme du droit de la copropriété par l’ordonnance du 30 octobre
2019 », A p i 2019, p. 843 ; dossier « La réforme du droit de la copropriété des immeubles
bâtis », Loyers et copr. 2020/1 et2020/2 ; P. D échfi fttf.-Tol.ot , « Ordonnance n° 2019-1101 du
3 0 octobre 2019 portant réforme du droit de la copropriété des immeubles bâtis», Droit &
Pair. 2019, n ° 297, p. 22 ; J. L afond, «Réforme de la copropriété: acte 2 », JCP N 2019, act.
14 LA COPROPRIETE DES IMMEUBLES BATIS

Alors q u ’on attendait, peut-être, des « mesures radicales »22, l’ordonnance


apparaît surtout comme un travail soigné de réécriture d ’un texte enflé
par des ajouts successifs au fil du temps. O n peut d ’ailleurs considérer que
l’ordonnance m anque l’occasion d ’une refondation du statut en ne conser­
vant q u ’une collection de mesures techniques, appréciables et pondérées,
mais dépourvues de réponse à de nom breuses attentes formulées. C ’est
d ’ailleurs un paradoxe rem arquable : la loi ALUR était remplie d ’idées,
quoique d ’une piètre qualité technique ; l’ordonnance du 30 octobre est
d ’une excellente facture rédactionnelle, tout en m anquant un peu
d ’am bition23. Ses apports techniques précis, très nom breux, ne doivent tou­
tefois pas être minimisés. Il s’agit d ’une réforme d ’am pleur dont le débat
parlem entaire, qui s’ouvrira à l’occasion de l’examen du projet de loi de
ratification, déposé le 15janvier 2020 au Sénat, perm ettra peut-être de réin­
tégrer certains mécanismes retirés de la version finale de l’ordonnance. Son
entrée en vigueur a été décalée au 1erjuin 2020, sauf dispositions contraires.
L’adoption d ’un code de la copropriété, répondant tardivem ent au vœu de
Giverdon24, devrait perm ettre de favoriser l’accessibilité d ’un droit qui
dem eure largem ent herm étique au regard de sa nécessité sociale, en
tém oigne l’abondante littérature de vulgarisation sur ce thème. La diffi­
culté n ’est cependant pas propre au droit français. Ainsi que le relève
l’une des rédactrices de la réforme du droit belge de la copropriété, « en
ce dom aine, la loi ne sera jam ais complète, ni parfaite car la copropriété
par appartem ents, com binant droit, essentiel, de propriété et cohabitation,
est l’une de ces matières où les tensions hum aines sont inéluctables et, par­
tant, les litiges nom breux »2o.
9. Quel avenir pour le statut de la copropriété ? - L’accumulation des réfor­
mes qui affectent le droit de la copropriété laisse peu de place pour une
réflexion d ’ensemble sur son avenir. Le droit de la copropriété semble par­
fois être devenu une discipline autonom e, détachée du droit des biens ou
du droit des contrats. C’est un trait com m un à l’ensemble des propriétés
collectives. L’appropriation concurrente d ’un immeuble suppose de créer

867 ; J. M onéger, « Les lignes essentielles de la réforme du droit de la copropriété. À propos


de l’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 », JCP G 2019, 1249.
22. D. T omasin, art. préc.
23. Comp., H . P erinf.t-M arquet, «L’ordonnance du 30octobre 2019 manque-t-elle d’ambi­
tion ? », Loyers et copr. 2020, dossier 7, qui relève qu’une loi véritablement ambitieuse implique­
rait « de rompre les équilibres actuels » ou une « volonté d’imposer ses propres conceptions à
toutes les parties prenantes», ce qui supposerait «une certaine forme de révolution».
V. aussi, approuvant cette orientation, M. P oumarède, « Présentation générale de l’ordon­
nance du 30 octobre 2019 », AD/72019, p. 845.
24. C. GrvERDON, « Vers un code de la copropriété ? », Ecrits en hommage à Jean Foyer, PUF, 1997,
p. 407.
25. P. L ecocq, Manuel de droit des biens, 1.1, Biens et propriété, Bruxelles, Larcier, 2012, n° 171.
INTRODUCTION 15
une communauté au sein de laquelle s’estompe le sentiment d’altérité.
L’exclusivisme de la propriété subsiste certes, mais dirigé vers l’extérieur,
et guidé par une affectation particulière du bien, qui peut être la destina­
tion de l’immeuble. Quoi qu’il en soit, la redéfinition des équilibres de la
copropriété n’emporte pas de solution évidente. Soit, poussant la copro­
priété vers une communauté plus forte, on fait glisser la gestion voire la
propriété du bien vers une personne morale ; soit, tentant d’éviter toute
appropriation concurrente, on se passe du statut de la copropriété pour
recréer des propriétés individuelles, sans parvenir à se passer totalement
d’ailleurs d’une personne morale chargée d’organiser les relations entre
les propriétaires. De fait, le statut actuel de la copropriété cherche à conci­
lier ces deux approches, communauté et propriété. A cet égard, certains
auteurs relèvent que « pour une nation peu faite à la propriété collective,
la loi de 1965 est le moindre mal, en tout cas dans les copropriétés de
moyenne dimension »26.
§ 2. Copropriété des immeubles bâtis et autres modalités
d’appropriation collective de l’immeuble
10. Multipropriété, jouissance à temps partagé. - Au cours des années 1960, a
été conçue une formule permettant à plusieurs personnes de partager l’oc­
cupation d’un immeuble à usage de vacances. Chacune d’entre elles dis­
pose alors d’une période de temps déterminée. Commercialisée d’abord
en France sous le vocable de multipropriété, elle s’est développée sous le
terme de lime share, puis de jouissance à temps partagé. L’intérêt du méca­
nisme est de permettre une mutualisation des frais engendrés par une rési­
dence secondaire, de manière plus sûre que sa location, et d’éviter le syn­
drome des « lits froids », en accroissant les plages d’utilisation de
l’immeuble dans des zones touristiques . Sur le plan théorique, la qualifi­
cation du droit d’occupation a été très discutée. Si les promoteurs avaient
initialement insisté sur le terme «propriété» («multipropriété»), plus
attractif, ce n’est pas le choix qui a été opéré en droit français. Le droit de
l’occupant est classiquement défini comme « un droit de séjour personnel
et mobilier, qui s’exerce périodiquement sur un même lot faisant l’objet
d’une attribution dans l’espace et dans le temps, réparti entre plusieurs per­
sonnes qui l’occupent successivement»28. La jouissance d’immeubles à
temps partagé est donc construite sur la base de sociétés d’attribution, qui
26. P. Malaurie et L. Aynès, avec le concours de M. J ulienne, Droit des biens, 8e éd., LGDJ, 2019,
n" 699.
27. P. Py, Droit du tourisme, Dalloz, 2002, n° 60.01.
28. N. D oyon, «La propriété spacio-temporelle ou le temps partagé », JCP N 1976, 2270. Rappr.,
C. consom., art. L. 224-70, 1°. Sur cette question, v. aussi, M. D agot et P. Spiteri, «A la
16 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

ont pour objet la construction d’immeubles, leur aménagement, leur admi­


nistration ainsi que le fonctionnement des équipements collectifs, à voca­
tion de loisirs. Les associés ne disposent cependant d’« aucun droit de pro­
priété ou autre droit réel en contrepartie de leurs apports »29. En fait de
copropriété, ils sont plutôt titulaires d’un droit personnel30.
11. Indivision ordinaire. - La copropriété d ’un immeuble peut résulter d’une
indivision ordinaire, c’est-à-dire d’une appropriation par plusieurs person­
nes, titulaires simultanément de droits identiques et concurrents sur le
même bien31. Marquée par sa précarité, chaque indivisaire pouvant à tout
moment réclamer le partage, l’indivision était classiquement soumise à des
modalités de gestion peu propices à une utilisation efficace du bien. Sur ce
point, cependant, l’article815-1 du Code civil prévoit désormais que «les
indivisaires peuvent passer des conventions relatives à l’exercice de leurs
droits indivis, conformément aux articles 1873-1 à 1873-18 »32. Ces conven­
tions d ’indivision ont pour objet principal de surseoir au partage33, en
conférant à l’indivision une organisation structurée, inspirée du droit des
sociétés34. Sans donner à l’indivision la personnalité morale30, la conven­
tion d’indivision permet d ’en structurer la gestion, en confiant à un gérant
des missions définies et en précisant la situation des indivisaires. Mais en
dépit des aménagements conventionnels permettant de l’organiser, la
pérennité de l’indivision « repose sur la bonne intelligence, maintenue
presque jour après jour, des multiples propriétaires »36. Dans la mesure où
la convention permet aux indivisaires de régler certaines questions, telles

recherche de la multipropriété », JCP 1972, II, 2481 ; M. Morand, « La copropriété saisonnière


ou multipropriété depuis 10 ans », Gaz. Pal. 1979, 1, doc., p. 1.
29. L. n° 86-18, 6janv. 1986, art. 1".
30. Sur le fonctionnement des sociétés, v. H. Gasnos, « Sociétés constituées en vue de l’attribution
d ’immeubles enjouissance à temps partagé», in P. Malinvaud (dir.), Droit de la construction,
Dalloz, Dalloz Action, 2018, n° 504 et s.
31. J.-L. Bergei., S. Cimamonti, J.-M. Roux et L. T ranchant, Les biens, 3e éd., LGDJ, Traité de droit
civil, 2019, n° 493. Sur cette question, v. noL F.-X. T estu, L ’indivision, 2' éd., Dalloz, 2014.
32. Sur lesquelles, v. C. Albiges, Rép.civ. Dalloz, v° « Indivision (Régime conventionnel)», 2011;
G. C hantepie, v° « Indivision conventionnelle », in D. Mazeaud, N. Blanc et R. Bofea (dir.), Dic­
tionnaire du contrat, LGDJ, 2019 ; E. de La M arnierrf., « Des conventions d ’indivision », Gaz. P al
1977, 2, 348 ; C. V ernières, « Les conventions d ’indivision », A J Famille 2010, p. 312.
33. Même dans une convention à durée déterminée, chaque coïndivisaire conserve cependant le
droit de provoquer le partage avant le terme convenu, lorsqu’il fait valoir de justes motifs
(v. not„ Cass. l re civ„ 12juin 2013, n° 11-28051).
34. La forme sociétaire est cependant souvent privilégiée, en raison des limites du régime
conventionnel, notamment sa durée, ou de considérations fiscales (F. Deboissy et G. Wicrer,
« La distinction de l’indivision et de la société et ses enjeux fiscaux », RTD civ. 2000, p. 225).
35. Sur ce débat, v. N. Leblond, « Réflexions sur la personnification de l’indivision », R1DC 2011,
n" 82, p. 74.
36. C. Atias, Droit civil. Les biens, 12e éd., LexisNexis, 2014, n°210.
INTRODUCTION 17

que l’usage et la jouissance des biens indivis, rien n’empêcherait d’envisa­


ger une indivision ordinaire attribuant un droit d ’usage et un droit de jouis­
sance délimités sur une partie de l’immeuble. La précarité du système, qui
semble un écueil rédhibitoire, n’empêche pas, de manière surprenante, de
telles formes d’indivision de fonctionner à Montréal, avec une conflictualité
très réduite . De manière plus fondamentale, le statut même de la copro­
priété en droit français pourrait être interprété comme une indivision sur
l’immeuble, chaque copropriétaire étant alors titulaire d’un droit de jouis­
sance sur ses parties privatives38. Assurément, une telle lecture, assez
contraire au regard concret que peut porter un copropriétaire sur son
lot39, ne se retrouve pas dans la division en volumes, qui assure au contraire
la coexistence de propriétés individuelles.
12. Division en volumes. - « La volumétrie consiste à identifier au-dessus ou en
dessous du sol naturel un ou des volumes qui seront déterminés quant à
leur emplacement par l’intervention d ’un géomètre-expert qui établira
des cotes en altimétrie et en planimétrie »40. De nombreuses réalisations
contemporaines ont emprunté la technique de la division en volumes, à
commencer par le quartier de La Défense ou les gares Montparnasse ou
Lille Europe. La pratique notariale a joué un rôle déterminant dans la créa­
tion de cette technique41, qui est désormais d’un emploi courant. Le déve­
loppement de cette pratique tient à la raréfaction de l’espace en milieu
urbain et à la nécessité de concilier le domaine public avec l’appropriation
privée. Ainsi, il est possible d ’utiliser l’espace disponible en dessous, ou au-
dessus de certaines parcelles du domaine public de l’Etat ou de collectivités
publiques, par exemple voiries ou voies ferrées42.
La technique utilisée implique de définir le droit de propriété en trois
dimensions, en un volume, au moyen de cotes géométriques. Dans ce cas,
au sein d’un même immeuble, chaque propriétaire dispose d’un droit
exclusif sur un volume identifié43, fondé sur le droit de superficie, sans

37. Sur cette question, v. G. Gidrol-Mistral, « Les copropriétés résidentielles dans le Code civil du
Québec : diviser pour mieux régner? », AJD I2020, p. 87.
38. W. Dross, Droit des biens, 4e éd„ LGDJ, 2019, n” 221.
39. Y. Strickler, Les biens, PUF, 2006, n° 404 c.
40. N. Le Rcdulier, La division en volumes, thèse Nantes, 2010, dactyl., n° 12.
4L A. Pône, « Volumes immobiliers et droit de propriété. (Libres et périlleuses réflexions) », Liber
Amicorum Georges Doublon, Defrénois, 2001, p. 229.
42. F. T f.rrf. et P. Simler, Droit civil. Les biens, 10' éd., Dalloz, 2018, n° 951.
43. La praüque recourt à un état descriptif de division en volumes, sur lequel v. not., G. D aublon,
« Etat descriptif de division et “volumes” : désignation des lots, éléments rédactionnels », Defré­
nois 2000, p. 561.
18 LA COPROPRIETE DES IMMEUBLES BATIS
qu’il soit nécessaire de créer des parties communes44. Du fait de leur super­
position et de leur imbrication, de telles propriétés supposent cependant la
mise en place d’un système de servitudes réciproques (passage, surplomb,
soutien, etc.). En outre, les propriétaires de chaque volume sont également
réunis dans une association syndicale ayant pour objet d’assurer la gestion
de l’ensemble.
L’intérêt du recours à la volumétrie réside donc dans le fait de « procurer
au propriétaire une autonomie juridique importante (absence de parties
communes) tout en permettant à l’aménageur, propriétaire du terrain,
d’envisager l’édification d’une structure immobilière dense et
hétérogène >>4’. En affirmant l’indépendance des individus, « la volumétrie
permet de renouer avec l’aspiration originelle d’une cellule autonome »46.
En dépit de ces avantages, la pratique notariale s’est montrée prudente
dans le recours à la division en volumes, en la réservant aux cas où la copro­
priété se révélerait inadaptée, notamment lorsqu’elle ne pourrait être mise
en place (construction sur dalle au-dessus du domaine public), la loi de
1965 s’appliquant nécessairement en présence d’un immeuble de structure
simple, architecturalement homogène4'.
Au fond, la division en volumes repose sur un modèle d’appropriation col­
lective de l’immeuble radicalement différent de la copropriété des immeu­
bles bâtis. A une indivision forcée et perpétuelle sur l’immeuble, ména­
geant des parties privadves faisant l’objet d’une appropriation individuelle,
s’oppose une propriété exclusive sur un volume identifié. Les problèmes
pratiques posés par l’immeuble, une fois construit, sont cependant identi­
ques : identification des biens au sein de l’immeuble, relations entre les dif­
férents lots ou volumes, organisation collective des équipements et services
nécessaires au fonctionnement de l’immeuble. L’enjeu principal réside dès
lors dans la coexistence des deux modèles. L’assouplissement du caractère
impératif du statut, qui ne s’impose plus que pour les immeubles d’habita­
tion, pourrait au demeurant faire émerger de nouvelles formes d’organisa­
tions collectives48.
44. Le volume serait lui-même un immeuble par nature, car « identifié par des coordonnées géo-
désiques, donc immuables, fixes, perpétuelles» (103econgrès des notaires, Division de l’im­
meuble, 2007, n°2298). V. déjà en ce sens, R. Savatier, «La propriété des volumes dans l’es­
pace et la technique juridique des grands ensembles immobiliers », D. 1976, Chron., p. 105.
V. aussi, N. Le Rudulier, op. cit., n° 143.
45. 103e congrès des notaires, op. cit., n°2259.
46. N. Le Rudulier, La division en volumes, op. cit., n” 13.
47. 103e congrès des notaires, op. cit., n°2376. Pour une critique de cette approche, v. not., N. L f.
Rudulier, op. cit. ;J. L otz, La division de l'immeuble. Contribution à une théorie de la propriété, thèse
Strasbourg, 2014, dactyl., n° 354 et s.
48. V. infra, n° 36.
INTRODUCTION 19
13. Habitat participatif. - Ancré dans une histoire, celle des phalanstères, fami­
listères, celle aussi des coopératives de construction, l’habitat pardcipatif est
surtout voulu, désormais, comme « une alternative possible aux difficultés
d’accès au logement», en favorisant la construction à un moindre coût,
autant que comme une organisation collective de l’habitat, portée par des
valeurs d’entraide et de partage49. Aux termes de l’article L. 200-1 du Code
de la construcdon et de l’habitation, « l’habitat participatif est une démar­
che citoyenne qui permet à des personnes physiques de s’associer, le cas
échéant avec des personnes morales, afin de participer à la définidon et à
la conception de leurs logements et des espaces destinés à un usage com­
mun, de construire ou d’acquérir un ou plusieurs immeubles destinés à
leur habitation et, le cas échéant, d’assurer la gestion des immeubles cons­
truits ou acquis »°0. Le régime spécifique introduit par la loi ALUR tâche de
concilier la vocation communautaire et sociale de l’habitat participatif avec
le modèle de la propriété individuelle décliné habituellement dans les for­
mes d’appropriation collective de l’immeuble.
14. Copropriété et communauté. - Héritier de la Révolution, le Code civil est
largement fondé sur le modèle de la propriété individuelle, rejetant le
modèle des anciennes propriétés communes. A cet égard, l’indivision ou,
plus encore, la copropriété des immeubles bâtis tâchent de maintenir une
propriété individuelle au sein de l’appropriation collective d’un bien. Seu­
les subsistent de rares formes de communautés, fondées sur une relation
familiale, lesquelles dérogent largement au régime de la propriété’1. La
copropriété des immeubles bâtis fait coexister deux groupes qui ne se
recoupent que partiellement, une collectivité de propriétaires et une com­
munauté d’occupants et résidents32. Le statut s’attache cependant principa­
lement à la qualité de copropriétaire, ne laissant qu’une place marginale à
la représentation des occupants de l’immeuble.

49. Le livre blanc de l’habitat participatif, 2011.


50. Sur le régime de l’habitat participatif, v. not., G. C hantepie et N. L eblond, « L’habitat partici­
patif institutionnalisé par la loi ALUR: coopératives d’habitants et sociétés d’autopromo­
tion », RTDl2014, numéro spécial, p. 83 ; S. L aporte-L econte, « L’“entre-soi” et le mouvement
coopératif en copropriété », AJDI 2015, p. 257 ; R. L éonetti et J. M arion, « L’habitat participa­
tif: entre avancées juridiques et difficultés pratiques», Administrer 2017, n°515, p. 16;
V. Zalewski-Sicard, « L’habitat participatif : un choix cornélien entre liberté et sécurité »,
Gaz. Pal. 12 sept. 2017, p. 77.
51. Sur cette question, v. W. Dross, Droit des biens, 4e éd., LGDJ, 2019, n° 163.
52. Sur cette question, sous un angle sociologique, v. M.-P. L efeuvre, « La copropriété en prati­
ques, synthèse des études de cas », in Entre propriété privée et gestion collective, les « mondes sociaux
de la copropriété », rapport pour le PUCA, déc. 2019, p. 19.
20 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS
§ 3. Régime de la copropriété des immeubles bâtis
15. Caractères du droit contemporain de la copropriété. - Les évolutions suc­
cessives du droit de la copropriété, la coexistence d’autres formes d’appro­
priation collective d’un immeuble, donnent au statut de la copropriété des
immeubles bâtis une spécificité remarquable. Plusieurs lignes de force
contemporaines méritent d’être relevées. Tout d’abord, un mouvement
de personnalisation de la copropriété est perceptible. Après avoir imposé
l’immatriculation des copropriétés, leur avoir conféré un patrimoine
pérenne, quoique d’une taille réduite, avec la mise en place du fonds de
travaux, le législateur envisageait, dans le projet d’ordonnance, de créer
un plan pluriannuel de travaux augmentant sensiblement la consistance
du patrimoine du syndicat. De fait, la personnalité morale du syndicat des
copropriétaires acquiert une consistance inédite, qui le rapproche d’une
société, laissant entrevoir la possibilité d’une copropriété conçue comme
une société détenant l’immeuble. Ensuite, les réformes récentes ont désor­
mais acté une différenciation entre les copropriétés. Alors que toutes les
copropriétés, quelles que soient leur taille et leur destination, étaient sou­
mises au même statut, ces critères sont désormais utilisés pour créer des
régimes spéciaux ou échapper à l’application même de la loi de 1965. A
cet égard, un autre trait marquant du droit contemporain de la copropriété
réside dans l’assimilation courante qui est faite entre la copropriété et le
logement. Le droit de la copropriété est perçu comme un instrument de
la politique générale du législateur en faveur du logement, ce qui explique
l’existence de règles particulières pour les lots à usage d’habitation, voire
pour les copropriétés comprenant de tels lots. La tendance est particulière­
ment intéressante puisque ce sont précisément pour des immeubles à des­
tination commerciale que les promoteurs ont préféré recourir à des formes
alternatives jugées plus souples, telles que la division en volumes. La limita­
tion du caractère impératif de la loi de 1965 parachève cette évolution.
Enfin, on ne peut évoquer le droit contemporain de la copropriété sans
envisager l’approche pathologique qui en est faite par le législateur. Le sta­
tut serait l’une des causes de la dégradation de l’habitat, du fait de la dis­
tance qui existe entre les copropriétaires et la copropriété. C’est oublier,
sans doute, que les copropriétés en difficulté sont d’abord la conséquence
de copropriétaires en difficulté. Cela explique cependant l’éparpillement
des sources du régime de la copropriété des immeubles bâtis.
16. Sources du régime de la copropriété. - La copropriété des immeubles bâtis
a longtemps été assimilée à la loi du lOjuillet 1965 et au décret du 23 mars
1967. Ces deux textes importants, largement modifiés en plus de cinquante
ans, ne sont pourtant plus les seuls à être spécifiquement consacrés à la
copropriété immobilière. Le Code de la construction et de l’habitation
abrite désormais un livre VII consacré aux « immeubles relevant du statut
INTRODUCTION 21
de la copropriété »°3. Il n’est pas question d’un statut différent de celui de
la loi de 1965, mais bien d’un statut complémentaire, ce qui donne lieu à
une pluralité de textes spéciaux ayant pour objet la copropriété, qui impose
de les ardculer, entre eux et avec le droit commun.
17. Droit de la copropriété des immeubles bâtis, droit spécial des biens ? - Le
droit français de la copropriété des immeubles bâtis a distendu le lien natu­
rel avec le droit commun des biens. Les règles relatives à la copropriété
constitueraient un corpus suffisamment dense et autonome pour avoir
acquis leur autonomie04. On peut douter que le statut de la copropriété
n’ait pu trouver une place au sein du Code civil, à l’image des règles relati­
ves à l’indivision désormais très développées. C’est en tout cas le choix qu’a
fait, à partir du même texte, le législateur belge, qui a placé le droit de la
copropriété au sein du Code civil55, plutôt que de s’inspirer de « la législa­
tion française beaucoup trop longue et précise »°6. En droit français, le
choix semble désormais très nettement en faveur d’un droit spécial de la
copropriété. Si le projet de réforme du droit des biens publié sous l’égide
de l’association Henri Capitant suggérait encore d’intégrer les quatre pre­
miers articles de la loi de 1965 au sein du Code civil, posant ainsi les défini­
tions fondamentales, et renvoyant pour le surplus au droit spécial, l’habili­
tation donnée au législateur de « procéder par voie d’ordonnance à
l’adoption de la partie législative d’un code relatif à la copropriété des
immeubles bâtis afin de regrouper et organiser l’ensemble des règles régis­
sant le droit de la copropriété » démontre la volonté de dissocier le droit de
la copropriété du droit commun0'.

53. L. n° 2014-366, 24 mars 2014, art. 52, créant les art. L. 711-1 et s. CCH.
54. C’est ainsi, notamment, que le projet de réforme du droit des biens n’a pas voulu, selon les
mots du rapporteur, « s’immiscer dans cette réglementation (...) qui relève d’un autre sujet et
d’autres compétences » (Propositions de l’Association Henri Capitant pour une réforme du droit des
biens, dir. H. P erinet-M arquet, Litec, 2009, p. 48).
55. C. civ. belge, art. 577-3 à 577-14. Sur la réforme apportée par la loi du 18juin 2018 portant
dispositions diverses en matière de droit civil et des dispositions en vue de promouvoir des
formes alternatives de résolution des litiges, entrée en vigueur le 1erjanvier 2019, v. not., en
langue française, I. D urant, P. L ecocq et C. M ostin, La copropriété après la loi du 18juin 2018,
Bruges, la Charte, 2018. V. aussi, sur une question plus spécifique, V. Sagaert et S. D emevere,
« La réforme de la copropriété par appartements en droit belge : des perspectives au niveau
énergétique », AJDI2020, p. 93.
56. Proposition de loi visant à moderniser et à assurer une meilleure transparence dans le fonc­
tionnement des copropriétés, rapport fait au nom de la commission de la Justice par
R. Landuyt et V. Déom, le 13juill. 2009, Doc. Pari., Ch. repr., sess. ord. 2008-2009,
n° 1334/011, p. 4 à 6, citée par P. L ecocq, Manuel de droit des biens, 1.1, Biens et propriété, Bruxel­
les, Larcier, 2012, n° 171.
57. Sur le droit de la copropriété, « droit spécial des biens », v. T. R evet, « L’évolution de la place
du droit de la copropriété dans le droit des biens », Droit et Ville 2001, n° 52, p. 57, spéc. p. 66.
22 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

Pourtant, la loi de 1965 renvoie couram m ent à des nouons, propriété, bien,
convention, personne morale, qui sont celles du droit civil . Le terme
« propriété » y est couram m ent employé, peut-être pour appuyer ce qui ne
va pas de soi. Dès lors, si l’on voulait com prendre le droit de la copropriété,
il faudrait revenir au droit civil, qui fournirait un socle à l’interprète, tout
en le conduisant parfois à retravailler la notion initiale’9. Et si des objets
nouveaux faisaient leur apparition, ils pourraient s’intégrer dans la cons­
truction classique. Ainsi en serait-il du lot de copropriété, complexe de pro­
priété, divise et indivise, et de la qualité de m em bre d ’une organisation
collective60. Mieux même, par un je u d ’influences réciproques, droit com­
m un et droit spécial s’enrichiraient suivant un m odèle connu. L ’organisa­
tion d ’une indivision forcée et perpétuelle de la copropriété pourrait par
exemple inspirer les règles de l’indivision de droit com m un61, de même
que les règles de l’indivision pourraient inspirer certaines formes spéciales
de copropriété62.
Il faut pourtant com pter avec l’expansion des droits spéciaux qui ont, à
divers titres, vocation à réglem enter la copropriété. A l’instar du droit des
biens, le droit de la copropriété est perm éable aux influences du droit de
l’urbanisme ou de l’environnem ent. Le droit de la copropriété n ’importe
pas seulem ent des règles, mais des m éthodes, des techniques, qui ne sont
plus nécessairement civilistes. Droit de la consommation, droit de l’urba­
nisme, droit des entreprises en difficulté, sont autant d ’influences, sources
de conflits parfois. Car dans l’articulation de ces règles, apparaissent des
valeurs, des finalités. Le droit de la copropriété est-il toujours conçu
comme un droit de la propriété, un droit de l’appropriation collective
d ’un imm euble ? Ne recueille-t-il pas les finalités assignées aujourd’hui au
logement, à l’urbanisme, en s’attachant à une com m unauté de résidents,
plus que de propriétaires65 ? En tant q u ’il crée, et q u ’il implique une
forme d ’intérêt com m un des copropriétaires, il serait plus sensible à l’in­
fluence des valeurs défendues par la société, plus perm éable. Il est probable

58. C. A tias, Droit civil. Iss biens, 12e éd., LexisNexis, 2014, n° 371.
59. Pour une illustration dans la nodon de servitude, Cass. 3e civ., 30 juin 2004, n” 03-11562:
Bull. civ. III, n°140; D. 2005, p. 1134, note C. G ivf.rdon et P. C a po u ia d e ; ibid., p. 2358, obs.
B. M allet-B r ic o c t ; JCPG 2004, I, 171, obs. H. P erinet -M a r q u e t ; Defrénois 2005, p. 1180, obs.
C. A tias ; RTD civ. 2004, p. 753, obs. T. R evet.
60. F. G ivord , « Essai sur la nature juridique de la copropriété par appartements », Mélanges offerts
à Monsieur le Professeur Voirin, LGDJ, 1967, p. 262. Sur la complexité de la qualité de coproprié­
taire, v. C. A tias, « Les qualités multiples en droit des biens », Le droit entre autonomie et ouver­
ture, Mélanges en l'honneur deJean-Louis Bergei, Bruxelles, Bruylant, 2013, p. 543, spéc. n° 15 et s.
61. H. P erinet-M arquet , « La copropriété entre respect et adaptation du droit civil », Etudes offertes
au Doyen Philippe Simler, Litec-Dalloz, 2006, p. 796 et s.
62. V. par ex., dans les copropriétés « à deux », infra, n” 174.
63. C. G iverdon , « Vers un code de la copropriété ? », art. préc., n° 5.
INTRODUCTION 23

que cette position ambiguë, tiraillée entre dépendance à l’égard du droit


civil et influence croissante des droits spéciaux, renforce l’autonomie du
droit de la copropriété. « Le statut est mis en œuvre comme s’il se suffisait
à lui-même ; bien des incertitudes en résultent
18. Plan. - Pour aborder le droit des immeubles soumis au statut de la copro­
priété, il faut d’abord envisager leur réglementation, tant légale que
contractuelle. Ensuite, pourront être exposées les règles relatives à leur
organisation collecdve, puis à leur fonctionnement.

64. C. A tias , Droit civil. Les biens, op. c it, n° 371.


PREMIÈRE PARTIE__________________
LA RÉGLEMENTATION
DE L’IMMEUBLE EN COPROPRIÉTÉ

19. Présentation. - L’immeuble en copropriété est soumis à une réglementa­


tion qui puise à deux sources de natures distinctes. Dès la loi de 1938, ont
cohabité un corps de règles légales et un règlement de copropriété, dont
l’origine remonte à la pratique notariale du xixe siècle. L’articulation des
règles légales et contractuelles dépend du degré d’impérativité conféré
aux premières. Alors que la loi de 1938 demeurait supplétive, la loi de
1965 a pris le parti inverse, la plupart de ses dispositions étant insusceptibles
d’aménagements contractuels. L’évolution contemporaine n’a pas, loin de
là, modifié ce constat et la place laissée à la liberté des rédacteurs du règle­
ment de copropriété est minime. Lorsqu’il est soumis au statut légal de la
copropriété, l’immeuble n ’en est pas moins organisé suivant les stipulations
d’un règlement de copropriété, véritable réglementation privée.
CHAPITRE 1
Le statut légal de l’immeuble

20. Plan. - L’établissement de la copropriété soumise au statut repose sur la


division de l’immeuble.

Section 1. — L’établissement de la copropriété


21. Plan. - Le statut de la copropriété s’applique de manière impérative à cer­
tains immeubles, dès lors que leur propriété est réparde entre plusieurs
copropriétaires par lots. L’analyse du champ d’applicaüon du statut de la
copropriété précède donc celle du moment de son application.
§ 1. Le champ d’application du statut de la copropriété
22. Principe. - L’article 1er de la loi du 10juillet 1965 dispose que « la présente
loi régit tout immeuble bâti ou groupe d’immeubles bâüs dont la propriété
est répartie, entre plusieurs personnes, par lots » (al. 1er). Il est ensuite pré­
cisé qu’« à défaut de convendon contraire créant une organisation diffé­
rente, la présente loi est également applicable aux ensembles immobiliers
qui, outre des terrains, des aménagements et des services communs, com­
portent des parcelles, bâdes ou non, faisant l’objet de droits de propriété
privadfs » (al. 5). On distingue donc des applicadons impérative et conven­
tionnelle du statut.
28 LA COPROPRIETE DES IMMEUBLES BATIS

A. L’application impérative du statut


23. Pluralité de critères. - Suivant les termes de la loi, le statut de la copropriété
s’applique de manière impérative lorsque les conditions légales sont rem­
plies. La jurisprudence a toujours refusé d’ajouter d’autres exigences, telles
que l’existence d’un règlement de copropriété1, la nomination d’un syndic
ou la tenue d’une assemblée générale constitutive2. De même, l’exigence
récente d’immatriculation des immeubles'’ n’affecte pas l’applicabilité de
plein droit du statut45.Trois critères cumulatifs présentent ainsi un caractère
nécessaire et suffisant.
1. Un immeuble bâti ou un groupe d ’immeubles bâtis
24. Immeuble unique. - Conçu pour régir les copropriétés verticales, le statut
ne s’applique pas aux immeubles non bâtis3, tels que des terrains, des
emplacements pour bateaux6, des chemins ou des sources7, peu important
que des constructions aient été envisagées8. Certes, une copropriété peut
comprendre un terrain nu9 mais il ne peut en être le seul objet.
Le statut de la copropriété s’applique à tout immeuble10, peu important en
principe l’état de la construction ou ses dimensions. Néanmoins, la division
de l’immeuble est interdite lorsque la construction ne présente pas des
garanties suffisantes, que l’immeuble soit frappé d’une interdiction d’habi­
ter, d’un arrêté de péril ou d’une déclaration d’insalubrité, mesures
publiées à la Conservation des hypothèques11. Est encore interdite la divi­
sion d’un immeuble qui comporte pour le quart au moins de sa superficie
totale des logements loués ou occupés classés dans la catégorie IV visée par
la loi du 1er septembre 1948, c’est-à-dire qui ne répondent pas aux
1. Cass. 3e civ., 19 sept. 2012, n°ll-10827 etll-12963: Bull.civ.lll, n° 123 ; Cass. 3 'civ., 29mai
2002, n° 00-17542.
2. Rappr., CA Montpellier, 10 déc. 2013, n° 11/08134 : « la seule circonstance que la copropriété
ne dispose pas d’organes représentatifs, demeure insuffisante pour écarter l’application » du
statut.
3. CCH, arc L. 711-1.
4. L. lOjuill. 1965, art 1-1, al. 3.
5. A fortiori à des meubles, notamment des navires ou des brevets, pour lesquels existent des
régimes spécifiques.
6. CA Paris, 19 déc. 2012, n° 10/16477.
7. Sur cette question, v. W. D ross, I x s choses, LCDJ, 2012, n° 209.
8. Le régime de l’indivision s’applique alors au terrain sur lequel les constructions n’ont pas été
réalisées (Cass. 3e civ., 16 déc. 2008, n° 07-20373).
9. Cass. 3' civ., Sjuill. 1984, n° 82-16883 : Bull. civ. I, nu 131.
10. A l’exclusion, donc, des meubles, notamment d’un fonds de commerce.
11. CCH, art. L. 111-6-1. V . not. J . Lafond, «L’interdiction de diviser certains immeubles en lots
de copropriété »,JCPN20\0, 1010.
LE STATUT LEGAL DE L ’IMMEUBLE 29

«conditions élémentaires d’habitabilité»12. Enfin ne peuvent être divisés


des immeubles de dimension insuffisante ou ne répondant pas aux normes
de confort exigées13, ou des immeubles de grande hauteur qui auront reçu
un avis défavorable de la commission de sécurité.
25. Exclusion des immeubles du domaine public. - Le statut de la copropriété
emporte de multiples contraintes pour les copropriétaires, qui apparaissent
incompatibles avec les règles de la domanialité publique. Le Conseil d ’Etat
a jugé que «les règles essentielles du régime de la copropriété (...) sont
incompatibles tant avec le régime de la domanialité publique qu’avec les
caractères des ouvrages publics»14. Une collectivité publique peut être
copropriétaire d ’un immeuble qui relève de son domaine privé, et ne dis­
pose alors d’aucun traitement particulier1’ . Pour les biens qui relèvent du
domaine public, la division en volumes constitue parfois une solution effi­
cace, notamment dans le cas d’une construction sur dalle au-dessus d’équi­
pements publics.
26. Groupe d’immeubles. - Aux immeubles uniques sont assimilés les groupes
d ’immeubles bâtis, couramment dénommés «copropriété horizontale».
L’existence d ’une assiette foncière unique constitue généralement le cri­
tère qui permet de les distinguer des lotissements1 . Il faut cependant
reconnaître que la frontière est assez mince, notamment avec la notion
d ’ensemble immobilier1'.

12. D. nu48-1881,10 déc. 1948, Annexe I. Sont notamment visés les immeubles dépourvus de tout
équipement sanitaire. Les critères du logement décent, fixés par le décret n° 2002-120 du
30janvier 2002, pourraient servir de référence dans l'appréciation de ces conditions. En ce
sens, v.J. Lafond , art préc., n° 8.
13. L ’article L. 111-6-1 CCH vise ainsi les divisions conduisant à la création de locaux de dimen­
sions insuffisantes (14m2), ou dépourvus notamment d’installation d’évacuation des eaux
usées ou d ’électricité.
14. CE, 11 févr. 1994, n" 109564.
15. V. not., pour une action en paiement des charges, Cass. 3e civ., lim a i 1994, n° 92-11578:
Bull. civ. III, n°91.
16. Le sol demeure une partie commune lorsqu’il n’existe qu’un droit réel de jouissance exclu­
sive sur les parcelles où sont édifiés les pavillons (Cass. 3e civ., 2oct. 2013, n° 12-17084:
Bull. civ. III, n° 120). En revanche, la loi de 1965 est inapplicable à un lotissement, dès lors
que chacun des lots fait l’objet d’une propriété privative exclusive de droits concurrents sur
l’ensemble du terrain (Cass. 3': civ., 15 déc. 1993, n° 91-12645 : Bull. civ. III, n° 170).
17. V.not., J.-R. B ouyeure, «Copropriété horizontale et lotissement», AJPI 1969, p. 1996;
A. B ouyssou, « La copropriété horizontale sans division en jouissance, mythe, réalité ou
fraude?», RDI 1996, p. 329; A. Koenig , «Lotissement ou copropriété horizontale, un beau
débat téléologique », RDI 1996, p. 321.
30 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS
27. Immeuble en construction. - En visant les immeubles bâtis, le législateur a
entendu réserver l’application du statut aux immeubles achevés18, à l’exclu­
sion de la période de construction. Cela implique que les coûts et frais
engendrés par la construction ne sauraient être mis à la charge de la
copropriété19. La jurisprudence retenait le critère de la première cession
d’un lot, qui marque la division de l’immeuble. Cette solution est désormais
affirmée par l’article 1-1, alinéa 2, de la loi de 1965, qui dispose que « pour
les immeubles à construire, le fonctionnement de la copropriété découlant
de la personnalité morale du syndicat de copropriétaires prend effet lors de
la livraison du premier lot»20. L’imprécision du terme «fonctionnement»,
repris du projet de réforme du GRECCO21, suscite la perplexité22. Puisque
l’application du statut de la copropriété n’est pas visée, contrairement à la
mise en copropriété d’un immeuble existant, il faut tâcher de déterminer
les règles de fonctionnement « découlant de la personnalité morale du syn­
dicat de copropriétaires », dont la prise d’effet serait différée à la livraison
du premier lot. Une lecture stricte du texte devrait conduire à limiter cet
effet différé aux conséquences de la personnalité morale du syndicat,
notamment la prise de décisions en assemblée générale ou la nomination
du syndic.
2. Une pluralité de propriétaires
28. Au moins deux copropriétaires. - La propriété de l’immeuble étant répartie
entre plusieurs personnes21, les copropriétaires sont au moins au nombre
de deux24. Cela explique que le statut soit immédiatement applicable à un
immeuble bâti existant à compter du premier transfert de propriété d’un

18. La date d’achèvement retenue étant la possibilité d’utilisation des locaux conformément à
leur destination, plutôt que leur réception. En ce sens, v. C. Atias et N. Le Rudulier, Rép. civ.
Dalloz, v° « Copropriété des immeubles bâtis : statuts et structure », 2018, n° 40.
19. Cass.3eciv., 20déc. 1976: JCP 1978, II, 18800, note Guillot; RTD civ. 1977, p. 577, obs.
C. Giverdon.
20. Sur la possibilité, offerte en cas de vente de logements HLM à des personnes physiques, de
différer l’application du statut, à compter du lerjanvier 2020, v. CCH, art. L. 443-15-5-1 et s.
21. Groupe de recherche sur la copropriété, «Avant-projet de réforme de la loi du lOjuillet
1965 », A JD I2017, p. 750 : art. 2, al. 2 : « Pour les immeubles à construire, le fonctionnement
de la copropriété découlant de la personnalité morale du syndicat prend effet lors de la livrai­
son du premier lot».
22. C. Coutakt-Lapalus, « L’organisation de la copropriété après la loi ELAN », Loyers et copr. 2019,
dossier 6.
23. L. lOjuill. 1965, art. 1".
24. Sur la difficulté suscitée par une copropriété à deux, v. injra, n° 174.
LE STATUT LEGAL DE L’IMMEUBLE 31

lot2'1. Inversement, la réunion de tous les lots en une seule main mettra fin à
la copropriété26. Encore faut-il s’assurer qu’existe une pluralité de proprié­
taires, et non de titulaires d’un droit de jouissance. La question s’est posée
au sujet des contrats de location-accession, contrat par lequel un vendeur
s’engage envers un accédant à lui transférer, après une période de jouis­
sance à titre onéreux, la propriété d’un immeuble moyennant le paiement
fractionné ou différé du prix de vente et le versement d ’une redevance jus­
qu’à la date de levée de l’option27. Dans ce type de contrat, le transfert de
propriété est retardé et conditionné à l’intention de l’accédant d’acquérir.
Bien que l’opération soit assimilée, pour des raisons pratiques, à une
mutation28, elle ne permet de faire naître une copropriété que lorsque
l’un des accédants aura levé l’option29.

3. Une pluralité de lots


29. Premières vues sur le lot de copropriété,- Le statut de la copropriété
repose sur la division de l’immeuble par lots. Cela impose de distinguer,
bien qu’elles soient indissociables30, des parties privatives, qui feront l’objet
d’un droit de propriété exclusif, et des parties communes, soumises à un
régime d’indivision organisé. Sont dès lors exclus du statut de la copro­
priété certains mécanismes de division de l’immeuble, qui visent précisé­
ment à en éviter l’application. C’est notamment le cas de la division d’un
immeuble en volumes31.

B. L’application conventionnelle du statut


30. Ensembles immobiliers complexes. - Le statut de la copropriété réserve
une place particulière aux ensembles immobiliers complexes qui, « outre
des terrains, des aménagements et des services communs, comportent des
parcelles, bâties ou non, faisant l’objet de droits de propriété privatifs »32.
Sont visées des formes de copropriété horizontale, comprenant plusieurs

25. L. 10juill. 1965, art. 1-1. Dès lors, « la division d’un lot de copropriété ne peut avoir pour effet
de donner naissance à un nouveau syndicat des copropriétaires » (Cass. 3'civ., 18janv. 2018,
n° 16-26072).
26. V. infra, n° 121.
27. L. n° 84-595, 12juill. 1984, art. 1".
28. L. n° 84-595, 12juill. 1984, art. 32 : « pour l’application des dispositions de la loi du lOjuillet
1965 (...), la signature d’un contrat de location-accession est assimilée à une mutation et l’ac­
cédant subrogé dans les droits et obligations du vendeur ».
29. J.-L. Bergel, S. Cmamonti, J.-M. Roux et L. T ranchant, Les biens, 3e éd., LGDJ, Traité de d roit
civil, 2019, n° 556.
30. L. 10juill. 1965, art. 1er, al. 2.
31. V. supra, n° 12.
32. L. 10juill. 1965, art. 1er, al. 5.
32 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS
bâtiments (immeubles collectifs ou à usage commun, pavillons individuels)
ainsi que des équipements collectifs (garages, équipements sportifs ou de
loisir, chaufferie, etc.). A la différence d’une copropriété horizontale sou­
mise impérativement au statut, les ensembles immobiliers doivent présenter
deux conditions cumulatives, qui tiennent à l’absence d’applicadon impé­
rative du statut et à l’absence de choix contraire réalisé par le fondateur de
la copropriété. L’application conventionnelle du statut suppose donc l’exis­
tence d’un ensemble immobilier et l’absence de convention prévoyant une
organisaüon différente.
1. Un ensemble immobilier
31. Caractères de l’ensemble immobilier. - L’ensemble immobilier est distinct
de l’immeuble et, surtout, du groupe d’immeubles visés par l’alinéa 1 de
l'article 1er33. Certes, il existe bien, dans un ensemble immobilier comme
dans un groupe d’immeubles, une répartition de la propriété par lots com­
posés de parties privatives et de parties communes. Néanmoins, à la diffé­
rence du groupe d’immeubles, l’ensemble immobilier ne repose pas sur
une répartition homogène de la propriété. Cette hétérogénéité, qui consti­
tue le critère de l’ensemble immobilier, résulte de ce que l’indivision entre
les copropriétaires ne couvre pas l’intégralité du sol, mais seulement une
partie34. Le reste est composé de « parcelles bâties ou non, faisant l’objet
de droits de propriété privatifs ». Certains propriétaires disposent ainsi de
droits réels exclusifs sur des parcelles de terrain. Dans de tels ensembles
immobiliers, et en dépit d’aménagements permettant de constituer des
groupements restreints30, le statut de la loi de 1965, marqué par sa
rigidité36, n’est pas nécessairement le plus adapté. Il est ainsi possible de
choisir une organisation différente.
2. Le choix d’une organisation différente
32. Principe. - Le seul constat de l’existence d’un ensemble immobilier ne suf­
fit pas à exclure l’application du statut de la copropriété. Il faut encore
qu’une organisation formelle différente ait été prévue3'. La loi de 1965 ne
fournit encore aucune précision quant au type d’organisation différente
33. P. C apouiade et C. G iverdon, « Propos sur les ensembles immobiliers », RDI 1997, p. 161 ;
J. L afond, « La distinction entre groupes d’immeubles et ensembles immobiliers », JCP N
1998,1, 804 ; D. T omasin, « Les caractères de la notion d’ensemble immobilier », Mélanges Phi­
lippe Malinvaud, Litec, 2007, p. 597.
34. V. not. Cass. 3eciv., 17 févr. 1999, n° 97-14368: BuU. civ. III, n°42; Cass. 3eciv., 28nov. 2001,
n° 00-14539 : BuU. civ. III, n° 138.
35. Syndicats secondaires, union de syndicats, parties communes spéciales, etc.
36. V. supra, n° 23 et s.
37. Cass. 3e civ., 11 févr. 2009, n° 08-10109 : BuU. civ. III, n° 34.
LE STATUT LEGAL DE L’IMMEUBLE 33

requise38. Les parties disposent d ’une grande liberté dans l’élaboration de


leur convention, pourvu qu’elle prévoie une organisation différente. Sont
notamment concernées les associations syndicales libres39, les associations
foncières urbaines40 ou les unions de syndicats41, mais l’on peut imaginer
une multitude d’hypothèses. La jurisprudence se montre toutefois stricte
sur la réalité de l’organisation différente constituée pour échapper au statut
de la copropriété. Il ne suffit donc pas de constater l’absence d’organisation
fondée sur la loi de 19654"’ ou une simple division structurelle de
l’immeuble43. L’organisation implique des modalités de fonctionnement
pérennes, à l’image du statut de la loi de 1965, même si elle s’en écarte.

§ 2. Le moment d’application du statut de la copropriété


33. Principe d’automaticité. - Le statut de la copropriété s’applique automati­
quement, dès lors que ses conditions sont réunies. Il faut, mais il suffit,
donc, que soit opérée une division de l’immeuble par lots, ce qui se produit
en pratique lors de la première cession d’un lot, peu important qu’un règle­
ment ait été prévu44. Concrètement, de nombreuses copropriétés peuvent
avoir été créées sans que les copropriétaires en aient eu pleinement cons­
cience, ce que le caractère occulte du syndicat a jusqu’alors favorisé43.
L’obligation d ’immatriculation des immeubles soumis au statut n’affecte
d ’ailleurs pas cette automaticité46. Le point de départ de l’application du
statut a en outre suscité des difficultés lors des opérations de construction.
34. Opérations de construction. - Le statut n ’a jamais été adapté à la phase de
construction de l’immeuble47, ce qui explique les difficultés rencontrées
dans des hypothèses spécifiques. Le principe demeure en toutes circonstan­
ces celui de la division de l’immeuble48. Le moment de la première cession

38. Sur le régime issu de l’ordonnance n° 2019-1101 du 30 oct. 2019, v. infra, n° 36.
39. Cass. 3e civ., 15 déc. 1993, n° 91-12645 : BulL civ. III, n” 170.
40. C. urb., art. L. 322-1 et s.
41. L. lOjuill. 1965, a rt 29.
42. Cass. 3e civ., 11 févr. 2009, n° 08-10109.
43. Cass. 3' civ., 19 sept. 2012, n° 11-13679 : Bull. civ. III, n° 126 : un état descriptif de division ne
suffit pas.
44. L. 10juill. 1965, art. 1-1. V. déjà, Cass. 3e civ., 19 févr. 1992, n° 90-12677 : Bull. civ. III, n° 54.
45. Sur cette question et ses limites, v. infra, n° 116.
46. L. lOjuill. 1965, art. 1-1, al. 3.
47. Les premiers commentateurs de la loi de 1965 le notaient déjà. V. not. M. Azoulay, Defrénois
1968, p. 41, n° 17. Le législateur entendait réserver la phase de construction à la loi sur les
sociétés de construction qui devait être adoptée.
48. Cass. 3e civ., 12janv. 2011, n° 09-13822 : application à un programme immobilier comprenant
deux maisons individuelles et des parties communes, avant même l’achèvement de la seconde
construction.
34 LA COPROPRIETE DES IMMEUBLES BATIS
a pu être discuté. Notamment, dans le contrat de location-accession, la nais­
sance de la copropriété est fixée à la première levée d’option par un accé­
dant. Dans une vente en l’état futur d’achèvement, l’achèvement d’un pre­
mier lot rendrait le statut applicable49. L’article 1-1, alinéa 2, de la loi de
1965 vise désormais « la livraison du premier lot» comme date de « fonc­
tionnement de la copropriété ».
35. Pratique des lots transitoires. - Des difficultés spécifiques apparaissent
néanmoins lorsque l’opération de construction concerne un groupe d’im­
meubles comprenant plusieurs bâtiments avec des tranches de réalisation
échelonnées. Une solution satisfaisante, en théorie, pourrait être de diffé­
rer l’entrée en vigueur du statut de la copropriété à l’achèvement de l’en­
tier programme. Cela conduirait toutefois à laisser sans organisation des
bâtiments achevés pour une longue durée, du fait de problèmes de com­
mercialisation, de financement ou de contraintes administratives nouvelles.
Dans ces conditions, il est apparu nécessaire d’avancer le moment de l’ap­
plication du statut à l’achèvement d’un seul bâtiment du groupe. La copro­
priété naît alors avec la première vente d’un lot par le promoteur à un
acheteur. La pratique a conçu un mécanisme qui permet de limiter les
inconvénients suscités par l’application intégrale du statut à un programme
immobilier non achevé. On parle alors de lots transitoires, qui visent les
parties non encore achevées de l’ensemble immobilier. Lorsque les tran­
ches sont réalisées, les lots transitoires qui y étaient affectés sont supprimés
et remplacés par des lots définitifs qui correspondent à la division effective
des parties construites. De tels lots transitoires confèrent à leur titulaire la
qualité de copropriétaire au sens de la loi de 19653°, les parties privatives du
lot étant constituées du droit à construire Cela se traduit par la participa­
tion aux délibérations collectives’2 et aux charges communes32. Contrepar­
tie de son droit à construire privatif, il n’est pas soumis aux règles d’autori­
sation de construction de la copropriété34. Même si l’intérêt pratique
présenté par ces lots virtuels a décliné désormais, le législateur en a récem­
ment conforté l’existence. L’article 1er, alinéa 3, de la loi de 1965 prévoit en
effet que le lot de copropriété peut être un lot transitoire, « alors formé
49. Le fait que l’ensemble des lots n ’aient pas été livrés n ’empêche pas la naissance de la copro­
priété (Cass. 3e civ., 16mai 2001, n°99-17617: Bull. civ. III, n°66). Sur cette question,
v. V. Zalevvski-Sicard, « Copropriété et vente en l’état futur d ’achèvement », Rev. Loyers 2014,
1816.
50. Cass.3eciv., 14nov. 1991, n°89-21167: Bull civ. III, n°213.
51. Cass. 3e civ., 4nov. 2010, n° 09-70235: Bull. civ. III, nu 198; Cass. 3e civ., 18 sept. 2013, n° 12­
16357 à 361 : AJDI2014, 287, obs. D. T omasin.
52. Cass. 3eciv., 30juin 1998, n°96-18301.
53. Cass. 3' civ., 30juin 1998, n" 96-20758 : Bull. civ. III, n° 142.
54. Cass. 3e civ., 8juin 2011, n° 10-20276: Bull. cm. III, ri’96.
LE STATUT LEGAL DE L’IMMEUBLE 35
d’une partie privative constituée d’un droit de construire précisément
défini quant aux constructions qu’il permet de réaliser sur une surface
déterminée du sol°°, et d’une quote-part de parties communes correspon­
dante ». Le règlement de copropriété mentionne la création et la consis­
tance de tels lots, notamment le droit de construire sur un emplacement
déterminé, la subdivision du lot une fois construit et sa destination36.
36. Applicabilité du statut suivant la destination de l’immeuble en copropriété.
L’article 2 de l’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 est sans
doute le plus important, symboliquement et techniquement. Sur le plan
symbolique, il rompt avec l’impérativité et l’unicité du statut de la copro­
priété, laissant la place à d’autres formes d’appropriation collective de
l’immeuble. Désormais, seuls les immeubles à usage total ou partiel d’ha­
bitation sont nécessairement soumis à la loi du 10juillet 1965 (art. 1er, I).
En revanche, les immeubles à destination totale autre que d’habitation
pourront choisir une organisation conventionnelle différente, laissant la
place à la liberté contractuelle (art. 1er, II). Parachevant la tendance
d’une assimilation de la copropriété au logement, l’ordonnance en tire
la conséquence la plus radicale en permettant de sortir un pan entier des
immeubles en copropriété du statut3'. Par contrecoup, le statut de la
copropriété, recentré vers le logement, devrait accueillir des finalités
nouvelles tournées vers les habitants. A ce stade, cependant, rien n’est
fait en ce sens, notamment quant au statut des occupants et locataires.
Sur le plan technique, l’ordonnance ouvre la voie à une différenciation
des statuts applicables aux immeubles faisant l’objet d’une appropriation
collective. D’une part, pour les immeubles à usage total ou partiel d’ha­
bitation, incluant donc les immeubles à usage mixte d’habitation et de
commerce ou professionnel, la situation antérieure ne change pas. Seul
le statut de la loi de 1965 demeure applicable, à l’exclusion de toute
autre forme, sauf pour ces immeubles à constituer des ensembles immo­
biliers suivant la définition posée par l’article 1er, II, 2°. En revanche,
d’autre part, il est désormais possible, pour les copropriétés constituées
exclusivement de lots commerciaux ou de lots à usage de bureaux de se
structurer suivant une forme différente : forme sociétaire, forme inspirée
du statut de la copropriété, mais amendée par le règlement de
55. L’article 37-1 de la loi de 1965 prévoyant que le droit de surélever peut constituer la partie
privative d’un lot transitoire, l’expression « surface déterminée du sol » pouvait paraître
réductrice. L’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 l’a supprimée.
56. J. L afond, « Le lot transitoire après la loi ELAN », Loyers et copr. 2020, formule 2.
57. V. ainsi, évoquant la distinction entre « un secteur protégé et un secteur libre de l’organisa­
tion juridique de l’immeuble », M. P oumarède, « Présentation générale de l’ordonnance du
30 octobre 2019 », ADJI2019, p. 845.
36 LA COPROPRIETE DES IMMEUBLES BATIS

copropriété, par exemple s’agissant des modalités de prise de décision


(majorités, conseil d’administration, etc.). Nul besoin, désormais, que
l’immeuble soit qualifié d’ensemble immobilier’8 pour écarter l’applica­
tion du statut légal, il suffit que sa destination soit autre que l’habitation.
Encore faudra-t-il que soit prévue une organisation différente, résultant
d’une convention « expresse », et prévoyant une « une organisation
dotée de la personnalité morale et suffisamment structurée pour assurer
la gestion de leurs éléments et services communs ». Reprenant les critè­
res antérieurs posés par la jurisprudence, le texte écarte nécessairement
des formes d’organisation peu structurées, telles qu’un état descriptif de
division39 ou une indivision conventionnelle60. Le texte, applicable à
compter du 1erjuin 2020, ménage aux syndicats de copropriétaires anté­
rieurs la possibilité de sortir du statut de la loi du 10juillet 1965. La
convention prévoyant une organisation différente devra cependant être
adoptée à l’unanimité des voix de tous les copropriétaires composant le
syndicat.
Section 2. — La division de l’immeuble
37. Plan. - Le droit de la copropriété repose sur une superposition de catégo­
ries distinctes, qui ne se recoupent pas complètement: la propriété de l’im­
meuble est répartie par lots, entre des personnes, chaque lot étant lui-
même composé de parties privatives et de parties communes. Pour assurer
l’unité de l’immeuble, les copropriétaires lui assignent une destination.
§ 1. La division par lots
38. Plan. - La division juridique de l’immeuble entre les copropriétaires se fait
par lots. Chaque copropriétaire est titulaire d’un ou plusieurs lots, notion
complexe quoiqu’unitaire, entre lesquels il faut assurer des relations.
A. La notion de lot de copropriété
39. Le lot de copropriété dans la loi du 10juillet 1965.- La notion de lot est
une construction juridique qui vise à rassembler en un seul droit l’ensemble

58. V. supra, n° 30.


59. Rappr., Cass. S^civ., 19 sept. 2012, n° 11-13679.
60. V. en ce sens, J. Lafond, « Le syndicat de copropriétaires après l’ordonnance du 30 octobre
2019 », loyers et copr. 2020, dossier 3, n° 7.
LE STATUT LEGAL DE L’IMMEUBLE 37

des prérogatives d’un copropriétaire sur l’immeuble61. Plutôt que de distin­


guer systématiquement les droits exclusifs sur les parties privatives et les
droits concurrents dans les parties communes, à proportion des quotes-
parts respectives de chaque copropriétaire, la loi de 1965 a eu recours à
une notion abstraite, le lot de copropriété. Dès son article 1er, il est question
d’immeubles « dont la propriété est répartie entre plusieurs personnes, par
lots », comportant « obligatoirement une partie privative et une quote-part
de parties communes, lesquelles sont indissociables »62. Tout l’intérêt de
cette innovation législative61 est de ne pas se contenter d ’une répartition
entre les parties de l’immeuble mais de réunir, en un ensemble complexe
et indivisible, les droits du copropriétaire. Il n’existe pas de parties privati­
ves auxquelles ne seraient pas attachées des parties communes64, pas plus
qu’une quote-part de parties communes ne saurait être attribuée sans par­
tie privative63. Le lot, attaché au copropriétaire, permet de « ramener ces
droits hétérogènes à l’unité »66.
40. La nature juridique du lot de copropriété67. - La notion de lot n ’est pas
propre à la copropriété des immeubles bâtis. Elle est utilisée dans plusieurs
techniques de répartition de biens, soit au terme de l’indivision
successorale68, soit dans un lotissement69. Mais le lot désigne alors une pro­
priété divise sur les biens, ce que n ’est pas exactement le lot de
copropriété70. Certes, chaque lot de copropriété fait l’objet d ’une appro­
priation individuelle. La complexité du lot ne tient pas à son rapport avec
le copropriétaire, mais à sa composition, comprenant des éléments dispara­
tes de l’immeuble. Le lot serait-il alors « objet d’un classique droit de
propriété »71, au même titre qu’un immeuble non divisé? Certains auteurs

61. Sur le droit du copropriétaire, v. F. B ayard-Jammes, La nature juridique du droit du copropriétaire


immobilier. Analyse critique, LGDJ, 2003.
62. L. 10juill. 1965, réd. L. n°2018-1021, 23nov. 2018, a r t 1er, al. 1 e t 2.
63. Sur c et apport, v. C. L ombois, D. 1966, L., 93, n° 23.
64. Ce qui permettrait d’être dispensé de toute contribution aux charges. V. infra, n° 375.
65. V. infra. n° 49 et s.
66. F. T erré et P. S imler , Droit civil. Les biens, 10e éd., Dalloz, 2018, n° 631.
67. Y. P aquet , Le lot de copropriété, entre complexité et illusion. Analyse de la nature juridique du lot de
copropriété, thèse Grenoble Alpes, 2016, dactyl.
68. C. civ., art. 826, al. 3.
69. Où il constitue la « portion divise d’un bien destiné à être vendu par parcelles » (G. C ornu
(dir. ), Vocabulaire juridique, 10e éd., PUF, 2014, v° « Lot », sens 2).
70. Comp., J. Lotz , Im division de l’immeuble. Contribution à une théorie de la propriété, thèse Stras­
bourg, 2014, dactyl., qui s’attache à montrer que le lot de copropriété ou le lot de volume
présenteraient une unité profonde, trouvée dans un « ensemble composite de droits »
(n° 170).
71. F. T erré et P. S imler , op. cit., n° 631, qui relèvent cependant que le lot est amputé de « certai­
nes des prérogatives du propriétaire, dévolues à la collectivité constituée en syndicat ».
38 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

préfèrent utiliser la qualification de droit réel . La loi de 1965 aurait ainsi


permis « d’affirmer l’existence d ’un droit réel autonome du propriétaire
d ’appartement, qu’elle appelle la “propriété du lot” »73. Ce « droit réel
démembré à intensité variable»'4 expliquerait les restrictions apportées
tant par le règlement de copropriété que par la destination de
l’immeuble

B. Les relations entre les lots


41. Pouvoirs des copropriétaires sur leur lot. Renvois. - Les copropriétaires
sont propriétaires de leur lot, de sorte que s’établissent entre eux des rap­
ports de voisinage. Si leurs pouvoirs sont restreints par le statut légal et le
règlement conventionnel de la copropriété, l’existence de servitudes
conventionnelles ou de troubles anormaux de voisinage est cependant
envisageable'6.

1. Les servitudes en copropriété


42. Premières vues. - Si l’ancien article 664 du Code civil, qui réglait la situa­
tion des immeubles divisés par étage avant l’élaboration d ’un statut de la
copropriété, figurait dans un titre relatif aux servitudes, la qualification de
servitude est pourtant déniée à la copropriété des immeubles bâtis". Néan­
moins, en tant qu’elle organise des relations de voisinage, qu’elle répartit
les utilités de l’immeuble, la copropriété des immeubles bâtis paraît consti­
tuer un terrain d ’élection pour les servitudes. On en distingue générale­
ment deux variétés : les servitudes externes, qui désignent les servitudes à
l’égard d’un fonds voisin et dont la validité n’est pas douteuse'8; les

72. P. Capoulade et D. T omasîn (dir.), L a copropriété, 9e éd., Dalloz, Dalloz Action, 2018, n° 112.231.
73. F. Giyord, « Essai sur la nature juridique de la copropriété par appartements », M élanges Pierre
Voirin, LGDJ, 1967, p. 262, n° 17.
74. C. A t l a s , « Propriété et communauté dans la copropriété des immeubles bâüs », JC P G 1980,1,
2971, n° 12.
75. Pour une analyse en termes de juxtaposition entre différentes modalités d’exercice de la pro­
priété, reliées entre elles par le démembrement qu’elles subissent au profit de la personne
morale chargée de la gestion et de l’administration de l’immeuble, v. A. Ff.rracci, Les combinai­
sons de droits réels. Indivisions et démembrements en matière immobilière, thèse Aix-Marseille, 2018,
dactyl., spéc. n°353 et s.
76. V. plus généralement, J.-P. T ricoire, « Les rapports du voisinage et des servitudes », Mélanges
Jean-Louis Bergel, Bruxelles, Bruylant, 2013, p. 775.
77. Comp., J. Hansenne, I m servitude collective. M odalité du service foncier individuel ou concept origi­
n a l ?, préf. A. Weill, fac. dr. Liège, 1969, qui envisageait l’imbrication de la notion de servi­
tude au sein de propriétés collectives, son adaptation à l’intérêt de la collectivité, au point
d ’envisager une servitude due au groupe lui-même.
78. V. n o t, Cass. 3e civ., 15 déc. 1999, n° 97-22161, qui en déduit que le règlement de copropriété
ne pouvait contrevenir à la charge perpétuelle grevant l’immeuble.
LE STATUT LEGAL DE L’IMMEUBLE 39
servitudes internes à la copropriété, qui s’envisagent entre des parties privati­
ves ou entre parties privatives et parties communes'9.
43. Servitudes entre des parties privatives. - Pendant longtemps, la Cour de
cassadon a écarté le principe même de servitudes internes à la copropriété,
tant lorsqu’elles grevaient une parue commune au profit de parties
privatives811, que lorsqu’elles étaient constituées entre parties privatives,
affirmant qu’« il existe une incompatibilité entre la division d’un immeuble
en lots de copropriété et la création, au profit de la partie privative d’un lot,
d’une servitude sur la partie privative d’un autre lot »81. Au terme d’un revi­
rement remarqué, elle considère désormais que « le titulaire d’un lot de
copropriété disposant d’une propriété exclusive sur la partie privative de
son lot et d’une propriété indivise sur la quote-part de partie commune
attachée à ce lot, la division d’un immeuble en lots de copropriété n’est
pas incompatible avec l’établissement de servitudes entre les parties privati­
ves de ces deux lots, les héritages appartenant à des propriétaires
distincts >>82. La jurisprudence admet ainsi qu’entre parties privatives, puisse
être mise en place une servitude, les deux copropriétaires étant considérés
comme propriétaires exclusifs de leurs parties privatives. Cette situation
peut se retrouver, par exemple, dans l’instauration d’une servitude de pas­
sage permettant l’usage d’une sortie de secours d’un local commercial83, à
l’occasion de la construction d’un escalier sur un palier privatif, permettant
de desservir des appartements situés au 6e étage d’un immeuble, au détri­
ment des parties privatives du copropriétaire du 5e étage84, ou avec le pas­
sage d’une canalisation au sein des parties privatives d’un copropriétaire83.
44. Servitudes entre parties privatives et parties communes. - L’hypothèse de
servitudes internes à la copropriété regroupe les servitudes affectant les
79. Sur les rapports entre servitudes et copropriété, v. not., J.-L. A ubert, « Quelques mots à propos
des servitudes en copropriété », JCP G 1993,1, 3726 ; A. C ayol, « Servitudes et copropriété des
immeubles bâtis », AJDI 2018, p. 340 ; G. C hantepie, « Les servitudes en copropriété des
immeubles bâtis », Les Cahiers du GRIDAUH 2017, n° 31, p. 61.
80. V.not., Cass. 3'civ„ lljan v. 1989, n° 87-13605 : Bull. civ. III, n° 11.
81. Cass. 3e civ., 6 mars, 1991, n° 89-14374 : BuU. civ. III, n” 75.
82. Cass. V civ., 30juin 2004, n° 03-11562 : BuU. civ. III, n° 140 ; D. 2005,p. 1134, note C. G iverdon
et P. C apoulade; Und., p. 2358, obs. B. M allet-B ricout ; Defrénois 2004, p. 861, note G. D aublon
et B. G elot \JCP G 2004,1, 171, n° 15, obs. H. P erinet-M arquet; Loyers et copr. 2004, n° 196, obs.
G. V igneron ; Rev. loyers 2004, 706, obs. T. D ubaele ; RDI 2004, p. 440, obs. J.-L. B ergel ; RTD civ.
2004, p. 753, obs. T. R evet. Adde F. BayardJ ammes, « Le principe de compatibilité du régime
des servitudes et de la copropriété immobilière», AJDI 2005, p. 193. V. depuis, Cass. 3e civ.,
l erjuill. 2009, n° 08-14963: Bull. civ. III, n°164; Cass. 3e civ., 19janv. 2010, n° 09-12522 (servi­
tude de passage en raison de l’enclavement d ’un lot).
83. Cass. 3e civ., 30juin 2004, préc.
84. Cass. 3 'civ., 30juin 1992, n°91-10116 et91-11093: BuU. civ. III, n°231; Cass. S1,civ., 6mars
1991, préc.
85. Cass. 3' civ., 13 sept. 2005, n° 04-15742.
40 LA COPROPRIETE DES IMMEUBLES BATIS

parties communes au profit de parties privatives, et celle grevant des parties


privatives au profit des parties communes. Elles continuent, l’une comme
l’autre, à être écartées par la jurisprudence, la règle nemini res sua servit
(on ne peut avoir de servitude sur son propre bien) paraissant toujours
s’opposer à une extension du domaine des servitudes. La Cour de cassation
ayant déjà rejeté le pourvoi formé contre un arrêt ayant retenu, « à bon
droit, que dans un immeuble en copropriété, des servitudes ne sont suscep­
tibles de s’établir qu’entre des parties privatives »86.
On doit toutefois relever que la finalité attendue de la servitude grevant les
parues communes au profit de parties privatives est atteinte par le recours
au droit de jouissance exclusif sur des parties communes. La jurisprudence
a en effet choisi de traiter certaines situations en recourant à un droit réel
sui generis. C’est le cas de la jouissance exclusive concédée à un coproprié­
taire sur des parties communes. En affirmant qu’il s’agissait d’un droit réel
et perpétuel87, la Cour de cassation a écarté du même coup la qualification
de servitude88, autant que les qualifications de droit personnel ou de droit
d ’usage89. Si la qualification de droit réel sui generis s’oppose à celle de ser­
vitude, ses effets sont assez semblables. C’est sans doute ce qui avait conduit
certains auteurs à plaider, depuis longtemps, en faveur de la qualification
de servitude. Jean-Luc Aubert, notamment, avait exposé qu’il n ’existait
aucune différence entre les servitudes conventionnelles - à l’époque non
admises au sein de la copropriété - et le droit réel de jouissance exclusive
des parties communes. Selon lui, le seul intérêt d ’un tel droit était d’admet­
tre les servitudes en copropriété sans les nommer90.
On ajoutera qu’il est possible de procurer au copropriétaire une utilité simi­
laire à celle attendue d ’une servitude grevant une partie privative au profit
d ’une partie commune, en recourant à des techniques alternatives. Ainsi, le
copropriétaire d ’un lot peut se voir interdire toute construction sur ses par­
ties privaüves (constructions durables ou édifices démontables) ou se voir
imposer un mode d’habitation bourgeoise ou exclusivement bourgeoise,
qui lui interdit toute exploitation commerciale de ses parties privatives,
voire toute exploitation à un titre professionnel, même dans un cadre libé­
ral. Ces clauses insérées dans un règlement de copropriété et soumises, à ce

86. Cass. 3e civ., 11 mars 2014, n° 12-29734 : RTD civ. 2014, p. 907.
87. Cass. 3 'civ., 4mars 1992, n°90-13145: BulLciv. III, n° 73 ; D. 1992, p. 386, note C. Atias; RTD
civ. 1993, p. 162, obs. F. Zenau ; Cass. 3e civ., 17juin 1997, n° 96-10506; Cass. 3e civ., 24oct.
2007, n° 06-19260 : BuU. civ. III, n° 183.
88. Laquelle se perdrait par le non-usage, alors que le droit de jouissance exclusif est perpétuel
(Cass. 3e civ., 7juin 2018, n° 17-17240 : RDI2018, 448, obs. J.-L. Bergel).
89. C. civ., art. 625.
90. J.-L. Aubert, « Quelques mots à propos des servitudes en copropriété », JCP G 1993, I, 3726,
spéc. n° 7.
LE STATUT LEGAL DE L’IMMEUBLE 41
titre, à l’exigence de conformité à la destination de l’immeuble, remplissent
une fonction que la notion classique de servitude peinerait à accueillir, ne
serait-ce que parce que le syndicat des copropriétaires n’est pas le proprié­
taire des parties communes.
45. Servitudes en copropriété dans l’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre
2019.
L’ordonnance introduit dans la loi de 1965 un article 6-1 A qui dispose
qu’« aucune servitude ne peut être établie sur une partie commune au
profit d’un lot ». Le texte livre deux enseignements. D’une part, il
confirme l’impossibilité d’établir une servitude sur une partie commune
au profit d’un lot91, toute clause contraire au règlement de copropriété
devant être réputée non écrite92. D’autre part, le silence du texte conduit
à admettre à la fois les servitudes établies sur des parties communes au
profit d’un autre fonds, mais aussi les servitudes établies entre les parties
privatives de lots de copropriété. Rien n’empêche d’ailleurs d’envisager
une servitude établie sur un lot au profit des parties communes.
2. Les troubles de voisinage en copropriété
46. Premières vues. - « Nul ne doit causer à autrui un trouble anormal du
voisinage »93, ou « excédant les inconvénients normaux du voisinage »94. Si
la jurisprudence a pu, dans un premier temps, rattacher la responsabilité
pour trouble anormal de voisinage aux visas de l’article 544 ou de l’ancien
article 1382 du Code civil, elle affirme désormais l’autonomie de ce prin­
cipe. Les inconvénients inhérents au voisinage ne doivent être supportés
que dans les limites de leur absence d’anormalité9’. Dès lors qu’ils sont
anormaux, c’est-à-dire qu’ils présentent une gravité ou une répétitivité suf­
fisante, ils ouvrent droit à une action sans que la victime ait à prouver une
faute de l’auteur. Le juge peut ordonner la cessation des troubles ou la
réparation du préjudice subi.

91. V. déjà, Cass. 3e civ., 8 nov. 1989, n° 88-13457 : « une servitude qui suppose l’existence de deux
fonds distincts ne peut être créée sur une partie commune au profit d’un lot privatif ».
92. L. lOjuill. 1965, art. 43.
93. Cass. 3'civ., 9févr. 2011, n° 09-71570 et 09-72494.
94. Cass. 3' civ., 11 mai 2017, n° 16-14339.
95. Sur cette question, v. G. V iney, P. J ourdain et S. C arval, Les régimes spéciaux et l’assurance de res­
ponsabilité, 4'éd., LGDJ, 2017, n° 173 ets.
42 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

La copropriété des immeubles bâtis, par la proximité qu’elle induit, est un


terrain propice à l’existence de troubles divers, en raison du bruit96, des
odeurs ou de l’apparition de fissures dans les murs à la suite de travaux9'.
Certes, le trouble peut naître dans les rapports entre l’immeuble en copro­
priété et un fonds voisin98. Mais ce sont surtout dans les rapports au sein de
l’immeuble que la question peut susciter des difficultés, le régime des trou­
bles anormaux de voisinage devant être concilié avec les règles propres à la
copropriété.
47. Troubles subis par un occupant de l’immeuble. - Les applications les plus
nombreuses du principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble
anormal de voisinage se trouvent dans les atteintes subies par des occupants
de l’immeuble. Si l’auteur des troubles peut être tenu, aux termes d’enga­
gements contractuels99 ou du règlement de copropriété, de contraintes
plus fortes que celles qui résulteraient du droit commun, le seul fait d’avoir
respecté le règlement ne saurait exonérer un copropriétaire de sa respon­
sabilité envers un autre100. La jurisprudence admet en effet que ce principe
s’applique à tous les occupants d ’un immeuble en copropriété, quel que
soit leur ütre d ’occupation, ce qui inclut les locataires ou les occupants
réguliers101. Plus que les seuls rapports entre propriétaires, les troubles
affectent une communauté de voisinage. Dès lors, il importe peu que le
propriétaire actuel ne soit pas l’auteur des travaux à l’origine des troubles,
factuel propriétaire des biens, étant responsable de plein droit des troubles
excédant les inconvénients normaux du voisinage constatés dans le fonds
voisin102. La même solution s’applique lorsque l’auteur est le locataire, et
ce même si le copropriétaire-bailleur avait agi à son encontre101.
48. Troubles subis par le syndicat des copropriétaires. - Il n ’est pas douteux
que le syndicat puisse agir à l’encontre d’un voisin de la copropriété,

96. V. not., Cass. 3e civ., 5 o c t 2017, n° 16-21087 (bruit excessif causé par un sanibroyeur) ;
Cass. 3e civ., 20févr. 1973, n° 71-14174: Bull. civ. III, n° 138 (exploitation d’un commerce de
boulangerie).
97. Cass. 3° civ., 24 sept. 2003, n° 01-17733.
98. V. par ex., Cass. 3e civ., 11 mai 2000, n” 98-18249 : Bull. civ. III, n° 106 : le syndicat des copro­
priétaires, propriétaire actuel des biens, et l’auteur des travaux à l’origine des dommages
sont responsables de plein droit des troubles excédant les inconvénients normaux du voisi­
nage constatés dans le fonds voisin.
99. Cass. 3e civ., 2 mars 1976, n° 74-13820 : Bull. civ. III, n ” 101 ; D. 1976, p. 545, n o te C. L arroumet ;
RTD civ. 1977, p. 138, obs. G. D urry.
100. Cass. 3e civ., 20févr. 1973, préc.
101. Cass. 2e civ., 17 mars 2005, n” 04-11279 : D. 2005, Somm., p. 2357, obs. N. Rf.boul-M aupin.
102. Cass. 3 'civ., 11 mai 2017, n° 16-14665.
103. Cass. 3e civ., 17avr. 1996, n” 94-15876: Bull civ. III, n°108; RTD civ. 1996, p. 638, obs.
P. J ourdain .
LE STATUT LEGAL DE L’IMMEUBLE 43
lorsque le trouble a causé un préjudice collectif à la copropriété104. La
Cour de cassation a récemment admis son action à l’encontre d’un copro­
priétaire sur le fondement d’un trouble anormal du voisinage103. En l’es­
pèce le trouble trouvait sa source dans les parties privatives du coproprié­
taire (défaut d’étanchéité du revêtement des terrasses sur lesquelles était
édifié un terrain de sport) et affectait les parties communes de l’immeuble.
Peu importe à cet égard que le syndicat ne soit pas le propriétaire des par­
ties communes, le préjudice subi était bien collectif, rendant son action
recevable. Certes, il existe plusieurs moyens permettant au syndicat d’en­
joindre à un copropriétaire de respecter les parties communes, notamment
en cas de défaut d’entretien. Le statut de la copropriété n’exclut toutefois
le droit commun que lorsque les deux sont incompatibles. Or, s’il n’est pas
possible de démontrer un défaut d’entretien ou toute autre cause tirée du
non-respect de la loi de 1965, demeure ouverte l’action sur le fondement
des troubles anormaux du voisinage.
§ 2. La distinction entre parties privatives et parties communes
49. Présentation. - Si le lot de copropriété constitue la structure fondamentale
de division de l’immeuble, il est lui-même subdivisé, étant composé indisso­
ciablement de parties privatives et d’une quote-part de parties
communes101’. L’immeuble est donc à la fois divisé par lots et entre parties
privatives et parties communes. Matériellement et juridiquement, la distinc­
tion suscite de nombreuses difficultés, qui nécessitent d’analyser succincte­
ment les principes retenus et leurs applications pratiques.
A. Les principes de distinction
50. Critère légal. - Les articles 2 et 3 de la loi de 1965 posent un critère de dis­
tinction. « Sont privatives les parties des bâtiments et des terrains réservées à
l’usage exclusif d’un copropriétaire déterminé»107; «Sont communes les
parties des bâtiments et des terrains affectées à l’usage ou à l’utilité de
tous les copropriétaires ou de plusieurs d’entre eux»10 . Ce critère repose
donc sur l’exclusivité de l’usage des parties de l’immeuble par un seul
104. Cass. 3eciv., 21 oct. 2009, n° 08-16692: BulLciv. III, iT231, rejetant l’existence du trouble
anormal.
105. Cass. 3e civ., lim a i 2017, n” 16-14339 : 4/D/2017, p.594, obs. D .T omasin ; RDI 2017, p. 343,
obs. J.-L. Bercel ; Rev. loyers 2017, p. 298, obs. V. Z ai.ewski-Sicard ; JCP G 2017, 1142, n°9, obs.
H. P erinet-M arquet. V. déjà, Cass. 3e civ., 24 oct. 1990, n° 88-19383, admettant l’action du syn­
dicat
106. L. 10juill. 1965, art. 1er, al. 2.
107. L. lOjuill. 1965, art 2, al. 1".
108. L. 10juill. 1965, art. 3, al. 1er.
44 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

copropriétaire. Il s’agit d ’un élément objectif tiré de l’usage effectif des par­
ties. Ainsi, il importe peu, au regard de sa qualification, qu’une partie de
l’immeuble ne soit jamais utilisée par les copropriétaires de l’immeuble. Il
suffit qu’elle soit utile à tout ou partie d ’entre eux, qu’elle ait un usage col­
lectif, pour être qualifiée de commune109. Inversement, un local contigu au
lot d’un copropriétaire et accessible par ce seul lot, sans utilité et sans inté­
rêt pour la collectivité et les autres copropriétaires qui ne pouvaient y accé­
der, doit être qualifié de privatif, en l’absence de stipulation
conventionnelle110.
51. Critère supplétif. - Les articles 2 et 3 de la loi ne présentent pas de carac­
tère impératif. Les copropriétaires disposent du pouvoir de procéder à une
répartition conventionnelle qui ne soit pas fondée sur le critère légal, en
restreignant ou en étendant les parties communes. Le règlement de copro­
priété revêt à cet égard une importance capitale dans la délimitation, que
renforce son immutabilité111. Seul l’accord unanime des copropriétaires
permet de modifier la répartition initialement convenue11-’. Au fond,
comme le concède l’article 3, la répartition légale n’a finalement d’intérêt
que « dans le silence ou la contradiction des titres ».

B. Les applications de la distinction

1. Les parties privatives (art. 2)


« Ils se barricadent dans leurs parties privatives - puisque c'est comme
ça que ça s ’appelle - et ils aimeraient bien que rien n'en sorte »U3

52. Illustrations.- Contrairement aux parties communes, la loi ne donne


aucune liste, même indicative, d’éléments privatifs. Les exemples sont très
nombreux, étant rappelé que le règlement peut modifier la qualification
donnée à un élément. De manière évidente, sont des parties privatives les
appartements, locaux commerciaux, ainsi que leurs différentes annexes,
caves, greniers, chambres de services, remises, parking, etc. S’y ajoutent en
principe les aménagements intérieurs des locaux privatifs, cloisons

109. V. not. Cass. 3 'civ., 30 mai 1995, n" 93-16347, qui retient qu’« un comble qui ne peut servir
qu’à la réparation de la toiture, partie commune, constitue lui-même une partie commune,
peu important que la trappe d ’accès se situe dans l’appartement de Mme Génin, cette trappe
permettant d ’accéder non seulement à la partie située au-dessus de l’appartement, mais aussi
à l’ensemble du comble ».
110. Cass. 3e civ„ 7 mai 1997, n° 95-15762.
111. J. Lafond, « Les clauses du règlement de copropriété relatives aux parties privatives et com­
munes », JCP N 2010, 1242.
112. Cass. 3' civ„ 16nov. 2010, n° 09-70875.
113. G. Pérec, La Vie mode d ’emploi, Fayard, Le Livre de Poche, 1978.
LE STATUT LEGAL DE L’IMMEUBLE 45

intérieures, revêtements des murs et des sols, installations de chauffage,


mais aussi les éléments de séparation, tels que les portes de palier ou les
fenêtres. Certains éléments sont plus discutables, notamment les balcons,
du fait de leurs répercussions sur l’aspect esthétique de l’immeuble.
53. Parties mitoyennes. - L’article 7 de la loi énonce que « les cloisons ou murs
séparant les parties privatives et non compris dans le gros œuvre sont pré­
sumés mitoyens entre les locaux qu’ils séparent ». En dépit d’un usage com­
mun à plusieurs copropriétaires, ces parties sont traitées, non comme des
parties communes, mais comme des parties privatives. Le texte ne s’ap­
plique pas au gros œuvre, présumé commun en vertu de l’article 3, étant
entendu que le règlement de copropriété peut également qualifier de com­
muns ces cloisons et murs. L’introduction du régime particulier d’indivi­
sion qu’est la mitoyenneté au sein de la copropriété se traduit par une
répartition du coût des travaux éventuels entre les propriétaires des lots
concernés. Ce mécanisme aboutit à créer plusieurs niveaux d’indivision au
sein de l’immeuble en copropriété, au même titre par exemple que les par­
ties communes à certains copropriétaires.

2. Les parties communes (art. 3)

a. Règles communes
54. Énumération légale. - Contrairement aux parties privatives, la loi réputé
communes certaines parties de l’immeuble, dans le silence ou la contradic­
tion des titres.
Il en est ainsi, tout d ’abord, du sol, des cours, des parcs et jardins et des
voies d ’accès, qui constituent l’assiette foncière de la copropriété114. En
conséquence, le propriétaire unique d ’un bâtiment ne devient pas proprié­
taire exclusif du sol, qui demeure en principe commun11'’. Cela n ’exclut
pas, cependant, que le sol sur lequel est édifié l’immeuble soit détenu par
un tiers, notamment à l’occasion d’un bail emphytéotique.
Est également commun le gros œuvre des bâtiments, notamment les murs,
toits, façades et clôtures de l’immeuble116.

