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Droit des contrats

5e édition

Christophe Lachièze
Professeur à l’université Paris VIII Vincennes-Saint-Denis

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Le présent ouvrage a bénéficié d’une précieuse lecture critique
de Corinne Rousselle, notaire.

ISBN 9782340-042568
©Ellipses Édition Marketing S.A., 2020
32, rue Bargue 75740 Paris cedex 15
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Introduction

Le contrat, défini comme un accord de volontés destiné à produire des effets de


droit, est un mécanisme indispensable à la vie en société. Il est le support juridique
privilégié des relations entre les personnes et l’un des mécanismes essentiels de
l’activité économique. Aucune société, aucun groupe humain n’a pu ignorer la
notion de contrat et le respect de la parole donnée qui en est le fondement naturel.
1. Il existe différents contrats – vente, bail, mandat… – mais tous obéissent à des
règles communes qui constituent ce que l’on appelle le droit commun des contrats.
Cet ensemble de règles n’est pas seulement le socle commun à tous les contrats.
Il comporte une méthode et des concepts fondamentaux qui sont utilisés dans les
autres branches du droit (en témoigne, par exemple, la place toujours plus grande
de la notion de consentement dans différentes branches du droit y compris en
matière pénale).
2. On admet traditionnellement que le droit romain, s’il a pu établir un certain
nombre de règles applicables à tous les contrats, n’a cependant jamais connu un
droit commun des contrats1. Le droit commun des contrats est apparu à la fin de
l’Ancien régime, avec les travaux de Domat2 et de Pothier3 et il est passé dans le
Code civil de 18044. Pendant un peu plus de deux siècles les dispositions du Code
civil relatives au droit commun des contrats resteront largement inchangées. Cette
stabilité législative s’explique par la grande qualité des textes, porteurs de principes
généraux qui peuvent s’adapter à des questions non prévues par le législateur5.

1. V. not. : J.-L. Cazzaniga, Introduction historique au droit des obligations, PUF, coll. Droit fondamental,
1992, spéc. p. 137.
2. Jean Domat, Œuvres complètes, Les lois civiles dans leur ordre naturel, Paris, Coignard, 1689-1694,
rééd. Béchet 1828.
3. R.-J. Pothier, Traité des obligations, 1761, puis 1764, Réimp. Dalloz, 2011, n° 18.
4. J. Ghestin, G. Loiseau et Y.-M. Serinet, n° 296, « Sur le plan doctrinal, il revenait aux grands juriscon-
sultes du xviie et du xviie siècles, Domat (1625-1696) et Pothier (1699-1772), de construire la théorie
générale du contrat, dont les rédacteurs du Code civil allaient s’inspirer de façon expresse et directe ».
Cette présentation a cependant été contestée, not. par É. Savaux, La théorie générale du contrat, mythe
ou réalité ?, préf. J.-L. Aubert, LGDJ, 1997.
5. J.-É. M. Portalis, « Discours préliminaire sur le projet de Code civil présenté le 1er pluviôse an IX »,
Fenet, T. 1 « L’office de la loi est de fixer, par de grandes vues, les maximes générales du droit ; d’établir
des principes féconds en conséquence, et non de descendre dans le détail des questions qui peuvent
naître sur chaque matière ».

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Mais cette stabilité s’explique aussi par des raisons moins nobles et notamment
par une absence de volonté politique. Le droit des contrats ne passionne guère les
citoyens, de sorte que la mise en œuvre d’une réforme du droit des contrats n’a
guère d’intérêt sur le plan électoral.
3. C’est donc la jurisprudence, par un travail d’interprétation et parfois même
de création, qui a fait évoluer le droit commun des contrats pour l’adapter aux
évolutions de la société. L’immobilisme du législateur était compensé par la sou-
plesse des interprétations jurisprudentielles. À tel point qu’en 2004, lors de la
célébration de son bicentenaire, le Code civil ne comportait plus qu’une part du
droit commun des contrats ; une autre part, non négligeable, se trouvait en dehors
du Code civil, essentiellement dans la jurisprudence de la Cour de cassation1.
Cette situation, paradoxale dans un système juridique de droit écrit, appelait une
rénovation du Code civil. Celle-ci est intervenue par l’ordonnance n° 2016-131
du 10 février 20162.
4. C’est une réforme de grande ampleur qui a été réalisée. Le droit commun des
contrats est largement rénové sans être pour autant bouleversé.
L’introduction à l’étude du droit des contrats implique de retracer la genèse de la
réforme du droit des contrats (I) puis sa mise en œuvre (II) avant de présenter les
grandes lignes de son contenu (III).

I. Genèse de la réforme du droit des contrats


5. Le contexte européen. Les directives européennes en matière contractuelle se
sont multipliées dans des domaines particuliers, essentiellement pour protéger les
consommateurs. Ces directives ne concernent pas directement le droit commun
des contrats. Mais la commission européenne a, un temps, manifesté l’intention
de procéder à une unification du droit commun des contrats à l’échelle de l’Union
européenne3. Cette initiative a suscité un vif débat. Certains auteurs se sont mon-
trés favorables à cette idée, au motif qu’« un Marché unique appelle un instrument

1. En 2004, un auteur constatait que « plus de 90 % des articles ont conservé leur rédaction de 1804 » :
J. Mestre, « Les difficultés de la recodification pour la théorie générale du contrat », in Le Code civil
1804-2004, Livre du Bicentenaire, Dalloz-Litec, 2004, p. 231, spéc. n° 1. V. ég. P. Rémy-Corlay, « Le
contrat hors du Code », Pet. Aff. 7 sept. 2005, n° 178, p. 4 et s.
2. Ord. n° 2016-131 du 10 févr. 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de
la preuve des obligations, JO 11 févr. 2016.
3. Communication de la commission au Conseil et au Parlement européen concernant le droit européen
des contrats, JOCE 13 sept. 2002, C 255/01, faisant référence notamment à un ouvrage de doctrine

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contractuel unique1 ». D’autres se sont montrés plus réservés2. Et d’autres encore
se sont déclarés franchement hostiles à l’idée d’une uniformisation du droit des
contrats, considérant que la diversité des cultures juridiques et des langues dans
l’Union européenne ne permet pas de réaliser à court terme une telle entreprise3.
Les doutes sur la compétence de l’Union européenne en la matière4 et les réticences
de plusieurs États membres ont conduit à abandonner cette voie. La Commission
s’est orientée vers l’élaboration d’un « cadre commun de référence »5 n’ayant aucun
caractère obligatoire mais dont les législateurs nationaux pourraient s’inspirer.
Deux projets doctrinaux de cadre commun ont été rédigés : l’un sous l’égide du
professeur Von Bar6 et l’autre sous l’égide de l’association Henri Capitant et de la
Société de législation comparée7.
Le débat sur l’opportunité d’un code européen des contrats aura eu au moins le
mérite de contribuer à faire prendre conscience de la nécessité de rénover le Code
civil français.

présenté comme un projet de codification : Code européen des contrats, élaboré par l’Académie des
privatistes européens (Pavie) sous la direction de G. Gandolfi, éd. A. Guiffrè, Milan, 2001.
1. D. Tallon, « Vers un droit européen du contrat », Mélanges A. Colomer, Litec, 1993, p. 494. V. ég.
C. Witz, « Plaidoyer pour un Code européen des obligations », D. 2000, chron. p. 79 ; D. Mazeaud,
« Faut-il avoir peur d’un droit européen des contrats ? », Mélanges X. Blanc-Jouvan, éd. Société de
législation comparée, 2005, p. 309.
2. J. Huet, « Nous faut-il un “euro” droit civil ? », D. 2002, chron. p. 2611 ; P. Malinvaud, « Réponse
hors délai à la commission européenne ; à propos d’un Code européen des contrats », D. 2002, chron.
p. 2542.
3. V. not. C. Jamin, « Un droit privé européen des contrats ? » in P. de Vareilles-Sommières (dir.), Le
droit privé européen, Economica, Études juridiques, 1998, p. 40 ; G. Cornu, « Un Code civil n’est pas
un instrument communautaire », D. 2002, chron. p. 351 ; P. Malaurie, « Le Code civil européen des
obligations et des contrats. Une question toujours ouverte », JCP 2002, I, 110 ; Y. Lequette, « Quelques
remarques à propos du Code civil de M. Von Bar », D. 2002, chron. p. 2202. V. ég. F. Terré, P. Simler,
Y. Lequette et F. Chénedé, n° 60.
4. Sur cette question, v. not. V. Heuzé, « De la compétence de la loi du pays d’origine en matière contrac-
tuelle ou l’anti-droit européen », Mélanges P. Lagarde, Dalloz 2005, p. 383 s. ; B. Fauvarque-Cosson,
« La compétence de la Communauté européenne pour harmoniser le droit des contrats », RDC 2005,
p. 1215 s. ; Y. Lequette, « Le code européen est de retour », RDC 2011, p. 1028 s.
5. Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil, 12 févr. 2003, « Un droit
européen plus cohérent – Un plan d’action », Com (2003) 68 final, JOUE n° C 63, 15 mars 2003,
p. 1. V. ég. Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil, 11 oct. 2004,
« Droit européen des contrats et révision de l’acquis : la voie à suivre », Com (2004) 651 final, non
publié au JOUE.
6. Principles, Definitions and Model Rules of European Private Law, Draft Common Frame of Reference,
(DCFR), éd. Sellier, 2008.
7. B. Fauvarque-Cosson et D. Mazeaud (dir.), Projet de cadre commun de référence : Principes contractuels
communs et une Terminologie contractuelle commune, Soc. Lég. Comparée, 2008.

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6. Les codifications savantes. Des groupes de recherche constitués sur des ini-
tiatives privées, composés d’universitaires mais aussi de praticiens, ont élaboré
des corps de règles dans une démarche de droit comparé. Ces travaux privés se
présentent comme un modèle, un fonds commun de principes admis de façon
très large sinon unanime dans les différents systèmes juridiques. Deux de ces
codifications savantes méritent plus particulièrement de retenir l’attention. Les
« Principes du droit européen du contrat1 » (PDEC), élaborés sous la direction du
professeur Ole Lando, constituent une sorte de fonds commun des principes du
droit des contrats dans les pays de l’Union européenne. Les principes d’Unidroit2
participent de la même logique mais avec une ambition mondialiste. Ces travaux
n’ont aucune valeur légale mais ils peuvent être utilisés par la pratique contractuelle
notamment pour les contrats internationaux.
L’ordonnance du 10 février 2016 n’a pas manqué de s’inspirer de ces deux codi-
fications savantes.
7. Avant-projets doctrinaux de réforme du Code civil. Le président Jacques
Chirac, à l’occasion de la célébration du bicentenaire du Code civil en 2004,
avait appelé de ses vœux une révision du droit français des contrats. La doctrine
a répondu à cet appel.
En 2005, Pierre Catala remit au garde des Sceaux un avant-projet de réforme du
droit des obligations et de la prescription3. Cette initiative doctrinale conduisit à
l’adoption de la loi du 17 juin 20084 réformant la prescription en matière civile.
En 2009, un groupe de travail dirigé par le Professeur François Terré publia un
avant-projet de réforme du droit des contrats5. L’esprit de ces deux travaux est
sensiblement différent, le premier s’inscrivant dans une logique d’« ajustement »
tandis que le second, davantage inspiré des codifications privées européennes
et spécialement des Principes du droit européen des contrats, est plus novateur.

1. Pour une version française, v. G. Rouhette et alii, Principes du droit européen du contrat, Société de
législation comparée, 2003. V. Les concepts contractuels français à l’heure des Principes du droit européen
des contrats, P. Rémy-Corlay et D. Fenouillet, Dalloz, 2004.
2. Les principes d’Unidroit relatifs au droit du commerce international ont été rédigés par l’Institut
international pour l’unification du droit privé. Le texte de ces principes est accessible sur http://www.
unidroit.org.
3. Avant-projet de réforme du droit des obligations et de la prescription, La Documentation française, 2006.
4. Loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, JO n° 141 du
18 juin 2008.
5. F. Terré, Pour une réforme du droit des contrats, Dalloz 2009. Deux autres publications ont suivi : Pour
une réforme du droit de la responsabilité, Dalloz, 2011 ; Pour une réforme du régime général des obligations,
Dalloz, 2013.

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L’ordonnance du 10 février 2016 a puisé dans ces avant-projets, plus spécialement
dans le second.
8. Projets de la chancellerie. En juillet 2008 la chancellerie a rendu public un
projet de réforme, suivi d’une nouvelle version en mai 2009 et d’une troisième
en octobre 2013. Ces projets ont fait l’objet de travaux de doctrine. À la suite de
la loi n° 2015-177 du 16 février 2015, qui habilita le gouvernement à réformer
par voie d’ordonnance les règles relatives au droit des contrats et celles relatives
au régime et à la preuve des obligations, un projet d’ordonnance a été rendu
public le 25 février 20151. Ce projet a été soumis à une procédure de consultation
publique qui a permis de recueillir les observations de la doctrine et de certaines
organisations (AFEP, MEDEF, CCI, Club des juristes, Cercle Montesquieu…).

II. Mise en œuvre de la réforme du droit des contrats


9. Publication de l’ordonnance du 10 février 2016. Ce processus a conduit à
la publication de l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des
contrats, de la preuve et du régime des obligations2. L’ordonnance est accompagnée
d’un Rapport au Président de la République3. Celui-ci s’ouvre sur une introduction
qui fait office d’exposé des motifs puis il explique, suivant l’ordre du Code, les
textes adoptés. Le rapport fournit de précieuses indications sur les intentions des
rédacteurs de l’ordonnance, mais il n’a aucune valeur normative.
10. Entrée en vigueur de l’ordonnance. Les règles issues de l’ordonnance
du 10 février 2016 sont applicables à tous les contrats conclus à partir du
1er octobre 20164, à l’exception de quelques dispositions qui sont d’application
immédiate5. Conformément aux principes généraux du droit transitoire, l’ordon-
nance ne s’applique donc pas aux contrats en cours6. Toutefois la jurisprudence

1. Sur ce projet, v. N. Dissaux et C. Jamin, Projet de réforme du droit des contrats, du régime général et de la
preuve des obligations, rendu public le 25 février 2015, commentaire article par article, éd. Dalloz 2015.
2. Ord. n° 2016-131 du 10 févr. 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de
la preuve des obligations, JO 11 févr. 2016.
3. Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant
réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, JO 11 févr. 2016.
4. Ord. 10 févr. 2016, art. 9, prévoyant que « les contrats conclus avant cette date demeurent soumis à
la loi ancienne ».
5. Art. 1123 al. 3 et al. 4, art. 1158 et 1183 concernant les « actions interrogatoires ».
6. S. Gaudemet, « Dits et non-dits sur l’application dans le temps de l’ordonnance du 10 février 2016 »,
JCP 2016, 559 ; C. François, « Application dans le temps et incidence sur la jurisprudence antérieure
de l’ordonnance de réforme du droit des contrats », D. 2016, p. 506.

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n’a pas manqué de s’inspirer des dispositions nouvelles pour modifier certaines de
ses solutions1. Ces décisions n’opèrent pas à proprement parler une application
anticipée des dispositions non entrées en vigueur, mais simplement une interpré-
tation renouvelée du droit antérieur à la lumière du droit nouveau. Il reste que,
sous le couvert de l’interprétation, le droit nouveau exerce une influence sur les
contrats en cours2.
11. Loi de ratification du 20 avril 2018. L’ordonnance a été ratifiée par la
loi n° 2018-287 du 20 avril 20183. Cette loi ne se contente pas d’opérer une
ratification pure et simple : elle corrige certaines maladresses rédactionnelles de
l’ordonnance qui avaient été relevées par la doctrine et apporte même des modifi-
cations de fond4. Dans ces conditions, la question de l’application dans le temps
de la loi du 20 février 2018 présente un intérêt évident5. La loi fixe son entrée en
vigueur au 1er octobre 2018 et opère, en son article 16, une distinction entre deux
catégories de dispositions. Certaines dispositions, visant simplement à corriger
une maladresse rédactionnelle, sont qualifiées d’interprétatives et sont applicables
rétroactivement au 1er octobre 20166 (date d’entrée en vigueur de l’ordonnance).

1. V. des exemples de cette démarche : Cass. ch. mixte, 24 févr. 2017, n° 15-20411, D. 2017, p. 793, note
B. Fauvarque-Cosson ; JCP 2017, 305 ; AJ Contrat 2017, p. 175, obs. D. Houtcieff ; RTD civ. 2017,
p. 377, obs. H. Barbier, parmi les motifs de l’arrêt figure la formule suivante : « l’évolution du droit des
obligations, résultant de l’ordonnance du 10 février 2016, conduit à apprécier différemment l’objectif
poursuivi par les dispositions relatives aux prescriptions formelles que doit respecter le mandat… » ;
Soc., 21 sept. 2017, nos 16-20103 et 16-20104, D. 2017, p. 2007, note D. Mazeaud ; D. 2017,
p. 2289, note B. Bauduin et J. Dubarry ; D. 2018, p. 371, note M. Mekki ; JCP 2017, 1238, note
N. Molfessis ; JCP 2017, 1269, note G. Loiseau ; RTD civ. 2017, p. 837 note H. Barbier.
2. On songe au mot de Carbonnier : « L’interprétation est la forme intellectuelle de la désobéissance »,
Droit civil, introduction, PUF, 2002, n° 315.
3. L. n° 2018-287 du 20 avril 2018 ratifiant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant
réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, JO 21 avril 2018.
4. V. not. O. Deshayes, T. Génicon et Y.-M. Laithier, « Ratification de l’ordonnance portant réforme
du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations – Loi n° 2018-2876 du
20 avril 2018 », JCP 2018, 529 ; D. Mazeaud, « Quelques mots sur la réforme de la réforme », D. 2018,
p. 912.
5. Sur cette question, v. A. Bénabent, « Application dans le temps de la réforme du droit des contrats
(art. 16 de la loi du 20 avril 2018) », D. 2018, p. 1024 ; S. Gaudemet, Ratification : le droit transitoire,
RDC Hors série juin 2018, p. 59 ; M. Mekki, « Loi de ratification de l’ordonnance – Une réforme de
la réforme ? », D. 2018, p. 912 ; J.-B. Seube, « Les dispositions transitoires de la loi n° 2018-287 du
20 avril 2018 », Def., 2018, n° 20-21, p. 19.
6. Il s’agit des articles 1112, 1143, 1165, 1216-3, 1217, 1221, 1304-4, 1305-5, 1237-1, 1238-1, 1347-6
et 1352-4 du Code civil.

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D’autres dispositions, opérant une modification de fond, sont applicables seule-
ment aux contrats conclus à partir du 1er octobre 20181.
Enfin, la loi de ratification apporte une modification à l’article 9 de l’ordonnance
de 2016, dans le but de neutraliser la jurisprudence (citée supra, n° 10) qui avait
cru pouvoir interpréter le droit ancien à la lumière des dispositions nouvelles2.
12. Triple droit positif. Trois versions législatives vont donc coexister, pendant
une longue période, s’agissant du droit des contrats, de la preuve et du régime
des obligations :
–– l’« ancien droit », c’est-à‑dire le droit antérieur à l’ordonnance du
10 février 2016, qui reste applicable pour les contrats conclus antérieure-
ment au 1er octobre 2016 ;
–– le droit « intermédiaire », qui est applicable aux contrats conclus entre le
1er octobre 2016 et le 30 septembre 2018 ;
–– le droit « nouveau », qui est applicable aux contrats conclus à compter du
1er octobre 2018.
13. Bientôt une réforme du droit de la responsabilité civile ? La responsabilité
civile est le dernier pan du droit des obligations qui n’a pas encore été réformé. Le
13 mars 2017, le garde des Sceaux a rendu public un projet de loi de réforme de la
responsabilité civile. Le projet concerne non seulement la responsabilité délictuelle
mais aussi la responsabilité contractuelle.

III. Contenu de la réforme du droit des contrats


14. La forme. L’ordonnance atteint généralement son objectif qui était de rendre
le droit des obligations « plus lisible et plus accessible »3. Le plan du Titre III du
Livre III du Code civil a été modifié et certains articles ont été réécrits dans un style
plus contemporain considéré comme plus compréhensible pour le non-juriste. De
nombreuses solutions qui avaient été dégagées par la jurisprudence ont été intégrées

1. Il s’agit des articles 1110, 1117, 1137, 1145, 1161, 1171, 1223, 1327, 1343-3 et 1347-6 du Code
civil, ainsi que des articles L. 112-5-1 et L. 211-40-1 du Code monétaire et financier.
2. L. du 20 avr. 2018, art. 16 I, modifiant l’art. 9 de l’ord. 10 févr. 2016 pour ajouter que les contrats
conclus avant le 1er oct. 2016 restent soumis à la loi ancienne « y compris pour leurs effets légaux et
pour les dispositions d’ordre public ». Sur cette disposition, v. A. Bénabent, « Application dans le temps
de la réforme du droit des contrats (art. 16 de la loi du 20 avril 2018) », préc.
3. Rapport préc., p. 2.

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dans le Code civil. Certaines notions jugées obscures ont été abandonnées, par
exemple la notion de cause. Et c’est également un souci de simplification qui
conduit à un recul de la rétroactivité, notamment dans le régime de la résolution
pour inexécution (art. 1229 C. civ.)
15. Le fond. Quelles sont les valeurs portées par l’ordonnance du 10 février 20161 ?
Elle entend semble-t‑il concilier la justice contractuelle et l’efficacité écono-
mique2. Les principales innovations de l’ordonnance témoignent de cette double
philosophie.
La volonté de promouvoir la justice contractuelle a inspiré diverses innovations.
Parmi les plus remarquables on signalera : la sanction de l’abus de dépendance
(art. 1143 C. civ.), la protection contre les clauses abusives dans les contrats
d’adhésion (art. 1171 C. civ.) ou encore la révision du contrat pour imprévision
(art. 1195 C. civ.). Mais au-delà de ces techniques diverses, on relèvera l’intro-
duction de la distinction d’origine doctrinale entre les contrats de gré à gré et les
contrats d’adhésion, cette seconde catégorie étant dotée d’un régime protecteur de
la partie adhérente concernant les clauses abusives (art. 1171 C. civ.) et les règles
d’interprétation (art. 1192 C. civ.). La distinction entre les contrats de gré à gré et
les contrats d’adhésion repose sur une donnée réelle, sociologique, suivant laquelle
le contrat est bien souvent rédigé par l’une des parties. Mais en introduisant cette
distinction dans le Code civil pour en faire le critère de l’application d’un régime
de protection, l’ordonnance pourrait remettre en cause l’unité du droit commun
des contrats. On peut redouter une forme d’« éclatement du droit commun des
contrats en deux corpus qui ne cesseront, désormais, de s’éloigner l’un de l’autre
– une sorte de “Yalta du droit des contrats”3 ».
D’autres innovations sont inspirées par la volonté de promouvoir l’efficacité éco-
nomique du droit4. L’ordonnance octroie de nombreux pouvoirs unilatéraux à
certains contractants, conférant au contrat une plus grande souplesse qui est censée
répondre aux attentes des acteurs économiques. La fixation unilatérale du prix est
autorisée dans les contrats cadre (art. 1164 C. civ.) ainsi que dans les contrats de
prestation de service (art. 1165 C. civ.). L’unilatéralisme progresse aussi sur le plan
des sanctions de l’inexécution du contrat. L’exception d’inexécution est désormais
possible pour risque manifeste d’inexécution (art. 1220), la réduction unilatérale

1. Sur l’esprit de l’ordonnance, v. not. J.-P. Chazal, « Quel programme idéologique pour la réforme du
droit des contrats ? », D. 2015, p. 673 ; T. Revet, « Une philosophie générale ? », RDC 2016, p. 5.
2. Rapport préc., p. 2.
3. T. Revet, « Une philosophie générale ? », préc., spéc. n° 20.
4. Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, préc.

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du prix est consacrée dans le droit commun des contrats (art. 1223 C. civ.) et la
résolution unilatérale qui jusqu’ici n’était admise que par exception, pour sanc-
tionner un comportement d’une particulière gravité, est promue au même rang
que la résolution judiciaire (art. 1224 C. civ.). En outre, l’exécution forcée, qui est
le bras armé de la force obligatoire du contrat, est désormais subordonnée à des
considérations tenant à son « coût » : elle est en principe écartée dès lors qu’existe
une « disproportion manifeste » entre son coût pour le débiteur et son intérêt pour
le créancier (art. 1221 C. civ.). Toutes ces dispositions sont inspirées par la volonté
de promouvoir l’efficacité économique du droit. Cependant, elles ont pour consé-
quence d’affaiblir la force obligatoire du contrat et donc la sécurité juridique ; en
conséquence, est-il vraiment certain qu’elles favoriseront l’efficacité économique ?
16. Plan de l’ouvrage. L’étude du droit commun des contrats sera conduite
suivant un plan des plus classiques en examinant successivement la formation puis
les effets du contrat. Ces deux parties seront précédées d’une partie préliminaire,
consacrée à la présentation des notions de contrat et d’obligation.
Partie préliminaire – Obligation et contrat
Partie 1 – La formation du contrat
Partie 2 – Les effets du contrat

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Partie
préliminaire

Obligation et contrat

34. Avant d’étudier la formation et les effets du contrat, une partie préliminaire
nous permettra de donner une première vue sur l’obligation (Titre 1) et sur le
contrat (Titre 2).

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Titre 1

L’obligation

35. Nous examinerons la notion d’obligation (Chap. 1) avant de présenter les


principales classifications des obligations (Chap. 2).

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Chapitre 1

La notion d’obligation

36. Définition. Le terme obligation a plusieurs significations. Dans le langage


courant, le terme obligation désigne tous les devoirs de quelque ordre qu’ils soient
(moral, religieux…).
Dans le domaine juridique, le terme obligation désigne les devoirs imposés par
l’ordre juridique et assortis d’une sanction (par ex. le conducteur d’un véhicule a
l’obligation de rouler à droite).
En droit privé, le terme obligation a une signification plus précise encore : il désigne
un lien de droit (vinculum juris) en vertu duquel une personne (le créancier) peut
exiger quelque chose d’une autre personne (le débiteur)1. Ce quelque chose que
le créancier peut exiger du débiteur est appelé la prestation. C’est la prestation
qui est l’objet de l’obligation (art. 1163 C. civ.). L’obligation a donc deux faces :
la face active est la créance, la face passive est la dette.
37. Droit personnel. La structure de l’obligation repose sur un rapport personnel
entre le créancier et le débiteur. C’est pourquoi le droit du créancier est qualifié
de droit personnel. Le droit personnel s’oppose au droit réel, qui est un droit
portant directement sur une chose (res) ; par exemple : la propriété, la servitude
ou encore l’hypothèque.
38. Régime : un lien et un bien. En droit romain, l’obligation était exclusivement
un lien personnel. Le pouvoir de contrainte s’exerçait sur la personne même du
débiteur. Le créancier qui n’était pas payé à l’échéance pouvait mettre en œuvre la
manus injectio qui lui permettait de se saisir de la personne physique du débiteur
pour le faire travailler ou le vendre comme esclave. Le caractère personnel était si
fort qu’il commandait l’essentiel du régime de l’obligation. Ainsi, le changement
de débiteur ou de créancier était impossible.

1. Cette définition est inspirée de celle formulée dans les Institutes de Justinien (Inst. Justinien, Titre 3,
Livre 14) : « obligatio est juris vinculum, quo necessitate adstringimur alicuius solvendae rei secundum
nostrea civitatis iura » (l’obligation est un lien de droit par lequel nous sommes astreints de manière
nécessaire à payer quelque chose conformément au droit de notre cité).

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Dans notre droit positif, l’obligation est à la fois un lien et un bien.
La face passive de l’obligation, la dette, est un lien personnel entre le créancier et
le débiteur. Même si le débiteur ne répond plus de sa dette sur sa personne mais
seulement sur son patrimoine (le créancier peut faire saisir et vendre tout bien
compris dans le patrimoine de son débiteur afin de se faire payer sur le prix, en
vertu du droit de gage général), il n’en demeure pas moins que l’exécution de la dette
est largement dépendante des qualités du débiteur : son honnêteté, sa solvabilité,
son intelligence aux affaires. Une dette ne vaut que ce que vaut le débiteur. C’est
pourquoi le débiteur ne peut céder sa dette qu’avec le consentement du créancier
(art. 1327 C. civ.).
La face active de l’obligation, la créance, est un bien c’est-à‑dire une valeur patri-
moniale1. Elle est une valeur positive dans le patrimoine du créancier, et une valeur
négative dans le patrimoine du débiteur. La créance peut être transmise par le
créancier à un tiers sans le consentement du débiteur.
39. Obligations civiles et obligations naturelles. L’obligation est assortie d’un
pouvoir de contrainte organisé par le droit : le créancier peut en exiger l’exécution,
au besoin en recourant à la force publique. On parle d’obligation civile. Elle
s’oppose à l’obligation naturelle qui ne peut donner lieu à une exécution forcée.
L’exécution de l’obligation naturelle n’est qu’un devoir de conscience pour le
débiteur2. L’obligation naturelle est en quelque sorte une catégorie intermédiaire
entre les obligations civiles et les obligations non juridiques (morales ou autres)
évoquées plus haut (supra, n° 36). On présentera le régime juridique de l’obligation
naturelle et son domaine.
Régime. Deux règles juridiques gouvernent le régime de l’obligation naturelle.
D’une part, l’exécution volontaire d’une obligation naturelle ne peut être remise
en cause3 (art. 1302, al. 2, C. civ., ancien art. 1235 al. 2). D’autre part, l’obligation

1. Les droits de créance sont des biens au sens de l’article 1er du protocole de la Convention EDH : v. en
ce sens Cour EDH, 9 déc. 1994, RTD civ. 1995, p. 652, obs. F. Zénatti ; RTD civ. 1996, p. 1019,
obs. J.-P. Marguénaud.
2. M. Gobert, Essai sur le rôle de l’obligation naturelle, préf. J. Flour, thèse, Sirey, 1959 ; M. Julienne,
« Obligation naturelle et obligation civile », D. 2009, p. 1709 ; M. Coudrais, « L’obligation naturelle,
une idée moderne ? », RTD civ. 2011, p. 453. V. ég. G. Ripert, La règle morale dans les obligations civiles,
4e éd., LGDJ, 1949, n° 192 s., l’auteur considère que, en réalité, le terme d’obligation naturelle n’est
qu’un « déguisement » pour faire admettre le devoir moral devant les prétoires.
3. Civ. 1, 21 nov. 2006, n° 04-16370, Bull. civ. I, n° 503.

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naturelle se transforme en obligation civile lorsque le débiteur s’engage à l’exécuter1
ou commence à l’exécuter (art. 1100, al. 2, C. civ.).
Domaine. L’obligation naturelle se manifeste dans des situations diverses où elle
répond à un devoir de morale, de conscience. Elle se présente parfois comme une
obligation civile imparfaite ; par exemple une obligation éteinte par la prescription2
ou une dette de jeu (les dettes de jeu ne peuvent donner lieu à exécution forcée :
art. 1965 C. civ.). D’autres fois, elle prend la forme d’une obligation d’entraide
dans des relations de famille ou de couple au-delà des hypothèses où la loi impose
une obligation alimentaire ; par exemple entre frères et sœurs3 ou entre concubins4.

1. Civ. 1, 10 oct. 1995, n° 93-20300, Bull. civ. I, n° 352 ; D. 1996, somm. p. 120, obs. R. Libchaber ;
D. 1997, p. 155, note G. Pignarre, la Cour de cassation précise dans cet arrêt que la transformation
d’une obligation naturelle en obligation civile ne repose pas sur la novation comme on l’affirmait
généralement mais sur « l’engagement unilatéral d’exécuter l’obligation naturelle ». V. N. Molfessis,
« L’obligation naturelle devant la Cour de cassation », D. 1997, chron. p. 85.
2. Soc. 11 avr. 1991, n° 89-13068, Bull. civ. V, n° 192 ; RTDciv. 1992, p. 97 obs. J. Mestre, la dette
prescrite subsiste en tant qu’obligation naturelle, de sorte que le paiement est valable et ne peut donner
lieu à répétition car il n’a pas porté sur un indu.
3. Civ. 1, 4 janv. 2005, n° 02-18904, Bull. civ. I, n° 4 ; D. 2005, p. 1393, note G. Loiseau.
4. Civ. 1, 17 nov. 1999, n° 97-17541, RTDciv. 2000, p. 297 obs. J. Hauser.

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Chapitre 2

Les classifications des obligations

40. Classer les obligations consiste à les regrouper dans des catégories en fonction
de certaines caractéristiques communes, sachant qu’à chaque catégorie corres-
pondra un régime juridique particulier. On peut classer les obligations selon leur
objet (I) ou leur source (II).

I. Classifications selon l’objet des obligations


41. Diverses classifications sont opérées selon l’objet de l’obligation (sur l’objet
de l’obligation v. infra, n° 317). On présentera successivement : la distinction des
obligations pécuniaires et en nature (1), la distinction des obligations de moyens
et de résultat (2) et enfin la distinction des obligations de donner, de faire et de
ne pas faire (3).

1. La distinction des obligations pécuniaires et en nature


42. Exposé. Les obligations pécuniaires, également dénommées obligations moné-
taires, ont pour objet le paiement d’une somme d’argent1. L’obligation monétaire
est dénommée prix en droit commun des contrats (par ex. C. civ., art. 1164 et
1165, 1167, 1171). Dans le droit des contrats spéciaux, elle prend des noms
différents : prix dans la vente, rémunération dans le louage d’ouvrage (on parle
d’honoraires lorsque la prestation est fournie par un professionnel libéral), loyer
dans le bail, salaire dans le contrat de travail, primes dans le contrat d’assurance,
intérêts dans le prêt.

1. Sur l’obligation monétaire, v. J. Carbonnier, n° 10 s. ; R. Libchaber, La monnaie en droit privé, préf.


P. Mayer, LGDJ, 1992 ; R. Libchaber, « La pensée économique de Jean Carbonnier : l’exemple
de la monnaie », in Hommage à Jean Carbonnier, Dalloz, 2007, p. 61 et s. ; F. Grua et N. Cayrol,
Jur. Cl. Civ., art. 1343 à 1343-5, Fasc. 30 : Régime général des obligations. – Paiement des obligations
de sommes d’argent. – Monnaie de paiement.

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La catégorie des obligations en nature regroupe l’ensemble des obligations n’ayant
pas pour objet une somme d’argent. C’est une catégorie ouverte. Les obligations
en nature sont diverses et variées.
43. Intérêt. Le régime des obligations monétaires présente certaines particularités
car la monnaie n’est pas une chose comme les autres. Elle n’a pas de valeur en soi ;
seule compte sa valeur d’échange avec d’autres biens ou services, or cette valeur
d’échange peut varier au fil du temps. Il s’ensuit que dans les contrats à exécu-
tion successive il est souvent difficile de fixer à l’avance les sommes à verser dans
l’avenir, aussi les parties sont-elles enclines à renvoyer à plus tard cette fixation
en prévoyant une clause d’indexation qui permet de faire varier le montant de la
dette en fonction d’un indice de référence.

2. La distinction des obligations de moyens et de résultat


44. Exposé. Cette distinction fondée sur l’intensité de l’engagement a été mise en
lumière par Demogue1. L’obligation est dite de résultat lorsque le débiteur promet
de parvenir à un résultat déterminé. Au contraire l’obligation est dite de moyens
lorsque le débiteur s’engage seulement à mettre en œuvre tous les moyens dont il
dispose pour accomplir sa mission, mais sans s’engager sur le résultat.
45. Intérêt. Bien que la réforme du droit des contrats n’y fasse aucunement
référence, la distinction entre obligation de moyens et obligation de résultat est
essentielle car elle commande le régime de la responsabilité contractuelle. Lorsque
le débiteur est tenu d’une obligation de moyens, on ne peut engager sa respon-
sabilité qu’à condition d’établir qu’il n’a pas mis en œuvre tous les moyens dont
il disposait pour parvenir à exécuter son obligation. Lorsque le débiteur est tenu
d’une obligation de résultat, sa responsabilité est engagée dès lors que le résultat
promis n’a pas été atteint sans qu’il soit besoin d’établir une faute de sa part
(v. infra, n° 688).

3. La distinction des obligations de donner,


de faire et de ne pas faire
46. Exposé. Cette distinction était auparavant prévue par le Code civil, aux anciens
articles 11262, 1136 et 1145. Bien qu’elle n’ait pas été reprise par l’ordonnance

1. R. Demogue, Traité des obligations en général, Rousseau, 1923, t. V, n° 1237.


2. L’ancien art. 1126 énonçait : « Tout contrat a pour objet une chose qu’une partie s’oblige à donner,
ou qu’une partie s’oblige à faire ou à ne pas faire ».

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du 10 février 2016, cette distinction mérite d’être connue car la jurisprudence et
la doctrine peuvent y avoir recours pour expliquer certaines solutions.
L’obligation de donner est l’obligation de transférer la propriété d’un bien, que ce
soit à titre gratuit ou à titre onéreux. Ainsi la vente ou la donation crée à la charge
du vendeur ou du donateur l’obligation de transférer la propriété.
L’obligation de faire est l’obligation d’exécuter une prestation positive au profit
du créancier. Ainsi dans le contrat de louage de choses, le bailleur s’engage à pro-
curer au preneur la jouissance paisible de la chose. Dans le contrat d’entreprise,
l’entrepreneur s’engage à réaliser tel ou tel ouvrage. Dans le contrat de travail, le
salarié s’engage à mettre sa force de travail à disposition de l’employeur.
L’obligation de ne pas faire est l’obligation de s’abstenir ; il s’agit d’une obligation
négative. Par exemple, le vendeur d’un fonds de commerce s’engage à ne pas faire
de concurrence à l’acheteur dans un certain périmètre géographique et pendant
un certain temps : c’est l’obligation de non-concurrence.
47. Critique. Cette distinction a fait l’objet de fortes critiques doctrinales, portant
essentiellement sur la notion d’obligation de donner1. Cette obligation est contes-
table dans son principe même car, en droit civil, le transfert de propriété n’est pas
l’effet d’une obligation mais un effet automatique du contrat (v. infra, n° 571 et s.).

II. Classifications selon la source des obligations


48. Il s’agit de classer les obligations selon leur source, c’est-à‑dire selon les événe-
ments qui leur donnent naissance. De nombreuses classifications ont été proposées
depuis le droit romain2. On présentera la classification qui figurait dans le Code
civil de 1804 que l’on qualifiera de classique (1), puis la classification retenue par
l’ordonnance du 10 février 2016 que l’on qualifiera de moderne (2).

1. La classification classique
49. Présentation. Aux termes de l’ancien article 1370 du Code civil, l’obligation
pouvait avoir cinq sources : le contrat (accord de volontés destiné à créer des effets
de droit), le quasi-contrat (fait matériel licite qui fait naître une obligation sans

1. M. Fabre-Magnan, « Le mythe de l’obligation de donner », RTD civ. 1996, p. 85 et s. ; P. Ancel, « Force


obligatoire et contenu obligationnel du contrat », RTD civ. 1999, p. 771, spéc. n° 17 et s. ; M. Fabre-
Magnan, n° 187.
2. V. not. J. Flour, J.-L. Aubert et É. Savaux, n° 51 et s. ; M. Fabre-Magnan, n° 7 et s.

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accord de volontés), le délit (fait illicite volontaire qui engage la responsabilité de
son auteur), le quasi-délit (fait illicite involontaire qui engage la responsabilité de
son auteur), et « l’autorité seule de la loi » (par exemple : les obligations alimentaires
ou les obligations entre propriétaires voisins).
50. Critique. Cette classification présente plusieurs inconvénients. D’une part
elle place sur le même plan des sources principales (contrat et délit) et des sources
secondaires (quasi-contrat, quasi-délit). D’autre part, « l’autorité seule de la loi »
est une notion ambiguë : au fond, toutes les obligations naissent de la loi1 (même
le contrat n’est obligatoire que parce que la loi le prévoit).

2. La classification moderne
51. Il convient de présenter cette classification (A) avant de montrer son intérêt2
(B).

A. Présentation
52. Acte juridique et fait juridique. Le nouvel article 1100, alinéa 1er, du Code
civil énonce : « Les obligations naissent d’actes juridiques, de faits juridiques ou
de l’autorité seule de la loi »3. Cette disposition met en exergue la distinction
essentielle, inspirée par la doctrine allemande au début du xixe siècle, entre les
actes juridiques et les faits juridiques.
Les actes juridiques sont « des manifestations de volonté destinées à produire des
effets de droit. Ils peuvent être conventionnels ou unilatéraux » (art. 1100-1).
La catégorie des actes juridiques comprend essentiellement le contrat et l’acte
unilatéral4.
Les faits juridiques sont « des agissements ou des événements auxquels la loi attache
des effets de droit » (art. 1100-2 C. civ.). La catégorie des faits juridiques comprend
notamment les délits, les quasi-délits et les quasi-contrats.
L’opposition entre les actes et les faits juridiques permet de ramener l’ensemble
des sources d’obligations à deux catégories. La référence à une troisième source
d’obligations, « l’autorité seule de la loi », paraît inutile en droit des obligations.

1. G. Marty et P. Raynaud, n° 20.


2. C. Brenner, « Sources des obligations dans le Code civil rénové : passage à l’acte ou acte manqué ? »,
JCP 2016, 524.
3. Sur cette disposition, v. not. C. Brenner, art. préc.
4. On peut ajouter l’acte collectif qui n’est pas prévu par le Code civil (sur lequel, v. infra, n° 524 et s.).

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53. Critère de distinction entre les actes et les faits juridiques. La distinction se
fonde sur le rôle de la volonté. Les faits juridiques peuvent être volontaires ou non,
mais leurs effets juridiques ne sont pas recherchés. Les actes juridiques au contraire
sont spécialement accomplis en vue de produire des effets de droit.
Les actes juridiques sont les instruments de la volonté des individus : la volonté
détermine les effets de l’acte et sa portée, dans les limites fixées par le droit objectif.
Produits de la volonté des individus, les obligations qui naissent d’un acte juridique
présentent une profonde unité de régime.
Au contraire, les faits juridiques sont très divers : ils peuvent être volontaires ou
non, licites ou illicites. Les obligations qui naissent de faits juridiques ne relèvent
pas d’un régime homogène.

B. Intérêt
54. Régime de la preuve. L’opposition entre les actes juridiques et les faits juri-
diques détermine le régime de la preuve : la preuve des faits juridiques est libre,
alors que la preuve des actes juridiques suppose en principe un écrit. La solution
découle désormais de l’articulation des articles 1358 et 1359 du Code civil. Le
premier de ces textes prévoit que « Hors les cas où la loi en dispose autrement,
la preuve peut être apportée par tout moyen », tandis que le second dispose que
« L’acte juridique portant sur une somme ou une valeur excédant un montant fixé
par décret doit être prouvé par écrit sous signature privée ou authentique » (sur la
preuve des actes juridiques, v. infra, n° 385 et s.).
55. Le contrat, archétype de l’acte juridique. L’article 1100-1, alinéa 2, du Code
civil prévoit que les actes juridiques « obéissent, en tant que de raison, pour leur
validité et leurs effets, aux règles qui gouvernent les contrats ». Cette disposition
signifie que le droit français, à la différence de certains droits étrangers (le droit
allemand notamment), ne comporte pas un droit commun de l’acte juridique
mais un droit commun du contrat auquel sont soumis, en tant que de raison, tous
les actes juridiques. Cette méthode consistant à transposer les règles de la théorie
générale du contrat aux autres actes juridiques présente le mérite de la simplicité
car le contrat est l’archétype de l’acte juridique1.

1. En ce sens : C. Brenner, préc. ; v. ég. du même auteur : Rép. Civ. Dalloz, V° Acte juridique, n° 6 et s.
Contra, R. Libchaber, « Regrets liés à l’avant-projet de réforme du droit des contrats – Le sort des
engagements non bilatéraux », RDC 2015, p. 634.

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56. Portée incertaine de l’acte juridique unilatéral. Le régime juridique de
l’acte unilatéral reste assez incertain en droit français. Il n’est pas contesté qu’un
acte unilatéral puisse avoir un effet déclaratif (par ex. la reconnaissance de dette)
ou extinctif (par ex. la résiliation unilatérale des contrats à durée indéterminée).
Mais un acte unilatéral peut-il être une source d’obligation ? C’est la question de
l’engagement unilatéral de volonté.
Dans le silence du Code civil de 1804, cette question a soulevé autrefois une
vive controverse. Les auteurs du xixe siècle considéraient que l’idée d’engagement
unilatéral serait contradictoire en soi : si une personne peut s’engager par sa volonté
unilatérale, elle doit pouvoir également se dégager unilatéralement de sorte que
l’« engagement » ainsi admis n’a en réalité aucune consistance1. On peut toujours
reprendre sa parole tant qu’elle n’a pas été acceptée. Au début du xxe siècle, dans
le sillage de la doctrine allemande, un courant doctrinal a proposé d’admettre
l’engagement unilatéral comme source d’obligation, dès lors qu’il repose sur une
volonté non équivoque de son auteur et qu’il a fait naître chez les tiers une attente
légitime2.
La controverse est aujourd’hui apaisée. En droit privé, la création d’obligations
suppose généralement un accord de volontés. L’acte unilatéral n’a pas en principe
force obligatoire. L’exemple du testament confirme cette analyse3. Toutefois, la
jurisprudence et la doctrine font parfois appel à la notion d’engagement unilatéral
pour justifier des solutions qui paraissent socialement utiles mais qui ne peuvent
s’expliquer sur un autre fondement4. La notion d’engagement unilatéral permet
notamment, dans le contexte particulier des relations de travail, de sanctionner

1. R. Elias, Théorie de la force obligatoire de l’acte unilatéral, thèse Paris, 1909. L’argument a été repris
ensuite par de nombreux auteurs : v. J. Martin de la Moutte, L’acte juridique unilatéral : essai sur sa
notion et sa technique en droit civil, préf. P. Raynaud, Sirey, 1951, pour lequel l’acte unilatéral ne peut
être une source d’obligation ; P. Raynaud, n° 360.
2. R. Saleilles, Théorie générale de l’obligation, 3e éd., 1914, réimp. Mémoire du droit, 2000, spéc. n° 138
et s. et n° 245. V. ég. dans le même sens : A. Rieg, Le rôle de la volonté dans l’acte juridique en droit civil
français et allemand, thèse Strasbourg, 1961.
3. Le testament est défini à l’article 895 du Code civil comme « l’acte par lequel le testateur dispose, pour
le temps où il n’existera plus, de tout ou partie de ses biens et qu’il peut révoquer ».
4. J. Flour, J.-L. Aubert et É. Savaux, n° 502 ; F. Terré, P. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, n° 86 ;
A. Bénabent, n° 12 ; P. Malaurie, L. Aynès et Ph. Stoffel-Munck, n° 434 et s. V. ég. P. Jestaz,
« L’engagement par volonté unilatérale », in Les obligations en droit français et en droit Belge, éd. Dalloz
Bruylant 1994, p. 3 et s. V. déjà en ce sens : F. Gény, Méthode d’interprétation et sources en droit privé
positif, t. I, Paris, LGDJ, 1919, n° 172 bis, « on se trouvera amené à déclarer obligatoires, non pas
toutes les promesses unilatérales, mais celles-là seulement qui paraîtront indispensables pour atteindre
un résultat socialement désirable et impossible à atteindre pratiquement par une autre voie ».

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l’employeur qui ne respecte pas les mesures annoncées au profit des salariés1. La
jurisprudence s’est, pendant un temps, fondée sur la notion d’engagement unilaté-
ral pour expliquer l’obligation pour les professionnels de respecter les promesses de
gains libellées de manière trompeuse2, mais elle se fonde aujourd’hui sur la notion
de quasi-contrat (v. infra, n° 63).

1. Soc., 4 avr. 1990, n° 86-42626, Bull. civ. IV, n° 161 : « l’employeur n’est en droit de revenir sur un
engagement unilatéral que si celui-ci a été pris pour une durée indéterminée ». V. ég. Soc., 25 nov. 2003,
n° 01-17501, Bull. civ. V, n° 294 ; RTD civ. 2004, p. 733, obs. J. Mestre et B. Fages.
2. V. par ex. Civ. 1, 28 mars 1995, Bull. civ. I, n° 150 ; D. 1996, p. 180, note J.-L. Mouralis ;
RTD civ. 1995, p. 887, obs. J. Mestre.

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Titre 2

Le contrat

57. Il convient de définir la notion de contrat (Chap. 1) avant d’exposer les princi-
pales classifications des contrats (Chap. 2) puis de présenter les principes généraux
du droit des contrats (Chap. 3).

