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L3 DROIT PRIVÉ

Fascicule de Travaux Dirigés


Séances 1 à 8

DROIT CIVIL DES BIENS

Cours de Mme Nadège REBOUL-MAUPIN

Année universitaire 2022-2023

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PRÉSENTATION

1. BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE

2. PRÉSENTATION DE LA MATIÈRE : DROIT PATRIMONIAL

3. ARTICLES DU PROJET DE RÉFORME DU DROIT DES BIENS

4. PETIT LEXIQUE DROIT PATRIMONIAL

5. PLAN DES SÉANCES :

SÉANCE 1 : PRÉSENTATION GÉNÉRALE : BIBLIOGRAPHIE ET MÉTHODOLOGIE DU CAS


PRATIQUE
Séance introductive : Le patrimoine

SÉANCE 2 : NOTION DE BIEN ET DISTINCTIONS DU DROIT DES BIENS


La distinction principale des biens : les immeubles et les meubles

SÉANCE 3 : LES DROITS PORTANT SUR LES BIENS : DROIT RÉEL ET DROIT PERSONNEL

SÉANCE 4 : LA PROPRIÉTÉ INDIVIDUELLE : ATTRIBUTS ET CARACTÈRES

SÉANCE 5 : LA PROPRIÉTÉ INDIVIDUELLE LIMITÉE  : ABUS DE DROIT DE PROPRIÉTÉ ET


TROUBLES ANORMAUX DE VOISINAGE

SÉANCE 6 : LES MODES D’ACQUISITION DE LA PROPRIÉTÉ


Modes d’acquisition : Occupation, Accession, Possession

SÉANCE 7 : LA POSSESSION MOBILIÈRE ET IMMOBILIÈRE


Notion et régime

SÉANCE 8 : LA PROPRIÉTÉ DÉMEMBRÉE : USUFRUIT, SERVITUDES ET DROIT RÉEL DE


JOUISSANCE SPÉCIALE

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1. BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE

Quelques ouvrages généraux :


- ATIAS (Ch.), Droit civil, Les biens, Litec, 11e éd., 2014.
- BERGEL (J.-L.), CIMAMONTI (S.), ROUX (J.-M.) et TRANCHANT (L.), Les Biens, Traité de Droit civil
sous la direction de Jacques Ghestin, LGDJ, 3e éd., 2019.
- BERLIOZ (L.), Droit des biens, Ellipses, 2014.
- CHEYNET DE BEAUPRÉ (A.), Droit des biens, Dyna’sup Droit, Vuibert, 1e éd., 2010.
- DROSS (W.), Droit des biens, Montchrestien, Précis Domat, 5e éd., 2021.
- GRIMALDI ( C.), Droit des biens, LGDJ, 3e éd., 2021.
- LARROUMET (Ch.) et MALLET-BRICOUT (Bl), Droit civil, t. 2, Les biens, Droits réels principaux, Ed.
Economica, 6e éd., 2019.
- MALAURIE (Ph.) et AYNES (L.), Droit civil, les biens, Defrénois., 9e éd., 2021.
- REBOUL-MAUPIN (N.), Droit des biens, Hyper Cours, Dalloz, 9e éd., 2022.
- SCHILLER (S.), Droit des biens, Cours, Dalloz, 11e éd., 2021.
- SEUBE (J.B.), Droit des biens, Objectif Droit Cours, LexisNexis, 8e éd., 2020.
- STRICKLER (Y.), Droit des biens, Cours, LGDJ, 1e éd., 2017.
- TERRE (F.) et SIMLER (Ph.), Droit civil, Les biens, Précis Dalloz, 10e éd., 2018.
- ZENATI (F.) et REVET (Th.), Les biens, Coll. Droit fondamental, PUF, 3e éd., 2008.

Quelques chroniques :
- PERINET-MARQUET (H.) : Chronique de Droit des Biens au JCP, éd.G.
- ROBERT (A) : Chronique de Droit des Biens au Dalloz , jusqu’en 2000 puis MALLET-BRICOUT (B.)
et REBOUL-MAUPIN (N.) : Chronique de Droit des Biens, Le Dalloz, depuis septembre 2002 ; depuis
2015 avec NEYRET (L.) ; depuis 2019 avec STRICKLER (Y.).
- DROSS (W.) : Propriétés et droits réels à la Revue Trimestrielle de Droit civil.
- PARENCE (B.) et PERRUCHOT-TREBOULET, Chronique Droit des Biens, RLDC.
- SEUBE (J.-B.), Droit & patrimoine.
- TRANCHANT (L.), Biens-Propriété, Defrénois.
Sur la réforme
Sous la direction de Hugues Périnet-Marquet, Propositions de l’Association Henri Capitant, pour une réforme du droit des
biens, Coll. Carré Droit, Litec, 2009.

2. PRÉSENTATION DE LA MATIÈRE : DROIT PATRIMONIAL

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Le droit des biens est une matière sensible, puisqu’il s’intéresse à « toutes les choses
qui, pouvant procurer à l’homme une certaine utilité, sont susceptibles d’appropriation
privée ».
Le droit va traduire cette relation juridique entre les choses et les hommes en utilisant la
notion juridique de biens. Mais le mot biens recouvre plusieurs acceptions.
Dans le sens le plus courant, le mot biens désigne des choses : une maison, un véhicule
automobile sont des biens, car il s’agit de choses visibles, palpables. Les biens sont
donc des choses mais toutes les choses ne sont pas des biens.

A cette dénomination de biens va s’adjoindre un qualificatif. On parlera alors de biens


corporels. En effet, à cette première acception du terme bien, il convient d’en ajouter une
autre, plus abstraite : on nommera aussi biens les droits qui portent sur ces choses, et
même les droits de créance dont une personne peut être titulaire à l’égard d’une autre.
Dans ces différentes hypothèses, il s’agira de biens incorporels.
L’ensemble de ces biens feront partie du patrimoine de la personne. Nous envisagerons
ladite notion au même moment que nous étudierons la classification des biens.
Puis, dans les autres séances, nous reviendrons sur la relation juridique entre les
hommes et les choses : appropriation individuelle, en premier lieu ; puis, appropriation
collective, en second lieu.
S’agissant de l’appropriation, elle peut être collective (indivision et copropriété) ou
individuelle. La propriété individuelle est un des « piliers du droit » qui mérite que l’on
étudie ses différentes dimensions (historiques, politiques, sociologiques…). Il nous
faudra la définir (par ses attributs et ses caractères), puis étudier ses limites (abus de
droit et inconvénients de voisinage) et ses démembrements (usufruit, droit d’usage et
habitation, droit réel de jouissance spéciale et servitude).
Après ce pouvoir de droit, nous nous intéresserons au pouvoir de fait (possession…)
exercé sur les biens.

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3. ARTICLES DU PROJET DE RÉFORME DU DROIT DES BIENS

PLAN DU LIVRE II : DES BIENS


TITRE I : DU PATRIMOINE ET DES BIENS QUI LE COMPOSENT
TITRE II : DE LA DISTINCTION DES MEUBLES ET DES IMMEUBLES
Chapitre I - Des immeubles
Chapitre II - Des meubles
TITRE III : DE LA PROPRIETE, DE LA POSSESSION ET DE LA DETENTION
Chapitre I - De la propriété
Chapitre II - De la possession et de la détention
Section 1 - De la possession
§1 Des règles communes à la possession des meubles et des immeubles
§2 Des règles propres à la possession des immeubles
§3 Des règles propres à la possession des meubles
Section 2 - De la détention
Section 3 - De la protection de la possession et de la détention
Chapitre III - De l’objet de la propriété immobilière
Chapitre IV - De l’accession
Chapitre V - Des propriétés collectives
Section 1 - De l’indivision ordinaire
Section 2 - De la copropriété par lots
TITRE IV : DES DEMEMBREMENTS DE LA PROPRIETE
Chapitre I - De l’usufruit
Section 1 - De la définition et de l’institution de l’usufruit
Section 2 - Des obligations mutuelles du propriétaire et de l’usufruitier quant à la conservation des biens
objets de l’usufruit
Section 3 - Des droits et obligations de l’usufruitier
§1 Des droits de l’usufruitier
§2 Des obligations de l’usufruitier
Section 4 - De la durée de l’usufruit
Section 5 - Des usufruits spéciaux
§1 Du quasi-usufruit
§2 De l’usufruit des créances
§3 De l’usufruit des droits sociaux
§4 De l’usufruit des biens formant un ensemble
Chapitre II - Du droit d’usage et d’habitation
Chapitre III- Des droits réels conférés par des baux
Chapitre IV - Du droit réel de jouissance spéciale
Chapitre V - Des servitudes
Section 1 - Dispositions générales
Section 2 - De l’établissement des servitudes
Section 3 - De l’exercice des servitudes
TITRE V : DES RELATIONS DE VOISINAGE
Chapitre I - Des troubles de voisinage
Chapitre II - Des arbres et plantations
Chapitre III - Des clôtures
Chapitre IV – De la mitoyenneté
Chapitre V - Des jours et vues
Chapitre VI - De l'égout des toits
Chapitre VII - Du bornage
Chapitre VIII - De la servitude légale de passage en cas d’enclave
PROPOSITION DE REDACTION DU LIVRE II
LIVRE II : DES BIENS
Article 516 (supprimé) Les articles du présent livre sont d’ordre public, sauf disposition contraire.

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Article 517 Les dispositions du présent livre ne préjudicient pas aux dispositions spéciales régissant des biens particuliers et notamment à
celles du code de propriété intellectuelle.
Article 518 Les biens des personnes publiques sont régis par les dispositions du présent code ainsi que par le code général de la propriété des
personnes publiques et les lois spéciales qui les concernent.
TITRE I : DU PATRIMOINE ET DES BIENS QUI LE COMPOSENT
Article 519 Le patrimoine d’une personne est l’universalité de droit comprenant l’ensemble de ses biens et obligations, présents et à venir,
l’actif répondant du passif. Toute personne physique ou morale est titulaire d’un patrimoine et, sauf si la loi en dispose autrement, d’un seul.
Article 520 Sont des biens, au sens de l’article précédent, les choses corporelles ou incorporelles faisant l’objet d’une appropriation, ainsi
que les droits réels et personnels tels que définis aux articles 522 et 523.
Article 521 Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des choses corporelles.
Article 522 Le droit réel est celui qui confère à une personne un pouvoir direct sur un bien. Il suit ce dernier en quelques mains qu’il passe.
Lorsqu’il est accessoire à une créance dont il garantit le paiement, il confère un droit de préférence sur le bien et, sauf disposition contraire,
un droit de suite.
Article 523 Le droit personnel est celui du créancier d’une obligation à l’encontre de son débiteur.
Article 524 Sauf lorsque la loi en dispose autrement : - les fruits sont ce que génère un bien, (périodiquement ou non, spontanément ou par
suite de sa mise en valeur, sans que sa substance en soit altérée ; - les produits sont ce que l’on retire d’un bien en altérant immédiatement ou
progressivement sa substance.
Article 525 Sont consomptibles les choses dont on ne peut user sans les consommer ou les aliéner.
TITRE II : DE LA DISTINCTION DES MEUBLES ET DES IMMEUBLES
Article 526 Tous les biens sont meubles ou immeubles, selon les distinctions suivantes.
Chapitre I – Des immeubles
Article 527 Par leur nature, sont immeubles les parties déterminées de l’espace terrestre. Sont ainsi immeubles : les fonds, les volumes, les
constructions et végétaux qui s’y trouvent, ainsi que toutes les autres choses qui s’y incorporent. Sont aussi immeubles les lots de
copropriété.
Article 528 Par leur destination, sont immeubles les meubles attachés ou affectés à un immeuble par leur propriétaire commun. Est présumé
attaché à un immeuble, sauf preuve contraire, tout meuble qui ne peut en être détaché sans détérioration ou qui a été conçu ou adapté pour y
être intégré. Est présumé affecté à un immeuble, sauf preuve contraire, tout meuble nécessaire à son exploitation. L’immobilisation d’un
meuble cesse par la volonté de son propriétaire, sous réserve des droits des tiers.
Article 529 Par leur objet sont immeubles les droits réels sur les immeubles et les actions qui s’y rapportent.
Chapitre II – Des meubles
Article 530 Toutes les choses corporelles, autres que celles visées aux articles 527 et 528, ainsi que toutes les choses incorporelles, sont
meubles.
Article 531 Les meubles meublants sont les choses mobilières servant à l’usage et à l’ornementation des habitations.
Article 532 Sous réserve des droits des tiers, le propriétaire de choses susceptibles d’être détachées d’un immeuble et son cocontractant
peuvent, par anticipation, les considérer comme meubles: ainsi les récoltes sur pied, les matériaux à extraire d’une mine ou d’une carrière,
les produits devant provenir d’une démolition.
Article 533 Tous les droits, autres que ceux visés à l’article 529, sont meubles.
TITRE III : DE LA PROPRIETE, DE LA POSSESSION ET DE LA DETENTION
Chapitre I - De la propriété
Article 534 La propriété est le droit exclusif et perpétuel d’user, de jouir et de disposer des choses et des droits. Elle confère à son titulaire
un pouvoir absolu sous réserve des lois qui la réglementent.
Article 535 Nul ne peut exercer son droit de propriété dans l’intention de nuire à autrui.
Article 536 La propriété s’étend aux fruits et produits de la chose et à tout ce qui s’unit à elle par accession naturelle ou artificielle.
Article 537 La propriété ne se perd pas par le non usage. L’action en revendication est perpétuelle.
Article 538 Nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable
indemnité.
Article 539 Par dérogation aux articles précédents, le propriétaire victime d’un empiètement non intentionnel sur son fonds, ne peut, si celui-
ci est inférieur à 0,30 mètres, en exiger la suppression que dans le délai de deux ans de la connaissance de celui-ci sans pouvoir agir plus de
dix ans après l’achèvement des travaux. Dans le délai de l’article 2224, commençant à courir à l’expiration de l’action en démolition, le juge
peut, à la demande de l’un des propriétaires, transférer la partie du fonds objet de l’empiètement à son bénéficiaire, moyennant une
indemnité tenant compte de la valeur du fonds occupé, de la plus value réalisée grâce à l’empiétement et du préjudice qu’il a causé.
Article 540 La propriété se prouve par tout moyen.
Article 541 Si aucune des parties ne peut justifier d’une acquisition par prescription, le juge règle les conflits de preuve en déterminant le
droit le meilleur et le plus probable. Toutefois, pour les immeubles, le conflit entre plusieurs personnes invoquant des titres émanant d’un
auteur commun est tranché selon les règles de la publicité foncière.
Article 542 Les immeubles sans maître appartiennent aux personnes publiques désignées par la loi. Les meubles sans maître appartiennent
au premier qui se les approprie, sauf dispositions particulières. Les choses qui n’appartiennent à personne et dont l’usage est commun sont
régies par des lois particulières.
Chapitre II - De la possession et de la détention
Section 1 - De la possession
Article 543 La possession est l’exercice paisible, public et non équivoque d’un droit par celui qui, alors même qu’il n’en serait pas titulaire,
se comporte, en fait et en intention, comme s’il l’était.
§1 Des règles communes à la possession des meubles et des immeubles
Article 544 Est de bonne foi le possesseur qui peut légitimement se croire titulaire du droit qu’il exerce. La bonne foi est toujours présumée.
Elle s’apprécie au jour de l’entrée en possession, sauf pour l’application de l’article 548.
Article 545 On peut posséder par soi-même ou par autrui. On est présumé, jusqu’à preuve contraire, posséder pour soi.
Article 546 La possession se prouve par tout moyen. Elle peut être constatée par un acte de notoriété contenant des témoignages et, le cas
échéant, des indices attestant de son existence, de ses qualités et de sa durée. L’acte de notoriété ne fait foi de la possession que jusqu’à
preuve contraire.
Article 547 Le possesseur est présumé, jusqu’à preuve contraire, propriétaire. Il est défendeur à l’action en revendication exercée par celui
qui se prétend le véritable propriétaire. La preuve contraire à cette présomption de propriété peut être rapportée par tout moyen.
Article 548 Le possesseur de bonne foi fait siens les fruits et les produits procédant de l’exploitation normale du bien. Il peut se faire
rembourser les dépenses nécessaires et utiles à cette exploitation dans la limite de la plus-value procurée. Le possesseur de mauvaise foi est
tenu de restituer les fruits et produits avec la chose au propriétaire qui la revendique ; si les fruits et produits ne se retrouvent pas en nature,
il en doit la valeur, estimée à la date du paiement. La bonne ou mauvaise foi s’apprécie à la date de la perception des fruits et produits.

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Article 549 Le possesseur d’un bien en acquiert la propriété par une possession continue de trente ans.
Article 550 L’ayant cause universel ou à titre universel continue la possession de son auteur. L’ayant cause à titre particulier peut joindre à
la sienne celle de son auteur.
Article 551 La prescription acquisitive est interrompue lorsque le possesseur est privé pendant plus d'un an de la jouissance du bien soit par
le propriétaire, soit même par un tiers.
Article 552 La propriété acquise par l’effet de la possession l’est du jour où celle-ci avait commencé.
Article 553 Sont applicables à la prescription acquisitive les articles 2221 et 2222, et les chapitres III et IV du titre XX du livre III sous
réserve des dispositions du présent chapitre.
§2 Des règles propres à la possession des immeubles
Article 554 Le possesseur de bonne foi d’un immeuble en vertu d’un titre translatif en acquiert la propriété par une possession continue de
dix ans. Ce délai est susceptible de suspension, sans que celle-ci puisse conduire à une durée excédant trente ans.
§3 Des règles propres à la possession des meubles
Article 555 Le possesseur d’un meuble corporel est présumé le posséder en vertu du titre qu’il allègue. La preuve contraire à cette
présomption de titre peut être rapportée par tout moyen.
Article 556 Le possesseur de bonne foi d’un meuble corporel qui l’a acquis d’un non-propriétaire en devient propriétaire dès son entrée en
possession. Cependant, le propriétaire d’un meuble corporel perdu ou volé peut en obtenir restitution dans les trois ans de la perte ou du vol.
Il doit en rembourser le prix lorsque le nouveau propriétaire l’a acquise dans des circonstances commerciales normales.
Article 557 Le paiement fait de bonne foi au possesseur d’une créance est valable, encore que le possesseur soit par la suite évincé.
Article 558 La possession des meubles incorporels obéit aux lois spéciales qui les régissent.
Section 2 – De la détention
Article 559 La détention est l’exercice licite d’un pouvoir précaire exercé sur un bien en vertu, notamment, d’un titre prévoyant sa mise à
disposition tel le bail, le dépôt ou le prêt. Le détenteur ne possède pas pour lui-même mais pour le compte du propriétaire, sauf si son
comportement, contredisant le droit du propriétaire, manifeste son intention d’être possesseur.
Section 3 – De la protection de la possession et de la détention
Article 560 La possession est protégée contre le trouble qui l’affecte ou qui la menace. La même protection est accordée au détenteur contre
le trouble qu’il subit de tout autre que celui de qui il tient ses droits.

Chapitre III - De l’objet de la propriété immobilière


Article 561 La propriété du sol emporte, dans les limites posées par les lois et conventions, la propriété du dessus et du dessous.
Article 562 Un fonds peut faire l’objet d’une division visant à conférer à un tiers la propriété d’une partie de ce fonds situé au-dessus ou au-
dessous d’une limite conventionnellement fixée. La propriété du dessus est appelée propriété superficiaire, celle du dessous propriété
tréfoncière. Un fonds peut également, moyennant établissement d’un état descriptif de division, faire l’objet d’une division spatiale portant
création de volumes. Les articles 534 et suivants s’appliquent aux fonds issus des divisions mentionnées aux alinéas précédents.
Chapitre IV - De l’accession
Article 563 Tout ce qui s’unit et s’incorpore à une chose appartient au propriétaire de cette chose. Toutes les constructions et plantations
réalisées sur un fonds sont présumées faites par le propriétaire du fonds à ses frais et lui appartenir
Article 564 Le propriétaire d’un terrain sur lequel des constructions ou plantations ont été réalisées par un possesseur doit indemniser ce
dernier de la plus faible des deux sommes que représente, à la date du paiement, la plus value procurée au fonds ou le coût des matériaux et
de la main d’oeuvre. Toutefois, si le possesseur est de mauvaise foi, le propriétaire peut choisir d’exiger la remise des lieux en l’état et
demander l’allocation de dommages et intérêts. Le possesseur bénéficie d’un droit de rétention jusqu’au complet paiement de
l’indemnisation qui lui est, le cas échéant, due.
Article 565 Le sort des constructions et plantations faites par un détenteur est réglé par le titre mettant le terrain à sa disposition. A défaut de
convention contraire, les constructions et plantations faites au vu et sans opposition du propriétaire ne deviennent la propriété de ce dernier
qu’à la fin du contrat ou de ses éventuels renouvellements ou prorogations. L’indemnité due au détenteur par le propriétaire est alors
déterminée conformément aux dispositions de l’article 564 alinéa 1er.
Article 566 Le propriétaire profite des relais que forme un cours d’eau en se retirant insensiblement de l’une des rives et en se portant sur
l’autre ; le riverain du coté opposé ne peut venir réclamer le terrain qu’il a perdu. Néanmoins, lorsqu’une partie importante et reconnaissable
d’un fonds a été subitement déplacée, par l’effet d’un cours d’eau, vers un autre fonds, son propriétaire peut, dans l’année de l’événement,
en réclamer la propriété.
Article 567 Sauf titre contraire, la propriété de l’étang s’étend aux terres que celui-ci recouvre à la hauteur de la décharge du trop plein,
indépendamment de la variation du niveau des eaux. En l’absence de décharge, la preuve se fait par tout moyen.
Article 568 Est un trésor tout meuble caché ou enfoui, découvert dans un bien par le pur effet du hasard et sur lequel personne ne peut
justifier de sa propriété. Sous réserve des dispositions du Code du patrimoine, le trésor appartient au propriétaire du bien dans lequel il a été
trouvé. Toutefois, s’il a été découvert par un tiers, il est partagé par moitié entre le propriétaire du bien et ce tiers.
Chapitre V - Des propriétés collectives
Section 1 – De l’indivision ordinaire
Article 569 L’indivision est la situation d’un bien ou d’un ensemble de biens sur lequel plusieurs personnes sont titulaires de droits de même
nature, sans qu’aucune d’entre elles n’ait de droit exclusif sur une partie déterminée. L’indivision n’a pas la personnalité morale.
Article 570 L’indivision est régie par les articles 815 à 815-18, 1873-1 à 1873-18
Section 2 – De la copropriété par lots
Article 571 La copropriété est la situation dans laquelle la propriété d’un immeuble bâti est répartie en lots comprenant chacun une partie
privative et une quote-part de partie commune. Elle est régie, outre la présente section, par les textes spéciaux qui la concernent.
Article 572 Sont privatives les parties des bâtiments et des terrains réservées à l’usage exclusif d’un copropriétaire déterminé. Les parties
privatives sont la propriété exclusive de chaque copropriétaire
Article 573 Sont communes les parties des bâtiments et des terrains affectés à l’usage ou à l’utilité de tous les copropriétaires ou de plusieurs
d’entre eux. Les parties communes sont l’objet d’une propriété indivise entre l’ensemble des copropriétaires ou certains d’entre eux
Article 574 La collectivité des copropriétaires est constituée de plein droit en un syndicat qui a la personnalité morale.
TITRE IV : DES DEMEMBREMENTS DE LA PROPRIETE
Chapitre I - De l’usufruit
Section 1 – De la définition et de l’institution de l’usufruit
Article 575 L’usufruit est le droit réel d’user et de jouir d’un bien appartenant à un autre, à charge d’en conserver la substance. Il peut être
établi sur toute espèce de biens ou tout ensemble de biens, meubles ou immeubles, corporels ou incorporels. Il est temporaire et s’éteint
conformément aux dispositions des articles 593 à 595.
Article 576 L’usufruit est établi par la loi, la convention ou le testament et la prescription.
Section 2 - Des obligations mutuelles du propriétaire et de l’usufruitier quant à la conservation des biens objets de l’usufruit