114. V. not., Cass. 3 'civ., 11 déc. 2012, n° 11-17334: immeuble comprenant des arcades sous les­
quelles circulent les piétons, le sol demeurant commun.
115. Cass.3 'civ., lljanv. 1995, n°93-70204.
116. S’agissant d ’un plafond, la réponse dépend en principe de son lien avec l’armature de l’im­
meuble. Dans l’hypothèse d’un flocage à l’amiante appliqué sur le plafond des locaux du rez-
de-chaussée, la Cour de cassation a retenu le caractère commun, eu égard notamment à la
fonction de sécurité au profit de tous les copropriétaires (Cass. 3 'civ., 7 mai 2003, n°02-
11218 : Bull. civ. III, n°100).
46 LA COPROPRIETE DES IMMEUBLES BATIS

La loi vise encore les éléments d ’équipement commun, y compris les parties
de canalisations y afférentes qui traversent des locaux privatifs et les coffres,
gaines et têtes de cheminées. Ce sont donc de très nombreux équipements
qui sont intégrés dans les parties communes. Citons pêle-mêle les ascen­
seurs, escaliers11', installations collectives de chauffage ou d ’eau
chaude118, les antennes, interphones, etc.
La qualification de parties communes est enfin attribuée aux locaux de ser­
vices communs et aux passages et corridors, ce qui comprend les salles de
réunion, les locaux techniques, locaux de poubelles, mais aussi les équipe­
ments de loisirs, piscines, tennis, etc. Le contentieux porte surtout sur les
locaux affectés au gardiennage, la loge du concierge119. La loi ELAN du
23 novembre 2018 a ajouté à ces parties communes tout élément incorporé
dans les parties communes, suivant une application du principe de l’acces­
soire.
55, Loge du concierge. - La loge du concierge ou du gardien d ’immeuble a
longtemps suscité un contentieux abondant. Symptôme visible d ’une
forme de déclassement de l’immeuble ou de son automatisation, le service
de conciergerie a progressivement décliné au sein des immeubles
collectifs1' 0. Dans ces conditions, de nombreuses copropriétés ont envisagé
de céder le local initialement affecté au concierge. Pour y procéder, cepen­
dant, l’unanimité est requise tant que le service de gardiennage est néces­
saire à la destination de l’immeuble. Il faut donc veiller à supprimer ce ser­
vice au préalable, avant de céder la loge, les deux questions devant être
inscrites à l’ordre du jour de la même assemblée générale. La décision
relève alors de la double majorité de l’article 26 puisque la conservation
du local n’est plus indispensable au respect de la destination de
l’immeuble121.
56. Accessoires des parties communes. - L’article 3 de la loi ajoute une seconde
énumération, relative aux droits qui sont réputés accessoires aux parties
communes, dans le silence ou la contradiction des titres. Il en est ainsi du
droit de surélever un bâtiment affecté à l’usage commun ou comportant

117. Il faut cependant noter que l’escalier peut être rattaché au gros œuvre, ce qui n’affecte pas sa
nature commune mais le critère de répartition des charges. V. sur ce point, infra, n° 383.
118. Sur cette question, v. not. P. Sablière, «Les colonnes montantes d’eau, de gaz et d’électri­
cité», AJDI2014, p. 661. Sur l’incorporation des colonnes montantes d’électricité au réseau
public de distribution, v. P. Sablière, « Canalisations collectives en copropriété : une ambiguïté
qui reste à lever », AJDI 2019, p. 675.
119. Sur laquelle, v. infra, n° 55.
120. Encore voit-on émerger des formes extemalisées de services de conciergerie, particulière­
ment pour des immeubles à usage de location touristique.
121. Cass. 3e civ., 5 déc. 2007, n" 06-20020: Bull. av. III, nl’219; Cass. 3eciv., 1er déc. 2009, n°08-
20723.
LE STATUT LEGAL DE L’IMMEUBLE 47

plusieurs locaux qui constituent des parties privatives différentes, ou d ’en


affouiller le sol12 ; du droit d’édifier des bâtiments nouveaux dans des
cours, parcs ou jardins constituant des parties communes ; du droit d ’af-
fouiller de tels cours, parcs ou jardins ; et du droit de mitoyenneté afférent
aux parties communes. Cette liste n ’est pas limitative et le législateur y a
récemment ajouté le droit d ’affichage sur les parties communes et le droit
de construire afférent aux parues communes123. Accessoires des parties
communes, ils en suivent le régime, étant entendu que des conventions
avec un coproprietaire ou un tiers peuvent aménager leur exercice .

b. Hypothèses particulières

57. Parties communes spéciales. - La loi de 1965 prévoit des hypothèses où,
sans sortir du statut, certaines parties de l’immeuble font l’objet d’un traite­
ment distinct. A la division de l’immeuble entre les copropriétaires se super­
pose alors une division de l’immeuble suivant sa structure physique. Bâti­
ments séparés, entrées distinctes, cages d ’escalier autonomes, voire
équipements réservés à l’usage de certains copropriétaires, il existe quantité
d’hypothèses dans lesquelles l’immeuble est soumis à une subdivision
interne. Plusieurs niveaux de propriété s’emboîtent, ce qui favorise une cer­
taine proximité entre les copropriétaires et l’immeuble en copropriété,
voire la constitution d ’un «îlot à part dans la copropriété »12i>. Ainsi dans
les groupes d’immeubles bâtis, les copropriétaires ne sont pas propriétaires
indivis de l’intégralité des parties communes des différents bâtiments. L’ho­
mogénéité de l’appropriation, favorisée par l’indivision générale sur le sol,
tolère la constitution de répartitions intermédiaires, par un mécanisme de
subdivision. C’est ainsi que les parties communes spéciales sont, suivant la
définition donnée par le législateur à l’occasion de la loi ELAN, « celles
affectées à l’usage et à l’utilité de plusieurs copropriétaires »126.
58. Parties communes spéciales. Propriété indivise. - Le règlement de copro­
priété peut en effet distinguer plusieurs niveaux de parties communes12'.
L’article 4 de la loi de 1965 permet la constitution de « parues communes
[qui] sont l’objet d’une propriété indivise entre l’ensemble des coproprié­
taires ou certains d’entre eux». A chaque lot sont alors affectés des

122. Sur les travaux de surélévation, v. infra, n° 419 ets.


123. Cass. 3'civ., 24 mai 2006, n° 05-14038: Bull. civ. III, n° 134, sur la faculté de fermer une ter­
rasse.
124. Notamment le droit de surélever ou affouiller. La loi prévoit un régime spécifique pour ces
autorisations (art 37).
125. J. C abanac, n° 590, cité par P. C apoulade et D. T omasin (dir.), La copropriété, op. cit., n° 412-112.
126. L. 10juill. 1965, art. 6-2, al. 1".
127. L’article 6 4 de la loi de 1965 subordonnant l’existence de parties communes spéciales à
« leur mention expresse dans le règlement de copropriété ».
48 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

tantièmes généraux et particuliers, qui correspondent aux deux niveaux


d’indivision, au sein du groupe d ’immeubles et du bâtiment. Chaque
copropriétaire dispose ainsi d ’une quote-part de l’ensemble de la copro­
priété, qui correspond au sol et aux espaces communs, et d’une quote­
part dans le bâtiment au sein duquel est situé son lot. Sans devenir des par­
ties privatives, les parties communes spéciales sortent de l’indivision géné­
rale. La Cour de cassation retenait, dans ces hypothèses, que se crée « une
propriété indivise entre les copropriétaires de chaque bâtiment»128, quali­
fication reprise depuis par l’article 6-2 de la loi de 1965. Cette qualification
suscite des difficultés dans la répartition des pouvoirs entre les
copropriétaires129.
59. Parties communes à jouissance privative. Premières vues. - La répartition
entre parties communes et privatives est modulable au-delà du seul critère
légal de 1’« usage exclusif» visé par l’article 2. Signe d’une «souplesse»
dans l’articulation du propre et du commun130, il est en effet possible de
convenir, dans le règlement de copropriété, que certaines parties commu­
nes de l’immeuble seront affectées à l’usage ou à l’utilité exclusifs d ’un
copropriétaire131. Le mécanisme est souvent utilisé pour des jardins, terras­
ses ou emplacements de parking, voire pour des couloirs lors d’opérations
de réunion de lots132. Le bénéfice d’un droit de jouissance exclusif accroît
évidemment la valeur du lot et présente un grand intérêt pour le
copropriétaire133. Des incertitudes demeurent néanmoins, qui tiennent à
son régime et à sa nature juridique.
60. Parties communes à jouissance privative. Régime. - La jurisprudence veille
strictement à la qualification de partie commune. L’espace qui fait l’objet
d’un droit de jouissance exclusif n ’est pas transformé en partie privative'34,

128. Cass. 3e civ., 19 nov. 2014, n" 13-18925 : Bull. civ. III, n° 154.
129. Sur lesquelles, v. infra, n° 414 et s.
130. La propriété dans la jurisprudence de la Cour de cassation. Rapport annuel 2019, La documentation
française, 2020, p. 191.
131. Sur cette question, v. C. Atias, « Propriété indivise et usage privatif: terrasses et terrains privés
en copropriété immobilière », JCP N 1987,1, 353 ; M. Saluden, « Le droit de jouissance exclusif
sur une partie commune en copropriété immobilière », Mélanges François Chabas, Bruxelles,
Bruylant, 2011, p. 873. L’article 6-3 de la loi de 1965, dans sa rédaction issue de la loi ELAN,
vise les parties communes affectées à l’usage et à l’utilité exclusifs d’un lot, ce qui restreint
textuellement la liberté de création des copropriétaires. L’ordonnance du 30 octobre 2019 a
substitué la conjonction « ou » dans le texte, laissant présager un retour à l’interprétation
initiale. V. infra, n° 62.
132. Cass. 3' civ., 21 oct. 2008, n° 07-18971.
133. Rappr., Cass. 3e civ., 13juin 2019, n" 18-15999, adm ettant le préjudice résultant de la privation
d ’un droit réel de jouissance exclusive.
134. Cass, y civ., 29 oct. 1973, n° 72-12531 : Bull. civ. III, n°552; Cass. 3 'civ., 9juill. 2013, n” 12­
19426. La jurisprudence en tire la conséquence que cet espace n ’est pas soumis à l’obligation
de mesurage prévue par l’article46 de la loi (Cass. 3e civ., 16janv. 2008, n° 06-15314).
LE STATUT LEGAL DE L’IMMEUBLE 49
pas plus qu’il ne peut constituer la partie privative d’un lot de
copropriété133. Faute de constituer une véritable propriété, ce droit réel
demeure nécessairement l’accessoire de la partie privative d’un lot136. Par
conséquent, les bénéficiaires d ’un droit de jouissance exclusif ne sont rede­
vables, au titre de ce droit, que de frais d’entretien et de réparation, à l’ex­
clusion d’une quote-part des charges communes13'. Le règlement de copro­
priété peut procéder à une répartition des frais d’entretien, par exemple en
laissant à la charge du syndicat les gros travaux résultant d’une vétusté
normale138.
L’existence d’un droit de jouissance exclusif est subordonnée à sa mention
expresse dans le règlement de copropriété, affirme l’article 6-4 de la loi de
1965, dans sa rédaction issue de la loi ELAN139. Auparavant, pourtant, la
jurisprudence avait admis qu’il puisse s’acquérir par le jeu de
l’usucapion140. Néanmoins, puisqu’il est l’accessoire d’un lot, un tel droit
ne peut être cédé en tout ou partie qu’au propriétaire d’un autre lot141 et
avec l’accord du syndicat des copropriétaires14 . Enfin, il présente un carac­
tère perpétuel attaché à sa qualification de droit réel143. C’est poser la ques­
tion de la nature juridique de ce droit de jouissance.
61. Parties communes à jouissance privative. Nature juridique du droit du
copropriétaire. - Le droit de jouissance exclusif sur une partie commune
aurait pu être considéré comme un droit personnel ou comme un droit
d’usage144. La Cour de cassation a cependant affirmé qu’il s’agissait d’un
135. Cass. 3e civ., 6 ju in 2007, n° 06-13477 : Bull. civ. III, n ° 98 ; A/D/2007, p. 529, note P. C apoulade;
D. 2007, p. 2356, note C. A tias ; ibid., p.2763, obs. F. N ési ; JCP N 2007, 1322, n°5, obs.
H. P erinet-M arquet.
136. L. lOjuill. 1965, art. 6-3, al. 3.
137. Cass. 3 ' civ., 2 déc. 2009, n" 08-20310 : Bull. civ. III, n° 266 ; Defrénois 2010, p. 313, obs. C. A tias ;
RDI 2010, p. 315, obs. J.-L. B ergel. Comp. Cass. 3e civ., 27 mars 2008, n° 07-11801, qui semblait
autoriser que le droit de jouissance exclusif sur une partie commune soit affecté d’une quote­
part de parues communes correspondant aux charges que son titulaire devait supporter.
138. Cass. 3' civ., 12juin 2012, n° 11-17372.
139. L’article 209-11 de la loi ELAN donnant au syndicat des copropriétaires jusqu’au 23 novem­
bre 2021 pour mettre le règlement de copropriété en conformité avec ce texte.
140. Cass. 3' civ., 24 oct. 2007, n° 06-19260 : Bull. civ. III, n° 183 ; R1D civ. 2008, p. 693, obs. T. R evet.
141. V. CA Paris, 16févr. 2006, n° 05/08935: «un droit de jouissance exclusive accordé par le
règlement de copropriété sur une partie commune doit rester attaché au lot qui en bénéficie
et (...) le propriétaire de ce lot ne peut en disposer au profit de quiconque ».
142. Cass. 3e civ., 17déc. 2013, n° 12-23670: Defrénois 2014, p. 497, obs. L. T ranchant; RTD civ.
2014, p. 402, obs. W. D ross. Sur l’interdiction de céder ou de louer à un tiers à la copropriété,
v. Cass. 3e civ., 25janv. 1995, n° 92-19600 : Bull. civ. III, n° 29.
143. Cass. 3 ' civ., 4mars 1992, n°90-13145: Bull. civ. Ill, n°73; D. 1992, p. 386, note C. Atias ; RTD
civ. 1993, p. 162, obs. F. Z enati; Cass. 3' civ., 17juin 1997, n° 96-10506; Cass. 3e civ., 24 oct.
2007, n° 06-19260 : Bull. civ. III, n° 183.
144. C. civ., art. 625.
50 LA C O PR O PR IÉ T É DES IMMEUBLES BÂTIS

droit réel et perpétuel143, ce qui écarte du même coup la qualification de


servitude146. Ce droit pose une difficulté redoutable à la doctrine qui tente
d’en expliquer la nature. La plupart des auteurs finissent par admettre son
caractère de droit réel sui generis, en le rapprochant d’autres droits réels
récemment admis par la jurisprudence14'. Son caractère perpétuel lui
conserve toutefois une réelle originalité148. La nature du droit du copro­
priétaire s’expliquerait bien, en revanche, dans le cadre d’une analyse uni­
taire de la copropriété comme faisant l’objet d’une indivision globale sur
l’immeuble, chaque copropriétaire disposant de droits de jouissance priva­
tifs. Dans cette analyse, il n’y aurait au fond aucune différence significative
entre une partie privative et un droit de jouissance exclusif portant sur une
partie commune149. Cette question montre les limites de la construction
légale de la copropriété par lots comprenant des parties communes et des
parties privatives. L’étanchéité n ’est pas absolue.
62. Les parties communes dans l’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019.

L’ordonnance poursuit le travail du législateur au sujet des parties commu­


nes. Tout d’abord, l’article 4 de la loi de 1965, demeuré inchangé à l’occa­
sion de la loi ELAN, prévoit désormais que les parties communes sont
« selon le cas (...) générales ou spéciales ». Cette précision terminologique
favorise la distinction, dans le règlement, des différentes catégories de par­
ties communes qui composent l’immeuble. Ensuite, alors que les articles 6­
2 et 6-3 de la loi, créés par la loi du 23 novembre 2018, définissent les par­
ties communes spéciales ou privatives comme affectées à l’usage et l’utilité,
respectivement, de plusieurs copropriétaires, ou d’un seul lot, l’ordon­
nance impose seulement une alternative : usage ou utilité. Cet élargisse­
ment répond à certaines critiques du rétrécissement opéré par rapport à
la pratique antérieure. Enfin, le règlement de copropriété peut désormais
préciser les charges supportées par le titulaire d’un droit de jouissance pri­
vative, solution qui n’était pas acquise antérieurement.

§ 3. L’unité de l’immeuble
63. Présentation. - La double division de l’immeuble, dans sa propriété répartie
entre plusieurs copropriétaires, et dans sa structure distinguant parties

145. Cass.3eciv., 4mars 1992, préc. ; Cass.3eciv., 17juin 1997, préc. ; Cass.3eciv., 24oct. 2007,
préc.
146. Laquelle se perdrait par le non-usage, alors que le droit de jouissance exclusif est perpétuel.
V. F. T erré et P. S imcer, Droit civil l^es biens, op. cit., n° 629.
147. Cass. 3e civ., 31 oct. 2012, n° 11-16304.
148. Cass. 3e civ., 8 sept. 2016, n° 14-26953.
149. W. Dross, Droit des biens, 4e éd., LGDJ, 2019, n u 221.
LE STATUT LEGAL DE L’IMMEUBLE 51

communes et privatives, ne suffit pas à lui ôter son unité. Pourrait sans doute
être envisagé de donner aux copropriétés, ou à certains types d’entre elles,
une finalité collective, comprenant la communauté des occupants de l’im­
meuble ou la prise en compte d’enjeux environnementaux ou sociaux, à
l’image des sociétés1’°. En droit positif, cette unité se traduit juridiquement
dans la notion de destination de l’immeuble131. Le recours à la destination
de la chose n’est pas rare en droit des biens1’2, encore moins en copropriété
où l’article 8 de la loi fait cohabiter la destination de l’immeuble et celle des
parties privatives et communes. Autant dire que les contours de la notion
doivent être précisés avant de pouvoir exposer ses fonctions.

A. La notion de destination de l’immeuble


64. «Facteur de cohésion de la copropriété»153. - La destination de l’im­
meuble traduit une forme d’intérêt collectif au sein de l’immeuble en
copropriété. Sans la définir dans les textes, le législateur l’a conçue
comme 1’« ensemble des conditions en vue desquelles un copropriétaire a
acquis son lot, compte tenu de divers éléments, notamment de l’ensemble
des clauses des documents contractuels, des caractéristiques physiques et de
la situation de l’immeuble » ainsi que la situation sociale des occupants1’4.
On retrouve l’idée d ’une conciliation entre des éléments subjectifs et objec­
tifs. D’une part, la destination de l’immeuble repose, aux termes mêmes de
l’article 8, alinéa 2, de la loi, sur les actes de la copropriété133. Elle dépend
évidemment de l’affectation des parties privatives et communes, notam­
ment de leur usage d’habitation, de commerce ou de bureaux. Le règle­
ment de copropriété comprend souvent des éléments précis au sein de
clauses d’habitation bourgeoise ou exclusivement bourgeoise, étant
entendu que la loi encadre spécifiquement certaines destinations spécifi­
ques, par exemple les résidences-services130 ou les formes d’habitat
participatif13'. La destination de l’immeuble implique cependant, d ’autre
part, la prise en compte d’éléments objectifs, que révèle la réalité de la

150. Rappr. C. civ., a r t 1833, al. 2, réd. L. n° 2019-486, 22 mai 2019.


151. Sur laquelle v.le dossier «La destination de l’immeuble en copropriété. Journée Henri Sou-
leau », RDI 1995, p. 407 et s. V. aussi, P. M arin etJ.-M. Roux, « La destination de l’immeuble en
copropriété », Droit et Ville 2019/2, n° 88, p. 193.
152. R. Boffa , La destination de la chose, Defrénois, 2008.
153. J.-L. A ubert , « Essai de synthèse sur la destination de l’immeuble », RDI 1995, p. 469.
154. L. 10juill. 1965, Exposé des motifs.
155. L. lOjuill. 1965, art.8, al. 2 : «Telle qu’elle est définie aux actes (...)». Sur ce point,
v. D. S izairf., «La détermination contractuelle de la destination de l’immeuble», RDI 1995,
p. 415.
156. Sur lesquelles, v. supra, n° 167 et s.
157. CCH, art. L. 200-1.
52 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

situation de l’immeuble. C’est le cas de son environnement immédiat,


notamment du quartier dans lequel il est situé, de la qualité de la construc­
tion et de ses équipements, et plus généralement de son standing, notion
elle-même assez ambivalente1'’8.
65. Variabilité de la destination de l’immeuble. - Les éléments objectifs qui
concourent à la destination de l’immeuble peuvent varier. Tel immeuble
peut avoir mal vieilli, du fait d’un entretien insuffisant; son standing,
s’être dégradé, du fait du refus systématique des copropriétaires de procé­
der à des améliorations ; son quartier, avoir évolué au fil des ans. La desti­
nation n ’est pas une notion figée dans le temps. La volonté des fondateurs
de la copropriété doit être confrontée à la réalité de la situation de l’im­
meuble au moment où la destination est appréciée. La Cour de cassation
laisse aux juges du fond un pouvoir souverain d’appréciation1’9. Ainsi que
le notait Atias, la notion de destination « suppose l’examen concret de l’im­
meuble à un moment donné pour répondre à une question
déterminée »16°. Elle supporte mal une analyse générale et abstraite.

B. Les fonctions de la destination de l’immeuble


66. Défense de l’intérêt collectif de la copropriété. - Tiraillé entre les intérêts
individuels divergents des copropriétaires, l’immeuble en copropriété pour­
rait être administré au gré de majorités fluctuantes, sans égard pour une
ligne de conduite générale. « Principe d’équilibre, [la destination de l’im­
meuble] vient pondérer les initiatives individuelles au profit des intérêts
collectifs et garantit les droits fondamentaux des copropriétaires
minoritaires»1 . C’est en considération de l’immeuble que certaines pré­
rogatives individuelles devront céder, notamment lorsque le règlement de
copropriété entend restreindre les droits des copropriétaires. « Le règle­
ment de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des
copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination
de l’immeuble, telle qu’elle est définie aux actes, par ses caractères ou sa
situation »I62. Chaque forme d ’organisation collective connaît son standard
d’appréciation de l’intérêt collectif. La destination de l’immeuble constitue
la garantie de la préservation de l’unité de l’immeuble.

158. Pour une illustration, v. Cass. 3e civ., 9juin 2010, n° 09-14206.


159. Cass. 3e civ., 5 déc. 2007, n° 06-20020 : Bull. civ. III, n° 219.
160. C. A tias et N. L e Rudulier, Rép. civ. Dalloz, v° « Copropriété des immeubles bâtis: statut et
structures », 2018, n° 128.
161. J.-L. A ubert, art. préc.
162. L. lOjuill. 1965, art. 8, al. 2.
CHAPITRE 2
La réglementation privée de l’immeuble

67. Présentation. - Le règlement de copropriété est un document de nature


contractuelle, adopté le plus souvent par les fondateurs de la copropriété
et qui renferme les règles essentielles à l’organisation et au fonctionnement
de l’immeuble divisé. Qualifié de « charte de l’immeuble en copropriété »*,
comparé à une Constitution de l’immeuble12, le règlement n’est pourtant
qu’une création de la pratique. Certes, la loi de 1938 en a généralisé
l’usage, quoique de manière facultative. Mais ce n’est que par la loi du
10juillet 1965 que le règlement de copropriété est devenu impératif dans
les immeubles soumis au statut3. Certains auteurs ont fait observer que les
contraintes plus fortes qui pesaient sur les rédacteurs en avaient paradoxa­
lement réduit l’importance4. Néanmoins, le règlement demeure un instru­
ment déterminant qui condiüonne la pérennité de la copropriété.
68. Impératif et supplétif dans le règlement de copropriété. - L’origine privée
du règlement en fait un lieu de tension entre réglementation impérative et
suppléüve. Son existence, d’une part, est prévue par l’article 8 de la loi du
10juillet 1965, de nature impérative. Toutefois, la copropriété n’en est pas
moins valable en l’absence de règlement. Dans une telle hypothèse, s’appli­
queront les dispositions légales et réglementaires, qui devront être interpré­
tées à la lumière de la situation de l’immeuble. L ’absence de règlement

1. C. A tias et N . L e R udulier , Rép.civ. Dalloz, v °« Copropriété des immeubles bâtis: statut et


structures », préc., n° 137.
2. P. C apoulade et D. T omasin (dir.), La copropriété, op. cit., n° 311-11.
3. L’article 43 visant expressément l’article 8, consacré au règlement de copropriété.
4. Sur cette question, v. P. C apoulade , « Règlement de copropriété et liberté contractuelle »,
Droit et Ville 2011, n° 72, p. 115 ; J.-M. Roux, «L e notaire et la rédaction du règlement de
copropriété : entre liberté contractuelle et ordre public », Loyers et Copr. 2007, Étude 9.
54 LA COPROPRIETE DES IMMEUBLES BATIS
n’empêche pas, par exemple, la vente d’un lot de copropriété au sein de
l’immeuble, dès lors qu’il est individualisé et qu’il n’existe aucune confu­
sion possible3. La situation survient encore, soit de manière marginale
pour des syndicats anciens, soit pour des immeubles divisés sans que les pro­
priétaires aient eu conscience de l’application automatique du statut de la
loi du 10juillet 1965.
Le contenu du règlement, d’autre part, est très largement fixé par les tex­
tes, si bien que le rédacteur ne dispose que d’une liberté très encadrée.
Comme tout rédacteur d’actes, il devrait veiller à assurer la validité et l’effi­
cacité de l’acte qu’il instrumente, ce qui implique que le règlement puisse
répondre aux attentes des fondateurs de la copropriété.
69. Diversité des documents de la copropriété. - Le règlement de copropriété
peut être rapproché d’autres documents élaborés au moment de la cons­
truction ou de la division de l’immeuble. L’état descriptif de division ou
l’état de répartition des charges ont également vocation à organiser,
quoique de manière plus limitée, la répartition de l’immeuble ou de ses
utilités entre les copropriétaires. Toutefois, la catégorie de documents
contractuels n’insiste pas suffisamment sur la différence de nature entre
ces trois actes. Le règlement de copropriété présente la spécificité d’établir
une réglementation privée de l’immeuble, de nature contractuelle567. Cela
justifie de l’étudier séparément et de renvoyer l’étude de l’état descriptif
de division et de l’état de répartition des charges dans les développements
relatifs à leur utilisation'.
70. Nature contractuelle du règlement de copropriété. - La nature contrac­
tuelle du règlement de copropriété a pu être débattue. Certains auteurs
ont notamment considéré qu’il ressortirait à la catégorie des statuts, ce qui
le rapprocherait des sociétés ou des associations8. La dimension collective
du règlement, tant dans l’organisation de l’immeuble que dans la mise en
œuvre du principe majoritaire dans les décisions, le rapproche de certains
actes conjonctifs9. La controverse n’emporte cependant aucune consé­
quence pratique. Les textes ne laissent aucun doute sur la nature contrac­
tuelle du règlement, qui évoquent un « règlement conventionnel de

5. Cass. 3e civ., 17 nov. 2010, n° 10-11287 : Bull. civ. III, n° 205.


6. V. sur ce point, F. R osa, Les actes de réglementation privée, thèse Paris I, 2011, dactyl.
7. V. infra, n° 83 et 367.
8. Rappr., J. C arbonnier, Droit civil, PUF, Quadrige, 2004, n° 840, qui y voyait un « acte complexe
dans son objet (...) à la fois un règlement pour la police intérieure de l’immeuble, une sorte
de cadastre interne (...), enfin les statuts d’une personne morale ».
9. Sur lesquels, v. R. C abrillac, L ’acte conjonctif en droit privé français, LGDJ, 1990.
LA REGLEMENTATION PRIVEE DE L’IMMEUBLE 55

copropriété »10 ou un « acte conventionnel »". L’analyse juridique contem­


poraine du contrat permet d ’accueillir sans difficulté le règlement de
copropriété, à la fois source d’obligations à la charge et au profit des copro­
priétaires, et créateur d’une réglementation privée de l’immeuble1". Le
règlement est cependant conçu comme « une sorte d ’accessoire de la
propriété »13, ce qui implique notamment que la qualité de partie sera
transmise de plein droit avec la propriété du lot14.

Section 1. — La validité du règlement de copropriété

71. Plan. - Le règlement de copropriété est soumis à des exigences tenant à sa


procédure d ’élaboration et à son contenu.

§ 1. La procédure d’élaboration du règlement de copropriété


72. Plan. - Le règlement est en principe rédigé concomitamment à la division
de l’immeuble. Sa durée étant calquée sur la division de l’immeuble, il est
prévu que les copropriétaires puissent le modifier au cours de la vie de la
copropriété.

A. L’adoption initiale du règlement de copropriété


73. Plan. - Si le règlement de copropriété présente une nature contractuelle,
son élaboration peut résulter d’un acte conventionnel ou judiciaire1’.

1. La voie contractuelle
74. Rédaction antérieure à l’établissement de la copropriété. - Le plus souvent,
le règlement de copropriété est rédigé par le fondateur de la copropriété,
qu’il s’agisse du promoteur d ’un immeuble à construire16 ou du proprié­
taire d ’un immeuble bâti à diviser. Le document est ainsi antérieur même

10. L. 10juill. 1965, art. 8.


11. D. 17 mars 1967, a rt 3.
12. V .F . R osa, op. cit. Rappr. P. Ancel, «Force obligatoire et contenu obligationnel du contrat»,
RTD civ. 1999, p. 771.
13. C. Atias et N. Lf. Rudulier, Rép. civ. Dalloz, v° « Copropriété des immeubles bâtis: statut et
structures », 2018, n° 143.
14. V. infra, n° 295 ets.
15. D. 17 mars 1967, art. 3.
16. Dans l’hypothèse d’une société d ’attribution, un règlement de jouissance précédera la nais­
sance de la copropriété par retrait d ’un associé. Ce règlement doit cependant respecter les
dispositions de la loi de 1965 (CCH, art. L. 212-2, al. 3).
56 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

à l’existence de la copropriété, qui ne naîtra qu’au jour de la première divi­


sion. À ce stade le règlement ne présente encore aucune valeur contrac­
tuelle et doit être assimilé à un simple projet1'. Faute de cocontractants,
sa modification unilatérale par le rédacteur demeure possible, sous réserve
du respect des autorisations administratives déjà obtenues sur la base de ce
projet18. Le règlement de copropriété acquiert sa valeur contractuelle lors
de la création de la copropriété, par la cession d ’un lot. Cela affecte ses
modalités de rédaction, les copropriétaires adhérant au règlement. À ce
titre, le règlement de copropriété peut être qualifié de contrat d’adhésion,
au sens de l’article 1110, alinéa 2, du Code civil. Les conséquences pratiques
devraient, en cette matière, demeurer limitées, sauf à envisager de contes­
ter une clause créant un déséquilibre significatif entre les droits et obliga­
tions des parties, sur le fondement de l’article 1171 du Code civil, dans des
hypothèses non prévues spécialement par un texte spécial du statut19.
75. Rédaction postérieure à l’établissement de la copropriété.- Il est rare
désormais qu’une copropriété soit créée sans règlement. L’article 8 de la
loi, qui en impose la rédaction, est d ’ordre public. Néanmoins, la naissance
d ’une copropriété ne dépend pas de l’existence d’un règlement de copro­
priété, qui résulte seulement de la division d ’un immeuble bâti par lots'0. Il
était donc courant - et le phénomène persiste encore sporadiquement -
que des copropriétés soient créées et fonctionnent sans règlement. L’arti­
cle 14, alinéa 3, de la loi de 1965 prévoit d’ailleurs que le syndicat établit s’il
y a lieu le règlement. La procédure rejoint celle applicable en cas de modi­
fication d ’un règlement existant, ce qui laisse beaucoup moins de latitude
au rédacteur. Il revient en effet à l’assemblée générale, statuant à la majo­
rité de l’article 26, d ’établir un règlement de copropriété dans la mesure où
il concerne la jouissance, l’usage et l’administration des parties communes.
Le caractère conventionnel s’estompe derrière la décision majoritaire, ce
qui explique que l’on ne puisse, par cette voie, modifier l’affectation ou
l’usage des parties privatives.

2. La voie judiciaire
76. Règlement établi par la voie judiciaire. - En dépit de son caractère contrac­
tuel, le règlement de copropriété peut avoir nécessité une intervention plus
directe du juge. Le plus souvent, le juge saisi d ’une demande de

17. C. A tias et N. L e R udulier , art. préc., n° 177.


18. Il faut cependant réserver l’hypothèse de la création d’une copropriété au cours d ’un partage
amiable. Le règlement établi entre les copartageants présente, entre eux, un caractère
contractuel à compter de sa prise d’effets.
19. Sur l’interprétation, v. infra, n° 96.
20. L. lOjuill. 1965, art. 1er. V. supra, n° 33.
LA REGLEMENTATION PRIVEE DE L’IMMEUBLE 57
copropriétaires désignera un expert, par exemple un notaire, pour mettre
en forme et publier un règlement de copropriété. C’est le cas, notamment,
en cas de partage judiciaire d’un immeuble au cours duquel le juge attri­
buera à chaque indivisaire un lot. Soit les copropriétaires s’accordent sur le
projet de règlement, soit le juge l’homologuera21. «À défaut d’accord entre
les parties, le règlement de copropriété peut résulter d’un acte judiciaire
constatant la division de l’immeuble dans les conditions fixées par la loi
du lOjuillet 1965 »22.
B. Les changements du règlement de copropriété
77. Plan. - A la procédure classique de modification du règlement le législateur
a ajouté depuis 2000 une procédure spécifique d’adaptation aux évolutions
légales et réglementaires.
1. La modification du règlement
78. Procédure de modification. - L’assemblée générale, à l’exclusion de tout
accord informel, même unanime, entre les copropriétaires, peut modifier
le contenu du règlement de copropriété à la majorité des membres du syn­
dicat représentant les deux tiers des voix23. Ses pouvoirs sont cependant
limités à la jouissance, l’usage et l’administration des parues communes.
On ne saurait en effet imposer à un copropriétaire, à une quelconque
majorité, une modification du règlement qui affecterait la destination de
ses parties privatives ou les modalités de leur jouissance, pas plus que porter
atteinte à la destination de l’immeuble. On retrouve, appliquées à la modi­
fication, les contraintes qui pèsent sur l’élaboration d’un règlement après la
naissance de la copropriété et la mise en place d’une prise de décision
majoritaire.
2. L’adaptation du règlement
79. Finalité du dispositif. - La loi SRU du 13 décembre 2000 avait introduit un
dispositif, initialement provisoire mais prolongé en 2006, puis pérennisé
par la loi du 25 mars 2009, visant à favoriser l’adaptation des règlements
de copropriété aux évolutions du statut de la copropriété. L’article 49 de
la loi de 1965 a depuis été abrogé par la loi du 24 mars 2014, qui en a
déplacé le contenu à l’article 24, f) 4. Sont ainsi adoptées à la majorité
21. Cass. 3e civ., 13 sept. 2005, n° 04-15768.
22. Cass. 3' civ., 15 nov. 1989, n° 87-15213 : Bull. civ. III, nD214 ; D. 1990, p. 195, note P. Capoulade
et C. G iverdon ; Cass. 3e civ., 17 oct. 2012, n° 11-18439.
23. L. 10juill. 1965, art. 26, b).
24. Ce qui pourrait avoir comme effet de rendre l’adaptation obligatoire, l’article 24 étant visé
comme une disposition d’ordre public par l’article 43, contrairement à l’ancien article 49.
58 LA COPROPRIETE DES IMMEUBLES BATIS
simple « les adaptations du règlement de copropriété rendues nécessaires
par les modifications législatives et réglementaires intervenues depuis son
établissement. La publication de ces modifications du règlement de copro­
priété est effectuée au droit fixe ». Ce mécanisme permet de retrancher des
stipulations contraires aux nouveaux textes ou d’ajouter des clauses désor­
mais exigées.
80. Reproduction d’une disposition légale ou réglementaire dans le règlement
de copropriété.- La question se pose cependant de la nécessité d’une
démarche volontaire pour adapter le règlement, lorsque celui-ci reproduit
une disposition légale ou réglementaire2’. La reproduction de clauses d’ori­
gine légale crée un texte hybride, dont la normativité peut résulter de deux
sources. Soit l’on considère que la loi a été incorporée dans le contrat, opé­
rant transformation de la disposition légale en stipulation contractuelle, soit
l’on admet que la stipulation n’était qu’un simple rappel de la loi, qui
conserverait alors sa nature originelle2<’. Pour trancher, le juge doit recourir
à une interprétation de la volonté des parties. Mais s’il est avéré que la sti­
pulation n’était qu’un simple renvoi à un texte légal, la loi continue à pro­
duire ses effets propres, sans être affectée par l’accord de volontés. Toute
adaptation volontaire deviendra alors inutile, la stipulation évoluant en
même temps que la loi dont elle n’est que la reproduction2'.
81. Adaptations rendues nécessaires. - Seules les adaptations rendues nécessai­
res par les modifications législatives ou réglementaires sont visées par l’arti­
cle 24, f) de la loi28. Certes, l’intensité de l’activité du législateur en matière
de copropriété suffit à rendre opportune une révision régulière du contenu
du règlement. Mais cela ne permet pas pour autant de réparer des imper­
fections initiales ou de transformer les équilibres de la copropriété, pas plus
que de modifier d’autres documents, tels que l’état descriptif de division ou
l’état de répartition des charges. Aussi ne saurait-on modifier à la majorité
simple la répartition des charges de copropriété29 ou la consistance des
Cela devrait inciter le syndic à poser la question de l’adaptation du règlement lors de l’assem­
blée générale.
25. Sur cette question, v. C. A tias, « Des dispositions légales dans le règlement de copropriété
(Analyse et formule) », Defrénois 2011, art. 39166. Adde M. D agot, «La reproduction d’un
texte législatif dans un acte notarié (Contribution à la réflexion sur le mode de rédaction
des actes notariés) »,JCPN 1982,1, 8207 ; C. P érès, « Le renvoi à la loi ou la reproduction de
la loi dans l’acte notarié », JCP N 2012, 1056.
26. V. en ce sens, C. Pérès, art. préc.
27. Sur ce point, v. T. R evet, «La clause légale», Mélanges Michel Cabrillac, Dalloz-Litec, 1999,
p. 277.
28. Sur les questions suscitées, v.J.-M. Le M asson, « La mise à jour des règlements de copro­
priété », AJDI2003, p. 837.
29. V. par ex., CA Aix-en-Provence, 23 avr. 2010 : Loyers et copr. 2011, comm. 25, obs. G. V igneron.
Comp. cependant, Cass. 3eciv., 23 mai 2012, n° 10-28619, qui admet qu’un règlement
LA RÉGLEMENTATION PRIVÉE DE L’IMMEUBLE 59

parties privatives. Il ne s’agirait pas de contourner les règles de majorité


plus strictes qui entourent en principe la modification du règlement .

§ 2. Le contenu du règlement de copropriété

A. Les clauses stipulées dans le règlement de copropriété


82. Règlement de copropriété et liberté contractuelle.- S’il n’existe pas de
«règlement-type», à l’instar du contrat-type de syndic31, l’élaboration du
règlement de copropriété offre peu de latitude au rédacteur32. Non seule­
ment l’établissement d’un règlement est impératif depuis la loi de 1965,
mais son contenu est particulièrement dirigé. L’article 8 de la loi prévoit
que le règlement doit nécessairement déterminer la destination des parties
tant privatives que communes, ainsi que les conditions de leur jouissance33.
Il fixe également les règles relatives à l’administration des parties commu­
nes dans les limites de la loi. En outre, puisque le règlement de copropriété
ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en
dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l’immeuble, il
apparaît nécessaire, quoique l’exigence ne soit qu’implicite, de préciser
cette destination34. Il faut ajouter que l’article 10 de la loi impose que le
règlement fixe la quote-part afférente à chaque lot dans chacune des caté­
gories de charges et indique les éléments pris en considération pour cette
répartition3'5. En dehors de ces éléments, le règlement peut contenir diver­
ses clauses aménageant l’organisation de la copropriété.
83. Annexes. - Le règlement de copropriété n ’échappe pas au développement
contemporain des annexes contractuelles. Destinées à informer ou attester
de faits étrangers à la dimension normative du contrat, elles revêtent parfois
une nature ambiguë, lorsqu’elles contiennent des éléments qui interfèrent
avec le corps du contrat. Dans le règlement de copropriété, même si les
deux documents devraient être rédigés de manière distincte, l’état descrip­
tif de division s’inscrit bien dans cette qualification, la jurisprudence lui

antérieur à la loi de 1965 et qui prévoyait une répartition des charges contraire à l’article 10
de la loi pouvait être réexaminé à la majorité simple. La modification de la répartition des
charges n’est toutefois que la conséquence d’une adaptation du règlement
30. V. supra, n° 78.
31. X. infra, n°236.
32. J.-M. Roux, « Le notaire et la rédaction du règlement de copropriété : entre liberté contrac­
tuelle et ordre public », Loyers et copr. 2007, Etude 7.
33. J. L afond , « Les clauses du règlement de copropriété relatives aux parties privatives et com­
munes », JCPN 2010, 1242.
34. Sur laquelle, v. supra, n° 63 et s.
35. Sur cette question, v. infra, n° 366 et s.
60 LA COPROPRIETE DES IMMEUBLES BATIS
déniant tout caractère contractuel3*’. Son objet est d’identifier la consis­
tance des différents lots de copropriété pour les besoins de la publicité fon­
cière. Il en va de même de plans et descriptions destinés à faciliter la com­
préhension du règlement. Certains praticiens recommandent d’intégrer
des pièces graphiques au sein du règlement, ce qui leur conférerait un
« caractère conventionnel » et les rendrait « alors opposables à l’instar de
toutes les autres stipulations du règlement »37. Abstraction faite de la valeur
contractuelle intrinsèque de documents graphiques, il ne paraît pas néces­
saire de remonter au sein du règlement les éléments d’annexes. Le règle­
ment lui-même ne pourrait-il pas renvoyer expressément à certains docu­
ments en leur attribuant une valeur contractuelle ?
B. Les clauses illicites dans le règlement de copropriété
84. Plan. - Les clauses qui ne répondraient pas aux exigences posées par des
règles impératives doivent être supprimées.
1. La détermination des clauses illicites
a. Règlement de copropriété et droits fondamentaux
85. Règlement de copropriété et liberté d’association. - Est-il possible d’impo­
ser à un copropriétaire d’adhérer à une association ? Les opportunités ne
manquent pas, de l’entretien d’installations de loisirs à la gestion de servi­
ces à la personne. En confiant à une association le soin d’assurer l’exploita­
tion de ces services connexes, on gagnerait en souplesse par rapport au
fonctionnement rigide de la copropriété. Prévoir une adhésion obligatoire
permettrait de pérenniser l’entretien et la gestion des équipements au pro­
fit de l’intérêt collectif. Le rapprochement avec l’objet même du syndicat
est évident, qui vise notamment l’administration des parties communes38.
Or la qualité de membre du syndicat est indissociablement attachée à
celle de copropriétaire. De là, il pourrait être soutenu que l’adhésion obli­
gatoire à une association prévue dans le règlement de copropriété garanti­
rait la destination de l’immeuble.
Ce serait pourtant oublier que « tout membre d’une association qui n’est
pas formée pour un temps déterminé peut s’en retirer en tout temps,
après paiement des cotisations échues et de l’année courante, nonobstant
toute clause contraire »39. Le montage consistant à lier par contrat une
36. V. not., Cass. 3e civ., 7 sept. 2017, n° 16-18331.
37. V. P icard, « Intégrer formellement des plans an règlement de copropriété », loyers et copr.
2013, Étude 1.
38. L. lOjuill. 1965, arc 14, al. 4.
39. L. 1erjuill. 1901, art. 4.
LA REGLEMENTATION PRIVEE DE L’IMMEUBLE 61

structure associative, régie par la loi de 1901, à la copropriété ou, plus pré­
cisément, la qualité de m em bre d ’une association à celle de copropriétaire,
achoppe sur la nature personnelle de l’adhésion à une association40. La
Cour de cassation l’a rappelé de m anière très claire à propos d ’un règle­
m ent de lotissement qui prévoyait l’adhésion obligatoire à une association
chargée d ’adm inistrer les équipem ents sportifs et collectifs communs.
« Hormis les cas où la loi en décide autrem ent, nul n ’est tenu d ’adhérer à
une association régie par la loi du 1erjuillet 1901, ou, y ayant adhéré, d ’en
dem eurer m em bre »4 . C’est dire la fragilité de l’équilibre du m odèle
retenu. Deux types d ’hypothèses sont principalem ent visés : les résidences-
services et les structures exclusivement commerciales. Pour les résidences-
services, il est courant que les héritiers ne souhaitent plus payer pour des
services q u ’ils n ’utilisent pas. Si la gestion de tels services avait été confiée à
une association régie par la loi de 1901, ses m em bres pourraient librem ent
renoncer à la qualité sociétaire et éviter d ’avoir à régler les cotisations42.
Afin d ’éviter la remise en cause du m odèle économ ique garant de la desti­
nation de l’immeuble, il est cependant possible de recourir à la form e spé­
ciale d ’un syndicat de copropriété de résidence-services, spécialem ent
prévu par la loi de 196543. Pour les structures commerciales, la situation a
pu paraître plus confuse. Certains arrêts, en effet, ont semblé adm ettre la
clause du règlem ent qui imposait l’adhésion obligatoire à une structure
non associative chargée d ’exploiter l’anim ation commerciale du centre44.
En revanche, la clause prévoyant l’adhésion obligatoire à une association
regroupant l’ensemble des exploitants est contraire à la liberté de
retrait . La distinction n ’est pas très claire. On com prend que les prom o­
teurs soient tentés par la division en volumes dans ce type de configuration
d ’immeuble à usage exclusivement professionnel, qui leur perm ettra de
recourir à une association syndicale libre.
86. Règlement de copropriété et liberté religieuse. - Le règlem ent de copro­
priété peut-il limiter l’exercice de la liberté religieuse ? Serait-il envisa­
geable q u ’un règlem ent de copropriété réserve la qualité de copropriétaire
aux m em bres de telle confession religieuse ou, au contraire, les en écarte ?

40. La solution est différente s’agissant de l’adhésion à une association syndicale libre, qui pré­
sente un caractère réel. V. not. Cass. ass. plén., 25juin 2010, n° 10-40011.
41. Cass. ass. plén., 9févr. 2001, n°99-17642: Bull. ass. pim. n ° 3 ; D .2001, p. 1493, note
E. A lfandari.
42. Cass. 3e civ., 20 déc. 2006, n° 05-20689 : Bull. civ. III, n° 255.
43. L. lOjuill. 1965, arc 41-1 et s. V. infra, n° 167 et s.
44. Pour l’adhésion à une société, Cass. 3e civ., 12févr. 1997, n° 95-12125. Im plicitem ent, po u r
l’adhésion à un GIE, Cass. 3e civ., 21 juill. 1999, n° 98-11181: RDI 1999, p. 683, obs.
P. C apoulade ; Cass. 3e civ., 18 déc. 2001, n° 00-14802.
45. CA Aix-en-Provence, 8 mars 2007, JurisD ata 2007-335465.
62 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS
Le projet commun des fondateurs de la copropriété pourrait-il valablement
comprendre une telle restriction ? Elle se heurterait a priori au principe de
liberté de religion garanti notamment par l’article 9 de la Convention euro­
péenne des droits de l’homme.
Mais la conciliation de ce texte et du règlement n’a rien d’évident, ce qu’on
retrouve dans une affaire très connue. En l’espèce, des copropriétaires
avaient édifié une construction en végétaux sur leur balcon pour une
semaine à l’occasion de la fête juive des cabanes (Souccot). Saisie de l’af­
faire suite à l’action exercée par le syndicat des copropriétaires pour non­
respect du règlement de copropriété, la Cour de cassation a rejeté le pour­
voi formé contre l’arrêt qui avait refusé d’annuler la délibération d’assem­
blée générale ayant autorisé l’action. La cour d’appel, « ayant retenu à bon
droit que la liberté religieuse, pour fondamentale qu’elle soit, ne pouvait
avoir pour effet de rendre licites les violations des dispositions d’un règle­
ment de copropriété et relevé que la cabane faisait partie des ouvrages pro­
hibés par ce règlement et portait atteinte à l’harmonie générale de l’im­
meuble puisqu’elle était visible de la rue », pouvait en effet juger que la
résolution de l’assemblée générale était valable41’. Il est frappant qu’en l’es­
pèce, la liberté religieuse invoquée par le pourvoi soit demeurée sous
silence. La Cour de cassation refusa manifestement d’apprécier le règle­
ment sur le terrain de la hiérarchie des normes, se contentant d’une incise
lapidaire, « pour fondamentale qu’elle soit ». Est donc privilégiée l’applica­
tion du règlement de copropriété, les limites aux droits des copropriétaires
devant être appréciées au regard de la destination de l’immeuble, plutôt
que sur les terrains des droits et libertés fondamentaux.
Cette solution est discutable. On ajustement fait valoir que si la liberté reli­
gieuse pouvait être encadrée, c’était à la condition que les restrictions
apportées ne soient pas excessives au regard de la finalité de la stipulation
litigieuse. En l’espèce, aucun contrôle de proportionnalité n’a été réalisé
par les juges pour concilier la liberté et l’atteinte qui lui est faite4'. À cet
égard, on peut noter que, dans une situation similaire, les juges québécois
ont, à l’inverse, retenu le caractère excessif de l’atteinte apportée, au terme
d’un contrôle de proportionnalité48. La question a traversé la réforme du
droit des contrats, sans toutefois que soit expressément adopté un contrôle
de l’exercice de la liberté contractuelle au regard des droits et libertés
46. Cass. 3e civ., 8juin 2006, n° 05-14774 : Bull. civ. III, n° 140 ; D. 2006, p. 2887, note C. Atias ; LPA
5juill. 2006, p. 9, note D. Fenouii.let. Adde C. Bicuenet-Maurel, « Droit de la copropriété et
pratique d’une religion : un mariage difficile », AJDI2005, p. 560.
47. D. Fenouillet, note préc.
48. A.-A. H yde, L« s atteintes aux libertés individuelles par contrat. Contribution à la théorie de l’obligation,
IRJS, 2015.
LA REGLEMENTATION PRIVEE DE L’IMMEUBLE 63

fondamentaux49. La jurisprudence la plus récente semble avoir progressive­


ment intégré cette exigence de proportionnalité. Ainsi, en matière de
contrat de travail, l’atteinte à la liberté religieuse par des clauses du règle­
ment intérieur de l’entreprise est-elle appréciée de manière concrète, per­
mettant d’envisager leur mise à l’écart si elles n ’étaient pas légitimes et
proportionnées3 . Il n ’est pas donc pas certain que la force obligatoire du
règlement de copropriété prévale à l’avenir, de manière générale et abs­
traite, sur l’exercice d ’une liberté fondamentale’1.

b. Aperçu de clauses litigieuses


87. Restrictions à l’usage des parties privatives. - L’article 8 de la loi prévoit
expressément que le règlement doit fixer la destination des parties privati­
ves. Seules des restrictions justifiées par la destination de l’immeuble
demeurent admissibles. Sont ainsi régulièrement écartées les clauses qui
limitent la possibilité de céder son lot, le choix du cessionnaire ou la liberté
de diviser son lot32. De même, les clauses de non-concurrence sont-elles en
principe écartées, car les restrictions de concurrence au sein de l’immeuble
demeurent étrangères à la destination de l’immeuble33. Leur validité a par­
fois été admise, cependant, dans l’hypothèse de centres commerciaux éloi­
gnés du centre d ’une agglomération, afin de maintenir une diversité des
commerces34.
88. Restrictions à l’usage des parties communes. Plaques et enseignes. - En tant
qu’elles affectent l’aspect extérieur de l’immeuble, les plaques et enseignes
apposées sur la façade supposent normalement l’autorisation préalable de
l’assemblée générale33. Une clause du règlement de copropriété ne saurait
en principe s’y substituer de manière générale36. En revanche, il est pos­
sible de restreindre par avance la possibilité d’apposer de telles plaques et
enseignes, dans le respect de la destination de l’immeuble. Dès lors, une

49. Sur cette question, v. G. G hantepie et M. L atina, Le nouveau droit des obligations. Commentaire
théorique et pratique dans l’ordre du Code civil, 2' éd., Dalloz, 2018, n° 97.
50. Cass. ass. plén., 25juin 2014, n° 13-28369, affaire Baby Ij>up.
51. Sur cette question, v. E. Ripoche , Im liberté et l'ordre public à l'épreuve des droits fondamentaux,
thèse Paris II, 2019, dactyl., spéc. n°595 ets.
52. V.sur cette question, infra, n° 295 ets.
53. V. par ex., Cass. 3e civ., 2 mai 1979, n” 78-10773.
54. V. not., Cass. 3e civ., 25 nov. 1980, n° 79-12562 : Bull. civ. III, n° 184.
55. L. 10juill. 1965, art. 25, b). Pour une application, Cass. 3eciv., 24oct. 1990, n°88-17514:
Bull. civ. III, n° 199.
56. « Doit être réputée non écrite la clause d’un règlement de copropriété autorisant un copro­
priétaire à effectuer sans autorisation de l’assemblée générale des travaux, même précisé­
ment définis, sur les parties communes de l’immeuble» (Cass. 3e civ., 12 mars 1997, n°95-
15953 : Bull. civ. III, n“58). S’agissant de simples enseignes ou plaques, la question est cepen­
dant plus discutable.
64 LA COPROPRIETE DES IMMEUBLES BATIS
interdiction radicale n’est admissible que s’il est prohibé d’exercer la moin­
dre acdvité professionnelle. Lorsqu’une activité professionnelle est admise,
il faudra au moins permettre l’apposidon d’une plaque dans le hall de l’im­
meuble. Aussi courantes sont les restrictions relatives au type d’enseignes
(enseignes lumineuses), à leur taille ou à leur emplacement au sein des
parties communes.
89. Respect des dispositions d’ordre public. - Le règlement de copropriété ne
peut déroger aux règles qui intéressent l’ordre public et les bonnes
mœurs1'. Il ne peut être envisagé un exposé exhaustif des contraintes qui
s’imposent au rédacteur. Le contentieux permet cependant d’observer des
récurrences : clauses qui interdiraient la détention d’animaux
domestiques ’8 ; clauses qui interdiraient ou, à l’inverse, qui imposeraient à
un copropriétaire de céder son lot à titre de sanction.
90. Clauses relatives au contentieux de la copropriété. - La jurisprudence a
depuis longtemps retenu que la clause compromissoire contenue dans le
règlement de copropriété devait être réputée non écrite39, ce qui ne fait
pas échec, cependant, au recours à l’arbitrage en cours de procédure1’0.
La question demeure posée au sujet d’une clause de conciliation préalable,
qui ferait obligation de recourir à une procédure de conciliation avant
toute saisine d’un tribunal61.
Est-il possible de stipuler valablement une clause pénale dans le règlement ?
Certes, la jurisprudence admet les clauses qui visent à imputer à un copro­
priétaire les charges supplémentaires qui sont la conséquence de son fait62.
Dans cette hypothèse cependant, le syndicat ne peut déterminer le mon­
tant des frais en cause. Les règles de la responsabilité civile doivent s’appli­
quer, tant pour l’appréciation du comportement fautif63 que pour l’évalua­
tion du préjudice subi. Cela rend d’autant plus intéressante la stipulation
d’une clause pénale, dont l’efficacité tient à son caractère dissuasif. Sous
réserve du pouvoir judiciaire de révision des clauses d’un montant
57. C. civ., art. 6 et art. 1102.
58. Ces clauses étaient fréquentes dans les règlements avant que l’article 8 de la loi n° 70-598 du
9juillet 1970 ne les interdise.
59. Cass. 3eciv., IO ocl 1978: /CP1980, II, 19390, note G alle; CAColmar, 20janv. 2011,
n° 08/04364 : AJÜI2011, p. 307.
60. CA Versailles, 25 sept. 1997 : RDI 1998, p. 297, obs. C. G iverdon.
61. Pour son application lorsqu’elle est stipulée dans un contrat de syndic, Cass. l" civ., T rfévr.
2005, n° 03-19692 : BuU. civ. I, n° 64.
62. V. not., CA Paris, 10 mai 2001 .JurisData 2001-144782, qui valide la clause suivante : « les copro­
priétaires qui aggraveraient par leur fait les charges communes auraient à supporter les frais
et dépenses qui seraient ainsi occasionnés ».
63. Cass. 3e civ., 26janv. 2000, n° 98-15900 : BuU. civ. III, n° 16.
LA REGLEMENTATION PRIVEE DE L’IMMEUBLE 65
manifestement excessif64, la clause pénale devrait être admise dans les
règlements de copropriété.
2. La sanction des clauses illicites du règlement
91. Plan. - «Toutes clauses contraires aux dispositions des articles6 à 37, 41-1
à 42 et 46 et celles du décret prises pour leur application sont réputées non
écrites ». La sanction des clauses contraires aux dispositions impératives du
statut de la copropriété prévue par l’article 43 de la loi de 1965 impose de
déterminer la nature et les effets du réputé non écrit6'1.
a. Qualification du réputé non écrit
92. Clause réputée non écrite et nullité partielle. - La sanction du réputé non
écrit pourrait apparaître comme une modalité de nullité partielle. Seules
les clauses litigieuses sont affectées par la sanction à l’exclusion du reste
du règlement qui demeure applicable. La suppression d’une parue d’un
acte juridique implique que celui-ci puisse tout de même produire ses
effets. De nombreuses stipulations présentent un caractère purement acces­
soire et sont susceptibles d’être éradiquées sans dommage. En revanche,
lorsque c’est une disposition centrale du contrat qui est en cause, l’utilisa­
tion d’une sanction ciblée paraît plus délicate. La divisibilité des clauses illi­
cites est un préalable nécessaire à la sanction de la nullité partielle. Aussi la
volonté des parties de faire de la clause une condition impulsive et détermi­
nante de leur accord est-elle scrutée avec attention. Or précisément, l’appli­
cation du réputé non écrit au règlement de copropriété implique de
s’interroger sur le sort de la clause sans laquelle la copropriété ne pourrait
fonctionner. Quelle solution alors adopter ? Un retour au droit commun de
la copropriété ? Une nouvelle décision de l’assemblée générale ? Une déci­
sion judiciaire ajoutant au règlement?
93. Clause réputée non écrite et inexistence. - La sanction du réputé non écrit
se démarque en outre, théoriquement, de la nullité. Alors que la nullité
anéantit l’acte à la suite de sa critique judiciaire, le réputé non écrit impli­
querait seulement, de manière plus radicale, le constat que la clause n’a
jamais existé. L’enjeu réside à la fois dans la prescription de l’action et
dans les pouvoirs accordés au juge. La jurisprudence a depuis longtemps
admis qu’« une clause réputée non écrite étant censée n’avoir jamais existé,
le syndicat des copropriétaires, comme tout copropriétaire intéressé peut, à
tout moment, faire constater l’absence de conformité des clauses du
64. C. civ., art 1231-5.
65. J.-F. Artz, « Les clauses réputées non écrites en droit de la copropriété. Ou le domaine res­
pectif des articles 42, alinéa 2, et 43 de la loi du lOjuillet 1965», Mélanges Jean Calais-Auloy,
Dalloz, 2004, p. 29.
66 LA COPROPRIETE DES IMMEUBLES BATIS

règlement de copropriété aux dispositions légales »66. Cette solution, à


laquelle fait écho la décision de la Cour de cassation retenant que la
demande visant à faire réputer non écrite une clause abusive, au sens du
droit de la consommation, « ne s’analysait pas en une demande en nullité,
de sorte qu’elle n’était pas soumise à la prescription quinquennale »67,
ouvre largement la porte à des actions exercées contre des stipulations
d ’anciens règlements approximativement rédigés.

b. Effets du réputé non écrit


94. Absence d’effet rétroactif. - En dépit de la qualification retenue pour les
clauses réputées non écrites du règlement, la jurisprudence a exclu que la
sanction présente un caractère rétroactif. Cela signifie que la clause contes­
tée reste valable jusqu’à la décision judiciaire constatant son illicéité. La
Cour de cassation retient ainsi que les clauses réputées non écrites doivent
recevoir application tant qu’elles n’ont pas été déclarées non écrites par le
juge1’8. La justification d’une telle solution repose sans doute sur des consi­
dérations pragmatiques, puisqu’elle permet d’éviter la remise en cause de
la répartition des charges pour la période antérieure. Néanmoins, elle
repose également sur une distinction plus subtile, parfaitement mise en
lumière par Sophie Gaudemet69. La suppression de la clause conduit à ce
que les copropriétaires ne soient pas liés par elle, dès l’origine. Mais il arrive
que sa suppression implique un remplacement dans lequel les contractants
pourront exercer leur liberté d ’appréciation. Notamment, en matière de
répartition des charges, une nouvelle répartition ne peut se faire sans nou­
vel accord des copropriétaires ou, à défaut, sans intervention judiciaire.
Aussi peut-on comprendre que la clause contestée reçoive application jus­
qu’à ce qu’une nouvelle délibération ait permis le fonctionnement de la
copropriété. Sophie Gaudemet proposait ainsi, de manière très convain­
cante, de distinguer entre la clause susceptible d’être substituée sans nouvel
accord ou décision judiciaire, pour laquelle une suppression rétroactive est
possible'0, et la clause qui ne peut être remplacée sans nouvelle délibéra­
tion ou décision judiciaire, qui produit effet jusqu’à cette d ate'1. En toute
hypothèse, les effets d’une éventuelle rétroactivité sur la répartition des
charges demeureraient limités puisque, par l’effet de l’article 42 de la loi,

66. Cass. 3eciv., 9 mars 1988, n° 86-17869: BuU. civ. Ill, n °5 4 ; D. 1989, p. 143, note C. Atias ;
Cass. 3e civ., 7 mai 2008, n ” 07-13409 ; Cass. 3e civ., 17 sept. 2013, n° 11-21770.
67. Cass. l re civ., 13 mars 2019, n° 17-23169.
68. Cass. 3e civ., 21 ju in 2006, n° 05-13607 : Bull. civ. III, n° 159.
69. S. G audemet, I m clause réputée non écrite, Defrénois, 2006, n° 168 et s.
70. Par ex. le dénom inateur com m un de la répartition, c’est-à-dire le nom bre de personnes qui
doivent contribuer (Cass. 3e civ., 20 déc. 2000, n°99-16059: Bull. civ. III, n°198).
71. S. G audemet, op. cit, n° 169. Pour une application, v. Cass. 3e civ., lOjuill. 2013, n° 12-14569.
LA RÉGLEMENTATION PRIVÉE DE L’IMMEUBLE 67
les décisions d’assemblée générale approuvant les comptes ne peuvent être
contestées que dans un délai de deux mois72.
95. Effet du réputé non écrit.
L’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 a inséré, à la fin de l’ar­
ticle 43 de la loi de 1965, une phrase ainsi rédigée: «Cette nouvelle
répartiüon prend effet au premier jour de l’exercice comptable suivant
la date à laquelle la décision est définitive ». Est ainsi consacrée la solu­
tion jurisprudentielle'3, qui conduit à maintenir les effets de la réparti­
tion fondée sur une clause illicite jusqu’à la date de la décision judiciaire
et, plus précisément, au premier jour de l’exercice comptable qui la suit.

Section 2. — Les effets du règlement de copropriété


§ 1. La force obligatoire du règlement de copropriété
96. Interprétation du règlement de copropriété. - La force obligatoire du règle­
ment doit être précisée. Sa nature contractuelle fait du juge l’interprète de
la volonté des parties. Mais en dépit de sa nature de réglementation privée,
les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain d’appréciation contrai­
rement, notamment, aux conventions collectives. Réserve faite de la déna­
turation d’une clause claire et précise, la Cour de cassation n’exercera donc
aucun contrôle74. L’interprétation d’un règlement doit cependant, plus
encore que dans d’autres contrats, amener son lecteur à tenir compte du
contexte de l’immeuble. Notamment, faire prévaloir la commune intention
des parties contractantes sur le sens littéral de ses termes, ainsi qu’y invite
l’article 1188 du Code civil, suppose de s’attacher à la destination de l’im­
meuble, telle qu’elle a été fixée par les fondateurs. Mais la notion même de
destination de l’immeuble évolue au gré du temps, et la volonté initiale
peut avoir subi une inclination. Le règlement de copropriété est un docu­
ment contractuel évolutif, qui ne saurait être interprété comme un banal
contrat de vente. Il est en permanence l’objet de modifications qui n’ont
pas nécessairement recueilli un consentement unanime. Se référer aux
annexes du règlement (état descriptif de division) et à la destination de
l’immeuble paraît pouvoir préserver un équilibre entre la référence à la

72. Même s’il est possible de demander simultanément la nullité de la décision d’assemblée géné­
rale et la suppression d’une clause du règlement, ce qui permettra de faire produire effet à
l’inexistence pour la dernière assemblée générale (Cass. 3e civ., 28avr. 2011, n° 10-14298:
Bull. civ. III, n° 61).
73. Cass. 3e civ., lOjuill. 2013, préc.
74. V. not. Cass. 3e civ., 2 oct. 2013, n° 12-17084.
68 LA COPROPRIETE DES IMMEUBLES BATIS
volonté initiale et l’insertion du règlement dans son contexte actuel. En
outre, il n’est pas exclu qu’il soit qualifié de contrat d’adhésion, ce qui
entraînerait l’application de la règle d’interprétation contra proferentem'\
En cette madère, cependant, il n’est pas certain que puisse être décelée
une partie qui l’a proposé, à moins d’imaginer l’hypothèse d’un proprié­
taire divisant son immeuble, tout en demeurant copropriétaire d’un lot.
97. Plan. - La force obligatoire du règlement de copropriété s’impose à l’égard
des copropriétaires, seules parties au contrat. Ses effets rayonnent cepen­
dant au-delà de ce seul cercle.
A. L’application du règlement entre les parties
98. Nature contractuelle des actions entre les copropriétaires. - Le règlement
de copropriété a, entre les parties, l’effet d’un contrat. Toute action exer­
cée par un copropriétaire à l’encontre du syndicat ou d’un autre coproprié­
taire sera nécessairement de nature contractuelle. Cela conduit notamment
à exclure les règles relatives à la protection possessoire'1’. Réciproquement,
toute action exercée par le syndicat à l’encontre de copropriétaires défail­
lants est également contractuelle". C’est sur ce fondement qu’il peut obli­
ger un copropriétaire à réaliser des travaux dans ses parties privatives, afin
notamment de préserver l’aspect extérieur de l’immeuble ou d’éviter une
dégradation des parties communes. Néanmoins, l’action en responsabilité
exercée contre un copropriétaire refusant de répondre à un appel de fonds
relève de la responsabilité extracontractuelle'8.
99. Transmission de la qualité de contractant. - A l’instar de tout contrat, le
règlement de copropriété est transmis automatiquement aux ayants cause
universels ou à titre universel du copropriétaire. La qualité de partie au
règlement étant cependant indissociable de celle de copropriétaire, elle
est automatiquement et nécessairement transmise aux ayants cause à titre
particulier, dès la prise d’effets du contrat'9. En aucun cas les termes du
contrat de vente du lot de copropriété ne pourraient modifier les stipula­
tions du règlement.

75. C. civ., art 1190.


76. Cass. 3 'civ., 18janv. 1989, n° 87-14824: Bull. civ. III, nu 16; Cass. 3e civ., 9juin 1999, n°97-
18739: BuU. civ. III, n°136.
77. V. not., Cass. 3e civ., 13 oct. 1981, n° 80-10595 : Bull. civ. III, n° 152.
78. V. ainsi, Cass. 3e civ., 7 sept. 2017, n° 16-18777.
79. V. infra, n" 295 et s.
LA REGLEMENTATION PRIVEE DE L’IMMEUBLE 69

B. Le rayonnement du règlement à l’égard des tiers


100. Publicité foncière. - Le règlement de copropriété doit-il être publié pour
être opposable ? L’article 13 de la loi du 10juillet 1965 énonce que « le règle­
ment de copropriété et les modifications qui peuvent lui être apportées ne
sont opposables aux ayants cause à titre particulier des copropriétaires qu’à
dater de leur publication au fichier immobilier ». Il convient donc de distin­
guer deux situations. Pour les copropriétaires au moment de la rédaction du
règlement ou de l’adoption de modifications, aucune mesure de publicité
n’est exigée80, pas plus qu’à l’égard du syndicat lui-même81. En revanche,
pour les ayants cause à titre particulier des copropriétaires, la publication est
requise82. Le décret du 17 mars 1967 précise toutefois que « le règlement de
copropriété, l’état descriptif de division et les actes qui les ont modifiés,
même s’ils n’ont pas été publiés au fichier immobilier, s’imposent à l’acqué­
reur ou au titulaire du droit s’il est expressément constaté aux actes visés au
présent article qu’il en a eu préalablement connaissance et qu’il a adhéré
aux obligations qui en résultent ». Au fond, ce texte ne fait que rappeler l’op­
posabilité d’un contrat aux tiers qui en ont eu connaissance.
101. Opposabilité du règlement. - Classiquement, la nature contractuelle du règle­
ment lui permet d’être imposé aux tiers et même d’être invoqué par eux.

1. Le respect du règlement imposé aux tiers


102. Opposabilité du règlement aux tiers. - La nature contractuelle du règle­
ment de copropriété permet d ’appliquer le principe d ’opposabilité du
contrat aux tiers. En droit commun, les tiers devant « respecter la situation
juridique créée par le contrat»88, la jurisprudence retient la responsabilité
du tiers qui se rend complice d ’une inexécution contractuelle sur le fonde­
ment de l’article 1240 du Code civil84. Il faudra rapporter la preuve d’une
faute du tiers, ayant facilité voire seulement incité le contractant à ne pas
respecter son engagement, en connaissance de l’existence du contrat. La
preuve est facilitée lorsque le contrat avait fait l’objet d ’une publication.
En outre, la victime devra démontrer l’existence d ’un dommage et d ’un
lien de causalité. Si la responsabilité du tiers est engagée, il sera condamné
au paiement de dommages et intérêts. Le contractant victime peut cumuler
les actions, en recherchant la responsabilité du tiers en complément de
celle de son contractant.

80. Cass. 3e civ., 23juin 1976, n" 75-10575 : Bull. civ. Ill, n° 285.
81. Cass. 3e civ., 19nov. 2008, n° 06-12567.
82. V. aussi, D. 17 mars 1967, art. 4, al. 1er.
83. C. civ., art 1200.
84. V. not., Cass. l re civ., 17 oct. 2000, n° 97-22498 : Bull. au. I, n” 246 ;JCP G 2001,1, 338, n° 6, obs.
G. V iney .
70 LA COPROPRIETE DES IMMEUBLES BATIS

103. Situation des locataires. - Le règlem ent n ’est pas opposable de plein droit
aux tiers8 ’. En m atière de règlem ent de copropriété, ce sont les rapports
locatifs qui suscitent le contentieux le plus abondant. Alors même, en
effet, q u ’il est intéressé à l’organisation de la copropriété en tant q u ’occu­
pant, le locataire dem eure un tiers à son égard. O n pourrait alors raisonner
en deux temps, en imposant nécessairement au préalable une action du
syndicat ou des copropriétaires contre le copropriétaire bailleur, lequel se
retournerait contre le locataire, dans les limites des stipulations du contrat
de bail. Néanmoins, il est possible d ’agir directem ent contre le locataire,
dès lors que celui-ci a connaissance du règlem ent de copropriété, ce qui
est le cas en cas de publication du règlem ent86, ou lorsqu’une disposition
spéciale l’impose lors de la conclusion du contrat de bail8'. Le syndicat
pourra même agir par la voie oblique en résiliation du bail en cas de
carence du copropriétaire-bailleur88.

2. La violation du règlement invoquée par les tiers


104. Manquement contractuel invoqué par le tiers. - Le tiers peut parfois se pré­
valoir d ’une stipulation du règlem ent de copropriété, lorsqu’elle perm et de
prouver l’existence d ’un engagem ent unilatéral de volonté. La Cour de cas­
sation a ainsi jugé, au visa de l’ancien article 1370 du Code civil,
q u ’« em porte engagem ent unilatéral des copropriétaires de supporter la
charge de la taxe d ’habitation et de la redevance audiovisuelle du logem ent
du gardien dont ce dernier peut se prévaloir, une clause du règlem ent de
copropriété qui stipule que la conciergerie est une partie com m une et pré­
voit que les impôt et taxes auxquels sont assujetties les parties communes
sont pris en charge par les copropriétaires »89. En d ’autres termes, le tiers
au règlem ent pouvait en invoquer une disposition favorable, dans la mesure
où elle dém ontrait l’existence d ’un engagem ent unilatéral. Lui serait-il pos­
sible d ’obtenir réparation du préjudice subi lorsqu’il a été victime d ’une
inexécution contractuelle ? A cette question classique, la Cour de cassation
a apporté la réponse de principe suivante : « le tiers à un contrat peut invo­
quer, sur le fondem ent de la responsabilité délictuelle, un m anquem ent

85. Cass. 3e civ., 12juin 1991, n° 90-11039 : Bull civ. III, n° 171.
86. Cass. 3e civ., 14avr. 2010, n° 09-13315. Comp., retenant l’inopposabilité faute d ’information
sur l’existence de la copropriété, Cass. 3° civ., 3 mars 2004, n° 02-14396 : Bull. civ. III, n° 47.
87. L. n° 89-462, 6juill. 1989, art. 3, qui impose, lorsque l’immeuble est soumis au statut de la
copropriété, la communication d’extraits du règlement de copropriété « concernant la desti­
nation de l’immeuble, la jouissance et l’usage des parties privatives et communes, et précisant
la quote-part afférente au lot loué dans chacune des catégories de charges ».
88. Cass. 3e civ., 14 nov. 1985, n° 84-15577 : Bull. civ. III, n° 143.
89. Cass. 3e civ., 4 mars 2020, n° 18-20963. Rappr. Cass. ass. plén., 5 mars 2010, n° 08-42843 et 08­
42844 : Bull. civ. ass. plén., n° 1.
LA REGLEMENTATION PRIVEE DE L’IMMEUBLE 71

contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage »90. Cette
solution, souvent contestée en doctrine, mais récemment confirmée91,
conduit à certaines applications potentielles en droit de la copropriété.
105. Illustrations en cas de violation du règlement de copropriété. - Les exem­
ples de violation d’un règlement de copropriété invoquée par les tiers ne
sont pas courants, si l’on excepte le cas des locataires. Cependant, la faci­
lité avec laquelle il est possible de l’invoquer, désormais, pourrait offrir des
perspectives contentieuses intéressantes. Il suffit d ’imaginer l’hypothèse de
la violation, même tolérée, d’une clause d ’habitation bourgeoise ou d’une
clause de non-concurrence - lorsqu’elle est exceptionnellement admise -
qui causerait un préjudice à un locataire ou un voisin exerçant une activité
similaire à celle d ’un copropriétaire ou occupant de l’immeuble.

§ 2. Les sanctions de la violation du règlement de copropriété


106. Diversité des sanctions applicables. - La nature contractuelle du règlement
ouvre au juge une grande variété de sanctions. Certes, le règlement ne
devrait pas permettre à un copropriétaire de se prévaloir de l’exception
d ’inexécution pour se soustraire à l’application du règlement au seul pré­
texte que certaines de ses stipulations ne sont pas respectées à son égard. Il
pourra seulement solliciter l’exécution du règlement par le syndicat ou les
autres copropriétaires, notamment par la cessation des troubles causés93.
Néanmoins, alors que la jurisprudence ne retenait pas une éventuelle dis­
proportion entre la réparation et le trouble causé94, l’article 1221 du Code
civil conduit à tenir compte de la disproportion manifeste entre le coût
pour le débiteur de bonne foi et l’intérêt présenté pour le créancier.
Cette solution ne devrait toutefois pas contrarier les actions en rétablisse­
ment ou destruction consécutives à une atteinte au droit de propriété. Le
syndicat peut également demander l’exécution des obligations par les
copropriétaires, notamment le paiement des charges.

90. Cass. ass. plén., 6 oct. 2006, n° 05-13255 : Bull. civ. ass. plén., n° 9 ; D. 2006, 2825, note G . V iney ;
JCP2006, II, 10181, concl. A. G ariazzo, note M. B illiau ; RDC 2007, p. 269, obs. D. M azeaud ;
RTD civ. 2007, p. 115, obs. J. M estre et B. F ages ; ibid., p. 123, obs. P.J ourdain .
91. Cass. ass. plén., 13janv. 2020, n° 17-19963.
92. Pour une action fondée sur l’article 14 de la loi, Cass. 3e civ., 28nov. 1978, n° 77-12972:
BuU. civ. III, n° 359.
93. V. not., pour une démolition des constructions illicites, Cass. 3e civ., 7 mars 2007, n° 06-12702
(les dispositions de l’article 647 du Code civil ne peuvent faire échec à la demande fondée sur
le règlement) ; remise en l’état des parties communes, Cass. 3e civ., 18 déc. 2001, n° 00-18344.
94. Cass. l re civ., 13 déc. 1965 : BuU. civ., n° 704.
DEUXIÈME PARTIE_____________
L’ORGANISATION COLLECTIVE
DE LA COPROPRIÉTÉ

107. Individuel et collectif. - L’organisation collective d’une propriété répartie


entre plusieurs copropriétaires représente un défi considérable. Il faut en
effet concilier les droits de chaque copropriétaire et les besoins de la collec­
tivité. L’un des objectifs de la loi du lOjuillet 1965 était d ’améliorer la ges­
tion collective de l’immeuble en permettant sa valorisation1. Si l’on en juge
par l’habilitation récemment donnée au gouvernement de légiférer par
ordonnance, pour « clarifier, moderniser, simplifier et adapter les règles
d’organisation et de gouvernance de la copropriété », le succès du régime
instauré n ’aura duré qu’un temps2. Le même objectif est toutefois pour­
suivi, celui d ’une « meilleure prise en compte par les copropriétaires de la
dimension collective de la copropriété et de la nécessité de préserver leur
patrimoine commun »3.
108. Plan. - Les techniques d ’organisation utilisées sont originales, qui mêlent
propriété, contrat et personnalité morale. La dimension collective de la
copropriété, déjà perceptible dans les actes de la copropriété, se révèle par­
ticulièrement à l’étude du syndicat des copropriétaires et de ses organes.

1. A zoulay, « La réforme de la copropriété des immeubles bâtis », Defrénois 1968, art. 41, n° 7.
2. L.n° 2018-1021, 23nov. 2018, art. 215, II.
3. Rapport sur l’ordonnance du 30 octobre 2019.
CHAPITRE 1
Le syndicat des copropriétaires

109. Situation antérieure à la loi du lOjuillet 1965. - Afin de donner à l’im­


meuble en copropriété une organisation pérenne, le législateur a recouru
à la technique de la personnalité morale, en imposant la création d ’un syn­
dicat des copropriétaires. Avant la loi de 1938, il n ’existait aucune forme
d ’organisation collective structurée. Concrètement, donc, l’opposition
d ’un copropriétaire faisait échec à la bonne administration de l’immeuble,
ce qui pouvait se traduire par une impasse conduisant à sa dégradation irré­
médiable, la jurisprudence utilisant alors parfois les ressources du droit
commun1. L’article 7 de la loi du 28juin 1938 avait prévu qu’en l’absence
de choix en faveur d’une organisation contraire, « les différents propriétai­
res se trouvent obligatoirement et de plein droit groupés dans un syndicat,
représentant légal de la collectivité ». Ce syndicat disposait déjà de larges
pouvoirs d’administration de l’immeuble et pouvait défendre en justice les
intérêts de la collectivité, bien que la question de sa personnalité morale et
de son patrimoine soit demeurée discutée2.
110. Place du syndicat dans la loi du lOjuillet 1965.- L’article 14 de la loi du
lOjuillet 1965 a réglé cette question, qui dispose que « la collectivité des
copropriétaires est constituée en un syndicat qui a la personnalité civile ».
C’est donc de manière impérative et automatique qu’une personne morale
est créée, laquelle représente la collectivité des copropriétaires. Il s’agit à
l’évidence d’une manifestation du caractère unitaire de la copropriété, le
syndicat représentant nécessairement un intérêt collectif.

1. E. K ischinewsky-B roquisse , La copropriété des immeubles bâtis, 4e éd., Litec, 1989, n°299, qui
évoque la gestion d ’affaires ou le mandat tacite lorsque l’utilité des travaux n ’était pas dou­
teuse.
2. V. sur cette question, A. P iedelièvre, « La copropriété par appartements », in J. C arbonnier
(dir. et préf.), L ’immeuble urbain à usage d ’habitation. Etudes de droit privé, LGDJ, Bibl. dr.
privé., t. 49, 1963, p. 181, spéc. n° 13 ets.
76 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

111. Nature juridique du syndicat. - Néanmoins, le syndicat représente la collec­


tivité des copropriétaires en tant qu’ils sont titulaires de lots. La copropriété
n ’est pas, dans l’esprit du statut instauré en 1965, une communauté de per­
sonnes mais de lots3. Dès lors, le syndicat ne se rattache ni à une association
régie par la loi de 1901, ni à un syndicat au sens du droit social, ni même à
une association syndicale libre45.La plupart des auteurs conviennent que le
syndicat constitue une « création originale du législateur »D, qui occupe une
« place singulière » dans la typologie des personnes morales67.
112. Plan. - La personnalité morale dont dispose le syndicat des copropriétaires
implique une grande diversité de fonctions.

Section 1. — La personnalité morale du syndicat


des copropriétaires

113. Plan. - Groupement destiné à assurer la représentation collective des copro­


priétaires de l’immeuble, le syndicat est marqué par une certaine unité. Cela
ne fait pas échec à l’émergence de structures de tailles différenciées.

§ 1. L’unité du syndicat
114. Personnalité morale du syndicat. - La question de la personnalité morale
du syndicat était sujette à débat sous l’empire de la loi de 1938'. Désormais,
l’article 14, alinéa 1er, de la loi du lOjuillet 1965 prévoit expressément que
« la collectivité des copropriétaires est constituée en un syndicat qui a la
personnalité civile »8. Identifié comme syndicat des copropriétaires de l’im­
meuble situé à (...)9, son siège est situé à l’adresse de l’immeuble. « Procédé

3. E. Kischinewsky-B roquissf., op. cit., n° 300.


4. Sur la nullité d ’une association syndicale libre créée pour assurer la gestion commune des
lots, Cass. 3e civ., 8 févr. 1982, n° 80-12101 : Bull. civ. III, n° 39.
5. E. Kischinewsky-B roquissf., op. cit, n°300; P. C apoulade et D. T omasin (dir.), La copropriété,
10' éd., Dalloz, Dalloz Action, 2018, n° 321-10 (« groupement sui generis »).
6. F. T erre, et P. S imler, Droit civil. Iss biens, 12' éd., Dalloz, 2018, n" 648.
7. Sur cette question, v. J.-L. B ergfx , S. C imamonti, J.-M. R oux et L. T ranchant , Les biens, 3 ' éd.,
LGDJ, Traité de droit civil, 2019, n° 624.
8. J.-Y. L acire, La personnalité morale du syndicat de copropriétaires, thèse Paris II, 1971 ; G. D u th il , Le
syndicat de copropriétaires, personne morale, thèse Rennes 1, 1978.
9. Mais la jurisprudence a fait preuve d ’une certaine souplesse sur le terrain procédural, assimi­
lant «syndicat» et «copropriété». V. noL, admettant l’intervention du syndic d ’une «rési­
dence copropriété », Cass. 3eciv., 23nov. 1994, n° 92-21586.
LE SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES 77

de simplification »I0, la personnalité morale est calquée sur l’existence de


l’immeuble et confère au syndicat des copropriétaires certains attributs.