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Chapitre 1

La notion de contrat

58. La définition du contrat (I) permet de le distinguer de figures juridiques


voisines (II) et conduit à s’interroger sur ses fondements (III).

I. Définition du contrat
59. Accord de volontés destiné à produire des effets de droit. L’article 1101 du
Code civil dispose : « Le contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs
personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations ».
Le contrat est défini par sa formation et par ses effets. La formation du contrat
s’opère en principe par le simple « accord de volontés », que l’on appelle égale-
ment consentement1. Le contrat a pour effet de « créer, modifier, transmettre ou
éteindre des obligations » ; on doit relever que cette présentation est incomplète car
le contrat produit d’autres effets qui ne s’analysent pas en termes d’obligations :
il peut notamment transférer un droit réel ou personnel (v. infra, n° 571 et s.).
60. Contrat et convention. Avant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016,
le Code civil distinguait les notions de contrat et de convention. Le contrat était
défini comme un type particulier de convention ayant pour effet spécifique la
création d’obligations2. Suivant cette définition, si tout contrat est une convention,
l’inverse n’est pas vrai car il existe des conventions qui ne créent pas d’obligations.
Cette distinction avait été progressivement abandonnée : on avait pris l’habitude
d’utiliser indifféremment les termes contrat ou convention au point que ces termes

1. Le mot consentement désigne l’accord de volontés, mais également la manifestation de volonté de


chacune des parties (c’est en ce second sens que le mot est employé lorsque l’on parle d’« échange des
consentements » ou de « vice du consentement »).
2. Ancien art. 1101 C. civ. : « Le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes
s’obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose ».

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étaient considérés comme synonymes. Le nouvel article 1101 issu de l’ordonnance
du 10 février 20161 consacre cette synonymie.

II. Distinction du contrat et des figures juridiques


voisines
61. Le contrat doit être distingué du quasi-contrat (1) et des accords non obli-
gatoires (2).

1. La distinction du contrat et du quasi-contrat


62. Notion de quasi-contrat. Aux termes de l’article 1300 alinéa 1er du Code
civil « Les quasi-contrats sont des faits purement volontaires dont il résulte un
engagement de celui qui en profite sans y avoir droit, et parfois un engagement
de leur auteur envers autrui ». La dénomination est trompeuse : les quasi-contrats
ne sont pas des contrats, ni même des « presque contrats », car ils ne procèdent pas
d’un accord de volontés. Les quasi-contrats sont des faits juridiques : c’est la loi et
non la volonté qui crée entre deux personnes un lien de droit ressemblant à celui
qui résulterait d’un contrat, pour des raisons d’équité2. La notion de quasi-contrat
trouve son origine dans les Institutes de Gaïus. Après avoir présenté les obligations
qui naissent d’un contrat et celles qui naissent d’un délit, Gaïus présente les obli-
gations qui naissent « de diverses causes » et dans lesquelles le débiteur est tenu
comme si l’obligation était née d’un contrat : « quasi ex contactu teneri videntur »3.
63. Diversité des quasi-contrats. Le Code civil réglemente trois quasi-contrats.
–– La gestion d’affaires (art. 1301 et s. C. civ.) suppose qu’une personne
(le gérant d’affaires) ait accompli un acte pour le compte d’un tiers (le
maître de l’affaire) en l’absence de toute demande de celui-ci. Par exemple :
en l’absence du propriétaire d’un fonds, un voisin accomplit une répara-
tion urgente. Cette immixtion dans les affaires d’autrui pourra, à certaines

1. Ord. n° 2016-131 du 10 févr. 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de
la preuve des obligations, préc.
2. V. not. J. Carbonnier, n° 297 et s. ; A. Bénabent, n° 450 et s. ; R. Libchaber, « Le malheur des quasi-
contrats », Dr. et pat. mai 2016, p. 73.
3. Selon certains auteurs la notion de quasi-contrat serait issue d’une mauvaise interprétation des Institutes :
v. H. Vizioz, La notion de quasi-contrat, thèse Bordeaux, 1912 ; J.-L. Cazzaniga, Introduction historique
au droit des obligations, PUF, 1992, spéc. n° 14 et s. V. cependant, pour une réhabilitation de la notion :
M. Douchy, La notion de quasi-contrat en droit positif français, préf. A. Sériaux, Économica, 1997.

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conditions, donner naissance à des obligations proches de celles qui décou-
leraient d’un contrat d’entreprise qui aurait été conclu entre les intéressés.
–– Le paiement de l’indu (1302 et s. C. civ.) correspond à l’hypothèse où une
personne (l’accipiens) reçoit à titre de paiement d’une autre personne (le
solvens) une chose qui ne lui est pas due. Selon l’article 1302 « Tout paie-
ment suppose une dette » ; en conséquence « ce qui a été reçu sans être dû
est sujet à restitution ».
–– L’enrichissement injustifié (ou sans cause) qui était inconnu du Code civil de
1804 a été consacré par la jurisprudence à la fin du xixe siècle. Ce quasi-
contrat a été intégré dans le Code civil par la réforme du 10 février 2016,
aux articles 1303 à 1303-4. La personne qui s’est appauvrie de façon injuste
peut exercer une action contre l’enrichi, baptisée action de in rem verso,
qui est une « action dérivant du principe d’équité qui interdit de s’enrichir
au détriment d’autrui »1. Cependant une telle action fondée sur l’équité
ne peut être admise de façon générale, à défaut de quoi elle risquerait de
remettre en cause l’ensemble des règles du droit positif2. C’est pourquoi
la jurisprudence avait posé le principe de la subsidiarité de l’action de in
rem verso3. Ce principe est entériné par le nouvel article 1303-3 du Code
civil qui énonce : « L’appauvri n’a pas d’action sur ce fondement lorsqu’une
autre action lui est ouverte ou se heurte à un obstacle de droit, tel que la
prescription ».
Au début des années 2000 la Cour de cassation a admis un nouveau quasi-contrat :
la fausse promesse de gain. Sous le visa de l’ancien article 1371 du Code civil qui
définissait les quasi-contrats (aujourd’hui art. 1300 al. 1er), elle a énoncé que
« l’organisateur d’une loterie qui annonce un gain à une personne dénommée
sans mettre en évidence à première lecture l’existence d’un aléa s’oblige, par ce fait
purement volontaire, à le délivrer4 ». L’ordonnance n’a pas repris ce nouveau quasi-
contrat, mais cela ne signifie pas qu’il ait disparu. La formulation de l’article 1300

1. Req., 15 juin 1892, DP 1892, 1, 471 ; G.A., t. 2, n° 241.


2. V. not. G. Ripert et M. Tesseire, « Essai d’une théorie de l’enrichissement sans cause en droit français »,
RTD civ. 1904, p. 707, les auteurs montrent que, limitée à ses seules conditions matérielles (appau-
vrissement injuste), cette théorie pourrait constituer une « machine à faire sauter le droit ».
3. Civ., 2 mars 1915, DP 1915, I, 102 ; G.A., t. 2, n° 228.
4. Cass. ch. mixte, 6 sept. 2002, n° 98-22981, Bull. ch. mixte, n° 4 ; G.A., t. 2, n° 242 ; D. 2002, p. 2963,
note D. Mazeaud ; JCP 2002, II, 10173, note S. Reifegerste ; Cont. Conc. Cons. 2002, n° 151, obs.
G. Raymond ; Def., 2002, p. 1608, obs. E. Savaux ; RTD civ. 2003, p. 94, obs. J. Mestre et B. Fages ;
Pet. Aff. 24 oct. 2002, p. 16, note D. Houtcieff. V. ég. Civ. 1, 18 mars 2003, n° 00-19934, Bull. civ. I,
n° 85 ; Def., 2003, p. 1168, obs. R. Libchaber ; Civ. 1, 13 juin 2006, n° 05-18469, Bull. civ. I, n° 308.

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alinéa 2 du Code civil suivant lequel « les quasi-contrats régis par le présent sous-
titre sont la gestion d’affaires, le paiement de l’indu et l’enrichissement injustifié »
laisse entendre qu’il existe d’autres quasi-contrats que ceux prévus par le Code civil.

2. La distinction du contrat et des accords non obligatoires


64. Critère de distinction. Pour qu’il y ait contrat, il faut que les parties aient eu
l’intention de s’engager juridiquement. À défaut, l’accord de volontés ne fait pas
naître un contrat ; un tel accord ne relève pas de l’ordre juridique. La frontière est
parfois floue entre les contrats et les accords non juridiques.
65. Actes de courtoisie. Les actes de courtoisie se situent à n’en pas douter en
dehors de la sphère juridique. Par exemple, une invitation à dîner qui est acceptée
ne constitue pas un contrat. Un tel acte ne crée pas d’obligation juridique. Un tel
acte relève de ce que Carbonnier appelait le « non-droit1 ».
66. Actes d’assistance bénévole. Les actes d’assistance bénévole soulèvent des
difficultés de qualification. Y a-t‑il un contrat entre l’assistant et l’assisté ? La
question se pose le plus souvent lorsqu’il s’agit de mettre à la charge de l’assisté la
réparation des dommages subis par l’assistant.
Pendant longtemps la jurisprudence a fait application de la responsabilité délic-
tuelle ou de la gestion d’affaires pour accorder une réparation à l’assistant. Mais
depuis quelques années la jurisprudence semble encline à admettre l’existence
d’une véritable convention d’assistance, qui est un contrat de service gratuit taci-
tement formé entre l’assistant et l’assisté2.
67. Les engagements d’honneur. Un engagement pris « sur l’honneur » est-il un
engagement juridique ? La réponse n’est pas évidente. On pourrait penser que celui

1. J. Carbonnier, Flexible droit, 10e éd., LGDJ, 2002, p. 25 et s.


2. Civ. 1, 10 oct. 1995, n° 93-19142 ; Cont. Conc. Cons. 1996, n° 1, obs. L. Leveneur : à l’occasion du
concours bénévole qu’elle apportait à un comité des fêtes, une personne avait été blessée : cette situation
caractérise l’existence d’une « convention tacite d’assistance » qui emporte « pour l’assisté l’obligation de
réparer les dommages subis par la personne dont il avait accepté l’assistance » ; Civ. 1, 27 janv. 1993,
n° 91-12131, Bull. civ. I, n° 42 ; JCP 1993, I, 3727, n° 5, obs. crit. G. Viney : en procédant dans sa
propriété à l’abattage d’un arbre, une personne avait blessé avec une tronçonneuse électrique son
frère qui lui apportait une assistance bénévole : cette situation caractérise l’existence d’une convention
d’assistance qui « emporte nécessairement pour l’assisté l’obligation de réparer les conséquences des
dommages corporels subis par celui auquel il a fait appel ». L’existence d’une convention d’assistance
est cependant écartée lorsque les circonstances ne s’y prêtent pas : Civ. 1, 7 avr. 1998, n° 96-19171,
Bull. civ. I, n° 141 ; JCP 1998, II, 10203, note O. Gout ; Def., 1998, p. 1050, obs. P. Delebecque : ne
peut être qualifiée d’assistance « une intervention dont l’opportunité était douteuse ».

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qui s’engage sur l’honneur entend se placer sur un plan purement moral1. Pourtant,
la jurisprudence en matière commerciale analyse le plus souvent les engagements
« sur l’honneur » et autres gentlemen’s agreements comme de véritables contrats2.

III. Fondements du contrat


68. Une question vertigineuse. Pourquoi le contrat est-il obligatoire pour les
parties ? À cette question, la doctrine classique du xixe siècle, inspirée par la théorie
de l’autonomie de la volonté, répondait : parce que les parties l’ont voulu. Mais la
théorie de l’autonomie de la volonté a connu un déclin et se trouve concurrencée
par des théories nouvelles, que l’on peut qualifier de modernes. Toutes ces théories
méritent d’être connues car elles contribuent à expliquer la notion et le régime du
contrat, chacune fournissant un éclairage particulier. On présentera successive-
ment la théorie de l’autonomie de la volonté, qui fait figure de théorie classique
(1), puis les théories modernes (2).

1. La théorie classique : l’autonomie de la volonté


69. On présentera la théorie de l’autonomie de la volonté et son influence sur le
Code civil (A) puis le déclin de cette théorie (B).

A. La théorie de l’autonomie de la volonté et son influence


sur le Code civil
70. Exposé. Le concept d’autonomie de la volonté3 trouve ses origines dans la
philosophie individualiste de Kant4. Le philosophe allemand exprime ainsi l’idée

1. V. en ce sens B. Oppetit, « L’engagement d’honneur », D. 1979, chron. p. 107.


2. Com., 23 janv. 2007, n° 05-13189, Bull. civ. IV, n° 12 ; Def., 2007, p. 1027, obs. E. Savaux, JCP 2007,
I, 152, n° 12, obs. P. Simler ; RDC 2007, p. 697, obs. Y.-M. Laithier : « en s’engageant, fût-ce mora-
lement, à ne pas copier les produits commercialisés, […] la société C. avait exprimé la volonté non
équivoque et délibérée de s’obliger envers la société concurrente […] cette clause avait une valeur
contraignante pour l’intéressée… ». V. ég. Com., 23 déc. 1968, Bull. civ. IV, n° 374 : la cour d’appel a
« estimé à bon droit que l’engagement pris “sur l’honneur” par Pourcel de rembourser le solde débiteur
de son compte à la banque ne pouvait être considéré comme une simple obligation naturelle ». Pour
une analyse critique de cette jurisprudence, v. B. Oppetit, « L’engagement d’honneur », préc.
3. Le mot autonomie est dérivé du grec autonomos, du préfixe auto (soi-même) et du substantif nomos
(règle).
4. V. not. : Fondements de la métaphysique des mœurs, trad. V. Delbos, Paris 2015 ; Métaphysique des
mœurs, première Partie, Doctrine du droit, trad. A. Philonenko, préf. M. Villey, Paris, 2011 ; Critique
de la raison pratique, trad. F. Picavet, Paris, PUF, Quadrige, 7e éd., 2007.

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que l’homme, étant libre et doué de raison, a la faculté par sa volonté de se donner
sa propre loi. Suivant cette théorie le contrat est la source de droit par excellence.
Il est la source de tous les droits subjectifs et la société même est née d’un contrat
(c’est la théorie du contrat social, développée par Rousseau).
La théorie de l’autonomie de la volonté conduit à une conception du contrat
centrée sur la volonté des parties. Le contenu du contrat est déterminé par la
volonté des parties et le contrat est obligatoire à l’égard des parties parce qu’elles
l’ont voulu. L’autonomie de la volonté implique le respect de la parole donnée.
71. Résonance économique. L’autonomie de la volonté rejoint les principes du
libéralisme économique. Le contrat ne peut qu’être juste s’il est le produit de la
libre volonté des parties, puisque les individus libres et égaux sont les meilleurs
défenseurs de leurs intérêts. Tel est le sens de la célèbre maxime de Fouillée : « qui
dit contractuel dit juste1 ».
Cependant cette convergence entre autonomie de la volonté et justice contractuelle
n’existe que si les volontés individuelles sont effectivement libres (et cette exigence
préalable n’avait d’ailleurs pas échappé à Fouillée2). Pour que les contrats puissent
être considérés comme authentiquement voulus, encore faut-il qu’ils aient été
conclus dans un contexte qui permette l’expression d’une volonté libre. Cela sup-
pose l’intervention de la puissance publique au service de l’autonomie de l’individu.
Pour les penseurs individualistes du xviiie siècle, spécialement Rousseau, Kant et
Condorcet, la puissance publique est au service de l’autonomie de l’individu3. La
théorie de l’autonomie de la volonté et la philosophie individualiste du xviiie siècle
ne peuvent en aucune manière être associées aux thèses dites « ultra-libérales »
apparues au xixe siècle qui prônent un libéralisme absolu et un désengagement
de l’État (thèses résumées par la fameuse maxime : « laissez faire, laissez passer »).
72. Influence sur le Code civil de 1804. La théorie de l’autonomie de la volonté
a dominé la pensée juridique tout au long du xixe siècle. Elle a fortement influencé
le Code civil, même si, bien sûr, elle n’a jamais été posée comme un absolu par la

1. A. Fouillée, La science sociale contemporaine, Paris, Hachette 1880, p. 410. V. E. Kant, Doctrine du
droit, préc. « Quand quelqu’un décide quelque chose à l’égard d’un autre, il est toujours possible qu’il
lui fasse quelque injustice, mais toute injustice est impossible quand il décide pour lui-même ».
2. V. sur ce point J.-F. Spitz, « “Qui dit contractuel dit juste” : quelques remarques sur une formule
d’Alfred Fouillée », RTD civ. 2007, p. 281 et s. , spéc. p. 282.
3. V. not. H. Michel, L’idée de l’État, Essai critique sur l’histoire des théories sociales et politiques en France
depuis la révolution, Hachette 1896, spéc. p. 88 et s. où l’auteur souligne que « l’opposition entre
l’individu et l’État, devenue, par la suite, la caractéristique essentielle de l’orthodoxie individualiste,
ne fait pas partie intégrante de l’individualisme du xviiie siècle ».

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loi. Les principes fondamentaux du droit des contrats dans le Code civil de 1804
apparaissent comme des conséquences juridiques de l’autonomie de la volonté1.
–– La liberté contractuelle. L’autonomie de la volonté a pour corollaire la liberté
contractuelle qui est un principe essentiel du droit des contrats, en la forme
et sur le fond. En la forme, la liberté contractuelle implique le consen-
sualisme : le contrat est formé par le seul consentement des parties, sans
qu’aucune condition de forme ne soit nécessaire. Sur le fond, le principe
de la liberté contractuelle implique une triple liberté : la liberté de conclure
ou non le contrat, de choisir le cocontractant et de déterminer le contenu
du contrat. Les rédacteurs du Code civil de 1804 ont consacré la liberté
contractuelle, tout en fixant certaines limites (par ex. C. civ., art. 6).
–– La force obligatoire du contrat. Dans une formule énergique inspirée de
Domat2, l’ancien article 1134 du Code civil prévoyait que « Les conven-
tions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ».
Cette formule (qui est reprise à l’article 1103 du Code civil3) exprime la
force obligatoire du contrat. Mais elle n’érige pas le contrat au rang de la
loi. La volonté des parties reste subordonnée à la loi qui est l’expression
de la volonté générale : les contrats n’ont force obligatoire que s’ils sont
« légalement formés »4. On constate une fois encore que, dans l’esprit des

1. J. Carbonnier, n° 16. V. ég. J.-L. Cazzaniga, Introduction historique au droit des obligations, n° 159
et s. ; J.-L. Cazzaniga, « Domat et Pothier, le contrat à la fin de l’Ancien régime », Droit, 1990, n° 12,
p. 37. L’influence exacte de la théorie de l’autonomie de la volonté sur les rédacteurs du Code civil est
cependant aujourd’hui discutée, certains auteurs considérant que cette théorie a davantage influencé
les interprètes du Code civil que ses rédacteurs, v. not. : V. Ranouil, L’autonomie de la volonté : naissance
et évolution d’un concept, préf. J.-P. Lévy, PUF, 1980 ; F. Chénedé, « De l’autonomie de la volonté à
la justice commutative », Annuaire de l’Institut Michel Villey, 2012, vol. 4, p. 155.
2. J. Domat, Œuvres complètes, Les lois civiles dans leur ordre naturel, Paris, Béchet, rééd. 1828, livre I,
section II, n° 7 : « Les conventions étant formées, tout ce qui a été convenu tient lieu de loi à ceux qui
les ont faites et elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ».
3. À ceci près que le nouvel article 1103 du Code civil évoque les « contrats » et non les « conventions »,
ce changement n’ayant d’ailleurs aucune conséquence puisque l’ordonnance a consacré la synonymie
de ces termes (v. supra, n° 60).
4. V. not. C. Demolombe, Traité des contrats ou des obligations conventionnelles en général, Durand et
Hachette, t. 1, 1re éd., 1868, n° 387 : l’auteur écrit que le sens de l’article 1134 alinéa 1er (auj. art. 1103)
« n’est point, bien entendu, d’ériger la convention privée en une loi proprement dite, mais d’exprimer,
d’une façon énergique, le lien qui en résulte entre les parties ». V. ég. C. Jamin, « Une brève histoire
politique des interprétations de l’article 1134 du Code civil », D. 2002, chron. p. 901, spéc. p. 904 ;
J.-P. Chazal, « De la signification du mot loi dans l’article 1134 du Code civil », RTD civ. 2001, p. 265
et s.

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rédacteurs du Code civil, l’autonomie de la volonté n’est pas l’absolutisme
de la volonté.
–– L’interprétation du contrat. L’interprétation du contrat doit se faire en
recherchant ce que les parties ont voulu. Lorsque les termes du contrat
sont obscurs ou ambigus, le juge ne doit pas chercher à faire produire
les effets qu’il estime les plus justes ou les plus utiles, mais ceux qui
paraissent conformes à la volonté des parties : l’interprétation est fondée
sur la recherche de la « commune intention des parties » (ancien art. 1156 ;
art. 1188 C. civ.). Cette règle est une conséquence directe de l’idée d’auto-
nomie de la volonté1.
–– L’effet relatif du contrat. Seules les personnes ayant manifesté la volonté
de s’engager dans un contrat sont liées par celui-ci (ancien art. 1165 ;
art. 1199 C. civ.).

B. Le déclin de la théorie de l’autonomie de la volonté


73. Recul en droit positif. La situation économique et sociale au xixe siècle a
montré les injustices auxquelles peuvent conduire les excès de la doctrine éco-
nomique libérale. La différence de puissance économique entre les contractants
interdit tout simplement le libre jeu des volontés individuelles. Le plus faible est
contraint d’accepter les conditions qui lui sont imposées par le plus fort. Selon la
belle formule de Lacordaire, « entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre,
entre le maître et le serviteur c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit »2.
Ces critiques ont conduit à une inflexion des principes découlant de l’autonomie
de la volonté. Les lois impératives se sont multipliées pour protéger le contractant
en situation de faiblesse.
–– La liberté contractuelle subit diverses atteintes. Parfois le législateur sup-
prime la liberté de contracter ou de ne pas contracter, d’autres fois il
supprime la liberté de choisir son cocontractant et d’autres fois encore il
limite la liberté des parties quant à la détermination du contenu du contrat
(v. infra, n° 317 et s.).
–– La force obligatoire du contrat a également subi certaines atteintes justifiées
généralement par le souci de protéger le débiteur (v. infra, n° 125).

1. J. Carbonnier, n° 142 : « l’interprétation est un hommage rendu à l’autonomie de la volonté ».


2. H.-D. Lacordaire, Conférences de Notre-Dame de Paris, Paris 1872, éd. Poussielgue frères, T. III,
52e conférence, spéc. p. 494.

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–– L’effet relatif du contrat a été largement épargné, même si sa sphère d’appli-
cation s’est parfois élargie (v. infra, n° 518 et s.).
74. Critiques doctrinales. En doctrine, la théorie de l’autonomie de la volonté
a fait l’objet de vives critiques, parfois excessives1. C’est un fait certain que la
conception volontariste du contrat a parfois été exagérée par la doctrine classique.
Mais il serait tout aussi excessif, aujourd’hui, d’occulter le rôle de la volonté dans
le contrat. La volonté doit rester le fondement du contrat.
En réaction à la théorie de l’autonomie de la volonté plusieurs courants de pensée
se sont développés pour accompagner l’intervention du juge et du législateur sur
le contrat.

2. Les théories modernes


75. L’autonomie de la volonté conserve une place essentielle dans la théorie géné-
rale du contrat, mais elle n’en constitue plus le principe unique. De nouvelles
théories sont proposées par la doctrine. Elles ne remplacent pas la théorie de
l’autonomie de la volonté, mais la complètent pour tenir compte des évolutions
du droit des contrats. On envisagera ci-après quelques-unes de ces théories : la
confiance légitime (A), le normativisme (B), l’utile et le juste (C), le solidarisme
contractuel (D) et enfin l’analyse économique (E).

A. La confiance légitime
76. Exposé. Suivant cette théorie à laquelle il faut attacher le nom de Gino Gorla2,
la force obligatoire du contrat ne réside pas dans la promesse elle-même mais
dans la confiance légitime que cette promesse a pu susciter chez celui auquel elle
a été adressée. Le ressort de la force obligatoire reste de nature psychologique,
mais l’explication est déplacée du débiteur au créancier. Cette théorie rejoint la
théorie de la reliance qui s’est développée en Angleterre et aux États-Unis3. En

1. V. not. E. Gounot, Le principe de l’autonomie de la volonté en droit privé, étude critique de l’individualisme
juridique, thèse Dijon, 1912, l’auteur donne une présentation excessive, pour ne pas dire caricaturale,
de cette théorie afin de mieux la critiquer, utilisant une tactique rhétorique bien connue : caricaturer
pour mieux combattre. Malgré tout, la thèse de Gounot a marqué les esprits.
2. G. Gorla, Le contrat dans les droits continentaux en particulier dans les droits français et italien, thèse
Milan, 1954, version française 1958.
3. Sur la théorie de la reliance, v. not. B. Reiter et J. Swan, Contracts and the protection of reasonable
expectations, in Studies in contract law, Butterworths, 1980, p. 7 ; P. S. Atiyah, L’évolution du droit
anglais de l’accord vers la reliance et l’exclusion de la responsabilité pour vices dans la vente de marchan-
dises, in D. Tallon, D. Harris, Le contrat aujourd’hui : comparaisons franco-anglaises, LGDJ, 1987,

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France, la théorie de la confiance légitime (ou attente légitime) a suscité l’intérêt
de la doctrine1.
77. Discussion. On trouve l’idée de confiance (ou attente) légitime dans différents
textes. L’article 1166 du Code civil prévoit que, lorsque la qualité de la presta-
tion n’est pas déterminée ou déterminable, le débiteur doit offrir une prestation
« de qualité conforme aux attentes légitimes des parties » (C. civ., art. 1166). En
matière de résolution pour inexécution, le Code civil ne définit pas l’inexécution
« suffisamment grave » propre à justifier la résolution mais on trouve dans les
Principes du droit européen des contrats un critère reposant sur la notion d’attente
légitime et qui rend bien compte de la position de la jurisprudence : l’inexécution
justifie la résolution lorsqu’elle « prive substantiellement le créancier de ce qu’il
était en droit d’attendre du contrat » (PDEC, art. 8 : 103). La notion d’attente
légitime pourrait également fournir une explication pour la force obligatoire de
l’engagement unilatéral ou des quasi-contrats.
Il reste que cette théorie ne permet pas vraiment d’expliquer la force obligatoire
du contrat. Pourquoi le droit protège-t‑il certaines attentes ? Parce qu’elles sont
légitimes. Mais pourquoi ces attentes sont-elles légitimes ? Parce qu’elles sont pro-
tégées par le droit… La théorie des attentes légitimes repose sur un raisonnement
circulaire2. Elle offre un éclairage intéressant sur le principe de la force obligatoire
du contrat, mais elle ne permet pas de l’expliquer.

p. 57. Pour une présentation de cette théorie, v. H. Muit-Watt, « Reliance et définition du contrat »,
Dialogues avec M. Jeantin, Dalloz 1999, p. 57.
1. V. not. J.-L. Souriou, « La confiance légitime », JCP 1982, I, 3058 ; J. Calais-Auloy, « L’attente légi-
time, une nouvelle source de droit subjectif ? », Mélanges Y. Guyon, Dalloz, 2003, p. 171 ; P. Lokiec,
« Le droit des contrats et la protection des attentes », D. 2007, p. 321 ; D. Mazeaud, « La confiance
légitime et l’estoppel », in B. Fauvarque-Cosson (dir.), La confiance légitime et l’estoppel, Société de
législation comparée, vol. 4, 2007, p. 247 ; V.-L. Benabou et M. Chagny, La confiance en droit privé
des contrats, Dalloz 2008. Plusieurs thèses étudient cette théorie, not. : A. Chirez, De la confiance en
droit contractuel, thèse Nice, 1977 ; H. Aubry, L’influence du droit communautaire sur le droit français
des contrats, préf. A. Ghozi, PUAM, 2002, spéc. no 223 et s. ; A. Danis-Fâtome, Apparence et contrat,
LGDJ, 2004 ; C. Grimaldi, Quasi-engagement et engagement en droit privé, préf. Y. Lequette, Defrénois,
2006. V. ég. en droit belge : X. Dieux, Le respect dû aux anticipations légitimes d’autrui. Essai sur la
genèse d’un principe général du droit, Bruylant, LGDJ, 1995.
2. V. not. M. Fabre-Magnan, n° 75.

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B. Le normativisme
78. Exposé. Développant les idées de Hans Kelsen1, Georges Rouhette propose
une analyse « normativiste » du contrat2. Georges Rouhette rejette catégorique-
ment la théorie de l’autonomie de la volonté. Pour lui, le droit objectif n’a jamais
admis que l’individu puisse s’obliger par sa seule volonté. Le contrat n’oblige que
parce que la loi l’autorise et dans la mesure où elle le prévoit. Le contrat tire sa
force obligatoire de sa conformité à la norme qui lui est supérieure, laquelle tire
également sa force obligatoire de sa conformité à la norme qui lui est supérieure
et ainsi de suite en remontant jusqu’à la constitution3.
79. Discussion. En envisageant le contrat comme un élément de l’ordre juridique,
la théorie normativiste rend bien compte de la façon dont il s’intègre dans l’ordon-
nancement juridique : le contrat occupe la base de la pyramide des normes et il
n’a force obligatoire que s’il est conforme aux normes qui lui sont supérieures.
Cette présentation pyramidale est conforme à l’article 1103 du Code civil (ancien
art. 1134 alinéa 1er C. civ.) suivant lequel seuls les contrats « légalement formés »
tiennent lieu de loi aux parties.
Cependant la théorie de Rouhette conduit à minimiser le rôle de la volonté dans
le contrat. Ce n’est plus l’accord de volontés qui caractérise le contrat, mais la
présence d’intérêts réciproques (ce qui correspond à la conception du contrat
retenue par les économistes). La notion de contrat s’en trouve profondément
bouleversée. Ainsi, les actes à titre gratuit sont exclus de la catégorie des contrats4.
Et la distinction classique entre la formation et l’exécution du contrat est remise
en cause : le contrat « achève de se former en s’exécutant5 ». En outre cette théorie
propose une lecture purement positiviste du contrat6 éludant toute réflexion sur
ses fondements moraux, sociologiques ou politiques.

1. H. Kelsen, « La théorie juridique de la convention », ADP 1940, p. 33. H. Kelsen, Théorie pure du
droit, trad. Charles Eisenmann, Dalloz, 2e éd., Paris, 1962.
2. G. Rouhette, Contribution à l’étude critique de la notion de contrat, thèse Paris, 1965 ; « La force obli-
gatoire du contrat », in Le contrat aujourd’hui, comparaisons franco-anglaises, LGDJ, 1987, p. 27 et s. ;
« Droit de la consommation et théorie générale du contrat », Mélanges Rodière, Dalloz, 1981, p. 247
et s.
3. Cette théorie a suscité une question : qu’est-ce qui justifie la force obligatoire de la constitution ? En
réponse, Kelsen fait appel à une norme supérieure qui valide la constitution (la « norme fondamentale »),
tout en admettant que cette norme supérieure reste hypothétique, indémontrable (v. H. Kelsen, Théorie
pure du droit, préc., spéc. p. 257 et s.).
4. Thèse préc., n° 226, p. 638.
5. G. Rouhette, « Droit de la consommation et théorie générale du contrat », préc., p. 269.
6. Le positivisme juridique est la doctrine qui ne reconnaît de valeur qu’aux règles de droit positif.

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C. L’utile et le juste
80. Exposé. M. Ghestin admet que l’accord de volontés est « la procédure néces-
saire et spécifique de la formation du contrat » mais, pour cet auteur, le contrat n’a
d’effet obligatoire que s’il est socialement utile et économiquement juste1. Dans
cette conception, le législateur ne doit prêter force obligatoire qu’aux contrats qui
permettent un échange économique équilibré.
81. Discussion. Cette conception rend bien compte de l’évolution contemporaine
du droit des contrats, marquée notamment par un recul du consensualisme et de
la liberté contractuelle et par le développement de l’ordre public économique.
Cependant cette théorie suscite certaines interrogations. On peut se demander
notamment suivant quels critères s’opère la conciliation entre les notions d’utile
et de juste : l’utilité et la justice sont-elles sur le même plan ?

D. Le solidarisme contractuel
82. Exposé. Inspiré des idées sociales de Léon Bourgeois, la théorie du solidarisme
contractuel est apparue dans la doctrine civiliste sous la plume de René Demogue.
Pour cet auteur le contrat serait « une petite société où chacun doit travailler dans
un but commun qui est la somme des buts individuels poursuivis, absolument
comme la société civile ou commerciale2 ». La théorie du solidarisme contrac-
tuel conçoit le contrat non plus comme le produit de la conciliation d’intérêts
antagonistes mais comme un instrument de « coopération loyale, une œuvre de
confiance mutuelle3 ». Le solidarisme contractuel conduit à imposer de nouvelles
obligations aux parties (entraide, collaboration…) et à reconnaître de nouveaux
pouvoirs au juge.
83. Discussion. Cette théorie suscite de vives critiques. Il lui est reproché de n’être
pas conforme à la réalité du contrat, dans lequel chacun recherche avant tout son

1. J. Ghestin, « L’utile et le juste dans les contrats », D. 1982, chron. p. 1 ; J. Ghestin, G. Loiseau et
Y.-M. Serinet, t. 1, n° 1003.
2. R. Demogue, Traité des obligations en général, éd. Rousseau, 1931, t. VI, spéc. n° 3.
3. D. Mazeaud, « Regards prospectifs sur le “nouveau monde contractuel” », Pet. Aff. 7 mai 2004, n° 92,
p. 47, spéc. n° 5. Cette théorie est aujourd’hui développée par une doctrine importante : v. not.
C. Thibierge-Guelfucci, « Libres propos sur la transformation du droit des contrats », RTD civ. 1997,
p. 357 et s., spéc. p. 384 ; D. Mazeaud, « Loyauté, solidarité, fraternité : la nouvelle devise contrac-
tuelle ? », Mélanges Terré, éd. Dalloz, PUF et Jurisclasseur, 1999, p. 603 et s. ; C. Jamin, « Plaidoyer pour
le solidarisme contractuel », Études Ghestin, LGDJ, 2001, p. 441 et s. Sur le solidarisme, v. C. Jamin
et D. Mazeaud (dir.), La nouvelle crise du contrat, Dalloz, 2003 ; L. Grynbaum et M. Nicod (dir.), Le
solidarisme contractuel, Economica, 2004.

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propre intérêt1. Faisant appel à une conception très large du rôle de la bonne foi
cette théorie pourrait conduire à développer excessivement le rôle du juge, au point
de remettre en cause la sécurité juridique.
Il paraît cependant possible de nuancer quelque peu ces critiques en mettant à
profit une analyse socio-économique du contrat qui distingue les contrats tran-
sactionnels et les contrats relationnels (sur cette distinction, v. infra, n° 118 et s.).
Les contrats transactionnels (par ex. la vente) se prêtent assez mal à l’application
de la théorie du solidarisme ; en revanche les contrats relationnels, qui font naître
entre les parties une relation durable, représentent un terrain plus favorable pour
cette théorie.

E. L’analyse économique
84. Exposé. L’analyse économique du droit qui est apparue aux États-Unis sous
l’impulsion notamment de Richard Allen Posner2 utilise des concepts écono-
miques pour évaluer l’efficacité des règles de droit. S’agissant plus spécialement
du droit des contrats, l’analyse économique fait reposer la force obligatoire du
contrat sur un objectif d’efficacité économique, à l’exclusion de toute considé-
ration morale. L’analyse économique propose notamment la théorie de l’efficient
breach of contract (violation efficace du contrat). Cette théorie a pour objectif de
permettre au débiteur de choisir, en fonction de ses intérêts, entre l’exécution de
ses obligations et leur inexécution moyennant une compensation pécuniaire, le
choix opéré par le débiteur étant censé permettre une meilleure affectation des
ressources et ainsi profiter à la société tout entière. Par exemple, un contractant
peut décider de rompre le contrat pour s’engager avec un tiers dès lors qu’il estime
que le gain qu’il obtiendra en concluant ce nouveau contrat sera supérieur au prix
de la rupture du contrat.

1. V. not. F. Terré, P. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, n° 42 et s., les auteurs raillent cette doctrine qui
annonce « l’avènement d’un monde contractuel meilleur » ; J. Carbonnier, préc., n° 114, « on s’étonnera
qu’à une époque où le mariage s’est peut-être transformé en contrat, certains aient rêvé de transformer
tout contrat en mariage ». V. ég. L. Leveneur, « Le solidarisme contractuel : un mythe », in L. Grynbaum
et M. Nicod (dir.), Le solidarisme contractuel, Economica, 2004, p. 173 et s. ; J. Cedras, « Liberté,
égalité, contrat, le solidarisme contractuel en doctrine et devant la Cour de cassation », Rapport 2003,
Cour de cassation, La Documentation française, 2004 ; Y. Lequette, « Bilan des solidarismes contrac-
tuels », Mélanges offerts à P. Didier, Economica, 2008, p. 247.
2. R. A. Posner, Economic analysis of law, Little Brown and company, 1re éd., 1972 ; 9e éd. Wolters Kluwer
and Business, 2014 ; A. Marciano et S. Harnay, Posner. L’analyse Économique du Droit, Michalon 2003.
On trouvera une bibliographie plus développée dans : M. Fabre-Magnan, n° 111.

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85. Discussion. L’analyse économique du droit suscite certaines réserves. D’une
part, évaluer l’efficacité économique de règles de droit n’est pas chose facile.
D’autre part, et surtout, l’efficacité économique ne doit pas être le seul critère
d’évaluation des règles de droit, ni même le critère prédominant. La justice et la
sécurité sont des critères plus importants.
L’analyse économique ignore le fondement moral sur lequel repose le contrat en
droit français, ce qui explique, sans doute, qu’elle ait jusqu’ici assez peu retenu
l’attention de la doctrine française1. On notera toutefois que la réforme du droit
des contrats a introduit dans le Code civil certaines règles qui paraissent inspirées
par les préceptes de l’analyse économique du droit (v. supra, n° 15 et infra, nos 660
et 664 et s.).

1. V. cep. C. Atias, « L’analyse économique du droit », RRJ, 1987, n° 2 ; H. Muir Watt, « Analyse écono-
mique et perspective solidariste », in La nouvelle crise du contrat ? dir. C. Jamin et D. Mazeaud, Dalloz,
coll. « Thèmes et commentaires », 2003, p. 183 et s. ; « Analyse économique du droit : quelques points
d’accroche », sous la dir. de G. Canivet, B. Deffains, M.-A. Frison-Roche, Pet. Aff. 19 mai 2005, no 99.
V. ég. Y.-M. Laithier, Étude comparative des sanctions de l’inexécution du contrat, préf. H. Muir Watt,
LGDJ, 2004, l’auteur propose de déterminer le choix des sanctions de l’inexécution du contrat en
fonction de leur efficacité économique.

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Chapitre 2

Les classifications des contrats

86. De l’intérêt de classer les contrats. Les classifications des contrats sont essen-
tielles car elles définissent des catégories auxquelles un contrat envisagé pourra être
rattaché afin de déterminer son régime juridique. L’opération consistant à rattacher
le contrat à la catégorie qui lui correspond afin de déterminer son régime juridique
est la qualification1. Les classifications qu’il convient de présenter d’abord sont
celles reposant sur la réglementation applicable aux contrats (I). On présentera
ensuite les classifications fondées sur les conditions de formation des contrats (II)
et enfin les classifications fondées sur le contenu des contrats (III).

I. Classifications des contrats


selon leur réglementation
87. On présentera la distinction entre les contrats nommés et les contrats innom-
més (1) puis la distinction entre les contrats de droit interne et les contrats de
droit international (2).

1. Contrats nommés et contrats innommés


88. Exposé de la distinction. Les contrats nommés sont ceux auxquels la loi
donne un nom et pour lesquels elle prévoit une réglementation spécifique (par
exemple la vente, le louage…). À l’inverse, les contrats innommés2 sont ceux qui
ne relèvent d’aucune réglementation spécifique.

1. P. Waserman, V° Qualification, in Dictionnaire de la culture juridique, D. Alland et S. Rials (Dir.),


PUF, 2003.
2. On distingue, au sein de la catégorie des contrats innommés, les contrats « mixtes », qui combinent
plusieurs contrats nommés (par ex. vente et contrats d’entreprise) et les contrats sui generis (de leur
propre genre) ; v. A. Bénabent, Droit des contrats spéciaux civils et commerciaux, Montchrestien, coll.
Domat droit privé, 12e éd., 2017, n° 8. ; P. Puig, Contrats spéciaux, Dalloz, Coll. HyperCours,
4e éd. 2011, n° 37 et s.

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89. Intérêt de la distinction. Dans un système formaliste tel que l’ancien droit
romain, la distinction est essentielle puisque seuls les contrats expressément définis
et nommés par la loi peuvent engendrer des obligations. Les contrats conclus en
dehors des catégories légales sont dénués de tout effet de droit : « d’un pacte nul
ne naît aucune action ».
Dans notre système juridique les parties peuvent prévoir librement le contenu
de leur contrat et les contrats innommés sont valables autant que les contrats
nommés. La distinction entre contrats nommés et contrats innommés n’est pas
pour autant inutile car elle détermine le régime juridique du contrat envisagé. Le
contrat nommé fait l’objet d’une réglementation spéciale : son régime juridique
est déterminé par la combinaison du droit commun des contrats et des règles
spéciales qui lui sont propres. Par exemple, le régime de la vente est déterminé par
l’application combinée des articles 1101 et suivants et 1582 et suivants du Code
civil. Au contraire, le contrat innommé ne fait pas l’objet d’une réglementation
spéciale : son régime juridique est déterminé exclusivement par le droit commun
des contrats.

2. Contrats internes et contrats internationaux


89-1. Exposé de la distinction. Les contrats internes sont ceux dont tous les
éléments sont localisés en France (lieu de conclusion, lieu d’exécution, objet,
nationalité et résidence des parties). Les contrats internationaux sont ceux qui
comportent un élément d’extranéité, c’est-à‑dire qu’ils entretiennent des liens de
rattachement avec au moins deux pays différents.
89-2. Intérêt de la distinction. Le contrat international peut être soumis à des
règles matérielles spécifiques. On peut citer comme exemple la Convention de
Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises (CVIM)
ratifiée sous l’égide des Nations-Unies. Elle s’applique chaque fois que le vendeur
et l’acheteur d’une marchandise sont établis dans des États différents, lorsque ces
États sont des États contractants ou lorsque les règles du droit international privé
d’un État conduisent à l’application de la loi d’un État contractant.
En l’absence de règles matérielles internationales, il convient de déterminer la
loi nationale applicable. La règle de principe est celle dite de la « loi d’autono-
mie » : cela signifie que les parties sont libres de choisir la loi applicable au contrat.
Cette règle de principe qui avait été dégagée par la jurisprudence a été consacrée par
le droit européen. L’article 3.1 du règlement CE n° 593/2008 du 1er juin 2008 sur
la loi applicable aux obligations contractuelles, dit règlement « Rome 1 », prévoit

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que « le contrat est régi par la loi choisie par les parties ». À défaut d’un tel choix,
il convient d’appliquer les règles de rattachement prévues aux articles 4 et suivants
dudit règlement. Ne seront étudiées dans cet ouvrage que les règles applicables
aux contrats de droit interne.

II. Classifications des contrats selon leur mode


de formation
90. Le mode de formation des contrats permet de distinguer les contrats selon
qu’ils sont consensuels ou non consensuels (1), intuitu personae ou non (2) et enfin
selon qu’ils sont conclus de gré à gré ou par adhésion (3).

1. Contrats consensuels et non consensuels


91. Il convient d’exposer le contenu (A) et l’intérêt (B) de cette distinction.

A. Exposé de la distinction
92. Contrats consensuels. Les contrats consensuels sont ceux qui se forment « par le
seul échange des consentements quel qu’en soit le mode d’expression » (art. 1109
al. 1er C. civ.). L’accord des volontés des parties suffit à former le contrat. Les
contrats sont par principe consensuels en droit français (art. 1172 al. 1er C. civ.),
mais ce principe connaît des exceptions.
93. Contrats non consensuels. Les contrats non consensuels sont ceux dont la
formation requiert, outre le consentement des parties, l’accomplissement d’une
formalité déterminée. On en distingue deux catégories.
Les contrats solennels sont ceux dont la formation « est subordonnée à des formes
déterminées par la loi » (art. 1109 al. 2 C. civ.). La forme exigée peut consister
en un acte sous seing privé ; tel est le cas par exemple pour le contrat de bail rural
(art. L. 414-4 C. rur.). La forme requise peut consister en un acte authentique ;
tel est le cas par exemple pour la donation (art. 931 C. civ.).
Les contrats réels sont ceux dont la formation « est subordonnée à la remise d’une
chose » (art. 1109 al. 3 C. civ.). Il n’existe que très peu de contrats réels : le prêt à
usage (art. 1875 C. civ.), le prêt de consommation (art. 1892 C. civ.) et le dépôt
(art. 1915 et 1919 C. civ.) notamment.

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B. Intérêt de la distinction
94. Consensualisme et formalisme. Le consensualisme présente de nombreux
avantages. Au point de vue moral, il exalte le pouvoir de la volonté et le respect
de la parole donnée. Au point de vue pratique, il est synonyme de rapidité et de
simplicité. Mais il présente aussi certains inconvénients : il peut arriver que le
consentement soit donné trop rapidement, sans que le contractant ait eu conscience
de la portée de son engagement ; les tiers peuvent être tenus dans l’ignorance du
contrat qu’ils auraient intérêt à connaître. C’est pourquoi le législateur impose un
formalisme pour certains contrats. Ce formalisme permet d’éviter les engagements
irréfléchis et offre à l’acte un caractère de certitude (v. infra, n° 379 et s.).

2. Contrats avec intuitus personae


et contrats sans intuitus personae
95. Cette distinction est importante même si elle n’est pas expressément prévue
par le Code civil. Il convient d’exposer cette distinction (A) avant de montrer
l’intérêt qu’elle présente (B).

A. Exposé de la distinction
96. Considération de la personne. En principe la considération de la personne
du cocontractant n’est pas déterminante. Par exception certains contrats sont
conclus en considération de la personne du cocontractant : on dit qu’ils sont
conclus intuitu personae. L’intuitus personae peut être unilatéral ou bilatéral. Il est
unilatéral lorsqu’il existe chez l’une des parties seulement. Par exemple dans le
contrat de travail, l’intuitus personae existe chez l’employeur seulement qui choisit
ses salariés en fonction de leur qualité ; en revanche la personne de l’employeur
est indifférente pour le salarié. L’intuitus personae est bilatéral lorsqu’il est présent
chez les deux parties ; par exemple dans le mandat.

B. Intérêt de la distinction
97. Particularité des contrats intuitu personae. Les contrats conclus intuitu
personae présentent de nombreuses particularités. On en relèvera quelques-unes
parmi les plus importantes. Le décès du contractant dont la qualité a été déter-
minante conduit à la caducité du contrat. L’offre de conclure un contrat intuitu
personae est implicitement assortie d’une réserve tenant à la personne de l’acceptant
(v. infra, n° 172). L’article 1134 du Code civil prévoit que « l’erreur sur les qualités

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essentielles du cocontractant n’est une cause de nullité que dans les contrats conclus
en considération de la personne » (v. infra, n° 282).

3. Contrats de gré à gré et contrats d’adhésion


98. La distinction des contrats de gré à gré et des contrats d’adhésion, qui a été
proposée par la doctrine1, est désormais prévue dans le Code civil2. Il convient
d’exposer cette distinction (A) avant de montrer l’intérêt qu’elle présente (B).

A. Exposé de la distinction
99. Négociation ou adhésion. Dans la conception du Code civil de 1804, qui
repose sur le postulat de l’égalité entre les parties, les clauses du contrat sont éla-
borées au fil d’une discussion entre les parties. Mais la réalité est différente. Bien
souvent, l’un des contractants est en position de force et il fixe seul les clauses du
contrat en ne laissant à l’autre aucun autre choix que d’adhérer aux conditions
qu’il propose ou de renoncer au contrat. D’où l’expression « contrat d’adhésion »
qui a été proposée par Saleilles pour mettre en lumière les particularités – et les
dangers – de ce type de contrats3. Les contrats de téléphonie, d’assurance ou de
transport, notamment, sont des contrats d’adhésion.
100. Ordonnance du 10 février 2016. La distinction des contrats de gré à gré
et des contrats d’adhésion a été introduite dans le Code civil par l’ordonnance
du 10 février 20164. L’article 1110 du Code civil issu de l’ordonnance opposait
le contrat de gré à gré dont « les stipulations sont librement négociées entre les
parties » au contrat d’adhésion dont « les conditions générales, soustraites à la
négociation, sont déterminées à l’avance par l’une des parties ». Ainsi énoncée, la
distinction était peu claire, notamment du fait que les critères du contrat d’adhé-
sion étaient peu satisfaisants : la présence de conditions générales n’est pas un
critère décisif (celles-ci pouvant être négociables ou non) et l’expression « soustraite
à la négociation » est ambiguë.