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Article 577 La conservation des biens objets de l’usufruit est une obligation d’intérêt commun pour le propriétaire et l’usufruitier. Cette
obligation s’apprécie au regard de l’état du bien au début de l’usufruit, selon le descriptif visé à l’article 587 ou, à défaut, par tout moyen.
Elle disparaît si le bien est détruit par cas fortuit.
Article 578 Sauf convention contraire :
- Le propriétaire est tenu des travaux concernant la structure et la solidité générale de l’immeuble et notamment ses éléments porteurs, la
réfection intégrale de sa couverture, la reconstruction des ouvrages de soutènement et de clôture ou les digues.
- L’usufruitier est tenu des autres travaux rendus nécessaires par le maintien en état de l’immeuble, ainsi que des dépenses périodiques.
Article 579 L’usufruitier est intégralement tenu des travaux rendus nécessaires par son abus de jouissance ou son défaut d’entretien.
Article 580 L’usufruitier ou le propriétaire peut demander au juge de contraindre l’autre à exécuter son obligation ou de l’autoriser à faire
réaliser les travaux nécessaires incombant à l’autre. L’un ou l’autre peut, pour garantir le financement des travaux ou le remboursement des
sommes exposées pour le compte de l’autre, être autorisé par le juge à consentir une sûreté réelle sur le bien.
Article 581 Sauf convention contraire, le propriétaire peut, à la fin de l’usufruit, demander à l’usufruitier ou à ses ayants cause le
remboursement d’une fraction des dépenses qu’il a faites au titre de l’article 578, calculée en fonction de la valeur de l’usufruit au regard de
sa durée effective
Section 3 – Des droits et obligations de l’usufruitier
§1 Des droits de l’usufruitier
Article 582 L’usufruitier peut user et jouir des biens par lui-même ou en en concédant l’usage et la jouissance à autrui. Il peut céder son
droit, à titre onéreux ou à titre gratuit, ou le grever de sûretés réelles. Les droits ainsi constitués s’éteignent, au plus tard, en même temps que
l’usufruit cédé. Il ne peut constituer seul de droits réels sur le bien objet de l’usufruit, à l’exception des droits d’usage et d’habitation.
Article 583 La conclusion ou le renouvellement des baux soumis aux statuts des baux ruraux et commerciaux, ainsi que ceux constitutifs de
droit réel, requiert, à peine de nullité, l’accord du propriétaire ou, à défaut, l’autorisation du juge. Les autres baux peuvent être consentis par
l’usufruitier seul. Lors de l’extinction de l’usufruit, ils n’obligent le propriétaire, sauf accord de celui-ci, que pour la période en cours, dans
la limite de six ans pour les baux immobiliers et de trois ans pour les baux mobiliers.
Article 584 Les fruits appartiennent à l’usufruitier, les produits au propriétaire. Toutefois, appartiennent à l’usufruitier la moitié des produits
procédant d’une exploitation commencée avant l’usufruit et poursuivie selon les mêmes modalités.
Article 585 Sauf convention contraire :
- Les revenus procurés par les biens, tels que les loyers, intérêts et dividendes dont la distribution a été votée, s’acquièrent jour par jour ;
- Les récoltes qui sont à maturité lorsque l’usufruit prend fin appartiennent en totalité à l’usufruitier. Dans le cas contraire, elles reviennent
au propriétaire sans indemnité.
§2 Des obligations de l’usufruitier
Article 586 L’usufruitier jouit du bien d’une manière conforme à sa destination, sans pouvoir en altérer la substance. Il le restitue au
propriétaire à la fin de l’usufruit, sous réserve des articles 596 à 599. Il n’est tenu de restituer les choses non consomptibles que dans l’état
où elles se trouvent à la fin de l’usufruit, à moins que les dégradations ne soient dues à sa faute.
Article 587 A l’ouverture de l’usufruit, un descriptif des biens et de leur état est établi, sauf convention contraire, par le propriétaire et
l’usufruitier. En cas de désaccord entre eux, il est réalisé par un professionnel indépendant choisi conjointement ou, à défaut, désigné par le
Président du Tribunal de grande instance statuant comme en matière de référé.
Article 588 L’usufruitier doit fournir une sûreté suffisante du respect des obligations mentionnées à l’article 586, à moins qu’il n’en soit
dispensé par la loi, l’acte constitutif ou le propriétaire. En sont ainsi dispensés les père et mère, titulaires du droit de jouissance légale des
biens de leurs enfants mineurs, ainsi que les vendeurs ou donateurs ayant retenu l’usufruit des biens vendus ou donnés.
Article 589 L’usufruitier universel ou à titre universel et le propriétaire sont obligés au passif successoral à proportion de la valeur respective
de l’usufruit et de la propriété. Ils y contribuent dans les mêmes proportions, sauf convention contraire.
Article 590 Le propriétaire peut demander que l’usufruitier soit déchu de son droit s’il ne respecte pas ses obligations. Les créanciers de
l’usufruitier peuvent intervenir à l’instance pour la conservation de leurs droits en proposant de se substituer à lui dans l’exécution de ses
obligations et en fournissant toutes garanties. Le juge peut assortir l’extinction de l’usufruit de l’obligation pour le propriétaire de verser à
l’usufruitier une prestation. Elle prend la forme d’un capital dont le montant est fixé par le juge. Toutefois, si les circonstances le justifient,
le juge peut fixer la prestation sous la forme d’une rente à verser jusqu’à la date à laquelle l’usufruit aurait dû cesser.
Section 4 – De la durée de l’usufruit
Article 591 L’usufruit peut être suspendu à un terme ou à une condition : il ne s’ouvre alors que par l’échéance du terme ou la réalisation de
la condition.
Article 592 L’usufruit est constitué soit pour la vie de son titulaire, soit pour une durée déterminée ou déterminable, laquelle ne peut
dépasser trente ans.
Article 593 L’usufruit viager s’éteint par la mort de son titulaire personne physique ou la dissolution de son titulaire personne morale sans
que sa durée ne puisse, dans ce dernier cas, excéder trente ans S’il est cédé, il ne s’éteint pas, sauf convention contraire, par la mort ou la
dissolution du cessionnaire, mais par la mort ou la dissolution de son premier titulaire.
Article 594 L’usufruit à durée déterminée ou déterminable s’éteint par l’expiration du temps pour lequel il a été établi.
Article 595 Tout usufruit s’éteint :
- par la réunion des qualités d’usufruitier et de propriétaire,
- par le non-usage pendant trente ans,
- par la perte totale de la chose sur laquelle il a été établi, sauf l’accord de l’usufruitier et du propriétaire pour le reporter sur la chose
représentant celle qui a péri.
Section 5 – Des usufruits spéciaux
§1 Du quasi-usufruit
Article 596 L’usufruitier peut librement disposer des choses consomptibles, à charge de restituer au propriétaire, à la fin de l’usufruit, soit
des choses de même quantité et qualité, soit leur valeur à la date de la restitution.
Article 597 L’acte constitutif peut autoriser l’usufruitier à disposer de tout bien meuble non consomptible. Il détermine les conditions de la
restitution. A défaut, l’usufruitier restitue soit des choses de même quantité et qualité, soit leur valeur à la date de la restitution.
Article 598 Le remploi des fonds issus de l’aliénation peut être imposé par l’acte constitutif. Il peut l’être également par le juge, sur
demande du propriétaire, pour la conservation de son droit. L’usufruitier doit alors restituer les biens issus du remploi ou leur valeur estimée
à la date de restitution.
Article 599 Le remploi peut aussi être librement effectué par l’usufruitier. Ce dernier restitue alors la plus forte des deux sommes que
représente la valeur actuelle du bien acquis en remploi ou de celui sur lequel le quasi-usufruit avait été constitué. Le remploi ainsi effectué
peut être prouvé par tout moyen.
§2 De l’usufruit des créances

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Article 600 L’usufruitier d’une créance de somme d’argent fait siens les intérêts à titre de fruits. En cas de remboursement du capital au
cours de son usufruit, il exerce, sauf convention contraire, son droit sur ce capital conformément à l’article 596 jusqu’à l’arrivée du terme
prévu pour son droit.
§3 De l’usufruit des droits sociaux
Article 601 Les dividendes distribués à titre de revenus appartiennent à l’usufruitier. Sauf convention contraire, l’usufruitier exerce son droit
sur les autres sommes conformément à l’article 596, jusqu’à l’arrivée du terme prévu pour son droit.
§4 De l’usufruit des biens formant un ensemble
Article 602 Sauf s’il en est autrement convenu, lorsque l’usufruit porte sur des biens formant un ensemble, l’usufruitier peut disposer de
chacun de ces éléments, sauf à les remplacer conformément à la destination de cet ensemble. Si son droit est en péril, l’usufruitier peut
demander au juge de modifier la destination de l’ensemble.
Chapitre II - Du droit d’usage et d’habitation
Article 603 Le droit d’usage et d’habitation est celui qui confère à son bénéficiaire, dans la limite de ses besoins et de ceux de sa famille
actuelle et future, l’usage personnel d’un fonds et la perception des fruits.
Article 604 Le droit d’usage et d’habitation s’établit et se perd de la même manière que l’usufruit. Il ne peut être ni cédé ni loué. Il doit être
exercé par son titulaire dans le respect de la destination normale du bien.
Article 605 Le bénéficiaire du droit d’usage et d’habitation est soumis aux obligations imposées à l’usufruitier par les articles 587 et 588.
Article 606 Si l’usager utilise la totalité du fonds, il est tenu des dépenses d’entretien et plus généralement des dépenses périodiques que
l’article 578 met à la charge de l’usufruitier. S’il n’utilise qu’une partie du fonds, il y contribue au prorata de ce dont il jouit.
Chapitre III - Des droits réels conférés par des baux
Article 607 Des droits réels sur le sol peuvent être conférés par certains contrats, tels les baux emphytéotiques ou à construction. Ces droits,
cessibles et susceptibles d’hypothèque, confèrent à leurs titulaires, pendant la durée du contrat, la propriété des constructions ou plantations
ou installations dont ils autorisent la réalisation. Ils sont régis par les lois qui les instituent.
Chapitre IV - Du droit réel de jouissance spéciale
Article 608 Le propriétaire peut consentir, sous réserve des règles d’ordre public, un ou plusieurs droits réels conférant le bénéfice d’usage
spécial ou d’une jouissance spéciale d’un ou de plusieurs de ses biens. Les droits réels de jouissance sur le domaine public s’établissent et
s’exercent dans le cadre du code général de la propriété des personnes publiques et selon les lois qui les régissent
Article 609 Le droit réel de jouissance spéciale s’établit de la même manière que l’usufruit. Il est exercé dans le respect de la destination
normale du bien.
Article 610 Le titulaire d’un droit réel de jouissance spéciale bénéficie des droits mentionnés aux articles 582 à 585 et supporte les
obligations de l’usufruitier mentionnées aux articles 586 à 588 et 590.
Article 611 Le droit réel de jouissance spéciale s’éteint :
- par l’expiration du temps pour lequel il a été consenti, lequel ne peut excéder trente ans ;
- par la réunion dans le même patrimoine des deux qualités de bénéficiaire de la jouissance spéciale et de propriétaire ;
- par le non-usage pendant une durée déterminée, le cas échéant, par la convention ;
- par la perte totale de la chose sur laquelle il a été établi.
Chapitre V - Des servitudes
Section 1 – Dispositions générales
Article 612 La servitude est une charge réelle grevant un fonds pour l’usage et l’utilité d’un fonds appartenant à un autre propriétaire. Elle
n’établit ni prééminence d’une propriété sur l’autre, ni obligations personnelles au profit ou à la charge des propriétaires, mais seulement des
rapports entre fonds servant et fonds dominant et des services qui leur sont attachés.
Section 2 – De l’établissement des servitudes
Article 613 Toutes les servitudes peuvent s’établir par convention.
Article 614 Les servitudes établies par la loi obéissent aux règles qui les instituent.
Article 615 Les servitudes qui se manifestent par des ouvrages extérieurs ou par une activité humaine apparente et renouvelée peuvent
s’acquérir par la possession dans les conditions des articles 549 et 554
Article 616 Les servitudes peuvent aussi s’établir par destination du propriétaire entre fonds issus d’une division, à défaut de stipulation
contraire de l’acte de division. Elles résultent, dans ce cas, du maintien d’ouvrages ou d’aménagements extérieurs réalisés par le propriétaire
avant la division du fonds.
Section 3 – De l’exercice des servitudes
Article 617 La servitude comprend tout ce à qui est nécessaire pour en user.
Article 618 Le propriétaire du fonds dominant réalise sur le fonds servant les ouvrages éventuellement nécessaires à l’exercice ou au
maintien de la servitude et en supporte le coût, sauf la convention de l’article 619.
Article 619 Lorsque le propriétaire du fonds servant est tenu par la convention de faire ou de laisser faire à ses frais des ouvrages nécessaires
à l’exercice et au maintien de la servitude, il peut toujours s’en affranchir en abandonnant au propriétaire du fonds dominant, à sa
convenance, soit le fonds servant soit le terrain d’assiette de la servitude.
Article 620 La servitude est indivisible. En cas de division du fonds servant ou du fonds dominant, la servitude continue à être exercée
activement et passivement selon les mêmes modalités sur la totalité du fonds servant et au profit de la totalité du fonds dominant.
Article 621 Le propriétaire du fonds servant ne peut rien faire qui tende à diminuer l’usage de la servitude ou à le rendre plus incommode.
Ainsi, il ne peut modifier l’état des lieux, ni les modalités d’exercice de la servitude. Cependant, si des conditions nouvelles de fait ou de
droit rendent l’exercice de la servitude plus onéreuse pour le fonds servant ou en empêchent l’usage normal, le propriétaire du fonds servant
peut offrir une autre assiette au propriétaire du fonds dominant. En cas de refus, le juge détermine l’assiette la plus appropriée eu égard aux
intérêts en présence.
Article 622 Le propriétaire du fonds dominant ne peut user de la servitude que suivant son titre et sans aggraver la situation du fonds
servant.
Article 623 La servitude s’éteint par le non-usage pendant trente ans. Le délai de trente ans commence à courir à compter du jour où l’on a
cessé d’en jouir pour les servitudes qui s’exercent par une activité humaine apparente et renouvelée et du jour où il a été fait un acte
contraire pour les autres servitudes.
Article 624 Si l’exercice d’une servitude est devenu définitivement impossible, le propriétaire du fonds servant peut à tout moment en faire
constater l’extinction par le juge.
Article 625 Toute servitude s’éteint par la réunion du fonds dominant et du fonds servant dans le même patrimoine.
Article 626 Si le fonds dominant est en indivision, la jouissance de l’un des indivisaires empêche la prescription à l’égard de tous.
Article 627 La suspension de la prescription à l’encontre d’un des indivisaires profite à tous.
Article 628 Les modalités d’exercice de la servitude s’établissent, à défaut de convention contraire, par un usage trentenaire.
TITRE V : DES RELATIONS DE VOISINAGE
Chapitre I - Des troubles de voisinage

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Article 629 Nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage.
Article 630 Les actions découlant de l’article précédent sont ouvertes aux propriétaires, locataires et bénéficiaires d’un titre ayant pour objet
principal de les autoriser à occuper ou à exploiter le fonds. Elles ne peuvent être exercées que contre eux. Elles ne peuvent être intentées
lorsque le trouble provient d’activités économiques, exercées conformément à la législation en vigueur, préexistantes à l’installation sur le
fonds et s’étant poursuivies dans les mêmes conditions.
Chapitre II - Des arbres et plantations
Article 631 A défaut d’usage ou de disposition contraire, les arbres et arbustes ne peuvent être plantés à moins de deux mètres de la limite
séparative de deux fonds lorsqu’ils ont une hauteur égale ou supérieure à deux mètres, et à moins de cinquante centimètres de la limite
séparative lorsqu’ils ont une hauteur inférieure à deux mètres. Toutefois, les arbres et arbustes peuvent être plantés en espalier
immédiatement contre un mur mitoyen sous réserve qu’ils ne dépassent pas la hauteur du mur. Si le mur n’est pas mitoyen, le propriétaire
seul a le droit d’y appuyer ses espaliers sans que ceux-ci puissent dépasser la hauteur du mur.
Article 632 Celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres et arbustes du voisin peut contraindre celui-ci à les couper. Les
fruits tombés naturellement de ces branches lui appartiennent. Le droit de faire couper ces branches, ainsi que celui de couper à la limite des
deux fonds contigus les racines, ronces et brindilles débordant sur sa propriété, est imprescriptible.
Chapitre III - Des clôtures
Article 633 Le droit de clore son fonds, qui appartient à tout propriétaire, s’exerce dans le respect des dispositions législatives et
réglementaires ou, à défaut, des usages locaux. Le propriétaire peut, dans les parties urbanisées de la commune, contraindre son voisin à
contribuer à l’édification et à l’entretien de la clôture les séparant.
Article 634 Le propriétaire d’un fonds ne peut faire obstacle à l’entretien indispensable d’un mur légalement établi en limite séparative du
fonds voisin. En cas de refus abusif d’accès à son fonds, les travaux sont autorisés par le juge qui fixe les modalités de leur réalisation.
Chapitre IV - De la mitoyenneté
Article 635 La mitoyenneté est un droit de propriété indivis sur un mur, une clôture ou un fossé.
Article 636 Un mur, une clôture, un fossé ne peuvent être réalisés à cheval sur la ligne séparative de deux fonds contigus que du commun
accord des propriétaires de ces fonds. Le propriétaire qui n’a pas consenti à l’édification du mur à cheval sur la ligne séparative des fonds ne
peut, dans les parties urbanisées de la commune visées à l’article 633, exiger la démolition du mur. Il en acquiert de plein droit et
gratuitement la mitoyenneté.
Article 637 Les murs, clôtures ou fossés existants, réalisés en limite séparative ou sur la ligne séparant les deux fonds, sont présumés
mitoyens, sauf titre, prescription ou élément de fait contraire.
Article 638 Sauf titre contraire :
- un mur est censé appartenir au propriétaire du fonds vers lequel son sommet est incliné en totalité ou sur le côté duquel existent des
éléments architecturaux attestant de la volonté initiale des constructeurs du mur ;
- un fossé est censé appartenir au propriétaire du fonds du côté duquel le rejet de la terre se trouve ;
- une clôture est censée appartenir au propriétaire du fonds clos si un seul des fonds est clôturé.
Article 639 Les dépenses d’entretien, de réparation ou de reconstruction d’un mur, d’une clôture ou d’un fossé mitoyen sont répartis entre
les propriétaires à proportion de leurs droits, sauf si les dépenses ont été rendues nécessaires par le fait de l’un d’entre eux. Le propriétaire
peut se soustraire aux dépenses en abandonnant la mitoyenneté du mur, de la clôture ou du fossé, sauf si le mur soutient un bâtiment qui lui
appartient ou si le fossé sert à l’écoulement des eaux de son fonds.
Article 640 Chaque propriétaire peut appuyer sa construction sur le mur mitoyen.
Article 641 Chaque propriétaire peut faire exhausser le mur mitoyen, à charge pour lui de supporter l’ensemble des dépenses liées à
l’exhaussement et à son entretien. Si le mur n’est pas en état de supporter l’exhaussement, celui qui veut l’exhausser doit le faire
reconstruire en entier à ses frais et l’excédent d’épaisseur éventuellement nécessaire doit se prendre de son côté. L’exhaussement est la
propriété exclusive de celui qui l’a réalisé. La mitoyenneté de l’exhaussement s’acquiert conformément aux dispositions de l’article 642.
Article 642 Le propriétaire du fonds joignant un mur a la faculté d’en acquérir la mitoyenneté en tout ou partie, en remboursant au
propriétaire du mur la moitié de la valeur actuelle du mur et la moitié de la valeur du sol supportant le mur ou la partie du mur. Cette faculté
ne s’applique pas aux autres modes de clôture ni aux fossés.
Article 643 Aucun propriétaire ne peut faire de travaux affectant la structure du mur mitoyen sans le consentement de l’autre ou, à défaut,
l’autorisation du juge.
Article 644 Les fruits et produits d’une haie mitoyenne appartiennent aux propriétaires par moitié. Chaque propriétaire peut exiger
l’arrachage ou l’élagage d’un arbre isolé mitoyen.
Chapitre V - Des jours et vues
Article 645 Sont des vues les ouvertures ou aménagements qui permettent le regard vers un fonds voisin, comme les fenêtres, balcons,
terrasses et plates-formes. Sont des jours les ouvertures qui laissent passer l’air ou la lumière sans permettre aucun regard sur le fonds
voisin.
Article 646 Jours et vues constituent des aménagements extérieurs au sens de l’article 615.
Article 647 Il ne peut être pratiqué dans un mur mitoyen ni jour ni vue. Le propriétaire d'un mur non mitoyen établi en limite séparative ne
peut y pratiquer que des jours.
Article 648 Aucune vue, droite ou oblique, ne peut être créée à moins de trois mètres d’un fonds voisin. Cette distance se compte depuis le
parement extérieur du mur où l'ouverture se fait ou depuis la ligne extérieure des balcons ou terrasses, jusqu'à la limite séparative des fonds.
Article 649 L’article précédent ne s’applique pas aux vues donnant sur une voie publique, un jardin public aménagé ou une promenade
publique. Il ne s’applique pas aux vues donnant sur des fonds grevés d’une servitude de passage faisant obstacle aux constructions, établie
au profit de celui qui veut ouvrir la vue, ou sur des fonds indivis entre voisins Toutefois, aucune vue ne peut être créée si un fonds est situé,
par delà le fonds indivis ou celui grevé de servitudes, à une distance inférieure à celle mentionnée à l’article 648. Il peut être dérogé
conventionnellement aux règles posées par les articles 647 et 648.
Chapitre VI - De l'égout des toits
Article 650 Tout propriétaire doit établir ses toits de manière que les eaux pluviales s’écoulent sur son fonds ou sur la voie publique. Il ne
peut les faire verser sur le fonds de son voisin.
Chapitre VII - Du bornage
Article 651 Le bornage est l’opération qui a pour effet de reconnaître et fixer, de façon contradictoire et définitive, les limites séparatives des
propriétés privées appartenant ou destinées à appartenir à des propriétaires différents. Il résulte de la convention des parties ou d’une
décision du juge.
Article 652 Tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contiguës. Le bornage se fait à frais communs, sauf
convention contraire.
Article 653 Le propriétaire qui n'a pas accepté une proposition de bornage amiable contradictoire établie par un professionnel agréé doit
intenter l'action en bornage judiciaire, dans les 6 mois de la signification, par son voisin, du projet de bornage. A défaut, la limite proposée
est réputée lui être opposable et définitive.