A. L’existence du syndicat

1. La prise d ’effets de la personnalité morale


115. Automaticité de la prise d’effets. - La personnalité morale du syndicat est
un effet légal attaché à la créadon de la copropriété11. Elle présente donc
un caractère obligatoire dès lors que sont réunies les conditions posées par
l’article premier de la loi, la répartition de la propriété entre plusieurs per­
sonnes, par lots comportant chacun obligatoirement et indissociablement
une partie privative et une quote-part de parties communes12. En d’autres
termes, l’application du régime, acquise dès le premier transfert de pro­
priété d ’un lot de copropriété13, emporte nécessairement la création d ’un
syndicat14. Pas plus que la naissance de la copropriété, la naissance du syn­
dicat ne requiert de formalités, la prise d ’effets étant immédiate. Peu
importe à cet égard l’absence d ’organisation de la copropriété1, ou la
volonté des copropriétaires de différer l’application du régime.
116. Immatriculation du syndicat. - La création du syndicat du seul fait que les
conditions d’application de la loi du 10juillet 1965 étaient réunies pouvait
conduire à l’existence de personnes morales occultes. Nulle formalité de
publicité n’était exigée16, ce qui était parfois regretté17. La loi ALUR a
marqué un infléchissement significatif de cette solution classique. « Afin de
faciliter la connaissance des pouvoirs publics sur l’état des copropriétés et la
mise en œuvre des dysfonctionnements »18, a été instaurée une immatricula­
tion de certains syndicats de copropriétaires. Cette immatriculation ne
concerne que les immeubles à destination partielle ou totale d’habitation, à
l’exclusion de l’immobilier purement commercial soumis au statut de la loi

10. P. M alaurie et L. A ynès, avec le concours de M.J ulienne , Droit des biens, 8e éd., LGDJ, 2019,
n° 721.
11. J.-M. Roux, « Le syndicat des copropriétaires ou la génération spontanée », Loyers et copr. 2012,
Étude 6.
12. V. not., Cass. 3' civ., 11 janv. 2012, n° 10-24413 : Bull. civ. III, n° 7.
13. L. 10juill. 1965, a r t 1-1, al. 1er.
14. CA Paris, 30janv. 1979 : D. 1979, IR, 441, obs. C. G ivf.rdon .
15. V. par ex., CAToulouse, 29 mars 2010, n° 09/03214 : Loyers et copr. 2010, comm. 270 : absence
de règlement de copropriété.
16. Cass. 3e civ., 4oct. 2011, n° 10-25043.
17. J.-P. C ordelier , «Le syndicat des copropriétaires, cet inconnu...», Gaz. Pal. 16 mars 2002,
n” 75, p. 38, qui souhaitait la création d ’un registre tenu par les greffés des tribunaux d ’ins­
tance comprenant les informations relatives aux syndicats de copropriétaires.
18. CCH, art. L. 711-1.
78 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

de 1965l9. Cette nouvelle obligation, dont l’application a été différée selon le


nombre de lots du syndicat20, devait être remplie au 31 décembre 2018.
117. Immatriculation du syndicat. Contenu du registre. - Un registre des copro­
priétés a été institué, qui comprend des informations élémentaires (nom,
adresse, date du règlement de copropriété, nombre total de lots, en distin­
guant suivant l’usage d’habitation, de bureaux, de commerces ou de sta­
tionnement, procédures engagées en cas de difficulté21), mais aussi des élé­
ments beaucoup plus détaillés : à l’issue de chaque exercice comptable, les
données essentielles relatives à la gestion et aux comptes du syndicat, issues
notamment du budget prévisionnel et des comptes ; données essentielles
relatives au bâti, issues du carnet d’entretien et du diagnostic technique
global22. L ’état financier du syndicat, l’état technique de l’immeuble consti­
tuent deux points importants qui débordent largement le cadre d’un simili
état civil. De fait, la gestion du syndicat risque d’être plus complexe, parti­
culièrement dans les petites copropriétés.
118. Immatriculation du syndicat. Auteur de l’inscription.- L ’inscription est
mise à la charge du notaire qui publie le règlement de copropriété pour
les nouvelles copropriétés, et du syndic pour l’ensemble des copropriétés
existantes. C’est aussi le syndic qui se chargera de la modification des infor­
mations en cours de rie de la copropriété22. Sans insister sur les diverses
sanctions prévues en cas de non-accomplissement de ces formalités par le
syndic, il faut simplement souligner que l’octroi de subventions publiques
est conditionné par l’inscription au registre et l’actualisation des données24,
ce qui renseigne sur la finalité des informations transmises. La constitution
de ce registre sert la connaissance par les pouvoirs publics de la situation
des copropriétés2’. Au fond, il s’agit d’offrir aux organismes publics la pos­
sibilité d’exercer un contrôle sur l’état de la copropriété, ce que le carac­
tère occulte des syndicats rendait plus compliqué.

19. V. N. L e Ruduijer, « L’immatriculation des copropriétés », AJD I 2016, p. 822.


20. Les dates étaient les suivantes : 31 décembre 2016 pour les syndicats de plus de 200 lots ;
31 décembre 2017 pour les syndicats de plus de 50 lots; 31 décembre 2018 pour les autres.
Après le 31 décembre 2016, toutes les nouvelles copropriétés - immeubles neufs ou mis en
copropriété (L. n °2014-366, 24mars 2014, art. 53).
21. La sanction de son non-respect est toutefois limitée à l’impossibilité pour le syndicat des
copropriétaires défaillant de bénéficier de subventions de l’État, des collectivités territoriales,
de leurs groupements ou établissements publics (CCH, art L. 711-6, III).
22. CCH, art. L. 711-6.
23. CCH, art. L. 711-4.
24. CCH, art. L. 711-6.
25. Ainsi est-il précisé que « pour la mise en œuvre des politiques de l’habitat et de lutte contre
l’habitat indigne et les copropriétés dégradées, l’Etat, les collectivités territoriales et leurs
groupements » obtiennent à leur demande communication des informations figurant dans
le registre (CCH, art. L. 711-3).
LE SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES 79

2. La dissolution du syndicat
119. Présentation. - En tant qu’il est nécessaire au fonctionnement de la copro­
priété, le syndicat a vocation à la perpétuité. Sa dissolution ne peut interve­
nir que pour des causes limitées, qu’elles soient matérielles ou juridiques.
120. Destruction de l’immeuble. - Par hypothèse, la destruction totale26 de l’im­
meuble édifié exclut l’applicadon de la loi de 1965, laquelle ne s’applique
pas aux terrains nus. Faute de copropriété, le syndicat est donc conduit à
disparaître de plein droit. Néanmoins, l’automaticité n ’est pas absolue.
L’assemblée générale peut en effet décider de la reconstruction de l’im­
meuble, aux termes de l’article 3827. Le syndicat subsiste donc jusqu’à
cette date : il a notamment qualité pour recevoir l’indemnité d’assurance
et agir au nom de tous les copropriétaires en réparation du préjudice
subi28.
121. Disparition de la pluralité de copropriétaires (réunion dans une même
main, expropriation, apport à une société, division du syndicat). - Puisqu’il
est impossible pour les copropriétaires de faire le choix d ’une autre organi­
sation au cours de la vie de la copropriété tant que subsistent des parties
communes indivises29, la disparition du syndicat ne peut survenir que
lorsque les conditions posées par l’article premier ne sont plus réunies.
L’hypothèse la plus courante est celle de la réunion de tous les lots entre
les mains d’un même copropriétaire30, qui entraîne de plein droit la dispa­
rition de la copropriété et du syndicat des copropriétaires31. De fait, elle
interviendra surtout dans de petites copropriétés. La même remarque vaut
sans doute pour l’hypothèse d’apport de l’ensemble des lots à une
société32. Les cas d’expropriation33 ou de division du syndicat seront déve­
loppés ultérieurem ent. Quoi qu’il en soit, la cession ultérieure d ’un lot ne

26. À l’exclusion de la destruction d ’un bâtiment ou d ’une partie de l’immeuble seulem ent
27. Les dispositions de ce texte ne sont pas d ’ordre public, ce qui autorise un régime convention­
nel de reconstruction dérogatoire. V. sur cette question, J.-M. Roux, « La reconstruction de
l’immeuble en copropriété », IRC 2007, n° 532, p. 26, et infra, n° 427 et s.
28. Cass. 3e civ., 8 mars 1989, n° 87-13267 : Bull. civ. III, n° 57.
29. Rappr. Cass. 3e civ., 24janv. 1978, n° 76-13136 : Bull. civ. III, n° 48 : la suppression de la copro­
priété d ’un ensemble immobilier, dont la totalité des sols, y compris ceux où sont implantés
les immeubles, sont restés communs malgré la jouissance exclusive laissée à chaque copro­
priétaire des sols non bâtis, exige l’unanimité des copropriétaires.
30. G. R ouzet , « Réunion de lots de copropriété en une seule main : quelles conséquences ? »,
Defrénois 2009, p. 1001.
31. Cass. 3e civ., 12sept. 2007, n°06-11282: Bull. civ. III, n°138; Cass. 3e civ., 27avr. 2017, n° 16­
11278.
32. P. C apoulade et D. T omasin , La copropriété, op. cit., n° 321-241.
33. G. V aysse , « Expropriation et statut de la copropriété », AJDI2017, p. 741.
34. V. infra, n° 134 et s.
80 LA COPROPRIETE DES IMMEUBLES BATIS

fera pas revivre la copropriété initiale mais constituera le point de départ


d’une nouvelle copropriété.
122. Réunion des lots entre les mains d’un même propriétaire.

L’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 crée un article 46-1 de la


loi de 1965, qui prévoit que « la réunion de tous les lots entre les mains
d ’un même propriétaire entraîne de plein droit la disparition de la
copropriété et la dissolution du syndicat des copropriétaires qui ne survit
que pour les besoins de sa liquidation, laquelle n’est pas soumise aux dis­
positions de la présente loi ». Est ainsi consacrée la jurisprudence qui
constatait la dissolution de plein droit du syndicat des copropriétaires3’.
La personnalité morale du syndicat des copropriétaires subsiste cepen­
dant pour les besoins de sa liquidation, à l’image du droit des
sociétés36, sans être plus soumis au statut de la copropriété. Il sera repré­
senté par un liquidateur amiable désigné par l’ensemble des anciens
copropriétaires ou un mandataire ad hoc.

B. Les attributs de la personnalité morale

1. Les droits du syndicat


123. Droits fondamentaux du syndicat? - Personne morale, le syndicat des
copropriétaires est titulaire de droits fondamentaux37, sinon au sens strict
de droits de la personnalité38. À ce titre, il disposerait d ’un droit à la pro­
tection de son nom, de son domicile39, de ses correspondances et de sa
réputation40. Appliquée à un syndicat des copropriétaires, cette protection
apparaît très largement théorique. Néanmoins, rien n ’empêche d ’envisager
la violation du droit au respect d ’une procédure équitable, de la liberté
contractuelle ou du droit de propriété. Si le syndicat des copropriétaires
n ’est pas propriétaire de l’immeuble, il est titulaire de multiples créances
à l’encontre des copropriétaires, lesquelles sont assimilées à un bien par la
jurisprudence européenne. Au demeurant, la Cour de cassation a admis

35. Cass. 3e civ., 27 avr. 2017, préc.


36. C. civ., art. 1844-8.
37. N. M athey, « Les droits et libertés fondamentaux des personnes morales de droit privé », RTD
civ. 2008, p. 205.
38. B. T eyssié, Droit des personnes, 19e éd., LexisNexis, 2018, n° 1129.
39. Pour une application, CEDH, 16 avr. 2002, req. 37971/97.
40. Cass. l rc civ., 17mars 2016, n° 15-14072. Sur la reconnaissance d ’un préjudice moral,
Cass. corn. 15 mai 2012, n" 11-10278.
LE SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES 81

« qu’aucune disposition ne s’oppose à ce qu’un syndicat de copropriétaires


acquière par prescription la propriété d’un lot » \
124. Qualité de non-professionnel du syndicat des copropriétaires. - Personne
morale, le syndicat des copropriétaires n ’est pas un particulier au sens du
Code du travail42, mais peut parfois même être qualifié d ’entreprise43. Sa
qualité de personne morale ne lui permet pas plus de bénéficier des dispo­
sitions protectrices du consommateur, qui est nécessairement une per­
sonne physique44. Néanmoins, le droit français de la consommation com­
prend plusieurs dispositions qui visent des consommateurs et des non-
professionnels. Au terme d ’une longue période de flottement, la jurispru­
dence a considéré que, au sens de l’article L. 212-1 du Code de la consom­
mation, la notion de non-professionnel n ’excluait pas les personnes
morales4’. Le législateur a consacré cette solution, définissant le non-profes­
sionnel comme « toute personne morale qui n’agit pas à des fins
professionnelles »46. Il restait cependant à donner une consistance à cette
notion de non-professionnel, ce que la Cour de cassation a eu l’occasion de
faire à propos de l’application de l’article L. 215-1 du Code de la consom­
mation, relatif à l’information préalable à la reconduction tacite d’un
contrat de consommation47, rendu applicable aux non-professionnels par
l’article L. 215-3. Le syndicat des copropriétaires est un non-professionnel
dans l’exercice de son activité contractuelle. Il bénéficie ainsi de garanties
appréciables, particulièrement dans une petite copropriété. La jurispru­
dence admet désormais clairement le contrôle des clauses abusives dans
les contrats conclus par un syndicat48. Le fait que le syndicat soit représenté
par un syndic professionnel ne lui faisant pas perdre sa qualité de non-pro­
fessionnel, ce dernier peut invoquer les dispositions protectrices réservées à
cette catégorie49. En revanche, l’exercice par une association de consom­
mateurs de l’action en suppression des clauses illicites ou abusives étant

41. Cass. 3e civ., 8 o c t 2015, n° 14-16071 : D. 2015, p. 2419, note A T adros; D. 2016, p. 1786, obs.
N. Reboul-Maupin; /C P2015, 446, n °2 , obs. H. Perinet-Marquet; RDI 2016, p. 409, note
E. Gavin-Millan-O osterlynck; RTD civ. 2016, p. 157, obs. W. D ross.
42. Sur l’application de l’article L. 4532-2, Cass. 3e civ., llju ill. 2011, n° 00-11984: Bull. cw. III,
n° 95.
43. R etenant cette qualification au sujet d ’un syndicat d ’u n e résidence-services, à l’occasion de la
procédure de licenciem ent de personnels de soin, Cass, soc., 21 nov. 2018, n° 17-12599 : AJDI
2019, p. 543, note D. T o m a sin . Comp., Cass, soc., l erfévr. 2017, n° 15-26853, dans l’hypothèse
du licenciem ent économ ique d ’un concierge.
44. C. consom., art. prélim inaire.
45. Cass. l re civ., 15 mars 2005, n° 02-13285 : Bull. civ. I, n° 135.
46. C. consom., art. liminaire.
47. Cass. l re civ., 23juin 2011, n" 10-30645 : Bull. civ. I, n° 122.
48. V. not., Cass. l r'c iv „ 10 s e p t 2014, n° 13-19015 ; Cass. 3e civ., 29 mars 2017, n° 16-10007.
49. Cass. l re civ., 25 nov. 2015, n° 14-20760.
82 LA COPROPRIETE DES IMMEUBLES BATIS
limité aux modèles de contrats proposés aux consommateurs, en sont
exclus les contrats destinés aux non-professionnels, notamment les syndi­
cats de coproprietaires .
2. Le patrimoine du syndicat
125. Consistance du patrimoine. - Attribut essentiel de la personnalité morale,
le patrimoine du syndicat des copropriétaires demeure singulier. Cela
tient plus à la spécificité de son contenu qu’à une nature originale. A la
question, «que possède le syndicat?», la réponse est en effet lapidaire:
«bien peu, bien peu de temps». Qualifié de «patrimoine de transit»31,
il est analysé comme un « patrimoine-relais, voire comme un simple
compte collectif »32.
Cette situation s’explique aisément. Le syndicat n’est pas le propriétaire de
l’immeuble, pas même de ses parties communes, solution qui a toujours été
écartée par le législateur3'5. La situation inverse conduirait à analyser la
copropriété en une forme de société, chacun des associés disposant alors
d’un droit personnel de jouissance que lui conféreraient ses parts. Dès
lors, le patrimoine du syndicat ne comprend que les sommes versées par
les copropriétaires afin de régler les charges communes et les créances à
leur encontre. Même dans ce cadre, son autonomie demeure résiduelle
puisque les créanciers du syndicat défaillant pourront poursuivre directe­
ment les copropriétaires34.
Néanmoins, même si la consistance du patrimoine du syndicat demeure le
plus souvent limitée, son intérêt se révèle notamment lorsqu’il succède au
constructeur ou au vendeur dans les actions dont ils disposaient33. En
outre, les copropriétaires peuvent décider que le syndicat acquière des par­
ties privatives de l’immeuble, qui conserveront alors leur caractère

50. Cass. l re civ., 4juin 2014, n° 13-13779 et 13-14203: Bull. civ. I, n°102; Cass. T'civ., 14janv.
2016, n° 14-28335, 14-28336 et 14-28337.
51. C. Lombois, D. 1966, L„ 93, n° 70.
52. F. T erré et P. S imi.f.r, Droit civil, l^es biens, 10e éd., Dalloz, 2018, n° 649.
53. Exposé des motifs de la loi du lOjuillet 1965, p. 7.
54. Cass. 3e civ., 10 mai 1968, n” 66-13503: Bull civ. III, n°202; Cass. 3eciv., lSjuill. 1999, n°98-
10452. La Cour de cassation fonde ce recours sur l’acüon oblique, plutôt qu’une action
directe, le syndicat étant une personne morale de droit privé dont le patrimoine est distinct
de celui de ses membres, ceux-ci n’étant pas responsables à l’égard des tiers ou de l’un des
copropriétaires de son passif (Cass. 3e civ., 26 oct. 2005, n° 04-16664 : Bull. civ. III, n° 205).
55. Par exemple en recueillant l’indemnité d’assurance dommages-ouvrage souscrite par le maî­
tre d’ouvrage ayant fait procéder à la rénovation de l'immeuble destiné à être vendu par lots,
Cass. 3e civ., 17 mars 1999, n° 97-15800 : Bull. civ. III, n° 69 ; Defrénois 1999, 1360, obs. C. A tias.
LE SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES 83
privatif'16, voire d’autres biens immobiliers’7. La jurisprudence admet
même que le syndicat puisse acquérir la propriété des parties privatives
d’un copropriétaire par le jeu de la prescription acquisitive’8. Enfin, le syn­
dicat peut recevoir des avances des copropriétaires et même emprunter. Il
sera soumis, en cas de difficultés, à une procédure spécifique, exclusive du
droit commun des procédures collectives39.
126. Emprunt souscrit par le syndicat des copropriétaires. - Afin de donner plus
de consistance au patrimoine du syndicat et de mettre en œuvre une politique
de rénovation pluriannuelle, le législateur a choisi, depuis plusieurs années,
de simplifier le recours à l’emprunt. Même si les prêts destinés à financer un
syndicat ont toujours été possibles60, les établissements bancaires pouvaient se
montrer réticents, faute pour celui-ci de disposer d’un patrimoine suffisant,
les copropriétaires demeurant propriétaires indivis des parties communes.
Afin de favoriser ce recours à l’emprunt, dont l’importance se révèle notam­
ment pour la mise en œuvre de travaux d’économie d’énergie61, la loi
n° 2012-387 du 22 mars 2012 a inséré les articles 26-4 à 26-8, depuis révisés et
complétés par plusieurs modifications du décret de 196762.
L’article 26-4 prévoit désormais que le syndicat des copropriétaires peut
souscrire un emprunt collectif dans certaines hypothèses limitativement
énumérées : financement de travaux régulièrement votés concernant les
parties communes ou d’intérêt collectif sur parties privatives, actes d’acqui­
sition conformes à l’objet du syndicat et régulièrement votés. La décision
requiert en principe l’unanimité des copropriétaires mais le texte ménage
deux exceptions. D’une part, lorsque l’emprunt a pour unique objectif le
56. L. 10juill. 1965, art. 16, al. 2. Pour une application, jugeant que « les tantièmes afférents à un
lot dont le syndicat est propriétaire ne doivent pas être pris en compte pour les votes des
délibérations des assemblées générales » : Cass. 3' civ., 21 juin 2006, n° 05-12278 : Bull. civ. III,
n° 160.
57. Mais n’entre pas dans son objet l’acquisition de parts sociales d’une société civile immobi­
lière, propriétaire de biens immobiliers extérieurs à la copropriété (Cass. 3e civ., 4nov. 2009,
n° 08-18979 : Bull. civ. III, n° 242).
58. Cass. 3eciv., 8oct 2015, n°14-16071 : D.2015, p. 2419, note A.T adros; D. 2016, p. 1786, obs.
N. Reboul-Maupin ; /CP2015, 446, n°2, obs. H. Perinet-Marquet ; RD I 2016, p. 409, note
E. Gavin-Millan-Oosterlynck; RTD civ. 2016, p. 157, obs. W. Dross.
59. V. sur ce point, infra, n° 175 et s.
60. V. par. ex., Cass. 3' civ., 26juin 2002, n° 00-20276.
61. P. Déchelette-Tolot, « Le contrat de financement des travaux verts en copropriété », Loyers et
copr. 2013, Etude 13. V. aussi le dossier « La transition énergétique en droit de la copro­
priété », AJDI 2020, p. 83.
62. Sur ces textes, v. not. D. Tomasin, « Copropriété et simplification du droit Apport de la loi
n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allégement des démar­
ches administratives », AJDI 2012, p. 329 ; « Mise en application de l’emprunt collectif du syn­
dicat des copropriétaires. À propos du décret n” 2013-205 du 11 mars 2013», AJDI 2013,
p. 331.
84 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

préfinancement de subventions publiques accordées au syndicat pour la


réalisation des travaux (collectivité publique, Agence nationale de l’habitat,
etc.), il peut être voté à la même majorité que celle nécessaire aux travaux.
La même solution s’applique, d’autre part, lorsque le bénéfice de l’em­
prunt destiné à financer les travaux ou des actes d ’acquisitions est restreint
à certains copropriétaires. Dans les deux cas, le syndicat recevra les fonds
par l’intermédiaire du syndic, les copropriétaires bénéficiant de l’emprunt
étant seuls tenus de contribuer en remboursant les sommes au syndicat63.
Afin de favoriser l’accès à l’emprunt, le syndicat est garanti par un caution­
nement solidaire souscrit nécessairement auprès d ’une entreprise d ’assu­
rance ou d’un établissement de crédit. Le mécanisme fonctionnera après
constat de la défaillance d’un copropriétaire, la caution étant alors subro­
gée dans les droits du syndicat64, ce qui lui permet de bénéficier du privi­
lège spécial immobilier . En cas de cession de lot, le principe est celui de
l’exigibilité immédiate des sommes restant dues par le copropriétaire béné­
ficiant de l’emprunt, sauf accord entre ancien et nouveau copropriétaires66.
127. Compte bancaire séparé. - Le syndicat des copropriétaires dispose norma­
lement d’un compte bancaire séparé, ouvert à son nom par le syndic afin
qu’y soient déposées les sommes qui lui sont destinées6'. Ce compte ban­
caire est un outil indispensable de gestion et un marqueur de l’autonomie
patrimoniale du syndicat68. C’est la raison pour laquelle le législateur a pré­
cisé que ce compte ne peut faire l’objet d’une convention de fusion ou de
compensation avec tout autre compte, particulièrement les comptes du syn­
dic, et que les intérêts produits étaient acquis au syndicat des copropriétai­
res. Même si l’établissement bancaire est en principe choisi par le syndic,
sous réserve d ’un vote de l’assemblée générale à la majorité des voix de
tous les copropriétaires, la tenue des comptes ne doit pas constituer une
rémunération indirecte de ses prestations. Un compte bancaire distinct est
réservé aux cotisations au fonds de travaux prévu par l’article 14-269. Par
exception, l’assemblée générale des syndicats de moins de 15 lots à usage
de logements, bureaux ou commerces, statuant à la majorité des voix de

63. L. 10juill. 1965, art. 26-6.


64. Sur les modalités d ’un tel constat, v. D. 17 mars 1967, art. 38.
65. L. 10juill. 1965, art. 26-7.
66. L. 10juill. 1965, art. 26-8.
67. L. lOjuill. 1965, art. 18. III.
68. Le syndicat peut d ’ailleurs être titulaire d ’un livretA, dont le plafond varie en fonction du
nombre de lots de copropriété (76 500 euros, voire 100 000 euros pour les syndicats de copro­
priétaires dont le nombre de lots à usage de logements, de bureaux ou de commerces est
supérieur à 100 (C. mon. fin., art. R. 221-2)).
69. L. 10juill. 1965, art. 18, III.
LE SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES 85

tous les copropriétaires, peut dispenser le syndic professionnel d’ouvrir un


compte bancaire séparé, pour une durée déterminée.

§ 2. La pluralité au sein du syndicat


A. La division du syndicat
128. Présentation. - Une difficulté souvent soulignée dans l’organisation de la
copropriété tient à la mauvaise adaptation de ce régime aux immeubles
comprenant un nombre important de lots. Afin de favoriser la prise de déci­
sion dans la gestion de l’immeuble, il peut être intéressant de créer un syn­
dicat secondaire, voire de le scinder en modifiant la répartition de la pro­
priété.

1. Les syndicats secondaires


129. Présentation. - La création d ’un syndicat secondaire répond au souhait de
simplifier la gestion de l’immeuble et de la rapprocher des copropriétaires,
spécialement dans de grands ensembles.
130. Constitution du syndicat secondaire. - Elle peut résulter d’une clause du
règlement de copropriété dès l’origine ou d’une délibération, suivant les
dispositions de l’article 27 : « lorsque l’immeuble comporte plusieurs bâti­
ments, les copropriétaires dont les lots composent l’un ou plusieurs de ces
bâtiments peuvent, réunis en assemblée spéciale, décider, aux conditions
de majorité prévues à l’article 25, la constitution entre eux d’un syndicat,
dit secondaire ». Deux conditions cumulatives sont donc requises'0.
La première, la pluralité de bâtiments, demeure controversée. La loi, il est
vrai, ne l’explicite pas. Une conception souple permettrait d’y intégrer les
immeubles qui, bien qu’étant uniques, sont dotés d ’entrées séparées, sans
communication interne. Le syndicat secondaire serait alors chargé d ’admi­
nistrer une entrée, une cage d’escalier, plutôt qu’un bâtiment. Dans une
approche stricte, il conviendrait de caractériser des « constructions indé­
pendantes les unes des autres, même si ces constructions sont desservies
par des équipements ou aménagements communs »71. La jurisprudence se
montre sensible à cette dernière conception lorsqu’elle se réfère au critère
de l’unicité du gros œuvre, peu important la pluralité de numéros'2. Peu
importe à cet égard que les bâtiments possèdent des hauteurs différentes,

70. La Cour de cassation ajoute à ces deux conditions l’exigence que le syndicat secondaire ne
soit pas composé d ’un seul lot (Cass. 3e civ., 28janv. 2016, n° 14-29582).
71. Rép. min, JOAN 27 août 1966, p. 2879.
72. Cass. 3e civ., 26 févr. 1997, n° 95-12709 ; Cass. 3" civ., 23janv. 1973 : Gaz. Pal. 1973, 1, 334, note
M. M orand.
86 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

dès lors qu’ils sont édifiés d’un seul tenant . La volonté des copropriétaires
se heurte à la condition d ’ordre public posée par la loi. On pourrait regret­
ter que le souci d ’individualiser la gestion de la copropriété se trouve ainsi
limité, ce dont l’ordonnance du 30 octobre 2019 a tenu compte.
La constitution d ’un syndicat secondaire requiert en outre une seconde
condition, la manifestation de volonté des copropriétaires74. Bien qu’elle
ne soit pas expressément mentionnée par la loi, il n ’est pas contesté que
le règlement de copropriété puisse prévoir, dès l’origine, la constitution
de syndicats secondaires ‘ ° . L’article 27 permet également leur création au
cours de la vie de la copropriété, par la réunion d ’une assemblée spéciale
des copropriétaires concernés. Peu importe, donc, l’éventuel accord du syn­
dicat principal, la décision des copropriétaires créant un syndicat secon­
daire s’imposant aux autres''’. L’assemblée spéciale statue à la majorité de
l’article 25, soit la majorité des voix des copropriétaires du bâtiment.
131. Simplification de la création de syndicats secondaires.

L’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 modifie la rédaction de


l’article 27 de la loi, afin de faciliter le recours à des syndicats secondai­
res. Le premier alinéa vise désormais l’immeuble qui « comporte plu­
sieurs bâtiments ou plusieurs entités homogènes susceptibles d ’une ges­
tion autonome ». L’ajout de la notion d’« entité homogène » permet
d’ouvrir la voie du syndicat secondaire en dehors des hypothèses d’une
pluralité de bâtiments matériellement distincts. Concrètement, rien ne
devrait empêcher la constitution de syndicats secondaires dans un
immeuble indivisible au sol, mais dont les composantes présentent une
indépendance fonctionnelle suffisante, notamment des entrées séparées.
Favorisant la proximité du syndicat à l’égard des copropriétaires, le légis­
lateur opère une forme de « décentralisation » de la gestion de
l’immeuble77.

73. Cass. 3e civ., 20 mai 2009, n° 07-22051, 08-10043, 08-10495 : Bull. civ. III, n° 113 ; Defrénois 2009,
p. 1506, obs. C. A tias.
74. En revanche, « la circonstance que le règlement de copropriété prévoie des parties commu­
nes spéciales et que soient appelées des charges spéciales sur lesquelles seuls les copropriétai­
res concernés sont appelés à délibérer ne suffit pas à caractériser la création d ’un syndicat
secondaire des copropriétaires» (Cass. 3e civ., 14 mars 2019, n° 18-10214: Defrénois 2019,
n° 151v9, obs. L.-A. P oletti).
75. V. implicitement, Cass. 3e civ., 20 mai 2009, préc.
76. Cass. 3e civ., 8juin 2006, n°05-11190: BuU.cw.Ul, n°141; Cass. 3e civ., 22sept. 2004, n°03-
10069 : Bull. civ. III, n° 156. Au demeurant, la constitution d ’un syndicat secondaire n ’a pas
pour effet de constituer les copropriétaires des lots restants en syndicat secondaire (CA Paris,
4 mai 1979 : D. 1980, IR, p. 450, obs. C. G ivf.rdon).
77. F. T erré et P. Simler, Droit civil. Les biens, 12e éd., Dalloz, 2018, n° 656.
LE SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES 87

132. Fonctions du syndicat secondaire. - À la création du syndicat secondaire


sont attachées plusieurs conséquences. Tout d’abord, il est doté de la per­
sonnalité juridique, indépendamment des formalités de publicité
foncière'8. Dans l’hypothèse où sa constitution serait ultérieurement remise
en cause (annulation de la délibération ou clause du règlement de copro­
priété réputée non écrite), notamment en l’absence d ’une pluralité de bâti­
ments, sa suppression ne prendrait effet que pour l’avenir. La personnalité
juridique du syndicat des copropriétaires, opposable aux tiers, aura produit
ses effets jusqu’au prononcé de la décision79. Ce principe est d ’autant plus
important que le syndicat secondaire assume les mêmes fonctions de ges­
tion et d ’entretien que le syndicat général, s’agissant du bâtiment dont il a
la charge.
Le syndicat secondaire est, ensuite, titulaire d’un patrimoine propre et dis­
pose du droit d’agir en justice pour la défense des intérêts qu’il
représente80. Son organisation est identique à celle de tout syndicat de
copropriétaires, ce qui implique la réunion d’assemblées générales, la dési­
gnation d’un syndic et une nouvelle répartition des charges entre les copro­
priétaires. Cette spécialisation des charges nécessite une modification du
règlement de copropriété et aboutit à distinguer les sommes exposées au
titre de la gestion et de l’entretien du bâtiment (charges spéciales) des
frais afférents à l’entretien de l’ensemble de la copropriété (charges géné­
rales).
133. Répartition des pouvoirs entre le syndicat principal et le syndicat secon­
daire.- Le syndicat secondaire ne fait pas disparaître le syndicat principal.
Certes, l’existence d’une collaboration renforcée entre les copropriétaires
d ’un même bâtiment justifie une représentation spécifique du syndicat
secondaire au conseil syndical du syndicat principal81. Dans le même esprit,
lors de l’assemblée générale du syndicat principal, le président du conseil
syndical secondaire peut être mandaté pour représenter les copropriétaires
du syndicat secondaire82. Son mandat d’une durée d’un an emporte délé­
gation de vote de tous les copropriétaires pour les décisions relevant de la
majorité de l’article 24. Pour les autres décisions, il ne prend part au vote
que s’il dispose d’un mandat spécial.
Néanmoins, le syndicat secondaire ne dispose que d’une autonomie limi­
tée. Il n ’est pas même membre du syndicat principal, à la différence des

78. Cass. 3e civ., 4févr. 2004, n° 02-14742 : Bull. cm. III, n°21.
79. Cass. 3e civ., 20 mai 2009, préc.
80. Cass. 3' civ., 11 mai 2000, n” 98-17268 : BuU. civ. III, n° 102.
81. D. 17 mars 1967, art. 22 et 24.
82. L. 10juill. 1965, art. 22, II. L’assemblée générale du syndicat secondaire statue à la majorité
de l’article 25.
88 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

unions de syndicats8’. Sa compétence est limitée aux seules questions qui


intéressent le bâtiment qu’il administre. À l’inverse, le syndicat principal
demeure seul compétent pour la défense des intérêts relevant de l’en­
semble de la copropriété.
2. La scission du syndicat
134. Présentation. - La scission du syndicat répondait initialement à un objectif
similaire à la création de syndicats secondaires84. Par la « réduction des
dimensions de l’immeuble »8a, les copropriétaires recréeraient une proxi­
mité favorable à une meilleure gestion. La scission pouvait également être
utilisée par un promoteur qui choisissait de retirer de la copropriété une
partie non bâtie d’un programme immobilier inachevé, afin de trouver
une liberté que ne lui offre pas la qualification de lot transitoire86. Dans
ces deux hypothèses, la scission ne s’apparente cependant pas à une simple
opération de gestion, puisqu’elle affecte la répartition fondamentale de la
propriété. Après une première modification substantielle de l’article 28 de
la loi de 1965 par la loi SRU, qui a substitué le terme « division » à celui de
« scission », lequel demeure largement usité, la loi ALUR a refondu son
régime en y ajoutant la possibilité d’une division en volumes de
l’immeuble8/.
135. Conditions de la scission. - Tout comme la création d’un syndicat secon­
daire, la scission d’un syndicat requiert d’abord une pluralité de bâtiments,
qu’ils soient détenus par un ou plusieurs copropriétaires. La pluralité de
bâtiments devrait renvoyer à un critère d’unicité du gros œuvre de l’im­
meuble. Retenant une acception large, la jurisprudence a cependant
admis que soient retirées des parties non bâties (lots transitoires)88. Cela
peut s’expliquer par la seconde condition, cumulative, posée par le texte :
la possibilité de division du sol en propriété. Le juge vérifie que la division
était réalisable89, ce qui s’entend tant matériellement que juridiquement90.
83. L. lOjuill. 1965, art 29.
84. G. D elattre et C. B ecqué-D everre, « Regards sur la pratique de la scission amiable de copro­
priété », JCP N 2007, 1186.
85. P. C apoulade et D. T omasin (dir.), La copropriété, op. cit., n° 324-81.
86. Cass. 3e civ., 30 sept. 1998, n° 96-21904 : Bull. cru. III, n° 182.
87. T. Delesalle, « La scission de copropriété en volumes », AJDI2015, p. 35 ; N. Le Rudulier, « La
scission de copropriété après la loi ALUR», Loyers et copr. 2014, Etude 11 ; D.T omasin, «La
scission de copropriété : état de la règlementation et de la jurisprudence », Droit et Ville
2019/1, n° 87, p. 311.
88. Cass. 3' civ., 30 sept. 1998, n° 96-21904 : Bull. civ. III, n° 182.
89. Cass. 3' civ., 4juill. 1990, n° 88-18191 : Bull. civ. III, n" 165.
90. Pour une hypothèse de lot consütué d’un droit de jouissance exclusif sur un terrain et d’un
droit de construire, v. Cass. 3e civ., 29janv. 1997, n° 94-19548 : Bull. civ. III, n° 26.
LE SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES 89

Il faut à cet égard tenir compte des contraintes d’urbanisme (absence d’ac­
cès à la voie publique, réglementation des lotissements, etc.), voire de la
destination de l’immeuble 11.
136. Modalités de la scission92. - L’article 28 distingue apparemment deux éta­
pes : le principe de la scission et les conditions de sa réalisation. Il est cepen­
dant possible de procéder à un vote unique9’. La procédure varie légère­
ment suivant que le bâtiment retiré appartient à un ou plusieurs
copropriétaires. Dans le second cas, il sera nécessaire que préalablement à
toute demande, ces propriétaires se réunissent en assemblée spéciale afin
de décider, à la majorité de l’article 25, de demander leur retrait du syndi­
cat initial. La décision finale revient cependant à l’assemblée générale du
syndicat, lequel, qu’il soit saisi à la requête d’un ou plusieurs copropriétai­
res, statue à la majorité des voix de tous les copropriétaires. Ce vote peut
directement intégrer le règlement des conditions matérielles, juridiques et
financières nécessitées par la division. Il peut également se contenter
d’adopter le principe de la scission, l’ancien règlement de copropriété
demeurant alors applicable dans l’intervalle94. Pour que la scission
devienne effective, il faut en effet que soient prévus une nouvelle réparti­
tion des parties communes9 ’ et l’état descriptif de division correspondant,
la situation des éléments d’équipements qui ne peuvent faire l’objet d’une
division, ainsi que le règlement de copropriété et l’état de répartition des
charges des nouveaux syndicats. La dissolution du syndicat initial viendra
clore cette procédure.
137. Division en volumes. - Depuis la loi ALUR, la scission du syndicat peut
prendre la forme d’une division en volumes d’un ensemble immobilier
complexe soumis au statut de la copropriété99. Au fond, une telle division
ne peut concerner qu’un ensemble immobilier comportant soit plusieurs
bâtiments distincts sur dalle, ce qui exclut toute indivision du sol, soit plu­
sieurs entités homogènes affectées à des usages différents, dès lors qu’elles
sont susceptibles d’une gestion autonome. A contrario, le texte écarte

91. V. en ce sens, C. A tias et N. L e R udulier, Rép. civ. Dalloz, v° « Copropriété des immeubles bâtis :
statut et structures », 2018, n°654, qui considèrent que « l’absence de référence, dans l’arti­
cle 28 de la loi, à ce critère général ne doit pas éliminer le respect du principe fondamental
de droit commun en copropriété immobilière ».
92. G. V igneron etJ.-M. R oux , «Scission de copropriété: accord des copropriétaires», Loyers et
copr. 2012, Formule 7.
93. En ce sens, CA Paris, 11 mars 2004 : Loyers et copr. 2004, comm. 135, obs. G. V igneron.
94. Cass. 3e civ., 28juin 1995, n” 93-12692 : Bull. civ. III, n" 156.
95. Ce qui implique d’en estimer la valeur. Sur cette question, v. N. B enoit, « L’estimation de la
valeur vénale des parties communes dans le cadre d ’un projet de scission de copropriété »,
AJDI2018, p. 842.
96. L. 10juill. 1965, art. 28, IV.
90 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

expressément que la procédure soit utilisée pour diviser en volumes un


bâtiment unique. La mise en œuvre de cette procédure est soumise à
l’avis préalable du maire de la commune et l’autorisation du représentant
de l’État dans le département. Ce dispositif est indépendant de la division
en volumes rendue possible en cas de copropriété en difficultés.
138. Division en volumes dans l’ordonnance du 30 octobre 2019.

Considérant que la saisine préalable pour avis du maire et l’autorisation


requise du représentant de l’État dans le département ne se justifieraient
pas, la décision de diviser en volumes relevant « de la volonté souveraine
du syndicat des copropriétaires »9/, l’ordonnance n° 2019-1101 du
30 octobre 2019 les a supprimées au nom de la simplification. Curieux
art législatif contemporain qui conduit, au gré des majorités, à instaurer
un contrôle puis à le supprimer sans qu’aucun des deux choix ne
paraisse motivé autrement que par le recours à des lieux communs de
la rhétorique politique-

ISO. Redimensionnement judiciaire des copropriétés en difficulté. - Face à une


dégradation de la solvabilité des copropriétaires mettant en péril l’équilibre
financier du syndicat des copropriétaires, la reconfiguration du syndicat est
une technique offerte au juge. Depuis la loi ALUR, lorsque « la gestion et le
fonctionnement normal de la copropriété ne peuvent être rétablis autre­
ment », celui-ci peut alors constituer des syndicats secondaires, voire diviser
le syndicat98. Il est donc possible d ’opérer une division en volumes de l’im­
meuble sans parties communes indivises. Ce n ’est d’ailleurs qu’une pre­
mière étape, le juge pouvant même exproprier les parties communes de
l’immeuble au profit de la commune ou d’un EPCI99.

B. Les unions de syndicats


140. Consistance de l’union. - L’union de syndicats est un « groupement doté de
la personnalité civile, dont l’objet est d’assurer la création, la gestion et l’en­
tretien d’éléments d’équipement communs ainsi que la gestion de services
d’intérêt commun »10°. De manière paradoxale, si l’on en juge par les mesu­
res favorisant la réduction des dimensions des copropriétés, l’union de syndi­
cats vise pourtant à assurer une meilleure gestion d ’ensembles immobiliers

97. Rapport sur l’ordonnance du 30 octobre 2019.


98. L. 10juill. 1965, art. 29-8, I.
99. CCH, a r t L. 615-10, qui crée à titre expérimental une possibilité d ’expropriation des parties
communes. V. infra, n° 185.
100. L. lOjuill. 1965, art. 29.
LE SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES 91
composés de plusieurs copropriétés distinctes. « Structure de type
confédéral »l01, l’union permet d’étager les niveaux de prise de décision.
Une telle union peut comprendre des syndicats de copropriétaires, à l’ex­
clusion des copropriétaires eux-mêmes102, des sociétés civiles immobilières,
des sociétés d’attribution et tout propriétaire d’un immeuble contigu ou
voisin103. L’adhésion d’un syndicat requiert une délibération de son assem­
blée générale104, statuant à la majorité des voix de tous les copropriétaires,
la majorité de l’article 26 étant exigée en cas de retrait105.
141. Missions de l’union. - Dotée de la personnalité civile, l’union a vocation à
réaliser l’ensemble des missions qui lui ont été assignées par ses membres,
ce qui lui permet notamment d’être propriétaire des biens nécessaires à la
réalisation de son objet. Le fonctionnement de l’union est prévu par les
statuts, ce qui offre un espace de liberté plus important que le statut de la
copropriété. Un avantage significatif réside dans la simplification de la
tenue de l’assemblée générale de l’union, composée des syndics de chaque
syndicat, des représentants légaux des sociétés et des autres propriétaires
ayant adhéré. L’assemblée élit un président dont la gestion est contrôlée
par un conseil de l’union, composé d’un représentant désigné par chaque
membre106. L’union de syndicats préfigure le projet de simplification de la
gestion des grandes copropriétés porté par le GRECCO mais non repris par
l’ordonnance du 30 octobre 2019.

Section 2. — Le rôle du syndicat des copropriétaires


142. Plan. - Les attributions du syndicat sont énumérées par la loi et justifient un
régime spécial de responsabilité.

101. F. T erré et P. Simler, Droit civil Les biens, 10e éd., Dalloz, 2018, n° 657.
102. Cass. 3e civ., 26 févr. 2003, n° 00-21235 : Bull. civ. III, n° 50 ; D. 2003, p. 995, note C. A tias.
103. Sur l’hypothèse spécifique des unions coopératives, prévue par l’article 93,1, de la loi n° 2006­
872 du 13juillet 2006 portant engagement national pour le logement, v. infra, n° 166.
104. Cass. 3' civ., 3 mars 2010, n° 09-11709 : Bull. civ. III, n° 51 : « l’adhésion à une union de syndi­
cats relève des prérogatives de l’assemblée générale des copropriétaires ».
105. Retrait qui ne peut être interdit par les statuts (art 29, al. 3).
106. Pour un syndicat de copropriétaires, la désignation du représentant a lieu par l’assemblée
générale statuant à la majorité de l’article 24.
92 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

§ 1. Les attributions du syndicat


143. Expression d’un intérêt collectif. - L’intérêt collectif, quoique discuté107,
est souvent considéré comme un critère de l’attribution de la personnalité
morale. Dirigée vers un but, celle-ci porterait l’expression d’un intérêt col­
lectif, susceptible d’être défendu en justice108. Si l’on présente la copro­
priété comme un « groupe de personnes qui se soude autour d ’un intérêt
collectif - l’exercice utile et harmonieux de la propriété des biens en copro­
priété, dans l’intérêt collectif des copropriétaires », le syndicat est alors « la
structure de représentation de cet intérêt»109. Dans l’esprit du droit des
groupements, on pourrait envisager de conférer au syndicat des coproprié­
taires une finalité plus communautaire, en lui imposant de tenir compte
d ’enjeux sociaux ou environnementaux110. Le législateur français maintient
cependant une analyse fondée sur un modèle propriétaire strict.
144. Principe de spécialité des personnes morales. - Le syndicat « a pour objet la
conservation de l’immeuble et l’administration des parties communes »1U.
C’est, au fond, l’organisation générale de la copropriété qui lui est confiée.
Mais l’exercice de ses missions se réalise par l’intermédiaire de ses organes,
assemblée générale et syndic et, dans une moindre mesure, conseil syndi­
cal. C’est pourtant le syndicat qui est le garant de la réalisation de son objet,
soit en exerçant des actions en justice à l’encontre de copropriétaires ou de
tiers112, soit en étant lui-même poursuivi.
145. Établissement et modification du règlement de copropriété.- Première
attribution conférée par le législateur au syndicat des copropriétaires, l’éta­
blissement et la modification du règlement de copropriété ne constituent
pourtant, en pratique, qu’une dimension résiduelle. Le plus souvent, le
règlement est établi par le promoteur ou le propriétaire ayant divisé son
immeuble, de sorte qu’il est rare qu’un syndicat soit chargé de le
concevoir113. Quant à sa modification, si elle relève effectivement du syndi­
cat, l’enjeu principal réside plutôt dans la décision de l’assemblée générale
chargée de l’adopter114.

107. V. not., récemment, G. F arjat, « Entre les personnes et les choses, les centres d ’intérêts. Pro­
légomènes pour une recherche », RTD civ. 2002, p. 221 ; J. T héron , « De la “communauté
d’intérêts” », RTD civ. 2009, p. 19.
108. Sur le contentieux de la copropriété, v. infra, n° 147 et s. et 229 et s.
109. J. R ochfeld , Les grandes notions du droit privé, 2e éd., PUF, 2013, n°25.
110. Sur cette idée, v. G. C hantepie, « La transition énergétique dans les copropriétés », AJDI2020,
p. 84.
111. L. 10juill. 1965, art. 14, al. 4.
112. Sur cette question, v. infra, n° 147ets.
113. X. supra, n° 74.
114. X. infra, n° 221.
LE SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES 93

146. Conservation de l’immeuble et administration des parties commîmes. - La


mission essentielle du syndicat est dirigée vers l’immeuble en copropriété.
L’article 14 de la loi de 1965 lui donne pour objet la conservation de l’im­
meuble et l’administration des parties communes. La conservation de l’im­
meuble s’entend de manière large, à deux titres. D’une part, l’immeuble
étant visé, et non les seules parties communes, les pouvoirs du syndicat
s’étendent aux parties privatives, dans les limites des droits des coproprié­
taires et du règlement de copropriété11’. D’autre part, la conservation doit
être entendue de manière dynamique, en intégrant notamment une
dimension d’amélioration de l’immeuble rendue nécessaire par les évolu­
tions techniques.
Quant à l’administration des parties communes, elle semble restreindre les
pouvoirs du syndicat en excluant tout acte de disposition. Il n’en est pour­
tant rien, l’assemblée générale pouvant décider de disposer de parties com­
munes ou de parties privatives dont le syndicat serait propriétaire116. Néan­
moins, en définissant dans une disposition impérative l’objet du syndicat, le
législateur a exclu certains actes. Notamment, le syndicat ne saurait acqué­
rir des parts sociales d ’une société civile immobilière propriétaire de biens
immobiliers extérieurs à la copropriété11'. De même, l’objet du syndicat ne
saurait être étendu en dehors d’hypothèses limitativement prévues par le
législateur118.
147. Exercice des actions en justice. - Le caractère essentiellement impératif du
statut de la copropriété issu de la loi du lOjuillet 1965 n ’a pas réduit le rôle
du juge ni tari le contentieux. Sans doute faut-il y voir une manifestation de
« la divergence entre les intérêts individuels des copropriétaires et ceux,
plus généraux, de la collectivité qu’ils forment»119. L’examen détaillé du
contentieux de la copropriété conduirait à dépasser les limites de cet
ouvrage1' 11. Son volume considérable n ’est pas pour rien dans l’image que
revêt parfois le statut de la copropriété auprès des professionnels.
148. Prescription de l’action. - La prescription des actions personnelles nées de
l’application de la loi du lOjuillet 1965 a longtemps présenté un caractère
dérogatoire au droit commun. Dans sa rédaction initiale, l’article 42 fixait le
délai à 10 ans, sans préjudice des textes spéciaux prévoyant des délais plus
courts. Or les règles issues de la loi du I7juin 2008 relevant du droit

115. P. C apoulade et D. T omasin (dir.), La copropriété, op. cit., n° 321-87.


116. L. 10juill. 1965, art. 26, a).
117. Cass. 3e civ., 4 nov. 2009, n° 08-18979 : Bull. civ. III, n° 242.
118. Sur les résidences-services, v. infra, n° 167 et s.
119. D. T omasin , « Le juge et la copropriété », Mélanges Roger Perrot, Dalloz, 1996, p. 499, n° 2.
120. Pour une étude complète, v. P. C apoulade et D . T omasin (dir.), La copropriété, op. cit., n°5.09
et s.
94 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS
commun, elles ne devaient pas déroger à l’article 42, quoique fixant des
délais plus courts. La loi ELAN a rompu avec ce particularisme du droit
de la copropriété, soumettant désormais les actions personnelles relatives
à la copropriété entre copropriétaires ou entre un copropriétaire et le syn­
dicat aux dispositions de l’article 2224 du Code civil relatives au délai de
prescription et à son point de départ121, le jour où le titulaire du droit a
connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer122. Si les
actions réelles en sont exclues, le champ d’application de l’article 42
demeure très vaste, qui couvre des actions aussi diverses que celles en
recouvrement de charges ou en exécution d’une décision d’assemblée,
exercées par le syndicat à l’égard d’un copropriétaire, ou les actions en res­
ponsabilité émanant d’un copropriétaire à l’encontre du syndicat. En
revanche, demeurent exclues du champ d’application du texte les actions
exercées par le syndicat à l’encontre de tiers ou du syndic, et les actions
émanant de tiers. De fait, la question ne présente plus, désormais, la
même importance, le droit spécial de la copropriété étant aligné sur le
droit commun de la prescription.
149. Répartition de la qualité pour agir. - L’article 15 de la loi du 10juillet 1965
prévoit une répartition des actions entre le syndicat et les copropriétaires,
laquelle est insusceptibles d’aménagements dans le règlement de
copropriété123. Le syndicat se voit attribuer la qualité pour agir en justice
tant en demande qu’en défense, même contre certains des copropriétaires.
Cette qualité est cependant partagée, tout copropriétaire pouvant exercer
seul les actions concernant la propriété ou la jouissance de son lot, à charge
d’en informer le syndic. L’article 15 ne peut cependant être lu sans se réfé­
rer à l’article 14, alinéa 4, de la loi, qui énonce que le syndicat « a pour objet
la conservation de l’immeuble et l’administration des parties
communes »124. La loi de 1965 opère ainsi une répartition entre les actions
des copropriétaires individuels et celles du syndicat.
150. Qualité pour agir. Actions des copropriétaires. - La loi du lOjuillet 1965
restreint de manière significative le droit pour un copropriétaire d’agir
individuellement. Certes, lorsqu’une action est de sa compétence, il n’a
pas à obtenir l’autorisation de l’assemblée générale et doit seulement infor­
mer le syndic12’. Néanmoins, les hypothèses sont strictement encadrées. En
dehors des actions qui lui sont attribuées spécifiquement (ex. révision des
121. L. lOjuill. 1965, art. 42, al. 1er.
122. V. déjà, Cass. 3e civ., 19 nov. 2015, n° 14-17784, retenant la date à laquelle les désordres ont été
connus (opérations d’expertise).
123. L. lOjuill. 1965, art. 43.
124. À compter du 1erjuin 2020, l’article 14 donne également pour objet au syndicat l’améliora­
tion de l’immeuble (L. lOjuill. 1965, art 14, réd. ord. 30oct. 2019).
125. L. lOjuill. 1965, art. 15, al. 2 ; D. 17 mars 1967, art. 51.
LE SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES 95

charges, contestation des décisions d ’assemblée générale), le coproprié­


taire est égalem ent seul habilité à défendre ses pardes privatives. Il en va
ainsi, notam m ent, lorsque le copropriétaire cherche à obtenir l’exécution
des engagem ents souscrits par un contractant relativement à ses parties
privatives . En revanche, l’action ayant pour objet la défense des parties
comm unes relève d ’abord du syndicat. Néanmoins, il a toujours été admis
q u ’un copropriétaire pouvait agir seul lorsque le fait générateur du préju­
dice subi par la collectivité lui causait, en m êm e temps, un préjudice per­
sonnel. Cette solution s’impose nécessairement dans l’hypothèse d ’une vio­
lation du règlem ent de copropriété127. En cas d ’atteinte aux parties
comm unes (percem ent, obturation, détérioration, etc.), la solution retenue
par la jurisprudence a évolué à plusieurs reprises128. La Cour de cassation
retient désormais que l’intérêt légitime du copropriétaire réside dans l’exis­
tence d ’un préjudice personnel éprouvé dans la jouissance ou la propriété
soit des parties privatives comprises dans son lot soit des parties
com m unes129. Ainsi, lorsque l’auteur des dommages qui affectent les par­
ties communes est un tiers, le copropriétaire doit nécessairement dém on­
trer q u ’il a subi un préjudice personnel dans la jouissance ou la propriété
de ses parties privatives ou des parties com m unes120. À cet égard, la C our de
cassation exige que le copropriétaire rapporte la preuve du préjudice per­
sonnel q u ’il a subi, à peine d ’irrecevabilité131. C’est le cas, notam m ent, dans
l’hypothèse où la partie com m une ayant fait l’objet d ’une atteinte était
affectée à la jouissance exclusive d ’un lot de copropriété. Il va de soi, en
effet, que le copropriétaire qui bénéficie de la jouissance exclusive sur
une partie com m une subit un préjudice spécifique qui rend son action
recevable132.
La solution est cependant plus souple lorsque l’auteur des atteintes portées
aux parties comm unes est un copropriétaire. Dans ce cas, il n ’est pas néces­
saire de dém ontrer l’existence d ’un préjudice personnel, la Cour de cassa­
tion retenant alors que « chaque copropriétaire a le droit d ’exiger le res­
pect du règlem ent de copropriété ou la cessation d ’une atteinte aux
parties comm unes par un autre copropriétaire, sans être astreint à

126. Cass. 3cciv., 28avr. 1981 : Bull civ. Ill, n°83 (action en garantie des vices cachés).
127. V.noL, Cass. 3e civ„ 22mars 2000, n°98-13345 et98-15595: Bull. civ. III, n°64; Cass.3eciv„
11 févr. 2016 (2 arrêts), n° 14-29848 et n° 14-12968.
128. Sur cette évolution jurisprudentielle, v. P. C apoulade et D. T omasin (dir.), op. cil., n° 513.41 ets.
129. Cass, y civ., 30juin 1992, n° 90-17640 : Bull. civ. III, n° 229.
130. Cass. 3' civ., 16juiU. 1996, n" 94-18259.
131. Cass. 3' civ., 9juin 1999, n° 97-19834.
132. Cass. 3eciv., lOfévr. 2010, n°09-10418 e t 09-14265.
96 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS
démontrer qu’il subit un préjudice personnel et distinct de celui dont souf­
fre la collectivité des membres du syndicat»133.
151. Qualité pour agir. Actions du syndicat. - L’article 15 de la loi donne au syn­
dicat « qualité pour agir en jusüce, tant en demandant qu’en défendant,
même contre certains des copropriétaires », lui permettant notamment
d’« agir, conjointement ou non avec un ou plusieurs de ces derniers, en
vote de la sauvegarde des droits afférents à l’immeuble ». Ses acdons décou­
lent de ses attributions, prévues par l’article 14, c’est-à-dire la conservation
de l’immeuble et l’administration des parties communes. En outre, même
si elle n’est pas exclusive, sa compétence ne souffre pas de discussion s’agis­
sant du respect du règlement de copropriété. Les difficultés se concentrent
surtout sur la « sauvegarde des droits afférents à l’immeuble », qui donne
lieu à une articulation délicate entre les compétences respecüves des copro­
priétaires et du syndicat. Le syndicat devra prouver que le trouble présente
un caractère collectif. Un tel caractère n’est pas douteux lorsqu’une
atteinte aux parties communes est constatée134, même si des dommages
affectent également des parties privatives13'’. Il ne peut en revanche agir
lorsque l’atteinte n’affecte que des parties privatives136, sauf à envisager
que l’atteinte concerne tous les lots13'.
152. Elargissement de l’objet du syndicat.
L’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 ajoute une finalité à l’ob­
jet du syndicat, lequel comprend la conservation et l’amélioration de
l’immeuble, ainsi que l’administration des parties communes. Cet ajout
présente un double intérêt: technique, il justifie le recours à la «passe­
relle » de l’article 25-1 pour les travaux d’amélioration138 ; symbolique, il
témoigne de l’importance pour les copropriétaires d’anticiper des tra­
vaux en adaptant l’immeuble aux exigences contemporaines, notam­
ment en matière de rénovation énergétique.

133. Cass. 3e civ., 29 mars 2011, n° 10-16487. V. également, Cass. 3e civ., l erjuill. 2008, n° 07-15729 ;
Cass. 3" civ., 4 nov. 2008, n° 07-18067.
134. V. not., Cass. 3e civ., 24juin 2015, n° 14-15205 ;/CP2015, 1221, n° 12, obs. H. Perinet-Marquet.
135. Cass. 3e civ., 23juin 2004, n° 03-10475.
136. V. not., Cass. 3e civ., 12 mai 1993, n° 91-11878.
137. Cass. 3e civ., 27 sept. 2000, n° 98-22243.
138. Rapport sur l’ordonnance du 30 octobre 2019. V. également, J. L afond, « Le syndicat de
copropriétaires après l’ordonnance du 30 octobre 2019 », Loyers et copr. 2020, dossier 3, n° 11.
LE SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES 97

§ 2. La responsabilité du syndicat
153. Responsabilités du syndicat. - La responsabilité du syndicat comprend plu­
sieurs facettes. En tant que personne morale, il est théoriquement soumis à
la responsabilité pénale, notamment pour manquement à une obligadon
de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement139. C’est
toutefois la responsabilité civile du syndicat qui suscite un contentieux
abondant, en partie lié à l’articulation entre droit spécial de la copropriété
et droit commun de la responsabilité civile.

A. La responsabilité fondée sur l’article 14 de la loi du lOjuillet 1965


154. Régime spécial. - Le législateur a fait le choix se soumettre le syndicat des
copropriétaires à un régime spécial de responsabilité. Suivant immédiate­
ment la définition de son objet, la responsabilité y est naturellement atta­
chée. L’article 14, alinéa 4, prévoit ainsi qu’« il est responsable des domma­
ges causés aux copropriétaires ou aux tiers par le vice de construction ou le
défaut d ’entretien des parties communes, sans préjudice de toutes actions
récursoires ». Puisqu’il n ’est pas le propriétaire de l’immeuble, la responsa­
bilité du syndicat relève d’une forme d’attribution des risques liée à la
conservation de l’immeuble et à l’entretien des parties communes140. À
cet égard, la responsabilité de l’article 14 se rapproche, sur le plan de son
fondement, de la responsabilité du fait des choses.
155. Articulation entre l’article 14 de la loi du lOjuillet 1965 et l’article 1244 du
Code civil. - Le texte est évidemment inspiré de l’article 1244 du Code civil,
dont il se démarque cependant sur deux points. D’une part, contrairement
au régime de droit commun, la responsabilité fondée sur l’article 14 ne
dépend pas de la «ruine» du bâtiment141. D’autre part, elle ne saurait
reposer sur la propriété de l’immeuble, le syndicat n’étant pas propriétaire
des parties communes142. On ne retrouve donc pas, à l’égard du syndicat, la

139. P. C apoulade et D. T omasin (dir.), La copropriété, op. cit., n° 321-211.


140. Ce qui est exclu dans l’hypothèse de parties communes spéciales. V. ainsi, écartant la respon­
sabilité du syndicat, Cass. 3e civ., 7juill. 2015, n° 14-12666.
141. V. par ex., Cass.3e civ., 27 nov. 1991, n°89-17185: Bull. civ. III, n° 293. La jurisprudence a
cependant rapproché les deux régimes en admettant l’application de l’article 1242, alinéa 1",
lorsque le dommage n ’a pas été causé dans les circonstances prévues par l’article 1386
(Cass. 2 'civ., 16oct. 2008, n° 07-16967: Bull. civ. II, n°211; Cass. 2e civ., 22oct. 2009, n°08-
16766 : Bull. civ. II, n° 255). L’absence de ruine du bâtiment ne fait donc plus nécessairement
obstacle à la responsabilité du propriétaire, que l’immeuble soit ou non en copropriété.
142. En droit commun, la jurisprudence a cependant admis que le gardien non propriétaire pou­
vait être tenu responsable sur le fondement de l’article 1242, alinéa 1er, en cas de dommage
causé par le bâtiment (Cass. 2e civ., 23 mars 2000, n° 97-19991 : Bull. civ. II, n° 54).
98 LA COPROPRIETE DES IMMEUBLES BATIS

responsabilité restrictive de l’article 1244, souvent contestée143. Aussi l’inté­


rêt pratique de l’articulation des deux textes peut-il paraître limité.
Un arrêt a pourtant retenu, en s’appuyant sur la propriété indivise des parties
communes, que l’on ne pouvait écarter l’application de l’article 1244 du Code
civil et retenir la responsabilité du syndicat des copropriétaires sur le fondement
de l’article 1242, alinéa 1er, du même code144. Certes, cet arrêt doit s’apprécier
dans le contexte de l’époque, la Cour de cassation refusant alors que l’arti­
cle 1242, alinéa 1er, soit invoqué à l’encontre du gardien non propriétaire14’1.
Néanmoins, c’est bien en s’appuyant sur la propriété indivise des parties com­
munes entre les copropriétaires que la Cour de cassation envisage la responsa­
bilité du syndicat sur le fondement de l’article 1244, ce qui est pour le moins
surprenant. Quoi qu’il en soit, puisque l’adage speciaüa generalibus derogant ne
paraît pas d’un grand secours en cette matière146, faute de contradiction réelle
entre l’article 14 de la loi du lOjuillet 1965 et l’article 1244147, la responsabilité
du syndicat ne devrait pas pouvoir être recherchée sur le fondement de l’arti­
cle 1244, qui s’attache à la propriété du bâtiment, non aux pouvoirs exercés par
le propriétaire ou le gardien1 . L’article 14 vise précisément cette situation.
156. Conditions d’application de l’article 14. - La responsabilité du syndicat au titre
de l’article 14 peut résulter, soit d’un vice de construction, soit d ’un défaut
d ’entretien des parties communes. Le vice de construction, qui évoque les
garanties biennale et décennale du droit de la construction, s’entend aussi
bien d ’un problème lors de la conception149 que lors de la réalisation propre­
ment dite . Le vice peut affecter tout type d ’éléments communs, notam­
ment les canalisations ”\ l’ascenseur1”2, la chaufferie1”3 ou la toiture1”4. Le
syndicat conservant ses recours, il joue le rôle d ’un garant, bien qu’il n ’ait

143. V. par ex., Rapport annuel de la Cour de cassation 2005, p. 13.


144. Cass. 2‘ civ., 17 déc. 1997, n" 96-12260 : Bull. cm. II, n° 323.
145. V. depuis, Cass. 2e civ., 23 mars 2000, n° 97-19991 : Bull. civ. II, n” 54 ; JCP G 2000, I, 280, n° 22,
obs. G. V iney.
146. V. plus généralement, C. D esnoyer, « La jurisprudence relative à l’articulation des articles 1386
et 1384, alinéa 1er, du Code civil. L’instrumentalisation de la règle Specialia generalibus dero­
gant», RTD civ. 2012, p. 461.
147. Que les deux textes aient un champ d ’application commun ne suffit pas à créer un véritable
conflit de normes.
148. V. cependant, CA Aix-en-Provence, 14janv. 2010: loyers et copr. 2010, comm. 242, obs.
G. V igneron .
149. Cass. 3' civ., 27 nov. 1991, préc.
150. V. n o t, Cass. 3e civ., lOjuill. 1984, n° 83-12126 : Bull. civ. III, n° 138.
151. Cass. 3e civ., 28 nov. 1978, n° 77-12972 : Bull civ. III, n° 359.
152. Cass. 3e civ., 24 ocl 1973, n° 72-13210 : Bull. civ. III, n° 545.
153. Cass. 3e civ., 28 mars 1990, n° 88-15364 : Bull. civ. III, n° 88.
154. Cass. 3e civ., lOjuill. 1984, préc.
LE SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES 99

pas eu de rôle direct dans la réalisation du dommage. Sa responsabilité peut


donc être engagée alors même que les auteurs étaient identifiés133.
L’entretien défectueux des parties communes n ’implique en revanche que
le syndicat. A la suite de manquements à ses obligations, la responsabilité
du syndicat est engagée en cas d’effondrement du plancher1’6, d’infiltra­
tions d’eau'°7, de présence de souris1’8 ou d’insectes xylophages139, d ’un
dysfonctionnement du chauffage160 ou même d ’un vol, rendu possible par
une porte ouverte non réparée161. Peu importe à cet égard le refus donné
en assemblée générale à la conduite de travaux d’entretien. Tenu au regard
de l’article 14 d ’assurer la conservation des parties communes, il en assume
la responsabilité. En dehors des recours contre les tiers constructeurs, seule
une faute de la victime à l’origine du dommage pourrait l’exonérer162.
157. Personnes envers qui le syndicat est responsable. - La responsabilité du syn­
dicat est d’abord engagée envers les copropriétaires du fait de son obliga­
tion d’entretenir les parties communes, sauf s’ils ont contribué à la réalisa­
tion de leur dommage en ne payant pas leurs charges163 ou en s’opposant à
la réalisation de travaux en assemblée générale164. Les copropriétaires dis­
posant d’une action contractuelle à l’encontre du syndicat afin de lui faire
assurer les prescriptions du règlement de copropriété, on pourrait s’inter­
roger sur la nature de leur action. Néanmoins, l’article 14 prévoit un
régime spécial, de nature extracontractuelle, qui s’applique donc par déro­
gation aux règles de la responsabilité contractuelle16’. Ainsi qu’il a déjà été
relevé, le syndicat conserve évidemment la possibilité d ’actions récursoires à
l’encontre des personnes impliquées dans la conception et la construction
du bâtiment166. Le syndicat répond également des dommages causés aux

155. Cass. 3e civ., 12 sept 2012, n° 11-10421 : BuU. civ. III, n° 119.
156. Cass. 3' civ., 28janv. 2009, n° 07-20997 et 07-21174.
157. Cass. 3 'civ., lOmai 2011, n °08-20196; Cass. 3eciv., 4déc. 2007, n ° 06-19671.
158. Cass. 3e civ., 7juin 2005, n° 04-12930.
159. CA Paris, 25 sept. 2013 : loyers et copr. 2014, comm. 35.
160. CAToulouse, 5 mars 2012, JurisData 2012-007348.
161. Cass. 3e civ., 21 janv. 2004, n" 02-16386.
162. Cass. 3e civ., 29 ocl 2013, n° 12-23953; Cass. 3e civ., 12 sept. 2012, préc. ; Cass. 3e civ., 14 déc.
2004, n° 03-12191.
163. Cass. 3e civ., 13 déc. 1995, n° 94-12703 : Bull. civ. III, n° 258.
164. Cass. 3' civ., 27févr. 2007, n° 06-11205.
165. Ce qui se traduisait notamment dans le délai de prescription décennale visé par l’article 42,
dans sa rédaction antérieure à la loi ELAN, laquelle a soumis l’ensemble des « actions person­
nelles relatives à la copropriété entre copropriétaires ou entre un copropriétaire et le syndi­
cat » à la prescription de l’article 2224 du Code civil.
166. Ce qui n ’exclut pas qu’il supporte une partie de la charge finale de la réparation. Pour une
illustration, v. Cass. 2e civ., 16juin 2011, n°10-11591.
100 LA C O PR O PR IET E DES IM M EUBLES BATIS
tiers, notamment aux locataires. Ces derniers disposeront d’une action tant
contre le syndicat11” que contre le bailleur168.
B. La responsabilité du syndicat fondée sur le droit commun
158. Responsabilité en cas de violation du règlement de copropriété.- En
dehors des hypothèses de défaut d’entretien visées par l’article 14, la res­
ponsabilité du syndicat peut toujours être engagée sur le terrain contractuel
lorsqu’il n’assure pas le respect du règlement de copropriété169 ou qu’il
adopte une décision empêchant un copropriétaire de jouir normalement
de ses parties privatives. Afin de prévenir les conséquences de tels manque­
ments, le règlement peut utilement comprendre une clause limitative de
responsabilité1/ü. Encore faut-il que le syndicat n’ait pas été tenu par le
règlement d’une obligation particulière de sécurité et que la clause ne
vide pas de sa substance l’obligation essentielle du syndicat, la conservation
de l’immeuble et l’administration des parties communes171.
159. Responsabilité du syndicat en qualité de gardien de l’immeuble. - La res­
ponsabilité du fait des choses a une vocation résiduelle à s’appliquer, en
dépit de l’existence d’un texte spécifique au syndicat. La jurisprudence
admet en effet l’application alternative de l’article 1242, alinéa 1er, du
Code civil ou de l’article 14 de la loi du 10juillet 1965, suivant que la
chose a été l’instrument du dommage ou que l’immeuble était mal
entretenu1'2. Les hypothèses sont assez nombreuses, dès lors que le syndi­
cat est bien le gardien des parties communes. Il suffit qu’une partie com­
mune ait eu un rôle déterminant dans la survenance du dommage1' 1, qu’il
ait ete subi par un uers ou un coproprietaire .
160. Responsabilité du fait de ses préposés. - La responsabilité du syndicat peut
enfin être engagée du fait de ses préposés. L’essentiel du contentieux a trait
aux services de gardiennage ou d’entretien, du fait de manquements à leurs
167. V. not., Cass. 3e civ., 17 sept. 2013, n° 12-10120.
168. V. not., Cass. 3e civ., 13juill. 2010, n° 09-66115.
169. Par ex. en cas d ’abus de jouissance des parties communes par un copropriétaire (Cass. 3e civ.,
8 mars 1995, n° 93-13742 : Bull. civ. III, n° 75).
170. Cass. 3e civ., 17 juill. 1997, n° 95-20532: «la responsabilité du syndicat était exclue par une
stipulation expresse du règlement de copropriété en cas de vol ou d ’action délictuelle com­
mis dans les parties communes ou privatives de la résidence ».
171. C. civ., art. 1170.
172. Cass. 3e civ., 17déc. 1996, n°95-10581.
173. V. not., pour une cour commune enneigée, Cass. 2e civ., 17 mai 1983, n° 82-10423 : Bull. civ. II,
n° 113.
174. Cass. 2e civ., 14nov. 2002, n°00-12780; Cass. 2e civ., 1er avr. 1999, n°97-17909: Bull cm. II,
n° 65 ; Cass. 2e civ., 6 févr. 1980, n° 78-13789 : Bull. civ. II, n° 30.
175. E. K ischinewsky-Broquisse, La copropriété des immeubles bâtis, 4e éd., Litec, 1989, n° 318.
LE SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES 101

obligations1'6 ou de comportements inappropriés1''. Seule une faute de la


victime ayant contribué à la réalisation de son dommage peut exonérer le
syndicat1'8. L’article 1242, alinéa 5, du Code civil n ’est cependant pas appli­
cable au syndic, qui n ’est pas le préposé du syndicat mais son mandataire.
Cela n’exclut pas, évidemment, une éventuelle responsabilité en cas de
faute commise par le syndic dans l’exercice de ses fonctions1'9.
161. Autres hypothèses de responsabilité. - Le modèle français de la responsabi­
lité permet d’envisager des hypothèses de responsabilité du syndicat pour
faute, notamment des négligences, sur le fondement de l’article 1240 du
Code civil. Le développement de responsabilités sans faute rend cependant
assez marginale cette situation180. Le syndicat devra également répondre
des troubles anormaux de voisinage181.
162. Responsabilité civile du syndicat.

L’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 entend simplifier les


conditions de la responsabilité du syndicat fondée sur l’article 14. A l’al­
ternative du vice de la construction ou du défaut d ’entretien des parties
communes, est substitué le critère plus large des dommages « ayant leur
origine dans les parties communes ». La loi se rapproche ainsi de l’inter­
prétation large du défaut d’entretien, lequel ne nécessite pas la démons­
tration d’une faute, et du vice de la construction qui se rapproche du
droit de la construction qui ne se réfère qu’au dommage. L’ambition
est de « simplifier et réduire un contentieux relativement abondant »18i.
Le nouveau texte se démarque également plus nettement de l’arti­
cle 1244, promis à la disparition lorsque viendra le temps d’une refonte
de la responsabilité civile.

176. V. not. Cass. 3e civ., 27avr. 1994, n° 91-15023. Rappr. Cass. 2eciv., 2juin 2005, n° 03-20011:
Bull. civ. II. n" 146.
177. V. par ex., pour une concierge, « personnage ombrageux et agressif » : CA Paris, 29 nov. 1979 :
D. 1981, IR, p. 104, n° 84.
178. Cass. 2e civ., 24oct. 2002, n° 00-21793.
179. Cass. 3 'civ., 2ocL 2012, n° 11-24200 ; Cass. 3eciv., 15févr. 2006, n°05-11263.
180. V. ainsi, rejetant la responsabilité du syndicat qui, n ’étant pas à l’origine de la construction,
n ’avait pu commettre les fautes qui lui étaient reprochées ainsi qu’au constructeur,
Cass. 3e civ., 25 mars 2015, n° 13-25309.
181. V.not., Cass.3'civ., l i m a i 2000, n°98-18249: Bull. civ. III, n° 106, qui qualifie d ’ailleurs
improprement le syndicat de « propriétaire actuel des biens ». Pour une illustration, CA Paris,
lôjanv. 2013, RG 09/03483 : Loyers et copr. 2013, comm. 165.
182. Rapport sur l’ordonnance du 30 octobre 2019. V. cependant, esümant que la responsabilité
spéciale du syndicat mériterait d ’être supprimée, J. Lafond, « Le syndicat de copropriétaires
après l’ordonnance du 30 octobre 2019 », Loyers et copr. 2020, dossier 3, n° 15.
102 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

Section 3. — Les régimes spéciaux de syndicats


163. Unité et diversité des syndicats de copropriétaires. - Alors que la loi du
10juillet 1965 avait mis en place un statut uniforme et impératif, applicable
à presque toutes les copropriétés immobilières, ses réformes successives ont
apporté plus de souplesse. D’abord, plusieurs formes spéciales de syndicat
bénéficient d’un statut adapté, les syndicats coopératifs et les résidences-ser­
vices. Ensuite, depuis l’ordonnance du 30 octobre 2019, les petites copro­
priétés font l’objet d’un traitement spécifique, limitant le formalisme inhé­
rent au statut. Enfin, le législateur réserve un traitement particulier aux
syndicats en difficulté, afin de tâcher de préserver la gestion de l’immeuble
par les copropriétaires.
§ 1. Les formes spéciales de syndicats
A. Les syndicats coopératifs
164. Présentation. - La loi du 10juillet 1965 a réservé une espèce particulière de
syndicat, en prévoyant qu’il « peut revêtir la forme d’un syndicat
coopératif »183. Les lois ultérieures du 31 décembre 1985 et du 13 décembre
2000 ont largement remodelé le régime qui lui est applicable, contenu
désormais aux articles 14 et 17-1 de la loi et aux articles 40 à 42-2 du décret.
165. Choix de la forme coopérative. - Le syndicat coopératif évoque évidem­
ment les structures coopératives mises en œuvre depuis le milieu du xixe siè­
cle. Ce type de structures a notamment pour objet de réduire au bénéfice
de ses membres et par leur effort commun le prix de revient de certains
produits ou services en assumant les fonctions des entrepreneurs ou inter­
médiaires dont la rémunération grèverait ce prix de revient1*4. La volonté
d’assurer la réduction des coûts explique le développement de ce type de
structures dans la construction immobilière (société coopérative de cons­
truction), le syndicat coopératif permettant d’assurer la gestion de

183. L. 10juill. 1965, arc 14, al. 2.


184. L. n° 47-1775, 10 sept. 1947, portant statut de la coopération, art. 1er : « Les coopératives sont
des sociétés dont les objets essentiels sont :
l°De réduire, au bénéfice de leurs membres et par l’effort commun de ceux-ci, le prix de
revient et, le cas échéant, le prix de vente de certains produits ou de certains services, en
assumant les fonctions des entrepreneurs ou intermédiaires dont la rémunération grèverait
ce prix de revient ;
2° D’améliorer la qualité marchande des produits fournis à leurs membres ou de ceux pro­
duits par ces derniers et livrés aux consommateurs.
3° Et plus généralement de contribuer à la satisfaction des besoins et à la promotion des
activités économiques et sociales de leurs membres ainsi qu’à leur formation.
Les coopératives exercent leur action dans toutes les branches de l’activité humaine ».
LE SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES 103
l’immeuble une fois réalisé. Néanmoins, la loi de 1965 n’a pas expressé­
ment rattaché le syndicat coopératif aux finalités des structures coopérati­
ves. La doctrine a réservé un accueil sceptique à cette structure, dont le
principal intérêt serait simplement de pouvoir recourir au crédit coopératif.
De manière plus fondamentale cependant, il y a sans doute, dans le choix
de la forme coopérative, l’adhésion à une conception communautaire, tra­
duisant le souci d’éviter que la copropriété soit conçue comme faisant par­
tie du fonds de commerce du syndic183. C’est que « le syndicat coopératif
est celui qui s’administre lui-même»186. En dehors de l’intérêt financier
lié à l’absence d’un syndic professionnel, la forme coopérative pourrait
répondre à la volonté d’inciter les copropriétaires à s’investir plus nette­
ment dans l’administration de l’immeuble18'. Certes, il peut paraître para­
doxal d’adopter une forme de gestion autonome alors que la complexité
croissante des règles de la copropriété semble favoriser une professionnali­
sation des organes de gestion. Rien n’empêche cependant le concours à
l’administration de la copropriété de professionnels qui n’auraient pas la
qualité de syndic.
La forme coopérative peut être choisie dès l’origine du syndicat ou être
adoptée ultérieurement par une décision de l’assemblée générale statuant
à la majorité de l’article 25 (et le cas échéant de l’article 25-1 )188. Ce choix
doit figurer dans l’ensemble des actes et documents établis au nom du
syndicat189.
166. Organisation du syndicat coopératif. - Le syndicat coopératif obéit, pour
l’essentiel, aux règles applicables à toute copropriété. Seule l’attribution
des compétences diffère sensiblement. L’article 17-1 de la loi impose en
effet la constitution d’un conseil syndical. Bien que sa composition et la
durée du mandat de ses membres soient calquées sur les dispositions
communes190, ses attributions sont plus importantes. Le syndic sera en
185. A. Kerspf.rn, « Le syndicat coopératif de copropriété »,]oum . Not. 1986, art. 58604, p. 707, n° 2.
186. E. Kischinewsky-Broquisse, La copropriété des immeubles bâtis, 4e éd., Litec, 1989, n° 324.
187. G. V igneron, JCl. Copropriété, fasc. 78, 2013, n°60.
188. L. lOjuill. 1965, art. 17-1, al. 3. Les règlements de copropriété établis à partir du 1erjanvier
1986 doivent expressément prévoir cette modalité de gestion (art. 14, al. 2). Cela n’affecte
cependant pas la validité d’une décision d’assemblée générale statuant à la majorité de l’arti­
cle 25 pour les règlements antérieurs qui ne prévoiraient pas cette possibilité (en ce sens,
P. L ebatteux, « Syndicats coopératifs. Scission de copropriété et unions de syndicats », Loyers
et copr. 2001/HS, Étude 4 ; M. Saluden, JCl. Notarial, fasc. 40-2, avr. 2010, n° 3). Il faut ajouter
que la modification du règlement de copropriété en vue de prévoir la possibilité d’adopter la
forme coopérative est approuvée à la majorité de l’article 25, voire de l’article 25-1, lorsque le
syndicat est composé de moins de dix lots à usage d’habitation, commerces ou bureaux et
que son budget annuel est inférieur à 15 000 euros (L. lOjuill. 1965, art 17-1-1, A).
189. D. 23 mars 1967, art. 4L
190. V. infra, n° 278 ets.
104 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

effet élu et révoqué par les membres de ce conseil et choisi parmi eux. C’est
ici qu’apparaît le plus nettement la spécificité de la forme coopérative, qui
réside non pas tant dans l’exclusion de la gestion par un professionnel, la
pratique du syndic bénévole ne lui étant pas exclusive, mais bien dans la
volonté des copropriétaires de conserver la maîtrise la plus directe de l’ad-
ministradon de l’immeuble. Aucun texte ne prévoyant les modalités d’élec­
tion, le règlement de copropriété devrait pouvoir aménager les majorités. A
défaut, la majorité des voix exprimées devrait suffire.
Elu parmi les membres du conseil syndical, le syndic est appelé à le prési­
der, un vice-président susceptible de le suppléer en cas d’empêchement
pouvant être élu dans les mêmes conditions. En aucun cas le syndic et le
vice-président ne peuvent conserver cette foncüon après l’expiraüon de
leur mandat de membre du conseil syndical. Dès lors, à l’expiration de
son mandat, le syndic ne peut plus continuer à gérer l’immeuble jusqu’à
désignation d ’un nouveau syndic191. Il en va de même lorsque l’élection
du syndic est postérieurement annulée192.
Le choix de la forme coopérative n ’implique pas que le syndic gère seul
l’ensemble de la copropriété. Il peut en effet, sous sa responsabilité, confier
l’exécution de certaines tâches à une union coopérative ou à d’autres pres­
tataires extérieurs. Il lui est également permis de recourir aux conseils
d ’une personne de son choix ou de demander un avis technique à tout
professionnel sur des questions particulières193. Le syndic présidant égale­
ment le conseil syndical, un système de contrôle alternatif a été mis en
place. L’assemblée générale désigne ainsi un ou plusieurs copropriétaires
chargés de contrôler les comptes du syndicat ou confie cette mission à un
expert-comptable ou à un commissaire aux comptes194. Cette mesure évite
les conflits d’intérêts entre le syndic et le conseil syndical qui ne saurait
assumer parfaitement sa tâche de contrôle. A cette fin, la fonction ne peut
être assurée par le conjoint ou le partenaire, les descendants, ascendants ou
préposés du syndic ou d’un des membres du conseil syndical19’. Le mandat
des copropriétaires chargés du contrôle, qui ne donne pas lieu à rémuné­
ration, ne peut excéder trois ans renouvelables.
Afin de faciliter la gestion des syndicats coopératifs, le législateur leur a per­
mis de constituer des unions coopératives, et ce, à la différence des autres

191. Cass. 3e civ., 21 nov. 1978, n° 77-14719 : Bull. civ. III, n° 348.
192. Cass. 3e civ., 26 avr. 2006, n° 05-11986 : Bull. civ. III, n° 104. Le recours des copropriétaires non
membres du conseil contre l’élection interne est enfermé dans le délai de deux mois prévu
par l’article 42, alinéa 2 (Cass. 3e civ., 13janv. 2009, n" 07-11935).
193. D. 17 mars 1967, art. 42, rendant applicables au syndic les dispositions de l’article 27 du même
texte.
194. L. lOjuill. 1965, art. 17-1 ; D. 17 mars 1967, art. 42-1. Le vote a lieu à la majorité de l’article 24.
195. D. 17 mars 1967, art. 42-1.
LE SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES 105
copropriétés, même si les immeubles ne sont pas contigus ou voisins196.
Cette précision montre que l’objet de telles unions ne réside pas nécessai­
rement dans la gestion d’éléments d’équipement commun. De manière
plus générale, les unions coopératives favorisent la mutualisation de services
destinés à faciliter la gestion des syndicats, notamment la comptabilité ou la
gestion du personnel. Il s’agit bien là d’une des finalités poursuivies par le
mouvement coopératif.
B. Les résidences-services
167. Présentation.- Le phénomène des résidences destinées à des retraités
offrant, outre un logement, divers services collectifs incluant notamment
loisirs, surveillance ou restauration, a connu une expansion considérable à
la fin du xxc siècle19'. Lorsque les occupants étaient propriétaires de parties
privatives, le statut de la copropriété s’appliquait de manière impérative, ce
qui n’a pas été sans difficulté198. En effet, l’ensemble des services annexes
proposés aux résidents pouvaient entrer dans la catégorie de charges spé­
ciales, réparties en fonction de l’utilité objective procurée199. Mais des ser­
vices purement personnels pouvaient-ils vraiment être soumis à un régime
réel20 ? Une solution alternative a pu être trouvée dans la création d ’asso­
ciations chargées de la fourniture des prestations de services. Toute adhé­
sion forcée étant cependant exclue s’agissant d’un droit personnel201,
l’équilibre structurel des copropriétés demeurait précaire.
168. Catégories de services. - La loi ENL du 13juillet 2006 a ajouté un chapi­
tre IV bis à la loi du 10juillet 1965 consacré aux résidences-services202,
196. D. 17 mars 1967, art. 42-2.
197. V. noL, I. Souleau, « De la résidence avec services aux services avec résidence », RDI 1992,
p. 155.
198. J.-J. Barbiéri, «Copropriété du troisième âge et jouvence de la loi de 1965 », JCP G 1983, I,
3122; T-R. B ouyeure, «Résidences du troisième âge et charges de copropriété», Gaz. Pal.
1975, 2, doc., 541.
199. Cass. 3e civ., 29nov. 1977, n° 76-12001: BuU. civ. III, n°413; RTD civ. 1978, p. 389, obs.
C. G iverdon; JCPG 1978, II, 18868, concl. P aucot ; D. 1978, p. 522, note H. Souleau ; Gaz. Pal.
1978, 1, 237, note M. M orand. Sur cette question, v. C. G iverdon, « Les “charges” correspon­
dant aux services spécifiques fournis par les résidences-services pour personnes âgées », Admi­
nistrer 1996, n° 276, p. 9.
200. C. Atias, « Services personnels en copropriété immobilière (la revanche du droit commun) »,
D. 1994, Chron., p. 170.
201. V. supra, n° 85. Une association syndicale libre peut cependant avoir pour objet la gestion et
l’entretien des équipements et services communs d’une résidence-services (Cass. 3' civ.,
13 nov. 2012, n° 11-23808 : Bull. civ. III, n° 167. Adde C. A tias, « Résidences-services en associa­
tions syndicales libres de propriétaires», Defrénois 2013, p .7). Il en résulte une plus grande
souplesse de fonctionnement.
202. P. C apoulade, « Les résidences-services », AJDI2008, p. 574.
106 LA COPROPRIETE DES IMMEUBLES BATIS
révisé par la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de
la société au vieillissement203. Les articles 41-1 et suivants de la loi ont
constitué une première entaille dans l’uniformité du statut de la copro­
priété, puisqu’ils tiennent compte de la spécificité de l’usage de l’im­
meuble. Désormais, le règlement de copropriété « peut étendre l’objet
d’un syndicat de copropriétaires à la fourniture, aux résidents de l’im­
meuble de services spécifiques qui, du fait qu’ils bénéficient jDar nature à
l’ensemble de ses résidents, ne peuvent être individualisés »20 . De tels ser­
vices sont l’accueil personnalisé et permanent des résidents et de leurs visi­
teurs, la mise à disposition d’un personnel spécifique à la résidence, per­
mettant d’assurer la sécurité des personnes et des biens, ainsi que le libre
accès aux espaces de convivialité et aux jardins aménagés203. Ces services
sont fournis par des tiers, à l’occasion de conventions dont les modalités
sont réglementées206. Cette externalisation de services qui rentrent dans
les attributions classiques des copropriétés ne laisse pas d’étonner207. Il est
également possible de prévoir l’affectation de parties communes à des ser­
vices spécifiques individualisables, tels que coiffure, restauration ou anima­
tions. Si le service est souscrit directement par le résident auprès du
prestataire208, la copropriété affecte certaines parties communes à son exer­
cice. Seuls sont exclus les services exclusivement liés à la personne, qui ne
peuvent être fournis que par des établissements et des services sociaux et
médico-sociaux, au sens de l’article L. 312-1 du Code de l’action sociale et
des familles209, ou des établissements de santé.
169. Fonction de la résidence-services. - Le fonctionnement de la copropriété
est affecté de deux manières. D’une part, le conseil syndical est alors obli­
gatoire et doté de compétences en relation avec l’objet de la copropriété.
Outre qu’il peut se voir déléguer la gestion courante des services spécifi­
ques, il donne nécessairement son avis sur les projets de convention avec
un prestataire et en surveille la bonne exécution210. Il faut ajouter qu’un
conseil des résidents, composé des personnes demeurant à titre principal

203. G. Gil, « Les nouveaux régimes des résidences avec services », Loyers et copr. 2016, Étude 3 ;
N. Lf. Rudulier, « Les résidences-services », RDSS 2019, p. 608. Les résidences-services préexis­
tantes demeurent cependant soumises au régime issu de la loi ENL de 2006.
204. L. 10juill. 1965, art. 41-1.
205. D. 17 mars 1967, art. 39-2.
206. D. 17 mars 1967, art. 39-2-1.
207. V. également en ce sens, N. Lf. Rudui.ier, a rt préc.
208. Lequel ne peut être le syndic ou l’un de ses parents ou alliés (L. 10juill. 1965, art. 41-6).
209. Sur cette exclusion, v. C. Saujot, « L’interdiction des prestations paramédicales dans les rési­
dences-services », AJDI2006, p. 785.
210. L. lOjuill. 1965, art. 41-6.
LE SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES 107

dans la résidence211, relaie leurs demandes et propositions aux


copropriétaires212. Ce conseil des résidents est la préfiguration d ’un éven­
tuel conseil des résidents dans les copropriétés à usage d’habitation qui
répondrait à la question lancinante de la représentation des locataires.
D’autre part, la répartition des charges afférentes aux prestations non indi-
vidualisables est faite suivant le critère de l’utilité objective213, le règlement
devant préciser la répartition des charges d’entretien et de fonctionnement
des parties communes affectées à des services individualisés214.