1. L’expression « contrat d’adhésion » est due à R. Saleilles, De la déclaration de volonté, contribution à


l’étude de l’acte juridique dans le Code civil allemand, éd. Pichon, 1901.
2. F. Chénedé, « Le contrat d’adhésion de l’article 1110 du Code civil », JCP 2016, 776.
3. R. Saleilles, préc.
4. Ord. n° 2016-131 du 10 févr. 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de
la preuve des obligations, préc.

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101. Loi du 20 avril 2018. Les définitions du contrat de gré à gré et du contrat
d’adhésion ont été modifiées par la loi du 20 avril 20181. Le contrat de gré à
gré est « celui dont les stipulations sont négociables entre les parties » (art. 1110
al. 1er C. civ.) tandis que le contrat d’adhésion est « celui qui comporte un ensemble
de clauses non négociables, déterminées à l’avance par l’une des parties » (art. 1110
al. 2 C. civ.). Le critère de distinction est le caractère non négociable d’un ensemble
de clauses.

B. Intérêt de la distinction
102. Protection de la partie adhérente. Le législateur soumet les contrats d’ad-
hésion à un régime particulier, dans le but de protéger les intérêts de la partie
qui a adhéré aux conditions qui lui étaient proposées sans pouvoir les négocier.
L’article 1171 du Code civil permet d’évincer dans les contrats d’adhésion les
clauses abusives (v. infra, n° 368 et s.). L’article 1190 du Code civil prévoit une
règle d’interprétation favorable au contractant qui a adhéré au contrat (v. infra,
n° 536).

III. Classifications des contrats selon leur contenu


103. Le contenu du contrat est le critère de plusieurs distinctions importantes.
Certaines de ces distinctions sont présentées dans le Code civil : la distinction
des contrats synallagmatiques et des contrats unilatéraux (1), la distinction des
contrats à titre onéreux et des contrats à titre gratuit (2), la distinction des contrats
commutatifs et des contrats aléatoires (3) et la distinction des contrats à exécution
instantanée ou successive (4). Une distinction qui ne figure pas dans le Code
civil mérite d’être connue : la distinction entre les contrats transactionnels et les
contrats relationnels (5).

1. Contrats synallagmatiques et contrats unilatéraux


104. C’est une distinction importante qui est aujourd’hui prévue à l’article 1106
du Code civil. Il convient de l’exposer (A) avant de présenter son intérêt (B).

1. La nouvelle rédaction de l’art. 1118 est entrée en vigueur au 1er oct. 2018.

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A. Exposé de la distinction
105. Présence ou non d’obligations réciproques. Le critère de distinction entre
ces deux catégories est la présence ou l’absence d’obligations réciproques.
Le contrat est synallagmatique (on dit aussi bilatéral) « lorsque les contractants
s’obligent réciproquement les uns envers les autres » (art. 1106 al. 1er C. civ.). Le
contrat synallagmatique fait naître des obligations réciproques à la charge des par-
ties, chacune étant créancière et débitrice. L’exemple type est la vente : le vendeur
est obligé de livrer et de garantir la chose alors que l’acheteur est obligé de payer
le prix convenu (art. 1582 C. civ.).
Le contrat est unilatéral lorsque l’une des parties s’oblige envers l’autre sans qu’il
y ait d’obligation réciproque de celle-ci (art. 1106 al. 2 C. civ.). On veillera à ne
pas confondre contrat unilatéral et acte unilatéral : le contrat unilatéral comprend
deux parties mais ne donne naissance à des obligations qu’à la charge d’une seule,
alors que l’acte unilatéral émane d’une seule personne. Dans l’expression contrat
unilatéral l’adjectif unilatéral porte sur le nombre d’obligations, alors que dans
l’expression acte unilatéral il porte sur le nombre de parties. L’exemple type du
contrat unilatéral est la donation à titre gratuit : il s’agit d’un contrat par lequel
une personne (le donateur) transfère la propriété d’un bien à une autre (le dona-
taire), qui l’accepte, sans contrepartie. Le contrat de prêt est également un contrat
unilatéral : s’agissant d’un contrat réel formé par la remise de la chose (v. supra,
n° 93, et infra, n° 382 et s.), il ne fait naître d’obligations que sur l’emprunteur
qui est tenu de restituer.

B. Intérêt de la distinction
106. Le régime de la preuve est différent pour chaque type de contrats. L’acte sous
seing privé qui constate un contrat synallagmatique ne fait preuve que s’il a été
rédigé « en autant d’originaux qu’il y a de parties ayant un intérêt distinct, à moins
que les parties ne soient convenues de remettre à un tiers l’unique exemplaire
dressé » (C. civ., art. 1375, ancien art. 1325).
Sur le fond, les obligations réciproques nées du contrat synallagmatique sont
interdépendantes. Cela fonde certaines règles spécifiques à ces contrats en cas
d’inexécution (exception d’inexécution, résolution pour inexécution).

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2. Contrats à titre onéreux et contrats à titre gratuit
107. Cette distinction, prévue à l’article 1107 du Code civil, est proche de la
précédente mais elle ne la recoupe pas exactement. Il convient de l’exposer (A) et
de montrer son intérêt (B).

A. Exposé de la distinction
108. Intention des parties. La distinction des contrats à titre gratuit et des contrats
à titre onéreux repose sur le critère de l’intention des parties. Le contrat à titre
onéreux est celui dans lequel chacune des parties reçoit de l’autre « un avantage
en contrepartie de celui qu’elle procure » (art. 1107 alinéa 1er C. civ.). La vente,
par exemple, est un contrat à titre onéreux. Le contrat à titre gratuit est celui dans
lequel l’une des parties « procure à l’autre un avantage sans attendre ni recevoir de
contrepartie » (art. 1107 al. 2 C. civ.). Elle est animée d’une intention libérale. Ce
contrat était appelé autrefois « contrat de bienfaisance ». La donation, par exemple,
est un contrat à titre gratuit.
Cette distinction entre les contrats à titre onéreux et les contrats à titre gratuit est
proche de celle opposant les contrats synallagmatiques aux contrats unilatéraux. La
plupart des contrats à titre onéreux sont synallagmatiques, et la plupart des contrats
à titre gratuit sont unilatéraux. Cependant les deux distinctions ne coïncident pas
toujours. Un contrat synallagmatique peut être à titre gratuit : la donation avec
charges est un contrat synallagmatique à titre gratuit. Et un contrat unilatéral peut
être à titre onéreux : ainsi le cautionnement est un contrat unilatéral et il peut être
à titre onéreux lorsque la caution est rémunérée (par le débiteur) ; de même le
prêt est un contrat unilatéral et il peut être à titre onéreux lorsque l’emprunteur
doit payer des intérêts.

B. Intérêt de la distinction
109. Règles particulières aux actes à titre gratuit. Le caractère gratuit d’un
contrat justifie certaines règles spécifiques.
Parfois il s’agit de protéger celui qui s’est engagé à titre gratuit. Ainsi la formation
des contrats à titre gratuit est généralement soumise à des conditions de forme
et de capacité (art 893 et s. C. civ. pour la donation). De même la garantie et la
responsabilité du contractant qui s’engage à titre gratuit sont moins lourdes que
celles pesant sur celui qui s’engage à titre onéreux : la garantie des vices cachés
applicable en matière de vente ne joue pas dans la donation ; la responsabilité du

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contractant qui rend un service gratuit est moins sévère que celle de celui qui s’est
engagé à titre onéreux (v. C. civ., art. 1992 al. 2 pour le mandataire ; art. 1928, 2°,
a contrario, pour le dépositaire). En outre les contrats à titre gratuit sont présumés
conclus intuitu personae, en considération de la personne gratifiée.
D’autres fois il s’agit de protéger les tiers. Par exemple, en droit des procédures
collectives, l’article L. 632-1, I, 1°, du Code de commerce prévoit la nullité des
actes à titre gratuit accomplis pendant la période suspecte1 ; l’action paulienne,
qui permet au créancier de faire déclarer inopposable à son égard les actes faits par
le débiteur en fraude de ses droits, est plus facilement admise à l’égard des actes à
titre gratuit (art. 1341-2 C. civ., v. infra, n° 501).

3. Contrats commutatifs et contrats aléatoires


110. La distinction entre les contrats commutatifs et les contrats aléatoires est une
sous-distinction au sein de la catégorie des contrats à titre onéreux. Il convient de
l’exposer (A) avant de montrer l’intérêt qu’elle présente (B).

A. Exposé de la distinction
111. Présence ou non d’un aléa. L’article 1108 alinéa 1er du Code civil énonce :
« Le contrat est commutatif lorsque chacune des parties s’engage à procurer à
l’autre un avantage qui est regardé comme l’équivalent de celui qu’elle reçoit ».
L’article 1108 alinéa 2 prévoit : « Il est aléatoire lorsque les parties acceptent de faire
dépendre les effets du contrat, quant aux avantages et aux pertes qui en résulteront,
d’un événement incertain ». Cet événement incertain est un aléa. L’exemple type
du contrat aléatoire est le contrat d’assurance : l’assureur s’oblige à couvrir les
risques prévus au contrat mais il n’est pas certain qu’il aura à verser une indemnité.
La vente en viager, dans laquelle le prix est payé (en tout ou en partie) sous la forme
d’une rente viagère, est également un contrat aléatoire : on ne sait pas pendant
combien de temps la rente devra être versée.

B. Intérêt de la distinction
112. L’aléa chasse la lésion. Les contrats aléatoires ne peuvent être soumis au
contrôle de la lésion. Les parties ayant accepté un aléa, aucune d’elles ne peut
ensuite se plaindre de ce que les prestations ne sont pas équivalentes. Selon un
adage célèbre, « l’aléa chasse la lésion ».

1. La période suspecte s’étend de la date de la cessation des paiements à celle du jugement d’ouverture.

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4. Contrats à exécution instantanée et contrats
à exécution successive
113. Cette distinction importante n’était pas exprimée dans le Code civil de 1804.
Depuis l’ordonnance du 10 février 2016 elle est formulée à l’article 1111-1 du
Code civil. Il convient d’exposer cette distinction (A) et de présenter son intérêt
(B).

A. Exposé de la distinction
114. Contrat à exécution instantanée. Le contrat à exécution instantanée
est « celui dont les obligations peuvent s’exécuter en une prestation unique »
(art. 1111-1 alinéa 1 C. civ.). Il faut, pour que le contrat soit à exécution instan-
tanée, que les obligations des deux parties soient susceptibles d’être exécutées en
une seule fois. Le contrat à exécution instantanée s’éteint lorsque les prestations
principales sont exécutées ; par exemple la vente s’éteint par le paiement du prix
et la livraison de la chose.
115. Contrat à exécution successive. Le contrat à exécution successive est « celui
dont les obligations d’au moins une partie s’exécutent en plusieurs prestations
échelonnées dans le temps » (art. 1111-1 alinéa 2 C. civ.). Dans ce type de contrat
les prestations se renouvellent dans le temps. Le contrat à exécution successive peut
être à durée déterminée ou indéterminée.

B. Intérêt de la distinction
116. L’intérêt de la distinction réside dans les problèmes spécifiques que soulève
l’étalement dans le temps des contrats à exécution successive : la durée (v. infra,
n° 607 et s.), la faculté de résiliation unilatérale (v. infra, n° 617 et s.) ou encore
la révision du contrat pour imprévision (v. infra, n° 555 et s.). Ces questions ne
concernent pas, ou très rarement, les contrats à exécution instantanée1.

5. Contrats transactionnels et contrats relationnels


117. Cette distinction n’est pas prévue par le Code civil mais il convient de
l’exposer (A) car elle présente un intérêt (B).

1. J. Rochfeld, « Les modes temporels d’exécution du contrat », RDC 2004, p. 47.

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A. Exposé de la distinction
118. Simple échange ou relation. La distinction entre les contrats transactionnels
et les contrats relationnels est apparue dans la doctrine américaine1. Les contrats
transactionnels – ou contrats discrets – correspondent à la conception classique
du contrat : ils ont simplement pour objet d’opérer la permutation de biens ou de
services et ils ont généralement vocation à être dénoués rapidement. L’exemple
type du contrat transactionnel est la vente. Au contraire, les contrats relationnels
visent à organiser une relation durable entre les parties dans la poursuite d’un but
commun. Sont des contrats relationnels les contrats de la distribution (concession,
franchise, distribution exclusive…) ou encore le contrat d’édition. Cette distinc-
tion trouve un écho dans la doctrine française, avec quelques nuances selon les
auteurs2.

B. Intérêt de la distinction
119. Différences de régime. Cette distinction est critiquée par certains auteurs
car elle ne repose pas sur un critère précis et semble davantage sociologique que
juridique3. Elle présente cependant un intérêt pour l’analyse juridique.
On peut constater que l’exigence de bonne foi est plus forte dans les contrats rela-
tionnels (dénommés selon les auteurs, « contrats-alliance », « contrats-coopération »

1. V. I. R. Mac Neil, The new social contract. An inquiry into modern contractual relation, Yale University
presse, 1980, spéc. p. 20 et s., l’auteur oppose les « discrete contracts » (contrats discrets ou transac-
tionnels), qui correspondent à la conception classique du contrat et assurent simplement l’échange de
biens, aux « relational contracts » (contrats relationnels) qui donnent naissance à une véritable relation
entre les parties. Sur cette doctrine, v. M. Fabre-Magnan, n° 182 ; H. Muir Watt, « Du contrat « rela-
tionnel » » : in La relativité du contrat, Travaux de l’association H. Capitant, LGDJ, 1999, p. 169 et s. ;
J. Rochfeld, « Les modes temporels d’exécution du contrat », préc.
2. V. M. Cabrillac, « Remarques sur la théorie générale du contrat et les créations récentes de la pratique
commerciale », Mélanges G. Marty, Université des sciences sociales de Toulouse, 1978, p. 235, l’auteur
oppose les « contrats de situation » aux « contrats d’occasion ». Plusieurs thèses de doctorat ont été
consacrées ces dernières années à cette réflexion : C. Boismain, Les contrats relationnels, Thèse Nantes,
2004 ; F. Chénedé, Les commutations en droit privé, contribution à la théorie générale des obligations, préf.
A. Ghozi, Économica, 2008 ; S. Lequette, Le contrat coopération, Contribution à la théorie générale du
contrat, préf. C. Brenner, Économica, 2010 ; J.-F. Hamelin, Le contrat-alliance, Économica 2012, préc.
N. Molfessis. V. ég. l’opposition entre les « contrats-échange » et les « contrats-organisation » proposée,
relativement au contrat de société, par P. Didier, « Brèves notes sur le contrat-organisation », Mélanges
F. Terré, éd. Dalloz, PUF et Jurisclasseur, 1999, p. 636.
3. V. not. Y.-M. Laithier, « À propos de la réception du contrat relationnel en droit français », D. 2006,
p. 1003. O. Pénin, La distinction de la formation et de l’exécution du contrat, contribution à l’étude du
contrat acte de prévision, préf. Y. Lequette, LGDJ, 2012, spéc. n° 746.

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ou « contrats d’intérêt commun1 ») qui visent à organiser une relation durable entre
les parties, que dans les contrats transactionnels (également dénommés « contrats-
échange ») qui ne font naître aucune relation et dans lesquels chacun est autorisé
à maximiser son profit.

1. Ne pas confondre « contrat d’intérêt commun » et « mandat d’intérêt commun » : cette dernière quali-
fication commande l’application d’un régime particulier protecteur du mandataire (il bénéficie d’un
droit à indemnisation en cas de rupture par le mandant) ; v. not. art. L. 134-4 et s. C. com.

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Chapitre 3

Les principes généraux du droit


des contrats

120. Présentation générale. Quatre principes sont placés en tête des dispositions
liminaires relatives au contrat1 : la liberté contractuelle, la force obligatoire, la
bonne foi et le principe suivant lequel la règle spéciale déroge à la règle générale.
Ils deviennent ainsi, même si le terme n’a pas été retenu par l’ordonnance, des
principes généraux du droit des contrats2. Ils ont vocation, au besoin, à faciliter
l’interprétation des autres règles du droit des contrats ou à en combler les lacunes.
121. Plan. On présentera successivement la liberté contractuelle (I), la force obli-
gatoire (II), la bonne foi (III) et enfin le principe suivant lequel la règle spéciale
déroge à la règle générale (IV).

I. La liberté contractuelle
122. Notion. Désormais clairement affirmée dans le Code civil, la liberté contrac-
tuelle est un principe essentiel du droit des contrats. La liberté contractuelle
implique « la liberté de contracter ou de ne pas contracter, de choisir son cocon-
tractant et de déterminer le contenu et la forme du contrat dans les limites fixées
par la loi » (art. 1102 C. civ.).
123. Portée et limites. Le principe de la liberté contractuelle signifie que les rela-
tions entre les individus relèvent de leur libre volonté, le législateur devant intervenir
le moins possible. La liberté contractuelle s’exerce dans les limites prévues par la loi.
La liberté contractuelle subit aujourd’hui de nombreuses restrictions, qui sont liées
au développement de l’ordre public (v. supra n° 73 et infra n° 320 et s.).

1. Art. 1101 et s. C. civ., chapitre 1er intitulé « Dispositions liminaires ».


2. V. Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, préc.,
Chapitre Ier intitulé « Dispositions liminaires » où il est expliqué que cet intitulé a été préféré à celui
de « Principes directeurs ».

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II. La force obligatoire
124. Notion. Le principe de la force obligatoire figurait déjà dans le Code civil
de 1804, à l’ancien article 1134 alinéa 1er : « Les conventions légalement formées
tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ». La réforme du droit des contrats
a déplacé cette règle pour la faire figurer parmi les dispositions liminaires, en
remplaçant simplement le terme « convention » par celui de « contrat ».
125. Portée et limites. Le principe de la force obligatoire interdit aux parties de
modifier le contrat ou de le révoquer unilatéralement et leur impose de l’exécuter
à la lettre dans toutes ses obligations (v. infra, n° 531 et s.). La force obligatoire
du contrat a subi ces dernières années diverses atteintes. Jusqu’à récemment les
atteintes à la force obligatoire du contrat étaient justifiées par un souci de protec-
tion de l’une des parties (par ex. art. 1343-5 C. civ., permettant au juge d’accorder
un délai de grâce au débiteur ; art. 1231-5 C. civ. permettant au juge de réviser
la clause pénale). L’ordonnance du 10 février 2016 a introduit des dispositions
affaiblissant la force obligatoire du contrat qui sont inspirées par un objectif d’effi-
cacité économique (par ex. : art. 1224 C. civ., permettant au créancier de rompre
unilatéralement le contrat en cas d’inexécution ; art. 1221 C. civ.).

III. La bonne foi


126. Émergence et développement. L’ancien article 1134 alinéa 3 du Code civil
qui prévoyait que les contrats « doivent être exécutés de bonne foi » fut pendant
longtemps considéré comme une disposition purement formelle, exprimant sim-
plement l’abandon de la distinction romaine entre les contrats de droit strict
(dont le contenu était déterminé par le sens littéral des termes) et les contrats
de bonne foi (qui se prêtaient plus largement à l’interprétation). Mais les choses
ont progressivement évolué. La doctrine, notamment René Demogue, a montré
la nécessité de mettre en perspective les alinéas 1 et 3 de l’article 1134 afin de
tempérer le principe de force obligatoire du contrat par le principe de bonne foi1.
Le principe de bonne foi a acquis sa pleine dimension. Les parties sont tenues
d’exécuter le contrat de bonne foi2.

1. V. not. R. Demogue, Traité des obligations en général, éd. Rousseau, 1931, t. VI, des obligations, n° 3
et s. ; R. Vouin, La bonne foi. Notion et rôle actuel en droit privé français, LGDJ, 1939.
2. Thèses sur la bonne foi, v. not. : Y. Picod, Le devoir de loyauté dans l’exécution du contrat, LGDJ,
1989 ; R. Desgorces, La bonne foi dans le droit des contrats : Rôle actuel et perspectives, thèse Paris II,
1992 ; R. Jabbour, La bonne foi dans l’exécution du contrat, préf. L. Aynès, LDGJ, 2016 ; S. Tisseyre,

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Le principe de bonne foi figure désormais parmi les dispositions préliminaires aux
côtés du principe de force obligatoire. Le nouvel article 1104 du Code civil issu
de l’ordonnance du 10 février 2016 énonce : « les contrats doivent être négociés,
formés et exécutés de bonne foi » (art. 1104 al. 1er C. civ.). Cette règle est d’ordre
public (art. 1104 al. 2 C. civ.).
127. Notion de bonne foi. Le terme bonne foi peut revêtir deux sens différents1.
Ignorance légitime. Dans une première acception, la bonne foi est une technique
de protection de celui qui croit en l’existence d’un droit subjectif ou d’une règle
légale qui font en réalité défaut. La croyance légitime permet à l’errans (celui
qui invoque l’erreur) de faire échec à l’action du titulaire d’un droit. La bonne
foi ainsi comprise se rencontre surtout en droit des biens ; par exemple, la pos-
session de bonne foi d’un meuble corporel purge les vices du titre d’acquisition
(art. 2276 C. civ.). En droit commun des contrats, des dispositions issues de
l’ordonnance du 10 février 2016 retiennent cette acception de la bonne foi :
l’article 1156 alinéa 2 dans la représentation (v. infra, n° 159) ou l’article 1198
alinéa 1er qui règle le conflit entre acquéreurs successifs d’un même immeuble
(v. infra, n° 579). Mais ce n’est pas en ce sens que la bonne foi est entendue dans
l’article 1104 du Code civil2.
Règle de comportement. Dans une seconde acception, la bonne foi est une norme
de comportement. Elle est le devoir d’agir de façon honnête. C’est en ce sens que

Le rôle de bonne foi en droit des contrats, préf. M. Fabre-Magnan, PUAM, 2012. Autres travaux,
v. not. : Y. Picod, « L’exigence de bonne foi dans l’exécution du contrat », in Le juge et l’exécution du
contrat, PUAM, 1993, p. 57 et s. ; Y. Picod, Jur. Cl. Civ., art. 1103 et 1104, Fasc. unique, Contrat et
obligation, force obligatoire du contrat – Bonne foi, 2019 ; Y. Picod, « L’exigence de bonne foi dans
l’exécution du contrat », in Le juge et l’exécution du contrat, PUAM, 1993, p. 57 et s. ; P. le Tourneau
et M. Poumarède, Rép. civ. Dalloz, V° Bonne foi ; Travaux de l’association H. Capitant, « La bonne
foi », T. XLIII, 1992, éd. Litec, 1994 ; D. Mazeaud, « Loyauté, solidarité, fraternité : la nouvelle devise
contractuelle ? » Mélanges Terré, éd. Dalloz, PUF, Jurisclasseur, 1999, p. 603 et s.
1. V. not. : Y. Picod, thèse préc. ; Y. Picod, Jur. Cl. Civ., art. 1103 et 1104, Fasc. unique, Contrat et obli-
gation, force obligatoire du contrat – Bonne foi, 2019 ; A. Bénabent, « La bonne foi dans les relations
entre particuliers dans l’exécution du contrat, rapport français », Trav. Ass. H. Capitant, préc. ; P. le
Tourneau et M. Poumarède, Rép. civ. Dalloz, V° Bonne foi ; P. Stoffel-Munck, L’abus dans le contrat,
préf. R. Bout, LGDJ, 2000, spéc. n° 55.
2. V. P. Stoffel-Munck, L’abus dans le contrat, préc., spéc. n° 55, note 287, « si la bonne foi de l’ar-
ticle 1134 al. 3 [aujourd’hui art. 1104] visait l’idée d’ignorance légitime, la disposition signifierait que
les conventions doivent être exécutées dans l’ignorance des vices de l’exécution, ou pour prendre une
autre formule, dans un état de croyance erronée. Nous ne voyons pas ce que cela voudrait dire ».

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la bonne foi est entendue dans l’article 1104 du Code civil. La bonne foi impose
aux parties un devoir de loyauté dans l’exécution du contrat1.
La bonne foi n’est pas une obligation qu’il conviendrait d’exécuter, c’est une façon
d’exécuter les obligations. On parlera de devoir ou d’exigence de bonne foi. La
bonne foi est liée à la force obligatoire du contrat, les parties étant tenues d’exécuter
les obligations contractuelles de bonne foi (v. infra, n° 549 et s.)

IV. Le principe selon lequel la règle spéciale déroge


à la règle générale
128. Distinction entre droit commun et droits spéciaux. Selon l’article 1105,
alinéa 1er, du Code civil : « Les contrats, qu’ils aient ou non une dénomination
propre, sont soumis à des règles générales, qui sont l’objet du présent sous-titre ».
Cette disposition signifie que tous les contrats, qu’ils soient nommés (vente, bail,
mandat…) ou innommés, obéissent à des règles générales qui figurent dans le
sous-titre I du titre III du livre III du Code civil (art. 1101 à 1231-7 C. civ.). Ces
règles générales, applicables à tous les contrats et organisées selon une logique
d’ensemble, forment le droit commun des contrats2 (on parle également de théorie
générale du contrat3).
Au droit commun des contrats viennent s’ajouter des règles particulières, propres à
certains contrats, qui forment le droit spécial des contrats. C’est ce qu’indique l’ar-
ticle 1105 alinéa 2 : « Les règles particulières à certains contrats sont établies dans
les dispositions propres à chacun d’eux ». Ces règles particulières, qui sont adaptées
spécialement aux opérations que les contrats servent à réaliser, sont pointilleuses et
concrètes. Ces règles particulières sont propres à un contrat nommé (par exemple :
la vente, le bail) ou bien à une catégorie de contrats (par exemple : les contrats

1. V. not. en ce sens : Y. Picod, thèse préc. ; Y. Picod, Jur. Cl. Civ., préc., spéc. n° 8.
2. V. N. Balat, Essai sur le droit commun, préf. M. Grimaldi, LGDJ, 2016 ; C. Goldie-Génicon,
Contribution à l’étude des rapports entre le droit commun et le droit spécial des contrats, préf. Y. Lequette,
LGDJ, 2009.
3. L’expression « théorie générale du contrat » sera utilisée comme synonyme de « droit commun des
contrats ». Cependant certains auteurs distinguent le droit commun des contrats (la réalité positive) et la
théorie générale du contrat (qui intègre une réflexion sur cette réalité) : v. É. Savaux, La théorie générale
du contrat, mythe ou réalité ?, préf. J.-L. Aubert, LGDJ, 1997, spéc. n° 8 et s. ; C. Atias, Épistémologie
juridique, PUF, coll. « droit fondamental », 1985, n° 83.

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commerciaux, les contrats de consommation). Elles se sont multipliées depuis le
début du xxe siècle, selon un processus de spécialisation et de complexification1.
La coexistence de règles spéciales et de règles générales applicables à un même
contrat est susceptible de créer un conflit.
129. Articulation du droit commun et des droits spéciaux. Le Code civil de 1804
ne comportait aucune règle de résolution du conflit entre règles spéciales et règles
générales. L’ordonnance du 10 février 2016 a comblé cette lacune. L’article 1105,
alinéa 3, du Code civil énonce : « Les règles générales s’appliquent sous réserve de
ces règles particulières ». C’est l’application en droit des contrats de la règle specialia
generalibus derogant (les règles spéciales dérogent aux règles générales).
Cette règle doit être bien comprise. Il s’agit d’une règle d’interprétation destinée à
résoudre un conflit entre les règles spéciales et les règles générales, or bien souvent
les règles spéciales et les règles générales ne sont pas en conflit ; elles sont com-
plémentaires et il n’y a donc pas lieu d’appliquer la règle de conflit. La vocation
de principe du droit commun à s’appliquer à tous les contrats, même ceux qui
sont dotés d’une réglementation particulière, doit se traduire sur la question de
l’articulation des règles du droit commun et des droits spéciaux. Le principe doit
être le cumul ou l’option entre droit commun et droit spécial2. Ce n’est que par
exception, lorsque les règles spéciales sont incompatibles avec les règles de droit
commun3, que la règle générale doit être évincée au profit de la règle spéciale4.
Force est de constater cependant que la jurisprudence est parfois encline à écarter
un peu trop facilement le droit commun5.

1. V. not. P. Malaurie, L. Aynès et P.-Y. Gautier, Contrats spéciaux, Defrénois, 10e éd. 2018, spéc. n° 34.
2. C. Goldie-Génicon, Contribution à l’étude des rapports entre le droit commun et le droit spécial des contrats,
préc., spéc. n° 374.
3. Sur la question de l’antinomie entre des règles : Les antinomies en droit, Ch. Perelman (dir.), Travaux
du centre national de recherche de logiques, Bruylant, Bruxelles, 1965 ; P. Malaurie, « Les antinomies
des règles et de leurs fondements », in Le droit privé à la fin du xxe siècle, Études offertes à P. Catala,
Litec 2001, p. 25 et s. ; P. Gérard, V° Antinomie, in Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie
du droit, A.-J. Arnaud, (dir.), 2e éd., LGDJ, 1993.
4. V. en ce sens : Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016,
préc., Chap. Ier « Dispositions liminaires » : « les règles générales posées par l’ordonnance seront notam-
ment écartées lorsqu’il sera impossible de les appliquer simultanément avec certaines règles prévues
par le Code civil pour régir les contrats spéciaux, ou celles résultant d’autres codes […] ».
5. Pour un exemple, v. infra, n° 281, le concours entre la garantie des vices cachés et l’erreur.

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Partie 1

La formation du contrat

139. Conditions de validité. L’article 1128 du Code civil, qui ouvre la section 2
consacrée à « La validité du contrat », énonce : « Sont nécessaires à la validité d’un
contrat : 1° Le consentement des parties ; 2° Leur capacité de contracter ; 3° Un
contenu licite et certain ».
Trois conditions sont requises pour la formation du contrat. Il faut d’abord que
chacune des parties ait la qualité pour contracter, ce qui suppose non seulement
qu’elle soit capable mais également, bien que l’article 1128 ne l’indique pas expres-
sément, qu’elle ait le pouvoir de passer l’acte. Il faut ensuite que chaque contractant
exprime un consentement libre et éclairé. Il faut enfin que le contrat ait un contenu
licite et certain.
Le principe en droit français est le consensualisme : aucune forme n’est requise
pour la validité du contrat. Les parties sont donc en principe libres de donner
à leur contrat la forme qu’elles souhaitent. Cependant pour certains contrats,
des dispositions particulières exigent certaines formalités. Celles-ci peuvent être
requises pour la validité du contrat, ou bien seulement pour sa preuve ou pour
son opposabilité aux tiers.
140. Plan. Nous envisagerons successivement la qualité pour contracter (Titre 1),
le consentement (Titre 2), le contenu du contrat (Titre 3) avant que d’étudier
les règles de formes qui, bien qu’elles ne soient en principe pas nécessaires pour
la validité du contrat, présentent une grande importance (Titre 4). Il conviendra
pour finir d’étudier les sanctions des conditions de formation du contrat (Titre 5).

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Titre 1

La qualité pour contracter

141. La condition relative à la qualité pour contracter se dédouble. Lorsque le


contractant agit pour son propre compte, il doit avoir la capacité de contracter
(Chap. 1). Lorsqu’il contracte pour le compte d’autrui, il faut qu’il ait le pouvoir
de contracter (Chap. 2).

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Chapitre 1

La capacité de contracter

142. La capacité est une condition de validité du contrat (art. 1128 C. civ.).
S’agissant des personnes morales, l’article 1145 du Code civil se limite à renvoyer
aux règles qui régissent chacune d’elles. La question relève donc du droit des
groupements, et notamment du droit des sociétés.
S’agissant des personnes physiques, l’alinéa 1er du même article 1145 du Code
civil prévoit que la capacité est le principe, et l’incapacité l’exception : « Toute
personne physique peut contracter sauf en cas d’incapacité prévue par la loi ».
Il ne saurait être question de présenter dans cet ouvrage le détail du régime des
incapacités, dont l’étude relève du droit des personnes. On se limitera à rappe-
ler les règles principales qui gouvernent la capacité des personnes physiques, en
soulignant les liens unissant la capacité au consentement et plus précisément aux
vices dont celui-ci peut être atteint. On distingue les incapacités d’exercice (I) et
les incapacités de jouissance (II).

I. Incapacités d’exercice
143. Notion. Il y a incapacité d’exercice lorsqu’une personne, sans être privée
du droit de contracter, ne peut exercer elle-même ce droit sans être assistée ou
représentée. Les incapacités d’exercice sont justifiées généralement par le souci
de protéger l’incapable contre lui-même, en raison de sa faiblesse. Plus rarement,
l’incapacité est justifiée par la nécessité de protéger les tiers contre l’incapable qui
a commis des fautes de gestion. Il convient de distinguer l’incapacité du mineur
(1) de celle du majeur (2).

1. Le mineur incapable
144. Tutelle ou administration légale. Le mineur non émancipé est frappé
d’une incapacité générale d’exercice lui interdisant de conclure tout contrat. Le
mineur relève du régime de l’administration légale lorsqu’il est soumis à l’autorité

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parentale : l’administration légale est conjointe s’il est sous l’autorité de ses deux
parents ; elle est sous contrôle judiciaire si l’autorité parentale est exercée par un
seul parent. Le mineur relève de la tutelle si ses parents sont tous deux décédés ou
déchus de l’autorité parentale.
145. Représentation du mineur. Le régime de la représentation du mineur varie
selon l’importance de l’acte. On peut distinguer quatre types de contrats soumis
à des régimes différents.
Les actes de la vie courante sont ceux pour lesquels l’usage permet au mineur d’agir
seul (achats courants…). Ils ne peuvent être annulés que s’ils sont lésionnaires.
Les actes conservatoires et d’administration sont les actes nécessaires à l’entretien
des biens et à leur gestion courante1. Ces contrats peuvent être conclus par un
parent seul dans l’administration légale, et par le tuteur sans autorisation dans le
régime de la tutelle.
Les actes de disposition sont les ventes autres que celles de la vie courante, ainsi
que les actes « qui engagent son patrimoine » (sûretés…). La liste de ces actes est
donnée par le décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008. Ces actes supposent
l’accord des deux parents ou, à défaut (s’il n’y a qu’un seul parent exerçant l’autorité
parentale ou si l’autre refuse), l’autorisation du juge des tutelles. En cas de tutelle
il faut l’autorisation du conseil de famille. La sanction du non-respect de ces règles
est la nullité du contrat, même si le contrat n’est pas lésionnaire.
Les actes graves, dont la liste figure à l’article 387-1 du Code civil (notamment
aliénation d’un immeuble ou d’un fonds de commerce, emprunt), supposent dans
tous les cas l’autorisation du juge des tutelles.

2. Le majeur incapable
146. Régime de protection. Les majeurs qui sont dans l’impossibilité de pourvoir
seuls à leurs intérêts en raison d’une altération de leurs facultés sont soumis à un
régime de protection.
La tutelle est le régime de protection le plus sévère. Un tuteur est désigné pour
représenter l’incapable. La tutelle des majeurs incapables fonctionne pour l’essen-
tiel comme celle des mineurs.

1. Voir la liste de ces actes dans : D. n° 2008-1484.

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La curatelle donne lieu à une simple assistance du majeur. Le majeur en curatelle
peut passer seul les actes de la vie courante et les actes d’administration, mais ces
actes pourront être annulés s’ils sont lésionnaires pour lui (art. 464 C. civ.)
La sauvegarde de justice est le régime de protection le plus léger. La personne
protégée peut contracter mais les contrats qu’elle passe peuvent être annulés s’ils
sont lésionnaires pour elle ou réduits s’ils sont excessifs au regard de ses facultés
(art. 435 C. civ.).
147. Fragilité des actes antérieurs à l’ouverture d’une tutelle ou d’une cura-
telle. La période de deux ans précédant le jugement d’ouverture d’une tutelle ou
d’une curatelle est considérée comme suspecte. Les actes accomplis durant cette
période peuvent être réduits ou annulés dans des conditions simplifiées (v. infra,
n° 269).

II. Incapacités de jouissance


148. Notion. L’incapacité de jouissance interdit l’acquisition et la titularité du
droit. L’intéressé ne peut même pas faire exercer son droit par autrui : il est pure-
ment et simplement privé de ce droit. Ces incapacités sont toujours spéciales,
c’est-à‑dire limitées à un type de contrats. Elles doivent être prévues par la loi
et sont d’interprétation stricte. Les incapacités de jouissance visent à protéger
l’incapable (1) ou son cocontractant (2).

1. Protection de l’incapable
149. Les actes interdits aux mineurs. Pour certains actes particulièrement graves,
les mineurs sont protégés par une incapacité de jouissance (art. 387-2 C. civ.). Cela
signifie que les actes en question ne peuvent en aucun cas être accomplis au nom
du mineur, même par son représentant. Par exemple, les mineurs non émancipés
ne peuvent exercer une activité commerciale ni accomplir une donation.

2. Protection du cocontractant contre l’incapable


150. Certaines incapacités de jouissance sont prévues pour protéger, non l’inca-
pable, mais son cocontractant. On donnera quelques exemples.
Certaines dispositions prévoient une incapacité de recevoir à titre gratuit. Par
exemple, les professionnels de santé sont frappés d’une incapacité de recevoir des

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dons ou legs du malade auquel ils ont prodigué des soins pendant sa dernière
maladie (art. 909 C. civ.).
D’autres dispositions prévoient des incapacités d’acquérir à titre onéreux. Ainsi,
les articles 1596 et 1597 du Code civil interdisent à certaines personnes, en raison
de leur fonction, l’achat de certains biens dans le but de protéger le vendeur (par
ex. art. 1596 al. 3 qui interdit au mandataire d’acheter les biens qu’il est chargé
de vendre1).

1. Civ. 1, 13 av. 1983, n° 81-16728, Bull. civ. I, n° 119, D. 1984, p. 273, note E. Prieur (agent
immobilier).

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Chapitre 2

Le pouvoir de contracter

151. Représentation. La question du pouvoir se pose essentiellement1 dans l’hy-


pothèse d’un contrat conclu par représentation. La représentation est le mécanisme
par lequel une personne (le représentant) accomplit un acte juridique pour le
compte de quelqu’un d’autre (le représenté). Le mécanisme repose sur un pouvoir
conféré au représentant2. Jusqu’à l’ordonnance du 10 février 2016, le Code civil ne
prévoyait aucune disposition générale pour la représentation, mais seulement des
règles particulières au mandat. Depuis la réforme du droit des contrats, le Code
civil comporte des règles générales applicables à tous les types de représentation
(art. 1153 à 1161), qui constituent un droit commun de la représentation3. Ces
règles générales concernent les conditions (I) et les effets (II) de la représentation.

I. Conditions de la représentation
152. On considère traditionnellement que deux conditions sont nécessaires à la
représentation. Il faut que le représentant ait été investi du pouvoir de représenter
(1) et qu’il déclare sa qualité de représentant (2).

1. Le pouvoir de représentation
153. Sources du pouvoir. Une personne ne peut en représenter une autre que si
elle en a reçu le pouvoir. Le pouvoir de représentation peut être octroyé par la loi,
par le juge ou par un contrat.

1. En dehors de la représentation la question du pouvoir se pose dans d’autres domaines, notamment en


droit des régimes matrimoniaux où l’aménagement des pouvoirs va permettre de concilier l’indépen-
dance des époux et l’intérêt de la famille.
2. Sur cette notion, v. É. Gaillard, Le pouvoir en droit privé, préf. G. Cornu, Économica, 1985.
3. P. Didier, « La représentation dans le nouveau droit des obligations », JCP 2016, 580 ; G. Wicker, « La
théorie de la représentation dans les actes juridiques en droit français », D. 2016, p. 1942.

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La loi. Le pouvoir de représentation peut trouver sa source dans la loi. Ainsi, les
parents ont le pouvoir de représenter leur enfant mineur en application des règles
de l’administration légale ; les personnes physiques qui sont les organes sociaux de
la personne morale ont le pouvoir de la représenter.
Le juge. Le pouvoir de représentation peut être conféré par le juge. Par exemple,
un époux peut être habilité par le juge à représenter l’autre (art 219 C. civ.) ; un
indivisaire peut être habilité à représenter un autre indivisaire (art. 815-4 C. civ.).
Le contrat. Le pouvoir de représentation peut trouver sa source dans un contrat.
Par le contrat de mandat, le mandant donne pouvoir au mandataire de conclure
un ou plusieurs actes juridiques en son nom et pour son compte1 (art. 1984 et
suivants du Code civil). Le contrat de mandat est consensuel, mais ce principe
connaît certaines dérogations. D’une part, la loi exige parfois que le mandat soit
donné par écrit : c’est le cas notamment pour les agents immobiliers (L. n° 70-9
du 2 janv. 1970, art. 6). D’autre part, la jurisprudence décide que le mandat doit
emprunter la même forme que l’acte à accomplir : le mandat de conclure un
acte obligatoirement notarié (pour lequel la forme authentique est requise ad
validitatem) doit lui-même être notarié2. C’est la règle du parallélisme des formes.
154. Étendue du pouvoir. Le représentant ne peut agir que dans les limites du
pouvoir qui lui a été conféré par la loi, le juge ou le contrat. L’article 1155 du
Code civil pose des règles relatives à l’étendue des pouvoirs, quelle que soit leur
origine. Lorsque le pouvoir est défini en termes généraux, il ne couvre que les actes
conservatoires et d’administration. Lorsque le pouvoir est spécialement déterminé,
le représentant ne peut accomplir que les actes pour lesquels il est habilité et « ceux
qui en sont l’accessoire » : selon certains auteurs ces termes ouvrent une possibilité
d’extension des pouvoirs du représentant « potentiellement dangereuse »3.
155. Action interrogatoire. Le représentant qui agirait sans pouvoir n’engagerait
pas le représenté. Il y a là un danger pour le tiers qui a donc tout intérêt à vérifier la
réalité des pouvoirs du représentant. L’ordonnance du 10 février 20164 a instauré
une action interrogatoire qui permet au tiers de demander « par écrit au représenté
de lui confirmer, dans un délai qu’il fixe et qui doit être raisonnable, que le repré-
sentant est habilité à conclure cet acte » (art. 1158 al. 1er C. civ.). L’écrit mentionne

1. L’écrit qui constate le mandat est dénommé « procuration ».


2. V. pour l’acceptation d’une donation : Civ. 1, 17 mai 1993, n° 91-17907, Bull. civ. I, n° 176.
3. G. Wicker, « La théorie de la représentation dans les actes juridiques en droit français », D. 2016,
p. 1942, spéc. n° 27 ; G. Chantepie et M. Latina, n° 384.
4. Ord. n° 2016-131 du 10 févr. 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de
la preuve des obligations, préc.

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« en termes apparents » que « à défaut de réponse dans ce délai le représentant est
habilité à conclure cet acte » (art. 1158 al. 2 C. civ.).

2. La déclaration de représentation
156. Nécessité. Le représentant étant une personne qui peut agir pour son propre
compte, il convient, pour que le mécanisme de la représentation s’applique, qu’il
déclare au cocontractant qu’il n’agit pas en son nom personnel mais « au nom et
pour le compte du représenté » (art. 1154 al. 1er C. civ.). En l’absence d’une telle
déclaration ou bien si le représentant déclare qu’il agit pour autrui mais sans révéler
le nom de la personne représentée, la représentation est imparfaite.

II. Effets de la représentation


157. Représentation parfaite. La représentation parfaite est la plus courante ;
c’est celle qui résulte, par exemple, de la mise en œuvre d’un mandat. En cas de
représentation parfaite, le représentant agit au nom et pour le compte du repré-
senté. Il est « transparent » : le contrat est réputé conclu directement par le représenté.
Il en résulte deux conséquences. D’une part c’est dans la personne du représenté
que s’apprécie la capacité de conclure l’acte. D’autre part les effets du contrat se
produisent directement à l’égard du représenté (par exemple, le représenté acquiert
la propriété du bien).
La transparence du représentant n’est cependant pas totale car on ne peut pas faire
abstraction du fait que c’est lui qui est physiquement présent lors de la conclusion
du contrat. Il en résulte que le représenté peut se prévaloir d’un vice du consen-
tement du représentant lors de la conclusion du contrat pour obtenir la nullité1.
158. Représentation imparfaite. En cas de représentation imparfaite, le représen-
tant agit en son nom mais pour le compte du représenté. Il est un « intermédiaire
opaque2 ». Lors de la conclusion du contrat, le représentant est personnellement
engagé envers le tiers (art. 1154 al. 2 C. civ.). Ensuite, les effets du contrat sont
répercutés sur le représenté. Il existe différentes applications de la représenta-
tion imparfaite. Dans le contrat de commission, le représentant fait savoir à son
cocontractant qu’il traite pour le compte d’autrui (art. L. 132-1 C. cons.). Dans

1. Pour un exemple dans le mandat : Com., 2 mars 1976, n° 74-12489, Bull. civ. IV, n° 78.
2. P. Pétel, Les obligations du mandataire, préf. M. Cabrillac, Litec, 1988, n° 173.

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le contrat de prête-nom, le représentant laisse croire qu’il agit en son nom et pour
son compte.
159. Dépassement de pouvoir. Le représentant qui a dépassé ses pouvoirs n’a
pas pu engager le représenté : le contrat ainsi conclu est inopposable à celui-ci
(art. 1156 al. 1er C. civ.). En outre, le tiers contractant de bonne foi peut demander
la nullité de ce contrat (art. 1156 al. 2 C. civ.).
L’inopposabilité comme la nullité de l’acte ne peuvent plus être invoquées si
l’acte a été ratifié par le représenté (art. 1156 alinéa 3). La ratification peut être
expresse ou tacite.
160. Détournement de pouvoir. Il y a détournement de pouvoir lorsque le
représentant agit dans la limite de ses pouvoirs, mais qu’il utilise ceux-ci dans un
but autre que celui qui est prévu par la loi ou par les parties. Le représenté peut
invoquer la nullité de l’acte si le tiers « avait connaissance du détournement ou ne
pouvait l’ignorer » (art. 1157 C. civ.). À défaut, l’acte est valable, mais le représenté
peut rechercher la responsabilité du représentant.
161. Conflit d’intérêts. Dans le but d’éviter un conflit d’intérêts, l’article 1161 du
Code civil prévoit qu’un représentant ne peut en principe agir pour le compte des
deux parties au contrat ni contracter pour son propre compte avec le représenté.
L’acte accompli en violation de cette règle « est nul à moins que la loi ne l’autorise
ou que le représenté ne l’ait autorisé ou ratifié ». L’ordonnance du 10 février 2016
avait conféré à cette disposition une portée générale, de sorte qu’elle concernait
aussi bien les personnes physiques que les personnes morales. Cette portée générale
a suscité les critiques de certains auteurs1. Prenant en compte ces critiques, la loi
de ratification a limité l’application de la règle aux seules personnes physiques.

1. V. not. les critiques de A. Couret et A. Reygrobellet, « Le droit des sociétés menacé par le nouvel
article 1161 du Code civil ? », D. 2016, p. 1867. Contra, favorables au maintien en l’état du texte issu
de l’ordonnance : G. Wicker et F. Deboissy, « La modification de l’article 1161 du Code civil par le
Sénat : la réglementation des conflits d’intérêts victime du lobbying », JCP E 2017, p. 1664, spéc. n° 7.

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Titre 2

Le consentement

162. Volonté interne et volonté déclarée. Le consentement prend sa source dans


le for intérieur de la personne et il s’exprime par une déclaration de volonté. La
volonté interne (ce que veut réellement la personne) et la volonté déclarée (ce qui
est exprimé par la personne) concordent généralement. Cependant, il arrive que
l’expression ne traduise pas fidèlement la pensée. Quelle est, alors, de la volonté
interne ou de la volonté déclarée, celle dont le droit doit tenir compte ? Cette
question a donné lieu à une célèbre controverse à la fin du xixe siècle1. Cette
controverse est aujourd’hui dépassée.
En droit positif, il est tenu compte en principe de la volonté déclarée, la volonté
réelle n’étant prise en compte que par exception. En effet, le contrat est formé par
la rencontre de deux volontés déclarées et le contractant qui a émis une déclaration
de volonté ne correspondant pas à sa volonté interne, réelle, doit en assumer les
conséquences et reste donc engagé, sauf à obtenir l’annulation du contrat dans les
conditions strictement prévues par la loi (défaut de capacité, trouble mental ou
vice du consentement). On observera que cette solution est bien conforme à la
théorie de l’autonomie de la volonté, qui implique le respect de la parole donnée
(v. supra, n° 70).
163. Plan. Nous présenterons la façon dont s’opère la rencontre des consentements
(Chap. 1) avant d’étudier les exigences relatives à l’intégrité des consentements
(Chap. 2).