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Article 654 L’action en bornage est perpétuelle.
Article 655 Le bornage requiert le consentement de tous les indivisaires.
Article 656 Le bornage ne fait pas obstacle à la possibilité du propriétaire de prescrire au-delà des bornes dans les conditions des articles 549
et 554
Chapitre VIII : De la servitude légale de passage en cas d’enclave
Article 657 Est enclavé un fonds qui n’a pas une issue suffisante sur la voie publique pour permettre son utilisation ou son exploitation
économique normale.
Article 658 Le propriétaire d’un fonds enclavé peut réclamer en justice un passage suffisant sur les fonds de ses voisins, à charge
d’indemniser ces derniers du préjudice subi, à moins que l’état d’enclave n’ait été volontairement constitué.
Article 659 Sous réserve des dispositions de l’article 660, le passage doit être pris du côté et sur le ou les fonds où le trajet du fonds enclavé
à la voie publique est le plus court, à moins qu’un autre trajet ne soit moins dommageable.
Article 660 Si l’enclave résulte de la division d’un fonds par suite d’une convention, le passage ne peut être demandé, dans les trente ans
suivant la division, que sur les terrains qui sont issus de cette division. Toutefois, le propriétaire du fonds enclavé peut, dans le cas où aucun
passage suffisant ne pourrait être établi sur les fonds divisés, intenter l’action prévue à l’article 658.
Article 661 L’assiette et les modalités de passage pour cause d’enclave sont déterminées par trente ans d’usage continu.
Article 662 L’action en indemnité du propriétaire du fonds servant se prescrit par trente ans, mais le passage demeure malgré cette
prescription.
Article 663 En cas de cessation de l’enclave, le propriétaire du fonds assujetti peut à tout moment demander sa suppression. A défaut
d’accord amiable, cette disparition est constatée par le juge.
Article 664 L’entretien du passage obéit aux règles de l’article 618.

Tribune dans Le Monde cosignée par (50 juristes dont Mireille Delmas-Marty, Judith
Rochfeld, B. Grimonprez, économistes, et chercheurs) : appel à subordonner
juridiquement, dans la Constitution, la défense de la liberté d’entreprendre et de la
propriété privée à la défense de l’intérêt général
(https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/05/29/bien-commun-une-reforme-sage-et-
mesuree-de-notre-constitution-est-devenue-une-urgence_5306399_3232.html) :
Proposition : l’article 34 de notre Constitution : « La loi détermine les mesures propres à
assurer que l’exercice du droit de propriété et de la liberté d’entreprendre respecte le
bien commun. Elle détermine les conditions dans lesquelles les exigences
constitutionnelles ou d’intérêt général justifient des limitations à la liberté d’entreprendre
et au droit de propriété. »

4. PETIT LEXIQUE DROIT PATRIMONIAL


-Abusus : Mot latin désignant l’un des attributs du droit de propriété, le droit de disposer (disposition juridique par
l’aliénation ou disposition matérielle par la destruction).
-A domino : Expression latine signifiant que l’on a reçu un bien d’une personne qui en était propriétaire.
-Animus : Etat d’esprit d’une personne qui se comporte comme titulaire d’un droit sur une chose (animus domini)
pour l’exercer ou qui veut faire une libéralité (animus donandi).
-Animus possidendi  : Intention d’un possesseur d’agir pour son propre compte. Ex. intention chez celui qui
accomplit sur une chose des actes matériels (corpus) correspondant à l’exercice de la propriété, d’un usufruit ou
d’une servitude, de se comporter, à tort ou à raison, de bonne ou de mauvaise foi comme le véritable titulaire de
droit.
-A non domino : Expression latine signifiant que l’on a reçu un bien d’une personne qui n’en était pas
propriétaire.
-Constitut possessoire  : Modification de titre résultant d’un transfert de propriété non accompagné d’une remise
matérielle de la chose à l’acquéreur, en vertu de laquelle l’ancien propriétaire devient détenteur précaire (et non
possesseur) de la chose qu’il conserve pour autrui (ex. vendeur qui garde pour son client la chose vendue, mais
non encore livrée). En résumé, convention par laquelle l’aliénateur reconnaît posséder dorénavant la chose pour
le compte de l’acquéreur.

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-Corpus : Le corpus (corps) constitue l’élément matériel de la possession, en désignant le pouvoir de fait exercé
sur une chose.
-Fructus : Mot latin désignant l’un des attributs du droit de propriété sur une chose, le droit d’en percevoir les
fruits, au sens large du terme.
-Indivision : Situation juridique qui existe jusqu’au partage d’une chose (immeuble acquis en commun) ou d’un
ensemble de choses (masses successorales, communauté dissoute), entre ceux qui ont sur cette chose ou cet
ensemble un droit de même nature (propriété, nue-propriété, usufruit), chacun pour une quote-part(égale ou
inégale), aucun n’ayant de droit privatif cantonné sur une partie déterminée et tous ayant des pouvoirs
concurrents sur le tout (usage, jouissance, disposition).
-Posséder corpore alieno : c’est l’acquisition du corpus par autrui. Le possesseur possède alors corpore alieno ;
c’est le cas par exemple de l’acquéreur , s’il ne prend pas immédiatement possession, possède par
l’intermédiaire du vendeur qui conserve la chose jusqu’à la livraison : c’est l’hypothèse du constitut possessoire.
-Res : Mot latin signifiant chose.
-«Res mobilis, res vilis» : Chose mobilière, chose ayant peu de valeur.
-Res communes : Choses communes ; elles sont à tous et nul ne peut se les approprier, mais l’usage en est
commun à tous (art. 714 C. civ.) ; ex. : air, eau...
-Res nullius : Choses qui, par leur nature, sont susceptibles d’avoir un propriétaire, mais qui en fait n’en ont pas
(ex. : gibier, poisson, ou encore produits de fonds marins).

-Res derelictae : Choses mobilières abandonnées, détritus, débris que l’on a jetés avec l’intention de s’en
séparer (à la différence des épaves, qui sont des choses abandonnées mais dont les maîtres vont conserver la
possession).
-Usufruit : Droit réel, par essence temporaire, dans la majorité des cas viager, qui confère à son titulaire l’usage
et la jouissance de toutes sortes de biens appartenant à autrui, mais à charge d’en conserver la substance (art.
578 C. civ.).
-Usus : Parmi les prérogatives attachées à la propriété, droit de détenir et d’utiliser une chose sans en percevoir
les fruits.
-Servitude : Charge établie sur un immeuble pour l’usage et l’utilité d’un autre immeuble à un autre propriétaire
(art. 637 C. civ.). Démembrement de la propriété qu’elle grève (appelé fonds servant), elle est un droit
accessoire de la propriété du fonds auquel elle profite (fonds dominant).
-Trésor : Chose cachée ou enfouie (ce qui exclut les objets tombés à la surface du sol ou égarés, tels que les
épaves ; mais ce qui englobe les objets contenus aussi bien dans un meuble que dans un immeuble) sur
laquelle une personne ne peut justifier d’un droit de propriété, et qui est découverte par le pur effet du hasard.

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5. PLAN DES SÉANCES :

SÉANCE 1 : PRÉSENTATION GÉNÉRALE : BIBLIOGRAPHIE ET MÉTHODOLOGIE DU CAS


PRATIQUE
Séance introductive : Le patrimoine

SÉANCE 2 : NOTION DE BIEN ET DISTINCTIONS DU DROIT DES BIENS


La distinction principale des biens : les immeubles et les meubles

SÉANCE 3 : LES DROITS PORTANT SUR LES BIENS : DROIT RÉEL ET DROIT PERSONNEL

SÉANCE 4 : LA PROPRIÉTÉ INDIVIDUELLE : ATTRIBUTS ET CARACTÈRES

SÉANCE 5 : LA PROPRIÉTÉ INDIVIDUELLE LIMITÉE  : ABUS DE DROIT DE PROPRIÉTÉ ET


TROUBLES ANORMAUX DE VOISINAGE

SÉANCE 6 : LES MODES D’ACQUISITION DE LA PROPRIÉTÉ


Modes d’acquisition : Occupation, Accession, Possession

SÉANCE 7 : LA POSSESSION MOBILIÈRE ET IMMOBILIÈRE


Notion et régime

SÉANCE 8 : LA PROPRIÉTÉ DÉMEMBRÉE : USUFRUIT, SERVITUDES ET DROIT RÉEL DE


JOUISSANCE SPÉCIALE

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SÉANCE 1 : PRÉSENTATION GÉNÉRALE : BIBLIOGRAPHIE ET
MÉTHODOLOGIE DU CAS PRATIQUE
Séance introductive : Le patrimoine
I. – BIBLIOGRAPHIE ET MÉTHODOLOGIE EN DROIT DES BIENS
Les exercices de droit des biens seront divers et variés : commentaire d’arrêt ;
commentaire d’articles ; cas pratique et dissertation juridique. L’accent sera mis sur le
cas pratique…

Méthodologie Cas pratique (Rappel) :

I. Travail préparatoire à la rédaction du cas pratique

L'étudiant doit effectuer son travail avec la volonté de donner un avis. Il faut être objectif
et convaincant et donc arriver à prendre parti (à savoir énoncer quel est le meilleur
moyen d'obtenir le résultat recherché). Il faut motiver juridiquement ses avis comme le
juge le fait pour ses décisions.
L'exercice du cas pratique en droit des biens a pour but d'amener l'étudiant à faire
application de ses connaissances à une situation donnée. Il ne s'agit pas de réciter son
cours ou retranscrire un ouvrage, quel qui soit, mais sélectionner les éléments de droit
qui vont permettre d'apporter une réponse cohérente, circonstanciée et argumentée aux
questions posées.
Il est primordial de savoir utiliser correctement le Code civil et il ne faut surtout pas
hésiter à s'en servir abondamment car les questions posées sont souvent assez
précises. Attention, il est préférable de citer les décisions que l'on connaît déjà,
notamment celles que l'on a étudiées en travaux dirigés ou en cours, afin d'éviter les
mauvaises interprétations ou les lectures trop rapides. Par exemple : sous l'article 544
du Code civil (Dalloz, 2012), la note 32 « Imprescriptibilité de l'action en revendication » :
il est mentionné que l'action en revendication n'est pas susceptible de prescription
extinctive (attention, depuis L. no 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la
prescription en matière civile, il est prévu à l'article 2227 du Code civil que les actions
réelles immobilières se prescrivent par trente ans) et il est cité un arrêt de la première
chambre civile de la Cour de cassation du 2 juin 1993 qui se réfère à la propriété
mobilière. On retrouve simplement énoncer à la fin du recensement des notes entre
parenthèses (propriété mobilière). Si l'étudiant va trop vite, n'a pas lu son Code et a
tendance à justifier sa solution sur un tel fondement alors que son cas pratique concerne

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une action en revendication immobilière, la démarche est fausse. Il est bon de citer un
autre arrêt (par ex. Civ. 3e, 5 juin 2002).
1re étape
En préliminaire, la lecture et la relecture du cas pratique sont nécessaires : une première
lecture dite générale puis une, plus sélective, sont conseillées. Très souvent, il arrive
que l'exposé des faits contienne des éléments sans influence sur la réponse. Il peut
aussi arriver que des éléments de faits se contredisent et, par conséquent, s'annulent,
ce qui les rend inutiles. En revanche, il est parfois bon de dresser la chronologie des
événements (not. pour la prescription d'une action ; ou pour l'acquisition de la propriété
par la possession). La lecture sélective consiste à identifier et à isoler les questions
juridiques posées par les faits afin de permettre de définir avec une très grande
exactitude le ou les problèmes de droit. Il n'y a aucun problème à ce sujet lorsque les
questions sont posées en termes juridiques. Exemple : quelles actions réelles le
propriétaire peut-il invoquer ?, ou bien encore, le propriétaire du fonds peut-il prétendre
à une servitude de passage sur le terrain voisin ? À l'inverse, il arrive souvent que le
client expose le projet qu'il a conçu ou le résultat qu'il désire atteindre avec les mots de
tous les jours et de façon vague ou techniquement imprécise. Le premier travail consiste
à qualifier et à traduire en termes juridiques précis.
2e étape
Dans cette deuxième étape, il s'agira de procéder à l'identification des règles juridiques
applicables aux faits exposés. En premier lieu, il s'agira de recenser les règles
susceptibles de s'appliquer à la situation décrite et, en second lieu, à rechercher si elles
lui sont effectivement applicables.
Sur le recensement des règles, tout d'abord, trois cas de figure peuvent se présenter :
– en premier lieu, il se peut que l'énoncé mentionne la seule règle ou le seul ensemble
de règles sur l'applicabilité desquelles le demandeur d'avis souhaite être éclairé. Le
champ des investigations est alors circonscrit avec précision. L'étudiant n'a plus qu'à se
concentrer sur l'applicabilité des règles mentionnées dans la question.
– en deuxième lieu, il peut arriver que le demandeur d'avis, sans faire allusion à une
règle précise ou à un ensemble de règles, indique seulement le résultat qu'il souhaite
obtenir. Ce dernier doit alors rechercher toutes les règles ayant pour effet de produire le
résultat désiré en indiquant éventuellement celles qui peuvent s'appliquer à la situation
actuelle et celles qui ne peuvent pas et, parmi ces dernières, ce que pourrait faire le
demandeur d'avis pour qu'elles s'appliquent à lui.
– en troisième lieu, il se peut que le demandeur d'avis ne sache que faire. Il n'est même
pas capable de se fixer un résultat à atteindre. Il vous demande conseil.
Une fois recensées les règles juridiques paraissant avoir un rapport avec la situation
étudiée, il reste à vérifier si elles lui sont effectivement applicables.
3e étape
La troisième étape consiste à vérifier que les règles recensées lui sont effectivement
applicables. Il s'agit ici de voir si les conditions d'application des règles identifiées dans

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l'étape précédente se retrouvent dans les faits relatés. Il faut se demander si tel fait ou
telle circonstance constitue la condition d'application de la règle prévue par la loi. C'est
encore un travail de qualification qu'il convient de mener à bien.
La vérification est facile lorsque la réalisation de la condition d'application dépend
d'éléments objectifs comme un délai précis fixé par la loi et qu'une observation attentive
des dates indiquées dans l'exposé des faits donne une réponse indiscutable.
La vérification est plus délicate lorsque la réalisation de la condition d'application de la
règle dépend d'éléments subjectifs, notamment parce que la qualification des faits
dépend de l'appréciation que les juges en feront.
L'étudiant doit surmonter une difficulté du même genre lorsque la règle applicable fait
l'objet d'interprétations divergentes, il conviendra alors de se livrer à une discussion
approfondie pour savoir si les conditions d'application de la règle sont ou non réunies en
l'espèce et assortir l'avis donné des plus expresses réserves.
Enfin, l'étudiant peut être confronté à une difficulté particulière : l'exposé des faits n'est
pas assez détaillé pour savoir si les conditions d'application de la règle sont remplies.
Imaginons l'hypothèse d'une personne qui est devenue détenteur des objets
appartenant à autrui. Rien n'est dit sur la façon de les détenir ; or, ce point apparaît
fondamental pour juger la recevabilité des différentes actions en revendication. Les
textes applicables sont différents selon que le dessaisissement est volontaire ou
involontaire du véritable propriétaire (C. civ., art. 2276 et 2277). Le délai pendant lequel
la revendication est possible n'est pas le même dans ces deux situations. L'étudiant doit
examiner les différentes hypothèses de fait possibles et déterminer quels seraient les
effets de l'application de la loi dans chacune d'elles.
Il convient alors de rédiger la réponse. Le cas pratique peut être analysé comme
« fermé » ou « ouvert ». Il est « fermé » lorsqu'une, deux ou plusieurs questions
précises ont été posées. Dans ce cas, la seule façon de procéder est de répondre
successivement à chacune d'elles. Le cas pratique est dit « ouvert » lorsqu'il comporte
une demande d'avis imprécise comme « Que pensez-vous de la situation juridique ainsi
créée ? » ou « X vous demande conseil » ou Quid juris  ? Un effort de construction est
alors indispensable. Il ne s'agit pas d'une dissertation juridique. Le plan en deux parties
ne s'impose nullement mais il n'y a aucune raison de l'interdire si la réponse que l'on va
faire permet d'en adopter un qui ne soit pas artificiel. Dans l'hypothèse où il apparaît, à
l'issue de la phase de réflexion préalable, que plusieurs règles sont applicables à la
situation analysée, il est normal de consacrer une partie à chacune d'elles. Cependant,
au-delà de quatre, il faut tout de même essayer de les regrouper afin de ne pas donner
l'impression d'une trop grande dispersion ; il ne faut toutefois pas vouloir le faire à tout
prix. En revanche, dans l'hypothèse où, après l'analyse préalable de la situation, une
seule règle de droit ou un seul ensemble de règles apparaît applicable à l'espèce, c'est
évidemment autour de cette règle ou de cet ensemble, de ses conditions d'application
ou de ses effets, que les développements doivent s'ordonner.
En conséquence, il est bon de respecter les exigences de forme et de fond évoquées ci-
après.

16
II. Élaboration de la solution du cas pratique : soigner la forme et le fond

Le raisonnement suivi doit être le plus logique possible pour conduire naturellement à la
solution proposée. À cet effet, plusieurs étapes méthodologiques doivent être
respectées (clarté dans chacune des étapes). Les étapes sont au nombre de cinq :
– la première étape consiste à rappeler les faits d'une manière très brève : seules
doivent apparaître les données juridiques qui concernent directement le problème traité,
et encore, dans la mesure où elles sont essentielles à la résolution de la difficulté ;
– la deuxième étape consiste à présenter le problème de droit ;
– la troisième étape concerne la règle de droit applicable et son fondement : il s'agit
d'énoncer la règle juridique a priori. En effet, la démonstration suivie pourra justement
conduire à l'écarter.
La règle de droit sera en principe issue d'un texte. Toutefois, cette hypothèse peut
toujours varier. En effet, si elle ne provient pas directement d'un texte mais de la
jurisprudence, la (ou les) décision(s) en question doivent être citées.
En outre, il faut énumérer les conditions d'application du ou des textes cités. Au
demeurant, si le texte pose deux ou plusieurs conditions, il faut les traiter séparément. Il
convient d'être rigoureux sur ce point en expliquant et/ou en définissant les termes et les
notions employées. Bien sûr, on ne doit insister que sur ce qui pose problème, et l'on
peut rapidement éliminer les hypothèses qui, à l'évidence, ne soulèvent pas de réelles
difficultés ;
– la quatrième étape consiste à appliquer aux faits la règle de droit. Cette étape vise tout
simplement à confronter les règles juridiques dégagées aux faits de l'espèce. La
discussion conduit à énoncer la jurisprudence applicable. Il s'agit d'illustrer le texte
applicable par les décisions jurisprudentielles qui peuvent statuer sur des problèmes
similaires au cas d'espèce. Toutefois, il faut éviter le catalogue et utiliser la jurisprudence
à bon escient ;
– la cinquième étape consiste à conclure. Elle correspond au résultat que l'étudiant
avance pour résoudre le problème posé. Chaque question doit, en principe, se terminer
par une conclusion. Il ne s'agit pas d'essayer de donner une solution, ou tout au moins
de mettre fin au raisonnement. Si plusieurs solutions sont envisageables, il faut toutes
les proposer. Mais dans la mesure du possible, il faut essayer de prendre position, ce
qui n'est pas toujours évident.

II. – LE PATRIMOINE

Mémo sur le patrimoine, N. Reboul-Maupin, Droit des biens, in


Hypercours, 9e éd., 2022.

Le patrimoine est « l'ensemble des rapports de droit appréciables en argent, qui ont pour
sujet actif et passif une même personne et qui sont envisagés comme une universalité

17
juridique ». Il s'oppose aux universalités de fait en ce qu'il est composé d'un actif et d'un
passif. Lié à la personne en droit français depuis l'œuvre d'Aubry et Rau, il se distingue
du patrimoine d'affectation plébiscité par certains droits étrangers et qui considèrent
qu'une masse de biens est affectée à un but particulier. Pour autant, la règle générale
demeurait jusqu’alors l'unicité du patrimoine (un patrimoine = une personne) même si
elle faisait l'objet en pratique de multiples tempéraments législatifs dont la plupart d'entre
eux passaient par la création de personnes morales pour parvenir au morcellement du
patrimoine en plusieurs masses ou par la création de deux institutions qui s’inscrivaient
dans la théorie du patrimoine d’affectation : la fiducie et l’EIRL. L'intégration en droit
français de la fiducie et de l'EIRL pouvait déjà faire craindre la remise en cause de la
théorie classique du patrimoine. Le dogme de l'unicité du patrimoine n'était-il pas
sérieusement affecté ? Il n'y avait plus un patrimoine, mais des patrimoines. En réalité,
l'affectation refaisait surface au cœur du patrimoine. Elle devait être reconsidérée quant
à sa place en droit français. La Commission de réforme du droit des biens était restée
attachée à la conception classique du patrimoine tout en ajoutant une précision : « sauf
si la loi en disposait autrement ». Dernièrement, le nouveau statut de l’entrepreneur
individuel introduit en droit français par une loi n°2022-172 du 14 février 2022 sur
l’activité professionnel indépendante vient, semble-t-il, rompre avec l’unité patrimoniale
d’Aubry et Rau. Le patrimoine de l’entrepreneur individuel est dédoublé : un patrimoine
personnel et un patrimoine professionnel. L’état est désormais subi et non voulu.
Assiste-t-on définitivement à la mort déjà annoncée de l’unité patrimoniale ? Les
exceptions à la séparation du patrimoine fleurissent encore, ce qui laisse présager que
la théorie classique n’a pas encore disparu. Le duel entre le droit des affaires et le droit
civil persiste : tandis que le premier fait prévaloir une logique économique dérogatoire au
droit du patrimoine classique, le second considère que l’affectation voulu ou subi pourrait
être toujours et encore, par voie de renonciation ou d’exceptions, compatible avec la
théorie classique.

