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5e édition
Christophe Lachièze
Professeur à l’université Paris VIII Vincennes-Saint-Denis
Remerciements
Le présent ouvrage a bénéficié d’une précieuse lecture critique
de Corinne Rousselle, notaire.
ISBN 9782340-042568
©Ellipses Édition Marketing S.A., 2020
32, rue Bargue 75740 Paris cedex 15
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intellectuelle.
www.editions-ellipses.fr
1. V. not. : J.-L. Cazzaniga, Introduction historique au droit des obligations, PUF, coll. Droit fondamental,
1992, spéc. p. 137.
2. Jean Domat, Œuvres complètes, Les lois civiles dans leur ordre naturel, Paris, Coignard, 1689-1694,
rééd. Béchet 1828.
3. R.-J. Pothier, Traité des obligations, 1761, puis 1764, Réimp. Dalloz, 2011, n° 18.
4. J. Ghestin, G. Loiseau et Y.-M. Serinet, n° 296, « Sur le plan doctrinal, il revenait aux grands juriscon-
sultes du xviie et du xviie siècles, Domat (1625-1696) et Pothier (1699-1772), de construire la théorie
générale du contrat, dont les rédacteurs du Code civil allaient s’inspirer de façon expresse et directe ».
Cette présentation a cependant été contestée, not. par É. Savaux, La théorie générale du contrat, mythe
ou réalité ?, préf. J.-L. Aubert, LGDJ, 1997.
5. J.-É. M. Portalis, « Discours préliminaire sur le projet de Code civil présenté le 1er pluviôse an IX »,
Fenet, T. 1 « L’office de la loi est de fixer, par de grandes vues, les maximes générales du droit ; d’établir
des principes féconds en conséquence, et non de descendre dans le détail des questions qui peuvent
naître sur chaque matière ».
1. En 2004, un auteur constatait que « plus de 90 % des articles ont conservé leur rédaction de 1804 » :
J. Mestre, « Les difficultés de la recodification pour la théorie générale du contrat », in Le Code civil
1804-2004, Livre du Bicentenaire, Dalloz-Litec, 2004, p. 231, spéc. n° 1. V. ég. P. Rémy-Corlay, « Le
contrat hors du Code », Pet. Aff. 7 sept. 2005, n° 178, p. 4 et s.
2. Ord. n° 2016-131 du 10 févr. 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de
la preuve des obligations, JO 11 févr. 2016.
3. Communication de la commission au Conseil et au Parlement européen concernant le droit européen
des contrats, JOCE 13 sept. 2002, C 255/01, faisant référence notamment à un ouvrage de doctrine
présenté comme un projet de codification : Code européen des contrats, élaboré par l’Académie des
privatistes européens (Pavie) sous la direction de G. Gandolfi, éd. A. Guiffrè, Milan, 2001.
1. D. Tallon, « Vers un droit européen du contrat », Mélanges A. Colomer, Litec, 1993, p. 494. V. ég.
C. Witz, « Plaidoyer pour un Code européen des obligations », D. 2000, chron. p. 79 ; D. Mazeaud,
« Faut-il avoir peur d’un droit européen des contrats ? », Mélanges X. Blanc-Jouvan, éd. Société de
législation comparée, 2005, p. 309.
2. J. Huet, « Nous faut-il un “euro” droit civil ? », D. 2002, chron. p. 2611 ; P. Malinvaud, « Réponse
hors délai à la commission européenne ; à propos d’un Code européen des contrats », D. 2002, chron.
p. 2542.
3. V. not. C. Jamin, « Un droit privé européen des contrats ? » in P. de Vareilles-Sommières (dir.), Le
droit privé européen, Economica, Études juridiques, 1998, p. 40 ; G. Cornu, « Un Code civil n’est pas
un instrument communautaire », D. 2002, chron. p. 351 ; P. Malaurie, « Le Code civil européen des
obligations et des contrats. Une question toujours ouverte », JCP 2002, I, 110 ; Y. Lequette, « Quelques
remarques à propos du Code civil de M. Von Bar », D. 2002, chron. p. 2202. V. ég. F. Terré, P. Simler,
Y. Lequette et F. Chénedé, n° 60.
4. Sur cette question, v. not. V. Heuzé, « De la compétence de la loi du pays d’origine en matière contrac-
tuelle ou l’anti-droit européen », Mélanges P. Lagarde, Dalloz 2005, p. 383 s. ; B. Fauvarque-Cosson,
« La compétence de la Communauté européenne pour harmoniser le droit des contrats », RDC 2005,
p. 1215 s. ; Y. Lequette, « Le code européen est de retour », RDC 2011, p. 1028 s.
5. Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil, 12 févr. 2003, « Un droit
européen plus cohérent – Un plan d’action », Com (2003) 68 final, JOUE n° C 63, 15 mars 2003,
p. 1. V. ég. Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil, 11 oct. 2004,
« Droit européen des contrats et révision de l’acquis : la voie à suivre », Com (2004) 651 final, non
publié au JOUE.
6. Principles, Definitions and Model Rules of European Private Law, Draft Common Frame of Reference,
(DCFR), éd. Sellier, 2008.
7. B. Fauvarque-Cosson et D. Mazeaud (dir.), Projet de cadre commun de référence : Principes contractuels
communs et une Terminologie contractuelle commune, Soc. Lég. Comparée, 2008.
1. Pour une version française, v. G. Rouhette et alii, Principes du droit européen du contrat, Société de
législation comparée, 2003. V. Les concepts contractuels français à l’heure des Principes du droit européen
des contrats, P. Rémy-Corlay et D. Fenouillet, Dalloz, 2004.
2. Les principes d’Unidroit relatifs au droit du commerce international ont été rédigés par l’Institut
international pour l’unification du droit privé. Le texte de ces principes est accessible sur http://www.
unidroit.org.
3. Avant-projet de réforme du droit des obligations et de la prescription, La Documentation française, 2006.
4. Loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, JO n° 141 du
18 juin 2008.
5. F. Terré, Pour une réforme du droit des contrats, Dalloz 2009. Deux autres publications ont suivi : Pour
une réforme du droit de la responsabilité, Dalloz, 2011 ; Pour une réforme du régime général des obligations,
Dalloz, 2013.
1. Sur ce projet, v. N. Dissaux et C. Jamin, Projet de réforme du droit des contrats, du régime général et de la
preuve des obligations, rendu public le 25 février 2015, commentaire article par article, éd. Dalloz 2015.
2. Ord. n° 2016-131 du 10 févr. 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de
la preuve des obligations, JO 11 févr. 2016.
3. Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant
réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, JO 11 févr. 2016.
4. Ord. 10 févr. 2016, art. 9, prévoyant que « les contrats conclus avant cette date demeurent soumis à
la loi ancienne ».
5. Art. 1123 al. 3 et al. 4, art. 1158 et 1183 concernant les « actions interrogatoires ».
6. S. Gaudemet, « Dits et non-dits sur l’application dans le temps de l’ordonnance du 10 février 2016 »,
JCP 2016, 559 ; C. François, « Application dans le temps et incidence sur la jurisprudence antérieure
de l’ordonnance de réforme du droit des contrats », D. 2016, p. 506.
1. V. des exemples de cette démarche : Cass. ch. mixte, 24 févr. 2017, n° 15-20411, D. 2017, p. 793, note
B. Fauvarque-Cosson ; JCP 2017, 305 ; AJ Contrat 2017, p. 175, obs. D. Houtcieff ; RTD civ. 2017,
p. 377, obs. H. Barbier, parmi les motifs de l’arrêt figure la formule suivante : « l’évolution du droit des
obligations, résultant de l’ordonnance du 10 février 2016, conduit à apprécier différemment l’objectif
poursuivi par les dispositions relatives aux prescriptions formelles que doit respecter le mandat… » ;
Soc., 21 sept. 2017, nos 16-20103 et 16-20104, D. 2017, p. 2007, note D. Mazeaud ; D. 2017,
p. 2289, note B. Bauduin et J. Dubarry ; D. 2018, p. 371, note M. Mekki ; JCP 2017, 1238, note
N. Molfessis ; JCP 2017, 1269, note G. Loiseau ; RTD civ. 2017, p. 837 note H. Barbier.
2. On songe au mot de Carbonnier : « L’interprétation est la forme intellectuelle de la désobéissance »,
Droit civil, introduction, PUF, 2002, n° 315.
3. L. n° 2018-287 du 20 avril 2018 ratifiant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant
réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, JO 21 avril 2018.
4. V. not. O. Deshayes, T. Génicon et Y.-M. Laithier, « Ratification de l’ordonnance portant réforme
du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations – Loi n° 2018-2876 du
20 avril 2018 », JCP 2018, 529 ; D. Mazeaud, « Quelques mots sur la réforme de la réforme », D. 2018,
p. 912.
5. Sur cette question, v. A. Bénabent, « Application dans le temps de la réforme du droit des contrats
(art. 16 de la loi du 20 avril 2018) », D. 2018, p. 1024 ; S. Gaudemet, Ratification : le droit transitoire,
RDC Hors série juin 2018, p. 59 ; M. Mekki, « Loi de ratification de l’ordonnance – Une réforme de
la réforme ? », D. 2018, p. 912 ; J.-B. Seube, « Les dispositions transitoires de la loi n° 2018-287 du
20 avril 2018 », Def., 2018, n° 20-21, p. 19.
6. Il s’agit des articles 1112, 1143, 1165, 1216-3, 1217, 1221, 1304-4, 1305-5, 1237-1, 1238-1, 1347-6
et 1352-4 du Code civil.
1. Il s’agit des articles 1110, 1117, 1137, 1145, 1161, 1171, 1223, 1327, 1343-3 et 1347-6 du Code
civil, ainsi que des articles L. 112-5-1 et L. 211-40-1 du Code monétaire et financier.
2. L. du 20 avr. 2018, art. 16 I, modifiant l’art. 9 de l’ord. 10 févr. 2016 pour ajouter que les contrats
conclus avant le 1er oct. 2016 restent soumis à la loi ancienne « y compris pour leurs effets légaux et
pour les dispositions d’ordre public ». Sur cette disposition, v. A. Bénabent, « Application dans le temps
de la réforme du droit des contrats (art. 16 de la loi du 20 avril 2018) », préc.
3. Rapport préc., p. 2.
1. Sur l’esprit de l’ordonnance, v. not. J.-P. Chazal, « Quel programme idéologique pour la réforme du
droit des contrats ? », D. 2015, p. 673 ; T. Revet, « Une philosophie générale ? », RDC 2016, p. 5.
2. Rapport préc., p. 2.
3. T. Revet, « Une philosophie générale ? », préc., spéc. n° 20.
4. Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, préc.
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Obligation et contrat
34. Avant d’étudier la formation et les effets du contrat, une partie préliminaire
nous permettra de donner une première vue sur l’obligation (Titre 1) et sur le
contrat (Titre 2).
L’obligation
La notion d’obligation
1. Cette définition est inspirée de celle formulée dans les Institutes de Justinien (Inst. Justinien, Titre 3,
Livre 14) : « obligatio est juris vinculum, quo necessitate adstringimur alicuius solvendae rei secundum
nostrea civitatis iura » (l’obligation est un lien de droit par lequel nous sommes astreints de manière
nécessaire à payer quelque chose conformément au droit de notre cité).
15
1. Les droits de créance sont des biens au sens de l’article 1er du protocole de la Convention EDH : v. en
ce sens Cour EDH, 9 déc. 1994, RTD civ. 1995, p. 652, obs. F. Zénatti ; RTD civ. 1996, p. 1019,
obs. J.-P. Marguénaud.
2. M. Gobert, Essai sur le rôle de l’obligation naturelle, préf. J. Flour, thèse, Sirey, 1959 ; M. Julienne,
« Obligation naturelle et obligation civile », D. 2009, p. 1709 ; M. Coudrais, « L’obligation naturelle,
une idée moderne ? », RTD civ. 2011, p. 453. V. ég. G. Ripert, La règle morale dans les obligations civiles,
4e éd., LGDJ, 1949, n° 192 s., l’auteur considère que, en réalité, le terme d’obligation naturelle n’est
qu’un « déguisement » pour faire admettre le devoir moral devant les prétoires.
3. Civ. 1, 21 nov. 2006, n° 04-16370, Bull. civ. I, n° 503.
16
1. Civ. 1, 10 oct. 1995, n° 93-20300, Bull. civ. I, n° 352 ; D. 1996, somm. p. 120, obs. R. Libchaber ;
D. 1997, p. 155, note G. Pignarre, la Cour de cassation précise dans cet arrêt que la transformation
d’une obligation naturelle en obligation civile ne repose pas sur la novation comme on l’affirmait
généralement mais sur « l’engagement unilatéral d’exécuter l’obligation naturelle ». V. N. Molfessis,
« L’obligation naturelle devant la Cour de cassation », D. 1997, chron. p. 85.
2. Soc. 11 avr. 1991, n° 89-13068, Bull. civ. V, n° 192 ; RTDciv. 1992, p. 97 obs. J. Mestre, la dette
prescrite subsiste en tant qu’obligation naturelle, de sorte que le paiement est valable et ne peut donner
lieu à répétition car il n’a pas porté sur un indu.
3. Civ. 1, 4 janv. 2005, n° 02-18904, Bull. civ. I, n° 4 ; D. 2005, p. 1393, note G. Loiseau.
4. Civ. 1, 17 nov. 1999, n° 97-17541, RTDciv. 2000, p. 297 obs. J. Hauser.
17
40. Classer les obligations consiste à les regrouper dans des catégories en fonction
de certaines caractéristiques communes, sachant qu’à chaque catégorie corres-
pondra un régime juridique particulier. On peut classer les obligations selon leur
objet (I) ou leur source (II).
18
19
1. La classification classique
49. Présentation. Aux termes de l’ancien article 1370 du Code civil, l’obligation
pouvait avoir cinq sources : le contrat (accord de volontés destiné à créer des effets
de droit), le quasi-contrat (fait matériel licite qui fait naître une obligation sans
20
2. La classification moderne
51. Il convient de présenter cette classification (A) avant de montrer son intérêt2
(B).
A. Présentation
52. Acte juridique et fait juridique. Le nouvel article 1100, alinéa 1er, du Code
civil énonce : « Les obligations naissent d’actes juridiques, de faits juridiques ou
de l’autorité seule de la loi »3. Cette disposition met en exergue la distinction
essentielle, inspirée par la doctrine allemande au début du xixe siècle, entre les
actes juridiques et les faits juridiques.
Les actes juridiques sont « des manifestations de volonté destinées à produire des
effets de droit. Ils peuvent être conventionnels ou unilatéraux » (art. 1100-1).
La catégorie des actes juridiques comprend essentiellement le contrat et l’acte
unilatéral4.
Les faits juridiques sont « des agissements ou des événements auxquels la loi attache
des effets de droit » (art. 1100-2 C. civ.). La catégorie des faits juridiques comprend
notamment les délits, les quasi-délits et les quasi-contrats.
L’opposition entre les actes et les faits juridiques permet de ramener l’ensemble
des sources d’obligations à deux catégories. La référence à une troisième source
d’obligations, « l’autorité seule de la loi », paraît inutile en droit des obligations.
21
B. Intérêt
54. Régime de la preuve. L’opposition entre les actes juridiques et les faits juri-
diques détermine le régime de la preuve : la preuve des faits juridiques est libre,
alors que la preuve des actes juridiques suppose en principe un écrit. La solution
découle désormais de l’articulation des articles 1358 et 1359 du Code civil. Le
premier de ces textes prévoit que « Hors les cas où la loi en dispose autrement,
la preuve peut être apportée par tout moyen », tandis que le second dispose que
« L’acte juridique portant sur une somme ou une valeur excédant un montant fixé
par décret doit être prouvé par écrit sous signature privée ou authentique » (sur la
preuve des actes juridiques, v. infra, n° 385 et s.).
55. Le contrat, archétype de l’acte juridique. L’article 1100-1, alinéa 2, du Code
civil prévoit que les actes juridiques « obéissent, en tant que de raison, pour leur
validité et leurs effets, aux règles qui gouvernent les contrats ». Cette disposition
signifie que le droit français, à la différence de certains droits étrangers (le droit
allemand notamment), ne comporte pas un droit commun de l’acte juridique
mais un droit commun du contrat auquel sont soumis, en tant que de raison, tous
les actes juridiques. Cette méthode consistant à transposer les règles de la théorie
générale du contrat aux autres actes juridiques présente le mérite de la simplicité
car le contrat est l’archétype de l’acte juridique1.
1. En ce sens : C. Brenner, préc. ; v. ég. du même auteur : Rép. Civ. Dalloz, V° Acte juridique, n° 6 et s.
Contra, R. Libchaber, « Regrets liés à l’avant-projet de réforme du droit des contrats – Le sort des
engagements non bilatéraux », RDC 2015, p. 634.
22
1. R. Elias, Théorie de la force obligatoire de l’acte unilatéral, thèse Paris, 1909. L’argument a été repris
ensuite par de nombreux auteurs : v. J. Martin de la Moutte, L’acte juridique unilatéral : essai sur sa
notion et sa technique en droit civil, préf. P. Raynaud, Sirey, 1951, pour lequel l’acte unilatéral ne peut
être une source d’obligation ; P. Raynaud, n° 360.
2. R. Saleilles, Théorie générale de l’obligation, 3e éd., 1914, réimp. Mémoire du droit, 2000, spéc. n° 138
et s. et n° 245. V. ég. dans le même sens : A. Rieg, Le rôle de la volonté dans l’acte juridique en droit civil
français et allemand, thèse Strasbourg, 1961.
3. Le testament est défini à l’article 895 du Code civil comme « l’acte par lequel le testateur dispose, pour
le temps où il n’existera plus, de tout ou partie de ses biens et qu’il peut révoquer ».
4. J. Flour, J.-L. Aubert et É. Savaux, n° 502 ; F. Terré, P. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, n° 86 ;
A. Bénabent, n° 12 ; P. Malaurie, L. Aynès et Ph. Stoffel-Munck, n° 434 et s. V. ég. P. Jestaz,
« L’engagement par volonté unilatérale », in Les obligations en droit français et en droit Belge, éd. Dalloz
Bruylant 1994, p. 3 et s. V. déjà en ce sens : F. Gény, Méthode d’interprétation et sources en droit privé
positif, t. I, Paris, LGDJ, 1919, n° 172 bis, « on se trouvera amené à déclarer obligatoires, non pas
toutes les promesses unilatérales, mais celles-là seulement qui paraîtront indispensables pour atteindre
un résultat socialement désirable et impossible à atteindre pratiquement par une autre voie ».
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1. Soc., 4 avr. 1990, n° 86-42626, Bull. civ. IV, n° 161 : « l’employeur n’est en droit de revenir sur un
engagement unilatéral que si celui-ci a été pris pour une durée indéterminée ». V. ég. Soc., 25 nov. 2003,
n° 01-17501, Bull. civ. V, n° 294 ; RTD civ. 2004, p. 733, obs. J. Mestre et B. Fages.
2. V. par ex. Civ. 1, 28 mars 1995, Bull. civ. I, n° 150 ; D. 1996, p. 180, note J.-L. Mouralis ;
RTD civ. 1995, p. 887, obs. J. Mestre.
24
Le contrat
57. Il convient de définir la notion de contrat (Chap. 1) avant d’exposer les princi-
pales classifications des contrats (Chap. 2) puis de présenter les principes généraux
du droit des contrats (Chap. 3).
La notion de contrat
I. Définition du contrat
59. Accord de volontés destiné à produire des effets de droit. L’article 1101 du
Code civil dispose : « Le contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs
personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations ».
Le contrat est défini par sa formation et par ses effets. La formation du contrat
s’opère en principe par le simple « accord de volontés », que l’on appelle égale-
ment consentement1. Le contrat a pour effet de « créer, modifier, transmettre ou
éteindre des obligations » ; on doit relever que cette présentation est incomplète car
le contrat produit d’autres effets qui ne s’analysent pas en termes d’obligations :
il peut notamment transférer un droit réel ou personnel (v. infra, n° 571 et s.).
60. Contrat et convention. Avant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016,
le Code civil distinguait les notions de contrat et de convention. Le contrat était
défini comme un type particulier de convention ayant pour effet spécifique la
création d’obligations2. Suivant cette définition, si tout contrat est une convention,
l’inverse n’est pas vrai car il existe des conventions qui ne créent pas d’obligations.
Cette distinction avait été progressivement abandonnée : on avait pris l’habitude
d’utiliser indifféremment les termes contrat ou convention au point que ces termes
26
1. Ord. n° 2016-131 du 10 févr. 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de
la preuve des obligations, préc.
2. V. not. J. Carbonnier, n° 297 et s. ; A. Bénabent, n° 450 et s. ; R. Libchaber, « Le malheur des quasi-
contrats », Dr. et pat. mai 2016, p. 73.
3. Selon certains auteurs la notion de quasi-contrat serait issue d’une mauvaise interprétation des Institutes :
v. H. Vizioz, La notion de quasi-contrat, thèse Bordeaux, 1912 ; J.-L. Cazzaniga, Introduction historique
au droit des obligations, PUF, 1992, spéc. n° 14 et s. V. cependant, pour une réhabilitation de la notion :
M. Douchy, La notion de quasi-contrat en droit positif français, préf. A. Sériaux, Économica, 1997.
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28
29
30
1. A. Fouillée, La science sociale contemporaine, Paris, Hachette 1880, p. 410. V. E. Kant, Doctrine du
droit, préc. « Quand quelqu’un décide quelque chose à l’égard d’un autre, il est toujours possible qu’il
lui fasse quelque injustice, mais toute injustice est impossible quand il décide pour lui-même ».
2. V. sur ce point J.-F. Spitz, « “Qui dit contractuel dit juste” : quelques remarques sur une formule
d’Alfred Fouillée », RTD civ. 2007, p. 281 et s. , spéc. p. 282.
3. V. not. H. Michel, L’idée de l’État, Essai critique sur l’histoire des théories sociales et politiques en France
depuis la révolution, Hachette 1896, spéc. p. 88 et s. où l’auteur souligne que « l’opposition entre
l’individu et l’État, devenue, par la suite, la caractéristique essentielle de l’orthodoxie individualiste,
ne fait pas partie intégrante de l’individualisme du xviiie siècle ».
31
1. J. Carbonnier, n° 16. V. ég. J.-L. Cazzaniga, Introduction historique au droit des obligations, n° 159
et s. ; J.-L. Cazzaniga, « Domat et Pothier, le contrat à la fin de l’Ancien régime », Droit, 1990, n° 12,
p. 37. L’influence exacte de la théorie de l’autonomie de la volonté sur les rédacteurs du Code civil est
cependant aujourd’hui discutée, certains auteurs considérant que cette théorie a davantage influencé
les interprètes du Code civil que ses rédacteurs, v. not. : V. Ranouil, L’autonomie de la volonté : naissance
et évolution d’un concept, préf. J.-P. Lévy, PUF, 1980 ; F. Chénedé, « De l’autonomie de la volonté à
la justice commutative », Annuaire de l’Institut Michel Villey, 2012, vol. 4, p. 155.
2. J. Domat, Œuvres complètes, Les lois civiles dans leur ordre naturel, Paris, Béchet, rééd. 1828, livre I,
section II, n° 7 : « Les conventions étant formées, tout ce qui a été convenu tient lieu de loi à ceux qui
les ont faites et elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ».
3. À ceci près que le nouvel article 1103 du Code civil évoque les « contrats » et non les « conventions »,
ce changement n’ayant d’ailleurs aucune conséquence puisque l’ordonnance a consacré la synonymie
de ces termes (v. supra, n° 60).
4. V. not. C. Demolombe, Traité des contrats ou des obligations conventionnelles en général, Durand et
Hachette, t. 1, 1re éd., 1868, n° 387 : l’auteur écrit que le sens de l’article 1134 alinéa 1er (auj. art. 1103)
« n’est point, bien entendu, d’ériger la convention privée en une loi proprement dite, mais d’exprimer,
d’une façon énergique, le lien qui en résulte entre les parties ». V. ég. C. Jamin, « Une brève histoire
politique des interprétations de l’article 1134 du Code civil », D. 2002, chron. p. 901, spéc. p. 904 ;
J.-P. Chazal, « De la signification du mot loi dans l’article 1134 du Code civil », RTD civ. 2001, p. 265
et s.
32
33
A. La confiance légitime
76. Exposé. Suivant cette théorie à laquelle il faut attacher le nom de Gino Gorla2,
la force obligatoire du contrat ne réside pas dans la promesse elle-même mais
dans la confiance légitime que cette promesse a pu susciter chez celui auquel elle
a été adressée. Le ressort de la force obligatoire reste de nature psychologique,
mais l’explication est déplacée du débiteur au créancier. Cette théorie rejoint la
théorie de la reliance qui s’est développée en Angleterre et aux États-Unis3. En
1. V. not. E. Gounot, Le principe de l’autonomie de la volonté en droit privé, étude critique de l’individualisme
juridique, thèse Dijon, 1912, l’auteur donne une présentation excessive, pour ne pas dire caricaturale,
de cette théorie afin de mieux la critiquer, utilisant une tactique rhétorique bien connue : caricaturer
pour mieux combattre. Malgré tout, la thèse de Gounot a marqué les esprits.
2. G. Gorla, Le contrat dans les droits continentaux en particulier dans les droits français et italien, thèse
Milan, 1954, version française 1958.
3. Sur la théorie de la reliance, v. not. B. Reiter et J. Swan, Contracts and the protection of reasonable
expectations, in Studies in contract law, Butterworths, 1980, p. 7 ; P. S. Atiyah, L’évolution du droit
anglais de l’accord vers la reliance et l’exclusion de la responsabilité pour vices dans la vente de marchan-
dises, in D. Tallon, D. Harris, Le contrat aujourd’hui : comparaisons franco-anglaises, LGDJ, 1987,
34
p. 57. Pour une présentation de cette théorie, v. H. Muit-Watt, « Reliance et définition du contrat »,
Dialogues avec M. Jeantin, Dalloz 1999, p. 57.
1. V. not. J.-L. Souriou, « La confiance légitime », JCP 1982, I, 3058 ; J. Calais-Auloy, « L’attente légi-
time, une nouvelle source de droit subjectif ? », Mélanges Y. Guyon, Dalloz, 2003, p. 171 ; P. Lokiec,
« Le droit des contrats et la protection des attentes », D. 2007, p. 321 ; D. Mazeaud, « La confiance
légitime et l’estoppel », in B. Fauvarque-Cosson (dir.), La confiance légitime et l’estoppel, Société de
législation comparée, vol. 4, 2007, p. 247 ; V.-L. Benabou et M. Chagny, La confiance en droit privé
des contrats, Dalloz 2008. Plusieurs thèses étudient cette théorie, not. : A. Chirez, De la confiance en
droit contractuel, thèse Nice, 1977 ; H. Aubry, L’influence du droit communautaire sur le droit français
des contrats, préf. A. Ghozi, PUAM, 2002, spéc. no 223 et s. ; A. Danis-Fâtome, Apparence et contrat,
LGDJ, 2004 ; C. Grimaldi, Quasi-engagement et engagement en droit privé, préf. Y. Lequette, Defrénois,
2006. V. ég. en droit belge : X. Dieux, Le respect dû aux anticipations légitimes d’autrui. Essai sur la
genèse d’un principe général du droit, Bruylant, LGDJ, 1995.
2. V. not. M. Fabre-Magnan, n° 75.
35
1. H. Kelsen, « La théorie juridique de la convention », ADP 1940, p. 33. H. Kelsen, Théorie pure du
droit, trad. Charles Eisenmann, Dalloz, 2e éd., Paris, 1962.
2. G. Rouhette, Contribution à l’étude critique de la notion de contrat, thèse Paris, 1965 ; « La force obli-
gatoire du contrat », in Le contrat aujourd’hui, comparaisons franco-anglaises, LGDJ, 1987, p. 27 et s. ;
« Droit de la consommation et théorie générale du contrat », Mélanges Rodière, Dalloz, 1981, p. 247
et s.
3. Cette théorie a suscité une question : qu’est-ce qui justifie la force obligatoire de la constitution ? En
réponse, Kelsen fait appel à une norme supérieure qui valide la constitution (la « norme fondamentale »),
tout en admettant que cette norme supérieure reste hypothétique, indémontrable (v. H. Kelsen, Théorie
pure du droit, préc., spéc. p. 257 et s.).
4. Thèse préc., n° 226, p. 638.
5. G. Rouhette, « Droit de la consommation et théorie générale du contrat », préc., p. 269.
6. Le positivisme juridique est la doctrine qui ne reconnaît de valeur qu’aux règles de droit positif.
36
D. Le solidarisme contractuel
82. Exposé. Inspiré des idées sociales de Léon Bourgeois, la théorie du solidarisme
contractuel est apparue dans la doctrine civiliste sous la plume de René Demogue.
Pour cet auteur le contrat serait « une petite société où chacun doit travailler dans
un but commun qui est la somme des buts individuels poursuivis, absolument
comme la société civile ou commerciale2 ». La théorie du solidarisme contrac-
tuel conçoit le contrat non plus comme le produit de la conciliation d’intérêts
antagonistes mais comme un instrument de « coopération loyale, une œuvre de
confiance mutuelle3 ». Le solidarisme contractuel conduit à imposer de nouvelles
obligations aux parties (entraide, collaboration…) et à reconnaître de nouveaux
pouvoirs au juge.
83. Discussion. Cette théorie suscite de vives critiques. Il lui est reproché de n’être
pas conforme à la réalité du contrat, dans lequel chacun recherche avant tout son
1. J. Ghestin, « L’utile et le juste dans les contrats », D. 1982, chron. p. 1 ; J. Ghestin, G. Loiseau et
Y.-M. Serinet, t. 1, n° 1003.
2. R. Demogue, Traité des obligations en général, éd. Rousseau, 1931, t. VI, spéc. n° 3.
3. D. Mazeaud, « Regards prospectifs sur le “nouveau monde contractuel” », Pet. Aff. 7 mai 2004, n° 92,
p. 47, spéc. n° 5. Cette théorie est aujourd’hui développée par une doctrine importante : v. not.
C. Thibierge-Guelfucci, « Libres propos sur la transformation du droit des contrats », RTD civ. 1997,
p. 357 et s., spéc. p. 384 ; D. Mazeaud, « Loyauté, solidarité, fraternité : la nouvelle devise contrac-
tuelle ? », Mélanges Terré, éd. Dalloz, PUF et Jurisclasseur, 1999, p. 603 et s. ; C. Jamin, « Plaidoyer pour
le solidarisme contractuel », Études Ghestin, LGDJ, 2001, p. 441 et s. Sur le solidarisme, v. C. Jamin
et D. Mazeaud (dir.), La nouvelle crise du contrat, Dalloz, 2003 ; L. Grynbaum et M. Nicod (dir.), Le
solidarisme contractuel, Economica, 2004.
37
E. L’analyse économique
84. Exposé. L’analyse économique du droit qui est apparue aux États-Unis sous
l’impulsion notamment de Richard Allen Posner2 utilise des concepts écono-
miques pour évaluer l’efficacité des règles de droit. S’agissant plus spécialement
du droit des contrats, l’analyse économique fait reposer la force obligatoire du
contrat sur un objectif d’efficacité économique, à l’exclusion de toute considé-
ration morale. L’analyse économique propose notamment la théorie de l’efficient
breach of contract (violation efficace du contrat). Cette théorie a pour objectif de
permettre au débiteur de choisir, en fonction de ses intérêts, entre l’exécution de
ses obligations et leur inexécution moyennant une compensation pécuniaire, le
choix opéré par le débiteur étant censé permettre une meilleure affectation des
ressources et ainsi profiter à la société tout entière. Par exemple, un contractant
peut décider de rompre le contrat pour s’engager avec un tiers dès lors qu’il estime
que le gain qu’il obtiendra en concluant ce nouveau contrat sera supérieur au prix
de la rupture du contrat.
1. V. not. F. Terré, P. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, n° 42 et s., les auteurs raillent cette doctrine qui
annonce « l’avènement d’un monde contractuel meilleur » ; J. Carbonnier, préc., n° 114, « on s’étonnera
qu’à une époque où le mariage s’est peut-être transformé en contrat, certains aient rêvé de transformer
tout contrat en mariage ». V. ég. L. Leveneur, « Le solidarisme contractuel : un mythe », in L. Grynbaum
et M. Nicod (dir.), Le solidarisme contractuel, Economica, 2004, p. 173 et s. ; J. Cedras, « Liberté,
égalité, contrat, le solidarisme contractuel en doctrine et devant la Cour de cassation », Rapport 2003,
Cour de cassation, La Documentation française, 2004 ; Y. Lequette, « Bilan des solidarismes contrac-
tuels », Mélanges offerts à P. Didier, Economica, 2008, p. 247.
2. R. A. Posner, Economic analysis of law, Little Brown and company, 1re éd., 1972 ; 9e éd. Wolters Kluwer
and Business, 2014 ; A. Marciano et S. Harnay, Posner. L’analyse Économique du Droit, Michalon 2003.
On trouvera une bibliographie plus développée dans : M. Fabre-Magnan, n° 111.
38
1. V. cep. C. Atias, « L’analyse économique du droit », RRJ, 1987, n° 2 ; H. Muir Watt, « Analyse écono-
mique et perspective solidariste », in La nouvelle crise du contrat ? dir. C. Jamin et D. Mazeaud, Dalloz,
coll. « Thèmes et commentaires », 2003, p. 183 et s. ; « Analyse économique du droit : quelques points
d’accroche », sous la dir. de G. Canivet, B. Deffains, M.-A. Frison-Roche, Pet. Aff. 19 mai 2005, no 99.
V. ég. Y.-M. Laithier, Étude comparative des sanctions de l’inexécution du contrat, préf. H. Muir Watt,
LGDJ, 2004, l’auteur propose de déterminer le choix des sanctions de l’inexécution du contrat en
fonction de leur efficacité économique.
39
86. De l’intérêt de classer les contrats. Les classifications des contrats sont essen-
tielles car elles définissent des catégories auxquelles un contrat envisagé pourra être
rattaché afin de déterminer son régime juridique. L’opération consistant à rattacher
le contrat à la catégorie qui lui correspond afin de déterminer son régime juridique
est la qualification1. Les classifications qu’il convient de présenter d’abord sont
celles reposant sur la réglementation applicable aux contrats (I). On présentera
ensuite les classifications fondées sur les conditions de formation des contrats (II)
et enfin les classifications fondées sur le contenu des contrats (III).
40
41
A. Exposé de la distinction
92. Contrats consensuels. Les contrats consensuels sont ceux qui se forment « par le
seul échange des consentements quel qu’en soit le mode d’expression » (art. 1109
al. 1er C. civ.). L’accord des volontés des parties suffit à former le contrat. Les
contrats sont par principe consensuels en droit français (art. 1172 al. 1er C. civ.),
mais ce principe connaît des exceptions.
93. Contrats non consensuels. Les contrats non consensuels sont ceux dont la
formation requiert, outre le consentement des parties, l’accomplissement d’une
formalité déterminée. On en distingue deux catégories.
Les contrats solennels sont ceux dont la formation « est subordonnée à des formes
déterminées par la loi » (art. 1109 al. 2 C. civ.). La forme exigée peut consister
en un acte sous seing privé ; tel est le cas par exemple pour le contrat de bail rural
(art. L. 414-4 C. rur.). La forme requise peut consister en un acte authentique ;
tel est le cas par exemple pour la donation (art. 931 C. civ.).
Les contrats réels sont ceux dont la formation « est subordonnée à la remise d’une
chose » (art. 1109 al. 3 C. civ.). Il n’existe que très peu de contrats réels : le prêt à
usage (art. 1875 C. civ.), le prêt de consommation (art. 1892 C. civ.) et le dépôt
(art. 1915 et 1919 C. civ.) notamment.
42
A. Exposé de la distinction
96. Considération de la personne. En principe la considération de la personne
du cocontractant n’est pas déterminante. Par exception certains contrats sont
conclus en considération de la personne du cocontractant : on dit qu’ils sont
conclus intuitu personae. L’intuitus personae peut être unilatéral ou bilatéral. Il est
unilatéral lorsqu’il existe chez l’une des parties seulement. Par exemple dans le
contrat de travail, l’intuitus personae existe chez l’employeur seulement qui choisit
ses salariés en fonction de leur qualité ; en revanche la personne de l’employeur
est indifférente pour le salarié. L’intuitus personae est bilatéral lorsqu’il est présent
chez les deux parties ; par exemple dans le mandat.
B. Intérêt de la distinction
97. Particularité des contrats intuitu personae. Les contrats conclus intuitu
personae présentent de nombreuses particularités. On en relèvera quelques-unes
parmi les plus importantes. Le décès du contractant dont la qualité a été déter-
minante conduit à la caducité du contrat. L’offre de conclure un contrat intuitu
personae est implicitement assortie d’une réserve tenant à la personne de l’acceptant
(v. infra, n° 172). L’article 1134 du Code civil prévoit que « l’erreur sur les qualités
43
A. Exposé de la distinction
99. Négociation ou adhésion. Dans la conception du Code civil de 1804, qui
repose sur le postulat de l’égalité entre les parties, les clauses du contrat sont éla-
borées au fil d’une discussion entre les parties. Mais la réalité est différente. Bien
souvent, l’un des contractants est en position de force et il fixe seul les clauses du
contrat en ne laissant à l’autre aucun autre choix que d’adhérer aux conditions
qu’il propose ou de renoncer au contrat. D’où l’expression « contrat d’adhésion »
qui a été proposée par Saleilles pour mettre en lumière les particularités – et les
dangers – de ce type de contrats3. Les contrats de téléphonie, d’assurance ou de
transport, notamment, sont des contrats d’adhésion.