1. Sur cette controverse qui a opposé la doctrine allemande à la doctrine française, v. not. R. Saleilles, De
la déclaration de volonté, contribution à l’étude de l’acte juridique dans le Code civil allemand, éd. Pichon,
1901.

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Chapitre 1

La rencontre des consentements

164. Présentation générale. Un contrat, quelle que soit son importance ou sa


complexité, se forme par la rencontre d’une offre et d’une acceptation.
Si la plupart des contrats se forment en un trait de temps, l’offre étant suivie
aussitôt de l’acceptation par une sorte de « coup de foudre contractuel1 », d’autres
au contraire supposent un processus de formation complexe divisé en plusieurs
étapes. La rencontre des consentements s’opère de façon progressive.
L’ordonnance du 10 février 2016 a réalisé un apport important en introduisant
dans le Code civil des dispositions régissant le processus de rencontre des consen-
tements2. Ces dispositions réglementent non seulement l’offre et l’acceptation, qui
constituent ce que l’on appellera le schéma élémentaire de formation du contrat,
mais également l’obligation d’information, les négociations et les contrats prépa-
ratoires, qui s’inscrivent dans des schémas complexes de formation du contrat.
165. Plan. On présentera successivement le schéma élémentaire de formation du
contrat (I) puis les schémas complexes (II).

I. Le schéma élémentaire de formation du contrat


166. Le schéma élémentaire de formation du contrat consiste simplement en la
rencontre de deux manifestations de volontés : l’offre (1), suivie de l’acceptation (2).

1. L’offre
167. On présentera la notion (A) et le régime (B) de l’offre.

1. J.-M. Mousseron, « La durée dans la formation des contrats », Études offertes à A. Jauffret, PUAM,
1974, p. 509 et s.
2. Chapitre II du titre II du livre III intitulé « La formation du contrat » (art. 1112 à 1187).

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A. La notion d’offre
168. Définition. L’offre est la manifestation de volonté par laquelle une personne
propose à une autre de conclure un contrat à des conditions déterminées. L’offre
doit être précise (a), ferme (b) et extériorisée (c).
a. Précision de l’offre
169. Éléments essentiels du contrat. L’offre doit comporter « les éléments essen-
tiels du contrat envisagé » (art. 1114 C. civ.), afin que l’acceptation pure et simple
par le bénéficiaire puisse permettre de former le contrat.
Pour les contrats nommés, les éléments essentiels sont ceux qui permettent de
qualifier le contrat1. Par exemple, dans la vente, les éléments essentiels sont la chose
et le prix (art. 1583 C. civ.) : une offre de vente doit donc comporter ces éléments2.
Dans le bail, la chose louée et le loyer sont les éléments essentiels : ces éléments
doivent donc figurer dans l’offre de bail3. Pour les contrats innommés, on peut
considérer comme essentiels les éléments qui permettent de réaliser l’opération
voulue par les parties4.
En application du principe de liberté contractuelle, l’auteur de l’offre peut conférer
un caractère essentiel à certains éléments qui sont en principe accessoires. Par
exemple, l’offre de vente peut mentionner que les conditions de paiement sont
essentielles.
170. Offres par voie électronique. Des règles spéciales sont prévues pour les
offres faites à titre professionnel par voie électronique. Il convient notamment de
mettre à disposition du destinataire les stipulations contractuelles « d’une manière
qui permette leur conservation et leur reproduction » (art. 1127-1 C. civ.).

1. R.-J. Pothier, Traité des obligations, 1821, rémp. Dalloz 2011, spéc. n° 5 s., les choses essentielles dans
le contrat sont « celles sans lesquelles ce contrat ne peut subsister. Faute de l’une de ces choses, ou bien
il n’y a plus de contrat, ou bien c’est une autre espèce de contrat ».
2. V. par ex. Com., 9 mai 1961, Bull. civ. III, n° 197. En revanche, la détermination des conditions de
paiement n’est en principe pas nécessaire : Civ. 1, 26 nov. 1962, Bull. civ. I, n° 504, D. 1963, p. 61 ;
RTD civ. 1963, p. 364, obs. G. Cornu.
3. Civ. 3, 27 juin 1973, n° 72-12321, Bull. civ. III, n° 446.
4. P. Delebecque, Les clauses allégeant les obligations dans les contrats, thèse Aix-Marseille III, 1981, spéc.
p. 198, ce sont « les éléments centraux spécifiques qui traduisent l’opération juridique et économique
que les parties veulent réaliser ».

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b. Fermeté de l’offre
171. Volonté d’être engagé. Reprenant une règle qui avait été posée par la juris-
prudence1, l’article 1114 du Code civil prévoit que l’offre doit exprimer « la volonté
de son auteur d’être lié en cas d’acceptation ». Une annonce indiquant que le prix
est « à débattre » ne peut valoir offre de vente.
La manifestation de volonté qui n’est pas suffisamment précise et ferme ne consti-
tue pas une offre ; il s’agit tout au plus d’une invitation à entrer en pourparlers.
172. Réserves. L’exigence de fermeté soulève la question de l’effet des réserves. On
pourrait a priori penser que toute offre assortie de réserves doit être disqualifiée
en une simple invitation à négocier, mais la jurisprudence adopte une position
plus nuancée.
La réserve dite objective qui se fonde sur des critères échappant à la volonté de
l’auteur de l’offre est compatible avec la qualification d’offre. Ainsi, l’offre faite
« dans la limite du stock disponible » est une véritable offre.
Au contraire, la réserve dite subjective qui ouvre à l’auteur la possibilité de se déga-
ger de façon arbitraire est incompatible avec la qualification d’offre2. Par exemple,
l’offre faite « sous réserve de confirmation » n’est qu’une simple proposition à
entrer en pourparlers. De même, l’offre relative à un contrat intuitu personae n’est
pas une véritable offre car elle est considérée comme assortie d’une réserve tacite
d’agrément du cocontractant (par exemple les offres d’emploi).
La distinction jurisprudentielle entre la réserve objective et la réserve subjective
n’a pas été formellement reprise par l’ordonnance du 10 février 2016. Elle devrait
cependant se maintenir car son fondement repose sur l’exigence de fermeté qui
est un critère de l’offre selon l’article 1114 du Code civil.
c. Extériorisation de l’offre
173. Manifestation de volonté. L’offre est par définition une manifestation de
volonté : elle doit être extériorisée, c’est-à‑dire portée à la connaissance d’une
personne au moins.

1. Com., 6 mars 1990, n° 88-12477, Bull. civ. IV, n° 74 ; JCP 1990, II, 21583, note B. Gross ;
RTD civ. 1990, p. 462, obs. J. Mestre ; Def., 1991, p. 356, obs. J.-L. Aubert, « une proposition
de contracter ne constitue une offre que si elle indique la volonté de son auteur d’être lié en cas
d’acceptation ».
2. J. Ghestin, G. Loiseau et Y.-M. Serinet, t. 1, n° 847.

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174. Expresse ou tacite. En principe l’offre relève du consensualisme et n’est
assujettie à aucune condition de forme. Selon l’article 1113, alinéa 2, du Code
civil, l’offre peut être expresse (par exemple, une annonce indiquant les éléments
essentiels du contrat à conclure) ou tacite. L’offre tacite est celle qui résulte d’un
comportement dont on peut raisonnablement déduire la volonté de conclure un
contrat (par exemple, un taxi en stationnement sur un emplacement réservé1).
Par exception, l’offre est parfois subordonnée à certaines conditions de forme.
Tel est le cas dans les contrats solennels, pour lesquels le consentement doit être
exprimé dans les formes prévues par la loi (v. infra, n° 380 et s.).
175. Destinataire : à personne déterminée ou au public. Comme le prévoit
l’article 1114 du Code civil, l’offre peut être adressée à un contractant déterminé
ou bien au public.

B. Le régime de l’offre
176. La question du régime de l’offre conduit à envisager successivement la rétrac-
tation (a) et la caducité (b).
a. Rétractation
177. Position du problème. Il va de soi que l’offre peut être rétractée librement
tant qu’elle n’est pas parvenue à son destinataire, comme le rappelle l’article 1115
du Code civil. Mais qu’en est-il une fois qu’elle a été reçue par le destinataire ?
178. Règle générale. L’article 1116, alinéa 1er, du Code civil prévoit que l’offre
« ne peut être rétractée avant l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut,
l’issue d’un délai raisonnable ». Cette formulation (l’offre « ne peut être rétractée »)
pourrait laisser penser que la rétractation anticipée est impossible, c’est-à‑dire qu’elle
n’empêche pas la conclusion du contrat en cas d’acceptation dans le délai prévu
ou dans un délai raisonnable2. Or il n’en est rien, comme l’indiquent les alinéas
suivants du même article : la rétractation anticipée de l’offre « empêche la formation
du contrat » (al. 2) et n’est sanctionnée que par la responsabilité extracontractuelle
de son auteur (al. 3). La rétractation anticipée est donc possible mais fautive. Cette
règle permet de concilier les différents intérêts en présence : l’auteur de l’offre peut
se rétracter, notamment s’il trouve une meilleure opportunité, et le destinataire
est indemnisé de son préjudice.

1. Civ. 1, 1er déc. 1969, Bull. civ. I, n° 381 ; RTD civ. 1970, p. 589, obs. G. Cornu.
2. La solution était préconisée par les avant-projets Catala (art. 1105-4) et Terré (art. 18 al. 2).

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179. Règles spéciales. Pour certains contrats, des dispositions spéciales confèrent
à l’offre une plus grande solidité.
En droit de la consommation certaines dispositions imposent au pollicitant de
maintenir son offre pendant un certain délai. Tel est le cas par exemple pour l’offre
de crédit à la consommation1, ou pour l’offre de crédit immobilier2. Ces offres
sont irrévocables pendant le délai légal, ce qui signifie que la révocation anticipée
ne fait pas obstacle à la formation du contrat en cas d’acceptation. C’est la protection
de l’emprunteur qui justifie cette règle : il convient de lui laisser un délai suffisant
pour examiner l’intérêt de l’offre de crédit.
S’agissant des contrats électroniques, l’article 1127-1, alinéa 2, du Code civil pré-
voit que le professionnel auteur de l’offre « reste engagé par elle tant qu’elle est
accessible par voie électronique de son fait ». Ce texte permet à l’offrant de rétracter
son offre en la retirant de son site : elle n’est alors plus accessible « par son fait ».
b. Caducité
180. Expiration du délai. L’offre devient caduque si elle n’a pas été acceptée par
le destinataire avant l’expiration du délai de validité. La solution est désormais
prévue à l’article 1117 alinéa 1er du Code civil.
181. Décès ou incapacité de l’offrant. L’offre reste dépendante de la volonté de
son auteur, l’offrant : elle est donc caduque lorsque celui-ci décède ou lorsqu’il
devient incapable. La solution est désormais prévue à l’article 1117 alinéa 2 du
Code civil, ce qui devrait mettre un terme aux hésitations de la jurisprudence3.
182. Décès du destinataire. Qu’advient-il de l’offre en cas de décès du destina-
taire ? La jurisprudence était incertaine. L’ordonnance du 10 février 2016 n’avait

1. C. cons., article L. 312-18 : « La remise ou l’envoi de l’offre de contrat de crédit à l’emprunteur oblige
le prêteur à en maintenir les conditions pendant une durée minimale de quinze jours à compter de
cette remise ou de cet envoi ».
2. C. cons., art. L. 313-34 : « L’envoi de l’offre oblige le prêteur à maintenir les conditions qu’elle indique
pendant une durée minimale de trente jours à compter de sa réception par l’emprunteur ».
3. La Cour de cassation admettait traditionnellement la caducité de l’offre en cas de décès de son
auteur (not. Soc., 14 avr. 1961, D. 1961, p. 535 ; JCP 1961, II, 12260 ; RTD civ. 1962, p. 349,
obs. G. Cornu). Elle s’était ensuite prononcée en faveur du maintien de l’offre en cas de décès de
son auteur (Civ. 3, 9 nov. 1983, n° 82-12996, Bull. civ. III, n° 222 ; RTD civ. 1985, p. 154, obs.
J. Mestre), avant de revenir à la solution classique de la caducité (Civ. 3, 10 mai 1989, n° 87-18130,
Bull. civ. III, n° 109 ; D. 1990, p. 365, note G. Virassamy), puis d’admettre à nouveau le maintien de
l’offre (Civ. 3, 10 déc. 1997, n° 95-16461, Bull. civ. III, n° 223 ; Def., 1998, p. 336, obs. D. Mazeaud ;
D. 1999, somm. p. 9, obs. P. Brun).

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rien prévu sur ce point mais la loi n° 2018-287 du 20 avril 20181 a modifié
l’alinéa 2 de l’article 1117 du Code civil pour ajouter que l’offre « est également
caduque en cas de décès du destinataire ». Cette disposition est entrée en vigueur
au 1er octobre 2018.

2. L’acceptation
183. On présentera successivement la notion d’acceptation (A), la forme de l’ac-
ceptation (B), son effet (C) et enfin les droits de réflexion et de rétractation (D).

A. La notion d’acceptation
184. Acceptation et contre-proposition. L’acceptation est « la manifestation de
volonté de son auteur d’être lié dans les termes de l’offre » (art. 1118 C. civ.). Pour
le dire simplement, elle est un « oui » donné en réponse à l’offre.
L’acceptation doit être pure et simple. Un « oui, mais » n’est pas une acceptation :
il s’agit tout au plus d’une contre-proposition, c’est-à‑dire d’une offre nouvelle
(art. 1118, al. 3, C. civ.).
185. Étendue de l’acceptation. Il est fréquent qu’un professionnel élabore des
« conditions générales », c’est-à‑dire des documents rédigés par avance et qui sont
censés s’appliquer lors de la conclusion du contrat sans faire l’objet d’une négocia-
tion. Reprenant la solution qui avait été posée par la jurisprudence, l’alinéa 1er de
l’article 1119 du code civil prévoit que « les conditions générales invoquées par
une partie n’ont effet à l’égard de l’autre que si elles ont été portées à la connais-
sance de celle-ci et si elle les a acceptées » (al. 1er). L’article 1119 règle ensuite les
difficultés posées par la discordance entre différentes conditions du contrat. En
cas de discordance entre des conditions générales et des conditions particulières,
les secondes l’emportent sur les premières (art. 1119 al. 3 C. civ.). En cas de dis-
cordance entre les conditions générales invoquées par l’une et l’autre des parties,
les clauses incompatibles sont sans effet (art. 1119 al. 2 C. civ.).
186. Liberté. La liberté contractuelle ainsi que la liberté du commerce et de
l’industrie (L. des 2 et 17 mars 1791) conduisent à admettre que le destinataire
d’une offre est en principe libre de la refuser. Ce principe connaît cependant
certaines exceptions. Ainsi, de la part d’un professionnel, le refus de vente ou de

1. L. n° 2018-287 du 20 avril 2018 ratifiant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant


réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, préc.

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prestation de service opposé à un consommateur sans motif légitime est illicite et
sanctionné pénalement (C. cons., art. L. 121-11).

B. La forme de l’acceptation
187. Comme l’offre, l’acceptation doit être extériorisée. Elle n’est en principe
soumise à aucune exigence de forme (a), ce qui pose la question de la valeur du
silence (b).
a. Liberté de la forme
188. Principe. L’acceptation relève en principe du consensualisme et n’est donc
soumise à aucune exigence de forme particulière. Il faut simplement qu’elle
exprime la volonté de son auteur de conclure le contrat (art. 1113 C. civ.). Elle
peut être expresse ou tacite.
L’acceptation expresse résulte d’un acte accompli spécifiquement pour marquer le
consentement de l’acceptant : un écrit (parfois une simple signature), une parole
ou un geste (par exemple lever la main dans une vente aux enchères).
L’acceptation tacite résulte d’un comportement dont on peut raisonnablement
déduire la volonté de conclure le contrat. Par exemple, la personne qui monte
dans un taxi en stationnement sur un emplacement réservé manifeste par son
comportement sa volonté d’accepter l’offre, elle-même tacite, qui lui a été faite1.
De même, le destinataire d’une offre qui commence à exécuter le contrat manifeste
sa volonté de conclure le contrat.
189. Exceptions. Dans les contrats solennels, l’acceptation doit être exprimée
dans les conditions de forme prévues par la loi. Par exemple, l’acceptation de la
donation doit être faite par acte authentique2.
Les articles 1127-2 et suivants du Code civil prévoient des règles spéciales pour
les contrats conclus sous forme électronique à titre professionnel. Ces dispositions
instaurent le système du « double clic » qui permet de décomposer en deux temps
l’acceptation. Dans un premier temps le client élabore sa commande puis la valide
(premier clic). Dans un second temps le client a la possibilité de « vérifier le détail
de la commande » (le contenu, le prix) et de corriger d’éventuelles erreurs avant
de la confirmer (second « clic »). On notera que ce dispositif ne s’applique pas aux
contrats conclus par échange de mails qui sont considérés comme des contrats à
distance classiques (art. 1127-3 alinéa 1 C. civ.).

1. Civ. 1, 1er déc. 1969, préc.


2. Civ. 1, 10 juin 1986, n° 84-14241, Bull. civ. I, n° 159.

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b. Valeur du silence
190. Définition du silence. En droit des contrats le silence correspond à l’absence
totale de volonté exprimée, que ce soit de façon expresse ou tacite. Le silence est
« un vide1 ». La question qui se pose est celle de savoir quels sont les effets qu’il
convient d’attacher au silence.
191. Principe. En principe, le silence vaut refus : qui ne dit mot ne consent pas.
Cette règle, qui est admise depuis longtemps par la jurisprudence2, trouve son
fondement dans l’autonomie de la volonté qui interdit qu’une personne soit
liée à un contrat sans l’avoir voulu. La règle a été codifiée par l’ordonnance du
10 février 2016 : « le silence ne vaut pas acceptation » (art. 1120 C. civ.).
192. Exceptions. Après avoir énoncé que le silence ne vaut pas acceptation,
l’article 1120 ajoute : « à moins qu’il n’en résulte autrement de la loi, des usages,
des relations d’affaires ou de circonstances particulières ». Les exceptions prévues
par le texte sont celles qui avaient été admises par la jurisprudence.
La loi. Pour certains contrats, la loi présume irréfragablement que le silence
gardé à la suite d’une offre de renouvellement vaut acceptation (v. par ex. les
articles 1738 C. civ. ou L. 112-2 alinéa 7 du Code des assurances3).
Les usages. Certains usages professionnels confèrent au silence la valeur
d’acceptation4.
Les relations d’affaires. Lorsqu’il existe entre les parties des relations d’affaires anté-
rieures qui ont donné lieu à la formation répétée de contrats de même nature, le
silence peut valoir acceptation.

1. J. Carbonnier, « Le silence et la gloire », D. 1951, chr. p. 119 et s., spéc. p. 121.


2. Civ., 25 mai 1870, DP 1870, 1, 257 ; S. 1870, 1, 241 ; G.A., t. 2, n° 147 : « le silence de celui qu’on
prétend obligé ne peut suffire, en l’absence de toute autre circonstance, pour faire preuve contre lui
de l’obligation alléguée ». Civ. 1, 16 avr. 1996, n° 94-16528, Bull. civ. I, n° 181 : « le silence ne vaut
pas, à lui seul, acceptation ».
3. C. ass., art. L. 112-2 al. 7 : « Est considérée comme acceptée la proposition, faite par lettre recom-
mandée ou par envoi recommandé électronique, de prolonger ou de modifier un contrat ou de remettre
en vigueur un contrat suspendu, si l’assureur ne refuse pas cette proposition dans les dix jours après
qu’elle lui est parvenue ».
4. Com., 13 mai 2003, n° 00-21555, Bull. civ. III, n° 82 ; Cont. Conc. Cons. 2003, n° 124, obs.
L. Leveneur : « l’envoi, par le courtier au vendeur et à l’acheteur de la « lettre de confirmation » sans
qu’il y ait de leur part un accord formel équivalait suivant l’usage ancien et constant en Bordelais, à
une vente parfaite, sauf protestation dans un très bref délai fixé par les usages loyaux et constants de
la profession à 48 heures de la réception de cette lettre ». Com., 9 janv. 1956, Bull. civ., n° 17, l’arrêt
se fonde sur un usage de la Bourse de commerce de Paris. Civ. 2, 21 mai 1951, Bull. civ. II, n° 168.

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Les circonstances particulières. Le silence vaut acceptation dans certaines « circons-
tances particulières » ; par exemple, lorsque l’offre a été faite dans l’intérêt exclusif
de son destinataire1, ou encore lorsque les parties sont convenues que le silence
de l’une d’elles vaudra acceptation2.

C. L’effet de l’acceptation
193. Moment et lieu de formation du contrat. L’acceptation entraîne la for-
mation du contrat à l’instant où elle se joint à l’offre. Lorsque les parties sont
présentes ou représentées lors de la conclusion du contrat, celui-ci est formé au
moment et au lieu de l’acceptation. En revanche lorsque les parties ne sont pas en
présence l’une de l’autre et que la rencontre des volontés s’opère via un procédé
de communication (courrier, messages électroniques…), une difficulté apparaît :
à quel moment et en quel lieu s’opère la formation du contrat ?
194. Enjeux. La détermination du lieu de formation du contrat a perdu beaucoup
de son intérêt. En droit interne, la compétence juridictionnelle territoriale n’est
plus déterminée par le lieu de formation du contrat depuis 19753. En droit inter-
national privé, la maxime locus regit actum, selon laquelle le contrat est soumis aux
exigences de forme requises par la loi du lieu où il a été conclu, a vu sa portée for-
tement atténuée par la Convention de Rome du 17 juin 1980, qui est aujourd’hui
remplacée par le Règlement « Rome I » du 27 juin 2008.
La date de formation du contrat est en revanche une donnée importante à bien
des égards. Tant que le contrat n’est pas formé, les parties ne sont pas liées. La
législation applicable au contrat est, en principe, celle en vigueur au jour où le
contrat est conclu. La date de formation du contrat fixe le point de départ de
nombreux délais (tels que les délais de prescription de l’action en nullité). Seuls
les créanciers justifiant d’un droit antérieur à la formation du contrat peuvent
attaquer celui-ci au moyen de l’action paulienne.

1. Req., 29 mars 1938, DP 1939, 1, 5, note P. Voirin : « si en principe le silence gardé par le destinataire
d’une offre ne vaut pas acceptation, il est permis cependant aux juges du fait, dans leur appréciation
souveraine des faits et de l’intention des parties et lorsque l’offre a été faite dans l’intérêt exclusif de
celui à qui elle est adressée, de décider que son silence emporte acceptation ». V. ég. Soc., 15 déc. 1970,
n° 69-11913, Bull. civ. V, n° 722, s’agissant d’une offre d’intéressement qui était dans l’intérêt exclusif
du salarié auquel elle était adressée ; Civ. 1, 1er déc. 1969, n° 69-11913, Bull. civ. I, n° 375, JCP 1970,
II, 16445 note J.-L. Aubert, s’agissant d’une offre de convention d’assistance.
2. Civ. 1, 12 janv. 1988, n° 86-12849, Bull. civ. I, n° 8.
3. V. article 46 CPC, qui se réfère au lieu d’exécution de la prestation de service ou de la livraison de la
chose objet du contrat. Cependant, en matière de contrat de travail, le critère du lieu de formation du
contrat permet de déterminer le conseil de prud’hommes compétent (art. R. 517-1 al. 3 C. trav.).

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195. Les théories doctrinales. Deux principales théories ont été proposées en
doctrine.
Suivant la théorie dite de l’émission, le contrat est conclu aussitôt que la volonté
d’accepter est émise1. Cette théorie est conforme au principe du consensualisme :
le contrat est formé dès que les volontés ont coexisté. L’inconvénient de cette
théorie est qu’elle conduit à admettre que le contrat est conclu avant que l’auteur
de l’offre n’en soit informé, ce qui est une source de difficultés.
Suivant la théorie dite de la réception, la formation du contrat intervient seulement
au moment où l’offrant reçoit l’acceptation. La jurisprudence avait fini par se rallier
à cette théorie2. L’ordonnance portant réforme du droit des contrats l’a consacrée.
196. Droit positif. Le nouvel article 1121 du Code civil prévoit que le contrat est
conclu « dès que l’acceptation parvient à l’offrant » et « au lieu où l’acceptation est
parvenue ». La solution est également retenue par les Principes du droit européen
des contrats (art. 2 : 205) ainsi que par la Convention de Vienne sur la vente
internationale de marchandises (art. 18).

D. Les droits de réflexion et de rétractation


197. Droits légaux. La volonté de protéger certains contractants (notamment les
consommateurs) a conduit le législateur à instaurer certaines techniques qui ont
pour effet de retarder le moment de la formation définitive du contrat.
Parfois le législateur impose un délai de réflexion avant l’expiration duquel l’accep-
tation ne peut être donnée (par exemple, dans le crédit immobilier, l’emprunteur
et les cautions ne peuvent accepter l’offre de prêt immobilier que dix jours après
qu’ils l’ont reçue, art. L. 313-34 C. cons.).
D’autres fois le législateur prévoit un délai de rétractation pendant lequel l’accep-
tation peut être révoquée (par ex. dans le contrat de crédit à la consommation,
le consommateur peut se rétracter pendant un délai de quatorze jours à compter
de l’acceptation de l’offre de crédit, art. L. 312-19 ; l’acquéreur non professionnel
d’un immeuble à usage d’habitation peut se rétracter dans un délai de dix jours,
art. L. 271-1 CCH ; v. ég., pour les contrats conclus par démarchage ou à distance,

1. V. not. Com., 7 janv. 1981, n° 79-13499, Bull. IV, n° 14 ; RTD civ. 1981, p. 849, obs. F. Chabas ;
G.A., t. 2, n° 145.
2. V. faisant application de la théorie de la réception dans le contexte des droits de préemption :
Civ. 3, 16 juin 2011, n° 09-72679, Bull. civ. III, n° 103 ; JCP 2011, I, 1141, n° 5, obs. G. Loiseau ;
JCP 2011, 1016, obs. Y.-M. Serinet ; D. 2012, pan. 459, obs. S. Amrani-Mekki et M. Mekki ; Civ. 3,
17 sept. 2014, n° 13-21824, Bull. civ. III, n° 108 ; RTD civ. 2014, p. 879, note H. Barbier.

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art. L. 221-18 C. cons). L’exercice de la faculté légale de rétractation ayant pour
effet d’anéantir le contrat, il est impossible de revenir sur la rétractation1.
198. Droits conventionnels. En dehors des mécanismes légaux les parties
peuvent prévoir, au profit de l’une d’elles ou de chacune d’elles, les mêmes facultés
(art. 1122 C. civ.). La pratique connaît depuis fort longtemps la clause de dédit
qui permet à l’une des parties de revenir sur son engagement avant l’exécution du
contrat2. La rétractation est généralement subordonnée au paiement d’une indem-
nité. Ainsi dans la vente avec arrhes, celui qui verse les arrhes peut se désengager en les
perdant, et l’autre partie peut se désengager en restituant le double (art. 1590 C. civ.).

II. Les schémas complexes de formation du contrat


201. Formation progressive du contrat. Certains contrats, en raison de l’impor-
tance des intérêts en jeu ou de leur complexité, ne peuvent se former de façon
instantanée. La période précontractuelle donne lieu à un processus divisé en plu-
sieurs étapes durant lequel les intéressés élaborent progressivement le futur contrat.
202. Apport de la réforme de 2016. L’hypothèse de la formation progressive du
contrat avait été ignorée par le Code civil de 1804, et la jurisprudence s’était trou-
vée confrontée à des difficultés importantes. L’ordonnance du 10 février 20163
a réalisé un apport essentiel en introduisant dans le Code civil des dispositions
spécifiques aux schémas complexes de formation des contrats. Ces dispositions
concernent l’obligation d’information précontractuelle (1), les négociations (2)
et les contrats préparatoires (3).

1. L’obligation d’information précontractuelle


203. Le Code civil de 1804 ne prévoyait aucune obligation d’information pré-
contractuelle. Suivant la conception individualiste du contrat qui avait inspiré les
rédacteurs du Code civil, il appartient à chacun des contractants de s’informer
par lui-même. Emptor edebet esse curiosus : l’acheteur doit être curieux. Mais cette
conception a été progressivement remise en cause au cours du xxe siècle. Le légis-
lateur a prévu des obligations spéciales d’information notamment en droit de la

1. Civ. 3, 12 mars 2012, n° 11-12232, Bull. civ. III, n° 41.


2. L. Boyer, « La clause de dédit », Mélanges Raynaud, éd. Dalloz et Sirey 1985, p. 41 et s.
3. Ord. n° 2016-131 du 10 févr. 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de
la preuve des obligations, préc.

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consommation1. Et la jurisprudence, prenant appui sur l’exigence de bonne foi
de l’ancien article 1134 du Code civil, a imposé progressivement une obligation
générale d’information précontractuelle en droit commun.
L’ordonnance du 10 février 2016 consacre cette création jurisprudentielle en lui
apportant la précision qui lui faisait défaut, favorisant ainsi la prévisibilité des
solutions et donc la sécurité juridique. Les textes parlent de « devoir d’information »
et non d’« obligation d’information ». Il s’agit pourtant d’une obligation au sens
du droit privé : un lien de droit entre un débiteur et un créancier (sur cette notion,
v. supra, n° 36).
Le nouvel article 1112-1 du Code civil, qui est d’ordre public, définit les conditions
d’existence (A) ainsi que la preuve et la sanction (B) de l’obligation d’information
précontractuelle2.

A. Conditions d’existence de l’obligation d’information


précontractuelle
204. Texte. L’article 1112-1 al. 1er du Code civil énonce : « Celle des parties qui
connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement
de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette
information ou fait confiance à son cocontractant ». Ce texte, qui est d’ordre public
(art. 1112-1 al. 5 C. civ.), prévoit trois conditions : l’information doit être déter-
minante, le débiteur doit la connaître et le créancier doit l’ignorer légitimement.
205. Une information déterminante. L’article 1112-1, alinéa 1, du Code civil
vise les informations « dont l’importance est déterminante pour le consentement de
l’autre » et l’alinéa 3 du même article indique que les informations déterminantes
sont celles « qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qua-
lité des parties ». Il s’agit, pour le dire autrement, des informations « pertinentes »3 :
celles qui permettent à l’autre partie de procéder aux évaluations nécessaires pour
exprimer un consentement éclairé.
L’obligation d’information ne concerne pas « l’estimation de la valeur de la pres-
tation » (art. 1112-1 al. 2 C. civ., in fine). Il appartient à chaque contractant

1. C. cons., art. L. 111-1 et s.


2. Sur ce texte, v. not. M. Fabre-Magnan, « Le devoir d’information dans les contrats : essai de tableau
général après la réforme », JCP 2016, 706 ; C. Grimaldi, « Quand une obligation d’information en
cache une autre, inquiétudes à l’horizon », D. 2016, p. 1009.
3. M. Fabre-Magnan, n° 237 et s. ; M. Fabre-Magnan, De l’obligation d’information dans les contrats, préf.
J. Ghestin, LGDJ, 1992, n° 169 et s.

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d’estimer lui-même la valeur de la prestation : l’acheteur n’a donc pas à informer
le vendeur sur la valeur du bien vendu1 et, de son côté, le vendeur n’est pas tenu
de dire que la chose vendue vaut moins que son prix. Cette règle est en cohérence
avec l’exclusion de l’erreur sur la valeur (infra, n° 284) et de la réticence dolosive
portant sur la valeur (infra, n° 296).
L’information est une donnée objective. Elle se distingue du conseil qui implique
de prendre en considération les intérêts de l’autre partie, en s’informant sur ses
besoins, afin de l’éclairer sur l’opportunité du contrat2. L’obligation de conseil
n’existe que dans certains contrats qui présentent un danger pour la personne ou
son patrimoine, ou qui portent sur un objet complexe. Par exemple, le fournisseur
de matériel informatique doit conseiller à son client l’achat d’un matériel conforme
à ses besoins3 ; le banquier doit conseiller à l’emprunteur un crédit adapté à ses
capacités financières4. Un devoir de conseil pèse sur le professionnel du droit,
notamment lorsqu’il intervient en qualité de rédacteur d’acte ; la jurisprudence
décide que le rédacteur d’acte n’est pas déchargé de son devoir de conseil par les
compétences personnelles d’un contractant5 ou de ceux qui l’assistent6.
206. Connaissance de l’information par le débiteur. Suivant l’article 1112-1,
alinéa 1er, du Code civil, est débiteur celui « qui connaît une information » dont
l’importance est déterminante pour l’autre. L’obligation d’information pèse donc

1. V. en ce sens : Civ. 1, 3 mai 2000 (aff. des clichés de Baldus), n° 98-11381, Bull. civ. I, n° 131 ; D. 2002,
somm. p. 928, obs. O. Tournafond ; JCP 2001, II, 10510, note C. Jamin ; RTD civ. 2000, p. 566,
obs. J. Mestre et B. Fages ; Def., 2000, p. 1110, obs. D. Mazeaud et P. Delebecque, acquisition de
photographies pour un prix bien inférieur à leur valeur sur le marché de l’art ; la Cour de cassation
décide qu’« aucune obligation d’information ne pesait sur l’acheteur » et elle censure l’arrêt de la cour
d’appel qui avait admis l’existence d’un dol par réticence. V. ég. : Civ. 3, 17 janv. 2007, n° 06-10442,
Bull. civ. III n° 5 ; D. 2007, p. 1051, note D. Mazeaud et note P. Stoffel-Munck ; JCP 2007, II, 10042,
note C. Jamin ; RTD civ. 2007, p. 335, obs. J. Mestre et B. Fages, « l’acquéreur, même professionnel,
n’est pas tenu d’une obligation d’information au profit du vendeur sur la valeur du bien acquis ».
2. V. P. le Tourneau, « Les professionnels ont-ils du cœur ? », D. 1990, chron. p. 21, l’auteur observe
subtilement que « le devoir de conseil comprend celui de déconseiller ».
3. Civ. 1, 2 juill. 2014, n° 13-10076 ; RDC 2015, p. 43, obs. A. Danis-Fatome.
4. Civ. 1, 27 juin 1995, n° 92-19212, Bull. civ. I, n° 287 ; Ass. plén., 2 mars 2007, n° 06-15267,
Bull. A.P., n° 4.
5. Civ. 1, 14 mars 2000, n° 97-19813, Bull. civ. I, n° 93 ; Def., 2000, p. 1391, obs. J.-L. Aubert.
6. Civ. 1, 10 juill. 1995, n° 93-13672, Bull. civ. I, n° 312 ; Def., 1995, p. 1413 obs. J.-L. Aubert, le notaire
rédacteur d’acte n’est pas dispensé de son devoir de conseil envers le contractant, bien que celui-ci soit
assisté par son avocat ; Civ. 3, 28 nov. 2007, n° 06-17758, Bull. civ. III, n° 213, le notaire rédacteur
n’est pas dispensé de son devoir de conseil par la présence d’un autre conseiller, fut-il lui-même notaire,
auprès du contractant.

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seulement sur celui qui a effectivement connaissance de l’information, ce qui signifie
qu’un contractant n’est en principe pas tenu de s’informer pour informer.
Cependant la jurisprudence fait preuve de sévérité à l’égard des professionnels en
faisant peser sur eux une présomption de connaissance des informations essentielles
relevant de leur domaine de compétence1 ou bien, ce qui revient au même, en
décidant qu’ils ont le devoir de se renseigner pour pouvoir informer leur cocon-
tractant2. Ces solutions pourraient se maintenir.
207. Ignorance légitime de l’information par le créancier. L’obligation d’in-
formation n’existe que si celui qui s’en prévaut ignore lui-même l’information
et si cette ignorance était légitime. L’ignorance est considérée comme légitime
lorsque le devoir de s’informer par lui-même3 qui pèse sur chaque contractant est
écarté en raison de circonstances particulières, soit parce que l’intéressé était dans
l’impossibilité de découvrir par lui-même l’information, soit parce qu’il pouvait
penser, compte tenu de la relation de confiance qui l’unissait à son contractant,
que celui-ci prendrait la peine de l’informer4.
L’obligation d’information a vocation à s’appliquer principalement dans les
relations entre professionnels et consommateurs. Le professionnel est tenu de
connaître les informations relevant de son domaine de compétence et de les trans-
mettre au consommateur5. Cependant l’obligation d’information peut s’appliquer

1. Civ. 1, 19 janv. 1977, n° 74-12783, Bull. civ. I, n° 40, le garagiste « ne pouvait ignorer que le compteur
indiquait un kilométrage bien inférieur à celui que la voiture avait parcouru en réalité ». V. ég. Com.,
11 juill. 1988, Bull. civ. IV, n° 250.
2. Civ. 3, 3 févr. 1981, n° 79-13774, Bull. civ. III, n° 22 ; D. 1984, p. 457, obs. J. Ghestin : « la société
défenderesse et son gérant, professionnels des transactions immobilières, avaient, envers l’acquéreur qui
manquait d’expérience en matière d’urbanisme, le devoir de vérifier la situation de la parcelle vendue
du point de vue des voies et réseaux… ». V. ég. Civ. 3, 15 févr. 2006, n° 04-19757, Bull. civ. III,
n° 37, « il appartenait à l’entrepreneur de se renseigner, même en présence d’un maître d’œuvre, sur
la finalité des travaux qu’il avait accepté de réaliser ». Sur cette jurisprudence, v. J. Ghestin, G. Loiseau
et Y.-M. Serinet, t. 1, n° 1705 et s.
3. P. Jourdain, « Le devoir de se renseigner », D. 1983, p. 139. Rapport au Président de la République relatif
à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, préc.
4. Com., 27 févr. 1996, n° 94-11241 ; Bull. civ. IV, n° 65 ; D. 1996, p. 518, note P. Malaurie ; JCP 1996,
II, 22665, note J. Ghestin ; RTD civ. 1997, p. 114, obs. J. Mestre : les associés sont fondés à faire
confiance au dirigeant de la société, qui est tenu envers eux d’un « devoir de loyauté ».
5. Civ. 1, 18 avr. 1989, n° 87-12053, Bull. civ. I, n° 150.

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également entre particuliers1 ou entre professionnels2. Et il est parfois jugé qu’un
profane est tenu d’informer le professionnel3.

B. Preuve et sanction de l’obligation d’information


précontractuelle
208. Preuve. La charge de la preuve se dédouble (art. 1112-1, al. 4 C. civ.). Celui
qui prétend qu’une information lui était due doit faire la preuve que l’autre partie
la lui devait : il doit prouver sa situation d’ignorance légitime ainsi que la connais-
sance par l’autre partie de l’information en question. Ensuite, celui qui est reconnu
débiteur de l’obligation d’information doit établir qu’il a fourni cette information4.
Cette règle permet d’éviter au créancier d’avoir à prouver qu’il n’a pas été informé.
Une telle preuve d’un fait négatif est particulièrement difficile à rapporter5. Elle
s’apparente à une probatio diabolica.
209. Sanction. Suivant l’article 1112-1, alinéa 6, du Code civil, la sanction du
manquement à l’obligation d’information précontractuelle consiste en une respon-
sabilité civile délictuelle ouvrant droit à des dommages et intérêts. L’annulation
du contrat sur le fondement du dol suppose des conditions supplémentaires : un
élément matériel – la dissimulation – et un élément intentionnel – l’intention de
tromper (v. infra, n° 292 et s.).

2. Les négociations
211. Présentation : liberté et bonne foi. La phase des négociations (ou pour-
parlers) est celle durant laquelle les personnes discutent, échangent leurs points
de vue, effectuent certaines recherches dans le but de conclure un contrat mais
sans être assurées d’y parvenir6. Pour certains contrats complexes ou importants,

1. Civ. 3, 30 juin 1992, n° 90-19093, Bull. civ. III, n° 238 ; Cont. Conc. Cons., 1992, n° 218, obs.
L. Leveneur (rapport entre le vendeur et l’acheteur d’un terrain, tous deux profanes).
2. Com., 4 juill. 1989, n° 88-12779, Bull. civ. IV, n° 213 ; RTD civ. 1989, p. 737, obs. J. Mestre (rapport
entre un mannequin professionnel conseillé par son agent et une agence de publicité).
3. Civ. 1, 24 nov. 1976, n° 74-12352, Bull. civ. I, n° 370 : « celui qui traite avec un professionnel n’est
pas dispensé de lui fournir les renseignements qui sont en sa possession ».
4. La jurisprudence était en ce sens depuis : Civ. 1, 25 févr. 1997, n° 94-19685, Bull. civ. I, n° 75 ;
Gaz. Pal. 1997, 1, p. 274, rapp. P. Sargos et note J. Guigue ; JCP 1997, I, 184, n° 1, obs. G. Viney ;
RTD civ. 1997, p. 434, obs. P. Jourdain, GA t. 1, n° 17.
5. H. Barbier, « Quelques évolutions contemporaines du droit de la preuve : chasse ou culture de la preuve
diabolique », RLDC 2010/71.
6. Voc. Jur. Capitant, V° Négociation : Le terme négociations (ou pourparlers) désigne les « opérations
préalables diverses (entretien, démarches, échanges de vues, consultations) tendant à la recherche d’un

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la période des négociations peut être longue et mobiliser des moyens humains et
financiers importants.
Jusqu’à l’ordonnance du 10 février 2016, le Code civil ne comportait aucune règle
concernant les négociations mais la jurisprudence avait dégagé des solutions qui
ont été consacrées par ladite ordonnance. Le nouvel article 1112 du Code civil
énonce : « L’initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontrac-
tuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne
foi ». Il ressort de ce texte que les principes de liberté et de bonne foi gouvernent
les différentes étapes des négociations.
212. Ouverture des négociations. Nul n’est tenu d’entrer en négociation ; c’est la
première conséquence de la liberté contractuelle. Mais celui qui prend l’initiative
de la négociation sans avoir réellement l’intention de conclure le contrat (par
exemple, à seule fin de dissuader le partenaire de négocier avec autrui) manque à
son devoir de bonne foi et commet une faute délictuelle.
213. Conduite des négociations. Chacun est libre de conduire les négociations
à sa guise, sous réserve de l’exigence de bonne foi. La jurisprudence avait décidé
que constitue une faute civile le fait pour un partenaire d’utiliser des informa-
tions confidentielles obtenues au cours des négociations1. Le nouvel article 1112-2
consacre cette solution en énonçant que « celui qui utilise ou divulgue sans autori-
sation une information confidentielle obtenue à l’occasion des négociations engage
sa responsabilité dans les conditions du droit commun ».
Les parties peuvent conclure des conventions ayant pour objet d’organiser le dérou-
lement des négociations (on trouve notamment des clauses de confidentialité,
des clauses d’exclusivité des négociations, des clauses relatives à l’information des
parties ou encore des clauses relatives au coût des études préalables2).
Lorsque les négociations sont longues et délicates, les parties peuvent relever par
écrit les différents points sur lesquels elles sont d’ores et déjà d’accord. Ces accords

accord ».
1. Com., 20 févr. 2016, n° 13-28448, Cont. Conc. Cons. 2016, n° 114, obs. M. Malaurie-Vignal : « La
société qui, dans le cadre des pourparlers liés à l’acquisition d’un fonds de commerce concurrent,
reprend le concept de restauration (nom, agencement des tables et pizzas proposées) et cherche à
tromper le consommateur en suggérant un lien entre ces deux établissements, adopte un comportement
parasitaire ».
2. J.-M. Mousseron, P. Mousseron, J. Raynard et J.-B. Seube, Technique contractuelle, éd. F. Lefebvre,
5e éd. 2017.

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de principe (punctation) opèrent une formation progressive du contrat1. La question
se pose alors de savoir à quel moment le contrat est formé. Si le contrat est de type
consensuel, il est formé dès qu’il y a accord sur les points essentiels2, à moins que
les parties n’aient entendu subordonner la formation du contrat à leur accord sur
tel ou tel point accessoire.
214. Rupture des négociations. Pendant longtemps, la rupture des négociations
n’a donné lieu qu’à très peu de litiges. Dans le but de protéger la liberté contrac-
tuelle la jurisprudence ne retenait la responsabilité qu’en cas de faute patente,
indiscutable3. Mais la jurisprudence a évolué.
La liberté de rompre les négociations reste le principe, la portée de l’exigence
de bonne foi s’est progressivement étendue. Elle est particulièrement prégnante
lorsque les négociations se prolongent. Ainsi a pu être considéré comme fautif le
fait d’avoir laissé durer la négociation sans intention de conclure le contrat dans
le seul but de faire engager à son partenaire des dépenses inutiles4, ou bien d’avoir
laissé croire à la conclusion du contrat5. Peut également être considérée comme
fautive la rupture due à des exigences nouvelles de l’un des partenaires en fin de
négociation6.
Cela étant la jurisprudence considère à juste titre que la rupture n’est pas, en soi,
une faute7.
215. Sanction de la rupture fautive. La faute dans les pourparlers, qui est une
forme d’abus de droit, engage la responsabilité civile de son auteur. La nature de

1. A. Rieg, « La “punctation”, contribution à l’étude de la formation successive du contrat », Études offertes


à A. Jauffret, LGDJ, 1974, p. 593 et s. ; J.-M. Mousseron, « La durée dans la formation du contrat »,
Études offertes à A. Jauffret, préc., p. 509 et s.
2. Civ. 1, 26 nov. 1962, Bull. civ. I, n° 504, D. 1963, p. 61 ; RTD civ. 1963, p. 364, obs. G. Cornu : le
contrat de vente est conclu dès lors qu’il y a accord des parties sur la chose et sur le prix, même si les
modalités de paiement n’ont pas été prévues.
3. Pau, 14 janv. 1969, D. 1969, p. 716 : « on ne saurait sans porter atteinte gravement à la liberté indi-
viduelle et à la sécurité commerciale, admettre à la légère qu’un commerçant puisse être responsable
pour n’avoir pas donné suite à des pourparlers et pour avoir traité avec un concurrent ; la faute in
contrahendo doit être une faute patente, indiscutable ».
4. Com., 20 mars 1972, n° 70-14154, Bull. civ. IV, n° 93 ; JCP 1973, II, 17543 note J. Schmidt. Civ. 1,
6 janv. 1998, n° 95-19199, Bull. civ. I, n° 7 ; Def., 1998, p. 743, obs. D. Mazeaud ; JCP 1998, II,
10066, obs. B. Fages, « M. Ossana avait ainsi laissé se poursuivre des pourparlers qui allaient inéluc-
tablement se traduire par des frais ».
5. Com., 31 mars 1992, n° 90-14867, Bull. civ. IV, n° 145, est fautive la banque qui a laissé croire
pendant un an à l’octroi du crédit avant de le refuser.
6. Com., 22 févr. 1994, n° 91-18842, Bull. civ. IV, n° 79.
7. Com., 4 nov. 2008, n° 07-17142 (Théâtre des Folies Bergères).

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cette responsabilité a donné lieu à une controverse doctrinale. Selon Ihering, la
violation des obligations relatives à la négociation constitue une faute en contrac-
tant (culpa in contrahendo) donnant lieu à une responsabilité contractuelle même
lorsque le contrat n’est pas conclu1. Cette thèse n’a jamais été admise en droit
positif français. La responsabilité en cas de faute dans la conduite ou la rupture
des pourparlers est en principe délictuelle2.
La responsabilité pour rupture des pourparlers ne peut donner lieu qu’à des dom-
mages et intérêts, et non à la conclusion du contrat3, et ces dommages et intérêts ne
comprennent pas les gains espérés de l’exécution du contrat mais seulement les frais
engagés pour la négociation4. Cette solution est désormais codifiée à l’article 1112
alinéa 2 du Code civil. La charge de la preuve pèse sur le demandeur.

3. Les contrats préparatoires


216. Diversité. Les contrats préparatoires, également dénommés avant-contrats,
sont des contrats qui ont pour objet de préparer la conclusion du contrat définitif.
Il existe une grande variété de contrats préparatoires5. Nous étudierons seulement
les contrats préparatoires les plus courants, à savoir le pacte de préférence (A), la
promesse unilatérale (B) et la promesse synallagmatique (C).