§ 2. Les petites copropriétés


170. Différenciation selon la taille de la copropriété. - Ce n ’est pas le moindre
des paradoxes que l’uniformité du statut de la copropriété ait été critiquée
pour son inadaptation aux copropriétés de grande ou de petite taille. Dans
les premières, on reprochait des assemblées générales pléthoriques, mais
en réalité désertées, donnant de fait le pouvoir au syndic ou favorisant
l’immobilisme2lD. Dans les secondes, c’est au contraire l’excès de forma­
lisme qui aurait empêché un fonctionnement harmonieux du syndicat. Sui­
vant une évolution perceptible depuis la loi ALUR, l’avant-projet de
réforme publié par le GRECCO proposait ainsi deux régimes spéciaux,
l’un consacré aux grandes copropriétés (plus de 100 lots à usage
d’habitation216) et prévoyant notamment la constitution d ’un conseil d’ad­
ministration disposant de pouvoirs élargis217, l’autre à des copropriétés de
taille plus raisonnable, comportant moins de 100 lots à usage d ’habitation.
Les grandes copropriétés ne sont pas traitées spécifiquement, sauf à consi­
dérer que leur taille méritant d’être réduite, le législateur aurait facilité la
création de syndicats secondaires218. Le législateur a conservé l’idée d’une

211. C’est-à-dire celles qui y occupent un logement au moins huit mois par an, en tant que titulaire
d’un droit réel ou personnel, ou en qualité de conjoint ou partenaire d’un pacte civil de
solidarité du titulaire (D. 17 mars 1967, art. 39-8).
212. L. 10juill. 1965, art 41-7.
213. Comp. pour un contrat de réception dans une résidence para-hôtelière, Cass. 3e civ., 18févr.
2015, n° 13-27104.
214. L. lOjuill. 1965, a rt 41-2.
215. C.J affuel, « Les grandes copropriétés. Le statut est-il adapté à tous les types de copro­
priété ? », AJDI2006, p. 545.
216. Le régime était aussi applicable aux copropriétés ne comportant aucun lot à usage d’habita­
tion, sous réserve, pour celles comportant moins de 20 lots, d’une décision d’assemblée géné­
rale contraire.
217. Groupe de recherche sur la copropriété, «Avant-projet de réforme de la loi du lOjuillet
1965 », A/D/2017, p. 750, art. 47 et s.
218. V. sur ce point, supra, n° 129 ets.
108 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

différenciation, l’ordonnance du 30 octobre 2019 créant deux régimes spé­


cifiques pour les copropriétés de petite taille et les copropriétés à deux.

A, Les copropriétés de taille réduite


171. Présentation.

Un quart des copropriétés comportent moins de dix logements'19. Or,


depuis longtemps, le statut impératif de la copropriété a paru, sinon ina­
dapté, du moins particulièrement lourd et rigide220. Certaines disposi­
tions récentes avaient commencé à réserver un traitement spécifique
aux copropriétés suivant le critère de la taille ou du budget, au moins
par une mise en œuvre différée de certaines exigences (immatriculation,
informations comptables). L’ordonnance n °2019-1101 du 30octobre
2019 prévoit désormais des dispositions spécifiques aux petites
copropriétés221.

172. Champ d’application.

L’article 41-8 de la loi de 1965 réserve l’application d’un régime simplifié


aux syndicats de copropriétaires qui comportent au plus cinq lots à usage
de logements, de bureaux ou de commerces, à l’exclusion donc des lots à
usage de stationnement ou de caves, ou à ceux dont le budget prévision­
nel moyen sur trois exercices consécutifs est inférieur à 15 000 euros. Un
syndicat est donc petit par le nombre de ses lots ou par la taille de son
enveloppe budgétaire. En pratique, cela devrait inclure de nombreuses
copropriétés de moins de dix lots, le budget annuel moyen par lot étant
d’environ 1 500 euros222. Lorsque ces conditions sont réunies, le régime
simplifié pourra s’appliquer, sauf aux copropriétaires à entendre se sou­
mettre au régime de droit commun.

219. Les logements en copropriété dans l’enquête nationale du logement 2006, étude de l’ANAH, 2011,
spéc. p. 12. Au 31 mars 2020, parmi les 460 888 copropriétés immatriculées, 181 744 compor­
taient dix lots principaux ou moins (source : registre-coproprietes.gouv.fr).
220. Sur cette question, v. C. G iverdon, « Petites copropriétés : mythe ou réalité », AJDI 2004,
p. 858.
221. V. C. C outant-Lapalus, « Des nouveaux régimes pour les petites copropriétés. Les apports de
l’ordonnance du 30 octobre 2019 », Loyers et copr. 2020, dossier 8 ;J. Laurent, « Les dispositions
particulières à certaines copropriétés dans l’ordonnance du 30 octobre 2019», AJDI 2019,
p. 877.
222. Rapport sur l’ordonnance du 30 octobre 2019.
LE SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES 109

173. Simplification du régime.

Les articles 41-9 à 41-12 énumèrent diverses mesures dérogatoires aux


règles normalement applicables à toute copropriété. Tout d ’abord, le
syndicat des copropriétaires n ’est pas tenu de constituer un conseil
syndical223. Ensuite, le syndicat n ’est pas tenu d’établir une comptabilité
en partie double, dérogation qui existait jusqu’alors pour les syndicats
comportant moins de dix lots à usage de logements, de bureaux ou de
commerces et dont le budget est inférieur à 15 000 euros224. Enfin, l’arti­
cle 41-12 autorise une pratique courante, quoique sans valeur, la consul-
tadon informelle des copropriétaires sans réunion de l’assemblée géné­
rale par le syndic. Lorsqu’un projet recueille l’accord unanime des
copropriétaires, la décision s’imposera. La tenue d ’une assemblée géné­
rale annuelle est toujours requise, au moins pour le vote du budget pré­
visionnel et l’approbation des comptes. Cette soludon tâche de concilier
la souplesse d ’une gesdon sans encombre et les garandes offertes aux
copropriétaires dès qu’un désaccord survient, l’assemblée générale
étant toujours nécessaire en l’absence d’unanimité. A supposer qu’une
contestation survienne, émanant par exemple d ’un copropriétaire non
consulté ou ne disposant pas du pouvoir requis, les règles du droit com­
mun devraient s’appliquer, faute pour la consultation de pouvoir entrer
dans la catégorie des décisions d ’assemblée générale soumises au délai
de contestation de deux mois de l’article 42.
En résumé, le traitement des « petites copropriétés » relève d ’une adap­
tation du droit au fait. Constatant la gestion informelle de nombreuses
copropriétés, le législateur en tire argument pour réduire le niveau de
formalisme requis. Il faudra voir, à l’usage, si le contentieux se réduit
aussi aisément que les contraintes juridiques pesant sur les coproprié­
taires.

B. Les copropriétés à deux


174. Deux copropriétaires, un seul immeuble.

Les règles de réduction du nombre de voix applicables aux copropriétés


en main dominante22 ’ peuvent avoir pour effet de paralyser le syndicat
lorsqu’il n’est composé que de deux copropriétaires. Les règles relatives

223. L’article 41-11 prévoit un régime spécifique pour les petits syndicats constitués sous la forme
coopérative.
224. L. lOjuill. 1965, art. 14-3, réd. L. n° 2006-872, 13juill. 2006.
225. Sur les règles de majorité dans les copropriétés en main dominante, v. infra, n° 206.
110 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

à la prise de décision dans les copropriétés à deux ont été précisées à


l’occasion de l’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019, en s’inspi­
rant du droit de l’indivision afin d’éviter tout blocage. L’ordonnance vise
les syndicats dont le nombre de voix est réparti entre deux copropriétai­
res, peu important le nombre de lots qui composent la copropriété2'*’.
Sur le modèle de l’indivision22', les décisions de l’assemblée générale
relevant de la majorité des voix de tous les copropriétaires sont prises
par le copropriétaire détenant au moins deux tiers des voix228. Chaque
copropriétaire peut, indépendamment du nombre de voix dont il dis­
pose, prendre les mesures nécessaires à la conservation de l’immeuble
en copropriété, même si elles ne présentent pas un caractère
d’urgence'29. Mais la principale nouveauté réside dans la possibilité
pour le copropriétaire détenant plus de la moitié des voix de prendre
seul les décisions d ’assemblée générale relevant de la majorité de l’arti­
cle 24. La situation de l’autre copropriétaire est d’autant plus fragilisée
qu’il n ’est désormais plus nécessaire de convoquer une assemblée géné­
rale pour les mesures conservatoires et celles visées à l’article 41-16 de la
loi, à l’exclusion de celles portant sur le vote du budget prévisionnel et
l’approbation des comptes. Est ainsi maintenue, comme pour les peütes
copropriétés, la nécessité d ’une assemblée générale annuelle230. Si l’issue
du vote ne faisait aucun doute, les apparences d ’une discussion entre
copropriétaires ne sont pas même préservées. Le copropriétaire majori­
taire sera chargé de l’exécuüon des décisions, qu’il devra notifier à l’au­
tre copropriétaire à peine d ’inopposabilité231. Il est également possible
pour les copropriétaires de se réunir en assemblée générale sans convo­
cation préalable, pour prendre toutes décisions, même celles nécessitant
leur unanimité23'. Lorsque cette unanimité ne peut être atteinte, pour
des hypothèses qui la requerraient, le copropriétaire le plus diligent
peut saisir le juge afin d’être autorisé à passer seul l’acte, si le refus de
l’autre met en péril l’intérêt commun23 . Plus généralement, d ’ailleurs,

226. Sur les hypothèses de lots indivis, v. C. Coutant-Lapalus, « Des nouveaux régimes pour les
petites copropriétés. Les apports de l’ordonnance du 30 octobre 2019 », Loyers et copr. 2020,
dossier 8, n° 11.
227. C. civ., art. 815-3.
228. L. lOjuill. 1965, art. 41-16, 2°.
229. L. lOjuill. 1965, arc 41-16, 3°.
230. V. supra, n° 189.
231. L. lOjuill. 1965, art. 41-17, al. 1 et 2. La notification constituera le point de départ de l’action
en contestation, enfermé dans le délai de deux mois de l’article 42 (art. 41-19). Pendant ce
délai, sauf urgence, l’exécution des travaux est suspendue.
232. Chaque copropriétaire peut également convoquer l’autre en lui notifiant les points inscrits à
l’ordre du jo u r (L. lOjuill. 1965, a r t 41-18).
233. L. lOjuill. 1965, art. 41-21.
LE SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES 111

le juge peut, à l’image du droit commun de l’indivision234, prescrire ou


autoriser toutes les mesures urgentes que requiert l’intérêt commun23’.
Il peut même autoriser l’aliénation d’une partie commune à la demande
du copropriétaire qui disposerait d’au moins deux tiers des tantièmes, en
respectant la procédure prévue par l’article 815-5-1 du Code civil236.
En dehors des règles relatives à la prise de décision, les syndicats à deux
copropriétaires connaissent également certains aménagements, notam­
ment la possibilité pour le copropriétaire majoritaire de nommer seul
le syndic, ce qui, lorsqu’il n’est pas professionnel, reviendra le plus sou­
vent à se nommer lui-même syndic. Par dérogation à l’article 18 de la loi,
le syndic non professionnel pourra solliciter l’autre copropriétaire afin
de déléguer à un tiers sa mission à une fin déterminée237. Le risque
d’un conflit d’intérêts entre le syndic non professionnel et le syndicat a
conduit le législateur à prévoir une action spéciale ouverte au coproprié­
taire qui n’exerce pas la fonction de syndic238.
En résumé, les rédacteurs de l’ordonnance ont, s’agissant des syndicats
composés de deux copropriétaires, tenté de résoudre une équation inso­
luble : maintenir ces copropriétés dans le statut commun ; favoriser la
prise de décision en dérogeant considérablement à ce statut. La lecture
même des onze articles qui composent la section relative à ces coproprié­
tés laisse l’impression paradoxale d’un droit plus complexe. Il faudra
apprécier la simplification espérée dans l’usage quotidien qu’en feront
les copropriétaires.

§ 3. Les syndicats en difficulté


175. Copropriétés dégradées, syndicats en difficulté. - On ne compte plus les
rapports qui, depuis plusieurs années, soulignent les faiblesses des copro­
priétés : copropriétés dégradées, voire « très dégradées »239, copropriétés en
difficulté2 . La paupérisation des copropriétaires a conduit à
234. C. civ., art. 815-6.
235. L. lOjuill. 1965, art. 41-22.
236. L. lOjuill. 1965, art. 41-23. Le copropriétaire devra donc exprimer son intention d’aliéner la
partie commune devant notaire, lequel signifiera cette intention à l’autre copropriétaire dans
un délai d’un mois. En cas d’opposition, le tribunal judiciaire peut autoriser l’aliénation du
bien indivis si celle-ci ne porte pas une atteinte excessive aux droits des autres indivisaires.
237. L. lOjuill. 1965, art. 41-14.
238. L. lOjuill. 1965, art. 41-15.
239. Rapport de la mission sénatoriale présidée par C. Dilain, Les copropriétés très dégradées. Pistes de
réflexion législatives, avr. 2013.
240. Rapport de l’Agence nationale de l’habitat, présidée par D. Braye, Prévenir et guérir les difficultés
des copropriétés. Une priorité des politiques de l'habitat, ANAH, janv. 2012.
112 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

l’augmentation des copropriétés dégradées, qui représenteraient plus de


15 % du parc241. Ces copropriétés se caractérisent par une prépondérance
des copropriétaires bailleurs, favorisant souvent des difficultés dans la ges­
tion de l’immeuble, ainsi que les revenus modestes des rares propriétaires
occupants qui demeurent. La conséquence directe des impayés pour les
syndicats de copropriétaires est celle d’une incapacité à faire face à leurs
missions de conservadon de l’immeuble et d ’administradon des parues
communes. La charge accrue pesant sur les copropriétaires solvables
devient au fil du temps difficilement soutenable, entraînant, par effet de
dominos, de nouveaux impayés. La fragilité structurelle du patrimoine du
syndicat a conduit le législateur à mettre en œuvre des dispositifs de soutien
ciblés242 et à adopter un régime spécifique aux syndicats en difficulté.
176. Exclusion du droit commun des procédures collectives. - Personne morale
de droit privé, le syndicat des copropriétaires pouvait être soumis aux pro­
cédures collectives. Néanmoins, depuis la loi du 21 juillet 1994, la loi du
10juillet 1965 écarte expressément l’application des procédures prévues
au livre VT du code de commerce aux syndicats de copropriétaires243. S’y
substitue un régime particulièrement complexe, enrichi à chaque nouvelle
réforme touchant au statut de la copropriété. Depuis la loi ALUR, ce titre
relatif aux copropriétés en difficulté comprend pas moins de 18 articles244.
Encore faut-il y ajouter les dispositions du titre du Code de la construction
et de l’habitation relatif au « traitement des difficultés des copropriétés
dégradées »24d. Il est douteux que les sollicitudes du législateur modifient
fondamentalement le phénomène, tant les copropriétés en difficulté sont
le produit de copropriétaires en difficulté, puisque le syndicat n ’est pas le
propriétaire de l’immeuble246. La méthode employée rejoint celle déjà
empruntée en matière de traitement des entreprises en difficulté ou de sur­
endettement des particuliers : un volet préventif247 ; un volet curatif.

241. Le rapport Braye estimait à 19 % le nombre de copropriétés « fragiles » (Prévenir et guérir les
difficultés des copropriétés. Une priorité des politiques de l’habitat, op. cil, p. 17).
242. V. par ex., le plan Initiative copropriétés, piloté par l’ANAH, dont on trouve un point d ’étape
en septembre 2019 disponible sur le site anah.fr [consulté le 15 mars 2020],
243. L. lOjuill. 1965, art. 29-15.
244. L. lOjuill. 1965, art. 29-1A ets.
245. CCH, art. L. 741-1 ets.
246. Pour un constat similaire postérieur à la loi ALUR, v. C. Bénasse, « Les copropriétés très dégra­
dées : la loi ALUR n ’apporte qu’une réponse partielle »,/CPiV2014, act. 603.
247. Pour une étude d ’ensemble antérieure aux réformes les plus récentes, v. P. Capoixadf., « Pré­
venir : repérer et traiter les syndicats en difficulté », AJDI2007, p. 193.
LE SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES 113

A. La prévention des difficultés


177. Procédure d’alerte. - Afin de devancer l’aggravation des difficultés, la loi du
25 mars 2009 avait instauré une procédure d’alerte. Son efficacité étant
faible248, la procédure a fait l’objet d’une refonte importante à l’occasion
de la loi ALUR du 24 mars 2014. L’article 29-1 A de la loi du 10juillet 1965
en prévoit le déclenchement « lorsqu’à la clôture des comptes les impayés
atteignent 25 % des sommes exigibles en vertu des articles 14-1 et 14-2 » 4<J,
voire 15% pour les copropriétés de plus de 200 lots. Ce dernier seuil de
saisine, abaissé eu égard à l’importance du budget, est censé inciter le syn­
dic à mettre en œuvre des procédures de recouvrement anticipées. Lorsque
le seuil est atteint, le syndic doit en informer le conseil syndical et saisir le
juge d’une demande de désignation d’un mandataire ad hoc. A défaut d’ac­
tion dans un délai d’un mois à compter de la clôture des comptes, le juge
peut être saisi directement par des copropriétaires représentant ensemble
au moins 15 % des voix du syndicat, des représentants des pouvoirs
publics2’0, voire un créancier2’1. La volonté du législateur est de permettre
aux pouvoirs publics de réagir lorsque la situation de l’immeuble apparaît
compromise, tâche aisée à réaliser dès lors que les informations auront été
transmises.
178. Désignation d’un mandataire ad hoc. - Le président du tribunal judiciaire
saisi peut désigner un mandataire ad hoc dont il détermine la mission et la
rémunération" ’2. Ces fonctions doivent être exercées par un administrateur
judiciaire ou, à titre exceptionnel et par décision spécialement motivée,
une personne physique ou morale justifiant d ’une expérience ou d ’une
qualification particulière au regard de la nature de l’affaire et remplissant
des conditions définies par décret2 ’4. Le mandataire désigné ne se substitue

248. V. not, rép. min. n° 17864,/OAAQ 13 mai 2014, p. 3917.


249. Ne sont pas considérées comme impayées pour l’application de ce texte les sommes devenues
exigibles dans le mois précédant la date de clôture de l’exercice (D. 17 mars 1967, art. 61-2).
250. L. lOjuill. 1965, art. 29-1 A, 3° à 5° : « 3° Le représentant de l’État dans le département ou le
procureur de la République près le tribunal de grande instance [le tribunal judiciaire] ; 4° Le
maire de la commune du lieu de situation de l'immeuble ; 5° Le président de l’organe déli­
bérant de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière
d ’habitat du lieu de situation de l’immeuble ».
251. Du moins lorsque «les factures d’abonnement et de fourniture d’eau ou d’énergie ou les
factures de travaux, votés par l’assemblée générale et exécutés, restent impayées depuis six
mois et si le créancier a adressé au syndic un commandement de payer resté infructueux »
(L. lOjuill. 1965, art. 29-1A 2°).
252. L. lOjuill. 1965, art 29-1 B, al. 1er.
253. L. lOjuill. 1965, art. 29-1 C. Le texte détaille ensuite les incompatibilités éventuelles liées à des
conflits d’intérêts.
114 LA COPROPRIETE DES IMMEUBLES BATIS
pas au syndic, avec lequel il devra travailler en bonne intelligence234. Ses
pouvoirs résultent de la décision judiciaire l’ayant nommé. Il lui faut néces­
sairement adresser au juge dans un délai de trois mois, renouvelable une
fois, un rapport présentant l’analyse de la situation financière du syndicat
des copropriétaires et de l’état de l’immeuble, les préconisations faites pour
rétablir l’équilibre financier du syndicat et, le cas échéant, assurer la sécu­
rité de l’immeuble, ainsi que le résultat des actions de médiation ou de
négociation qu’il aura éventuellement menées2’3. Ce rapport est notifié
par le greffe du tribunal judiciaire236 au syndic, au conseil syndical et aux
autorités publiques. Le syndic sera tenu d’inscrire à l’ordre du jour de la
prochaine assemblée générale, qu’il convoquera au besoin si elle n’est pas
prévue avant six mois, les projets de résolution nécessaires à la mise en
œuvre du rapport. En cas d’échec, il faudra passer à des mesures plus éner­
giques.
179. Pouvoir du conseil syndical. - Sans modifier la procédure du mandataire ad
hoc, l’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 vase à en faciliter la mise
en œuvre, en permettant, en cas d’inaction du syndic, au président du
conseil syndical de saisir le juge. Il est assez cohérent que le conseil syndical,
chargé de contrôler la gestion du syndic237, puisse alerter les autorités judi­
ciaires des difficultés rencontrées par la copropriété.
B. Le traitement des difficultés
180. Plan. - La procédure de redressement des copropriétés dégradées vise les
syndicats dont l’équilibre financier est gravement compromis ou qui sont
dans l’impossibilité de pourvoir à la conservation de l’immeuble25 . Elle a
fait l’objet d’une refonte significative par la loi ALUR, marquée notamment
par un accroissement considérable du volume des textes applicables. Au
titre de ce volet curatif du traitement des syndicats en difficulté, tant l’admi­
nistration que la propriété de l’immeuble peuvent désormais être affectées.
1. L ’administration provisoire de la copropriété
181. Nomination d’un administrateur provisoire. - La nomination d’un adminis­
trateur partage certaines exigences avec la procédure du mandataire ad hoc.
Elle résulte d’une décision judiciaire, le président du tribunal judiciaire ne
pouvant être saisi que par des copropriétaires représentant 15 % au moins
254. Notamment en lui fournissant tous les documents nécessaires à l’accomplissement de sa mis­
sion (L. 10juiil. 1965, art. 29-1 B, al. 4).
255. L. lOjuill. 1965, art. 29-1 B, al. 3.
256. L’article 29-1 B, al. 5, vise toujours le greffe du tribunal de grande instance.
257. L. lOjuill. 1965, art. 21.
258. L. lOjuill. 1965, art. 29-1.
LE SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES 115
des voix du syndicat, par le syndic, par des autorités publiques2 ’9 ou, le cas
échéant, par l’administrateur ad hoc précédemment désigné260. La per­
sonne désignée doit remplir des conditions similaires à celles requises du
mandataire ad hoc, notamment en termes de compétence et d’indépen­
dance. Si l’administrateur ad hoc peut éventuellement prolonger sa mission
en devenant administrateur provisoire, cette fonction est expressément
interdite au syndic, qui lui abandonne tous ses pouvoirs, son mandat ces­
sant de plein droit sans indemnité.
182. Pouvoirs de l’administrateur provisoire. - Les pouvoirs dont dispose l’admi­
nistrateur provisoire sont considérables. Il recueille en effet les pouvoirs du
syndic ainsi que, suivant les termes de la décision judiciaire, tout ou partie
des pouvoirs de l’assemblée générale à l’exception de ceux prévus à l’arti­
cle 26, a et b, de la loi, et du conseil syndical. En d’autres termes, l’adminis­
trateur dispose de prérogatives exorbitantes, pour une durée qui ne peut
être inférieure à douze mois261. Cela lui permet notamment de mettre en
œuvre des procédures de recouvrement, des travaux au sein de l’immeuble,
voire une modificadon de l’usage des parties communes.
183. L’apurement organisé du passif du syndicat. - La loi ALUR a encore rap­
proché ce dispositif du droit des procédures collectives. Désormais, la dési­
gnation d’un administrateur provisoire emporte automatiquement la sus­
pension de l’exigibilité des créances antérieures pour une durée de douze
mois262 après la décision judiciaire. Elle empêche également toute condam­
nation au paiement d’une somme d’argent ou résolution de contrat pour
défaut de paiement263, l’administrateur pouvant en outre solliciter du pré­
sident du tribunal judiciaire qu’il prononce la résiliation d’un contrat ou
ordonne la poursuite de l’exécution du contrat264.
Par ailleurs, des mesures de publicité seront mises en œuvre dans un délai
de deux mois à compter de la nomination, afin de permettre aux créanciers

259. En l’occurrence le maire de la commune du lieu de situation de l’immeuble, le président de


l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d’habitat, le
représentant de l’État dans le département, le procureur de la République (L. lOjuill. 1965,
art. 29-1).
260. L. lOjuill. 1965, art. 29-1. Les copropriétaires et les autorités publiques doivent être avisés de
cette nomination (art. 29-2).
261. L. lOjuill. 1965, art 29-1, I, al. 4.
262. Prorogeable jusqu’à trente mois par le juge statuant à la demande de l’administrateur
(L. lOjuill. 1965, art. 29-3, II).
263. L. lOjuill. 1965, art. 29-3, I. Le texte ajoute également que l’ordonnance emporte « suspen­
sion des stipulations contractuelles prévoyant des majorations ou des pénalités de retard
ainsi que la résolution de plein droit du contrat ».
264. L. lOjuill. 1965, art. 29-3, III.
116 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS
de déclarer leurs créances263. Par la suite, un plan d’apurement d’une
durée maximale de cinq ans sera proposé par l’administrateur et homolo­
gué par le juge266. À l’égard des copropriétaires, l’administrateur pourra
conclure des échéanciers individualisés pour le remboursement de leur
dette . Faute d’actifs susceptibles d’être cédés , l’administrateur pourra
même demander au juge un effacement de tout ou partie des dettes du
syndicat269.
La parenté avec les procédures d’insolvabilité applicables aux entreprises
en difficulté est évidente, même si les règles du livre VI du Code de com­
merce demeurent inapplicables aux copropriétés. La comparaison trouve
cependant assez vite ses limites. La copropriété n’est pas une entreprise
car l’immeuble subsiste, avec la nécessité de l’entretenir. L’apurement de
la dette passée ne règle pas l’ensemble des problèmes. La loi permet désor­
mais de toucher directement à l’appropriation même de l’immeuble.
2. La modification de l’appropriation de l’immeuble
184. Division de l’immeuble. - À la demande de l’administrateur, le juge pourra
reconfigurer le syndicat lorsque « la gestion et le fonctionnement normal
de la copropriété ne peuvent être rétablis autrement ». Sont visées spéciale­
ment la constitution de syndicats secondaires et la division du syndicat2'0.
Concrètement, peut donc être sollicitée une division en volumes sans par­
ties communes indivises et fonctionnant de manière autonome2' 1. Le juge­
ment prononçant la division emporte la dissolution du syndicat initial.
185. Plan de sauvegarde. - L’article 29-10 de la loi du 10juillet 1965 permet à
l’administrateur de proposer la mise en place d’un plan de sauvegarde en
application de l’article L. 615-1 du Code de la construction et de l’habita­
tion. Cette procédure conduit à déclarer le syndicat en état de carence, ce
qui entraîne l’expropriation de l’immeuble au profit principalement de la
commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale

265. L. 10juill. 1965, art 29-4.


266. L. lOjuill. 1965, art. 29-5.
267. L. lOjuill. 1965, art. 29-5, V.
268. Lorsque le syndicat dispose d’actifs cessibles, « notamment des locaux ou des parcelles de
terrain non bâti, de nature à apurer les dettes du syndicat, l’administrateur provisoire peut
demander au juge l’autorisation de réaliser les cessions » (L. lOjuill. 1965, art. 29-6).
269. L. lOjuill. 1965, art. 29-7.
270. L. lOjuill. 1965, art 29-8.
271. L. lOjuill. 1965, art. 29-8.
LE SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES 117

compétent en matière d ’habitat272. La préservation des intérêts des copro­


priétaires ne paraît pas pleinement garantie2'3.
La principale innovation de la loi ALUR a été d ’autoriser, à titre expéri­
mental pour une durée de dix ans, l’expropriation des parties
communes2'4. Cette expropriation a lieu au profit de la commune ou
d ’un EPCI. L’intérêt réside dans la mise en œuvre de cette expropriation.
L’état descriptif de division est en effet modifié et distingue alors les « biens
privatifs », auxquels est attachée « une servitude des biens d’intérêt collec­
tif ». Les propriétaires de ces biens privatifs sont tenus de respecter un
règlement d’usage établi par l’opérateur et verseront une redevance en
contrepartie de la servitude pour l’entretien des « biens d’intérêt
collectif »2/d. L’objectif immédiat de la loi est de trouver une solution
• J - 976
moins radicale que l’expropriation de l’immeuble dans son entier .
Cette technique, employée dans un but de lutte contre l’habitat indigne,
pourrait sans doute être utilisée à l’avenir pour transformer la répartition
de la propriété au sein des copropriétés. Les parties communes pourraient
être confiées à des sociétés qui en assureraient la gestion en contrepartie de
redevances versées par les titulaires des biens privatifs277, ce qui rejoindrait
d’ailleurs, par une autre méthode, le recours à la forme sociétaire parfois
- -278
suggéré .

272. CCH, art. L. 615-7.


273. Pour une illustration, Cass. 3e civ., 28janv. 2015, n° 13-19080, censurant, au visa des articles 6-1
de la CESDH, ensemble l’article L. 615-6 du CCH, un arrêt ayant déclaré irrecevable la tierce
opposition de copropriétaires au jugem ent constatant la carence de la copropriété, au motif
que « le syndicat ne représente pas les copropriétaires dans la procédure engagée sur le fon­
dem ent de l’article L. 615-6 du Code de la construction et de l’habitation et qui pouvait abou­
tir à l’expropriation de l’immeuble en vue de sa réhabilitation ou de sa démolition ».
274. CCH, art. L. 615-10.
275. CCH, art. L. 615-10, II.
276. Projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ETLX1313501L), Exposé des
motifs.
277. D. T omasfn, « La copropriété dans le projet de loi ALUR », AJDI2013, p. 578, spéc. p. 584.
278. F. Zenati-Castaing et T. Revet, Les biens, 3e éd., PUF, 2008, n° 358.
CHAPITRE 2___________________________
Les organes du syndicat des copropriétaires

186. Présentation. - Le syndicat des copropriétaires se détermine, s’exprime et


agit sur la scène juridique par l’intermédiaire de ses organes. Reprenant un
triptyque classique, délibération, décision, contrôle, le législateur a créé
trois organes distincts et complémentaires : l’assemblée générale des copro­
priétaires, le syndic et le conseil syndical.

Section 1. — L’assemblée générale des copropriétaires


« (j'ai l'intime et ferme conviction que l'enfer est une très longue
réunion de copropriété) •>'

187. L’assemblée générale, organe de délibération du syndicat. - « Les décisions


du syndicat sont prises en assemblée générale des copropriétaires »12.
Chaque copropriétaire doit ainsi avoir la possibilité d ’y participer. L’assem­
blée constitue l’organe d’expression collective du syndicat, le lieu de débats
parfois houleux, souvent lassants. On ne peut cependant y substituer une
consultation écrite, même unanime3. Même le vote par correspondance
n’y était pas admis jusqu’à très récemment4. Mais si « le législateur croit
aux vertus de la discussion et tient à ce qu’ils se rencontrent »5, il a fini

1. J.-P. M inaudier , Poésie du gérondif (vagabondages linguistiques d'un passionné de peuples et de mots),
Le Tripode, 2014, p. 18.
2. L. 10juill. 1965, art. 17, al. 1er. Pour une étude d’ensemble, v. F. BayardJ ammes, « La prise de
décision par le syndicat des copropriétaires : constats et perspectives », AjDI2019, p. 499.
3. Cass. 3' civ., 27 févr. 2002, n° 00-13907 : Bull. civ. III, n" 52. V. cependant, dans l’hypothèse de
petites copropriétés, depuis l’ordonnance du 30 octobre 2019, supra, n° 174.
4. V. en ce sens, J. L afond , « Les décisions hors assemblée »,JCPN2005, 1489, n° 4.
5. W. Dross, Droit des biens, LGDJ, 2019, n° 219.
120 LA COPROPRIETE DES IMMEUBLES BATIS
par penser qu’un taux de parücipation des copropriétaires aux votes serait
plus fort si l’on admettait la visioconférence et le vote par correspondance67.
188. L’assemblée générale, organe unitaire ? - Contrairement à d’autres groupe­
ments dotés de la personnalité morale, l’assemblée générale du syndicat
des copropriétaires ne connaît pas la distinction entre assemblées générales
ordinaire et extraordinaire'. Chaque assemblée est donc amenée à traiter,
au gré des questions, de l’ensemble des points soumis à l’ordre du jour.
Cette unité est cependant tempérée par l’existence d’assemblées spéciales,
dans certaines hypothèses. C’est le cas notamment pour les décisions
concernant un équipement réalisé par un groupe de copropriétaires8, les
parties communes spéciales ou les syndicats secondaires9.
189. L’assemblée générale, organe temporaire.- Contrepartie de l’exigence
d’une réunion, l’assemblée générale est temporaire. La vie de la copro­
priété est rythmée par sa tenue, mais le quotidien laisse plus de place au
syndic, voire au conseil syndical. Afin d’éviter que l’assemblée ne devienne
purement formelle, il est prévu qu’elle se réunisse au moins une fois
chaque année10. Néanmoins, chaque assemblée demeure indépendante et
peut donc revenir sur une décision précédemment adoptée, sauf si elle
était créatrice de droits.
§ 1. La convocation de l’assemblée générale
190. Plan.- La convocation de l’assemblée générale suscite un contentieux
abondant de pure opportunité, qui vise à éviter les conséquences d’une
délibération contraire à ses intérêts. Autant dire que les textes du décret
de 1967 qui y sont consacrés doivent faire l’objet de la plus grande atten­
tion, au sujet des modalités et du contenu de la convocation.

6. L. 10juill. 1965, art. 17-1 A.


7. Bien que la loi ALUR ait introduit la terminologie, sans en tirer cependant de conséquence
juridique spécifique (L. 1965, art. 17-1-1, abrogé par l’ordonnance du 30 octobre 2019, mais
dont la formule « assemblée générale extraordinaire » est reprise à l’article 41-11).
8. L. 1965, art. 24, III.
9. Sur cette question, v. G. C hantepie, « Groupements restreints et collaborations renforcées »,
A/D/2015, p. 277.
10. D. 17 mars 1967, art. 7, al. 1er. L’assemblée ne saurait d’ailleurs adopter une résolution don­
nant au conseil syndical la possibilité de supprimer la périodicité annuelle (Cass. 3e civ.,
25 mai 1976, n” 75-10126: Bull. civ. III, n°226). Cette périodicité annuelle est maintenue
même pour les petites copropriétés après l’ordonnance du 30 octobre 2019. V. supra, n° 174.
LES ORGANES DU SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES 121

A. Les modalités de la convocation

1. L ’auteur de la convocation
191. Convocation par le syndic. - La convocation de l’assemblée générale est en
principe un pouvoir exclusif du syndic11. Dès lors, toute convocation effec­
tuée par une autre personne demeurerait sans effet, la tenue éventuelle de
l’assemblée générale s’apparentant alors à une simple réunion de fait dépour­
vue du pouvoir de délibérer1'. L’hypothèse survient surtout lorsque le syndic
sortant a convoqué l’assemblée générale après l’expiration de son mandat13.
Bien que la convocation constitue un pouvoir propre du syndic, il est tenu d ’y
procéder dans deux hypothèses : lorsque la demande lui en est faite par le
conseil syndical ; lorsque la demande émane d’un ou plusieurs copropriétai­
res représentant au moins un quart des voix de tous les copropriétaires sauf si
le règlement prévoit un seuil inférieur14. Le syndic étant tenu de convoquer
l’assemblée générale au moins une fois par an, cette possibilité vise d ’abord à
lutter contre son inerde éventuelle dans le cas de questions précises qui méri­
teraient d ’être posées rapidement13, notamment sa révocation.
192. Assouplissement des règles de convocation.

Assouplissant les règles de convocation, sans déroger au pouvoir du syn­


dic, l’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 insère un article 17­
1 AA permettant à tout copropriétaire de solliciter la convocation et la
tenue d ’une assemblée générale pour faire inscrire à l’ordre du jour
des questions relatives à ses seuls droits et obligations. L’enjeu, assez
limité, tient à la nécessité pour certains copropriétaires d ’obtenir l’auto­
risation de réaliser certains travaux importants touchant par exemple des
murs porteurs dans leurs parties privatives, sans avoir à attendre l’assem­
blée générale annuelle. Afin d ’éviter des convocations trop nombreuses,
il est prévu que le copropriétaire à l’origine de la demande supportera
les frais de convocation et de tenue de l’assemblée générale. Si le syndic
souhaitait ajouter des questions, profitant de la convocation de l’assem­
blée générale, la charge des frais serait alors supportée par le syndicat16.

11. D. 17 mars 1967, arc 7, al. 2.


12. Néanmoins, « les irrégularités d’une assemblée générale, tenant à une absence de convocation
ou à une convocation irrégulière à la suite de l’expiration du mandat du syndic, ne rendent pas
les décisions prises inexistantes mais annulables » (Cass. 3' civ., 13 nov. 2013, n° 12-12084).
13. Sur cette question, v. infra, n° 252.
14. D. 17 mars 1967, art. 8.
15. Sans toutefois que le syndic puisse apprécier l’opportunité des questions posées: CA Paris,
6 oct. 2006 : Administrerjanv. 2007, p. 51, obs. P. C apoulade .
16. V. F. B avardJ ammes, « La réforme de la prise de décision au sein de la copropriété », AJDI1999,
p. 870.
122 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS
193. Convocation par une autre personne. - Prolongeant les hypothèses précé­
dentes, l’assemblée générale peut parfois même être directement convo­
quée sans intervention du syndic. C’est le cas, d’abord, en cas de carence
de celui-ci dans les situations précédemment évoquées. Le président du
conseil syndical peut alors valablement convoquer l’assemblée générale
après mise en demeure restée infructueuse pendant au moins huit jours17.
L’ordre du jour sera strictement limité aux questions qui figuraient dans la
mise en demeure. S’il n’existe pas de conseil syndical, que ses membres
n’aient pas été désignés ou que le président demeure passif, tout coproprié­
taire peut saisir la justice afin d’être habilité à convoquer l’assemblée géné­
rale, après mise en demeure restée infructueuse adressée au syndic et, le
cas échéant, au président du conseil syndical18. L’assemblée générale peut
également être convoquée, ensuite, par l’administrateur provisoire, lors­
qu’il assume les pouvoirs du syndic.
2. Les formes de la convocation
194. De la lettre recommandée au courriel. - La notification de la convocation
peut être valablement faite par lettre recommandée avec demande d’avis
de réception. Cela exclut toute convocation par courrier simple19 ou par
avis affiché dans les parties communes, l’objectif du législateur étant de s’as­
surer que le copropriétaire a bien reçu personnellement la convocation. Le
texte admet également que la convocation puisse résulter d’une remise
contre récépissé ou émargement. Allant plus loin, le législateur a récem­
ment admis, à la suite de nombreuses sollicitations20, que les convocations
puissent être valablement faites par voie électronique21. Les articles 64-1 et
suivants du décret de 1967 prévoient, pour toutes les notifications et mises
en demeure, les modalités requises. L’accord exprès des copropriétaires est
préalablement exigé22. Pour les copropriétaires ayant accepté cette moda­
lité, la convocation est effectuée par lettre recommandée électronique,
dans des conditions qui permettent d’identifier l’expéditeur, de garantir
l’identité du destinataire et d’établir si la lettre lui a bien été remise21.
17. D. 17 mars 1967, art. 8, al. 2.
18. D. 17 mars 1967, art. 50. La demande est adressée au président du tribunal judiciaire statuant
en référé, lequel peut habiliter soit le copropriétaire demandeur, soit un mandataire de jus­
tice qui pourra alors présider l’assemblée.
19. V. not. Cass. 3' civ., 14 févr. 1996, n" 94-11617 : Bull. civ. III, n° 43.
20. Rép. min. n" 97763,/OAA19 avr. 2011, p. 3964.
21. L. lOjuill. 1965, art. 42-1. Mais plus par télécopie avec récépissé.
22. À l’occasion d’une assemblée générale, sa déclaration étant consignée dans le procès-verbal,
ou par tout moyen adressé au syndic lui conférant date certaine (D. 17mars 1967, art 64), le
retrait de son accord demeurant possible (art. 64-2).
23. C.civ., art. 1127-5.
LES ORGANES DU SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES 123

Cette simplification devrait limiter, à moyen terme, les difficultés de respect


du délai inhérentes à l’achem inem ent par un tiers.

3. Les délais de la convocation


195. Délai de principe. - La « convocation est notifiée au moins vingt et un jours
avant la date de la réunion »24, à peine de nullité de l’assemblée générale2’.
On com prend dès lors q u ’un contentieux nourri se soit développé sur la
com putation du délai. La convocation par remise en mains propres contre
récépissé ou par acte d ’huissier ne pose guère de difficulté, le délai de vingt
et un jours courant à com pter de la date de l’ém argem ent ou de la signifi­
cation. En revanche, lorsque la convocation a lieu par voie postale, le délai
a pour point de départ le lendem ain du jo u r de la prem ière présentation
de la lettre recom m andée au domicile du copropriétaire26. Concrètem ent,
cela implique que, si l’assemblée générale se déroule le vingt et unièm e
jo u r suivant le lendem ain du jo u r de la prem ière présentation, le délai n ’a
pas été respecté2'. Il n ’est donc pas inutile de prendre un peu de marge
dans l’envoi des convocations, d ’autant que la cause du non-respect du
délai est jugée indifférente28. Lorsque la convocation est adressée par voie
électronique, le délai a pour point de départ le lendem ain de l’envoi au
destinataire par le tiers chargé de son achem inem ent29.
196. Exceptions. - Le délai minimal de vingt et un jours entre la convocation et
la tenue de l’assemblée générale connaît trois exceptions. Il peut d ’abord
être fixé à une durée plus longue par le règlem ent de copropriété. A l’in­
verse, ensuite, un délai plus court n ’est admissible q u ’en cas d ’urgence. Le
risque est grand que l’auteur de la convocation en ait une appréciation dif­
férente de celle du juge, qui dispose sur ce point d ’un pouvoir souverain
d ’appréciation30. Devant le risque de nullité de l’assemblée générale ainsi
convoquée, il revient au syndic de rapporter la preuve de l’urgence, ce qui

24. D. 17 mars 1967, art. 9, al. 2.


25. Peu important la présence effective et la participation au vote du copropriétaire qui sollicite
l’annulation (Cass. 3e civ., 17avr. 1991, n°89-19290 : Buü. civ. III, n° 121).
26. D. 17 mars 1967, art. 64. Seul le domicile déclaré est pris en compte, à l’exclusion du délai
éventuel de réexpédition du courrier (Cass. 3e civ., 19 o ct 2011, n° 10-20634: Bull. civ. Ill,
n° 172).
27. Cass. 3e civ., 19 déc. 2007, n° 07-13703.
28. V. not., dans l’hypothèse d ’une grève des services postaux présentant les caractères de la force
majeure, CA Paris, 3 déc. 1998: Ijryers et copr. 1999, comm. 130, obs. G. V igneron.
29. D. 17 mars 1967, art. 64-3.
30. Pour des cas d ’urgence admis, Cass. 3e civ., 1er avr. 1992, n° 90-14291 : Bull. civ. III, n° 111
(risque de rupture de canalisation) ; Cass. 3e civ., 26janv. 2011, n° 10-20523 (suites du licen­
ciement de la concierge) ; Cass. 3e civ., 21 oct. 2009, n° 08-18835 (audience devant un tribunal
chargé de statuer sur une opposition formée par le syndicat des copropriétaires à l’encontre
d’une ordonnance du juge-commissaire).
124 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

devrait justifier qu’il explicite dans la convocation les raisons qui le pous­
sent à réduire le délai et qu’il pose les questions liées à cette situation31.
Le délai de vingt et un jours ne s’applique pas, enfin, dans l’hypothèse
d’une seconde convocation de l’assemblée générale. L’article 25-1 de la loi
prévoit en effet un délai de huit jours, qui ne vise cependant que les seules
questions posées lors de la première assemblée générale.
B. Le contenu de la convocation
197. Plan. - Le contenu de la convocation est soumis à des exigences précises
par l’article 9 du décret. Elle doit indiquer les lieu32, date et heure de la
réunion, mais surtout l’ordre du jour. L’essentiel est en effet de mettre
chaque copropriétaire en mesure de connaître les points qui seront soumis
au vote et les éléments lui permettant de préparer sa décision - et peut-être
également d’apprécier l’opportunité de sa participation !
198. Ordre du jour. - L’ordre du jour contenu dans la convocation ou dans un
complément adressé ultérieurement33 précise chacune des questions sou­
mises à la délibération de l’assemblée34. Cette mention apparemment ano­
dine se révèle déterminante pour la tenue de l’assemblée générale. Aucun
vote ne peut être valablement tenu sur un point qui n’aurait pas été soumis
à la délibéraüon de l’assemblée générale3’. Les questions doivent ainsi être
distinguées suivant qu’elles ont été, ou non, inscrites à l’ordre du jour36.
Pour pouvoir faire l’objet d’une délibération qui engage l’assemblée, une
question doit avoir été inscrite, ce qui suppose qu’elle ait été formulée pré­
cisément. Dès lors qu’une ambiguïté subsiste sur la nature de la délibéra­
tion, le vote est privé d’effet décisoire3'. Il en est ainsi, notamment, lorsque
l’assemblée générale est appelée à se prononcer sur une « étude de la
question »38, sur des questions diverses qui visent à préparer l’assemblée sui­
vante ou sur toute autre question non inscrite à l’ordre du jour39. Il s’agit là
31. La jurisprudence admet cependant que la justification intervienne a posteriori (CA Paris,
3 févr. 2010, n° 09/00448).
32. Sauf stipulation contraire du règlement de copropriété, l’assemblée doit être réunie dans la
commune où est situé l’immeuble (D. 17 mars 1967, art. 9. Pour une application, Cass. 3' civ.,
22 mai 1990, n° 88-12349 : Bull. civ. III, n° 127).
33. Dès lors que le délai est respecté, v. Cass. 3' civ., 10 déc. 2008, n° 07-16448 : Bull. civ. III, n° 127.
34. D. 17 mars 1967, art. 9.
35. Cass. 3' civ., 13 nov. 2013, n° 12-12084 : « une décision d’assemblée générale existe dès qu’une
question est soumise à l’ensemble des copropriétaires et est sanctionnée par un vote ».
36. D. 1967, art. 13.
37. V. not., relevant le caractère particulièrement vague du projet de résolution, Cass. 3e civ.,
29janv. 2003, n° 01-01685 : Bull. civ. III, n° 22.
38. Cass. 3e civ., 14 févr. 1984, n° 882-16276 : Bull. civ. III, n° 35.
39. D. 17 mars 1967, art. 13, al. 2.
LES ORGANES DU SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES 125

d’un point déterminant des assemblées générales en copropriété. Chaque


assemblée connaît un ordre du jour déterminé dans la convocation et il
n’existe pas d ’ordre du jour type, même pour l’assemblée annuelle.
199. Auteur de l’ordre du jour. - L’auteur de l’ordre du jour revêt donc une
importance capitale, qui détermine les points sur lesquels des décisions
pourront être adoptées. Si le syndic possède une compétence de principe,
un ou plusieurs copropriétaires, ou le conseil syndical, peuvent lui notifier
les questions dont ils souhaitent qu’elles soient inscrites à Tordre du jour de
la prochaine assemblée40. Le syndic, qui doit informer par voie d’affichage
de la possibilité de solliciter l’inscription de questions à l’ordre du jour41,
ne dispose pas du pouvoir d’écarter une question qui lui paraîtrait
inopportune42. Tout juste faut-il que la demande qui lui est adressée com­
prenne un projet de résolution ou des documents spécifiques et, surtout,
qu’elle ne présente pas un caractère tardif, sauf à devoir être examinée
lors de l’assemblée suivante. Le partage du pouvoir de fixer le contenu de
Tordre du jour doit en effet préserver la capacité du syndic à notifier vala­
blement la convocation aux copropriétaires.
200. Documents préparatoires. - La tâche est d’autant plus importante que la
convocation doit comprendre de multiples documents destinés à éclairer
les copropriétaires sur les décisions envisagées. L’article 11 du décret de
1967 distingue entre les documents requis pour la validité de la décision41
et ceux destinés à la seule information des copropriétaires. L’opposition
n’est pas forcément heureuse, qui laisse entendre que l’information ne pré­
senterait qu’un caractère secondaire dans la convocation de l’assemblée.
Quoi qu’il en soit, les documents requis pour la validité de la décision
sont particulièrement nombreux. Sans entrer dans les détails, on peut
signaler qu’ils comprennent couramment différentes pièces comptables
(état financier du syndicat et projet de budget), des projets de contrats44,
notamment le contrat de syndic, ou de modifications du règlement de
copropriété, ainsi que des projets de résolution. Sont en outre requis,
pour la seule information des copropriétaires, certains documents, tels

40. D. 17 mars 1967, art. 10.


41. D. 17mars 1967, art. 9, al. 2. Cette formalité n ’est pas prescrite à peine d’irrecevabilité de la
convocation.
42. Cass. 3' civ., 13 sept. 2018, n° 17-22124: A/D/2019, p.450, obs. N. Lf. Ruduuer; Cass.3eciv„
29 mai 2002, n° 00-17296.
43. Leur absence affectant la validité de la décision, non de l’assemblée (Cass. 3e civ., 15 mars
2006, n° 04-19919 : Bull civ. III, n° 66).
44. Le texte évoque parfois « les conditions essentielles du contrat », qui semblent distinctes des
conditions générales et particulières du contrat (D. 17 mars 1967, arc 11,1, 3°).
126 LA COPROPRIETE DES IMMEUBLES BATIS

que les annexes au budget prévisionnel ou l’état détaillé des sommes per­
çues par le syndic au titre de sa gestion43.
Outre les documents annexés à la convocation, le syndic doit tenir à dispo­
sition des copropriétaires les pièces justificatives des charges de
l’article 18-146. Chaque copropriétaire peut se faire assister par un membre
du conseil syndical ou son locataire, voire autoriser ce dernier à les consul­
ter en ses lieu et place.

§ 2. Les délibérations de l’assemblée générale


201. Tenue de l’assemblée générale. - L’assemblée générale tient de la grand­
messe, bien qu’il ne soit pas certain qu’elle contribue vraiment à élever la
communauté des copropriétaires. En dépit d ’une abstention souvent déplo­
rée, on s’y presse, on s’y défie aussi. La possibilité nouvellement offerte de
participer par voie électronique4' transformera peut-être ce rituel en un
exercice de démocratie en ligne48. La tenue de l’assemblée générale
implique la mise en œuvre de modalités pointilleuses, dont le respect condi­
tionne l’efficacité des délibérations. A s’en tenir à l’essentiel, il faut signaler
qu’un président de séance, choisi parmi les copropriétaires49, doit être
désigné en début de réunion, qui sera chargé de veiller à la régularité des
débats. Il sera éventuellement assisté d’un ou plusieurs scrutateurs, le secré­
tariat de la séance étant, sauf décision contraire de l’assemblée générale,
assuré par le syndic ’0. Par ailleurs, une feuille de présence doit être tenue,
qui indique l’identité de chaque copropriétaire ou associé, présent physi­
quement ou représenté, voire participant par visioconférence, audioconfé­
rence ou autre moyen électronique31, et le nombre de voix dont il dispose.

45. D. 17 mars 1967, art. 11, II.


46. D. 17 mars 1967, art. 9-1.
47. Sous réserve d ’en avoir informé le syndic trois jours francs au plus tard avant la réunion
(D. 17 mars 1967, art. 13-2).
48. À moins que cela conduise paradoxalement à renforcer la position du syndic, susceptible de
profiter de sa situation dans une assemblée désertée physiquement. V. ainsi, D. T o m a sin , « Les
dispositions de la loi ELAN relatives à la copropriété », AJDI2019, p. 40.
49. A l’exception du syndic, de son conjoint, partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité ou
concubin, ainsi que les ascendants ou descendants de leurs conjoints, partenaires ou concu­
bins, et de ses préposés, de leurs conjoints, partenaires ou concubins, ainsi que leurs ascen­
dants et descendants (L. lOjuill. 1965, a r t 22, I). Un mandataire ne peut pas plus être élu
président (Cass. 3eciv., 13nov. 2013, n° 12-25682). En revanche, l’associé d ’une société d ’at­
tribution peut présider l’assemblée (Cass. 3e civ., 6 mars 2002, n° 00-10405: Bull. civ. III,
n° 58).
50. D. 17 mars 1967, art. 15.
51. D. 17 mars 1967, art. 14.
LES ORGANES D U SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES 127

Ces formalités préalables ne visent qu’à garantir l’exercice du vote, encadré


dans des majorités complexes.
A. L’exercice du vote
1. La répartition des voix entre les copropriétaires
202. Principe. - La prise de décisions par la communauté des copropriétaires
repose sur les parts respectives de parties communes qu’ils dédennent
dans l’immeuble partagé. « Chaque copropriétaire dispose d’un nombre
de voix correspondant à sa quote-part dans les parues communes » énonce
l’arücle 22 de la loi de 1965. Ce principe d’ordre public impose de clarifier
la qualité de copropriétaire et le calcul du nombre de voix.
203. Qualité de copropriétaire. - La qualité de copropriétaire est nécessaire à
l’exercice du droit de vote en assemblée générale. Dès lors, le locataire
d’un lot de copropriété, titulaire d’un droit personnel à l’égard du copro­
priétaire, ne prend pas part au vote sous réserve de l’éventuel mandat qui
lui aurait été confié. Rien n’empêcherait pourtant d’imaginer que les loca­
taires, qui sont les plus directement affectés par les charges de copropriété,
disposent d’un droit de vote sur les questions qui les intéressent. Cette dis­
sociation entre la propriété du lot et son usage, qui existe notamment en
Italie, n’a pas été retenue par les rédacteurs de l’ordonnance du 30 octobre
2019. Afin de tenir compte de l’occupation effective des logements, plutôt
que de la seule propriété des lots, il est seulement prévu que des associa­
tions de locataires, affiliées à des organisations siégeant à la commission
nationale de concertation ou représentant 10 % d’entre eux, puissent assis­
ter à l’assemblée générale et formuler des observations, sans pour autant
prendre part aux votes32.
Réciproquement, un copropriétaire ne saurait être privé de son droit de
vote, même s’il est débiteur de la copropriété. La loi prévoit cependant
quelques aménagements dans des situations particulières. D’abord, lorsque
le syndicat est titulaire d’un lot de copropriété, il ne dispose pas de voix en
assemblée générale au titre des parties privatives qu’il détient33. Les voix
correspondant à la quote-part de parties communes du lot sont donc neu­
tralisées, ce qui modifie les majorités applicables en réduisant le nombre de
voix. Ensuite, « lorsque plusieurs lots sont attribués à des personnes qui ont
constitué une société propriétaire de ces lots, chaque associé participe
néanmoins à l’assemblée du syndicat et y dispose d’un nombre de voix
égal à la quote-part dans les parties communes correspondant au lot dont
52. L. n° 86-1290 du 23 déc. 1986, art. 44.
53. L. lOjuill. 1965, art. 16, al. 2.
128 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS
il a la jouissance »a4. Le législateur vise ici spécialement l’hypothèse des
sociétés d’attribution, à l’exclusion notamment de sociétés civiles
immobilières31’. Enfin, dans le cas d’un lot indivis ou démembré, un man­
dataire commun représentera les intéressés à l’assemblée générale1’6. Plus
précisément, un mandataire commun est, à défaut d’accord, désigné par
le président du tribunal judiciaire à la requête de l’un des intéressés ou
du syndic. La loi ALUR a modifié le système antérieur en écartant toute
possibilité d’aménagement dans le règlement de copropriété et en éten­
dant le champ d’application du texte de l’usufruit à l’ensemble des démem­
brements de propriété3'.
204. Attribution des voix au nu-propriétaire.
L’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 a de nouveau modifié
l’attribution des voix. L’article 23, alinéa 2, de la loi de 1965 n’est pas
modifié en cas d’indivision, un mandataire commun, désigné d’un com­
mun accord ou, à défaut, par le président du tribunal judiciaire saisi par
l’un d’entre eux ou le syndic, étant chargé de représenter les indivisaires
lors de l’assemblée générale. En revanche, les rédacteurs de l’ordon­
nance, dans le souci de limiter les désaccords entre nu-propriétaire et
usufruitier et, plus généralement, entre propriétaire et titulaire d’un
droit réel d’occupation, «source d’insécurité juridique »38, mais surtout
de recours judiciaire, ont choisi de faire prévaloir la qualité de nu-pro­
priétaire. En cas de désaccord, celui-ci représentera les intéressés lors
de l’assemblée générale. La vocation du nu-propriétaire à recouvrer la
pleine propriété à terme ne justifie qu’imparfaitement l’exclusion des
usufruitiers pour des décisions relevant de l’usage quotidien de la copro­
priété. A l’instar des locataires, et en dépit de leur droit réel, ils sont sou­
mis aux décisions des propriétaires qu’ils ne pourront pas contester dès
lors que le nu-propriétaire, les représentant, les aura approuvées1*9. La
copropriété est décidément une affaire de copropriétaires, sans égards
pour ses occupants.

54. L. 10juill. 1965, art. 23, al. 1.


55. Cass. 3'civ., 9nov. 2005, n° 04-13570: Bull. cm. III, n°217.
56. L. 10juill. 1965, art. 23, al. 2.
57. Ce qui permet de l’appliquer au bail à réhabilitation, dans lequel le preneur est de droit le
mandataire commun (CCH, art. L. 252-1-1).
58. Rapport sur l’ordonnance du 30 octobre 2019.
59. Sur le cas de l’usufruit locatif social, v. A. Lebatteux, «Les dispositions de l’ordonnance
n°2019-1101 du 30octobre 2019 applicables aux assemblées générales de copropriété»,
Loyers et copr. 2020, dossier 5, n° 25.
LES ORGANES DU SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES 129

205. Nombre de voix par copropriétaire. - Chaque copropriétaire dispose d’un


nombre de voix correspondant à sa quote-part dans les parues communes.
Cette règle d’ordre public repose sur la répardtion prévue par le règlement
de copropriété, qui peut aménager la règle issue de l’ardcle 5 de la loi, la
proportionnalité des quotes-parts de parties communes à la valeur relative
de chaque partie privative par rapport à l’ensemble des valeurs desdites par­
ues.
206. Copropriété en main dominante.- Ce principe souffre cependant une
exception destinée à éviter qu’un copropriétaire puisse décider seul de la
gestion de l’immeuble. La copropriété est aussi une communauté de per­
sonnes, ce qui justifie que lorsqu’elle est placée en main dominante, l’un
des copropriétaires disposant à lui seul d’une quote-part excédant la moitié,
une réduction des voix soit opérée à la hauteur de la somme des voix des
• fin 1 . x •
autres copropriétaires . Ce texte a suscité de nombreuses difficultés
d’interprétation. D’une part, la réduction des voix ne s’applique qu’en cas
de majorité détenue par un copropriétaire seul. Ce n’est donc pas le cas
lorsque deux copropriétaires détiennent ensemble la majorité, qu’ils soient
parents ou alliés, voire lorsque l’un des lots appartient à un époux en pro­
pre et l’autre aux deux époux en commun61. Une communauté d ’intérêts
entre plusieurs copropriétaires n ’est pas condamnable. Seule la fraude des­
tinée à contourner la réduction du nombre de voix est sanctionnée par la
jurisprudence62. Il en va notamment ainsi lorsque le copropriétaire a cédé
une partie accessoire de son lot (garage, cave) dans le seul but d’éviter l’ap­
plication de l’article 22. En revanche, la donation d’appartements à ses
enfants, motivée par des raisons fiscales, ne serait pas frauduleuse63.
D’autre part, la réduction est calculée à partir des voix de tous les copro­
priétaires, non des seuls copropriétaires présents ou représentés à
l’assemblée64. Il ne s’agit pas de favoriser l’abstention, mais bien l’expres­
sion personnelle des copropriétaires, abstraction faite de leur poids au
sein de la copropriété. Concrètement, un copropriétaire peut ainsi disposer
seul de la majorité pour l’ensemble des décisions soumises à une majorité
simple. Le calcul se fait ainsi. Soit un copropriétaire majoritaire qui détient
à lui seul 550/1000edes voix. L’ensemble des minoritaires détenant 450/

60. L. 10juill. 1965, art. 22, I, al. 2. Le texte n ’est cependant pas applicable à l’organisme HLM
vendeur qui conserve la qualité de syndic (CCH, art. L. 443-15). Une QPC transmise par la
Cour de cassation (Cass. 3e civ., 16 mai 2014, n° 14-40015 : D. 2014, p. 2193, obs. V. G eorget) a
finalement été rejetée (Cons.const, 11 juill. 2014, déc. 2014-409 QPC).
61. Cass. 3e civ., 25 sept. 2002, n° 01-00161 : Bull. civ. III, n° 179.
62. Les juges du fond disposant d ’un pouvoir souverain d ’appréciation (Cass. 3e civ., 28juin 1995,
n° 93-16559).
63. Cass. 3e civ., 28juin 1995, préc.
64. Cass. 3e civ., 2juill. 2008, n° 07-14619 : Bull. civ. III, n° 118.
130 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS
1000e, les voix du majoritaire sont réduites à cette hauteur. Supposons que
le jour de l’assemblée générale, certains minoritaires ne soient ni présents
ni représentés, et que l’ensemble des minoritaires ne réunit plus que 250/
1000e des voix, le total des voix pris en compte aux décisions prises à la
majorité simple n’est plus alors que de 700/1000e. La majorité simple,
fixée à 351/1000e, est atteinte par le copropriétaire majoritaire sans que
les autres puissent s’y opposer. On le voit, la copropriété en main domi­
nante demeure une situation particulièrement délicate pour les
minoritaires6 '. Elle devenait quasiment inextricable en cas de copropriété
à deux, les décisions devant de fait être prises à l’unanimité, ce qui explique
la réaction du législateur en faveur de la prise de décision au profit du
copropriétaire dominant66.
2. La représentation des copropriétaires
207. Représentation légale.- La participation aux assemblées générales peut
être limitée par les mécanismes de représentation légale. La question n’ap­
pelle guère d’observation, le représentant exerçant les droits éventuelle­
ment détenus par le mineur ou la personne protégée6'. Il faudra cepen­
dant s’assurer de l’étendue de ses pouvoirs (administration, disposition),
qui ne recoupent pas parfaitement les types de majorité prévus aux árd­
eles 24 et suivants de la loi. La même solution s’applique pour les lots déte­
nus par des époux, chacun d’entre eux représentant valablement l’autre,
sous la seule réserve des pouvoirs d’aliéner, notamment des parties commu­
nes.
208. Représentation conventionnelle. - La représentation conventionnelle à l’as­
semblée générale est particulièrement encadrée. Loin de laisser s’appliquer
les règles relatives au mandat, le législateur veille à éviter que les délibéra­
tions soient adoptées au bénéfice de copropriétaires absents, qui auraient
massivement confié leurs intérêts à l’un d’entre eux, voire au syndic. Des
restrictions sont ainsi posées. Elles tiennent d’abord aux personnes suscep­
tibles de recevoir un pouvoir. En principe, « tout copropriétaire peut délé­
guer son droit de vote à un mandataire, que ce dernier soit ou non membre
du syndicat »6H. La liberté du copropriétaire ne saurait donc être restreinte
par une clause contraire du règlement de copropriété. Néanmoins, le syn­
dic et ses proches ne peuvent détenir de pouvoir pour voter lors de

65. Sur la possibilité d’un abus de majorité, v. infra, n” 354.


66. V. supra, n° 206.
67. Encore faut-il que l’existence d’une mesure de protection ait été notifiée au syndic
(D. 17mars 1967, art. 32).
68. L. lOjuill. 1965, art. 2 2,1, al. 3.
LES ORGANES DU SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES 131

l’assemblée générale69. Formellem ent, la jurisprudence exige en outre,


ajoutant à la loi, que le m andat résulte d ’un écrit à l’exclusion d ’un m andat
apparent ou tacite70.
F.n dépit de la volonté affichée de favoriser la participation aux assemblées
générales, chaque m andataire ne pourra, à quelque titre que ce soit, rece­
voir plus de trois délégations de vote en assemblée générale ' 1. Ce paradoxe
apparent s’explique par la volonté d ’éviter q u ’une m êm e personne ras­
semble, du fait de nom breux pouvoirs recueillis, une majorité lui perm et­
tant de prendre seule les décisions. Cela explique que cette limitation soit
écartée tant que le total des voix dont le copropriétaire dispose lui-même,
en tant que m andataire, n ’excède pas 10% des voix du syndicat72, taux
rehaussé depuis la loi ELAN'6, ou lorsqu’il participe à l’assemblée générale
d ’un syndicat principal et que toutes ses délégations de vote proviennent du
même syndicat secondaire. Rien n ’em pêche en outre la pratique du
sous-mandat74, dès lors du moins que le m andat principal ne l’interdisait
pas. Contrairem ent au m andat impératif, inopposable au syndicat des
copropriétaires'3, la pratique du pouvoir en blanc, c’est-à-dire sans désigna­
tion du m andataire est égalem ent admise. Le syndic ne peut cependant les
conserver pour voter en son nom, ni les distribuer lui-même à des m anda­
taires q u ’il aurait choisis. Il est sans doute préférable de privilégier des pou­
voirs nominatifs, qui favoriseront l’expression d ’une volonté réelle de parti­
ciper à l’assemblée générale. La possibilité de participer à l’assemblée
générale par des moyens de comm unication m odernes pourrait égalem ent
limiter le recours aux délégations de vote.
209. Assistance d’un copropriétaire par un tiers. - Si les représentants des copro­
priétaires disposent d ’un droit de vote et participent nécessairement, à ce
titre, à l’assemblée générale, la question se pose parfois de la participation
de tiers. Il arrive q u ’ils soient invités pour s’exprim er sur une question par­
ticulière et leur présence ne saurait rem ettre en cause la validité de

69. L. lOjuill. 1965, art. 2 2 ,1.


70. Cass. 3eciv., 19juill. 1995, n°93-17911 : Bull. civ. III, n°203.
71. L. 10juill. 1965, art. 2 2 ,1, al. 3.
72. Lorsque le lot est détenu en indivision par deux époux, et que le droit de vote attaché au lot
est exercé par l’un d’eux, l’autre époux peut recueillir des pouvoirs dans la limite de 10 % des
voix, sans que soient prises en compte les voix attachées au lot indivis (Cass. 3e civ., 20juill.
1994, n° 92-12973 : Bull. civ. III, n° 157).
73. Antérieurement, une personne ne pouvait détenir plus de trois mandats que lorsque le total
des voix dont elle disposait, avec celles de ses mandants, n ’excédait pas 5 %. En pratique, la
réunion de quelques copropriétaires influents pourra désormais adopter l’essentiel des déci­
sions s’ils parviennent à susciter la confiance et à recueillir des délégations de votes.
74. Cass. 3e civ., 16 mars 2011, n° 10-14005 : Bull. civ. III, n° 38.
75. Seul devant être pris en compte le vote exprimé par le mandataire (Cass. 3e civ., 8 sept. 2016,
n° 15-20860 : AJDI2017, p. 445, obs. D . T omasin).
132 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

l’assemblée générale dès lors qu’ils n ’ont pas pris part au vote'0. Cette solu­
tion se justifie d’autant plus pour les personnes qui, sans être copropriétai­
res, peuvent être membres du conseil syndical, par exemple le conjoint
d ’un copropriétaire77. Quant au fait, pour un copropriétaire, de se faire
assister par un conseil, par exemple un avocat, il ne suscite aucune diffi­
culté lorsque les copropriétaires l’ont admis, même tacitement78. Dans le
cas contraire, on pourrait sans doute soumettre cette question au vote de
l’assemblée.

B. Les majorités

1. Les éléments communs aux prises de décision


210. Originalité des délibérations en copropriété. - La plupart des groupements
organisés distinguent plusieurs catégories d’assemblées générales selon le
type de décision à adopter. Assemblée générale ordinaire pour les ques­
tions relevant du fonctionnement normal de la personne morale, assem­
blée générale extraordinaire pour les décisions fondamentales, qui en
affectent la structure ou l’existence même. Des règles de quorum et de
majorité sont attachées à chaque type d’assemblée. Le statut de la copro­
priété des immeubles bâtis prévoit un mécanisme différent. Il n ’existe pas,
en principe, de distinctions entre les assemblées générales, qui implique­
raient des modalités de convocation ou de quorum différentes. Chaque
assemblée générale est également habilitée à statuer sur toute question
dans la stricte limite des textes impératifs du statut.
Mais, et c’est la spécificité, chaque assemblée générale ne peut statuer que
sur les questions qui ont été expressément posées. Chaque question sou­
mise au vote sera alors adoptée ou rejetée selon un système de majorité
variable impératif 9. En d’autres termes, au sein de la même assemblée
générale, les majorités varieront en fonction de la question soumise. La loi
ALUR a bien introduit l’expression « assemblée générale extraordinaire »
dans le statut de la copropriété, mais sans modifier sur ce point le principe
évoqué80. Le vrai changement, plus profond, réside dans la politique
d ’abaissement des majorités mise en œuvre depuis 30 ans.
211. Abaissement des majorités requises. - Le principe de la décision majoritaire
touche directement aux rapports entre l’individuel et le collectif. Plus la
majorité est simple à atteindre, plus l’atteinte aux droits individuels du

76. Cass. 3' civ., 31 mai 2012, n° 11-12774.


77. V. infra, n° 280 et 288.
78. V. par ex., relevant l’absence de protestation, Cass. 3e civ., 29 mars 2000, n° 98-18296.
79. Le règlement de copropriété ne peut donc prévoir d ’aménagement des règles de majorité.
80. L. lOjuill. 1965, art. 17-1-1, in fine.
LES ORGANES DU SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES 133

copropriétaire est importante. Dès l’entrée en vigueur de la loi de 1965,


certains auteurs considéraient qu’elle développait les prérogatives du syndi­
cat et diminuait, corrélativement, celles du copropriétaire au point d ’insti­
tuer «un régime très nettement communautaire»81. Les réformes qui se
sont succédé ont renforcé cette impression. Progressivement les majorités
ont été abaissées. Pourtant, récemment encore, un important rapport sou­
tenait que le système français de la copropriété faisait globalement préva­
loir les intérêts du propriétaire sur ceux de la collectivité82. Lorsque des
copropriétaires peuvent imposer à l’un d’entre eux des travaux sur ses par­
ues privatives, à ses frais, à la majorité simple, il y a bien une primauté don­
née à la collecüvité sur l'individu83. Sans même entrer ici dans les consé­
quences sur l’analyse de la structure même de la copropriété, il faut
cependant souligner que s’il n’a jamais été aussi simple d ’adopter des déci­
sions et donc, de réaliser des travaux au sein d’une copropriété, le risque
subsiste que cela contribue à accroître les difficultés financières de certains
copropriétaires et les impayés84. Au fond, d ’ailleurs, il n’est pas certain que
le mouvement d ’abaissement des majorités, poursuivi par l’ordonnance du
30 octobre 2019, permette d’améliorer la démocratie dans la gestion de
l’immeuble. Si des majorités accessibles favorisent la prise de décision,
elles ne répondent en rien au défi de la participation des copropriétaires
à la gestion de leur bien commun.

2. La typologie des majorités


212. Majorité simple (art. 24). Principe. - Les décisions sont en principe adop­
tées à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents ou repré­
sentés. Cette majorité simple constitue la majorité résiduelle, à défaut de
disposition contraire. Elle est calculée simplement, en retranchant du
total des voix des copropriétaires celles des absents et des copropriétaires
qui, quoique présents, ne prennent pas part au vote ou s’abstiennent83.
Concrètement, si les copropriétaires présents et représentés totalisent 800
millièmes des voix, la majorité devrait être fixée à 401 millièmes. Si certains
d ’entre eux s’abstiennent, représentant 100 millièmes, la majorité passe à
351 millièmes. La majorité de l’article 24 évite ainsi le plus possible les blo­
cages dans la prise de décision.

81. M. A zouiay, Defrénois 1968, p. 41, n° 12 et 13.


82. V. rapport de l’Agence nationale de l’habitat, présidée par D. Braye, Prévenir et guérir les diffi­
cultés des copropriétés. Une priorité des politiques de l’habitat, ÀNAH, janv. 2012, p. 18 ets.
83. V. not. le passage à la majorité de l’article 24 pour les travaux réalisés en vertu de l’article 9,
alinéa 2, de la loi.
84. V. not. P. C apoulade, « La copropriété dans la loi ALUR », Defrénois 2014, 550, n° 31.
85. Avant la loi SRU du 13 décembre 2000, la majorité était calculée à partir des copropriétaires
présents et représentés, sans déduire les abstentionnistes.
134 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

213. Copropriétaires participant au vote.

La participation des copropriétaires à l’assemblée générale étant désor­


mais possible par voie électronique et par correspondance, l’article 24,
dans sa rédacdon issue de l’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre
2019, vise les copropriétaires « présents, représentés ou ayant voté par
correspondance ».

214. Majorité simple (art. 24). Applications. - La majorité simple s’appliquait


d ’abord au fonctionnement courant de la copropriété, reproduisant les
conditions de délibération de l’assemblée générale ordinaire d’une société,
par exemple. Son domaine de prédilecdon résidait ainsi dans les travaux
nécessaires à la conservation et à l’entretien de l’immeuble et de ses élé­
ments d’équipement86, ainsi qu’à l’administration et la jouissance des par­
ties communes lorsqu’il n ’en résultait aucune atteinte aux droits des
1
copropriétaires 87 . C’est aussi à cette majorité qu’étaient adoptés le budget
et le budget prévisionnel, et que les comptes étaient approuvés. Certains
autres textes renvoyaient également expressément à l’article 24.
La loi ALUR a élargi le domaine des décisions prises à la majorité simple,
réécrivant l’article 24 de la loi pour y soumettre des hypothèses relevant jus­
qu’alors de la majorité de l’article 25. Relèvent ainsi de la majorité simple
les « travaux nécessaires à la conservation de l’immeuble ainsi qu’à la pré­
servation de la santé et de la sécurité physique des occupants », ce qui inclut
« les travaux portant sur la stabilité de l’immeuble, le clos, le couvert ou les
réseaux et les travaux permettant d ’assurer la mise en conformité des loge­
ments avec les normes de salubrité, de sécurité et d’équipement ». Il en va
de même des « modalités de réalisation et d’exécution des travaux rendus
obligatoires en vertu de dispositions législatives ou réglementaires ou d’un
arrêté de police administrative relatif à la sécurité ou à la salubrité
publique, notifié au syndicat des copropriétaires pris en la personne du
syndic »88. Sont également soumises à la même majorité les modalités de
réalisation et d’exécution des travaux notifiés en vertu de l’article L. 313-4­
2 du Code de l’urbanisme, notamment la faculté pour le syndicat des

86. Ce qui n’est pas sans susciter des difficultés de qualification lorsqu’un remplacement de
l’équipement est rendu nécessaire. Lorsque l’installation était vétuste ou défectueuse, les tra­
vaux relèvent de la majorité de l’article 24 (ex., pour une installation d’eau chaude,
Cass. 3eciv.. 22 mai 1997, n°95-13824: Bull. civ. III, n ° l l l ) , même s’ils impliquent l’adjonc­
tion d’éléments nouveaux (ex., pour la rénovation de colonnes d’eau, Cass. 3e civ., 9juill.
2013, n° 12-21916).
87. Pour une autorisation d’occuper les parties communes à titre précaire, Cass. 3e civ., 5avr.
2018, n° 17-14138 ; Cass. 3e civ., 2 mars 2010, n° 09-13090.
88. L. lOjuill. 1965, art. 24, II, b).
LES ORGANES DU SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES 135

copropriétaires d ’assurer la maîtrise d ’ouvrage des travaux notifiés portant


sur les parties privatives de tout ou partie des copropriétaires et qui sont
alors réalisés aux frais du copropriétaire du lot concerné89. Ces deux der­
nières hypothèses relevaient de la majorité de l’article 25 sous l’em pire du
droit antérieur à la loi du 24 mars 2014. L ’article 24 s’applique égalem ent
aux travaux d ’accessibilité aux personnes handicapées ou à mobilité réduite
ainsi q u ’à l’autorisation donnée à certains copropriétaires d ’effectuer, à
leurs frais, des travaux d ’accessibilité aux personnes handicapées ou à m obi­
lité réduite qui affectent les parties communes ou l’aspect extérieur de l’im­
meuble et conformes à la destination de celui-ci, sous réserve dans ces deux
cas que les travaux n ’affectent pas la structure de l’immeuble ou ses élé­
ments d ’équipem ent essentiels90. Le législateur a profité de l’occasion
pour déplacer la procédure d ’adaptation du règlem ent de copropriété ren­
due nécessaire par une modification législative ou réglementaire interve­
nue depuis son adoption, de l’article 49, abrogé, à l’article 24, II, f)91. L’ar­
ticle 24 vise enfin la décision d ’engager le diagnostic technique global, ainsi
que la décision d ’équiper les places de stationnem ent couvertes ou d ’accès
sécurisé avec des bornes de recharge électrique92.
Il faut com pter égalem ent sur les articles 24-1 à 24-8, fruits d ’interventions
législatives successives, qui soum ettent à la même majorité des décisions
diverses, qui paraissent s’ajouter au gré des évolutions technologiques. Ce
sont ainsi les décisions relatives aux services de télévision num érique92, à
l’accès à l’internet par la fibre optique94, aux installations perm ettant le sta­
tionnem ent sécurisé des vélos ou la recharge des véhicules électriques93,
qui sont prises à la majorité simple. Il en va de même de l’établissement
d ’un diagnostic de perform ance énergétique ou d ’un plan de travaux

89. L. lOjuill. 1965, art. 24, II, c).


90. L. 10juill. 1965, art. 24, II, d) ete).
91. Sur cette procédure, v. supra, n° 79 et s.
92. L. 10juill. 1965, art. 24, II, i).
93. Encore faut-il distinguer « l’examen de toute proposition commerciale » relative à un réseau
de distribution interne à l’immeuble de communications électroniques (art. 24-1) du passage
au numérique lorsque l’immeuble prévoyait la réception des services de télévision par voie
hertzienne terrestre par une antenne collective (art. 24-3).
94. L. 10juill. 1965, art. 24-2.
95. L. lOjuill. 1965, art. 24-5. La loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d ’orientation des mobili­
tés a imposé au syndic de mettre à l’ordre du jour de l’assemblée générale, avant le l erjanvier
2023, des questions relatives aux travaux de réalisation d ’emplacements sécurisés des vélos
dans les parties communes et d ’installation de bornes de recharge pour véhicules électriques.
Seront joints à la convocation les devis et plans de financement relatifs aux travaux à réaliser,
ainsi que, lorsqu’elle a été réalisée, l’étude portant sur l’adéquation des installations électri­
ques existantes aux équipements de recharge. Sur cette question, v. N. L e Ruduuer, « Impact
de la loi d ’orientation des mobilités en copropriété », A/D/2020, p. 175.
136 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

d’économies d’énergie96. Sans même analyser l’ensemble des dispositions


soumises à la majorité de l’ardcle 24, il apparaît que la simplification recher­
chée par le législateur ne se traduit pas dans les textes actuels.
215. Décisions relevant de la majorité de l’article 24.

L’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 a peu modifié les déci­


sions relevant de la majorité de l’article 24. Si la possibilité donnée à cer­
tains copropriétaires de réaliser à leurs frais des travaux d ’accessibilité
aux personnes handicapées ou à mobilité réduite a été supprimée, c’est
parce qu’elle est désormais autorisée sous réserve d’opposition motivée
de l’assemblée générale9'. Ce sont donc la suppression des vide-ordures
pour des impératifs d’hygiène et l’autorisation permanente donnée à la
police et à la gendarmerie nationale de pénétrer dans les parties commu­
nes qui sont seules concernées par un abaissement de la majorité requise
pour en décider.

216. Majorité des voix de tous les copropriétaires (art. 25). Principe. - Certaines
décisions ne peuvent être prises qu’à la majorité des voix de tous les copro­
priétaires. Cela a pour effet que le seuil de majorité, souvent appelée majo­
rité absolue, est calculé en intégrant les voix des copropriétaires absents et
non représentés. Quelle que soit la participation à l’assemblée générale, la
majorité est donc fixée à 501 millièmes des voix, sous réserve du jeu de la
réduction des voix d’un copropriétaire majoritaire98, ce qui se révèle plus
contraignant.
217. Majorité des voix de tous les copropriétaires (art. 25). Applications. - Les
décisions prises à la majorité des voix de tous les copropriétaires sont nom­
breuses et, de nouveau, les récentes réformes y ont fait entrer certaines
décisions qui relevaient jusqu’alors de la majorité de l’article 26. La liste
comprend quinze hypothèses qu’il paraît préférable d’énumérer dans l’or­
dre du texte :
a) «Toute délégation du pouvoir de prendre l’une des décisions visées à
l’article 24 », notamment au syndic ou au conseil syndical99. Le texte ajoute
également, lorsque le syndicat comporte au plus quinze lots à usage de
logements, de bureaux ou de commerces, toute délégation de pouvoir

96. L. 10juill. 1965, art. 24-4.


97. L. 10juill. 1965, art. 25-2. V. infra, n° 355.
98. D. 17 mars 1967, art. 16. V'. supra, n° 206.
99. Une telle délégaüon ne pouvant porter que sur un acte ou une décision expressément déter­
miné (D. 17 mars 1967, art. 21).
LES ORGANES DU SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES 137

concernant la mise en application et le suivi des travaux et contrats financés


dans le cadre du budget prévisionnel de charges.
b) « L’autorisation donnée à certains copropriétaires d’effectuer à leurs
frais des travaux affectant les parties communes ou l’aspect extérieur de
l’immeuble, et conformes à la destination de celui-ci »10°.
c) « La désignation ou la révocation du ou des syndics et des membres du
conseil syndical »'°1.
d) « Les conditions auxquelles sont réalisés les actes de disposition sur les
parties communes ou sur des droits accessoires à ces parties communes,
lorsque ces actes résultent d’obligations légales ou réglementaires telles
que celles relatives à l’établissement de cours communes, d’autres servitu­
des ou à la cession de droits de mitoyenneté ».
e) La modification de la répartition des charges visées à l’article 10, ali­
néa 1er, de la loi, rendue nécessaire par un changement de l’usage d ’une
ou plusieurs parties privatives102.
f) Les travaux d’économies d’énergie ou de réduction des émissions de gaz
à effet de serre qui ne relèvent pas de la majorité de l’article 24. Ces travaux
peuvent comprendre des travaux d’intérêt collectif réalisés sur les parties
privatives et aux frais du copropriétaire du lot concerné, sauf dans le cas
où ce dernier est en mesure de produire la preuve de la réalisation de tra­
vaux équivalents dans les dix années précédentes.
g) « La suppression des vide-ordures pour des impératifs d’hygiène ».
h) « L’installation d ’une station radioélectrique ou l’installation ou la modi­
fication d ’une antenne collective ou d’un réseau de communications élec­
troniques interne à l’immeuble dès lors qu’elle porte sur des parties com­
munes ».
i) « L’autorisation permanente accordée à la police ou à la gendarmerie
nationale de pénétrer dans les parties communes ».
j) « L’installation ou la modification des installations électriques intérieures
permettant l’alimentation des emplacements de stationnement d ’accès
sécurisé à usage privatif pour permettre la recharge des véhicules électri­
ques ou hybrides, ainsi que la réalisation des installations de recharge élec­
trique permettant un comptage individuel pour ces mêmes véhicules ».
k) « L’installation de compteurs d ’eau froide divisionnaires ».
l) « L’installation de compteurs d’énergie thermique ou de répartiteurs de
frais de chauffage ».