L'avenir du patrimoine en droit français. L'usage économique du patrimoine amène à


repenser ce dernier. L'unité du patrimoine conçue par la définition civiliste d'Aubry et
Rau qui n'est fondée sur aucun texte normatif et victime de bon nombre de critiques. Si
l'on veut faire preuve d'un certain réalisme, il est possible de suivre trois voies : dans la
première, il serait bon de tenir compte de l'existence du patrimoine d'une personne tout
en permettant dans d'autres matières une déconnexion du patrimoine et de la personne,
comme par exemple, le patrimoine culturel ou naturel. Dans la deuxième, il s'agirait de
pourvoir à une définition unitaire. Ce que propose le professeur Nicolas Dissaux, dans
un article, en donnant une définition fonctionnelle du patrimoine. « Plus précisément, le
patrimoine assumerait une triple fonction en droit des biens : pérenniser, sacraliser et
identifier. Ce qui pourrait donnait la définition suivante : le patrimoine, un ensemble de
choses dont la protection est justifiée par une valeur jugée essentielle pour une
communauté qu'il s'agit ainsi, fût-ce indirectement, d'identifier et de reconnaître »
(N. Dissaux, « Quel avenir pour le patrimoine ? », in L'avenir du droit des biens, Actes
du Colloque Lille 7 mars 2014, LGDJ, 2016, spéc. p. 36). Et, enfin, dans la dernière, il

18
serait bon enfin d'admettre un patrimoine d'affectation qui pourrait certainement
répondre aux usages économiques et politiques des nouveaux biens.

TRAVAIL À FAIRE

I. A l’aide du cours et des ouvrages généraux sur le droit des biens, vous ferez une
synthèse du document suivant :

1) L’analyse du patrimoine d’Aubry et Rau est-elle toujours valable aujourd’hui ?


Justifiez votre réponse.

2) Quid de la loi n°2010-658 du 15 juin 2010 relative à l’entrepreneur individuel à


responsabilité limitée (EIRL) faisant expressément état d’un « patrimoine affecté »  ?

3) Que pensez-vous de l’article de l’avant-projet de réforme du droit des biens ?


Art 519 :  « Le patrimoine d’une personne est l’universalité de droit comprenant
l’ensemble de ses biens et obligations, présents et à venir, l’actif répondant du passif.
Toute personne physique ou morale est titulaire d’un patrimoine et, sauf si la loi en
dispose autrement, d’un seul ».
4) La désubjectivation du patrimoine est-elle définitivement consacrée avec la loi
n°2022-1722 du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante ?
(V. Fiche récapitulative sur l’EI)
Chercher sur le sujet l’article de Th. Revet, D. 2022, p. 469.
L'essentiel

Avec la loi n° 2022-172 du 14 février 2022, tout entrepreneur individuel est légalement doté de deux patrimoines : un
patrimoine professionnel, correspondant à son entreprise, et un patrimoine personnel, réunissant tous ses autres biens. Ses
créanciers professionnels ont en principe pour seul droit de gage « général » son patrimoine professionnel et ses créanciers
personnels son patrimoine personnel. Le patrimoine professionnel est cessible. Ces innovations remarquables s'inscrivent
dans un mouvement d'émancipation d'avec le principe d'unité du patrimoine, formulé par Aubry et Rau et consacré par la
jurisprudence. Ce processus franchit, avec la loi du 14 février 2022, une étape décisive. La conception du patrimoine est
reconsidérée, à partir du rôle inédit des biens dans son existence et son fonctionnement.

Lecture possible sur le sujet :

 P. Catala, La transformation du patrimoine dans le droit civil moderne, RTD civ.


1966, p. 185 et s.
 R. Sève, Détermination philosophique d’une théorie juridique : la théorie juridique
du patrimoine d’Aubry et Rau  in Archives de philosophie du droit, t. 24, 1979, p.
247 et s.
 A Sériaux, La notion juridique de patrimoine, brèves notations civilistes sur le
verbe avoir, RTD civ. 1994, p. 801.
 Cass. com. 12 juillet 2004, D. 2004, p. 2160.

19
II. Dissertation à faire : Les mutations du patrimoine

BREF RAPPEL : FICHE ENTREPRENEUR INDIVIDUEL


Depuis la loi du 14 février 2022, un statut spécifique a été créé pour l’entrepreneur individuel. Ce dernier
bénéficie d’un dédoublement de son patrimoine : un professionnel et un personnel.
Avant l’entrée en vigueur de cette loi (15 mai 2022), l’entrepreneur individuel pouvait opter pour le statut
de l’EIRL ou pour une EURL. Ceci étant, le coût et les formalités étaient nombreuses. C’est pourquoi, il a
été créé ce nouveau statut qui définit l’entrepreneur individuel comme toute personne physique exerçant
en son nom propre une activité ou plusieurs activités professionnelles.
Art. 526-22 du code de commerce : l'entrepreneur individuel est défini comme la « personne physique qui
exerce en son nom propre une ou plusieurs activités professionnelles indépendantes ». Cette activité
indépendante peut être aussi bien commerciale, artisanale, libérale – réglementée ou non – ou agricole
La définition est large pour mieux y faire entrer le commerçant, l’artisan, l’agriculteur ou encore les
professions libérales réglementées ou non.
La scission est faite entre un patrimoine professionnel et un patrimoine personnel. Entreront dans le
premier les biens utiles à la profession. Le décret a dressé une liste non exhaustive : fonds de commerce
pour le commerçant / droit de présentation de la clientèle pour les professionnels libéraux ou encore la
partie de l’immeuble utilisée à des fins professionnelles ou les éléments incorporels (DPI, bail commercial,
enseigne, nom commercial…).
Les créanciers professionnels seront payés sur le patrimoine professionnel pour les dettes nées à
l’occasion de l’activité professionnelle.
3 exceptions :
°l’entrepreneur peut consentir une hypothèque sur un immeuble autre que sa résidence principale
°l’entrepreneur peut renoncer pour une dette spécifique (à l’égard de la banque) à cette division des
patrimoines
°les organismes fiscaux et de sécurité sociale peuvent recouvrer leurs créances sur l’ensemble des
patrimoines. Ex : impôt sur le revenu

20
SÉANCE 2 NOTION DE BIEN ET DISTINCTIONS DU DROIT DES
BIENS
La distinction principale des biens : les immeubles et les meubles

Mémo, N. Reboul-Maupin, Droit des biens, in Hypercours, 9e éd., 2022


Selon l’article 516 du Code civil : « Tous les biens sont meubles ou immeubles  »
Cette distinction, paraissant incontournable, semble affirmer qu’il n’existe pas de
catégorie intermédiaire : si un bien ne peut entrer dans la catégorie des biens
immeubles (le critère de la fixité restant essentiel), il retrouvera l’ensemble des biens qui
feront partie de la catégorie des meubles, catégorie parfaitement hétéroclite.
Les biens immeubles sont par nature (art. 518 C. civ. et suivant), par destination (art.
524 et 525 C. civ.) ou par l’objet auquel ils s’appliquent (art. 526 C. civ.) et les biens
meubles sont par nature (art. 528 C. civ.), par anticipation et par détermination de la loi
(art. 527 C. civ.)
Depuis la loi du 16 février 2015, l'animal est défini à l'article 515-14 du Code civil.
Insérée au début du livre II du Code civil, juste avant le titre Ier relatif à la distinction des
biens, il dispose que « les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité  » et que
« sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des
biens  ». Ils ne sont donc plus des meubles par nature et, par voie de conséquence, ils
ne peuvent plus devenir des immeubles par destination. Si l'animal n'est plus
juridiquement, ni une personne, ni un bien, qu'est-il pour autant devenu ? Un quasi-
bien ? L'avenir le dira mais cela laisse déjà penser que la distinction des biens meubles
et immeubles est dépassée et qu'elle mérite d'être réadaptée. La nouvelle catégorisation
n’est-elle pas celle de biens vivants et biens inertes.

A la distinction biens immeubles et biens meubles se superpose celles de biens


corporels et biens incorporels. Les critères de distinction ne peuvent être les mêmes
pour ranger les biens incorporels et les biens corporels dans le « moule » fixé par
l’article 516 du Code civil.
Les critères généraux de distinction sont :
- d’ordre physique : stabilité, fixité des biens. Les biens qui ne peuvent être
déplacés sont des immeubles, les biens qui peuvent se déplacer sont meubles.
- d’ordre économique : les biens immeubles avaient plus de valeur que les biens
meubles (res mobilis, res vilis). Cette conception est quelque peu dépassée. La
plupart des biens nouveaux, en prenant la forme de droits - biens incorporels,
rejoignent la catégorie des meubles, seule catégorie ouverte. Pourtant, la valeur

21
de ces biens incorporels meubles est plus importante que celle des immeubles.
C’est pourquoi le législateur a pu donner des statuts particuliers à certains
meubles, réduisant par là-même les conséquences essentielles de la distinction
meubles – immeubles (régime plus protecteurs pour les immeubles) pour leur
apporter une protection nécessaire.

TRAVAIL À FAIRE

1) Immeubles par nature :

Faire une fiche d’arrêt : Ass. Plén. 15 avril 1988 (fresques catalanes) (document 1) : D.
1988, p. 325, note J. Maury, JCP 1988, II, 21066, note J.-F. Barbiéri, RTD civ. 1989, p.
345, obs. F. Zénati.
Lire : Civ. 3e, 23 janvier 2002 (document 2) : Bull. civ., III, n°12, D. 2002, somm., p.
2504, obs. N. Reboul-Maupin.
2) Immeubles par destination : Exercice oral : Qu’est qu’un immeuble par
destination ?

3) Comment qualifiez-vous au regard du droit des biens ?

° le lit et l’armoire appartenant à l’hôtelier et garnissant l'hôtel


° les cheminées scellées au mur d’un château
° les récoltes sur pied
° une éolienne

4) Le trésor :

Lire : Civ. 1ère, 19 novembre 2002 (document 3) : Bull. civ., I, n°279, D. 2003, somm., p.
2049, obs. B.Mallet-Bricout
Faire les deux cas pratique :
1) Les époux LIMMEUBLE décident de vendre leur maison pour aller s’installer dans
leur propriété agricole du Sud-Ouest de la France. Les acquéreurs, M. et Mme
MEUBLE, ont eu un coup de cœur pour cette maison et notamment pour le grand
bureau, clair, et orné d’une très belle bibliothèque que les vendeurs avaient fait
construire aux mesures exactes de cette pièce atypique. Il en va de même des vases de
l’époque non scellés et posés seulement sur des socles dans le jardin. Le jour de leur
emménagement, M. et Mme BIEN s’aperçoivent avec stupéfaction que les vases ne sont
plus là et que la bibliothèque a aussi disparu, démontée et emportée par les vendeurs,
ne laissant derrière elle que quelques trous de vis proprement rebouchés. Qu’en
pensez-vous ?
2) Les époux MEUBLE font appel à une entreprise de terrassement afin d’embellir leur
terrain. Trois ouvriers effectuent les aménagements. L’un d’entre eux conduit le
tractopelle et creuse une tranchée afin de planter une allée de thuyas. Ce dernier

22
déterre alors avec son engin une boîte de métal remplie de pièces d’or. Il crie alors
« Victoire » aux autres ouvriers en indiquant que le premier qui a trouvé les pièces d’or
en est propriétaire. Qu’en pensez-vous ?
Document 1 : Ass. Plénière 15 avril 1988, affaire des fresques catalanes.
Vu l'article 524 du Code civil ;
Attendu que seuls sont immeubles par destination les objets mobiliers que le
propriétaire d'un fonds y a placés pour le service et l'exploitation de ce fonds ou y a
attachés à perpétuelle demeure ;
Attendu que des fresques qui décoraient l'église désaffectée de Casenoves ont été
vendues par deux des propriétaires indivis de ce bâtiment sans l'accord des deux
autres, Mmes Z... et Y... ; que détachées des murs par l'acquéreur, puis réparties en
deux lots, elles se trouvent actuellement en la possession de la Fondation Abegg et
de la ville de Genève, contre lesquelles Mmes Z... et Y... ont formé une demande en
revendication devant le tribunal de grande instance de Perpignan ; que la Fondation
Abegg et la ville de Genève ayant soulevé l'incompétence de ce tribunal au profit
des juridictions helvétiques, par application de la convention franco-suisse du 15 juin
1869, qui, en matière mobilière, attribue compétence au tribunal du domicile du
défendeur, l'arrêt attaqué (Montpellier, 18 décembre 1984) retient, pour rejeter leurs
contredits, que les fresques litigieuses, originairement immeubles par nature,
étaient devenues immeubles par destination depuis la découverte d'un procédé
permettant de les détacher des murs sur lesquels elles étaient peintes ; qu'il en
déduit que leur séparation de l'immeuble principal, dès lors qu'elle est intervenue
sans le consentement de tous les propriétaires, ne leur a pas fait perdre leur nature
immobilière, dont Mmes Z... et Y... peuvent continuer à se prévaloir à l'égard de
tous, de sorte que l'action exercée par elles est une action en revendication
immobilière ;
Attendu qu'en statuant ainsi alors que les fresques, immeubles par nature, sont
devenues des meubles du fait de leur arrachement, la cour d'appel a violé le texte
susvisé ;
Et vu les articles 627 et 96 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que les parties défenderesses étant domiciliées en Suisse, la juridiction
française était incompétente en vertu de l'article 1er de la convention franco-suisse
du 15 juin 1869 ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des
pourvois ;
CASSE ET ANNULE
Document 2 : Cass. 3e civ, 23 janvier 2002
Sur le premier moyen : (Publication sans intérêt) ;

Sur le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, réunies :


(Publication sans intérêt) ;

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles 517 et 518 du Code civil ;

23
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er juin 1999), que la société civile immobilière
Vauroger (la SCI), dont les associés étaient M. Yves A..., M. Daniel A..., et Mme A...,
épouse Y..., a été déclarée en liquidation ; que M. Z..., liquidateur, a vendu
l'immeuble dont la SCI était propriétaire aux consorts X... et B... par acte du 17 mai
1995 spécifiant que le transfert de propriété et l'entrée en jouissance étaient fixés au
1er avril 1994 ; que l'immeuble a été occupé par M. Yves A... jusqu'au 31 mars 1995
et que les acquéreurs ont assigné M. Z..., ès qualités, en réparation du préjudice
résultant de la détérioration des lieux consécutive au retrait des convecteurs
électriques lors de leur prise de possession ; que M. Z..., ès qualités, a appelé M.
Yves A... en garantie de la condamnation prononcée entre lui ;

Attendu que, pour accueillir la demande, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés,
que le retrait par M. A..., à son départ, des convecteurs électriques qui existaient
dans toutes les pièces de la maison, nécessairement reliés au circuit électrique,
avait entraîné l'arrachage des fils électriques et que ces convecteurs, constituant
l'un des composants de l'immeuble lui-même qu'aucun candidat à l'acquisition d'un
bien immobilier ne penserait voir exclure de la vente après les avoir vus dans
l'immeuble visité, constituaient des immeubles par nature ;

Qu'en qualifiant d'immeuble par nature des convecteurs électriques, sans


rechercher si ces appareils, et non leur installation électrique, étaient
indissociablement liés à l'immeuble et ne pouvaient être enlevés sans porter atteinte
à son intégrité, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision de ce
chef ;

Par ces motifs :

CASSE ET ANNULE

Document 3 : Cass. 1e civ, 19 novembre 2002


LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu que M. X... a vendu à Mme Y... une cuisinière à gaz moyennant le prix de
500 francs ; qu'en examinant celle-ci, les parties ont découvert à l'intérieur cinq
lingots d'or, des titres au porteur, un sac de pièces d'or et quelques pièces d'argent ;
que le vendeur a pris possession de ces biens tandis que Mme Y... a assigné les
consorts X... en paiement de la valeur estimée de ceux-ci ; qu'elle fait grief à l'arrêt
confirmatif attaqué (Riom, 21 octobre 1999) de l'avoir déboutée de sa demande,
alors, selon le moyen :
1 / que la cour d'appel s'est fondée sur les déclarations et les souvenirs des consorts
X... pour estimer qu'ils apportaient la preuve de leur droit de propriété sur le trésor
découvert par elle ;
2 / qu'elle s'est abstenue de relever le moindre élément extrinsèque, autre que les
déclarations des débiteurs de la preuve ;
3 / que la propriété du trésor appartient à celui qui le trouve dans son propre fonds ;

24
Mais attendu que la cour d'appel, par motifs propres et adoptés, après avoir énoncé
d'une part qu'un trésor est une chose cachée sur laquelle personne ne peut justifier
sa propriété et d'autre part que la preuve de la propriété de biens mobiliers est libre,
a retenu souverainement que les consorts X... avaient établi la preuve qu'ils étaient
propriétaires des biens trouvés dans la cuisinière ; qu'elle en a, dès lors déduit, à
bon droit, pour débouter Mme Y... de son action, que ces biens, dont les consorts
X... justifiaient être propriétaires, ne pouvaient constituer un trésor ; que le moyen
n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi

25
SÉANCE 3 : LES DROITS PORTANT SUR LES BIENS  : DROIT RÉEL
ET DROIT PERSONNEL

Mémo, N. Reboul-Maupin, Droit des biens, in Hypercours, 9e éd., 2022


Le droit réel est celui qui donne à la personne un pouvoir direct et immédiat sur une
chose : le propriétaire d'un appartement l'habite. C'est un droit direct sur une chose. Le
droit personnel, appelé encore droit de créance, est le droit qu'a une personne appelée
« créancier », d'exiger une certaine prestation d'une autre personne, le débiteur, pouvant
correspondre à une obligation de donner, de faire ou de ne pas faire.
Tandis que le droit réel comporte deux éléments, à savoir la personne, sujet actif de
droit et la chose, objet du droit, le droit personnel est composé de trois éléments : le
créancier, sujet actif de droit, le débiteur, sujet passif de droit et la prestation, objet du
droit.
Cette distinction est ancienne. Le droit romain distinguait déjà les actions réelles et les
actions personnelles. Pour autant, les critiques adressées à la distinction classique du
droit réel et du droit personnel sont nombreuses. Celles-ci tendent toutes à ramener
l'ensemble des droits patrimoniaux à l'unité, soit le droit réel au droit personnel (théorie
personnaliste de Planiol), soit, inversement, le droit personnel au droit réel (théorie
objective de Saleilles et, plus récemment, Ginossar).
L'opposition entre droit réel et droit personnel mérite toutefois d'être tempérée.
L'existence d'obligations réelles (ou obligations propter rem) permet largement de
souscrire à un tel tempérament. L'obligation réelle ou propter rem peut être définie
comme étant une obligation liée à une chose qui pèse, non sur un débiteur
personnellement, mais sur le propriétaire de cette chose en tant que tel. Elle est donc à
la charge de la personne pour la simple raison que cette dernière est propriétaire d'une
chose. Il s'agit, par exemple, du propriétaire d'un fonds grevé par une servitude qui se
voit imposer certaines obligations. Dès que la propriété cesse, il se trouve alors libéré de
ses obligations.
Malgré ce tempérament, la distinction droit réel – droit personnel continue d'exister à tel
point que l'on se pose toujours, en doctrine comme en jurisprudence, la question de
savoir s'il existe un numerus clausus des droits réels. Ce qui reviendrait à considérer
que tout ce qui n'entre pas dans la catégorie des droits réels, relève du droit personnel.
D'ailleurs, la classification des droits réels conduit encore à distinguer les droits réels
principaux qui portent directement sur la matérialité et l'utilité de la chose (composés de
la propriété et de ses démembrements) et les droits réels accessoires (ou de garantie)
qui concernent la valeur pécuniaire de la chose.
Le projet de réforme du droit des biens apporte en la matière quelques précisions
puisqu'il définit ce qu'il faut entendre par droit personnel et droit réel tout en éliminant la
distinction entre droit réel principal et droit réel accessoire. S'il reste muet sur la question
du numerus clausus des droits réels, il est possible de considérer que les derniers

26
acquis jurisprudentiels en la matière suivent dans leurs solutions l'avant-projet de
réforme du droit des biens. Pour cela, l'arrêt de principe Maison de la
Poésie  se raccroche à l'idée de libre création des droits réels et à l'institution, remarquée
par l'avant-projet, du « droit réel de jouissance spéciale ». Depuis lors, les juges sont
venus préciser le régime applicable « au droit réel de jouissance spéciale ». Il convient
dès lors de distinguer deux situations. Soit les parties n’ont prévu aucune durée pour le
droit de jouissance spéciale : ce droit s’éteint après trente ans pour les personnes
morales et à la mort des personnes physiques (Civ. 3e, 28 janv. 2015, no 14-10.013 ; Civ.
3e, 4 mars 2021, n°19-25.167). Soit les parties ont prévu une durée : celle-ci peut alors
être supérieure à trente ans puisqu’elle peut correspondre à la durée d’existence d’une
personne morale (célèbres arrêts Poésie de 2012 (Civ. 3 e, 31 oct. 2012, n°11-16.304) et
2016 (Civ. 3e, 8 sept. 2016, n°14-26.953). Par comparaison, l’APRDB, s’il proposait de
consacrer le droit réel de jouissance spéciale, le limite à une durée impérative de trente
ans dans tous les cas. Une chose est sûre : la perpétuité du droit réel de jouissance
spéciale est encore discutée.

Pour aller plus loin : chercher les arrêts suivants :


1) Droit réel :
- Req. 13 février 1834 (Caquelard c. / Lemoine) : Gr. arrêts jur. civ., n°60 ; DP. 34.
1. 218 ; S. 34, I, 205.
- Civ. 3e, 22 juin 1976 (époux Léaud) : Bull. civ., III, n° 280.

2) Droit personnel :
- Req. 6 mars 1861 (Synd. Vollot c./ Chaussergues du Bord) : Gr. arrêts jur. civ.,
n°255 ; DP 61.1.417, S. 61. 1. 713.