A. Le pacte de préférence
217. On présentera la notion (a) puis le régime (b) du pacte de préférence.

1. R. Von Ihering, De la culpa in contrahendo ou des dommages et intérêts dans les conventions nulles ou
restées imparfaites, Œuvres choisies, t. II, 1893, trad. De Meulanëre, spéc. p. 23. Pour une analyse de
la théorie de Ihering, v. E. Gaudemet, Théorie générale des obligations, 1937, Réimp. par H. Desbois
et J. Gaudemet, Sirey 1965, spéc. p. 195 et s. ; R. Saleilles, « De la responsabilité précontractuelle »,
RTD civ. 1907, p. 697 et s.
2. Comme l’indique le Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2016-131 du
10 février 2016, préc., p. 5 : « la responsabilité sera en principe de nature extracontractuelle, sauf
aménagement conventionnel de cette phase de négociation et de sa rupture ». V. en ce sens : Civ. 1,
20 juin 1961, D. 1962, p. 3 ; Com., 11 janv. 1984, n° 82-13259, Bull. civ. IV, n° 16 ; RTD civ. 1985,
p. 159, obs. J. Mestre.
3. V. not. J. Schmidt, « La sanction de la faute précontractuelle », RTD civ. 1974, p. 46.
4. Com., 26 nov. 2003, n° 00-10243 et 00-10949, Bull. civ. IV, n° 186 (Manoukian) ; GA n° 142 ;
D. 2004, p. 869, note A.-S. Dupré-Dallemagne ; RDC 2004, p. 257, note D. Mazeaud ; JCP E 2004,
738, note Ph. Stoffel-Munck ; RTD civ. 2004, p. 80, obs. J. Mestre et B. Fages ; JCP 2004, I, 163,
n° 18 et s., obs. G. Viney. V. ég. Civ. 3, 28 juin 2006, n° 04-20040, Bull. civ. III, n° 164 ; JCP E 2006,
2322, note O. Deshayes ; Cont. Conc. Cons. 2006, n° 223, obs. Leveneur.
5. V. not. J.-M. Mousseron, P. Mousseron, J. Raynard et J.-B. Seube, Technique contractuelle, éd.
F. Lefebvre, 5e éd. 2017.

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a. Notion de pacte de préférence
218. Droit de priorité. L’article 1123 alinéa 1er du Code civil énonce : « Le pacte
de préférence est le contrat par lequel une partie s’engage à proposer prioritai-
rement à son bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas où elle déciderait de
contracter ». Celui qui consent la préférence, le débiteur (également dénommé
souscripteur), ne s’engage pas à conclure le contrat visé, mais seulement à donner
la priorité au bénéficiaire s’il se décide à conclure ce contrat1.
219. Diversité. Le pacte de préférence peut concerner tout contrat (bail, contrat
d’édition…), mais le plus souvent le contrat projeté est un contrat de vente (vente
d’immeuble2, d’actions de société3, d’office ministériel4…).
220. Nature juridique. Le pacte de préférence est un contrat car il suppose le
consentement des deux parties : le débiteur (souscripteur) et le bénéficiaire. C’est
un contrat unilatéral car il ne crée d’obligation qu’à la charge de l’une des parties,
le débiteur, qui s’oblige à ne pas conclure le contrat visé sans avoir fait une offre
au bénéficiaire. Le pacte confère au bénéficiaire un droit de créance.
Le débiteur est parfois dénommé promettant, mais cette terminologie est trompeuse
car le pacte de préférence n’est pas une promesse de contrat. La Cour de cassation,
dans un arrêt isolé, a qualifié le pacte de préférence de promesse unilatérale condi-
tionnelle5. Cette analyse est très critiquable. La décision de vendre ne doit pas
être analysée comme une condition suspensive, et cela pour deux raisons : d’une

1. V. H. Lalou, « Les pactes de préférence », DH 1929, chr. p. 41 ; P. Voirin, « Le pacte de préférence »,


JCP 1954, I, 1192 ; C. Saint-Halary-Houin, Le droit de préemption, préf. P. Raynaud, LGDJ, 1979,
n° 252 et s. ; M. Dagot, Le pacte de préférence, Litec 1988 ; J.-P. Désidéri, La préférence dans les relations
contractuelles, PUAM, 1997 ; M. Bruschi, « Le pacte de préférence », Dr. et pat. juin 1999, n° 72, p. 65. ;
H. Kenfack, « Validité du pacte de préférence », Dr. et pat. n° 144, janv. 2006, p. 47.
2. Sur l’utilisation des pactes de préférence en matière immobilière, v. not. L. Leveneur et T. Semere,
« Droit de préférence et de préemption », JCP N 2015, 1093.
3. Sur l’utilisation des pactes de préférence en droit des sociétés, v. not. v. E. Schlumberger, Les contrats
préparatoires à l’acquisition des droits sociaux, Dalloz 2013 ; C. Gineste, « Pacte de préférence et droit
des sociétés », Dr. et pat. janv. 2006, p. 62.
4. V. par ex. : Civ. 1, 16 juill. 1985, n° 84-13745, Bull. civ. I, n° 224, le titulaire d’un office notarial
s’était engagé à faire connaître au bénéficiaire l’identité de tout candidat à son office ainsi que le prix
offert par celui-ci, et, pour le cas où le bénéficiaire offrirait un prix équivalent, à lui donner la préférence
et à user de son droit de présentation en sa faveur.
5. Civ. 3, 16 mars 1994, n° 91-19797, Bull. civ. III, n° 58 ; JCP 1994, IV, n° 1328, p. 170 ; JCP N 1994,
341, note J. Maury ; D. 1994, p. 486, note A. Fournier ; Def., 1994, p. 1164 obs. L. Aynès. Cet arrêt
est d’autant moins convaincant que la qualification de promesse unilatérale conditionnelle n’était pas
nécessaire pour justifier la solution retenue (soumission du pacte au régime de la publicité foncière
facultative).

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part un élément de validité du contrat, tel que le consentement, ne peut être érigé
en condition ; d’autre part cette condition serait purement potestative : une telle
condition est nulle et rend nulle l’obligation qui en dépend (art. 1304-2 C. civ.).
Le pacte de préférence peut être autonome mais, bien souvent, il se présente comme
l’accessoire d’un contrat principal : par exemple un contrat de vente1, un contrat
de bail2, un contrat de distribution3 ou encore un contrat de société. Il est parfois
interdit : par ex. il a été jugé illicite dans les règlements de copropriété en raison du
principe de libre disposition des lots posé par la loi n° 65-557 du 10 juill. 19654.
b. Régime du pacte de préférence
221. On examinera la formation du pacte de préférence, la situation créée par le
pacte et enfin la question de la sanction du pacte de préférence. On raisonnera
sur l’exemple d’un pacte de préférence de vente.
• La formation du pacte de préférence
222. Conditions de fond. Sauf lorsqu’il fait l’objet de dispositions spéciales (CPI,
art. L. 132-4), le pacte de préférence relève exclusivement du droit commun des
contrats. Sa validité suppose que son objet soit déterminé. En revanche, la déter-
mination du prix n’est pas nécessaire5 même si elle est possible. S’agissant de la
capacité juridique, ce sont les règles de capacité relatives aux actes d’administration,
et non celles relatives aux actes de disposition, qui sont applicables lors de la

1. Dans un contrat de vente, le pacte peut notamment être consenti au profit du vendeur, pour le cas
où l’acheteur revendrait la chose.
2. Le pacte peut conférer un droit de préférence au profit du preneur à bail en cas de vente du local loué.
Dans certains baux un droit de préférence est accordé au preneur par des dispositions légales spéciales :
art. L. 145-46-1 C. com. (réd. L. 18 juin 2014) pour le bail commercial ; art. 15-II L. 6 juill. 1989 en
matière de bail d’habitation.
3. V. A. Van de Wynckele-Bazela, « Pacte de préférence et contrat de franchise », D. 2004, p. 2487.
4. Civ. 3, 6 mars 1973, Bull. civ. III, n° 170 ; Civ. 3, 29 mai 1979, Bull. civ. III, n° 118. Cependant
une loi du 23 mars 2009 a ajouté dans la loi n° 65-557 du 10 juill. 1965 relative à la copropriété un
art. 8-1 prévoyant que le règlement de copropriété « peut prévoir une clause attribuant un droit de
priorité aux copropriétaires à l’occasion de la vente de lots exclusivement à usage de stationnement au
sein de la copropriété ».
5. Civ. 1, 6 juin 2001, n° 98-20673, Bull. civ. I, n° 166 ; JCP 2002, I, 134, n° 1, obs. F. Labarthe ;
RTD civ. 2002, p. 89, obs. J. Mestre et B. Fages, p. 115, obs. P.-Y. Gautier : « il n’est pas dans la
nature du pacte de préférence de prédéterminer le prix du contrat envisagé ». Civ. 3, 15 janv. 2003,
n° 01-03700, Bull. civ. III, n° 9 ; D. 2003, p. 1190, obs. H. Kenfack.

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conclusion du pacte1. La capacité de disposer est requise seulement au jour où le
débiteur propose effectivement la conclusion du contrat de vente au bénéficiaire2.
La liberté contractuelle permet aux parties de déterminer librement le contenu du
pacte de préférence. Mais la liberté contractuelle n’est pas sans limite. Le pacte de
préférence ne doit pas conduire à priver le débiteur de la possibilité de vendre son
bien, car il y aurait alors atteinte excessive au droit de propriété3.
223. Conditions de forme. Contrat consensuel, le pacte n’est en principe soumis
à aucune exigence de forme. Il n’est pas assujetti au formalisme fiscal de l’ar-
ticle 1589-2 du Code civil, qui impose l’enregistrement des promesses unilatérales
portant sur un immeuble ou un fonds de commerce notamment.
• La situation créée par le pacte de préférence
224. Obligation négative. Le promettant est tenu d’une obligation négative : il ne
doit pas conclure le contrat avec un tiers sans avoir auparavant adressé une offre
au bénéficiaire. La portée de cette obligation peut susciter des difficultés.
Le pacte de préférence est bien évidemment applicable pour les actes qu’il vise.
Le pacte de préférence de vente s’applique lorsque le débiteur décide de vendre
ou lorsqu’il y est contraint4 ; en revanche il ne s’applique pas pour les actes autres
que la vente, même s’ils sont translatifs de propriété : par exemple il ne s’applique
pas en cas de donation5, ou d’apport en société6. Cependant il faut respecter
non seulement la lettre du pacte mais aussi son esprit. C’est pourquoi le débiteur

1. J.-P. Désidéri, La préférence dans les relations contractuelles, PUAM, 1997, n° 79 et s. ; H. Kenfack,
« Validité du pacte de préférence », préc.
2. TGI Aurillac, 10 janv. 1978, JCP 1980, IV, p. 135.
3. Sur la question de la compatibilité du pacte de préférence avec le droit de propriété, v. Civ. 3,
27 sept. 2009, n° 08-18187, Bull. civ. III, n° 203 ; JCP 2009, 479, note G. Pillet ; JCP N 2010, 1071,
note L. Leveneur ; RDC 2010, p. 32, obs. Th. Génicon ; RDC 2010, p. 660, obs. S. Pimont ; RLDC
2010, p. 3837, obs. Kenfack : la commune de Saint-Pée-sur-Nivelle avait vendu à des particuliers un
terrain nu dans un lotissement communal tout en stipulant dans l’acte de vente une clause, valable
pendant vingt ans, prévoyant que, avant toute revente à un tiers, le bien devrait être proposé à la
commune pour le prix d’acquisition initial éventuellement majoré du prix de revient de la construction
si le terrain est revendu bâti et le tout réactualisé en fonction de l’indice du coût de la construction ;
après avoir rappelé l’objectif du pacte, à savoir « empêcher la spéculation dans un contexte marqué par
la rareté de l’offre et le décrochage des possibilités financières de la plupart des ménages par rapport à
l’envolée des prix », la cour de cassation décide que les modalités du pacte « n’étaient pas, au regard de
l’objet et de la nature de l’opération réalisée, constitutives d’une atteinte au droit de propriété ».
4. En cas de procédure collective du débiteur, le pacte de préférence s’impose au liquidateur : Com.,
13 févr. 2007, n° 06-11289, Bull. civ. IV, n° 34.
5. Civ. 1, 14 mai 1962, Bull. civ. I, n° 245 ; Civ. 2, 21 janv. 1999, n° 96-22294.
6. V. not. Com., 15 déc. 2009, n° 08-21037, Bull. civ. IV, n ° 173 ; Civ. 3, 15 janv 2014, n° 12-35106.

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ne doit pas conclure un acte qui sans être directement contraire au pacte aurait
néanmoins pour effet de rendre impossible son exécution : par exemple, il ne doit
pas consentir un bail ouvrant au preneur un droit de préemption légal qui aurait
pour effet de neutraliser le droit de priorité découlant du pacte1. En effet le droit
de préemption légal prime sur le droit de préférence conventionnel même lorsque
celui-ci est antérieur2.
225. Transfert. Le droit de préférence conféré au bénéficiaire est un droit person-
nel de créance3 qui est cessible entre vifs selon les règles de la cession de créance
civile4. Le droit de préférence est en principe transmissible aux héritiers et ayants
cause des parties, mais il en va autrement lorsque les parties lui ont donné un
caractère strictement personnel5.
226. Durée. Si la durée du pacte de préférence est déterminée, au moyen d’un
terme extinctif, l’arrivée du terme entraîne la caducité du pacte. Si la durée n’est
pas déterminée, le pacte fait naître une « situation d’attente singulière »6. La pres-
cription extinctive n’éteint pas le pacte, car elle ne court pas contre celui qui a
été empêché d’agir7. Aussi le débiteur (ou ses ayant-droits) peut-il être contraint
de respecter le pacte très longtemps après sa signature8. Cela ne signifie pas que
le pacte de préférence conclu sans limitation de durée ait un caractère perpétuel,
comme cela est parfois affirmé. Le principe de droit commun de libre résiliation des

1. Civ. 3, 10 mai 1984, n° 82-17079, Bull. civ. III, n° 96 ; JCP 1985, II, 20328, note M. Dagot, condam-
nant le propriétaire au paiement de dommages et intérêts pour s’être « mis volontairement dans l’impos-
sibilité d’exécuter le pacte de préférence » en consentant un bail rural lequel confère au fermier un droit
de préemption prioritaire par rapport au droit du bénéficiaire du pacte. V. ég. Civ. 3, 1er avr. 1992,
n° 90-16.985, Bull. civ. III, n° 116 ; D. 1992, p. 165, note A. Fournier.
2. C. Saint-Alary-Houin, Le droit de préemption, préf. P. Raynaud, LGDJ, 1979, n° 259 et n° 421.
3. Civ. 3, 24 mars 1999, n° 96-16040, Bull. civ. III, n° 80 ; RTD civ. 1999, p. 616, obs. J. Mestre ; p. 627,
obs. P. Jourdain ; p. 644, obs. P.-Y. Gautier ; Com., 13 févr. 2007, Bull. civ. IV, n° 38 ; Dr. et pat. 2007,
p. 98, obs. P. Stoffel-Munck.
4. Civ. 3, 4 janv. 1995, n° 92-21449, Bull. civ. III, n° 8 ; D. 1995, somm. p. 236, note L. Aynès ; Def.,
1995, p. 741, obs. P. Delebecque.
5. Civ. 1, 24 févr. 1987, n ° 85-16279, Bull. civ. I, n° 75 ; RTD civ. 1987, p. 739, obs. J. Mestre : « Mais
attendu que si le pacte de préférence est en principe transmissible aux héritiers des parties, il en est
différemment lorsque les circonstances révèlent une intention contraire, même tacite, des parties de
ne conférer à cette obligation qu’un caractère strictement personnel ».
6. S. Lequette, « Réflexions sur la durée du pacte de préférence », RTD civ. 2013, p. 491.
7. Art. 2234 C. civ. : « La prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l’impossi-
bilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure ».
Cet article consacre l’adage « contra non valentem agere non currit praescriptio » (contre celui qui est
empêché d’agir la prescription ne court pas).
8. V. pax ex. un pacte invoqué 37 ans après sa signature : Civ. 1, 22 déc. 1959, JCP 1960, II, 11494,
note P. Esmein ; RTD civ. 1960, p. 232, obs. J. Carbonnier.

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contrats à durée indéterminée (article 1211 C. civ.) est en effet applicable dans le
pacte de préférence : le débiteur a la possibilité de résilier unilatéralement le pacte,
en respectant un préavis mais sans être tenu d’adresser une offre au bénéficiaire1.
227. Mise en œuvre. On conseillera aux parties de définir précisément la procédure
de mise en œuvre du pacte (notamment les conditions dans lesquelles le débiteur
informe le bénéficiaire de sa décision de vendre et formule son offre à celui-ci).
Si le bénéficiaire décline l’offre, le souscripteur retrouve la liberté de contracter avec
un tiers mais seulement dans les conditions de l’offre2.
• La sanction du pacte de préférence
228. Bonne ou mauvaise foi du tiers acquéreur. L’article 1123 alinéa 2 du Code
civil prévoit les sanctions applicables en cas d’inexécution du pacte de préférence,
c’est-à‑dire lorsque le débiteur a conclu avec un tiers le contrat promis au bénéfi-
ciaire du pacte sans avoir respecté le droit de préférence. La sanction est différente
selon que le tiers acquéreur est de bonne foi ou de mauvaise foi.
Tiers de bonne foi. Lorsque le tiers acquéreur est de bonne foi, le pacte lui est inop-
posable en vertu du principe de l’effet relatif des contrats (art 1199 et s. C. civ.). La
vente conclue en violation du pacte est donc valable. Le bénéficiaire peut seulement
rechercher la responsabilité contractuelle du débiteur du pacte : en concluant le
contrat avec un tiers sans adresser une offre au bénéficiaire, le débiteur a commis
une faute et doit réparer le préjudice qu’il a causé3.
Tiers de mauvaise foi. Lorsque le tiers acquéreur est de mauvaise foi, le bénéficiaire
peut obtenir l’annulation du contrat conclu en violation du pacte ou bien sa

1. V. admettant l’exercice du droit de résiliation unilatérale dans un pacte conclu sans limitation de durée :
Com., 6 nov. 2007, n° 07-10620 ; D. 2008, p. 1024, note B. Dondero ; RTD civ. 2008, p. 104, obs.
B. Fages. V. en faveur de cette solution : J.-P. Désidéri, La préférence dans les relations contractuelles,
PUAM, 1997, n° 455 ; L. Leveneur, note ss. Civ. 3, 15 janv. 2003, Cont. Conc. Cons. 2003, n° 71 ;
L. Leveneur, Dossier Pacte de préférence : liberté ou contrainte ?, « Rapport de synthèse », Dr. et pat.
n° 144, 2006, p. 83 et s. ; J. Mestre et B. Fages, obs. ss. Civ. 1, 6 juin 2001, RTD civ. 2002, p. 88.
Contra : S. Lequette, préc.
2. La vente du bien à un tiers ne viole pas le pacte lorsqu’elle a été proposée, sept ans auparavant, au
même prix, au bénéficiaire qui a refusé d’acheter, quand bien même l’évolution du marché immo-
bilier rendrait l’opération plus attractive : Civ. 3, 29 janv. 2003, n° 01-03707, Bull. civ. III, n° 24 ;
RTD civ. 2003, p. 497, obs. J. Mestre et B. Fages ; p. 517, obs. P.-Y. Gautier ; RDC 2004, p. 340,
obs. Ph. Brun ; Def., 2003, p. 1268, note J.-L. Aubert.
3. Le bénéficiaire n’a droit à aucune indemnisation s’il ne démontre pas l’existence d’un préjudice : Com.,
9 avr. 2002, n° 98-22851, JCP 2003, II, 10067, note J.-M. Tengang.

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substitution dans les droits du tiers acquéreur1 (art. 1123 C. civ.). Encore faut-il,
pour que la mauvaise foi du tiers soit caractérisée, que celui-ci ait eu connaissance
au moment de la vente non seulement de l’existence du pacte de préférence, mais
encore, selon l’article 1123 du Code civil qui reprend la jurisprudence antérieure,
de l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir2. Cette double preuve dont la charge
incombe au bénéficiaire du pacte est bien difficile à rapporter3. Difficile, mais pas
impossible comme le montre la jurisprudence4.
229. Publicité foncière. Lorsque le pacte de préférence porte sur un bien immo-
bilier, il convient de prendre en compte les règles de la publicité foncière5.
Le pacte de préférence ne constituant pas une « restriction au droit de disposer »
au sens de l’article 28, 2° du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, il ne relève pas du
régime de la publicité foncière obligatoire mais du régime de la publicité foncière
facultative prévue à l’article 37-2 dudit décret. La publication du pacte ne le rend
pas opposable aux tiers6. La publication n’est cependant pas dénuée de tout intérêt
car elle pourra, en fait, faciliter l’opposabilité du pacte suivant les conditions du
droit commun7.
Cependant lorsque le pacte de préférence est inséré dans un contrat principal qui
relève du régime de la publicité foncière obligatoire8 (par ex. vente d’immeuble,

1. Ch. mixte, 26 mai 2006, n° 03-19376, Bull. ch. mixte, n° 4 ; G.A., t. 2, n° 258 ; D. 2006, p. 1861, note
P.-Y. Gautier et p. 1864 note D. Mainguy ; JCP 2006, II, 10142, note L. Leveneur ; RTD civ. 2006,
p. 550, obs. J. Mestre et B. Fages ; Def., 2006, p. 1206, obs. É. Savaux : le bénéficiaire « est en droit
d’exiger l’annulation du contrat passé avec un tiers en méconnaissance de ses droits et d’obtenir sa
substitution à l’acquéreur ».
2. Le projet d’ordonnance paru en février 2015 n’exigeait pas la preuve de l’intention du bénéficiaire
(v. art. 1125 al. 2 du projet) ; elle a été réintroduite à l’occasion de la réécriture finale du texte.
3. Elle est souvent qualifiée de « probatio diabolica » : P.-Y. Gautier, note préc. ss. Ch. mixte, 26 mai 2006.
4. V. not. Civ. 3, 14 févr. 2007, n° 05-21814, Bull. civ. III, n° 25 ; Dr. soc. 2007, n° 63, note H. Lécuyer ;
RTD civ. 2007, p. 768, note B. Fages ; D. 2007, p. 2444, note J. Théron ; RDC 2007, p. 701, obs.
D. Mazeaud ; JCP 2007, II, 10143, note J. Bert ; JCP E 2007, 1615, note H. Lécuyer. V. ég. Civ. 3,
3 nov. 2011, n° 10-20936, Bull. civ. III, n° 185 ; Cont. Conc. Cons. 2012, n° 60 ; Civ. 3, 9 avr. 2014,
n° 13-13949, Bull. civ. III, n° 52.
5. D. n° 55-22 du 4 janv. 1955, portant réforme de la publicité foncière.
6. V. not. Civ. 3, 24 mars 1999, n° 96-16040, Bull. civ. III, n° 80 ; RTD civ. 1999, p. 616, obs. J. Mestre ;
p. 627, obs. P. Jourdain ; p. 644, obs. P.-Y. Gautier.
7. Par exemple si le bien fait l’objet d’une vente au profit d’un tiers, le notaire chargé de préparer la vente
aura connaissance de l’existence du pacte de préférence conclu antérieurement et il interrogera le
bénéficiaire : si celui-ci manifeste la volonté de s’en prévaloir le notaire en informera le tiers acquéreur,
auquel le pacte sera alors opposable.
8. Art. 28, 1°, D. n° 55-22 du 4 janv. 1955.

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donation-partage), il est alors opposable aux tiers dans les mêmes conditions que
le contrat principal1.
230. Action interrogatoire. Pour permettre d’éviter les incertitudes tenant à l’in-
tention du bénéficiaire, l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 a introduit
dans le Code civil un nouvel instrument, que l’on dénomme action interroga-
toire2. Toute personne qui s’interroge sur l’existence d’un pacte de préférence
peut « demander par écrit au bénéficiaire de confirmer dans un délai qu’il fixe
et qui doit être raisonnable, l’existence d’un pacte de préférence et son intention
de s’en prévaloir » (art. 1123 al. 3 C. civ.). Cet écrit doit indiquer « qu’à défaut
de réponse dans ce délai, le bénéficiaire du pacte de préférence ne pourra plus
solliciter sa substitution au contrat conclu avec le tiers ou la nullité du contrat »
(art. 1123 al. 4 C. civ.).

B. La promesse unilatérale
231. Nous examinerons la notion (a) puis le régime (b) de la promesse unilatérale.
a. Notion de promesse unilatérale
232. Contrat d’option. L’article 1124 du Code civil donne une définition très
claire de la promesse unilatérale : « La promesse unilatérale est le contrat par lequel
une partie, le promettant, accorde à l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour
la conclusion d’un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la
formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire ». La promesse
unilatérale confère au bénéficiaire une option : conclure ou non le contrat projeté.
233. Contrat unilatéral. La promesse unilatérale est un contrat. Sa formation
suppose un accord de volontés : le bénéficiaire accepte que le promettant lui pro-
mette la formation du contrat envisagé (la promesse unilatérale se distingue de
l’offre de contracter, qui est un simple acte unilatéral).
La promesse unilatérale est un contrat unilatéral. Seul le promettant donne son
consentement au contrat envisagé, le bénéficiaire disposant d’un droit d’option

1. Civ. 1, 11 juill. 2006, n° 03-18528, Bull. civ. I, n° 389 ; D. 2006, p. 2510, note P.-Y. Gautier ;
JCP 2006, II, 10191, note M. Mekki : s’agissant d’un pacte de préférence inséré dans un acte de
donation-partage, la Cour de cassation décide que le tiers acquéreur était censé en connaître l’existence
en raison de l’opposabilité aux tiers de l’acte de donation-partage publié au Service de la publicité
foncière et qu’en conséquence il avait commis une faute de négligence en omettant de s’informer
précisément des obligations mises à la charge de son vendeur par ce pacte.
2. V. not. A. Bénabent, « Les nouveaux mécanismes », RDC 2016, p. 17.

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(la promesse unilatérale se distingue de la promesse synallagmatique qui comporte
le consentement des deux parties au contrat envisagé).
234. Indemnité d’immobilisation. Les promesses unilatérales de vente d’im-
meubles prévoient généralement une « indemnité d’immobilisation » à la charge
du bénéficiaire, pour le cas où il ne lèverait pas l’option. Cette indemnité est « le
prix de l’exclusivité consentie au bénéficiaire de la promesse1 ».
L’indemnité d’immobilisation ne remet-elle pas en question le caractère unilatéral
de la promesse ? La réponse est, en principe, négative. La promesse reste unilatérale
tant qu’elle n’engage pas le bénéficiaire à conclure le contrat projeté ; partant, la
stipulation d’une indemnité d’immobilisation ne justifie pas une requalification
de la promesse, qui reste unilatérale même si elle est à titre onéreux2. Cependant
la jurisprudence, pragmatique, admet que la promesse présente un caractère
synallagmatique lorsque l’indemnité d’immobilisation est d’un montant tel que
le bénéficiaire est, en fait, contraint de conclure le contrat3.
235. Diversité. La promesse unilatérale peut précéder la conclusion de toute
espèce de contrat : bail, société, prêt… L’exemple le plus commun est la promesse
unilatérale de vente : le promettant accepte de vendre son immeuble à tel prix au
bénéficiaire, tandis que celui-ci demeure libre de l’acheter ou non.
b. Régime de la promesse unilatérale
236. On examinera successivement la formation de la promesse, la situation créée
par la promesse et enfin la sanction de la promesse. On raisonnera dans les lignes
qui suivent sur l’exemple d’une promesse unilatérale de vente.
• La formation de la promesse
237. Conditions de fond. La promesse unilatérale doit contenir les éléments
essentiels du contrat envisagé, afin que celui-ci puisse être conclu si le bénéficiaire
lève l’option. La promesse unilatérale de vente requiert donc la capacité de disposer
du promettant ainsi que la détermination de la chose et du prix. Le promettant

1. Civ. 1, 5 déc. 1995, n° 93-19874, Bull. civ. I, n° 452 ; Def., 1996, p. 757, obs. D. Mazeaud, et p. 814
obs. A. Bénabent ; v. P. Pierre, « Le prix de l’exclusivité dans les promesses unilatérales de vente »,
JCP 1996, I, 3981.
2. Com., 25 avr. 1989, n° 87-17281, Bull. civ. IV, n° 136, ne peut être qualifiée de synallagmatique « la
promesse de vente qui ne contenait pas, en contrepartie de l’engagement de vendre, un engagement
corrélatif d’acheter à la charge du bénéficiaire ».
3. V. not. Com., 20 nov. 1962, Bull. civ., n° 470 ; D. 1963, p. 3 ; Com., 13 févr. 1978, n° 76-13429,
Bull. civ. IV, n° 60.

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doit, au jour de la promesse, avoir la capacité1 et le pouvoir2 de disposer du bien ;
la disparition ultérieure de ces éléments est indifférente3.
238. Conditions de forme. La promesse est en principe consensuelle, mais ce
principe connaît certaines exceptions. On présentera les plus importantes.
Formalisme fiscal. La loi du 19 septembre 19634 a imposé, à peine de nullité,
l’enregistrement dans les dix jours de son acceptation par le bénéficiaire de toute
promesse unilatérale de vente (il s’agit de l’acceptation permettant la formation
de la promesse, non de la levée de l’option) portant sur un immeuble, un droit
immobilier, un fonds de commerce ou sur les cessions de droits afférents à cer-
taines sociétés (art. 1589-2 C. civ. ; ancien art. 1840 A GGI). Cette disposition
est interprétée par la jurisprudence de façon stricte : elle concerne les promesses
unilatérales de vente mais non les promesses unilatérales d’achat ; elle ne concerne
pas les promesses unilatérales de vente intégrées dans une convention principale
plus large5.
Promesses de longue durée. La loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 a ajouté deux
articles dans le Code de la construction et de l’habitation. L’article L. 290-1 CCH
prévoit que toute promesse de vente (unilatérale ou synallagmatique) portant sur
un immeuble ou un droit réel immobilier consentie par une personne physique
pour une durée supérieure à 18 mois (ou dont la prorogation porte la durée
totale à plus de 18 mois) doit être passée par acte authentique à peine de nullité.
L’article L. 290-2 CCH concerne uniquement les promesses unilatérales : elles
doivent prévoir, à peine de nullité également, une indemnité d’immobilisation
d’un montant minimal de 5 % du prix de vente.
Promesse de conclure un contrat solennel. La promesse unilatérale de conclure un
contrat solennel doit-elle respecter les conditions de forme requises pour l’acte
définitif ? Une distinction s’impose, semble-t‑il, selon la finalité de la condition

1. V. par ex. : Com., 14 juin 1982, n° 80-14396 ; Gaz. Pal. 1983, 1, pan. jur. p. 19, obs. J. Dupichot.
V. ég. Com., 19 juin 1972, n° 71-12845, Bull. civ. IV, n° 196 ; D. 1972, p. 607, la capacité commer-
ciale du promettant est exigée pour la promesse portant sur un fonds de commerce.
2. Civ. 1, 2 juin 1981, n° 79-14396, Bull. civ. I, n° 187, dans le régime de la communauté, la promesse
de vente d’un immeuble dépendant de la communauté suppose le consentement des deux époux.
3. Civ. 3, 7 janv. 1982, n° 80-14396.
4. L. n° 62-1241 du 19 décembre 1963.
5. Par ex. la promesse comprise dans un contrat de crédit-bail : Civ. 3, 3 nov. 1981, Bull. civ. III, n° 173 ;
D. 1982, IR, p. 409, obs. M. Vasseur ; Def., 1982, p. 423, obs. J.-L. Aubert ; RTD civ. 1982, p. 434,
obs. P. Rémy. Ou encore la promesse comprise dans une transaction : Ass. plén., 24 févr. 2006,
n° 04-20525, Bull. Ass. plén., n° 1 ; JCP 2006, II, 10065, concl. J. Cédras ; D. 2006, p. 2076, note
C. Jamin ; RDC 2006, p. 689, obs. Y.-M. Laithier ; RTD civ. 2006, p. 301, obs. J. Mestre et B. Fages.

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de forme : si la condition de forme a pour objet la protection du consentement
de l’une des parties, elle doit être respectée dans la promesse1 ; en revanche si la
condition de forme n’a pas pour objet la protection du consentement de l’une
des parties, la promesse peut être valablement conclue du seul consentement des
parties2.
• La situation créée par la promesse
239. Attente. Pendant la durée d’efficacité de la promesse, le promettant se trouve
dans une situation d’attente. Ayant donné son consentement au contrat, il ne
peut le rétracter et il n’a pas le droit de conclure avec un tiers le contrat promis
au bénéficiaire.
Le bénéficiaire dispose d’un droit d’option : il peut décider librement de conclure
le contrat ou non. Le droit d’option reconnu au bénéficiaire n’est pas un droit de
créance, qui suppose un sujet actif (le créancier) et un sujet passif (le débiteur).
Le droit d’option s’analyse comme un droit potestatif. Les droits potestatifs sont
des droits qui permettent d’influer sur des situations juridiques préexistantes en
les modifiant ou en les éteignant au moyen d’une activité unilatérale3. On trouve
d’autres exemples de droits potestatifs en droit des contrats : droit de préemption
ou de retrait, faculté de dédit, droit de demander la nullité ou la résolution, droit
de résiliation unilatérale d’un contrat à durée déterminé.
240. Durée. Le plus souvent, les parties ont prévu la durée de l’option consentie
au bénéficiaire, en fixant un terme extinctif. À défaut de levée de l’option, la
promesse s’éteint à l’arrivée du terme.
Dans le cas contraire, lorsque les parties n’ont pas prévu de terme extinctif, la
promesse est à durée indéterminée. En application du principe de libre résiliation
des contrats à durée indéterminée (art. 1211 C. civ.), le promettant peut résilier

1. En ce sens : CA Amiens, 27 nov. 1973, D. 1974, p. 780, l’arrêt est rendu en application de l’ar-
ticle L. 141 C. com. (abrogé L. n° 2019-744 du 19 juillet 2019). V. ég. s’agissant de la donation :
Aix-en-Provence, 11 janv. 1983, D. 1985, p. 169, note G. Légier ; RTD civ. 1985, p. 604, obs.
J. Patarin.
2. En ce sens : J. Flour, J.-L. Aubert et É. Savaux, n° 307.
3. V. I. Najjar, Le droit d’option. Contribution à l’étude du droit potestatif et de l’acte unilatéral, préf.
P. Raynaud, LGDJ, 1967, spéc. n° 99 et s. ; S. Valory, La potestativité dans les relations contractuelles,
PUAM, 1999, 598 p. ; J. Rochfeld, « Les droits potestatifs accordés par le contrat », Études offertes à
J. Ghestin, LGDJ, 2001, p. 747 et s. ; C. Pomart-Nomdedeo, « Le régime juridique des droits potestatifs
en matière contractuelle, entre unité et diversité », RTD civ. 2010, p. 209 et s.

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la promesse en respectant un préavis raisonnable1. En outre, le droit d’option de
durée indéterminée s’éteint par l’effet de la prescription quinquennale de droit
commun (art. 2224 C. civ.) – contrairement au pacte de préférence (sur lequel,
v. supra, n° 226).
241. Faculté légale ou conventionnelle de rétractation. Pour certains contrats
le législateur a prévu une faculté de rétractation au profit de l’une des parties. Par
exemple, l’article L. 271-1 du Code de la construction et de l’habitation confère
un droit de rétractation dans un délai de dix jours à l’acquéreur non professionnel
d’un bien à usage d’habitation2. Ce texte permet au bénéficiaire de la promesse
unilatérale de se rétracter sans perdre l’indemnité d’immobilisation. Par ailleurs,
les parties peuvent convenir d’une faculté de rétractation au profit de l’une d’elles
ou bien des deux3.
242. Condition suspensive. Les promesses unilatérales de vente d’immeuble
comportent généralement une ou plusieurs conditions suspensives ; par exemple :
condition suspensive d’obtention d’un permis de construire, condition suspensive
d’obtention d’un prêt, cette dernière condition étant présumée par la loi pour les
ventes d’immeubles à des particuliers (art. L. 313-42 C. cons.). Si la condition
défaille, la promesse est caduque : les deux parties sont libérées et le bénéficiaire
n’est pas tenu de payer l’indemnité d’immobilisation (il pourra en obtenir resti-
tution s’il l’a déjà versée). Si la condition se réalise, la promesse devient pure et
simple en principe à compter de l’accomplissement de la condition (art. 1304-6
al. 1er C. civ.) mais les parties ont pu prévoir que l’accomplissement de la condition
rétroagira (art. 1304-6 al. 2 C. civ.). Enfin, reprenant en substance la règle de
l’ancien article 1178 C. civ., l’article 1304-3, al. 1er, C. civ. énonce : « La condi-
tion suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché
l’accomplissement ».

1. V. en ce sens : Civ. 3, 25 mars 2009, n° 08-12237, Bull. civ. III n° 69 ; D. 2010, p. 224, obs. S. Amrani-
Mekki ; Def., 2009 p. 1270, obs. R. Libchaber ; RDC 2009, p. 995, obs. Y.-M. Laithier ; Dr. et pat.
juill. 2009, p. 84, obs. L. Aynès.
2. CCH, art. L. 271-1 : « Pour tout acte ayant pour objet la construction ou l’acquisition d’un immeuble
à usage d’habitation, la souscription de parts donnant vocation à l’attribution en jouissance ou en
propriété d’immeubles d’habitation ou la vente d’immeubles à construire ou de location-accession à
la propriété immobilière, l’acquéreur non professionnel peut se rétracter dans un délai de dix jours à
compter du lendemain de la première présentation de la lettre lui notifiant l’acte ».
3. Par ex., dédit en faveur du promettant : Paris, 9 nov. 1981, D. 1982, p. 171, note J.-L. Aubert.

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243. Transfert. La promesse unilatérale est transmise par voie de transmission
universelle de patrimoine1, sauf si les parties lui ont conféré un caractère stricte-
ment personnel.
La promesse unilatérale peut également être cédée entre vifs, sauf règle contraire
prohibant une telle cession2. La cession d’une promesse unilatérale s’analyse
comme une cession de contrat : elle est donc soumise à la formalité de l’enregis-
trement imposée par l’article 1589-2 du Code civil (ancien art. 1840 A CGI).
Cependant ce formalisme fiscal est le plus souvent contourné dans la pratique.
En effet il est souvent prévu dans la promesse la faculté pour le bénéficiaire de se
substituer un tiers de son choix, or la jurisprudence décide que la substitution de
personne ne s’analyse pas comme une cession de contrat et ne relève donc pas du
domaine de l’article 1589-2 du Code civil. Après avoir qualifié la substitution de
stipulation pour autrui dans un arrêt3, la Cour de cassation se contente aujourd’hui
d’affirmer qu’elle « n’a pas le caractère d’une cession »4. L’analyse juridique de la
substitution de personnes dans la promesse unilatérale est très incertaine. Elle
pourrait s’expliquer par l’idée que la mise en œuvre de la faculté de substitution
vaut levée d’option pour le tiers qui est ainsi engagé à la vente. Cette explication
audacieuse permet d’éluder le formalisme fiscal mais elle présente certains incon-
vénients sur le plan civil : ayant levé l’option, le tiers substitué ne peut pas, à son
tour, se substituer un tiers car la levée d’option ne peut être opérée qu’une seule
fois5. Au lendemain de la réforme du droit des contrats qui a introduit la cession

1. La promesse peut être levée contre les héritiers du promettant : Civ. 3, 8 sept. 2010, n° 09-13345,
Bull. civ. III, n° 153 ; JCP 2010, 1051, note G. Pillet ; JCP 2011, 63, note J. Ghestin, RDC 2010,
p. 1079, note D. Mazeaud et T. Revêt ; Def., 2010, p. 2123, obs. L. Aynès ; RDC 2011, p. 57, obs.
T. Génicon et p. 153, obs. P. Brun. La promesse est transmise aux héritiers du bénéficiaire : Civ.,
1er août 1912, S. 1915, 1, p. 85.
2. L. n° 93-122 du 29 janv. 1993, art. 52, frappant d’une nullité d’ordre public toute cession consentie
à titre onéreux par un professionnel de l’immobilier.
3. Civ. 3, 2 juill. 1969, Bull. civ. III, n° 541 ; D. 1970, p. 150, note J.-L. Aubert.
4. Civ. 3, 17 avr. 1984, n° 83-12106, Bull. civ. III, n° 87 ; D. 1985, p. 234, note I. Najjar ; D. 1987,
p. 454, note L. Aynès ; Civ. 3, 19 mars 1997, n° 95-12473, Bull. civ. III, n° 68 ; Def., 1997, p. 1351
note D. Mazeaud ; JCP 1997, I, 4039, note M. Billiau ; D. 1997, somm. p. 341, obs. P. Brun. L. Boyer
« clause de substitution et promesse de vente », JCP 1987, I, 3310. Pour une critique de cette juris-
prudence : P. Brun, « Nature juridique de la clause de substitution dans le bénéfice d’une promesse
unilatérale de vente : une autonomie de circonstance », RTD civ. 1996, p. 29.
5. V. Civ. 3, 19 déc. 2001, n° 98-21747, RDC 2004, p. 683, obs. P. Collart-Dutilleul.

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de contrat dans le Code civil (art. 1216 à 1216-3 C. civ.), la question est posée de
la pérennité de cette jurisprudence1.
244. Dénouement de la promesse. Le dénouement de la promesse s’organise
selon deux possibilités. Si le bénéficiaire ne lève pas l’option, il renonce à conclure
le contrat. La promesse est caduque. Il est souvent prévu, surtout en matière immo-
bilière, que le bénéficiaire devra alors verser une indemnité d’immobilisation ou
qu’elle restera acquise au promettant si elle lui avait été versée. Si le bénéficiaire lève
l’option pendant la durée d’efficacité de la promesse, il adjoint son consentement
à celui du promettant, ce qui provoque la formation du contrat promis.
Dans certains contrats, notamment la vente d’immeuble, la levée d’option doit
être suivie de l’accomplissement de formalités pour assurer l’opposabilité de la
vente (rédaction d’un acte authentique et publication au service de la publicité
foncière). On se trouve alors dans une situation qui est exactement celle résultant
de la promesse synallagmatique de vente (sur laquelle, v. infra, n° 248 et s.).
• La sanction de la promesse
245. Présentation générale. Quelle est la sanction applicable en cas de violation
de la promesse par le promettant ? Il convient d’envisager successivement les deux
formes que peut prendre cette violation : la rétractation du promettant, d’une
part, et la conclusion par le promettant d’un contrat en violation de la promesse,
d’autre part.
246. Rétractation. Ayant donné son consentement au contrat définitif, le promet-
tant ne peut se rétracter. Mais la sanction applicable en cas de rétractation fautive
a longtemps été incertaine. Dans un arrêt du 15 décembre 1993, la troisième
chambre civile de la Cour de cassation avait décidé que la réalisation forcée de la
vente ne peut être ordonnée car « tant que les bénéficiaires n’avaient pas déclaré
acquérir, l’obligation de la promettante ne constituait qu’une obligation de faire
et que la levée d’option, postérieure à la rétractation de la promettante, excluait

1. Certains auteurs considèrent que cette clause de substitution devrait dorénavant être rattachée à la
catégorie de la cession de contrat qui a été consacrée par l’ordonnance de 2016 : R. Boffa, « Les clauses
relatives aux opérations translatives », JCP N 2016, n° 13, 1115 ; M. Mekki, « Réforme des contrats
et des obligations : la promesse unilatérale de contrat », JCP N 2016, act. 1071 ; C. Lisanti, « La
clause de substitution dans les contrats préparatoires : clause de cession de contrat ? », JCP N 2017,
1270. D’autres au contraire prônent le statu quo, les motifs juridiques ou politiques qui ont incité la
jurisprudence à soustraire les clauses de substitution au formalisme fiscal n’étant pas remis en cause :
C. Gijsbers, « Faut-il “rebaptiser” les clauses de substitution après la réforme du droit des obligations ? »,
JCP N 2016, act. 1194.

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toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d’acquérir »1. Suivant cette
jurisprudence, le manquement du promettant à sa promesse n’est sanctionné que
par des dommages et intérêts. Cette jurisprudence a suscité de fortes critiques2
car elle se fonde sur une analyse contestable de la promesse unilatérale : celle-ci ne
fait pas naître d’obligation à la charge du promettant ; elle contient son consente-
ment au contrat envisagé et ce consentement est irrévocable en vertu de la force
obligatoire du contrat de promesse. Pour le dire autrement : on n’exécute pas une
promesse, on la respecte.
Cette funeste jurisprudence a été brisée par l’ordonnance du 10 février 2016. Le
nouvel article 1124 alinéa 2 du Code civil énonce : « La révocation de la promesse
pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du
contrat promis ». La levée d’option pendant le délai de validité de la promesse a
pour effet de former le contrat, nonobstant toute volonté contraire du promettant :
la volonté du promettant de révoquer son engagement est tout simplement sans
effet. La promesse est irrévocable.
247. Conclusion d’un contrat en violation de la promesse. Que se passe-t‑il si
le promettant a conclu avec un tiers le contrat qu’il avait promis au bénéficiaire ?
L’article 1124, alinéa 3, du Code civil prévoit que « le contrat conclu en violation
de la promesse unilatérale avec un tiers qui en connaissait l’existence est nul ». À
l’inverse, si le tiers acquéreur n’avait pas connaissance de l’existence de la promesse,

1. Civ. 3, 15 déc. 1993, n° 91-10199 (Cruz), Bull. civ. III, n° 174 ; JCP 1995, II, 22366, note
D. Mazeaud ; D. 1994, p. 507, note F. Bénac-Schmidt ; D. 1994, somm. p. 230, obs. O. Tournafond ;
D. 1995, somm. p. 87, obs. L. Aynès ; RTD civ. 1994, p. 588, obs. J. Mestre. La Cour de cassation
avait maintenu sa jurisprudence en dépit des critiques de la doctrine, v. not. : Civ. 3, 11 mai 2011,
Bull. civ. III, n° 77 ; D. 2011, p. 1457, note D. Mazeaud ; p. 1460, note D. Mainguy ; RTD civ. 2011,
p. 532, obs. B. Fages. Elle avait cependant limité sa portée en admettant les clauses d’exécution forcée :
Civ. 3, 27 mars 2008, JCP 2008, II, 10147, note G. Pillet ; RDC 2008, p. 734, obs. D. Mazeaud ;
RTD civ. 2008, p. 475, obs. B. Fages.
2. V. not., outre les notes et observations sous l’arrêt Cruz citées ci-dessus : H. Lécuyer, « Le contrat,
acte de prévision », Mélanges Terré, éd. Dalloz, PUF et Jurisclasseur, 1999, p. 643 s. ; P. Ancel, « Force
obligatoire et contenu obligationnel du contrat », RTD civ. 1999, p. 771 et s., spéc. n° 21 et 22 ;
D. Mazeaud, « Mystères et paradoxes de la période précontractuelle », Mélanges Ghestin, LGDJ, 2001,
p. 637 et s., spéc. n° 21 et s. ; D. R. Martin, « Des promesses précontractuelles », Mélanges Béguin,
Litec, 2005, p. 487 et s., spéc. n° 5 et s. ; G. Wicker, « L’engagement du promettant : engagement au
contrat définitif », RDC 2012, p. 649 ; N. Molfessis, « De la prétendue rétractation du promettant
dans la promesse unilatérale de vente », D. 2012, p. 231. Contra, en faveur de cette jurisprudence :
D. Mainguy, « L’efficacité de la rétractation de la promesse de contracter », RTD civ. 2004, p. 1 et s. ;
M. Fabre-Magnan, « L’engagement du promettant : engagement au contrat préparatoire », RDC 2012,
p. 633 ; M. Fabre-Magnan, « De l’inconstitutionnalité de l’exécution forcée des promesses unilaté-
rales, » D. 2015, p. 826.

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celle-ci lui est inopposable. Le contrat passé en violation de la promesse est donc
valable ; le bénéficiaire peut seulement rechercher la responsabilité contractuelle
du promettant.
S’agissant plus particulièrement des ventes d’immeubles, il faut tenir compte
des règles de la publicité foncière1. Puisqu’elle ne confère aucun droit réel, la
promesse unilatérale ne relève pas du régime de la publicité foncière obligatoire
(art. 28-1° D. n° 55-22 du 4 janv. 1955) mais du régime de la publicité foncière
facultative (art. 37-1° D. n° 55-22 du 4 janv. 1955). Il s’ensuit que la promesse,
publiée ou non, n’est opposable aux tiers que s’ils en ont eu connaissance. La
publication pourra faciliter, en fait, la connaissance de la promesse par les tiers2.