100. Ordonnance du 10 février 2016. La distinction des contrats de gré à gré
et des contrats d’adhésion a été introduite dans le Code civil par l’ordonnance
du 10 février 20164. L’article 1110 du Code civil issu de l’ordonnance opposait
le contrat de gré à gré dont « les stipulations sont librement négociées entre les
parties » au contrat d’adhésion dont « les conditions générales, soustraites à la
négociation, sont déterminées à l’avance par l’une des parties ». Ainsi énoncée, la
distinction était peu claire, notamment du fait que les critères du contrat d’adhé-
sion étaient peu satisfaisants : la présence de conditions générales n’est pas un
critère décisif (celles-ci pouvant être négociables ou non) et l’expression « soustraite
à la négociation » est ambiguë.
44
B. Intérêt de la distinction
102. Protection de la partie adhérente. Le législateur soumet les contrats d’ad-
hésion à un régime particulier, dans le but de protéger les intérêts de la partie
qui a adhéré aux conditions qui lui étaient proposées sans pouvoir les négocier.
L’article 1171 du Code civil permet d’évincer dans les contrats d’adhésion les
clauses abusives (v. infra, n° 368 et s.). L’article 1190 du Code civil prévoit une
règle d’interprétation favorable au contractant qui a adhéré au contrat (v. infra,
n° 536).
1. La nouvelle rédaction de l’art. 1118 est entrée en vigueur au 1er oct. 2018.
45
B. Intérêt de la distinction
106. Le régime de la preuve est différent pour chaque type de contrats. L’acte sous
seing privé qui constate un contrat synallagmatique ne fait preuve que s’il a été
rédigé « en autant d’originaux qu’il y a de parties ayant un intérêt distinct, à moins
que les parties ne soient convenues de remettre à un tiers l’unique exemplaire
dressé » (C. civ., art. 1375, ancien art. 1325).
Sur le fond, les obligations réciproques nées du contrat synallagmatique sont
interdépendantes. Cela fonde certaines règles spécifiques à ces contrats en cas
d’inexécution (exception d’inexécution, résolution pour inexécution).
46
A. Exposé de la distinction
108. Intention des parties. La distinction des contrats à titre gratuit et des contrats
à titre onéreux repose sur le critère de l’intention des parties. Le contrat à titre
onéreux est celui dans lequel chacune des parties reçoit de l’autre « un avantage
en contrepartie de celui qu’elle procure » (art. 1107 alinéa 1er C. civ.). La vente,
par exemple, est un contrat à titre onéreux. Le contrat à titre gratuit est celui dans
lequel l’une des parties « procure à l’autre un avantage sans attendre ni recevoir de
contrepartie » (art. 1107 al. 2 C. civ.). Elle est animée d’une intention libérale. Ce
contrat était appelé autrefois « contrat de bienfaisance ». La donation, par exemple,
est un contrat à titre gratuit.
Cette distinction entre les contrats à titre onéreux et les contrats à titre gratuit est
proche de celle opposant les contrats synallagmatiques aux contrats unilatéraux. La
plupart des contrats à titre onéreux sont synallagmatiques, et la plupart des contrats
à titre gratuit sont unilatéraux. Cependant les deux distinctions ne coïncident pas
toujours. Un contrat synallagmatique peut être à titre gratuit : la donation avec
charges est un contrat synallagmatique à titre gratuit. Et un contrat unilatéral peut
être à titre onéreux : ainsi le cautionnement est un contrat unilatéral et il peut être
à titre onéreux lorsque la caution est rémunérée (par le débiteur) ; de même le
prêt est un contrat unilatéral et il peut être à titre onéreux lorsque l’emprunteur
doit payer des intérêts.
B. Intérêt de la distinction
109. Règles particulières aux actes à titre gratuit. Le caractère gratuit d’un
contrat justifie certaines règles spécifiques.
Parfois il s’agit de protéger celui qui s’est engagé à titre gratuit. Ainsi la formation
des contrats à titre gratuit est généralement soumise à des conditions de forme
et de capacité (art 893 et s. C. civ. pour la donation). De même la garantie et la
responsabilité du contractant qui s’engage à titre gratuit sont moins lourdes que
celles pesant sur celui qui s’engage à titre onéreux : la garantie des vices cachés
applicable en matière de vente ne joue pas dans la donation ; la responsabilité du
47
A. Exposé de la distinction
111. Présence ou non d’un aléa. L’article 1108 alinéa 1er du Code civil énonce :
« Le contrat est commutatif lorsque chacune des parties s’engage à procurer à
l’autre un avantage qui est regardé comme l’équivalent de celui qu’elle reçoit ».
L’article 1108 alinéa 2 prévoit : « Il est aléatoire lorsque les parties acceptent de faire
dépendre les effets du contrat, quant aux avantages et aux pertes qui en résulteront,
d’un événement incertain ». Cet événement incertain est un aléa. L’exemple type
du contrat aléatoire est le contrat d’assurance : l’assureur s’oblige à couvrir les
risques prévus au contrat mais il n’est pas certain qu’il aura à verser une indemnité.
La vente en viager, dans laquelle le prix est payé (en tout ou en partie) sous la forme
d’une rente viagère, est également un contrat aléatoire : on ne sait pas pendant
combien de temps la rente devra être versée.
B. Intérêt de la distinction
112. L’aléa chasse la lésion. Les contrats aléatoires ne peuvent être soumis au
contrôle de la lésion. Les parties ayant accepté un aléa, aucune d’elles ne peut
ensuite se plaindre de ce que les prestations ne sont pas équivalentes. Selon un
adage célèbre, « l’aléa chasse la lésion ».
1. La période suspecte s’étend de la date de la cessation des paiements à celle du jugement d’ouverture.
48
A. Exposé de la distinction
114. Contrat à exécution instantanée. Le contrat à exécution instantanée
est « celui dont les obligations peuvent s’exécuter en une prestation unique »
(art. 1111-1 alinéa 1 C. civ.). Il faut, pour que le contrat soit à exécution instan-
tanée, que les obligations des deux parties soient susceptibles d’être exécutées en
une seule fois. Le contrat à exécution instantanée s’éteint lorsque les prestations
principales sont exécutées ; par exemple la vente s’éteint par le paiement du prix
et la livraison de la chose.
115. Contrat à exécution successive. Le contrat à exécution successive est « celui
dont les obligations d’au moins une partie s’exécutent en plusieurs prestations
échelonnées dans le temps » (art. 1111-1 alinéa 2 C. civ.). Dans ce type de contrat
les prestations se renouvellent dans le temps. Le contrat à exécution successive peut
être à durée déterminée ou indéterminée.
B. Intérêt de la distinction
116. L’intérêt de la distinction réside dans les problèmes spécifiques que soulève
l’étalement dans le temps des contrats à exécution successive : la durée (v. infra,
n° 607 et s.), la faculté de résiliation unilatérale (v. infra, n° 617 et s.) ou encore
la révision du contrat pour imprévision (v. infra, n° 555 et s.). Ces questions ne
concernent pas, ou très rarement, les contrats à exécution instantanée1.
49
B. Intérêt de la distinction
119. Différences de régime. Cette distinction est critiquée par certains auteurs
car elle ne repose pas sur un critère précis et semble davantage sociologique que
juridique3. Elle présente cependant un intérêt pour l’analyse juridique.
On peut constater que l’exigence de bonne foi est plus forte dans les contrats rela-
tionnels (dénommés selon les auteurs, « contrats-alliance », « contrats-coopération »
1. V. I. R. Mac Neil, The new social contract. An inquiry into modern contractual relation, Yale University
presse, 1980, spéc. p. 20 et s., l’auteur oppose les « discrete contracts » (contrats discrets ou transac-
tionnels), qui correspondent à la conception classique du contrat et assurent simplement l’échange de
biens, aux « relational contracts » (contrats relationnels) qui donnent naissance à une véritable relation
entre les parties. Sur cette doctrine, v. M. Fabre-Magnan, n° 182 ; H. Muir Watt, « Du contrat « rela-
tionnel » » : in La relativité du contrat, Travaux de l’association H. Capitant, LGDJ, 1999, p. 169 et s. ;
J. Rochfeld, « Les modes temporels d’exécution du contrat », préc.
2. V. M. Cabrillac, « Remarques sur la théorie générale du contrat et les créations récentes de la pratique
commerciale », Mélanges G. Marty, Université des sciences sociales de Toulouse, 1978, p. 235, l’auteur
oppose les « contrats de situation » aux « contrats d’occasion ». Plusieurs thèses de doctorat ont été
consacrées ces dernières années à cette réflexion : C. Boismain, Les contrats relationnels, Thèse Nantes,
2004 ; F. Chénedé, Les commutations en droit privé, contribution à la théorie générale des obligations, préf.
A. Ghozi, Économica, 2008 ; S. Lequette, Le contrat coopération, Contribution à la théorie générale du
contrat, préf. C. Brenner, Économica, 2010 ; J.-F. Hamelin, Le contrat-alliance, Économica 2012, préc.
N. Molfessis. V. ég. l’opposition entre les « contrats-échange » et les « contrats-organisation » proposée,
relativement au contrat de société, par P. Didier, « Brèves notes sur le contrat-organisation », Mélanges
F. Terré, éd. Dalloz, PUF et Jurisclasseur, 1999, p. 636.
3. V. not. Y.-M. Laithier, « À propos de la réception du contrat relationnel en droit français », D. 2006,
p. 1003. O. Pénin, La distinction de la formation et de l’exécution du contrat, contribution à l’étude du
contrat acte de prévision, préf. Y. Lequette, LGDJ, 2012, spéc. n° 746.
50
1. Ne pas confondre « contrat d’intérêt commun » et « mandat d’intérêt commun » : cette dernière quali-
fication commande l’application d’un régime particulier protecteur du mandataire (il bénéficie d’un
droit à indemnisation en cas de rupture par le mandant) ; v. not. art. L. 134-4 et s. C. com.
51
120. Présentation générale. Quatre principes sont placés en tête des dispositions
liminaires relatives au contrat1 : la liberté contractuelle, la force obligatoire, la
bonne foi et le principe suivant lequel la règle spéciale déroge à la règle générale.
Ils deviennent ainsi, même si le terme n’a pas été retenu par l’ordonnance, des
principes généraux du droit des contrats2. Ils ont vocation, au besoin, à faciliter
l’interprétation des autres règles du droit des contrats ou à en combler les lacunes.
121. Plan. On présentera successivement la liberté contractuelle (I), la force obli-
gatoire (II), la bonne foi (III) et enfin le principe suivant lequel la règle spéciale
déroge à la règle générale (IV).
I. La liberté contractuelle
122. Notion. Désormais clairement affirmée dans le Code civil, la liberté contrac-
tuelle est un principe essentiel du droit des contrats. La liberté contractuelle
implique « la liberté de contracter ou de ne pas contracter, de choisir son cocon-
tractant et de déterminer le contenu et la forme du contrat dans les limites fixées
par la loi » (art. 1102 C. civ.).
123. Portée et limites. Le principe de la liberté contractuelle signifie que les rela-
tions entre les individus relèvent de leur libre volonté, le législateur devant intervenir
le moins possible. La liberté contractuelle s’exerce dans les limites prévues par la loi.
La liberté contractuelle subit aujourd’hui de nombreuses restrictions, qui sont liées
au développement de l’ordre public (v. supra n° 73 et infra n° 320 et s.).
52
1. V. not. R. Demogue, Traité des obligations en général, éd. Rousseau, 1931, t. VI, des obligations, n° 3
et s. ; R. Vouin, La bonne foi. Notion et rôle actuel en droit privé français, LGDJ, 1939.
2. Thèses sur la bonne foi, v. not. : Y. Picod, Le devoir de loyauté dans l’exécution du contrat, LGDJ,
1989 ; R. Desgorces, La bonne foi dans le droit des contrats : Rôle actuel et perspectives, thèse Paris II,
1992 ; R. Jabbour, La bonne foi dans l’exécution du contrat, préf. L. Aynès, LDGJ, 2016 ; S. Tisseyre,
53
Le rôle de bonne foi en droit des contrats, préf. M. Fabre-Magnan, PUAM, 2012. Autres travaux,
v. not. : Y. Picod, « L’exigence de bonne foi dans l’exécution du contrat », in Le juge et l’exécution du
contrat, PUAM, 1993, p. 57 et s. ; Y. Picod, Jur. Cl. Civ., art. 1103 et 1104, Fasc. unique, Contrat et
obligation, force obligatoire du contrat – Bonne foi, 2019 ; Y. Picod, « L’exigence de bonne foi dans
l’exécution du contrat », in Le juge et l’exécution du contrat, PUAM, 1993, p. 57 et s. ; P. le Tourneau
et M. Poumarède, Rép. civ. Dalloz, V° Bonne foi ; Travaux de l’association H. Capitant, « La bonne
foi », T. XLIII, 1992, éd. Litec, 1994 ; D. Mazeaud, « Loyauté, solidarité, fraternité : la nouvelle devise
contractuelle ? » Mélanges Terré, éd. Dalloz, PUF, Jurisclasseur, 1999, p. 603 et s.
1. V. not. : Y. Picod, thèse préc. ; Y. Picod, Jur. Cl. Civ., art. 1103 et 1104, Fasc. unique, Contrat et obli-
gation, force obligatoire du contrat – Bonne foi, 2019 ; A. Bénabent, « La bonne foi dans les relations
entre particuliers dans l’exécution du contrat, rapport français », Trav. Ass. H. Capitant, préc. ; P. le
Tourneau et M. Poumarède, Rép. civ. Dalloz, V° Bonne foi ; P. Stoffel-Munck, L’abus dans le contrat,
préf. R. Bout, LGDJ, 2000, spéc. n° 55.
2. V. P. Stoffel-Munck, L’abus dans le contrat, préc., spéc. n° 55, note 287, « si la bonne foi de l’ar-
ticle 1134 al. 3 [aujourd’hui art. 1104] visait l’idée d’ignorance légitime, la disposition signifierait que
les conventions doivent être exécutées dans l’ignorance des vices de l’exécution, ou pour prendre une
autre formule, dans un état de croyance erronée. Nous ne voyons pas ce que cela voudrait dire ».
54
1. V. not. en ce sens : Y. Picod, thèse préc. ; Y. Picod, Jur. Cl. Civ., préc., spéc. n° 8.
2. V. N. Balat, Essai sur le droit commun, préf. M. Grimaldi, LGDJ, 2016 ; C. Goldie-Génicon,
Contribution à l’étude des rapports entre le droit commun et le droit spécial des contrats, préf. Y. Lequette,
LGDJ, 2009.
3. L’expression « théorie générale du contrat » sera utilisée comme synonyme de « droit commun des
contrats ». Cependant certains auteurs distinguent le droit commun des contrats (la réalité positive) et la
théorie générale du contrat (qui intègre une réflexion sur cette réalité) : v. É. Savaux, La théorie générale
du contrat, mythe ou réalité ?, préf. J.-L. Aubert, LGDJ, 1997, spéc. n° 8 et s. ; C. Atias, Épistémologie
juridique, PUF, coll. « droit fondamental », 1985, n° 83.
55
1. V. not. P. Malaurie, L. Aynès et P.-Y. Gautier, Contrats spéciaux, Defrénois, 10e éd. 2018, spéc. n° 34.
2. C. Goldie-Génicon, Contribution à l’étude des rapports entre le droit commun et le droit spécial des contrats,
préc., spéc. n° 374.
3. Sur la question de l’antinomie entre des règles : Les antinomies en droit, Ch. Perelman (dir.), Travaux
du centre national de recherche de logiques, Bruylant, Bruxelles, 1965 ; P. Malaurie, « Les antinomies
des règles et de leurs fondements », in Le droit privé à la fin du xxe siècle, Études offertes à P. Catala,
Litec 2001, p. 25 et s. ; P. Gérard, V° Antinomie, in Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie
du droit, A.-J. Arnaud, (dir.), 2e éd., LGDJ, 1993.
4. V. en ce sens : Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016,
préc., Chap. Ier « Dispositions liminaires » : « les règles générales posées par l’ordonnance seront notam-
ment écartées lorsqu’il sera impossible de les appliquer simultanément avec certaines règles prévues
par le Code civil pour régir les contrats spéciaux, ou celles résultant d’autres codes […] ».
5. Pour un exemple, v. infra, n° 281, le concours entre la garantie des vices cachés et l’erreur.
56
La formation du contrat
139. Conditions de validité. L’article 1128 du Code civil, qui ouvre la section 2
consacrée à « La validité du contrat », énonce : « Sont nécessaires à la validité d’un
contrat : 1° Le consentement des parties ; 2° Leur capacité de contracter ; 3° Un
contenu licite et certain ».
Trois conditions sont requises pour la formation du contrat. Il faut d’abord que
chacune des parties ait la qualité pour contracter, ce qui suppose non seulement
qu’elle soit capable mais également, bien que l’article 1128 ne l’indique pas expres-
sément, qu’elle ait le pouvoir de passer l’acte. Il faut ensuite que chaque contractant
exprime un consentement libre et éclairé. Il faut enfin que le contrat ait un contenu
licite et certain.
Le principe en droit français est le consensualisme : aucune forme n’est requise
pour la validité du contrat. Les parties sont donc en principe libres de donner
à leur contrat la forme qu’elles souhaitent. Cependant pour certains contrats,
des dispositions particulières exigent certaines formalités. Celles-ci peuvent être
requises pour la validité du contrat, ou bien seulement pour sa preuve ou pour
son opposabilité aux tiers.
140. Plan. Nous envisagerons successivement la qualité pour contracter (Titre 1),
le consentement (Titre 2), le contenu du contrat (Titre 3) avant que d’étudier
les règles de formes qui, bien qu’elles ne soient en principe pas nécessaires pour
la validité du contrat, présentent une grande importance (Titre 4). Il conviendra
pour finir d’étudier les sanctions des conditions de formation du contrat (Titre 5).
La capacité de contracter
142. La capacité est une condition de validité du contrat (art. 1128 C. civ.).
S’agissant des personnes morales, l’article 1145 du Code civil se limite à renvoyer
aux règles qui régissent chacune d’elles. La question relève donc du droit des
groupements, et notamment du droit des sociétés.
S’agissant des personnes physiques, l’alinéa 1er du même article 1145 du Code
civil prévoit que la capacité est le principe, et l’incapacité l’exception : « Toute
personne physique peut contracter sauf en cas d’incapacité prévue par la loi ».
Il ne saurait être question de présenter dans cet ouvrage le détail du régime des
incapacités, dont l’étude relève du droit des personnes. On se limitera à rappe-
ler les règles principales qui gouvernent la capacité des personnes physiques, en
soulignant les liens unissant la capacité au consentement et plus précisément aux
vices dont celui-ci peut être atteint. On distingue les incapacités d’exercice (I) et
les incapacités de jouissance (II).
I. Incapacités d’exercice
143. Notion. Il y a incapacité d’exercice lorsqu’une personne, sans être privée
du droit de contracter, ne peut exercer elle-même ce droit sans être assistée ou
représentée. Les incapacités d’exercice sont justifiées généralement par le souci
de protéger l’incapable contre lui-même, en raison de sa faiblesse. Plus rarement,
l’incapacité est justifiée par la nécessité de protéger les tiers contre l’incapable qui
a commis des fautes de gestion. Il convient de distinguer l’incapacité du mineur
(1) de celle du majeur (2).
1. Le mineur incapable
144. Tutelle ou administration légale. Le mineur non émancipé est frappé
d’une incapacité générale d’exercice lui interdisant de conclure tout contrat. Le
mineur relève du régime de l’administration légale lorsqu’il est soumis à l’autorité
59
2. Le majeur incapable
146. Régime de protection. Les majeurs qui sont dans l’impossibilité de pourvoir
seuls à leurs intérêts en raison d’une altération de leurs facultés sont soumis à un
régime de protection.
La tutelle est le régime de protection le plus sévère. Un tuteur est désigné pour
représenter l’incapable. La tutelle des majeurs incapables fonctionne pour l’essen-
tiel comme celle des mineurs.
60
1. Protection de l’incapable
149. Les actes interdits aux mineurs. Pour certains actes particulièrement graves,
les mineurs sont protégés par une incapacité de jouissance (art. 387-2 C. civ.). Cela
signifie que les actes en question ne peuvent en aucun cas être accomplis au nom
du mineur, même par son représentant. Par exemple, les mineurs non émancipés
ne peuvent exercer une activité commerciale ni accomplir une donation.
61
1. Civ. 1, 13 av. 1983, n° 81-16728, Bull. civ. I, n° 119, D. 1984, p. 273, note E. Prieur (agent
immobilier).
62
Le pouvoir de contracter
I. Conditions de la représentation
152. On considère traditionnellement que deux conditions sont nécessaires à la
représentation. Il faut que le représentant ait été investi du pouvoir de représenter
(1) et qu’il déclare sa qualité de représentant (2).
1. Le pouvoir de représentation
153. Sources du pouvoir. Une personne ne peut en représenter une autre que si
elle en a reçu le pouvoir. Le pouvoir de représentation peut être octroyé par la loi,
par le juge ou par un contrat.
63
64
2. La déclaration de représentation
156. Nécessité. Le représentant étant une personne qui peut agir pour son propre
compte, il convient, pour que le mécanisme de la représentation s’applique, qu’il
déclare au cocontractant qu’il n’agit pas en son nom personnel mais « au nom et
pour le compte du représenté » (art. 1154 al. 1er C. civ.). En l’absence d’une telle
déclaration ou bien si le représentant déclare qu’il agit pour autrui mais sans révéler
le nom de la personne représentée, la représentation est imparfaite.
1. Pour un exemple dans le mandat : Com., 2 mars 1976, n° 74-12489, Bull. civ. IV, n° 78.
2. P. Pétel, Les obligations du mandataire, préf. M. Cabrillac, Litec, 1988, n° 173.
65
1. V. not. les critiques de A. Couret et A. Reygrobellet, « Le droit des sociétés menacé par le nouvel
article 1161 du Code civil ? », D. 2016, p. 1867. Contra, favorables au maintien en l’état du texte issu
de l’ordonnance : G. Wicker et F. Deboissy, « La modification de l’article 1161 du Code civil par le
Sénat : la réglementation des conflits d’intérêts victime du lobbying », JCP E 2017, p. 1664, spéc. n° 7.
66
Le consentement
1. Sur cette controverse qui a opposé la doctrine allemande à la doctrine française, v. not. R. Saleilles, De
la déclaration de volonté, contribution à l’étude de l’acte juridique dans le Code civil allemand, éd. Pichon,
1901.
1. L’offre
167. On présentera la notion (A) et le régime (B) de l’offre.
1. J.-M. Mousseron, « La durée dans la formation des contrats », Études offertes à A. Jauffret, PUAM,
1974, p. 509 et s.
2. Chapitre II du titre II du livre III intitulé « La formation du contrat » (art. 1112 à 1187).
68
1. R.-J. Pothier, Traité des obligations, 1821, rémp. Dalloz 2011, spéc. n° 5 s., les choses essentielles dans
le contrat sont « celles sans lesquelles ce contrat ne peut subsister. Faute de l’une de ces choses, ou bien
il n’y a plus de contrat, ou bien c’est une autre espèce de contrat ».
2. V. par ex. Com., 9 mai 1961, Bull. civ. III, n° 197. En revanche, la détermination des conditions de
paiement n’est en principe pas nécessaire : Civ. 1, 26 nov. 1962, Bull. civ. I, n° 504, D. 1963, p. 61 ;
RTD civ. 1963, p. 364, obs. G. Cornu.
3. Civ. 3, 27 juin 1973, n° 72-12321, Bull. civ. III, n° 446.
4. P. Delebecque, Les clauses allégeant les obligations dans les contrats, thèse Aix-Marseille III, 1981, spéc.
p. 198, ce sont « les éléments centraux spécifiques qui traduisent l’opération juridique et économique
que les parties veulent réaliser ».
69
1. Com., 6 mars 1990, n° 88-12477, Bull. civ. IV, n° 74 ; JCP 1990, II, 21583, note B. Gross ;
RTD civ. 1990, p. 462, obs. J. Mestre ; Def., 1991, p. 356, obs. J.-L. Aubert, « une proposition
de contracter ne constitue une offre que si elle indique la volonté de son auteur d’être lié en cas
d’acceptation ».
2. J. Ghestin, G. Loiseau et Y.-M. Serinet, t. 1, n° 847.
70
B. Le régime de l’offre
176. La question du régime de l’offre conduit à envisager successivement la rétrac-
tation (a) et la caducité (b).
a. Rétractation
177. Position du problème. Il va de soi que l’offre peut être rétractée librement
tant qu’elle n’est pas parvenue à son destinataire, comme le rappelle l’article 1115
du Code civil. Mais qu’en est-il une fois qu’elle a été reçue par le destinataire ?
178. Règle générale. L’article 1116, alinéa 1er, du Code civil prévoit que l’offre
« ne peut être rétractée avant l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut,
l’issue d’un délai raisonnable ». Cette formulation (l’offre « ne peut être rétractée »)
pourrait laisser penser que la rétractation anticipée est impossible, c’est-à‑dire qu’elle
n’empêche pas la conclusion du contrat en cas d’acceptation dans le délai prévu
ou dans un délai raisonnable2. Or il n’en est rien, comme l’indiquent les alinéas
suivants du même article : la rétractation anticipée de l’offre « empêche la formation
du contrat » (al. 2) et n’est sanctionnée que par la responsabilité extracontractuelle
de son auteur (al. 3). La rétractation anticipée est donc possible mais fautive. Cette
règle permet de concilier les différents intérêts en présence : l’auteur de l’offre peut
se rétracter, notamment s’il trouve une meilleure opportunité, et le destinataire
est indemnisé de son préjudice.
1. Civ. 1, 1er déc. 1969, Bull. civ. I, n° 381 ; RTD civ. 1970, p. 589, obs. G. Cornu.
2. La solution était préconisée par les avant-projets Catala (art. 1105-4) et Terré (art. 18 al. 2).
71
1. C. cons., article L. 312-18 : « La remise ou l’envoi de l’offre de contrat de crédit à l’emprunteur oblige
le prêteur à en maintenir les conditions pendant une durée minimale de quinze jours à compter de
cette remise ou de cet envoi ».
2. C. cons., art. L. 313-34 : « L’envoi de l’offre oblige le prêteur à maintenir les conditions qu’elle indique
pendant une durée minimale de trente jours à compter de sa réception par l’emprunteur ».
3. La Cour de cassation admettait traditionnellement la caducité de l’offre en cas de décès de son
auteur (not. Soc., 14 avr. 1961, D. 1961, p. 535 ; JCP 1961, II, 12260 ; RTD civ. 1962, p. 349,
obs. G. Cornu). Elle s’était ensuite prononcée en faveur du maintien de l’offre en cas de décès de
son auteur (Civ. 3, 9 nov. 1983, n° 82-12996, Bull. civ. III, n° 222 ; RTD civ. 1985, p. 154, obs.
J. Mestre), avant de revenir à la solution classique de la caducité (Civ. 3, 10 mai 1989, n° 87-18130,
Bull. civ. III, n° 109 ; D. 1990, p. 365, note G. Virassamy), puis d’admettre à nouveau le maintien de
l’offre (Civ. 3, 10 déc. 1997, n° 95-16461, Bull. civ. III, n° 223 ; Def., 1998, p. 336, obs. D. Mazeaud ;
D. 1999, somm. p. 9, obs. P. Brun).
72
2. L’acceptation
183. On présentera successivement la notion d’acceptation (A), la forme de l’ac-
ceptation (B), son effet (C) et enfin les droits de réflexion et de rétractation (D).
A. La notion d’acceptation
184. Acceptation et contre-proposition. L’acceptation est « la manifestation de
volonté de son auteur d’être lié dans les termes de l’offre » (art. 1118 C. civ.). Pour
le dire simplement, elle est un « oui » donné en réponse à l’offre.
L’acceptation doit être pure et simple. Un « oui, mais » n’est pas une acceptation :
il s’agit tout au plus d’une contre-proposition, c’est-à‑dire d’une offre nouvelle
(art. 1118, al. 3, C. civ.).
185. Étendue de l’acceptation. Il est fréquent qu’un professionnel élabore des
« conditions générales », c’est-à‑dire des documents rédigés par avance et qui sont
censés s’appliquer lors de la conclusion du contrat sans faire l’objet d’une négocia-
tion. Reprenant la solution qui avait été posée par la jurisprudence, l’alinéa 1er de
l’article 1119 du code civil prévoit que « les conditions générales invoquées par
une partie n’ont effet à l’égard de l’autre que si elles ont été portées à la connais-
sance de celle-ci et si elle les a acceptées » (al. 1er). L’article 1119 règle ensuite les
difficultés posées par la discordance entre différentes conditions du contrat. En
cas de discordance entre des conditions générales et des conditions particulières,
les secondes l’emportent sur les premières (art. 1119 al. 3 C. civ.). En cas de dis-
cordance entre les conditions générales invoquées par l’une et l’autre des parties,
les clauses incompatibles sont sans effet (art. 1119 al. 2 C. civ.).
186. Liberté. La liberté contractuelle ainsi que la liberté du commerce et de
l’industrie (L. des 2 et 17 mars 1791) conduisent à admettre que le destinataire
d’une offre est en principe libre de la refuser. Ce principe connaît cependant
certaines exceptions. Ainsi, de la part d’un professionnel, le refus de vente ou de
73
B. La forme de l’acceptation
187. Comme l’offre, l’acceptation doit être extériorisée. Elle n’est en principe
soumise à aucune exigence de forme (a), ce qui pose la question de la valeur du
silence (b).
a. Liberté de la forme
188. Principe. L’acceptation relève en principe du consensualisme et n’est donc
soumise à aucune exigence de forme particulière. Il faut simplement qu’elle
exprime la volonté de son auteur de conclure le contrat (art. 1113 C. civ.). Elle
peut être expresse ou tacite.
L’acceptation expresse résulte d’un acte accompli spécifiquement pour marquer le
consentement de l’acceptant : un écrit (parfois une simple signature), une parole
ou un geste (par exemple lever la main dans une vente aux enchères).
L’acceptation tacite résulte d’un comportement dont on peut raisonnablement
déduire la volonté de conclure le contrat. Par exemple, la personne qui monte
dans un taxi en stationnement sur un emplacement réservé manifeste par son
comportement sa volonté d’accepter l’offre, elle-même tacite, qui lui a été faite1.
De même, le destinataire d’une offre qui commence à exécuter le contrat manifeste
sa volonté de conclure le contrat.
189. Exceptions. Dans les contrats solennels, l’acceptation doit être exprimée
dans les conditions de forme prévues par la loi. Par exemple, l’acceptation de la
donation doit être faite par acte authentique2.
Les articles 1127-2 et suivants du Code civil prévoient des règles spéciales pour
les contrats conclus sous forme électronique à titre professionnel. Ces dispositions
instaurent le système du « double clic » qui permet de décomposer en deux temps
l’acceptation. Dans un premier temps le client élabore sa commande puis la valide
(premier clic). Dans un second temps le client a la possibilité de « vérifier le détail
de la commande » (le contenu, le prix) et de corriger d’éventuelles erreurs avant
de la confirmer (second « clic »). On notera que ce dispositif ne s’applique pas aux
contrats conclus par échange de mails qui sont considérés comme des contrats à
distance classiques (art. 1127-3 alinéa 1 C. civ.).
74
75
C. L’effet de l’acceptation
193. Moment et lieu de formation du contrat. L’acceptation entraîne la for-
mation du contrat à l’instant où elle se joint à l’offre. Lorsque les parties sont
présentes ou représentées lors de la conclusion du contrat, celui-ci est formé au
moment et au lieu de l’acceptation. En revanche lorsque les parties ne sont pas en
présence l’une de l’autre et que la rencontre des volontés s’opère via un procédé
de communication (courrier, messages électroniques…), une difficulté apparaît :
à quel moment et en quel lieu s’opère la formation du contrat ?
194. Enjeux. La détermination du lieu de formation du contrat a perdu beaucoup
de son intérêt. En droit interne, la compétence juridictionnelle territoriale n’est
plus déterminée par le lieu de formation du contrat depuis 19753. En droit inter-
national privé, la maxime locus regit actum, selon laquelle le contrat est soumis aux
exigences de forme requises par la loi du lieu où il a été conclu, a vu sa portée for-
tement atténuée par la Convention de Rome du 17 juin 1980, qui est aujourd’hui
remplacée par le Règlement « Rome I » du 27 juin 2008.
La date de formation du contrat est en revanche une donnée importante à bien
des égards. Tant que le contrat n’est pas formé, les parties ne sont pas liées. La
législation applicable au contrat est, en principe, celle en vigueur au jour où le
contrat est conclu. La date de formation du contrat fixe le point de départ de
nombreux délais (tels que les délais de prescription de l’action en nullité). Seuls
les créanciers justifiant d’un droit antérieur à la formation du contrat peuvent
attaquer celui-ci au moyen de l’action paulienne.
1. Req., 29 mars 1938, DP 1939, 1, 5, note P. Voirin : « si en principe le silence gardé par le destinataire
d’une offre ne vaut pas acceptation, il est permis cependant aux juges du fait, dans leur appréciation
souveraine des faits et de l’intention des parties et lorsque l’offre a été faite dans l’intérêt exclusif de
celui à qui elle est adressée, de décider que son silence emporte acceptation ». V. ég. Soc., 15 déc. 1970,
n° 69-11913, Bull. civ. V, n° 722, s’agissant d’une offre d’intéressement qui était dans l’intérêt exclusif
du salarié auquel elle était adressée ; Civ. 1, 1er déc. 1969, n° 69-11913, Bull. civ. I, n° 375, JCP 1970,
II, 16445 note J.-L. Aubert, s’agissant d’une offre de convention d’assistance.
2. Civ. 1, 12 janv. 1988, n° 86-12849, Bull. civ. I, n° 8.
3. V. article 46 CPC, qui se réfère au lieu d’exécution de la prestation de service ou de la livraison de la
chose objet du contrat. Cependant, en matière de contrat de travail, le critère du lieu de formation du
contrat permet de déterminer le conseil de prud’hommes compétent (art. R. 517-1 al. 3 C. trav.).
76
1. V. not. Com., 7 janv. 1981, n° 79-13499, Bull. IV, n° 14 ; RTD civ. 1981, p. 849, obs. F. Chabas ;
G.A., t. 2, n° 145.
2. V. faisant application de la théorie de la réception dans le contexte des droits de préemption :
Civ. 3, 16 juin 2011, n° 09-72679, Bull. civ. III, n° 103 ; JCP 2011, I, 1141, n° 5, obs. G. Loiseau ;
JCP 2011, 1016, obs. Y.-M. Serinet ; D. 2012, pan. 459, obs. S. Amrani-Mekki et M. Mekki ; Civ. 3,
17 sept. 2014, n° 13-21824, Bull. civ. III, n° 108 ; RTD civ. 2014, p. 879, note H. Barbier.
77
78
79
1. V. en ce sens : Civ. 1, 3 mai 2000 (aff. des clichés de Baldus), n° 98-11381, Bull. civ. I, n° 131 ; D. 2002,
somm. p. 928, obs. O. Tournafond ; JCP 2001, II, 10510, note C. Jamin ; RTD civ. 2000, p. 566,
obs. J. Mestre et B. Fages ; Def., 2000, p. 1110, obs. D. Mazeaud et P. Delebecque, acquisition de
photographies pour un prix bien inférieur à leur valeur sur le marché de l’art ; la Cour de cassation
décide qu’« aucune obligation d’information ne pesait sur l’acheteur » et elle censure l’arrêt de la cour
d’appel qui avait admis l’existence d’un dol par réticence. V. ég. : Civ. 3, 17 janv. 2007, n° 06-10442,
Bull. civ. III n° 5 ; D. 2007, p. 1051, note D. Mazeaud et note P. Stoffel-Munck ; JCP 2007, II, 10042,
note C. Jamin ; RTD civ. 2007, p. 335, obs. J. Mestre et B. Fages, « l’acquéreur, même professionnel,
n’est pas tenu d’une obligation d’information au profit du vendeur sur la valeur du bien acquis ».
2. V. P. le Tourneau, « Les professionnels ont-ils du cœur ? », D. 1990, chron. p. 21, l’auteur observe
subtilement que « le devoir de conseil comprend celui de déconseiller ».
3. Civ. 1, 2 juill. 2014, n° 13-10076 ; RDC 2015, p. 43, obs. A. Danis-Fatome.
4. Civ. 1, 27 juin 1995, n° 92-19212, Bull. civ. I, n° 287 ; Ass. plén., 2 mars 2007, n° 06-15267,
Bull. A.P., n° 4.
5. Civ. 1, 14 mars 2000, n° 97-19813, Bull. civ. I, n° 93 ; Def., 2000, p. 1391, obs. J.-L. Aubert.
6. Civ. 1, 10 juill. 1995, n° 93-13672, Bull. civ. I, n° 312 ; Def., 1995, p. 1413 obs. J.-L. Aubert, le notaire
rédacteur d’acte n’est pas dispensé de son devoir de conseil envers le contractant, bien que celui-ci soit
assisté par son avocat ; Civ. 3, 28 nov. 2007, n° 06-17758, Bull. civ. III, n° 213, le notaire rédacteur
n’est pas dispensé de son devoir de conseil par la présence d’un autre conseiller, fut-il lui-même notaire,
auprès du contractant.
80
1. Civ. 1, 19 janv. 1977, n° 74-12783, Bull. civ. I, n° 40, le garagiste « ne pouvait ignorer que le compteur
indiquait un kilométrage bien inférieur à celui que la voiture avait parcouru en réalité ». V. ég. Com.,
11 juill. 1988, Bull. civ. IV, n° 250.