TRAVAIL À FAIRE

Exercice à préparer :
1. Existe-t-il un numerus clausus des droits réels ? – Votre réponse doit être structurée
et argumentée à l’aide de la jurisprudence
2. Analyser et faire un plan de commentaire détaillé sur l’arrêt suivant : Cass. 3e civ., 31
octobre 2012
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt
suivant :
Sur le deuxième moyen :Vu les articles 544 et 1134 du code civil ;Attendu qu'il
résulte de ces textes que le propriétaire peut consentir, sous réserve des règles
d'ordre public, un droit réel conférant le bénéfice d'une jouissance spéciale de son
bien ; Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 février 2011), que par acte notarié des
7 avril et 30 juin 1932, la fondation La Maison de Poésie a vendu à la Société des
auteurs et compositeurs dramatiques (la SACD), un hôtel particulier, l'acte
mentionnant que "n'est toutefois pas comprise dans la présente vente et en est au
contraire formellement exclue, la jouissance ou l'occupation par La Maison de
Poésie et par elle seule des locaux où elle est installée actuellement et qui

27
dépendent dudit immeuble" et "au cas où la SACD le jugerait nécessaire, elle aurait
le droit de demander que le deuxième étage et autres locaux occupés par La Maison
de Poésie soient mis à sa disposition, à charge par elle d'édifier dans la propriété
présentement vendue et de mettre gratuitement à la disposition de La Maison de
Poésie et pour toute la durée de la fondation, une construction de même importance,
qualité, cube et surface pour surface" (...) "en conséquence de tout ce qui précède,
La Maison de Poésie ne sera appelée à quitter les locaux qu'elle occupe
actuellement que lorsque les locaux de remplacement seront complètement
aménagés et prêts à recevoir les meubles, livres et objets d'art et tous accessoires
utiles à son fonctionnement, nouveaux locaux qu'elle occupera gratuitement et
pendant toute son existence" ; que, le 7 mai 2007, la SACD a assigné La Maison de
Poésie en expulsion et en paiement d'une indemnité pour l'occupation sans droit ni
titre des locaux ;Attendu que pour accueillir la demande l'arrêt retient que le droit
concédé dans l'acte de vente à La Maison de Poésie est un droit d'usage et
d'habitation et que ce droit, qui s'établit et se perd de la même manière que l'usufruit
et ne peut excéder une durée de trente ans lorsqu'il est accordé à une personne
morale, est désormais expiré ;Qu'en statuant ainsi, alors que les parties étaient
convenues de conférer à La Maison de Poésie, pendant toute la durée de son
existence, la jouissance ou l'occupation des locaux où elle était installée ou de
locaux de remplacement, la cour d'appel, qui a méconnu leur volonté de constituer
un droit réel au profit de la fondation, a violé les textes susvisés ; PAR CES
MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens :CASSE ET
ANNULE
°Vous irez chercher et vous lirez le commentaire de W. Dross, L’affaire Maison de
Poésie, nouvel épisode, la série s’essoufle-t-elle  ? (CA Paris, 7 mai 2021, n°19/0760)

28
SÉANCE 4 : LA PROPRIÉTÉ INDIVIDUELLE : ATTRIBUTS ET
CARACTÈRES

Mémo, N. Reboul-Maupin, Droit des biens, in Hypercours, 9e éd., 2022

Le droit de propriété, en tant que fusion de l'être et de l'avoir, est présenté à l'article 544
du Code civil. Depuis 1804, la définition est restée inchangée : « La propriété est le droit
de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue pourvu qu'on n'en fasse
pas un usage prohibé par les lois ou les règlements ». La propriété demeure la relation
de droit fondamentale de l'homme aux biens et le contenu de l'article 544 du Code civil
est, selon l'expression de Portalis, « l'âme universelle de toute législation ».
La propriété est un droit subjectif. Elle est aussi le plus complet des droits réels
puisqu'on le nomme le « droit réel par excellence  ». À cet effet, le droit de propriété
comprend diverses prérogatives qui constituent par leur réunion, la pleine propriété. Le
propriétaire bénéficie de trois attributs, à savoir l'usus (le droit d'usage) ; le fructus (le
droit de jouir) et l'abusus (le droit de disposer). Chacun de ces attributs peut s'exécuter
positivement ou négativement.
Le droit de propriété se caractérise de la manière suivante : il est absolu, perpétuel et
exclusif. Tandis que le caractère absolu est énoncé à l'article 544 du Code civil, les
caractères perpétuel et exclusif ne sont que des caractères dérivés du premier. Dire que
le droit de propriété a un caractère absolu signifie que le propriétaire peut effectuer tous
les actes qu'il souhaite sur la chose et qu'il dispose d'un droit subjectif patrimonial
complet lui octroyant les prérogatives les plus diverses sur cette dernière. Quant à son
caractère perpétuel, il implique que le droit de propriété survit à son titulaire et qu'il est
transmis à ses héritiers. De plus, il sous-entend non seulement que le droit de propriété
continue d'exister même en cas de non-usage prolongé, mais aussi qu'il est
imprescriptible. Cette imprescriptibilité du droit de propriété est d'ailleurs prévue à
l'article 2227 du Code civil. S'agissant du caractère exclusif, il est l'expression des pleins
pouvoirs sur la chose dévolue au propriétaire. En d'autres termes, les tiers n'ont pas le
droit d'user de celle-ci, ni d'en jouir et encore moins d'en disposer. Ceci étant, chacun de
ces caractères connaît des restrictions liées à l'évolution de la société et à la prise en
compte de la vie en collectivité.
Le projet de réforme de droit des biens n'a pas conservé intégralement la définition
donnée par l'article 544 du Code civil. La formule retenue dans l'article 534 est la
suivante : « la propriété est le droit exclusif et perpétuel d'user, de jouir et de disposer
des choses et des droits. Elle confère à son titulaire un pouvoir absolu sous réserve des
lois qui la réglementent ». Après avoir ajouté que le droit de propriété est exclusif et
perpétuel, il s'adonne classiquement à reprendre les pouvoirs que confère le droit de
propriété, à savoir, l'usus, le fructus et l'abusus. Puis, il termine par son caractère absolu
tout en réservant l'application des lois qui la réglementent. Rien de véritablement

29
nouveau dans ce projet de réforme si ce n'est que l'on trouve mentionné à l'article 537 la
perpétuité du droit de propriété et de son action en revendication. Ce à quoi il faut
ajouter au titre des nouveautés non seulement une réglementation de l'empiétement sur
le terrain d'autrui (art. 539 Projet) mais aussi l'intégration de l'abus du droit de propriété
(art. 535 Projet) et de la théorie des troubles anormaux de voisinage (art. 629 Projet).

TRAVAIL À FAIRE

I.Lire les arrêts suivants (faire une fiche d’arrêt) :


1) Attributs du droit de propriété : USUS, FRUCTUS, ABUSUS

DROIT À L’IMAGE DES BIENS :

Civ. 1ère, 10 mars 1999 (document 1): Bull. civ., I, n° 87 ; Gr. arrêts jur. civ., n°63 ;
D. 1999, concl. J.-Sainte-Rose, note E. Agostini, Somm., p. 247, note S. Durrande ; JCP
1999, II, 10078, note P.-Y. Gautier ; RTD civ. 1999, p. 859, obs. F. Zénati.
Ass. Plén. 7 mai 2004 (document 2) : D. 2004, jur., p. 1545, note J.-M ; Bruguière et E.
Dreyer ; D. 2004, somm., p. 2406, note N. Reboul-Maupin ; JCP 2004, II, 10085, note C.
Caron.
2) Caractères du droit de propriété : EXCLUSIF, ABSOLU, PERPÉTUEL

- Sur la perpétuité du droit :


Ass. Plén., 23 juin 1972 (affaire de l’étang Napoléon) (document 3) : D. 1972, p. 705,
concl. Lindon ; JCP 1973, II, 17331, note Goubeaux et Jégouzo ; RTD civ. 1973, p. 147,
obs. Bredin.
- Sur l’exclusivisme : Civ. 3e, 7 novembre 1990, n°88-18.601 (document 4) ; Civ.
3e, 20 mars 2002, n°00-16.015 (document 5) ; Civ. 3e, 10 nov. 2016, n°15-25.113
(document 6)

Document 1 : Cass. 3e civ., 10 mars 1999


Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 544 du Code civil ;

Attendu que le propriétaire a seul le droit d'exploiter son bien, sous quelque forme
que ce soit ;

Attendu que, pour rejeter la demande de Mme X..., épouse Y..., tendant à la saisie
de cartes postales mises en vente par la société Editions Dubray, représentant le "
Café Gondrée ", dont Mme Y... est propriétaire à Bénouville, l'arrêt attaqué énonce
que la photographie, prise sans l'autorisation du propriétaire, d'un immeuble exposé
à la vue du public et réalisée à partir du domaine public ainsi que sa reproduction,
fût-ce à des fins commerciales, ne constituent pas une atteinte aux prérogatives
reconnues au propriétaire ;

30
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que l'exploitation du bien sous la forme de
photographies porte atteinte au droit de jouissance du propriétaire, la cour d'appel a
méconnu le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du
moyen, non plus que sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE

Document 2 : Ass. Plén., 7 mai 2004


Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 31 octobre 2001), que la Société de promotion
immobilière SCIR Normandie (la société SCIR Normandie), a confié à la société
Publicis Qualigraphie aux droits de laquelle se trouve la société Publicis Hourra (la
société Publicis) la confection de dépliants publicitaires comportant, outre des
informations relatives à l'implantation de la future résidence et à ses avantages, la
reproduction de la façade d'un immeuble historique de Rouen, l'Hôtel de Girancourt ;
que se prévalant de sa qualité de propriétaire de cet hôtel, la SCP Hôtel de
Girancourt, dont l'autorisation n'avait pas été sollicitée, a demandé judiciairement à
la société SCIR Normandie la réparation du préjudice qu'elle disait avoir subi du fait
de l'utilisation de l'image de son bien ; que cette dernière a appelé la société
Publicis en garantie ;
Attendu que la SCP Hôtel de Girancourt fait grief à l'arrêt du rejet de ses prétentions,
alors, selon le moyen :
1 ) qu'aux termes de l'article 544 du Code civil, "la propriété est le droit de jouir et
disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un
usage prohibé par les lois et par les règlements" ; que le droit de jouir emporte celui
d'user de la chose dont on est propriétaire et de l'exploiter personnellement ou par le
truchement d'un tiers qui rémunère le propriétaire, ce droit ayant un caractère absolu
et conduisant à reconnaître au propriétaire un monopole d'exploitation de son bien,
sauf s'il y renonce volontairement ; qu'en énonçant que "le droit de propriété n'est
pas absolu et illimité et ne comporte pas un droit exclusif pour le propriétaire sur
l'image de son bien" pour en déduire qu'il lui appartenait de démontrer l'existence
d'un préjudice car la seule reproduction de son bien immeuble sans son
consentement ne suffit pas à caractériser ce préjudice, la cour d'appel a violé l'article
544 du Code civil ;
2 ) qu'elle faisait valoir dans ses conclusions d'appel que l'utilisation à des fins
commerciales de la reproduction de la façade de l'Hôtel de Girancourt sans aucune
contrepartie financière pour elle, qui a supporté un effort financier considérable pour
la restauration de l'hôtel particulier ainsi qu'en témoignent les photographies de
l'immeuble avant et après les travaux, restauration qui a permis aux intimées de
choisir une image de cet immeuble pour l'intégrer dans le dépliant publicitaire, est
totalement abusive et lui cause un préjudice réel, le fait que les intimées aient acheté
cette reproduction chez un photographe rouennais prouvant bien que la façade
restaurée représente une valeur commerciale ; qu'en énonçant, sans répondre à ce
moyen particulièrement pertinent qu'elle "ne démontre pas l'existence du préjudice
invoqué par elle et d'une atteinte à son droit de propriété", la cour d'appel n'a pas

31
légalement justifié sa décision au regard de l'article 544 du Code civil ;
3 ) qu'elle faisait également valoir dans ses conclusions d'appel en visant les cartes
postales de la façade historique de Hôtel de Girancourt qu'elle édite et qu'elle avait
régulièrement produites, que les mentions portées au verso de ces pièces
confirment sa volonté de conserver à son usage exclusif le droit de reproduire la
façade de l'hôtel ou de concéder une autorisation quand elle estime que les
conditions sont réunies ; qu'en s'abstenant totalement de se prononcer sur la valeur
de ces pièces qu'elle avait régulièrement versées aux débats à l'appui de ses
prétentions, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des
articles 1353 du Code civil et 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que le propriétaire d'une chose ne dispose pas d'un droit exclusif sur
l'image de celle-ci ; qu'il peut toutefois s'opposer à l'utilisation de cette image par un
tiers lorsqu'elle lui cause un trouble anormal ;
Et attendu que les énonciations de l'arrêt font apparaître qu'un tel trouble n'était pas
établi ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi

Document 3 : Ass. Plén., 23 juin 1972

SUR LE MOYEN UNIQUE :

VU L'ARTICLE 544 DU CODE CIVIL ;

ATTENDU QUE LE PROPRIETAIRE QUI A ETE PRIVE DE SES DROITS PAR LA


PERTE DE SON IMMEUBLE SOUS LE SEUL EFFET DES FORCES DE LA
NATURE, SE TROUVE REINTEGRE DANS SA PROPRIETE LORSQUE, DE LA
MEME MANIERE, L'OBSTACLE QUI L'EN AVAIT PRIVE A DISPARU ; ATTENDU
QU'IL RESULTE DES ENONCIATIONS DE L'ARRET ATTAQUE QUE X..., AUX
DROITS DUQUEL SE TROUVE LA NOUVELLE SOCIETE CIVILE ET AGRICOLE
DU THEY DE ROUSTAN, A ACQUIS DE L'ETAT, LE 13 JANVIER 1824, UN PLAN
D'EAU DE QUINZE HECTARES, DIT ETANG NAPOLEON, SITUE A L'EXTREMITE
SUD-EST DE LA CAMARGUE ; QU'EN 1872, UNE TEMPETE A DETRUIT LE
CORDON LITTORAL ET QUE L'ETANG, REUNI A LA MER, EST DEVENU UNE
BAIE DU RIVAGE DE LA MEDITERRANEE ; QU'A PARTIR DE 1942, LE CORDON
LITTORAL S'EST RECONSTITUE ET QUE L'ETANG, DE NOUVEAU SEPARE DE
LA MER, A CESSE D'APPARTENIR AU DOMAINE PUBLIC ; QUE LA SOCIETE DU
THEY DE ROUSTAN EN A REVENDIQUE LA PROPRIETE ;

ATTENDU QUE L'ARRET A REJETE CETTE ACTION AUX MOTIFS QUE L'ETANG
AYANT ETE, A LA SUITE D'UN PHENOMENE NATUREL, INCORPORE AU
DOMAINE PUBLIC MARITIME, LA PROPRIETE EXCLUSIVE EN A ETE
TRANSFEREE A L'ETAT, ET QUE LA NOTION DE PROPRIETE " POTENTIELLE "
NE REPOSANT SUR AUCUNE BASE JURIDIQUE, LE DROIT DE L'ANCIEN
PROPRIETAIRE N'A PU REVIVRE LORSQUE L'ETANG A ETE DE NOUVEAU

32
SEPARE DE LA MER ; QU'EN STATUANT AINSI, ALORS QUE
L'INCORPORATION DE L'ETANG AU DOMAINE PUBLIC AVAIT ETE LA
CONSEQUENCE D'UN PHENOMENE NATUREL ET QU'A LA SUITE D'UN
PHENOMENE INVERSE L'ETANG AVAIT RETROUVE SON ETAT PRIMITIF, LA
COUR D'APPEL A VIOLE LE TEXTE SUSVISE ;

PAR CES MOTIFS :


CASSE ET ANNULE

Document 4 : Civ. 3e, 7 nov. 1990

Vu l'article 545 du Code civil ;


Attendu que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité
publique ;
Attendu que pour débouter les époux X... de leur demande de démolition des constructions
édifiées par leur voisin M. Y..., et empiétant sur leur propriété, l'arrêt attaqué (Orléans, 8 juin
1988) retient que la bonne foi de M. Y... n'est pas en cause, que l'empiétement est minime et
que l'exercice du droit de propriété ne devant pas être abusif, la démolition demandée présente
un caractère manifestement excessif eu égard aux avantages minimes procurés ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la défense du droit de propriété contre un empiétement ne saurait
dégénérer en abus, la cour d'appel, qui a constaté la réalité de l'empiétement, a violé le texte
susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 juin 1988, entre les parties,
par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles
se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de
Bourges

Document 5 : Civ. 3e, 20 mars 2002


Sur le moyen unique :
Vu l'article 545 du Code civil ;
Attendu que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité
publique, et moyennant une juste et préalable indemnité ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 mars 2000), que Mme X... et M. Y..., propriétaires de
fonds contigus, sont convenus d'ériger une clôture mitoyenne ; que Mme X... a fait assigner M.
Y... pour non-respect de cette convention et violation de son droit de propriété ; que l'expert
désigné par le Tribunal a relevé un empiétement d'une partie de la clôture, de 0,5 centimètre, sur
le fonds de Mme X... ;
Attendu que pour débouter Mme X... de ses demandes, la cour d'appel a retenu que
l'empiétement était négligeable ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que peu importe la mesure de l'empiétement, la cour d'appel a
violé le texte susvisé ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 mars 2000, entre les
parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état
où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de
Versailles.

33
Document 6 : Civ. 3e, 10 novembre 2016

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : 

Sur le moyen unique : 

Vu les articles 544 et 545 du code civil ; 

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bourges, 2 juillet 2015), que M. et Mme X..., propriétaires de la
parcelle AN 305, et M. et Mme Y..., propriétaires de la parcelle AN 151, ont assigné leur voisin,
M. Z..., propriétaire de la parcelle 462, en enlèvement d'un bâtiment constituant un atelier-garage
empiétant sur leurs fonds ; 

Attendu que, pour ordonner la démolition totale du bâtiment, l'arrêt retient qu'il empiète sur le
fonds de M. et Mme X..., que les considérations de l'expert selon lequel l'empiétement
représenterait une bande d'une superficie de 0, 04 m ² sont inopérantes au regard des
dispositions des articles 544 et 545 du code civil et que cet empiétement fonde la demande de
démolition de la construction litigieuse ; 

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si un rabotage du mur
n'était pas de nature à mettre fin à l'empiétement constaté, la cour d'appel n'a pas donné de
base légale à sa décision ; 

PAR CES MOTIFS : 

CASSE ET ANNULE, mais seulement en qu'il condamne M. Z... à démolir le bâtiment édifié sur
sa parcelle 462, ... à Decize (58) et dit que cette démolition devra être achevée dans un délai de
six mois de la signification du présent arrêt, sous astreinte de 200 euros par jour de retard passé
ce délai, l'arrêt rendu le 2 juillet 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ; remet,
en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit
arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;

II. Résoudre au choix deux cas pratiques suivants  :

1) Monsieur AUGUSTE est un homme politique conu, député de la région Ile de France,
candidat à la candidature aux prochaines élections. Il est l’heureux propriétaire d’un
ensemble immobilier situé dans l’un des plus beaux quartiers de Neuilly et d’une maison
de campagne à Saint-Quentin-en-Yvelines. Monsieur AUGUSTE vient d’apprendre la
parution prochaine d’un livre qui lui sera consacrée. L’auteur est un journaliste
particulièrement malveillant. Monsieur AUGUSTE a réussi à obtenir un exemplaire de
l’ouvrage, qui est sous presse. Il comporte des photos de l’ensemble immobilier de
Neuilly ainsi que de la maison de M. AUGUSTE accompagnées de diverses indications
précises, notamment sur leur situation et sur la valeur de ces biens.
Monsieur AUGUSTE pourra-t-il empêcher la publication de cette photo ?

2) Les époux LEMEUBLE sont propriétaires d’un terrain situé sur la commune de
Dieulefit, sur lequel est édifiée leur maison d’habitation. Ils ont fait l’acquisition de

34
l’ensemble par acte notarié du 23 avril 1997. Les époux LIMMEUBLE, leurs voisins
immédiats, ont acquis leur terrain par acte notarié du 1 er juin 2012. Ces derniers se
plaignent d’empiétements sur la parcelle leur appartenant, consistant en l’implantation
de la clôture des époux LEMEUBLE à cheval sur les deux terrains. Après expertise
ayant conclu à l’empiétement, les époux LIMMEUBLE désirent exercer une action en
revendication et demander la destruction de la clôture. Ils vous consultent le 15
décembre 2021. Qu’en pensez-vous ?

3) Jean MARTIN et Eugénie MARTIN sont mariés et propriétaires d’une ferme bretonne.
En raison d’une fatigue liée à leur activité professionnelle intense, ils décident d’aller s’y
reposer pour les fêtes de Noël. Quelle joie ! A leur arrivée, les deux époux découvrent
avec bonheur que l’étang au fond de leur propriété s’est reformé. Ils se rappellent que la
tempête en 1997 avait détruit le cordon de terre qui le séparait du fleuve communal. Ils
se demandent alors s’ils en sont toujours propriétaires afin de pouvoir naviguer sur ce
dernier en barque en toute liberté, avec leurs enfants, Tom et Nina. Qu’en pensez-
vous ?

35
SÉANCE 5 : LA PROPRIÉTÉ INDIVIDUELLE LIMITÉE : ABUS DE
DROIT DE PROPRIÉTÉ ET TROUBLES ANORMAUX DE
VOISINAGE

Mémo, N. Reboul-Maupin, Droit des biens, in Hypercours, 9e éd., 2022


Le droit de propriété est absolu. Mais cet absolutisme souffre d’innombrables restrictions. Il s’agit de restrictions
dans l’intérêt personnel du propriétaire (un mineur ne peut lui-même disposer de son bien) ; dans l’intérêt des
tiers (abus du droit de propriété et inconvénients anormaux de voisinage), dans l’intérêt général ( servitudes
d’intérêt public : art. 649 et 650 du Code civil…).
Nous envisagerons plus particulièrement les restrictions dans l’intérêt des tiers. A ce propos, nous pouvons
relever que les notions d’abus de droit et d’inconvénients anormaux de voisinage sont de création purement
prétorienne. Afin d’aboutir à une responsabilité du propriétaire dans l’exercice de son droit, il a fallu surmonter la
conception « sacro-sainte » du droit de propriété. Cette difficulté explique l’évolution de la jurisprudence et les
tâtonnements de la doctrine pour trouver les fondements et les éléments constitutifs de ces deux responsabilités.
Tandis que l’abus de droit est sanctionné sur le fondement de l’article 1382 du Code civil, la théorie des
inconvénients anormaux de voisinage se trouve sanctionnée sur le fondement du principe selon lequel « nul ne
doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage ».
Lectures possibles et conseillées  :
- A. Lepage, Le voisinage, Defrénois 1999, n° 36943, p. 257.
- R. Libchaber, Le droit de propriété, un modèle pour la réparation des troubles de
voisinage, Mélanges Mouly, 1998, p. 420 et s.

TRAVAIL À FAIRE

Exercices :

- Cas pratique :

Violette Javel a acquis, en janvier 2020, une propriété située à Saint-Chamond. Elle
souhaite bénéficier du calme de ce petit village. Quelques mois après avoir emménagé,
Violette ne supporte déjà plus le chant du coq du voisin agriculteur qui, tous les matins,
la réveille. A ce coq s’ajoute des poules qui ne font que caqueter et glousser au moment
de pondre. En mars 2021, Violette vient vous consulter. Elle souffre d’insomnies, sa
tension augmente, elle ne peut pas finir le livre qu’elle était venue écrire au calme, et, à
cause de sa mauvaise humeur, son compagnon a rompu avec elle. Violette vient vous
consulter, elle souhaite connaître ses droits.

- Plaidoirie :

Monsieur Leroux a constaté depuis la récente installation du couple Pierret dans


l’appartement situé au dessus du sien des bruits importants : pas sur le parquet,

36
évacuation d’eaux, usage d’un aspirateur, d’une machine à laver, sans-compter le vide-
ordures et les aboiments du petit cocker anglais…

Il s’en est plaint auprès d’eux. Ces derniers lui ont réservé le meilleur accueil, ils ont
fait poser immédiatement une épaisse moquette pour limiter les nuisances, et ont arrêté
d’utiliser le vide-ordures. Mais les bruits demeurent et le gênent encore beaucoup.