100. Sur cette disposition, v. infra, n° 351.


101. Sur lesquelles, v. infra, n° 250 et 280.
102. Sur laquelle, v. infra, n° 387 et s.
138 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS
m) « L’autorisation de transmettre aux sendees chargés du maintien de l’or­
dre les images réalisées en vue de la protection des parties communes ».
n) « L’ensemble des travaux comportant transformation, addition ou amé­
lioration », qui relevaient jusqu’à la loi ALUR de la majorité de
l’article 261°3.
o) « La demande d’individualisation des contrats de fourniture d’eau et la
réalisation des études et travaux nécessaires à cette individualisation ».
Le glissement des majorités, déjà constaté de l’article 25 vers l’article 24, se
prolonge avec le basculement à la majorité de l’article 25 de décisions qui
ne pouvaient être adoptées qu’à une majorité qualifiée. Certaines disposi­
tions de la loi renvoient également à la majorité de l’article 25.
218. Décisions relevant de la majorité de l’article 25.
Outre le passage des décisions relatives à la suppression des vide-ordures
et à l’autorisation permanente d’accès aux parties communes pour les
forces de l’ordre à la majorité de l’article 24104, l’ordonnance n° 2019­
1101 du 30 octobre 2019 modifie légèrement le champ des décisions rele­
vant de l’article 25. Tout d’abord, lorsque l’assemblée générale autorise
un délégataire à décider de dépenses relevant de l’article 24, elle fixe un
plafond des sommes allouées à ce titre. En revanche, est supprimée la
possibilité réservée aux syndicats comportant au plus quinze membres
de déléguer la mise en application et le suivi des travaux, qui relèvent
des prérogatives du seul syndic. Ensuite, l’article 25, g), permet d’adopter
la décision relative aux modalités d’ouverture des portes d’accès aux
immeubles à la majorité des voix de tous les copropriétaires, et non à la
majorité qualifiée de l’article 26 comme jusqu’alors. Enfin, la délégation
de pouvoir au président du conseil syndical d’introduire une action en
justice contre le syndic en réparation du préjudice subi par le syndicat
des copropriétaires relève également de la majorité de l’article 25.
219. Majorité des voix de tous les copropriétaires (art. 25). Passerelle de l’arti­
cle 25-1. - La majorité de l’article 25 ne limite la prise de décision que pro­
visoirement. Elle ne peut être comprise sans envisager la passerelle prévue
par l’article 25-1, qui permet de statuer à la majorité simple pour des déci­
sions qui relèvent normalement de la majorité de l’article 25, à l’exception
des décisions relatives aux travaux comportant transformation, addition ou
amélioration et à l'individualisation des contrats de fourniture d’eau10'. Ce
103. Sur lesquels, v. infra, n°411 et s.
104. V. supra, n” 214.
105. L. 10juill. 1965, art. 25, n) eto).
LES ORGANES DU SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES 139

mécanisme facilite considérablement la prise de décision, conduisant de


fait à sanctionner l’inertie des copropriétaires défaillants. Deux hypothèses
sont prévues. La première a lieu lorsque le projet, sans être adopté à la
majorité de l’article 25, a recueilli• au1 Ofimoins le tiers des voix de tous les
copropriétaires
J
composant le syndicat . Dans ce cas, la même assemblée a „

peut décider à la majorité prévue à l’article 24 en procédant immédiate­


ment à un second vote ou choisir de reporter le vote à une prochaine
assemblée107. La seconde hypothèse concerne les résolutions adoptées
sans recueillir au moins le tiers des voix de tous les copropriétaires. Une
nouvelle assemblée générale saisie d’un projet identique111 peut alors, si
elle est convoquée dans le délai maximal de trois mois, statuer à la majorité
de l’article 24 .
220. Assouplissement de la passerelle de l’article 25-1.
Si la rigidité de la majorité de l’article 25 apparaissait déjà limitée tempo-
rellement, elle relève plus, désormais, du tigre de papier. L’article 25-1,
dans sa nouvelle rédaction, prévoit que « lorsque l’assemblée générale
des copropriétaires n’a pas décidé à la majorité des voix de tous les copro­
priétaires, en application de l’article 25 ou d’une autre disposition, mais
que le projet a recueilli au moins un tiers de ces voix, la même assemblée
se prononce à la majorité prévue à l’article 24 en procédant immédiate­
ment à un second vote ». Le changement est important à deux égards.
D’une part, ce sont désormais l’ensemble des décisions adoptées à la majo­
rité des voix de tous les copropriétaires, celles visées à l’article 25 ou à un
autre texte, par exemple la division de la copropriété (art. 28) ou l’ouver­
ture d’un compte séparé dans un établissement bancaire (art. 18, II), qui
sont éligibles à la passerelle. En dehors des rares décisions relevant de la
majorité de l’article 26, toutes les décisions peuvent donc être adoptées à
la majorité simple des voix des copropriétaires présents ou représentés.
Les rédacteurs ont évidemment fait le choix de favoriser la prise de déci­
sion et, surtout, de rendre impossible toute stratégie d’inertie d’un copro­
priétaire. Le dispositif est en effet renforcé, d’autre part, par la mise en
œuvre énergique de la passerelle. Plus de possibilité de différer la tenue
de l’assemblée générale, le vote aura lieu immédiatement à la majorité
de l’article 24. Si l’effet recherché, la diminution de l’abstention et la
106. Encore faut-il que la résolution n’ait pas été rejetée, même si elle avait recueilli un tiers des
voix en sa faveur. V. avant l’entrée en vigueur de la loi SRU, Cass. 3' civ., 17 déc. 1997, n° 96­
13177: Bull. civ. III, n° 228.
107. D. 17 mars 1967, art. 19.
108. Sur cette exigence d’idenüté des résolutions, Cass. 3e civ., 12 mai 2016, n° 15-15140.
109. L. lOjuill. 1965, art. 25-1, al. 2. Le délai de convocation peut être réduit si l’ordre dujour de la
nouvelle assemblée ne porte que sur ces questions (D. 17 mars 1967, art. 19).
140 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

simplification des prises de décision pourrait être atteint, particulièrement


pour les décisions de travaux d ’amélioration énergétique, on peut crain­
dre, à court terme, une recrudescence du contentieux relatif aux formali­
tés de convocation et de tenue des assemblées générales par des copro­
priétaires en désaccord avec les décisions adoptées.

221. Majorité qualifiée (art. 26).- Pour les décisions les plus importantes, il a
paru que la majorité, même des voix de tous les copropriétaires, pouvait
se révéler insuffisante. L’article 26 prévoit ainsi que certaines délibérations
requièrent une double majorité, en l’occurrence la majorité des membres
du syndicat représentant au moins les deux tiers des voix de l’ensemble du
syndicat. Le texte énumère quatre décisions, d’inégale importance : les
actes d ’acquisition immobilière et les actes de disposition autres que ceux
visés à l’article 25, d), c’est-à-dire ceux qui ne portent pas sur des parties
communes et qui sont imposés par un texte légal ou réglementaire, étant
entendu que demeurent soumises à l’unanimité les cessions de parties com­
munes nécessaires à la destination de l’immeuble ; la modification, ou éven­
tuellement l’établissement, du règlement de copropriété dans la mesure où
il concerne la jouissance, l’usage et l’administration des parties
communes110; les modalités d ’ouverture des portes d’accès aux
immeubles111 ; la suppression du poste de concierge ou de gardien et l’alié­
nation du logement affecté au concierge ou au gardien lorsqu’il appartient
au syndicat, les deux questions devant être inscrites à l’ordre du jour de la
même assemblée générale. A ces quatre hypothèses s’ajoutent plusieurs tex­
tes qui renvoient à la majorité qualifiée11 . Cette majorité, très stricte, est
l’ultime limite de l’expression majoritaire au sein de la copropriété. Parfois
même, il faudra obtenir l’unanimité des voix.
222. Création d’une passerelle de l’article 26-1.

La majorité de l’article 26 connaît un changement profond à l’occasion de


l’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019. Ce n ’est pas le passage des
modalités d’ouverture des portes d’accès à la majorité de l’article 25 qui en
est la cause, mais bien plutôt le nouvel article 26-1, qui transpose le méca­
nisme de la passerelle de l’article 25-1 à la majorité qualifiée de l’article 26.
Désormais, nonobstant toute disposition contraire, lorsque l’assemblée
générale n’a pas décidé à la majorité de l’article 26 mais que le projet a
au moins recueilli l’approbation de la moitié des membres du syndicat

110. Sur cette question, v. supra, n° 214.


111. Le texte précise qu’« en cas de fermeture totale de l’immeuble, celle-ci doit être compatible
avec l’exercice d’une activité autorisée par le règlement de copropriété ».
112. V. not., L. lOjuill. 1965, art. 26-3.
LES ORGANES DU SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES 141

représentant au moins le tiers des voix de tous les copropriétaires, la


même assemblée se prononce à la majorité des voix de tous les coproprié­
taires en procédant immédiatement à un nouveau vote. De nouveau la
disposition est justifiée par la grande difficulté à atteindre la majorité qua­
lifiée et la prime indirecte offerte aux copropriétaires abstentionnistes.
Mais la nouvelle disposiüon règle de manière plus radicale la question
car elle limite grandement le pouvoir d’obstruction des copropriétaires
participant aux assemblées et refusant l’adoption d’une décision. On voit
mal en quoi un projet ayant seulement recueilli un tiers des voix des
copropriétaires serait «suffisamment “consensuel” »1U. Dans l’arbitrage
délicat entre « gestion collective et respect du droit de propriété des copro­
priétaires », les rédacteurs ont donné nettement la préférence à la collec­
tivité. Il est d’autant plus surprenant, dans ces conditions, que le texte se
soit montré aussi conservateur sur la possibilité d’ouvrir la gestion de la
copropriété au-delà du cercle des copropriétaires. Quoi qu’il en soit, la
passerelle instaurée ne garantit pas l’adoption de la mesure, la majorité
des voix de tous les copropriétaires devant encore être réunie, sans
qu’une double passerelle vers la majorité de l’article 24 soit admise114.
223. U nanim ité des copropriétaires (art. 26). - Marquant le retour au droit com­
mun de l’indivision, l’unanimité est parfois requise, pour des actes d’une
particulière gravité, qui affectent la structure même de l’immeuble et la
répartition de sa propriété entre les copropriétaires. Toute opposition, abs­
tention ou absence lors de l’assemblée générale fait alors échec à la
décision11’. L’article 26 évoque seulement la modification de la destination
des parties privatives ou des modalités de leur jouissance, telles qu’elles
résultent du règlement de copropriété, ainsi que l’aliénation des parties
communes dont la conservation est nécessaire au respect de la destination
de l’immeuble. Mais on trouve également une exigence similaire pour
toute modification de la répartition des charges116. Une liste exhaustive de
ces décisions ne serait pas possible11'.
224. U nanim ité des copropriétaires.
L’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 précise que l’unanimité
est également requise pour « la modification des stipulations du
113. Rapport sur l’ordonnance du 30 octobre 2019.
114. V. aussi en ce sens, A. Lebatteux, art préc., n° 60.
115. Cass. 3' civ., 26févr. 1975, n°73-14614: BulLciv. III, n°80; JCPG 1975, II, 18021, note G o t
lot ; RTD civ. 1975, p. 576, obs. C. G iverdon.
116. L. lOjuill. 1965, art. 11, sur lequel v. infra, n° 366 ets.
117. En ce sens, F. T erré et P. Simler, Droit civil. Les biens, 10e éd., Dalloz, 2018, n° 676.
142 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

règlement de copropriété relatives à la destination de l’immeuble », solu­


tion jusqu’alors admise par la jurisprudence118.

§ 3. L’exécution des décisions de l’assemblée générale


225. Plan. - Les décisions de l’assemblée générale s’imposent à l’ensemble des
copropriétaires, quelle qu’ait été leur position. Cette force obligatoire per­
siste tant que la décision n’a pas été annulée, même en présence d’une
irrégularité flagrante1111. Le procès-verbal de l’assemblée générale est ainsi
fondamental à la connaissance et à l’opposabilité des décisions. Toutefois,
et même s’ils ne présentent pas en principe de caractère suspensif, les
recours en annulation demeurent nombreux.

A. Le procès-verbal

1. L ’établissement du procès-verbal
226. Exigence d’un procès-verbal. - L’article 17 du décret de 1967 impose l’éta­
blissement d ’un procès-verbal des décisions de chaque assemblée. On ne
saurait s’en dispenser, son absence étant sanctionnée par la nullité de l’as­
semblée générale, indépendamment de tout grief. Il s’agit en effet de
contrôler le respect des modalités des votes et des majorités nécessaires à
la prise de décision. L’exigence est d ’autant plus stricte que le procès-verbal
doit nécessairement être signé à l’issue de la réunion, ce qui exclut toute
rédaction ultérieure à partir de notes prises pendant l’assemblée. La possi­
bilité de tenir le registre sous la forme électronique devrait simplifier la
tâche du secrétaire de séance qui se charge de sa rédaction, en principe le
syndic120.
227. Mentions requises. - Le procès-verbal doit d’abord être signé par le prési­
dent, le secrétaire et, le cas échéant, les scrutateurs121, la feuille de présence
y étant par ailleurs annexée. Il doit ensuite comprendre l’intitulé des diffé­
rentes questions prévues à l’ordre du jour et le résultat du vote, en précisant
le nom et le nombre de voix des copropriétaires qui se sont opposés ou

118. Cass. 3e civ., 31 oct. 1989, n° 88-12169 : Bull. civ. III, n° 207.
119. V. not. Cass. 3e civ., 9 mars 1988, n° 86-17869 : Bull. civ. III, n° 54.
120. D. 17 mars 1967, art. 17, dernier alinéa.
121. L’absence d ’une signature ne suffit cependant pas, à elle seule, à entraîner la nullité de l’as­
semblée générale (Cass. 3' civ., 26 mars 2014, n° 13-10693; Cass. 3e civ., 6 déc. 2005, n°04-
17630). Il faudra que le copropriétaire exerçant l’action démontre un préjudice, ce qui
n ’est pas le cas si le procès-verbal notifié était le reflet fidèle du procès-verbal établi le jour
de l’assemblée (Cass. 3e civ., 19nov. 2008, n° 06-12567).
LES ORGANES DU SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES 143

abstenus1' 2, ainsi que les réserves éventuellem ent formulées au cours de


l’assemblée et d ’éventuels incidents techniques survenus en cas de recours
à un moyen de com m unicadon électronique qui auraient em pêché un
copropriétaire de faire connaître son vote. Il s’agit là d ’un élém ent décisif
pour la contestadon ultérieure de l’assemblée générale.

2. La notification du procès-verbal
228. Notification des décisions. - Le résultat des votes de l’assemblée générale doit
être notifié par le syndic dans un délai d ’un mois à compter de la tenue de
l’assemblée générale aux copropriétaires opposants ou défaillants123, précédé
de la mention de l’article 42, alinéa 2, de la loi relative aux modalités de
contestation. En pratique cependant, c’est le plus souvent le procès-verbal
dans son ensemble qui est notifié124. La notification doit avoir lieu par lettre
recommandée avec dem ande d ’avis de réception ou, sous réserve de l’accord
exprès préalable des copropriétaires, par voie électronique12’. À défaut, le
délai de contestation ne courra pas, sans que soit affectée la validité des déci-
• , * * ' 126 1
sions de l’assemblée générale .

B. Les contestations des décisions de l’assemblée générale


229. Recours contre les décisions. - L’article 42 de la loi offre aux copropriétai­
res qui souhaiteraient contester la régularité des décisions prises un recours
enferm é dans un délai de deux mois à com pter de la notification. Le
contentieux n ’est pas négligeable (entre 2 500 et 3 000 dem andes d ’annula­
tion par an) mais dem eure limité au regard du contentieux global de la
copropriété (environ 40 000 actions par an, principalem ent relatives au
paiem ent des charges) et au nom bre de copropriétés12'. Le recours est
strictem ent encadré, dans ses conditions et ses effets.

1. Les conditions du recours


230. Décision contestée. - La contestation ne peut porter que sur une décision
de l’assemblée générale, prise à la suite d ’un vote adoptant ou rejetant un

122. Mais pas les voix des copropriétaires favorables à la décision (Cass. 3e civ., 11 mai 2000, n° 98­
17029 : Bull. civ. III, n° 104). L’absence dans le procès-verbal du nom et du nombre de voix de
tous les copropriétaires opposants peut entraîner la nullité de l’assemblée générale, dès lors
qu’elle concerne l’élection du président de séance (Cass. 3e civ., 28avr. 2011, n° 10-15264).
123. D. 17 mars 1967, art. 18.
124. Mais l’ordonnance du 30 octobre 2019 a précisé que cette notification avait lieu sans les annexes.
125. L. 10juill. 1965, a rt 42-1. V. supra, n° 194.
126. L’absence de notification est dépourvue de sanction (Cass. 3e civ., 23 sept. 2009, n° 08-17720 :
Bull. civ. III, n° 199).
127. Les contentieux de la copropriété, étude du ministère de la Justice, 2019.
144 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

projet. Peuvent donc être contestées toutes les « délibéradons de l’assem­


blée générale dès lors q u ’elles revêtent le caractère d ’une véritable décision
et non d ’un simple vœu ou d ’une mesure préparatoire »U8. En d ’autres ter­
mes, « une décision d ’assemblée générale existe dès q u ’une question est
soumise à l’ensemble des copropriétaires et est sanctionnée par un
v o te» 129. Le contentieux dem eure abondant sur ce point, en dépit de la
clarté apparente de la distinction.
231 . Titulaire de l’action. - Seul un copropriétaire peut contester la validité des
décisions de l’assemblée générale. O n retrouve la volonté d ’éviter que la
prise de décision soit affaiblie par des recours systématiques de la part de
personnes qui n ’y ont pas intérêt. Aussi le syndicat des copropriétaires130,
l’ancien syndic131, les associés d ’une société de construction132, un locataire
ou tout autre tiers133 ne sont-ils pas habilités à agir, à la différence de l’usu­
fruitier qui est assimilé au copropriétaire134. La qualité de copropriétaire
s’apprécie au jo u r de l’assemblée générale, ce qui rend possible l’action
du copropriétaire ayant cédé son lot13 ’ mais pas, en principe, celle de
l’acquéreur 136
Encore faut-il que le copropriétaire ait été opposant ou défaillant. Le
copropriétaire opposant est celui qui a voté dans un sens inverse de la déci­
sion adoptée par la m ajorité13', peu im portant les réserves éventuellem ent
formulées ou le préjudice subi par lui. Le copropriétaire défaillant est celui

128. Cass. 3e civ., 28 avr. 1993, n” 91-14007 : Bull. civ. III, n° 59. Ne sont pas des décisions : des vœux
(Cass. 3 'civ., 19nov. 1997, n°96-11888), un accord de principe (Cass. 3eciv., llfév r. 1998,
n° 96-13124) ou le simple rappel de la loi des parties sans conséquences juridiques
(Cass. 3e civ., 26janv. 2010, n° 09-12994).
129. Cass. 3e civ., 13 nov. 2013, n° 12-12084. V. aussi, Cass. 3'' civ., 25 oct. 2006, n° 05-17278 : Bull civ. III,
n" 207 : « la délibération d’une assemblée générale de copropriétaires sanctionnée par un vote et
qui réitère une décision prise antérieurement est une décision susceptible d’annulation ».
130. Cass. 3 'civ., 4juin 1985, n° 84-11344: Bull. civ. III, n°88.
131. Cass. 3e civ., 23juin 1999, n° 97-22606.
132. Bien qu’ils puissent participer aux votes (Cass. 3e civ., 4 nov. 1977, n° 76-10487 : Bull. civ. III,
n" 371 ; D. 1977, p.470).
133. Cass. 3e civ., 16 avr. 1986, n° 84-16112 : Bull. civ. III, n°43.
134. CA Paris, 26juin 2008, n° 07/14976, retenant que [’usufruitier doit être considéré comme un
propriétaire au sens de l’article 42, au moins pour ce qui ne concerne pas les travaux visés à
l’article 606 du Code civil.
135. Cass. 3e civ., 3 mai 1990, n° 88-20286 : Bull. civ. III, n” 108.
136. L’action ne se transmettrait pas à l’acquéreur comme accessoire de la chose (CA Paris,
28 févr. 1996 : Loyers et copr. 1996, comm. 280) mais une transmission conventionnelle demeu­
rerait possible (CA Paris, 12 oct. 1995 : RDI 1996, p. 272, obs. P. Capouladf, et C. G iverdon).
137. Par ex. en votant en faveur d ’un projet rejeté (Cass. 3e civ., 24janv. 2001, n° 99-14692:
Bull. civ. III, n° 7).
LES ORGANES D U SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES 145

qui n’a été ni présent ni représenté lors de l’assemblée générale138. En


revanche, l’abstentionniste ne devrait pas pouvoir contester des décisions,
faute d’être assimilé à un copropriétaire opposant ou défaillant139. En
résumé, dès lors qu’un copropriétaire a voté la décision adoptée, il ne
peut plus la contester ultérieurement140.
232. Délai de l’action. - L’action doit être, à peine de déchéance, exercée dans
un délai de deux mois à compter de la notification par le syndic141. Il s’agit
donc d ’un délai de forclusion qui ne peut être suspendu ou interrompu et
commence à courir le lendemain du jour de la première présentation de la
lettre recommandée. Il s’applique même dans le cas d’une assemblée géné­
rale irrégulièrement convoquée ou d ’un copropriétaire non convoqué142,
mais ne saurait faire échec à l’action en suppression d ’une clause illicite
du règlement de copropriété143. Ce délai très bref s’explique par la néces­
sité de favoriser la mise en œuvre des décisions. Le syndic ne peut ainsi, sauf
en cas d’urgence, engager les travaux qui ont été votés avant l’expiration du
délai 144

2. Les effets de l’action


233. Nullité et inexistence. Renvoi. - L’action peut conduire à l’annulation de la
décision d’assemblée générale, ce qui ne l’empêchera pas, lorsque le motif
était d’ordre procédural (convocation tardive, question non inscrite à l’or­
dre du jour), de l’adopter régulièrement ultérieurement14’. Lorsque l’an­
nulation concerne une décision portant modification de la répartition des
charges, le tribunal judiciaire procède à la nouvelle répartition, ainsi que
pour les répartitions relevant de l’article 30 de la loi146. Une solution simi­
laire s’applique lorsque le juge réputé non écrite une clause relative à la
répartition des charges14'.

138. On y assimile « le copropriétaire qui a participé à l’assemblée générale en la seule qualité de


mandataire» (Cass. 3e civ., 22 juill. 1998, n°97-11120).
139. V. par ex. Cass. 3e civ., 24avr. 2013, n° 12-16849, ou, pour un copropriétaire n ’ayant pas pris
part au vote, Cass. 3e civ., 2 févr. 1999, n° 97-15238. Comp. Cass. 3e civ., 10 sept 2008, n° 07­
16448 : Bull. civ. III, n" 127.
140. Sauf à dém ontrer l’existence d’un dol, la simple erreur sur la portée de la décision adoptée
demeurant insuffisante (Cass. 3e civ., 4juin 2009, n° 08-10493: Bull. civ. III, n°133. Rappr.
Cass. 3' civ., 7 nov. 2007, n° 06-17361 : Bull. civ. III, n” 197).
141. L. 10juill. 1965, a r t 42, al. 2.
142. V. not. Cass. 3e civ., 7 avr. 2004, n° 02-14496 : Bull. civ. III, n° 77.
143. V. supra, n°93.
144. L. 1965, art. 42, al. 2.
145. V. n o t, Cass. 3e civ., 30 avr. 1974, n° 73-10480 : Bull. civ. III, n° 177.
146. L. lOjuill. 1965, art. 42, al. 3.
147. L. 10juill. 1965, art. 43, al. 2. V. supra, n°94.
146 LA COPROPRIETE DES IMMEUBLES BATIS

Section 2. — Le syndic

234. Le syndic, organe de la copropriété. - L’article 17 de la loi prévoit que l’exé­


cution des décisions du syndicat « est confiée à un syndic placé éventuelle­
ment sous le contrôle d ’un conseil syndical »148. Les positions institutionnel­
les au sein de la copropriété sont donc attribuées par le législateur : le
syndic est l’organe chargé de l’exécution des décisions du syndicat, adop­
tées par l’assemblée générale. Ce serait cependant réduire l’importance
pratique du syndic au sein de la copropriété. « Chargé de prendre soin des
affaires »149 du syndicat, il constitue un élément clé du fonctionnement de
la copropriété au quotidien. C’est le syndic qui rend possible la prise des
décisions qui s’imposent entre les assemblées générales, qui administrera
l’immeuble, en assurera la gestion technique, comptable et juridique.
Rendu obligatoire même dans les petites copropriétésl3Ü, il est de fait un
personnage incontournable, ce qui explique l’ambivalence de ses relations
avec les copropriétaires, tiraillés entre confiance et défiance à son égard.
Son choix est crucial, à l’instar de tout représentant.
235. Qualification juridique. - Le syndic représente le syndicat, il accomplit des
actes juridiques en son nom et pour son compte. Le rapprochement avec le
contrat de mandat est favorisé par les textes qui évoquent à de multiples
reprises cette figure contractuelle1”1. C’est particulièrement le cas depuis
l’instauration d ’un contrat-type de syndic, qualifié expressément de
mandat1”2. Tout juste pourrait-on objecter qu’en sa qualité, il peut égale­
ment accomplir des actes matériels, ce qui déborde le simple pouvoir de
représentation et le rapproche d’un entrepreneur. Néanmoins, l’arti­
cle 1984 du Code civil est suffisamment large pour accueillir de telles pres­
tations au sein du contrat de mandat, dès lors qu’elles demeurent
accessoires1”3. La fonction de syndic possède cependant une nature ambi­
valente, liée à la dualité de l’origine de ses pouvoirs, tirés à la fois du contrat
qui lie le syndic au syndicat et des textes légaux et réglementaires. Il est
simultanément le représentant contractuel et légal du syndicat, et non des
copropriétaires pris individuellement. L’instauration d’un contrat-type de
syndic renforce encore cette influence des pouvoirs publics dans l’exercice

148. Sur le syndic, v. surtout, G. V igneron , Le syndic de copropriété, 6' éd., LexisNexis, 2014.
149. G. C ornu (dir. ), Vocabulaire juridique, 10e éd., PUF, 2014, v° « Syndic », sens 1.
150. Rappr. Cass. 3eciv., 19juin 1996, n°94-19328, pour l’hypothèse d ’une nomination judiciaire
d ’un syndic dans une copropriété à deux.
151. L. lOjuill. 1965, art. 18, 18-1 AA; D. 17mars 1967, art. 29, 46, 47.
152. D. 17 mars 1967, art. 29.
153. F. C ollart D utilleul et P. D elebecque , Contrats civils et commerciaux, l l'é d ., Dalloz, 2019,
n° 632.
LES ORGANES DU SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES 147

de l’activité. Désormais, l’applicadon des ardclesl984 et suivants du Code


civil n’est plus que supplétive1’4.
236. Contrat-type de syndic. - La standardisation des contrats de syndic n’est pas
une idée neuve. Elle a d’abord existé avec la diffusion par des organismes
professionnels1™ ou des auteurs1”1’ de modèles de contrats de syndic. Les
recommandations de la Commission des clauses abusives exerçaient égale­
ment une influence douce sur les pratiques du secteur. Suivant cependant
une tendance croissante dans la législation contemporaine, la loi du
24 mars 2014 a prévu que les contrats de syndic devraient désormais être
conformes à un contrat-type établi par décret1”'. Le décret n° 2015-342 du
26 mars 2015 définissant le contrat type de syndic de copropriété s’applique
à tous les contrats de syndic conclus ou renouvelés depuis le 1erjuillet
20151”8. Indépendamment des questions techniques liées à l’articulation
des dispositions de la loi, du décret et du contrat-type1”9, il faut insister sur
la force de modèle qu’il revêt. Ce contrat-type crée un point de comparai­
son entre les différents syndics en supprimant la variable des clauses exor­
bitantes et des prestations légèrement différentes, qui modifient l’intérêt du
contrat et, par contrecoup, son équilibre. Au fond, le contrat-type conduit
l’ensemble des contractants d’un même secteur d’activité à fournir une
prestation comparable, ce qui renforce la concurrence sur la contrepartie
pécuniaire. C’est d’ailleurs à cette fin que l’ordonnance du 30 octobre 2019
impose aux syndics d ’adresser au conseil syndical des projets de contrats de
syndic respectant le contrat-type11’0.

§ 1. L a qualité de syndic
237. Les qualités du syndic. - Le syndic peut être un professionnel de l’immobi­
lier ou un bénévole. Lorsqu’il exerce en qualité de professionnel, le syndic
est soumis aux exigences de la loi n° 70-9 du 2janvier 1970, qui vise désor­
mais expressément « l’exercice des fonctions de syndic de

154. D. 17 mars 1967, annexe 1 relative au contrat type de syndic, préambule.


155. V. not., les contrats proposés par la FNAIM et la CNAB, reproduits dans T. D ubaele, « Les
contrats de syndic : vers de nouveaux paradigmes ? », Rev. Loyers 2008, p. 62.
156. G. V igneron, Le syndic de copropriété, 6' éd., LexisNexis, 2014, p. 42 ets.
157. L. lOjuill. 1965, ait. 18-1 A. Le texte fait exception pour les syndicats composés exclusivement de
personnes morales et dont la destination de l’immeuble est autre que l’habitation (art 18-1 AA).
158. Sur ce texte, v. not. P. C apoulade, « Le contrat type de syndic de copropriété. À propos du
décret n° 2015-342 du 26 mars 2015 », AJDI 2015, p. 429 ; D. R odrigues, « Le contrat de syn­
dic », AJDI 2018, p. 343. Il a suscité des réactions assez hostiles des professionnels. V. not.,
J. L aporte et M. F eeerman, « Le contrat type de syndic », AJDI 2017, p. 17.
159. Sur cette question, v.plus généralement, G . C hantepie, «D e la nature contractuelle des
contrats-types », RDC 2009, p. 1233.
160. L. 10juill. 1965, art. 18-1 A, réd. ord. n° 2019-1101, 30oct. 2019.
148 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

cop ro p riété» 161. La solution est différente pour les personnes ou leur
conjoint qui, à dtre non professionnel, exerceraient la fonction de syndic
de copropriété pour des biens sur lesquels elles ont des droits réels divis
ou indivis. C’est l’exercice à titre professionnel qui constitue le critère
discrim inant d ’application de la loi H oguet162. Pour les syndics profession­
nels, personnes physiques ou morales, sont ainsi posées des conditions d ’ap­
titude et de moralité, la délivrance d ’une carte professionnelle par le préfet,
ainsi q u ’une garantie financière « perm ettant le rem boursem ent des fonds,
effets ou valeurs déposés et spécialem ent affectée à ce dernier » et une assu­
rance de responsabilité civile professionnelle163. Lorsqu’il n ’est pas profes­
sionnel, le syndic, bénévole ou coopératif, « doit être copropriétaire d ’un
ou plusieurs lots ou fraction de lots de la copropriété q u ’il est appelé à
gérer »164. Abstraction faite de ses qualités, le syndic obéit à des conditions
précises de nom ination et révocation, et bénéficie de prérogatives enca­
drées tant par la loi que par son mandat.
238. Syndic non professionnel.

L’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 précise les qualités du


syndic non professionnel. La rédaction de l’article 17-2 est désormais sim­
plifiée (suppression des références aux syndics bénévoles ou coopératifs,
suppression de la m ention « fractions de lots ») et règle la question de la
transmission en cas de perte de la qualité de copropriétaire. Dans ce cas,
le m andat du syndic devient caduc à l’expiration d ’un délai de trois mois
suivant la perte de sa qualité de copropriétaire, ce délai lui perm ettant de
convoquer une assemblée générale à l’ordre du jo u r de laquelle sera
inscrite la question de la désignation d ’un nouveau syndic. Le m andat
du syndic est donc prolongé, évitant toute incertitude sur la validité des
convocations qu’il adresserait au cours de cette période.

A. L’acquisition de la qualité de syndic


239. Syndic imposé par la lo i.- Le syndic est norm alem ent désigné par la
volonté des copropriétaires ou par une décision judiciaire. Le législateur a
cependant prévu une dérogation limitée dans l’hypothèse des organismes

161. Art. 1er, 9°, red. L. 26 mars 2014. La solution était déjà retenue par la jurisprudence, qui consi­
dérait nulle la décision d ’assemblée générale désignant un syndic qui n ’était pas titulaire de
la carte professionnelle (Cass. 3e civ., 4janv. 1996, n° 93-19238: Bull. civ. III, n ° l) ou excluait
la poursuite des fonctions en cas de non-renouvellement de la carte (Cass. 3' civ., 2juill. 2008,
n° 06-17202 : Bull. civ. Ill, n° 117).
162. Cass. 3' civ., 23 avr. 1997, n" 95-11447 : Bull. civ. III, n° 87.
163. L. n" 1970-7, 2janv. 1970, art. 3.
164. L. lOjuill. 1965, art. 17-2.
LES ORGANES DU SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES 149

HLM. L’article L. 443-15 du Code de la construction et de l’habitation pré­


voit, depuis 2006, q u ’en cas de vente d ’un lot par un organisme HLM, celui-
ci conserve la qualité de syndic, sauf s’il y renonce, tant q u ’il déüent encore
un logem ent dans l’immeuble. Il peut alors m ettre à disposition de la
copropriété son personnel, notam m ent pour les missions de gardiennage
ou d ’entreden.
Néanmoins, m êm e dans ce cas, dès lors que les autres copropriétaires
détiennent au moins 60 % des voix du syndicat, ils peuvent désigner un
autre syndic, étant entendu que l’organisme peut cependant conünuer à
assumer les fonctions de syndic m êm e lorsqu’il n ’est plus titulaire du moin­
dre lot. Au fond, il s’agit d ’une mesure transitoire, jusüfïée par la volonté
d ’assurer la continuité des services dans des immeubles accédant au statut
de la copropriété. Un mécanisme assez proche se retrouve d ’ailleurs dans le
syndic provisoire désigné dans le règlem ent de copropriété.

1. La désignation volontaire du syndic


240. Règlement de copropriété.- Afin de faciliter la gestion im m édiatem ent
consécutive à la mise en copropriété, un syndic provisoire peut être désigné
dans le règlem ent rédigé lors de la construction de l’immeuble. Ce choix
du prom oteur ou du propriétaire d ’un immeuble procédant à sa division
devait cependant être ratifié au cours de la prem ière assemblée générale,
afin de ne pas imposer un syndic contre la volonté des copropriétaires. A
défaut, les pouvoirs du « syndic provisoire » cessaient de plein droit par la
réunion de l’assemblée générale16^. La loi du 26 mars 2014 avait m arqué
une défiance plus nette à l’égard de ce syndic provisoire puisqu’il « ne
peut être m aintenu que par décision de l’assemblée générale, après mise
en concurrence préalable de plusieurs contrats de syndics effectués par le
conseil syndical, s’il en existe un, ou les copropriétaires »166. A utrem ent dit,
dès la prem ière assemblée générale, le syndic doit être mis en concurrence
pour son renouvellem ent, le prom oteur ne pouvant bénéficier de l’inertie
des copropriétaires.
Le règlem ent de copropriété peut égalem ent imposer des restrictions au
choix du syndic. Sans modifier son m ode de désignation par l’assemblée
générale ou la majorité requise, qui sont d ’ordre public, il paraît envisa­
geable d ’imposer que le syndic soit nom m é parm i les mem bres du syndicat
ou, à l’inverse, q u ’il s’agisse d ’un professionnel. La validité d ’une telle
clause dépendra de sa conform ité à la destination de l’immeuble.

165. Cass. 3eciv., Sjanv. 1970, n° 68-14208: Bull. civ. III, n° 19. Rappr. Cass. 3e civ., 6 déc. 1989,
n° 87-19537 : Bull. civ. III, n° 226.
166. L. 10juill. 1965, art. 17, al. 2.
150 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

241. Assemblée générale. - La désignation du syndic a en principe lieu par l’as­


semblée générale, à la majorité des voix de tous les copropriétaires, ce qui
s’applique également à son renouvellement167. Cette tâche ne saurait être
déléguée au conseil syndical , à l’exception des syndicats coopératifs .
Concrètement donc, l’assemblée générale choisira le syndic parmi les can­
didats mis en concurrence par le conseil syndical, au regard des projets de
contrat fournis1/ü. Censé favoriser une certaine stabilité du syndic, le choix
de cette majorité est néanmoins largement déterminé par la passerelle vers
la majorité simple lorsque la candidature aura obtenu au moins un tiers des
suffrages1'V

2. La désignation judiciaire du syndic


242. Intervention subsidiaire du juge. - La loi prévoit une solution subsidiaire en
cas de blocage persistant. L’article 17, alinéa 3, énonce ainsi que le syndic
peut être nommé par le président du tribunal judiciaire saisi à la requête
d ’un ou plusieurs copropriétaires ou d ’un ou plusieurs membres du conseil
syndical, mais aussi depuis la loi ALUR par le maire de la commune ou le
président de l’EPCI du lieu de situadon de l’immeuble. L’objectif est évi­
demment d ’anticiper une situation de crise qui ne manquerait pas de rejail­
lir sur le fonctionnement normal de la copropriété. L’applicaüon de ce
texte est cependant limitée aux rares hypothèses où l’assemblée, régulière­
ment réunie en vue de désigner un syndic, n ’a pas été en mesure d ’y parve­
nir, ce qui ne couvre pas les situations de carence. L’ordonnance judiciaire
fixe la durée et la mission du syndic, qui administre la copropriété dans les
mêmes condiüons que le syndic nommé par l’assemblée générale1'2. Ses
fonctions prendront fin de plein droit à compter de l’acceptation de son
mandat par le syndic désigné par l’assemblée générale1' 6.

3. La désignation judiciaire d’un administrateur provisoire


243. Carence du syndicat - La désignation judiciaire d ’un syndic répondait à
l’hypothèse d’un blocage entre les copropriétaires, qui ne parvenaient pas
à s’accorder sur le choix du syndic. Une hypothèse connexe résulte de la
carence du syndicat, qui ne peut plus valablement décider faute pour

167. Art. 25, c). Pour le renouvellement, Cass. 3e civ., 14juin 1989, n° 87-19249 : Bull. civ. III, n° 136.
168. Ce qui n ’empêche pas le conseil syndical de proposer une candidature: CA Paris, 6 sept
2001, JurisData 2001-151861.
169. V. supra, n° 164 et s.
170. L. lOjuill. 1965, art. 21.
171. L. lOjuill. 1965, art. 25-1.
172. Pour une illustration, v. not., Cass. 3' civ., 7 avr. 2004, n° 02-18669 : Bull. civ. III, n° 76.
173. D. 17 mars 1967, art. 46, al. 4.
LES ORGANES DU SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES 151

l’assemblée générale de pouvoir être convoquée. Cette situation intervient


le plus souvent lorsque le syndic précédent n’a pas convoqué l’assemblée
générale à temps, soit que ses fonctions aient pris fin prématurément, soit
que sa nomination ait été ultérieurement annulée judiciairement. Dans
cette situation, le président du tribunal judiciaire, statuant par ordonnance
sur requête, à la demande de tout intéressé, désigne un administrateur pro­
visoire de la copropriété qui est notamment chargé, dans les délais fixés par
l’ordonnance, de se faire remettre les fonds et l’ensemble des documents et
archives du syndicat et de convoquer l’assemblée en voie de la désignation
d’un syndic174. Les fonctions de cet administrateur provisoire prendront fin
dans les mêmes conditions que celles du syndic judiciairement désigné,
c’est-à-dire à l’acceptation de son mandat par le syndic désigné par l’assem­
blée générale.
244. Administrateur ad hoc.
Afin d’éviter toute confusion avec l’administrateur provisoire désigné
dans les hypothèses de copropriétés en difficulté170, l’ordonnance du
30 octobre 2019 a renommé l’administrateur visé à l’article 18, V, « admi­
nistrateur ad hoc».
B. La cessation des fonctions de syndic
245. Plan. - Les fonctions du syndic prennent fin dans des hypothèses et suivant
des modalités qui sont largement celles du droit commun du mandat176.
Les effets sont cependant amendés du fait des spécificités dans la personne
du mandant, le syndicat des copropriétaires.
1. Les modalités de la cessation des fonctions
246. Disparition du syndicat. - La disparition du syndicat, personne morale,
consécutive à la destruction de l’immeuble ou à la réunion des lots entre
les mains d’un seul copropriétaire, entraîne la disparition du mandant et
l’extinction consécutive du mandat177.
247. Survenance du terme du mandat. - La durée des fonctions du syndic ne
peut excéder trois ans1/H. À l’intérieur de cette limitation légale, le contrat
de syndic fixe le terme des relations. En pratique, les copropriétaires
174. D. 17 mars 1967, art. 47.
175. L. 10juill. 1965, art. 29-1. V. supra, n° 175 ets.
176. C. civ„ art. 2003.
177. CAParis, 15sept. 1995, n°XP1509955X : I). 1998, Soinm., p. 275, obs. C. G ivf.rdon.
178. D. 1967, art. 28, al. 2, qui réserve l’hypothèse de l’organisme de HLM, sur laquelle v. supra,
n° 239.
152 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

choisissaient le plus souvent une durée d’un an qui concorde avec la pério­
dicité de l’assemblée générale1'9. Les copropriétaires y trouvent un intérêt
évident puisque le syndicat ne sera pas lié trop longtemps dans l’hypothèse
d’une gestion non satisfaisante. Néanmoins un tel choix rend plus difficile
la programmation pluriannuelle de travaux qui est particulièrement favori­
sée désormais. La durée initiale est raccourcie au cours du délai de la garan­
tie décennale lorsque le syndic, son conjoint ou partenaire, ses parents et
alliés ont participé d’une quelconque manière à la construction de l’im­
meuble (art. 28, al. 2). La crainte d ’un conflit d ’intérêts entraînant l’inertie
du syndic dans la mise en œuvre de la garantie explique cette défiance.
La fixation d’une durée maximale n ’empêche cependant pas que le syndic
soit renouvelé dans ses fonctions au cours de l’assemblée générale, suivant
la même procédure que sa nomination initiale. Depuis la loi du 24 mars
2014, il devra cependant être mis en concurrence à chaque renouvelle­
ment. La situation exceptionnelle créée par l’épidémie de covid-19 a fait
craindre une vacance dans de nombreuses copropriétés. L’article 22 de l’or­
donnance n° 2020-304 du 25 mars 2020, modifié par l’ordonnance n° 2020­
460 du 22 avril 2020, prévoit que le contrat de syndic qui expire ou a expiré
pendant la période comprise entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un
délai de deux mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence
sanitaire (10 juillet) est renouvelé dans les mêmes termes jusqu’à la prise
d ’effet du nouveau contrat du syndic désigné par la prochaine assemblée
générale des copropriétaires. Sont donc concernés, dans l’attente d ’une
éventuelle prolongation, les contrats expirant au plus tard le 10 septembre
2020, ce qui couvre la plupart des contrats dont le terme est fixé au 30juin.
Quoi qu’il en soit, cette prise d ’effet intervient au plus tard huit mois après
la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, dont le terme est fixé par
la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et
complétant ses dispositions au 10 juillet 2020 inclus (art. 4). Le renouvelle­
ment, préféré à une simple prorogation du terme extinctif, ne devrait pas
emporter d ’effets différents de cette dernière, du fait de la dérogation
apportée à l’article 1214, alinéa 2, du Code civil, qui prévoit qu’en principe,
le contrat renouvelé est à durée indéterminée. La rémunération forfaitaire
du syndic est déterminée selon les termes du contrat qui expire ou a expiré,
au prorata de la durée de son renouvellement.
248. Disparition du syndic. - La disparition du syndic, qu’elle intervienne par le
décès d’une personne physique ou la liquidation d ’une personne morale,
entraîne nécessairement l’extinction du mandat. C’est notamment le cas de

179. La pratique consistant à fixer le terme du contrat à la date de la prochaine assemblée générale
chargée d ’approuver les comptes suscite de vraies difficultés lorsque le syndic n ’est pas suffisam­
ment diligent (Cass. 3e civ., 22 sept 2004, n° 02-21416 ; Cass. 3e civ., 12 sept 2006, n° 05-15987).
LES ORGANES DU SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES 153

la liquidation judiciaire de l’entreprise de syndic. En cas de fusion-absorp­


tion, la situation est plus délicate. Certes, l’article L. 236-1 du Code de com­
merce prévoit la transmission universelle du patrimoine, ce qui inclut les
contrats en cours. Mais un sort particulier a toujours été réservé aux
contrats conclus intuitu personae, exclus de la transmission. S’agissant du
contrat de syndic, l’article 18, IV, prévoit qu’il est seul responsable de sa
gestion et ne peut se faire substituer. La Cour de cassation a dès lors retenu
que « la loi du 10juillet 1965, excluant toute substitution du syndic sans un
vote de l’assemblée générale des copropriétaires, ne permet pas à une
société titulaire d’un mandat de syndic de dessaisir les copropriétaires de
leur pouvoir exclusif de désignation du syndic par le moyen d ’une opéra­
tion de fusion-absorption ayant pour résultat, après disparition de sa per­
sonne morale, de lui substituer la société absorbante, personne morale
distincte»180. La confiance sur laquelle repose le mandat, renforcée par
l’article 18 de la loi, fait échec à toute transmission automatique. L’éven­
tuelle clause contraire du règlement de copropriété paraît
condamnable181. La situation est cependant différente lorsque la société
change seulement de forme ou de dénomination182, voire que le dirigeant
est remplacé ou que l’actionnariat change. On peut cependant imaginer,
cette fois-ci, que le règlement de copropriété adopte une position
contraire.
249. Volonté unilatérale de l’une des parties. Démission du syndic. - Mandataire
du syndicat, le syndic peut toujours renoncer à sa fonction en notifiant sa
démission au syndicat avec lequel il est lié18'1. Cette démission pouvait être
acceptée directement lors de l’assemblée générale184 ou après avoir été
portée à la connaissance de tous les copropriétaires constituant le
syndicat18’. Depuis la loi du 24mars 2014, l’article 18, V, dispose que «le
syndic ne peut renoncer à son mandat sans avoir respecté un délai de

180. Cass. 3e civ., 29 févr. 2012, n° 10-27259 : Bull. civ. III, n° 34 ; I l 2013, p. 1858, obs. P. Capoulade.
V. déjà, Cass. 3e civ., 10 nov. 1998, n° 97-12369 : Bull. cm. III, n° 212 J C P G 1999, II, 10051, note
A. Djigo; RTD civ. 1999, p. 416, obs. P.-Y. Gautier. La même solution s’applique lorsque le
fonds de commerce du syndic est placé en location-gérance (CA Paris, 14janv. 1999: AJDI
1999, p. 244).
181. En ce sens, v.J.-M. Roux, « Le syndic en fusion », Loyers et copr. 2010, Etude 13, n” 10.
182. Cass. 3e civ., 18déc. 2001, n°00-15887; Cass. 3e civ., 28avr. 2011, n°10-14298: Bull. civ. III,
n° 61.
183. Arg. C. civ., art. 2004.
184. Même lorsque la question ne figurait pas à l’ordre du jour, Cass. 3e civ., 18 mai 1971, n°70-
10893 : Bull. civ. III, n° 310.
185. Cass. 3e civ., 30 mars 1994, n° 92-16523.
154 LA COPROPRIETE DES IMMEUBLES BATIS
préavis de trois mois »18b. Ce nouveau préavis destiné à éviter une « déstabi­
lisation de la copropriété dans sa gestion »187 devrait limiter les hypothèses
d’indemnisation du syndicat en application de l’article 2007, alinéa 2, du
Code civil.
250. Volonté unilatérale de Tune des parties. Révocation du syndic. - Le syndicat
peut, comme tout mandant, mettre fin unilatéralement au contrat qui le lie
au syndic. Cette révocabilité ad nutum n’est pas affectée par la durée déter­
minée du mandat188, ni par une clause d’irrévocabilité. Le contrat-type de
syndic établi par décret précise cependant que la révocation « doit être fon­
dée sur un motif légitime », ce qui restreint les pouvoirs de l’assemblée
générale189. La décision de révoquer le syndic doit être adoptée aux
mêmes conditions que sa désignation, par l’assemblée générale statuant à
la majorité des voix de tous les copropriétaires. On ne saurait ainsi déduire
la révocation du seul refus du syndicat de donner quitus au syndic et de lui
renouveler sa confiance190. Le syndic révoqué pourrait obtenir une indem­
nisation, dès lors que son mandat était à durée déterminée et assorti d’une
rémunération, sauf si la révocation est justifiée jrar un manquement du syn­
dic de nature à le priver de toute indemnité1 . En droit commun, il est
possible de stipuler le paiement d’une indemnité, « prix de la faculté de
résiliation unilatérale, en dehors de toute notion d’inexécution », qui n’a
pas le caractère d’une clause pénale et ne peut donc être modérée192. Le
règlement de copropriété prévoit parfois une indemnisation forfaitaire en
cas de résiliation unilatérale191.
251. Durée et cessation des fonctions du syndic.
L’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 procède à une réécriture
complète des textes relatifs à la durée et à la cessation du mandat du
syndic. Les références au droit commun des contrats y sont nombreuses,
ce qui s’explique par l’insertion récente de textes relatifs à la durée du

186. Les modalités sont précisées par le contrat-type, qui prévoit que le syndic devra « avertir le
président du conseil syndical, à défaut chaque copropriétaire, au moins trois mois à l’avance
par lettre recommandée avec accusé de réception » (art. 4).
187. Projet de loi n° 1179, Exposé des motifs.
188. Cass. 3' civ., 27 avr. 1988, n" 86-11718 :Bull. cw. III, n° 80 ; D. 1989, p. 351,note C. A tias.
189. D. 17 mars 1967, annexe 1 établissant le contrat-type de syndic de copropriété, art 3.
190. Cass. 3e civ., 24 mai 1978, n° 77-11553 :Bull. civ. III, n° 218.
191. Cass. 3e civ., 8 mars 2018, n° 17-12506;Cass. 3e civ., 27 avr. 1988, préc.
192. Cass. l re civ., 6 mars 2001, n° 98-20431 : Bull. civ. I, n” 56.
193. La Commission des clauses abusives recommande cependant d’éliminer une telle clause
lorsque l’indemnité ne correspondrait pas à une « prestation effective liée à la remise du dos­
sier au successeur » (recommandation n° 96-01 relative aux contrats proposés par les syndics
de copropriété).
LES ORGANES DU SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES 155

contrat dans le Code civil194, même si le contrat de syndic relève du droit


spécial du mandat qui y déroge partiellement.
La durée du contrat de syndic étant limitée à trois ans, ce contrat était
nécessairement conclu à durée déterminée. L’article 18, VI, le prévoit
désormais expressément Dans une rédaction laborieuse, l’article 18, VII,
dispose que « lorsqu’une partie ne souhaite pas conclure un nouveau
contrat de syndic avec le même cocontractant, il peut y être mis fin sans
indemnité », sous réserve du respect d ’une procédure spécifique. Sur le
fond, cette formule vise à rappeler le principe de l’absence de droit au
renouvellement prévoie par l’article 1212 du Code civil, selon les rédac­
teurs du rapport sur l’ordonnance. Plus qu’un rappel de ce principe,
c’est surtout une rupture avec le principe de la libre révocation du contrat
de mandat que reconnaît le législateur, après la jurisprudence19’. Il faut
alors distinguer suivant l’auteur de la renonciation anticipée. Lorsque le
syndic entend renoncer à son mandat, il est tenu d ’informer « le conseil
syndical de son intention de ne pas conclure un nouveau contrat au plus
tard trois mois avant la date de l’assemblée générale ». La règle existait
déjà, depuis la loi ALUR, dans une rédaction différente. Lorsque c’est le
syndicat des copropriétaires qui ne souhaite pas renouveler le contrat, la
question doit être inscrite à l’ordre du jour d ’une assemblée générale
tenue dans les trois mois précédant le terme du contrat. Dans les deux
cas, l’assemblée générale désigne un nouveau syndic et fixe les dates de
fin du contrat en cours et de prise d ’effet du nouveau contrat19<l. L’arti­
cle 18, VIII, précise enfin les modalités de rupture du contrat de syndic
en cas d ’inexécution, rappelant qu’il peut être « résilié par une partie en
cas d ’inexécution suffisamment grave de l’autre partie»19'. Si le texte
évoque évidemment l’article 1224 du Code civil, qui prévoit une règle
identique en droit commun, son intérêt consiste précisément à écarter
l’application du droit commun s’agissant de la mise en œuvre de la réso­
lution. Lorsque le syndic est à l’initiative, il notifie sa volonté de résiliation
au président du conseil syndical ou, à défaut de conseil syndical, à l’en­
semble des copropriétaires, en précisant la ou les inexécutions reprochées
au syndicat des copropriétaires. Calquée sur la procédure de l’article 1226,
cette résiliation s’en démarque cependant à deux titres. D’une part,
aucune mise en demeure préalable n ’est requise, même en l’absence

194. Sur cette question, v. G. C hantepie et M. L atina, Le nouveau droit des obligations. Commentaire
théorique et pratique dans l'ordre du Code civil, 2" éd., Dalloz, 2018, n° 576 ets.
195. V. supra, n° 250.
196. Lesquels ne peuvent intervenir moins d ’un jo u r franc après la tenue de l’assemblée générale.
197. V. sur ce point, C. C outant-L apalus, « Les incidences de la réforme du droit de la copropriété
sur le syndic de copropriété. A propos de l’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019»,
Loyers et copr. 2020, dossier 2.
156 LA COPROPRIETE DES IMMEUBLES BATIS

d’urgence. S’agissant d ’un contrat fondé sur une exigence de loyauté, c’est
particulièrement surprenant, d’autant que le type d ’inexécution pourrait
parfaitement consister en un retard de paiement, par exemple. En outre,
contrairement à l’article 1226, ce ne sont pas les raisons qui motivent la
résolution qui sont notifiées, mais la ou les causes d’inexécution. D’autre
part, et surtout, une fois notifiée cette résiliation, le syndic est tenu d ’assu­
rer ses fonctions. Il doit en effet convoquer une assemblée générale dans
un délai qui ne peut être inférieur à deux mois en inscrivant la question à
l’ordre dujour, la résiliation effective du contrat intervenant au plus tôt un
jour franc après sa tenue. L’objectif est évidemment d ’assurer la transition
entre les syndics et d ’éviter toute carence dans la gestion de l’immeuble.
Dans la situation inverse, où le conseil syndical est à l’initiative de la réso­
lution, il lui notifie une demande motivée d ’inscription de cette question à
l’ordre dujour de la prochaine assemblée, en précisant le ou les inexécu­
tions reprochées. Le conseil syndical se fait ici le porteur de la voix du
syndicat des copropriétaires. La prise d ’effet de la résiliation et, le cas
échéant, du début du contrat du nouveau syndic est fixée par l’assemblée
générale au plus tôt un jour franc après sa tenue.
En s’attachant essentiellement aux modalités procédurales et à la succes­
sion des syndics, le législateur a résolu une difficulté susceptible d ’entraî­
ner une vacance du syndic. Il a nécessairement, quoiqu’implicitement,
éloigné le contrat de syndic du droit du mandat et même, en dépit des
affirmations des rédacteurs du rapport, du droit commun du contrat.
Devant se couler dans le modèle d ’un contrat-type établi par décret,
doté d ’un régime qui déroge largement au droit du contrat, le contrat
de syndic reflète plus le statut impératif de la copropriété que la liberté
des parties.

2. Les effets de la cessation des fonctions


252. Prise d’effets. - L’extinction du mandat est marquée par son automaticité.
Pas plus que de renouvellement tacite ou de tacite reconduction du contrat
de mandat, il n ’y a de place pour un mandat tacite198. Aussi la cessation des
fonctions prend-elle effet au jour de l’expiration du mandat ou de la révo­
cation. Pour la démission, le respect du principe majoritaire semblait justi­
fier qu’elle ait été acceptée par l’assemblée générale199. La mise en place
d ’un préavis de trois mois devrait cependant écarter une telle prétention du
syndicat. Quoi qu’il en soit, la perte de sa qualité, et donc de ses pouvoirs,

198. Cass. 3e civ., 26 mars 1997, n° 95-15915 : Bull. civ. III, n° 72.
199. En ce sens, v. not., F. T erré et P. S imler, Droit civil Les biens, 10e éd., Dalloz, 2018, n° 686, qui
s’appuient sur Cass. 3e civ., 24 mai 1978, n° 77-11553 : Bull. civ. III, n° 218.
LES ORGANES DU SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES 157

implique que l’ancien syndic ne peut plus accomplir d’actes après la cessa­
tion de ses fonctions. Contrairement au droit commun du mandat, la juris­
prudence n’a jamais admis de syndic de fait200. En outre, le syndic qui assu­
rerait des actes courants au cours de la période transitoire ne pourrait pas
plus bénéficier des règles de la gestion d’affaires201. Il s’agit d’éviter à tout
prix que la copropriété se trouve placée dans une situation ambiguë, en
continuant à fonctionner sans syndic régulièrement désigné. Le syndic
n ’est pas seulement un mandataire, il est un organe nécessaire à la copro­
priété. Son absence ne pouvant être suppléée, les copropriétaires doivent
s’assurer de la désignation de son successeur.
253. Pratique. - En pratique ces difficultés peuvent être évitées par la délimita­
tion précise de la durée des fonctions du syndic. Les formules ambiguës
devraient être évitées202, de même sans doute qu’une durée trop courte.
Enfermer la mission du mandataire dans un terme alternatif (un an, mais
en intégrant la convocation de la prochaine assemblée générale et, le cas
échéant, d’une assemblée sur le fondement de l’article 25-1) paraissait
une solution acceptable. Le contrat-type prévoit désormais clairement l’in­
dication de la durée, des dates de prise d ’effet et de fin du contrat203. L’in­
citation du législateur à réaliser des travaux au sein de la copropriété par la
mise en place d ’un diagnostic technique prévoyant un plan de travaux plu­
riannuel et un fonds de travaux dédié, autant que la mise en concurrence
systématique du syndic lors du renouvellement, devrait inciter les syndicats
à allonger la durée des contrats, permettant au syndic de conduire cette
politique sans affronter un nouveau vote tous les ans.
254. Remise des fonds et documents. - En cas de changement de syndic, l’arti­
cle 18-2 de la loi de 1965 prévoit que l’ancien syndic204 est tenu de remettre
au nouveau syndic20'1dans le délai d’un mois à compter de la cessation de
ses fonctions, la situation de trésorerie, la totalité des fonds immédiatement
disponibles et l’ensemble des documents et archives du syndicat (grand

200. Cass. 3e civ., 14 oct. 1987, n° 85-18749 : Bull. civ. III, n° 172.
201. Cass. 3e civ., 3juin 1987, n° 85-18650: Bull. civ. III, n°115; Cass. 3e civ., 16 oct. 2013, n°12-
20881 ; RTD civ. 2014, p. 139, obs. P.-Y. G autier.
202. Ainsi de la formule «jusqu’à la prochaine assemblée générale approuvant les comptes », car
même si ce terme incertain est valable (Cass. 3e civ., 23févr. 2000, n° 98-14926: Bull. civ. III,
n°41), il appartient au syndic de convoquer l’assemblée générale dans le délai prévu
(Cass. 3e civ., 22 sept 2004, n° 02-21416; Cass. 3e civ., 12 sept 2006, n” 05-15987).
203. D. 17 mars 1967, annexe 1 établissant le contrat type de syndic de copropriété, art. 2.
204. Le texte s’applique même dans l’hypothèse où un administrateur provisoire aurait été
désigné entre l’ancien et le nouveau syndic (Cass. 3e civ., 31 o ct 2012, n° 11-10590).
205. Sur le caractère portable de cette remise, v. Cass. 3' civ., 3 nov. 2011, n° 10-21009 : Bull. civ. III,
n° 180.
158 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

livre des comptes, relevés bancaires, factures, etc.)206, accompagnés d ’un


bordereau récapitulatif dont copie est transmise au conseil syndical20'. Il
appartient au syndic qui se prétend libéré de son obligation d ’en rapporter
la preuve208. Dans le délai de deux mois suivant l’expiration du délai men­
tionné ci-dessus, l’ancien syndic est tenu de verser au nouveau syndic le
solde des fonds disponibles après apurement des comptes, et de lui fournir
l’état des comptes des copropriétaires ainsi que celui des comptes du syndi­
cat. L’ancien syndic ne peut exercer de droit de rétention sur les docu­
ments et archives209. Le cas échéant, le nouveau syndic ou le conseil syndi­
cal pourront demander ces éléments au président du tribunal judiciaire
statuant en référé.
255. Remise des fonds et documents.

L’article 18-2 facilite la portabilité des documents au cours de la période


de changement de syndic. La nouvelle rédaction du texte prévoit un
abaissement à quinze jours à compter de la cessation de ses fonctions
du délai de remise de la situation de trésorerie, des références des
comptes bancaires du syndicat et des coordonnées de la banque. En
outre, tirant les conséquences de la dématérialisation, il doit remettre
les documents et archives du syndicat et l’ensemble des documents
dématérialisés relatifs à la gestion de l’immeuble dans un délai d ’un
mois. Enfin, avant l’expiration d’un délai supplémentaire de deux mois,
l’ancien syndic doit fournir au nouveau l’état des comptes des coproprié­
taires et du syndicat après apurement et clôture.

§ 2. Les fonctions du syndic


256. Plan. - L’exercice des fonctions du syndic a fait l’objet de réformes significa­
tives qui l’ont affecté en profondeur. Sa responsabilité éventuellement encou­
rue à ce titre est une conséquence inévitable des pouvoirs qu’il assume210.

A. L’exercice des fonctions de syndic


257. Plan. - Les attributions du syndic trouvent le plus souvent leur contrepartie
dans une rémunération.

206. On ne peut cependant exiger du syndic qu’il établisse postérieurement à son dessaisissement
des documents qu’il n ’avait pas tenus préalablement (Cass. 3° civ., 4juin 2009, n° 08-15737:
Bull. civ. III, n° 132).
207. D. 17 mars 1967, art. 33-1.
208. Cass. 3' civ., 5 déc. 2007, n° 06-11564 ; Cass. 3e civ., 31 oct. 2012, préc.
209. En ce sens, v. P. Baudouin , « Le changement de syndic », AJDI2011, p. 282.
210. P.-E. L agraulet, Les fonctions du syndic de copropriété, thèse Paris II, 2018, dactyl.
LES ORGANES DU SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES 159

1. Les attributions du syndic


258. Présentation. - Mandataire du syndicat, le syndic est classiquement tenu
d’exécuter sa mission et de rendre des comptes211. Évidemment, les diffé­
rents textes du statut de la copropriété, incluant désormais le contrat-type
de syndic, précisent le contenu exact de la mission de manière détaillée.
259. Administration de l’immeuble (art. 18,1 ).- Le syndic est d’abord l’adminis­
trateur quotidien de la copropriété. A ce titre, il doit assurer l’exécution des
dispositions du règlement de copropriété et des délibérations de l’assem­
blée générale, mais également administrer l’immeuble et pourvoir à sa
conservation, à sa garde et à son entretien. Cela fait du syndic l’inter­
locuteur quotidien des copropriétaires, notamment du fait de la conserva­
tion des archives de l’immeuble, tant juridiques que techniques ou compta­
bles (conservation des archives212, tenue du carnet d’entretien de
l’immeuble, immatriculation du syndicat, etc.). Surtout, il lui revient, «en
cas d ’urgence, de faire procéder de sa propre initiative à l’exécution de
tous travaux nécessaires à la sauvegarde de l’immeuble ». Corollaire logique
de sa relation avec les copropriétaires, le syndic assure également la repré­
sentation extérieure de la copropriété. Il représente le syndicat dans les
actions en justice213, conclut les contrats en son nom214, etc. Le syndic est
l’interlocuteur des pouvoirs publics et des notaires, l’interface entre la
copropriété et l’extérieur.
260. Gestion comptable et financière (art. 18, II). - La tâche la plus importante
du syndic réside cependant dans la gestion comptable et financière de la
copropriété. C’est lui qui, en concertation avec le conseil syndical, établit
le budget prévisionnel qui sera soumis à l’assemblée générale. Il lui revient
par exemple de proposer au moins tous les trois ans une résolution visant à
la constitution de provisions spéciales en vue de faire face à des travaux
d ’entretien ou de conservation des parties communes. Le syndic est égale­
ment tenu d ’établir une comptabilité faisant apparaître la position de
chaque copropriétaire à l’égard du syndicat et d ’ouvrir un compte bancaire
séparé au nom du syndicat210.

211. C. civ., art. 1991.


212. Notamment une copie du règlement de copropriété, de l’état descriptif de division et de
l’état de répartition des charges, ainsi que toutes conventions, pièces, correspondances,
plans, registres, documents et décisions de justice relatifs à l’immeuble et au syndicat, parti­
culièrement les registres contenant les procès-verbaux d ’assemblée générale, les annexes et
documents comptables (D. 17 mars 1967, art. 33).
213. V. supra, n° 147 et s.
214. Par ex., le syndic «engage et congédie le personnel employé par le syndicat» (D. 17mars
1967, art. 31).
215. Sur lequel, v. supra, n° 127.
160 LA COPROPRIÉTÉ DES IMiMEUBLES BÂTIS

261. Obligation d’information. - Moins développée par les textes, l’obligation


d ’information du syndic est inhérente à sa qualité de mandataire. La loi
précise qu’il doit assurer l’information des occupants (ce qui vise notam­
ment les locataires) de l’immeuble des décisions de l’assemblée générale
par voie d’affichage d ’un procès-verbal dans les parties communes. Plus
généralement, il doit mettre en garde les copropriétaires sur les risques
d’annulation d ’une décision ou sur les règles juridiques applicables aux pri­
ses de décision. L’information vise également les pouvoirs publics, puisqu’il
est tenu de notifier sans délai au préfet et aux copropriétaires que 2/3 des
copropriétaires représentant au moins 2/3 des quotes-parts de parties com­
munes ont exercé leur droit de délaissement.
262. Exécution personnelle de sa mission (art. 18, IV ).- Par dérogation aux
règles du mandat, le syndic ne peut se faire substituer pour l’exécution de
sa mission. S’il ne saurait donc transférer son entreprise ou la donner en
location-gérance"16, le syndic peut néanmoins se faire représenter par l’un
de ses salariés21/ L’assemblée générale peut également autoriser une délé­
gation de pouvoir à une fin déterminée, à la majorité de l’article 25.
263. Reddition des comptes au syndicat - Sa qualité de mandataire impose au
syndic « de rendre compte de sa gestion »2 8. Cela se traduit principalement
par la présentation des comptes qui doivent être approuvés par l’assemblée
générale. Ce vote exclut en principe toute remise en cause ultérieure, sauf à
démontrer une erreur ou une omission, voire une dissimulation frauduleuse.
264. Représentation en justice du syndicat. - Le syndicat exerce ses actions en
justice exclusivement par l’intermédiaire de son représentant, le syndic219.
En principe cependant, la mise en œuvre de l’action suppose une autorisa­
tion préalable de l’assemblée générale220, qui a longtemps servi de moyen
dilatoire aux constructeurs assignés221. La sanction de l’action exercée sans
autorisation était en effet particulièrement lourde puisqu’elle résidait dans
l’irrecevabilité de la demande, sauf ratification dans le délai de
prescription222. Le décret du 27juin 2019 a ajouté un alinéa 2 à l’article 55
du décret de 1967, qui limite aux seuls copropriétaires la possibilité de se
prévaloir de l’absence d ’autorisation du syndic à agir en justice. Quoi qu’il

216. V. supra, n° 248.


217. D. 17 mars 1967, art. 30.
218. C. civ., a rt 1993.
219. Le syndic a compétence pour « représenter le syndicat dans tous les actes civils et en jusüce
dans les cas mentionnés aux articles 15 et 16 » (L. lOjuill. 1965, a r t 18).
220. D. 17 mars 1967, arc 55.
221. D. T o m a sin , « Le juge et la copropriété », Nouveaux juges, nouveaux pouvoirs ?, Mélanges en l ’hon­
neur de Roger Perrot, Dalloz, 1996, p. 499, n° 16.
222. Cass. 3" civ., 12 mars 2008, n° 06-20189.
LES ORGANES DU SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES 161

en soit, l’autorisation doit être votée par l’assemblée générale à la majorité


de l’article 24, la délibération mentionnant nécessairement l’objet de la
demande, son fondement et les éventuelles voies de recours admises. En
dépit de la limitation des personnes susceptibles de soulever une irrégula­
rité, il faut veiller particulièrement à la rédaction de la délibération soumise
au vote. Par exception, les actions en recouvrement de charges dues par les
copropriétaires, la mise en œuvre des voies d’exécution forcée à l’exception
de la saisie en vue de la vente d’un lot, les mesures conservatoires et les
demandes qui relèvent des pouvoirs de juge des référés ne requièrent
aucune autorisation. Il en va de même lorsque le syndicat est assigné223.
La mission du syndic comprend nécessairement la reddition des comptes
sur l’action menée.

2. La rémunération du syndic
265. Présentation. - Rompant avec son caractère essentiellement gratuit, l’arti­
cle 1986 du Code civil prévoit que « le mandat est gratuit, s’il n ’y a conven­
tion contraire ». Mais si la rémunération du mandataire est désormais pré­
sumée en présence d’une personne exerçant sa profession habituelle224, la
gratuité persiste dans les nombreuses hypothèses de mandats marqués par
l’altruisme22 ’. L’activité de syndic est à l’image de la figure de référence du
mandat, partagée entre un exercice bénévole et professionnel.
266. Syndic bénévole. - Si l’on excepte le cas du syndic coopératif, qui est néces­
sairement bénévole, le choix du bénévolat est réservé à de petites coproprié­
tés qui souhaitent éviter le coût du recours à un professionnel, autant que
garder une implication très forte dans la gestion quotidienne de la copro­
priété. Le svndic non professionnel semblait pouvoir recevoir une
rémunération . Une pratique était parfois utilisée, consistant à dispenser
le syndic bénévole des dépenses communes, sa quote-part étant alors assu­
mée par les autres copropriétaires. Cette solution ne peut être valablement
adoptée, du moins directement, sans l’unanimité des copropriétaires227. Il est
plus simple de prévoir une rémunération calquée sur ce montant. La possi­
bilité de rémunérer le syndic non professionnel ne s’impose pas à la lecture
de la loi du 10juillet 1965, l’article 17-2 visant « tout syndic non professionnel,

223. D. 17 mars 1967, art. 55, al. 2.


224. Cass. l re civ„ 16juin 1998, n” 96-10718 : BulL cm. I, n" 211.
225. Sur cette question, v. récemment S. P f.i .i .f.t , « Gratuité ou onérosité du mandat : un critère
pertinent? », in B. R émy (dir.), Le mandat en question, Bruxelles, Bruylant, 2013, p. 69.
226. CAParis, 15mai 1998, AdministrerocL 1998, 60, obs. Bouyeure; rép. min. n°287, 19avr. 1978,
JOAN CR 2juin 1978, 2440.
227. V. en ce sens, G. V icneron, Le syndic de copropriété, 6e éd., LexisNexis, 2014, n° 62.
162 LA COPROPRIETE DES IMMEUBLES BATIS

bénévole ou coopératif»22B. Le contrat-type prévoit néanmoins expressé­


ment que « dans le respect du caractère non professionnel de leur mandat,
le syndic bénévole et le syndic désigné en application de l’article 17-1 de la loi
du lOjuillet 1965 peuvent percevoir le remboursement des frais nécessaires
engagés outre une rémunération au titre du temps de travail consacré à la
copropriété »229. En toute hypothèse, le syndic bénévole peut obtenir le rem­
boursement des frais exposés à l’occasion de sa mission.
267. Syndic professionnel. - La rémunération du syndic est une question parti­
culièrement sensible, tant au sein des copropriétés que dans le débat
public. Le principe était initialement la liberté du tarif, fixé par convention
expresse dans le contrat liant le syndic et le syndicat. C’était donc l’assem­
blée générale qui fixait normalement les conditions de la rémunération2’".
Les contrats proposés par les syndics professionnels distinguaient générale­
ment une rémunération forfaitaire pour les actes de gestion courante d ’une
rémunération variable pour les missions particulières, calculée soit en fonc­
tion du temps passé, soit par un pourcentage du montant des contrats et
marchés. Evidemment, le risque existait que le contrat allège le contenu
du forfait afin d ’afficher un tarif attractif, en gonflant la rémunération
variable, plus difficile à apprécier. Il semble que les excès aient été nom­
breux, qui ont conduit la Commission des clauses abusives à publier deux
recommandations2” , mais surtout le législateur à transformer profondé­
ment le système de rémunération des syndics.
Il faut réserver l’hypothèse des syndicats composés exclusivement de person­
nes morales et dont la destination totale de l’immeuble est autre que l’habi­
tation (art. 18-1 AA), qui peuvent décider, à la majorité des voix de tous les
copropriétaires, de déroger aux règles spécifiques et de convenir avec le syn­
dic des conditions de sa rémunération. Pour tous les autres syndicats, le nou­
vel article 18-1A dispose désormais que « la rémunération des syndics est
déterminée de manière forfaitaire. Toutefois, une rémunération spécifique
complémentaire peut être perçue à l’occasion de prestations particulières,
définies par décret en Conseil d ’Etat ». L’objectif du législateur est d ’enlever
aux parties la possibilité de faire varier les catégories de prestations soumises

228. Sauf à considérer qu’il y a énumération et que les termes « bénévole » et « coopératif » ne
sont pas des précisions du « non professionnel », mais des modalités alternatives d ’exercice
de l’activité. L’ordonnance du 30 octobre 2019 règle la question en supprimant la mention
« bénévole ou coopératif ».jugée inutile (rapport sur l’ordonnance).
229. D. 17 mars 1967, annexe 1, établissant le contrat type de syndic de copropriété, art. 8.
230. D. 17 mars 1967, art. 29.
231. Recommandations n° 96-01 et n° 11-01 relatives aux contrats de syndic de copropriété. La
DGCCRF a également publié en 2014 les résultats des contrôles effectués sur les contrats,
laissant apparaître de très nombreuses irrégularités, notamment dans les clauses de rémuné­
ration qui rendent difficile la comparaison entre les prestataires (http://www.economie.gouv.
fr/dgccrf/contrats-syndic-copropriete).
LES ORGANES DU SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES 163
au forfait ou pouvant faire l’objet d’une rémunération supplémentaire. Le
contrat-type établi par décret maintient le principe d’une rémunération for­
faitaire, amendée par une rémunération spécifique relative à des prestations
particulières. Il ne laisse quasiment aucune marge aux parties compte tenu
du niveau de précision atteint par les stipulations relatives à la rémunération,
au forfait ou aux prestations complémentaires. Une liste non limitative réca­
pitule les prestations qui doivent nécessairement figurer dans le forfait232.
Quant aux prestations particulières pouvant donner lieu à une rémunération
spécifique complémentaire, elles sont énumérées dans une liste limitative
comprenant notamment la préparation, la convocation et la tenue d’assem­
blées générales supplémentaires et le dépassement des plages horaires de
référence convenues, l’établissement, la modification ou la publication du
règlement de copropriété à la suite d’une décision du syndicat, ou certaines
prestations relatives aux litiges et contentieux233.
268. Rémunération du syndic.
L’article 18-1 A de la loi de 1965 est partiellement réécrit par l’ordonnance
n° 2019-1101 du 30 octobre 2019, sans que soient modifiés les principes
mis en place par la loi ALUR. D’abord, le texte distingue nettement, désor­
mais, les prestations fournies par le syndic au titre de sa mission, donnant
lieu à une rémunération forfaitaire, des prestations particulières ne rele­
vant pas de la gestion courante. Seules ces dernières justifient éventuelle­
ment une rémunération spécifique complémentaire234.
Ensuite, l’article 18-1A évoque les prestations de services autres que celles
relevant de la mission de syndic, lesquelles peuvent donner lieu à conven­
tion avec le syndicat des copropriétaires. Il s’agit de l’ensemble des presta­
tions qui ne relèvent pas des missions définies par l’article 18 de la loi de
1965 et, plus précisément, de l’ensemble des prestations qui ne figurent
pas dans le contrat-type. Cela conduit à distinguer trois catégories de pres­
tations : celles qui donnent lieu à une rémunération forfaitaire ; celles qui
ne relèvent pas de la gestion courante, toutes deux incluses dans le
contrat-type ; celles qui ne relèvent pas des missions du syndic et ne figu­
rent pas dans le contrat-type. Pour ces dernières, la convention est conclue
après autorisation expresse de l’assemblée générale statuant à la majorité
des voix de tous les copropriétaires. Cette nouvelle catégorie ouvre malgré
tout une brèche dans la rémunération forfaitaire du syndic.
Enfin, alors même que la question ne relève pas directement de la rému­
nération du syndic, l’article 18-1A fait obligation au syndic de soumettre
232. D. 17 mars 1967, annexe 1.
233. D. 17 mars 1967, art 29, dernier alinéa.
234. Le non-respect de cette obligation est désormais passible d’une amende administrative.
164 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

à l’autorisation de l’assemblée générale, statuant à la majorité de l’arti­


cle 25, toute convention conclue entre le syndicat et une personne ou
une entreprise avec laquelle le syndic aurait des liens capitalistiques ou
juridiques. Le lien avec la rémunération se dévoile implicitement, dans le
soupçon d ’une rétribution indirecte du syndic à l’occasion de la conclu­
sion de contrats avec des tiers.

B. La responsabilité du syndic
269. Le contrôle de l’action du syndic. Renvoi. - La gestion du syndic est placée
sous le contrôle d ’un conseil syndical, chargé d ’éviter toute dérive23'’. Il
n ’est pas rare cependant que la responsabilité du syndic soit recherchée.
270. Responsabilité pénale. - La responsabilité pénale du syndic peut être enga­
gée au titre des textes généraux applicables, à défaut de dispositions
particulières236. Si l’on excepte les infractions volontaires (abus de
confiance), c’est surtout le non-respect de prescriptions relatives à la sécu­
rité qui pourrait être envisagé, encore que la responsabilité du syndicat soit
plus nettement engagée lorsque des travaux nécessaires ont été refusés par
l’assemblée générale23'.
271. Responsabilité civile. - Mandataire du syndicat et organe de la copropriété, le
syndic tient ses pouvoirs du contrat et de la loi. Sa responsabilité doit être conci­
liée avec celle de son mandant, qui engagera parfois sa responsabilité. En cas de
faute constituant un dépassement de pouvoirs, il engagera seul sa responsabilité.
272. Responsabilité à l’égard du syndicat. - Le syndic répond de ses fautes de
gestion sur le fondement contractuel, peu important la nature et l’origine
de la mission exercée. Même les missions spécialement imposées au syndic
par la loi sont rattachées au cadre contractuel238. Certes, le caractère
contractuel pourrait être discuté, en s’appuyant sur le cadre statutaire de
la fonction de syndic239. Néanmoins, la jurisprudence retient toujours la
responsabilité contractuelle fondée sur le mandat, en modulant l’apprécia­
tion de la faute selon que le syndic était, ou non, rém unéré240.

235. Sur le conseil syndical, v. infra, n° 278 et s.


236. S ur c ette question, v. G. V igneron, op. cil, n° 560 e t s.
237. V. également, pour une infraction de travail dissimulé par un prestataire intervenant dans la
copropriété, Cass, crim., 22janv. 2002, n° 01-81114 (infraction non retenue à l’encontre du
syndic, l’absence de vérification étant le fait d ’un simple employé).
238. Sur cette question, v. plus généralement G. V iney, Introduction à la responsabilité, 3'éd., LGDJ,
2018, n° 186. ~
239. P. C apoulade et D .T omasin (dir.), La copropriété, 10e éd., Dalloz, Dalloz Action, 2018,
n° 341.481.
240. C. civ., art. 1992, al. 2. Pour le mandat de droit commun, la jurisprudence modifie le standard d’ap­
préciation de la faute du mandataire bénévole, sans exiger cependant une faute lourde de sa part.
LES ORGANES DU SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES 165

273. Rôle et effet du quitus. - En pratique, le quitus de gestion donné par l’assem­
blée générale joue un rôle im portant dans la mise en œuvre de la responsa­
bilité du syndic241. «Décharge de responsabilité »242, le quitus est dem andé
par le syndic en même temps que l’approbation annuelle des comptes du
syndicat243. L’assemblée générale, statuant à la majorité de l’article 24, peut
décider de donner quitus au syndic pour tout ou partie de ses actes de ges­
tion, ou refuser sans que cela puisse valoir révocation. En toute hypothèse, le
quitus ne libère le syndic de sa responsabilité que pour les actes de gesdon
dont l’assemblée a eu connaissance et qu’elle a été à m êm e d ’apprécier244, et
non lorsque des faits ont été découverts ultérieurem ent243. L’effet du quitus
valablement donné est radical puisqu’il em porte libération complète du syn­
dic, même pour les actes accomplis en dépassement des pouvoirs qui lui
avaient été conférés246. Il em porte donc renonciation à toute action en res­
ponsabilité et ratification des actes passés par le mandataire. L’assemblée
générale des copropriétaires ne devrait donner quitus q u ’avec circonspec­
tion, particulièrement à l’égard d ’un syndic professionnel.
274. Hypothèses de responsabilité envers le syndicat. - A l’instar du m andataire,
le syndic est responsable du dom mage causé au m andant par l’inexécution
totale ou partielle de ses obligations et de toutes les fautes qu’il peut com­
m ettre dans sa gestion247. L ’obligation du syndic relève en principe de la
catégorie des obligations de moyens. Autant dire que chacune des tâches
qui lui sont attribuées par les textes ou par le contrat peut être envisagée
par son revers contentieux. Ainsi en est-il de la mise en œuvre des travaux,
q u ’ils aient été exécutés par le syndic sans avoir été décidés par l’assemblée
générale248, inadaptés à la situation249 ou tardifs2 ’0. Encore faut-il bien sûr
que l’action du syndic révèle une faute, ce qui n ’est pas le cas s’il n ’a pu
m ettre en œuvre une résolution2’1 ou si l’assemblée générale a refusé

241. G. Gil, « Le quitus au syndic », AJDI2012, p. 15.


242. G. Cornu (dir.), Vocabulairejuridique, 10' éd., PUF, 2014, v° « Quitus », sens 1.
243. Au point d’emporter parfois une confusion entre les deux délibérations. Néanmoins, la simple
approbation des comptes ne vaut pas quitus car elle emporte seulement constatation de la régu­
larité comptable et financière des comptes du syndicat (Cass. 3' civ., 14 mars 2019, n° 17-26190).
244. Cass.3 'civ., 23juin 1999, n °97-17085 ; Cass. 3eciv., 17juin 2003, nü02-11928.
245. Cass. 3 'civ., 27 mars 2010, n° 11-11113.
246. V. not., CA Paris, 13oct. 1999 : AJDI 1999, p. 1166.
247. C. civ., a r t 1991 et 1992.
248. Cass. 3' civ., 3juin 1987, n° 85-18650 : Bull. civ. III, n° 115. Pas de responsabilité en revanche si
la décision votée est ultérieurem ent annulée (Cass. 3eciv., 13avr. 2005, n°03-20760).
249. Cass. 3' civ., 18 nov. 2008, n° 07-18782 : réparations ponctuelles inefficaces.
250. Cass. 3e civ., 8 févr. 1995, n ” 92-22124 : Bull. civ. III, nü 44.
251. Cass. 3' civ., 7juill. 2010, n° 09-15373 : Bull. civ. III, n° 139.
166 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

l’exécution de travaux urgents2’"’. De même le syndic engage-t-il sa respon­


sabilité lorsqu’il n’use pas des voies de recouvrement nécessaires pour des
charges impayées233, ce qui n’exonère pas évidemment les copropriétaires
défaillants de leur responsabilité en tant qu’ils ont contribué à la réalisation
de leur dommage2’4. Dernier exemple, plus général, le manquement à son
obligation d ’information peut justifier la mise en œuvre de la responsabilité
du syndic233.
275. Responsabilité à l’égard des copropriétaires. - Le syndic engage également
sa responsabilité envers les copropriétaires, pris individuellement. Faute de
lien contractuel, sa responsabilité est nécessairement délictuelle236, fondée
sur l’article 1240 du Code civil. Dès lors, pas plus sa qualité de bénévole2’'
que le quitus éventuellement donné par l’assemblée générale2’” ne pour­
ront être invoqués par le syndic. Il suffira de démontrer une inexécution
contractuelle, sans avoir à rapporter la preuve d’une faute détachable de
ses fonctions. Sans trop développer, on citera notamment à titre d’exem­
ples la responsabilité consécutive à une demande de paiement de charges
calculées sur une répartition erronée2’9 ou l’incendie d’une partie privative
à la suite d’une négligence260.
276. Responsabilité à l’égard des tiers.- Sur le modèle de la responsabilité
envers les copropriétaires, le syndic peut aussi engager sa responsabilité
civile envers les tiers. On pense particulièrement aux rapports avec les loca­
taires, à la transmission d’informations erronées sur la situation financière
du syndicat ou aux prestataires de la copropriété qui ne pourraient obtenir
l’entier paiement de leurs travaux261.