C. La promesse synallagmatique
248. La promesse synallagmatique n’a pas retenu l’attention du législateur, à la dif-
férence du pacte de préférence et de la promesse unilatérale. Ce silence s’explique
sans doute par la nature juridique de la promesse synallagmatique, qui en principe
n’a pas d’existence autonome par rapport au contrat définitif. C’est ce que l’on
vérifiera en étudiant successivement la notion (a) et le régime (b) de la promesse
synallagmatique.
a. Notion de promesse synallagmatique
249. Définition. La promesse synallagmatique est le contrat par lequel les deux
parties donnent leur consentement à un contrat dont les conditions sont d’ores
et déjà déterminées. Cette définition soulève la question de l’autonomie de la
promesse synallagmatique par rapport au contrat définitif : est-elle un contrat
préparatoire ou bien forme-t‑elle le contrat définitif ? La réponse est nuancée. Il
convient de distinguer selon la nature du contrat définitif. On envisagera succes-
sivement les contrats consensuels, les contrats solennels et les contrats réels.
• Contrats consensuels
250. Absence d’autonomie de la promesse. Le consensualisme conduit à l’assimi-
lation de la promesse synallagmatique au contrat définitif. Un contrat consensuel

1. D. n° 55-22 du 4 janv. 1955, portant réforme de la publicité foncière.


2. Pour un exemple : Civ. 3, 8 juill. 1975, n° 73-14486, Bull. civ. III, n° 249 : la promesse n’avait pas
été publiée mais le notaire chargé de rédiger l’acte en avait eu connaissance et avait informé le tiers
acquéreur « des difficultés qui pouvaient se révéler en raison de l’existence de cette promesse » ; le
tiers acquéreur a répondu qu’il en faisait « son affaire personnelle » et a déchargé le notaire de toute
responsabilité ; la vente a été passée en violation de la promesse : la responsabilité du tiers acquéreur
est engagée, mais non celle du notaire.

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est formé par le consentement des parties sur les éléments essentiels du contrat ; or
la promesse synallagmatique comporte le consentement des parties sur les éléments
essentiels ; partant, rien ne distingue la promesse synallagmatique d’un contrat
définitif.
Cette assimilation de la promesse synallagmatique au contrat définitif est expres-
sément prévue par le Code civil en matière de vente : « La promesse de vente
vaut vente, lorsqu’il y a consentement des parties sur la chose et sur le prix »
(art. 1589 C. civ.). Elle est admise par la jurisprudence pour les autres contrats
consensuels1.
Les promesses synallagmatiques préparant un contrat consensuel s’analysent
comme des contrats définitifs dont les effets sont suspendus par certaines moda-
lités (terme ou condition). Par exemple, pour les ventes d’immeubles (qui sont
en principe consensuelles), la promesse synallagmatique de vente vaut vente mais
le transfert de propriété et le paiement du prix sont suspendus à la réalisation de
certaines conditions (par ex. obtention de documents d’urbanisme, d’un prêt…)
et retardés par l’effet d’un terme suspensif (le plus souvent, la signature de l’acte
notarié) (v. infra, n° 258). La promesse synallagmatique de vente vaut vente à
terme et sous condition ; elle est dénommée « compromis2 » dans la pratique.
251. Autonomie de la promesse : l’hypothèse du formalisme conventionnel.
La jurisprudence admet que les parties peuvent, dans la promesse synallagma-
tique, subordonner la formation du contrat promis à une formalité. Dans une
telle hypothèse, le contrat de promesse est autonome par rapport au contrat
promis. Par exemple, les parties peuvent convenir que la formation de la vente
sera subordonnée à la signature de l’acte authentique. Dans un tel cas, la promesse
synallagmatique de vente ne se confond plus avec le contrat promis : elle contient
l’élément consensuel de la vente (l’accord des parties sur la chose et sur le prix),
mais cet élément ne suffit pas à opérer la formation de la vente (celle-ci ne sera
formée que lors de la signature de l’acte authentique). La règle « promesse de vente

1. V. par ex. Civ. 3, 28 mai 1997, n° 95-17953, Bull. civ. III, n° 116 : « la promesse de bail vaut bail
lorsqu’il y a accord des parties sur la chose et sur le prix ». Civ. 1, 28 mars 2000, n° 97-21422,
Bull. civ. I, n° 105 : le prêt consenti par un professionnel du crédit étant un contrat consensuel, les
juges en déduisent que la promesse de prêt vaut prêt.
2. Cette dénomination est regrettable, car le terme compromis désigne en principe un contrat par lequel
les parties soumettent leur litige à un arbitre.

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vaut vente », qui n’a qu’un caractère supplétif, est alors écartée : la promesse de
vente ne vaut pas vente1.
La jurisprudence exige que les parties aient clairement exprimé leur volonté d’ériger
la passation de l’acte authentique en condition de validité. Dans le doute, il faut
appliquer le principe du consensualisme : la vente est formée dès lors que les parties
se sont accordées sur les éléments essentiels2. Les droits allemand et suisse, plus
formalistes que le droit français, retiennent une solution différente en présumant
au contraire que la forme convenue est une condition de formation de l’acte3.
• Contrats solennels
252. Parallélisme des formes. Le contrat solennel est celui dont la formation est
soumise, à peine de nullité, à l’accomplissement d’une certaine forme. Puisque la
promesse vaut contrat définitif, elle doit obéir aux mêmes conditions de forme
que celui-ci. Le principe du parallélisme des formes s’impose comme une consé-
quence logique de l’absence d’autonomie de la promesse. La jurisprudence admet
cependant une exception, pour la promesse d’hypothèque4.
• Contrats réels
253. Les contrats réels sont les contrats dont la formation requiert, outre l’accord
de volontés, la remise de la chose qui en est l’objet (v. supra, n° 93). La promesse
consensuelle (formée du seul consentement des parties) préparant un contrat réel
est autonome par rapport au contrat préparé. Elle donne naissance à une obligation

1. V. not. Civ. 3, 10 mai 2005, n° 03-19238 ; RDC 2005, p. 1076, obs. F. Collart-Dutilleul, « la règle
selon laquelle promesse de vente vaut vente n’a qu’un caractère supplétif ».
2. Req., 4 mai 1936, D. 1936, p. 313, « l’énonciation dans un acte de vente sous seing privé portant
accord sur la chose et sur le prix, qu’un acte notarié sera ultérieurement dressé, n’a pour effet de
subordonner la formation et l’efficacité de l’acte à l’accomplissement de cette formalité que s’il résulte
clairement, soit des termes de la convention, soit des circonstances, que telle a été la volonté des parties ».
V. ég. Civ. 3, 5 janv. 1983, n° 81-14890, Bull. civ. III, n° 7 ; D. 1983, p. 617, note P. Jourdain ;
Civ. 3, 14 janv. 1987, D. 1988, p. 80, note J. Schmidt-Szaleweski ; Civ. 3, 20 déc. 1994, n° 92-20878,
Bull. civ. III, n° 229 ; JCP 1995, II, 22491, note C. Larroumet, censurant la décision qui, pour décider
que la promesse de vente ne vaut pas vente, relève simplement que le « compromis » stipule que
l’acquéreur ne sera propriétaire qu’à compter de la « réitération » par acte notarié.
3. V. Code suisse des obligations, art. 16 : « 1 Les parties, qui ont convenu de donner une forme spéciale
à un contrat pour lequel la loi n’en exige point, sont réputées n’avoir entendu se lier que dès l’accom-
plissement de cette forme ». V. ég. art. 154 (2) BGB : « s’il a été convenu que le contrat envisagé ferait
l’objet d’une constatation authentique, ce contrat, dans le doute, n’est pas conclu tant que cette
constatation n’a pas eu lieu ».
4. La promesse d’hypothèque peut être conclue sous seing privé : Req., 5 nov. 1860, DP 1861, 1, 301 ;
Civ. 3, 7 janv. 1987, n° 85-10608, Bull. civ. III, n° 4 ; Civ. 3, 7 avr. 1993, n° 91-10032, Bull. civ. III,
n° 55.

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de faire consistant en la remise de la chose ; l’exécution de cette obligation formera
le contrat définitif.
Par exemple, la jurisprudence admet que le prêt à usage ainsi que le contrat de
dépôt peuvent faire l’objet d’une promesse consensuelle, formée par le seul consen-
tement des parties. Dès avant la remise de la chose, il y a donc promesse de prêt
ou promesse de dépôt. Cette jurisprudence est critiquée par certains auteurs car
elle prive de toute sanction le formalisme1.
b. Régime de la promesse synallagmatique
254. On examinera la formation de la promesse, la situation créée par la promesse
et enfin la sanction en cas de violation de la promesse.
• La formation de la promesse
255. Conditions de fond. Les deux parties doivent avoir la capacité et le pouvoir
de passer le contrat définitif. Les éléments essentiels du contrat définitif doivent
être déterminés.
256. Conditions de forme. La promesse synallagmatique n’est en principe sou-
mise à aucune exigence de forme. Cependant, si le contrat définitif est un contrat
solennel, la promesse est solennelle également. C’est la règle du parallélisme des
formes (v. supra, n° 252).
• La situation créée par la promesse
257. Engagement des parties. La promesse synallagmatique comporte le consen-
tement des parties au contrat définitif et ce consentement est irrévocable, sous
réserve de l’exercice d’une faculté légale ou conventionnelle de rétractation (sur
lesquelles, v. supra, n° 197). Par exemple, l’article L. 271-1 du Code de la construc-
tion et de l’habitation accorde une faculté de rétractation dans un délai de dix jours
à tout acquéreur non professionnel d’un bien immobilier à usage d’habitation.
258. Modalités. La promesse est généralement assortie de certaines modalités qui
suspendent ses effets. S’agissant des promesses synallagmatiques de vente d’im-
meuble, elles comportent généralement une ou plusieurs conditions et un terme.
La condition est un événement futur, extérieur aux parties et dont la réalisation
est incertaine, auquel est subordonnée l’exécution du contrat (condition suspen-
sive) ou sa disparition (condition résolutoire) (art. 1304 C. civ.). Le plus souvent,
la promesse synallagmatique est conclue sous certaines conditions suspensives

1. M.-N. Jobard-Bachelier, « Existe-t‑il encore des contrats réels en droit français ? », RTD civ. 1984, p. 1.

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(obtention d’un prêt, purge d’un droit de préemption, délivrance du permis
de construire ou d’une autre autorisation…). Pour protéger l’acquéreur, la loi
(art. L. 313-41 C. cons.) prévoit que la promesse synallagmatique (ou unilatérale)
de vente d’un immeuble à usage d’habitation est réputée conclue sous la condition
de l’obtention du prêt. Si la condition défaille, le contrat est caduc. Si la condition
se réalise, la promesse devient pure et simple (v. infra, n° 592 et s.).
Le terme est un événement futur et certain (ce dernier caractère le distingue de
la condition) dont la date peut être connue (on parle de terme certain) ou non
(on parle de terme incertain) (art. 1305 C. civ.). Les promesses synallagmatiques
prévoient fréquemment une « date butoir » pour la signature de l’acte authentique.
Cette stipulation s’analyse comme un terme suspensif : le défaut de signature de
l’acte authentique à l’arrivée du terme ne rend pas la promesse caduque mais
constitue au contraire le « point de départ à partir duquel l’une des parties pourra
obliger l’autre à s’exécuter1 ».
259. Transmission et cession. La promesse est transmise par voie de transmission
universelle de patrimoine, sauf si les parties lui ont conféré un caractère strictement
personnel. Elle peut faire l’objet d’une cession entre vifs. Cette opération s’analyse
comme une cession de contrat2, laquelle est désormais réglementée (art. 1216 à
1216-3 C. civ.).
260. Promesses unilatérales croisées. La promesse synallagmatique ne doit pas
être confondue avec la situation qui résulte de l’addition de deux promesses uni-
latérales croisées (par exemple une promesse unilatérale de vente et une autre
d’achat portant sur le même bien). Le critère de distinction est la présence ou non
d’un droit d’option : soit les parties ont voulu se ménager un droit d’option et il
s’agit de deux promesses unilatérales croisées ; soit les parties n’ont pas voulu se
ménager un droit d’option et il s’agit d’une promesse synallagmatique3. Cependant
la jurisprudence est assez incertaine sur cette question4.

1. Civ. 3, 17 déc. 2008, n° 07-18062, Bull. civ. III, n° 211, décidant que la date butoir « constituait le
point de départ de la date d’exécution forcée du contrat ». V. ég. Civ. 3, 18 févr. 2009, n° 08-10677,
Bull. civ. III, n° 47 ; JCP N 2009, 1194, note J.-J. Barbièri ; JCP N, 2010, 1001, note S. Piedelièvre ;
RDC 2009, p. 110, note. G. Lardeux ; Civ. 3, 3 avril 2013, n° 12-15148.
2. Civ. 3, 7 juill. 1993, n° 91-12368, Bull. civ. III, n° 111 ; D. 1994, p. 597, note J.-P. Clavier ; D. 1994,
somm. p. 211 obs. A. Penneau.
3. V. en ce sens : Douai, 5 juin 1992, D. 1993, p. 257, note J. Moury.
4. La Cour de cassation assimile parfois de façon contestable des promesses unilatérales croisées à une
promesse synallagmatique : Com., 22 nov. 2005, Bull. civ. 2005, IV, n° 234 ; JCP E 2006, 1463,
note crit. A. Constantin ; Def., 2006 p. 605 obs. crit. R. Libchaber ; RDC 2006, p. 383, obs. crit.
P. Brun et p. 1095, obs. crit. A. Bénabent ; RTD civ. 2006, p. 302, obs. crit. J. Mestre et B. Fages ;

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• La sanction de la promesse
261. Promesse valant contrat définitif. La promesse de vente valant vente peut
donner lieu à des mesures d’exécution forcée. Notamment, dans le cas de la vente
d’immeuble, si le vendeur refuse de signer l’acte authentique, l’acquéreur peut
saisir le juge pour faire constater que la vente est parfaite : le jugement déclaratif,
tenant lieu d’acte de vente, pourra être publié au service de la publicité foncière1.
Dans cette situation, pour préserver les droits de l’acquéreur, le notaire dresse
un procès-verbal de carence sous la forme authentique qui est ensuite publié au
service de la publicité foncière. Cette publication n’a qu’un effet provisoire et
devra être complétée par la publication de l’acte de vente notarié (si le vendeur
se décide à signer) ou bien du jugement en tenant lieu, dans le délai de trois ans
(délai pouvant être prolongé par le juge). Cette dernière publication rendra la
vente rétroactivement opposable aux tiers à compter de la date de la première
formalité. C’est le système dit de la « prénotation », prévu par l’article 37-2 du
décret n° 55-22 du 4 janvier 19552.
262. L’hypothèse du formalisme conventionnel. Qu’en est-il dans les promesses
autonomes par la volonté des parties (formalisme conventionnel, v. supra, n° 251) ?
Traditionnellement la jurisprudence considère que la promesse de vente crée une
obligation de faire, consistant en « la réitération par acte notarié » et dont l’inexé-
cution se résout en dommages et intérêts3. Cette analyse affaiblit considérablement
la sécurité de l’opération : si l’une des parties se dérobe, elle ne sera condamnée
qu’à des dommages et intérêts.
263. Promesse de contrat réel. La jurisprudence admet la validité de la promesse
de contrat réel (par ex. promesse de contrat de prêt ou promesse de contrat de
dépôt) formée du seul consentement des parties (v. supra, n° 253). Cette promesse
crée une obligation de faire, consistant en la remise de la chose. Cette obligation
ne peut donner lieu à exécution forcée4.

J. Moury, « Menaces sur les promesses unilatérales de vente et d’achat croisées », D. 2006, p. 2793.
V. E. Schlumberger, Les contrats préparatoires à l’acquisition des droits sociaux, Dalloz 2013.
1. V. par ex. Civ. 3, 17 juill. 1991, 90-11940, Bull. civ. III, n° 218 ; D. 1992, somm. p. 193, obs.
G. Paisant ; Civ. 3, 20 déc. 1994, n° 92-20878, Bull. civ. III, n° 229 ; JCP 1995, II, 22491, note
C. Larroumet, préc. ; Civ. 3, 28 mai 1997, n° 95-20098, Bull. civ. III, n° 123.
2. V. J. et S. Piedelièvre, La publicité foncière, Expertise notariale, Defrénois, 2014, spéc. n° 291.
3. Civ. 3, 2 avr. 1979, n° 77-13125, Bull. civ. III, n° 84 ; JCP 1980, II, n° 19697, note crit. M. Dagot.
4. Civ. 1, 20 juill. 1981, n° 80-12529, Bull. civ. I, n° 267, la promesse de prêt d’argent ne peut donner
lieu qu’à des dommages et intérêts. La solution est la même pour la promesse d’hypothèque, dont la
jurisprudence admet la validité (v. supra, n° 252).

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Chapitre 2

L’intégrité des consentements

264. Présentation générale. Le consentement, défini comme la volonté exprimée


par chaque partie de conclure le contrat1, est un élément essentiel à la validité du
contrat (art. 1128 C. civ.). Il n’est donc pas surprenant que le Code civil prévoie
certaines exigences relatives au consentement. Le consentement doit émaner d’une
personne saine d’esprit et il ne doit pas être vicié. Le trouble mental (I) et les vices
du consentement (II) sont des causes de nullité du contrat.

I. Le trouble mental
265. On présentera les conditions de fond (1) puis les conditions de mise en œuvre
(2) de la nullité pour trouble mental.

1. Les conditions de fond de la nullité pour trouble mental


266. Trouble mental durable ou ponctuel. Le plus souvent, l’action en nullité
pour trouble mental est mise en œuvre pour faire annuler le contrat conclu par
une personne frappée d’une altération durable de ses facultés et qui sera ensuite
placée sous un régime de protection2. Mais cette action en nullité pour trouble
mental peut également être mise en œuvre pour faire annuler le contrat conclu
par une personne qui se trouve sous l’empire d’une altération passagère de ses
facultés mentales et qui ne fera donc pas l’objet d’une mesure de protection (par
ex. une personne sous l’effet d’un excès d’alcool, de l’usage de stupéfiants ou

1. Sur la distinction entre volonté déclarée et volonté interne, v. supra, n° 162.


2. C’est pourquoi la nullité pour trouble mental est parfois étudiée en lien avec le droit des incapacités,
dans les ouvrages de droit des personnes, v. par ex. P. Malaurie et L. Aynès, Droit des personnes, 8e éd.,
2016, n° 714 et s.

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encore d’une extrême fatigue1) ou même par une personne qui ne comprend pas
la langue du contrat2.
267. Nullité relative. Dans toutes ces hypothèses, le contrat est valable sous
l’angle du droit des incapacités, mais il peut être annulé pour trouble mental
(art. 1129 C. civ., qui renvoie à l’art. 414-1 C. civ.). Le contrat est entaché d’une
nullité relative.

2. Les conditions de mise en œuvre de la nullité


pour trouble mental
268. Premières vues. Dès lors que le consentement émane d’une personne qui
a la pleine capacité juridique, la santé mentale de son auteur est présumée. C’est
donc à celui qui agit en nullité (le contractant ou ses représentants) de démon-
trer l’existence d’un trouble mental au moment de la conclusion du contrat
(art. 414-1 C. civ.). Les conditions d’établissement de la preuve varient selon que
la personne a ensuite été placée sous tutelle ou non.
269. Ouverture d’une tutelle ou curatelle. Dans l’hypothèse où l’intéressé a
ensuite été placé sous tutelle ou sous curatelle, la période de deux ans précédents le
jugement d’ouverture du régime de protection est considérée comme « suspecte ».
Les actes accomplis pendant cette période peuvent être réduits ou annulés en
prouvant simplement que l’état qui a justifié l’ouverture de la mesure de protec-
tion était notoire ou connu du cocontractant à l’époque où l’acte a été accompli
(art. 464 C. civ.). L’action en nullité ou en réduction peut être exercée par la
victime ou par son tuteur ou bien, après sa mort, par ses héritiers dans la limite
de la prescription de cinq ans (art. 414-2 C. civ.). La nullité exige la preuve d’un
préjudice et elle est facultative pour le juge : celui-ci peut refuser de prononcer la
nullité au motif que l’acte a été conclu à des conditions normales3.

1. Civ. 1, 25 sept. 2013, n° 12-23197, Bull. civ. I, n° 177 ; RDC 2014, p. 10, note T. Génicon : le sous-
cripteur d’un contrat s’assurance vie avait signé, quelques jours après une intervention chirurgicale et
quelques semaines avant son décès, un avenant modifiant la clause bénéficiaire ; jugé que cette signature
n’établit pas sa volonté certaine et non équivoque de modifier les bénéficiaires du contrat.
2. Civ. 1, 2 oct. 2013, n° 12-21246, RDC 2014, p. 10, obs. T. Genicon : annulation de la renonciation
à succession consentie par une personne âgée ne sachant ni lire, ni écrire le français, car elle n’avait pas
eu conscience de la portée de son acte. V. ég. Civ. 3, 15 déc. 1998, n° 97-17673, Def., 1999, p. 1038,
note D. Talon.
3. Civ. 1, 4 juill. 2006, n° 05-12005, Def., 2007, p. 711, obs. D. Noguéro. V. ég. Civ. 1, 25 avr. 1989,
n° 87-18515, Bull. civ. I, n° 170 : la nullité est refusée au motif que l’acte est « conforme aux usages »
et que le cocontractant a agi « avec la plus grande correction ».

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270. Absence d’ouverture d’une tutelle ou curatelle. Dans l’hypothèse où l’au-
teur de l’acte n’a pas fait l’objet d’un placement sous tutelle ou sous curatelle il faut
établir l’existence d’un trouble mental « au moment de l’acte » (art. 414-1 C. civ.).
Si l’auteur de l’acte est vivant, cette preuve peut être rapportée par tous moyens
(par ex. expertise médicale, témoignages).
Si l’auteur de l’acte est décédé, la preuve du trouble mental ne peut en principe être
établie qu’à partir de l’acte lui-même (art. 414-2, 1° C. civ.). C’est le système dit
de la preuve intrinsèque. Cette règle vise à limiter les recherches sur l’état mental
d’une personne décédée. Elle a été jugée conforme à la constitution1. Cette règle est
cependant écartée dans trois hypothèses : si l’intéressé se trouvait sous sauvegarde
de justice lorsque l’acte a été accompli ; si une action avait été introduite avant son
décès aux fins d’ouverture d’une curatelle ou d’une tutelle ; si l’acte attaqué est une
donation ou un testament (art. 414-2 C. civ.). Dans ces trois hypothèses, la preuve
du trouble mental au moment de l’acte peut être rapportée par tous moyens.

II. Les vices du consentement


272. Premières vues. Les vices du consentement sont des faits qui, lors de la
conclusion du contrat, altèrent la lucidité ou la liberté du consentement. Il en
résulte une discordance entre la volonté interne (ce que voulait le contractant) et
la volonté déclarée (ce à quoi il a consenti) (sur les notions de volonté interne et
de volonté déclarée, v. supra, n° 162).
273. Trilogie. Le Code civil sanctionne trois vices du consentement : l’erreur, le
dol et la violence (art. 1130 à 1144 C. civ.)2.
Ces trois vices du consentement sont complémentaires, c’est pourquoi on parle de
théorie des vices du consentement. L’erreur, le dol et la violence reposent sur le même
fondement psychologique : ils n’entraînent la nullité que s’ils ont eu un caractère
déterminant sur le consentement, ce qui suppose que, sans eux, la victime « n’aurait
pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes »
(art. 1130 al. 1er C. civ.). Le caractère déterminant doit s’apprécier in concreto :
« eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a
été donné » (art. 1130 al. 2 C. civ.). Mais par-delà ce caractère commun, les trois

1. Cons. const., 17 janv. 2013, n° 2012-288, QPC ; RTD civ. 2013, p. 87, obs. J. Hauser.
2. Sur ces dispositions, v. not. Y.-M. Serinet, obs. in Observations sur le projet de réforme du droit des
contrats et des obligations (dir. J. Ghestin), Pet. Aff., numéro spécial 3-4 sept. 2015, n° 176 et 177,
p. 59. G. Loiseau, « Les vices du consentement », Cont. Conc. Cons. 2016, Dossier 3.

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vices du consentement se distinguent profondément. Si l’erreur est un vice du
consentement « à l’état pur », puisqu’elle repose exclusivement sur un fondement
psychologique, le dol et la violence ont une nature ambivalente puisqu’ils pré-
sentent tous deux à des degrés divers un aspect psychologique et un aspect délictuel.
La subtilité de la théorie des vices du consentement est encore accrue par des
impératifs contradictoires de politique juridique. En effet, si la nécessité de protéger
le consentement conduit à admettre largement la nullité pour vice du consentement,
l’impératif de sécurité juridique commande de défendre la force du contrat. Toute
altération du consentement n’est donc pas sanctionnée par le droit. La nullité
du contrat ne peut être prononcée que sous certaines conditions strictes sur le
fondement de l’erreur (1), du dol (2) ou de la violence (3).

1. L’erreur
274. Présentation générale. L’erreur se définit d’une façon générale comme une
fausse représentation de la réalité : elle consiste à tenir pour vrai ce qui est faux ou
tenir pour faux ce qui est vrai.
Toutes sortes d’erreurs peuvent être commises lors de la formation d’un contrat
mais, pour des raisons de sécurité juridique, on ne saurait admettre que toutes
puissent entraîner la nullité du contrat. Afin d’établir un juste équilibre entre la
protection du consentement et la sécurité juridique, le droit n’admet la nullité
que pour les erreurs les plus graves1.
Selon l’article 1132 du Code civil : « L’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle
ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les
qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant ». Cette
disposition détermine les cas dans lesquels l’erreur peut être sanctionnée, ce qui
revient à délimiter le domaine de l’erreur (A), puis elle précise les caractères que
doit présenter l’erreur (B) pour être sanctionnée par la nullité du contrat (C).

A. Domaine de l’erreur
275. Le Code civil retient deux types d’erreurs susceptibles d’être sanctionnées :
l’erreur portant sur les qualités essentielles de la prestation (a) et l’erreur portant
sur les qualités essentielles du cocontractant (b), les autres erreurs étant considérées
comme indifférentes (c). Il faut cependant compter avec l’erreur-obstacle, notion
d’origine doctrinale dont l’autonomie est discutée (d).

1. J. Ghestin, La notion d’erreur dans le droit positif actuel, préf. J. Boulanger, LGDJ, 1971, n° 69 et s.

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a. L’erreur sur les qualités essentielles de la prestation
276. De la substance de la chose aux qualités essentielles de la prestation.
Le Code civil de 1804 visait l’erreur qui « tombe sur la substance même de la
chose » (ancien art. 1110 C. civ.). Il avait été admis très tôt, en doctrine et en
jurisprudence, que cette expression ne devait pas être entendue dans un sens
objectif, mais dans un sens subjectif1. Suivant cette interprétation, la substance
n’est pas la matière dont la chose est faite mais la qualité substantielle de la chose,
celle qui a déterminé le contractant à s’engager. Cependant on ne saurait admettre
que toute erreur déterminante d’une partie sur la qualité substantielle de la chose
puisse permettre l’annulation du contrat car cela risquerait de remettre en cause
la sécurité des contrats. Aussi la jurisprudence, éclairée par la doctrine, avait-elle
décidé que la nullité ne peut être prononcée que si les deux parties ont considéré
comme substantielle la qualité qui fait défaut.
Cette conception qui était largement partagée en doctrine à la veille de la réforme2
est consacrée par l’ordonnance du 10 février 2016. L’article 1132 du Code civil
vise l’erreur « sur les qualités essentielles de la prestation » et l’article 1133 du Code
civil indique que les qualités essentielles sont « celles qui ont été expressément ou
tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté ».
Le glissement des qualités substantielles aux qualités essentielles ne devrait rien
changer sur le fond.
277. Notion de qualités essentielles. La qualité essentielle est la qualité convenue.
L’identification de la qualité essentielle est une question de fait qui relève du
pouvoir souverain des juges du fond, ce qui explique que les décisions rendues par
la Cour de cassation sur cette question soient le plus souvent des arrêts de rejet3.
Le juge doit rechercher si la qualité manquante était essentielle pour les parties. Le
caractère essentiel peut s’apprécier in concreto (en considération du contractant)
ou bien in abstracto (en considération d’un contractant abstrait, de l’opinion com-
mune). La jurisprudence procède généralement à une appréciation in concreto, qui
est conforme à la conception subjective de la notion de qualité essentielle. Les juges
peuvent se référer aux stipulations contractuelles. Pour les ventes d’œuvres d’art,

1. Cette interprétation est conforme à la pensée de Pothier, v. R.-J. Pothier, Traité des obligations, 1764,
Réimp. Dalloz, 2011, n° 18 : « L’erreur annule la convention, non seulement lorsqu’elle tombe sur la
chose même, mais lorsqu’elle tombe sur la qualité de la chose que les parties ont eu principalement
en vue, et qui fait la substance de cette chose ».
2. V. not. J. Ghestin, La notion d’erreur dans le droit positif actuel, préf. J. Boulanger, LGDJ, 1971 ;
J. Ghestin, G. Loiseau et Y.-M. Serinet, t. 1, n° 1199 et s. ; J. Carbonnier, n° 40.
3. P. Malinvaud, « De l’erreur sur la substance », D. 1972, chron. p. 215.

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un décret est venu fixer le sens de certaines expressions (« de… » ; « école de… » ;
« attribué à… »)1. L’inexactitude de l’une des stipulations suffit à établir l’erreur2.
À défaut de précision suffisante du contrat, différents indices peuvent être pris en
compte tels que le prix3, les circonstances de la conclusion du contrat ou encore
les compétences du demandeur… Cependant, l’appréciation in abstracto permet
parfois de faciliter la preuve de l’erreur : une qualité déterminante dans l’opinion
commune sera généralement prise en compte4.
La consécration de la conception subjective de la notion de qualité essentielle
rend impossible l’établissement d’une liste des qualités susceptibles de vicier le
consentement. Parfois c’est la qualité matérielle de la chose qui est prise en consi-
dération5. D’autres fois c’est l’aptitude de la chose à remplir l’usage auquel on la
destine : la conformité d’un immeuble aux règles d’urbanisme6 ; la constructibilité
d’un terrain7 ; l’aptitude d’un animal8. D’autre fois encore c’est la qualité dont la
chose tire sa valeur : l’authenticité9 pour les œuvres d’art10.
278. Erreur sur sa propre prestation. Le plus souvent l’erreur porte sur la pres-
tation attendue de l’autre partie. Mais il est admis, depuis la célèbre affaire du
tableau de Nicolas Poussin, que le contractant peut invoquer une erreur sur sa

1. Décret n° 81-255 du 3 mars 1981 sur la répression des fraudes en matière de transactions d’œuvres
d’art et d’objets de collection.
2. Civ. 1, 27 fév. 2007 (aff. de la statuette de Sésostris III), Bull. civ. I, n° 90 ; D. 2007, p. 1632, note
P.-Y. Gautier ; JCP 2007, I, 195, n° 6, obs. F. Labarthe ; Cont. Conc. Cons., 2007, n° 146, obs.
L. Leveneur : « Attendu qu’en statuant ainsi alors qu’il résultait de ses propres constatations que la
référence à la période historique portée, sans réserve expresse, au catalogue n’était pas exacte, ce
qui suffisait à provoquer l’erreur invoquée, la cour d’appel a violé les textes susvisés ». V. ég. Civ. 1,
30 sept. 2008, n° 06-20.298, n° 06-21.254 ; Bull. civ. I, n° 217, à propos d’un décor de scène pour la
pièce « Tristan fou » réalisé sur l’idée de Salvador Dali.
3. L’acheteur qui a payé un prix modique ne peut prétendre qu’il croyait acquérir le tableau d’un peintre
réputé (Paris, 21 fév. 1950, D. 1950, p. 269).
4. Pas toujours cependant ce qui peut sembler étonnant, v. sur ce point P. Malinvaud, « De l’erreur sur
la substance », préc.
5. Req. 5 nov. 1929, DH 1929, p. 539.
6. Civ. 3, 12 mars 2003, n° 01-17207, Bull. civ. III, n° 63 ; D. 2003, p. 2 522, note Y.-M. Serinet.
7. Civ. 3, 13 juill. 1999, n° 97-16362, Bull. civ. III, n° 178.
8. Civ. 1, 5 févr. 2002, n° 00-12671, Bull. civ. I, n° 38 ; JCP 2003, II, 10175, note C. Lièvremont.
9. V. S. Lequette de Kervenoaël, L’authenticité des œuvres d’art, LGDJ 2006, préf. J. Ghestin, spéc. n° 99 :
« une œuvre d’art est dite authentique lorsqu’elle est le produit du travail de l’artiste auquel elle est
attribuée ».
10. V. par ex. : Civ. 1, 23 fév. 1970, n° 68-13563, Bull. civ. I, n° 66 ; D. 1970, p. 604, note J.-M. Étesse ;
JCP 1970, II, 16347, note P.A. ; RTD civ. 1970, p. 751, obs. Y. Loussouarn, des sièges présentés
comme des « marquises » Louis XV ne sont en fait que des « bergères » élargies constituées d’éléments
de différentes époques : il y a erreur sur la qualité substantielle.

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propre prestation1. Cette solution est confirmée par le nouvel article 1133 al. 2 :
« L’erreur est une cause de nullité lorsqu’elle porte sur la prestation de l’une ou
de l’autre partie ».
279. Erreur de droit ou de fait. L’erreur de droit est sanctionnée de la même
façon que l’erreur de fait2 (art. 1132 C. civ.). L’adage « nul n’est censé ignorer la
loi » bien connu en droit pénal n’est pas applicable ici.
280. Erreur et aléa. Les parties peuvent intégrer un aléa dans la définition de la
qualité essentielle. L’acceptation d’un aléa exclut l’erreur. On dit que « l’aléa chasse
l’erreur3 ». C’est ce qu’énonce désormais expressément l’article 1133, alinéa 3, du
Code civil : « L’acceptation d’un aléa sur une qualité de la prestation exclut l’erreur
relative à cette qualité ». Par exemple, l’acheteur d’un terrain qui, informé des
procédures en cours, a déclaré « faire son affaire personnelle de ces procédures et
s’obliger à en supporter toutes les conséquences quelles qu’elles soient, sans recours
contre les vendeurs » ne peut demander la nullité de la vente en cas d’annulation
du permis de construire4. De même si un tableau est vendu comme « attribué à
Fragonard », le vendeur ou ses ayants cause ne peuvent demander la nullité si le
tableau est finalement reconnu comme authentique5.
En revanche, la révélation après la formation du contrat d’un aléa que les par-
ties ignoraient peut caractériser une erreur6. Ainsi, lorsque les vendeurs se sont
engagés dans la conviction que le tableau était une œuvre anonyme, la vente peut

1. Affaire dite du « Poussin », citée supra. V. ég., pour une affaire similaire concernant un autre tableau de
Nicolas Poussin : Civ. 1, 17 sept. 2003, n° 01-15306, Bull. civ. I, n° 183 ; JCP 2004, I, 123, n° 1, obs.
Y.-M. Serinet ; Cont. Conc. Cons. 2004, n° 2, obs. L. Leveneur ; RTD civ. 2005, p. 123, obs. J. Mestre
et B. Fages.
2. V. par ex. : Civ. 1, 20 nov. 1990, n° 89-14103, Bull. civ. I, 250 ; RTD civ. 1992, p. 100, obs. J. Mestre :
l’engagement pris par une personne de réparer les conséquences d’un accident est nul en raison de
l’erreur de droit qu’elle a commise et consistant dans la croyance que les circonstances ne lui permet-
taient pas de s’exonérer de sa responsabilité. Com., 28 nov. 1968, D. 1968, p. 177, nullité de l’offre
d’indemnité d’éviction faite par les propriétaires dans la croyance erronée que le statut des baux
commerciaux était applicable. V. ég. Civ. 3, 24 mai 2000, n° 98-16132, Bull. civ. III, n° 114 ; D. 2001,
somm. 1135, obs. D. Mazeaud ; D. 2002, somm. 926, obs. O. Tournafond ; RTD civ. 2000, p. 824,
obs. J. Mestre.
3. J. Mestre, RTD civ. 1987, p. 743.
4. Civ. 3, 9 juin 2010, n° 08-13969, Cont. Conc. Cons. 2010, n° 222, obs. L. Leveneur ; RDC 2011,
p. 40, obs. E. Savaux.
5. Civ. 1, 24 mars 1987, n° 85-15736, Bull. civ. I, n° 105 ; D. 1987, p. 489, note J.-L. Aubert ;
RTD civ. 1987, p. 743, obs. J. Mestre. V. ég. Civ. 1, 20 mars 2001, n° 99-13177, JCP 2003, II,
10090, note J.-F. Césaro, une société avait acquis auprès d’un antiquaire des lettres présentées comme
« pouvant être attribuées à Picasso ».
6. V. J.-F. Cesaro, Le doute en droit privé, préf. B. Teyssié, éd. Panthéon-Assas, 2003.

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être annulée si par la suite le tableau est considéré comme l’œuvre de tel peintre
célèbre1. En sens inverse, lorsque l’acheteur s’est engagé dans la conviction de
l’authenticité de l’œuvre, la vente peut être annulée si par la suite il est établi que
l’attribution est douteuse2.
281. Erreur et garantie des vices cachés. La garantie des vices cachés que l’on
trouve notamment dans la vente (art. 1641 et s. C. civ.) permet à l’acheteur d’une
chose affectée d’un vice qui en empêche l’usage ou en diminue l’utilité de deman-
der soit la résolution du contrat (action rédhibitoire) soit la diminution du prix
(action estimatoire).
L’erreur et la garantie des vices cachés sont deux mécanismes distincts : l’erreur
sanctionne un défaut de formation tandis que la garantie des vices cachés sanc-
tionne un défaut d’exécution du contrat. Cependant le domaine d’application
de ces mécanismes se recoupe partiellement : l’erreur peut être la conséquence
d’un défaut caché de la chose qui la rend impropre à l’usage auquel on la destine.
Par exemple, lorsque l’acheteur d’un véhicule d’occasion se heurte au refus de la
préfecture de lui délivrer une carte grise au motif que le véhicule résultait d’un
assemblage de deux voitures accidentées3, il y a à la fois une erreur (l’acheteur ne
se serait pas engagé s’il avait su) et un vice caché (l’acheteur n’ayant pu obtenir la
carte grise, le véhicule est impropre à l’usage auquel on le destine).

1. Civ. 1, 22 févr. 1978 (affaire dite du « Poussin »), n° 76-11551, Bull. civ. I, n° 74 ; D. 1978, p. 601,
note P. Malinvaud ; puis Civ. 1, 13 déc. 1983, n° 82-12237, Bull. civ. IV, n° 293 ; D. 1984, p. 340,
note J.-L. Aubert ; JCP 1984, II, 20186, concl. Gulphe ; RTD civ. 1989, p. 104, obs. F. Chabas ; G.A.,
t. 2, n° 148-149. V. pour une affaire similaire, concernant un autre Poussin : Civ. 1, 17 sept. 2003,
n° 01-15306, Bull. civ. I, n° 183 ; JCP 2004, I, 123, n° 1, obs. Y.-M. Serinet ; Cont. Conc. Cons. 2004,
n° 2, obs. L. Leveneur ; RTD civ. 2005, p. 123, obs. J. Mestre et B. Fages.
2. La vente d’un pastel sur contre-épreuve présenté comme étant une œuvre du peintre Marry Cassatt est
annulée du fait de la révélation ultérieure d’un doute sur l’authenticité de cette œuvre : Civ. 1,
13 janv. 1998, n° 96-11881, Bull. civ. I, n° 17 ; D. 1999, somm. p. 13, obs. P. Brun ; D. 2000,
p. 54, note C. Laplanche ; Cont. Conc. Cons., 1998, note L. Leveneur. V. ég. Civ. 1, 28 oct. 2015,
n° 14-17893, Cont. Conc. Cons. 2016, n° 1, obs. L. Leveneur. Mais encore faut-il qu’il existe un
doute sérieux : V. Paris, 7 mai 2001, (Aff. du tableau Jardin à Auvers, de Van Gogh), D. 2001, IR
p. 1852 ; Pet. Aff. 4 avr. 2002, note C. Lachièze, estimant qu’il n’existe pas un doute sérieux, la Cour
d’appel refuse de prononcer la nullité. Le pourvoi contre cet arrêt est rejeté par : Civ. 1, 25 mai 2004 ,
n° 01-13357, Bull. civ. I, n° 152 ; RTD civ. 2005, p. 123, obs. J. Mestre et B. Fages.
3. Civ. 1, 28 juin 1988, n° 87-11818, Bull. civ. I, n° 211 ; D. 1989, p. 450, obs. C . Lapoyade-Deschamps ;
RTD civ. 1989, p. 342, obs. P. Rémy ; GA, t 2, n° 269.

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La question qui se pose est celle de savoir comment opérer l’articulation entre
l’erreur vice du consentement et la garantie des vices cachés1. La Cour de cassation
a, un temps, reconnu à l’acheteur le bénéfice d’une option entre erreur et garan-
tie des vices cachés2. Mais elle décide à présent que la présence d’un vice caché
implique que l’action en nullité pour erreur soit fermée3.
b. L’erreur sur les qualités essentielles du cocontractant
282. Contrats intuitu personae. Reprenant, dans une formulation plus claire,
la règle de l’ancien article 1110 alinéa 2, l’article 1134 du Code civil énonce :
« L’erreur sur les qualités essentielles du contractant n’est une cause de nullité
que dans les contrats conclus en considération de la personne ». Les « qualités
essentielles du contractant » sont celles qui ont été convenues, expressément ou
tacitement, par les parties. L’erreur peut porter sur l’identité civile du contractant
ou bien sur une qualité essentielle, notamment son expérience professionnelle4
ou son indépendance5.

1. Des intérêts pratiques sont attachés à cette question. Par certains côtés, l’erreur est plus avantageuse
pour le demandeur (le délai de prescription est de cinq ans pour l’erreur, deux ans pour la garantie
des vices cachés). Mais par d’autres côtés la garantie est plus intéressante (le panel des sanctions est
plus large : de l’anéantissement du contrat à une simple réfaction de celui-ci avec éventuellement une
réduction du prix ou une indemnisation, alors que l’erreur ne permet que la nullité).
2. V. Com., 8 mai 1978, n° 76-13575, Bull. civ. IV, n° 135 ; JCP 1982, II, 19758, note J. Ghestin ;
Civ. 3, 18 mai 1988, n° 86-18668, Bull. civ. III, n° 96 ; D. 1989, somm. p. 229, obs. J.-L. Aubert ;
Civ. 1, 28 juin 1988, n° 87-11918, Bull. civ. I, n° 211 ; D. 1989, somm. p. 229, obs. J.-L. Aubert ;
RTD civ. 1989, p. 342, obs. P. Rémy.
3. V. Civ. 1, 14 mai 1996, n° 94-13921, Bull. civ. I, n° 213 ; D. 1997, somm. p. 345, obs. O. Tournafond,
D. 1998, p. 305, note F. Jault-Seseke ; JCP 1997, I, 4009, obs. C. Radé : la garantie des vices cachés
constitue l’unique fondement possible de l’action intentée par l’acheteur de tuiles présentant un
vieillissement anormal. V. ég. Civ. 3, 7 juin 2000, n° 98-18966, Cont. Conc. Cons. 2000, n° 159, obs.
L. Leveneur ; D. 2002, somm. p. 1002, obs. P. Brun ; G.A., t. 2, n° 268 : la garantie des vices cachés
constitue l’unique fondement possible de l’action intentée par l’acheteur d’un appartement qui a
ensuite été frappé d’une interdiction d’habiter en raison de son exiguïté et de la non-conformité de
l’installation sanitaire. V. ég. Civ. 3, 30 mars 2011, n° 10-15309. On observera au passage que cette
solution rigide ne s’applique pas en cas de concours entre le dol et la garantie des vices cachés : Civ. 3,
10 avr. 2002, n° 00-16939, « l’ existence d’un vice caché n’excluant pas par elle-même la possibilité
d’invoquer le dol ».
4. Saint-Denis de la Réunion, 6 oct. 1989, JCP 1990, II, 21504, note E. Putman ; RTD civ. 1990,
p. 647, obs. J. Mestre : le contrat de création et rédaction d’un magazine est annulé, le demandeur
ayant établi qu’il avait l’intention de contracter avec une agence commerciale d’expérience et non avec
une personne physique qui en était dépourvue.
5. Civ. 2, 13 avr. 1972, n° 70-12774, Bull. civ. II, n° 91 ; JCP 1972, II, 17189, note P. Level : l’indépen-
dance à l’égard des parties est une qualité essentielle pour un arbitre.

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c. Les erreurs indifférentes
283. Erreur sur les motifs. Les motifs sont les raisons personnelles qui incitent un
contractant à s’engager ; ils ne sont pas en principe un élément essentiel du contrat,
même s’ils sont connus du cocontractant. Aussi l’erreur sur un motif est-elle en
principe indifférente1 (art. 1135 al. 1er C. civ.).
Toutefois l’erreur sur les motifs est sanctionnée dans deux hypothèses : lorsque
les parties ont intégré le motif dans le champ contractuel, en l’érigeant au rang de
condition du contrat (art. 1135 alinéa 1er C. civ.), et dans les libéralités (art. 1135
al. 2 C. civ.).
284. Erreur sur la valeur. Confirmant la jurisprudence antérieure2 l’article 1136
du Code civil prévoit que la simple erreur sur la valeur « par laquelle, sans se
tromper sur les qualités essentielles de la prestation, un contractant fait seulement
de celle-ci une appréciation économique inexacte, n’est pas une cause de nullité ».
L’erreur sur la valeur (ou erreur monétaire) est celle portant seulement sur l’évalua-
tion de la prestation sans qu’il y ait erreur sur les qualités essentielles de celle-ci3.
Par exemple, le tableau acheté est bien l’œuvre d’un peintre célèbre, mais il a été
acheté beaucoup trop cher par rapport au prix des œuvres de cet artiste. Une telle
erreur s’analyse comme une lésion : elle doit donc obéir au régime restrictif de
celle-ci (sur la lésion, v. infra, n° 355).
d. L’erreur-obstacle
285. Notion. Notion d’origine doctrinale, l’erreur-obstacle désigne une erreur
d’une telle gravité qu’elle fait échec à la rencontre des volontés4. C’est le cas, par
exemple, d’une erreur sur la nature du contrat, si l’une des parties pense vendre

1. Civ. 1, 13 févr. 2001, n° 98-15092, Bull. civ. I, n° 31 ; RTD civ. 2001, p. 352, obs. J. Mestre et
B. Fages ; JCP 2001, I, 330, n° 5, obs. J. Rochfeld ; Def., 2002, p. 476, note D. Robine, « l’erreur sur
un motif du contrat extérieur à l’objet de celui-ci [en l’occurrence, l’obtention d’avantages fiscaux]
n’est pas une cause de nullité de la convention, quand bien même ce motif aurait été déterminant ».
Dans le même sens : Civ. 3, 24 avr. 2003, n° 01-17458, Bull. civ. III, n° 82 ; D. 2004, p. 450, note
S. Chassagnard ; JCP 2003, II, 10135, note R. Wintgen ; RDC 2003, p. 42, obs. D. Mazeaud ;
RTD civ. 2003, p. 699, obs. J. Mestre et B. Fages ; RTD civ. 2003, p. 723, obs. P.-Y. Gautier ; Com.,
11 avr. 2012, n° 11-15429, Bull. civ. IV, n° 77 ; JCP 2012, p. 1151, obs. Y.-M. Serinet.
2. V. pour des exemples d’erreur sur la valeur d’actions de société : Com., 26 mars 1974, n° 72-14791,
Bull. civ. IV, n° 108 ; Com, 8 févr. 1997, n° 95-12617, Bull. civ. IV, n° 55.
3. J. Ghestin, La notion d’erreur dans le droit positif actuel, préf. J. Boulanger, LGDJ, 1971, n° 69 et s. ;
J. Ghestin, G. Loiseau et Y.-M. Serinet, t. 1, n° 1168 et s. ; J. Goubeaux, « À propos de l’erreur sur la
valeur », Études offertes à J. Ghestin, LGDJ, 2001, p. 389 et s.
4. J. Carbonnier, n° 41 ; H.L.J. Mazeaud, n° 161 ; F. Terré, P. Simler et Y. Lequette, n° 275.