2. Civ. 3, 3 févr. 1981, n° 79-13774, Bull. civ. III, n° 22 ; D. 1984, p. 457, obs. J. Ghestin : « la société
défenderesse et son gérant, professionnels des transactions immobilières, avaient, envers l’acquéreur qui
manquait d’expérience en matière d’urbanisme, le devoir de vérifier la situation de la parcelle vendue
du point de vue des voies et réseaux… ». V. ég. Civ. 3, 15 févr. 2006, n° 04-19757, Bull. civ. III,
n° 37, « il appartenait à l’entrepreneur de se renseigner, même en présence d’un maître d’œuvre, sur
la finalité des travaux qu’il avait accepté de réaliser ». Sur cette jurisprudence, v. J. Ghestin, G. Loiseau
et Y.-M. Serinet, t. 1, n° 1705 et s.
3. P. Jourdain, « Le devoir de se renseigner », D. 1983, p. 139. Rapport au Président de la République relatif
à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, préc.
4. Com., 27 févr. 1996, n° 94-11241 ; Bull. civ. IV, n° 65 ; D. 1996, p. 518, note P. Malaurie ; JCP 1996,
II, 22665, note J. Ghestin ; RTD civ. 1997, p. 114, obs. J. Mestre : les associés sont fondés à faire
confiance au dirigeant de la société, qui est tenu envers eux d’un « devoir de loyauté ».
5. Civ. 1, 18 avr. 1989, n° 87-12053, Bull. civ. I, n° 150.
81
2. Les négociations
211. Présentation : liberté et bonne foi. La phase des négociations (ou pour-
parlers) est celle durant laquelle les personnes discutent, échangent leurs points
de vue, effectuent certaines recherches dans le but de conclure un contrat mais
sans être assurées d’y parvenir6. Pour certains contrats complexes ou importants,
1. Civ. 3, 30 juin 1992, n° 90-19093, Bull. civ. III, n° 238 ; Cont. Conc. Cons., 1992, n° 218, obs.
L. Leveneur (rapport entre le vendeur et l’acheteur d’un terrain, tous deux profanes).
2. Com., 4 juill. 1989, n° 88-12779, Bull. civ. IV, n° 213 ; RTD civ. 1989, p. 737, obs. J. Mestre (rapport
entre un mannequin professionnel conseillé par son agent et une agence de publicité).
3. Civ. 1, 24 nov. 1976, n° 74-12352, Bull. civ. I, n° 370 : « celui qui traite avec un professionnel n’est
pas dispensé de lui fournir les renseignements qui sont en sa possession ».
4. La jurisprudence était en ce sens depuis : Civ. 1, 25 févr. 1997, n° 94-19685, Bull. civ. I, n° 75 ;
Gaz. Pal. 1997, 1, p. 274, rapp. P. Sargos et note J. Guigue ; JCP 1997, I, 184, n° 1, obs. G. Viney ;
RTD civ. 1997, p. 434, obs. P. Jourdain, GA t. 1, n° 17.
5. H. Barbier, « Quelques évolutions contemporaines du droit de la preuve : chasse ou culture de la preuve
diabolique », RLDC 2010/71.
6. Voc. Jur. Capitant, V° Négociation : Le terme négociations (ou pourparlers) désigne les « opérations
préalables diverses (entretien, démarches, échanges de vues, consultations) tendant à la recherche d’un
82
accord ».
1. Com., 20 févr. 2016, n° 13-28448, Cont. Conc. Cons. 2016, n° 114, obs. M. Malaurie-Vignal : « La
société qui, dans le cadre des pourparlers liés à l’acquisition d’un fonds de commerce concurrent,
reprend le concept de restauration (nom, agencement des tables et pizzas proposées) et cherche à
tromper le consommateur en suggérant un lien entre ces deux établissements, adopte un comportement
parasitaire ».
2. J.-M. Mousseron, P. Mousseron, J. Raynard et J.-B. Seube, Technique contractuelle, éd. F. Lefebvre,
5e éd. 2017.
83
84
A. Le pacte de préférence
217. On présentera la notion (a) puis le régime (b) du pacte de préférence.
1. R. Von Ihering, De la culpa in contrahendo ou des dommages et intérêts dans les conventions nulles ou
restées imparfaites, Œuvres choisies, t. II, 1893, trad. De Meulanëre, spéc. p. 23. Pour une analyse de
la théorie de Ihering, v. E. Gaudemet, Théorie générale des obligations, 1937, Réimp. par H. Desbois
et J. Gaudemet, Sirey 1965, spéc. p. 195 et s. ; R. Saleilles, « De la responsabilité précontractuelle »,
RTD civ. 1907, p. 697 et s.
2. Comme l’indique le Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2016-131 du
10 février 2016, préc., p. 5 : « la responsabilité sera en principe de nature extracontractuelle, sauf
aménagement conventionnel de cette phase de négociation et de sa rupture ». V. en ce sens : Civ. 1,
20 juin 1961, D. 1962, p. 3 ; Com., 11 janv. 1984, n° 82-13259, Bull. civ. IV, n° 16 ; RTD civ. 1985,
p. 159, obs. J. Mestre.
3. V. not. J. Schmidt, « La sanction de la faute précontractuelle », RTD civ. 1974, p. 46.
4. Com., 26 nov. 2003, n° 00-10243 et 00-10949, Bull. civ. IV, n° 186 (Manoukian) ; GA n° 142 ;
D. 2004, p. 869, note A.-S. Dupré-Dallemagne ; RDC 2004, p. 257, note D. Mazeaud ; JCP E 2004,
738, note Ph. Stoffel-Munck ; RTD civ. 2004, p. 80, obs. J. Mestre et B. Fages ; JCP 2004, I, 163,
n° 18 et s., obs. G. Viney. V. ég. Civ. 3, 28 juin 2006, n° 04-20040, Bull. civ. III, n° 164 ; JCP E 2006,
2322, note O. Deshayes ; Cont. Conc. Cons. 2006, n° 223, obs. Leveneur.
5. V. not. J.-M. Mousseron, P. Mousseron, J. Raynard et J.-B. Seube, Technique contractuelle, éd.
F. Lefebvre, 5e éd. 2017.
85
86
1. Dans un contrat de vente, le pacte peut notamment être consenti au profit du vendeur, pour le cas
où l’acheteur revendrait la chose.
2. Le pacte peut conférer un droit de préférence au profit du preneur à bail en cas de vente du local loué.
Dans certains baux un droit de préférence est accordé au preneur par des dispositions légales spéciales :
art. L. 145-46-1 C. com. (réd. L. 18 juin 2014) pour le bail commercial ; art. 15-II L. 6 juill. 1989 en
matière de bail d’habitation.
3. V. A. Van de Wynckele-Bazela, « Pacte de préférence et contrat de franchise », D. 2004, p. 2487.
4. Civ. 3, 6 mars 1973, Bull. civ. III, n° 170 ; Civ. 3, 29 mai 1979, Bull. civ. III, n° 118. Cependant
une loi du 23 mars 2009 a ajouté dans la loi n° 65-557 du 10 juill. 1965 relative à la copropriété un
art. 8-1 prévoyant que le règlement de copropriété « peut prévoir une clause attribuant un droit de
priorité aux copropriétaires à l’occasion de la vente de lots exclusivement à usage de stationnement au
sein de la copropriété ».
5. Civ. 1, 6 juin 2001, n° 98-20673, Bull. civ. I, n° 166 ; JCP 2002, I, 134, n° 1, obs. F. Labarthe ;
RTD civ. 2002, p. 89, obs. J. Mestre et B. Fages, p. 115, obs. P.-Y. Gautier : « il n’est pas dans la
nature du pacte de préférence de prédéterminer le prix du contrat envisagé ». Civ. 3, 15 janv. 2003,
n° 01-03700, Bull. civ. III, n° 9 ; D. 2003, p. 1190, obs. H. Kenfack.
87
1. J.-P. Désidéri, La préférence dans les relations contractuelles, PUAM, 1997, n° 79 et s. ; H. Kenfack,
« Validité du pacte de préférence », préc.
2. TGI Aurillac, 10 janv. 1978, JCP 1980, IV, p. 135.
3. Sur la question de la compatibilité du pacte de préférence avec le droit de propriété, v. Civ. 3,
27 sept. 2009, n° 08-18187, Bull. civ. III, n° 203 ; JCP 2009, 479, note G. Pillet ; JCP N 2010, 1071,
note L. Leveneur ; RDC 2010, p. 32, obs. Th. Génicon ; RDC 2010, p. 660, obs. S. Pimont ; RLDC
2010, p. 3837, obs. Kenfack : la commune de Saint-Pée-sur-Nivelle avait vendu à des particuliers un
terrain nu dans un lotissement communal tout en stipulant dans l’acte de vente une clause, valable
pendant vingt ans, prévoyant que, avant toute revente à un tiers, le bien devrait être proposé à la
commune pour le prix d’acquisition initial éventuellement majoré du prix de revient de la construction
si le terrain est revendu bâti et le tout réactualisé en fonction de l’indice du coût de la construction ;
après avoir rappelé l’objectif du pacte, à savoir « empêcher la spéculation dans un contexte marqué par
la rareté de l’offre et le décrochage des possibilités financières de la plupart des ménages par rapport à
l’envolée des prix », la cour de cassation décide que les modalités du pacte « n’étaient pas, au regard de
l’objet et de la nature de l’opération réalisée, constitutives d’une atteinte au droit de propriété ».
4. En cas de procédure collective du débiteur, le pacte de préférence s’impose au liquidateur : Com.,
13 févr. 2007, n° 06-11289, Bull. civ. IV, n° 34.
5. Civ. 1, 14 mai 1962, Bull. civ. I, n° 245 ; Civ. 2, 21 janv. 1999, n° 96-22294.
6. V. not. Com., 15 déc. 2009, n° 08-21037, Bull. civ. IV, n ° 173 ; Civ. 3, 15 janv 2014, n° 12-35106.
88
1. Civ. 3, 10 mai 1984, n° 82-17079, Bull. civ. III, n° 96 ; JCP 1985, II, 20328, note M. Dagot, condam-
nant le propriétaire au paiement de dommages et intérêts pour s’être « mis volontairement dans l’impos-
sibilité d’exécuter le pacte de préférence » en consentant un bail rural lequel confère au fermier un droit
de préemption prioritaire par rapport au droit du bénéficiaire du pacte. V. ég. Civ. 3, 1er avr. 1992,
n° 90-16.985, Bull. civ. III, n° 116 ; D. 1992, p. 165, note A. Fournier.
2. C. Saint-Alary-Houin, Le droit de préemption, préf. P. Raynaud, LGDJ, 1979, n° 259 et n° 421.
3. Civ. 3, 24 mars 1999, n° 96-16040, Bull. civ. III, n° 80 ; RTD civ. 1999, p. 616, obs. J. Mestre ; p. 627,
obs. P. Jourdain ; p. 644, obs. P.-Y. Gautier ; Com., 13 févr. 2007, Bull. civ. IV, n° 38 ; Dr. et pat. 2007,
p. 98, obs. P. Stoffel-Munck.
4. Civ. 3, 4 janv. 1995, n° 92-21449, Bull. civ. III, n° 8 ; D. 1995, somm. p. 236, note L. Aynès ; Def.,
1995, p. 741, obs. P. Delebecque.
5. Civ. 1, 24 févr. 1987, n ° 85-16279, Bull. civ. I, n° 75 ; RTD civ. 1987, p. 739, obs. J. Mestre : « Mais
attendu que si le pacte de préférence est en principe transmissible aux héritiers des parties, il en est
différemment lorsque les circonstances révèlent une intention contraire, même tacite, des parties de
ne conférer à cette obligation qu’un caractère strictement personnel ».
6. S. Lequette, « Réflexions sur la durée du pacte de préférence », RTD civ. 2013, p. 491.
7. Art. 2234 C. civ. : « La prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l’impossi-
bilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure ».
Cet article consacre l’adage « contra non valentem agere non currit praescriptio » (contre celui qui est
empêché d’agir la prescription ne court pas).
8. V. pax ex. un pacte invoqué 37 ans après sa signature : Civ. 1, 22 déc. 1959, JCP 1960, II, 11494,
note P. Esmein ; RTD civ. 1960, p. 232, obs. J. Carbonnier.
89
1. V. admettant l’exercice du droit de résiliation unilatérale dans un pacte conclu sans limitation de durée :
Com., 6 nov. 2007, n° 07-10620 ; D. 2008, p. 1024, note B. Dondero ; RTD civ. 2008, p. 104, obs.
B. Fages. V. en faveur de cette solution : J.-P. Désidéri, La préférence dans les relations contractuelles,
PUAM, 1997, n° 455 ; L. Leveneur, note ss. Civ. 3, 15 janv. 2003, Cont. Conc. Cons. 2003, n° 71 ;
L. Leveneur, Dossier Pacte de préférence : liberté ou contrainte ?, « Rapport de synthèse », Dr. et pat.
n° 144, 2006, p. 83 et s. ; J. Mestre et B. Fages, obs. ss. Civ. 1, 6 juin 2001, RTD civ. 2002, p. 88.
Contra : S. Lequette, préc.
2. La vente du bien à un tiers ne viole pas le pacte lorsqu’elle a été proposée, sept ans auparavant, au
même prix, au bénéficiaire qui a refusé d’acheter, quand bien même l’évolution du marché immo-
bilier rendrait l’opération plus attractive : Civ. 3, 29 janv. 2003, n° 01-03707, Bull. civ. III, n° 24 ;
RTD civ. 2003, p. 497, obs. J. Mestre et B. Fages ; p. 517, obs. P.-Y. Gautier ; RDC 2004, p. 340,
obs. Ph. Brun ; Def., 2003, p. 1268, note J.-L. Aubert.
3. Le bénéficiaire n’a droit à aucune indemnisation s’il ne démontre pas l’existence d’un préjudice : Com.,
9 avr. 2002, n° 98-22851, JCP 2003, II, 10067, note J.-M. Tengang.
90
1. Ch. mixte, 26 mai 2006, n° 03-19376, Bull. ch. mixte, n° 4 ; G.A., t. 2, n° 258 ; D. 2006, p. 1861, note
P.-Y. Gautier et p. 1864 note D. Mainguy ; JCP 2006, II, 10142, note L. Leveneur ; RTD civ. 2006,
p. 550, obs. J. Mestre et B. Fages ; Def., 2006, p. 1206, obs. É. Savaux : le bénéficiaire « est en droit
d’exiger l’annulation du contrat passé avec un tiers en méconnaissance de ses droits et d’obtenir sa
substitution à l’acquéreur ».
2. Le projet d’ordonnance paru en février 2015 n’exigeait pas la preuve de l’intention du bénéficiaire
(v. art. 1125 al. 2 du projet) ; elle a été réintroduite à l’occasion de la réécriture finale du texte.
3. Elle est souvent qualifiée de « probatio diabolica » : P.-Y. Gautier, note préc. ss. Ch. mixte, 26 mai 2006.
4. V. not. Civ. 3, 14 févr. 2007, n° 05-21814, Bull. civ. III, n° 25 ; Dr. soc. 2007, n° 63, note H. Lécuyer ;
RTD civ. 2007, p. 768, note B. Fages ; D. 2007, p. 2444, note J. Théron ; RDC 2007, p. 701, obs.
D. Mazeaud ; JCP 2007, II, 10143, note J. Bert ; JCP E 2007, 1615, note H. Lécuyer. V. ég. Civ. 3,
3 nov. 2011, n° 10-20936, Bull. civ. III, n° 185 ; Cont. Conc. Cons. 2012, n° 60 ; Civ. 3, 9 avr. 2014,
n° 13-13949, Bull. civ. III, n° 52.
5. D. n° 55-22 du 4 janv. 1955, portant réforme de la publicité foncière.
6. V. not. Civ. 3, 24 mars 1999, n° 96-16040, Bull. civ. III, n° 80 ; RTD civ. 1999, p. 616, obs. J. Mestre ;
p. 627, obs. P. Jourdain ; p. 644, obs. P.-Y. Gautier.
7. Par exemple si le bien fait l’objet d’une vente au profit d’un tiers, le notaire chargé de préparer la vente
aura connaissance de l’existence du pacte de préférence conclu antérieurement et il interrogera le
bénéficiaire : si celui-ci manifeste la volonté de s’en prévaloir le notaire en informera le tiers acquéreur,
auquel le pacte sera alors opposable.
8. Art. 28, 1°, D. n° 55-22 du 4 janv. 1955.
91
B. La promesse unilatérale
231. Nous examinerons la notion (a) puis le régime (b) de la promesse unilatérale.
a. Notion de promesse unilatérale
232. Contrat d’option. L’article 1124 du Code civil donne une définition très
claire de la promesse unilatérale : « La promesse unilatérale est le contrat par lequel
une partie, le promettant, accorde à l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour
la conclusion d’un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la
formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire ». La promesse
unilatérale confère au bénéficiaire une option : conclure ou non le contrat projeté.
233. Contrat unilatéral. La promesse unilatérale est un contrat. Sa formation
suppose un accord de volontés : le bénéficiaire accepte que le promettant lui pro-
mette la formation du contrat envisagé (la promesse unilatérale se distingue de
l’offre de contracter, qui est un simple acte unilatéral).
La promesse unilatérale est un contrat unilatéral. Seul le promettant donne son
consentement au contrat envisagé, le bénéficiaire disposant d’un droit d’option
1. Civ. 1, 11 juill. 2006, n° 03-18528, Bull. civ. I, n° 389 ; D. 2006, p. 2510, note P.-Y. Gautier ;
JCP 2006, II, 10191, note M. Mekki : s’agissant d’un pacte de préférence inséré dans un acte de
donation-partage, la Cour de cassation décide que le tiers acquéreur était censé en connaître l’existence
en raison de l’opposabilité aux tiers de l’acte de donation-partage publié au Service de la publicité
foncière et qu’en conséquence il avait commis une faute de négligence en omettant de s’informer
précisément des obligations mises à la charge de son vendeur par ce pacte.
2. V. not. A. Bénabent, « Les nouveaux mécanismes », RDC 2016, p. 17.
92
1. Civ. 1, 5 déc. 1995, n° 93-19874, Bull. civ. I, n° 452 ; Def., 1996, p. 757, obs. D. Mazeaud, et p. 814
obs. A. Bénabent ; v. P. Pierre, « Le prix de l’exclusivité dans les promesses unilatérales de vente »,
JCP 1996, I, 3981.
2. Com., 25 avr. 1989, n° 87-17281, Bull. civ. IV, n° 136, ne peut être qualifiée de synallagmatique « la
promesse de vente qui ne contenait pas, en contrepartie de l’engagement de vendre, un engagement
corrélatif d’acheter à la charge du bénéficiaire ».
3. V. not. Com., 20 nov. 1962, Bull. civ., n° 470 ; D. 1963, p. 3 ; Com., 13 févr. 1978, n° 76-13429,
Bull. civ. IV, n° 60.
93
1. V. par ex. : Com., 14 juin 1982, n° 80-14396 ; Gaz. Pal. 1983, 1, pan. jur. p. 19, obs. J. Dupichot.
V. ég. Com., 19 juin 1972, n° 71-12845, Bull. civ. IV, n° 196 ; D. 1972, p. 607, la capacité commer-
ciale du promettant est exigée pour la promesse portant sur un fonds de commerce.
2. Civ. 1, 2 juin 1981, n° 79-14396, Bull. civ. I, n° 187, dans le régime de la communauté, la promesse
de vente d’un immeuble dépendant de la communauté suppose le consentement des deux époux.
3. Civ. 3, 7 janv. 1982, n° 80-14396.
4. L. n° 62-1241 du 19 décembre 1963.
5. Par ex. la promesse comprise dans un contrat de crédit-bail : Civ. 3, 3 nov. 1981, Bull. civ. III, n° 173 ;
D. 1982, IR, p. 409, obs. M. Vasseur ; Def., 1982, p. 423, obs. J.-L. Aubert ; RTD civ. 1982, p. 434,
obs. P. Rémy. Ou encore la promesse comprise dans une transaction : Ass. plén., 24 févr. 2006,
n° 04-20525, Bull. Ass. plén., n° 1 ; JCP 2006, II, 10065, concl. J. Cédras ; D. 2006, p. 2076, note
C. Jamin ; RDC 2006, p. 689, obs. Y.-M. Laithier ; RTD civ. 2006, p. 301, obs. J. Mestre et B. Fages.
94
1. En ce sens : CA Amiens, 27 nov. 1973, D. 1974, p. 780, l’arrêt est rendu en application de l’ar-
ticle L. 141 C. com. (abrogé L. n° 2019-744 du 19 juillet 2019). V. ég. s’agissant de la donation :
Aix-en-Provence, 11 janv. 1983, D. 1985, p. 169, note G. Légier ; RTD civ. 1985, p. 604, obs.
J. Patarin.
2. En ce sens : J. Flour, J.-L. Aubert et É. Savaux, n° 307.
3. V. I. Najjar, Le droit d’option. Contribution à l’étude du droit potestatif et de l’acte unilatéral, préf.
P. Raynaud, LGDJ, 1967, spéc. n° 99 et s. ; S. Valory, La potestativité dans les relations contractuelles,
PUAM, 1999, 598 p. ; J. Rochfeld, « Les droits potestatifs accordés par le contrat », Études offertes à
J. Ghestin, LGDJ, 2001, p. 747 et s. ; C. Pomart-Nomdedeo, « Le régime juridique des droits potestatifs
en matière contractuelle, entre unité et diversité », RTD civ. 2010, p. 209 et s.
95
1. V. en ce sens : Civ. 3, 25 mars 2009, n° 08-12237, Bull. civ. III n° 69 ; D. 2010, p. 224, obs. S. Amrani-
Mekki ; Def., 2009 p. 1270, obs. R. Libchaber ; RDC 2009, p. 995, obs. Y.-M. Laithier ; Dr. et pat.
juill. 2009, p. 84, obs. L. Aynès.
2. CCH, art. L. 271-1 : « Pour tout acte ayant pour objet la construction ou l’acquisition d’un immeuble
à usage d’habitation, la souscription de parts donnant vocation à l’attribution en jouissance ou en
propriété d’immeubles d’habitation ou la vente d’immeubles à construire ou de location-accession à
la propriété immobilière, l’acquéreur non professionnel peut se rétracter dans un délai de dix jours à
compter du lendemain de la première présentation de la lettre lui notifiant l’acte ».
3. Par ex., dédit en faveur du promettant : Paris, 9 nov. 1981, D. 1982, p. 171, note J.-L. Aubert.
96
1. La promesse peut être levée contre les héritiers du promettant : Civ. 3, 8 sept. 2010, n° 09-13345,
Bull. civ. III, n° 153 ; JCP 2010, 1051, note G. Pillet ; JCP 2011, 63, note J. Ghestin, RDC 2010,
p. 1079, note D. Mazeaud et T. Revêt ; Def., 2010, p. 2123, obs. L. Aynès ; RDC 2011, p. 57, obs.
T. Génicon et p. 153, obs. P. Brun. La promesse est transmise aux héritiers du bénéficiaire : Civ.,
1er août 1912, S. 1915, 1, p. 85.
2. L. n° 93-122 du 29 janv. 1993, art. 52, frappant d’une nullité d’ordre public toute cession consentie
à titre onéreux par un professionnel de l’immobilier.
3. Civ. 3, 2 juill. 1969, Bull. civ. III, n° 541 ; D. 1970, p. 150, note J.-L. Aubert.
4. Civ. 3, 17 avr. 1984, n° 83-12106, Bull. civ. III, n° 87 ; D. 1985, p. 234, note I. Najjar ; D. 1987,
p. 454, note L. Aynès ; Civ. 3, 19 mars 1997, n° 95-12473, Bull. civ. III, n° 68 ; Def., 1997, p. 1351
note D. Mazeaud ; JCP 1997, I, 4039, note M. Billiau ; D. 1997, somm. p. 341, obs. P. Brun. L. Boyer
« clause de substitution et promesse de vente », JCP 1987, I, 3310. Pour une critique de cette juris-
prudence : P. Brun, « Nature juridique de la clause de substitution dans le bénéfice d’une promesse
unilatérale de vente : une autonomie de circonstance », RTD civ. 1996, p. 29.
5. V. Civ. 3, 19 déc. 2001, n° 98-21747, RDC 2004, p. 683, obs. P. Collart-Dutilleul.
97
1. Certains auteurs considèrent que cette clause de substitution devrait dorénavant être rattachée à la
catégorie de la cession de contrat qui a été consacrée par l’ordonnance de 2016 : R. Boffa, « Les clauses
relatives aux opérations translatives », JCP N 2016, n° 13, 1115 ; M. Mekki, « Réforme des contrats
et des obligations : la promesse unilatérale de contrat », JCP N 2016, act. 1071 ; C. Lisanti, « La
clause de substitution dans les contrats préparatoires : clause de cession de contrat ? », JCP N 2017,
1270. D’autres au contraire prônent le statu quo, les motifs juridiques ou politiques qui ont incité la
jurisprudence à soustraire les clauses de substitution au formalisme fiscal n’étant pas remis en cause :
C. Gijsbers, « Faut-il “rebaptiser” les clauses de substitution après la réforme du droit des obligations ? »,
JCP N 2016, act. 1194.
98
1. Civ. 3, 15 déc. 1993, n° 91-10199 (Cruz), Bull. civ. III, n° 174 ; JCP 1995, II, 22366, note
D. Mazeaud ; D. 1994, p. 507, note F. Bénac-Schmidt ; D. 1994, somm. p. 230, obs. O. Tournafond ;
D. 1995, somm. p. 87, obs. L. Aynès ; RTD civ. 1994, p. 588, obs. J. Mestre. La Cour de cassation
avait maintenu sa jurisprudence en dépit des critiques de la doctrine, v. not. : Civ. 3, 11 mai 2011,
Bull. civ. III, n° 77 ; D. 2011, p. 1457, note D. Mazeaud ; p. 1460, note D. Mainguy ; RTD civ. 2011,
p. 532, obs. B. Fages. Elle avait cependant limité sa portée en admettant les clauses d’exécution forcée :
Civ. 3, 27 mars 2008, JCP 2008, II, 10147, note G. Pillet ; RDC 2008, p. 734, obs. D. Mazeaud ;
RTD civ. 2008, p. 475, obs. B. Fages.
2. V. not., outre les notes et observations sous l’arrêt Cruz citées ci-dessus : H. Lécuyer, « Le contrat,
acte de prévision », Mélanges Terré, éd. Dalloz, PUF et Jurisclasseur, 1999, p. 643 s. ; P. Ancel, « Force
obligatoire et contenu obligationnel du contrat », RTD civ. 1999, p. 771 et s., spéc. n° 21 et 22 ;
D. Mazeaud, « Mystères et paradoxes de la période précontractuelle », Mélanges Ghestin, LGDJ, 2001,
p. 637 et s., spéc. n° 21 et s. ; D. R. Martin, « Des promesses précontractuelles », Mélanges Béguin,
Litec, 2005, p. 487 et s., spéc. n° 5 et s. ; G. Wicker, « L’engagement du promettant : engagement au
contrat définitif », RDC 2012, p. 649 ; N. Molfessis, « De la prétendue rétractation du promettant
dans la promesse unilatérale de vente », D. 2012, p. 231. Contra, en faveur de cette jurisprudence :
D. Mainguy, « L’efficacité de la rétractation de la promesse de contracter », RTD civ. 2004, p. 1 et s. ;
M. Fabre-Magnan, « L’engagement du promettant : engagement au contrat préparatoire », RDC 2012,
p. 633 ; M. Fabre-Magnan, « De l’inconstitutionnalité de l’exécution forcée des promesses unilaté-
rales, » D. 2015, p. 826.
99
C. La promesse synallagmatique
248. La promesse synallagmatique n’a pas retenu l’attention du législateur, à la dif-
férence du pacte de préférence et de la promesse unilatérale. Ce silence s’explique
sans doute par la nature juridique de la promesse synallagmatique, qui en principe
n’a pas d’existence autonome par rapport au contrat définitif. C’est ce que l’on
vérifiera en étudiant successivement la notion (a) et le régime (b) de la promesse
synallagmatique.
a. Notion de promesse synallagmatique
249. Définition. La promesse synallagmatique est le contrat par lequel les deux
parties donnent leur consentement à un contrat dont les conditions sont d’ores
et déjà déterminées. Cette définition soulève la question de l’autonomie de la
promesse synallagmatique par rapport au contrat définitif : est-elle un contrat
préparatoire ou bien forme-t‑elle le contrat définitif ? La réponse est nuancée. Il
convient de distinguer selon la nature du contrat définitif. On envisagera succes-
sivement les contrats consensuels, les contrats solennels et les contrats réels.
• Contrats consensuels
250. Absence d’autonomie de la promesse. Le consensualisme conduit à l’assimi-
lation de la promesse synallagmatique au contrat définitif. Un contrat consensuel
100
1. V. par ex. Civ. 3, 28 mai 1997, n° 95-17953, Bull. civ. III, n° 116 : « la promesse de bail vaut bail
lorsqu’il y a accord des parties sur la chose et sur le prix ». Civ. 1, 28 mars 2000, n° 97-21422,
Bull. civ. I, n° 105 : le prêt consenti par un professionnel du crédit étant un contrat consensuel, les
juges en déduisent que la promesse de prêt vaut prêt.
2. Cette dénomination est regrettable, car le terme compromis désigne en principe un contrat par lequel
les parties soumettent leur litige à un arbitre.
101
1. V. not. Civ. 3, 10 mai 2005, n° 03-19238 ; RDC 2005, p. 1076, obs. F. Collart-Dutilleul, « la règle
selon laquelle promesse de vente vaut vente n’a qu’un caractère supplétif ».
2. Req., 4 mai 1936, D. 1936, p. 313, « l’énonciation dans un acte de vente sous seing privé portant
accord sur la chose et sur le prix, qu’un acte notarié sera ultérieurement dressé, n’a pour effet de
subordonner la formation et l’efficacité de l’acte à l’accomplissement de cette formalité que s’il résulte
clairement, soit des termes de la convention, soit des circonstances, que telle a été la volonté des parties ».
V. ég. Civ. 3, 5 janv. 1983, n° 81-14890, Bull. civ. III, n° 7 ; D. 1983, p. 617, note P. Jourdain ;
Civ. 3, 14 janv. 1987, D. 1988, p. 80, note J. Schmidt-Szaleweski ; Civ. 3, 20 déc. 1994, n° 92-20878,
Bull. civ. III, n° 229 ; JCP 1995, II, 22491, note C. Larroumet, censurant la décision qui, pour décider
que la promesse de vente ne vaut pas vente, relève simplement que le « compromis » stipule que
l’acquéreur ne sera propriétaire qu’à compter de la « réitération » par acte notarié.
3. V. Code suisse des obligations, art. 16 : « 1 Les parties, qui ont convenu de donner une forme spéciale
à un contrat pour lequel la loi n’en exige point, sont réputées n’avoir entendu se lier que dès l’accom-
plissement de cette forme ». V. ég. art. 154 (2) BGB : « s’il a été convenu que le contrat envisagé ferait
l’objet d’une constatation authentique, ce contrat, dans le doute, n’est pas conclu tant que cette
constatation n’a pas eu lieu ».
4. La promesse d’hypothèque peut être conclue sous seing privé : Req., 5 nov. 1860, DP 1861, 1, 301 ;
Civ. 3, 7 janv. 1987, n° 85-10608, Bull. civ. III, n° 4 ; Civ. 3, 7 avr. 1993, n° 91-10032, Bull. civ. III,
n° 55.
102
1. M.-N. Jobard-Bachelier, « Existe-t‑il encore des contrats réels en droit français ? », RTD civ. 1984, p. 1.
103
1. Civ. 3, 17 déc. 2008, n° 07-18062, Bull. civ. III, n° 211, décidant que la date butoir « constituait le
point de départ de la date d’exécution forcée du contrat ». V. ég. Civ. 3, 18 févr. 2009, n° 08-10677,
Bull. civ. III, n° 47 ; JCP N 2009, 1194, note J.-J. Barbièri ; JCP N, 2010, 1001, note S. Piedelièvre ;
RDC 2009, p. 110, note. G. Lardeux ; Civ. 3, 3 avril 2013, n° 12-15148.
2. Civ. 3, 7 juill. 1993, n° 91-12368, Bull. civ. III, n° 111 ; D. 1994, p. 597, note J.-P. Clavier ; D. 1994,
somm. p. 211 obs. A. Penneau.
3. V. en ce sens : Douai, 5 juin 1992, D. 1993, p. 257, note J. Moury.
4. La Cour de cassation assimile parfois de façon contestable des promesses unilatérales croisées à une
promesse synallagmatique : Com., 22 nov. 2005, Bull. civ. 2005, IV, n° 234 ; JCP E 2006, 1463,
note crit. A. Constantin ; Def., 2006 p. 605 obs. crit. R. Libchaber ; RDC 2006, p. 383, obs. crit.
P. Brun et p. 1095, obs. crit. A. Bénabent ; RTD civ. 2006, p. 302, obs. crit. J. Mestre et B. Fages ;
104
J. Moury, « Menaces sur les promesses unilatérales de vente et d’achat croisées », D. 2006, p. 2793.
V. E. Schlumberger, Les contrats préparatoires à l’acquisition des droits sociaux, Dalloz 2013.
1. V. par ex. Civ. 3, 17 juill. 1991, 90-11940, Bull. civ. III, n° 218 ; D. 1992, somm. p. 193, obs.
G. Paisant ; Civ. 3, 20 déc. 1994, n° 92-20878, Bull. civ. III, n° 229 ; JCP 1995, II, 22491, note
C. Larroumet, préc. ; Civ. 3, 28 mai 1997, n° 95-20098, Bull. civ. III, n° 123.
2. V. J. et S. Piedelièvre, La publicité foncière, Expertise notariale, Defrénois, 2014, spéc. n° 291.
3. Civ. 3, 2 avr. 1979, n° 77-13125, Bull. civ. III, n° 84 ; JCP 1980, II, n° 19697, note crit. M. Dagot.
4. Civ. 1, 20 juill. 1981, n° 80-12529, Bull. civ. I, n° 267, la promesse de prêt d’argent ne peut donner
lieu qu’à des dommages et intérêts. La solution est la même pour la promesse d’hypothèque, dont la
jurisprudence admet la validité (v. supra, n° 252).
105
I. Le trouble mental
265. On présentera les conditions de fond (1) puis les conditions de mise en œuvre
(2) de la nullité pour trouble mental.
106
1. Civ. 1, 25 sept. 2013, n° 12-23197, Bull. civ. I, n° 177 ; RDC 2014, p. 10, note T. Génicon : le sous-
cripteur d’un contrat s’assurance vie avait signé, quelques jours après une intervention chirurgicale et
quelques semaines avant son décès, un avenant modifiant la clause bénéficiaire ; jugé que cette signature
n’établit pas sa volonté certaine et non équivoque de modifier les bénéficiaires du contrat.
2. Civ. 1, 2 oct. 2013, n° 12-21246, RDC 2014, p. 10, obs. T. Genicon : annulation de la renonciation
à succession consentie par une personne âgée ne sachant ni lire, ni écrire le français, car elle n’avait pas
eu conscience de la portée de son acte. V. ég. Civ. 3, 15 déc. 1998, n° 97-17673, Def., 1999, p. 1038,
note D. Talon.
3. Civ. 1, 4 juill. 2006, n° 05-12005, Def., 2007, p. 711, obs. D. Noguéro. V. ég. Civ. 1, 25 avr. 1989,
n° 87-18515, Bull. civ. I, n° 170 : la nullité est refusée au motif que l’acte est « conforme aux usages »
et que le cocontractant a agi « avec la plus grande correction ».
107
1. Cons. const., 17 janv. 2013, n° 2012-288, QPC ; RTD civ. 2013, p. 87, obs. J. Hauser.
2. Sur ces dispositions, v. not. Y.-M. Serinet, obs. in Observations sur le projet de réforme du droit des
contrats et des obligations (dir. J. Ghestin), Pet. Aff., numéro spécial 3-4 sept. 2015, n° 176 et 177,
p. 59. G. Loiseau, « Les vices du consentement », Cont. Conc. Cons. 2016, Dossier 3.
108
1. L’erreur
274. Présentation générale. L’erreur se définit d’une façon générale comme une
fausse représentation de la réalité : elle consiste à tenir pour vrai ce qui est faux ou
tenir pour faux ce qui est vrai.
Toutes sortes d’erreurs peuvent être commises lors de la formation d’un contrat
mais, pour des raisons de sécurité juridique, on ne saurait admettre que toutes
puissent entraîner la nullité du contrat. Afin d’établir un juste équilibre entre la
protection du consentement et la sécurité juridique, le droit n’admet la nullité
que pour les erreurs les plus graves1.
Selon l’article 1132 du Code civil : « L’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle
ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les
qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant ». Cette
disposition détermine les cas dans lesquels l’erreur peut être sanctionnée, ce qui
revient à délimiter le domaine de l’erreur (A), puis elle précise les caractères que
doit présenter l’erreur (B) pour être sanctionnée par la nullité du contrat (C).
A. Domaine de l’erreur
275. Le Code civil retient deux types d’erreurs susceptibles d’être sanctionnées :
l’erreur portant sur les qualités essentielles de la prestation (a) et l’erreur portant
sur les qualités essentielles du cocontractant (b), les autres erreurs étant considérées
comme indifférentes (c). Il faut cependant compter avec l’erreur-obstacle, notion
d’origine doctrinale dont l’autonomie est discutée (d).