252. Cass. 3e civ., 6 févr. 2002, n" 00-17324 : Bull. civ. III, n° 33.
253. Cass. 3e civ., 29 oct. 2003, n° 02-14072.
254. Cass. 3' civ., 13juill. 1999, n° 98-11462.
255. Cass. 3e civ., 17janv. 2006, n° 04-20414.
256. Cass. 3e civ., 25janv. 1994, n° 92-16203; Cass. 3e civ., 6 mars 1991, n° 89-18758: Bull. civ. III,
n" 79 ; Cass. 3e civ., 8 oct. 1997, n° 95-18773.
257. Cass. 3e civ., 8 mars 1995, n° 93-13742 : Bull. civ. III, n° 75.
258. L’action demeure possible si les fautes commises ont causé un préjudice personnel au copro­
priétaire pris individuellement (CA Paris 21 févr. 1997 : RDI 1997, p. 624, obs. P. C apoulade .
Comp., écartant l’action d ’un copropriétaire ayant voté en faveur du quitus, CA Paris,
23juin 2004, n° 2002/15179 : Loyers et copr. 2004, comm. 175, obs. G. V igneron ).
259. Cass. 3e civ., 21 juin 2000, n” 98-18488.
260. Cass. 2e civ., 4juill. 1974, n” 73-11637 : Bull. civ. II, n° 219.
261. Pour des travaux commandés sans avoir réuni les fonds et alors que la situation de la copro­
priété était obérée, ce que le syndic n ’avait pas révélé au prestataire, Cass. 3' civ., 16 mai 2001,
n° 99-19838 : Bull. civ. Ill, n°65; D. 2001, p. 2706, note C .A tia s ; AJDI 2001, p.712, obs.
P. C apoulade .
LES ORGANES DU SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES 167

277. Responsabilité du syndic en cas de carence ou d’inaction.

L’ordonnance du 30 octobre 2019 ouvre une action en réparation du pré­


judice subi par le syndicat des copropriétaires. Cette action, librement ins­
pirée de l’action ut singuli du droit des sociétés262, permet de favoriser l’ef­
fectivité d’un recours contre le syndic, en donnant pouvoir au président
du conseil syndical, sur délégation expresse de l’assemblée générale,
d’agir contre le syndic en cas de carence ou d’inaction de sa part263.
Lorsque la copropriété n’a pas de conseil syndical, cette action peut être
exercée par un ou plusieurs copropriétaires représentant au moins un
quart des voix de tous les copropriétaires. Les dommages et intérêts sont
attribués au syndicat des copropriétaires, la charge des frais de procédure
non supportés par le syndic étant répartie entre tous les copropriétaires
proportionnellement à leur quote-part de parties communes.

Section 3. — Le conseil syndical

278. Présentation. - Le conseil syndical tient, au sein des copropriétés, une place
inversement proportionnelle au rôle qui lui est attribué par la loi264. L’arti­
cle 21 de la loi prévoit bien que « dans tout syndicat de copropriétaires, un
conseil syndical assiste le syndic et contrôle sa gestion ». Mais si l’on excepte
ici l’hypothèse spécifique des syndicats coopératifs, le conseil syndical n’est
pas placé par les textes au même niveau que l’assemblée générale des
copropriétaires ou le syndic. Pourtant son influence informelle est considé­
rable, qui tient sans doute au fait qu’il assure une forme de représentation
des copropriétaires dans le fonctionnement quotidien de la copropriété.
Cela peut expliquer l’accroissement récent de son rôle à l’occasion de l’or­
donnance du 30 octobre 201926d.
279. Mise en place du conseil syndical. - La loi de 1965 a consacré une pratique
courante dans les règlements antérieurs en créant un organe chargé de
vérifier les comptes et d’assister le syndic dans sa gestion. Initialement
conçu comme facultatif, le conseil syndical est, depuis la loi du 31 décembre
1985, un organe de la copropriété obligatoire « dans tout syndicat de

262. C. civ., art. 1843-5.


263. L. lOjuill. 1965, art. 15, al. 3. L’une des hypothèses visées étant l'inaction du syndic, il est pos­
sible que la convocation de l'assemblée générale ne puisse être effectuée que par le président
du conseil syndical dans les conditions de l’article 8 du décret de 1967. V. sur ce point,
C. Ivars, « L’impact de l’ordonnance du 30 octobre 2019 sur les règles procédurales en droit
de la copropriété », Loyers et copr. 2020, dossier 11, n° 7.
264. Pour un examen complet, v.J.-M. Roux, Le conseil syndicat, Litec, 2011, préf. P. Capoulade.
265. V. infra, n°287 et s.
168 IA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

copropriétaires »266. Quelle que soit la taille de la copropriété, le conseil


syndical est instauré de plein droit, sans que le règlement ait à le prévoir.
Ce caractère impératif peut cependant se révéler difficile à respecter, spé­
cialement dans de pedtes copropriétés, composées de quelques lots où la
convocation d ’une assemblée générale est aussi rapide que la réunion
d ’un conseil syndical. Aussi est-il prévu qu’à l’exception des syndicats coo­
pératifs et des résidences-services^6', l’assemblée générale puisse, par une
délibération spéciale prise à la majorité de l’article 26, renoncer à la consti­
tution d’un conseil syndical268. Les copropriétaires pourront revenir sur
cette décision par une nouvelle délibération, à la majorité des voix de tous
les copropriétaires. À vrai dire, l’obstacle le plus courant à la création d’un
conseil syndical réside simplement dans l’inertie des copropriétaires et l’ab­
sence de candidats lors de l’élection269.
280. Membres du conseil syndical. - Bien que le texte n ’évoque pas le nombre
de membres du conseil, il est généralement compris entre 3 et 112'0, parmi
lesquels sera choisi un président. Les membres du conseil syndical, qui doi­
vent avoir fait acte de candidature2' 1, sont désignés individuellement2' 2 par
l’assemblée générale à la majorité de l’article 25, voire en application de
l’article 25-1 273, pour une durée qui ne peut excéder trois ans274. Afin que
le conseil syndical assure pleinement sa fonction de contrôle de l’activité du
syndic, la composition du conseil est strictement encadrée. Seuls des copro­
priétaires, des associés d’une société copropriétaire, des accédants ou
acquéreurs à terme, ou leurs conjoints, leurs partenaires liés à eux par un
pacte civil de solidarité, leurs usufruitiers ou leurs représentants légaux

266. L. 10juill. 1965, art. 21, al. 1".


267. L. 10juill. 1965, art. 41-6, al. 1".
268. L. lOjuill. 1965, art. 21, al. 12. Sur la suppression d ’un conseil existant, v. Cass. 3e civ., 31 janv.
1996, n" 94-11324.
269. Le procès-verbal de l’assemblée générale, qui en fait explicitement mention, est alors notifié,
dans un délai d ’un mois, à tous les copropriétaires (art. 21, al. 11).
270. Sur l’impossibilité de ne désigner qu’un seul membre, v. CA Paris, 24févr. 1999,
n° 1997/19667.
271. Cass. 3' civ., 16 mars 2011, n° 10-10553 : Bull. civ. III, n°37.
272. Sur la validité d’un vote global, v. Cass. 3e civ., 15 mai 2001, n° 99-18537. Adde T.-M. Roux, op.
cit., n" 66.
273. A défaut, « le juge, saisi par un ou plusieurs copropriétaires ou par le syndic, peut, avec l’ac­
ceptation des intéressés, désigner les membres du conseil syndical ; il peut également consta­
ter l’impossibilité d ’instituer un conseil syndical » (L. 10juill. 1965, art. 21, dernier alinéa).
274. D. 17 mars 1967, art. 22, al. 3. La durée du mandat est précisée par la délibération d’assem­
blée générale ou par le règlement. Sur la prolongation du mandat des membres du conseil
syndical dans le cadre de l’état d ’urgence sanitaire, v. supra, avant-propos.
LES ORGANES DU SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES 169

peuvent devenir membres" Mais même parmi eux, sont spécialement


exclus le syndic, son conjoint, le partenaire lié à lui par un pacte civil de
solidarité, ses ascendants ou descendants, ses parents en ligne collatérale,
ses préposés. Cela implique non seulement qu’ils ne peuvent pas accéder
à la fonction, mais que la survenance d’un cas d’incompatibilité entraîne
l’extinction de plein droit de leur mandat. La qualité de membre du conseil
syndical n ’ouvre droit à aucune rémunération276 mais seulement au rem­
boursement des frais exposés à l’occasion de l’exercice de ses missions.
281. Missions du conseil syndical. - Le conseil syndical dispose d’une large auto­
nomie pour déterminer son mode de fonctionnement précis. Il peut
notamment se faire assister par un tiers qui lui fournira un conseil ou un
avis technique"’". Au-delà de ses missions principales, assister et contrôler le
syndic, le conseil remplit un rôle informel particulièrement conséquent.
282. Contrôle. - Le contrôle de la gestion du syndic se décline en deux points278.
Le conseil syndical est compétent, d’abord, s’agissant de la comptabilité et
de la répartition des dépenses du syndicat, aux différentes étapes (élabora­
tion et suivi du budget prévisionnel, suivi des dépenses, vérification des
comptes, etc.). Il vérifie ensuite le respect des règles relatives à la conclu­
sion des marchés et contrats, à commencer par le contrat de syndic, et
assure un suivi de l’exécution des prestations attendues. Il peut enfin pren­
dre connaissance de toutes pièces et documents se rapportant à la gestion
du syndic ou à l’administration de la copropriété.
283. Assistance. - Le conseil syndical peut également fournir des avis au syndic
ou à l’assemblée générale sur toutes les questions sur lesquelles il est saisi
ou dont il s’est saisi lui-même2'9. L’avis fourni ne lie pas le syndic, qui ne
saurait pas plus se retrancher derrière un avis positif pour s’exonérer de sa
responsabilité en cas de faute de gestion280.
L’avis du conseil syndical est spécialement requis pour la conclusion de
contrats à partir d’un certain seuil, fixé par l’assemblée générale à la majo­
rité des voix de tous les copropriétaires. Il peut également se prononcer par
un avis écrit sur tout projet de contrat de syndic. Son rôle est

275. L’article 21 étant d ’ordre public, le règlement de copropriété ne saurait ajouter des restric­
tions supplémentaires, notamment que seul un copropriétaire à jo u r de ses obligations finan­
cières pourrait devenir membre (Cass. 3e civ., 18 déc. 2002, n° 01-12269 : Bull. civ. III, n° 268).
276. D. 17 mars 1967, art. 27, al. 1er.
277. D. 17 mars 1967, a r t 27, al. 2. Sur cette question, v.J.-M. Roux, « L’assistance du conseil syndi­
cal par un tiers », Rev. Loyers 2013, 1526. On notera par ailleurs que si le syndic ne peut être
membre du conseil syndical, rien n ’empêche qu’il soit présent lors des réunions (Cass. 3e civ.,
2 mars 2011, n° 09-72455 : Bull. civ. III, n° 28 ; D. 2012, p. 2421, obs. P. Capoulade).
278. D. 17 mars 1967, art. 26.
279. Pour des exemples, v.J.-M. Roux, op. cil, n° 172.
280. V. not., CA Paris, 18juin 1997, JurisData n° 1997-021734.
170 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

particulièrement détaillé pour la procédure de désignation du syndic, puis­


qu’il sera chargé d ’opérer une mise en concurrence préalable de plusieurs
projets de contrats de syndic tous les trois ans, avant la tenue de l’assemblée
générale chargée de se prononcer sur sa désignation281. Le conseil syndical
est dispensé de procéder à la mise en concurrence lorsque l’assemblée
générale précédente, saisie de cette question, l’aura décidé à la majorité de
l’article 25282.
284. Délégation de pouvoirs. - En dehors de ses attributions légales, le conseil
syndical ne dispose pas de pouvoir propre. Notamment, il n’exerce aucun
pouvoir de représentation du syndicat, qui appartient au seul syndic283. Pas
plus ne peut-il se voir attribuer des compétences réservées par la loi à l’as­
semblée générale ou au syndic284. Néanmoins, le conseil syndical bénéficie
le plus souvent, en pratique, d ’une délégation de pouvoir qui facilite la
prise de décision pour des questions d ’un intérêt moindre. L’assemblée
générale peut, il est vrai, lui accorder une telle délégation, au même titre
qu’à toute personne d ’ailleurs, par une décision prise à la majorité de l’ar­
ticle 25. Mais il ne s’agirait pas qu’une telle délégation conduise à la dessai­
sir de ses pouvoirs de décision. La mise en œuvre de la délégation est ainsi
enfermée dans de strictes limites. D’abord, l’assemblée générale ne peut lui
déléguer que les décisions soumises à un vote à la majorité de l’article 2428’.
Ensuite, elle ne peut être donnée que pour un acte ou une décision expres­
sément déterminé286 ou pour un ensemble de missions qui portent sur un
montant inférieur à un seuil fixé par l’assemblée générale. La plupart du
temps, le conseil syndical se verra confier la mission de faire procéder à
certains travaux dans une double limite budgétaire (par opération et par
période). Puisque le conseil syndical ne saurait assumer des tâches qui
sont expressément attribuées aux autres organes de la copropriété, la

281. Les copropriétaires pouvant également demander l’examen d ’autres projets qu’ils soumet­
tront alors à l’assemblée générale.
282. Sous l’empire du droit antérieur à l’entrée en vigueur de la loi ALUR, la consultation du
conseil syndical et la mise en concurrence n ’étaient pas requises. Pour une application,
Cass. 3e civ., 15 avr. 2015, n° 14-13255.
283. Cass. 3 ' civ., 22 mai 1990, n° 89-11659: Bull. civ. III, n" 123; Defrénois 1991, p. 372, obs.
H . Solxeau.
284. V. not., Cass. 3r civ., 25 mai 1976, n° 75-10126 : Bull. civ. III, n° 226 (clause du règlement habi­
litant le conseil syndical à nommer le syndic).
285. L. lOjuill. 1965, art. 25, a). Depuis la loi ALUR, la même majorité s’applique « lorsque le syn­
dicat comporte au plus quinze lots à usage de logements, de bureaux ou de commerces »,
pour « toute délégation de pouvoir concernant la mise en application et le suivi des travaux
et contrats financés dans le cadre du budget prévisionnel de charges. Dans ce dernier cas, les
membres du conseil syndical doivent être couverts par une assurance de responsabilité
civile ».
286. À l’exclusion de toute délégation générale (D. 17mars 1967, art. 21).
LES ORGANES DU SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES 171

délégation vise surtout des travaux courants. De fait, une telle délégation
facilite considérablement la gesdon de la copropriété en impliquant plus
directement les copropriétaires, même de manière informelle, dans le
choix des tâches à accomplir.
285. Responsabilité du conseil syndical.- Faute de personnalité morale, le
conseil syndical ne peut être tenu responsable des éventuelles conséquen­
ces dommageables de ses décisions. Comme pour tout groupement
dépourvu de personnalité morale, la question se reporte cependant sur ses
membres'87, pris individuellement ou collectivement. On considère sou­
vent que les membres du conseil seraient liés contractuellement au
syndicat288, ce qui permettrait de retenir leur responsabilité sur le fonde­
ment de l’article 1992 du Code civil, en tenant compte du caractère béné­
vole de leur mission. A l’égard des tiers, la responsabilité serait de nature
extracontractuelle, fondée sur l’article 1240 du même code. Les hypothèses
demeurent très limitées289, mais le législateur impose qu’en cas de déléga­
tion de pouvoir concernant la mise en application et le suivi des travaux et
contrats, les membres du conseil syndical soient couverts par une assurance
de responsabilité civile290.
286. Président du conseil syndical. - Le président du conseil syndical tient une
place particulière. Non pas seulement parce qu’il permettrait de « satisfaire
les ambitions de président qui semblent sommeiller en tout Français»291,
mais bien en raison des missions particulières qui lui sont confiées. Le
conseil syndical doit nécessairement élire un président parmi ses
membres292, le règlement pouvant poser des conditions particulières à son
éligibilité (habitant de l’immeuble, par ex.). Ses pouvoirs sont évidemment
ceux de tout membre du conseil syndical. Mais la loi lui attribue des mis­
sions particulières, qui n ’épuisent pas son pouvoir informel dans la vie quo­
tidienne de l’immeuble. Parmi celles-ci, on peut relever la possibilité de
convoquer l’assemblée générale en cas de carence du syndic293 ou

287. J.-M. G élinet , « La responsabilité des membres du conseil syndical », Rev. Loyers 2007, 590 ;
D. S izaire, « La responsabilité des membres du conseil syndical », Gaz. Pal. 1975, 2, docc,
p. 697.
288. Arg. D. 1967, art. 22, al. 3, qui évoque « le mandat des membres du conseil syndical ».
289. V. n o t, Cass. 3e civ., 25 sept. 2002, n° 01-01933. Le contrat d ’assurance souscrit par le syndicat
pour l’immeuble peut cependant comprendre la couverture des membres du conseil syndical
dans l’exercice de leurs fonctions.
290. L. 10juill. 1965, art. 25, a).
291. C. A tias et N . L e R udulier , Rép. civ. Dalloz, v° « Copropriété des immeubles bâtis: statuts et
structure », 2018, n° 620.
292. L. lOjuill. 1965, art. 21, al. 10.
293. D. 17 mars 1967, art. 8, al. 2.
172 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

d ’empêchement de celui-ci pour quelque cause que ce soit294, ou la


demande faite à l’ancien syndic de remettre les documents et les fonds du
syndicat à son successeur .
2 8 7 . C onseil syndical.

Les rédacteurs de l’ordonnance du 30octobre 2019 ont entendu «ren­


forcer les pouvoirs du conseil syndical »296. Le constat d’un renforcement
n ’a pourtant rien d ’évident, ne serait-ce que parce que son existence
même n’est plus requise dans les petites copropriétés"97 et que l’assem­
blée générale peut décider de ne pas l’instituer, par délibéradon spéciale
à la majorité de l’article 26, même dans les syndicats coopératifs. Mais à
s’en tenir même aux copropriétés dans lesquelles un conseil syndical est
toujours requis, la réécriture de l’article 21 de la loi de 1965 et l’ajout de
nouveaux articles traduisent surtout un encadrement strict de ses pou­
voirs, plus qu’un accroissement de son influence au sein de la copro­
priété. L’article 21 est partiellement réécrit, contribuant à le rendre
plus indigeste encore, s’il était possible. La prochaine codification favori­
sera son accessibilité, du moins est-il permis de l’espérer.

2 8 8 . C om p osition du con seil syndical.

La composition du conseil syndical, tout d ’abord, connaît un double


mouvement amplifiant les règles actuelles. D’une part, s’il n’était pas
nécessaire d ’être copropriétaire pour être membre du conseil syndical,
le conjoint ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité d’un copro­
priétaire pouvant assurer cette fonction, cette possibilité est étendue à
leurs ascendants ou descendants. Tirant les conséquences d ’un constat
pratique un brin empirique, l’investissement de ces catégories au sein
des copropriétés, le législateur en tire un effet de droit298. On peut
s’étonner que le même argument n’ait pas conduit le législateur à admet­
tre une possibilité similaire pour des catégories d ’occupants de l’im­
meuble, notamment les locataires. D’autre part, la défiance à l’égard du
syndic, légitime s’agissant d’un organe de contrôle de l’exercice de ses

294. L. lOjuill. 1965, art. 18, V. Ce qui ne lui permet pas de se substituer au syndic en son absence,
à peine de nullité de l’assemblée générale irrégulièrement convoquée (Cass. 3e civ., 15janv.
2003, n° 01-14955 : Bull. civ. III, n° 3).
295. L. 10juill. 1965, art. 18-2, al. 3.
296. Rapport sur l’ordonnance du 30 octobre 2019.
297. L. lOjuill. 1965, art. 41-9. V. supra, n° 174.
298. On notera que lorsque le copropriétaire est une personne morale, elle peut être représentée
soit par son représentant légal ou statutaire, soit par un fondé de pouvoir spécialement habi­
lité à cet effet, la nouvelle rédaction adoptant une forme alternative plutôt que subsidiaire.
LES ORGANES DU SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES 173

missions, conduit à allonger encore la liste des personnes ne pouvant


devenir membre du conseil syndical. La formule est similaire à celle en
vigueur depuis la loi ELAN pour la présidence de l’assemblée générale
ou le fait de recevoir des mandats de vote299 : le syndic, ses préposés,
leurs conjoints, leurs partenaires liés à eux par un pacte civil de solida­
rité, leurs concubins, leurs ascendants ou descendants, leurs parents en
ligne collatérale jusqu’au deuxième degré (limite qui n’existe pas dans
les cas susvisés), et ce même s’ils sont copropriétaires. Cette défiance,
fondée sur la crainte d ’un conflit d ’intérêts, s’estompe seulement lorsque
le syndic est non professionnel, les restrictions n’étant alors pas applica­
bles. C’est avoir une conception purement économique du conflit d ’inté­
rêts quand de multiples liens de dépendance, affectifs ou familiaux, peu­
vent affecter la qualité du contrôle exercé dans de telles situations. Sans
doute les rédacteurs ont-ils privilégié implicitement la simplicité de fonc­
tionnement d ’une copropriété gérée par un syndic non professionnel.
Mais puisque, dès lors qu’elles sont suffisamment petites, les copropriétés
peuvent écarter la nécessité d’un conseil syndical, il paraissait opportun
de maintenir en partie les exclusions.

289. Consultation de documents et mise en concurrence.

L’ordonnance du 30 octobre 2019 revoit partiellement la procédure de


mise en concurrence des projets de contrats de syndic. Cette mise en
concurrence n’a plus lieu tous les trois ans, mais avant l’assemblée géné­
rale chargée de se prononcer, ce qui est davantage conforme à la durée
effective des contrats de syndic. Par ailleurs, la mise en concurrence se fait
à partir de projets de contrats conformes au contrat-type, favorisant une
comparaison entre les offres. Il est toujours possible pour l’assemblée
générale de décider de ne pas procéder à la mise en concurrence par déci­
sion votée à la majorité des voix de tous les copropriétaires, l’inscription de
cette résolution à l’ordre du jour n’étant plus, désormais, automatique,
mais laissée à l’initiative du conseil syndical. L ’importance de l’indépen­
dance et de l’impartialité des membres du conseil à l’égard du syndic se
comprend bien à cet égard. En toute hypothèse, le non-respect de l’obli­
gation de mise en concurrence n’est pas sanctionné par la nullité de la
décision de désignation du syndic, précision qui évite de faire peser une
menace sur le sort des actes accomplis par un syndic nommé sans avoir été
soumis à une mise en concurrence. Il faut ajouter que les obligations de
transmission de documents par le syndic au conseil syndical sont renfor­
cées et assorties de sanctions, sous forme de pénalités financières.

299. V. supra, n° 208.


174 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

290. Délégation de pouvoir du conseil syndical.

Pas moins de cinq articles sont consacrés à la pratique de la délégation


de pouvoir du syndic au conseil syndical. L’article 21-1 rappelle d ’abord
le principe d’une délégation de pouvoir au conseil syndical, jusqu’alors
fondée sur le seul article 25, a). A la majorité des voix de tous les copro­
priétaires, l’assemblée générale peut lui déléguer le pouvoir de prendre
tout ou partie des décisions relevant en principe de la majorité de l’arti­
cle 24. Compte tenu de l’abaissement des majorités opéré par le législa­
teur depuis plusieurs années, c’est un vaste champ ouvert à l’assemblée
générale pour accroître les pouvoirs du conseil syndical. Néanmoins, la
délégation est encadrée de trois manières. Tout d’abord, elle ne peut
porter sur certaines décisions qui relèvent nécessairement de l’assemblée
générale : l’approbation des comptes, la détermination du budget prévi­
sionnel et les adaptations du règlement rendues nécessaires par les modi­
fications législatives et réglementaires intervenues depuis son
établissement300. Dans ces cas, le conseil syndical doit conserver un rôle
d ’assistance et de contrôle, non un pouvoir décisionnel. Les compéten­
ces déléguées sont, ensuite, encadrées par la fixation d’un montant maxi­
mum des sommes qui sont allouées au conseil syndical301. Rien ne
devrait empêcher la pratique d ’un double plafond, global et par opéra­
tion. Enfin, l’assemblée générale ne peut se dessaisir trop longtemps de
ses pouvoirs, la durée de la délégation ne peut excéder deux ans, son
renouvellement étant soumis à décision expresse de l’assemblée
générale302. À cette absence de reconduction tacite, il faut ajouter que
rien n’empêche l’assemblée générale de retirer tout ou partie de la délé­
gation de pouvoir avant l’expiration du terme prévu, à l’occasion d ’une
décision contraire. Fondée sur une décision, la délégation relève d ’une
qualification conventionnelle, non légale.
La délégation lui ayant été confiée, le conseil syndical pourra exercer
certaines compétences de l’assemblée générale. Pour encadrer la mise
en œuvre de ses pouvoirs, la loi prévoit cependant que la délégation ne
peut être envisagée que pour un conseil syndical composé d ’au moins
trois membres30 . Cette règle s’explique par les modalités de prise de
décision par le conseil syndical, lequel doit statuer à la majorité de ses
membres, le président disposant d ’une voix prépondérante en cas de

300. L. 10juill. 1965, art. 21-1, al. 2.


301. L. lOjuill. 1965, art. 21-2.
302. L. lOjuill. 1965, arc 21-3.
303. L. lOjuill. 1965, art. 21-1, al. 1".
LES ORGANES DU SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES 175

partage des voix304. La d élégation n ’en lève pas le caractère délibéré de la


décision , mais réduit le périm ètre d e la discussion30’. Les décisions a d o p ­
tées par le con seil syndical au titre d e sa d élégation fo n t l’objet d ’un rap­
port en vue d ’inform er les copropriétaires.

304. L. lOjuill. 1965, art. 21-5.


305. Les membres du conseil syndical pouvant éventuellement engager leur responsabilité à titre
personnel, le syndicat doit souscrire pour chacun d’entre eux une assurance de responsabilité
civile (L. 10juill. 1965, art. 21-4). Cela permettra peut-être de lever les réticences de copro­
priétaires hésitant à accepter de devenir membres du conseil syndical par crainte d ’engager
leur responsabilité. En ce sens, v. J.-M. Roux, « Le conseil syndical au lendemain de l’ordon­
nance du 30 octobre 2019 », Loyers et copr. 2020, dossier 6, n°47.
TROISIÈME PARTIE
LE FONCTIONNEMENT
DE LA COPROPRIÉTÉ

291. Présentation. - Parler de fonctionnement de la copropriété pourrait ren­


voyer à une conception mécaniciste des institutions juridiques’. L’organisa­
tion mise en place par la réglementation conduirait la copropriété à
accomplir des actions déterminées, destinées à garantir la conservation et
la gestion de l’immeuble, dans une forme de régulation spontanée. Ce
serait méconnaître la réalité des copropriétés, qui sont l’objet d’un rapport
de forces entre les copropriétaires autour de leur immeuble commun. La
situation des copropriétaires précède ainsi celle de l’immeuble.

1. Sur laquelle, v. M. T irel, L ’effet de plein droit, Dalloz, 2018.


CHAPITRE 1
La situation des copropriétaires

292. Plan. - Aux prérogatives individuelles des copropriétaires, répondent les


charges collectives entraînées par la vie de la copropriété.

Section 1. — Les prérogatives des copropriétaires


293. Articulation des pouvoirs des copropriétaires. - La composition même du
lot implique une articulation de pouvoirs distincts sur ses éléments. Si le
copropriétaire devrait en principe être traité comme tout propriétaire
s’agissant de son lot et, a fortiori, de ses parties privatives, l’étendue de ses
pouvoirs diminue dès lors que sont concernées les parties communes. Une
telle présentation ne reflète cependant qu’imparfaitement la situation des
copropriétaires, tant leurs prérogatives sont toujours enserrées dans des
règles dictées par l’intérêt collectif.
§ 1. Les pouvoirs des copropriétaires sur leur lot de copropriété
294. Étendue des pouvoirs des copropriétaires. - Les copropriétaires peuvent
normalement disposer, user et jouir de leur lot de copropriété.
A. La disposition du lot de copropriété
295. Plan. - La cession d’un lot de copropriété implique, outre le vendeur et
l’acquéreur, un tiers intéressé, le syndicat des copropriétaires. L’analyse
du pouvoir de disposer du copropriétaire ne serait pas complète sans que
180 LA COPROPRIETE DES IMMEUBLES BATIS

soient envisagées les modalités de protection du cessionnaire du lot et les


garanties du syndicat.

1. La liberté de disposer du copropriétaire


296. Présentation. - Posée en principe par l'article 537 du Code civil1, l’aliénabi­
lité « est le cœ ur du système individualiste et libéral de la propriété, la pré­
rogative essentielle par laquelle peuvent s’évanouir les atteintes portées à
toutes les autres prérogatives »2. Les limitations apportées au droit de pro­
priété ne touchent le plus souvent pas tant le droit de propriété en lui-
même, que les pouvoirs exercés par le propriétaire3. La liberté de disposer
du lot de copropriété subit ainsi des atteintes légales et conventionnelles,
renforcées par la dimension collective de la copropriété.

a. Les atteintes légales à la liberté de disposer

i. Les atteintes justifiées par l’intérêt général : droits de préemption


297. Droit de préemption urbain. - Il ne sera pas question d ’analyser dans le
détail les différents droits de préem ption applicables en m atière
imm obilière45. S’agissant d ’un immeuble en copropriété, le droit de
préem ption urbain peut parfois présenter un intérêt3. En principe, il n ’est
pas applicable à la cession de lots de copropriété à usage d ’habitation ou
professionnel, dès lors que le règlem ent a été publié depuis plus de dix
ans6. La com m une peut toutefois décider d ’appliquer ce droit de préem p­
tion aux cessions et aliénations de lots de copropriété7. Ce droit de préem p­
tion renforcé imposera au copropriétaire de procéder à une déclaration
d ’intention d ’aliéner, préalable à l’exercice éventuel du droit de
préem ption8. Cet imprim é administratif doit com porter, notam m ent, l’indi­
cation du prix et des conditions de l’aliénation projetée9. La com m une dis­
pose alors d ’un délai de deux mois pour prendre sa décision : renoncer

1. C.civ., art. 537: «Les particuliers ont la libre disposition des biens qui leur appartiennent,
sous les modifications établies par les lois (...) ».
2. J. C arbonnier , « Le droit de propriété depuis 1914 », in Flexible droit. Pour une sociologie du droit
sans rigueur; 10*' éd., LGDJ, 2001, p. 357.
3. Rappr. J.-L. A ubert , «Le droit de disposer de l’immeuble», Etudes Jacques Flour, Defrénois,
1979, p. 1.
4. Sur cette question, v. not. F. C ollart D utilleul (dir.), Droit de la vente immobilière, 4e éd., Dal­
loz, 2015, spéc. n° 041-.81 ets.
5. Sur ce point, v. D. D utrieux , « Droit de préemption urbain et copropriété »,JCPN2003, 1553.
6. C.urb., art. L. 211-4.
7. C. urb., art. L. 211-4, al. 5.
8. C.urb., arc L. 213-2.
9. C. urb., art. A. 213-1, annexe.
LA SITUATION DES COPROPRIETAIRES 181
expressément ou en gardant le silence10 ; décider de préempter aux condi­
tions figurant dans la déclaration d’intention d’aliéner ; décider de préemp­
ter à d’autres conditions, la commune indiquant alors le prix proposé, le
vendeur disposant d’un délai de deux mois pour accepter, renoncer à l’alié­
nation ou demander que le prix soit fixé par le juge de l’expropriation11.
ii. Les atteintes justifiées par un intérêt particulier :
droits de préemption du locataire
298. Bail d’habitation et congé pour vendre. - Le bail d’un lot de copropriété à
usage d’habitation est soumis aux dispositions de la loi du 6juillet 1989. Des­
tinée à améliorer l’équilibre des relations entre bailleurs et locataires, elle pré­
voit notamment, au profit de ces derniers, un droit de préemption lorsque le
bailleur leur délivre un congé pour vendre. Aux termes de l’article 15, II, de la
loi du 6juillet 1989, « lorsqu’il est fondé sur la décision de vendre le logement,
le congé doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente
projetée. Le congé vaut offre de vente au profit du locataire : l’offre est valable
pendant les deux premiers mois du délai de préavis ». Ce droit de préemption
permet de détourner un bien vers son occupant afin de garantir l’effectivité
de son droit au logement. Le congé pour vendre présente ainsi la particularité
d’être nécessairement accompagné d’une offre de vente au profit du loca­
taire. Ainsi, «congé et offre de vente sont indissociables»12. Inversement,
lorsque le propriétaire met en vente sans délivrer de congé pour vendre, choi­
sissant donc de vendre le bien occupé quitte à subir une décote, le droit de
préemption n’est pas applicable13.
Sans entrer dans les détails de la procédure à suivre14, il faut préciser certains
points importants lors de la cession d’un lot de copropriété. Quant à la chose
louée, d’une part, la jurisprudence vérifie qu’il y ait bien identité entre les
lieux loués et leur description dans l’offre de vente1’. Dès lors, est nulle l’of­
fre de vente qui ne porte pas seulement sur le local loué mais sur l’immeuble
dans son ensemble16, de même que celle qui concerne uniquement une
10. Curb., art. L. 213-2, al. 4.
11. C. urb., art. L. 213-4.
12. J. Lafond, Les baux d'habitation, T éd., Litec, 2007, n° 1224 et 1241.
13. V. par ex., Cass. 3e civ., 21 févr. 1990, n° 88-14056 : Bull. civ. III, n° 54 ; Cass. 3e civ., 2juin 1999,
n° 97-16236 ; Cass. 3' civ., 10 nov. 2010, n“ 09-16934.
14. Sur ce point, v. not., F. Coixart D utilleul et P. Delebecque, Contrats civils et commerciaux,
11e éd„ Dalloz, 2019, n°563 et s.
15. V. not, Cass. 3e civ., 9 mars 2010, n° 09-12488; Cass. 3e civ., 7juill. 2009, n° 08-14637: «le
congé pour vendre valant offre de vente au profit du locataire doit, à peine de nullité, porter
sur la totalité des locaux loués ».
16. Cass. 3e civ., 13juill. 1999, n° 97-18862: Bull. civ. III, n°168: bail portant sur une maison de
gardien au sein d’un bien immobilier ; congé pour vendre avec offre concernant la totalité
du bien.
182 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

partie des lieux loués . Quant à la procédure suivie, d’autre part, le texte
exclut formellement la nécessité de délivrer une information portant sur la
superficie de la partie privative du lot vendu, prévue par l’article 46 de la loi
du 10juillet 196518. L’offre ne doit pas plus comprendre, en annexes, le
règlement de copropriété ou l’état descriptif de division19. Si l’immeuble
était déjà en copropriété, le locataire avait nécessairement connaissance de
certains extraits du règlement lors de la conclusion du bail20. Il paraît cepen­
dant possible de céder un lot alors même que la division n’a pas encore eu
lieu, dès lors du moins que l’objet de la vente peut être déterminé21.
299. Bail d’habitation et division ou subdivision de l’immeuble. Article 10 de la
loi du 31 décembre 1975. - La copropriété des immeubles bâtis emporte un
autre droit de préemption au profit du locataire d ’un local à usage d ’habi­
tation. Ce droit ne concerne toutefois pas l’ensemble des copropriétés. Il
vise uniquement la première vente de locaux consécutive à la division par
lots de l'immeuble , voire à la subdivision de tout ou partie de l’immeuble.
« Préalablement à la conclusion de toute vente d ’un ou plusieurs locaux à
usage d’habitation ou à usage mixte d ’habitation et professionnel, consécu­
tive à la division initiale ou à la subdivision de tout ou partie d ’un immeuble
par lots, le bailleur doit, à peine de nullité de la vente, faire connaître par
lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à chacun des loca­
taires ou occupants de bonne foi, l’indication du prix et des conditions de
la vente projetée pour le local qu’il occupe. Cette notification vaut offre de
vente au profit de son destinataire »2~\ Ne sont donc pas visés par ce texte
les immeubles placés dès l’origine sous le statut de la copropriété. Au

17. Cass. 3e civ., 21 juin 2000, n" 98-14045 : offre ne mentionnant pas la cave. Rappr., Cass. 3e civ.,
11 déc. 2013, n° 12-13441 : Bull. civ. III, n“ 160 : l’offre ne mentionnait pas le sort des WC de
service situés sur le palier. Bien qu’ils relèvent des parties communes de l’immeuble, ils figu­
raient dans le bail et l’offre devait en préciser le sort
18. L. 6juill. 1989, art. 15, II, al. 1".
19. Cass. 3 ' civ., l"juill. 2003, n° 00-19757 : Bull. civ. III, n° 137.
20. L. ôjuill. 1989, a rt 3: extraits relatifs à la destination de l’immeuble, la jouissance et l’usage
des parties privatives et communes, et la quote-part affectée au lot loué dans chacune des
catégories de charges.
21. Cass. 3e civ., 22janv. 2003, n° 01-13909 : Bull. civ. III, n° 11. Cette situation est à rapprocher de
la cession d'un lot de copropriété en l’absence de règlement, admise par la jurisprudence
(Cass. 3' civ., 17 nov. 2010, n° 10-11287 : Bull. civ. Ill, n° 205). Néanmoins, lorsque l’immeuble
n ’est pas encore divisé, il est impossible de connaître la répartition des charges, qui constitue
pourtant un élément important.
22. Sur le critère d ’appréciation de la première vente par lots, v. Cass. 3e civ., 16janv. 2005, nu 04­
12563 : Bull. civ. III, n° 223 ; JCP2006, II, 1084, note W. A ltide.
23. L. n° 75-1351, 31 déc. 1975, art. 10, I. Le Conseil constitutionnel a précisé, à l’occasion d ’un
QPC, que le droit de préemption ne profitait qu’au locataire, à l’exclusion du droit subsi­
diaire de la commune, déclarant inconstitutionnel partiellement l’article 10, I, de la loi du
31 décembre 1975 (Cons, const., 9janv. 2018, QPC n° 2017-683).
LA SITUATION DES COPROPRIETAIRES 183

moment de diviser son immeuble locatif, le propriétaire ne devra purger


qu’un seul droit de préemption, soit celui issu de la loi du ôjuillet 1989,
soit celui de la loi de 1975, au choix24. Concrètement, s’il souhaite vendre
le bien occupé, il privilégiera la procédure de l’article 10 de la loi du
31 décembre 1975, puisque l’absence d’exercice par le locataire de son
droit n ’emporte pas l’exdnction du bail. En revanche, pour vendre l’appar­
tement libre de toute occupation, il purgera le droit de préemption prévu
par l’article 15 de la loi du 6juillet 19892d.
300. Bail d’habitation et vente à la découpe. Article 10-1 de la loi du 31 décembre
1975.- La loi du 13juin 2006, dite «loi Aurillac », a ajouté à la loi du
31 décembre 1975 un article 10-1, depuis modifié par la loi ALUR. Le pro­
priétaire d’un immeuble à usage d’habitation ou à usage mixte d’habitation
et professionnel de plus de cinq logements qui décide de le vendre dans sa
totalité et en une seule fois, ce qui exclut l’application de l’article 10 de la
même loi, est tenu soit de garantir que l’acquéreur s’engagera à proroger
les baux d’habitation en cours pendant six ans à compter de la signature de
la vente par acte authentique, soit de purger un droit de préemption au
profit des locataires. L’exercice de ce droit se fait par l’envoi aux locataires
ou occupants de bonne foi d’une lettre recommandée avec demande d ’avis
de réception indiquant le prix et les conditions de la vente pour l’immeuble
pris en son ensemble et pour le local occupé en particulier. Le risque de
voir l’opération immobilière remise en cause par l’exercice du droit par
un seul des locataires devrait inciter à choisir la première branche de
l’alternative26. À défaut, l’immeuble divisé serait placé sous le statut de la
copropriété, ce qui devrait emporter, dans les zones tendues, la prorogation
de plein droit des baux2'. On constate cependant, en pratique, l’existence
de pactes d’éviction, par lesquels les propriétaires indemnisent les locatai­
res qui donneraient eux-mêmes congé. Leur validité est contestable dans la
mesure où ils visent directement à contourner une disposition d ’ordre
public.
301. Bail commercial et droit de préemption. - Lorsqu’un lot de copropriété à
usage commercial ou artisanal28 est donné à bail, un droit de préemption a

24. Cass. 3e civ., 14 déc. 1994, n° 93-18463 : Bull. civ. III, n° 207. Néanmoins, si le locataire conteste
avec succès la validité d ’un congé pour vendre, il pourra ensuite arguer de la loi de 1975 par
ricochet (Cass. 3e civ., 15 sep t 2010, n° 09-68452).
25. V. supra, n° 298.
26. V. en ce sens, E. Colas, « La vente d ’un immeuble entier “à la découpe” : le dispositif Auril­
lac » ,JC P N 2019, 1215, n° 10 ets.
27. L.6juill. 1989, art. 11-2.
28. Sur la qualification de local commercial, tirée du règlement de copropriété et non de l’état
descriptif de division, v. Cass. 3e civ., 15 nov. 2018, n° 17-26727.
184 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

été institué au profit du locataire commercial29. Le droit ne s’applique que


lorsque la vente concerne précisément le local loué, à l’exclusion d’une
vente globale d’un immeuble comprenant plusieurs locaux à usage com­
mercial, par exemple. Calquées sur les droits de préemption du locataire
d ’un immeuble à usage d ’habitadon, les modalités de ce droit de préemp­
tion paraissent classiques. Le bailleur notifie au locataire le prix et les condi­
tions de la vente par lettre recommandée avec demande d’avis de récep­
tion, laquelle vaut offre de vente. Le locataire dispose alors d’un délai
d ’un mois pour accepter, faute de quoi il sera réputé avoir renoncé.

b. Les atteintes conventionnelles à la liberté de disposer


302. Clauses du contrat de vente. - L’acte d ’où le copropriétaire dre ses droits
peut comprendre des clauses qui restreignent ses pouvoirs. Elles sont en
principe valables, dans les limites fixées par le droit commun. Ainsi le
cédant d’un lot de copropriété pourrait insérer une clause restreignant la
liberté de disposer de l’acquéreur (préempdon, inaliénabilité temporaire),
notamment parce qu’il demeure titulaire du lot voisin30.
303. Clauses du règlement de copropriété. Premières vues. - Le règlement de
copropriété pourrait-il comprendre des clauses restreignant la liberté de
disposer des copropriétaires ? Ou le droit de propriété conférerait-il « à
son dtulaire la liberté totale d ’aliéner son lot, sans se préoccuper de l’im­
meuble en tant qu’entité, ni des intérêts de la communauté des autres
copropriétaires?» 1 A l’encontre de toute restriction, peuvent être invo­
qués la liberté de disposer du propriétaire, déduite de l’assimilation du
copropriétaire à un propriétaire, le souci d ’éviter une discrimination fon­
dée sur des critères illicites, dissimulée derrière le refus d ’accès qui serait
opposé à certains candidats acquéreurs, ou la nécessité de favoriser la circu­
lation économique des biens. Mais au soutien de stipulations restrictives au
sein du règlement, on peut opposer la liberté contractuelle, la volonté de
préserver l’équilibre de la copropriété (notamment en évitant l’arrivée en
nombre de nouveaux occupants, mais aussi en évitant une modification
radicale des majorités au sein de l’immeuble) et la destination de
l’immeuble32. En somme, les arguments sont nombreux et traduisent des
conceptions différentes de la copropriété.
304. Articulation des textes. - Pour apprécier la légalité de telles stipulations
dans le règlement de copropriété, il faut concilier deux textes qui semblent

29. C. com., art. L. 145-46-1, qui est d ’ordre public (Cass. 3e civ., 28juin 2018, n° 17-14605).
30. C. Atias et J.-M. Roux, Guide de la copropriété des immeubles bâtis, 6e éd., Edilaix, 2017, n° 364.
31. H. Souleau, <<Le droit de disposer d ’un lot dans un immeuble en copropriété », EtudesJacques
Flour, Defrénois, 1979, p. 409, n°2.
32. Pour une analyse exhausüve de la question, v. H. Souleau, op. et toc. cit.
LA SITUATION DES COPROPRIETAIRES 185
régler la question de manière contradictoire. Alors que l’ardcle 8, alinéa 2,
de la loi de 1965 prévoit que « le règlement de copropriété ne peut imposer
aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui
seraient jusdfiées par la desdnation de l’immeuble, telle qu’elle est définie
aux actes, par ses caractères ou sa situadon », l’ardcle 9 énonce que
« chaque copropriétaire dispose des parties privadves comprises dans son
lot ; il use et jouit librement des parties privadves et des parties communes
sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres coproprié­
taires ni à la destination de l’immeuble ». La différence de rédaction porte
précisément sur la liberté de disposer des copropriétaires.
Faute de hiérarchie évidente entre ces textes, la Cour de cassation avait
choisi, dans un premier temps, de faire prévaloir l’article 9, considérant
que la desdnation de l’immeuble ne visait que l’usage et la jouissance du
lot, sans qu’elle puisse justifier des atteintes au droit de disposer. Elle avait
dès lors jugé que « le règlement de copropriété ne peut imposer aucune
restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient
justifiées par la destination de l’immeuble, telle qu’elle est définie aux
actes, par ses caractères ou sa situadon, et que chaque copropriétaire dis­
pose librement de son lot »33. La Cour de cassation retenait ainsi une inter­
prétation a contrario de l’article 9, dont il ressortait que les restrictions ne
pouvant affecter que l’usage et la jouissance, la libre disposition devait per­
mettre aux copropriétaires d’envisager toute opération de cession ou de
division de leur lot.
La solution reposait cependant sur une analyse discutable à deux titres.
D’une part, la libre disposition du lot de copropriété n’est pas affirmée spé­
cifiquement dans la loi de 1965, sauf à assimiler purement et simplement la
libre disposition d’un bien et d’un lot. D’autre part, et surtout, il était pos­
sible de procéder à une autre lecture des textes, leur conférant un caractère
complémentaire34. Comme l’avait parfaitement montré Atias, l’article 8, ali­
néa 2, définit les pouvoirs de la collectivité en précisant à quelles conditions
elle peut restreindre les droits des copropriétaires. L’article 9 fixe, quant à
lui, les droits des copropriétaires en l’absence de toute clause33. Rien n’em­
pêche ainsi, dans le respect de la destination de l’immeuble, la stipulation
de clauses limitant la libre disposition d’un lot de copropriété.
La jurisprudence postérieure a ainsi assoupli légèrement sa position, en
admettant exceptionnellement les restrictions contenues dans le règlement
33. Cass. 3' tiv„ 17juill. 1972, n° 71-11248 : Bull. civ. III, n° 463 ;JCP 1972, II, 17241, note E. J. Guillot.
34. Deux normes de même portée, a fortiori lorsqu’elles figurent dans la même loi, devraient être
interprétées de manière à pouvoir être conciliées, dès lors qu’elles ne sont pas contradictoires.
35. C. Atias et N. Le Rudulier, Rép. civ. Dalloz, v° « Copropriété des immeubles bâtis : statuts et
structure », 2018, n° 110 ets.
186 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

de copropriété, lorsqu’elles sont justifiées par la destination de l’immeuble36.


Ce critère de la destination de l’immeuble conduit à envisager différemment
les restrictions portant sur la cession unitaire du lot ou sur sa division.
305. Atteintes à la cession unitaire du lo t Clauses du règlement de copropriété. -
La clause d’inaliénabilité s’oppose évidemment au principe de la libre dispo­
sition. Elle est pourtant admise dans les actes à titre gratuit37, et même
onéreux38, dès lors qu’elle est limitée dans le temps et justifiée par un intérêt
sérieux et légitime. La stipulation d’une telle clause dans le règlement de
copropriété paraît cependant limitée, tant il est vrai que la cession du lot
dans son intégralité ne devrait pas affecter la destination de l’immeuble39.
Tout juste peut-on réserver l’hypothèse de petites copropriétés familiales,
issues du partage d ’un immeuble. La destination de l’immeuble pourrait
alors, peut-être, justifier une telle clause temporairement.
Un raisonnement similaire s’impose sans doute à l’égard de clauses fondées
sur la même logique. Une clause d ’exclusivité restreint ainsi les cessionnai­
res du lot en obligeant à les choisir parmi les seuls copropriétaires. De fait,
une telle clause affecte la liberté de disposition et peut aboutir à bloquer le
copropriétaire, faute de trouver un acquéreur au sein de la copropriété, et
au moins à diminuer la valeur vénale du lot. Très fréquente dans les hypo­
thèses de division d ’un lot, cette clause paraît difficile à justifier dans une
cession de lot, sauf à reprendre les exigences posées pour une clause d ’ina­
liénabilité dans l’hypothèse où sa validité serait admise. Dans le même
esprit, une clause d’agrément, obligeant le copropriétaire à solliciter au
préalable l’accord du syndicat sur la personne de l’acquéreur, permettrait
de préserver une homogénéité sociale au sein de la copropriété. On voit
mal comment la destination de l’immeuble pourrait justifier une telle res­
triction, même dans les formes les plus communautaires prévues par le sta­
tut, les résidences-services. Pour admettre un tel fonctionnement, il faudrait
sortir du modèle propriétaire de la copropriété, ce qu’on ne trouve que
dans des formes d’appropriation collectives moins courantes, telles que
l’habitat participatif4 .

36. V. not., Cass. 3e civ., 10 mars 1981, n” 79-12950: Bull. civ. III, n°52, et la jurisprudence citée
infra.
37. C. civ., art. 900-1.
38. Cass. 1" civ., 31 oct. 2007, n° 05-14238 : Buü. civ. I, n° 337 ; RTD civ. 2008, p. 126, obs. T. Revet.
39. «Aucune caractéristique de l’immeuble n ’est affectée par le remplacement d ’un coproprié­
taire » (C. Atias etJ.-M. R oux, op. cit., n° 363).
40. CCH, art. L. 200-1 : « L’habitat participatif est une démarche citoyenne qui permet à des person­
nes physiques de s’associer, le cas échéant avec des personnes morales, afin de participer à la
définition et à la conception de leurs logements et des espaces destinés à un usage commun, de
construire ou d ’acquérir un ou plusieurs immeubles destinés à leur habitation et, le cas échéant,
d ’assurer la gestion ultérieure des immeubles construits ou acquis ». V. supra, n° 13.
LA SITUATION DES COPROPRIETAIRES 187

Au fond, seul un pacte de préférence paraît sérieusement envisageable,


lequel oblige le copropriétaire à proposer prioritairement à son bénéfi­
ciaire de traiter avec lui pour le cas où il déciderait de contracter41. Bien
qu’elle soit beaucoup moins contraignante puisqu’elle ne bloque pas le
copropriétaire et ne diminue généralement pas la valeur de son lot, une
telle clause affecte cependant la liberté de disposer42. Au demeurant, le
législateur a spécialement autorisé, en 2009, la création d’un droit de prio­
rité à l’égard des lots de stationnement43. Or, si de telles clauses avaient été
valables, l’article 8-1 de la loi de 1965 aurait-il alors été nécessaire ? L’argu­
ment n’est pas décisif, notamment en raison des modalités spécifiques pré­
vues dans cette hypothèse particulière, qui justifieraient à elles seules
l’intervention du législateur.
En droit commun, la Cour de cassation a admis que l’atteinte portée à la
liberté de disposer par le pacte de préférence, particulièrement nette
lorsque le droit de priorité était prévu pour une longue durée avec un
prix déterminé par avance, devait être appréciée au regard de la nature et
de l’objet de l’opération réalisée44. Cet arrêt renforce la position suivant
laquelle, pour des clauses d’acquisiüon préférentielle dans la copropriété,
la nature et l’objet de l’opération pourraient être trouvés dans la destina­
tion de l’immeuble. Certains auteurs admettent qu’« une clause du règle­
ment de copropriété restreignant la faculté de disposer des lots, un pacte
de préférence en particulier (...), pourrait être reconnue licite et valable si,
dans des circonstances tout à fait particulières (dimension de l’immeuble,
disposition des locaux...) elle apparaissait justifiée par la destination de
l’immeuble »4o. La jurisprudence semble le reconnaître, désormais, spécia­
lement dans de petites copropriétés familiales45.
306. Atteintes à la cession unitaire du lot. Cession d’un lot à usage exclusif de
stationnement. - Depuis la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009, le règlement
de copropriété « des immeubles dont le permis de construire a été délivré

41. C.civ., art. 1123, al. 1er.


42. V. not. Cass. 3e civ., 29 mai 1979, n° 78-11530 : Bull. civ. Ill, n° 118 : « la clause qui a pour effet
d’obliger le propriétaire d’un lot à le vendre à un acquéreur qu’il n ’a pas choisi constitue une
restriction à son droit de libre disposition ».
43. V. infra, n° 361.
44. Cass. 3 'civ., 23 sept. 2009, n°08-18187: Bull. civ. III, n° 203 ; JCP G 2009, 479, note G . P il l e t ;
RDC 2010, p. 32, obs. T. G enicon , et p. 660, obs. S. P im o n t ; RLDC 2010, 3837, note
H. Kenfack.
45. C. A tias et J.-M. Roux, op. cit., n° 366.
46. V. not. Cass. 3e civ., 30juin 2009, n°07-21146 e t 08-13405. Comp. CAToulouse, lOjanv. 2011 :
Loyers et copr. 2011, comm. 187 ; le droit de préférence stipulé au profit des copropriétaires
d’un hôtel particulier a été considéré comme une restriction au droit de disposer non justi­
fiée par la destination de l’immeuble, la configuration de l’immeuble n ’ayant jamais été de
nature à faire obstacle à la cohabitation entre les membres de la famille et des étrangers.
188 LA COPROPRIETE DES IMMEUBLES BATIS

conformément à un plan local d ’urbanisme ou d’autres documents d ’urba­


nisme imposant la réalisation d ’aires de stationnement peut prévoir une
clause attribuant un droit de priorité aux copropriétaires à l’occasion de
la vente de lots exclusivement à usage de stationnement au sein de la
copropriété »47. Ce texte va donc à l’encontre de la jurisprudence qui
avait, un temps, écarté les clauses du règlement instituant un droit de pré­
férence conventionnel au profit des copropriétaires. Néanmoins, sa mise en
œuvre est conditionnée à son insertion dans le règlement, ce qui en limite
concrètement l’effet aux constructions postérieures à l’entrée en vigueur
de la loi. Ce droit de priorité est limité à la cession de lots exclusivement à
usage de stationnement, ce qui exclut les cessions de plusieurs lots dont le
stationnement ne constitue qu’un accessoire.
Lorsque ce droit s’applique, le vendeur doit, préalablement à la vente, faire
connaître au syndic son intention de vendre par lettre recommandée avec
avis de réception, avec indication du prix et des conditions de la vente. Le
syndic transmet alors cette information sans délai par lettre recommandée
avec avis de réception à chaque copropriétaire aux frais du vendeur, ce qui
peut entraîner un coût considérable dans une grosse copropriété. L’offre
est alors valable deux mois à compter de sa notification.
307. Atteintes à la division du lot de copropriété. - Les atteintes à la liberté de
disposer sont plus fréquentes s’agissant de la possibilité de diviser le lot de
copropriété. La cession d’une ou plusieurs chambres de service, d ’une cave
ou d’un garage, peut-elle être soumise à un agrément préalable, à un droit
de préférence, voire purement interdite ? Envisagée sous l’angle de la
liberté de disposer, la question n ’offre pas de spécificité48, la loi du lOjuillet
1965 prévoyant d ’ailleurs l’aliénation séparée d’une ou plusieurs fractions
d’un lot49, sous réserve que soient corrigés les états descriptifs de division et
de répartition des charges ’0. Néanmoins, ainsi que l’avait justement relevé
Atias, la liberté de diviser met en cause la notion de lot dans sa consistance
même ’1. Même si la division paraît n ’affecter que les parties privatives, est-il
indifférent que l’usage des parties communes soit rendu plus intense ?
La jurisprudence a évolué de la même manière que pour la cession de l’in­
tégralité du lot. Après avoir, dans un premier temps, exclu toute clause

47. L. 10juill. 1965, art. 8-1, sur lequel v. not. P. C apoulade , «Le droit de priorité du coproprié­
taire et la vente de lot à usage exclusif de stationnement »,JCPN 2011, 1265.
48. Le droit de disposer comprend le droit de disposer partiellement (H. Souleau , art. préc.,
n° 18).
49. L. 10juill. 1965, art 11, al. 2.
50. Etant entendu que « la division d’un lot de copropriété ne peut avoir pour effet de donner nais­
sance à un nouveau syndicat des copropriétaires » (Cass. 3c civ., 18janv. 2018, n° 16-26072).
51. C. A tias, note sous Cass. 3e civ., 26 mai 1988, D. 1989, p. 421. L’auteur ajoutait : « c’est le récep­
tacle neutre de biens qui seuls comptent ».
LA SITUATION DES COPROPRIÉTAIRES 189

contraire dans le règlement de copropriété, la Cour de cassation a jugé que


la division des lots relève de la liberté des copropriétaires et que le syndicat
des copropriétaires ne peut s’opposer à cette division que si elle est
contraire à la destination de l'immeuble’2. Implicitement donc, la possibi­
lité de clauses contraires est admise dans le règlement de copropriété. Cela
se traduit notamment par la validité d’une clause d’agrémentjustifiée par le
caractère de grand standing de l’immeuble, puisque la division entraînerait
une augmentation du nombre d ’appartements et des occupants ’3. La juris­
prudence admet même parfois, sur le même fondement, la validité d ’une
clause d’inaliénabilité des chambres de services ’4.

2. La protection de l’acquéreur
308. Copropriétaire, accédant, occupant. - Les règles de protection du copro­
priétaire empruntent désormais certains dispositifs et méthodes issus du
droit de la consommation. On aurait ainsi « glissé d’un droit de la copro­
priété, conçu comme un statut lié à la structure du bien, vers un droit du
logement dont la finalité est la protection de ses occupants »” . Cela contri­
buerait à expliquer l’augmentation considérable des informations transmi­
ses au candidat acquéreur, l’accédant, le logement tendant à devenir un
bien de consommation’1’.
309. Fiche synthétique. - Le mouvement n ’est pas propre au droit de la copro­
priété, cependant, ni même aux seules cessions de lots. Le copropriétaire

52. Cass. 3' civ., 26 mai 1988, n° 86-19-350 : Bull. civ. III, n° 98 ; D. 1989, p. 421, préc. ; Cass. 3e tiv.,
5juill. 1989, n° 88-10028 : Bull. civ. III, n° 154.
53. Cass. 3' civ., 19 oct. 2010, n° 09-69998.
54. Cass. 3e civ., 1eroct. 2013, n° 12-17474 : « ayant constaté que le groupe d ’immeubles était situé
dans une voie privée donnant sur une petite rue transversale à faible trafic reliant la contre-
allée entre deux avenues où s’exerçaient des activités de racolage en vue de la prostitution,
que cette activité se transportait ensuite dans les chambres de service des immeubles avoisi­
nants, ce qui avait conduit les rédacteurs de règlements de copropriété à veiller à ce que le
commerce de ces locaux ne soit pas susceptible de compromettre la destination et la tranquil­
lité des immeubles, qu’au cours du temps, le standing n ’avait pas été affecté, l’ensemble
dem eurant résidentiel, calme, verdoyant avec un nombre réduit de vastes appartements et
que la cession séparée des chambres de service aurait pour effet de doubler le nombre des
copropriétaires et de modifier la manière d ’y vivre, la fréquentation en devenant plus intense
et bruyante, la cour d ’appel a pu retenir, sans violer l’article 1er du 1er protocole additionnel à
la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamenta­
les que la clause du règlement de copropriété interdisant la vente des lots secondaires à des
personnes qui ne seraient pas déjà copropriétaires était justifiée par la destination de l’im­
meuble ». Rappr. CA Paris, 24nov. 2010, Loyers et copr. 2011, comm. 124.
55. C. G iverdon, « Le copropriétaire est-il devenu un consommateur ? », Etudes Philippe Malinvaud,
Litec, 2007, p. 237.
56. Sur cette question, v. plus généralement A. de Crevoisier de Vomécourt, « La protection de
l’acquéreur d ’un lot de copropriété », A/D/2018, p. 21.
190 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

en place bénéficie également de multiples informations, qui s’empilent à la


faveur de l’adoption de nouvelles lois. La loi ALUR impose ainsi au syndic
d ’établir et de mettre à jour une fois par an une fiche synthétique de la
copropriété regroupant les données financières et techniques essentielles
relatives à la copropriété et à son bâti3'.
310. Sanction de l’absence de mise à disposition de la fiche synthétique.

L’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 ajoute une sanction en l’ab­


sence de mise à disposition, par le syndic, de la fiche synthétique au-delà
d’un délai d’un mois après la demande. Des pénalités par jour de retard,
d’un montant fixé par décret, sont imputées directement sur sa rémunéra­
tion forfaitaire ’8. Plutôt que de laisser le contrat de syndic fixer le montant
des pénalités, très faible en pratique, il reviendra donc au pouvoir exécutif
de s’en charger. Ce durcissement des sanctions prononcées à l’encontre du
syndic n’est toutefois qu’apparent, le défaut de réalisation de la fiche syn­
thétique n’étant plus un motif spécifique de révocation de son mandat.

311. Plan. - À s’en tenir aux cessions de lots et à la protection du cessionnaire,


les informations transmises peuvent être classées selon qu’elles portent sur
l’état financier du syndicat ou sur l’état technique de l’immeuble.

a. Les informations financières


312. Etat daté.- L’état daté permet d’informer le candidat acquéreur et les
créanciers inscrits sur la situation financière du copropriétaire cédant à
l’égard du syndicat. Le syndic adresse au notaire chargé de recevoir l’acte
un état daté comportant trois parties ’9. Dans la première, doivent figurer,
même de manière approximative, les sommes restant dues par le coproprié­
taire cédant au syndicat pour le lot considéré (provisions exigibles du bud­
get prévisionnel ou de dépenses non comprises dans celui-ci, charges
impayées sur les exercices antérieurs, avances exigibles, etc.). Dans la
deuxième partie, le syndic indique les sommes dont le syndicat pourrait
être débiteur à l’égard du copropriétaire, ce qui vise les avances et les pro­
visions pour les périodes postérieures à la période en cours. Dans la

57. L. lOjuill. 1965, art. 8-2. L’entrée en vigueur de cette disposition était cependant différée
selon la taille de la copropriété : 31 décembre 2016 pour les syndicats comportant plus de
200 lots; 31 décembre 2017 pour ceux qui comportent plus de 50 lots; 31 décembre 2018
pour les autres (CCH, art. L. 721-1, IV).
58. L. lOjuill. 1965, art. 8-2, al. 3.
59. D. 17 mars 1967, arc 5. Les honoraires du syndic seront, à compter du T rjuin 2020, limités à
une somme maximale de 380 euros TTC (D. n° 2020-153 du 21 févr. 2020). Le pouvoir régle­
mentaire aura mis plus de cinq ans à adopter ce texte prévu par la loi ALUR.
LA SITUATION DES COPROPRIETAIRES 191
troisième partie, sont mentionnées les sommes qui devraient incomber au
nouveau copropriétaire au titre de la reconstitution des avances et les pro­
visions non encore exigibles du budget prévisionnel. Une annexe estjointe,
indiquant notamment l’état des procédures en cours dans lesquelles le syn­
dicat est parue. L’objet exact de la procédure doit y figurer60. Ces exigences
sont limitatives et l’on ne saurait reprocher au notaire ou au syndic de
n’avoir pas fourni une information plus complète61.
b. Les informations techniques
313. Diagnostics immobiliers. - Le développement des diagnostics en matière
immobilière n’est pas propre au droit de la copropriété62. Le législateur
contemporain entend améliorer la connaissance de l’immeuble vendu, en
permettant à l’acquéreur de disposer d’informations claires et précises sur
des éléments essentiels du bien, notamment sur l’état sanitaire et technique
du lot de copropriété qu’il se propose d’acheter. Les différents diagnostics
réalisés sont, depuis l’ordonnance du 8juin 2005, regroupés dans un dos­
sier de diagnostic technique, fourni par le vendeur et annexé à la promesse
de vente ou à l’acte authentique de vente63. Il comprend de multiples docu­
ments, dont le nombre varie selon l’intérêt de l’information pour la vente
en cause, qui concernent tant la sécurité des personnes que la solidité de
l’immeuble64. Dans la première catégorie, peuvent être rangés, notam­
ment, le constat de risque d’exposition au plomb6’, l’état relatif à la pré­
sence d’amiante66, tous deux intégrés dans le Code de la santé publique,
ou l’état de l’installation de gaz67. L’objectif réside bien dans la protection
des occupants éventuels du bâtiment, quel qu’en soit le statut, contre des
risques sanitaires. Dans la seconde catégorie, pourraient être regroupés
l’état relatif à la présence de termites68 ou le risque de mérule69 dans le

60. Cass. 3e civ., 20juin 2019, n° 18-10516.


61. Cass. 3eciv., 12mars 2014, n° 13-11042.
62. V. noL, G. C hantepie, « Les diagnostics préalables à la vente immobilière », AJDI2012, p. 821.
63. CCH, art. L. 271-4.
64. Rappr. J.-F. Sagaut, « Flexible contrat: amiante, saturnisme, termites, gaz... la liberté contrac­
tuelle plie mais ne rompt pas », RDC 2003, p. 265.
65. CSP, arc L. 1334-5. Il porte alors sur la partie privative de l’immeuble affectée au logement.
66. CSP, art. L. 1334-13.
67. CCH, art. L. 134-6 : « En cas de vente de tout ou partie d’un immeuble à usage d’habitation
comportant une installation intérieure de gaz réalisée depuis plus de quinze ans, un état de
cette installation en vue d’évaluer les risques pouvant compromettre la sécurité des personnes
est produit dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles L. 271-4 à L. 271-6 ».
68. CCH, art. L. 133-6.
69. Dans les zones prévues à l’article L. 133-8 CCH.
192 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

bâtiment ou l’état des risques naturels et technologiques'0. C’est alors la


solidité de l’immeuble qui est directement en cause. Cette classification
didactique résiste assez mal à l’ajout de nouveaux diagnostics et, à la solidité
du bâti, on pourrait préférer la qualité de l’immeuble, incluant également
ses éléments d’équipement et de confort. De telles informations ne sont
toutefois pas propres à la cession d’un lot de copropriété.
314. Diagnostic technique préalable à la mise en copropriété. - La loi SRU du
13 décembre 2000 avait introduit un article 46-1 dans la loi du 10juillet
1965, imposant que « le diagnostic technique préalable à la mise en copro­
priété d ’un immeuble construit depuis plus de quinze ans prévu à l’article
L. 111-6-2 du Code de la construction et de l’habitation est porté à la
connaissance de tout acquéreur par le notaire lors de la première vente
des lots issus de la division et lors de toute nouvelle mutation réalisée dans
un délai de trois ans à compter de la date du diagnostic ». Ce diagnostic a
été supprimé par la loi ALUR, qui en a largement étendu le principe en
instaurant un diagnostic technique global, imposé à l’occasion de la mise
en copropriété d ’un immeuble construit depuis plus de dix an s'1.
315. Diagnostic technique global (CCH, art. L. 731-1 et s.). - La loi ALUR a intro­
duit un diagnostic technique global, entré en vigueur le 1"janvier 2017,
dans tout immeuble à destination partielle ou totale d’habitation relevant
du statut de la copropriété7'. Celui-ci doit être demandé par l’assemblée
générale, statuant à la majorité simple et présenté lors de l’assemblée géné­
rale suivante. Extension des différents diagnostics relatifs aux immeubles, et
prolongation du diagnostic existant lors de la mise en copropriété d ’un
immeuble de plus de dix ans'3, le diagnostic technique global doit compor­
ter une analyse de l’état apparent des parties communes et des éléments
d ’équipement communs, un état de la situation du syndicat au regard des
obligations légales en matière de construction, un diagnostic de perfor­
mance énergétique, ainsi qu’une analyse des améliorations possibles de la
gestion technique et patrimoniale, comprenant une évaluation sommaire
des coûts et travaux à mener. Le diagnostic est ainsi conçu comme un
outil de prévision au service des copropriétaires, leur permettant de définir
plus précisément leur programme de travaux. Les travaux qui apparaissent
nécessaires seront d’ailleurs intégrés dans le carnet d’entretien de
l’immeuble'4. Mais s’il vise expressément « l ’information des

70. C. envir., art. L. 125-5,1.


71. CCH, arc L. 731-4.
72. CCH, arc L. 731-1.
73. V. supra, n° 314.
74. CCH, art. L. 731-3.
LA SITUATION DES COPROPRIETAIRES 193

copropriétaires sur la situation générale de l’im m euble»'1, le diagnostic


technique servira également aux pouvoirs publics dans le cadre des procé­
dures d ’insalubrité de l’immeuble76.
316. Carnet d’entretien. - Le carnet d’entretien, dont l’établissement et la mise à
jour relèvent des obligations du syndic au titre de l’article 18 de la loi du
lOjuillet 1965, doit répondre à des exigences précisées par décret". Il
contient l’adresse de l’immeuble, l’identité du syndic en exercice, les réfé­
rences des contrats d’assurance de l’immeuble, mais aussi l’année de réali­
sation des travaux importants (ravalement des façades, réfection des toitu­
res, remplacement de l’ascenseur ou de la chaudière), les contrats
d ’entretien et de maintenance des équipements communs, l’échéancier du
programme pluriannuel de travaux décidés par l’assemblée générale et, si le
diagnostic technique global existe, la liste des travaux jugés nécessaires à la
conservation de l’immeuble. Le carnet d’entretien peut, si l’assemblée géné­
rale le décide, comprendre d’autres informations sur l’immeuble, notam­
ment relatives à sa construction ou aux études techniques réalisées.
317. Mention de la superficie des parties privatives du lo t Champ d’applica­
tion.- Institué par la loi dite «Carrez» du 18décembre 1996, l’article46
de la loi du lOjuillet 1965 dispose que « toute promesse unilatérale de
vente ou d’achat, tout contrat réalisant ou constatant la vente d’un lot ou
d’une fraction de lot mentionne la superficie de la partie privative de ce
lot ou de cette fraction de lot». Le texte s’inspire des règles supplétives de
la garantie de contenance du droit commun de la vente78, en posant un
principe d’ordre public. L’information doit être transmise dès l’avant-
contrat, afin de favoriser son effectivité'9. Outre les promesses de vente et
d’achat, spécialement visées par le texte, l’obligation concerne également
tout contrat réalisant ou constatant la vente, ce qui exclut les opérations réa­
lisées sur adjudication80, l’apport en société d’un lot, son partage ou sa
donation81. Les cessions peuvent concerner indifféremment la vente d ’un
lot ou d’une fraction de lot, quelle que soit leur affectation (habitation,

75. CCH, art L. 731-1.


76. CSP, arL 1331-26.
77. D. n” 2001-477, 30 mai 2001.
78. C. civ., art. 1617 et s.
79. Elle est cependant expressément écartée dans le congé pour vendre prévu par l’arucle 15, II,
de la loi du 6juillet 1989.
80. Cass. 2e civ., 3oct. 2002, n° 00-18395: Bull. civ. II, n°199: « un jugement d’adjudication ne
constituant pas un “contrat réalisant ou constatant une vente” les dispositions de la loi du
18 décembre 1996 sont sans application aux ventes sur poursuites de saisie immobilière ».
81. Certains auteurs assimilent l’échange d’un lot à une vente (M. Dagot, « Garantie de conte­
nance du lot de copropriété vendu »,JCPG 1997, I, 4034, n°22), ce dont on peut douter
dès lors que la qualification d’échange ne résulte pas d’une intention frauduleuse.
194 LA COPROPRIETE DES IMMEUBLES BATIS

commerce, etc.). Néanmoins, l’article 46, alinéa 3, exclut expressément l’exi­


gence de mesurage pour les caves, garages, emplacements de stationnement
ainsi que les lots ou fracdons de lots d’une superficie inférieure à 8 m282.
348. Mention de la superficie des parties privatives du lot. Modalités de calcul
de la superficie. - L’information porte sur la superficie de la partie privative
du lot ou de la fraction de lot vendu. La loi ALUR du 24 mars 2014 avait
ajouté la mention de la « surface habitable » mais elle a été supprimée
dans la foulée par la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014. La superficie
de la partie privative demeure donc l’objet de l’information. Elle est définie
comme « la superficie des planchers des locaux clos et couverts après
déduction des surfaces occupées par les murs, cloisons, marches et cages
d ’escalier, gaines, embrasures de portes et de fenêtres. Il n ’est pas tenu
compte des planchers des parties des locaux d ’une hauteur inférieure à
1,8 mètre »8'\ La jurisprudence a précisé logiquement qu’un simple droit
de jouissance privative sur une partie commune, n’étant pas un droit de
propriété, n’a pas à être intégré dans le calcul84. En revanche, l’obligation
de mesurage est applicable même lorsque l’opération porte sur plusieurs
lots distincts vendus en bloc83.
319. Mention de la superficie des parties privatives du lot. Sanctions. - La sanc­
tion de l’inobservation de l’obligation de mesurage varie. En l’absence de
toute mention, la nullité de l’acte peut être invoquée par l’acquéreur dans
un délai préfix d’un mois à compter de l’acte authentique constatant la réa­
lisation de la vente. Dès lors que l’acte authentique comprend la mention
de la superficie, il n ’est toutefois plus possible de contester la validité de la
promesse86. En cas d’erreur de mesurage, il faut distinguer. À l’image de la
garantie de contenance de droit commun, lorsque la surface se révèle supé­
rieure à ce qui avait été indiqué dans l’acte, aucun supplément de prix ne
peut être demandé. En revanche, lorsque la superficie est inférieure de plus
de 5 % à celle exprimée dans l’acte, l’acquéreur peut demander au vendeur
une diminution du prix proportionnelle à la moindre mesure, l’action
devant être intentée dans un délai d’un an à compter de l’acte authentique,
à peine de déchéance. Il s’agit d ’une action purement objective, qui

82. D. 17 mars 1967, art. 4-2.


83. D. 17 mars 1967, art. 4-1.
84. Cass. 3e civ., 16janv. 2008, n“ 06-15314: Bull. civ. III, n°8; Cass. 3e civ., 16 sept. 2015, n° 14­
20137 : Bull. civ. III, n° 125 (véranda édifiée sur une partie commune à jouissance privative).
85. Cass. 3e civ., 28 mars 2007, n" 06-13796: Bull. civ. III, n°45. Sur les modalités de calcul de la
superficie, v. Cass. 3e civ., 7 nov. 2007, n° 06-18519 : Bull. civ. III, n0 195.
86. D. 17 mars 1967, art. T3. La production d ’un certificat de mesurage entre l’avant-contrat et
l’acte authentique ne pouvant suffire à écarter la nullité encourue (Cass. 3e civ., 22 nov. 2018,
n° 17-23366 : AJDI2019, p. 374, obs. F. C ohet ).
LA SITUATION DES COPROPRIÉTAIRES 195

demeure même ouverte à un acquéreur qui aurait eu connaissance, avant la


vente, de la superficie réelle du bien vendu8'.
320. Mention de la superficie des parties privatives du lot. Recours du ven­
deur. - Le texte s’attache à protéger l’acheteur, sans évoquer la situation
du vendeur. Il est vrai que le texte n ’imposant pas le recours à un profes­
sionnel pour réaliser le mesurage, le vendeur peut avoir été à l’origine
d ’une indication erronée de la superficie des parties privatives. Néanmoins,
les instances professionnelles notariales invitent à privilégier l’intervention
d’un professionnel88, afin d’éviter tout recours fondé sur un défaut de
conseil89. Mais même lorsque le vendeur a fait appel à un mesureur, ses
recours demeurent très limités dans l’hypothèse d ’une erreur de mesurage.
La solution mérite d ’être expliquée. Elle prend appui sur la distinction
entre les dettes de restitutions et les dettes de responsabilité90. La responsa­
bilité contractuelle du mesureur, sans doute tenu à l’égard du vendeur
d ’une obligation de résultat, ne peut être engagée sans que soit démontrée
l’existence d’un préjudice. Or, la Cour de cassation considère que « la res­
titution à laquelle le vendeur est condamné à la suite de la diminution du
prix prévue par l’article 46, alinéa 7, de la loi du lOjuillet 1965 résultant de
la délivrance d’une moindre mesure par rapport à la superficie convenue
ne constituait pas un préjudice indemnisable»91. En dépit de leur proxi­
mité, en ce qu’elles peuvent entraîner le versement d’une indemnité par
équivalent, restitutions et réparation ne possèdent pas la même nature.
Lorsque le géomètre-expert a, par sa faute, faussé la détermination de la
contenance du lot de copropriété, il n’a pas pour autant amputé la surface
de l’appartement92. Or, on l’a vu, la garantie de contenance prévue par la
loi Carrez est purement objective. Seule pourrait être envisagée la répara­
tion d’un préjudice distinct, résidant dans la perte de chance de négocier
son bien à son meilleur prix, lequel aurait pu tenir compte notamment de
la superficie au plancher93.