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son bien tandis que l’autre pense le prendre en location1 ; ou bien d’une erreur
sur la chose objet du contrat, si l’une des parties pense vendre tel bien tandis que
l’autre partie pense acheter tel autre bien2 ; ou bien encore d’une erreur sur l’unité
monétaire : erreur entre anciens et nouveaux francs3 ou entre francs et euros4.
286. Régime. La jurisprudence a un temps sanctionné l’erreur-obstacle par
l’inexistence ou par la nullité absolue5. Mais depuis quelques années elle sanc-
tionne l’erreur-obstacle de la même façon que l’erreur vice du consentement : par la
nullité relative6. Le régime de l’erreur-obstacle ne présente semble-t‑il qu’une seule
particularité : elle justifie la nullité même lorsqu’elle est inexcusable7. L’ordonnance
du 10 février 2016 ne fait aucune mention de la notion d’erreur-obstacle.

B. Caractères de l’erreur
287. Caractère déterminant. Suivant l’article 1130 du Code civil l’erreur, comme
les autres vices du consentement, n’entraîne la nullité que si elle a été déterminante.
Cette exigence n’appelle pas de développement particulier car elle se confond avec
l’exigence du caractère essentiel de la qualité manquante8.
288. Caractère excusable. L’erreur est une cause de nullité « à moins qu’elle ne
soit inexcusable » (art. 1132 C. civ.). Est qualifié d’inexcusable l’erreur qui résulte
d’une faute de l’errans : par exemple s’il a manqué à son devoir de s’informer (sur

1. V. Civ. 3, 18 mars 1980, n° 78-13125, Bull. civ. III, n° 65.


2. Civ. 3, 16 déc. 2014, n° 14-14168, Cont. Conc. Cons. 2015, n° 55, obs. L. Leveneur : erreur d’identi-
fication du lot vendu ; Civ. 3, 21 mai 2008, n° 07-10772, Bull. civ. III, n° 92 ; D. 2008, p. 2965, obs.
S. Amrani-Mekki ; RDC 2008, p. 716, obs. T. Génicon : erreur d’identification du lot vendu ; Civ. 3,
1er févr. 1995, n° 92-16729, Bull. civ. III, n° 36 ; RTD civ. 1995, p. 879, obs. J. Mestre : vente d’une
propriété morcelée alors que l’acheteur la croyait d’un seul tenant.
3. Com., 14 janv. 1969, D. 1970, p. 458, note M. Pédamon ; RTD civ. 1969, p. 556, obs. Y. Loussouarn ;
Def., 1971, p. 111, obs. J.-L. Aubert.
4. Orléans, 13 mai 2004, RTD civ. 2005, p. 589, obs. J. Mestre et B. Fages ; Comm. comm. él. 2004,
144, note. P. Stoffel-Munck. V. ég. Pau, 6 juin 2005, JCP 2005, IV, 3420.
5. Civ. 3, 18 mars 1980, n° 78-13125, Bull. civ. III, n° 65.
6. V. Civ. 3, 26 juin 2013, n° 12-20934, Bull. civ. III, n° 85 ; RDC 2013, p. 1299, obs. T. Génicon ;
D. 2014, p. 630, obs. S. Amrani-Mekki et M. Mekki ; Dr. et pat. 2014, n° 234, p. 53, obs. L. Aynès.
7. V. Civ. 1, 10 mai 1995, n° 92-10736, Bull. civ. I, n° 194 ; Civ. 3, 21 mai 2008, préc., décidant que
l’erreur rend inutile la recherche du caractère excusable ; Civ. 3, 16 déc. 2014, préc. : « l’erreur portait
sur l’objet même de la vente et faisait obstacle à la rencontre des consentements de sorte que, fut-elle
inexcusable, elle entraînait la nullité de la vente ».
8. J. Ghestin et Y.-M. Serinet, Rép. civ. Dalloz, V° Erreur, spéc. n° 116 ; G. Chantepie et M. Latina,
n° 295. Contra, G. Vivien, « De l’erreur déterminante et substantielle », RTD civ. 1992, p. 305 ;
O. Deshayes, T. Génicon et Y.-M. Laithier, p. 179.

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le devoir de s’informer v. supra, n° 203 et 207). De non vigilantibus non curat
praetor : des insouciants le préteur (juge) n’a cure.
C’est au contractant qui s’oppose au prononcé de la nullité qu’il appartient de
démontrer le caractère inexcusable de l’erreur. Le caractère excusable ou non de
l’erreur est apprécié in concreto : en tenant compte des circonstances de la formation
du contrat ainsi que des capacités et du comportement de l’intéressé. L’erreur
commise par un professionnel agissant dans son domaine de compétence sera plus
facilement considérée comme inexcusable1.

C. Sanction de l’erreur
289. Preuve. La preuve de l’erreur incombe à celui qui prétend que son consen-
tement a été vicié. La preuve est libre s’agissant d’un fait juridique, mais elle est
généralement difficile à rapporter car l’erreur est une donnée psychologique.
290. Nullité relative. La sanction de l’erreur consiste dans la nullité du contrat
(art. 1132 C. civ.). Il s’agit d’une nullité relative.

2. Le dol
291. Définition. Le dol dans la formation du contrat est le comportement
déloyal de l’une des parties visant à induire en erreur l’autre partie, afin de l’inci-
ter à contracter. Le dol présente un aspect délictuel (le comportement déloyal
du cocontractant) qui s’ajoute à l’aspect psychologique (l’erreur). On examinera
successivement l’aspect délictuel du dol (A), son aspect psychologique (B) et enfin
sa sanction (C).

A. Aspect délictuel
292. Le dol suppose un élément matériel (a) et un élément intentionnel (b). En
outre le dol doit émaner du cocontractant (c).
a. Élément matériel du dol
293. Trilogie. Le dol était envisagé dans le Code civil de 1804 à l’article 1116
sous le terme de « manœuvres », mais la jurisprudence avait développé une concep-
tion extensive en assimilant aux manœuvres les mensonges puis la réticence.

1. Civ. 1, 2 mars 1964, Bull. civ. I, n° 122, est jugée inexcusable l’erreur d’un architecte sur la constructi-
bilité du terrain qu’il achète. Soc., 3 juill. 1990, n° 87-40349, Bull. civ. V, n° 329, est jugée inexcusable
l’erreur de l’employeur sur les compétences du salarié.

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L’ordonnance du 10 février 2016 confirme les élargissements que la jurisprudence
avait apportés à l’élément matériel du dol. Le nouvel article 1137 du Code civil
prévoit trois faits constitutifs d’un dol : les manœuvres, le mensonge et enfin la
dissimulation intentionnelle d’information qui correspond à la réticence dolosive.
294. Manœuvres. Les « manœuvres » sont des agissements positifs (mises en scène,
artifices) qui visent à tromper. Les manœuvres peuvent être très diverses : par
exemple « maquillage » d’un immeuble pour en dissimuler les défauts1, le truquage
du compteur kilométrique d’un véhicule2. Il y a également manœuvre dolosive
lorsque les vendeurs d’un bien immobilier demandent par SMS au gérant d’un bar
de réduire au minimum l’intensité du son pendant les visites d’un appartement
par les acquéreurs potentiels afin de dissimuler à ceux-ci le niveau des nuisances
sonores3.
295. Mensonges. Un mensonge peut constituer un dol même s’il n’est pas accom-
pagné d’actes extérieurs4. Le mensonge doit être distingué de l’habileté, la séduction
qui sont permises par le droit et qui ont leur part dans la conclusion du contrat. Le
vendeur doit pouvoir vanter son produit avec une certaine exagération5 ; le « sens
des affaires » doit pouvoir s’exprimer. La ligne de partage entre l’habileté permise
et le mensonge prohibé est assez ténue (c’est la distinction entre le dolus bonus et
le dolus malus). Un point est clair cependant : le fait de répondre mensongèrement
à une question précise concernant une qualité essentielle du produit est un dol6.
296. Dissimulation d’information. Pendant longtemps la jurisprudence a consi-
déré que le simple silence ne pouvait être considéré comme un dol7. Puis elle
a progressivement évolué pour admettre que « le dol peut être constitué par le
silence d’une partie dissimulant au cocontractant un fait qui, s’il avait été connu

1. Civ. 3, 28 mai 2002, n° 00-22339 et 01-03166, Dr. et Pat. oct. 2002, p. 101, obs. P. Chauvel.
2. Civ. 1, 31 janv. 1979, D. 1973, IR, p. 288.
3. Civ. 1, 7 avr. 2015, n° 14-13738 ; D. 2016, p. 566, obs. M. Mekki ; Cont. Conc. Cons. 2016, n° 164,
obs. L. Leveneur.
4. Civ. 3, 6 nov. 1970, n° 69-11665, Bull. civ. III, n° 587, JCP 1971, II, 16942, note J. Ghestin, « un
simple mensonge, non appuyé d’actes extérieurs, peut constituer un dol ».
5. V. pax ex. Paris, 12 avr. 1983, Gaz. Pal. 1983, 1, jur. p. 341 : un film publicitaire montrait des bull-
dozers jouant au football avec des valises de la marque Samsonite en laissant penser qu’elles résistaient
à ces traitements : l’arrêt écarte la qualification de publicité trompeuse au motif que cette publicité
« ne peut, par son outrance et exagération, finalement tromper personne ». La décision est rendue sur
le fondement de la publicité trompeuse, mais le raisonnement est transposable sur le terrain du dol.
6. V. par ex. Civ., 27 avr. 1953, D. 1953, p. 440.
7. V. Com., 1er avr. 1952, D. 1952, p. 685, note J. Copper-Royer.

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de lui, l’aurait empêché de contracter »1. Cette solution est aujourd’hui consacrée
à l’article 1137, alinéa 2, du Code civil.
Le dol par dissimulation d’information (ou réticence dolosive) est la forme la plus
fréquente de dol. Il y a dol par dissimulation, par exemple : lorsque le vendeur
d’un terrain ensoleillé dissimule le projet d’une construction voisine de grande
hauteur2 ; lorsque le vendeur dissimule le projet de construction d’une porcherie à
proximité de la maison vendue3 ; lorsque le gérant d’une société la cède en dissimu-
lant un accident du travail pour lequel il a été condamné et dont la société devra
supporter les conséquences financières4 ; lorsqu’une commune achète un terrain
non constructible sans révéler au vendeur qu’une procédure a été déclenchée pour
le rendre constructible5.
Le domaine du dol par dissimulation d’information n’est cependant pas sans
limite. Consacrant la jurisprudence antérieure6, le nouvel article 1137, alinéa 3,
du Code civil, issu de la loi de ratification du 20 avril 20187, prévoit que « ne
constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant
son estimation de la valeur de la prestation ».
Le dol par dissimulation d’information visé à l’article 1137, alinéa 2, du Code civil
présente des liens étroits avec l’obligation précontractuelle d’information prévue
à l’article 1112-1 du Code civil (v. supra, n° 203 et s.). Le dol par dissimulation
d’information suppose le manquement à l’obligation d’information, car on ne
saurait reprocher à un contractant d’avoir gardé par devers lui une information

1. Civ. 3, 15 janv. 1971, n° 69-12180, Bull. civ. III, n° 38 ; RTD civ. 1971, p. 839, obs. Y. Loussouarn ;
Civ. 3, 2 oct. 1974, n° 73-11901, Bull. civ. III, n° 330 ; G.A., t. 2, n° 150.
2. Civ. 3, 20 déc. 1995, n° 94-14887, Bull. civ. III, n° 268.
3. Civ. 3, 2 oct. 1974, préc.
4. Civ. 1, 15 mars 2005, n° 01-13018, Bull. civ. I, n° 136 ; D. 2005, p. 1462, note A. Cathiard ;
RTD civ. 2005, p. 381, obs. J. Mestre et B. Fages.
5. Civ. 3, 27 mars 1991, n° 89-16975, Bull. civ. III, n° 108 ; RTD civ. 1992, p. 81, obs. J. Mestre.
6. Civ. 1, 3 mai 2000 (aff. des clichés de Baldus), n° 98-11381, Bull. civ. I, n° 131 ; D. 2002, somm.
p. 928, obs. O. Tournafond ; JCP 2001, II, 10510, note C. Jamin ; RTD civ. 2000, p. 566, obs.
J. Mestre et B. Fages ; Def., 2000, p. 1110, obs. D. Mazeaud et P. Delebecque : cassation de l’arrêt qui
a retenu la réticence dolosive de l’acheteur qui n’avait pas fait connaître à son vendeur la grande valeur
des photographies (des clichés de Baldus) qu’il lui achetait. V. ég. : Civ. 3, 17 janv. 2007, n° 06-10442,
Bull. civ. III n° 5 ; D. 2007, p. 1051, note D. Mazeaud et note P. Stoffel-Munck ; JCP 2007, II, 10042,
note C. Jamin ; RTD civ. 2007, p. 335, obs. J. Mestre et B. Fages, GA, n° 151 : « l’acquéreur, même
professionnel, n’est pas tenu d’une obligation d’information au profit du vendeur sur la valeur du bien
acquis ».
7. L. n° 2018-287 du 20 avril 2018 ratifiant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant
réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, préc.

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qu’il n’était pas tenu de donner1. Cependant le manquement à l’obligation d’infor-
mation et le dol par réticence ne coïncident pas nécessairement : le manquement
à l’obligation d’information, en effet, ne constitue un dol que s’il présente un
caractère intentionnel.
b. Élément intentionnel du dol
297. Intention de tromper. Le dol suppose la volonté de tromper. Cet élément
doit être prouvé par le demandeur. La preuve sera plus ou moins difficile à rap-
porter selon la forme que prend l’élément matériel du dol.
La preuve de l’élément intentionnel ne fait pas difficulté dans les hypothèses de
manœuvre ou de mensonge, car de tels comportements permettent de présumer
l’intention de tromper.
Il n’en va pas de même dans l’hypothèse de la dissimulation. Le silence, c’est-
à‑dire le simple fait de ne pas révéler une information, ne permet pas de présumer
l’intention dolosive : il peut s’expliquer par l’ignorance ou procéder d’une simple
négligence. La Cour de cassation a admis, un temps, que le manquement d’un
professionnel à son obligation d’information était suffisant pour faire présumer
l’intention de tromper2. Mais cette solution est contestable car elle revient à faire
peser sur les professionnels une présomption d’intention dolosive3 qui n’a pas
lieu d’être (la bonne foi est présumée). La Cour de cassation est d’ailleurs revenue
ensuite à une position plus orthodoxe, exigeant de nouveau la preuve du carac-
tère intentionnel du dol4. Le nouvel article 1137, alinéa 2, du Code civil issu de

1. Le Rapport au Président de la République ne nous paraît pas convaincant lorsqu’il affirme au contraire
que « la réticence dolosive est consacrée (art. 1137, al. 2), sans toutefois la subordonner à l’existence
d’une obligation d’information par ailleurs consacrée à l’article 1112-1 » (Rapport au Président de la
République relatif à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, préc., p. 8).
2. Civ. 1, 15 mai 2002, n° 99-21521, Bull. civ. I, n° 132 ; JCP 2002, I, 184, n° 1, obs. F. Labarthe ;
Cont. Conc. Cons. 2002, n° 135, obs. L. Leveneur : « Vu l’article 1315 du Code civil ; Attendu que
Mme Cardoso a acquis un véhicule automobile d’occasion auprès de M. Guillot, garagiste ; qu’une
expertise ordonnée en référé a établi que le véhicule avait été accidenté ; qu’au soutien de son action
en nullité de la vente pour réticence dolosive, Mme Cardoso a fait valoir que le vendeur lui avait
dissimulé cet accident ; Attendu que pour rejeter la demande, l’arrêt retient que Mme Cardoso ne
rapportait pas la preuve de cette dissimulation ; qu’en statuant ainsi, alors que le vendeur professionnel
est tenu d’une obligation de renseignement à l’égard de son client et qu’il lui incombe de prouver
qu’il a exécuté cette obligation, la cour d’appel a violé le texte susvisé ». V. ég. Civ. 3, 11 mai 2005,
n° 07-17682, Bull. civ. III, n° 101 ; RTD civ. 2005, p. 590 ; Dr. et pat. 2005, n° 141, p. 91, obs.
L. Aynès et P. Stoffel-Munck.
3. V. F. Terré, P. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, n° 301 ; J. Flour, J.-L. Aubert et É. Savaux, n° 213-1.
4. Com., 28 juin 2005, n° 03-16794, Bull. civ. IV, n° 140 ; RTD civ. 2005, p. 591, obs. J. Mestre
et B. Fages ; D. 2005, p. 2838, obs. S. Amrani-Mekki ; Dr. et pat. 2005, n° 141, obs. L. Aynès et

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l’ordonnance du 10 février 2016 met en exergue l’élément intentionnel du dol par
réticence en visant la « dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une
information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie ». L’élément
intentionnel marque la différence entre le dol par dissimulation, qui est un vice
du consentement pouvant entraîner la nullité du contrat, et le manquement à
l’obligation d’information, qui est simplement une faute délictuelle source de
responsabilité civile (v. supra, n° 209).
c. Dol du cocontractant
298. Principe. En principe, le dol n’est une cause de nullité que s’il émane du
cocontractant (art. 1137 C. civ.). Le dol d’un tiers n’est sanctionné que par des
dommages et intérêts. Par exemple, dans le contrat de cautionnement, le dol du
débiteur principal n’est pas une cause de nullité1 (celui-ci n’étant pas partie au
contrat de cautionnement). Cette exigence s’explique par le caractère délictuel du
dol : la nullité du contrat pour dol est une sanction qui ne doit être prononcée
que si le cocontractant est fautif.
299. Exceptions. Par exception le dol d’un tiers justifie la nullité dans certaines
situations. L’article 1138 du Code civil assimile au cocontractant le représentant,
le gérant d’affaires, le préposé ou porte-fort du contractant, ainsi que le tiers de
connivence. En outre, s’agissant des actes unilatéraux dans lesquels il n’y a par
hypothèse pas de cocontractant, la jurisprudence décide que le dol d’un tiers est
sanctionné par la nullité2.

B. Aspect psychologique
300. Une erreur. Pour que le dol soit constitué, il est nécessaire que les manœuvres,
les mensonges ou la dissimulation aient engendré une erreur, c’est-à‑dire une fausse

P. Stoffel-Munck, la Cour juge que « le manquement à une obligation d’information, à le supposer


établi, ne peut suffire à caractériser le dol par réticence, si ne s’y ajoute la constatation du carac-
tère intentionnel de ce manquement et d’une erreur déterminante provoquée par celui-ci ». Civ. 1,
25 juin 2008, n° 07-18108, Bull. civ. I, n° 184 ; Com., 7 juin 2011, n° 10-13622, Bull. civ. IV, n° 91,
Cont. Conc. Cons. 2011, n° 208, obs. L. Leveneur ; Dr. et pat. 2012, p. 67, obs. P. Stoffel-Munck.
1. Civ. 1, 27 juin 1973, n° 72-11564, Bull. civ. I, n° 219 ; D. 1973, p. 733, note crit. P. Malaurie ;
RTD civ. 1974, p. 143, obs. Y. Loussouarn ; Civ. 1, 26 janv. 1977, n° 75-13920, Bull. civ. I, n° 52 ;
Civ. 1, 28 juin 1978, n° 76-14415, Bull. civ. I, n° 246. La solution est généralement critiquée :
P. Simler, « Le juge et la caution. Excès de rigueur ou excès d’indulgence ? », JCP N 1986, I, 169,
spéc. n° 23 ; P. Malaurie L. Aynès et P. Crocq, Les sûretés, Defrénois, 12e éd. 2018, n° 215.
2. Req., 2 janv. 1878, DP 1878, 1, 136 ; S. 1878, 1, 103, s’agissant d’un testament.

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représentation de la réalité. Il n’y a pas dol lorsqu’un contractant s’engage en cédant
à des pressions psychologiques mais sans avoir une fausse perception de la réalité1.
301. Toute erreur. Confirmant les solutions qui avaient été admises par la juris-
prudence, l’article 1139 du Code civil prévoit que le dol permet de prendre en
compte des erreurs qui ne sont pas des causes de nullité lorsqu’elles sont commises
de façon spontanée.
L’erreur provoquée par le dol est toujours excusable2. L’idée est que la faute de
l’auteur du dol excuse celle de la victime.
L’erreur sur les mobiles et l’erreur sur la valeur, qui sont indifférentes par elles-
mêmes, peuvent être prises en compte si elles résultent d’un dol. La loi de
ratification du 20 avril 20183 a cependant apporté une limite concernant le dol
par réticence en ajoutant à l’article 1137 un nouvel alinéa 3 qui est ainsi rédigé :
« Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à
son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation ».
302. Caractère déterminant. Comme les autres vices du consentement, le dol
n’est une cause de nullité que s’il a déterminé le consentement du contractant
(art. 1130 C. civ.). Le caractère déterminant est apprécié in concreto : en consi-
dération de la personnalité des parties et des circonstances dans lesquelles le
consentement a été donné (art. 1130 al. 2). Il relève de l’appréciation souveraine
des juges du fond, mais la Cour de cassation exige que ceux-ci constatent expres-
sément que, sans les manœuvres, le contractant ne se serait pas engagé4.

1. On trouve certaines décisions du fond qui admettent (à tort) l’existence d’un dol dans ce type d’hypo-
thèse : Colmar, 30 janv. 1970, D. 1970, p. 297, note E. Alfandari : une dame âgée avait consenti
une donation à son gendre en cédant à l’insistance de celui-ci sans pour autant avoir eu une fausse
perception de la réalité. La Cour de cassation n’admet pas une telle conception du dol, v. par ex.
Civ. 1, 10 juill. 1995, n° 93-17388 ; D. 1997, p. 20, note P. Chauvel : une cour d’appel qui avait
prononcé la nullité d’une reconnaissance de dette sur le fondement du dol, sans caractériser une erreur
de nature à vicier le consentement : cassation.
2. Civ. 3, 21 févr. 2001, n° 98-20817, Bull. civ. III, n° 20 ; D. 2001, p. 2720, note D. Mazeaud ;
JCP 2002, II, 10027, note C. Jamin ; RTD civ. 2001, p. 353, obs. J. Mestre et B. Fages ; Com.,
13 févr. 2007, n° 04-16520. Sur cette jurisprudence, v. J. Ghestin, « La réticence dolosive rend toujours
excusable l’erreur provoquée », JCP 2011, 703.
3. L. n° 2018-287 du 20 avril 2018 ratifiant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant
réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, préc.
4. V. Soc., 5 oct. 1994, n° 93-43615, Bull. civ. V, n° 256, D. 1995, p. 282, note P. Mozas ; RTD civ. 1995,
p. 93, obs. J. Mestre ; RTD civ. 1995, p. 143, obs. P.-Y. Gautier : un mari avait fait rédiger sa lettre
manuscrite de candidature par son épouse ; cassation, pour défaut de base légale, de l’arrêt ayant admis
la nullité du contrat sans rechercher si, sans cette manœuvre, l’employeur n’aurait pas contracté. V. ég.
Civ. 3, 1er mars 1977, n° 75-13247, D. 1978, p. 91, note C. Larroumet.

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303. Dol principal et dol incident. La doctrine classique avait forgé une distinc-
tion entre le dol principal, défini comme le dol sans lequel la victime n’aurait pas
contracté, et le dol incident, entendu comme celui sans lequel la victime aurait
contracté mais à des conditions plus avantageuses pour elle. Seul le dol principal
serait sanctionné par la nullité du contrat, le dol incident ne pouvant être sanc-
tionné que par des dommages et intérêts1. Aujourd’hui la plupart des auteurs
dénoncent le caractère artificiel de cette distinction. L’existence de la volonté de
contracter ne peut s’apprécier de façon abstraite, mais seulement de façon concrète
en fonction des conditions proposées2. Ou bien le consentement aurait quand
même été donné, et il n’y a pas dol, ou bien il n’aurait pas été donné et il y a dol.
La jurisprudence contemporaine ne semble pas tenir compte de cette distinction3.
Le nouvel article 1130 du Code civil condamne cette distinction, en énonçant que
le dol (comme les autres vices du consentement) vicie le consentement lorsque
sans lui, la victime « n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions
substantiellement différentes ».

C. Sanction du dol
304. Preuve. La preuve du dol incombe au demandeur. S’agissant d’un fait juri-
dique, la preuve est libre. Le demandeur doit rapporter la preuve de l’élément
matériel et de l’élément intentionnel du dol.
305. Nullité et responsabilité. Le double aspect du dol se retrouve logiquement
sur le terrain des sanctions. En tant que vice du consentement, le dol entraîne la
nullité relative du contrat ; en tant que délit civil, il peut justifier l’allocation de
dommages et intérêts à la victime sur le fondement de l’article 1240 du Code civil.
La victime du dol est en droit de demander seulement des dommages et intérêts,
elle pourra ainsi conserver le bénéfice du contrat.

1. C. Aubry et C. Rau, Cours de droit civil français, t. IV, 4e éd. Paris, Marchal et Billard, 1902, § 343
bis.
2. V. M. Planiol et G. Ripert, Obligations, Traité pratique de droit civil français, par P. Esmein, t. VI,
2e éd. 1952, spéc. n° 207, « la volonté d’acquérir ne prend une valeur juridique que si elle est la volonté
d’acquérir moyennant un prix déterminé ». V. ég. J. Flour, J.-L. Aubert et É. Savaux, n° 214, les auteurs
soulignent qu’il est « irréaliste de prétendre ainsi distinguer entre la volonté de contracter, abstraitement
considérée, et la volonté concrète de contracter à telles ou telles conditions » ; J. Ghestin, G. Loiseau
et Y.-M. Serinet, t. 1, n° 1464 et s. ; J. Flour, J.-L. Aubert et É. Savaux, n° 214 ; A. Bénabent, n° 107 ;
M. Fabre-Magnan, n° 368.
3. Ainsi, la jurisprudence admet la nullité dans l’hypothèse où l’acquéreur aurait acquis à un prix infé-
rieur s’il avait connu la situation exacte : Civ. 3, 22 juin 2005, n° 04-10415, Bull. civ. III, n° 137 ;
Cont. Conc. Cons. 2005, n° 186, obs. L. Leveneur ; RDC 2005, p. 1025, obs. P. Stoffel-Munck. V. ég.
Com., 30 mars 2016, n° 14-11684 ; Bull. civ. IV, n° 1114 ; RDC 2016, p. 652, obs. T. Génicon.

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3. La violence
306. L’article 1140 du Code civil dispose : « Il y a violence lorsqu’une partie
s’engage sous la pression d’une contrainte qui lui inspire la crainte d’exposer sa
personne, sa fortune ou celles de ses proches à un mal considérable ». La violence,
comme le dol, présente un double aspect. On présentera successivement l’aspect
délictuel (A) et l’aspect psychologique (B) de la violence, puis la sanction de la
violence (C).

A. Aspect délictuel
307. On peut distinguer trois formes de violence : la violence physique (a), la
violence morale (b) et l’abus de l’état de dépendance (c).
a. Violence physique
308. Coups, mauvais traitements. La violence physique consiste en des coups
et autres mauvais traitements (par exemple séquestration1) ayant pour effet de
contraindre une personne à conclure un contrat.
b. Violence morale
309. Menaces. La violence morale consiste en des menaces : par exemple menace
de porter atteinte à l’honneur et à la réputation2, menace de « ruiner la société3 », de
priver la personne de ressources4. Les pressions psychologiques répétées, lorsqu’elles
conduisent une personne à conclure un contrat non voulu, peuvent constituer une
violence morale.
310. Caractère illégitime. La violence est par définition illégitime. C’est pour-
quoi, comme le prévoit l’article 1141 du Code civil, la menace d’exercer une voie
de droit ne constitue pas une violence, à condition toutefois qu’elle ne soit pas
détournée de son but ou utilisée pour obtenir un avantage manifestement excessif.

1. Soc., 8 nov. 1984, n° 82-14816, Bull. civ. V, n° 423 ; RTD civ. 1985, p. 368, obs. J. Mestre ; Civ. 3,
13 janv. 1999, n° 96-18309, Bull. civ. III, n° 11 ; RTD civ. 1999, p. 381, obs. J. Mestre ; D. 2000 p. 76,
obs C. Willmann ; Def., 1999, p. 749, obs. P. Delebecque.
2. Soc., 23 mai 2013, n° 12-13865, Bull. civ. V, n° 128 ; D. 2013 p. 1355, note B. Ines, l’employeur
avait menacé le salarié de « ternir la poursuite de son parcours professionnel » ; Civ. 1, 30 juin 1954,
JCP 1954, II, 8325, menace de révéler de prétendus crimes commis sous l’occupation.
3. Com., 18 févr. 1997, n° 94-19272, Bull. civ. IV, n° 59 ; D. 1998, somm. p. 181, obs. J.-C. Hallouin,
le vice de violence affecte une décision d’assemblée générale d’actionnaires.
4. Com., 4 juin 1973, n° 72-10782, Bull. civ. IV, n° 193.

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Cette disposition consacre une solution qui avait été admise auparavant par la
jurisprudence1.
c. Abus de l’état de dépendance
311. Position du problème. Y a-t‑il violence lorsqu’un contractant profite de
la pression exercée par les circonstances extérieures sur l’autre partie pour obte-
nir un avantage excessif ? Par exemple, une transaction conclue sous la pression
d’un besoin d’argent entre la victime d’un dommage et l’assureur du responsable
peut-elle être annulée pour violence ? La jurisprudence s’était pendant longtemps
refusé à admettre que l’abus de puissance économique puisse caractériser le vice
de violence. Au début des années 2000, elle avait cependant opéré une évolution
assez nette en décidant que la contrainte économique pouvait être rattachée au vice
de violence2. Puis elle avait précisé, dans un arrêt de principe, que « seule l’exploi-
tation abusive d’une situation de dépendance économique, faite pour tirer profit
d’un mal menaçant directement les intérêts légitimes de la personne, peut vicier
de violence son consentement »3. C’est cette solution que consacre l’ordonnance
du 10 février 20164.
312. Droit commun. Selon le nouvel article 1143 du Code civil : « Il y a également
violence lorsqu’une partie, abusant de l’état de dépendance dans lequel se trouve
son cocontractant à son égard5, obtient de lui un engagement qu’il n’aurait pas
souscrit en l’absence d’une telle contrainte et en tire un avantage manifestement
excessif6 ».
Trois conditions sont nécessaires pour qu’un abus de l’état de dépendance puisse
caractériser le vice de violence.

1. V. par ex. Civ. 3, 17 janv. 1984, n° 82-15753, Bull. civ. III, n° 13 ; Def., 1985, p. 378, note J.-L. Aubert.
Pour un exemple burlesque : Req., 6 avr. 1903, S. 1904, 1, 505, note Naquet.
2. Civ. 1, 30 mai 2000, n° 98-15242, Bull. civ. I, n° 169 ; D. 2000, p. 879, note J.-P. Chazal ;
Cont. Conc. Cons. 2000, n° 142, obs. L. Leveneur ; JCP 2001, II, 10461, note G. Loiseau.
3. Civ. 1, 3 avril 2002, n° 00-12932, Bull. civ. I, n° 108 ; D. 2002, p. 1860, note J.-P. Gridel ; p. 1862,
note J.-P. Chazal ; D. 2002, somm. p. 2844, obs. D. Mazeaud ; RTD civ. 2002, p. 502, obs. J. Mestre
et B. Fages. V. ég. Civ. 1, 18 févr. 2015, D. 2015, p. 432.
4. Ord. n° 2016-131 du 10 févr. 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de
la preuve des obligations, préc.
5. Ces termes que nous mettons en italiques ont été ajoutés par la loi de ratification (L. n° 2018-287 du
20 avr. 2018). Cette disposition de la loi de ratification étant déclarée interprétative elle est applicable
aux contrats conclus à compter du 1er octobre 2016.
6. H. Barbier, « Le vice du consentement pour cause de violence économique », Dr. et pat. 2014, n° 240,
p. 50 ; H. Barbier, « La violence par abus de dépendance », JCP 2016, 421.

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Un état de dépendance. Il faut que l’une des parties ait été en situation de dépen-
dance. La loi de ratification de l’ordonnance1 a renforcé cette exigence en précisant
que l’état de dépendance doit résulter de la relation avec le cocontractant, et non
pas seulement de la situation personnelle d’une partie (du fait de son âge ou de sa
faiblesse)2. Il peut s’agir d’une dépendance économique, affective ou autre. Dans
les relations d’affaires une situation de dépendance se caractérise par l’impossibilité
de trouver une solution alternative au contrat proposé3.
Un abus de l’état de dépendance. Le demandeur doit démontrer qu’il y a eu exploita-
tion abusive de sa situation de dépendance de la part de l’autre partie. Cela suppose
d’établir un comportement actif et illégitime du cocontractant4.
Un avantage manifestement excessif. Il faut enfin que l’engagement souscrit procure
à l’autre partie un « avantage manifestement excessif ». Cet avantage consiste le plus
souvent en un déséquilibre des prestations.
313. Droits spéciaux. Différents textes spéciaux permettent de sanctionner l’abus
de dépendance économique. L’article L. 420-2 du Code de commerce permet
d’annuler les contrats conclus du fait de « l’exploitation abusive par une entreprise
[…] d’une position dominante […] ou de l’état de dépendance économique dans
lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur ». Cette disposi-
tion, il faut le relever, ne sanctionne pas l’abus de dépendance en lui-même, mais
uniquement dans la mesure où il affecte le libre jeu du marché. Il s’agit d’une règle
du droit des pratiques anticoncurrentielles.
Par ailleurs, le droit de la consommation réprime « l’abus de faiblesse » (C. cons.,
art. L. 121-8).

1. L. n° 2018-287 du 20 avril 2018 ratifiant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant


réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, préc.
2. V. sur ce point les critiques de G. Cattalano-Cloarec, « La validité du contrat », AJ Contrat 2018, p. 257.
3. V. not. Com., 3 mars 2004, n° 02-14529, Bull. civ. I, n° 44 ; D. 2004, p. 1661, note Y. Picod, « l’état
de dépendance économique, pour un distributeur, se définit comme la situation d’une entreprise
qui ne dispose pas de la possibilité de substituer à son ou ses fournisseurs un ou plusieurs autres four-
nisseurs répondant à sa demande d’approvisionnement dans des conditions techniques et économiques
comparables ».
4. V. sous l’empire du droit antérieur : Civ. 3, 4 mai 2016, n° 15-12454, D. 2017, p. 380, obs. M. Mekki ;
Pet. Aff. 2016, n° 209, p. 6, note S. Lequette : pour admettre la nullité pour vice de violence les juges
du fond avaient caractérisé la dépendance psychologique de la victime et des menaces du cocontractant.
V. ég. Civ. 1, 4 févr. 2015, n° 14-10920, RDC 2015, p. 445, obs. É. Savaux : admettant, à la demande
de la société Bouygues immobilier, l’annulation d’une transaction financière obtenue sous la « menace
illégitime » d’exercer des recours contentieux.

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B. Aspect psychologique
314. Caractère déterminant. La violence, comme les autres vices du consente-
ment, n’est une cause de nullité que si elle a été déterminante du consentement
(art. 1130 C. civ.). L’appréciation du caractère déterminant est faite in concreto
c’est-à‑dire en tenant compte des qualités de la personne (sa force de caractère,
son expérience, son âge1) et des circonstances dans lesquelles le contrat a été
conclu. La violence peut s’exercer sur le contractant lui-même ou sur ses « proches »
(art. 1140 C. civ.).

C. Sanction de la violence
315. Preuve. La preuve incombe au demandeur. C’est à celui qui demande l’annu-
lation du contrat qu’il appartient de rapporter la preuve de l’acte de violence et
de son caractère déterminant. S’agissant d’un fait juridique, la preuve est libre.
316. Nullité et responsabilité. Les deux aspects de la violence se retrouvent
au point de vue de la sanction. En tant que vice du consentement, la violence
entraîne la nullité relative du contrat. En tant que délit civil, la violence peut
justifier l’allocation de dommages et intérêts à la victime sur le fondement de
l’article 1240 du Code civil.

1. V. not. Com., 30 janv. 1974, D. 1974, p. 382 ; RTD civ. 1974, p. 804, obs. Y. Loussouarn, l’arrêt tient
compte de l’expérience des affaires et de l’âge de la personne pour décider qu’elle pouvait résister à la
crainte irraisonnée de subir des poursuites pénales ; Civ. 3, 13 janv. 1999, n° 96-18309, Bull. civ. III,
n° 11 ; D. 2000, p. 76, note C. Willmann ; JCP 1999, I, 143, n° 1, obs. G. Loiseau ; RTD civ. 1999,
p. 381, obs. J. Mestre, l’arrêt tient compte de la situation de la personne pour admettre la nullité en
raison des pressions psychologiques exercées par les membres d’une secte.

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Titre 3

Le contenu du contrat

317. Notion de contenu du contrat. Le principe de liberté contractuelle permet


aux parties de conclure librement les conventions qu’elles souhaitent, mais cette
liberté s’exerce « dans les limites fixées par la loi » (art. 1102 C. civ.). C’est pourquoi
certaines dispositions du Code civil permettent au juge d’exercer un contrôle sur
le contenu du contrat.
Jusqu’à l’ordonnance du 10 février 2016, le contenu du contrat était appréhendé
à travers deux notions : l’objet et la cause.
L’objet de l’obligation, c’est ce à quoi le débiteur s’oblige. Dans le Code civil de
1804, l’objet était défini comme « une chose qu’une partie s’oblige à donner,
ou qu’une partie s’oblige à faire ou à ne pas faire » (ancien art. 1126 C. civ).
L’ordonnance a modifié cette présentation : l’objet de l’obligation est la « presta-
tion1 » (art. 1163 C. civ).
La cause, c’est ce pourquoi le débiteur s’engage. La doctrine avait élaboré une
conception dualiste de la cause2. La cause objective correspondait à la contrepartie
convenue ; elle assurait une fonction de protection individuelle en permettant de
sanctionner les contrats trop déséquilibrés. Capitant3 avait montré que la cause
pouvait jouer un rôle également au stade de l’exécution du contrat (notamment
pour justifier l’exception d’inexécution). La cause subjective correspondait aux
mobiles, aux motifs personnels qui ont déterminé le contractant à s’engager (par
ex., j’achète une maison dans le but d’y habiter, ou bien d’y exercer une activité
illicite) ; elle assurait une fonction de protection sociale, en permettant de faire

1. La prestation est « l’action de fournir » ; c’est aussi par extension le bien ou le service fourni (Dict. Le
Petit Robert).
2. V. not. H. Capitant, De la cause des obligations, Dalloz, 1923. J. Maury, Essai sur la notion d’équi-
valence en droit civil, thèse Toulouse, 1920. V. ég. J. Hauser, Objectivisme et subjectivisme dans l’acte
juridique, préf. P. Raynaud, LGDJ, 1971, spéc. n° 134 et s., où l’auteur définit la cause comme « le
lien entre la volonté et les éléments objectifs de l’acte juridique ».
3. H. Capitant, De la cause des obligations, préc., n° 14, où l’auteur développe l’idée que la cause de
chacune des parties réside dans l’exécution de l’obligation de l’autre.

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annuler les contrats dans lesquels l’une des parties est animée par des mobiles
illicites ou immoraux. Considérée comme excessivement complexe, la notion de
cause a fait l’objet de vives critiques1. L’ordonnance du 10 février 2016 a fait le
choix de supprimer la cause tout en transférant les fonctions qui lui étaient dévo-
lues à deux notions nouvelles : le but et la contrepartie2. Ces notions apparaissent
comme des succédanés de la cause. Il est permis de s’interroger sur la portée réelle
du changement ainsi opéré3.
318. Exigences relatives au contenu du contrat. Le contenu du contrat doit
satisfaire à diverses exigences où se mêlent des considérations d’intérêt privé et des
considérations d’intérêt général4. Le contenu du contrat doit être licite (Chap. 1),
déterminé (Chap. 2) et ne pas être trop déséquilibré (Chap. 3).

1. Pour la suppression de la cause, V. not. L. Aynès, « La cause, inutile et dangereuse », Dr. et pat. 2014,
n° 24, « la théorie de la cause est inutile si elle est appliquée avec rigueur. Elle est dangereuse lorsqu’elle
ne l’est pas » ; v. déjà les critiques de M. Planiol, Traité élémentaire de droit civil français, t. II, 9e éd.,
LGDJ, 1923, n° 1037 et s. Contra, en faveur du maintien de la cause, v. not. F. Chénedé, « La cause
est morte… vive la cause ? », Cont. Conc. Cons. 2016, dossier n° 4 ; A. Ghozi et Y. Lequette, « la réforme
du droit des contrats : brèves observations sur le projet de la chancellerie », D. 2008, p. 2609 ; « Deux
regards inhabituels sur la cause dans les contrats », Def., 2008, p. 2365 ; T. Génicon, « Défense et
illustration de la cause en droit des contrats », D. 2015, p. 1551.
2. Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, préc.
3. À suivre certains auteurs, le changement serait purement formel , v. not. G. Wicker, « La suppression
de la cause par le projet d’ordonnance : la chose sans le mot ? », D. 2015, p. 1557.
4. Sous-Section 3 : « Le contenu du contrat » (art. 1162 à 1171 C. civ).

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Chapitre 1

Licéité

319. Deux blocs de règles. L’exigence d’un contenu licite s’apprécie classiquement
au regard de l’ordre public (I). Depuis quelques années les droits fondamentaux
ont une influence croissante sur le droit des contrats (II).

I. L’ordre public
320. On présentera la notion d’ordre public (1) puis le contrôle de la conformité
du contrat à l’ordre public (2).

1. La notion d’ordre public


321. Définition. Il n’est pas simple de définir l’ordre public1. On peut dire que
l’ordre public c’est « tout ce que le législateur estime essentiel, à un moment donné,
pour, soit l’imposer, soit l’interdire2 ». Les règles d’ordre public sont impératives,
ce qui signifie qu’elles ne peuvent être écartées par la volonté des parties, par oppo-
sition aux règles supplétives qui s’appliquent à défaut de stipulations contraires3.
Comment savoir si une disposition présente ou non un caractère d’ordre public ?
Le législateur peut prévoir expressément que telle disposition a un caractère d’ordre
public (on parle d’ordre public textuel4 ). À défaut d’une telle précision, le juge

1. Sur cette notion, v. J.-J. Lemouland, G. Piette et J. Hauser, Rép. Civ. Dalloz, V° Ordre public et
bonnes mœurs ; S. Rials (Dir.), Dictionnaire de la culture juridique, PUF, 2003, V° Ordre public, par
P. Deumier et T. Revet. V. ég. P. Malaurie, Les contrats contraires à l’ordre public (étude de droit civil
comparé : France, Angleterre, URSS), thèse éd. Matot-Braine, Reims, 1953, l’auteur recense plus d’une
vingtaine de définitions.
2. V. J.-J. Lemouland, G. Piette et J. Hauser, Rép. Civ. Dalloz, préc., spéc. n° 1.
3. V. C. Pérès-Dourdou, La règle supplétive, préf. G. Viney, LGDJ, 2004.
4. Sur la part de l’ordre public dans l’ordonnance n° 2016-131 du 10 févr. 2016, portant réforme du
droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, v. C. Pérès, « Règles impératives
et supplétives dans le nouveau droit des contrats », JCP 2016, 454.

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peut reconnaître à la loi un caractère d’ordre public1 (on parle d’ordre public
virtuel).
322. Ordre public classique et ordre public moderne. On distingue l’ordre
public classique et l’ordre public moderne (dit aussi économique).
L’ordre public classique englobe les règles essentielles pour la société ; il s’agit pour
l’essentiel des règles qui concernent l’organisation de l’État, la famille, la morale
sexuelle ou la dignité de l’être humain.
L’ordre public moderne (dit aussi économique), qui s’est développé à partir du
début du xxe siècle, a pour objet la réglementation des rapports économiques. Au
sein de l’ordre public économique on distingue l’ordre public de direction qui
correspond aux règles par lesquelles l’État cherche à réguler le fonctionnement de
l’économie (par exemple : le droit de la concurrence) et l’ordre public de protection
qui englobe les règles visant à protéger certaines catégories de personnes (par ex.
les locataires, les consommateurs…).
323. Ordre public et bonnes mœurs. À la différence des anciens articles 1133
et 1172, le nouvel article 1162 du Code civil issu de l’ordonnance du 10 février 2016
ne fait aucune référence à la notion de bonnes mœurs. Ce silence témoigne du
déclin de la notion de bonnes mœurs2 qui renvoie essentiellement à la morale
sexuelle, laquelle a perdu beaucoup de son importance sous l’effet de la libéralisa-
tion des comportements. Cela étant, sur le fond, ce silence n’a aucune incidence.
D’une part, l’article 6 du Code civil, dont la rédaction est inchangée depuis 1804,
interdit de déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent
« l’ordre public et les bonnes mœurs ». D’autre part, on peut considérer que les
bonnes mœurs sont incluses dans la notion, plus large, d’ordre public.

2. Le contrôle de la conformité du contrat à l’ordre public


324. Le contrôle de la conformité du contrat à l’ordre public porte sur les presta-
tions contractuelles (A) et le but contractuel (B).

1. Cass. civ., 4 déc. 1929, DH 1930, p. 50 ; S. 1931, 1, p. 49, note P. Esmein ; G.A., t. 1, n° 13.
2. C. Pérès, « La liberté contractuelle et l’ordre public dans le projet de réforme du droit des contrats de
la chancellerie », D. 2009, p. 381. V. ég. D. Fenouillet, « Les bonnes mœurs sont mortes ! Vive l’ordre
public philanthropique », in Le droit privé à la fin du xxe siècle, Études offertes à P. Catala, Litec, 2001,
p. 487 et s. ; J. Foyer, « Les bonnes mœurs », in Le Code civil, un passé, un présent, un avenir, Dalloz
2004, p. 495 et s., spéc. p. 509 et s.