1. J. Ghestin, La notion d’erreur dans le droit positif actuel, préf. J. Boulanger, LGDJ, 1971, n° 69 et s.
109
1. Cette interprétation est conforme à la pensée de Pothier, v. R.-J. Pothier, Traité des obligations, 1764,
Réimp. Dalloz, 2011, n° 18 : « L’erreur annule la convention, non seulement lorsqu’elle tombe sur la
chose même, mais lorsqu’elle tombe sur la qualité de la chose que les parties ont eu principalement
en vue, et qui fait la substance de cette chose ».
2. V. not. J. Ghestin, La notion d’erreur dans le droit positif actuel, préf. J. Boulanger, LGDJ, 1971 ;
J. Ghestin, G. Loiseau et Y.-M. Serinet, t. 1, n° 1199 et s. ; J. Carbonnier, n° 40.
3. P. Malinvaud, « De l’erreur sur la substance », D. 1972, chron. p. 215.
110
1. Décret n° 81-255 du 3 mars 1981 sur la répression des fraudes en matière de transactions d’œuvres
d’art et d’objets de collection.
2. Civ. 1, 27 fév. 2007 (aff. de la statuette de Sésostris III), Bull. civ. I, n° 90 ; D. 2007, p. 1632, note
P.-Y. Gautier ; JCP 2007, I, 195, n° 6, obs. F. Labarthe ; Cont. Conc. Cons., 2007, n° 146, obs.
L. Leveneur : « Attendu qu’en statuant ainsi alors qu’il résultait de ses propres constatations que la
référence à la période historique portée, sans réserve expresse, au catalogue n’était pas exacte, ce
qui suffisait à provoquer l’erreur invoquée, la cour d’appel a violé les textes susvisés ». V. ég. Civ. 1,
30 sept. 2008, n° 06-20.298, n° 06-21.254 ; Bull. civ. I, n° 217, à propos d’un décor de scène pour la
pièce « Tristan fou » réalisé sur l’idée de Salvador Dali.
3. L’acheteur qui a payé un prix modique ne peut prétendre qu’il croyait acquérir le tableau d’un peintre
réputé (Paris, 21 fév. 1950, D. 1950, p. 269).
4. Pas toujours cependant ce qui peut sembler étonnant, v. sur ce point P. Malinvaud, « De l’erreur sur
la substance », préc.
5. Req. 5 nov. 1929, DH 1929, p. 539.
6. Civ. 3, 12 mars 2003, n° 01-17207, Bull. civ. III, n° 63 ; D. 2003, p. 2 522, note Y.-M. Serinet.
7. Civ. 3, 13 juill. 1999, n° 97-16362, Bull. civ. III, n° 178.
8. Civ. 1, 5 févr. 2002, n° 00-12671, Bull. civ. I, n° 38 ; JCP 2003, II, 10175, note C. Lièvremont.
9. V. S. Lequette de Kervenoaël, L’authenticité des œuvres d’art, LGDJ 2006, préf. J. Ghestin, spéc. n° 99 :
« une œuvre d’art est dite authentique lorsqu’elle est le produit du travail de l’artiste auquel elle est
attribuée ».
10. V. par ex. : Civ. 1, 23 fév. 1970, n° 68-13563, Bull. civ. I, n° 66 ; D. 1970, p. 604, note J.-M. Étesse ;
JCP 1970, II, 16347, note P.A. ; RTD civ. 1970, p. 751, obs. Y. Loussouarn, des sièges présentés
comme des « marquises » Louis XV ne sont en fait que des « bergères » élargies constituées d’éléments
de différentes époques : il y a erreur sur la qualité substantielle.
111
1. Affaire dite du « Poussin », citée supra. V. ég., pour une affaire similaire concernant un autre tableau de
Nicolas Poussin : Civ. 1, 17 sept. 2003, n° 01-15306, Bull. civ. I, n° 183 ; JCP 2004, I, 123, n° 1, obs.
Y.-M. Serinet ; Cont. Conc. Cons. 2004, n° 2, obs. L. Leveneur ; RTD civ. 2005, p. 123, obs. J. Mestre
et B. Fages.
2. V. par ex. : Civ. 1, 20 nov. 1990, n° 89-14103, Bull. civ. I, 250 ; RTD civ. 1992, p. 100, obs. J. Mestre :
l’engagement pris par une personne de réparer les conséquences d’un accident est nul en raison de
l’erreur de droit qu’elle a commise et consistant dans la croyance que les circonstances ne lui permet-
taient pas de s’exonérer de sa responsabilité. Com., 28 nov. 1968, D. 1968, p. 177, nullité de l’offre
d’indemnité d’éviction faite par les propriétaires dans la croyance erronée que le statut des baux
commerciaux était applicable. V. ég. Civ. 3, 24 mai 2000, n° 98-16132, Bull. civ. III, n° 114 ; D. 2001,
somm. 1135, obs. D. Mazeaud ; D. 2002, somm. 926, obs. O. Tournafond ; RTD civ. 2000, p. 824,
obs. J. Mestre.
3. J. Mestre, RTD civ. 1987, p. 743.
4. Civ. 3, 9 juin 2010, n° 08-13969, Cont. Conc. Cons. 2010, n° 222, obs. L. Leveneur ; RDC 2011,
p. 40, obs. E. Savaux.
5. Civ. 1, 24 mars 1987, n° 85-15736, Bull. civ. I, n° 105 ; D. 1987, p. 489, note J.-L. Aubert ;
RTD civ. 1987, p. 743, obs. J. Mestre. V. ég. Civ. 1, 20 mars 2001, n° 99-13177, JCP 2003, II,
10090, note J.-F. Césaro, une société avait acquis auprès d’un antiquaire des lettres présentées comme
« pouvant être attribuées à Picasso ».
6. V. J.-F. Cesaro, Le doute en droit privé, préf. B. Teyssié, éd. Panthéon-Assas, 2003.
112
1. Civ. 1, 22 févr. 1978 (affaire dite du « Poussin »), n° 76-11551, Bull. civ. I, n° 74 ; D. 1978, p. 601,
note P. Malinvaud ; puis Civ. 1, 13 déc. 1983, n° 82-12237, Bull. civ. IV, n° 293 ; D. 1984, p. 340,
note J.-L. Aubert ; JCP 1984, II, 20186, concl. Gulphe ; RTD civ. 1989, p. 104, obs. F. Chabas ; G.A.,
t. 2, n° 148-149. V. pour une affaire similaire, concernant un autre Poussin : Civ. 1, 17 sept. 2003,
n° 01-15306, Bull. civ. I, n° 183 ; JCP 2004, I, 123, n° 1, obs. Y.-M. Serinet ; Cont. Conc. Cons. 2004,
n° 2, obs. L. Leveneur ; RTD civ. 2005, p. 123, obs. J. Mestre et B. Fages.
2. La vente d’un pastel sur contre-épreuve présenté comme étant une œuvre du peintre Marry Cassatt est
annulée du fait de la révélation ultérieure d’un doute sur l’authenticité de cette œuvre : Civ. 1,
13 janv. 1998, n° 96-11881, Bull. civ. I, n° 17 ; D. 1999, somm. p. 13, obs. P. Brun ; D. 2000,
p. 54, note C. Laplanche ; Cont. Conc. Cons., 1998, note L. Leveneur. V. ég. Civ. 1, 28 oct. 2015,
n° 14-17893, Cont. Conc. Cons. 2016, n° 1, obs. L. Leveneur. Mais encore faut-il qu’il existe un
doute sérieux : V. Paris, 7 mai 2001, (Aff. du tableau Jardin à Auvers, de Van Gogh), D. 2001, IR
p. 1852 ; Pet. Aff. 4 avr. 2002, note C. Lachièze, estimant qu’il n’existe pas un doute sérieux, la Cour
d’appel refuse de prononcer la nullité. Le pourvoi contre cet arrêt est rejeté par : Civ. 1, 25 mai 2004 ,
n° 01-13357, Bull. civ. I, n° 152 ; RTD civ. 2005, p. 123, obs. J. Mestre et B. Fages.
3. Civ. 1, 28 juin 1988, n° 87-11818, Bull. civ. I, n° 211 ; D. 1989, p. 450, obs. C . Lapoyade-Deschamps ;
RTD civ. 1989, p. 342, obs. P. Rémy ; GA, t 2, n° 269.
113
1. Des intérêts pratiques sont attachés à cette question. Par certains côtés, l’erreur est plus avantageuse
pour le demandeur (le délai de prescription est de cinq ans pour l’erreur, deux ans pour la garantie
des vices cachés). Mais par d’autres côtés la garantie est plus intéressante (le panel des sanctions est
plus large : de l’anéantissement du contrat à une simple réfaction de celui-ci avec éventuellement une
réduction du prix ou une indemnisation, alors que l’erreur ne permet que la nullité).
2. V. Com., 8 mai 1978, n° 76-13575, Bull. civ. IV, n° 135 ; JCP 1982, II, 19758, note J. Ghestin ;
Civ. 3, 18 mai 1988, n° 86-18668, Bull. civ. III, n° 96 ; D. 1989, somm. p. 229, obs. J.-L. Aubert ;
Civ. 1, 28 juin 1988, n° 87-11918, Bull. civ. I, n° 211 ; D. 1989, somm. p. 229, obs. J.-L. Aubert ;
RTD civ. 1989, p. 342, obs. P. Rémy.
3. V. Civ. 1, 14 mai 1996, n° 94-13921, Bull. civ. I, n° 213 ; D. 1997, somm. p. 345, obs. O. Tournafond,
D. 1998, p. 305, note F. Jault-Seseke ; JCP 1997, I, 4009, obs. C. Radé : la garantie des vices cachés
constitue l’unique fondement possible de l’action intentée par l’acheteur de tuiles présentant un
vieillissement anormal. V. ég. Civ. 3, 7 juin 2000, n° 98-18966, Cont. Conc. Cons. 2000, n° 159, obs.
L. Leveneur ; D. 2002, somm. p. 1002, obs. P. Brun ; G.A., t. 2, n° 268 : la garantie des vices cachés
constitue l’unique fondement possible de l’action intentée par l’acheteur d’un appartement qui a
ensuite été frappé d’une interdiction d’habiter en raison de son exiguïté et de la non-conformité de
l’installation sanitaire. V. ég. Civ. 3, 30 mars 2011, n° 10-15309. On observera au passage que cette
solution rigide ne s’applique pas en cas de concours entre le dol et la garantie des vices cachés : Civ. 3,
10 avr. 2002, n° 00-16939, « l’ existence d’un vice caché n’excluant pas par elle-même la possibilité
d’invoquer le dol ».
4. Saint-Denis de la Réunion, 6 oct. 1989, JCP 1990, II, 21504, note E. Putman ; RTD civ. 1990,
p. 647, obs. J. Mestre : le contrat de création et rédaction d’un magazine est annulé, le demandeur
ayant établi qu’il avait l’intention de contracter avec une agence commerciale d’expérience et non avec
une personne physique qui en était dépourvue.
5. Civ. 2, 13 avr. 1972, n° 70-12774, Bull. civ. II, n° 91 ; JCP 1972, II, 17189, note P. Level : l’indépen-
dance à l’égard des parties est une qualité essentielle pour un arbitre.
114
1. Civ. 1, 13 févr. 2001, n° 98-15092, Bull. civ. I, n° 31 ; RTD civ. 2001, p. 352, obs. J. Mestre et
B. Fages ; JCP 2001, I, 330, n° 5, obs. J. Rochfeld ; Def., 2002, p. 476, note D. Robine, « l’erreur sur
un motif du contrat extérieur à l’objet de celui-ci [en l’occurrence, l’obtention d’avantages fiscaux]
n’est pas une cause de nullité de la convention, quand bien même ce motif aurait été déterminant ».
Dans le même sens : Civ. 3, 24 avr. 2003, n° 01-17458, Bull. civ. III, n° 82 ; D. 2004, p. 450, note
S. Chassagnard ; JCP 2003, II, 10135, note R. Wintgen ; RDC 2003, p. 42, obs. D. Mazeaud ;
RTD civ. 2003, p. 699, obs. J. Mestre et B. Fages ; RTD civ. 2003, p. 723, obs. P.-Y. Gautier ; Com.,
11 avr. 2012, n° 11-15429, Bull. civ. IV, n° 77 ; JCP 2012, p. 1151, obs. Y.-M. Serinet.
2. V. pour des exemples d’erreur sur la valeur d’actions de société : Com., 26 mars 1974, n° 72-14791,
Bull. civ. IV, n° 108 ; Com, 8 févr. 1997, n° 95-12617, Bull. civ. IV, n° 55.
3. J. Ghestin, La notion d’erreur dans le droit positif actuel, préf. J. Boulanger, LGDJ, 1971, n° 69 et s. ;
J. Ghestin, G. Loiseau et Y.-M. Serinet, t. 1, n° 1168 et s. ; J. Goubeaux, « À propos de l’erreur sur la
valeur », Études offertes à J. Ghestin, LGDJ, 2001, p. 389 et s.
4. J. Carbonnier, n° 41 ; H.L.J. Mazeaud, n° 161 ; F. Terré, P. Simler et Y. Lequette, n° 275.
115
B. Caractères de l’erreur
287. Caractère déterminant. Suivant l’article 1130 du Code civil l’erreur, comme
les autres vices du consentement, n’entraîne la nullité que si elle a été déterminante.
Cette exigence n’appelle pas de développement particulier car elle se confond avec
l’exigence du caractère essentiel de la qualité manquante8.
288. Caractère excusable. L’erreur est une cause de nullité « à moins qu’elle ne
soit inexcusable » (art. 1132 C. civ.). Est qualifié d’inexcusable l’erreur qui résulte
d’une faute de l’errans : par exemple s’il a manqué à son devoir de s’informer (sur
116
C. Sanction de l’erreur
289. Preuve. La preuve de l’erreur incombe à celui qui prétend que son consen-
tement a été vicié. La preuve est libre s’agissant d’un fait juridique, mais elle est
généralement difficile à rapporter car l’erreur est une donnée psychologique.
290. Nullité relative. La sanction de l’erreur consiste dans la nullité du contrat
(art. 1132 C. civ.). Il s’agit d’une nullité relative.
2. Le dol
291. Définition. Le dol dans la formation du contrat est le comportement
déloyal de l’une des parties visant à induire en erreur l’autre partie, afin de l’inci-
ter à contracter. Le dol présente un aspect délictuel (le comportement déloyal
du cocontractant) qui s’ajoute à l’aspect psychologique (l’erreur). On examinera
successivement l’aspect délictuel du dol (A), son aspect psychologique (B) et enfin
sa sanction (C).
A. Aspect délictuel
292. Le dol suppose un élément matériel (a) et un élément intentionnel (b). En
outre le dol doit émaner du cocontractant (c).
a. Élément matériel du dol
293. Trilogie. Le dol était envisagé dans le Code civil de 1804 à l’article 1116
sous le terme de « manœuvres », mais la jurisprudence avait développé une concep-
tion extensive en assimilant aux manœuvres les mensonges puis la réticence.
1. Civ. 1, 2 mars 1964, Bull. civ. I, n° 122, est jugée inexcusable l’erreur d’un architecte sur la constructi-
bilité du terrain qu’il achète. Soc., 3 juill. 1990, n° 87-40349, Bull. civ. V, n° 329, est jugée inexcusable
l’erreur de l’employeur sur les compétences du salarié.
117
1. Civ. 3, 28 mai 2002, n° 00-22339 et 01-03166, Dr. et Pat. oct. 2002, p. 101, obs. P. Chauvel.
2. Civ. 1, 31 janv. 1979, D. 1973, IR, p. 288.
3. Civ. 1, 7 avr. 2015, n° 14-13738 ; D. 2016, p. 566, obs. M. Mekki ; Cont. Conc. Cons. 2016, n° 164,
obs. L. Leveneur.
4. Civ. 3, 6 nov. 1970, n° 69-11665, Bull. civ. III, n° 587, JCP 1971, II, 16942, note J. Ghestin, « un
simple mensonge, non appuyé d’actes extérieurs, peut constituer un dol ».
5. V. pax ex. Paris, 12 avr. 1983, Gaz. Pal. 1983, 1, jur. p. 341 : un film publicitaire montrait des bull-
dozers jouant au football avec des valises de la marque Samsonite en laissant penser qu’elles résistaient
à ces traitements : l’arrêt écarte la qualification de publicité trompeuse au motif que cette publicité
« ne peut, par son outrance et exagération, finalement tromper personne ». La décision est rendue sur
le fondement de la publicité trompeuse, mais le raisonnement est transposable sur le terrain du dol.
6. V. par ex. Civ., 27 avr. 1953, D. 1953, p. 440.
7. V. Com., 1er avr. 1952, D. 1952, p. 685, note J. Copper-Royer.
118
1. Civ. 3, 15 janv. 1971, n° 69-12180, Bull. civ. III, n° 38 ; RTD civ. 1971, p. 839, obs. Y. Loussouarn ;
Civ. 3, 2 oct. 1974, n° 73-11901, Bull. civ. III, n° 330 ; G.A., t. 2, n° 150.
2. Civ. 3, 20 déc. 1995, n° 94-14887, Bull. civ. III, n° 268.
3. Civ. 3, 2 oct. 1974, préc.
4. Civ. 1, 15 mars 2005, n° 01-13018, Bull. civ. I, n° 136 ; D. 2005, p. 1462, note A. Cathiard ;
RTD civ. 2005, p. 381, obs. J. Mestre et B. Fages.
5. Civ. 3, 27 mars 1991, n° 89-16975, Bull. civ. III, n° 108 ; RTD civ. 1992, p. 81, obs. J. Mestre.
6. Civ. 1, 3 mai 2000 (aff. des clichés de Baldus), n° 98-11381, Bull. civ. I, n° 131 ; D. 2002, somm.
p. 928, obs. O. Tournafond ; JCP 2001, II, 10510, note C. Jamin ; RTD civ. 2000, p. 566, obs.
J. Mestre et B. Fages ; Def., 2000, p. 1110, obs. D. Mazeaud et P. Delebecque : cassation de l’arrêt qui
a retenu la réticence dolosive de l’acheteur qui n’avait pas fait connaître à son vendeur la grande valeur
des photographies (des clichés de Baldus) qu’il lui achetait. V. ég. : Civ. 3, 17 janv. 2007, n° 06-10442,
Bull. civ. III n° 5 ; D. 2007, p. 1051, note D. Mazeaud et note P. Stoffel-Munck ; JCP 2007, II, 10042,
note C. Jamin ; RTD civ. 2007, p. 335, obs. J. Mestre et B. Fages, GA, n° 151 : « l’acquéreur, même
professionnel, n’est pas tenu d’une obligation d’information au profit du vendeur sur la valeur du bien
acquis ».
7. L. n° 2018-287 du 20 avril 2018 ratifiant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant
réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, préc.
119
1. Le Rapport au Président de la République ne nous paraît pas convaincant lorsqu’il affirme au contraire
que « la réticence dolosive est consacrée (art. 1137, al. 2), sans toutefois la subordonner à l’existence
d’une obligation d’information par ailleurs consacrée à l’article 1112-1 » (Rapport au Président de la
République relatif à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, préc., p. 8).
2. Civ. 1, 15 mai 2002, n° 99-21521, Bull. civ. I, n° 132 ; JCP 2002, I, 184, n° 1, obs. F. Labarthe ;
Cont. Conc. Cons. 2002, n° 135, obs. L. Leveneur : « Vu l’article 1315 du Code civil ; Attendu que
Mme Cardoso a acquis un véhicule automobile d’occasion auprès de M. Guillot, garagiste ; qu’une
expertise ordonnée en référé a établi que le véhicule avait été accidenté ; qu’au soutien de son action
en nullité de la vente pour réticence dolosive, Mme Cardoso a fait valoir que le vendeur lui avait
dissimulé cet accident ; Attendu que pour rejeter la demande, l’arrêt retient que Mme Cardoso ne
rapportait pas la preuve de cette dissimulation ; qu’en statuant ainsi, alors que le vendeur professionnel
est tenu d’une obligation de renseignement à l’égard de son client et qu’il lui incombe de prouver
qu’il a exécuté cette obligation, la cour d’appel a violé le texte susvisé ». V. ég. Civ. 3, 11 mai 2005,
n° 07-17682, Bull. civ. III, n° 101 ; RTD civ. 2005, p. 590 ; Dr. et pat. 2005, n° 141, p. 91, obs.
L. Aynès et P. Stoffel-Munck.
3. V. F. Terré, P. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, n° 301 ; J. Flour, J.-L. Aubert et É. Savaux, n° 213-1.
4. Com., 28 juin 2005, n° 03-16794, Bull. civ. IV, n° 140 ; RTD civ. 2005, p. 591, obs. J. Mestre
et B. Fages ; D. 2005, p. 2838, obs. S. Amrani-Mekki ; Dr. et pat. 2005, n° 141, obs. L. Aynès et
120
B. Aspect psychologique
300. Une erreur. Pour que le dol soit constitué, il est nécessaire que les manœuvres,
les mensonges ou la dissimulation aient engendré une erreur, c’est-à‑dire une fausse
121
1. On trouve certaines décisions du fond qui admettent (à tort) l’existence d’un dol dans ce type d’hypo-
thèse : Colmar, 30 janv. 1970, D. 1970, p. 297, note E. Alfandari : une dame âgée avait consenti
une donation à son gendre en cédant à l’insistance de celui-ci sans pour autant avoir eu une fausse
perception de la réalité. La Cour de cassation n’admet pas une telle conception du dol, v. par ex.
Civ. 1, 10 juill. 1995, n° 93-17388 ; D. 1997, p. 20, note P. Chauvel : une cour d’appel qui avait
prononcé la nullité d’une reconnaissance de dette sur le fondement du dol, sans caractériser une erreur
de nature à vicier le consentement : cassation.
2. Civ. 3, 21 févr. 2001, n° 98-20817, Bull. civ. III, n° 20 ; D. 2001, p. 2720, note D. Mazeaud ;
JCP 2002, II, 10027, note C. Jamin ; RTD civ. 2001, p. 353, obs. J. Mestre et B. Fages ; Com.,
13 févr. 2007, n° 04-16520. Sur cette jurisprudence, v. J. Ghestin, « La réticence dolosive rend toujours
excusable l’erreur provoquée », JCP 2011, 703.
3. L. n° 2018-287 du 20 avril 2018 ratifiant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant
réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, préc.
4. V. Soc., 5 oct. 1994, n° 93-43615, Bull. civ. V, n° 256, D. 1995, p. 282, note P. Mozas ; RTD civ. 1995,
p. 93, obs. J. Mestre ; RTD civ. 1995, p. 143, obs. P.-Y. Gautier : un mari avait fait rédiger sa lettre
manuscrite de candidature par son épouse ; cassation, pour défaut de base légale, de l’arrêt ayant admis
la nullité du contrat sans rechercher si, sans cette manœuvre, l’employeur n’aurait pas contracté. V. ég.
Civ. 3, 1er mars 1977, n° 75-13247, D. 1978, p. 91, note C. Larroumet.
122
C. Sanction du dol
304. Preuve. La preuve du dol incombe au demandeur. S’agissant d’un fait juri-
dique, la preuve est libre. Le demandeur doit rapporter la preuve de l’élément
matériel et de l’élément intentionnel du dol.
305. Nullité et responsabilité. Le double aspect du dol se retrouve logiquement
sur le terrain des sanctions. En tant que vice du consentement, le dol entraîne la
nullité relative du contrat ; en tant que délit civil, il peut justifier l’allocation de
dommages et intérêts à la victime sur le fondement de l’article 1240 du Code civil.
La victime du dol est en droit de demander seulement des dommages et intérêts,
elle pourra ainsi conserver le bénéfice du contrat.
1. C. Aubry et C. Rau, Cours de droit civil français, t. IV, 4e éd. Paris, Marchal et Billard, 1902, § 343
bis.
2. V. M. Planiol et G. Ripert, Obligations, Traité pratique de droit civil français, par P. Esmein, t. VI,
2e éd. 1952, spéc. n° 207, « la volonté d’acquérir ne prend une valeur juridique que si elle est la volonté
d’acquérir moyennant un prix déterminé ». V. ég. J. Flour, J.-L. Aubert et É. Savaux, n° 214, les auteurs
soulignent qu’il est « irréaliste de prétendre ainsi distinguer entre la volonté de contracter, abstraitement
considérée, et la volonté concrète de contracter à telles ou telles conditions » ; J. Ghestin, G. Loiseau
et Y.-M. Serinet, t. 1, n° 1464 et s. ; J. Flour, J.-L. Aubert et É. Savaux, n° 214 ; A. Bénabent, n° 107 ;
M. Fabre-Magnan, n° 368.
3. Ainsi, la jurisprudence admet la nullité dans l’hypothèse où l’acquéreur aurait acquis à un prix infé-
rieur s’il avait connu la situation exacte : Civ. 3, 22 juin 2005, n° 04-10415, Bull. civ. III, n° 137 ;
Cont. Conc. Cons. 2005, n° 186, obs. L. Leveneur ; RDC 2005, p. 1025, obs. P. Stoffel-Munck. V. ég.
Com., 30 mars 2016, n° 14-11684 ; Bull. civ. IV, n° 1114 ; RDC 2016, p. 652, obs. T. Génicon.
123
A. Aspect délictuel
307. On peut distinguer trois formes de violence : la violence physique (a), la
violence morale (b) et l’abus de l’état de dépendance (c).
a. Violence physique
308. Coups, mauvais traitements. La violence physique consiste en des coups
et autres mauvais traitements (par exemple séquestration1) ayant pour effet de
contraindre une personne à conclure un contrat.
b. Violence morale
309. Menaces. La violence morale consiste en des menaces : par exemple menace
de porter atteinte à l’honneur et à la réputation2, menace de « ruiner la société3 », de
priver la personne de ressources4. Les pressions psychologiques répétées, lorsqu’elles
conduisent une personne à conclure un contrat non voulu, peuvent constituer une
violence morale.
310. Caractère illégitime. La violence est par définition illégitime. C’est pour-
quoi, comme le prévoit l’article 1141 du Code civil, la menace d’exercer une voie
de droit ne constitue pas une violence, à condition toutefois qu’elle ne soit pas
détournée de son but ou utilisée pour obtenir un avantage manifestement excessif.
1. Soc., 8 nov. 1984, n° 82-14816, Bull. civ. V, n° 423 ; RTD civ. 1985, p. 368, obs. J. Mestre ; Civ. 3,
13 janv. 1999, n° 96-18309, Bull. civ. III, n° 11 ; RTD civ. 1999, p. 381, obs. J. Mestre ; D. 2000 p. 76,
obs C. Willmann ; Def., 1999, p. 749, obs. P. Delebecque.
2. Soc., 23 mai 2013, n° 12-13865, Bull. civ. V, n° 128 ; D. 2013 p. 1355, note B. Ines, l’employeur
avait menacé le salarié de « ternir la poursuite de son parcours professionnel » ; Civ. 1, 30 juin 1954,
JCP 1954, II, 8325, menace de révéler de prétendus crimes commis sous l’occupation.
3. Com., 18 févr. 1997, n° 94-19272, Bull. civ. IV, n° 59 ; D. 1998, somm. p. 181, obs. J.-C. Hallouin,
le vice de violence affecte une décision d’assemblée générale d’actionnaires.
4. Com., 4 juin 1973, n° 72-10782, Bull. civ. IV, n° 193.
124
1. V. par ex. Civ. 3, 17 janv. 1984, n° 82-15753, Bull. civ. III, n° 13 ; Def., 1985, p. 378, note J.-L. Aubert.
Pour un exemple burlesque : Req., 6 avr. 1903, S. 1904, 1, 505, note Naquet.
2. Civ. 1, 30 mai 2000, n° 98-15242, Bull. civ. I, n° 169 ; D. 2000, p. 879, note J.-P. Chazal ;
Cont. Conc. Cons. 2000, n° 142, obs. L. Leveneur ; JCP 2001, II, 10461, note G. Loiseau.
3. Civ. 1, 3 avril 2002, n° 00-12932, Bull. civ. I, n° 108 ; D. 2002, p. 1860, note J.-P. Gridel ; p. 1862,
note J.-P. Chazal ; D. 2002, somm. p. 2844, obs. D. Mazeaud ; RTD civ. 2002, p. 502, obs. J. Mestre
et B. Fages. V. ég. Civ. 1, 18 févr. 2015, D. 2015, p. 432.
4. Ord. n° 2016-131 du 10 févr. 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de
la preuve des obligations, préc.
5. Ces termes que nous mettons en italiques ont été ajoutés par la loi de ratification (L. n° 2018-287 du
20 avr. 2018). Cette disposition de la loi de ratification étant déclarée interprétative elle est applicable
aux contrats conclus à compter du 1er octobre 2016.
6. H. Barbier, « Le vice du consentement pour cause de violence économique », Dr. et pat. 2014, n° 240,
p. 50 ; H. Barbier, « La violence par abus de dépendance », JCP 2016, 421.
125
126
C. Sanction de la violence
315. Preuve. La preuve incombe au demandeur. C’est à celui qui demande l’annu-
lation du contrat qu’il appartient de rapporter la preuve de l’acte de violence et
de son caractère déterminant. S’agissant d’un fait juridique, la preuve est libre.
316. Nullité et responsabilité. Les deux aspects de la violence se retrouvent
au point de vue de la sanction. En tant que vice du consentement, la violence
entraîne la nullité relative du contrat. En tant que délit civil, la violence peut
justifier l’allocation de dommages et intérêts à la victime sur le fondement de
l’article 1240 du Code civil.
1. V. not. Com., 30 janv. 1974, D. 1974, p. 382 ; RTD civ. 1974, p. 804, obs. Y. Loussouarn, l’arrêt tient
compte de l’expérience des affaires et de l’âge de la personne pour décider qu’elle pouvait résister à la
crainte irraisonnée de subir des poursuites pénales ; Civ. 3, 13 janv. 1999, n° 96-18309, Bull. civ. III,
n° 11 ; D. 2000, p. 76, note C. Willmann ; JCP 1999, I, 143, n° 1, obs. G. Loiseau ; RTD civ. 1999,
p. 381, obs. J. Mestre, l’arrêt tient compte de la situation de la personne pour admettre la nullité en
raison des pressions psychologiques exercées par les membres d’une secte.
127
Le contenu du contrat
1. La prestation est « l’action de fournir » ; c’est aussi par extension le bien ou le service fourni (Dict. Le
Petit Robert).
2. V. not. H. Capitant, De la cause des obligations, Dalloz, 1923. J. Maury, Essai sur la notion d’équi-
valence en droit civil, thèse Toulouse, 1920. V. ég. J. Hauser, Objectivisme et subjectivisme dans l’acte
juridique, préf. P. Raynaud, LGDJ, 1971, spéc. n° 134 et s., où l’auteur définit la cause comme « le
lien entre la volonté et les éléments objectifs de l’acte juridique ».
3. H. Capitant, De la cause des obligations, préc., n° 14, où l’auteur développe l’idée que la cause de
chacune des parties réside dans l’exécution de l’obligation de l’autre.
1. Pour la suppression de la cause, V. not. L. Aynès, « La cause, inutile et dangereuse », Dr. et pat. 2014,
n° 24, « la théorie de la cause est inutile si elle est appliquée avec rigueur. Elle est dangereuse lorsqu’elle
ne l’est pas » ; v. déjà les critiques de M. Planiol, Traité élémentaire de droit civil français, t. II, 9e éd.,
LGDJ, 1923, n° 1037 et s. Contra, en faveur du maintien de la cause, v. not. F. Chénedé, « La cause
est morte… vive la cause ? », Cont. Conc. Cons. 2016, dossier n° 4 ; A. Ghozi et Y. Lequette, « la réforme
du droit des contrats : brèves observations sur le projet de la chancellerie », D. 2008, p. 2609 ; « Deux
regards inhabituels sur la cause dans les contrats », Def., 2008, p. 2365 ; T. Génicon, « Défense et
illustration de la cause en droit des contrats », D. 2015, p. 1551.
2. Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, préc.
3. À suivre certains auteurs, le changement serait purement formel , v. not. G. Wicker, « La suppression
de la cause par le projet d’ordonnance : la chose sans le mot ? », D. 2015, p. 1557.
4. Sous-Section 3 : « Le contenu du contrat » (art. 1162 à 1171 C. civ).
129
Licéité
319. Deux blocs de règles. L’exigence d’un contenu licite s’apprécie classiquement
au regard de l’ordre public (I). Depuis quelques années les droits fondamentaux
ont une influence croissante sur le droit des contrats (II).
I. L’ordre public
320. On présentera la notion d’ordre public (1) puis le contrôle de la conformité
du contrat à l’ordre public (2).
1. Sur cette notion, v. J.-J. Lemouland, G. Piette et J. Hauser, Rép. Civ. Dalloz, V° Ordre public et
bonnes mœurs ; S. Rials (Dir.), Dictionnaire de la culture juridique, PUF, 2003, V° Ordre public, par
P. Deumier et T. Revet. V. ég. P. Malaurie, Les contrats contraires à l’ordre public (étude de droit civil
comparé : France, Angleterre, URSS), thèse éd. Matot-Braine, Reims, 1953, l’auteur recense plus d’une
vingtaine de définitions.
2. V. J.-J. Lemouland, G. Piette et J. Hauser, Rép. Civ. Dalloz, préc., spéc. n° 1.
3. V. C. Pérès-Dourdou, La règle supplétive, préf. G. Viney, LGDJ, 2004.
4. Sur la part de l’ordre public dans l’ordonnance n° 2016-131 du 10 févr. 2016, portant réforme du
droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, v. C. Pérès, « Règles impératives
et supplétives dans le nouveau droit des contrats », JCP 2016, 454.
130
1. Cass. civ., 4 déc. 1929, DH 1930, p. 50 ; S. 1931, 1, p. 49, note P. Esmein ; G.A., t. 1, n° 13.
2. C. Pérès, « La liberté contractuelle et l’ordre public dans le projet de réforme du droit des contrats de
la chancellerie », D. 2009, p. 381. V. ég. D. Fenouillet, « Les bonnes mœurs sont mortes ! Vive l’ordre
public philanthropique », in Le droit privé à la fin du xxe siècle, Études offertes à P. Catala, Litec, 2001,
p. 487 et s. ; J. Foyer, « Les bonnes mœurs », in Le Code civil, un passé, un présent, un avenir, Dalloz
2004, p. 495 et s., spéc. p. 509 et s.
131
1. V. par exemple art. 1598 C. civ. (concernant la vente), art. 1878 C. civ. (concernant le prêt à usage)
ou encore art. 2260 (concernant le régime de la prescription).
2. J. Mestre et B. Fages, RTD civ. 2003, p. 703.
3. Sur le statut juridique des choses inappropriables et ses insuffisances ; v. not. B. Parance et J. de Saint-
Victor, Repenser les biens communs, éd. CNRS, 2014 ; M. Cornu, F. Orsi et J. Rochfeld, Dictionnaire
des biens communs, PUF 2017.
4. Com., 24 sept. 2003, n° 01-11504, Bull. civ. IV, n° 147 ; D. 2003 somm. p. 2762, obs. P. Sirinelli ;
D. 2004, p. 2863, note C. Caron ; RDC 2004, p. 261, obs. P. Stoffel-Munck.
5. Com., 25 juin 2013, n° 12-17037, Bull. civ. IV, n° 108 ; JCP 2013, 930, note A. Debet ; JCP 2014,
p. 115, obs. J. Ghestin ; RTD civ. 2013, p. 595, note H. Barbier ; D. 2013, p. 1867, note G. Beaussonie ;
D. 2013, p. 1844, note P. Storer, un tel fichier porte atteinte aux droits fondamentaux des personnes
qui y sont mentionnées.
6. Civ. 1, 3 nov. 2004, n° 02-10880, Bull. civ. I, n° 237 ; RDC 2005, p. 263, note D. Mazeaud, « après
avoir souverainement établi que la cause de l’engagement était en réalité l’investiture du candidat par
l’association et l’exercice des fonctions électives sous son étiquette, [la cour d’appel] a reconnu à bon
droit qu’une telle cause était illicite ».
7. Le nom patronymique est inaliénable mais son titulaire peut valablement l’utiliser pour dénommer
une société qu’il fonde ; ayant cédé les parts de la société, il ne peut s’opposer ensuite à ce que celle-ci
132
conserve la dénomination sociale, v. Com., 12 mars 1985, n° 84-17163 (Bordas), Bull. civ. IV, n° 95 ;
D. 1985, p. 471, note J. Ghestin ; JCP 1985, II, 20400, concl. M. Montanier, note G. Bonet ; Gaz.
Pal. 1985, 1, p. 246, note G. Le Tallec ; Rev. sociétés, 1985, p. 607, note G. Parléani ; RTD com. 1986,
p. 245, obs. A. Chavanne et J. Azéma ; GA, t. 1, n° 20,
1. V. TGI Paris, 3 juin 1969, D. 1970, p. 136, note J. P., affaire dite de la « rose tatouée ».
2. Civ. 1, 7 nov. 2000, n° 98-17731, Bull. civ. I, n° 283 ; D. 2001, p. 2400, note Y. Auguet ; JCP 2001,
II, 10452, note Vialla ; JCP 2001, I, 301, n° 16, obs. J. Rochfeld ; D. 2002, somm. p. 930, obs.
O. Tournafond ; Def., 2001, p. 431, obs. R. Libchaber. Sur cette jurisprudence, v. Y. Serra,
« L’opération de cession de clientèle civile après l’arrêt du 7 novembre 2000 : dorénavant on fera
comme d’habitude », D. 2001, chron. p. 2295.