87. V. not., Cass. 3e civ., 5 déc. 2007, n° 06-19676 : Bull. civ. III, n° 218 ; Contrats, conc. consom. 2008,
comm. 91, obs. L. L eveneur.
88. Avis du Conseil supérieur du notariat sur l’application de la loi Carrez, JCP N 1998, p. 145, n° 40.
89. Rappr. Cass. 1" civ., 25 mars 2010, n° 09-66282.
90. Sur cette question, v. Y.-M. Serinet , « Les domaines respectifs de la remise en état par voie de
restitution et de réparation », Etudes G. Viney, LGDJ, 2008, p. 867.
91. Cass. 3e civ., 25 oct. 2006, n” 06-19676 : Buü. civ. III, n° 205 ; Contrats, conc. consom. 2007, comm. 65,
obs. L. L eveneur ; RTD civ. 2007, p. 333. obs. J. M estre et B. F ages. Sur le rejet d’une QPC portant
sur l’absence de recours du vendeur, Cass. 3e civ., lOjanv. 2013, n° 12-40084.
92. En cas de VEFA, le recours doit d ’ailleurs être exercé sur le fondement de l’article 1622 du
Code civil (Cass. 3e civ., lljan v . 2012, n° 10-22924).
93. Cass. 3e civ., 28janv. 2015, n° 13-27397, approuvant la cour d’appel d ’avoir retenu que « le ven­
deur peut se prévaloir à l’encontre du mesureur ayant réalisé un mesurage erroné, d ’une
perte de chance de vendre son bien au même prix pour une surface moindre ». V. déjà en
196 LA COPROPRIETE DES IMMEUBLES BATIS
3. Les garanties du syndicat
321. Avis de mutation. - La mutation d’un lot de copropriété implique une
information complète du notaire par le syndic. Afin de garantir le paie­
ment, le législateur prévoit un dispositif en plusieurs temps, dont l’avis de
mutation est le premier maillon. L’article 20 de la loi du 10juillet 1965 dis­
pose ainsi que « lors de la mutation à titre onéreux d’un lot, et si le vendeur
n’a pas présenté au notaire un cerüficat du syndic ayant moins d’un mois
de date, attestant qu’il est libre de toute obligation à l’égard du syndicat,
avis de la mutation doit être donné par le notaire au syndic de l’immeuble,
par lettre recommandée avec avis de réception dans un délai de quinze
jours à compter de la date du transfert de propriété ». Théoriquement, le
vendeur devrait donc présenter au notaire un cerüficat du syndic attestant
qu’il est libre de toute obligaüon à l’égard du syndicat. En praüque, la déli­
vrance de ce cerüficat est rarement possible techniquement, tant pour des
raisons comptables que matérielles.
Concrètement, faute pour le vendeur de produire ce certificat, le notaire
adressera un avis de mutaüon au syndic dans les quinze jours suivant la date
du transfert de propriété, par lettre recommandée avec avis de réception94.
Cet avis présente un effet très important puisque le délai pour former oppo­
sition court à compter de sa réception par le syndic. A défaut d’avis de muta­
tion, toute opposition deviendrait impossible9 ’, ce qui permettrait d’engager
la responsabilité du notaire9*’. L’opposition au versement des fonds est la pre­
mière étape avant la mise en œuvre du privilège du syndicat. Notons par ail­
leurs que la loi ALUR a prévu de manière plus radicale d’interdire aux
copropriétaires débiteurs ainsi qu’aux mandataires sociaux et associés des
sociétés copropriétaires l’acquisition d’un lot de copropriété, afin de lutter
contre les pratiques de certains « marchands de sommeil »9/.
ce sens, L. L eveneur, obs. sous Cass. 3e civ., 25 ocL 2006, préc. ; G. D urand-Pasquier, « La res­
ponsabilité des diagnostics immobiliers», Resp. civ. et assur. 2009, Etude 1, n°9, n"33 et s.
94. L’article 5-1 du décret de 1967 précise toutefois que si le lot fait l’objet d’une vente sur licita­
tion ou sur saisie immobilière, l’avis de mutation est adressé par le notaire ou l’avocat du
demandeur ou du créancier poursuivant ; si le lot fait l’objet d’une expropriation pour
cause d’utilité publique ou de l’exercice d’un droit de préemption publique, par le notaire,
par l’expropriant ou par le titulaire du droit de préemption ; si l’acte est reçu en la forme
administrative, par l’autorité qui authentifie la convention.
95. V. Cass. 3' civ., 11 janv. 1977, n” 75-13768 : Bull. civ. III, n° 11 : l’acquéreur d’un lot qui, n’ayant
donné que tardivement l’avis de mutation, n’a pas mis le syndic à même d’exercer son droit
d'opposition en temps utile peut être condamné à payer l’arriéré de charges du précédent
copropriétaire.
96. V. not., Cass. 3 'civ., 7juin 2007, n° 06-18847: Bull. civ. III, n° 194, jugeant que l’arriéré de
charges devait être payé par l’acquéreur (en l’espèce le vendeur était l’Etat).
97. L. lOjuill. 1965, art. 20, II : « Préalablement à l’établissement de l’acte authentique de vente
d’un lot ou d’une fraction de lot, le cas échéant après que le titulaire du droit de préemption
LA SITUATION DES COPROPRIETAIRES 197

a. L ’opposition au versement des fon ds


322. Modalités de l’opposition. - Dans un délai de quinze jours à compter de la
réception de l’avis de mutation98, le syndic « peut former au domicile élu,
par acte extrajudiciaire, opposition au versement des fonds dans la limite ci-
après pour obtenir le paiement des sommes restant dues par l’ancien
propriétaire »". Cette opposition prend la forme d ’un acte extrajudiciaire,
c’est-à-dire qu’elle doit être signifiée par acte d’huissier de justice100. Sur le
fond, elle doit indiquer le montant et les causes de la créance. Cette men­
tion est particulièrement importante eu égard à la finalité de l’opposition,
le blocage du prix et la mise en œuvre ultérieure du privilège spécial du
syndicat™1. Les créances susceptibles d’être récupérées sont celles qui res­
taient dues par l’ancien propriétaire, dès lors qu’elles étaient liquides et
exigibles au moment de la notification de la vente au syndic102. L’article 5­
1 du décret du 17 mars 1967 énonce que l’opposition doit énoncer d’une
manière précise la cause des créances103. Ces mentions sont impératives
pour l’efficacité du privilège, dont le caractère occulte exige la détermina­
tion des créances et de leur montant.
323. Effets de l’opposition. - L’opposition produit deux effets. Elle permet de ren­
dre le prix de vente indisponible entre les mains du notaire et la mise en
œuvre du privilège du syndicat104. Aux termes de l’article 20, « tout paiement

instauré en application du dernier alinéa de l’article L. 211-4 du Code de l’urbanisme a


renoncé à l’exercice de ce droit, le notaire notifie au syndic de la copropriété le nom du
candidat acquéreur ou le nom des mandataires sociaux et des associés de la société civile
immobilière ou de la société en nom collectif se portant acquéreur, ainsi que le nom de
leurs conjoints ou partenaires liés par un pacte civil de solidarité ». Si le copropriétaire n ’est
pas à jo u r de ses charges, le notaire notifie aux parties l’impossibilité de conclure la vente.
98. Le délai commence à courir à la date de la réception de l’avis (Cass. 3” civ., 3 mars 2004, n° 02­
15337 : Bull. civ. III, n°48).
99. L. 10juill. 1965, a r t 20.
100. Et non par courrier recommandé avec avis de réception (Cass. 3 'civ., 18 déc. 1996, n“94-
18754 : Bull. civ. III, n° 240).
101. D. 17 mars 1967, art. 5-1.
102. Cass. 3 'civ., 20 mai 2014, n° 13-11602.
103. À savoir, le montant et les causes des créances du syndicat afférentes aux charges et travaux
mentionnés aux articles 10 et 30 de la loi du 10juillet 1965, en distinguant l’année courante
et les deux dernières années échues ; les deux années antérieures aux deux dernières années
échues ; le montant et les causes des créances de toute nature du syndicat garanties par une
hypothèque légale et non comprises dans les créances privilégiées ; le montant et les causes
des créances de toute nature du syndicat non comprises dans les créances précédemment
risées. Plus précisément, « l’opposition devait comporter, non seulement la répartition des
charges et des travaux selon le privilège ou le “super privilège” que le syndicat invoquait
mais aussi le détail des sommes réclamées selon leur nature, et le lot auquel elles étaient
afférentes » (Cass. 3e civ., 3 nov. 2011, n° 10-20182 : Bull. civ. III, n° 179).
104. A la condition d ’énoncer suffisamment les causes et le montant des créances du syndicat,
Cass. 3e civ., 25 oct. 2006, n° 05-16835 : Bull. civ. III, n° 172.
198 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

ou transfert amiable ou judiciaire du prix opéré en violation de [la notifica­


tion du syndic] est inopposable au syndic ». L’indisponibilité concerne les
créances du syndicat liquides et exigibles au moment où la vente avait été
notifiée au syndicat10’. L’opposition constitue le premier acte de la procé­
dure de saisie-arrêt Néanmoins, elle présente un caractère autonome au
regard des dispositions relatives aux procédures civiles d ’exécution101’.

b. Le privilège du syndicat des copropriétaires


324. Pluralité de garanties du syndicat - Le syndicat des copropriétaires dispose de
plusieurs garanties. La plupart, cependant, sont inefficaces. Ainsi, notamment,
de son privilège spécial mobilier, identique au privilège du bailleur, qui vise
les meubles qui garnissent les lieux, mais dont l’assiette ne suffit jamais à
garantir le paiement des charges. Ainsi encore de son hypothèque légale, sou­
mise à inscription au fichier immobilier, ce qui en limite l’attrait, en dépit
d ’une assiette très large qui vise les créances de toute nature du syndicat,
incluant notamment les frais de justice des actions exercées contre les copro­
priétaires, les dettes de dommages et intérêts, etc.10'.
325. Privilège spécial immobilier. Présentation. - La loi n° 94-624 du 21 juillet
1994 relative à l’habitat a ajouté un nouveau privilège spécial immobilier,
dont le régime se trouve à l’article 2374 du Code civil. Il bénéficie au « syn­
dicat des copropriétaires, sur le lot vendu, pour le paiement des charges et
travaux mentionnés à l’article 10, au c du II de l’article 24 et à l’article 30 de
la loi n° 65-557 du lOjuillet 1965 fixant le statut de la copropriété des
immeubles bâtis et des cotisations au fonds de travaux mentionné à l’arti­
cle 14-2 de la même loi, relatifs à l’année courante et aux quatre dernières
années échues ainsi que des dommages et intérêts alloués par les juridic­
tions et des dépens ».
Plus encore que son assiette, élargie à l’occasion de la loi ALUR, c’est la
dispense de toute formalité d ’inscription qui fait la spécificité du privilège
du syndicat des copropriétaires, véritable privilège occulte108. Cette solu­
tion, qui demeure un cas unique dans le droit contemporain des sûretés
réelles, s’explique principalement par l’ineffectivité de l’hypothèque légale
du syndicat, que l’ordonnance du 30 octobre 2019 a récemment tenté de
revigorer. Cette situation n ’est pas satisfaisante en ce qu’elle ne permet
pas aux autres créanciers d ’apprécier correctement la valeur du fonds sur

105. Cass. 3e civ., 20 mai 2014, n° 13-11602.


106. Cass. 2e civ., 6 mai 1999, n° 97-10121 : Bull. civ. II, n° 86. Il n ’est donc pas nécessaire de respec­
ter l’ensemble des formalités requises par les procédures civiles d ’exécution.
107. L. lOjuill. 1965, art. 19.
108. C. civ., art. 2378.
LA SITUATION DES COPROPRIETAIRES 199
lequel ils souhaiteraient prendre une garantie109. Or si le privilège spécial
n’est pas assorti d’un droit de suite, sa mise en œuvre pratique n’en est pas
moins d’une grande efficacité puisque le notaire est tenu de porter à la
connaissance du syndic la vente du lot de copropriété, celui-ci pouvant ren­
dre le prix indisponible en faisant opposition dans les quinze jours110.
326. Domaine. Suivant la lettre du texte, le privilège est cantonné, dans son
application, à la seule vente du lot de copropriété111, le rapprochant du
privilège du vendeur112. Cela permet donc son application à un échange
avec soulte ou un apport en société, mais pas aux hypothèses de transmis­
sion du lot de copropriété à l’occasion d’un partage successoral ou commu­
nautaire ou d’une donation-partage112.
Le privilège garantissait, depuis sa création, le paiement des charges et tra­
vaux mentionnés aux articles 10 et 30 de la loi de 1965. Concrètement, cela
recouvre le paiement des charges de copropriété, ainsi que le paiement des
travaux d’amélioration pour l’année courante et les quatre années
antérieures114. La portée du privilège varie cependant selon la date de nais­
sance des créances. Depuis le lerjanvier 2017, le champ d’application du
privilège est étendu aux cotisations au fonds de travaux, aux créances affé­
rentes aux travaux de restauration immobilière réalisés en application du c
du II de l’article 24, ainsi qu’aux dommages et intérêts et au rembourse­
ment des dépens obtenus par le syndicat des copropriétaires dans les
actions à l’encontre d’un copropriétaire113.
Le privilège du syndicat possède donc un domaine de garantie plus res­
treint que son hypothèque légale, qui recouvre toutes ses créances à l’en­
contre de chaque copropriétaire. En outre, le caractère occulte du privilège
conduit à retenir une interprétation stricte de son champ d’application116.
Notamment, le privilège ne couvrait pas, avant la loi ALUR, les dommages-
intérêts dus par le copropriétaire au syndicat. Il ne couvre pas plus les

109. M. C abrillac, C. M ouly, S. C abrillac et P. P étel , Droit des sûretés, 11e éd., LexisNexis, 2015,
n° 899.
110. L. lOjuill. 1965, art. 20. V. sur ce point, P. C apoulade et D. T omasin (dir.), La copropriété, op. cit.,
n° 232.323. V. supra, n° 323.
111. Cass. 3e civ., 15févr. 2006, n° 04-19095: Bull. civ. Ill, n°40; RTD civ. 2006, p. 599, obs.
P. C r o cq : non-application à un copropriétaire placé en liquidation judiciaire.
112. Sur cette question, v. not. M. B ourassin et V. B rémond , Droit des sûretés, 6e éd., Sirey, 2018,
n° 1248 et s.
113. Ibid., n° 1238 et 1248.
114. L’année étant entendue de l’exercice comptable depuis le décret n° 2010-391 du 20 avril 2010
(D. 17 mars 1967, art 5-2).
115. L. lOjuill. 1965, réd. L.n° 2014-366, art. 58,1, 5°.
116. Cass. 3e civ., 6 mai 2003, n° 02-10712 : Bull. civ. III, n° 96.
200 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS
sommes dues en application d’une clause d’aggravation des charges11', ni
les intérêts dus sur les créances du syndicat11“ ou le remboursement anti­
cipé d’un emprunt contracté par le syndicat pour effectuer des travaux119.
327. Régime. L’efficacité du privilège tient principalement à son rang très avan­
tageux, ainsi qu’à l’absence de publicité ou inscription au fichier immobi­
lier. En pratique, le privilège prime ceux du vendeur et du prêteur de
deniers pour les créances de l’année en cours et des deux dernières années
échues, ce qui lui confère un rang particulièrement avantageux. Pour les
autres créances qui sont couvertes par le privilège, le syndicat l’exercera en
concurrence avec les autres créanciers privilégiés120. Concrètement, cela
signifie que seul le privilège des salaires et celui relatif aux frais de justice
sont susceptibles de primer le privilège du syndicat pour les deux dernières
années échues (sous réserve, en cas d’ouverture d’une procédure collective,
de la déclaration par le syndicat de sa créance). Pour les autres, il viendra en
concours avec les privilèges du vendeur et du prêteur de deniers. La situa­
tion est cependant moins favorable au syndicat pour ses créances nées après
l’ouverture d’une procédure collective, celui-ci devant alors se prévaloir du
privilège des créanciers postérieurs, et non de son privilège spécial121.
328. Renforcement des garanties du syndicat des copropriétaires.
Poursuivant l’ambition de favoriser le recouvrement des charges par le
syndicat des copropriétaires, les rédacteurs de l’ordonnance du 30 octo­
bre 2019 ont légèrement renforcé la portée des dispositifs existants. On
peut douter de l’efficacité de telles mesures pour endiguer un conten­
tieux aussi abondant. Tout d’abord, l’hypothèque légale peut désormais
être inscrite par le syndic sans autorisation préalable de l’assemblée
générale. Ce dernier peut d’ailleurs toujours, sans non plus requérir
d’autorisation, en consentir la mainlevée, voire la radiation en cas d’ex­
tinction de la dette122. L’hypothèque légale est ainsi assimilée à une
mesure conservatoire, au sens de l’article 55 du décret de 1967123.
Ensuite, l’assiette du privilège mobilier du syndicat est élargie aux som­
mes dues par le locataire à son bailleur, quel que soit le type de location
(meublée ou non meublée), alors qu’elle était jusqu’alors limitée aux

117. Cass. 3eciv., 22juin 1994, n°92-19571.


118. Cass. 3e civ., 6 mai 2003, préc.
119. Cass. 3e civ., 15 mai 2002, n° 00-19832 : BuU. civ. III, n° 103.
120. C. civ., art. 2374, 1° bis.
121. Cass., avis, 21 juill. 2002, n° 0020002.
122. L. 10juill. 1965, art. 19, al. 2.
123. Rapport sur l’ordonnance du 30 octobre 2019.
LA SITUATION DES COPROPRIETAIRES 201

meubles garnissant les lieux pour une location meublée124. Ce faisant, le


législateur a aligné la situation du syndicat des copropriétaires sur celle
d’un bailleur12’. Enfin, poursuivant l’extension du domaine du privilège
immobilier spécial entamée par la loi ALUR, l’article 19-1 de la loi de
1965 vise désormais « toutes les créances mentionnées au premier alinéa
de l’article 19 », soit « les créances de toute nature du syndicat à l’encon­
tre de chaque copropriétaire ». Si cette soludon permet d’inclure des
sommes telles que les intérêts de retard ou les frais de jusdce, elle inter­
roge sur la place conférée au syndicat dans l’ordre de règlement des
créanciers privilégiés, s’agissant d’un privilège occulte. La voie d’une
publication du privilège mériterait d’être explorée126.

B. La jouissance du lot de copropriété


329. Plan. - Les copropriétaires peuvent jouir de leur lot en l’exploitant ou en
l’habitant. Ils peuvent également consentir des droits réels, tels qu’un droit
d’usage ou d’habitation ou un usufruit sur le lot12'. Les questions les plus
courantes portent toutefois sur la présence de locataires au sein de la
copropriété, tant lors de la conclusion du contrat que dans leurs rapports
avec le copropriétaire et la copropriété.
1. La conclusion du contrat de bail
330. Plan. - La location du lot de copropriété relève en principe de la liberté du
copropriétaire. Elle est cependant soumise à de multiples statuts spéciaux
qui en déterminent les modalités.
a. La liberté de louer du bailleur
331. Principe de libre jouissance du lot de copropriété. - Aux termes de l’arti­
cle 9 de la loi de 1965, le copropriétaire « use et jouit librement des parties
privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte
ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble ».
La liberté d’user et de jouir du lot inclut la possibilité de le louer. Toute
clause contraire devrait normalement être réputée non écrite. Cela n’ex­
clut toutefois pas que les restrictions apportées à la libre disposition d’un
124. L. lOjuill. 1965, art. 19, dernier alinéa.
125. C. civ., art. 2332.
126. La future ordonnance relative au droit des sûretés ne concernera cependant pas le privilège
spécial immobilier du syndicat des copropriétaires, exclu du domaine de l’habilitation (rép.
min. n° 23198, JOAN 12 nov. 2019, p.9982).
127. Sur cette question, v. P. C apoulade et D. T omasin (dir.), La copropriété, 9' éd., Dalloz, Dalloz
Action, 2018, n° 233-01 ets.
202 LA COPROPRIETE DES IMMEUBLES BATIS

lot de copropriété s’appliquent pareillem ent à sa jouissance, notam m ent la


location du lot. En d ’autres termes, la liberté de consentir des baux est limi­
tée par la destination de l’immeuble et par les clauses du règlem ent de
copropriété.
332. Restrictions à la liberté de louer. - Suivant ce critère de la destination de
l’immeuble, certaines clauses paraissent nécessairement illicites. Il en va
ainsi de la clause qui interdirait toute location, laquelle pourrait difficile­
m ent être justifiée par la destination de l’immeuble. La m êm e solution
devrait s’imposer pour les clauses qui porteraient une restriction à l’usage
du bien, notam m ent celles qui im poseraient une autorisation préalable du
syndicat, le paiem ent par le copropriétaire d ’un supplém ent de charges en
cas de location ou la gérance par le syndic1-’8.
En revanche, des clauses dont la finalité serait similaire à celles conçues
pour la limitation du droit de disposition pourraient être insérées au sein
du règlem ent1-9. O n songe notam m ent à l’interdiction de louer une cham ­
bre de service dans un immeuble de grand standing à des personnes exté­
rieures à la copropriété ou à des personnes n ’appartenant pas au personnel
des copropriétaires130. La question est particulièrem ent d ’actualité avec la
multiplication des locations de courte durée grâce à des plates-formes de
location entre particuliers131. Il va de soi, en outre, que le copropriétaire
ne saurait conclure un bail destiné à l’exercice d ’une activité incompatible
avec la destination de l’immeuble, telle q u ’elle résulte du règlem ent de
copropnete .
333. Location d’un meublé touristique et copropriété. - La location d ’un meublé
touristique suscite de nombreuses difficultés tirées de l’articulation entre
les droits du propriétaire, les droits du locataire éventuel, les réglem enta­
tions d ’urbanisme et les intérêts de la copropriété133. Ainsi, notam m ent, la

128. V. P. C apoulade et D. T omasin (dir.), op. cit., n“ 234.09 et la jurisprudence citée.


129. V. supra, n° 302 et s.
130. Cass. 3e civ., 25avr. 2006, n” 05-13096 (clause restreignant la location de chambres garnies à
des personnes honorables agréées par le syndic). Comp. Cass. 3e civ., 22 mai 2012, n°ll-
10032, jugeant que, dans un immeuble d ’habitation bourgeoise, la location en meublé n ’était
pas en elle-même contraire à la destination de l’immeuble.
131. Rappr., Cass. 3e civ., 8juin 2011, n° 10-15891 : Bull. civ. III, n°97, retenant que la clause sou­
mettant la location de courte durée à l’autorisation n’était pas justifiée par la destination de
l’immeuble, le règlement de copropriété autorisait expressément l’exercice d’une profession
libérale qui entraînait des inconvénients similaires à ceux dénoncés par le syndicat pour la
location meublée de courte durée.
132. Cass, 3' civ., 4janv. 1991, n° 89-10959 : Bull. civ. III, n° 2 : exercice d’une activité de loueur pro­
fessionnel en meublé alors que le règlement de copropriété, opposable aux locataires, inter­
disait l’exercice de toute activité commerciale dans les locaux à usage d’habitation.
133. Sur cette question, v. not., H. Perinet-Marquet, « Les meublés touristiques dans les immeubles
en copropriété. Evolutions jurisprudentielles récentes », JCP N 2017, 1216; M. Pialoux, «Les
LA SITUATION DES COPROPRIÉTAIRES 203

Cour de cassation a récemment jugé que « sauf lorsque la sous-location a


été autorisée par le bailleur, les sous-loyers perçus par le preneur consti­
tuent des fruits civils qui appartiennent par accession au propriétaire »134.
A s’en tenir au droit de la copropriété, la question a parfois été posée sous
l’angle des troubles anormaux de voisinage, faute pour le syndicat ou les
copropriétaires de pouvoir se prévaloir d ’une clause interdisant formelle­
ment la locaüon de meublés1'"3. Il paraît également possible d’invoquer
une violation de l’article L. 631-7 du Code de la construction et de l’habita­
tion, lequel prévoit que « le fait de louer un local meublé destiné à l’habita­
tion de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage
qui n ’y élit pas domicile constitue un changement d’usage »136. Lorsque le
changement d’usage n ’a pas été autorisé, le syndicat des copropriétaires ou
toute personne y ayant intérêt pourrait invoquer la violation de ce texte137.
Préventivement, la solution la plus efficace paraît être la stipulation d ’une
clause interdisant la location en meublé ou la location de courte durée
dans le règlement de copropriété. Dès lors que la destination de l’im­
meuble, par exemple à usage d ’habitation et commercial, ne comprend
pas l’usage d’hôtel, une telle clause devrait être jugée licite138.

b. L ’encadrement du bail par les statuts spéciaux


334. Exigence d’un logement décent. - Imposée depuis la loi SRU du 13 décem­
bre 2000, l’exigence de délivrance d ’un logement décent n’est pas propre

locations meublées de courte durée vs CCH et copropriété », Rev. Loyers 2013, n°940, 378;
C. Sardot et A. T eitcf.n , « Le partage de l’occupation de l’immeuble d ’habitation : de la colo­
cation (mixité spatiale) à la location touristique temporaire (mixité temporelle) », Loyers et
copr. 2017, Étude 3.
134. Cass. 3e civ., 12 sept. 2019, n° 18-20727.
135. V. not., CA Pau, 13 déc. 2017, n° 17/02992, rejetant l’action en référé. V. aussi, sur cette ques­
tion, H. P erinet-Marquet, art. préc., n° 30 et s.
136. CCH, art. L. 631-7, al. 6 (réd. L. n° 2018-1021, 23nov. 2018).
137. Cass. 3e civ., 15janv. 2003, n° 01-03076 : Bull. civ. III, n° 8 : « les dispositions d’ordre public de
l’article L. 631-7 du Code de la construction et de l’habitation peuvent être invoquées par
toute personne qui y a intérêt». Pour une application à une location de «logement de
manière répétée sur de courtes durées à une clientèle de passage», Cass.3eciv., 12juill.
2018, n° 17-20654. Sur cette question, v. plus généralement, N. P aricaud, «Changement
d’usage et de destination d’un lot de copropriété », Defrénois 2014, 1131.
138. CA Paris, 9 o c l 2019, n° 17/00737. L’arrêt ajoute qu’« en effet, les allées et venues de person­
nes étrangères à l’immeuble générées par les locations en meublé dans la cour intérieure de
l’immeuble sont sans commune mesure avec la présence ponctuelle et généralement de jour
seulement, des personnes exploitant les locaux professionnels et/o u commerciaux visées
dans le règlement de copropriété ; outre le trouble de voisinage subi par les copropriétaires,
l’activité de location en meublé a des conséquences en terme d ’assurance de l’immeuble
compte tenu de l’aggravation du risque induit par l’augmentation de la présence de rési­
dents, à titre précaire, de l’immeuble ». Pour une clause réservant les bâtiments à l’usage
exclusif d ’habitation, Cass. 3” civ., 27 févr. 2020, n° 18-14305.
204 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

au droit de la copropriété139. C’est toutefois dans les immeubles en copro­


priété que l’on trouve le plus souvent des logements ne possédant pas les
caractéristiques requises. L’article 6 de la loi du ôjuillet 1989, qui ajoute
qu’un logement décent s’entend d ’un logement « ne laissant pas apparaître
de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la
santé, exempt de toute infestation d ’espèces nuisibles et parasites, répon­
dant à un critère de performance énergétique minimale et doté des élé­
ments le rendant conforme à l’usage d’habitadon », est précisé par un
décret du 30janvier 200214°. Cela concerne directement la location de
chambres de service de taille réduite puisqu’aux termes de son article 4,
« le logement dispose au moins d’une pièce principale ayant soit une sur­
face habitable au moins égale à 9 mètres carrés et une hauteur sous plafond
au moins égale à 2,20 mètres, soit un volume habitable au moins égal à
20 mètres cubes ». Cela concerne également la mise aux normes de certai­
nes installations communes, par exemple les dispositifs de retenue des per­
sonnes dans le logement et ses accès ou l’état de conservation et d’entretien
des matériaux de construction141. De fait, certains lots pourraient être
exclus de la location à usage d ’habitation en raison de l’entretien défaillant
des parties communes, qui relève du syndicat, non du copropriétaire.
335. Information du locataire. - La pratique avait depuis longtemps pris l’habi­
tude d’insérer, dans les contrats de bail, des informations relatives à la
copropriété, notamment sur la répartition entre parties privatives et parties
communes et sur l’usage de celles-ci. La loi du 6juillet 1989 impose une
telle clause en précisant son contenu. « Lorsque l’immeuble est soumis au
statut de la copropriété, le copropriétaire bailleur est tenu de communi­
quer au locataire les extraits du règlement de copropriété concernant la
destination de l’immeuble, la jouissance et l’usage des parties privatives et
communes, et précisant la quote-part afférente au lot loué dans chacune
des catégories de charges »’ 2. Ces éléments figurent dans le contrat-type
de location de logement à usage de résidence principale143. Ils permettent
d’assurer l’opposabilité du règlement de copropriété au tiers, le locataire.

139. C. civ., art. 1719: «Le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin
d ’aucune stipulation particulière :
1° De délivrer au preneur la chose louée et, s’il s’agit de son habitation principale, un loge­
ment décent. Lorsque des locaux loués à usage d ’habitation sont impropres à cet usage, le
bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l’expul­
sion de l’occupant ; (...) ». V. not., M. Ghiguno, « La délivrance d ’un logement décent », AJDI
2019, p. 761.
140. D. n° 2002-120 du 30janv. 2002.
141. D. n° 2002-120 du 30janv. 2002, art. 2, 3° et 4°.
142. L. 6juill. 1989, art. 2.
143. D. n° 2015-587, 29 mai 2015, relatif aux contrats types de location de logement à usage de
résidence principale.
LA SITUATION DES COPROPRIETAIRES 205

Lorsque celui-ci cause un trouble affectant la copropriété, le syndicat


pourra agir directement contre le bailleur, copropriétaire qui répond du
fait de son locataire. Dans les rapports entre bailleur et locataire, le bailleur
pourra toujours se retourner contre son locataire pour récupérer l’intégra­
lité des sommes versées au syndicat. En revanche, à défaut d’information, la
jurisprudence considère que les locataires ne peuvent se voir reprocher un
quelconque manquement au règlement de copropriété144.

2. L ’exécution du contrat de bail


336. Plan. - Le contrat de bail, qui lie seulement le copropriétaire bailleur et le
locataire, subit l’influence du règlement de copropriété, lequel affecte éga­
lement les rapports entre le locataire et le syndicat des copropriétaires.

a. Les rapports entre locataire et bailleur


337. Respect des stipulations du bail. - Les rapports entre locataire et bailleur
sont régis par le contrat de bail, soumis aux dispositions du droit commun
du bail et du régime spécial éventuellement applicable, notamment dans le
bail d’habitation ou le bail commercial. Cela implique notamment que le
contrat conclu entre bailleur et locataire peut valablement prévoir des sti­
pulations qui seraient interdites dans un règlement de copropriété. Ainsi,
une clause de non-concurrence, par laquelle le bailleur s’engagerait à ne
pas louer à d’autres locataires pour l’exercice d’activités concurrentes, le
plus souvent interdite dans le règlement de copropriété, peut être valable­
ment stipulée au sein d’un bail commercial14’.
338. Obligations du locataire. - Sans aborder l’ensemble des obligations du loca­
taire, le statut de l’immeuble en copropriété pose nécessairement la ques­
tion du paiement des charges. Le locataire, en tant qu’usager de l’im­
meuble, est celui qui profite des services communs et équipements
collectifs de la copropriété. En droit commun, le contrat de bail pourrait
ainsi prévoir, dans les limites légales, une répartition des charges déséquili­
brée ou des modalités particulières de paiement. On notera cependant
qu’à l’égard du bail d’habitation, le décret du 26 août 1987 énumère limi­
tativement les charges récupérables, dont la liste ne recoupe qu’imparfaite-
ment la distinction des charges prévue par la loi de 1965 . Dans le même

144. Cass. 3e civ., 3 mars 2004, n° 02-14396 : Bull. civ. III, n° 47.
145. Cass. 3e civ., 7 mars 1984, n° 82-12495 : Bull. civ. III, n° 63, jugeant que les dispositions de la loi
du 10juillet 1965 ne s’appliquaient pas aux conventions régissant les rapports entre le bail­
leur et le locataire et que l’engagement de non-concurrence qui y était stipulé devait être
respecté.
146. D .n” 87-713, 26 août 1987.
206 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

esprit, l’article L. 145-40-2 du Code de commerce prévoit certaines catégo­


ries de charges non récupérables par le bailleur.
339. Obligations du bailleur. - Conformément au droit commun, le bailleur est
tenu d ’obligaüons de délivrance, d’entretien et de garantie du bien14'. Il
répondra donc à l’égard de son locataire des difficultés pouvant survenir
dans l’exécution du bail, notamment des troubles de jouissance subis. On
songe, par exemple, aux hypothèses dans lesquelles le bail conférerait au
preneur des droits dont ne disposait pas le bailleur, notamment lorsque
l’usage prévu du bien est prohibé par le règlement de copropriété148.
Cela ne signifie pas que le bailleur assumera la charge définitive de la
réparation, lorsque le problème est lié à l’inaction du syndicat. Mais il doit
garantie à son locataire, au titre de l’exécution du contrat de bail. La ques­
tion est cependant plus délicate lorsque le trouble résulte d’une atteinte
aux parties communes, ce qui pose le problème des relations entre loca­
taire et syndicat.

b. Les rapports entre locataire et syndicat des copropriétaires


340. Troubles subis par le locataire. - Les rapports entre le syndicat et le loca­
taire demeurent exclusivement extra-contractuels. Même s’il y est nécessai­
rement intéressé, ce dernier ne peut ainsi contester des décisions d ’assem­
blée générale qui lui porteraient préjudice149. Les troubles de jouissance
subis par le locataire seront réglés en tenant compte de l’effet relatif de
deux actes de nature contractuelle, le bail et le règlement de copropriété.
D’une part, puisque le contrat de bail lie seulement le bailleur et le loca­
taire, le syndicat ne peut s’en voir opposer les clauses. Le bailleur ne saurait
donc insérer des clauses contraires à celles prévues par le règlement de
copropriété par la voie contractuelle, sauf à en répondre à l’égard de son
locataire. En cas d’incendie, les règles des articles 1733 et 1734 du Code
civil trouvent à s’appliquer, ce qui permet d ’engager la responsabilité de
plein droit du preneur à l’égard du bailleur, sauf à démontrer que l’incen­
die a débuté dans les parties privatives d’un autre copropriétaire ou dans les
parties communes, sur lesquelles il n ’exerce aucun pouvoir de
surveillance1’0.
D’autre part, lorsque le locataire subit un trouble du fait de l’inexécution
du règlement de copropriété, notamment lorsqu’il est porté atteinte aux
parties communes, l’articulation est plus complexe. Le bailleur est tenu
contractuellement d ’assurer la jouissance paisible du preneur dans les

147. C.civ., art. 1719.


148. V. not. Cass. 3e civ., 9janv. 1991, n° 89-20095.
149. Cass. 3e civ., 23 mars 1988, n° 86-15368 : Bull. civ. III, n° 64.
150. V. not. Cass. l reciv., lSjuill. 1978, iT 77-11503: Bull. civ. I, n°275.
LA SITUATION DES COPROPRIETAIRES 207

locaux loués, ce qui englobe les parties communes. Néanmoins, le bailleur


ne dispose pas de pouvoirs sur les parties communes, leur gestion relevant
de la compétence du syndicat. Le locataire peut agir par la voie contrac­
tuelle contre le bailleur131, lequel appellera en garantie le syndicat1’2. Il
doit également pouvoir agir directement contre le syndicat sur le fonde­
ment de l’article 1240 du Code civil, dès lors qu’il démontre avoir subi un
dommage du fait de l’inexécution du règlement par l’inaction du syndicat.
341. Troubles subis par le syndicat. - Le syndicat dispose de deux actions pour
obtenir le respect du règlement de copropriété ou la réparation des trou­
bles causés par le locataire, notamment des travaux réalisés sans l’accord du
syndicat ou des nuisances causées par l’exploitation d ’une activité prohibée.
Contre le copropriétaire bailleur, le syndicat ou les copropriétaires peuvent
exercer les actions propres au statut de la copropriété. Lorsque le bail est
contraire à la destination de l’immeuble, il semble possible d’agir en annu­
lation, par voie paulienne, dans le délai de dix ans prévu par l’article 42153.
Contre le locataire, l’action sera fondée sur l’opposabilité du règlement de
copropriété à son égard, qui résulte normalement de l’annexion du règle­
ment à son contrat ou de l’information qui lui a été donnée du contenu de
certaines clauses134. La jurisprudence a même déjà admis que le syndicat
poursuive par la voie oblique la résiliation du bail, en raison de la carence
du bailleur135.

§ 2. Les pouvoirs des copropriétaires sur les parties privatives


342. Présentation. - Si les parties privatives devaient constituer l’illustration par
excellence de la qualité de propriétaire du copropriétaire et de l’exclusi­
visme de ses pouvoirs136, la désillusion serait forte. Car il n ’est point, s’agis­
sant de l’appartement, du local commercial ou du garage, de pouvoir qui
pourrait s’exercer de manière autonome. En dépit des termes de l’article 9
de la loi du lOjuillet 1965, le copropriétaire ne saurait évidemment céder
tout ou partie de ses parties privatives seules, c’est-à-dire sans la quote-part

151. Le bailleur n ’est pas exonéré au seul motif que les parties communes relèvent des attributions
du syndicat, la jurisprudence exigeant que soit vérifié que les diligences nécessaires ont été
accomplies (Cass. 3e civ., 11 mars 1992, n° 90-11886 : Bull. civ. III, n° 81).
152. Action fondée sur l’article 9, alinéa 5, de la loi du lOjuillet 1965 (Cass. 3e civ., 14janv. 2015,
n° 13-28030, Bull. civ. III, n° 3).
153. Dans le même sens, v. C. Atias et N. Le Rudulier, Rép. civ. Dalloz, v° « Copropriété des immeu­
bles bâtis : droits et obligations », 2018, n° 82, qui s’appuient sur Cass. 3e civ., 9juin 1993,
n° 90-18043.
154. V. not. Cass. 3e civ., 14avr. 2010, n° 09-13315.
155. Cass. 3e civ., 14nov. 1985, n° 84-15577: BulLcivAU, n°143; Cass. 3e civ., 22juin 2005, n°04-
12540.
156. L. lOjuill. 1965, art. 2.
208 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

de parties communes qui lui est indissociablement liée’3'. Mais même lors­
qu’il use, jouit ou a fortiori aménage son espace privatif, ses droits doivent
être conciliés avec l’intérêt collectif et les droits des autres copropriétaires.

A. L’usage et la jouissance des parties privatives


343. Plan. - L’article 9 de la loi du 10juillet 1965 énonce que chaque coproprié­
taire « use et jouit librement des parties privatives et des parties communes
sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres coproprié­
taires ni à la destination de l’immeuble ». Le principe de liberté d’usage et
de jouissance des parties privatives subit ainsi de nombreuses restrictions.

1. La liberté d ’usage et de jouissance des parties privatives


344. Affectation des parties privatives. - Le règlement de copropriété peut pré­
voir, dès l’origine, que les parties privatives ne pourront être affectées qu’à
un usage déterminé1’8. Il en est ainsi des clauses d ’habitation bourgeoise
ou exclusivement bourgeoise, des clauses qui limitent l’exercice d ’une acti­
vité commerciale au rez-de-chaussée de l’immeuble ou de celles qui restrei­
gnent les activités commerciales susceptibles d’être exercées. Comme toute
restriction aux droits des copropriétaires, de telles clauses doivent cepen­
dant être conformes à la destination de l’immeuble1’9.
345. Changement de destination des parties privatives.- Aux termes de l’arti­
cle 26, alinéa 7, de la loi du 10juillet 1965, « l’assemblée générale ne peut, à
quelque majorité que ce soit, imposer à un copropriétaire une modification à
la destination de ses parties privatives ou aux modalités de leur jouissance,
telles qu’elles résultent du règlement de copropriété ». Tout changement de
destination160, toute modification dans les modalités d’usage de son lot161,
requiert l’accord du copropriétaire concerné. Inversement, chaque copro­
priétaire peut en principe modifier librement l’affectation de ses parties pri­
vatives, sauf à porter atteinte à la destination de l’immeuble.

2. Les restrictions à l’usage et la jouissance des parties privatives


346. Restrictions tirées du règlement de copropriété. - Le règlement détermi­
nant la destination des parties privatives, il constitue une restriction

157. O n notera toutefois que la défense de ses parties privatives p erm et toujours à u n coproprié­
taire d ’agir. Sur ce point, v. infra, n u 150.
158. L. lOjuill. 1965, art. 8.
159. V. supra, n° 303.
160. V. non, Cass. 3e civ., 5juill. 2011, n° 09-71263 (changem ent d ’affectation d ’u n débarras en
pièce d ’habitation).
161. V. not., Cass. 3e civ., 16 sept. 2003, n° 02-16129 (résolution interdisant l’exercice d ’une activité de res­
tauration dans un immeuble où le règlement autorisait les activités commerciales, sans restriction).
LA SITUATION DES COPROPRIETAIRES 209

normale et permanente à leur usage. Le contentieux est abondant et


résulte surtout des velléités de changement d ’usage. On y retrouve très sou­
vent les hypothèses d’exploitation d’un commerce dans un immeuble d ’ha­
bitation bourgeoise ou d ’exercice d’une pratique religieuse '.
347. Restrictions tirées des rapports de voisinage. Renvoi. - Le copropriétaire,
comme tout occupant de l’immeuble en copropriété, est soumis à l’obliga­
tion de ne pas causer de troubles anormaux de voisinage. La restriction ne
fait pas doublon avec celles tirées du règlement de copropriété puisqu’il ne
s’agit pas de démontrer une faute, pas même une inexécution quelconque,
mais simplement l’anormalité du trouble causé. Un usage licite des parties
privatives, au sens du règlement de copropriété, peut parfaitement causer
un trouble anormal aux autres copropriétaires164. Cette question a déjà été
abordée163.
348. Atteintes subies du fait de l’exécution de travaux d’intérêt commun.-
L’exécution de travaux sur les parties communes peut nécessiter l’accès
aux parties privatives d ’un copropriétaire. L’article 9, alinéa 2, de la loi du
lOjuillet 1965 prévoit cette hypothèse : « si les circonstances l’exigent et à
condition que l’affectation, la consistance ou la jouissance des parties priva­
tives comprises dans son lot n’en soient pas altérées de manière durable,
aucun des copropriétaires ou de leurs ayants droit ne peut faire obstacle à
l’exécution, même à l’intérieur de ses parties privatives, des travaux réguliè­
rement et expressément décidés par l’assemblée générale en vertu des a
et b du II de l’article 24, desf, g et o de l’article 25 et de l’article 30 ».
La liste des travaux devant être supportés par les copropriétaires dans leurs
parties privatives n’a cessé de croître, puisqu’elle comprend désormais,
depuis la loi ALUR, non seulement les travaux d ’amélioration (art. 30), les
travaux d’économie d ’énergie ou d’individualisation de la fourniture d ’eau,
de suppression d’un vide-ordures (art. 25, f, g, o), mais encore les travaux
nécessaires à la conservation de l’immeuble ainsi qu’à la préservation de la
santé et de la sécurité physique des occupants166, ainsi que ceux rendus obli­
gatoires en vertu de dispositions légales ou réglementaires (art. 24, II, a et b).
Le texte exige cependant que ces travaux présentent un caractère de néces­
sité, qui doit conduire le syndicat à éviter autant que possible d’y recourir16'.

162. V. n o t, Cass. 3e civ., 6 févr. 1991, n° 89-16864. Adde, pour l’agrandissement d’un restaurant au
sein de parties privatives à usage d’habitation, Cass. 3e civ., 3juin 1971, n° 70-10907:
Bull. civ. III, n° 349.
163. Sur cette question, v. supra, n° 86.
164. V. n o t Cass. 3e civ., 23 avr. 2013, nu 12-16648.
165. V. supra, n" 46 et s.
166. Pour une illustration, Cass. 3' civ., 30janv. 2007, n° 06-13886.
167. Sur le contrôle exercé par la Cour de cassation, v. not. Cass. 3e civ., 20 oct. 2010, n° 09-14244 :
Bull. civ. III, n° 188.
210 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS
Les modalités de réalisation des travaux sont également encadrées puisque
le copropriétaire devra recevoir une notification au moins huit jours avant
le début de leur réalisation, sauf impératif de sécurité ou de conservation
des biens168. Ce copropriétaire ne devra pas faire obstacle à l’exécution des
travaux à peine de se voir contraint de laisser l’accès et d’engager sa
responsabilité169. Toute atteinte emportant un trouble de jouissance
grave, même temporaire, ou des dégradations, ouvre droit à une indemnité
au profit du copropriétaire affecté. La même solution s’applique en cas de
diminution définitive de la valeur de son lot170. La charge de cette indem­
nité sera répartie entre les copropriétaires en proportion de la participation
de chacun au coût des travaux, ce qui conduit à tenir compte, le cas
échéant, de la participation du copropriétaire affecté1' 1.
349. Réalisation de travaux d’intérêt collectif sur les parties privatives.
L’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 élargit la liste des travaux
d’intérêt collectif susceptibles d’être réalisés sur les parties privatives
d’un copropriétaire en l’absence d’accord de sa part. Initialement limi­
tée, puis étendue par la loi ALUR, l’énumération disparaît au profit
d’une formule générale qui figurait déjà dans la rédaction antérieure,
celle des « travaux d’intérêt collectif ». Lorsqu’ils ont été régulièrement
décidés par l’assemblée générale, et dès lors que l’affectation, la consis­
tance ou la jouissance des parties privatives n’en sont pas altérées de
manière durable, le copropriétaire concerné ne peut y faire obstacle.
Comme bien souvent, les rédacteurs de l’ordonnance n’innovent pas
mais amplifient un mouvement amorcé précédemment. L’atteinte au
droit du copropriétaire sur ses parties privatives étant considérable1u ,
l’article 9, II, alinéa 2, prévoit une limite dans l’hypothèse où une solu­
tion alternative, n’affectant pas les parties privatives, existe. Dans ce cas,
les travaux ne pourront être imposés « que si les circonstances le justi­
fient ». En fait de limitation de l’atteinte portée au droit du

168. L. lOjuill. 1965, art. 9, al. 4. Le texte précise en outre que le syndicat exerce les pouvoirs du
maître d’ouvrage jusqu’à réception des travaux (al. 3).
169. V. not., Cass. 3e civ., 21janv. 2010, n° 08-15884. Comp. Cass. 3cciv., 8juin 1988, n° 87-12367:
Bull. civ. III, n° 104.
170. L. 10juill. 1965, art. 9, al. 5. Le trouble subi ne saurait être indemnisé sur un autre fondement.
Pour l’exclusion du principe de responsabilité du fait des choses tiré de l’article 1242, ali­
néa 1er, du Code civil, Cass. 3e civ., 14janv. 2015, n° 13-28030.
171. Le copropriétaire subira également la charge des frais supplémentaires engendrés par des
travaux qu’il aurait réalisés dans ses parties privatives en violation du règlement. V. not,
pour les frais de dépose du coffrage privatif mis en place dans une salle de bains,
Cass. 3e civ., 17juin 2009, n° 08-16144.
172. Certains auteurs évoquant un « droit de propriété relatif » (D. T om asin , « La structure juridique
de l’immeuble en copropriété après l’ordonnance du 30octobre 2019 », AJDI2019, p. 847).
LA SITUATION DES COPROPRIÉTAIRES 211

copropriétaire, on a connu plus vigoureux. Car le terme employé, « cir­


constances », n ’offre aucune garantie sérieuse aux copropriétaires. Défi­
nies juridiquement comme des « éléments de fait qui caractérisent un cas
particulier, une cause (circonstances de l’espèce) ou une situation plus
générale (circonstances économiques)»1'3, les circonstances ne pren­
nent forme qu’une fois qualifiées : atténuantes, aggravantes, exception­
nelles. Et lorsqu’elles sont utilisées seules, c’est le « changement» de ces
circonstances qui est apprécié, offrant au juge une référence
d ’appréciation1'4. Si la formule existait déjà, la réécriture du texte en a
modifié la portée. Dans la rédaction actuelle, l’article 9 prévoit que « si
les circonstances l’exigent (...), aucun des copropriétaires (...) ne peut
faire obstacle à l’exécution, même à l’intérieur de ses parties privatives
des travaux». Les «circonstances» visées par le texte sont nécessaire­
ment en lien avec la réalisation des travaux qui impliqueraient une
atteinte aux parties privatives. Dans la rédaction en vigueur à compter
du l erjuin 2020, l’article 9 prévoit d ’abord qu’« un copropriétaire ne
peut faire obstacle à l’exécution, même sur parties privatives, de travaux
d ’intérêt collectif régulièrement décidés par l’assemblée générale ». Il
poursuit en précisant que « la réalisation de tels travaux sur une partie
privative, lorsqu’il existe une autre solution n ’affectant pas cette partie,
ne peut être imposée au copropriétaire concerné que si les circonstances
le justifient ». L’hypothèse de circonstances de nature technique (impos­
sibilité de procéder sans atteinte aux parties privatives) étant requise au
titre de l’existence d’une solution alternative, les « circonstances » visées
peuvent se référer à des hypothèses variées, incluant notamment le coût
économique de la solution alternative pour le syndicat. Sauf à interpréter
de manière restrictive le verbe «exiger», les circonstances ne garantis­
sent pas pleinement le copropriétaire contre les atteintes à son droit de
propriété sur ses parties privatives173. En réalité, la protection n ’est assu­
rée qu’indirectement, par la mise en place d’une procédure d ’indemni­
sation, laquelle inclut la possibilité d’une indemnité provisionnelle « en
cas de privation totale temporaire de jouissance du lot ».

173. G. C ornu (dir.), Vocabulaire juridique, 10e éd., PUF, 2014, v° « circonstances », sens 1.
174. C. civ., art. 1195.
175. V. aussi en ce sens, G. Gil, « Les travaux. Les apports de l’ordonnance du 30 octobre 2019 »,
Loyers et copr. 2020, dossier 10, n° 34.
212 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

B. Les aménagements des parties privatives

1. Les travaux sans incidence sur les parties communes ou l’aspect extérieur
de l’immeuble
350. Principe de liberté d’usage et de jouissance. - L’article 9 de la loi affirme
clairement que chaque copropriétaire use et jouit librement de ses parties
privatives sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres
copropriétaires1'6, ni à la destination de l’immeuble1“ . L’article 25, b), de
la loi de 1965 qui soumet à autorisation les travaux individuels des copro­
priétaires affectant les parties communes ou l’aspect extérieur de l’im­
meuble justifie a contrario cette solution. Le règlement de copropriété ne
peut donc imposer des contraintes spécifiques telles que l’information du
syndic ou la visite préalable d ’un architecte nommé par ses soins178. Ainsi,
dès lors que l’aspect extérieur de l’immeuble n ’est pas affecté, et sous
réserve des éventuelles autorisations administratives requises, chaque
copropriétaire peut procéder au réaménagement de ses parties privatives
en abattant ou en construisant des cloisons179, en créant une
mezzanine180 ou en condamnant une cheminée181.

2. Les travaux affectant les parties communes ou l’aspect extérieur


de l’immeuble
351. Principe. - Un copropriétaire peut être autorisé par l’assemblée générale,
statuant à la majorité des voix de tous les copropriétaires182, à effectuer à
ses frais des travaux affectant les parties communes ou l’aspect extérieur de
l’immeuble, dès lors qu’ils sont conformes à sa destination. Les hypothèses
sont nombreuses, qui vont de la pose d’enseignes commerciales188 au per­
cement d’une fenêtre donnant sur la rue184, en passant par le

176. Sur les troubles de voisinage en copropriété, v. supra, n° 46 et s.


177. Sur la pratique des lots transitoires, v. supra, n° 35. Adde, jugeant que le droit à construire sur
un lot n ’est pas soumis aux règles d ’autorisation de la copropriété dès lors qu’en vertu du
règlement de copropriété son titulaire bénéficie du droit d’édification de tous bâtiments et
constructions, Cass. 3e civ., 8juin 2011, n° 10-20276 : Bull. civ. III, n° 96.
178. Cass. 3e civ., 27janv. 2015, n° 13-21853.
179. Cass. 3e civ., 10 mars 1981, n” 79-12950 : Bull. civ. III, n° 52.
180. Cass. 3' civ., 26 mai 1993, n" 90-21571.
181. J.-R. Bouyeure, Les travaux dans la copropriété, Sirey, 1989, n° 334.
182. L. lOjuill. 1965, art. 25, b). La passerelle de l’article 25-1 est applicable.
183. Pour une enseigne lumineuse, Cass. 3e civ., 24oct. 1990, n° 88-17514 : Bull. civ. III, n° 199.
184. Toute clause du règlement de copropriété autorisant par avance le copropriétaire devant être
réputée non écrite (Cass. 3e civ., 12 mars 1997, n° 95-15953 : Bull. civ. III, n° 58).
LA SITUATION DES COPROPRIETAIRES 213

remplacement d’un élément d ’équipement commun18’ ou l’installation


d ’une antenne de télévision. Les travaux réalisés seront à la charge d ’un
ou plusieurs copropriétaires. Lorsqu’une pluralité de copropriétaires sont
concernés, se forme entre eux une sorte de groupement restreint qui sus­
cite des difficultés de fonctionnement, notamment pour la répartition des
charges ou l’usage de l’équipement par d’autres copropriétaires186.
352. Autorisation de l’assemblée générale. - L’autorisation de l’assemblée géné­
rale est requise dès lors que les travaux affectent les parues communes, et
ce même s’ils sont exigés par des autorités administratives187, qu’ils visent à
rendre l’immeuble conforme au règlement de copropriété188 ou qu’ils pré­
sentent un caractère urgent189. Ce sont donc tous les travaux privatifs, sans
aucune distinction, réalisés dans les parties communes, qui doivent être
préalablement autorisés par l’assemblée générale des copropriétaires190.
L’assemblée générale, seule compétente pour délivrer l’autorisation191, sta­
tue, à la demande du ou des copropriétaires concernés, à la majorité des
voix de tous les copropriétaires192. La situation est parfois plus complexe,
lorsque les travaux affectant les parties communes conduisent à une
emprise sur celles-ci, nécessitant leur aliénation. Dans ce cas, en effet, la
majorité de l’article 26 serait requise. La jurisprudence relative à l’apprécia­
tion de l’emprise n ’est pas toujours parfaitement lisible193, mais la demande
d’autorisation formulée sur le fondement de l’article 25 ne saurait permet­
tre à un copropriétaire d’agrandir ses parties privatives sur les parties
communes19 .
353. Autorisation judiciaire. - L’article 30, dernier alinéa, prévoit qu’en cas de
refus de l’autorisation par l’assemblée générale, tout copropriétaire ou
groupe de copropriétaires peut être autorisé par le tribunal judiciaire à exé­
cuter tous travaux d’amélioration conformes à la destination de l’im­
meuble, notamment la transformation d’un élément d’équipement

185. Cass. 3e civ., 18 sept. 2012, n° 11-18894: autorisation donnée à un copropriétaire de procéder
au changement, à ses frais, de la chaudière.
186. V. infra, n° 351.
187. Cass. 3e civ„ 8 nov. 2006, n° 05-19141 : D. 2007, p. 2188, obs. P. Capoulade.
188. Cass. 3e civ., 2 mars 2005, n° 03-20889 : Bull. civ. III, n° 54.
189. A fortiori lorsque l’urgence est imputable à la négligence du copropriétaire (Cass. 3e civ., 3juin
2014, n" 13-15424).
190. Cass. 3e civ., 6 mars 1991, n° 88-16770 : Bull. civ. III, n° 81.
191. A l’exclusion notamment du conseil syndical, Cass. 3e civ., 25janv. 1995, n° 92-19600:
Bull. civ. III, n° 81.
192. Les travaux d’accessibilité aux personnes handicapées ou à mobilité réduite sont cependant
autorisés à la majorité de l’article 24, c).
193. J.-R. Bouyeuhe, op. cit, n° 347.
194. Cass. 3e civ., 20 mars 2002, n° 00-17751 : Bull. civ. III, n° 70.
214 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

commun, l’adjonction d’éléments nouveaux, l’aménagement ou la création


de locaux affectés à l’usage commun. Quant à la procédure, d’une part,
l’autorisation judiciaire, de nature subsidiaire, implique un refus préalable
par l’assemblée générale19’ d’une demande relevant de l’article 25, b), de
la loi de 1965196. La demande formée devant le tribunal n’étant pas desti­
née à contester la décision d ’assemblée générale mais à obtenir l’autorisa­
tion judiciaire d’exécuter les travaux n ’est pas soumise au délai de prescrip­
tion de deux mois, mais au délai de l’article 2224 du Code civil19 . Quant
aux travaux susceptibles d’être autorisés, d’autre part, une difficulté d’inter­
prétation découle de la rédaction même de l’article 30, lequel vise des « tra­
vaux d ’amélioration ». Or, l’article 25, b), est plus large, qui évoque simple­
ment les travaux réalisés par un copropriétaire affectant les parties
communes. La condition d ’amélioration est appréciée avec souplesse par
la jurisprudence, qui n ’exige pas qu’elle profite à l’ensemble des
copropriétaires198. Encore faut-il cependant que les travaux projetés soient
conformes à la destination de l’immeuble. Lorsqu’il autorise les travaux, le
tribunal fixe en outre les conditions dans lesquelles les autres copropriétai­
res pourront utiliser les installations ainsi réalisées199. L’usage des installa­
tions par les autres copropriétaires sera soumis au versement de leur quote­
part dans le coût de la réalisation.
354. Sort des travaux édifiés sans autorisation. - L’autorisation est normalement
requise avant le commencement des travaux. Il est cependant admis qu’une
décision d’assemblée générale, statuant à la majorité de l’article 25, puisse
les ratifier a posteriori2 °. À défaut, le copropriétaire sera tenu de remettre
les parties communes dans leur état initial, notamment en procédant à la
démolition des constructions éventuelles201.
355. Travaux d’accessibilité des logements aux personnes handicapées.

Les travaux réalisés par un copropriétaire en vue de l’accessibilité aux


personnes handicapées ou à mobilité réduite devaient être autorisés par

195. V. not., Cass. 3e civ., 4juin 2014, n° 13-15400, concédant que les travaux n ’ont pas à être rigou­
reusement identiques à ceux refusés par l’assemblée générale, dans une espère où le projet
soumis avait été légèrement amélioré dans l’intervalle, notamment sur le plan esthétique (ins­
tallation d ’une gaine d’extraction des gaz brûlés).
196. Pour un rejet dans l’hypothèse où les travaux d ’aménagement d ’un toit-terrasse nécessitaient
une modification du règlement de copropriété et relevaient de l’article 26, Cass. 3e civ., 3juin
2014, n° 13-15753.
197. Cass. 3' civ., 12 sept. 2009, n° 09-12654 : Bull. civ. III, n° 83.
198. Cass. 3e civ., 13 févr. 1991, n° 89-15938 : BuU. civ. III, n° 54.
199. L. 10juill. 1965, art. 30, al. 4.
200. Cass. 3e civ., 9 mars 2005, n° 03-12596 : Bull civ. III, n" 64.
201. V. not. Cass. 3e civ., 15 déc. 1999, n° 98-12715.
LA SITUATION DES COPROPRIETAIRES 215

l’assemblée générale à la majorité de l’ardcle 24, et non à celle de l’arti­


cle 25. Malgré tout, cette nécessité de solliciter une autorisation conduit
encore à des refus de travaux portant sur l’installation d ’un ascenseur ou
d ’un monte-escalier fondés sur l’atteinte esthédque à l’im m euble202.
L’ordonnance du 30 octobre 2019 entend am éliorer la situation en ren­
versant le mécanisme actuel pour l’accessibilité du logem ent203. Plutôt
que le copropriétaire doive solliciter l’autorisadon de l’assemblée géné­
rale, il lui incom bera seulem ent de nodfier au syndic une dem ande d ’in-
scripdon d ’un point d ’inform ation à l’ordre du jo u r de la prochaine
assemblée générale. L’autorisadon est donc réputée obtenue, sauf pour
l’assemblée générale, statuant « à la majorité des voix des
copropriétaires »204, à s’y opposer par décision modvée par l’atteinte por­
tée par les travaux à la structure de l’immeuble ou à ses éléments d ’équi­
pem ent essendels ou par leur non-conformité à la desdnadon de l’im­
meuble. A l’évidence, les modfs énum érés limitativement devraient
em pêcher la persistance d ’opposidons injustifiées. A l’occasion des tra­
vaux, le copropriétaire exercera les pouvoirs du m aître d ’ouvrage.

§ 3. Les pouvoirs des copropriétaires sur les parties communes


356. Propriété indivise entre les copropriétaires. - Aux termes de l’article 4 de la
loi du 10juillet 1965, «les parues com m unes sont l’objet d ’une propriété
indivise entre l’ensemble des copropriétaires ou certains d ’entre eux seule­
m ent». Sur ces parties com m unes la copropriété des immeubles bâtis
devrait donc se rapprocher de l’indivision de droit commun. Mais la spéci­
ficité de ce statut apparaît tant dans les pouvoirs de disposition, que dans les
pouvoirs d ’usage et de jouissance des copropriétaires.

A. La disposition des parties communes


357. Absence de pouvoir individuel de disposer des parties communes.-
Chaque copropriétaire est titulaire de parties privatives et d ’une quote-

202. V. n o t, refusant déjuger le refus constitutif d’un abus de majorité, faute d ’intention de nuire,
CA Aix-en-Provence, 2 avr. 2010, n° 2010/123: Loyers et copr. 2010, comm. 331, obs.
G. Vigneron.
203. Ce qui ne vise pas toutes les parties privatives des lots. V. G. G il, « Les travaux. Les apports de
l’ordonnance du 30 octobre 2019 », loyers et copr. 2020, dossier 10, nu 16 et s.
204. La formule n ’est pas identique à celle de l’article 25, même si le rapport sur l’ordonnance
laisse entendre que c’est bien cette majorité qui était visée par le gouvernement. En l’état,
un doute sérieux subsiste sur l’interprétation de ce texte, qui pourrait être rapproché de l’ar­
ticle 24 (« majorité des voix exprimées des copropriétaires ») ou de l’article 25 (« majorité des
voix de tous les copropriétaires »). La rédaction sera, peut-on espérer, modifiée à l’occasion
de la ratification à venir.
216 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS
part de parties communes. Mais ces deux éléments sont indissociables, si
bien que la cession de tout ou parue de ses parties communes par un copro­
priétaire est impossible sans la cession simultanée de parues privatives. L’ar­
ticle 6 de la loi du lOjuillet 1965 énonce ainsi que « les parties communes et
les droits qui leur sont accessoires ne peuvent faire l’objet, séparément des
parties privaüves, d’une action en partage ni d’une licitation forcée ». La
jurisprudence en tire comme conséquence que l’expropriaüon d’un lot
de copropriété à l’exception des parties communes n’est pas possible203.
La loi ALUR a cependant ouvert une brèche dans ce principe en introdui­
sant, à titre expérimental pour une durée de dix ans, la possibilité d’expro­
prier les parues communes206. Cette expropriation a lieu au profit de la
commune ou d’un établissement public de coopération intercommunal
(EPCI). L’état descriptif de division est alors modifié, distinguant les
« biens privatifs », auxquels est attachée « une servitude des biens d’intérêt
collectif ». C’est bien la structure même de la copropriété qui est affectée,
chaque copropriétaire n’étant plus titulaire que de biens privatifs, sans que
soit mise en commun la propriété des parties communes.
358. Aliénation des parties communes par la collectivité des copropriétaires. -
Les copropriétaires réunis en assemblée générale peuvent décider d’accom­
plir des actes de disposition portant sur les parties communes. Les hypothè­
ses sont nombreuses, qui vont de la cession d’un morceau de couloir ou de
comble à la vente de la loge du concierge, en passant par la cession d’un
droit à construire. Les règles de majorité varient suivant le type d’actes.
Lorsque la cession résulte de la mise en œuvre d’une obligation légale ou
réglementaire, elle est soumise à la majorité de l’article 25, soit la majorité
des voix de tous les copropriétaires20'. Dans les autres cas, c’est la majorité
de l’article 26 qui s’applique, c’est-à-dire la majorité des deux tiers des voix,
représentant au moins la moitié des copropriétaires. L’unanimité est même
requise pour décider l’aliénation de parties communes dont la conservation
est nécessaire au respect de la destination de l’immeuble208. Si l’acte de
cession ou de constitution d’un droit réel est valablement passé par le syn­
dicat après l’autorisation209, le prix en sera réparti entre les copropriétaires

205. Cass. 3' civ., 31janv. 2007, n” 06-12404: Bull. civ. III, n°14; AJDI 2007, p. 484, obs.
P. Capoulade.
206. CCH, art. L. 615-10.
207. L. lOjuill. 1965, art. 25, d), qui évoque les règles « relatives à l’établissement de cours commu­
nes, d’autres servitudes ou à la cession de droits de mitoyenneté ».
208. L. lOjuill. 1965, art. 26, dernier alinéa.
209. L. lOjuill. 1965, art. 16, al. 1".
LA SITUATION DES COPROPRIÉTAIRES 217

suivant leur quote-part dans les parties communes"’10, et non en le divisant


au préalable entre les bâtiments211.

B. L’usage et la jouissance des parties communes


359. Conciliation des droits des copropriétaires. - Entre la liberté individuelle
du copropriétaire et la préservation des intérêts de la collectivité, le législa­
teur de 1965 a privilégié la seconde. L’article 8 de la loi du 10juillet 1965
confie en effet au règlement de copropriété le soin de déterminer la desti­
nation des parties communes, ainsi que les conditions de leur jouissance. Et
si l’article 9 pose un principe de liberté d ’usage et de jouissance des parties
communes par les copropriétaires, c’est seulement « sous la condition de
ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination
de l’immeuble ». Bien qu’on ne puisse guère inférer de l’ordre des textes
une hiérarchie autre que symbolique, il faut constater que les copropriétai­
res ne disposent, sur les parties communes de l’immeuble, que de droits
limités. L’usage des parties communes est lié directement à l’usage normal
des parties privatives. On ne saurait porter atteinte aux droits du coproprié­
taire d ’user de ses parties privatives en posant une restriction injustifiée à
l’usage des parties communes. Cela explique notamment que chaque
copropriétaire puisse accéder librement à ses parties privatives en passant
par les parties communes ou que l’on ne puisse l’empêcher d’apposer des
enseignes nécessaires à l’exercice de son activité professionnelle'12. Inverse­
ment, un copropriétaire ne saurait faire des parties communes un usage
privatif, par exemple en y édifiant des constructions213 ou en en bloquant
l’accès21 .
360. Restrictions admises aux droits des copropriétaires. - Outre les contraintes
légales qui s’appliquent aux lieux affectés à un usage collectif21’, les droits
des copropriétaires sur les parties communes sont limités par le règlement
de copropriété, dans les limites de la destination de l’immeuble. S’il est pos­
sible d ’attribuer à l’un des copropriétaires lajouissance exclusive d’une par­
tie commune216, la plupart des clauses rappellent, voire étendent

210. L. lOjuill. 1965, a r t 16-1.


211. Cass. 3e civ., 22janv. 2014, n° 12-25785 : Bull. civ. III, n° 10.
212. Rappr. Cass. 3 'civ., 11 mars 2009, n° 08-10566, jugeant que le refus opposé à un coproprié­
taire restaurateur de stocker ses déchets dans le local commun créait une rupture d’égalité
entre les copropriétaires dans lajouissance des parties communes.
213. Et ce, même si le copropriétaire dispose d ’un droit de jouissance privatif, qui ne modifie pas
le caractère de partie commune (Cass. 3e civ., 23janv. 2020, n° 18-24676).
214. V. n o t, Cass. 3' civ., 24 nov. 1987, n° 86-13527.
215. V. n o t, confirmant l’interdiction de fumer dans les parties communes, v. rép. min. QE,
n° 119753, JOAN Q 15 mai 2007, p. 4537.
216. Sur ce p o in t v. supra, n° 59 et s.
218 LA COPROPRIETE DES IMMEUBLES BATIS
l’interdiction de privatiser les parues communes21'. L’usage des parties
communes ne 9 1doit pas plus causer de troubles anormaux aux autres
copropriétaires
m # S
. 1 1
361. Stationnement des véhicules dans les parties communes. - En dehors des
lots spécialement affectés au stationnement des véhicules, il est courant
que l’immeuble comprenne des parties communes permettant un tel
usage219. Sans même aborder les questions relevant du droit de l’urba­
nisme, la difficulté principale est évidemment de savoir si les copropriétai­
res peuvent stationner leurs véhicules dans des espaces communs, par
exemple une cour commune. A défaut de clause du règlement de copro­
priété l’autorisant, le stationnement devrait être interdit220, même si la
mise en œuvre d’une telle interdiction est particulièrement délicate en pra­
tique, faute pour le syndic de disposer des pouvoirs de police requis. Il en va
différemment lorsque le règlement prévoit l’usage de certaines parties com­
munes pour le stationnement, soit par des emplacements réservés à un
copropriétaire désigné, soit par des emplacements banalisés221. La situaüon
est modifiée pour les copropriétés dont le permis de construire a été délivré
à compter du lerjanvier 2015, conformément à des documents d’urba­
nisme prévoyant l’aménagement d’emplacements de stationnement. Dans
ce cas, le règlement de copropriété doit prévoir qu’une parde des places de
stationnement adaptées prévues au ütre de l’obligation d’accessibilité est
incluse dans les parues communes, ainsi que les modalités suivant lesquelles
ces places sont louées prioritairement aux personnes handicapées habitant
la copropriété222.
362. Copropriété et vidéosurveillance223. - Désormais dénommée « vidéoprotec-
don », par une volonté d’euphémisation de son objet, la vidéosurveillance
217. Sur cette question, v. P. C apoulade et D. T omasin (dir.), La copropriété, op. cit., n° 212-31 ets.
218. Sur les troubles anormaux de voisinage, v. supra, n°46 ets.
219. V. sur ce point, J.-R. Bouyeure, « Le statut des véhicules dans les immeubles en copropriété »,
Administrer 2019, p. 18 ; M.-H. M artial, « Stationnement en copropriété : linge de voisinage ou
infraction au règlement de copropriété? », AJDI2012, p. 417.
220. Le stationnement systématique dans la cour commune procédant d’un comportement abusif
(Cass. 3e civ., lOoct. 1990, n°89-12355), et ce même lorsque le véhicule est stationné devant
un garage privatif (Cass. 3e civ., 17 déc. 2013, n° 12-25269).
221. Sur ce point, v. G. V igneron et J.-M. R olx , « Autorisation de stationnement des voitures dans
une cour commune », Loyers et copr. 2012, Formules 1 et 2. La situation est particulièrement
délicate lorsque les copropriétaires entendent modifier l’usage des parties communes, la
majorité de l’article 26 étant alors requise, voire l’unanimité dans l’hypothèse d’emplace­
ments réservés, du moins si une égalité de traitement ne peut être assurée (nombre d’empla­
cements créés inférieur au nombre de lots). Pour une illustration, v. Cass. 3e civ., 11 mai 2006,
n° 05-10924.
222. L. lOjuill. 1965, art 8, IL
223. J.-P. F orestier, « La vidéosurveillance dans les immeubles collectifs », AJDI2006, p. 722 ; N. L e
R udulier, «Vidéosurveillance et copropriété», AJDI 2012, p. 9 ; P. L ebatteux, «Les données
LA SITUATION DES COPROPRIETAIRES 219

suscite de nombreuses difficultés juridiques. Au sein des copropriétés, ce


sont surtout l’installation du matériel et la transmission des images aux
autorités publiques qui ont suscité des réticences. Quant à l’installation
des équipements, elle dépend du caractère public ou privé des lieux. Dans
une copropriété ouverte au public, notamment du fait d’un espace com­
mercial situé au rez-de-chaussée, de parkings ou de voies de circulation,
des installations peuvent être mises en place après autorisation
préfectorale224, et sous réserve d ’une informadon appropriée au public,
aux fins d’y assurer la sécurité des personnes et des biens lorsque ces
endroits sont particulièrement exposés à des risques d ’agression ou de
vol22:>. Dans les parties fermées au public, par exemple un hall d’entrée,
l’installation ne requiert aucune autorisation publique préalable. Dans les
deux cas, cependant, un copropriétaire seul ne saurait installer un système
de vidéosurveillance226. Une telle décision doit recueillir l’approbation de
l’assemblée générale des copropriétaires, statuant à la majorité des voix de
tous les copropriétaires22'. Quant à la transmission des images, elle doit
également être autorisée par une décision de l’assemblée générale statuant
à la majorité de l’article 25228. Les images susceptibles d ’être transmises ne
doivent concerner ni l’entrée des habitations privées, ni la voie publique229.
La CNIL préconise que les images captées ne soient pas conservées au-delà
d’un délai d’un mois, une durée de quelques jours apparaissant le plus sou­
vent suffisante à assurer l’objectif recherché.

Section 2. — Les charges de copropriété

363. Aperçu général. - Les charges de copropriété sont un sujet inépuisable de


querelles entre copropriétaires et de comparaison entre occupants d ’im­
meubles. Corollaire de la propriété indivise des parties communes, les char­
ges sont nécessaires à l’entretien, l’usage et la conservation de l’immeuble.

pratiques de la vidéoprotection », Droit et Ville 2012, n ° 74, p. 129 ; G. R ouzet, « Vidéo protec­
tion et copropriété. La problémaüque », ilrid., p. 119.
224. Un formulaire en ligne peut être utilisé : www.televideoprotection.interieur.gouv.fr.
225. C. sécurité intérieure, art L. 251-2.
226. Cass. 3eciv., 11 mai 2011, n° 10-16967 : les travaux d’installation d’un système de vidéosurveil­
lance dans une villa privative au sein d’un ensemble immobilier, qui permettent de filmer les
copropriétaires circulant dans les parties communes « compromettaient de manière intolé­
rable les droits détenus par chacun d’eux dans leur libre exercice de leurs droits sur les par­
ties communes ».
227. L. 10juill. 1965, art. 25, n).
228. L. lOjuill. 1965, art. 25, m), renvoyant à l’article L. 126-1-1 CCH.
229. CCH, art. L. 126-1-1, al. 2.
220 LA C O PR O PR IÉ T É DES IMMEUBLES BÂTIS

Il n ’en va pas différemment dans la propriété individuelle, ni même dans


l’indivision de droit commun, mais l’usage collectif de l’immeuble suggère
à chaque copropriétaire qu’un autre que lui pourrait être la cause des
dépenses engagées. Si ce n’est le voisin qui chauffe trop, ce sera assurément
le syndic dont les honoraires ou les diligences expliqueront l’augmentation
ressentie. En fait d’évolution du montant, l’association des responsables de
copropriété (ARC) propose une enquête annuelle, laquelle fait ressordr,
entre 2000 et 2017, un écart de 25 % entre l’inflation et l’augmentation du
montant des charges. Cette hausse rapide, qui peut s’expliquer par des évo­
lutions du prix de l’énergie, n ’est pas réparde de manière idendque sur le
territoire nadonal, le montant annuel moyen par m2 habitable étant d’envi­
ron 52 euros à Paris, contre 35 euros dans la zone méditerranéenne-’30.
364. Charges, provisions et avances. - Au sens courant, dans une accepdon abs­
traite, une charge est ce qui pèse sur quelqu’un, le met dans la nécessité de
faire des frais, des dépenses-31. Juridiquement, elles constituent les dépen­
ses incombant à une personne, en raison de sa situation-’3-’. En droit de la
copropriété, la défmidon est plus précise encore, l’ardcle 45-1 du décret de
1967 visant «les dépenses incombant défmidvement aux copropriétaires,
chacun pour sa quote-part ». C’est que les sommes versées par les copro­
priétaires ne sont pas toutes des charges, au sens juridique. Il faut en effet
les distinguer des avances, « fonds desdnés à constituer des réserves ou
résultant d ’un emprunt du syndicat auprès des copropriétaires », et des pro­
visions sur charges, sommes versées ou à verser en attente du solde définitif
qui résultera de l’approbation du syndicat233. Lorsqu’on parle de charge,
les règles juridiques se marient aux règles comptables. Mais ce sont bien
les règles du droit de la copropriété qui déterminent la répartition des char­
ges et leur recouvrement.

§ 1. La répartition des charges


365. Présentation. - Au même titre que les charges locatives dans les baux d’ha­
bitation, les charges de copropriété ont connu une évolution des règles juri­
diques, lesquelles ont gagné en précision et en complexité. Initialement,
l’ancien article 664 du Code civil, seul texte consacré à la copropriété en

230. 47 € /m 2 en moyenne nationale.


https:// arc-copro.fr/sites/default/files/pieces-
jointes/2018/06/Analyse%20_charges_2017_0.pdf [consulté le 20décembre 2019].
231. Le Petit Robert, \° « charge».
232. G. C ornu (dir.), Vocabulaire juridique, op. cit., v° « charge », sens 2.
233. D. 17 mars 1967, art. 45-1.
LA SITUATION DES COPROPRIETAIRES 221

1804, concernait déjà la répartition des charges par étages2'54. C’est surtout
la loi de 1938 qui, délaissant le critère simpliste des étages de l’immeuble, a
introduit, sur le modèle de l’indivision, un système supplétif de répartition
en proportion des valeurs respectives des parties privatives suivant les tantiè­
mes de copropriété. La pratique avait alors élaboré des modes de répartition
plus raffinés, usant de la liberté laissée aux rédacteurs des règlements. Atta­
chée au caractère contractuel d’une telle répartition, la Cour de cassation
excluait cependant toute modification ultérieure en l’absence d’accord una­
nime des copropriétaires2'4’. La loi du lOjuillet 1965 adopta un système plus
complexe, parfois même trop subtil236, destiné à répondre à la multiplica­
tion des services et équipements communs au sein de l’immeuble, en distin­
guant plusieurs catégories de charges réparties selon des critères distincts237.
Elle permit également de modifier la répartition initiale des charges.

A. La répartition initiale des charges


366. Places respectives du règlement de copropriété et des catégories légales. -
A l’origine de la répartition des charges, il y a le règlement de copropriété.
L’article 10, alinéa3 de la loi le rappelle clairement: «le règlement de
copropriété fixe la quote-part afférente à chaque lot dans chacune des caté­
gories de charges ». C’est dire que la volonté des parties paraît constituer le
critère essentiel. Il ne faut pas négliger, néanmoins, que ce choix des copro­
priétaires s’inscrit dans le cadre des catégories fixées par le législateur. Le
règlement de copropriété ne peut en effet aller à l’encontre des catégories
légales. Le contrôle est désormais renforcé puisque, depuis la loi SRU, le
règlement « doit indiquer les éléments pris en considération et la méthode
de calcul permettant de fixer les quotes-parts de parties communes et la
répartition des charges »23S. En d’autres termes, la liberté concédée aux
copropriétaires demeure toujours enserrée dans les règles impératives pré­
voies par le législateur.

234. « Lorsque les différents étages d’une maison appartiennent à divers propriétaires, si les titres
de propriété ne règlent pas le mode de réparations et reconstructions, elles doivent être faites
ainsi qu’il suit :
Les gros murs et le toit sont à la charge de tous les propriétaires, chacun en proportion de la
valeur de l’étage qui lui appartient ;
Le propriétaire de chaque étage fait le plancher sur lequel il marche ;
Le propriétaire du premier étage fait l’escalier qui y conduit ; le propriétaire du second étage
fait, à partir du premier, l’escalier qui conduit chez lui ; et ainsi de suite. »
235. Cass. 3e civ., 8janv. 1962 : JCP 1962, II, 12600, obs. J. S.
236. G. V igneron , « La répartition des charges de copropriété et ses subtilités », Loyers et copr. 1999,
chron. n° 5.
237. J. C abanac, « Le nouveau régime des charges communes de copropriété d’après la loi du
lOjuillet 1965 », Gaz. Pal. 1965, 2, docL, p. 80.
238. L. lOjuill. 1965, art. 10, al. 4, réd. L. 13 déc. 2000.
222 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

367. État de répartition des charges. - Le décret de 1967 prévoit q u ’un état de
répartition des charges « définit les différentes catégories de charges et dis­
tingue celles relatives à la conservation, à l’entretien et à l’administration de
l’immeuble, celles relatives au fonctionnem ent et à l’entretien de chacun
des élém ents d ’équipem ent communs et celles entraînées par chaque ser­
vice collectif ». En outre, « l’état de répartition des charges fixe (...) la
quote-part qui incombe à chaque lot dans chacune des catégories de char­
ges ; à défaut, il indique les bases selon lesquelles la répartition est faite
pour une ou plusieurs catégories de charges »239. Le plus souvent, cet état
de répartition des charges est intégré form ellem ent au sein du règlem ent
de copropriété. Les règles q u ’il édicte possèdent une nature contractuelle,
en dépit des contraintes fortes résultant des règles d ’ordre public240.

1. Les critères de distinction entre les catégories de charges


368. Caractère impératif de la distinction. - La loi oppose les charges entraînées
par les services collectifs et les éléments d ’équipem ent commun aux charges
relatives à la conservation, à l’entretien et à l’administration des parties com­
munes. Si le règlement de copropriété établit la répartition des charges entre
les copropriétaires, il ne peut déroger à la distinction ainsi posée. La jurispru­
dence a tôt affirmé son caractère d ’ordre public et son effet immédiat241,
excluant la mise à l’écart d ’une catégorie“42 autant que l’ajout d ’une
catégorie ' ou d une sous-disünction au sein d une categone .
369. Clause dite « d’aggravation des charges »245. - Le règlem ent de copropriété
com prend couram m ent une clause stipulant que les copropriétaires qui
aggravent, par leur faute, les charges comm unes en supportent seuls les
frais et dépenses ainsi occasionnés. Sa validité de principe n ’est pas

239. D. 17 mars 1967, art. 1er, al. 2 et 3.


240. V. aussi en ce sens, C. A tias et N. L e R udulier, Rép. civ. Dalloz, v° « Copropriété des immeubles
bâüs : statut et structures », 2018, n” 203.
241. Cass. 3eciv., 5juin 1970: D. 1970, p.751, note F .G ivord et C .G iverdon; /CP1970, II, 16537,
note G uillot ; Cass. 3e civ., 17 mars 1971, n° 69-14483 : Bull. civ. III, n° 192.
242. L’absence d ’éléments précis ne saurait conduire à apprécier l’utilité en fonction des tantiè­
mes de propriété : Cass. 3e civ., 3 mai 1990, n° 88-18877 : Bull. civ. III, n° 106.
243. Le juge ne peut ainsi rattacher les travaux de mise aux normes d ’un ascenseur à la catégorie
d ’« investissement destiné à compléter la structure même des parties communes » pour répar­
tir les frais à proportion des valeurs respectives des parties privatives : Cass. 3e civ., 19févr.
1976, n° 74-12679: Bull. civ. III, n° 77 ; JCP1977, II, 18525, obs. G uillot ; RTD civ. 1976,
p. 585, obs. C. G iverdon.
244. Cass. 3e civ., 1er avr. 1987, n° 85-16025 : Bull. civ. III, n° 74.
245. G. V igneron, « La clause d’aggravation des charges et son efficacité », Loyers et copr. 1993,
Étude 3 ; C. G iverdon, «Variations sur la “clause" d’aggravation des charges. (A propos de la
discussion du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains) », Loyers et copr.
2000, Étude 7 ; « La clause d ’aggravation des charges en jurisprudence », AJDI1996, p. 205.
LA SITUATION DES COPROPRIÉTAIRES 223

douteuse246, sous réserve du respect des dispositions de l’article L. 111-8,


alinéa 2, du Code des procédures civiles d’exécution247. Néanmoins, l’effi­
cacité de la clause d’aggravation des charges dépend du comportement fau­
tif du copropriétaire, dont l’appréciation relève d’une décision judiciaire,
et non d ’une décision de l’assemblée générale248. En d’autres termes, il
ne saurait résulter d’une telle clause une répartition des charges au détri­
ment de certains copropriétaires, qui conduirait à modifier le caractère
impératif des catégories de charges posées par la loi.

a. Les charges entraînées p a r les services collectifs et les éléments d ’é quipement


com m un
370. Premières vues.- Cette catégorie de charges, visée par l’article 10, ali­
néa 1er, est aussi désignée par l’expression « charges spéciales », qui n’est
pas dénuée d’ambiguïté en ce qu’elle peut désigner les charges liées à un
bâtiment spécifique'49. Catégorie créée par la loi de 1965, ses contours ont
progressivement été affinés par la jurisprudence.
371. Charges entraînées. - Parler de charges entraînées implique d’intégrer l’en­
semble des dépenses résultant du fonctionnement et de l’entretien courant
des services collectifs et éléments d ’équipement commun. Les charges
incluent également l’ensemble des travaux de réfection, remplacement ou
mise aux normes des éléments nécessaires250.
372. Services collectifs et équipements communs. - Les notions de services col­
lectifs et équipements communs renvoient à une réalité matérielle de l’im­
meuble. Suivant des définitions généralement admises, l’équipement com­
mun désignerait une « installation mécanique, électrique ou statique
utilisée habituellement par les occupants ou visiteurs de l’immeuble » ° ;
le service collectif, une « prestation, généralement assurée par une per­
sonne, par exemple le service de gardiennage par le concierge, le service
de nettoyage par une entreprise spécialisée, etc. »2o2.

246. CA Aix-en-Provence, l erfévr. 2008, n° 06/12140.


247. « Les frais de recouvrement entrepris sans titre exécutoire restent à la charge du créancier, sauf
s’ils concernent un acte dont l’accomplissement est prescrit par la loi au créancier. Toute stipu­
lation contraire est réputée non écrite, sauf disposition législative contraire ». V. pour des appli­
cations antérieures, Cass. 3' civ., 6 mai 1998, n° 96-17176 ; Cass. 3e civ., 8 mars 1995, n° 93-14091.
248. Cass. 3' civ., 26janv. 2000, n° 98-15900 : Bull. civ. III, n" 16.
249. V. infra, n° 129 et s.
250. V. not., pour la pose d ’une cage de verre dans un ascenseur, Cass. 3e civ., 19févr. 1976,
n° 74-12679: Bull. civ. III, n°77; JCP 1977, II, 18525, obs. G u i i i o t ; RTD civ. 1976, p.585,
obs. G iverdon.
251. A. Zurfluh et M. Morand, «D e la notion d’équipement et de services collectifs quant à la
répartition des charges de copropriété », Gaz. Pal. 1977, 1, doct., p. 41.
252. Ibid.
224 LA COPROPRIETE DES IMMEUBLES BATIS
373. Répartition suivant le critère de l’utilité procurée. - L’intérêt de la catégorie
ainsi délimitée réside dans le mode de répartition original mis en œuvre,
selon l’utilité procurée au lot. L’objectif du législateur était d’affiner la
répartition des charges en tenant compte des avantages réellement procu­
rés à chaque copropriétaire. Que le copropriétaire d’un appartement au
dernier étage paye plus de charges d’ascenseur que celui situé au premier,
que le copropriétaire d’un lot situé au rez-de-chaussée ne paye pas ces char­
ges, autant de subtilités rendues possibles - et nécessaires - par le critère de
l’utilité.
La jurisprudence retient une appréciation objective de l’utilité, fondée sur les
potentialités offertes au titulaire du lot2 ’3, indépendamment de l’utilité effec­
tive apportée au copropriétaire. Ainsi, l’antenne collective d’un immeuble
demeure utile en dépit de l’existence d’une antenne individuelle au sein
d’un appartement254. Il importe peu, dès lors, qu’un copropriétaire ait
renoncé individuellement à utiliser le service procuré2’ ’. En pratique, cepen­
dant, il est fréquent que la répartition ait lieu par millièmes, du moins dans
un immeuble homogène, où l’on considérera que l’utilité sera la même2’6
b. Les charges relatives à la conservation, à l ’entretien et à l ’a dministration
des parties communes
374. Présentation. - La seconde catégorie de charges, aussi appelées charges
générales, relève d’une logique différente. Puisque sont visées les parties
communes en tant que telles, et non au regard de l’utilité qu’elles procu­
rent à chaque copropriétaire, il convient de faire participer tout coproprié­
taire à leur conservation, entretien et administration. Faute d’un critère
exclusif, ces charges constitueraient une catégorie résiduelle2” .
375. Modalités de répartition. - L’article 10, alinéa premier, de la loi du lOjuillet
1965 prévoit une répartition à proportion des valeurs relatives des parties pri­
vatives comprises dans les lots de copropriété, telles qu’elles résultent de l’ar­
ticle 5 de la loi2’8. La répartition des charges résulte d’un raisonnement en
253. Cass. 3° civ., 29nov. 1977, n°76-12001, Bull. civ. III, n°413: «chaque propriétaire est tenu de
participer aux frais de ces services et éléments d’équipement dès lors qu’il a la possibilité de
les utiliser, sans qu’il puisse s’en dispenser au motif que pour une raison personnelle il s’abs­
tiendrait d’en user ».
254. Cass. 3e civ., lOmai 1994, n°92-12460; Cass. 3e civ., 24 mai 1989, n°87-15111.
255. Cass. 3e civ., 26oct. 1983, n° 81-16768: Bull. civ. Ill, n°201; I). 1984, p. 353, note H. Souleau ;
Cass. 3e civ., 21 juin 2000, n° 98-20897.
256. V. en ce sens, W. D ross, Les choses, LGDJ, 2012, n" 230-1.
257. En ce sens, v. C. A tias et N. L e R uduuer , Rép. civ. Dalloz, v° « Copropriété des immeubles bâüs :
droits et obligations », 2018, n°213.
258. « Dans le silence ou la contradiction des titres, la quote-part des parties communes afférente à
chaque lot est proportionnelle à la valeur relative de chaque partie privative par rapport à
LA SITUATION DES COPROPRIETAIRES 225

deux temps. Tout d’abord, c’est le règlement de copropriété qui, dès l’ori­
gine, fixe les tantièmes de parties communes détenues par chaque coproprié­
taire. Ensuite, cependant, le règlement doit s’appuyer sur la consistance, la
superficie et la situation des lots, sans égard pour leur utilisation. Contraire­
ment à la répartition des quotes-parts de parties communes, la répartition
des charges doit nécessairement reposer sur ces critères. Autrement dit, il
ne suffira pas de répartir les charges au regard des superficies des parties
privatives, mais en tenant compte d’une pluralité de critères dont l’apprécia­
tion donne lieu à de subtils compromis par les experts239. Outre la superficie,
en effet, il faut tenir compte de la consistance, ce qui conduit à l’application
de coefficients selon la nature du local (distinction entre les parties nobles et
les sous-sols, parkings, etc.) et sa situation (étage, ensoleillement, etc.)260. En
revanche, contrairement aux charges spéciales, il n ’est pas question d’intro­
duire une distinction entre les copropriétaires tirée de l’utilité procurée à
leur lot261. Autrement dit, devrait être réputée non écrite la clause qui ferait
peser une charge plus lourde sur certains locaux, notamment les locaux à
usage commercial, par rapport aux locaux à usage d’habitation. La clause
prévoyant, en sens inverse, une exonération totale d’un copropriétaire du
paiement des charges communes serait également contraire à la répartition
prévue par la loi26 .
376. Répartition des charges par bâtiments263. - Pour rigoureuse qu’elle soit
dans ses principes, l’interdiction d’exonérer certains lots de certaines char­
ges communes peut méconnaître la réalité de l’immeuble. Il arrive parfois,
en effet, que sa structure ou son organisation justifient un aménagement
spécifique. C’est le cas, bien sûr, des copropriétés organisées avec des syndi­
cats secondaires, ou dont le règlement de copropriété distingue entre

l’ensemble des valeurs desdites parties, telles que ces valeurs résultent lors de l’établissement
de la copropriété, de la consistance, de la superficie et de la situation des lots, sans égard à
leur utilisation ».
259. Sur les critères d’appréciation, v. D. C osta-F errandi, « Détermination des charges et expertise
judiciaire », AjDÏ 2008, p. 539.
260. Plus précisément, la situation résulterait du « produit du coefficient d’étage par la moyenne
des coefficients d’éclairement, d’ensoleillement et de vues » (D. C osta-F errandi, art. préc.).
261. Pour l’application à un «lot transitoire », v. Cass. 3 ' civ., 14nov. 1991, n°89-21167:
Bull. civ. III, n°275; D. 1992, p. 277, rapp. P. Capoulade, note D .T omasin; Cass. 3e civ., 7avr.
2004, n° 02-14670: Bull. civ. III, n° 75 ; Defrénois 2005, 1867, note C. A tias. Les titulaires de
lots transitoires ne devraient cependant être tenus que des seules charges générales, à l’ex­
clusion des charges spéciales, faute d’utilité objective.
262. Même dans l’hypothèse d’une distinction entre lots bâtis ou constructibles et lots inconstruc­
tibles, Cass. 3e civ., 8févr. 1995, n° 92-15799: Bull. civ. III, n°41. Sur cette question, v. aussi,
S. B f.nilsi, « Les conventions relatives aux charges de copropriété », R1DI2013/3, p. 7.
263. J.-R. Bouyeure, «La spécialisation des charges de l’article 10, alinéa 2 de la loi du lOjuillet
1965 », Administrer 2010, n° 433, p. 18 ; G. C il , « Parties communes spéciales, charges particu­
lières et assemblées restreintes », Administrer 2010, n° 437, p. 19.
226 LA C O PR O PR IE T E DES IMMEUBLES BATIS

parties communes générales et spéciales21’4. Mais de manière plus originale,


la loi permet également de mettre « à la charge de certains copropriétaires
seulement les dépenses d ’entretien d’une partie de l’immeuble »26°. Ce
sera le cas, principalement, dans l’hypothèse d’une pluralité de
bâtiments266, indépendamment de l’existence de parties communes
spéciales26'. Le rédacteur du règlement disposerait donc d ’une certaine
latitude pour exonérer du paiement de certaines charges générales des
lots qui présenteraient une autonomie complète au regard de la copro­
priété (ex. parkings ou locaux commerciaux). Pourrait-il le faire au sein
d ’un bâtiment unique, afin de distinguer entre lots à usage d ’habitation et
commerciaux ? La lettre du texte, qui évoque une « partie » de l’immeuble,
paraît l’exclure268.
377, Synthèse. - Le législateur a choisi une délimitation essentiellement tech­
nique des charges, qui ne recoupe pas la distinction entre parties commu­
nes et privadves, ce qui explique les possibles interférences entre les
catégories269. Au demeurant, la jurisprudence contribue à rendre les fron­
tières poreuses, modifiant parfois imperceptiblement les critères retenus. Il
faut donc se résoudre à une présentation casuistique de la matière.