Vous êtes l’avocat(e) du demandeur ou du défendeur. En vous inspirant des


documents reproduits dans la fiche, il vous est demandé de préparer une courte de
plaidoirie que vous présenterez en 5 minutes devant le tribunal judiciaire.

Analyser les arrêts suivants :

1) Abus de droit de propriété :

- Chercher : Affaire dite Clément Bayard : Req. 3 août 1915, Gds arrêts jur. civ.,
n°62.

2) Troubles anormaux de voisinage :

- Civ. 2ème, 19 novembre 1986 (époux Miller) (document 1)

- Anormalité du trouble et risque de dommage : Cass. 3e civ., 24 avril 2013


(document 2)

- Conception réelle des troubles anormaux de voisinage : Civ. 2e, 3 mars 2016
(document 3)

Document 1 : Civ. 2e, 19 novembre 1986


Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu le principe suivant lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de
voisinage ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les époux X... habitant dans l'immeuble contigu à
la boulangerie exploitée par M. Y... se plaignant des bruits et odeurs en émanant ont
assigné celui-ci en réparation du dommage qui leur aurait été ainsi causé par des
troubles anormaux de voisinage ;
Attendu que l'arrêt ayant constaté que le bruit provenant d'un compresseur installé
dans la cave était doux et régulier, a ordonné cependant l'isolation de ce
compresseur et la pose d'un capot de protection au motif que M. Y... l'avait fait pour
un autre compresseur ;
Qu'en se déterminant ainsi la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences de

37
ses propres constatations, a violé le principe susvisé ;
Sur le second moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui même
le principe de la contradiction ;
Attendu que pour ordonner la surélévation d'une cheminée, l'arrêt énonce qu'aux
termes des correspondances échangées entre elles les parties étaient d'accord pour
cette surélévation ;
Qu'en se déterminant ainsi sans avoir recueilli les explications des parties, la cour
d'appel a violé le texte susvis ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE
Document 2 : Civ. 3e, 24 avril 2013
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, (Rouen, 14 octobre 2010), que Mme X... est
propriétaire d'un terrain sur lequel est édifiée une maison d'habitation, situé au
dessus du terrain de Mme Y... qui comporte une construction et une ancienne
carrière à ciel ouvert prolongée par une carrière souterraine, ce terrain présentant
une double déclivité importante par rapport à la propriété voisine en direction de la
carrière ; que, le 6 mars 2001, en raison de pluies importantes, la propriété de Mme
X... a fait l'objet d'un glissement de terrain entraînant des fractures de sol et des
fissurations sur sa maison ; que Mme Y... ayant refusé d'effectuer les travaux de
confortement préconisés par un expert judiciaire et ordonnés en référé, Mme X... l'a
assignée, sur le fondement du trouble anormal de voisinage, en paiement d'une
certaine somme ;

Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande alors, selon le
moyen : 1°/ qu'en cas de configuration des lieux en pente, le propriétaire du fonds
supérieur doit répondre, sur le fondement de l'article 1384, premier alinéa, du code
civil, des conséquences dommageables pour le fonds inférieur de tout glissement de
terrain survenu sur sa propriété ; que c'est donc au propriétaire du fonds supérieur
qu'il incombe, en sa qualité de gardien du terrain lui appartenant, de faire le
nécessaire pour éviter que survienne sur sa propriété un glissement de terrain en
direction du fonds inférieur ; qu'en sanctionnant, au cas présent, comme un trouble
anormal de voisinage le refus de Mme Y... de procéder, à ses frais, sur son terrain, à
des travaux de confortement destinés à éviter la survenance d'un nouveau
glissement de terrain sur la propriété de Mme X... située en contre-haut, la cour
d'appel, qui a, sous le couvert de la théorie des inconvénients anormaux du
voisinage, fait peser sur Mme Y... une obligation qui incombait en réalité à Mme X...,
a violé le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de
voisinage, ensemble l'article 544 du code civil ; 2°/ que le risque de dommage
encouru sur un fonds voisin ne peut justifier la condamnation d'un propriétaire pour
trouble anormal de voisinage qu'à la condition que ce risque provienne du fonds lui
appartenant ; que, dans le cas où cette condition fait défaut, le propriétaire n'est pas

38
tenu de faire disparaître un risque dont l'origine et l'éventuelle réalisation sont
localisées exclusivement sur un autre fonds, et n'engage pas sa responsabilité s'il
s'abstient de prendre les initiatives propres à faire disparaître un risque qui n'est pas
imputable à son propre fonds ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations de l'arrêt
attaqué que le risque lié à l'instabilité du terrain appartenant à Mme X... provenait,
non pas de la présence d'une ancienne carrière sur le fonds de Mme Y..., mais des
précipitations pluvieuses exceptionnelles du 6 mars 2001 ainsi que de l'éventualité
d'épisodes de pluviométrie similaires à l'avenir ; qu'en retenant néanmoins la
responsabilité de Mme Y... pour trouble anormal de voisinage, au motif que la
disparition du risque de glissements au niveau de la propriété voisine située en
contrehaut dépendait de la réalisation de travaux de confortement sur son propre
terrain, auxquels elle s'était abstenue de procéder, la cour d'appel a violé le principe
selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage, ensemble
l'article 544 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que la réalisation sur
le terrain de Mme Y... du mur de soutènement pour stabiliser la carrière à ciel ouvert
était la première étape des travaux à réaliser avant que Mme X... n'entreprenne les
travaux sur sa propre propriété et que la maison de celle-ci s'effondrerait, en cas de
fortes précipitations, si les travaux de confortement n'étaient pas réalisés sur le
terrain voisin, la cour d'appel a pu en déduire qu'en ne procédant pas aux dits
travaux, Mme Y..., dont l'attitude était à l'origine de la persistance du risque
d'effondrement de la maison de Mme X... en cas de fortes pluies, causait à celle-ci
un trouble anormal de voisinage ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 3 : Civ. 2e, 3 mars 2016

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué ( Grenoble, du 29 octobre 2013 ), que M. et Mme X...
sont propriétaires, sur la commune de Pont de l'Isère, d'une maison d'habitation et
d'un terrain attenant situés à proximité du stand de tir géré par l'association Stade
valentinois de tir aux plateaux (l'association SVTP) ; que se plaignant des nuisances
sonores engendrées par cette activité et de leur aggravation après l'édification d'un
merlon anti-bruit, M. et Mme X... ont assigné l'association SVTP en réparation de
leurs préjudices ;

Attendu que l'association SVTP fait grief à l'arrêt de la condamner sous astreinte à
édifier un écran anti bruit et à isoler les ouvertures des murs arrières des fosses,
alors, selon le moyen, que si le juge dispose d'un pouvoir souverain pour choisir les
mesures qu'il estime propres à faire cesser à l'avenir un trouble anormal du
voisinage, une condamnation à ce titre ne peut être ordonnée qu'au profit d'un
demandeur qui subit actuellement un tel trouble ; qu'au cas d'espèce, il résulte des
propres constatations de l'arrêt que M. et Mme X... avaient déménagé dans le
courant de l'année 2009, en sorte qu'ils ne subissaient plus de nuisances émanant
du stand de tir aux plateaux de l'association SVTP ; qu'aussi, à supposer même que

39
M. et Mme X... eussent droit à des dommages-intérêts destinés à compenser le
préjudice résultant du trouble passé, il était en revanche exclu que le juge ordonne
pour l'avenir une mesure destinée à faire cesser un trouble qui ne pouvait plus être
subi ; qu'en décidant au contraire d'ordonner à l'association la construction d'un mur
anti-bruit et la réalisation de travaux annexes destinés à mettre fin au trouble pour
l'avenir, la cour d'appel a violé le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un
trouble anormal du voisinage, ensemble les articles 1382 et 544 du code civil ;

Mais attendu qu'un propriétaire, même s'il ne réside pas sur son fonds, est recevable
à demander qu'il soit mis fin aux troubles anormaux de voisinage provenant d'un
fonds voisin ;

Qu'ayant retenu que la preuve de l'existence d'un trouble sonore excédant les
inconvénients normaux de voisinage était rapportée, c'est dans l'exercice de son
pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a déterminé les mesures
propres à le faire cesser ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

Après avoir préalablement effectué la fiche d’arrêt, répondre brièvement aux questions
suivantes :

1.-S’agit-il d’une jurisprudence constante ?

2. Quelle est la conception de la théorie des troubles anormaux de voisinage envisagée


par l’arrêt ?

40
SÉANCE 6 : LES MODES D’ACQUISITION DE LA PROPRIÉTÉ
Occupation, Accession, Possession

Mémo, N. Reboul-Maupin, Droit des biens, in Hypercours, 9e éd., 2022


L'acquisition de la propriété peut être dérivée ou originaire. Dès qu'elle résulte d'un acte
juridique, elle est dérivée, qu'il s'agisse d'un acte unilatéral ou d'une convention. En
revanche, elle peut aussi être originaire. Tel est le cas lorsque l'acquéreur est le premier
propriétaire de la chose, c'est-à-dire qu'il n'est l'ayant cause de personne. On recense
alors deux modes originaires d'acquisition de la propriété : par occupation et par
accession.
L'occupation, d'une part, consiste à l'appréhension effective d'une chose qui n'appartient
à personne. L'occupation s'applique aux choses qui n'appartiennent à personne , que l'on
appelle les res nullius. Elle ne concerne que les meubles. Les immeubles qui n'ont pas
de propriétaire appartiennent à l'État (C. civ., art. 539 et 713). Elle concerne aussi les
meubles ayant cessé d'être appropriés. On retrouve ici les trésors, les res derelictae et
les épaves.
L'accession, d'autre part, est prévue à l'article 546 alinéa 1er du Code civil qui
mentionne : la propriété d'une chose, soit mobilière, soit immobilière, donne droit sur tout
ce qu'elle produit, et ce qui s'y unit accessoirement, soit naturellement, soit
artificiellement. Elle est un mode d'acquisition qui rend le propriétaire d'une chose
principale maître de la chose accessoire qui s'y unit en procédant par une réunion de
l'accessoire au principal. Elle peut concerner les meubles et les immeubles.
Concernant l'accession mobilière, elle est réglée entièrement par l'équité naturelle. Elle
suppose la réunion de trois conditions : il faut d'abord, que les deux biens mobiliers,
appartenant à deux propriétaires différents, s'incorporent ; il est nécessaire, ensuite, que
cette incorporation ne résulte pas d'une convention ; il convient, enfin, que l'article 2276
ne trouve pas à s'appliquer. Il y a trois sortes d'accession mobilière : par adjonction, par
spécification, et par mélange.
L'accession immobilière est plus importante que l'accession mobilière . Suivant les
termes du Code civil, elle peut être par production (C. civ., art. 547 s.) ou par
incorporation (C. civ., art. 551 s.). La première accorde au propriétaire tout ce que
produit son bien : fruits naturels, industriels ou civils. La seconde peut être naturelle ou
artificielle. L'accession par incorporation naturelle suppose que le propriétaire de
l'immeuble devienne propriétaire de ce qui s'y incorpore ou s'y dépose. C'est l'hypothèse
où la nature se déchaîne et engendre des répercussions sur la propriété. Il s'agit des
accroissements de terrains provoqués par des alluvions et des relais, ou des avulsions,
ou bien encore, des îles, îlots et des changements de lits. C'est aussi l'accession due à
la force agile de l'animal. S'agissant de l'accession par incorporation artificielle , elle
diffère de la précédente en ce qu'elle résulte de la force de l'homme, et plus

41
précisément, de son travail. Il s'agit alors d'édifier une construction ou de planter des
arbres. En général, le propriétaire procède à une construction ou à une plantation sur
son fonds avec des matériaux et des plants qui lui appartiennent. À ce titre, l'article  553
du Code civil a formulé une double présomption : d'une part, une présomption de
propriété de la construction ou de la plantation qui les attribue au propriétaire du sol
(c'est la « propriété du dessus » telle qu'elle est énoncée à l'art. 552 C. civ.) ; d'autre
part, une seconde présomption relative à l'indemnisation éventuelle d'un tiers dans deux
séries d'hypothèses : soit que le propriétaire ait construit ou planté chez lui avec des
matériaux ou des plants appartenant à autrui ; soit qu'un tiers ait construit ou planté sur
un terrain dont il n'est pas propriétaire.
La possession utile peut conduire à la propriété. Sous certaines conditions, elle mène le
possesseur à l'acquisition de la propriété. En matière mobilière, la règle applicable
demeure l'article 2276 du Code civil selon lequel « En fait de meubles, la possession
vaut titre ». Une telle disposition vaut non seulement comme règle de preuve mais aussi
comme règle d'acquisition de la propriété mobilière, et donc comme règle de fond. Tout
dépend de la personne qui est à l'origine de l'acquisition du bien meuble par le
possesseur. S'il a acquis le bien meuble du véritable propriétaire, l'article 2276
alinéa 1er joue comme une règle de preuve au profit du possesseur. On dit alors que le
possesseur a acquis le meuble a domino. En revanche, s'il n'a pas acquis le bien
meuble du véritable propriétaire, l'article 2276 alinéa 1er vaut comme règle de fond. Le
possesseur du bien meuble a acquis a non domino, c'est-à-dire d'un vendeur, ou d'un
donateur, ou encore de tout autre personne qui n'est pas propriétaire du bien. Dans ce
dernier cas, il n'en devient propriétaire qu'à certaines conditions tenant à la nature du
bien, à l'état de possesseur et à la qualité de la possession. Une fois que toutes ces
conditions sont réunies, le possesseur l'emporte sur le propriétaire dépossédé. Il tient la
chose entre ses mains et bénéficie du titre de propriété issu de la possession effective,
de sorte qu'il ne pourra se voir opposer l'action en revendication mise en œuvre par le
véritable propriétaire du bien meuble. Des exceptions demeurent toutefois ; elles figurent
aux articles 2276, alinéa 2 et 2277 du Code civil. Ce sont les hypothèses où le véritable
propriétaire a été dépossédé involontairement, notamment en cas de perte ou de vol de
la chose.
En matière immobilière, c'est la prescription acquisitive (ou l'usucapion ) définie à
l'article 2258 du Code civil comme « un moyen d'acquérir un bien ou un droit par l'effet
de la possession sans que celui qui l'allègue soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on
puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi ». La prescription acquisitive en
matière immobilière peut être trentenaire ou abrégée (10 ans) (C. civ., art. 2272). Les
délais sont susceptibles d'interruption ou de suspension. Tandis que la prescription
trentenaire de droit commun s'applique au possesseur de mauvaise foi , la prescription
abrégée suppose que le possesseur soit de bonne foi et muni d'un juste titre . Force est
de reconnaître que l'usucapion produit plusieurs effets permettant de considérer qu'elle
est dépourvue d'automaticité, qu'elle est rétroactive et qu'elle permet de retirer les fruits
de la chose possédée à condition d'être possesseur de bonne foi.

42
Le projet de réforme du droit des biens traite de l'acquisition du droit de propriété en
consolidant les acquis du droit positif et en rendant plus compréhensible certaines
dispositions. Au rang des nouveautés, on retrouve celles plutôt relatives qui tiennent à
l'application de la règle de l'indemnisation en cas de constructions sur le terrain d'autrui
au détenteur constructeur, ou encore celle qui consiste à rapatrier le trésor dans
l'accession, ou bien, enfin, celle consistant à éliminer certains articles relatifs aux
alluvions, îles, atterrissements, etc. pour mieux les retrouver dans le Code de
l'environnement. Il y a une nouveauté beaucoup plus marquante qui vient renforcer de
manière manifeste la puissance d'acquisition de la propriété immobilière attachée à la
possession de bonne foi et par juste titre. Reprenant la technique du double délai
consacrée par la loi du 17 juin 2008 (C. civ., art. 2232, al. 1er), le projet de réforme du
droit des biens prévoit dans son article 554 que le délai total ne pourra en aucun cas
dépasser trente ans, périodes de suspension comprises.

TRAVAIL À FAIRE

1. L’accession mobilière :

Dans un arrêt du 16 mars 2022, la première chambre civile de la Cour de cassation


vient rappeler que les règles de l’accession mobilière sont supplétives de volonté et
ne s’appliquent pas quand le bien a été réalisé en exécution d’un contrat
d’entreprise. L’arrêt souligne également l’opposabilité limitée de la transaction à
l’assureur par Cédric Hélaine, Docteur en droit, Juriste assistant placé auprès du
premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence , le 23 mars 2022
Rares sont les décisions autour de l’accession mobilière, mécanisme qui intéresse
les « principes de l’équité naturelle » selon la jolie formule de l’article 565 du code
civil qui doit être combinée avec les trois sortes d’accessions par adjonction, par
spécification et par mélange (F. Terré et P. Simler, Droit civil. Les biens, 10e éd.,
Dalloz, coll. « Précis », 2018, p. 212 s., n° 234). Encore plus rares sont les décisions
mêlant dans leurs faits contrat d’entreprise, mise en jeu d’une assurance et cette
même accession mobilière. L’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour
de cassation le 16 mars 2022 fait partie de ces solutions tranchant une situation
originale qui permet de rappeler quelles règles doivent s’appliquer quand les faits
mêlent plusieurs qualifications juridiques propres en concours, ici l’accession
mobilière et le contrat d’entreprise. L’arrêt rendu s’appuie sur des données dont la
portée pratique est considérable puisque plusieurs millions d’euros étaient en jeu.

° Analyse de l’arrêt suivant :


Document 1 : Civ. 1ère, 16 mars 2022, n°20-13.552
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 MARS
2022

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La société HDI Global SE, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 20-13.552
contre l'arrêt rendu le 14 janvier 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 5), dans le
litige l'opposant :

1°/ à la société [K] Fiduciaire, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ à la société [Z] [K], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

Les sociétés [K] Fiduciaire et [Z] [K] ont formé un pourvoi incident éventuel contre le même
arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de
cassation annexés au présent arrêt.

Les demanderesses au pourvoi incident éventuel invoquent, à l'appui de leur recours, les trois
moyens de cassation également annexés au présent arrêt. 

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Chevalier, conseiller, les observations écrites de la SCP L. Poulet-Odent,


avocat de la société HDI Global SE, de la SCP Foussard et Froger, avocat des sociétés [K]
Fiduciaire et [Z] [K], les plaidoiries de Me Poulet et celles de Me Foussard, et l'avis de Mme
Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 janvier 2022 où
étaient présents M. Chauvin, président, M. Chevalier, conseiller rapporteur, Mme Duval-
Arnould, conseiller doyen, M. Mornet, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers,
Mmes Le Gall, Feydeau-Thieffry, M. Serrier, conseillers référendaires, Mme Mallet-Bricout,
avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour
de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation
judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi,
a rendu le présent arrêt ; 

Faits et procédure

1.Selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 janvier 2020), par contrat conclu le 8 février 2013 avec la
Banque Centrale de la République Dominicaine (BCRD), la société [Z] [K] a été chargée
d'imprimer 180 millions de billets de banque.

2. Des billets ont été volés pendant la réalisation du contrat, leur soustraction ayant été
constatée les 12 et 25 juillet 2013.

3. Le 2 août 2013, la société [Z] [K] en a fait la déclaration à la société HDI Global SE
(HDI), auprès de laquelle elle avait souscrit un contrat d'assurance responsabilité civile ayant
pris effet le 1er décembre 2011.

4. Le 10 janvier 2014, la BCRD a assigné la société [Z] [K] en dommages-intérêts devant le


tribunal de Saint-Domingue (République Dominicaine).

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5. Le 12 février 2016, la société [Z] [K] et la société FCO2, filiale de celle-ci et aux droits de
laquelle se trouve la société [K] Fiduciaire, ont assigné la société HDI devant le tribunal de
commerce de Paris afin d'obtenir sa garantie à hauteur de 50 millions d'euros.

6. Le 17 juillet 2018, la BCRD et les sociétés [Z] [K] et [K] Fiduciaire ont conclu une
transaction mettant fin à leur litige, en application de laquelle les secondes ont versé à la
première la somme de 17 414 122,50 euros.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

7. La société HDI fait grief à l'arrêt de dire que les billets volés étaient la propriété de la
BCRD, de la condamner à garantir la société [K] à hauteur de 25 millions d'euros sous
déduction de la franchise contractuelle et, en conséquence, à payer à l'assurée diverses
sommes au titre de l'indemnité transactionnelle et des frais engagés par celle-ci pour sa
défense dans ses procès contre la BCRD, alors « que le mécanisme de l'accession mobilière,
même par spécification, n'a pas lieu d'être, lorsque les parties sont liées par un contrat
d'entreprise ; qu'en ayant jugé que la BCRD était propriétaire des billets de banque litigieux,
par le jeu de l'accession mobilière, quand elle était liée à la société [K] par un contrat
d'entreprise, la cour d'appel a violé les articles 645, 646 et 1787 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 546, 565, 566 et 1787 du code civil :

8. Il résulte de ces textes que les règles de l'accession mobilière sont supplétives et n'ont pas
vocation à s'appliquer lorsque le bien a été réalisé en exécution d'un contrat d'entreprise.

9. Pour décider que la BCRD était propriétaire des billets volés, l'arrêt retient qu'ils ont été
imprimés en exécution d'un contrat d'entreprise conclu entre la BCRD et la société [Z] [K] et
que les dispositions des articles 565 et 566 du code civil sont applicables, dès lors que la
BCRD a fourni la partie principale de la chose mobilière.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

11. La société HDI fait grief à l'arrêt de déclarer que la transaction du 17 juillet 2018 lui est
opposable et, en conséquence, de la condamner à verser diverses sommes à son assurée, alors
« que la connaissance, par une compagnie d'assurances, de l'existence de négociations en vue
d'une transaction entre son assurée et le tiers victime, jointe à sa volonté de ne pas y
participer, ne peuvent valoir acceptation de cette transaction par l'assureur ; qu'en ayant jugé
le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1134 ancien du code civil et L. 124-2 du code
des assurances. »

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Réponse de la Cour

Vu les articles L. 124-2 du code des assurances et 1134, alinéa 1er, du code civil, dans sa
rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

12. Selon le premier de ces textes, l'assureur peut stipuler qu'aucune transaction intervenue en
dehors de lui ne lui est opposable et, aux termes du second, les conventions légalement
formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

13. Pour déclarer la transaction opposable à la société HDI, après avoir constaté que l'article
8.8 de la police d'assurance prévoyait l'inopposabilité d'une transaction intervenue en dehors
de l'assureur, l'arrêt retient que la société HDI a été clairement informée des modalités de la
transaction et que, si elle a, par son attitude, exprimé la volonté de ne pas y participer, elle a
néanmoins été associée au déroulement des négociations.