3. Colmar, 9 janv. 1958, D. 1958, p. 163.
4. TGI Paris, 8 nov. 1973, D. 1975, p. 402, note M. Puech, « annule d’office la convention de strip-tease
du 16 février 1971, contraire aux bonnes mœurs dans le sens entendu par l’article 6 du Code civil ;
constate dès lors que l’acte n’a pu être source d’aucune obligation juridique de part et d’autre… ».
Comp. Soc., 12 juin 1991, n° 88-44396, une personne avait été engagée par un contrat de travail à
durée déterminé en qualité d’« artiste de strip-tease » ; victime d’une rupture de son contrat avant terme,
elle obtient une indemnisation pour rupture fautive de son contrat : en sanctionnant la rupture du
contrat, la Cour de cassation admet semble-t‑il implicitement sa validité.
133
1. Civ. 1, 7 oct. 1998, n° 96-14359, Bull. civ. I, n° 285 ; D. 1998, p. 563, conc. J. Sainte-Rose, JCP 1998,
éd. G., II, 10202, note M.-H. Maleville ; G.A., t. 2, n° 158.
2. Nullité du contrat conclu pour permettre l’installation d’une maison de tolérance : Civ., 26 mars 1860,
DP 1860, 1, 255 ; Civ, 8 oct. 1957, D. 1958, p. 317, note P. Esmein. V. ég. Civ., 8 janv. 1964,
D. 1964, p. 267.
134
135
1. V. not. A. Debet, L’influence de la convention européenne des droits de l’homme sur le droit civil, préf.
L. Leveneur, Dalloz, 2002.
2. Projet d’ordonnance de 2015, art. 1102 : « La liberté contractuelle ne permet pas […] de porter atteinte
aux droits et libertés fondamentaux reconnus dans un texte applicable aux relations entre personnes
privées, à moins que cette atteinte soit indispensable à la protection d’intérêts légitimes et proportion-
nelle au but recherché ».
3. Sur cette question, v. J. Raynaud, « L’impact des droits fondamentaux sur le contrat… dans les manuels
de droit des obligations », RDLF 2019, chron. n° 1.
4. Par ex. P. Malaurie, L. Aynès et P. Stoffel-Munck, n° 649 ; F. Terré, P. Simler, Y. Lequette et
F. Chénedé, n° 501 et s.
136
1. V. art. 1102 du projet d’ordonnance de 2015, préc. V. ég. C. trav. art. L. 121-1.
2. Par exemple, le principe de prohibition des engagements perpétuels (sur lequel, v. infra, n° 618) est
lié à la liberté découlant de l’article 4 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 :
Cons. const., 9 nov. 1999, D.C. n° 99-419, JO n° 265 du 16 novembre 1999.
3. Civ. 3, 6 mars 1996, n° 93-11113, Bull. civ. III, n° 60 ; D. 1997, p. 167, obs. B. De Lamy ;
RTD civ. 1996, p. 580, obs. J. Hauser ; JCP 1996, I, 3958, obs. C. Jamin ; RTD civ. 1996, p. 897,
obs. J. Hauser ; ibid. p. 1024, obs. J.-P. Marguénaud ; V. ég. dans le même sens : Civ. 3, 22 mars 2006,
n° 04-19349, Bull. civ. III, n° 60 ; RDC 2006, p. 1149, obs. J.-B. Seube ; RTD civ. 2006, p. 722, obs.
J.-P. Marguénaud.
4. Soc., 12 janv. 1999, n° 96-40755, Bull civ. IV n° 7 ; D. 1999, somm. p. 645, obs. J.-P. Marguénaud
et J. Mouly ; RTD civ. 1999, p. 358, obs. J. Mestre : la restriction au libre choix du domicile par
l’employeur « n’est valable qu’à la condition d’être indispensable à la protection des intérêts légitimes
de l’entreprise et proportionnée, compte tenu de l’emploi occupé et du travail demandé, au but
recherché ».
137
1. Civ. 3, 12 juin 2003, n° 02-10778, Bull civ. III, n° 125 ; RDC 2004, p. 231, obs. J. Rochfeld.
2. Civ. 2, 10 mars 2004, n° 03-10154, Bull civ. III, n° 101 ; RDC 2004, p. 938, obs. P. Stoffel-Munck ;
Resp. civ. ass., n° 20, obs. D. Noguéro ; RTD civ. 2005, p. 133, obs. J. Mestre et B. Fages.
3. Civ. 1, 16 déc. 2015, n° 14-29285, D. 2016, p. 566, obs. M. Mekki ; RTD civ. 2016, p. 339, obs.
H. Barbier ; ibid. p. 424, obs. M. Grimaldi.
4. Civ. 3, 18 déc. 2002, n° 01-00519, Bull. civ. III, n° 262 ; RJPF avr. 2003, n° 4, p. 9-10, note
E. Garaud ; RTD civ. 2003, p. 290, note J. Mestre et B. Fages.
138
Détermination
338. Il ne suffit pas que le contenu du contrat soit licite, il faut encore qu’il
soit certain (art. 1128 C. civ.). Cette exigence concerne plus particulièrement la
prestation qui doit être « déterminée ou déterminable » (art. 1163 al. 2 C. civ.).
Le Code civil indique comment il faut entendre le caractère déterminable : « La
prestation est déterminable lorsqu’elle peut être déduite du contrat ou par référence
aux usages ou aux relations antérieures des parties, sans qu’un nouvel accord des
parties soit nécessaire » (art. 1163 al. 3 C. civ.). À l’inverse, la prestation n’est pas
déterminable si un nouvel accord des parties est nécessaire pour la fixer, ou si l’une
des parties dispose de la faculté d’en déterminer seule le contenu : dans ce cas, les
parties ne se sont pas accordées et il n’y a pas contrat.
Le contrat peut ouvrir un choix entre plusieurs prestations : on parle d’obligation
alternative1 (art. 1307 et s. C. civ.). Par exemple, la vente pourra être exécutée
par la livraison de tel objet ou de tel autre. Le choix appartient en principe au
débiteur (art. 1307-1 C. civ.), mais il est possible aux parties de donner le choix
au créancier2. En cas d’impossibilité d’exécuter une prestation, le débiteur n’est
pas libéré : il devra exécuter « l’une des autres » (art. 1307-3 C. civ.).
L’exigence du caractère déterminé ou déterminable de la prestation s’applique de
façon différente selon que la prestation porte sur une chose (I), sur un service (II)
ou bien sur une somme d’argent (III).
1. C. civ., art. 1307 et s. L’article 1308 prévoit une obligation « facultative », qui est une variante de
l’obligation alternative : le débiteur est tenu d’une prestation (livrer tel bien) mais il a la possibilité de
se libérer en fournissant une autre prestation (livrer tel autre bien). Le principal intérêt de la distinction
entre obligation alternative et obligation facultative réside dans les conséquences d’une impossibilité
d’exécuter : à la différence de l’obligation alternative, l’obligation facultative est éteinte si l’exécution
de la prestation initialement prévue est impossible.
2. Par ex. : Civ. 1, 9 avr. 2015, n° 14-15377, Bull. civ. I, n° 87 ; JCP 2015, 760, note C. Lachièze, une
agence de voyages proposait un séjour comportant, pour une journée déterminée, une option entre
deux activités différentes.
139
1. Existence de la chose
340. Chose présente ou future. Selon l’article 1163 du Code civil « l’obligation
a pour objet une prestation présente ou future ».
Le plus souvent l’obligation a pour objet une chose présente, c’est-à‑dire une chose
qui existe lors de la conclusion du contrat. Une chose qui n’existe plus ne peut en
principe faire l’objet d’un contrat. S’agissant de la vente, l’article 1601 du Code
civil prévoit que « si au moment de la vente la chose vendue était périe en totalité,
la vente serait nulle ». Par exemple est nulle la vente d’une chose périmée1 ou la
cession d’un brevet inexistant2.
L’obligation contractuelle peut avoir pour objet une chose future, c’est-à‑dire une
chose qui n’existe pas lors de la formation du contrat mais qui existera à la date
de son exécution. Dans les relations d’affaires l’hypothèse d’un contrat portant sur
une chose future n’a rien d’exceptionnel ; il est courant qu’un producteur vende
à un détaillant une chose à fabriquer, une récolte en culture… Que se passe-t‑il
si la chose n’existe pas au moment prévu de l’exécution ? Sous réserve des règles
particulières applicables à certains contrats3, le contrat devient caduc.
Par exception certains contrats ne peuvent porter sur une chose future
(article 722 C. civ. : prohibition des pactes sur succession future ;
art. L. 131-1 C. prop. int. : prohibition de toute cession globale par un auteur de
ses droits sur ses œuvres futures).
341. Contrat aléatoire. Bien que le Code civil ne le prévoie pas expressément, la
liberté contractuelle permet aux parties de conclure un contrat aléatoire portant
sur une chose dont l’existence est incertaine. Tel est le cas par exemple lorsqu’une
personne achète « à ses risques et périls » le stock de marchandises d’une entreprise
en liquidation judiciaire.
140
141
1. Règle de principe
348. Exigence de détermination du prix. L’article 1163 alinéa 2 du Code civil
découlant de l’ordonnance du 10 février 2016 prévoit que « la prestation […]
doit être déterminée ou déterminable ». Le texte vise toute prestation sans distinc-
tion aucune ; il est donc applicable à la prestation monétaire2. La règle de principe
est donc que la prestation monétaire doit être déterminée ou déterminable. Deux
exceptions sont cependant prévues.
1. Ass. plén., 1er déc. 1995, n° 93-13688, Bull. A.P., n° 9 ; D. 1996, p. 13, concl. M. Jéol, note L. Aynès ;
JCP 1996, II, 22565, note J. Ghestin ; Pet. Aff. 27 déc. 1995, p. 11, note D. Bureau et N. Molfessis ;
RTD civ. 1996, p. 153, note J. Mestre ; Def., 1996, p. 747, obs. P. Delebecque ; G.A., t. 2, n° 152.
2. V. en ce sens : A. Bénabent, n° 162 in fine ; O. Deshayes, T. Génicon et Y.-M. Laithier, p. 266 et s. ;
M. Fabre-Magnan, n° 399 ; G. Chantepie et M. Latina, n° 414 et s. ; F. Terré, P. Simler, Y. Lequette
et F. Chénedé, n° 377 et s. Contra : J. Moury, « La détermination du prix dans le “nouveau” droit
commun des contrats », D. 2013, p. 1013, spéc. n° 3 et s. ; J. Moury, « Retour sur le prix : le champ
de l’article 1163, alinéa 2, du Code civil », D. 2017 p. 1209.
142
1. V. par ex. Ass. plén., 1er déc. 1995, n° 91-19653, Bull. A.P., n° 8.
2. L’ord. n° 2016-131 du 20 févr. 2016 n’avait prévu la possibilité de résolution que pour les contrats
cadre ; la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018, ratifiant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016,
l’a étendue aux contrats de prestation de service.
3. Voc. Jur. Capitant, V° Prestation de service : « a/ Terme générique englobant, à l’exclusion de la four-
niture de produits (en pleine propriété), celle de tout avantage appréciable en argent (ouvrage, travaux,
gestion, conseil, etc.) en vertu des contrats les plus divers (mandat, entreprise, contrat de travail, bail,
assurance, prêt à usage, etc.) ».
143
Équilibre
351. L’équilibre des prestations n’est pas, en principe, une condition de validité du
contrat. Aucune disposition de portée générale n’exige un équilibre économique
du contrat, et c’est heureux car une telle exigence serait contraire à la liberté
contractuelle. Mais ce principe connaît certaines exceptions, le droit sanctionnant
dans certains cas le déséquilibre contractuel. Certaines dispositions sanctionnent
le déséquilibre entre les prestations principales (I) tandis que d’autres stigmatisent
les clauses accessoires qui, insidieusement, déséquilibrent le contrat (II).
1. Com., 21 avril 1980, n° 78-13943, Bull. civ. IV, n° 153, le prétendu caractère léonin du prix n’est pas
une cause de nullité du contrat.
2. Civ. 1, 4 juill. 1995, n° 93-16198 ; Bull. civ. I, n° 303 ; Cont. Conc. Cons. 1995, n° 181, obs.
L. Leveneur ; RTD civ. 1995, p. 881, obs. J. Mestre, à la suite d’une erreur d’étiquetage, une personne
achète au prix de 100 000 F chez Cartier un bijou dont la valeur réelle est de 460 419 F ; la Cour d’appel
ayant relevé dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation que le prix payé « n’apparaissait
nullement dérisoire […] en a justement déduit que, même si la valeur réelle du bijou était supérieure
au prix demandé, la vente n’était pas nulle pour absence de cause ».
3. Civ. 1, 10 juill. 2002, n° 00-14220, Bull. civ. I, n° 194.
144
1. L’application de l’art. 1169 dans les contrats unilatéraux soulève cependant certaines interrogations ;
v. not. F. Terré, P. Simler, Y. Lequette, et Chénedé, n° 415 et s.
2. V. Civ. 1, 25 avr. 1990, n° 88-12157 et n° 88-12296, Bull. civ. III, n° 88, le contrat de présentation
est nul car aucune clientèle n’est attachée aux fonctions d’administrateur judiciaire. V. ég. Civ. 1,
10 févr. 1993, n° 91-13595.
3. V. Civ. , 18 avr. 1953, n° 53-06152, Bull. civ. I, n° 128, la nullité est prononcée au motif que le généa-
logiste « n’avait rendu [à sa cliente] aucun service et qu’il n’avait couru aucun aléa et que l’existence
de la succession devait normalement parvenir à la connaissance de l’héritière sans l’intervention du
généalogiste ».
4. V. en ce sens : Civ. 3, 18 juill. 2001, n° 99-17496, Bull. civ. III, n° 101. V. ég. Civ. 3, 16 déc. 1998,
n° 97-11541, Bull. civ. III, n° 256.
5. Civ. 1, 20 oct. 1981, n° 80-14741, Bull. civ. I, n° 301, « dès lors qu’il a été constaté que le prix d’une
vente n’était pas sérieux, l’acte est inexistant ».
145
2. Sanction de la lésion
355. Contrôles prévus par la loi. La lésion, définie comme le préjudice résultant
du défaut d’équilibre des prestations contractuelles au moment de la conclusion du
contrat, n’est pas sanctionnée de façon générale mais dans certains cas seulement3
(art. 1168 C. civ. ; ancien art. 1118).
Dans le Code civil, la lésion n’est sanctionnée que dans trois cas :
Les incapables. Le mineur (art. 1149 C. civ.) ou le majeur incapable (art. 435 et
465 C. civ.) qui accomplit seul un acte de la vie courante pourra obtenir la nullité
s’il démontre que cet acte lui cause une lésion. Dans ces hypothèses, la lésion est
exigée comme une condition supplémentaire : l’acte irrégulier doit en plus être
lésionnaire pour encourir la nullité.
La vente d’immeuble. Le vendeur d’un immeuble qui est lésé de plus des sept dou-
zièmes (c’est-à‑dire s’il reçoit moins de cinq douzièmes de la valeur de l’immeuble)
peut demander la rescision (art. 1674 C. civ.).
Le partage. Le copartageant qui subit une lésion de plus du quart (c’est-à‑dire s’il
reçoit un lot inférieur aux trois quarts de ce à quoi il a droit) peut demander un
complément de part (art. 889 C. civ.).
En dehors du Code civil, diverses dispositions sanctionnent la lésion. On donnera
quelques exemples :
Ventre d’engrais. La loi du 8 juillet 1907 permet à l’acheteur d’engrais, de semences
ou de plants destinés à l’agriculture lésé de plus du quart de demander une réduc-
tion du prix et des dommages et intérêts.
1. Civ. 3, 3 mars 1993, n° 91-15613, Bull. civ. III, n° 28 ; JCP 1994, I, n° 3744, obs. M. Fabre-Magnan ;
RTD civ. 1994, p. 124, obs. P.-Y. Gautier, la vente de certains biens professionnels pour le prix
d’un franc symbolique ne pouvait être dissociée de la reprise de dette, l’ensemble « formant un tout
indivisible ».
2. V. en ce sens : Civ. 3, 18 juill. 2001, préc. ; v. cep. Civ. 3, 29 avr. 1988, préc., décidant que la vente
est inexistante : Civ. 1, 20 oct. 1981, préc., « dès lors qu’il a été constaté que le prix d’une vente n’était
pas sérieux, l’acte est inexistant ».
3. G. Chantepie, La lésion, préf. G. Viney, LGDJ, 2006.
146
1. Jurisprudence constante depuis : Civ. 29 janv. 1867, DP 1867, 1, 53 ; S. 1867, 1, 245 ; G.A.,
t. 2, n° 266. La réductibilité ne peut être écartée par la volonté des parties : Civ. 3, 20 févr. 1973,
Bull. civ. III, n° 145 (clause prévoyant que la rémunération était « irréductible et forfaitaire »).
2. Civ. 1, 3 juin 1986, n° 85-10486, Bull. civ. I, n° 150 (expert-comptable) ; Civ. 1, 3 mars 1998,
n° 95-15799, Bull. civ. I, n° 85 ; JCP 1998, II, 10115, note J. Sainte-Rose (avocat) ; Civ. 1,
21 févr. 2006, n° 02-14326, Bull. civ. I, n° 100 ; JCP 2006, IV, n° 1582 (généalogiste).
3. Civ. 1, 3 juin 1986, préc., « les tribunaux peuvent, quand une convention a été passée en vue de
l’exécution de travaux donnant lieu à honoraires, réduire ces derniers lorsqu’ils paraissent exagérés,
pourvu qu’ils n’aient pas été versés en connaissance du travail effectué et après service fait ».
4. Req., 6 mai 1946, RTD civ. 1946, p. 324, obs. J. Carbonnier.
5. Civ. 3, 16 nov. 2010, n° 09-17293 ; Cont. Conc. Cons. 2011, n° 25, obs. Leveneur.
147
1. Droit de la consommation
360. Premières vues. Dès 1978, le législateur a adopté un dispositif de lutte
contre les clauses abusives en droit de la consommation. Ce dispositif a été modifié
plusieurs fois, notamment par une loi du 1er février 1995 transposant la directive
européenne n° 93/13 CEE du 5 avril 1993. Il figure aujourd’hui à l’article L. 212-1
du Code de consommation : « Dans les contrats conclus entre professionnels et
non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet
ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur,
un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».
361. Contrats concernés. L’article L. 212-1 du Code de la consommation ne
s’applique qu’aux contrats conclus entre un professionnel et un consommateur ou
non-professionnel. Ces notions sont désormais clairement définies dans un article
liminaire du Code de la consommation :
–– consommateur : « toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent
pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libé-
rale ou agricole » ;
–– non-professionnel : « toute personne morale qui n’agit pas à des fins
professionnelles » ;
–– professionnel : « toute personne physique ou morale, publique ou privée,
qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, indus-
trielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu’elle agit au nom ou
pour le compte d’un autre professionnel ».
148
1. V. C. Lachièze, « Clauses abusives et lésion : la légalisation d’une relation controversée », Pet. Aff.
2 juill. 2002, p. 4 et s.
2. V. X. Lagarde, « Qu’est-ce qu’une clause abusive ? Étude pratique », JCP 2006, I, 110.
3. Art. L. 822-4 et s. et R. 822-18 et s. C. cons.
149
2. Droit de la concurrence
364. Contrats concernés. Les professionnels peuvent se trouver confrontés à
des partenaires économiques plus puissants leur imposant des clauses abusives.
Or ils ne sont pas protégés par le Code de la consommation. C’est pourquoi le
législateur est intervenu par la loi de modernisation de l’économie n° 2008-776 du
4 août 2008 pour introduire dans le droit de la concurrence, au titre des pratiques
restrictives de concurrence3, un dispositif de lutte contre les clauses abusives.
365. Clauses concernées. Selon l’article L. 442-1, I, 2°, du Code de commerce,
engage la responsabilité de son auteur le fait de « soumettre ou de tenter de sou-
mettre l’autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les
droits et obligations des parties ». Le critère de l’abus retenu par l’article 442-1, I,
est donc le même que celui de l’article L. 212-1 du Code de la consommation :
c’est le déséquilibre significatif.
366. Sanction. S’agissant de la sanction des clauses abusives, le dispositif du droit
de la concurrence présente certaines différences avec le dispositif consumériste.
D’abord, il réprime la simple tentative (le fait de « tenter de soumettre » un parte-
naire à des obligations créant un déséquilibre significatif4).
150
3. Droit commun
367. L’ordonnance du 10 février 2016 a introduit dans le Code civil deux dispo-
sitions sanctionnant les clauses accessoires déséquilibrant le contrat : l’une prohibe
les clauses créant un « déséquilibre significatif » dans les droits et obligations des
parties (A), et l’autre prohibe les clauses privant de sa substance l’obligation essen-
tielle (B).
1. Com., 25 janv. 2017, n° 15-23547, décidant que le « déséquilibre significatif » peut « résulter d’une
inadéquation du prix au bien vendu ».
2. Cependant, jugeant que la clause est réputée non écrite : Rouen 12 déc. 2012, RG n° 12/01200 ; Paris,
7 juin 2013, RG n° 11/08674. V. M. Chagny, « L’essor jurisprudentiel de la règle sur le déséquilibre
significatif cinq ans après ? », RTD com. 2013, p. 500.
3. Les termes en italiques ont été ajoutés par la L. n° 2018-287 du 20 avril 2018 ratifiant l’ordonnance
n° 2016-131 du 10 février 2016, préc.
4. Sur ce texte, v. not. D. Fenouillet, « Le juge et les clauses abusives », RDC 2016, p. 358 ; S. Gaudemet,
« Quand la clause abusive fait son entrée dans le Code civil », Cont. Conc. Cons. 2016, Dossier 5 ;
A. Hontebeyrie, « 1171 contre L. 442-6-I 2° : la prescription dans la balance », D. 2016, p. 2180 ;
X. Lagarde, « Questions autour de l’article 1171 », D. 2016, p. 2174 ; M. Mekki, « La réforme du droit
des obligations : questions pratiques », Gaz. Pal. 2016, n° 17 p. 11 ; M. Mekki, « Réforme des contrats
et des obligations : clauses abusives dans les contrats d’adhésion », JCP 2016, act. 1190. Sur le projet
d’ordonnance de 2015 : F. Chénedé, « Le contrat d’adhésion dans le projet de réforme », D. 2015,
p. 1226.
151
1. V. not. P. Stoffel-Munck, « Les clauses abusives : on attendait Grouchy… », Dr. et pat. oct. 2014, p. 56.
2. Ce mode d’interprétation est suggéré par le Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance
n° 2016-131 du 10 février 2016, préc., Sous-Section 3 « Le contenu du contrat ». V. cep. les questions
soulevées par S. Gaudemet, « Quand la clause abusive fait son entrée dans le Code civil », préc., spéc.
n° 9.
3. Chambéry, 18 janv. 2018, n° 16/01710, qui refuse de déclarer abusive une clause de non-
remboursement des frais d’inscription dans une université, au motif que le demandeur ne rapportait
pas la preuve que l’université disposait d’un « pouvoir unilatéral » ou d’un « avantage non réciproque ».
4. L. n° 2018-287 du 20 avril 2018 ratifiant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant
réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, préc.
5. V. not. D. Fenouillet, « Le juge et les clauses abusives », RDC 2016, p. 358, spéc. n° 53.
152
1. V. not. N. Belloubet, séance du 11 déc. 2017, discussion de l’amendement n° 17 rect. : « L’article 1105
du Code civil rappelle à cet égard que les règles générales du droit des contrats ne s’appliquent que sous
réserve des règles particulières à certains contrats. Dans leur majorité, les commentateurs de l’ordon-
nance ont d’ailleurs bien interprété l’article 1171 comme s’appliquant seulement lorsque les textes
spéciaux du Code de la consommation et du Code de commerce, eux, ne sont pas applicables ». V. ég.
F. Pillet, Rapport Sénat n° 22 (2017-2018), au nom de la commission des lois, déposé le 11 oct. 2017 :
« l’article 1171 du Code civil ne peut s’appliquer dans les champs déjà couverts par l’article L. 442-6
[aujourd’hui L. 442-1, I] du Code de commerce et par l’article L. 212-1 du Code de la consommation ».
2. En ce sens : O. Deshayes, T. Génicon, et Y.-M. Laithier, « Ratification de l’ordonnance portant réforme
du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations », JCP 2018, 529, spéc. n° 9
et n° 25.
3. Sur cette disposition, v. not. P. Delebecque, RDC 2015, p. 759.
4. Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, préc.,
p. 10.
5. Com., 22 oct. 1996, n° 93-18632, Bull. civ. IV, n° 261 ; G.A., t. 2, n° 157 ; D. 1997, p. 121, note
A. Sériaux ; Def., 1997, p. 333, obs. D. Mazeaud ; D. 1997, somm. p. 175, obs. P. Delebecque ;
Cont. Conc. Cons. 1997, n° 24, obs. L. Leveneur ; JCP 1997, II, 22881, note D. Cohen ; JCP 1997, I,
4027, n° 17 obs. G. Viney ; JCP 1997, I, 4002, n° 1, obs. M. Fabre-Magnan ; RTD civ. 1997, p. 418,
obs. J. Mestre : au visa de l’ancien art. 1131 C. civ. V. ég. dans le même sens : Com., 30 mai 2006,
n° 04-14974, Bull. civ. IV, n° 132 ; D. 2006, p. 2288 note D. Mazeaud ; Cont. Conc. Cons. 2006,
n° 183, obs. L. Leveneur ; RDC 2006, p. 1075, obs. Y.-M. Laithier ; RTD civ. 2006, p. 773, obs.
P. Jourdain.
153
1. P. Delebecque, Les clauses allégeant les obligations dans les contrats, thèse Aix-Marseille III, 1981, spéc.
n° 132 et s., spéc. n° 175. V. ég. sur l’obligation essentielle dite également obligation fondamentale :
P. Jestaz, « L’obligation et la sanction : à la recherche de l’obligation fondamentale », Études Pierre
Raynaud, Dalloz-Sirey 1985, spéc. p. 279 ; R. Sefton-Green, La notion d’obligation fondamentale :
comparaison franco-anglais, thèse Paris I, 1997. C. Grimaldi, « Les clauses portant sur une obligation
essentielle », RDC 2008, p. 1095. Pour une critique de cette notion, jugée « difficilement saisissable » :
T. Génicon, « Le régime des clauses limitatives de réparation », RDC 2008, p. 982.
2. Une telle clause a pour effet de « ruiner l’opération que le contrat doit réaliser » : P. Delebecque, thèse
préc., n° 145 et s.
3. Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Chronopost du 22 oct. 1996 (préc.) le plafond était dérisoire
(indemnisation limitée au remboursement des frais d’envoi).
4. Com., 29 juin 2010 (arrêt Faurecia « II »), n° 09-11841, Bull. civ. IV, n° 115 ; JCP E 2010, 1790,
note P. Stoffel-Munck ; JCP 2010, note 787, note D. Houtcieff ; D. 2010, p. 1832, note D. Mazeaud ;
Cont. Conc. Cons. 2010, n° 220, obs. L. Leveneur ; RDC 2010, p. 1220 obs. Y.-M. Laithier, et p. 1253,
obs. O. Deshayes : « seule est réputée non écrite une clause limitative de réparation qui contredit la
portée de l’obligation essentielle souscrite par le débiteur ».
5. Civ. 1, 19 déc. 1990, n° 88-12863, Bull. civ. I, n° 303 ; Civ. 1, 14 déc. 2010, nos 08-21606 et
10-10738, Bull. civ. I, n° 200.
154
6. V. not. J. Flour, « Quelques remarques sur l’évolution du formalisme », Études Ripert, 1950, t. 1,
p. 95 et s. ; X. Lagarde, « Observations critiques sur la renaissance du formalisme », JCP 1999, I, 170 ;
J.-.L. Aubert, « Le formalisme, Rapport de synthèse », Def., 2000, p. 931.
2. J. Flour, art. préc.
Le formalisme direct
379. Pour certains contrats, la réunion des conditions de validité énoncées par
l’article 1128 du Code civil n’est pas suffisante pour assurer leur validité. Une
forme est exigée comme condition de validité (ad validitatem). Ces contrats ne
sont pas consensuels : on dit qu’ils sont non consensuels. La catégorie des contrats
non consensuels comprend les contrats solennels (I) et les contrats réels (II).
156
1. Sur la controverse concernant les contrats réels, v. C. Jamin, « Éléments d’une théorie réaliste des
contrats réels », Mélanges Béguin, Litec, 2005, p. 381.
2. V. not. G. Marty et P. Raynaud, n° 62 ; H. L. J. Mazeaud par F. Chabas, n° 82.
157
1. Civ. 1, 28 mars 2000, n° 97-21422, Bull. civ. I, n° 105 ; G.A., t. 2, n° 285 ; D. 2000, p. 482, note
S. Piedelièvre ; JCP 2000, II, 10296, concl. de l’avocat général J. Sainte-Rose ; Def., 2000, p. 720,
obs. J.-L. Aubert. Sur cette jurisprudence, v. F. Grua, « Le prêt d’argent consensuel », D. 2003, chron.
p. 1492.
2. Civ. 1, 7 mars 2006, n° 02-20374, Bull. civ. I, n° 138 ; Cont. Conc. Cons. 2006, n° 128 ; Civ. 1,
14 janv. 2010, n° 08-13160 ; Bull. civ. I, n° 6. ; D. 2010, p. 620, 1er arrêt, note J. François.
3. V. C. Jamin, « Éléments d’une théorie réaliste des contrats réels », préc. ; J.-L. Aubert, obs. préc., Def.,
2000, p. 720.
4. J.-L. Aubert, Def., 2000, p. 720, préc.
158
Le formalisme indirect
I. Le formalisme de preuve
385. Primauté de l’écrit. La preuve a une importance capitale : sans preuve un
droit ne peut être protégé par l’autorité publique. Selon un adage ancien, « c’est la
même chose de ne pas être ou de ne pas être prouvé »1. Les règles relatives à la preuve
des actes juridiques sont regroupées, depuis l’ordonnance du 10 février 20162,
dans un Titre IV bis intitulé : « De la preuve des obligations ».
L’écrit est le mode de preuve privilégié pour les actes juridiques en raison de son
caractère objectif : il est durable et préconstitué, c’est-à‑dire constitué avant la
naissance du litige (le plus souvent lors de la conclusion du contrat).
Il convient de présenter les cas dans lesquels un écrit est exigé (1) et les exigences
auxquelles l’écrit doit satisfaire (2).
1. Idem est non esse aut non probari. V. H. Roland et L. Boyer, Adages du droit français, Litec, 4e éd. 1999,
n° 161.
2. Ord. n° 2016-131 du 10 févr. 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de
la preuve des obligations, JO 11 févr. 2016.
159
B. Les exceptions
389. L’exigence d’une preuve écrite connaît des exceptions diverses.
Impossibilité de l’écrit. L’exigence d’une preuve écrite est écartée en cas d’impos-
sibilité matérielle ou morale de préconstituer une preuve écrite, s’il est d’usage
de ne pas établir d’écrit, ou encore lorsque l’écrit a été perdu par force majeure
(art. 1360 C. civ.). L’impossibilité matérielle se rencontre rarement (elle corres-
pond à des cas d’urgence ou d’illettrisme). L’impossibilité morale peut résulter
des relations familiales, amicales ou hiérarchiques entre les parties ou des usages.
Commencement de preuve par écrit. L’article 1361 C. civ. prévoit qu’il peut être
suppléé à l’écrit par « un commencement de preuve par écrit corroboré par un autre
moyen de preuve ». Le commencement de preuve par écrit est un écrit, émanant
de celui qui conteste l’acte (et non de celui qui veut s’en prévaloir et qui doit
donc faire la preuve), qui ne remplit pas les conditions pour faire preuve mais qui
« rend vraisemblable ce qui est allégué » (art. 1362 C. civ.) ; par exemple : un acte
sous seing privé incomplet1 ou non signé2, une simple lettre dans laquelle il est
fait allusion au contrat3, un reçu4. L’article 1362 alinéa 2 du Code civil assimile
au commencement de preuve par écrit l’attitude d’une partie devant le juge : les
1. Civ. 1, 20 oct. 1993, n° 91-21782, Bull. civ. I n° 292, « s’il résulte de l’article 2015 du Code civil
qu’un acte de cautionnement n’est pas valable lorsqu’il ne comporte pas l’indication du débiteur de
l’obligation garantie, un tel acte peut néanmoins constituer un commencement de preuve par écrit
au sens de l’article 1347 du même Code ».
2. Civ. 1, 17 janv. 1961, Bull. civ. I, n° 41, un texte dactylographié non signé.
3. Com., 10 mai 1994, n° 92-16120, Bull. civ. IV, n° 172.
4. Civ. 1, 28 févr. 1995, n° 92-19097, Bull. civ. I, n° 107, un reçu vaut commencement de preuve d’un
prêt.
160
161
A. L’acte authentique
391. Condition. L’acte authentique est celui qui a été reçu par un officier public
ayant compétence et qualité pour instrumenter (art. 1369 al. 1er C. civ.). Il peut
être dressé sur support papier ou sur support électronique (art. 1369 al. 2 C. civ.).
L’acte authentique doit être rédigé en langue française2, comporter la signature de
l’officier public et l’indication de la date de l’acte.
Les notaires ont le monopole de la réception des actes et contrats auxquels les par-
ties doivent ou veulent donner le caractère authentique3. L’acte reçu par un notaire
est dispensé de toute mention manuscrite exigée par la loi (art. 1369 al. 3 C. civ.).
L’acte qui n’est pas authentique du fait de l’incompétence ou de l’incapacité du
1. Civ. 3, 17 avr. 1991, n° 89-15898, Bull. civ. III, n° 124 ; Civ. 1, 31 mars 1992, n° 90-17714,
Bull. civ. I, n° 98 ; JCP 1993, I, 3676, note F.-X. Testu, la preuve de l’existence d’un don manuel
consenti à l’un des héritiers d’une succession par leur auteur peut être faite par tous moyens par les
cohéritiers. Civ. 1, 3 juin 2015, n° 14-19825, Cont. Conc. Cons. 2015, n° 222, L. Leveneur, le tiers
qui invoque un mandat donné à son interlocuteur peut le prouver par tous moyens.
2. L’Ord. de Villers-Cotterêts de 1539, art. 111, impose que les décisions de justice et les actes de procé-
dure soient rédigés en français.
3. Ord. n° 45-2590 du 2 novembre 1945, art. 1er.
162
1. La procédure d’inscription de faux contre les actes authentiques est prévue aux art. 303 et s. CPC.
2. Civ. 1, 26 mai 1964, Bull. civ. I, n° 274 ; D. 1964, p. 627 : l’acte notarié précisait que le prix avait été
versé « par un mandataire de l’acquéreur, porteur de deniers, en la vue du notaire » ; la Cour d’appel
avait décidé que la preuve pouvait être faite par tous moyens : cassation.
3. Civ. 1, 25 mai 1959, Bull. civ. I, n° 265.
4. Civ. 3, 27 févr. 2008, n° 07-10222, Bull. civ. III, n° 35. V. ég. Civ. 1, 16 juill. 1969, Bull. civ. I, n° 277.
5. Le mot « seing » désigne la signature.
163
164
1. Ou leurs héritiers : Soc., 20 nov. 1965, Bull. civ. IV, n° 970 ; Civ. 3, 18 déc. 2002, n° 00-19371,
Bull. civ. III, n° 270 ; Def., 2003, p. 849, obs. R. Libchaber.
2. L. n° 2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines
professions réglementées, JO 29 mars 2011.
3. C. Jamin, « Surfer sur la vague… Réflexions de lege ferenda sur la création d’un acte sous signature
juridique » Mélanges Gilles Goubeaux, Dalloz-LGDJ, 2009, p. 285.
4. Sur cet acte, v. D. Mazeaud, « L’acte sous seing privé contresigné par avocat », RDC 2011, p. 763 ;
P. Théry, « L’acte contresigné par un avocat », Dr. et pat. 2011, n° 203, p. 62 ; C. Jamin, « L’acte
d’avocat », D. 2011, p. 960.
5. La procédure de faux qui lui est applicable est celle de faux en écriture privée, qui est moins lourde
que celle de faux contre les actes authentiques.
6. Comme le rappelle l’article 1173 du Code civil, les formes exigées aux fins de preuve ou d’opposabilité
sont sans effet sur la validité des contrats.
165
1. V. J. Carbonnier, n° 46.
2. La loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, JO 18 mars 2014, a substitué l’expres-
sion « contrats conclus hors établissement » à celle de « démarchage ».
3. Le constat est largement partagé : G. Couturier, « Les finalités et les sanctions du formalisme »,
Def., 2000, p. 880 et s. ; V. Magnier, « Les sanctions du formalisme informatif », JCP 2004, I, 106 ;
X. Lagarde, « Observations critiques sur la renaissance du formalisme », JCP 1999, I, 170, spéc. n° 19 ;
C. Ouerdane-Aubert de Vincelles, Altération du consentement et efficacité des sanctions contractuelles,
thèse, Dalloz, 2002, no 214 et s. ; J. Ghestin, G. Loiseau et Y.-M. Serinet, La formation du contrat,
t. 1, Le consentement, LGDJ, 2013, n° 1003.