2. L ’application de la distinction entre les catégories de charges


378. Plan. - La classification des dépenses dans les différentes catégories de char­
ges par les juges ne révèle pas toujours toutes ses subtilités2' . C’est le lieu
d ’une casuistique subtile et, parfois, assez obscure.

264. Le règlement de copropriété pouvant créer une propriété commune distincte de celle
concernant l’ensemble de l’immeuble (Cass. 3e civ., 6nov. 1969, Bull. civ. III, n°718;
Cass. 3e civ., 27 sept 2005, n° 04-15541).
265. L. 10juill. 1965, art. 24, al. 4.
266. V. en ce sens, Cass. 3e civ., 3févr. 1988, n° 86-17104 (mais la validité du règlement de copro­
priété n ’était pas contestée) ; Cass. 3e civ., ôjuill. 1988, n° 87-12734 (voie de desserte exclusi­
vement réservée aux bâtiments à usage commercial) ; Cass. 3e civ., 3juin 2009, n° 07-20314.
267. Certains arrêts évoquant cependant l’existence de parties communes spéciales (Cass. 3e civ.,
4juill. 2006, n° 05-11058).
268. Si certains arrêts évoquent la destination spécifique de certains lots « de nature à constituer
une sorte de “sous-copropriété” au sein de la copropriété », les lots en cause, à usage de sta­
tion-service et de garage, situés au rez-de-chaussée et au sous-sol de l’immeuble étaient « indé­
pendants du reste de l’immeuble » (Cass. 3e civ., 18 déc. 1996, n °94-17620).
269. P. C apoulade et D. T omasin (dir.), La copropriété, op. cil., n° 242.81.
270. G. V igneron, « La répartition des charges de copropriété et ses subtilités », Loyers et copr. 1999,
Étude 5.
LA SITUATION DES COPROPRIETAIRES 227

a. Les charges entraînées par les services collectifs et éléments d ’équipement


commun
379. Distribution d’eau, chauffage ou climatisation collectifs. - Si l’on excepte le
cas des lots à usage commercial, il est évident que les installations collectives
permettant la distribution d ’eau froide et chaude, le chauffage ou la clima­
tisation relèvent de la catégorie des charges spéciales. A vrai dire, ces systè­
mes n’ont pas bonne presse car ils favoriseraient une consommation exces­
sive en déresponsabilisant chaque copropriétaire pris individuellement.
Depuis une loi du 29 octobre 1974, codifiée et modifiée à l’article L. 241-9,
alinéa premier, du Code de l’énergie, « tout immeuble collectif ou mixte
pourvu d’une installation centrale de chauffage doit comporter, quand la
technique le permet, une installation permettant de déterminer la quantité
de chaleur et d’eau chaude fournie à chaque local occupé à titre privatif ».
La même disposition s’applique désormais s’agissant d’une installation cen­
trale de froid2' 1. Mais même dans les immeubles équipés d’appareils de
mesure individuelle, l’individualisation ne concerne qu’une fraction, les
frais de combustible, et non les frais liés à l’installation de chauffage. Les
lots raccordés mais inoccupés2' 2 ou pourvus d ’une installation individuelle
ne sont pas dispensés du paiement des charges, attachées à la propriété des
lots, non à leur occupation effective2' 3.
Pour apprécier l’utilité présentée par ces installations, le règlement doit
tenir compte du volume chauffé, de la surface habitable ou de la surface
de chauffe. Les juges doivent s’assurer que la répartition est bien faite en
fonction de l’utilité procurée à chaque lot2'4. Sous cette réserve, il paraît
envisageable de retenir dans le règlement de copropriété qu’il existe
entre les millièmes de copropriété et l’importance des équipements de
chauffage un rapport quijustifïe que la répartition des charges soit opérée
suivant ces quotes-parts273.

271. Sur cette question, v. C. C hapelle, « L’obligation d ’individualisation des frais de chauffage et
de refroidissement dans les immeubles collectifs : principe, mise en œuvre et limites », AJDI
2020, p. 199.
272. Cass. 3e civ., 17 mai 1995, n° 93-16624 (arrêté d ’insalubrité et interdiction d’habiter en raison
d ’un vice de la construction).
273. Encore les juges doivent-ils vérifier si le chauffage présente une utilité (Cass. 3e civ., 13juin
1984, n° 82-13778 : Bull. civ. III, n° 116) ou si le lot n’était raccordable qu’au prix de dépenses
exagérées.
274. Cass. 3e civ., 18 déc. 1991, n° 90-17601 : Bull. civ. III, n° 324, censurant un arrêt qui avait admis,
« au plan des principes », une répartition à proportion des millièmes de copropriété sans
rechercher si un tel rapport existait dans l’immeuble considéré.
275. Cass. 3 'civ., 8févr. 1977: D. 1978, p ; 22, note H. Souleau ; Cass. 3e civ., 9nov. 1994, n°92-
21494: Bull. ou.III, n°186; Cass. 3eciv., 28mars 2006, n°05-12840 (implicite). V.également,
Cass. 3eciv., 9juin 1993, n °91-14792: «le mode de répartition des frais de chauffage à
228 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

380. Ascenseur, monte-charge ou escalator.- Les charges entraînées par les


ascenseurs, monte-charges ou escalators, posent de réelles difficultés tech­
niques, plus que de classification. Il apparaît clairement que la répartition
des charges d’ascenseur doit être conforme à l’utilité procurée pour
chaque lot276. Cela interdit de faire participer les titulaires de lots non
desservis . Les critères de répartition sont passablement complexes et
suscitent un contentieux pointilliste279.
381. Autres services collectifs et éléments d’équipement communs. - Au titre des
charges spéciales, on peut encore citer les antennes collectives, le raccorde­
ment au câble ou à la fibre optique280, ainsi que les espaces verts, aires de
jeu ou équipements sportifs. Néanmoins, pour ces derniers, la distinction
avec les charges générales se fait ténue puisqu’on pourrait considérer que
l’entretien des espaces verts, parties communes, relève des charges
générales281.

b. Les charges de conservation, entretien et administration des parties communes


382. Entretien et réparation des murs et toitures. - Les charges entraînées par l’en­
tretien ou la réparation des murs et toitures relève évidemment des charges
générales. C’est le cas des travaux de ravalement de façade282, d’étanchéité
de la toiture, mais aussi, par contrecoup, des travaux de désamiantage28'1.
383. Entretien et nettoyage des parties communes. - Plus généralement, sont des
charges générales les dépenses relatives à l’entretien et au nettoyage des

proportion des quotes-parts de parties communes était celui qui répondait le mieux au cri­
tère de l’utilité objective prévue par la loi ».
276. V. not., Cass. 3eciv„ 23juin 2010, n° 09-67529 : Bull. civ. III, n° 129.
277. Lots situés au rez-de-chaussée ou chambres de service non desservies. V. not., Cass. 3e civ.,
17 mars 1971, n° 69-14483: Bull. civ. III, n°192; Cass. 3e civ., 5juin 1970, n° 69-10929,
Bull. civ. III, n° 386. Il en irait différemment néanmoins si les propriétaires d ’un lot situé au
rez-de-chaussée disposaient également d ’une cave ou d ’un parking desservis par l’ascenseur.
278. Des grilles sont généralement adoptées, qui tiennent compte de l’étage où se situe le lot, de
sa superficie et du nombre de pièces principales. V. not. Cass. 3e' civ., 4avr. 2002, n° 00-16901.
279. V. not., sur la différence éventuelle du montant des charges entre les copropriétaires de lots
situés à deux étages différents, lorsque les ascenseurs ne desservent que des paliers intermé­
diaires, Cass. 3e civ., 15 mai 2001, n° 00-10159.
280. Cass. 3e civ., 10 mai 1994, n" 92-12460; Cass. 3e civ., 24 mai 1989, n° 87-15111; Cass. 3' civ.,
15 déc. 2009, n° 09-10873.
281. Cass. 3' civ., 20juill. 1994, n° 92-14905, admettant le classement des espaces verts dans les
charges générales.
282. Cass. 3e civ., Sjuill. 1998, n” 96-21629 : Bull. civ. III, n° 161 : absence d ’exonération des lots com­
merciaux du rez-de-chaussée ou du sous-sol. Comp., pour un règlement de copropriété stipulant
que les propriétaires de boutiques, procédant eux-mêmes tous les cinq ans à la réfection de leurs
devantures, ne participeront pas aux frais de ravalement, à moins que la peinture ou la réfection
de la devanture n’ait pas été faite en temps voulu, Cass. 3e civ., 14nov. 1991, n° 90-10929.
283. CA Paris, 6févr. 2003, n° 2002/14847.
LA SITUATION DES COPROPRIÉTAIRES 229

parties communes284, ce qui comprend notamment les frais liés aux


vide-ordures ou au gardiennage . Parmi les cas d’école, on trouve la
situation de l’escalier. Par analogie avec l’ascenseur, il peut être soutenu
que l’escalier constitue un élément d’équipement commun, dont les char­
ges seraient ainsi réparties entre les copropriétaires en fonction de l’utilité
procurée à leur lot28'. Néanmoins, le plus souvent l’escalier est un élément
porteur de la construction et relève des parties communes de circulation,
ce qui justifie que les dépenses d’entretien et les travaux y afférent soient
généralement traités comme des charges générales288, même pour la réfec­
tion des marches, murs et parterres28 .
384. Frais de gestion de la copropriété. - Les frais de gestion courante de la
copropriété relèvent des charges communes. Il en va ainsi notamment des
honoraires du syndic290 ou des frais entraînés par les réunions du syndicat.
On doit y rattacher également l’assurance des parties communes. L’éven­
tuelle surprime d’assurance liée à l’exercice d’une activité à risque, mais
conforme au règlement de copropriété, n’a pas à être supportée par les
seuls copropriétaires des lots concernés291.
385. Dépenses de sécurité. - La sécurité de l’immeuble s’inscrit normalement
dans la conservation des parties communes. Aussi les dépenses entraînées
par les frais de gardiennage doivent-elles être en principe réparties entre
tous les copropriétaires à proportion de leur quote-part dans les parties
communes-92. Le même raisonnement vaut pour les dépenses
d’éclairage , d’interphone ou digicode . Dans certaines circonstances
particulières, il semble cependant possible de répartir les charges liées à la
sécurité en considération de l’utilité procurée à chaque lot. Ainsi dans un
immeuble de grande hauteur comprenant des lots à usage d’hôtellerie, le

284. Cass. 3e civ., 6 mars 1991, n° 90-17050 : Bull. civ. III, n° 80.
285. Cass. 3 ' civ., 20 déc. 2000, n° 99-16059 : Bull. civ. III, n° 198.
286. Cass. 3 ' civ., 4janv. 1991, n ” 89-15602; Cass. 3 ' civ., 6 mars 1991, n° 90-17050: Bull civ. III,
n° 80 ; Cass. 3e civ., 13 déc. 2011, n° 10-28763.
287. Pour une illustration, v. Cass. 3e civ., 11 mars 2014, n° 12-28344.
288. V .n o t, Cass. 3 ' civ., 6 mai 2003, n° 02-10828: Bull. civ. III, n °9 5 ; Cass. 3 ' civ., 4janv. 1989,
n° 87-16234 : Bull. civ. III, n° 2.
289. Cass. 3e civ., 8juill. 1998, n° 96-21629 : Bull. civ. III, n° 161, qui réputé non écrite la clause qui
exonérait un lot comm ercial du paiem ent de ces charges; Cass.3 ' civ., 12janv. 1982, n°80-
14313 : Bull. civ. III, n°9.
290. Cass. 3e civ., 1er avr. 1987, n° 85-16025 : Bull. civ. III, n° 74.
291. V .not., Cass. 3 ' civ., 22 mai 2013, n° 12-16217; Cass. 3e civ., 17 mars 2010, n° 09-12196;
Cass. 3e civ., 4juin 2009, n° 08-14889.
292. Cass. 3e civ., 4janv. 1991, n° 89-15602 : BuU. civ. III, n° 3.
293. Cass. 3e civ., 6m ars 1991, n " 89-17050 : Bull. civ. III, n°80.
294. Cass. 3e civ., 20 déc. 2000, n° 99-16059 : Bull. civ. III, n° 198.
230 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS
surcoût de personnel de sécurité rendu nécessaire par l’affectation de ces
lots peut justifier qu’ils supportent une charge plus importante, liée à l’uti­
lité parüculière présentée pour eu x '1'’.
386. Critères de répartition des charges.
L’ordonnance du 30 octobre 2019 retouche légèrement la rédaction de
l’article 10 de la loi de 1965. D’abord, s’agissant des charges spéciales, le
texte précise qu’elles sont calculées en fonction de l’utilité objective que
les services et éléments d’équipement présentent pour chaque lot. Le
législateur consacre ici l’interprétation retenue par la jurisprudence“96 et
clarifie ainsi la rédaction du texte. L’article 10 précise en outre que cette
répartition ne vaut que dès lors que les charges n’étaient pas individuali­
sées, situation qui se développe avec les compteurs individuels de chauf­
fage. Ensuite, les charges générales relatives à la conservation, à l’entretien
et à l’administration des parties communes doivent s’entendre pour les
parues communes aussi bien générales que spéciales. Enfin, l’article 10,
alinéa 3, actualise la règle d’indication, dans le règlement de copropriété,
des éléments pris en considération et de la méthode de calcul29' et un
nouvel alinéa 4 résulte du déplacement de l’article 24, III, de la loi.

B. La modification de la répartition des charges


387. Consentement unanime des copropriétaires. - Posant que « la répartition
des charges ne peut être modifiée qu’à l’unanimité des copropriétaires »,
l’article 11 de la loi réaffirme le principe de l’immutabilité des charges.
Seul l’accord unanime des copropriétaires devrait y faire échec. Néan­
moins, contrairement au régime issu de la loi de 1938, la loi de 1965 permet
que l’assemblée générale ou le juge procède à des modifications.
1. La modification par décision de l’assemblée générale
388. Modification consécutive à des travaux ou des actes d’acquisition ou de dis­
position. - Puisque le syndicat peut décider de travaux, notamment d’amé­
lioration, ou d’actes d’acquisition ou de disposition, la structure juridique
de la copropriété peut s’en trouver affectée. La modification de la réparti­
tion des charges apparaît alors comme une nécessaire adaptation à l’évolu­
tion de l’immeuble, au même titre que la scission de la copropriété ou la
295. Cass. 3e civ., 10 avr. 1986, n° 84-15652 : Bull. civ. III, n° 38.
296. V. supra, n" 373.
297. « Le règlement de copropriété fixe la quote-part afférente à chaque lot dans chacune des caté­
gories de charges et indique les éléments pris en considération ainsi que la méthode de calcul
ayant permis de fixer les quotes-parts de parties communes et la répartition des charges ».
LA SITUATION DES COPROPRIETAIRES 231
création d’un syndicat secondaire. Cela explique qu’en cas de carence de
l’assemblée générale, qui n’aurait voté que les travaux sans modifier les
charges, tout copropriétaire pourra saisir le tribunal judiciaire afin d’obte­
nir la mise en conformité de la répartition à la situation de l’immeuble.
Concrètement, la loi soumet une telle modification à une décision de l’as­
semblée générale statuant à la même majorité que celle requise pour la déci­
sion qui en forme la justification. En d’autres termes, lorsque les travaux
votés rendent nécessaire une nouvelle répartition des charges298, celle-ci
sera adoptée à la même majorité. Du principe d’unanimité, on glisse alors
vers la modification à des majorités distinctes selon le type de travaux ou,
pour les actes d’acquisition ou de disposition, à la majorité de l’article 26299.
389. Aliénation séparée d’une ou plusieurs fractions d’un lot (art. 11, al. 2). - Le
caractère d’adaptation mécanique de la répartition des charges à la réalité de
la situation de l’immeuble ressort aussi nettement de l’hypothèse de la divi­
sion d’un lot en plusieurs fractions. Lorsque le règlement de copropriété ne
prévoyait pas une répartition précise entre les différentes fractions, il revient
à l’assemblée générale de statuer à la majorité de l’article 24 sur une nouvelle
répartition, entre les seuls lots ainsi créés300. À défaut, tout copropriétaire
pourra saisir le tribunal judiciaire101. La répartition antérieure continuera à
produire ses effets jusqu’à l’adoption par l’assemblée générale'102.
390. Changement d’usage d’une partie privative (art. 10 et 25, e).- Bien qu’elle
ne soit pas directement visée par l’article 11, la modification de la réparti­
tion des charges consécutive au changement d’usage d’une partie privative
est prévue par l’article 25, e303. L’appréciation du changement d’usage doit
demeurer objective, tirée des stipulations du règlement de copropriété, et
non de l’utilisation effective qui est faite du local. Ainsi, il y a bien change­
ment d’usage lorsque le copropriétaire d’un lot à usage exclusif

298. Ce qui n’est pas le cas de la simple installation d’un compteur de calories (Cass. 3eciv.,
12févr. 2003, n° 01-12456) ou de compteurs d’eau chaude sanitaire et de chauffage confor­
mément aux dispositions des articles R. 131-2 et suivants CCH, qui dérogent au principe de
l’intangibilité de la répartition des charges (Cass. 3e civ., 17 nov. 2004, n° 03-10002:
Bull. civ. III, n° 201).
299. X. supra, n°221.
300. Cass. 3e civ., 22 mars 1995, nü 93-15614.
301. Une nouvelle répartition des charges ne pouvant résulter implicitement de l’approbation des
comptes de la copropriété pour certains exercices (Cass. 3” civ., 3oct. 1991, n° 89-20904:
Bull. civ. III, n° 224 ; Cass. 3e civ., 25 nov. 2003, n° 02-14119).
302. Cass. 3' civ., 6 oct. 1999, n° 98-10924 : Bull. civ. III, n" 197.
303. « Ne sont adoptées qu’à la majorité des voix de tous les copropriétaires les décisions concernant
[...] la modification de la répartition des charges visées à l’alinéa 1erde l’article 10 ci-dessus
rendue nécessaire par un changement de l’usage d’une ou plusieurs parties privatives ».
232 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

d ’habitation y exerce une activité libérale'104, et ce même si le nouvel usage


du lot était prévu dès l’origine par le règlement de copropriété300. En toute
hypothèse, le changement de répartition ne peut affecter que les charges
entraînées par les services collectifs et éléments d’équipement commun, à
l’exclusion des charges générales. Si en effet les tantièmes de parties com­
munes ne sont pas modifiés à l’occasion du changement d’usage d ’un lot,
futilité procurée par les équipements communs peut varier. Néanmoins,
bien que le changement de destination d’un local d’habitation en local
commercial conduise notamment à une plus grande utilisation de l’ascen­
seur, et donc une utilité plus grande pour lui, cela reste marginal300.

2. La modification par décision judiciaire


391. Présentation. - Sous l’empire du droit antérieur à la loi du lOjuillet 1965, la
jurisprudence refusait, conformément au droit commun, toute révision
judiciaire des charges de copropriété. Désormais, pas moins de trois hypo­
thèses permettent d ’y aboutir.
392. Décision judiciaire à défaut d’intervention de l’assemblée générale ou en cas
de contestation d’une décision de modification (art. 11, al. 3 ; art. 42, al. 3). -
Conséquence du pouvoir accordé à l’assemblée générale de réviser le mon­
tant des charges, le juge est chargé de contrôler, dans un second temps, soit
l’absence de décision, soit l’invalidité de la décision. En cas d ’inertie de l’as­
semblée générale, l’article 11, alinéa 3, permet à tout copropriétaire de
demander au tribunal judiciaire de procéder à la nouvelle répartition.
Encore faut-il constater une défaillance de l’assemblée générale, ce qui
n’est pas le cas lorsque les travaux n ’ont pas été adoptés ou autorisés ou
lorsque la nouvelle répartition des charges n ’a pas encore été soumise à
l'assemblée30'. En toute hypothèse, la décision de l’assemblée générale est
soumise à la procédure de contestation de l’article 42 de la loi30 .
393. Action en révision des charges (art. 12).- Si l’égalité est l’âme du partage,
l’action en révision des charges en est la traduction technique au sein de
la copropriété. Il s’agit en effet de permettre au copropriétaire lésé de
demander en justice la révision de la répartition convenue « si la part cor­
respondant à son lot est supérieure de plus d’un quart, ou si la part

304. Cass. 3e civ., 20juin 2001, n° 00-10476 : l’admission d ’une tolérance pour l’exercice de profes­
sions libérales n ’en changeait pas moins l’usage d ’habitation du lot, permettant une modifi­
cation des charges à la majorité de l’article 25.
305. Cass. 3e civ., l " oct. 2014, n° 13-21745.
306. J. C abanac , « Le nouveau régime des charges communes de copropriété d ’après la loi du
lOjuillet 1965 », Gaz. Pal. 1965, 2, doct., p. 80, spéc. p. 81.
307. Jugeant l’action prématurée, Cass. 3 'civ., 6oct. 1999, n° 98-10924: Bull. civ. III, n° 197 ;
Cass. 3e civ., 4janv. 2006, n° 04-15723.
308. V. supra, n° 229 et s.
LA SITUATION DES COPROPRIETAIRES 233
correspondant à celle d’un autre copropriétaire est inférieure de plus
d’un quart (...) à celle qui résulterait d’une répartition conforme aux dis­
positions de l’article 10 ». On retrouve les contours des actions en révision
pour lésion ou en complément de part dans le partage, à la « simplicité
toute arithmétique »309. L’action est exercée contre le syndicat ou le
copropriétaire favorisé, suivant l’hypothèse, le syndicat étant nécessaire­
ment appelé en la cause310. Bien qu’on ait pu, à l’époque de la loi, crain­
dre le contraire311, l’effet de cette disposition est demeuré très limité. La
brièveté du délai de l’acüon, autant que ses effets peuvent l’expliquer. Le
copropriétaire d’un lot doit en effet agir dans les cinq ans suivant la publi­
cation du règlement de copropriété au fichier immobilier ou avant l’expi­
ration d’un délai de deux ans à compter de la première mutation à titre
onéreux de ce lot intervenue depuis ladite publication. Quant aux effets,
ils n’ont lieu que pour l’avenir31 , le tribunal fixant la nouvelle répartition
des charges en distinguant suivant les catégories légales313, le cas échéant
assisté d’un expert. De fait, l’essentiel du contentieux semble s’être
reporté sur une nouvelle action d’origine prétorienne, visant à supprimer
les clauses illicites.
394. Action en nullité des clauses de répartition des charges illicites (art. 43)314.
- Ainsi que le soulignait Atias, « la création de l’action en déclaration
d’illégalité semble bien relever de cette loi sociologique selon laquelle le
juge répugne à exercer les pouvoirs étendus que la loi lui accorde, mais
refuse de se laisser enfermer dans les pouvoirs trop restreints qu’elle lui
octroie »31:>. Sans revenir sur les fondements et modalités de cette action,
distincte de l’action en révision316, soulignons cependant que lorsqu’elle
vise une répartition illicite des charges, l’action en suppression de la clause
n’emporte pas l’annulation rétroactive des répartitions déjà réalisées.
Concrètement donc, la suppression ne pourra prendre effet qu’à l’avenir,
à la suite d’une nouvelle délibération de l’assemblée générale31’.
309. C. Atias, «Action en déclaration d’illégalité de la répartition des charges et action en révision
pour lésion », AJDI2008, p. 546.
310. D. 17 mars 1967, art. 52 et 53.
311. J. Cabanac, art. préc., p. 84.
312. Soit, précisément, à la date du jugement de première instance, non de l’arrêt confirmatif
(Cass. 3e civ., 23 avr. 1992, n° 89-21086 : Bull. civ. III, n° 136).
313. Cass. 3' civ., 4janv. 1973, n° 71-14376 : Bull. civ. III, n° 12.
314. J.-M. T aiau, «La correction judiciaire de la répartition illégale des charges de copropriété:
consistance et interrogations », Loyers et copr. 2010, Etude 10.
315. C. Atias, «Action en déclaration d’illégalité de la répartition des charges et action en révision
pour lésion », art. préc.
316. Sur la différence, v. Cass. 3e civ., 17juin 2009, n” 08-16324 : Bull. civ. III, n° 144.
317. V. supra, n° 92 et s.
234 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

§ 2. Le recouvrement des charges


395. Plan. - La détermination du débiteur des charges précède la mise en œuvre
de la procédure de recouvrement.
A. Le débiteur des charges
396. Une dette attachée à la qualité de copropriétaire. - Le débiteur des charges
est évidemment le copropriétaire du lot au moment où la dette devient
exigible31”. Bien qu’elle puisse paraître évidente, la détermination de la
qualité de copropriétaire mérite d’être précisée. Si tout copropriétaire est
bien redevable des charges, seule la qualité de copropriétaire entraîne
l’obligation à la dette.
1. Un copropriétaire
397. Date de l’acquisition. - En dehors des hypothèses de création d’une copro­
priété, la qualité de copropriétaire s’acquiert par la cession du lot, le plus
souvent à l’occasion d’une vente. Se pose alors le problème de la réparti­
tion des charges entre le vendeur et l’acquéreur, en fonction de la date
d’acquisition. Outre les effets habituellement attachés à tout contrat de
vente, la cession d’un lot de copropriété entraîne la substitution d’un
copropriétaire à un autre. Le nouveau copropriétaire acquiert les droits et
obligations qui étaient ceux du cédant, peu important les clauses stipulées
dans l’acte de vente. A vrai dire, l’acte de vente peut contenir quantité de
clauses qui seraient interdites dans le règlement. Mais elles ne concerne­
ront alors que les rapports entre cédant et cessionnaire, non les relations
du cessionnaire avec le syndicat des copropriétaires.
a. Les relations entre parties à la cession du lot et syndicat des copropriétaires
398. La détermination du débiteur.- La vente du lot emportant substitution
d’un copropriétaire à un autre, le syndicat doit agir contre le vendeur ou
l’acquéreur, suivant la date de naissance de ses créances. La question se
pose essentiellement pour les charges récemment exigibles et les travaux
dont le principe est acquis. En principe, le cédant demeure tenu à l’égard
du syndicat des dettes et charges exigibles à son encontre à la date de la
mutation. Corrélativement, le cessionnaire assume les charges et dettes
qui sont devenues exigibles postérieurement au transfert de propriété.

318. J.-M. Roux, « Le débiteur des charges », AJDI 2008, p. 554.


LA SITUATION DES COPROPRIETAIRES 235
Plus précisément, l’article 6-2 du décret de 1967 dispose que, « à l’occasion
de la mutation à titre onéreux d’un lot :
1° Le paiement de la provision exigible du budget prévisionnel, en applica­
tion du troisième alinéa de l’article 14-1 de la loi du lOjuillet 1965, incombe
au vendeur ;
2° Le paiement des provisions des dépenses non comprises dans le budget
prévisionnel incombe à celui, vendeur ou acquéreur, qui est copropriétaire
au moment de l’exigibilité ;
3° Le trop ou moins perçu sur provisions, révélé par l’approbation des
comptes, est porté au crédit ou au débit du compte de celui qui est copro­
priétaire lors de l’approbation des comptes ».
Concrètement, les bases de reparution sont chronologiques. Tout d’abord, le
vendeur doit assumer le paiement de la provision du budget prévisionnel
égale au quart du budget voté, qui devient exigible au premier jour de
chaque trimestre. Ensuite, les provisions sur les dépenses non comprises
dans le budget prévisionnel incombent au vendeur ou à l’acquéreur, selon
la date de leur exigibilité. Enfin, si lors de l’approbation des comptes, appa­
raît un trop ou moins perçu, il sera à la charge ou au crédit du copropriétaire
à cette date, c’est-à-dire en principe, au cessionnaire. En pratique, le syndicat
peut demander au cédant le paiement de provisions votées antérieurement à
la cession des lots, même si, après leur exécution, il apparaît que le coût réel
des travaux se révèle inférieur au montant des provisions votées319.
En pratique, l’exemple le plus classique est celui des travaux dont le prin­
cipe a été voté mais dont l’exécution n’a pas encore été réalisée à la date de
la mutation. Pour déterminer le débiteur des sommes dues au syndicat, il
convient d’apprécier la date à laquelle les appels de fonds relatifs aux tra­
vaux sont devenus liquides et exigibles, le plus souvent la date du vote de
l’assemblée générale. Celui qui a la qualité de copropriétaire à ce jour
assume la charge des travaux, et non celui qui a la qualité de copropriétaire
à la date d’exécution des travaux. En d’autres termes, si la décision de l’as­
semblée générale a entraîné des appels de fonds à titre de provisions320,
c’est bien le cédant qui sera en principe tenu.
399. Clause de solidarité. - Serait-il possible de modifier cette répartition par
une clause du règlement de copropriété ? Certains règlements prévoyaient
ainsi qu’«en cas de mutation de propriété, le cessionnaire sera solidaire­
ment responsable avec le cédant, vis-à-vis du syndicat des copropriétaires,
319. Rappr., Cass. 2e civ., 7juill. 2005, n° 03-13692.
320. Cass. 3e civ., 19juill. 1983, n° 82-12393 : Bull. civ. III, n° 167 : « constituent des créances liquides
et exigibles les appels de fonds votés par une assemblée générale, fût-ce pour le financement
de travaux non encore exécutés ».
236 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

sans bénéfice de discussion, de toutes sommes afférentes au lot vendu, dues


au jour de ladite mutation »321. Solution de simplicité pour le syndicat, cette
clause a toutefois été jugée illicite par la Cour de cassation3“2. La solidarité
entre cédant et cessionnaire n ’est possible que dans leurs seuls rapports
contractuels.

b. Les relations entre cédant et cessionnaire du lot


400. Aménagement conventionnel de la répartition des charges. - Rien n ’empê­
che un aménagement de la répartition des charges entre cédant et cession­
naire dans leurs relations. Ils pourraient notamment décider, dans l’acte de
vente, d ’une répartition distincte des charges, par exemple au prorata du
nombre de jours écoulés dans le trimestre. Néanmoins, l’efficacité de telles
clauses est limitée aux seuls rapports entre contractants, elles demeurent
inopposables au syndicat323.

2. Tout copropriétaire
401. Copropriétaire dispensé de paiement des charges? - L’obligation au paie­
ment des charges de copropriété est une obligation attachée à la qualité de
copropriétaire. Attachée à la quote-part de parties communes indissociable
de ses parties privatives, cette obligation ne peut être écartée. La clause qui
dispenserait un copropriétaire du paiement des charges serait nécessaire­
ment illicite324.
402. Copropriétaire, personne publique. - Si le statut de la copropriété est
incompatible avec les règles de la domanialité publique32*1, les personnes
publiques peuvent être titulaires d’un lot de copropriété. Lorsqu’il en est
ainsi, l’État ou les collectivités publiques concernées ne disposent d’aucun
traitement de faveur et sont donc nécessairement tenus de payer les char­
ges, même pour les dépenses d ’assurance32*1.
403. Copropriétaires indivisaires.- Il n ’existe pas de solidarité spécialement
édictée entre les indivisaires pour le paiement des charges. Chaque copro­
priétaire est donc tenu conjointement, à proportion de ses droits dans

321. P. Capouladf. et D. Tomasin (dir.), La coprofmété, 9e’ éd., Dalloz, Dalloz Action, 2018, n° 232-251.
322. Cass. 3e civ., l erjuill. 1980, n° 78-15721 : Bull. civ. III, n° 127 ; D. 1981, p. 1, note P. C apoulade et
C. G iverdon ; /C/LV1980, II, 236, note C. A tias.
323. D. 17 mars 1967, art. 6-3 : « toute convention contraire aux dispositions de l’article 6-2 n ’a d ’ef­
fet qu’entre les parties à la mutation à titre onéreux ». Pour une application, v. Cass. 3e civ.,
11 oct. 2005, n° 04-17178, qui relève que le syndicat est un tiers au contrat de vente.
324. V. not., Cass. 3e civ., l"av r. 1987, n° 85-16025: Bull. civ. III, n°74; Cass. 3e civ., 6 mai 2003,
n° 02-10028 : Bull. civ. III, n° 95.
325. V. supra, n° 25.
326. Rép. min. QE n° 13068, JOAN Q 11 septembre 1999, 4077.
LA SITUATION DES COPROPRIETAIRES 237

l’indivision327. Il reviendra au syndic d ’agir en paiement à l’encontre de


chaque indivisaire328, ce qui n ’est pas sans susciter des difficultés pratiques
lorsque l’un d’entre eux est également occupant du bien329. Mais au terme
d’une période d ’hésitation, la Cour de cassation a fini par admettre que le
règlement de copropriété pouvait
goA
valablement contenir une clause de soli­gol
darité entre coindivisaires ' , quelle que soit l’origine de l'indivision .
Cette solution est conforme à l’interprétation contemporaine des clauses
du règlement de copropriété, la destination de l’immeuble servant, autant
que la loi, de limite à l’imagination des copropriétaires. Il paraît ainsi cohé­
rent de faire supporter l’éventuelle l’insolvabilité d’un indivisaire d ’abord
par l’indivision, plutôt que par le syndicat.
404. Copropriétaires d’un lot démembré. - Le démembrement du lot de copro­
priété n’emporte pas, en principe, de solidarité entre le nu-propriétaire et
l’usufruitier quant au paiement des charges332. Il revient donc au syndic
d’opérer une ventilation entre les charges imputables, suivant les disposi­
tions de l’article 605 du Code civil333. La distinction entre réparations ¿ ’en­
tretien et grosses réparations ne recoupe cependant qu’imparfaitement la
distinction des charges posée par l’article 10 de la loi, ce qui suscite des dif­
ficultés pratiques33 . Est-il possible d’anticiper les difficultés en stipulant

327. Cass. l re civ., 16juill. 1992, n° 90-17972: Bull. civ. I, n°236; D. 1993, p. 171, note E .S . de La
Marnterre; Cass. 3e civ., 22 juin 1994, n° 92-19571.
328. Sauf pour le syndicat à dém ontrer qu’il ne connaissait pas les quotes-parts de droits indivis
détenus par les copropriétaires du lot : Cass. 3r civ., 7 nov. 2018, n° 17-26729.
329. V. not., Cass. 1™civ., 12 déc. 2007, n° 06-11877 : Bull. civ. I, n" 385 : « les charges de copropriété
relaüves à l’occupation privative et personnelle par l’un des indivisaires de l’immeuble indivis
et concernant notamment l’entretien courant, l’eau et le chauffage collectif, incombaient à
l’occupant et (...) seules les autres charges de copropriété, devaient figurer au passif du
compte de l’indivision ».
330. Cass. 3 'civ., T 'd é c. 2004, n°03-17518: Bull. civ. III, n°221 : «si la solidarité ne s’attache de
plein droit ni à la qualité d ’indivisaire, ni à la circonstance que l’un d ’eux ait agi comme
mandataire des autres, la clause de solidarité stipulée dans un règlement de copropriété
n ’est pas prohibée entre indivisaires conventionnels d’un lot, tenus de désigner un manda­
taire commun ».
331. Cass. 3e civ., 23 mai 2007, n° 06-13459 : JCP G 2007,1, 197, obs. H. P erinet-Marquet.
332. Certains arrêts retiennent cependant une obligation in solidum du nu-propriétaire et de l’usu­
fruitier. V. par ex., CA Versailles, 25janv. 2010: Loyers et copr. 2010, comm. 200, obs.
G. V igneron. V. aussi, en présence d ’un droit d ’usage et d ’habitation, Cass. 3” civ., 23 févr.
2000, n° 98-17231 : Bull. civ. III, n° 40, jugeant qu’« aucun texte légal ou réglementaire n ’exo­
nère un copropriétaire, sous prétexte qu’aurait été constitué un droit d ’usage et d ’habitation,
de l’obligation de paiement des charges instituées par l’article 10 de la loi du lOjuillet 1965 »,
avant de déduire que le tribunal saisi d ’une demande de condamnation in solidum n ’était pas
tenu « de régler les rapports entre les titulaires des droits démembrés ».
333. Cass. l rc civ., 16 nov. 2004, n° 02-12562.
334. Par ex. pour des travaux sur un ascenseur, CA Paris, 12janv. 2006 : loyers et copr. 2006, comm.
86, obs. G. V igneron.
238 LA COPROPRIETE DES IMMEUBLES BATIS

une solidarité entre le nu-propriétaire et l’usufruitier ? La répartition de


l’article 605 n ’est pas d ’ordre public335, ce qui perm et d ’im puter les charges
usufructuaires différem m ent par l’acte constitutif d ’usufruit. Le règlem ent
de copropriété le peut-il ? Si certains arrêts avaient d ’abord rejeté cette
prétention336, la Cour de cassation en a clairem ent admis la validité, suivant
la ligne adoptée en m atière d ’indivision337. Le m êm e raisonnem ent devrait
prévaloir pour le droit d ’usage et d ’habitation.
405. Occupant non copropriétaire. - Le locataire n ’étant pas copropriétaire, il
n ’est pas tenu des charges de copropriété. Plus précisément, il n ’en est
pas tenu directem ent à l’égard du syndicat, seul le copropriétaire-bailleur
étant débiteur des sommes. Néanmoins, il assumera la charge finale d ’une
partie des charges, suivant les règles applicables en fonction du statut spé­
cial (bail d ’habitation ou bail commercial).

B. La procédure de recouvrement
406. Action en recouvrement de charges. - Bien que le statut de la copropriété
tâche d ’éviter une action en recouvrem ent des charges, notam m ent en
favorisant l’exigibilité des provisions ou avances, le syndicat doit parfois y
recourir. Ce type d ’action représente la plus large part du contentieux rela­
tif à la copropriété, ce qui explique que le législateur reprenne fréquem ­
m ent la question. L’action en recouvrem ent de charges est engagée par le
syndic, au nom du syndicat des copropriétaires, sans avoir besoin d ’obtenir
l’autorisation préalable de l’assemblée générale338. Elle doit être exercée,
depuis la loi ELAN, dans le délai prévu par l’article 2224 applicable aux
relations personnelles entre le syndicat et les copropriétaires, c’est-à-dire
cinq ans à com pter du jo u r où le syndicat a connu ou aurait dû connaître
les faits lui perm ettant de l’exercer, dans ce cas à com pter de la date de
naissance de la créance du syndicat.
407. Procédure accélérée de versement d’une provision. - Depuis la loi SRU, le
syndicat de copropriété dispose d ’un outil plus efficace pour lutter contre
le phénom ène des impayés en copropriété. L’article 19-2 de la loi lui per­
m et en effet, de rendre im m édiatem ent exigibles l’ensemble des provisions
non encore échues et les sommes restant dues appelées au titre des exerci­
ces précédents après approbation des comptes, dès lors q u ’un coproprié­
taire n ’aura pas versé une provision à sa date d ’exigibilité et que la mise
en dem eure adressée par le syndicat sera restée infructueuse passé un

335. Cass. 3' civ., 23janv. 2007, n° 06-16062 : Bull. cm. III, n° 41.
336. CA Paris, 21 déc. 1994 : D. 1997, Somm., p. 246 ; CA Paris, 24 nov. 1999 : Rev. Loyers 2000, 213.
337. Cass. 3 'civ., 14avr. 2016, n° 15-12545. V. déjà, Cass. 3e civ., 30 nov. 2004, n° 03-11201.
338. D. 17 mars 1967, art. 55, al. 3.
LA SITUATION DES COPROPRIETAIRES 239

délai de trente jours. Les sommes concernées sont les provisions de charges
définies au budget prévisionnel339, les cotisations au fonds de travaux340 ou
les sommes destinées à des travaux non prévus dans le budget prévisionnel.
Sont également incluses dans les sommes devenant exigibles immédiate­
ment les sommes restant dues appelées au titre des exercices précédents
après approbation des comptes, la loi ELAN les y ayant expressément
intégrées341. Lorsque les conditions sont réunies, le syndicat saisit le prési­
dent du tribunal judiciaire, statuant selon la procédure accélérée, lequel
condamnera le copropriétaire au paiement des provisions ou sommes exigi­
bles, après avoir constaté l’approbation par l’assemblée générale du budget
prévisionnel ou des travaux et la défaillance du copropriétaire. L’article 19­
2 précise que « lorsque la mesure d’exécution porte sur une créance à exé­
cution successive du débiteur du copropriétaire défaillant, notamment une
créance de loyer ou d’indemnité d’occupation, cette mesure se poursuit
jusqu’à l’extinction de la créance du syndicat résultant de l’ordonnance ».

339. L. lOjuill. 1965, art. 14-1, al. 2.


340. L. lOjuill. 1965, art. 19-2, al. 3.
341. Comp., sous l’empire du droit antérieur, Cass. 3e civ., 22 sept. 2010, n° 09-16678.
CHAPITRE 2
La situation de l’immeuble

408. Consistance matérielle de l’immeuble. - Qu’il soit l’objet d ’une double divi­
sion, par lots entre copropriétaires, et par parues, communes ou privatives,
n ’enlève pas à l’immeuble sa réalité matérielle : un immeuble bâti, soumis
aux outrages du temps, dégradations et usure. Chaque copropriétaire par­
ticipe à la préservation de ce bien par la participation aux charges d’entre­
tien, voire d ’amélioration. Il arrive parfois que l’immeuble soit détruit, ce
qui pose la question de son éventuelle reconstruction.

Section 1. — L’entretien de l’immeuble

409. Catégories de travaux. - L’entretien de l’immeuble implique la réalisation


de travaux, dont le coût n’est pas toujours corrélé à leur nécessité. Or si le
montant des travaux apparaît souvent comme un élément déterminant de
la prise de décision des copropriétaires, pris individuellement, c’est l’impor­
tance que revêtent les travaux pour l’immeuble en copropriété qui consti­
tue le critère déterminant au niveau collectif. Les règles relatives aux tra­
vaux varient ainsi suivant qu’ils sont nécessaires à la préservation de
l’immeuble, destinés à apporter une amélioration, à le surélever voire à le
reconstruire.

§ 1. Les travaux nécessaires à la préservation de l’immeuble


410. Travaux concernés.- La préservation de la destination de l’immeuble
relève nécessairement des attributions du syndicat, chargé depuis l’origine
242 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

de la loi de 1965 d’assurer « la conservation de l’immeuble »*. La prise de


décision collective est dès lors simplifiée et relève de la majorité de l’arti­
cle 24. C’est le cas notamment des travaux « nécessaires à la conservation
de l’immeuble ainsi qu’à la préservation de la santé et de la sécurité phy­
sique des occupants, qui incluent les travaux portant sur la stabilité de l’im­
meuble, le clos, le couvert ou les réseaux et les travaux permettant d’assurer
la mise en conformité des logements avec les normes de salubrité, de sécu­
rité et d’équipement »12. La simplicité relative avec laquelle ces travaux peu­
vent être votés n’empêche pas qu’ils présentent un montant important,
notamment dans les cas courants de réfection d ’une toiture ou d ’une
façade, pour le remplacement d’une installation de chauffage, etc. Le cri­
tère économique n ’est pas pris en compte, seule importe la finalité de
conservation de l’immeuble des travaux.

§ 2. Les travaux d’amélioration de l’immeuble


411. Présentation. - S’il apparaît évident que les copropriétaires assument col­
lectivement la charge des travaux nécessaires à la conservation de l’im­
meuble sans qu’une minorité puisse y faire échec, la question des améliora­
tions a connu une évolution en plusieurs temps. La loi de 1965 avait mis fin
au principe de l’unanimité ; la loi ALUR a écarté la majorité de l’article 26,
dont le domaine s’était amoindri au fil des ans ; l’ordonnance du 30 octo­
bre 2019 intégrera dans l’objet même du syndicat des copropriétaires
l’amélioration de l’immeuble. Illustration de l’abaissement généralisé des
majorités en copropriété, les travaux d ’amélioration sont donc adoptés
par l’assemblée générale à une majorité peu exigeante, en dépit du risque
de déséquilibre qu’ils font courir. Encore faut-il réserver la possibilité
offerte à un copropriétaire ou un groupe de copropriétaires de réaliser à
leurs frais des améliorations, en l’absence d’accord collectif.

A. Les améliorations à la charge du syndicat


412. Domaine des travaux d’amélioration.- Les travaux d ’amélioration sont
visés par l’article 25, n, qui inclut « l’ensemble des travaux comportant
transformation, addition ou amélioration ». C’est surtout l’article 30 qui
précise le régime de ces améliorations, en rappelant leur nécessaire confor­
mité à la destination de l’immeuble3. Compte tenu de la différence impor­
tante qui a longtemps régné entre les majorités applicables aux différents

1. L. lOjuill. 1965, art. 14.


2. L. lOjuill. 1965, art. 24, II, a).
3. Sur cette question, v. P. L ebatteux , « Travaux d'amélioration et destination de l’immeuble »,
RDI 1995, p. 429.
LA SITUATION DE L’IMMEUBLE 243

travaux, un contentieux nourri s’est élevé sur la notion d’amélioration. La


jurisprudence reste difficile à synthétiser, en parue du fait du pouvoir sou­
verain d’appréciadon consenti par la Cour de cassation aux juges du fond45.
En ressort un tableau pointilliste, à peine encadré par les exemples non
limitatifs visés par l’article 30, la « transformation d’un ou de plusieurs élé­
ments d’équipement existants, l’adjonction d’éléments nouveaux, l’aména­
gement de locaux affectés à l’usage commun ou la création de tels locaux ».
Au fond, l’amélioration s’entendrait « d’un changement en mieux »°, qui
ne serait pas rendu nécessaire par le seul maintien de la destination de
l’immeuble6. Les travaux d’amélioration seraient donc, au sens strict,
« superflus »7. Cela n’enlève pas à ces travaux leur utilité, en tant qu’ils
contribuent à la valorisation de l’immeuble et offrent un avantage supplé­
mentaire aux copropriétaires. Sont couramment évoqués la modification
d’un revêtement de sol non vétuste, l’installation d’un ascenseur8 ou d’un
portail automatique, la création de parkings ou l’aménagement de locaux
communs en garage à bicyclettes ou poussettes.
Les difficultés se concentrent sur le caractère nécessaire des travaux,
notamment en cas d’évolution technique. Ainsi, il est courant que le rem­
placement d’un élément d’équipement commun vétuste ou dégradé
implique l’installation d’un matériel plus performant. Si les travaux empor­
tent alors amélioration objective de l’équipement, ils n’ont pas pour finalité
d’apporter un changement dans le fonctionnement de l’immeuble. Ces
« travaux mixtes »9 relèvent de l’entretien courant de l’immeuble.
413. Mise en œuvre de la décision d’amélioration. - L’article 30 prévoit, depuis
la loi ALUR, que l’assemblée générale statue à la majorité de l’article 25, ce
qui autorise le jeu de la passerelle de l’article 25-1, et donc une décision à la
majorité simple. Il est assez curieux que le législateur, qui se préoccupe du
sort des copropriétés en difficulté, ait facilité l’adoption de travaux non
requis, qui contribueront à la charge financière supportée par les copro­
priétaires. Quoi qu’il en soit, c’est à la même majorité que sera adoptée la
répartition du coût des travaux et de la charge des indemnités éventuelle­
ment versées à certains copropriétaires10.
4. Cass. 3e civ., 22oct 1970, n" 69-11451: Bull. civ. III, n '537; Cass. 3e civ., 24 mai 2005, n°04-
13566.
5. J.-R. Bouyeure, JA travaux dans la copropriété, Sirey, 1989, n° 113.
6. Rappr., N. L e R udulier, note sous Cass. 3e civ., 18janv. 2018, n° 16-27470, AJD1 2018, p. 442,
qui considère que ce serait la finalité des travaux, plus que leur nature, qui permettrait de
trancher le conflit de qualifications.
7. P. L ebatteejx, art. préc.
8. V. not. Cass. 3e civ., 27 mai 1999, n" 95-14713 et 95-15872.
9. P. C apoulade et D. T omasin (dir.), Im copropriété, 9' éd., Dalloz, Dalloz Action, 2018, n° 333.33.
10. Sur le mécanisme de l’article 36, v. infra, n°427.
244 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

En principe, ce coût sera réparti « en proportion des avantages qui résulte­


ront des travaux envisagés pour chacun des copropriétaires » '. L’utilisation
du terme avantage, plutôt que celui d'utilité retenu par l’ardcle 10 de la loi,
pourrait correspondre à une différence entre un « intérêt effectif et actuel »
pour les copropriétaires et une « potentialité d’utilisadon » pour les lots12.
Néanmoins, il semble bien que la jurisprudence n’ait pas opéré de distinc­
tion entre ces deux notions , ce qui conduit en pratique à apprécier l’uti­
lité de l’amélioration pour les lots, voire à répartir le coût selon les tantiè­
mes de copropriété. Une exception est toutefois prévue par le texte, au cas
où certains copropriétaires auraient accepté de prendre en charge une part
plus importante du coût des travaux14. S’agissant des dépenses d’entretien
et de fonctionnement, le même critère de répartition devra être utilisé lors
de l’assemblée générale, statuant toujours à la majorité de l’article 25l3. La
décision majoritaire s’imposera à l’ensemble des copropriétaires, qui seront
tenus non seulement du coût des travaux et des indemnités mais aussi aux
charges de fonctionnement et d’entretien entraînées par l’améliorationlfa.
B. Les améliorations à la charge d’un copropriétaire ou d’un groupe
de copropriétaires
414. Présentation. - Des copropriétaires peuvent réaliser, à leurs frais, des tra­
vaux sur les parties communes de l’immeuble, notamment en construisant
de nouveaux éléments d’équipement. Exemple courant, l’ascenseur édifié
par les seuls copropriétaires des étages supérieurs implique une forme d’or­
ganisation supplémentaire, un «îlot à part dans la copropriété»1'. Sans
doute ces travaux emportant amélioration pourraient-ils être assumés par
l’ensemble des copropriétaires. Mais à défaut de majorité, la loi de 1965 a
offert à des copropriétaires, certes minoritaires, mais prêts à assumer la
charge financière des travaux, la possibilité de les réaliser. Ces éléments
d’équipement construits par certains copropriétaires témoignent de l’ad­
mission limitée d’une différenciation au sein de la copropriété. Ces

11. L. 10juill. 1965, art. 30, al. 2.


12. J.-R. Bouvf.ure, op. cil, n° 142.
13. En ce sens, P. Capouladf. et D .T omasin (dir.), La copropriété, op. cit., n° 411.23.
14. L. lOjuill. 1965, art. 30, al. 2.
15. L. lOjuill. 1965, art. 30, al. 3.
16. L. lOjuill. 1965, art. 32. Néanmoins, « la part du coût des travaux, des charges financières y
afférentes, et des indemnités incombant aux copropriétaires qui n’ont pas donné leur accord
à la décision prise peut n’être payée que par annuités égales au dixième de cette part », les
sommes devenant exigibles immédiatement en cas de mutation du lot (art. 33).
17. Cabanac, n°590, cité par P. Capoclade et D .T omasin (dir.), La copropriété, op. cit., n°412.112.
LA SITUATION DE L’IMMEUBLE 245

groupements restreints pourraient avoir vocation à servir de « groupe pion­


nier », avant d’être absorbés par l’ensemble de la copropriété18.
415. Qualification des éléments d’équipement. - Lorsque certains copropriétai­
res ont fait réaliser un ouvrage à leurs frais, la qualification des éléments
d ’équipement est plus compliquée. On pourrait envisager une appropria­
tion privative indivise entre les constructeurs, soumise au statut de l’indivi­
sion forcée de droit commun. Mais il est possible également d ’admettre la
qualification de partie commune spéciale. Il semble que le choix relève de
la décision d’assemblée générale ayant autorisé les travaux19, ce qui laisse­
rait à l’ensemble des copropriétaires la possibilité d ’influer sur la qualifica­
tion juridique d’un élément auquel certains n ’auraient pas contribué. L’en­
jeu de la qualification n’est toutefois pas décisif car, même intégrés dans les
parties communes, ces éléments demeureraient soumis à la décision des
seuls copropriétaires concernés.
416. Gestion des éléments d’équipement - Pour les constructions réalisées à
l’initiative de certains copropriétaires, l’absence de personnalité morale
n ’empêche pas la prise de décision, soit par accord s’il s’agit d’une forme
d’indivision, soit suivant les règles d’une assemblée générale spéciale s’il
s’agit de parties communes spéciales.
417. Répartition des charges entraînées. - Lorsque, au cours de la vie de la
copropriété, des aménagements réservés à certains copropriétaires ont été
décidés, les charges de fonctionnement leur en incombent seuls. L’exem­
ple classique est celui de l’installation d’un ascenseur aux frais des copro­
priétaires des étages supérieurs. Néanmoins, si certains copropriétaires se
convainquaient ultérieurement de l’utilité de cet élément d’équipement
édifié sans leur concours, ils pourraient intégrer le groupe restreint, moyen­
nant l’accord des membres de ce groupe, et non celui de la copropriété
tout entière. Ils devront alors verser une quote-part du coût de l’installation,
calculée sur la base de l’investissement initial des copropriétaires
constructeurs20.
418. Autorisation judiciaire de travaux d’amélioration réalisés par un coproprié­
taire ou un groupe de copropriétaires. Renvoi. - Lorsque le projet d ’amé­
lioration a été refusé par l’assemblée générale, tout copropriétaire ou
groupe de copropriétaires peut être autorisé par le tribunal judiciaire à
faire exécuter les travaux, dès lors qu’ils sont conformes à la distinction de
• 21 1
l’immeuble .

18. Sur cette question, v. plus généralement, G. C hantepie, « Groupements restreints et collabora­
tions renforcées », .4/0/ 2015, p. 277.
19. Cass. 3eciv., 8oct. 2003, n° 01-17112.
20. Cass. 3e civ., 12 oct. 1988, n° 87-12231 : Bull. civ. III, n° 139.
21. L. lOjuill. 1965, art. 30, dernier alinéa.
246 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

§ 3. Les travaux de surélévation ou de construction de bâtiments


419. Présentation. - Les copropriétaires disposent, parfois sans le savoir, d ’un
droit à construire résiduel, qui se traduit par la possibilité qui leur serait
offerte de surélever leur immeuble. L’opération de surélévation présente
notamment l’intérêt, lorsque la valeur des locaux nouvellement créés
excède le coût des travaux, de financer des travaux de rénovation de l’im­
meuble. Les pouvoirs publics ont également pris conscience de la réserve
foncière constituée par certains immeubles de petite taille dans de grandes
améliorations et tâchent de favoriser ce procédé dans le but de construire
de nouveaux logements22. Juridiquement, la surélévation s’explique par le
droit de superficie, qui emporte la propriété du volume situé immédiate­
ment au-dessus des constructions. Au regard de la copropriété, lorsque le
sol est commun, il s’agit d ’une partie commune. On ne s’étonnera pas que
la situation puisse susciter des blocages, les copropriétaires du dernier étage
n’ayant pas intérêt, le plus souvent, à une construction supplémentaire
immédiatement au-dessus de leurs parties privatives. La loi de 1965, qui pré­
voyait dès l’origine la question, a été amendée à plusieurs reprises afin de
favoriser la mise en œuvre des opérations de surélévation ou de construc­
tion de nouveaux bâtiments.

A. La mise en œuvre de la surélévation


420. Présentation. - L’article 35 de la loi, qui présente un caractère impératif,
consacrait jusqu’à la loi du 24 mars 2014 la possibilité de stipuler dans le
règlement de copropriété une majorité plus stricte pour les opérations de
cession. La disposition ayant été supprimée, il semble bien que seul le
régime qu’il prévoit soit applicable. Ce texte encadre l’exercice de la surélé­
vation, par le syndicat des copropriétaires ou par un tiers, sans toutefois en
définir les contours.
421. Critères de la surélévation. - La surélévation n’est pas définie directement
par la loi. La jurisprudence exige un exhaussement des façades de l’im­
meuble et de la panne faîtière23, destiné à créer de nouveaux locaux24. En
revanche, les seuls aménagements apportés à un toit-terrasse pour le rendre

22. Rapport de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, n° 1329,


déposé le 26juillet 2013.
23. Cass. 3e civ., 6oct. 1993, n° 91-18289. V. aussi, Cass. 3e civ., 6 mars 1991, n° 89-18758:
Bull. civ. III, n° 79, retenant la qualification de surélévation alors que la hauteur maximale
du faîtage de l’ancien toit n ’avait pas été modifiée sur une courte longueur, mais que le nou­
veau faîtage, tel qu’issu des travaux, avait été porté à cette hauteur maximale sur toute la
longueur du bâtiment, ce qui aboutissait à la création de pièces mansardées, éclairées de
quatre fenêtres, aux lieu et place du comble.
24. Sur cette question, v.J.-R. B ouyeure, Les travaux dans la copropriété, Sirey, 1989, n” 202.
LA SITUATION DE L’IMMEUBLE 247
accessible ne peuvent y être assimilés23, pas plus que des travaux à l’inté­
rieur de combles26. À la surélévation proprement dire, l'article 35 assimile
la construction de nouveaux bâtiments, qui comprend l’implantation ou
l’agrandissement de bâtiments.
422. Exercice de la surélévation par le syndicat.- Alors que l’unanimité des
membres du syndicat était jusqu’alors requise, la loi du 24 mars 2014 a
modifié la rédaction de l’ardcle 35. Désormais, « la surélévation ou la cons­
truction de bâdments aux fins de créer de nouveaux locaux à usage privatif
ne peut être réalisée par les soins du syndicat que si la décision en est prise
à la majorité prévue à l’article 26 ». Cette soludon affecte d’abord les copro­
priétaires du dernier étage, qui perdent leur droit de veto. En contreparde,
il est prévu à leur avantage un droit de priorité lorsque le syndicat cédera
des locaux privadfs ainsi créés2'. Lorsqu’il met lui-même en œuvre la sur­
élévation, le syndicat est le maître de l’ouvrage des travaux dont il finance la
réalisation, à charge de céder les locaux nouvellement créés.
423. Cession du droit de surélévation à un tiers. - L’ardcle 35 prévoit également
la possibilité pour les copropriétaires de céder le droit de surélever l’im­
meuble. La majorité applicable dépend de la situation de l’immeuble. En
principe, il s’agira de la majorité de l’ardcle 26 avec, en cas de pluralité de
bâdments, approbation de l’assemblée spéciale à la même majorité. Mais
pour les immeubles situés dans une zone où s’applique un droit de préemp­
tion urbain, on n’exigera plus que la majorité des voix de tous les copro­
priétaires de l’immeuble et, le cas échéant, du bâtiment. De fait, l’opéradon
de surélévadon qui ne pouvait jusqu’alors être mise en œuvre sans recueillir
l’unanimité des voix peut être adoptée à une majorité accessible. La perte
du droit de veto des copropriétaires du dernier étage est compensée, dans
une certaine mesure, par la création d’un droit de préemption en leur
faveur, qui suit le même régime que pour la cession des locaux nouvelle­
ment construits.
424. Droit de priorité des copropriétaires de locaux situés sous la surélévation
projetée.
L’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 réécrit partiellement l’ar­
dcle 35 de la loi de 1965 dans un but de clarification des titulaires du
droit de préemption. La rédaction issue de la loi ALUR visait
25. Cass. 3e civ., 16 mars 2005, n° 04-10727.
26. Cass. 3' civ., 6 oct. 1993, préc.
27. L. lOjuill. 1965, art. 35, al. 4: «Préalablement à la conclusion de toute vente d’un ou plu­
sieurs lots, le syndic notifie à chaque copropriétaire de l’étage supérieur du bâtiment surélevé
l’intention du syndicat de vendre, en indiquant le prix et les conditions de la vente. Cette
notification vaut offre de vente pendant une durée de deux mois à compter de sa notifica­
tion ».
248 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

indistinctement les copropriétaires du dernier étage, ce qui pouvait sus­


citer une difficulté en cas de surélévation partielle de l’immeuble. Le
droit de priorité est réservé aux « copropriétaires des locaux situés en
tout ou partie sous la surélévation projetée ». Ce sont donc les coproprié­
taires les plus directement affectés par d’éventuelles nuisances qui profi­
teront du droit de priorité, dont les modalités ne sont pas modifiées.
L’intérêt pratique de cette mesure pourrait cependant s’accroître par
l’effet de la passerelle de l’article 26-1, qui permet d’abaisser la majorité
requise pour décider d’une surélévation28.

B. Les effets de la surélévation


425. Répartition de la propriété. - La propriété des nouveaux locaux varie sui­
vant la procédure suivie. Lorsque le droit de surélever a été cédé, le cession­
naire devient propriétaire des lots nouvellement créés. En revanche,
lorsque la surélévation est mise en œuvre par le syndicat des copropriétai­
res, la question est plus délicate. Il n’est certes pas possible d’envisager un
volume indépendant, du fait de l’existence de parties communes29. Consi­
dérant que la surélévation ou la construction nouvelle est réalisée sur une
partie commune, les copropriétaires devraient en recueillir la propriété
indivise. Certains auteurs soutiennent cependant que le syndicat étant à
l’origine des travaux et en ayant assumé la maîtrise d’ouvrage, il deviendrait
propriétaire des locaux privatifs ainsi créés30. Les locaux nouvellement
créés étant destinés à être cédés, la question ne présente d ’intérêt que
pour la décision d’aliéner.
426. Répartition des charges.- La création de nouveaux locaux présente en
revanche un intérêt pratique évident pour la répartition des charges. On
appliquera les règles de l’article 11, qui prévoit que la modification rendue
nécessaire par des travaux est adoptée à la même majorité, ici celle de
l’article 2 6 .
427. Indemnisation du préjudice subi. - L’exécution des travaux peut faire subir
aux copropriétaires un trouble temporaire grave, voire une diminution
définitive de la valeur de leur lot, notamment lorsqu’ils étaient situés au
dernier étage. L’article 36 prévoit le principe d ’une indemnisation, dont la
charge sera assumée par l’ensemble des copropriétaires, selon la propor­
tion initiale des droits de chacun dans les parties communes.

28. V. supra, n° 222.


29. P. C apoueade et D. T omasin (dir.), La copropriété., op. cit., n° 422-11.
30. J.-R. B ouyeure, op. du, n°209.
31. Sur cette question, v. supra, n° 221.
LA SITUATION DE L’IMMEUBLE 249
Section 2. — La destruction et la reconstruction de l’immeuble
428. Plan. - La destruction de l’immeuble est l’un des événements entraînant la
disparition de la copropriété32. Le chapitre IV de la loi prévoit néanmoins
un régime de reconstruction, qui demeure supplétif. Le plus souvent, le
règlement de copropriété aura prévu des modalités spécifiques relatives à
la reconstruction, ce qui peut expliquer le peu de contentieux sur ce
point. A défaut, les articles 38 à 41 organisent les modalités de la décision
de reconstruire et le financement des travaux.
§ 1. Les modalités de la prise de décision
429. La décision de reconstruire. - En cas de destruction totale ou partielle, l’as­
semblée générale des copropriétaires dont les lots composent le bâtiment
sinistré sera appelée à statuer sur la reconstruction de l’immeuble33. L’arti­
cle 38 permet donc le maintien du syndicat alors même que l’immeuble
aura été entièrement détruit, faisant prévaloir sa finalité (la reconstruction
de l’immeuble) sur la situation actuelle (terrain non bâti). La majorité
applicable dépend de l’étendue de la destrucüon. Lorsqu’elle affecte plus
de la moitié d’un bâtiment, l’assemblée générale statue à la majorité des
voix des copropriétaires de ce bâtiment. Lorsqu’elle touche moins de la
moitié du bâtiment, il suffira que la majorité des copropriétaires sinistrés
le demande. L’article 38-1 prévoit une procédure particulière en cas de
catastrophe technologique.
430. La décision de ne pas reconstruire. - Lorsque la décision aura été prise de
ne pas reconstruire l’immeuble, l’article 41 prévoit la liquidation des droits
dans la copropriété. Les copropriétaires recueilleront le produit de la vente
suivant leur quote-part dans les parties communes de l’immeuble. Lorsque
la destruction n’est que partielle, le texte prévoit en outre l’indemnisation
des copropriétaires dont le lot n’est pas reconstruit34.
§ 2. Le financement des travaux
431. Répartition des dépenses entre les copropriétaires. - Sont concernés l’en­
semble des copropriétaires qui participent à l’entretien des bâtiments ayant

32. V. supra, n° 120.


33. L. lOjuill. 1965, arc 38.
34. Sur cette question, v. P. Capoulade et D .T omasin (dir.), La copropriété, op. cit., n° 433.22;
J.-R. Bouyeure, op. cit, n° 228 et s.
250 LA COPROPRIETE DES IMMEUBLES BATIS

subi les dommages, selon des modalités de répartition identiques3’. Dans


l’hypothèse où un bâtiment séparé ne comprendrait qu’un seul coproprié­
taire, la charge de la dépense pourrait peser exclusivement sur lui .
432. A ffectation d e l’indem nité d ’assurance. - L’article 40 de la loi prévoit que
les indemnités représentatives de la valeur de l’immeuble sont affectées
prioritairement a sa reconstruction 37 Le texte réserve cependant les droits
des créanciers déjà inscrits.

35. Pour une application, CA Paris, 6juill. 2007 : Loyers et copr. 2007, comm. 232, obs. G. V igneron ,
retenant que « les frais de reconstruction ou de remise en état doivent être supportés par
chaque copropriétaire au prorata des tantièmes de copropriété attribués à son lot».
36. CA Paris, 20 mai 1999: AJDI1999, p. 719.
37. Sur l’affectation de l’indemnité d ’assurance en cas de non-reconstruction, v. Cass. 3e civ.,
6 mai 2014, n° 12-23810.
Table alphabétique
Les numéros renvoient aux paragraphes, non aux pages.

A - conservation, entretien et
administration des parties communes,
Accessibilité du logement, 355 374 ets.
Acquéreur d’un lot de copropriété, - eau chaude, eau froide, 379
231, 308 et s. - modification de la répartition, 387 et s.
- recouvrement, 395
Administrateur ad hoc, 244 - répartition, 366 ets.
Administrateur provisoire, 243 - révision, 393
Archives du syndicat, 254, 255 - sécurité, 385
- services collectifs et équipements
Ascenseur, 54, 355, 373, 380, 414, 417 communs, 370 ets.
Assemblée générale, 187 et s. Clauses du règlement de copropriété,
- contestation des décisions, 229 et s. v. Règlement de copropriété
- convocation, 190 et s.
- documents préparatoires, 200 Code de la copropriété, 8
- majorités (v. aussi ce mot), 210 ets. Conseil syndical, 278 ets.
- ordre du jour, 198 - composition, 280, 288
- procès-verbal, 226 ets. - délégation de pouvoir, 284, 290
- répartition des voix, 202 et s. - missions, 281 ets.
- représentation, 207 ets. - président, 286
- unanimité, 223 ets. Contentieux de la copropriété, 90, 147
Avis de mutation, 321 ets., 229 ets., 264
Copropriétaires,
- droit de vote, 202 et s.
B - droits sur les parties communes, 356
Bail, 103, 298 ets., 329 ets. ets.
- droits sur les parties privatives, 342 ets.
Balcon, 52 - pluralité, 28, 121
Bâtiment, 57, 130 ets. - protection des, 308 ets.
Budget, 172, 214, 260, 282, 312 Copropriété,
- domaine public, 25
- ensemble immobilier, v. ce mot
C - et droit des biens, 17
- groupe d ’immeubles, 26
Carnet d ’entretien, 316
- sources, 16
Charges, 363 et s. - statut
- ascenseur, 380 - champ d’application, 22 ets.
- chauffage et climatisation, 379 - prise d’effet, 33 ets.
252 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS
Copropriétés à deux, 174, 206 H
Copropriétés en difficulté, 139, 175 Habitat participatif, 13
et s. Hypothèque légale du syndicat, 324,
Cour, 361 328
Covid-19, avant-propos, 247
I
D Immatriculation du syndicat, 116
Dépenses, 364 Immeuble en construction, 27, 34, 428
Destination de l’immeuble, 63 et s. et s.
Destruction de l’immeuble, 120, 428 Indivision ordinaire, 11, 403
et s. Interphone, 54, 385
Diagnostics, 313 et s.
- diagnostic technique global, 315 J
Division en volumes, 12, 137 Jouissance d’immeuble à temps
Documents du syndicat, 69, 254, 255 partagé, 10
Droit de jouissance exclusif sur une
partie commune, 59 et s. L
Droit de préemption urbain, 297 Liberté d’association, 85
Droits de préemption du locataire, 298 Locataires, 331 et s.
Location saisonnière, 333
E Loge du concierge, 55
Eau, 54, 379 Logement, 15, 36, 355
Enseignes, v. Plaques et enseignes - décent, 334
Ensemble immobilier, 30 et s. Lot à usage exclusif de stationnement,
Entretien de l’immeuble, 409 et s. 306
Escalier, 54, 318, 383 Lot de copropriété, 29, 38 et s.
État daté, 312 - définition, 39
État de répartition des charges, 367 - disposition, 295 et s.
- division du lot, 307
État descriptif de division, 36, 69, 83 - jouissance, 329 et s.
Expropriation, 121, 185, 357 - superficie, 371
- usufruit, 404
F Lot transitoire, 35
Façade, 54, 88, 382 Lotissement, 26
Fenêtre, 52, 353 M
Fiche synthétique, 309, 310 Majorités, 210 et s.
G - article 24, 212 ets.
- article 25, 216 ets.
Gardien, 55, 221 - article 26, 221
Groupe d’immeubles bâtis, 26 - « passerelle » de l’article25-1, 219 ets.,
222
TABLE ALPHABÉTIQUE 253

Meublé touristique, 333 - clause de conciliation, 90


- clause de solidarité, 399
Mitoyenneté, 53
- clause d'habitation bourgeoise, 44, 64,
Multipropriété, v. Jouissance d ’immeuble 344
à temps partagé - clause d ’inaliénabilité, 305
- clause pénale, 90
- clause réputée non écrite, 92 ets.
O - et droits fondamentaux, 85 et s.
Ordonnance du 30 octobre 2019, 36, - établissement judiciaire, 76
- interprétation, 96
45, 62, 95, 122, 131, 138, 152, 162, 171
- liberté contractuelle, 68, 82
et s., 192, 204, 213, 215, 218, 220, 222, - liberté d ’association, 85
224, 238, 244, 251, 255, 268, 277, 287 - liberté de disposer, 303 et s.
et s., 310, 328, 349, 355, 386, 424 - liberté religieuse, 86
- modification, 78, 145
- nature juridique, 70
P - opposabilité, 101
Parties communes, - pacte de préférence, 305
- àjouissance privative, 59 ets. - publicité foncière, 100
- accessoires, 56 - rédaction, 74 ets., 145
- énumération légale, 54 - violation, 106
- et parties privatives, 49 ets. Résidences-services, 167 ets.
- pouvoirs des copropriétaires, 356 et s.
- propriété, 357 ets. Responsabilité du syndicat des
- restrictions à l’usage des, 88 copropriétaires, 153 ets.
- spéciales, 57 ets.
- travaux, 351 ets.
- usage et jouissance, 359 et s.
S
Parties privatives, 52 et s. Servitudes, 42 et s.
- et parties communes, 49 et s. Stationnement de véhicules, 361
- parties mitoyennes, 53 Surélévation, 419 ets.
- restrictions à l’usage des, 87
- superficie, 317 Syndic, 234 et s.
- travaux, 350 - administration de l’immeuble, 259
- usage et jouissance, 343 ets. - contrat-type, 236
- convocation de l’assemblée générale,
Petites copropriétés, 171 ets. 191
Plaques et enseignes, 88 - démission, 249
- désignation judiciaire, 242
- disparition, 248
R - durée du mandat, 247
Reconstruction de l’immeuble, 120, - gestion comptable et financière, 260
427 ets. - organisme HLM, 239
- non-professionnel, 238, 266
Règlement de copropriété, - professionnel, 237, 267
- adaptation, 79 et s. - reddition des comptes, 263
- annexes, 83 - règlement de copropriété, 240
- clause compromissoire, 90 - remise des fonds et documents, 254, 255
- clause d’aggravation des charges, 369 - rémunération, 265 ets., 268
- clause d’agrément, 305 - représentation en justice, 264
254 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

- responsabilité, 269 et s. T
- révocation, 250
Terrasses, 59, 420
Syndicat des copropriétaires, 109 et s.
- actions en justice, 147 et s. Travaux, 409 ets.
- compte bancaire, 127 - d’accessibilité du logement, 355
- conservation de l'immeuble - d’amélioration, 411 ets.
et administration des parties - d’entretien, 410
communes, 146 - d’intérêt commun, 348
- droits fondamentaux, 123 - parties communes, 351 ets.
- dissolution, 119 et s. - parties privatives, 350
- emprunt, 126 - surélévation, 419 ets.
- en difficulté, v. Copropriétés en difficulté Troubles de voisinage, 46 ets., 347
- garanties, 321 et s.
- immatriculation, 116 ets.
- non-professionnel, 124 U
- opposition au versement des fonds, 322 Unanimité, 223
- patrimoine, 125
- personnalité morale, 114 Union de syndicats, 140 ets.
- privilège spécial immobilier, 325 ets. Usufruit, 204, 404
- responsabilité, 153 ets.
- scission, 134 ets.
- union, 140 ets. V
Syndicat coopératif, 164 ets. Vidéosurveillance, 362, 385
Syndicat secondaire, 129 ets. Volumes, 12, 137, 138
Table des matières

Avant-propos......................................................................................... 7
Introduction......................................................................................... 9
§ 1. Evolution du statut de la copropriété des immeubles bâtis........ 10
§ 2. Copropriété des immeubles bâds et autres modalités
d’appropriation collecdve de l’immeuble........................................... 15
§ 3. Régime de la copropriété des immeubles bâds.......................... 20

PREMIÈRE PARTIE
LA RÉGLEMENTATION DE L’IMMEUBLE EN COPROPRIÉTÉ

Chapitre 1. Le statut légal de l’immeuble........................................... 27


Section 1. L ’établissement (te la copropriété..................................................... 27
§ 1. Le champ d’application du statut de la copropriété................... 27
A. L’applicadon impérative du statut............................................. 28
1. Un immeuble bâd ou un groupe d ’immeubles bâds........ 28
2. Une pluralité de propriétaires........................................... 30
3. Une pluralité de lots.......................................................... 31
B. L’applicadon convendonnelle du statut................................. 31
1. Un ensemble immobilier....................................................... 32
2. Le choix d’une organisadon différente............................. 32
§ 2. Le moment d ’applicadon du statut de la copropriété................ 33
Section 2. La division de l'immeuble.......................................................... 36
§ 1. La division par lots........................................................................... 36
A. La nodon de lot de copropriété............................................. 36
B. Les relations entre les lots....................................................... 38
1. Les servitudes en copropriété............................................ 38
2. Les troubles de voisinage en copropriété.......................... 41
§ 2. La distinction entre parties privatives et parties communes....... 43
A. Les principes de distinction........................................................ 43
B. Les applications de la distinction............................................ 44
1. Les parties privatives (art. 2 ).............................................. 44
256 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS

2. Les parties communes (art. 3 )............................................. 45


§ 3. L’unité de l’immeuble...................................................................... 50
A. La notion de destination de l’immeuble.................................. 51
B. Les fonctions de la destination de l’immeuble........................ 52
Chapitre 2. La réglementation privée de l’immeuble.......................... 53
Section 1. La validité du règlement de copropriété......................................... 55
§ 1. La procédure d’élaboration du règlement de copropriété......... 55
A. L’adoption initiale du règlement de copropriété................... 55
1. La voie contractuelle.............................................................. 55
2. La voie judiciaire.................................................................... 56
B. Les changements du règlement de copropriété..................... 57
1. La modification du règlement.............................................. 57
2. L’adaptation du règlement................................................... 57
§ 2. Le contenu du règlement de copropriété.................................... 59
A. Les clauses stipulées dans le règlement de copropriété......... 59
B. Les clauses illicites dans le règlement de copropriété........... 60
1. La détermination des clauses illicites................................... 60
2. La sanction des clauses illicites du règlement.................... 65
Section 2. Les effets du règlement de copropriété............................................ 67
§ 1. La force obligatoire du règlement de copropriété...................... 67
A. L’application du règlement entre les parties.......................... 68
B. Le rayonnement du règlement à l’égard des tiers.................. 69
1. Le respect du règlement imposé aux tiers.......................... 69
2. La violation du règlement invoquée par les tiers............... 70
§ 2. Les sanctions de la violation du règlement de copropriété........ 71
DEUXIÈME PARTIE
L’ORGANISATION COLLECTIVE DE LA COPROPRIÉTÉ
Chapitre 1. Le syndicat des copropriétaires.......................................... 75
Section 1. La personnalité morale du syndicat des copropriétaires................. 76
§ 1. L’unité du syndicat............................................................................ 76
A. L’existence du syndicat............................................................... 77
1. La prise d’effets de la personnalité morale......................... 77
2. La dissolution du syndicat..................................................... 79
B. Les attributs de la personnalité morale.................................... 80
1. Les droits du syndicat............................................................ 80
2. Le patrimoine du syndicat..................................................... 82
TABLE DES MATIÈRES 257

§ 2. La pluralité au sein du syndicat...................................................... 85


A. La division du syndicat............................................................... 85
1. Les syndicats secondaires...................................................... 85
2. La scission du syndicat.......................................................... 88
B. Les unions de syndicats............................................................... 90
Section 2. Le rôle du syndicat des copropriétaires........................................... 91
§ 1. Les attributions du syndicat............................................................. 92
§ 2. La responsabilité du syndicat.......................................................... 97
A. La responsabilité fondée sur l’article 14 de la loi
du 10 juillet 1965............................................................................... 97
B. La responsabilité du syndicat fondée sur le droit com m un.... 100
Section 3. Les régimes spéciaux de syndicats................................................. 102
§ 1. Les formes spéciales de syndicats................................................... 102
A. Les syndicats coopératifs............................................................. 102
B. Les résidences-services................................................................ 105
§2. Les pedtes copropriétés................................................................... 107
A. Les copropriétés de taille réd u ite............................................. 108
B. Les copropriétés à deux.............................................................. 109
§3. Les syndicats en difficulté................................................................ 111
A. La prévenüon des difficultés...................................................... 113
B. Le traitement des difficultés...................................................... 114
1. L’administration provisoire de la copropriété.................... 114
2. La modification de l’appropriation de l’im m euble........... 116
Chapitre 2. Les organes du syndicat des copropriétaires.................... 119
Section 1. L ’assemblée générale des copropriétaires......................................... 119
§ 1. La convocation de l’assemblée générale....................................... 120
A. Les modalités de la convocation................................................ 121
1. L’auteur de la convocation................................................... 121
2. Les formes de la convocation............................................... 122
3. Les délais de la convocation................................................. 123
B. Le contenu de la convocadon.................................................... 124
§ 2. Les délibéradons de l’assemblée générale..................................... 126
A. L’exercice du v o te....................................................................... 127
1. La réparddon des voix entre les copropriétaires............... 127
2. La représentation des copropriétaires................................. 130
B. Les majorités................................................................................. 132
1. Les éléments communs aux prises de décision.................. 132
2. La typologie des majorités..................................................... 133
258 LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES BÂTIS
§ 3. L’exécution des décisions de l’assemblée générale..................... 142
A. Le procès-verbal........................................................................... 142
1. L’établissement du procès-verbal......................................... 142
2. La notification du procès-verbal......................................... 143
B. Les contestations des décisions de l’assemblée générale....... 143
1. Les conditions du recours..................................................... 143
2. Les effets de l’action............................................................... 145
Section 2. Le syndic...................................................................................... 146
§ 1. La qualité de syndic.......................................................................... 147
A. L’acquisition de la qualité de syndic......................................... 148
1. La désignation volontaire du syndic.................................... 149
2. La désignation judiciaire du syndic..................................... 150
3. La désignation judiciaire d’un administrateur provisoire.. 150
B. La cessation des fonctions de syndic......................................... 151
1. Les modalités de la cessation des fonctions........................ 151
2. Les effets de la cessation des fonctions............................... 156
§2. Les fonctions du syndic.................................................................... 158
A. L’exercice des fonctions de syndic............................................ 158
1. Les attributions du syndic...................................................... 159
2. La rémunération du syndic................................................... 161
B. La responsabilité du syndic........................................................ 164
Section 3. Le conseil syndical........................................................................ 167
TROISIÈME PARTIE
LE FONCTIONNEMENT DE LA COPROPRIÉTÉ
Chapitre 1. La situation des copropriétaires......................................... 179
Section 1. Les prérogatives des copropriétaires................................................ 179
§ 1. Les pouvoirs des copropriétaires sur leur lot de copropriété..... 179
A. La disposition du lot de copropriété........................................ 179
1. La liberté de disposer du copropriétaire............................ 180
2. La protection de l’acquéreur................................................ 189
3. Les garanties du syndicat...................................................... 196
B. La jouissance du lot de copropriété.......................................... 201
1. La conclusion du contrat de bail......................................... 201
2. L’exécution du contrat de bail............................................. 205
§ 2. Les pouvoirs des copropriétaires sur les parties privatives........... 207
A. L’usage et la jouissance des parties privatives......................... 208
1. La liberté d’usage et de jouissance des parties privatives... 208
TABLE DES MATIÈRES 259

2. Les restrictions à l’usage et la jouissance des parties


privatives................................................................................... 208
B. Les aménagements des parties privatives............................... 212
1. Les travaux sans incidence sur les parties communes
ou l’aspect extérieur de l’immeuble....................................... 212
2. Les travaux affectant les parties communes
ou l’aspect extérieur de l’immeuble....................................... 212
§ 3. Les pouvoirs des copropriétaires sur les parties communes....... 215
A. La disposition des parties communes..................................... 215
B. L’usage et la jouissance des parties communes...................... 217
Section 2. Les charges de copropriété.......................................................... 219
§ 1. La répartition des charges........................................................... 220
A. La répartition initiale des charges.......................................... 221
1. Les critères de distinction entre les catégories de charges 222
2. L’application de la distinction entre les catégories
de charges................................................................................ 226
B. La modification de la répartition des charges....................... 230
1. La modification par décision de l’assemblée générale..... 230
2. La modification par décision judiciaire............................. 232
§ 2. Le recouvrement des charges...................................................... 234
A. Le débiteur des charges.......................................................... 234
1. Un copropriétaire............................................................... 234
2. Tout copropriétaire............................................................ 236
B. La procédure de recouvrement.............................................. 238
Chapitre 2. La situation de l’immeuble............................................... 241
Section 1. L ’entretien de l’immeuble........................................................... 241
§ 1. Les travaux nécessaires à la préservation del’immeuble............ 241
§ 2. Les travaux d’amélioration de l’immeuble................................. 242
A. Les améliorations à la charge du syndicat.............................. 242
B. Les améliorations à la charge d’un copropriétaire
ou d ’un groupe de copropriétaires.............................................. 244
§ 3. Les travaux de surélévation ou de construction debâtiments..... 246
A. La mise en œuvre de la surélévation...................................... 246
B. Les effets de la surélévation.................................................... 248
Section 2. La destruction et la reconstruction de l’immeuble......................... 249
§ 1. Les modalités de la prise de décision.......................................... 249
§ 2. Le financement des travaux.......................................................... 249
Table alphabétique............................................................................... 251
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COPROPRIÉTÉ
IMMEUBLES BÂTIS
La vie en copropriété constitue, pour tes non-juristes, l'une des portes d’entrée
tes plus courantes dans te monde du droit : convocation à des assemblées,
délibérations, participation au conseil syndical, négociations avec le syndic,
réalisation de travaux, contestations des décisions, etc. La communauté
de voisinage créée par l'immeuble ne garantit toutefois pas une régulation
spontanée de ses usages ; elle s'appuie sur une répartition juridique de la
propriété et des pouvoirs entre copropriétaires et occupants.
Le statut de la copropriété des immeubles bâtis issu de la loi du 10 juillet
1965 et du décret du 23 mars 1967 est ainsi, pour les juristes, le droit qui
régit la plupart des formes d’appropriation collective d'un immeuble. Sans
cesse retouché par le législateur depuis cinquante ans, il vient de faire l'objet
d'une réforme d'ampleur qui entre en vigueur le 1er juin 2020, prélude à sa
codification prochaine.
Cet ouvrage destiné aux praticiens, universitaires ou étudiants qui souhaitent
étudier et approfondir le droit de la copropriété, dresse un panorama
clair et complet de la matière. Il intègre les modifications apportées par
l'ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019, ainsi que l'actualité législative
et jurisprudentielle jusqu'au 15 mai 2020, notamment les textes consécutifs à
l'épidémie de covid-19.

Gaël CHANTEPIE est professeur à l’université de Lille (CRDP - ULR 4487,


équipe René Demogue). Il enseigne le droit de la copropriété immobilière
dans les différentes formations notariales.

9782856232132 www.defrenois.fr
ISBN 978-2-85623-213-2
9 Prix : 55 €

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