14. En statuant ainsi, alors qu'il ne résultait pas de ses constatations que la société HDI avait
participé à la conclusion de la transaction, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Sur les moyens du pourvoi incident éventuel

15. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de
statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas
de nature à entraîner la cassation.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident éventuel ;

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il juge la société [Z] [K] recevable en son intervention
volontaire et recevable à agir et en ce qu'il dit qu'il n'existe qu'un seul sinistre, l'arrêt rendu le
14 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

2. L’accession immobilière : constructions sur le terrain d’autrui

° Résoudre le cas pratique suivant :

Benoît, fonctionnaire à Nice, vient d’hériter du terrain de son grand-père, situé dans les
Charentes. En se rendant sur place, Benoît rencontre l’un de ses voisins Christophe,
propriétaire du terrain limitrophe et habitant au Nord de son terrain. L’année dernière,
Benoît a constaté que Christophe avait fait construire, avec ses matériaux, un mur afin
de séparer les deux fonds contigus. Bruno a des doutes sur la séparation imposée par le
mur. Lorsqu’il en fait part à Christophe, celui-ci lui précise que le terrain n’ayant pas été
borné, il s’est référé au plan figurant dans l’acte d’achat du terrain. Benoît, non
convaincu, souhaiterait vérifier. Christophe refuse toute expertise amiable. Vous
exposerez à Bruno l’action qu’il doit intenter pour obtenir l’expertise en justice et, selon
les résultats de celle-ci, les règles de droit applicables.

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Fiche à lire : réflexions sur la proportionnalité en droit des biens
La proportionnalité en droit des biens
Empiétement, constructions édifiées sur le sol d’autrui et proportionnalité
Recherches & Réflexions
Sur la question de la proportionnalité en droit des biens de la sanction de l’empiétement :

Doctrine : J.-L. Bergel, La sanction de l’empiétement des constructions sur le terrain


d’autrui, RDI 2017. 124 ; W. Dross, Empiétements : la Cour de cassation maintient le cap,
RTD civ. 2017. 191 ; J. Dubarry, Empiétement et proportionnalité : point d’équilibre ou de
rupture  ?, JCP G 2016. 1271 ; N. Reboul-Maupin, Les empiétements présents et à venir sur
le terrain d’autrui  : plaidoyer pour plus d’efficacité et d’équité dans la mise en œuvre de la
sanction, Petites affiches 7 juill. 2017, p. 12.

Jurisprudence : Civ. 3e, 10 nov. 2016, no 15-19-561 ; n° 15-21.949, n° 15-25.113.

Sur le nouvel art de juger : le contrôle de proportionnalité :

Regards d’universitaires sur la réforme de la Cour de cassation, Actes de la conférence-


débat du 24 novembre 2015, JCP supplément au n°1-2, 11 janvier 2016, spéc. B. Louvel,
p.5 ; L. Cadiet, Introduction, p. 13 ; E. Jeuland, Une approche non utilitariste du contrôle de
proportionnalité, p. 26 ; D. de Béchillon, Observations sur le contrôle de proportionnalité, p.
29 ; C. Chaisnais, A la recherche d’un modèle pluraliste de cassation « à la française »,
p. 51 ; S. Le Gac-Pech, Le nouvel art de juger : quand la proportionnalité s’invite dans la
mise en œuvre de la règle de droit, Jus id quod justum est, RLDC, 2017, n°6379.

Aller voir sur le sujet :


°R. Boffa, La propriété et le contrôle de proportionnalité, D. 2019 p. 2163.
°E. Gavin Millan Oorsterlynck, Exclusivité versus proportionnalité, à l’épreuve de
l’empiétement, RDI 2018, p. 17.
°S. Le Gac-Pech, Le nouvel art de juger : quand la proportionnalité s’invite dans la mise en
œuvre de la règle de droit, Jus id quod justum est, RLDC, 2017, n°6379.

Mise en œuvre de la proportionnalité par la Cour de cassation  : FICHE ACTUALISATION :


Empiétement et Constructions édifiées sur le sol d’autrui
Un dernier arrêt en date se rapporte encore à l’empiétement : La démolition pour empiètement
sur une servitude de passage soumise au contrôle de proportionnalité. Dès lors que cela lui est
demandé, le juge du fond doit rechercher si la démolition d’une maison empiétant sur l’assiette
d’une servitude de passage n’est pas disproportionnée au regard du droit au respect du
domicile. Il s’agit d’une décision rendue par la troisième chambre civile de la Cour de cassation,
le 19 décembre 2019 (n°18-25.113).
Une servitude conventionnelle de passage d’une largeur de 8 mètres est instituée au profit d’une

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parcelle détenue en indivision. Le fonds servant est constitué de deux parcelles, et sur l’une d’elles est
construite une maison d’habitation conformément à un permis de construire. L’un des
indivisaires demande la démolition des constructions et plantations empiétant sur le passage. Les
juges du fond constatent que la construction a pour effet de réduire de moitié la largeur du passage à
un endroit. Rappelant en outre que le déplacement de l’assiette de la servitude ne peut être imposé au
propriétaire du fonds dominant que sous certaines conditions (art.701 al. 3 Code civil, ils ordonnent la
démolition.
La Haute Juridiction censure la décision au visa de l’article 8 de la convention européenne des droits
de l’Homme. Elle reproche aux juges du fond de ne pas avoir recherché, comme il le leur était
demandé, si la mesure de démolition n’était pas disproportionnée au regard du droit au respect du
domicile du constructeur.
1. - Dans le contentieux de l’empiètement sur la propriété d’autrui, la Cour de cassation se
refuse pour l’instant à tout contrôle de proportionnalité, aussi bien lorsque sont invoqués le
droit au respect de la vie privée et du domicile (Cass. 3e civ. 10-11-2016 n° 15-21.949 FP-
PB : BPIM 1/17 inf. 76) que le droit au respect des biens (Cass. 3e civ. 21-12-2017 n° 16-
25.406 FS-PBI : SNH 1/18 inf. 3 obs. L. Andreu, Dalloz Actualité 12-1-2018 obs. D. Pelet,
RDI 2017 p. 124 obs. J.-L. Bergel). L’empiètement est systématiquement sanctionné par la
démolition de l’ouvrage, peu important la mesure de l’empiètement (Cass. 3e civ. 20-3-2002
n° 00-16.015 FS-PBI : BPIM 3/02 inf. 168, pour un empiètement de la clôture de 0,5
centimètre), l’absence de préjudice subi (Cass. 1e civ. 24-5-1965 n° 63-10.859 : Bull. civ. I n°
335) ou la bonne foi des voisins et sans que l’action puisse être considérée comme abusive
(Cass. 3e civ. 21-12-2017 n° 16-25.406 FS-PBI, précité).

2. - En matière de construction pleine et entière sur la propriété d’autrui : la Cour de


cassation accepte, en revanche depuis peu de se livrer à un contrôle de proportionnalité (Cass.
3e civ. 17-5-2018 n° 16-15.792 FP-PBRI : RJDA 8-9/18 n° 686, SNH 18/18 inf. 1, RTD civ.
2018 p. 708 obs. W. Dross ; voir également en matière d’expulsion pour occupation illicite :
Cass. 3e civ. 4-7-2019 n° 18-17.119 FS-PBI : BPIM 4/19 inf. 288 ; Cass. 3e civ. 28-11-2019
n° 17-22.810 F-PBI : RJDA 2/20 n° 113, Dalloz Actualité 23-12-2019 obs. C. Dreveau). La
construction sur sol d’autrui (C. civ. art. 555) et l’empiètement (civ. art. 545) ne relèvent
pas des mêmes textes ni, par conséquent, des mêmes équilibres (W. Dross, précité), ce qui
pourrait expliquer que le juge se livre à un contrôle de proportionnalité pour la première mais
non pour le second. Il n’y aurait, au-delà de la limite séparative, ni propriété ni domicile pour
celui qui empiète (R. Boffa, La propriété et le contrôle de proportionnalité : D. 2019 p. 2163).
La décision rapportée est-elle le signe d’un infléchissement à venir de la position de la Cour de
cassation dans le contentieux de l’empiètement ? La question se pose sachant qu'il faut toutefois
considérer les circonstances de l’espèce car il est question ici de la protection d’un droit de servitude
et non pas de la propriété pleine et entière.
SÉANCE 7 : LA POSSESSION MOBILIÈRE ET IMMOBILIÈRE
Notion et régime

Mémo, N. Reboul-Maupin, Droit des biens, in Hypercours, 9e éd., 2022

La possession est une relation de fait entre les personnes et les biens. Le possesseur
d'un meuble ou d'un immeuble se comporte en fait comme un propriétaire : il use, il jouit,
il dispose de ce bien (corpus), en ayant l'intention de se comporter comme le véritable
propriétaire (animus). Il se distingue du détenteur précaire car ce dernier a le corpus
sans l'animus. C'est le cas du locataire, du fermier…

48
Généralement, le possesseur est aussi le propriétaire de ce bien : il exerce alors un
pouvoir de fait et de droit sur la chose. Mais le possesseur peut aussi n'avoir aucun droit
sur ce bien. Dans les deux cas, la possession est protégée car elle repose sur une
apparence.
La possession dite « utile » doit présenter certaines qualités pour produire des effets
juridiques. Elle doit être continue, paisible, publique et non équivoque. D'autres qualités
propres au possesseur, telles que la bonne ou mauvaise foi, interférent directement sur
les conséquences juridiques de la possession.
Les conséquences juridiques de la possession sont en effet variées. La possession
produit trois effets essentiels. Le premier est de faire présumer la propriété ; cet effet
revient à toute possession. Le deuxième effet est de permettre au possesseur d'acquérir
les fruits et même la chose possédée, alors qu'il n'en était pas propriétaire. Chacune de
ces conséquences dépend de la qualité et de la durée de la possession, de son objet
(meuble ou immeuble) et de la qualité du possesseur.
Mais la possession ne peut produire ces deux effets qu'à la condition de bénéficier d'une
protection juridique (C. civ., art. 2278). Spécifique à la possession jusqu'alors par le biais
d'actions possessoires, la protection juridique, depuis la loi du 16 février 2015, s'effectue
seulement par la voie de l'action en référé. Les actions possessoires (complainte,
dénonciation de nouvel œuvre et action en réintégration) ont été abrogées. Le troisième
effet engendré par la possession n'a pas disparu. Ceci étant, il demeure sous la forme
exclusive de l'action en référé, en tant que voie simple et rapide de règlement judiciaire
des litiges.
Le projet de réforme du droit des biens consolide les acquis du droit positif en réécrivant
la possession (C. civ., nouv. art. 543) et en unifiant la définition de la bonne foi (C. civ.,
nouv. art. 544). Il se manifeste encore en apportant des précisions quant aux effets
juridiques de la possession : ce qui consiste à préciser la double fonction de la
possession, à savoir probatoire (C. civ., nouv. art. 555) et acquisitive (C. civ., art. 556,
al. 1er), puis à préciser la preuve de la possession (C. civ., nouv. art. 546) avant de
consacrer enfin l'avantage probatoire de celle-ci (C. civ., nouv. art. 547). Mais le projet
de réforme du droit des biens ne s'en tient pas aux acquis, il innove en supprimant les
actions possessoires, en introduisant une définition de la détention (C. civ., nouv.
art. 559), et en renforçant la puissance d'acquisition de la propriété immobilière attachée
à la possession de bonne foi et par juste titre (C. civ., nouv. art. 554).

La possession peut conduire à la propriété. Elle remplit alors des fonctions polyvalentes.
Sous certaines conditions, elle mène le possesseur à l’acquisition de la propriété. En
matière mobilière, la règle applicable demeure l’article 2276 du Code civil selon lequel
« En fait de meubles, la possession vaut titre ». Une telle disposition vaut non seulement
comme règle de preuve mais aussi comme règle d’acquisition de la propriété mobilière,
et donc comme règle de fond. Tout dépend de la personne qui est à l’origine de
l’acquisition du bien meuble par le possesseur. S’il a acquis le bien meuble du véritable
propriétaire, l’article 2276 alinéa 1er joue comme une règle de preuve au profit du
possesseur. On dit alors que le possesseur a acquis le meuble a domino. En revanche,

49
s’il n’a pas acquis le bien meuble du véritable propriétaire, l’article 2276 alinéa 1er vaut
comme règle de fond. Le possesseur du bien meuble a acquis a non domino , c’est-à-
dire d’un vendeur, ou d’un donateur, ou encore de toute autre personne qui n’est pas
propriétaire du bien. Dans ce dernier cas, il n’en devient propriétaire qu’à certaines
conditions tenant à la nature du bien, à l’état de possesseur et à la qualité de la
possession. Une fois que toutes ces conditions sont réunies, le possesseur l’emporte sur
le propriétaire dépossédé. Il tient la chose entre ses mains et bénéficie du titre de
propriété issu de la possession effective, de sorte qu’il ne pourra se voir opposer l’action
en revendication mise en œuvre par le véritable propriétaire du bien meuble. Des
exceptions demeurent toutefois ; elles figurent aux articles 2276, alinéa 2 et 2277 du
Code civil. Ce sont les hypothèses où le véritable propriétaire a été dépossédé
involontairement, notamment en cas de perte ou de vol de la chose.
En matière immobilière, c’est la prescription acquisitive (ou l’usucapion ) définie à
l’article 2258 du Code civil comme « un moyen d’acquérir un bien ou un droit par l’effet
de la possession sans que celui qui l’allègue soit obligé d’en rapporter un titre ou qu’on
puisse lui opposer l’exception déduite de la mauvaise foi ». La prescription acquisitive en
matière immobilière peut être trentenaire ou abrégée (10 ans) (art. 2272 C. civ.). Les
délais sont susceptibles d’interruption ou de suspension. Tandis que la prescription
trentenaire de droit commun s’applique au possesseur de mauvaise foi, la prescription
abrégée suppose que le possesseur soit de bonne foi et muni d’un juste titre. Force est
de reconnaître que l’usucapion produit plusieurs effets permettant de considérer qu’elle
est dépourvue d’automaticité, qu’elle est rétroactive et qu’elle permet de retirer les fruits
de la chose possédée à condition d’être possesseur de bonne foi.

TRAVAIL À FAIRE

°Savoir impérativement définir les termes suivants:

Animus et Corpus
°Analyser les arrêts suivants :

1) La notion de possession :

- Fiche d’arrêt et plan détaillé : Cass. 3e civ., 20 février 2013 (Document 1)

2) Le régime de la Les effets de la possession  :

1- Possession et acquisition de la propriété mobilière  :

50
Notion de juste titre : ° Civ. 3e, 12 juillet 2011 (Document 2)

2- Possession et acquisition de la propriété immobilière  :

Effet de la prescription acquisitive : °Civ. 3e, 10 juillet 1996  (Document 3)

Prescription acquisitive : non renvoi de la QPC : °Civ. 3e, 12 octobre 2011, n°11-40.055 ;
D. 2011, p. 2598 (Document 4).

Document 1 :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 2229 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, (Papeete, 9 décembre 2010) que les consorts X... ont assigné la
Polynésie française pour se voir déclarer propriétaires, par prescription acquisitive, des
parcelles cadastrées n° 14 et 15 dénommées " la terre Atararo " ;
Attendu que pour rejeter la demande et constater que cette terre appartient à la Polynésie
française, l'arrêt retient qu'aucun fait matériel d'occupation effective n'a été constaté au
moment du transport sur les lieux en 2007 et que les témoignages produits n'étaient pas
suffisamment probants pour établir une possession de trente ans par les consorts X..., seule
pouvant être retenue avec suffisamment de certitude la période de 1934 à 1948 ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la possession légale utile pour prescrire ne peut s'établir à
l'origine que par des actes matériels d'occupation réelle et se conserve tant que le cours n'en
est pas interrompu ou suspendu, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si la possession des
consorts X... ne s'était pas poursuivie au delà de 1948 par la seule intention, sans être
interrompue avant l'expiration du délai de prescription par un acte ou un fait contraire, n'a pas
donné de base légale à sa décision ; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 2 :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 2265 du code civil applicable en la cause ;
Attendu que celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la
propriété par dix ans, si le véritable propriétaire habite dans le ressort de la cour d'appel dans
l'étendue de laquelle l'immeuble est situé, et par vingt ans, s'il est domicilié hors dudit
ressort ;Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 9 décembre 2008) que, par jugement irrévocable
du 17 novembre 2003, régulièrement publié au bureau des hypothèques, le tribunal de grande
instance de Bayonne a annulé les actes authentiques des 23 octobre et 22 décembre 1978
contenant échange de parcelles passés entre Mme X... et M. Y... ; que, sur la parcelle lui
revenant après échange, Mme X..., aux droits de laquelle vient M. X..., a fait construire un
immeuble à usage d'habitation et de bar restaurant ; que M. Y... a assigné M. X... aux fins
d'obtenir la restitution de sa parcelle à la suite de l'annulation des échanges intervenus et la
démolition de l'immeuble construit dessus sur le fondement des articles 544 et 545 du code
civil ;
Attendu que, pour accueillir ces demandes, l'arrêt retient que M. Jean Y... n'a pas consenti à
l'échange des parcelles, son frère Louis Y... n'ayant pas reçu mandat de sa part pour passer
l'acte et aucun acte sous seing privé n'ayant été conclu au préalable entre les parties ou leurs

51
auteurs, et que le titre invoqué par M. X... serait susceptible d'avoir une incidence sur
l'existence ou non de sa bonne foi, mais pas sur la réalité du transfert de propriété ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'acte portant échange de parcelles conclu pour le compte d'un
propriétaire par un mandataire non pourvu d'un pouvoir régulier constitue pour le
cocontractant un juste titre, au sens de l'article 2265 du code civil alors applicable, lui
permettant de prescrire la propriété du bien, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;PAR CES
MOTIFS :CASSE ET ANNULE
Document 3 :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 31 janvier 1994), que, suivant un acte authentique
des 19 septembre et 25 octobre 1978, Mme X..., aux droits de laquelle se trouvent les
consorts X..., a vendu une parcelle de terre à la Communauté urbaine de Bordeaux (CUB) ;
que la CUB, ayant constaté que la parcelle était occupée par l'Institut national de la recherche
agronomique (INRA), a assigné les consorts X... en délivrance et, en cas d'impossibilité, en
résolution de la vente et remboursement du prix et l'INRA en déclaration de jugement
commun ;
Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de dire que l'INRA était légitime propriétaire
de la parcelle, d'annuler la vente conclue entre Mme X... et la CUB et d'ordonner la
restitution du prix, alors, selon le moyen, d'une part, que ni la Communauté urbaine ni l'INRA
n'avaient, dans leurs conclusions, sollicité l'application de l'article 1599 du Code civil ; que la
cour d'appel, qui a soulevé le moyen d'office sans provoquer les explications des parties, a
violé le principe du contradictoire et l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ; d'autre
part, que seul le défaut de qualité de propriétaire du vendeur au moment où devrait s'effectuer
l'effet translatif de vente entraîne la nullité de la vente ; que l'INRA ne pouvant avoir acquis
le bien litigieux par prescription trentenaire qu'en 1983, Mme X... en était bien propriétaire
lors de l'aliénation en 1978 consentie à la CUB ; que, par suite, la cour d'appel, en considérant
qu'elle avait vendu une parcelle qui ne lui appartenait pas, ce qui entraînait l'annulation de la
vente, a violé par fausse application l'article 1599 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la possession de la parcelle litigieuse par l'INRA depuis
1953 présentant les conditions requises par l'article 2229 du Code civil, cet établissement
était fondé à se prévaloir de la prescription acquisitive trentenaire, la cour d'appel en a
exactement déduit, sans violer le principe de la contradiction, que Mme X... avait vendu, par
acte authentique des 19 septembre et 25 octobre 1978, une parcelle qui ne lui appartenait pas
et que la vente de la chose d'autrui étant nulle, il y avait lieu de prononcer la nullité de cette
vente et d'ordonner la restitution du prix de vente ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi
Document 4 :
Statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité transmise par arrêt du 25 mars 2011
de la cour d'appel de Saint-Denis dans le litige opposant les consorts X... à Mme Y... ;
Attendu que les consorts X... soutiennent que les articles 2258 et 2272 du code civil et
l'interprétation jurisprudentielle qui en est faite, portent atteinte aux articles 2 et 17 de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, en ce qu'ils privent le
légitime propriétaire d'un immeuble de son droit de propriété sans juste et préalable
indemnité et sans qu'aucune nécessité publique ne l'impose ;
Mais attendu, d'une part, que la question ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition
constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas eu l'occasion de faire application,
n'est pas nouvelle ;
Et attendu, d'autre part, que la question posée ne présente pas un caractère sérieux dès lors

52
que la prescription acquisitive n'a ni pour objet ni pour effet de priver une personne de son
droit de propriété ou d'en limiter l' exercice mais confère au possesseur, sous certaines
conditions, et par l'écoulement du temps, un titre de propriété correspondant à la situation de
fait qui n'a pas été contestée dans un certain délai ; que cette institution répond à un motif
d'intérêt général de sécurité juridique en faisant correspondre le droit de propriété à une
situation de fait durable, caractérisée par une possession continue et non interrompue,
paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire ;
D'où il suit qu'il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire
de constitutionnalité ;
PAR CES MOTIFS : DIT N'Y AVOIR LIEU A RENVOYER au Conseil constitutionnel la
question prioritaire de constitutionnalité ;
° Faire la dissertation suivante : Propriété et possession

SÉANCE 8 : LA PROPRIÉTÉ DÉMEMBRÉE : USUFRUIT,


SERVITUDES ET DROIT RÉEL DE JOUISSANCE SPÉCIALE

Mémo, N. Reboul-Maupin, Droit des biens, in Hypercours, 9e éd., 2022

1) L’usufruit est défini à l’article 578 du Code civil comme « le droit de jouir des choses
dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d’en
conserver la substance ».
L’usufruit et la nue-propriété sont des démembrements du droit de propriété qui peuvent
porter sur toute forme de bien (meuble, immeuble, droit de créance, bien individualisé ou
universalité…). L’usufruitier a l’usage et la jouissance d’un bien ( usus et fructus) qui est
la propriété du nu-propriétaire (abusus).
L’usufruit est créé tantôt par un contrat, tantôt par testament, tantôt par la loi. Le droit
d’usufruit peut être acquis par usucapion.

53
Le nu-propriétaire n’a aucune obligation particulière à l’égard de l’usufruitier ; il doit
simplement ne pas entraver le droit réel de celui-ci, c’est-à-dire ne pas s’opposer à son
entrée en jouissance.
Au contraire, l’usufruitier parce qu’il détient la chose et peut la retourner et la détériorer,
est soumis à deux obligations au moment de l’entrée en jouissance : il doit faire
inventaire des biens qu’il reçoit et fournir caution ou une autre forme de garantie.
L’usufruitier n’est tenu qu’aux réparations d’entretien, les grosses réparations incombent
au propriétaire. Ceci étant, l’article 605 du Code civil n’autorise pas l’usufruitier à agir
contre le nu-propriétaire pour le contraindre à exécuter les grosses réparations
nécessaires à la conservation de l’immeuble soumis à l’usufruit.
L’usufruitier est un droit viager qui est attaché à la personne du titulaire et qui prend fin
au plus tard au décès de ce dernier.