166
1. Violation de l’art. L. 330-3 C. com. : Com., 10 févr. 1998, n° 95-21906, Bull. civ. IV, n° 71 ;
D. 1998, somm. p. 334, obs. D. Ferrier ; Cont. conc. cons. 1998, comm. 55, obs. L. Leveneur ; Def.,
1998, p. 733, obs. P. Delebecque ; RTD civ. 1998, p. 365, ob. J. Mestre ; Com., 21 nov. 2000,
n° 98-12527, Cont. conc. cons. 2001, comm. 20, obs. L. Leveneur ; Com., 20 mars 2007, n° 06-11290,
Cont. conc. cons. 2007, comm. 167, obs. L. Leveneur : « en déduisant un vice du consentement du
franchisé du seul manquement du franchiseur à son obligation d’information précontractuelle, la
cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ». Violation de l’art. L. 211-10 C. tourisme
(dont le contenu figurait auparavant à l’art L. 211-11 C. tourisme) : Com., 17 déc. 2013, 12-25365,
Bull. civ. IV, n° 186, Cont. conc. cons. 2014, comm. 59, obs. L. Leveneur ; Comm. com. électr. 2014,
comm. 16, obs. G. Loiseau ; Rev. dr. transp. 2014, comm. 14, obs. I. Bon-Garcin ; JCP E 2014, note
C. Lachièze. V. C. Lachièze, Droit du tourisme, préc., n° 277.
2. Civ. 1, 7 oct. 1998, n° 96-17829, Bull. civ. I, no 290 ; JCP 1999, II, 10039, note S. Gervais ;
RTD civ. 1999, p. 384 ; Civ. 1, 7 déc. 2004, n° 01-11823, Bull. civ. I, no 303 ; JCP 2005, II, 10160,
note N. Rzepecki ; RDC 2005, p. 232, obs. D. Fenouillet ; RTD civ. 2005, p. 389, obs. J. Mestre et
B. Fages.
167
La distinction de la nullité
et des notions voisines
401. La nullité se caractérise par sa cause (elle sanctionne une condition de for-
mation de l’acte) et par ses effets (elle anéantit rétroactivement l’acte). La nullité
ne doit pas être confondue avec d’autres sanctions.
402. Caducité. La caducité1 est la sanction qui frappe un contrat régulièrement
formé lorsque l’un de ses éléments essentiels vient à disparaître (art. 1186, al. 1er,
C. civ.). Comme la nullité, elle touche aux éléments essentiels de l’acte. Mais
alors que la nullité sanctionne la formation de l’acte, la caducité frappe un acte
régulièrement formé mais qui perd, après sa formation, un élément essentiel. À la
différence de la nullité, la caducité n’a en principe pas d’effet rétroactif ; elle peut
cependant donner lieu à restitution dans certaines circonstances (art. 1187 C. civ.).
Les applications de la notion de caducité sont diverses. Voici quelques exemples :
la promesse unilatérale de vente est caduque en cas de non-levée de l’option par
le bénéficiaire (v. supra, n° 244) ; le contrat sous condition suspensive est caduc
lorsque celle-ci défaille (v. supra, n° 258) ; le testament est caduc si le bénéficiaire
décède avant le testateur (art. 1039 C. civ.) ; le contrat intuitu personae est caduc
au décès du contractant dont la personnalité était déterminante du contrat (v. par
ex. art 2003 C. civ., le mandat est caduc en cas de décès du mandataire ou du
mandant).
1. Sur la notion de caducité, v. Y. Buffelan-Lanore, Essai sur la notion de caducité des actes juridiques en
droit civil, préf. P. Hébraud, LGDJ, 1963 ; F. Garron, La caducité du contrat, préf. J. Mestre, PUAM,
2000 ; C. Pelletier, La caducité des actes juridiques en droit privé français, préf. P. Jestaz, L’Harmattan,
2004 ; R. Chaaban, La caducité des actes juridiques, Étude de droit civil, préf. Y. Lequette, LGDJ, 2006.
V. ég. C. Brenner, Rép. Civ. Dalloz, V° Acte, 2006, n° 158 et 159 ; V. Wester-Ouisse, « La caducité
en matière contractuelle : une notion à réinventer », JCP 2001, I, 290.
169
170
171
407. Rôle du juge. L’article 1178 du Code civil dispose : « La nullité doit être
prononcée par le juge, à moins que les parties ne la constatent d’un commun
accord ». Ce texte indique que la nullité a en principe un caractère judiciaire. Le
juge a un rôle essentiel dans la mise en œuvre de la nullité.
Le juge saisi d’une demande en annulation doit en principe prononcer la nullité
dès lors que les conditions en sont réunies : on dit que la nullité est de droit (ce
qui signifie qu’elle a un caractère obligatoire pour le juge). Par exception cepen-
dant, le juge a parfois le pouvoir d’apprécier s’il y a lieu ou non de prononcer
la nullité dont les conditions sont réunies : la nullité est dite facultative (par ex.,
art. 464 C. civ. prévoyant que les actes passés par un majeur dans la période qui
a précédé son placement sous tutelle pourront être annulés).
Le juge a la possibilité de soulever d’office un cas de nullité, qu’il s’agisse de nullité
relative ou de nullité absolue, en raison du rôle dynamique que lui confère le Code
de procédure civile1. Le juge en effet est tenu de trancher le litige « conformément
aux règles de droit qui lui sont applicables » et de « restituer aux faits leur exacte
qualification » (art. 12, al. 1er et 2, CPC). Cependant le rôle dynamique du juge
n’est pas sans limites : il ne doit se fonder que sur des faits qui sont dans le débat
(art. 7, al. 1er, CPC) et il doit respecter le principe du contradictoire (art. 16,
al. 2, CPC).
408. Plan. La mise en œuvre de la nullité est gouvernée par la distinction des
nullités relatives et des nullités absolues. Il convient d’exposer le critère de la
1. Civ. 1, 22 mai 1985, n° 84-13353, Bull. civ. I, n° 159 ; RTD civ. 1986, p. 148, obs. J. Mestre, un
mandat avait été donné à un agent immobilier sans limitation de durée, en violation de l’art. 7 de la
loi du 2 janvier 1970 ; l’agent immobilier réclamait sa rémunération ; la Cour de cassation décide que
« la Cour d’appel était fondée à relever d’office le moyen tiré de l’article 7 de la loi du 2 janvier 1970 ».
Civ. 3, 20 nov. 1985, n° 84-13353 Bull. civ. III, n° 153, le juge peut soulever d’office une nullité pour
vice du consentement. En droit de la consommation, le juge « écarte d’office, après avoir recueilli les
observations des parties, l’application d’une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du
débat » (art. R. 632-1 C. cons.).
172
1. La théorie classique
410. Nullité relative, nullité absolue, inexistence. La théorie classique, élaborée
par la doctrine civiliste du xixe siècle, propose une distinction fondée sur la gra-
vité de l’imperfection dont l’acte est atteint. La nullité est relative si un élément
essentiel de l’acte (par exemple le consentement) est vicié. La nullité est absolue
si un élément essentiel de l’acte fait défaut. Enfin l’acte est inexistant lorsqu’il
est atteint d’un défaut si grave que l’on ne peut même pas concevoir qu’il puisse
bénéficier d’une quelconque reconnaissance juridique. À la différence de la nul-
lité, l’inexistence n’a pas besoin d’être prononcée par le juge ; celui-ci se borne à
la constater. L’inexistence échappe ainsi à toutes les règles du régime des nullités
(notamment à la prescription).
411. Critique. Cette théorie fut vivement critiquée dès le début du xxe siècle1
et elle est aujourd’hui rejetée par la doctrine majoritaire2. Cette théorie repose
sur des distinctions qui sont incertaines ; par exemple, comment déterminer si le
consentement est vicié ou s’il fait défaut ?
La théorie classique ne doit pas être méconnue. Elle n’est généralement plus utilisée
aujourd’hui pour faire le départ entre nullité relative et nullité absolue, en raison de
l’imprécision de ses critères. Cependant on observe parfois dans la jurisprudence
1. R. Japiot, Des nullités en matière d’actes juridiques, thèse Dijon, 1909 ; J. Gaudemet, Théorie générale
des obligations, Sirey 1937, réimp. Dalloz 2004.
2. V. not. J. Ghestin, G. Loiseau et Y.-M. Serinet, n° 2132 ; P. Malaurie, L. Aynès et P. Stoffel-Munck,
n° 721 ; F. Terré, P. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, n° 87 et n° 390 ; C. Larroumet, préc., n° 532,
l’auteur qualifie la notion d’inexistence d’« inutile et illogique ».
173
2. La théorie moderne
412. On présentera le critère sur lequel repose la théorie moderne (A) avant de
montrer comment elle est mise en œuvre (B).
A. Critère
413. Le but de la règle transgressée. La théorie moderne des nullités, à laquelle
Japiot a apporté une contribution décisive, envisage la nullité comme un « droit de
critique3 » et s’attache aux intérêts que la nullité a pour but de protéger. Suivant
cette théorie, le critère de distinction entre les nullités relative et absolue se trouve
dans le but de la règle transgressée. La nullité est absolue si la règle transgressée
poursuit un but de protection de l’intérêt général ; la nullité est relative si la règle
transgressée poursuit un but de protection d’un intérêt privé.
La théorie moderne s’était progressivement imposée dans la jurisprudence ; elle a
été pleinement consacrée par la réforme du droit des contrats4. L’article 1179 du
Code civil énonce : « La nullité est absolue lorsque la règle violée a pour objet la
sauvegarde de l’intérêt général. Elle est relative lorsque la règle violée a pour seul
objet la sauvegarde d’un intérêt privé ».
B. Mise en œuvre
414. Les nullités relatives. Les vices du consentement, l’incapacité d’exercice, la
lésion sont sanctionnées par la nullité relative5. Il en est de même s’agissant de la
nullité pour absence d’un élément essentiel du contrat6. La transgression d’une
1. V. par ex. : Civ. 1, 5 mars 1991, n° 89-17167, D. 1993, p. 508, note L. Collet, l’arrêt décide que le
contrat de prêt est « inexistant » en raison de l’absence totale de consentement. Civ. 1, 10 juin 1986,
n° 84-14241, Bull. civ. I, n° 159, RTD civ. 1987, p. 535, obs. J. Mestre, l’arrêt se réfère implicitement
à l’inexistence en décidant qu’« il ne pouvait y avoir prescription de l’action en nullité d’un acte auquel
faisait défaut l’un de ses éléments essentiels ». V. H. Adida-Canac, « Actualité de l’inexistence des actes
juridiques », in La vérité, Rapport annuel 2004 de la Cour de cassation, p. 103 et s.
2. V. en faveur de la théorie de l’inexistence : J. Carbonnier, n° 104 et 109 ; M. Fabre-Magnan, n° 441.
3. R. Japiot, Des nullités en matière d’actes juridiques, thèse Dijon, 1909.
4. Ord. n° 2016-131 du 10 févr. 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de
la preuve des obligations, préc.
5. Civ. 1, 14 janv. 2009, n° 07-16451, Bull. civ. I, n° 6, nullité pour incapacité.
6. Com., 22 mars 2016, n° 14-14218.
174
A. Nullité relative
418. Personne protégée. La nullité relative étant instituée dans un but de pro-
tection d’un intérêt particulier, seule la personne protégée par la règle transgressée
peut exercer le droit de critique (art. 1181 C. civ.). Par exemple, seule la victime
de l’erreur ou du dol peut agir en nullité ; seul l’incapable ou son représentant
peuvent faire sanctionner le défaut de capacité.
419. Autres personnes. Par exception, la nullité peut être invoquée par d’autres
que la personne protégée. Il s’agit notamment des personnes qui deviennent partie
au contrat en cours d’exécution (cessionnaire, ayant cause à titre universel…)
ainsi que des créanciers agissant par la voie de l’action oblique (v. infra, n° 500).
1. Civ. 1, 15 janv. 2000, n° 98-12713, Bull. civ. I, n° 49 ; JCP 2000, II, 10477, note O. Gout ; D. 2000,
p. 275, note C. Rondey (violation des anciens art. L. 311-2, L. 311-8 et L. 311-10 C. cons.).
2. Com., 24 oct. 2000, n° 98-14382, Bull. civ. IV, n° 163 ; RTD com. 2001, p. 427, obs. E. Claudel,
nullité absolue des actes se rapportant à des pratiques prohibées par les articles L. 420-1 C. com.
(ententes) et L. 420-2 C. com. (abus de position dominante ou de dépendance économique).
175
A. Confirmation
425. La confirmation est l’acte unilatéral par lequel la personne titulaire du droit
de critique renonce à invoquer ce droit2. Il convient de préciser le domaine (a)
1. Com., 24 oct. 2000, n° 98-14382, Bull. civ. IV, n° 163 ; RTD com. 2001, p. 427, obs. E. Claudel,
la nullité absolue de tout acte se rapportant à des ententes (art. L. 420-1 C. com.) ou des abus de
position dominante ou de dépendance économique (art. L. 420-2 C. com.) peut être demandée par
les concurrents.
2. C. civ., art. 1182. V. not. G. Couturier, La confirmation des actes nuls, préf. J. Flour, LGDJ, 1972.
176
1. V. par ex. Civ. 3, 7 juill. 1982, n° 81-13361, Bull. civ. III, n° 176, la nullité absolue d’une promesse
unilatérale non enregistrée conformément à l’article 1840 A CGI (aujourd’hui art. 1589-2 C. civ.)
n’est pas susceptible de confirmation.
177
1. V. not. G. Couturier, La confirmation des actes nuls, préf. J. Flour, thèse préc.
178
B. Prescription
434. Le régime de la prescription est différent selon que la nullité est demandée
par voie d’action (a) ou d’exception (b).
a. L’action en nullité
435. Prescription de l’action. Comme toute action en justice, l’action en nullité
est soumise à la prescription extinctive : elle s’éteint en cas de non-usage pendant
un laps de temps déterminé. C’est le besoin de sécurité qui justifie la prescription
extinctive. La sécurité juridique commande en effet de ne pas remettre en cause les
situations de fait (ici, le non-exercice du droit de demander la nullité) qui ont duré
pendant un certain temps de façon paisible. Quieta non movere : ne pas déranger ce
qui est paisible. Comme pour toute prescription, deux questions se posent : celle
du point de départ et celle de la durée du délai.
436. Point de départ du délai. Depuis la loi du 17 juin 20081, le point de départ
de la prescription extinctive est en principe « le jour où le titulaire d’un droit a connu
ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer » (art. 2224 C. civ.). Mais
cette règle est écartée pour les nullités les plus fréquentes.
S’agissant spécialement des vices du consentement, l’article 1144 du Code civil
prévoit que « le délai de l’action en nullité ne court, en cas d’erreur ou de dol,
que du jour où ils ont été découverts et, en cas de violence, que du jour où elle a
cessé ». Cette disposition reprend le contenu de l’ancien article 1304 alinéa 2 du
Code civil.
S’agissant des règles gouvernant la capacité, l’article 1152 du Code civil distingue
trois hypothèses. En premier lieu, à l’égard des actes faits par un mineur, la pres-
cription de l’action ne court que du jour de sa majorité ou de son émancipation.
En deuxième lieu, à l’égard des actes faits par un majeur protégé, la prescription de
l’action ne court que du jour où il en a eu connaissance alors qu’il était en situation
de les refaire valablement. En troisième lieu, à l’égard des héritiers de la personne
sous tutelle ou sous curatelle ou de la personne faisant l’objet d’une habilitation
1. Loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, JO n° 141 du
18 juin 2008.
179
180
440. Qu’elle soit relative ou absolue, la nullité est sanctionnée par la disparition
rétroactive du contrat, ou de certaines clauses seulement. Deux questions doivent
être envisagées : l’étendue de la nullité (I) et la rétroactivité de la nullité (II).
I. L’étendue de la nullité
441. On peut distinguer deux principales hypothèses : soit la nullité est totale (A)
soit elle est partielle (B).
A. Nullité totale
442. Le contrat qui ne remplit pas les conditions de validité prévues à l’article 1128
du Code civil1 est nul en son entier. Toutes les clauses du contrat disparaissent, y
compris les clauses accessoires telles qu’une clause pénale. Disparaissent également
les accessoires du contrat (notamment les sûretés qui en garantissent l’exécution).
Cependant la convention d’arbitrage, qui peut prendre la forme d’une clause
compromissoire ou d’un compromis, reste valable lorsque le contrat est annulé car
elle est considérée comme autonome par rapport à celui-ci. Cette règle dite d’auto-
nomie de la convention d’arbitrage a été posée par la jurisprudence2 avant d’être
consacrée par le législateur3 (art. 1447 CPC). Cette règle d’autonomie est étendue
à toutes les clauses relatives au litige ; par exemple la clause de compétence4.
181
1. Présomption que l’on trouve notamment dans les Principes d’Unidroit (art. 3.1.16) ainsi que dans les
Principes du droit européen des contrats (art. 4 : 116).
2. Com., 27 mars 1990, n° 88-15092, Bull. civ. IV, n° 93 ; D. 1991, p. 291, note F.-X. Testu ;
RTD civ. 1990, p. 112, obs. J. Mestre : le contrat de location-gérance comportait une clause d’indexa-
tion illicite ; la Cour d’appel avait décidé que la nullité de la clause illicite ne s’étend pas au contrat, alors
que le contrat comportait une clause d’indivisibilité : cassation, pour dénaturation, au vu de l’ancien
article 1134 C. civ.
182
183
184
D. Exceptions à la restitution
456. Dans certaines hypothèses, l’annulation du contrat ne donne pas lieu à res-
titution. Il s’agit soit d’assurer la protection des incapables (a) soit de sanctionner
l’immoralité d’un contractant (b).
a. La protection des incapables
457. Restituer ce qui reste. Lorsque la nullité du contrat est due à la minorité
ou à la mise sous tutelle de l’un des contractants, les restitutions qui sont dues
par celui-ci « sont réduites à hauteur du profit qu’il a retiré de l’acte annulé »
(art. 1352-4 C. civ.). Cette règle assure la protection des mineurs ainsi que des
majeurs sous tutelle. Lorsqu’un mineur ou un majeur sous tutelle vend un bien
en violation des règles relatives à la capacité, l’annulation de la vente devrait lui
imposer de restituer le prix qu’il a perçu. Or il se peut qu’il ait dépensé cet argent.
L’article 1352-4 du Code civil le protège en prévoyant qu’il ne doit restituer que
ce qui lui reste.
185
186
E. Responsabilité
462. Réparer les dommages causés par l’annulation. L’annulation du contrat
peut causer un préjudice à l’une des parties. Il en est ainsi, par exemple, si l’une
des parties a engagé des frais pour réaliser une étude de marché ou si elle a renoncé
à conclure un autre contrat qui lui aurait été profitable.
L’annulation, par elle-même, ne donne pas droit à réparation de ce préjudice. La
réparation du préjudice doit être recherchée sur le fondement du droit commun
de la responsabilité délictuelle (art. 1178, al. 4, C. civ.). L’action ne peut donc être
intentée que dans le cas où la nullité est due à une faute (d’une partie ou d’un tiers).
A. Le principe
464. Opposabilité de la nullité. L’anéantissement rétroactif du contrat est oppo-
sable aux tiers. Cela signifie que les tiers doivent tenir compte de la situation
nouvelle qui résulte de l’anéantissement du contrat. Par exemple, l’annulation
de la vente d’un immeuble loué est opposable au locataire qui doit prendre en
compte la situation nouvelle pour l’exécution de ses obligations, notamment le
paiement des loyers.
187
1. Civ. 3, 13 janv. 1999, n° 96-19735, Bull. civ. III, n° 13 ; JCP 1999, I, 175, n° 6, obs. H. Périnet-
Marquet ; Civ. 3, 30 avr. 2002, n° 00-17356, Bull. civ. III, n° 89, D. 2002, p. 2510, obs.
N. Reboul-Maupin.
188
474. Distinction des parties et des tiers. Comme l’indique l’article 1103 du
Code civil, les contrats ne tiennent lieu de loi qu’à « ceux qui les ont faits ». C’est le
principe de l’effet relatif des contrats qui appelle quelques explications et supporte
des atténuations et des dérogations. On exposera le principe de l’effet relatif des
contrats (Chap. 1) avant de présenter les atténuations et dérogations qui lui sont
apportées (Chap. 2).
475. Le principe de l’effet relatif signifie que le contrat n’est obligatoire qu’à l’égard
des parties contractantes ; il ne s’impose pas aux tiers (art. 1199 C. civ., ancien
art. 1165 C. civ.). Ce principe est un corollaire de la théorie de l’autonomie de la
volonté, qui ne permet pas qu’une personne soit liée par un contrat sans l’avoir
voulu. Pour faire application de ce principe, il convient de déterminer qui sont
les parties (I) et qui sont les tiers (II).
I. Les parties
476. Les parties se définissent essentiellement lors de la formation du contrat (1).
Cependant certaines personnes acquièrent la qualité de partie postérieurement à
la formation du contrat (2).
191
B. Cessionnaires du contrat
482. Cession de contrat. Très présente dans les droits spéciaux où de nombreux
textes l’organisent2 voire l’imposent3, la cession de contrat4 a trouvé sa place dans
les règles du droit commun des contrats avec l’ordonnance du 10 février 20165.
192
1. C. Lachièze, « La cession de contrat, entre objectivisme et subjectivisme », Mélanges Jean Hauser, Lexis-
Nexis Dalloz 2012, p. 867.
2. Com., 6 mai 1997, nos 94-16335 et 95-10252, Bull. civ. IV, nos 117 et 118 ; D. 1997, note M. Billiau
et C. Jamin ; RTD civ. 1997, p. 936, obs. J. Mestre.
3. J. Ghestin, C. Jamin et M. Billiau, n° 1046 (mais les auteurs analysent l’opération comme une « délé-
gation de contrat », emportant création d’un contrat nouveau) ; C. Lachièze, Le régime des exceptions
dans les opérations juridiques à trois personnes en droit civil, préc., n° 296 et s. ; « L’autonomie de la
cession conventionnelle de contrat », D. 2000, p. 184. Contra, soutenant que le contrat est par principe
cessible : L. Aynès, préc., spéc. n° 234.
4. L. Aynès, La cession de contrat et les opérations juridiques à trois personnes, thèse préc.
5. Contra : L. Aynès, « La cession de contrat », art. préc.
193
1. La thèse contraire était défendue avant la réforme par M. Billiau, « Cession de contrat ou “délégation”
de contrat ? », JCP 1994, I, 3758 ; J. Ghestin, C. Jamin et M. Billiau, spéc. n° 1046 et s.
2. V. C. Lachièze, Le régime des exceptions dans les opérations juridiques à trois personnes en droit civil, préc.,
spéc. n° 344 et s.
3. L’affirmation est globalement exacte ; il convient cependant de réserver l’hypothèse des exceptions qui
trouvaient leur fondement dans la personne du cédant et qui ne se retrouveraient pas dans la personne
du cessionnaire : elles seraient bien évidemment inopposables à celui-ci.
194
1. P. Delmas Saint-Hilaire, Le tiers à l’acte juridique, préf. J. Hauser, LGDJ, 2000. V. ég. R. Wintgen,
Étude critique de la notion d’opposabilité : les effets du contrat à l’égard des tiers en droit français et allemand,
préf. J. Ghestin, LGDJ, 2004, l’auteur met en doute l’existence d’un principe général d’opposabilité
du contrat aux tiers.
2. J. Ghestin, C. Jamin et M. Billiau, n° 724.
195
1. Com., 11 oct. 1971, n° 70-11892, Bull. civ. IV, n° 237 ; D. 1972, p. 120, « toute personne qui, avec
connaissance, aide autrui à enfreindre les obligations contractuelles pesant sur lui, commet une faute
délictuelle à l’égard de la victime de l’infraction ». V. ég. Civ. 1, 26 janv. 1999, n° 96-20782, Bull. civ. I,
n° 32 ; D. 1999, p. 263, obs. P. Delebecque ; RTD civ. 1999, p. 405, obs. P. Jourdain ; RTD civ. 1999,
p. 625, obs. J. Mestre, le tiers avait empêché l’exécution d’une obligation de non-concurrence contenue
dans un contrat de cession de clientèle.
2. Civ. 1, 3 janv. 1996, n° 93-20404, Bull. civ. I, n° 7 ; RTD civ. 1996, p. 904, obs. J. Mestre ; Def., 1996,
p. 1022, obs. P. Delebecque, « l’effet relatif du contrat n’interdit pas aux juges de puiser dans un acte
étranger à l’une des parties en cause des éléments d’appréciation de nature à éclairer leur décision ».
3. P. Delebecque, préc.
196
1. Civ. 1, 29 mai 1980, n° 79-11378, Bull. civ. I, n° 164, « les libéralités faites sous le couvert d’actes à
titre onéreux sont valables lorsqu’elles réunissent les conditions de forme requises pour la constitution
des actes dont elles empruntent l’apparence, les règles auxquelles elles sont assujetties quant au fond
étant celles propres aux actes à titre gratuit ».
2. Civ. 1, 22 févr. 1983, n° 81-16061, Bull. civ. I, n° 71, JCP 1985, II, 20359, note J.-P. Verschave.
3. Com., 19 nov. 2002, n° 00-21620, Bull. civ. IV, n° 174 ; Civ. 1, 17 déc. 2009, n° 08-13276,
Bull. civ. I, n° 254 ; JCP 2010, 315, note L. Leveneur, « attendu qu’en cas de fraude, la simulation
peut être prouvée par tous moyens ; il en est ainsi de la dissimulation du prix de vente d’un immeuble,
197
laquelle a notamment pour finalité d’éluder l’application des règles fiscales relatives à l’imposition des
transactions immobilières ».
1. Civ. 3, 9 janv. 1991, n° 89-13865, Bull. civ. III, no 18, pour échapper au droit de préemption appli-
cable en cas de vente, le propriétaire d’une parcelle de 2 hectares 7 évaluée à 73 980 francs l’avait
échangée contre une parcelle de 30 ares 20 centiares d’une valeur de 8 100 francs moyennant une
soulte de 65 880 francs.
198
1. Civ. 1, 8 oct. 1962, Bull. civ. I, n° 405. En ce sens ég. Com., 17 juin 1997, n° 95-14535, Bull. civ. IV,
n° 187 ; JCP 1998, I, 144, obs. G. Viney ; RTD civ. 1998, p. 113, obs. P. Jourdain.
2. Com., 5 avr. 2005, n° 03-19370, Bull. civ. IV, n° 81 ; RDC 2007, n° 687 obs. D. Mazeaud (s’agissant
d’une clause d’exclusivité).
3. Civ. 1, 18 juill. 2000, n° 99-12135, Bull. civ. I, n° 221 ; JCP 2000, II, 10415, rapp. P. Sargos ;
JCP 2001, I, 338, n° 9, obs. G. Viney ; RTD civ. 2001, p. 146, obs. P. Jourdain ; Civ. 1, 13 fév. 2001,
n° 99-13589, Bull. civ. I, n° 35 ; Def., 2001, p. 712, obs. É. Savaux ; Civ. 1, 18 mai 2004, n° 01-13844,
Bull. civ. I, n° 141.
4. Ass. plén., 6 oct. 2006, n° 05-15255, Bull. A.P. n° 9 ; D. 2006, p. 2825, note G. Viney ; JCP 2006,
II, n° 10181, note M. Billiau, concl. Gariazzo ; RTD civ. 2007, p. 123, obs. P. Jourdain ; Def., 2007,
p. 609, note R. Wintgen ; RDC 2007, p. 269, obs. D. Mazeaud ; p. 279, obs. S. Carval ; p. 379, obs.
J.-B. Seube ; G.A, t. 2, n° 177.
5. V. not. F. Terré, P. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, n° 680 ; P. Jourdain, obs. préc.
6. V. not. : Civ. 3, 22 oct. 2008, n° 07-15585, Bull. civ. III, n° 160, RTD civ. 2009, p. 121, obs.
P. Jourdain ; Com., 18 mai 2017, n° 16-11203, Bull. civ. IV, à paraître, D. 2017, p. 1225, note
D. Houtcieff ; RTD civ. 2017, p. 651, obs. H. Barbier, p. 666, obs. P. Jourdain ; RDC 2017, p. 425,
obs. J.-S. Borghetti ; Civ. 1, 28 sept. 2016, nos 15-17033 et 15-17516, à paraître au Bulletin ; D. 2017,
p. 341, note C. Lachièze ; Cont. conc. cons. 2016, comm. 247, obs. L. Leveneur ; Resp. civ. ass. 2016,
p. 342, obs. L. Bloch ; LEDC 2016, n° 10, p. 7, note O. Sabard : le seul manquement à l’obligation de
sécurité envers le voyageur décédé ne suffit pas à caractériser une faute délictuelle envers ses proches.
199
1. Ass. plén., 13 janv. 2020, n° 17-19963, Bull. A.P., à paraître ; JCP 2020, 93, obs. M. Mekki ; D. 2020,
p. 394, M. Bacache ; D. 2020, p. 416, obs. J.-S. Borghetti ; RTD civ. 2020 p. 96, obs. H. Barbier.
200
1. Sur cette question, v. Du Garreau de la Méchenie, « La vocation de l’ayant cause à titre particulier
aux droits et obligations de son auteur », RTD civ. 1944, p. 219 ; J. Flour, J.-L. Aubert et É. Savaux,
n° 439 et s.
2. Jurisprudence constante depuis : Civ., 15 janv. 1918, DP 1918, 1, 17 : « le successeur ou ayant cause
à titre particulier n’est pas, de plein droit et comme tel, directement tenu des obligations personnelles
de son auteur ; que ce principe s’applique même aux conventions que ce dernier aurait passées par
rapport à la chose formant l’objet de la transmission… ».
3. Com., 19 déc. 1995, n° 93-13927, Bull. civ. IV, n° 303 : les contrats d’assurance qui avaient été sous-
crits par le vendeur ne sont pas transmis à l’acheteur ; Com., 4 mai 2010, n° 09-13118, RDC 2010,
p. 1226, obs. D. Mazeaud ; Com., 11 mars 2014, n° 13-12507, l’engagement de non-concurrence
qui avait été souscrit par le vendeur du fonds de commerce n’est pas transmis à l’acheteur.
4. Sur ces cessions légales de contrat, v. E. Jeuland, Rép. Civ. Dalloz, V° Cession de contrat.
201
1. Le porte-fort de ratification
508. Définition. Le porte-fort est la convention par laquelle une personne, que
l’on appelle porte-fort, promet « le fait d’un tiers » (art. 1204 C. civ.). Il existe deux
variantes. Le porte-fort peut promettre que le tiers donnera son consentement à
un contrat (c’est le porte-fort de ratification), ou qu’il exécutera un contrat (c’est
le porte-fort d’exécution). Seul le porte-fort de ratification nous intéresse ici car
il permet d’atténuer les conséquences du principe de l’effet relatif des contrats.
Il se rapproche de la technique de la représentation, et bien souvent il est utilisé
par un représentant qui souhaite s’engager au-delà de ses pouvoirs pour saisir une
affaire qui lui paraît intéressante.
509. Effets. Le porte-fort a souscrit un engagement personnel, qui lui impose
une obligation de résultat : il doit faire en sorte que le tiers consente. Le tiers n’est
nullement engagé : il n’y a donc pas dérogation au principe de l’effet relatif. La
situation peut se dénouer de deux façons différentes.
Le tiers peut ratifier la promesse. Si le tiers ratifie la promesse faite par porte-fort,
il est engagé par l’acte. La ratification a un caractère rétroactif et remonte au jour
202
203
B. Les effets
512. La stipulation pour autrui est une opération triangulaire. On examinera
successivement les « trois côtés du triangle » : les rapports entre le stipulant et le
promettant (a), les rapports entre le promettant et le tiers bénéficiaire (b) et enfin
les rapports entre le stipulant et le tiers bénéficiaire (c).
a. Les rapports entre le stipulant et le promettant
513. Contrat principal. Le stipulant et le promettant sont tous deux parties au
contrat principal. Chacun doit exécuter ses obligations. S’agissant du stipulant, il
est tenu d’exécuter ses obligations envers le promettant (par ex. payer les primes
d’assurance) ; il conserve le droit d’agir en exécution forcée contre le promettant2
(art. 1209 C civ.) et de demander la résolution du contrat.
b. Les rapports entre le promettant et le tiers bénéficiaire
514. Un droit direct dès la stipulation. Le bénéficiaire « est investi d’un
droit direct à la prestation contre le promettant dès la stipulation » (art. 1206
al. 1er C. civ.). Le droit direct du bénéficiaire contre le promettant prend naissance
à la date de la stipulation (et non à la date de l’acceptation qui ne fait que consolider
le droit du bénéficiaire en interdisant au stipulant de révoquer la stipulation). Ni
les créanciers3 du stipulant ni ses héritiers4 ne peuvent émettre aucune prétention
sur cette créance. Le stipulant peut « librement révoquer la stipulation tant que le
bénéficiaire ne l’a pas acceptée. » (art. 1206 al. 2 C. civ.). La révocation anéantit
rétroactivement la stipulation (art. 1207 dernier alinéa C. civ.).
1. Civ. 1, 1er déc. 1987, n° 85-11769, Bull. civ. I, n° 343 ; D. 1989, somm. p. 233, obs. J.-L. Aubert, en
l’espèce le vendeur avait obtenu de l’acquéreur qu’il s’engage à donner le bien à un bénéficiaire qui
serait tenu de l’exploiter.
2. Civ., 12 juill. 1956, D. 1956, p. 749, note J. Radouant ; G.A., t. 2, n° 172.
3. Ils ne peuvent faire saisir cette créance (v. art. L. 132-14 C. ass.).
4. Ils ne peuvent faire application à cette créance des règles du rapport et de la réduction des libéralités
(v. art. L. 132-13 C. ass.).
204
1. C. Lachièze, Le régime des exceptions dans les opérations juridiques à trois personnes en droit civil, préf.
J. Hauser, éd. La Mouette, 2001, spéc. n° 72 et s.
2. Civ. 1, 23 mars 1982, n° 81-10447, Bull. civ. I, n° 119 ; Civ. 1, 29 nov. 1994, n° 92-15783, Bull. civ. I,
n° 353 ; Def., 1995, p. 1405, obs. P. Delebecque ; RTD civ. 1995, p. 622, obs. J. Mestre.
205
1. M. Cozian, L’action directe, préf. A. Ponsard, LGDJ, 1969 ; C. Jamin, L’action directe, préf. J. Ghestin,
LGDJ, 1991 ; F. Gréau, Rép. Civ. Dalloz, V° Action directe, 2011.
2. J. Néret, Le sous-contrat, LGDJ, 1979.
206
1. V. not. M. Cozian, L’action directe, préc., n° 100 ; J. Flour, J.-L. Aubert et É. Savaux, n° 459.
2. V. not. C. Jamin, La notion d’action directe, préf. J. Ghestin, LGDJ, 1991, spéc. n° 62 ; J. Ghestin,
C. Jamin et M. Billiau, n° 1084 s. ; F. Gréau, Rép. civ. Dalloz, préc. n° 9 et 10 ; B. Beignier, Le droit
du contrat d’assurance, PUF, 1999, n° 284.
3. Ord. n° 2016-131 du 10 févr. 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de
la preuve des obligations, préc.
4. Ass. plén., 7 fév. 1986, n° 84-15189, Bull. A.P. n° 2 ; D. 1986, p. 293, note A. Bénabent ; JCP 1986,
II, 20616, note P. Malinvaud.
5. Civ. 1, 23 juin 1993, n° 91-18132, Bull. civ. I, n° 226.
6. Civ. 3, 23 sept. 2009, n° 08-13470, Bull. civ. III, n° 202 : « les acquéreurs successifs d’un immeuble sont
recevables à agir contre les constructeurs sur le fondement de la garantie décennale qui accompagne,
en tant qu’accessoire, l’immeuble » ; Civ. 3, 9 juill. 2014, n° 13-15923, Bull. civ. III, n° 105 : « sauf
clause contraire, l’acquéreur d’un immeuble a qualité à agir contre les constructeurs, même pour les
dommages nés antérieurement à la vente, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit
commun qui accompagne l’immeuble en tant qu’accessoire ».
207
1. J.-B. Seube, L’indivisibilité et les actes juridiques, Litec, 1999 ; S. Bros, L’interdépendance contractuelle,
Thèse Paris II, 2001, dir. C. Larroumet ; S. Pellé, La notion d’interdépendance contractuelle, Dalloz,
Nouvelle bibliothèque de thèses, préc. J. Foyer et M.-L. Demeester, 2007 ; J. Moury, « L’indivisibilité
entre les obligations et entre les contrats », RTD civ. 1994, p. 363 ; S. Amrani-Mekki, « Indivisibilité
et ensembles contractuels : l’anéantissement en cascade des contrats », Def., 2002, p. 365 ; C. Aubert
de Vincelles, « Réflexions sur les ensembles contractuels : un droit en devenir », RDC 2007, p. 983.
2. Com., 8 janv. 1991, n° 89-15439, Bull. civ. IV, n° 20, l’achat d’un logiciel est indivisible de celui de
matériel informatique. V. ég. Civ. 1, 4 avr. 2006, n° 02-18277, Bull. civ. I, n° 190, Def., 2006, p. 1194,
note J.-L. Aubert ; RDC 2006, p. 700, note D. Mazeaud, les parties avaient conclu un contrat d’exploi-
tation d’une chaufferie et un contrat d’approvisionnement du combustible : « ayant souverainement
retenu que les deux conventions constituaient un ensemble contractuel indivisible, la cour d’appel en
a déduit à bon droit que la résiliation du contrat d’exploitation avait entraîné la caducité du contrat
d’approvisionnement ».
3. Ord. n° 2016-131 du 10 févr. 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de
la preuve des obligations, préc.
4. S. Bros, « L’interdépendance contractuelle, la Cour de cassation et la réforme du droit des contrats »,
D. 2016, p. 29.
208
1. A. Rouast, Essai sur la notion juridique de contrat collectif, thèse, Lyon 1909. V. ég. J. Flour, J.-L. Aubert
et É. Savaux, n° 504 et s.
2. B. Teyssié, Les groupes de contrats, préf. J.-M. Mousseron, LGDJ, 1975 ; J. Néret, Le sous-contrat, LGDJ,
1979. V. ég. M. Bacache-Gibeili, La relativité des conventions et les groupes de contrats, préf. Y. Lequette,
LGDJ 1996 ; C. Larroumet, « L’action de nature nécessairement contractuelle et la responsabilité civile
dans les ensembles contractuels », JCP 1988, I, 3357.
209
1. Civ. 1, 21 juin 1988, n° 85-12609, Bull. civ. I, n° 202 ; D. 1989, p. 5, note C. Larroumet ; JCP 1988,
II, 21125 note P. Jourdain ; G.A., t. 2, n° 174.
2. Ass. plén., 12 juill. 1991, n° 90-13602, Bull. A.P., n° 5 ; D. 1991, p. 549, note J. Ghestin ; JCP 1991, II,
21743, note G. Viney ; Def., 1991, p. 130, note J.-L. Aubert ; RTD civ. 1991, p. 750, obs. P. Jourdain ;
RTD civ. 1992, p. 90, obs. J. Mestre ; RJDA 1991, concl. Mounier ; Cont. Conc. Cons. 1991, n° 200,
obs. L. Leveneur ; G.A., t. 2, n° 176.
210
531. La loi des parties. Le Code civil de 1804 ne donnait pas une présentation
claire de la force obligatoire du contrat, entretenant une confusion entre l’effet du
contrat et l’effet des obligations créées par le contrat1. Cette confusion avait été
relevée par la doctrine classique au xixe siècle2. Les études menées ces dernières
années sur la notion de force obligatoire ont mis en lumière la complexité de cette
notion et la nécessité de distinguer les effets des obligations créées par le contrat
(on parle d’effets obligationnels) et les autres effets du contrat (on parle d’effets
non obligationnels)3.
La force obligatoire est un phénomène complexe qui ne se laisse pas aborder
facilement. On adoptera dans les lignes qui suivent une approche descriptive
consistant à identifier les manifestations de la force obligatoire du contrat pour les
étudier séparément4. Dans cette démarche on envisagera d’abord l’exécution des
obligations contractuelles qui est la manifestation la plus évidente de la force
1. En témoigne notamment l’intitulé de l’ancien Titre III du Livre III du Code civil : « Des contrats ou
des obligations conventionnelles en général », ou encore l’utilisation indifférenciée des expressions
« objet du contrat » et « objet de l’obligation ».
2. V. not. C. Demolombe, Traité des contrats ou des obligations conventionnelles en général, t. 1, Durand
et Hachette, 1re éd., 1868, n° 384 et s. : « autre chose est la convention, autre chose est l’obligation, et
il est essentiel de bien distinguer l’une avec l’autre. La convention a pour effet de créer ou d’éteindre
des obligations ou des droits réels ; tandis que l’obligation n’a pour effet que de créer le lien par lequel
le débiteur est engagé envers le créancier » ; N. Marcadé, Explication théorique et pratique du Code
Napoléon, Delamotte, t. IV, 7e éd 1873, n° 378 et 379.
3. V. not. : J.-L. Aubert, Le contrat, coll. Connaissance du droit, 1re éd., Dalloz, 1996, p. 103 s., l’auteur
oppose l’« effet de contrainte » que produit le contrat, à la « force obligatoire » qui est la création
des obligations ; P. Ancel, « Force obligatoire et contenu obligationnel du contrat », RTD civ. 1999,
p. 771, distingue la « force obligatoire » qui est la norme juridique créée par le contrat, et le « contenu
obligationnel » qui désigne les effets des obligations. V. encore É. Jeuland, « l’énigme du lien de droit »,
RTD civ. 2003, p. 455, l’auteur présente le contrat comme un lien de droit créateur d’obligations. Sur
ces différentes théories, v. M. Latina, Rép. civ. Dalloz, V° Contrats : généralité – source du droit des
contrats, n° 52 et s.
4. Nous n’étudierons pas les effets non obligationnels propres à certains actes juridiques qui ne soulèvent
généralement pas de difficultés : l’extinction de droits par les actes dits abdicatifs, remise de dette
(art. 1350 C. civ.) ou renonciation (art 1181 et 1183) ; la création de droits réels par certains contrats,
par ex. la convention d’hypothèque (art. 1413 et s. C. civ.).
212
L’interprétation du contrat
I. L’interprétation explicative
533. Lorsque le contrat est obscur ou ambigu, il faut en rechercher le sens, c’est-
à‑dire l’interpréter. C’est le juge qui, à défaut d’accord entre les parties, a pour
mission d’interpréter le contrat. On présentera les méthodes d’interprétation (1)
puis le rôle respectif des juges du fond et de la Cour de cassation en matière
d’interprétation (2).
1. Ancien art. 1156 du Code civil : « On doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune
intention des parties contractantes, plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes ».
2. J. Carbonnier, n° 142 : « l’interprétation est un hommage rendu à l’autonomie de la volonté ».
213
1. V. J. Dupichot « Pour un retour aux textes : défense et illustration du “petit guide-âne” des art. 1156
à 1164 », Etudes J. Flour, 1979, p. 179 et s.
2. Civ. 1, 21 avr. 1967, n° 75-1029, Bull. civ. I, n° 135.
3. Civ. 3, 17 juill. 1997, n° 95-19166, Bull. civ. III, n° 174 ; RTD civ. 1998, p. 363, obs. J. Mestre.
214
1. La solution avait été affirmée avant la réforme en application de l’ancien article 1162 C. civ. : CA
Reims, 7 janv. 2004, RDC 2004, p. 933, note P. Stoffel-Munck.
2. V., sous l’empire de l’ancien art. 1162 C. civ. : Soc., 20 févr. 1975, Bull. civ. V, n° 93.
3. V. T. Revet, « L’uniformisation de l’interprétation : contrats-types et contrats d’adhésion », RDC 2015,
p. 199, n° 10 et s. ; A. Etienney-de Sainte Marie, « Les principes, les directives et les clauses relatives à
l’interprétation », RDC 2016, p. 384. ; F. Terré, P. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, n° 610.
4. V. déjà en ce sens : R. Saleilles, De la déclaration de volonté, contribution à l’étude de l’acte juridique dans
le Code civil allemand, éd. Pichon, 1901. spéc. p. 230.
5. V. J. Rochfeld, « Les clairs-obscurs de l’exigence de transparence appliquée aux clauses abusives »,
Mélanges en l’honneur de Jean Calais-Auloy, Dalloz 2004, p. 981 et s.
215
B. Exceptions
540. Contrôle de la dénaturation. L’article 1192 du Code civil énonce : « On
ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation ». Cette
disposition consacre une solution admise depuis longtemps par la Cour de cassa-
tion2. On peut observer cependant que la Cour de cassation retient assez rarement
la dénaturation. Il faut une erreur flagrante. Par exemple, ont été censurées des
décisions qui avaient occulté une clause contractuelle3 ou qui avaient ajouté au
contrat une condition ou une distinction que celui-ci ne contenait pas4.
541. Contrôle de l’interprétation in favorem. La Cour de cassation contrôle le
respect de la règle de l’article L. 211-1, alinéa 2, du Code de la consommation qui
prévoit l’interprétation en faveur du consommateur (in favorem)5.
542. Contrôle de l’interprétation des clauses présentant un caractère de
généralité. Le caractère de généralité de certains contrats peut justifier que l’in-
terprétation qui en est faite par les juges du fond soit contrôlée par la Cour de
216
217
1. L. Josserand, « Le forçage du contenu contractuel », Études Ripert, LGDJ, 1950, t. II, p. 340 et s.
2. V. P. Jacques, Regards sur l’article 1135 du Code civil, préf. F. Chabas, Dalloz, 2005. Comp. L. Leveneur,
« Le forçage du contrat », Dr. et pat. 1998, n° 58, p. 69 et s.
3. Civ., 21 nov. 1911, DP 1913, I, 249, note L. Sarrut ; G.A., t. 2, n° 277.
4. Civ. 1, 28 oct. 2003, nos 00-18794 et 00-20065, Bull. civ. I, n° 219 ; D. 2004, jurispr. p. 233,
obs. P. Delebecque ; Cont. Conc. Cons. 2004, n° 1, obs. L. Leveneur ; RTD civ. 2004, p. 96, obs.
P. Jourdain ; Def., 2004, p. 383, obs. R. Libchaber ; Pet. Aff. 23 déc. 2003, p. 11, note P. Ancel ;
JCP 2004, II, 10006, note G. Lardeux ; Rev. crit. DIP 2004, p. 83, note D. Bureau ; JDI 2004, p. 499,
note G. Légier.
5. Civ. 1, 19 avr. 1988, n° 86-15607, Bull. civ. I, n° 107.
6. V. par ex. Com., 5 nov. 1991, n° 89-18005, Bull. civ. IV, n° 327.
7. V. par ex. Civ. 1, 14 déc. 1982, n° 81-16122, Bull. civ. I, n° 361 ; RTD civ. 1983, p. 544, obs.
G. Durry : « Attendu que le fabricant d’un produit doit fournir tous les renseignements indispensables
à son usage et notamment avertir l’utilisateur de toutes les précautions à prendre lorsque le produit est
dangereux ».
8. Civ. 1, 2 déc. 1997, n° 95-19466, Bull. civ. I, n° 339, s’agissant d’un orgue dont le bon fonctionnement
supposait le respect de conditions de température et d’hygrométrie.
9. Civ. 1, 3 avr. 2007, n° 06-12831, Bull. civ. I, n° 142.
218
1. Civ. 1, 25 févr. 1997, n° 94-19685, Bull. civ. I, n° 75 ; RTD civ. 1997, p. 924, obs. J. Mestre ; p. 434,
obs. P. Jourdain ; Def., 1997, p. 751, obs. J.-L. Aubert ; G.A., t. 1, n° 17 (un médecin).
219
549. Exécution de bonne foi. Les principes de force obligatoire (art. 1103 C. civ.)
et de bonne foi (art. 1104 C. civ.) figurent désormais tous deux parmi les dispo-
sitions liminaires du Code civil et deviennent donc, même si le terme n’a pas été
retenu par l’ordonnance, des principes généraux du droit des contrats (v. supra,
n° 120 et s.). Ces deux principes sont complémentaires. Le contrat doit être exécuté
à la lettre et de bonne foi. L’exécution de bonne foi du contrat implique un devoir
de loyauté de la part du débiteur mais aussi du créancier (v. supra, n° 126).
550. Débiteur. Le débiteur est tenu d’exécuter ses obligations de façon loyale.
Pothier a exprimé cette idée de la façon la plus simple : s’obliger à faire quelque
chose, c’est s’obliger à le faire utilement1. Par exemple, celui qui s’engage à prendre
en pension des animaux doit les nourrir sainement2 ; l’auteur doit livrer à son
éditeur des ouvrages susceptibles d’être publiés3.
Le débiteur qui manque à ses obligations s’expose aux sanctions prévues par les
articles 1217 et suivants du Code civil (v. infra, n° 628 et s.). La mauvaise foi du
débiteur défaillant peut avoir pour effet d’aggraver les sanctions. Par exemple, en
cas de dol dans l’exécution du contrat le débiteur doit réparer l’entier préjudice
résultant de l’inexécution, et pas seulement le dommage prévisible ; les clauses limi-
tatives de responsabilité sont écartées en cas de dol ou de faute lourde du débiteur
(art. 1231-3 C. civ.). La bonne foi étant présumée, la preuve de la mauvaise foi
1. R.-J. Pothier, Œuvres de R.-J. Pothier, par M. Bugnet, Cosse et Delamotte, Paris, 1847, Traité du
contrat de vente, 1847, n° 202 : « s’obliger à faire avoir la chose, dans l’intention des parties, est s’obliger
à la faire avoir utilement ».
2. Civ. 1, 31 mars 1992, Bull. civ. I n° 93, « l’exploitant d’une pâture qui s’engage, moyennant rémuné-
ration, à prendre en pension des bovins, contracte l’obligation de leur fournir une nourriture saine ».
3. Paris, 22 janv. 1992, D. 1992, p. 128, obs. H. Gaumont-Prat ; RTD civ. 1995, p. 624, obs. J. Mestre,
jugeant que l’auteur « ne peut se libérer des obligations contractées par lui [envers son éditeur] en lui
adressant un manuscrit qu’il sait insusceptible d’être publié ».
220
1. Civ., 5 juin 1991, n° 89-21166, Bull. civ. III, n° 163, est fautif le bailleur qui ne laisse pas au locataire
un délai suffisant au regard de l’ampleur des travaux à accomplir.
2. Civ. 3, 21 mars 2012, n° 11-14174, Bull. civ. III, n° 49 ; RDC 2012, p. 763, obs. Y.-M. Laithier, est
abusif le rappel subit de cinq années de charges par un bailleur.
3. Soc., 10 mai 2006, n° 05-42210, Bull. civ. V, n° 169 ; D. 2006, IR, p. 1842 ; D. 2007, pan., p. 179,
manque à son obligation de bonne foi l’employeur qui, après avoir fait assurer pendant dix ans le
transport de nuit du domicile à ses lieux de travail d’un salarié, supprime cet avantage lié à sa fonction,
le mettant dans l’impossibilité d’exécuter normalement sa prestation de travail.
4. Soc., 18 mai 1999, n° 96-44315, Bull. civ. V, n° 219 ; RTD civ. 2000, p. 326, obs. J. Mestre et
B. Fages : est de mauvaise foi l’employeur qui met en œuvre une clause de mobilité pour imposer à la
salariée qui se trouve dans une « situation familiale critique » un déplacement immédiat dans un poste
qui pouvait être pourvu par d’autres salariés. V. ég. Soc., 6 févr. 2001, n° 98-44190, Bull. civ. V, n° 41.
V. ég. Com., 8 mars 2005, n° 02-15783, Bull. civ. IV, n° 44, RTD civ 2005, p. 391, obs. B. Fages et
J. Mestre ; RDC 2005, p. 1015, obs. D. Mazeaud, manque à son obligation de bonne foi la banque
qui revendique le bénéfice d’une convention d’unité de compte, alors qu’elle a fait fonctionner les
comptes de son client comme des comptes indépendants dans des circonstances où il lui était loisible
de se prévaloir de la convention d’unité de compte.
5. Civ. 1, 31 janv. 1995, n° 92-20654, Bull. civ. I, n° 57 : « une clause résolutoire n’est pas acquise si elle
a été mise en œuvre de mauvaise foi par le créancier ».
221
1. Y. Picod, thèse préc. ; O. Deshayes, « L’obligation de minimiser son dommage en matière contrac-
tuelle », RDC 2010, p. 1139.
2. Com., 10 juill. 2007, n° 06-14768, Bull. civ. IV, n° 188 ; D. 2007, p. 2839, note P. Stoffel-Munck ;
D. 2007, p. 2844, note P. Y. Gautier ; Def., 2007, p. 1454, note E. Savaux ; JCP 2007, II, 10154, note
D. Houtcieff ; RTD civ. 2007, p. 733, obs. B. Fages ; Cont. Conc. Cons. 2007, n° 294 ; RDC 2007,
p. 1107, obs. L. Aynès ; RDC 2007, p. 1110, obs. D. Mazeaud ; G.A., t. 2, 2007, n° 164 : « si la règle
selon laquelle les conventions doivent être exécutées de bonne foi permet au juge de sanctionner
l’usage déloyal d’une prérogative contractuelle, elle ne l’autorise pas à porter atteinte à la substance
même des droits et obligations légalement convenus entre les parties ». Cette position est réaffirmée
de manière constante par la Cour de cassation : Civ. 3, 9 déc. 2009, n° 04-19923, Bull. civ. III, 275 ;
D. 2010, p. 473, note J. Billemont ; RDC 2010, p. 561, note Y.-M. Laithier ; RDC 1010, p. 564, note
D. Mazeaud ; Com., 8 nov. 2016, n° 14-29770 ; RTD civ. 2017, p. 133, obs. H. Barbier.
3. V. not. F. Chénedé, « Les conditions d’exercice des prérogatives contractuelles », RDC 2011, p. 709 ;
D. Fenouillet, « La notion de prérogative, instrument de défense contre le solidarisme ou technique
d’appréhension de l’unilatéralisme ? », RDC 2011, p. 644.
222
L’intangibilité du contrat
1. Le principe d’intangibilité est complété par le principe d’irrévocabilité qui interdit la rupture unilatérale
du contrat. Mais l’irrévocabilité relève de la problématique plus large de la durée du contrat et sera
donc étudiée avec les règles relatives au terme extinctif (v. infra, n° 607 et s.).
2. Ord. n° 2016-131 du 10 févr. 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de
la preuve des obligations, préc.
223
1. Le droit antérieur
556. Principe : refus de la révision du contrat pour imprévision. L’impossibilité
pour le juge de réviser un contrat dont les conditions sont devenues déséquilibrées
à la suite d’un bouleversement des circonstances extérieures avait été affirmée par
le célèbre arrêt dit du Canal de Craponne1 et elle avait été plusieurs fois réaffirmée
depuis2. Cette position n’avait pas été suivie par la jurisprudence administrative
qui se reconnaissait quant à elle le pouvoir de réviser les contrats administratifs3.
Elle était en contradiction avec la plupart des droits étrangers ainsi qu’avec les
principes d’Unidroit (art. 6.21 à 6.23) et les Principes du droit européen des
contrats (art. 2 : 117).
Cette solution reposait sur le principe de la force obligatoire, qui impose aux parties
d’exécuter le contrat selon les termes convenus et elle devait inciter les parties à
prévoir dans leur contrat une clause aménageant sa révision en cas de survenance
d’un événement imprévu. Mais cette solution était contraire au principe de bonne
foi qui aurait pu empêcher le contractant avantagé d’exiger l’exécution du contrat
jusqu’à son terme.
557. Tempéraments. Le principe du refus de la révision du contrat supportait
certains tempéraments.
1. Civ., 6 mars 1876, D. 1876, 1, 193 ; S. 1876, 1, 161 ; G.A., t. 2, n° 165 : au xvie siècle, un certain Adam
de Craponne s’était contractuellement engagé à alimenter perpétuellement (!) les canaux d’irrigation
dans la plaine d’Arles, moyennant une contrepartie de 3 sols par carteirade (190 ares). Au xixe siècle,
l’entreprise qui exploitait le canal demanda une réévaluation de cette somme devenue largement
insuffisante du fait de la baisse de la valeur de la monnaie et de la hausse du coût de la main-d’œuvre.
La cour d’appel d’Aix fit droit à cette demande, mais sa décision fut censurée par la Cour de cassation
au visa de l’article 1134 alinéa 1er du Code civil.
2. V. not. Com., 18 janv. 1950, D. 1950, p. 227 ; Com., 18 déc. 1979, n° 78-10763, Bull. civ. IV,
n° 339 : cassation d’un arrêt qui avait augmenté le tarif d’un contrat de magasinage en raison du
changement dans les conditions économiques ; Civ. 3, 18 mars 2009, n° 07-21260, Bull. civ. III, n° 64 ;
RTD civ. 2009, p. 528, obs. B. Fages : cassation de l’arrêt ayant révisé le prix d’un bail qui avait été
fixé en considération de services rendus au locataire par le bailleur, ensuite décédé.
3. CE, 30 mars 1916 (Gaz de Bordeaux), D. 1916, 3, 25 ; S. 1916, 3, 17, note M. Hauriou.
224
2. Le droit positif
558. Rompant avec la position de principe de la jurisprudence antérieure, la
réforme du droit des contrats a introduit un mécanisme de révision judiciaire pour
changement de circonstances dans le Code civil, à l’article 11954. Cette disposition
est rédigée comme suit :
« Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat
rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté
1. Sur ces clauses, v. not. W. Dross, Clausier, Litec, 2e éd. 2011, V° Hardship ; Y. Lequette, « De l’effi-
cacité des clauses de Hardship », Liber amicorum Christian Larroumet, Economina 2010, p. 267 et s. ;
B. Oppetit, « L’adaptation des contrats internationaux aux changements de circonstances », JDI 1974,
p. 794 et s. Pour un exemple, v. Com., 3 oct. 2006, n° 04-13214, D. 2007, p. 765, note D. Mazeaud.
2. Com., 3 nov. 1992, n° 90-18547, Bull. civ. IV, n° 338 ; RTD civ. 1993, p. 124, obs. J. Mestre ; Def.,
1993, p. 1377, obs. J.-L. Aubert ; JCP 1992, II, 22164, note G. Virassamy. Dans le même sens : Com.,
24 nov. 1998, Bull. civ. IV, n° 277 ; JCP 1999, II, 12210, note Y. Picod ; JCP 1999, I, 143, n° 6, obs.
C. Jamin ; Def., 1999, p. 371 et s., obs. D. Mazeaud ; RTD civ. 1999, p. 98, n° 10, obs. J. Mestre ;
RTD civ. 1999, p. 646, n° 3, obs. P.-Y. Gautier. V. ég. Nancy, 26 sept. 2007, D. 2008, p. 1120, obs.
M. Boutonnet ; RDC 2008, p. 738, obs. D. Mazeaud, ordonnant aux parties de renégocier le contrat.
3. Com., 29 juin 2010, n° 90-67369, D. 2010, p. 2481, note D. Mazeaud ; D. 2010, P. 285 note
T. Génicon ; RTD civ. 2010, p. 782, obs. B. Fages ; JCP 2010, 1056, note T. Favario.
4. Sur ce texte, v. not. P. Stoffel-Munck, « L’imprévision et la réforme des effets du contrat », RDC 2016,
p. 30.
225
226
227
228
229
571. L’ordonnance du 10 février 20161 introduit dans le Code civil une Sous-
Section consacrée à l’effet translatif du contrat qui règle la question du transfert de
propriété2. Les nouvelles dispositions présentent le transfert de propriété comme
un effet du contrat (I) et apportent quelques précisions sur son régime (II).
1. Ord. n° 2016-131 du 10 févr. 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de
la preuve des obligations, préc.
2. Sous-section II : « Effet translatif », art. 1196 à 1198 C. civ.
3. Art. 1101 et 1136 anciens C. civ.
4. C’est nous qui soulignons.
5. C’est nous qui soulignons.
230
1. En ce sens, v. not. P. Bloch, « L’obligation de transférer la propriété dans la vente », RTD civ. 1988,
p. 673 et s.
2. J. Ghestin, « Réflexions d’un civiliste sur la clause de réserve de propriété », D. 1981, chron. p. 1. V. ég.
M. Fabre-Magnan, « Le mythe de l’obligation de donner », RTD civ. 1996, p. 85 et s. ; H. Lécuyer,
« Le contrat, acte de prévision », Mélanges Terré, éd. Dalloz, PUF et Jurisclasseur, 1999, p. 643 et s. ;
P. Ancel, « Force obligatoire et contenu obligationnel du contrat », RTD civ. 1999, p. 771 et s., spéc.
n° 17 et s. ; M. Fabre-Magnan, n° 187.
3. V. en ce sens J. Ghestin, préc. : « Il est extrêmement douteux que, dans notre droit positif actuel, le
transfert de propriété puisse s’analyser en une obligation. Celle-ci suppose en effet la possibilité d’une
inexécution. Or, le transfert de propriété est, dans le système du Code civil, un effet légal du contrat
de vente ».
4. Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, préc., p. 13 :
« Conséquence de l’abandon en amont de la distinction entre les obligations de donner, de faire, et
de ne pas faire, le transfert de propriété est érigé en effet légal du contrat, consécutif à l’échange des
consentements ».
5. Les obligations contractuelles figurent dans une Sous-section I intitulée « Force obligatoire », tandis
que le transfert de propriété est régi par une Sous-section II intitulée « Effet translatif du contrat ».
231
232
1. Civ. 3, 12 janvier 2011, n° 10-10667, Bull. civ. III, n° 5 ; D. 2011, p. 851, note L. Aynès ;
RTD civ. 2011, p. 158, obs. P. Crocq ; p. 369, obs. T. Revet, décidant que le défaut de publication
rend l’acte d’acquisition inopposable aux tiers, même lorsque ceux-ci en ont eu connaissance.
233
I. La condition
586. On présentera la notion de condition (1) et ses effets (2).
1. Notion de condition
587. Définition. La condition est un événement futur1 et incertain (art. 1304
al. 1er C. civ.) dont les parties font dépendre la naissance (condition suspensive)
ou l’extinction (condition résolutoire) du contrat ou d’une obligation2. Un évé-
nement certain mais dont la date est inconnue (par ex. le décès d’une personne)
ne constitue pas une condition mais un terme.
588. Condition et éléments essentiels du contrat. L’insertion d’une condition
dans un acte juridique suppose que celui-ci soit valablement formé. C’est pourquoi
1. Avant la réforme, l’ancien article 1181, al. 1er, du Code civil prévoyait que la condition pouvait porter
sur un événement déjà survenu mais inconnu des parties. Les nouvelles dispositions découlant de
l’ordonnance du 10 février 2016 ne prévoient pas une telle possibilité.
2. Lexique des termes juridiques, Dalloz, 2013, V° Condition. Sur la notion de condition, v. not. M. Latina,
Essai sur la condition en droit des contrats, préf. D. Mazeaud, LGDJ, 2009 ; J.-J. Taisne, Jur. Cl. Civ.,
art. 1304 à 1304-7, fasc. 10 : Modalités de l’obligation – Obligations conditionnelles – Caractères de
la condition ; J. François, Les obligations – Régime général, 4e éd.
234
2. Effets de la condition
591. La condition produit des effets différents selon qu’elle est suspensive (A) ou
résolutoire (B).
A. Condition suspensive
592. Notion. La condition suspensive a pour effet de retarder la naissance d’une
obligation ou de l’ensemble du contrat à la réalisation d’un événement. Par
exemple, la vente d’un immeuble ne se réalise pas tant que l’acheteur n’a pas
obtenu le prêt. Les effets de la condition suspensive varient selon que la condition
est pendante, réalisée ou défaillie.
593. Condition pendante. Pendant la période d’incertitude (tant que la condi-
tion n’est pas réalisée ni défaillie), le contrat ne prend pas effet et les obligations
qu’il prévoit ne sont pas exigibles. Le créancier est titulaire d’un droit condi-
tionnel (éventuel). Ce droit peut être cédé. Pour protéger ce droit conditionnel,
1. V. M. Latina, Essai sur la condition en droit des contrats, préf. D. Mazeaud, LGDJ, 2009, n° 39
et s. ; J.-J. Taisne, Jur. Cl. Civ., art. 1304 à 1304-7, fasc. 10 : Modalités de l’obligation – Obligations
conditionnelles – Caractères de la condition, n° 65 ; J. François, Les obligations – Régime général, 4e éd.,
n° 227.
2. Civ. 3, 22 oct. 2015, n° 14-20096, D. 2015, p. 2478, note N. Dissaux ; ibid. 2016, p. 1613, obs.
M.-P. Dumont-Lefrand ; RTD civ. 2016, p. 122, obs. H. Barbier ; RTD com. 2016, p. 54, obs.
J. Monéger : « la clause qui prévoit une condition portant sur un élément essentiel à la formation du
contrat doit être réputée non écrite ».
3. V. not. J. Ghestin, « La notion de condition potestative au sens de l’article 1174 du Code civil »,
Mélanges A. Weil, 1983, p. 243 ; B. Dondero, « De la condition potestative licite », RTD civ. 2007,
p. 692 ; W. Dross, « L’introuvable nullité des conditions potestatives », RTD civ. 2007, p. 701.
235
B. Condition résolutoire
596. Notion. La condition résolutoire est l’inverse de la condition suspensive : le
contrat produit effet immédiatement mais, si la condition se réalise, il est résolu
c’est-à‑dire anéanti rétroactivement (art. 1304-7, al. 1er, C. civ.). Par exemple
le contrat de crédit immobilier est conclu sous la condition résolutoire de la
non-conclusion, dans un délai de quatre mois, du contrat pour lequel le prêt est
demandé (C. cons., art. L. 313-36).
597. Condition pendante. Tant que l’événement mis en condition ne survient
pas, le contrat produit tous ses effets comme si la condition n’existait pas. Les
obligations qu’il prévoit sont donc exigibles. Si le contrat est translatif de propriété
l’acquéreur devient propriétaire.
598. Réalisation. Si la condition se réalise le contrat est résolu, c’est-à‑dire anéanti
rétroactivement. Si le contrat a été exécuté, la résolution donne lieu à des restitu-
tions. Par exemple, en cas de résolution d’une vente, le bien aliéné revient dans
236
II. Le terme
601. Notion de terme. Le terme est un événement futur et certain (ce dernier
caractère le distingue de la condition) dont la date peut être connue (on parle de
terme certain) ou non (on parle de terme incertain) qui détermine les effets du
contrat dans le temps.
Le terme suspensif détermine la date à laquelle le contrat ou une obligation
contractuelle prendra effet (1), tandis que le terme extinctif détermine la date à
laquelle le contrat ou une obligation contractuelle s’éteindra (2).
237
238
2. Le terme extinctif
607. Par nature les contrats à exécution successive1 s’étalent dans le temps, ce qui
soulève la question de leur durée2. Celle-ci peut être déterminée (A) ou non (B).
Cette distinction essentielle est cependant tempérée dans certains contrats par le
dispositif de l’article L. 442-1, II, du Code de commerce, qui encadre la rupture
d’une relation commerciale établie (C).
1. Sur la distinction des contrats à exécution successive et des contrats à exécution instantanée, v. supra,
n° 113 et s.
2. Sur la question de la durée des contrats, v. not. : J. Azéma, La durée des contrats successifs, préf. R. Nerson,
LGDJ, 1959 ; I. Pétel, Les durées d’efficacité du contrat, Thèse Montpellier I, 1994 ; A. Etienney, La
durée de la prestation, préf. T. Revet, LGDJ, 2007 ; F. Colonna d’Istria, Temps et concepts en droit des
obligations, Essai d’analyse méthodologique, Thèse Aix-Marseille III, 2009. P. Simler, « L’article 1134 et
la résiliation des contrats à durée déterminée », JCP 1974, I, 2413 ; J. Hauser, « Temps et liberté dans
la théorie de l’acte juridique », Mélanges J. Ellul, PUF, 1983, p. 503 et s. ; R. Libchaber, « Réflexion
sur les effets du contrat », Mélanges offerts à J.-L. Aubert, Dalloz 2005, p. 226 et s. ; A. Etienney-de
Sainte Marie, « Le contrat à exécution successive, le contrat à durée indéterminée et l’engagement
perpétuel : de quelques incertitudes persistantes, avant et après la réforme », D. 2017, p. 678. V. ég.
les actes du colloque « La durée du contrat » (dir. D. Mazeaud), RDC 2004, p. 159.
3. V. par ex. : art. 10 L. 6 juill. 1989, prévoyant que le bail d’habitation a une durée minimale de 3 ans ;
art. L. 145-4 C. com., prévoyant que le bail commercial a une durée minimale de 9 ans.
4. V. P. Simler, « L’article 1134 et la résiliation des contrats à durée déterminée », préc. ; J. Ghestin, C. Jamin
et M. Billiau, n° 235 et s. ; M.-E. Pancrazi-Tian, La protection judiciaire du lien contractuel, PUAM, 1996.
5. Com., 21 mars 1984, n° 82-12347, Bull. civ. IV, n° 115, reconnaissant au juge des référés le pouvoir
d’ordonner le maintien du contrat ; Civ. 3, 10 janv. 1990, n° 88-18638, Bull. civ. III, n° 7 ; Civ. 3,
239
3 avr. 2001, n° 99-17738, Loyers et copr. 2001, n° 167, obs. B. Vial-Pedroletti, s’agissant d’un contrat
de bail ; Civ. 1, 29 mai 2001, n° 99-12478, RTD civ. 2001, p. 590, obs. J. Mestre et B. Fages.
1. Com., 22 oct. 1996, n° 94-15410, Bull. civ. IV, n° 260 ; D. 1997, somm. p. 173, obs. R. Libchaber ;
D. 1997, p. 286, obs. P. Jourdain ; RTD civ. 1997, p. 123, obs. J. Mestre.
2. Sur cette notion, v. infra, n° 702.
3. R. Vatinet, « Le mutuus dissensus », RTD civ. 1987, p. 252.
4. Civ. 1, 18 mai 1994, n° 92-15184, Bull. civ. I, n° 175 ; Def., 1994, p. 1123, obs. P. Delebecque ;
RTD civ. 1995, p. 108, obs. J. Mestre : « la révocation d’un contrat par consentement mutuel des
parties peut être tacite et résulter des circonstances de fait souverainement appréciées par les juges
du fond, sans qu’il soit nécessaire d’en rapporter la preuve par écrit » ; Civ., 7 juill. 1858, DP 1858,
1, 329, 1re et 2e esp. ; Civ. 1, 22 nov. 1960, Bull. civ. I, n° 510 ; Civ. 3, 22 nov. 1983, n° 82-14741,
Bull. civ. III, n° 239.
5. Com., 1er févr. 1994, n° 92-18.276, RTD civ. 1994, p. 356, obs. J. Mestre ; Com., 18 janv. 2011,
n° 10-683, RTD civ. 2011, p. 126, obs. B. Fages ; Soc., 20 déc. 2006, n° 18-20778, Bull. civ. V, n° 409,
D. 2007, p. 555, obs. J. Daleau, note G. Blanc-Jouvan ; RTD civ. 2007, p. 117, obs. J. Mestre et
B. Fages, décidant que la résiliation, par consentement mutuel, du « contrat d’enregistrement exclusif »
conclu entre Jean-Philippe Smet (dit Johnny Halliday) et la société Universal Music « n’y met fin que
pour l’avenir de sorte qu’elle n’a pas pour effet d’anéantir rétroactivement les cessions antérieurement
intervenues sur les enregistrements réalisés en cours de contrat ».
240
1. V. par ex. Civ. 3, 27 avr. 1988, n° 86-11718, Bull. civ. III, n° 80 ; D. 1989, p. 351, note C. Atias.
2. Com., 23 mai 2000, n° 97-10553, RTD civ. 2001, p. 137, obs. J. Mestre et B. Fages, le concédant avait
laissé entendre qu’il poursuivrait la relation contractuelle et sollicité du concessionnaire sa participation
à une opération publicitaire coûteuse, avant de lui notifier le non-renouvellement.
241
1. Com., 9 juill. 2002, n° 00-22512, Bull. civ. IV, n° 118 ; RTD civ. 2003, p. 498, obs. J. Mestre et
B. Fages.
2. Dans les contrats de consommation, cette clause doit faire l’objet d’un avertissement.
Art. L. 215-1 C. cons. : le professionnel doit informer, par écrit, le consommateur de son droit de ne
pas reconduire le contrat au moins un mois avant sa date d’échéance (et au plus tôt trois mois avant) ;
en cas de non-respect de cette obligation, le consommateur peut résilier le contrat à tout moment et
gratuitement, à compter de sa date de reconduction.
3. Com., 3 mai 1979, n° 77-13747, Bull. civ. IV, n° 140 : « les parties avaient expressément exclu la tacite
reconduction par une clause de leur contrat » ; Com., 17 nov. 1992, n° 90-20039, Bull. civ. IV, n° 356.
242
1. Civ. 1, 17 juill. 1980, n° 79-11869, Bull. civ. I, n° 220 ; Civ. 1, 18 janv. 1983, n° 81-14860, Bull. civ. I,
n° 21 ; Com., 13 mars 1990, n° 88-18251, Bull. civ. IV, n° 77 ; RTD civ. 1990, p. 464, obs. J. Mestre ;
Civ. 3, 1er avr. 1998, n° 96-17028, Bull. civ. I, n° 80 ; Civ. 3, 14 nov. 1996, n° 94-19663, Bull. civ. III,
n° 217.
2. Cons. const., 9 nov. 1999, n° 99-419 DC ; RTD civ. 2000, p. 109, obs. J. Mestre et B. Fages ; D. 2000,
somm. p. 424, obs. S. Garneri ; JCP 2000, I, 261, n° 15 et s., obs. B. Mathieu et M. Verpeaux : « si le
contrat est la loi commune des parties, la liberté qui découle de l’article 4 de la Déclaration des droits
de l’homme et du citoyen de 1789 justifie qu’un contrat de droit privé à durée indéterminée puisse
être rompu unilatéralement par l’un ou l’autre des contractants ».
3. Civ. 1, 19 mars 2002, n° 99-21209, RTD civ. 2002, p. 510, obs. J. Mestre et B. Fages.
4. S’agissant de l’engagement des associés coopérateurs envers une société coopérative, est excessive une
durée de 50 ans (Civ. 1, 31 janv. 1989, n° 87-10092, Bull. civ. I, n° 53 ; JCP 1989, II, 21294, note
J.-J. Barbiéri) ; mais une durée de 30 ans a été jugée valable (Civ. 1, 30 mai 1995, n° 93-11837,
Bull. civ. I, n° 231). Est excessif l’engagement d’un médecin libéral envers une clinique pour « la
durée de la société » – en l’espèce, 99 ans (Civ. 1, 19 mars 2002, n° 99-21209, RTD civ. 2002, p. 510,
243
obs. J. Mestre et B. Fages) ; mais un engagement d’une durée de 25 ans a été jugé valable (Civ. 1,
20 mai 2003, n° 00-17407, Bull. civ. I, n° 124).
1. Com., 5 déc. 1984, n° 83-14273, Bull. civ. IV, n° 332.
2. Com., 5 mars 1996, n° 96-12855, RTD civ., p. 905, obs. J. Mestre (comportement agressif du cocon-
tractant) ; Civ. 1, 11 mars 2014, n° 12-29876 ; RDC 2014, p. 355, obs. Y.-M. Laithier.