2) La servitude est définie à l’article 637 du Code civil. Elle est un droit réel immobilier
opposable à tous : elle est une charge imposée sur un héritage (le fonds servant) pour
l’usage et l’utilité d’un autre héritage (le fonds dominant) appartenant à un autre
propriétaire. Les servitudes peuvent être naturelles, légales ou établies par la volonté
des propriétaires ou la décision des juges.

3)Le droit réel de jouissance spéciale :


°droit réel d’origine prétorienne : la consécration par la Cour de cassation (Civ. 3e,
Maison de la Poésie, 31 octobre 2012) de la liberté pour un propriétaire de consentir un
droit réel de jouissance spéciale sur son bien, s’inscrit dans la continuité de l’Avant-
projet de réforme du droit des biens de l’association Henri Capitant. En revanche, il est
patent que la reconnaissance d’une telle faculté par la jurisprudence, n’entraîne pas les
mêmes incidences que si elle avait fait l’objet d’une réforme législative. Ainsi,
l’acceptation prétorienne de la liberté de consentir un droit réel de jouissance spéciale,
met fin ipso facto à la théorie du numerus clausus  des droits réels au sein de notre
ordonnancement juridique, ce qui n’aurait pas été le cas avec une consécration
législative. En sus, l’adoption de l’Avant-projet de réforme aurait consacré un nouveau
droit réel d’origine légale, ce qui aurait seulement permis au propriétaire de modifier
librement la structure de ce droit. Il en résulte que la création d’un tel droit réel ne relève
pas des textes légaux, mais de la convention des parties.
° Un droit réel découlant de la libre volonté des parties : La Cour de cassation (Civ. 3e,
Maison de la Poésie, 31 octobre 2012) s’appuie sur les articles 544 et 1134 du Code
civil (ancien) afin de fonder légalement sa création. La création du droit réel de
jouissance spéciale résulte ainsi de la combinaison de deux grands principes de notre
droit, à savoir la propriété et l’autonomie de la volonté. Au demeurant, le rapport
obligationnel qui découle de la convention n’entache en rien la nature réelle du droit qui
est conféré. Ainsi, l’association de ces deux dispositions permet à la Cour de cassation
de reconnaître au propriétaire le droit de conclure une convention ayant pour objet le
démembrement de son droit de propriété, mais la singularité du droit réel de jouissance

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spéciale réside en ce que la liberté dont le propriétaire bénéficie lui permet de modifier
largement la structure du droit qu’il consent.

TRAVAIL À FAIRE

1) USUFRUIT

Lire les arrêts suivants :

° Cass. 3e civ., 19 septembre 2012, n°11-15.460 (Document 1)


° Cass. com. 12 juin 2012, n°11-11.424 (Document 2)
° Sur quasi-usufruit : Civ. Civ. 1re, 4 nov. 2020, n°19-14421 (Document 3) : V.
Les héritiers du quasi-usufruitier doivent restituer à la succession du nu-
propriétaire prédécédé, Editions Francis Lefebvre, 11 déc.2020, www.efl.fr
3) SERVITUDE

° Cas pratique à faire :

Monsieur Hervé GARDE et son épouse Victorine sont propriétaires d’un lot immobilier
constitué de deux terrains contigus séparés sur la moitié de la longueur commune par
un mur en galets de 2,5 mètres de hauteur entièrement situé sur la parcelle nord en
limite exacte de la parcelle sud. Leur maison est construite sur le terrain nord et ils
accèdent à la voie publique grâce à un chemin traversant le terrain sud. Par acte notarié
du 28 juin 2019, ils cèdent le terrain sud rendu constructible aux époux IRENS. Afin
d’optimiser l’occupation du terrain nouvellement acquis, les époux IRENS désirent
construire une piscine sur leur terrain, ce que le chemin d’accès à la résidence des
époux GARDE leur interdit. Ils aimeraient savoir s’ils peuvent malgré tout mener à bien
ce projet.
3) DROIT RÉEL DE JOUISSANCE SPÉCIALE
A lire  :
Bibliographie : pour aller plus loin
-J. François, Qu’est ce qu’un droit réel de jouissance spéciale ?, D. 2019, p. 1660.

-Comment cantonner le domaine des droits réels de jouissance spéciale pour préserver
celui des autres droits réels ? Civ. 3e, 6 juin 2019, avis B. Sturlèse, D. 2019, p. 1684 et
note J. Dubarry, p. 1689.
Exercice : faire une fiche d’arrêt : Civ. 3e, 8 septembre 2016, n°14-26.953 (Document
4) 
Analysez l’arrêt suivant : Civ. 3e, 4 mars 2021, n° 19-25167 (à chercher)

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Arrêts :

Document 1 :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, (Lyon, 25 janvier 2011), que M. X... a donné à sa fille mineure,
Laura, la nue-propriété de terrains dont il s'est réservé l'usufruit et sur lesquels il a construit
des immeubles de rapport ; que la direction régionale des finances publiques de Rhône-Alpes
et du département du Rhône, ayant considéré que la réalisation de ces constructions sans
dédommagement avait constitué une donation indirecte, a soumis la valeur des travaux aux
droits d'enregistrement ; qu'à la suite de la mise en recouvrement de l'imposition et du rejet de
sa réclamation, Mme Y..., agissant en qualité de représentante de sa fille mineure LauraX..., a
engagé une action en dégrèvement total des rappels de droits et pénalités ;
Attendu que la direction régionale des finances publiques de Rhône-Alpes et du département
du Rhône fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande, alors, selon le moyen, qu'il résulte des
dispositions combinées des articles 551, 552 et 555 du code civil que tout ce qui s'unit et
s'incorpore à la chose appartient au propriétaire et que, sauf convention contraire, l'accession
opère de plein droit au profit du propriétaire du sol qui acquiert immédiatement la propriété
des constructions ; que ces principes s'appliquent que les constructions aient été édifiées par
le propriétaire lui-même ou par un tiers ; qu'en décidant, dans l'hypothèse où un usufruitier
édifie des constructions sur un terrain démembré, que le nu-propriétaire ne bénéficie d'aucun
enrichissement dans la mesure où il n'entre en possession desdites constructions qu'à
l'extinction de l'usufruit, alors qu'en application des règles civiles précitées, l'accession
appartient immédiatement à la fois à l'usufruitier et au nu-propriétaire conformément à leurs
droits respectifs d'usage et de jouissance pour le premier et de disposition pour le second, la
cour d'appel a violé les dispositions légales ;
Mais attendu que la cour d'appel ayant retenu à bon droit qu'il n'existait aucun enrichissement
pour la nue-propriétaire qui n'entrera en possession des constructions qu'à l'extinction de
l'usufruit, l'accession n'a pas opéré immédiatement au profit du nu-propriétaire du sol ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi

Document 2 :
Sur le moyen unique pris en sa première branche :
Vu les articles 605 et 606 du code civil, ensemble l'article 599, alinéa 2, du même code, après
avis donné aux parties ;
Attendu que l'usufruitier n'est tenu qu'aux réparations d'entretien et que les grosses
réparations demeurent à la charge du propriétaire, à moins qu'elles n'aient été occasionnées
par le défaut de réparations d'entretien, depuis l'ouverture de l'usufruit, auquel cas
l'usufruitier en est aussi tenu ; que ce dernier ne peut, à la cessation de l'usufruit, réclamer
aucune indemnité pour les améliorations qu'il prétendrait avoir faites, encore que la valeur de
la chose en fût augmentée ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. et Mme X... sont usufruitiers d'un bien immobilier
ainsi que des parts d'une société civile dont leurs deux enfants sont nu-propriétaires ; qu'en

56
exécution d'une convention du 15 mars 2001, cette société a avancé des fonds que M. et Mme
X... ont utilisés pour effectuer des travaux sur le bien immobilier ; que l'administration fiscale
leur a notifié des redressements en matière d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) au titre
des années 2003, 2004 et 2005, remettant en cause la déduction du coût desdits travaux au
motif que ceux-ci constituent des grosses réparations, incombant aux nus-propriétaires ;
qu'après mise en recouvrement du rappel d'ISF assorti de pénalités et rejet de leur réclamation
contentieuse, M. et Mme X... ont demandé au tribunal la décharge de cette imposition;
Attendu que, pour rejeter cette demande, l'arrêt retient que les travaux de démolition, de
reconstruction d'une habitation d'une superficie supérieure, de construction d'une piscine et
d'aménagement du terrain réalisés correspondent à des grosses réparations incombant aux
nus-propriétaires ;Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'article 606 du code civil énumère
limitativement les grosses réparations et qu'il ressort des énonciations de sa décision que les
travaux en cause constituent des améliorations, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : CASSE ET
ANNULE

Document 3 :
Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 13 février 2019), R... L... est décédée le 21 août


1990, laissant pour lui succéder son époux commun en biens, D... Q..., et leur fille unique,
A.... Aux termes de leur contrat de mariage, R... L... avait fait donation à son époux, pour le
cas où il lui survivrait, de l’usufruit de tous les biens propres qu’elle laisserait le jour de son
décès et qui composeraient sa succession.

2. A... Q... est décédée le 6 novembre 1997, laissant pour lui succéder son époux, W... O..., et
son père. Celui-ci est décédé le 17 novembre 2000, en l’état d’un testament désignant en
qualité de légataires universels Mme J... Q... et l’époux de celle-ci, P... Y.... W... O... est
décédé le 7 janvier 2002, laissant pour lui succéder sa soeur, Mme K... O....

3. Mme O... a assigné Mme Q... et P... Y... pour voir dire ces derniers tenus de restituer à la
succession de A... Q... , sur le fondement de l’article 587 du code civil, une somme
correspondant à l’usufruit de celles qu’D... Q... avait reçues de la succession de son épouse.

4. P... Y... étant décédé le 28 mars 2013, Mme O... a assigné en intervention forcée ses deux
filles, E... et C....

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches, ci-après annexé

5. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de
statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de
nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

6. Mme Q... et Mmes Y... font grief à l’arrêt de les condamner à payer à Mme O... la somme


de 312 372,59 euros au titre de la créance de restitution des biens de la succession de
A... Q... alors « que l’on ne peut hériter que des biens présents dans le patrimoine du défunt

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au jour de son décès ; que l’usufruit s’éteint par la mort de l’usufruitier ; qu’en l’espèce, la
cour d’appel a elle-même constaté qu’D... Q... avait hérité de la totalité de l’usufruit des biens
composant la succession de son épouse R... L..., et que A... Q... avait hérité de la totalité de la
nue-propriété des mêmes biens ; que la cour d’appel a encore constaté que A... Q... était
décédée en 1997, trois ans avant le décès d’D... Q... en l’an 2000 ; qu’en conséquence, au
jour du décès de A... Q..., l’usufruit qu’exerçait D... Q... n’avait pas pris fin ; que ni l’usufruit,
ni une créance de restitution à ce titre, n’étaient dès lors jamais entrés dans le patrimoine ni
dans la succession de A... Q... ; que Mme K... O... , héritière de W... O..., lui-même héritier de
A... Q... , ne pouvait donc prétendre à aucune créance de restitution au titre de l’usufruit
exercé par D... Q... sur les biens composant la succession de R... L... ; que dès lors, en jugeant
qu’au jour du décès d’D... Q..., l’usufruit qu’il exerçait avait rejoint la nue-propriété échue
entre-temps à la succession de A... Q..., et que la créance de restitution revendiquée par
Mme K... O... était justifiée, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses
propres constatations et a violé l’article 587 du code civil, ensemble l’article 617 du même
code. »

Réponse de la Cour

7. L’arrêt relève qu’à son décès, R... L... a transmis à D... Q... l’usufruit de ses comptes
bancaires et qu’en vertu de cet usufruit, celui-ci disposait, conformément à l’article 587 du
code civil, du droit d’utiliser ces sommes mais à charge de rendre, à la fin de l’usufruit, soit
des choses de même quantité et qualité, soit leur valeur estimée à la date de la restitution.

8. Il énonce ensuite, à bon droit, que, dès avant le décès de son père, en sa qualité de nue-
propriétaire de ces sommes, A... Q... avait vocation à la pleine propriété de ces comptes, alors
même qu’elle n’en était pas encore titulaire et n’en avait pas la jouissance.

9. De ces constatations et énonciations, la cour d’appel a justement déduit qu’au décès


d’D... Q..., cet usufruit avait rejoint la nue-propriété échue entre-temps à la succession de
A... Q..., de sorte que ses légataires universels étaient tenus de restituer à la succession de
celle-ci la valeur des comptes bancaires de R... L....

10. Le moyen n’est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Document 4 :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 18 septembre 2014), rendu sur renvoi après cassation
(3e Civ. 31 octobre 2012, pourvoi n° 11-16.304), que, par acte des 7 avril et 30 juin 1932, la
Société des auteurs et compositeurs dramatiques (la Société) a acquis un ensemble
immobilier de la Fondation Maison de poésie (la Fondation) ; que l’acte précisait, d’une part,
que n’était pas comprise dans la vente la jouissance ou l’occupation par la Fondation des
locaux où elle était installée dans l’immeuble, d’autre part, qu’au cas où la Société le jugerait
nécessaire, elle pourrait demander la mise à sa disposition des locaux occupés par la
Fondation, à charge d’en édifier dans la propriété d’autres de même importance, avec
l’approbation de la Fondation ; que, devant l’accroissement de ses activités, la Société a
demandé à recouvrer l’usage des locaux occupés en proposant diverses solutions de
relogement de la Fondation ; que, devant les refus de celle-ci, la Société l’a assignée en
expulsion ;

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 Sur le premier moyen :

 Attendu que la Société fait grief à l’arrêt de dire la Fondation titulaire d’un droit réel lui
conférant la jouissance spéciale des locaux pendant toute la durée de son existence, alors,
selon le moyen, qu’en cas de cassation, l’affaire est renvoyée devant une autre juridiction de
même nature que celle dont émane l’arrêt ou le jugement cassé ou devant la même
juridiction composée d’autres magistrats ; qu’est recevable devant la cour de cassation le
moyen pris de la composition irrégulière d’une juridiction dès lors que celle-ci ne pouvait
pas être connue à l’avance par le justiciable, qui ne pouvait donc l’invoquer en temps utile ;
qu’en l’espèce, Mme B..., qui avait été membre de la formation ayant rendu l’arrêt cassé, a
été chargée de la mise en état de l’affaire devant la cour d’appel de renvoi, a présidé les
différentes audiences de mise en état, signé l’ordonnance de clôture et établi le rapport lu à
l’audience ; que la Société n’a pas été en mesure d’avoir connaissance de la désignation de
Mme  B... comme conseillère de la mise en état devant la juridiction de renvoi, avant
l’ordonnance de clôture de l’instruction qui a été rendue le 22 mai 2014 ; qu’en effet,
l’affaire, initialement distribuée au pôle  4, chambre 4 de la cour d’appel de Paris, a été
ensuite redistribuée au pôle 4, chambre 1, dont fait partie Mme B..., sans que les
mandataires de la société soient destinataires d’une ordonnance de changement de
distribution  ; qu’ils n’ont donc pu faire état de l’impossibilité pour Mme B... de participer à
la procédure de renvoi qu’au jour de l’audience, sans pouvoir par conséquent remettre en
cause sa désignation en tant que juge de la mise en état, l’instruction étant close  ; que le fait
que Mme  B... ait été finalement remplacée au début de l’audience par un autre conseiller ne
rend pas la composition de la cour de renvoi pour autant régulière, puisqu’il demeure que
l’affaire a été instruite par un magistrat qui avait été membre de la formation ayant rendu
l’arrêt cassé ; qu’en conséquence, l’arrêt attaqué a été rendu en méconnaissance des
articles  430 et 626 du code de procédure civile, L. 431-4 du code de l’organisation
judiciaire, ensemble l’article  6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l’homme et des libertés fondamentales ;

 Mais attendu que, ni dans ses conclusions ni dès l’ouverture des débats, la Société n’a
soulevé de contestation afférente à l’instruction de l’affaire, de sorte qu’elle n’est, en
application des dispositions de l’article 430, alinéa 2, du code de procédure civile, pas
recevable à le faire devant la Cour de cassation ;

 Sur le second moyen :

Attendu que la société fait grief à l’arrêt de dire la Fondation titulaire d’un droit réel lui
conférant la jouissance spéciale des locaux pendant toute la durée de son existence, alors,
selon le moyen :

  1°/ que, d’une part, il résulte des articles  544, 619, 625 et 1134 du code civil que le
propriétaire peut consentir, sous réserve des règles d’ordre public, un droit réel
conférant le bénéfice d’une jouissance spéciale de son bien ; que la durée de ce droit,
qui ne peut être perpétuelle, doit avoir été stipulée par les parties dans la limite de
trente ans prévue par les articles 619 et 625 du code civil s’agissant d’un droit conféré
à une personne morale ; que ces textes d’ordre public ont en effet vocation à
s’appliquer aussi bien aux droits réels de jouissance générale qu’aux droit réels de
jouissance spéciale ; qu’en retenant cependant en l’espèce que le droit réel de
jouissance spéciale conféré à la Fondation par l’acte de vente de 1932 avait été
consenti pour la durée de l’existence de cette Fondation et qu’aucune disposition

59
légale ne prévoyait la limitation à trente ans de la durée d’un tel droit, la cour d’appel
a violé l’ensemble des textes susvisés ;

 2°/ que, subsidiairement, à supposer même que les parties puissent contractuellement
conférer à un droit réel de jouissance spéciale octroyé à une personne morale une
durée supérieure à trente ans, cette durée ne saurait en tout état de cause être
perpétuelle, sous peine d’être réduite à la durée de trente ans prévue par les
articles  619 et 625 du code civil ; que revêt nécessairement un tel caractère perpétuel
le droit réel de jouissance spéciale conféré à une fondation reconnue d’utilité publique
pour toute la durée de son existence, dès lors que ce type de fondation étant à vocation
perpétuelle, la durée du droit est par conséquent illimitée ; qu’en retenant cependant
en l’espèce que le droit réel de jouissance spéciale octroyé à la Fondation pour la
durée de son existence s’éteindrait « par l’expiration du temps pour lequel il a été
consenti  », sans rechercher, comme l’y invitait la Société, si ce temps, correspondant à
la durée de l’existence de la Fondation, dont il était constant qu’elle était reconnue
d’utilité publique, n’était pas par définition indéfini et rendait en conséquence
perpétuel le droit litigieux, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au
regard des articles 544, 619, 625 et 1134 du code civil ;

 3°/ que, subsidiairement, conserve un caractère perpétuel le droit réel de jouissance


spéciale conféré à une fondation reconnue d’utilité publique pour la durée de son
existence, nonobstant l’attribution au propriétaire du bien de la faculté contractuelle
de proposer des locaux de remplacement lui appartenant au titulaire du droit réel ;
qu’en effet, si une telle faculté peut éventuellement - sous réserve qu’elle ne soit ni au
pouvoir potestatif de l’autre partie, ni impossible à mettre en oeuvre - permettre au
propriétaire de recouvrer la pleine propriété du bien originellement grevé du droit réel
de jouissance spéciale, elle entraîne cependant une simple modification de l’assiette d
droit réel en cause en reportant celui-ci sur un autre bien du propriétaire, sans que
son caractère perpétuel soit remis en cause ; qu’en relevant en l’espèce que les parties
avaient entendu conférer à la Fondation, pendant toute la durée de son existence, la
jouissance ou l’occupation des locaux où elle était installée « ou de locaux de
remplacement », la cour d’appel, qui a statué par un motif impropre à écarter la
perpétuité du droit litigieux, a derechef violé les articles 544, 619, 625 et 1134 du code
civil ;

  4°/ que, plus subsidiairement, à supposer même que la faculté contractuelle, dont
dispose le propriétaire du bien grevé du droit réel de jouissance spéciale de proposer
des locaux de remplacement lui appartenant au titulaire du droit réel, puisse avoir une
incidence sur la perpétuité de ce droit réel, ce n’est qu’à la condition que la mise en
oeuvre de cette faculté ne soit pas susceptible d’être paralysée par le refus potestatif
du titulaire du droit réel d’accepter les locaux de remplacement ; qu’en effet, dans une
telle hypothèse, il ne dépendrait que de la volonté discrétionnaire de ce dernier de
prolonger de façon perpétuelle le droit réel lui ayant été conféré ; qu’en l’espèce,
l’acte de vente des 7 avril et 30 juin 1932 prévoyait qu’ « au cas où [la Société] le
jugerait nécessaire, elle aura le droit de demander que ledit 2e étage et autres locaux
occupés par la Fondation soient mis à sa disposition à charge pour elle d’édifier dans
la propriété présentement vendue et mettre gratuitement à la disposition de la
Fondation et pour toute la durée de la Fondation, une concession de même
importance, qualité et cube, et surface pour surface. Les plans de l’aménagement
intérieur devront être soumis à l’approbation de la Fondation, de manière à assurer
la meilleure utilisation des locaux. En cas de désaccord, la question sera tranchée par

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arbitres. (…) la Fondation continuera d’avoir la jouissance exclusive et toujours
gratuite du deuxième étage et du grenier jusqu’à la réalisation des conditions qui
viennent d’être arrêtées  » ; qu’en se bornant à énoncer, pour retenir que cette clause
était dépourvue de toute potestativité, que la faculté permettant à la Société de
substituer aux locaux litigieux d’autres locaux constituait seulement une modalité
d’exécution de la convention, sans rechercher si la Fondation était contrainte
d’accepter des locaux de remplacement répondant aux conditions contractuellement
définies ou si elle avait au contraire toute latitude pour les refuser même dans cette
hypothèse, ce qui renforçait par là même le caractère perpétuel du droit réel litigieux,
la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 544, 619, 625
et 1134 du code civil ;

 5°/ que, plus subsidiairement, à supposer même que la faculté contractuelle, dont
dispose le propriétaire du bien grevé du droit réel de jouissance spéciale de proposer
des locaux de remplacement lui appartenant au titulaire du droit réel, puisse avoir une
incidence sur la perpétuité de ce droit réel, ce n’est qu’à la condition que la mise en
oeuvre de cette faculté ne se heurte pas à une impossibilité juridique ou matérielle ;
qu’en l’espèce, la Société faisait valoir que « l’application de la clause de
réinstallation (était) impossible (…), le plan d’occupation des sols et la réglementation
en matière d’urbanisme interdis(a)nt que de nouveaux locaux de ce type soient érigés
dans la propriété de la concluante » ; qu’en ne répondant pas à ce moyen déterminant
des écritures de la Société, de nature à renforcer le caractère perpétuel du droit
litigieux, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

 Mais attendu qu’ayant relevé que les parties avaient entendu instituer, par l’acte de vente des
7 avril et 30 juin 1932, un droit réel distinct du droit d’usage et d’habitation régi par le code
civil, la cour d’appel, qui a constaté que ce droit avait été concédé pour la durée de la
Fondation, et non à perpétuité, en a exactement déduit, répondant aux conclusions dont elle
était saisie, que ce droit, qui n’était pas régi par les dispositions des articles 619 et 625 du
code civil, n’était pas expiré et qu’aucune disposition légale ne prévoyait qu’il soit limité à
une durée de trente ans ;

 D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

 PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi 

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