3. Com., 5 oct. 1993, n° 91-10408, Bull. civ. I, n° 326 ; Com., 21 févr. 2006, n° 02-21240, Bull. civ. I,
n° 82 ; RTD civ. 2006, p. 314, obs. J. Mestre et B. Fages ; RDC 2006, p. 704, obs D. Mazeaud ;
Cont. Conc. Cons. 2006, n° 99, obs. L. Leveneur : la résiliation d’un contrat à durée indéterminée peut,
même si le préavis est respecté, être abusive en raison des circonstances particulières qui accompagnent
cette rupture.
4. Jurisprudence constante : Com., 15 déc. 1969, Bull. civ. IV, n° 384, ; JCP 1970, II, 16391, note J. H. ;
Com. 26 janv. 2010, n° 09-65086, Bull. civ. IV, n° 18, JCP 2010, 516, obs. P. Grosser.
5. Contra cep., favorable à la consécration d’une obligation de motivation de la résiliation unilatérale :
M. Fabre-Magnan, « L’obligation de motivation en droit des contrats », Mélanges Ghestin, LGDJ, 2001,
p. 301 ; M. Fabre-Magnan, « Obligation de motivation et droit des contrats », RDC 2004, p. 255.
244
245
1. Cour de cassation, Rapport annuel 2008, p. 307. Com., 20 nov. 2012, n° 11-22660 ; JCP E 2013,
1092, note N. Mathey, la relation commerciale n’est pas considérée comme établie car le demandeur
« ne pouvait raisonnablement anticiper une continuité de la relation commerciale pour l’avenir ».
2. C. Lachièze, « La rupture des relations commerciales à la croisée du droit commun et du droit de la
concurrence », préc., n° 8 ; L.-M. Augagneur, « L’anticipation raisonnable de la rupture des relations
commerciales. À propos d’un non-revirement de la Cour de cassation », JCP E 2009, 1969.
3. Com., 12 mai 2004, n° 01-12865, Bull. civ. IV, n° 86 ; D. 2005, p. 148, obs. D. Ferrier ; RDC 2004,
p. 943, obs. P. Stoffel-Munck ; JCP E 2004, 1477, note C. Lachièze. Com., 20 mai 2014, n° 13-16398,
Bull. civ. IV, n° 89 ; JCP E 2014, 1381, note N. Mathey.
4. Com., 22 oct. 2013, n° 12-19500, Bull. civ. IV, n° 156 ; Cont. Conc. Cons. 2013, n° 266, obs.
N. Mathey ; RTD civ. 2013, p. 118, obs. crit. B. Fages.
5. Ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, préc.
246
247
1. Ord. n° 2016-131 du 10 févr. 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de
la preuve des obligations, préc.
2. Exécution forcée (art. 1221 et 1222 C. civ.), réduction du prix (art. 1223 C. civ.), mise en œuvre
d’une clause résolutoire (art. 1225 al. 2 C. civ.), résolution par notification (art. 1226 al. 1 C. civ.).
249
La force majeure
629. « À l’impossible nul n’est tenu ». Lorsqu’un obstacle rend impossible l’exé-
cution, la force obligatoire du contrat cède : le débiteur empêché de s’exécuter
en raison d’un événement de force majeure ne peut être considéré comme ayant
manqué à ses obligations. Comme l’énonce le dicton populaire : « à l’impossible
nul n’est tenu ». L’article 1218 du Code civil, dont les dispositions ne sont pas
d’ordre public1, précise la notion (I) et les effets (II) de la force majeure2.
1. Dans les contrats de la vie des affaires, il n’est pas rare que les parties désignent elles-mêmes quels sont
les événements qu’elles considèrent comme étant de force majeure ou qu’elles aménagent les effets de
la force majeure.
2. Sur la force majeure, v. not. : P.-H. Antonmattei, Contribution à l’étude de la force majeure, préf.
B. Teyssié, LGDJ, 1992 ; P. Grosser, Les remèdes à l’inexécution du contrat, dir. J. Ghestin, thèse Paris I,
2000. Sur le projet de réforme du Code civil, v. not. M. Mekki, « Les remèdes à l’inexécution dans le
projet d’ordonnance portant réforme du droit des obligations », Gaz. Pal. 2015, n° 120, p. 37 et s.,
spéc. n° 4 et s. ; H. Boucard, « Article 1218 : la force majeure contractuelle », RDC 2015, p. 779 et s. ;
Y.-M. Laithier, « Les règles relatives à l’inexécution du contrat », JCP 2015, supplément au n° 21, p. 47.
Sur les nouvelles dispositions du Code civil issues de l’ordonnance, v. not F. Gréau et F. Chabas, Rép.
civ. Dalloz, V° Force majeure, n° 66 ; S. Bros, « La force majeure », Dr. et pat. juin 2016, n° 259, p. 40.
V. ég. F. Gréau et F. Chabas, Rép. civ. Dalloz, préc.
250
1. Sur la force majeure en matière contractuelle, v. not. P.-H. Antonmattei, « Ouragan sur la force
majeure », JCP 1996, I, 3907 ; J. Moury, « Force majeure : éloge de la sobriété », RTD civ. 2004, p. 471.
2. V. not. Civ. 1, 6 nov. 2002, n° 99-21203, Bull. civ. I, n° 258 ; JCP 2003, I, 152, n° 32, obs. G. Viney ;
RTD civ. 2003, p. 301, obs. P. Jourdain ; RDC 2003, p. 59, obs. Ph. Stoffel-Munck ; Cont. Conc. Cons.
2003, n° 53 (1re esp.), note L. Leveneur ; Dr. et pat. févr. 2003, p. 110, obs. P. Chauvel ; Gaz. Pal. 2003,
somm. 1188, obs. F. Chabas ; Resp. civ. ass. 2003, comm. 41 : « la seule irrésistibilité caractérise la force
majeure ».
3. Ass. plén., 14 avr. 2006, n° 02-11168, Bull. civ. ass. plén. 2006, n° 5 ; Bull. inf. C. cass. 1er juill. 2006,
n° 643, rapp. Petit, avis R. de Gouttes ; D. 2006, jurispr. p. 1577, note P. Jourdain ; D. 2006, pan.
1933, obs. Ph. Brun et 2645, obs. B. Fauvarque-Cosson ; JCP 2006, II, 10087, note P. Grosser ; Def.,
2006, p. 1212, obs. É. Savaux ; RDC 2006, p. 1207, obs. G. Viney ; Cont. Conc. Cons. 2006, n° 152,
obs. L. Leveneur.
251
252
1. Le sort du contrat
638. Le sort du contrat dépendra de la gravité des conséquences de la force majeure.
Il faut distinguer selon que l’empêchement est temporaire (A) ou définitif (B).
A. Empêchement temporaire
639. Suspension. Lorsque l’impossibilité d’exécution est seulement temporaire,
l’exécution du contrat est suspendue jusqu’au moment où l’empêchement vient à
cesser, à moins que le retard qui résulterait de la suspension ne justifie la résolution
du contrat4 (C. civ., art. 1218 al. 2).
B. Empêchement définitif
640. Résolution de plein droit. Lorsque l’exécution du contrat est empêchée
de façon définitive, le contrat est résolu « de plein droit » (art. 1218 al. 2 C. civ.).
Cette expression signifie que la résolution est automatique. Cependant, pour des
raisons pratiques, le contractant souhaitant s’en prévaloir aura intérêt à notifier la
résolution du contrat à l’autre partie5.
La résolution opère en principe avec effet rétroactif : le contrat est censé n’avoir
jamais existé. Cependant, lorsqu’il s’agit d’un contrat à exécution successive,
253
1. V. not. C. Lachièze, Droit du tourisme, LexisNexis 2020, n° 290 et s. ; A. Bénabent, « Les naufragés de
l’Eyjafjallajökull », D. 2010, p. 1136 ; A. Batteur, D. Bazin-Beust et L. Raschel, « L’éruption du volcan
Eyjafjöll, un sujet explosif », JCP 2010, n° 707.
254
1. V. par ex. Civ. 1, 19 nov. 1991, n° 90-15731, Bull. civ. I, n° 325 : un client a commandé des livres
à une maison d’édition mais, ne les ayant pas reçus, il refuse d’acquitter le prix ; l’éditeur justifie de
l’envoi en produisant le bordereau d’expédition ; la Cour de cassation rejette le pourvoi contre l’arrêt
ayant décidé que l’acheteur, propriétaire de la marchandise, doit supporter le risque et donc payer le
prix des livres.
2. V. par ex. Com., 20 nov. 1979, n° 77-15978, Bull. civ. IV, n° 300 ; JCP 1981, II, 19615 (publié avec
l’arrêt de renvoi), note J. Ghestin, la clause de réserve de propriété d’une machine jusqu’à paiement
complet du prix par l’acheteur a pour conséquence que la machine, bien qu’entreposée dans les locaux
de l’acheteur, demeure à la charge et aux risques du vendeur.
3. V. not. R. Bonhomme, « La dissociation des risques et de la propriété », Liber amicorum J. Calais-Auloy,
Dalloz 2004, p. 69.
4. La possibilité d’une telle convention est expressément prévue par l’article L. 132-7 du Code de
commerce : « la marchandise sortie du magasin du vendeur ou de l’expéditeur voyage, s’il n’y a conven-
tion contraire, aux risques et périls de celui à qui elle appartient ».
255
L’exception d’inexécution
1. Conditions de fond
646. Réciprocité des obligations. Le contrat synallagmatique est le domaine
d’élection de l’exception d’inexécution. Celle-ci s’applique également à tous les
rapports synallagmatiques, même ceux qui ne naissent pas d’un contrat (par
exemple les restitutions réciproques qui sont dues à la suite de l’annulation d’un
contrat). L’exception d’inexécution suppose en outre que les obligations réci-
proques soient à exécuter simultanément. Si l’une des parties doit s’exécuter avant
l’autre, l’exception d’inexécution ne peut s’appliquer : par exemple, dans la vente, si
le vendeur a accordé des délais de paiement, il est tenu de livrer avant le paiement
du prix.
1. R. Cassin, De l’exception d’inexécution dans les rapports synallagmatiques (exceptio non adimpleti
contractus) et de ses relations avec le droit de rétention, la compensation et la résolution, Paris, Sirey 1914 ;
C. Malecki, L’exception d’inexécution, préf. J. Ghestin, LGDJ, 1999.
2. Ord. n° 2016-131 du 10 févr. 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de
la preuve des obligations, préc.
256
257
1. Com., 1er déc. 1992, n° 91-10930, Bull. civ. IV, n° 392 ; RTD civ. 1993, p. 578, obs. J. Mestre, dans
un contrat de concession exclusive le concédant qui invoque l’exception d’inexécution ne doit pas
installer un nouveau concessionnaire, car cela reviendrait à rendre impossible la reprise du contrat ; il
peut cependant prendre l’initiative de distribuer ses produits par une autre voie (par exemple, direc-
tement par ses propres salariés).
2. Sur cette règle, v. not. C. Atias, « Les “risques et périls” de l’exception d’inexécution », D. 2003, p. 1103.
3. Civ. 1, 18 juill. 1995, n° 93-16338, Bull. civ. I, n° 322 ; RTD civ. 1996, p. 395, obs. J. Mestre, l’excep-
tion d’inexécution mise en œuvre par la clinique n’étant pas proportionnée à l’inexécution par le
médecin de ses propres obligations, le contrat est résolu aux torts de la clinique.
4. Civ. 3, 15 déc. 1993, n° 92-12324, Bull. civ. III, n° 168 ; D. 1994, p. 462, note M. Storck.
258
La réduction du prix
651. La réduction du prix d’un contrat en cas d’exécution imparfaite n’était admise,
avant l’ordonnance du 10 février 2016, que par quelques dispositions spéciales
(par ex. art. 1644 C. civ. ; art. L. 217-10 C. cons.). Dans la vente commerciale la
jurisprudence l’avait admise comme un « usage du commerce »1. L’ordonnance du
10 février 2016 a introduit la réduction du prix dans le droit commun des contrats,
à l’article 1223 du Code civil. Ce texte a été réécrit par la loi de ratification du
20 avril 20182.
Nous présenterons successivement les conditions (I) et les effets (II) de la réduction
du prix.
259
260
L’exécution forcée
656. L’exécution forcée est l’exécution d’une convention (ou d’un jugement)
imposée au débiteur. Elle s’oppose à l’exécution spontanée (ou volontaire).
L’exécution forcée permet de procurer au créancier la prestation promise. Le
législateur utilise l’expression « exécution forcée en nature » Mais cette expression
est redondante. En matière contractuelle toute exécution, qu’elle soit volontaire
ou forcée, s’effectue en nature. On parlera donc d’exécution forcée, sans plus de
précision.
656. On présentera le domaine (I) puis les modalités (II) de l’exécution forcée.
1. Le principe
658. Droit à l’exécution forcée. Le droit du créancier d’imposer au débiteur
l’exécution de son obligation, au besoin par la force, est le prolongement naturel
du principe de la force obligatoire du contrat1. Tout créancier a en principe droit
261
2. Les exceptions
659. Impossibilité d’exécution. L’exécution forcée ne peut être ordonnée « si
cette exécution est impossible » (C. civ., art. 1221). Le législateur n’a pas défini
la notion d’impossibilité mais celle-ci correspond semble-t‑il aux deux exceptions
qui étaient admises autrefois par la jurisprudence2.
Il y a impossibilité d’exécution lorsque l’exécution se heurte à un obstacle maté-
riel, par exemple lorsque la chose que le vendeur était tenu de livrer n’est plus
fabriquée3.
Il y a également impossibilité lorsque l’exécution de l’obligation implique la
participation de la personne physique du débiteur. La force obligatoire du
contrat doit s’infléchir devant la liberté individuelle du débiteur. Par exemple,
on ne peut condamner sous astreinte un peintre à livrer un tableau qu’il juge
indigne de lui4.
660. Disproportion manifeste. Antérieurement à l’ordonnance du
10 février 2016, il n’existait aucune autre exception au droit à l’exécution forcée
que celles tenant à l’impossibilité d’exécution. La jurisprudence ne tenait aucun
compte d’une éventuelle « disproportion » entre « le coût » de l’exécution pour le
débiteur et « son intérêt » pour le créancier ; elle décidait sans faillir que « la partie
envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté peut forcer l’autre à l’exécution
sous la sanction du droit, mais sans que le type de sanction soit prédéterminé ; Y.-M. Laithier, Étude
comparative des sanctions de l’inexécution du contrat, préf. H. Muir Watt, LDGJ, 2004.
1. CPCE, art. L. 111-1 : « tout créancier peut, dans les conditions prévues par la loi, contraindre son
débiteur défaillant à exécuter ses obligations à son égard ».
2. V. Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, préc.,
Sous-Section 2 : « L’exécution forcée en nature », p. 17.
3. Com., 5 oct. 1993, n° 90-21146, Bull. civ. IV, n° 313.
4. Civ., 14 mars 1900, DP 1900, 1, p. 497, note M. Planiol.
262
1. V. Civ. 3, 11 mai 2005, n° 03-21136, Bull. civ. III, n° 103 ; RDC 2006 p. 323, obs. D. Mazeaud ;
RTD civ. 2005, p. 396, obs. J. Mestre et B. Fages, pour une insuffisance de 33 centimètres par rapport
aux prévisions contractuelles, les clients ont demandé la démolition et la reconstruction d’une maison
individuelle, ce que la Cour d’appel a refusé ; cassation, au visa de l’ancien art. 1184 C. civ. : « la partie
envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté peut forcer l’autre à l’exécution de la convention
lorsqu’elle est possible ». V ég. dans la même idée : Civ. 3, 17 janv. 1984, n° 82-15982 ; RTD civ. 1984,
p. 711, obs. J. Mestre, cassation d’une décision qui avait refusé de faire droit à la demande de mise en
conformité d’une piscine comportant trois marches au lieu de quatre.
2. V. sur ce point P. Grosser, « L’exécution forcée en nature », AJCA 2016, p. 119, spéc. note 34. J. Mestre,
« Réflexions sur l’abus du droit de recouvrer sa créance », Mélanges P. Raynaud, Dalloz-Sirey 1985,
p. 489.
3. V. en ce sens : H. Lécuyer, « L’inexécution du contrat », préc., spéc. n° 12 : « on peine à admettre
que l’intérêt pour le créancier d’obtenir ce qui n’est que l’exécution du contrat puisse ainsi être mis
en balance avec l’investissement pour le débiteur que le seul respect de ce contrat impose. Une fois
encore, la force obligatoire du contrat est atteinte. La légitimité de cette atteinte est discutable ». V. ég.
les critiques de T. Genicon, « Notions nouvelles et notions abandonnées, réflexion sur une révolu-
tion des mots », RDC 2015, p. 625 et s, spéc. n° 11 ; T. Génicon, « Contre l’introduction du “coût
manifestement déraisonnable” comme exception à l’exécution forcée en nature », Dr. et pat. 2014,
n° 240, p. 63 ; M. Mekki, « Les remèdes à l’inexécution dans le projet d’ordonnance portant réforme
du droit des obligations », Gaz. Pal. 2015, n° 120, p. 37 ; L. Leveneur, « Table ronde : faut-il avoir
confiance dans la réforme ? », RDC 2015, p. 664 ; M. Fabre-Magnan, n° 680 ; P. Malaurie, L. Aynès
et P. Stoffel-Munck, n° 880. Contra, en faveur de cette disposition nouvelle : Y.-M. Laithier, « Les
règles relatives à l’inexécution des obligations contractuelles », JCP 2015, supp. n° 21, p. 47, spéc.
n° 14 et s. ; D. Mazeaud, « Observations conclusives », RDC 2016, p. 53 et s., spéc. n° 15.
263
1. Contrainte directe
662. Procédés de contrainte directe. Les procédés de contrainte directe per-
mettent au créancier d’obtenir exactement ce qui lui était dû. La contrainte directe
est exclue lorsqu’elle impliquerait de faire violence à la personne du débiteur. On
ne saurait porter atteinte à la liberté individuelle pour les besoins de l’exécution
d’une obligation civile1.
S’agissant des obligations monétaires, l’exécution forcée directe reste toujours pos-
sible : du fait de la fongibilité de la monnaie, le créancier peut obtenir ce qui lui
était dû en recourant à la saisie et la vente des biens du débiteur dans les conditions
prévues par le Code des procédures civiles d’exécution.
En dehors des obligations monétaires, la contrainte directe n’est admise que dans
les conditions prévues à l’article 1222 du Code civil. S’il s’agit d’une obligation de
faire, le créancier a la possibilité de la faire exécuter par un tiers aux frais du débiteur
défaillant. S’il s’agit d’une obligation de ne pas faire, le créancier peut demander la
destruction, aux frais du débiteur, de ce qui a été fait en violation de l’obligation.
Par exemple, un créancier peut demander la destruction de constructions faites en
violation d’une servitude ou d’une obligation contractuelle2, ou la fermeture d’un
fonds de commerce ouvert en violation d’une obligation de non-concurrence3.
2. Contrainte indirecte
663. L’astreinte. L’astreinte est une mesure de contrainte par laquelle un juge
condamne un débiteur récalcitrant à exécuter ses obligations sous peine de devoir
verser telle somme d’argent par jour de retard (CPCE, art. L. 131-1 et s.). C’est
un moyen de contrainte indirecte, mais très efficace. Suivant la formule de
Carbonnier, « on frappe le portefeuille, mais pour ébranler la volonté4 ».
264
1. Sur le principe de la résolution judiciaire, v. not. : T. Génicon, La résolution du contrat pour inexécution,
LGDJ, 2007 ; C. Jamin, « Les sanctions unilatérales de l’inexécution du contrat : trois idéologies en
concurrence », in C. Jamin et D. Mazeaud (dir.) L’unilatéralisme et le droit des obligations, Economica,
1999, p. 71.
265
266
267
1. V. par ex : Civ. 3, 5 févr. 1992, n° 90-13153, Bull. civ. III, n° 83, RTD civ. 1992, p. 763, obs. J. Mestre,
le juge n’a pas à « rechercher si la sanction est proportionnée ou non à la gravité du manquement
invoqué ».
2. Civ. 1, 3 févr. 2004, n° 01-02020, Bull. civ. I, n° 27 ; JCP 2004, II, 10149, note E. Treppoz ;
Cont. Conc. Cons. 2004, n° 55, obs. L. Leveneur ; Civ. 3, 23 mars 2017, n° 16-13060, Bull. civ. (à
paraître) ; D 2017, p. 760 ; Cont. Conc. Cons. 2017, n° 117, obs. L. Leveneur.
268
A. Conditions
674. « Inexécution suffisamment grave ». La résolution unilatérale par notifi-
cation requiert une « inexécution suffisamment grave » (art. 1224 C. civ.). Cette
condition est la même que celle qui est requise pour la résolution judiciaire (v. infra,
n° 680). Le texte ne précise pas comment apprécier le degré de gravité suffisant
pour justifier la résolution. On trouve dans les Principes du droit européen du
contrat6 un critère pertinent d’appréciation : l’inexécution est suffisamment grave
1. Civ. 1, 31 janv. 1995, n° 92-20654, Bull. civ. I, n° 57 ; D. 1995, p. 389, note C. Jamin.
2. Civ. 1, 31 janv. 1995, n° 92-20654, préc. (clause résolutoire contenue dans un contrat de prêt) ; Civ. 3,
8 avr. 1987, n° 85-17596, Bull. civ. III, n° 88, Def., 1988, p. 75, obs. J.-L. Aubert ; RTD civ. 1988,
p. 122, obs, J. Mestre et p. 146, obs. P. Rémy ; JCP 1988, II, 21037, note Y. Picod, est de mauvaise
foi le crédirentier qui, après avoir toléré pendant plusieurs années le non-paiement des arrérages, a
brusquement changé d’attitude et s’est prévalu de la clause ; Civ. 1, 16 févr. 1999, Bull. civ. I, n° 52
(clause contenue dans un contrat de vente avec rente viagère) ; Civ. 3, 10 nov. 2010, n° 09-15937,
Bull. civ. III, n° 199 (clause résolutoire contenue dans un bail commercial).
3. Civ. 1, 5 juin 1991, n° 89-21166, Bull. civ. III, n° 163, est de mauvaise foi le bailleur qui ne laisse pas
au locataire un délai suffisant au regard de l’ampleur des travaux à accomplir.
4. Com., 14 déc. 1993, n° 92-11702, Bull. civ. IV, n° 476 ; Civ. 3, 27 mai 1987, Bull. civ. III, n° 108.
5. Civ. 3, 24 sept. 2003, n° 02-12474, Bull. civ. III, n° 161 ; RDC 2004, p. 644, obs. crit. D. Mazeaud ;
RTD civ. 2003, p. 707, obs. J. Mestre et B. Fages, « en cas d’inexécution de son engagement par
le débiteur sa bonne foi est sans incidence sur l’acquisition de la clause résolutoire ». V. ég. Civ. 3,
10 mars 1993, n° 91-12031, D. 1993, p. 357, note P. Bihr ; Cont. Conc. Cons. 1993, n° 149, obs.
L. Leveneur ; RTD civ. 1994, p. 100, obs. J. Mestre.
6. V. Principes du droit européen des contrats (PDEC), dir. O. Lando, version française par G. Rouhette
et alii, SLC 2003.
269
B. Contrôle judiciaire
678. « Risques et périls ». L’article 1226 du Code civil indique que la résolution
unilatérale par notification s’opère « aux risques et périls » du créancier. Cette
formule, reprise de la jurisprudence3, signifie que le débiteur peut saisir le juge
pour contester la résolution. Il appartient alors au créancier de prouver la gravité
de l’inexécution.
1. PDEC, art. 8 : 103. On trouve le même critère dans la Convention de Vienne sur la vente internatio-
nale, art. 25.
2. Com., 10 févr. 2009, n° 08-12415 ; Cont. Conc. Cons. 2009, n° 123, obs. crit. L. Leveneur ; RDC 2010,
p. 44, obs. crit. T. Génicon. V. ég. Com., 20 oct. 2015, n° 14-20416, Cont. Conc. Cons. 2016, n° 3,
obs. L. Leveneur. V. D. Bakouche, « L’articulation des résolutions unilatérale et conventionnelle »,
JCP 2014, 414.
3. V. not. Civ. 1, 13 octobre 1998, n° 96-21485, Bull. civ. I, n° 300, préc.
270
3. La résolution judiciaire
680. Conditions. L’article 1227 du Code civil prévoit que « la résolution peut,
en toute hypothèse, être demandée en justice ». Cette disposition signifie que le
créancier peut saisir le juge pour solliciter la résolution du contrat même si une
clause résolutoire a été prévue ou si une procédure de résolution par notification
a été engagée. En revanche, cette disposition ne remet pas en cause la validité de
principe des clauses de renonciation à la résolution judiciaire2 : ces clauses sont
valables tant qu’elles ne portent pas atteinte à la substance du droit ni au droit
d’agir en justice3.
Comme la résolution unilatérale, la résolution judiciaire suppose une « inexécution
suffisamment grave » (C. civ., art. 1224). La mise en demeure préalable du débiteur
n’est pas nécessaire : la saisine du juge suffit à avertir le débiteur défaillant.
L’article 1226, al. 4, du Code civil règle la question de la charge de la preuve, en
reprenant les solutions admises par la jurisprudence. C’est au débiteur de l’obli-
gation de prouver l’exécution ; une fois cette preuve rapportée, c’est au créancier
de prouver que l’exécution est défectueuse.
681. Pouvoirs du juge. Le juge saisi d’une demande de résolution dispose de
larges pouvoirs. Selon l’article 1228, qui synthétise les solutions de la jurisprudence
antérieure, le juge peut « selon les circonstances » :
271
272
273
1. Cette distinction avait été suggérée par T. Génicon, La résolution du contrat pour inexécution, préc.,
n° 855 et s.
274
La responsabilité contractuelle
1. Les règles relatives à la responsabilité contractuelle devraient être modifiées à l’occasion de la réforme
prochaine du droit de la responsabilité.
2. Pour une critique du concept de responsabilité contractuelle : v. not. D. Tallon, « Pourquoi parler de
faute contractuelle ? » Écrits en l’honneur de G. Cornu, PUF 1994, p. 429 s. ; « L’inexécution du contrat :
pour une autre présentation », RTD civ. 1994, p. 223 ; P. Rémy, « Critique du système français de
responsabilité civile », Droit et culture, 1996, p. 31 ; P. Rémy, « La « responsabilité contractuelle » :
histoire d’un faux concept », RTD civ. 1997, p. 323 ; P. Le Tourneau, Droit de la responsabilité et des
contrats, Dalloz, 10e éd. 2014, n° 802 s.
3. Civ., 11 janv. 1922, DP 1922, 1, 16, ; S. 1924, 1, p. 105, note R. Demogue ; GA, t. 2, n° 182.
275
1. Le manquement contractuel
688. Preuve du manquement : distinction des obligations de moyens et de
résultat. En cas d’inexécution du contrat, la question de la preuve est essentielle :
le créancier peut-il se contenter de démontrer qu’il n’a pas obtenu la presta-
tion attendue ? Ou bien doit-il en outre établir une faute du débiteur ? À cette
question, le Code civil de 1804 répondait par deux textes contradictoires (les
articles 1137 et 1147, aujourd’hui supprimés). La contradiction a été résolue par
René Demogue qui a proposé une distinction entre deux catégories d’obligations
différentes : les obligations de moyens et les obligations de résultat.
689. Obligation de moyens. L’obligation est dite de moyens lorsque le débiteur
promet de mettre en œuvre tous les moyens pour accomplir sa mission mais sans
promettre le succès. Par exemple, l’avocat s’engage à faire tout son possible pour
gagner le procès mais il ne promet pas de le gagner ; le médecin s’engage à mettre
en œuvre tous les moyens dont il dispose pour guérir le patient mais il ne garantit
pas la guérison.
Le débiteur n’ayant pas promis le résultat espéré, sa responsabilité ne peut être
engagée du seul fait que le résultat n’a pas été obtenu1. Le créancier doit prouver
que le débiteur a commis une faute, c’est-à‑dire qu’il n’a pas mis en œuvre tous les
moyens dont il disposait pour parvenir au résultat espéré2. Le comportement du
débiteur est apprécié in abstracto, par référence à un modèle abstrait. Le débiteur
est fautif s’il n’a pas eu le comportement attendu d’une personne raisonnable
disposant des mêmes qualifications et placée dans la même situation.
L’obligation est dite de moyens renforcée lorsque le débiteur supporte une pré-
somption simple de faute qui peut être renversée par la preuve de l’absence de faute.
1. V. par ex. Civ. 1, 12 déc. 1995, n° 93-19437, Bull. civ. I, n° 461, « la faute ne peut se déduire de la
seule absence de réussite de l’acte médical ».
2. Par ex. Civ. 1, 13 oct. 1999, n° 97-21451, JCP 2000, II, 10270, note A. Dorsner-Doliver, à l’occasion
d’une biopsie hépatique le médecin « avait commis une erreur de trajet constitutive d’une maladresse »
de nature à engager sa responsabilité.
276
2. Le préjudice
692. Nécessité d’un préjudice. La responsabilité contractuelle, ayant pour objet la
réparation du préjudice né de l’inexécution, suppose que soit rapportée la preuve
du préjudice. Le créancier qui demande réparation doit établir le principe et le
1. Par ex., s’agissant d’un garagiste : Civ. 1, 8 déc. 1998, n° 91-11848, Bull. civ. I, n° 343.
2. Com., 8 mars 2012, n° 10-25913 ; Bull. civ. I, n° 51 ; D. 2012, p. 1304, note C. Lachièze ;
Cont. Conc. Cons. 2012, n° 145, note L. Leveneur, l’obligation de prise en charge et d’assistance des
voyageurs incombant à l’agence de voyages (L. 211-15 C. tourisme) est une obligation de garantie ;
l’agent de voyages ne peut s’exonérer, même en rapportant la preuve d’un cas de force majeure (éruption
volcanique).
3. Sur cette disposition, v. C. Lachièze, Droit du tourisme, LexisNexis, 2e éd. 2020, n° 338 et s.
277
3. Le lien de causalité
694. Nécessité du lien de causalité. L’exigence d’un lien de causalité entre le
manquement contractuel et le préjudice est une condition générale de la responsa-
bilité civile qui s’impose même en cas de faute lourde ou de dol, comme l’indique
l’article 1231-4 du Code civil : « Dans le cas même où l’inexécution du contrat
résulte d’une faute lourde ou dolosive, les dommages et intérêts ne comprennent
que ce qui est une suite immédiate et directe de l’inexécution ». L’appréciation du
lien de causalité soulève parfois des difficultés, qui sont les mêmes qu’en matière
de responsabilité délictuelle3.
1. Civ. 3, 3 déc. 2003, n° 02-18033, Bull. civ. III, n° 221 ; Cont. Conc. Cons. 2004, n° 38, obs. L. Leveneur ;
JCP 2004, I, 163, obs. G. Viney ; RTD civ. 2004, p. 295, obs. P. Jourdain : « des dommages et intérêts
ne peuvent être alloués que si le juge, au moment où il statue, constate qu’il est résulté un préjudice de
la faute contractuelle ». V. ég. en ce sens s’agissant de l’obligation de ne pas faire : Com., 7 mai 2019,
n° 18-11128, Cont. Conc. Cons. 2019, n° 136, obs. L. Leveneur.
2. V. par ex. dans le contrat de transport : Civ. 1, 26 sept. 2012, n° 11-13.177, D. 2012. 2305, obs.
I. Gallmeister ; D. 2012, p. 2649, édito. F. Rome ; D. 2013, p. 2432, obs. H. Kenfack ; RTD com.
2012, p. 843, obs. B. Bouloc ; JT 2013, n° 149, p. 45, obs. C. Lachièze, le retard du train ayant
empêché le voyageur, avocat de profession, d’assister un client, les juges du fond avaient condamné
la SNCF à réparer la totalité des préjudices subis, sans considération du caractère prévisible ou non
(perte d’honoraires, perte de crédibilité) : cassation, au visa de l’ancien art. 1150 C. civ. (1231-3).
3. Sur ces difficultés, v. not. A. Bénabent, n° 545 ; F. Terré, P. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, n° 859
et s.
278
2. Aménagements conventionnels
699. Liberté contractuelle. Les parties peuvent prévoir dans leur contrat quelles
seront les conséquences d’une inexécution ou d’une exécution défectueuse. De
tels aménagements sont par principe licites en vertu de la liberté contractuelle.
On trouve en pratique les clauses les plus diverses. La distinction principale est
celle opposant les clauses exonératoires ou limitatives de responsabilité (A) et les
clauses pénales (B).
279
B. Clauses pénales
702. Notion. Les clauses pénales sont celles qui fixent à l’avance de façon forfai-
taire le montant des dommages et intérêts qui seront dus en cas d’inexécution2
(art. 1231-5 C. civ.). La définition de la clause pénale repose sur deux critères : la
somme prévue est attribuée à titre de dommages et intérêts sanctionnant l’inexé-
cution de sorte qu’elle incite le débiteur à s’exécuter3, et elle constitue un forfait
et non un plafond4.
280
1. Civ. 3, 5 déc. 1984, n° 83-11788, Bull. civ. III, n° 207 ; D. 1985, p. 544, obs. F. Bénac-Schmidt ;
JCP 1986, II, 20555, note G. Paisant.
2. Civ. 3, 9 janv. 1991, n° 89-15781, D. 1991, p. 481, note G. Paisant.
3. Com., 14 déc. 2010, n° 09-68275, RTD civ. 2011, p. 122, obs. B. Fages : « en se déterminant par de
tels motifs, sans se fonder sur la disproportion manifeste entre l’importance du préjudice effectivement
subi et le montant conventionnellement fixé, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».
281
282
284
Ces ouvrages sont cités par le seul nom de l’auteur ou des auteurs.
A. Bénabent, Droit civil, Les obligations, Montchrestien, 18e éd., 2019.
J. Carbonnier, Droit civil, t. IV, Les obligations, PUF, 22e éd., 2000.
O. Deshayes, T. Genicon, Y.-M. Laithier, Réforme du droit des contrats, du
régime général et de la preuve des obligations, Commentaire article par article,
LexisNexis, 2e éd., 2018.
G. Chantepie et M. Latina, La réforme du droit des obligations, commentaire
théorique et pratique dans l’ordre du Code civil, Dalloz, 2e éd., 2018.
M. Fabre-Magnan, Les Obligations, t. 1, Contrat et engagement unilatéral, PUF,
5e éd., 2019.
B. Fages, Droit des obligations, LGDJ, 9e éd., 2019.
J. Flour, J.-L. Aubert et É. Savaux, Les obligations, t. 1, L’acte juridique,
A. Colin, 16e éd., 2014.
J. Ghestin, G. Loiseau et Y.-M. Serinet, La formation du contrat du contrat,
t. 1, Le contrat – Le consentement, 2013 ; t. 2 L’objet et la cause – Les nullités,
4e éd. 2013.
J. Ghestin, C. Jamin et M. Billiau, Traité de droit civil, Les effets du contrat,
LGDJ, 3e éd., 2001.
D. Houtcieff, Droit des contrats, 4e éd. Larcier 2019.
C. Larroumet, S. Bros, Droit civil, t. III, Les obligations, Le contrat,
t. 1 Formation, Economica, 9e éd., 2018.
P. Le Tourneau (dir.), Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz-Action
2020.
P. Malaurie, L. Aynès et P. Stoffel-Munck, Droit civil, Les obligations,
Defrénois, 8e éd., 2016.
P. Malinvaud, M. Mekki et J.-B. Seube, Droit des obligations, LexisNexis,
15e éd. 2019.
286
A C
Abus de dépendance : v. violence Caducité : 402
Acceptation de l’offre : 183 s. Capacité : 142 s.
Acte authentique : 391 s. Cause : 317
Acte juridique : 52 s. Cession de contrat : 482 s.
Acte unilatéral : 56 s. Cession de créance : 38
Action directe : 519 s. Cession de dette : 38
Action oblique : 500 Chaîne de contrats : 522 s.
Action paulienne : 501 Changement de circonstances : 555 s.
Analyse économique du droit : 14, Clause abusive : 367 et s.
84 s. Clause contraire à une obligation
Apparence : 466 essentielle : 372 s.
Attentes légitimes : 76 s. Clause d’indivisibilité : 446
Autonomie de la volonté : 69 s. Clause limitative de responsabilité :
Avant-contrat : 216 s. 700 s.
Avenant : 565 Clause pénale : 702 s.
Ayant cause à titre universel : 479 s. Condition :
Ayant cause à titre particulier : 502 s. – définition : 587
– potestative : 589
– résolutoire : 596 s.
B
– suspensive : 592 s.
Bonne foi : 126 s., 545 s. Confirmation : 425
Bonnes mœurs : 323 Consensualisme : principe : 377 s.
But du contrat : 329 et s. Consentement : 162 s.
D F
Décès du contractant : 97 Forçage du contrat : 545 s.
Dol : Force majeure :
– auteur du dol : 298 – notion : 630 s.
– définition : 291 – effets : 637 s.
– dissimulation intentionnelle : 296
288
289
290
291
Introduction 3
I. Genèse de la réforme du droit des contrats 4
II. Mise en œuvre de la réforme du droit des contrats 7
III. Contenu de la réforme du droit des contrats 9
Partie préliminaire
Obligation et contrat 13
Titre 1 L’obligation 14
Titre 2 Le contrat 25
294
Partie 1
La formation du contrat 57
Titre 1 La qualité pour contracter 58
295
296
297
298
299
Partie 2
Les effets du contrat 189
Titre 1 L’effet relatif du contrat 190
300
301
302
303
Bibliographie 285
Index 287