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A. Le contrôle des prestations contractuelles
325. Choses hors du commerce. Utilisée auparavant dans l’ancien article 1128
du Code civil (et encore aujourd’hui dans certaines dispositions du Code civil1),
l’expression « dans le commerce » qualifie les choses (biens ou droits) qui peuvent
faire l’objet d’un contrat. Le principe est que toutes les choses sont dans le com-
merce mais, par exception, certaines choses sont hors du commerce juridique ou
bien voient leur commercialité réduite ou encadrée. La catégorie des choses hors
du commerce ou dont la commercialité est réduite forme un « bric-à‑brac2 » dont
le contenu évolue au fil du temps. On donnera quelques exemples.
Choses inappropriables. Sont naturellement hors du commerce les choses qui ne
peuvent être appropriées (res comunis), « qui n’appartiennent à personne et dont
l’usage est commun à tous » (C. civ. art. 714) : l’air, la mer… C’est en raison de
leur utilité pour tous que ces choses sont inappropriables et qu’elles sont donc
hors du commerce3.
Choses illicites. Les choses illicites sont hors du commerce juridique ; par exemple :
des stupéfiants, des marchandises contrefaites4, ou encore un fichier de clients
contenant des données personnelles et n’ayant pas fait l’objet d’une déclaration
auprès de la CNIL5.
Choses affectées à une personne. Certaines choses sont hors du commerce car elles
sont affectées spécialement à une personne par l’autorité publique. Il s’agit notam-
ment : des fonctions et des investitures politiques6, de l’attribution du nom7, du

1. V. par exemple art. 1598 C. civ. (concernant la vente), art. 1878 C. civ. (concernant le prêt à usage)
ou encore art. 2260 (concernant le régime de la prescription).
2. J. Mestre et B. Fages, RTD civ. 2003, p. 703.
3. Sur le statut juridique des choses inappropriables et ses insuffisances ; v. not. B. Parance et J. de Saint-
Victor, Repenser les biens communs, éd. CNRS, 2014 ; M. Cornu, F. Orsi et J. Rochfeld, Dictionnaire
des biens communs, PUF 2017.
4. Com., 24 sept. 2003, n° 01-11504, Bull. civ. IV, n° 147 ; D. 2003 somm. p. 2762, obs. P. Sirinelli ;
D. 2004, p. 2863, note C. Caron ; RDC 2004, p. 261, obs. P. Stoffel-Munck.
5. Com., 25 juin 2013, n° 12-17037, Bull. civ. IV, n° 108 ; JCP 2013, 930, note A. Debet ; JCP 2014,
p. 115, obs. J. Ghestin ; RTD civ. 2013, p. 595, note H. Barbier ; D. 2013, p. 1867, note G. Beaussonie ;
D. 2013, p. 1844, note P. Storer, un tel fichier porte atteinte aux droits fondamentaux des personnes
qui y sont mentionnées.
6. Civ. 1, 3 nov. 2004, n° 02-10880, Bull. civ. I, n° 237 ; RDC 2005, p. 263, note D. Mazeaud, « après
avoir souverainement établi que la cause de l’engagement était en réalité l’investiture du candidat par
l’association et l’exercice des fonctions électives sous son étiquette, [la cour d’appel] a reconnu à bon
droit qu’une telle cause était illicite ».
7. Le nom patronymique est inaliénable mais son titulaire peut valablement l’utiliser pour dénommer
une société qu’il fonde ; ayant cédé les parts de la société, il ne peut s’opposer ensuite à ce que celle-ci

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droit de vote, des autorisations délivrées à une personne par l’autorité publique,
ou encore des titres d’officier ministériel.
Corps humain. Le corps humain est hors du commerce. Par exemple est nulle la
convention par laquelle une personne s’engage à céder un morceau de peau tatouée
pour les besoins d’un film1. Toutefois, le droit permet le don du sang et certains
prélèvements d’organes.
Clientèles civiles. La jurisprudence a longtemps décidé que les clientèles civiles
(les clientèles des professions libérales : avocats, médecins…) étaient exclues du
commerce juridique. Mais cette exclusion peu réaliste était facilement contournée
puisque la jurisprudence admettait la validité du « contrat de présentation », par
lequel un professionnel s’engage à présenter son successeur à la clientèle et à ne
pas se réinstaller à proximité. La jurisprudence admet désormais la cession des
clientèles civiles2.
326. Services hors du commerce. Sont également hors du commerce les presta-
tions de service contraires à l’ordre public ou aux bonnes mœurs. Tel est le cas,
par exemple, du contrat par lequel un individu s’engage à commettre un délit, ou
du contrat de prostitution3. De même la jurisprudence a annulé un contrat par
lequel une personne s’engageait à réaliser un « strip-tease4 ».
327. Prestation monétaire. L’ordre public français impose aux parties d’utiliser
la monnaie nationale pour fixer l’obligation monétaire. Pour les contrats conclus
en France, l’euro doit être employé. Pour les contrats présentant un caractère

conserve la dénomination sociale, v. Com., 12 mars 1985, n° 84-17163 (Bordas), Bull. civ. IV, n° 95 ;
D. 1985, p. 471, note J. Ghestin ; JCP 1985, II, 20400, concl. M. Montanier, note G. Bonet ; Gaz.
Pal. 1985, 1, p. 246, note G. Le Tallec ; Rev. sociétés, 1985, p. 607, note G. Parléani ; RTD com. 1986,
p. 245, obs. A. Chavanne et J. Azéma ; GA, t. 1, n° 20,
1. V. TGI Paris, 3 juin 1969, D. 1970, p. 136, note J. P., affaire dite de la « rose tatouée ».
2. Civ. 1, 7 nov. 2000, n° 98-17731, Bull. civ. I, n° 283 ; D. 2001, p. 2400, note Y. Auguet ; JCP 2001,
II, 10452, note Vialla ; JCP 2001, I, 301, n° 16, obs. J. Rochfeld ; D. 2002, somm. p. 930, obs.
O. Tournafond ; Def., 2001, p. 431, obs. R. Libchaber. Sur cette jurisprudence, v. Y. Serra,
« L’opération de cession de clientèle civile après l’arrêt du 7 novembre 2000 : dorénavant on fera
comme d’habitude », D. 2001, chron. p. 2295.
3. Colmar, 9 janv. 1958, D. 1958, p. 163.
4. TGI Paris, 8 nov. 1973, D. 1975, p. 402, note M. Puech, « annule d’office la convention de strip-tease
du 16 février 1971, contraire aux bonnes mœurs dans le sens entendu par l’article 6 du Code civil ;
constate dès lors que l’acte n’a pu être source d’aucune obligation juridique de part et d’autre… ».
Comp. Soc., 12 juin 1991, n° 88-44396, une personne avait été engagée par un contrat de travail à
durée déterminé en qualité d’« artiste de strip-tease » ; victime d’une rupture de son contrat avant terme,
elle obtient une indemnisation pour rupture fautive de son contrat : en sanctionnant la rupture du
contrat, la Cour de cassation admet semble-t‑il implicitement sa validité.

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international, il est possible d’utiliser une monnaie étrangère. La solution est
désormais énoncée à l’article 1343-3 du Code civil : « Le paiement, en France,
d’une obligation de somme d’argent s’effectue en euros. Toutefois, le paiement
peut avoir lieu en une autre monnaie si l’obligation ainsi libellée procède d’une
opération à caractère international ou d’un jugement étranger. Les parties peuvent
convenir que le paiement aura lieu en devise s’il intervient entre professionnels,
lorsque l’usage d’une monnaie étrangère est communément admis pour l’opération
concernée. ».
328. Sanction. La sanction de l’ordre public est le plus souvent la nullité du
contrat ou de la clause qui y contrevient.

B. Le contrôle du but contractuel


329. Notion de but. Le but du contrat, ce sont les mobiles, les motifs personnels
du contractant, les raisons profondes qui le poussent à s’engager. C’est ce que l’on
appelait autrefois la cause subjective (v. supra, n° 317). Si les mobiles de l’un des
contractants sont illicites, le contrat lui-même est illicite et doit donc être annulé.
330. Nécessité d’un contrôle du but. L’examen du but pourra permettre au juge
de découvrir que l’un des contractants poursuit une finalité contraire à l’ordre
public, alors que la seule analyse des stipulations n’en laissait rien transparaître.
Classiquement, la jurisprudence exigeait que le but illicite ait été connu de l’autre
partie pour prononcer la nullité. Mais cette exigence a été abandonnée. Dans un
arrêt rendu le 7 octobre 1998, la Cour de cassation a jugé qu’« un contrat peut
être annulé pour cause illicite ou immorale, même lorsque l’une des parties n’a
pas eu connaissance du motif illicite ou immoral déterminant la conclusion du
contrat1 ». Cette solution est aujourd’hui inscrite dans l’article 1162 du Code civil,
qui dispose que « le contrat ne peut déroger à l’ordre public ni par ses stipulations,
ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties ».
331. Exemples. De nombreux exemples concernent la morale sexuelle. Par
exemple, est nul l’achat d’un immeuble pour permettre l’installation d’une maison
de tolérance2 ou l’exercice d’une autre activité illicite. On peut observer que, sur
de nombreuses questions, la jurisprudence s’est adaptée à l’évolution des mœurs.

1. Civ. 1, 7 oct. 1998, n° 96-14359, Bull. civ. I, n° 285 ; D. 1998, p. 563, conc. J. Sainte-Rose, JCP 1998,
éd. G., II, 10202, note M.-H. Maleville ; G.A., t. 2, n° 158.
2. Nullité du contrat conclu pour permettre l’installation d’une maison de tolérance : Civ., 26 mars 1860,
DP 1860, 1, 255 ; Civ, 8 oct. 1957, D. 1958, p. 317, note P. Esmein. V. ég. Civ., 8 janv. 1964,
D. 1964, p. 267.

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Par exemple, la jurisprudence a pendant longtemps décidé que les libéralités entre
concubins sont nulles « si elles ont pour cause impulsive et déterminante la forma-
tion, le maintien ou la reprise de relations immorales1 ». Cette jurisprudence est
aujourd’hui abandonnée. La Cour de cassation admet que « n’est pas contraire aux
bonnes mœurs la cause de la libéralité dont l’auteur entend maintenir la relation
adultère qu’il entretient avec le bénéficiaire2 ».
L’ordre public et les bonnes mœurs ont aussi leur place dans le monde des affaires.
Par exemple, est nul pour cause illicite le contrat ayant pour but de permettre la
corruption ou le trafic d’influence3, le prêt consenti pour financer l’acquisition
d’une clientèle illicite4 ou encore le prêt consenti par une coopérative pour financer
les pénalités encourues du fait d’une violation des règles du droit européen5.
332. Sanction. L’illicéité du but porte atteinte à l’intérêt général ; elle est donc
sanctionnée par la nullité absolue du contrat.

II. Les droits fondamentaux


333. On présentera la notion de droits fondamentaux (1) puis l’influence des
droits fondamentaux sur le contrat (2).

1. La notion de droits fondamentaux


334. Présentation générale. La notion de droits fondamentaux telle qu’on la
conçoit aujourd’hui est née en Allemagne au lendemain de la Seconde Guerre
mondiale. Elle est l’expression d’une défiance à l’égard du législateur, qui peut

1. Civ. 1, 4 nov. 1982, n° 81-15738, Bull. civ. I, n° 319.


2. Civ. 1, 3 févr. 1999, n° 96-11946, Bull. civ. I, no 43 ; D. 1999, somm. p. 307, obs. M. Grimaldi ;
RTD civ. 1999, p. 364, obs. J. Hauser ; Def., 1999, p. 738, obs. D. Mazeaud ; JCP 1999, II, no 10083,
note M. Billiau et G. Loiseau ; D. 1999, p. 267, note J.-P. Langlade-O’Sughrue ; Cont. Conc. Cons.
1999, n° 105, obs. L. Leveneur. V. ég. Ass. plén., 29 oct. 2004, no 03-11238, Def., 2006, p. 78, note
P. Malaurie.
3. Com., 7 mars 1961, Bull. civ. III, n° 125, nullité de la convention ayant pour but de permettre la
rémunération occulte de démarches faites en vue d’obtenir l’approbation d’un marché auprès d’un
service public étranger.
4. Civ. 1 , 1er oct. 1996, n° 94-18876 ; Bull. civ. I, n° 335.
5. Civ. 1, 26 sept. 2012, n° 11-19941, Bull. civ. I, n° 188 ; RDC 2013, p. 25, obs. J. Rochfeld, une
coopérative agricole avait consenti à ses adhérents un prêt sans intérêts, remboursable uniquement en
cas de cessation des relations contractuelles, destiné à couvrir les pénalités encourues par les adhérents
en cas de dépassement des quotas de production laitière fixés en application de la réglementation
européenne.

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parfois se laisser aller aux dérives les plus extrêmes. Le contenu des droits fon-
damentaux n’est pas facile à délimiter. Pour s’en tenir à l’essentiel, on retiendra
qu’il s’agit des droits qui sont proclamés par un texte supra-législatif. Les droits
fondamentaux trouvent leur source dans des textes nationaux (notamment la
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, le Préambule de la
Constitution du 27 octobre 1946) ou supranationaux (notamment la Convention
européenne des droits de l’homme : Conv. EDH).
335. Effet horizontal. Les droits fondamentaux ont classiquement vocation à
s’appliquer dans les relations entre la puissance publique et les personnes privées :
on parle d’« effet vertical ». Mais ils s’appliquent également dans les rapports entre
personnes privées : on parle d’« effet horizontal ». C’est ainsi qu’ils intéressent le
droit des contrats1. Le projet d’ordonnance rendu public le 22 février 2015 com-
portait une disposition imposant le respect des droits et libertés fondamentaux2
mais cette disposition n’a pas été reprise dans l’ordonnance du 10 février 2016. Le
Code civil ne mentionne pas l’influence des droits fondamentaux sur le contrat,
mais cette influence est bien réelle en droit positif.

2. L’influence des droits fondamentaux sur le contrat


336. Présentation générale. La doctrine est divisée sur le rôle exact des droits
fondamentaux en droit des contrats3. Si la plupart des auteurs considèrent que les
droits fondamentaux sont une composante de l’ordre public4, d’autres au contraire
envisagent les droits fondamentaux comme un bloc autonome par rapport à l’ordre
public. Cette seconde approche doit à notre sens être privilégiée, pour deux raisons
au moins. D’une part, alors que l’ordre public découle généralement de la loi,
les droits fondamentaux découlent de règles supra-législatives ; c’est donc la hié-
rarchie des normes qui commande de respecter les droits fondamentaux en matière
contractuelle et le Conseil constitutionnel ainsi que la Cour EDH exercent leur
contrôle. D’autre part, contrairement aux règles d’ordre public qui sont synonymes

1. V. not. A. Debet, L’influence de la convention européenne des droits de l’homme sur le droit civil, préf.
L. Leveneur, Dalloz, 2002.
2. Projet d’ordonnance de 2015, art. 1102 : « La liberté contractuelle ne permet pas […] de porter atteinte
aux droits et libertés fondamentaux reconnus dans un texte applicable aux relations entre personnes
privées, à moins que cette atteinte soit indispensable à la protection d’intérêts légitimes et proportion-
nelle au but recherché ».
3. Sur cette question, v. J. Raynaud, « L’impact des droits fondamentaux sur le contrat… dans les manuels
de droit des obligations », RDLF 2019, chron. n° 1.
4. Par ex. P. Malaurie, L. Aynès et P. Stoffel-Munck, n° 649 ; F. Terré, P. Simler, Y. Lequette et
F. Chénedé, n° 501 et s.

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d’interdits sociaux et de protection de l’intérêt général, les droits fondamentaux
ont pour objet la protection de l’individu : ils sont porteurs de droits subjectifs.
Cette différence n’est pas sans conséquence au regard de la liberté contractuelle :
si les contractants ne peuvent déroger à l’ordre public, ils peuvent en revanche
porter atteinte à des droits fondamentaux dès lors que cette atteinte est nécessaire
et proportionnée1.
337. Influence des droits fondamentaux sur le droit des contrats. L’influence
des droits fondamentaux sur le droit des contrats n’est pas vraiment nouvelle2 mais
elle s’est accentuée ces dernières années.
Depuis le début des années 1990, plusieurs décisions ont pris appui sur la
Convention EDH pour écarter certaines clauses contractuelles.
Dans un arrêt en date du 6 mars 19963, qui fait figure de décision inaugurale, la
Cour de cassation fait application de l’article 8.1 de la Convention EDH, selon
lequel « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son
domicile et de sa correspondance » pour priver d’effet une « clause d’habitation
personnelle » qui interdisait au locataire d’héberger ses proches. Cette clause est
désormais réputée non écrite par la loi (L. 6 juill. 1989, art. 4, réd. L. n° 2014-366
du 24 mars 2004). Dans un arrêt en date du 12 janvier 1999 la Cour de cassation
a prononcé la nullité absolue d’une clause restreignant le libre choix du domicile
du salarié4.
Sur le fondement de l’article 11 de la Convention EDH (liberté d’association), la
Cour de cassation a annulé la clause stipulée dans un contrat de bail commercial
portant sur des locaux situés dans un centre commercial, qui imposait au preneur

1. V. art. 1102 du projet d’ordonnance de 2015, préc. V. ég. C. trav. art. L. 121-1.
2. Par exemple, le principe de prohibition des engagements perpétuels (sur lequel, v. infra, n° 618) est
lié à la liberté découlant de l’article 4 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 :
Cons. const., 9 nov. 1999, D.C. n° 99-419, JO n° 265 du 16 novembre 1999.
3. Civ. 3, 6 mars 1996, n° 93-11113, Bull. civ. III, n° 60 ; D. 1997, p. 167, obs. B. De Lamy ;
RTD civ. 1996, p. 580, obs. J. Hauser ; JCP 1996, I, 3958, obs. C. Jamin ; RTD civ. 1996, p. 897,
obs. J. Hauser ; ibid. p. 1024, obs. J.-P. Marguénaud ; V. ég. dans le même sens : Civ. 3, 22 mars 2006,
n° 04-19349, Bull. civ. III, n° 60 ; RDC 2006, p. 1149, obs. J.-B. Seube ; RTD civ. 2006, p. 722, obs.
J.-P. Marguénaud.
4. Soc., 12 janv. 1999, n° 96-40755, Bull civ. IV n° 7 ; D. 1999, somm. p. 645, obs. J.-P. Marguénaud
et J. Mouly ; RTD civ. 1999, p. 358, obs. J. Mestre : la restriction au libre choix du domicile par
l’employeur « n’est valable qu’à la condition d’être indispensable à la protection des intérêts légitimes
de l’entreprise et proportionnée, compte tenu de l’emploi occupé et du travail demandé, au but
recherché ».

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d’adhérer à l’association des commerçants de ce centre commercial1. L’article 6
de la Convention EDH a permis à la Cour de cassation de sanctionner une clause
contraire à la liberté de la preuve des faits juridiques2 ou portant une atteinte
excessive au droit d’agir en justice3.
Si les droits fondamentaux conduisent à écarter certaines clauses contractuelles,
la question se pose de savoir s’ils pourraient également avoir pour effet d’imposer
aux parties des obligations non prévues par celles-ci. À cet égard la jurisprudence
se montre très prudente, à juste titre nous semble-t‑il. Dans un arrêt en date du
18 décembre 2002 la Cour de cassation décide que « les pratiques dictées par
les convictions religieuses des preneurs n’entrent pas, sauf convention expresse,
dans le champ contractuel du bail et ne font naître à la charge du bailleur aucune
obligation spécifique4 ». C’est donc en vain que les locataires de religion juive
invoquent l’article 9.2 de la Convention EDH pour obtenir de leur bailleur la
pose de serrures non électriques. Les convictions religieuses d’un contractant ne
sauraient, en principe, sauf clause contraire, créer une obligation à la charge de
l’autre partie.

1. Civ. 3, 12 juin 2003, n° 02-10778, Bull civ. III, n° 125 ; RDC 2004, p. 231, obs. J. Rochfeld.
2. Civ. 2, 10 mars 2004, n° 03-10154, Bull civ. III, n° 101 ; RDC 2004, p. 938, obs. P. Stoffel-Munck ;
Resp. civ. ass., n° 20, obs. D. Noguéro ; RTD civ. 2005, p. 133, obs. J. Mestre et B. Fages.
3. Civ. 1, 16 déc. 2015, n° 14-29285, D. 2016, p. 566, obs. M. Mekki ; RTD civ. 2016, p. 339, obs.
H. Barbier ; ibid. p. 424, obs. M. Grimaldi.
4. Civ. 3, 18 déc. 2002, n° 01-00519, Bull. civ. III, n° 262 ; RJPF avr. 2003, n° 4, p. 9-10, note
E. Garaud ; RTD civ. 2003, p. 290, note J. Mestre et B. Fages.

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Chapitre 2

Détermination

338. Il ne suffit pas que le contenu du contrat soit licite, il faut encore qu’il
soit certain (art. 1128 C. civ.). Cette exigence concerne plus particulièrement la
prestation qui doit être « déterminée ou déterminable » (art. 1163 al. 2 C. civ.).
Le Code civil indique comment il faut entendre le caractère déterminable : « La
prestation est déterminable lorsqu’elle peut être déduite du contrat ou par référence
aux usages ou aux relations antérieures des parties, sans qu’un nouvel accord des
parties soit nécessaire » (art. 1163 al. 3 C. civ.). À l’inverse, la prestation n’est pas
déterminable si un nouvel accord des parties est nécessaire pour la fixer, ou si l’une
des parties dispose de la faculté d’en déterminer seule le contenu : dans ce cas, les
parties ne se sont pas accordées et il n’y a pas contrat.
Le contrat peut ouvrir un choix entre plusieurs prestations : on parle d’obligation
alternative1 (art. 1307 et s. C. civ.). Par exemple, la vente pourra être exécutée
par la livraison de tel objet ou de tel autre. Le choix appartient en principe au
débiteur (art. 1307-1 C. civ.), mais il est possible aux parties de donner le choix
au créancier2. En cas d’impossibilité d’exécuter une prestation, le débiteur n’est
pas libéré : il devra exécuter « l’une des autres » (art. 1307-3 C. civ.).
L’exigence du caractère déterminé ou déterminable de la prestation s’applique de
façon différente selon que la prestation porte sur une chose (I), sur un service (II)
ou bien sur une somme d’argent (III).

1. C. civ., art. 1307 et s. L’article 1308 prévoit une obligation « facultative », qui est une variante de
l’obligation alternative : le débiteur est tenu d’une prestation (livrer tel bien) mais il a la possibilité de
se libérer en fournissant une autre prestation (livrer tel autre bien). Le principal intérêt de la distinction
entre obligation alternative et obligation facultative réside dans les conséquences d’une impossibilité
d’exécuter : à la différence de l’obligation alternative, l’obligation facultative est éteinte si l’exécution
de la prestation initialement prévue est impossible.
2. Par ex. : Civ. 1, 9 avr. 2015, n° 14-15377, Bull. civ. I, n° 87 ; JCP 2015, 760, note C. Lachièze, une
agence de voyages proposait un séjour comportant, pour une journée déterminée, une option entre
deux activités différentes.

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I. Prestation portant sur une chose
339. La chose objet du contrat doit exister (1) et être déterminée (2).

1. Existence de la chose
340. Chose présente ou future. Selon l’article 1163 du Code civil « l’obligation
a pour objet une prestation présente ou future ».
Le plus souvent l’obligation a pour objet une chose présente, c’est-à‑dire une chose
qui existe lors de la conclusion du contrat. Une chose qui n’existe plus ne peut en
principe faire l’objet d’un contrat. S’agissant de la vente, l’article 1601 du Code
civil prévoit que « si au moment de la vente la chose vendue était périe en totalité,
la vente serait nulle ». Par exemple est nulle la vente d’une chose périmée1 ou la
cession d’un brevet inexistant2.
L’obligation contractuelle peut avoir pour objet une chose future, c’est-à‑dire une
chose qui n’existe pas lors de la formation du contrat mais qui existera à la date
de son exécution. Dans les relations d’affaires l’hypothèse d’un contrat portant sur
une chose future n’a rien d’exceptionnel ; il est courant qu’un producteur vende
à un détaillant une chose à fabriquer, une récolte en culture… Que se passe-t‑il
si la chose n’existe pas au moment prévu de l’exécution ? Sous réserve des règles
particulières applicables à certains contrats3, le contrat devient caduc.
Par exception certains contrats ne peuvent porter sur une chose future
(article 722 C. civ. : prohibition des pactes sur succession future ;
art. L. 131-1 C. prop. int. : prohibition de toute cession globale par un auteur de
ses droits sur ses œuvres futures).
341. Contrat aléatoire. Bien que le Code civil ne le prévoie pas expressément, la
liberté contractuelle permet aux parties de conclure un contrat aléatoire portant
sur une chose dont l’existence est incertaine. Tel est le cas par exemple lorsqu’une
personne achète « à ses risques et périls » le stock de marchandises d’une entreprise
en liquidation judiciaire.

1. Com., 16 mai 2006, n° 04-19785 ; Bull. civ. IV, n° 124.


2. Com., 3 mai 1978, n° 76-14543, Bull. civ. IV, n° 127, RTD com. 1978, p. 371, obs. A. Chavanne et
J. Azéma.
3. Par ex. art. 1601-1 à 1601-4 C. civ., concernant la vente d’immeuble à construire.

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2. Détermination de la chose
342. Distinction. La chose objet de la prestation doit être « déterminée ou déter-
minable » (art. 1163 al. 2 C. civ.). Cette exigence s’applique de façon différente
selon que la chose est un corps certain ou une chose de genre.
343. Corps certain. Un corps certain est une chose qui présente une irréductible
individualité et qui ne peut donc être remplacée par une autre1 (un bien immobilier,
une œuvre d’art). Si la chose objet de l’obligation est un corps certain, elle doit être
désignée individuellement. On ne vend pas « un immeuble », mais « tel immeuble ».
344. Chose de genre. Une chose de genre est une chose fongible, appréhendée
sous le rapport de son espèce (par exemple du blé), qui se vend au poids, au compte
ou à la mesure. Lorsque l’obligation a pour objet une chose de genre, celle-ci doit
être déterminée ou déterminable dans son espèce (le genre : du blé, du riz…), dans
sa quotité et dans sa qualité. S’agissant de la qualité, si elle n’est pas déterminée ou
déterminable en vertu du contrat, elle devra être « de qualité conforme aux attentes
légitimes des parties en considération de sa nature, des usages et du montant de
la contrepartie » (art. 1166 C. civ.).

II. Prestation de service


345. Possible. La prestation de service (par ex. réaliser un ouvrage) doit être
possible (art. 1163, al. 2 C. civ.). Pour la mise en œuvre de cette exigence, une
distinction s’impose. Le contrat est nul si la prestation est objectivement impossible
(par ex. décrocher la lune). Au contraire, le contrat est valable si la prestation est
subjectivement impossible, c’est-à‑dire impossible pour le débiteur mais pas pour
une autre personne. Tel est le cas par exemple, si une petite entreprise s’engage à
des travaux qui impliquent une technologie qu’elle ne maîtrise pas.
346. Déterminée ou déterminable. La prestation de service doit être déterminée
ou déterminable. Le débiteur doit savoir ce à quoi il s’engage, et le créancier ce
à quoi il a droit. À défaut le contrat n’est pas valablement formé. Ainsi est nul
car insuffisamment déterminé l’engagement d’un créancier de « faire un geste »2
envers son débiteur.

1. Lexique des termes juridiques, Dalloz, 2013, V° Corps certain.


2. Com., 28 févr. 1983, n° 81-14921, Bull. civ. IV, n° 86 ; RTD civ. 1983, p. 746, obs. F. Chabas ; Def.,
1984, p. 294, obs. J.-L. Aubert. V. ég. Civ. 1, 18 oct. 1994, Bull. civ. I, n° 291 ; Def., 1995, p. 737,
note P. Delebecque.

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III. Prestation monétaire
347. Présentation générale. Avant l’ordonnance du 10 février 2016 la jurispru-
dence avait décidé, après bien des hésitations, que la règle générale de l’ancien
article 1129 du Code civil exigeant que soit déterminée « la chose objet de l’obli-
gation » ne s’appliquait pas à la prestation monétaire1. La solution était justifiée
au regard de la lettre du texte (la monnaie n’est pas une chose comme les autres).
Et surtout elle était opportune car la détermination de l’obligation monétaire est
bien souvent régie par des dispositions spéciales à chaque contrat (par exemple
art. 1591 C. civ. pour la vente ; art. 1709 C civ. pour le bail ; art. 1907 C. civ. pour
le prêt à intérêt ; art. L. 122-4 C. ass. pour le contrat d’assurance). La question de
la détermination de la prestation monétaire relevait donc du droit des contrats
spéciaux.
Les rédacteurs de l’ordonnance du 10 février 2016 ont jugé utile d’insérer dans le
droit commun des contrats des règles spécifiques à la détermination de la prestation
monétaire. Force est de le dire, ce n’est pas une réussite : ces règles sont peu claires
et, le plus souvent, elles sont écartées par des règles spéciales.
On présentera rapidement ces dispositions qui s’articulent selon un principe (1)
et deux exceptions (2).

1. Règle de principe
348. Exigence de détermination du prix. L’article 1163 alinéa 2 du Code civil
découlant de l’ordonnance du 10 février 2016 prévoit que « la prestation […]
doit être déterminée ou déterminable ». Le texte vise toute prestation sans distinc-
tion aucune ; il est donc applicable à la prestation monétaire2. La règle de principe
est donc que la prestation monétaire doit être déterminée ou déterminable. Deux
exceptions sont cependant prévues.

1. Ass. plén., 1er déc. 1995, n° 93-13688, Bull. A.P., n° 9 ; D. 1996, p. 13, concl. M. Jéol, note L. Aynès ;
JCP 1996, II, 22565, note J. Ghestin ; Pet. Aff. 27 déc. 1995, p. 11, note D. Bureau et N. Molfessis ;
RTD civ. 1996, p. 153, note J. Mestre ; Def., 1996, p. 747, obs. P. Delebecque ; G.A., t. 2, n° 152.
2. V. en ce sens : A. Bénabent, n° 162 in fine ; O. Deshayes, T. Génicon et Y.-M. Laithier, p. 266 et s. ;
M. Fabre-Magnan, n° 399 ; G. Chantepie et M. Latina, n° 414 et s. ; F. Terré, P. Simler, Y. Lequette
et F. Chénedé, n° 377 et s. Contra : J. Moury, « La détermination du prix dans le “nouveau” droit
commun des contrats », D. 2013, p. 1013, spéc. n° 3 et s. ; J. Moury, « Retour sur le prix : le champ
de l’article 1163, alinéa 2, du Code civil », D. 2017 p. 1209.

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2. Exceptions
349. Contrats cadre. Le contrat cadre est un contrat « par lequel les parties
conviennent des caractéristiques générales de leurs relations contractuelles futures » ;
il prépare la conclusion de « contrats d’application » (art. 1111 C. civ.). La notion
de contrat cadre se rencontre principalement dans le secteur de la distribution.
Consacrant la jurisprudence antérieure1, l’article 1164 du Code civil énonce :
« Dans les contrats cadre, il peut être convenu que le prix sera fixé unilatéralement
par l’une des parties, à charge pour elle d’en motiver le montant en cas de contesta-
tion ». En cas d’abus dans la fixation unilatérale du prix, le juge peut être saisi d’une
demande tendant à obtenir des dommages et intérêts ou la résolution du contrat.
350. Contrats de prestation de service. Selon l’article 1165 du Code civil, « Dans
les contrats de prestation de service, à défaut d’accord des parties avant leur exé-
cution, le prix peut être fixé par le créancier, à charge pour lui d’en motiver le
montant en cas de contestation ». On relèvera qu’il n’est pas besoin ici que le
mécanisme de fixation unilatérale du prix soit prévu par les parties : c’est le légis-
lateur qui autorise la fixation unilatérale du prix par le créancier. En cas d’abus
dans la fixation unilatérale du prix le juge peut être saisi d’une demande tendant
à obtenir des dommages et intérêts ou la résolution du contrat2.
La portée de l’article 1165 est très incertaine. Ce texte concerne les « contrats de
prestation de service ». Cette qualification aux contours mal définis englobe de
très nombreux contrats3, ce qui pourrait a priori laisser penser que le domaine
d’application de l’article 1165 sera très étendu. Il faut cependant nuancer cette
première impression. D’une part, l’application de l’article 1165 est exclue pour
de nombreux contrats nommés dans lesquels un texte spécial exige la fixation
du prix lors de leur conclusion ; par exemple : le bail (art. 1709 C. civ.), le prêt à
intérêt (art. 1907 C. civ.) ou encore le contrat d’assurance (art. L. 122-4 C. ass.).
D’autre part, s’agissant des contrats de consommation, il faut compter avec la règle
de l’article L. 112-1 du Code de la consommation qui impose au professionnel
d’informer le consommateur sur les prix. Au final, le domaine d’application de
l’article 1165 du Code civil est assez restreint.

1. V. par ex. Ass. plén., 1er déc. 1995, n° 91-19653, Bull. A.P., n° 8.
2. L’ord. n° 2016-131 du 20 févr. 2016 n’avait prévu la possibilité de résolution que pour les contrats
cadre ; la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018, ratifiant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016,
l’a étendue aux contrats de prestation de service.
3. Voc. Jur. Capitant, V° Prestation de service : « a/ Terme générique englobant, à l’exclusion de la four-
niture de produits (en pleine propriété), celle de tout avantage appréciable en argent (ouvrage, travaux,
gestion, conseil, etc.) en vertu des contrats les plus divers (mandat, entreprise, contrat de travail, bail,
assurance, prêt à usage, etc.) ».

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Chapitre 3

Équilibre

351. L’équilibre des prestations n’est pas, en principe, une condition de validité du
contrat. Aucune disposition de portée générale n’exige un équilibre économique
du contrat, et c’est heureux car une telle exigence serait contraire à la liberté
contractuelle. Mais ce principe connaît certaines exceptions, le droit sanctionnant
dans certains cas le déséquilibre contractuel. Certaines dispositions sanctionnent
le déséquilibre entre les prestations principales (I) tandis que d’autres stigmatisent
les clauses accessoires qui, insidieusement, déséquilibrent le contrat (II).

I. Le déséquilibre entre les prestations principales


352. L’article 1168 du Code civil dispose : « Dans les contrats synallagmatiques,
le défaut d’équivalence des prestations n’est pas une cause de nullité du contrat, à
moins que la loi n’en dispose autrement ». Conformément au principe de liberté
contractuelle les parties peuvent fixer librement le prix d’un bien ou d’un service ;
dès lors que le consentement n’a pas été vicié, le juge ne peut pas annuler le
contrat au motif que le prix serait excessif1 ou insuffisant2, ni même modifier le
prix3. Cependant, ce principe supporte des exceptions. Le défaut de contrepartie
est une cause de nullité (1) et la lésion est sanctionnée par diverses dispositions
particulières (2).

1. Com., 21 avril 1980, n° 78-13943, Bull. civ. IV, n° 153, le prétendu caractère léonin du prix n’est pas
une cause de nullité du contrat.
2. Civ. 1, 4 juill. 1995, n° 93-16198 ; Bull. civ. I, n° 303 ; Cont. Conc. Cons. 1995, n° 181, obs.
L. Leveneur ; RTD civ. 1995, p. 881, obs. J. Mestre, à la suite d’une erreur d’étiquetage, une personne
achète au prix de 100 000 F chez Cartier un bijou dont la valeur réelle est de 460 419 F ; la Cour d’appel
ayant relevé dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation que le prix payé « n’apparaissait
nullement dérisoire […] en a justement déduit que, même si la valeur réelle du bijou était supérieure
au prix demandé, la vente n’était pas nulle pour absence de cause ».
3. Civ. 1, 10 juill. 2002, n° 00-14220, Bull. civ. I, n° 194.

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1. Sanction du défaut de contrepartie
353. Contrepartie illusoire ou dérisoire. Reprenant la solution qui était aupara-
vant fondée sur la notion de cause (anciens art. 1108 et 1131 C. civ.) l’article 1169
du Code civil énonce : « Un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de
sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s’engage est illusoire
ou dérisoire ». Cette disposition s’applique à tous les contrats à titre onéreux : les
contrats synallagmatiques (commutatifs ou aléatoires) et les contrats unilatéraux
à titre onéreux1.
La contrepartie convenue est « illusoire » lorsque, bien qu’étant apparente, elle est
en réalité dépourvue de toute consistance dès la formation du contrat. Par exemple,
est nul le contrat par lequel une personne s’engage à présenter son successeur
à une clientèle qui est en réalité inexistante2. Dans les contrats aléatoires (par
exemple le contrat d’assurance), on considère que l’aléa constitue la contrepartie
de l’engagement de l’une des parties : le contrat est nul lorsque l’aléa prévu n’existe
pas lors de la conclusion du contrat. Par exemple, est nul le contrat par lequel le
généalogiste s’engage à révéler l’existence d’une succession à son bénéficiaire alors
que celui-ci en aurait nécessairement eu connaissance3.
La contrepartie est « dérisoire » lorsqu’elle confine au néant. Tel est le cas, par
exemple, de la vente à « vil prix »4 ou pour un prix « non sérieux »5. La contrepar-
tie dérisoire ne se confond pas avec la contrepartie insuffisante qui correspond à
la lésion et qui n’est en principe pas sanctionnée. La contrepartie dérisoire doit
également être distinguée du « prix symbolique » qui est valable dès lors que

1. L’application de l’art. 1169 dans les contrats unilatéraux soulève cependant certaines interrogations ;
v. not. F. Terré, P. Simler, Y. Lequette, et Chénedé, n° 415 et s.
2. V. Civ. 1, 25 avr. 1990, n° 88-12157 et n° 88-12296, Bull. civ. III, n° 88, le contrat de présentation
est nul car aucune clientèle n’est attachée aux fonctions d’administrateur judiciaire. V. ég. Civ. 1,
10 févr. 1993, n° 91-13595.
3. V. Civ. , 18 avr. 1953, n° 53-06152, Bull. civ. I, n° 128, la nullité est prononcée au motif que le généa-
logiste « n’avait rendu [à sa cliente] aucun service et qu’il n’avait couru aucun aléa et que l’existence
de la succession devait normalement parvenir à la connaissance de l’héritière sans l’intervention du
généalogiste ».
4. V. en ce sens : Civ. 3, 18 juill. 2001, n° 99-17496, Bull. civ. III, n° 101. V. ég. Civ. 3, 16 déc. 1998,
n° 97-11541, Bull. civ. III, n° 256.
5. Civ. 1, 20 oct. 1981, n° 80-14741, Bull. civ. I, n° 301, « dès lors qu’il a été constaté que le prix d’une
vente n’était pas sérieux, l’acte est inexistant ».

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l’engagement du vendeur trouve une contrepartie ailleurs que dans le prix, dans
des obligations assumées par l’acheteur1.
354. Sanction. La sanction de la contrepartie illusoire ou dérisoire est la nullité
relative du contrat (art. 1169 et 1179 C. civ.)2.

2. Sanction de la lésion
355. Contrôles prévus par la loi. La lésion, définie comme le préjudice résultant
du défaut d’équilibre des prestations contractuelles au moment de la conclusion du
contrat, n’est pas sanctionnée de façon générale mais dans certains cas seulement3
(art. 1168 C. civ. ; ancien art. 1118).
Dans le Code civil, la lésion n’est sanctionnée que dans trois cas :
Les incapables. Le mineur (art. 1149 C. civ.) ou le majeur incapable (art. 435 et
465 C. civ.) qui accomplit seul un acte de la vie courante pourra obtenir la nullité
s’il démontre que cet acte lui cause une lésion. Dans ces hypothèses, la lésion est
exigée comme une condition supplémentaire : l’acte irrégulier doit en plus être
lésionnaire pour encourir la nullité.
La vente d’immeuble. Le vendeur d’un immeuble qui est lésé de plus des sept dou-
zièmes (c’est-à‑dire s’il reçoit moins de cinq douzièmes de la valeur de l’immeuble)
peut demander la rescision (art. 1674 C. civ.).
Le partage. Le copartageant qui subit une lésion de plus du quart (c’est-à‑dire s’il
reçoit un lot inférieur aux trois quarts de ce à quoi il a droit) peut demander un
complément de part (art. 889 C. civ.).
En dehors du Code civil, diverses dispositions sanctionnent la lésion. On donnera
quelques exemples :
Ventre d’engrais. La loi du 8 juillet 1907 permet à l’acheteur d’engrais, de semences
ou de plants destinés à l’agriculture lésé de plus du quart de demander une réduc-
tion du prix et des dommages et intérêts.

1. Civ. 3, 3 mars 1993, n° 91-15613, Bull. civ. III, n° 28 ; JCP 1994, I, n° 3744, obs. M. Fabre-Magnan ;
RTD civ. 1994, p. 124, obs. P.-Y. Gautier, la vente de certains biens professionnels pour le prix
d’un franc symbolique ne pouvait être dissociée de la reprise de dette, l’ensemble « formant un tout
indivisible ».
2. V. en ce sens : Civ. 3, 18 juill. 2001, préc. ; v. cep. Civ. 3, 29 avr. 1988, préc., décidant que la vente
est inexistante : Civ. 1, 20 oct. 1981, préc., « dès lors qu’il a été constaté que le prix d’une vente n’était
pas sérieux, l’acte est inexistant ».
3. G. Chantepie, La lésion, préf. G. Viney, LGDJ, 2006.

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Convention d’assistance maritime. La loi n° 67-547 du 7 juill. 1967 prévoit que
toute convention d’assistance maritime peut, à la requête de l’une des parties,
être annulée ou modifiée par le tribunal s’il estime que les conditions convenues
ne sont pas équitables.
Cession de droit d’auteur. L’article L. 131-5 du Code de la propriété intellectuelle
prévoit que l’auteur qui a cédé le droit d’exploiter son œuvre pour un prix for-
faitaire peut, s’il subit une lésion de plus des 7/12e, obtenir la révision du prix
convenu.
356. Contrôles instaurés par la jurisprudence. Dès le xixe siècle, la Cour de
cassation a reconnu aux juges du fond le pouvoir de réduire les honoraires des
professionnels agissant en qualité de mandataires1. Cette jurisprudence s’est éten-
due plus récemment à d’autres professionnels libéraux2. Ce pouvoir de réduction
n’existe que lorsque les honoraires ont été fixés avant que le service ait été rendu :
le juge ne peut modifier les honoraires convenus après que le service a été rendu3.
357. Sanction de la lésion. La lésion est le plus souvent sanctionnée par la nullité
du contrat (qui prend parfois le nom de « rescision »). Cependant dans certains
cas le contrat est maintenu mais le juge a le pouvoir de le rééquilibrer (par ex.
s’agissant de la réduction des honoraires). Dans la vente d’immeuble, l’acheteur
peut éviter la nullité en payant au vendeur le juste prix, diminué d’un dixième
(art. 1681 C. civ.) ; c’est ce que l’on appelle le rachat de la lésion.
358. L’aléa chasse la lésion. La sanction de la lésion est exclue lorsque le contrat
présente un caractère aléatoire. On dit que l’aléa chasse la lésion. Tel est le cas par
exemple dans la vente moyennant une rente viagère4. Mais encore faut-il qu’il y
ait véritablement aléa, c’est-à‑dire que chaque partie ait des chances de gains et
des risques de pertes ; dans le cas contraire, la vente peut être annulée pour vileté
du prix5.

1. Jurisprudence constante depuis : Civ. 29 janv. 1867, DP 1867, 1, 53 ; S. 1867, 1, 245 ; G.A.,
t. 2, n° 266. La réductibilité ne peut être écartée par la volonté des parties : Civ. 3, 20 févr. 1973,
Bull. civ. III, n° 145 (clause prévoyant que la rémunération était « irréductible et forfaitaire »).
2. Civ. 1, 3 juin 1986, n° 85-10486, Bull. civ. I, n° 150 (expert-comptable) ; Civ. 1, 3 mars 1998,
n° 95-15799, Bull. civ. I, n° 85 ; JCP 1998, II, 10115, note J. Sainte-Rose (avocat) ; Civ. 1,
21 févr. 2006, n° 02-14326, Bull. civ. I, n° 100 ; JCP 2006, IV, n° 1582 (généalogiste).
3. Civ. 1, 3 juin 1986, préc., « les tribunaux peuvent, quand une convention a été passée en vue de
l’exécution de travaux donnant lieu à honoraires, réduire ces derniers lorsqu’ils paraissent exagérés,
pourvu qu’ils n’aient pas été versés en connaissance du travail effectué et après service fait ».
4. Req., 6 mai 1946, RTD civ. 1946, p. 324, obs. J. Carbonnier.
5. Civ. 3, 16 nov. 2010, n° 09-17293 ; Cont. Conc. Cons. 2011, n° 25, obs. Leveneur.

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II. Les clauses accessoires déséquilibrant le contrat
359. L’équilibre d’un contrat ne dépend pas seulement des clauses définissant
les prestations principales. On sait que certaines clauses accessoires peuvent avoir
pour effet de remettre en cause l’équilibre du contrat, de façon insidieuse (par
exemple les clauses limitatives de responsabilité ou les clauses de pouvoir). C’est
pourquoi le législateur est intervenu pour lutter contre certaines clauses accessoires
déséquilibrantes, d’abord en droit de la consommation (1) puis en droit de la
concurrence (2) et enfin, par l’ordonnance du 10 février 2016, en droit commun
des contrats (3).

1. Droit de la consommation
360. Premières vues. Dès 1978, le législateur a adopté un dispositif de lutte
contre les clauses abusives en droit de la consommation. Ce dispositif a été modifié
plusieurs fois, notamment par une loi du 1er février 1995 transposant la directive
européenne n° 93/13 CEE du 5 avril 1993. Il figure aujourd’hui à l’article L. 212-1
du Code de consommation : « Dans les contrats conclus entre professionnels et
non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet
ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur,
un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».
361. Contrats concernés. L’article L. 212-1 du Code de la consommation ne
s’applique qu’aux contrats conclus entre un professionnel et un consommateur ou
non-professionnel. Ces notions sont désormais clairement définies dans un article
liminaire du Code de la consommation :
–– consommateur : « toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent
pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libé-
rale ou agricole » ;
–– non-professionnel : « toute personne morale qui n’agit pas à des fins
professionnelles » ;
–– professionnel : « toute personne physique ou morale, publique ou privée,
qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, indus-
trielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu’elle agit au nom ou
pour le compte d’un autre professionnel ».

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362. Clauses concernées. La clause abusive se caractérise par un critère purement
objectif : le « déséquilibre significatif ». Le Code de la consommation fournit cer-
taines indications pour l’application de ce critère.
Le déséquilibre significatif s’apprécie « en se référant, au moment de la conclusion
du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à
toutes les autres clauses du contrat. Il s’apprécie également au regard de celles
contenues dans un autre contrat lorsque les deux contrats sont juridiquement liés
dans leur conclusion ou leur exécution » (art. L. 211-2 al. 2 C. cons.).
L’appréciation du déséquilibre significatif « ne porte ni sur l’objet principal du
contrat », ni sur « l’adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au
service offert » (art. L. 212-1 al. 3 C. cons.). Seules les clauses accessoires peuvent
être contrôlées, car le dispositif ne doit pas permettre de sanctionner la lésion.
Cependant cette limitation ne joue que « pour autant que les clauses soient rédi-
gées de façon claire et compréhensible » (art. L. 212-1 al. 3 C. cons.) ; dans le cas
contraire le contrôle de la lésion devient possible1.
Ces directives se sont révélées à l’usage relativement imprécises. Elles laissent libre
cours à des appréciations judiciaires parfois peu rigoureuses2.
Afin de limiter les incertitudes qui peuvent résulter d’une appréciation exclu-
sivement judiciaire le législateur a confié au pouvoir réglementaire la mission
d’établir, sur avis de la commission des clauses abusives3, deux listes de clauses qui
sont considérées intrinsèquement comme abusives. Une liste « noire » de clauses
qui sont irréfragablement présumées abusives (art. L. 212-1 al. 4). Et une liste
« grise » de clauses qui sont simplement présumées abusives, le professionnel ayant
la possibilité de prouver qu’elles ne créent aucun déséquilibre significatif entre les
droits et obligations des parties (art. L. 212-1 al. 5). Un décret du 18 mars 2009
a établi ces deux listes (art R. 212-1 et R. 212-2 C. cons.).
363. Sanctions. Les clauses abusives sont réputées non écrites (sur cette sanction,
v. infra, n° 406). Seule la clause abusive disparaît ; le reste du contrat est en principe
valable, sauf s’il est établi que le contrat ne peut subsister sans la clause supprimée.
Les associations de consommateurs agréées peuvent demander, au besoin
sous astreinte, la suppression des clauses abusives dans les modèles de contrat

1. V. C. Lachièze, « Clauses abusives et lésion : la légalisation d’une relation controversée », Pet. Aff.
2 juill. 2002, p. 4 et s.
2. V. X. Lagarde, « Qu’est-ce qu’une clause abusive ? Étude pratique », JCP 2006, I, 110.
3. Art. L. 822-4 et s. et R. 822-18 et s. C. cons.

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habituellement proposés aux consommateurs (art. L. 621-2 al. 1er C. cons.).
Suivant les recommandations de la CJUE1, la loi du 17 mars 20142 a étendu la
portée de cette sanction préventive en permettant aux associations de consom-
mateurs de demander que la clause soit réputée non écrite dans tous les contrats
identiques en cours d’exécution conclus par le défendeur avec des consommateurs
(art. L. 621-2 al. 2 C. cons.).

2. Droit de la concurrence
364. Contrats concernés. Les professionnels peuvent se trouver confrontés à
des partenaires économiques plus puissants leur imposant des clauses abusives.
Or ils ne sont pas protégés par le Code de la consommation. C’est pourquoi le
législateur est intervenu par la loi de modernisation de l’économie n° 2008-776 du
4 août 2008 pour introduire dans le droit de la concurrence, au titre des pratiques
restrictives de concurrence3, un dispositif de lutte contre les clauses abusives.
365. Clauses concernées. Selon l’article L. 442-1, I, 2°, du Code de commerce,
engage la responsabilité de son auteur le fait de « soumettre ou de tenter de sou-
mettre l’autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les
droits et obligations des parties ». Le critère de l’abus retenu par l’article 442-1, I,
est donc le même que celui de l’article L. 212-1 du Code de la consommation :
c’est le déséquilibre significatif.
366. Sanction. S’agissant de la sanction des clauses abusives, le dispositif du droit
de la concurrence présente certaines différences avec le dispositif consumériste.
D’abord, il réprime la simple tentative (le fait de « tenter de soumettre » un parte-
naire à des obligations créant un déséquilibre significatif4).

1. CJUE, 26 avr. 2012, n°C-472/10, D. 2013, p. 945, obs. H. Aubry.


2. Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, JO 18 mars 2014.
3. Le droit français de la concurrence comprend le droit des pratiques restrictives de concurrence (C. com.
art. L. 442-1 à L. 442-10) qui sanctionne les comportements déloyaux indépendamment de leur effet
sur le marché, et le droit des pratiques anticoncurrentielles qui sanctionne les comportements portant
atteinte au marché.
4. Com., 29 sept. 2015, n° 15-23547, RTD com. 2016, p. 81, obs. M. Chagny, caractérise une telle
tentative le fait qu’un distributeur a inscrit dans son contrat-type d’achat une clause instaurant un
déséquilibre manifeste dans les droits et obligations des parties, car « cela donne à cette clause la portée
d’un principe auquel les fournisseurs ne peuvent déroger qu’aux termes d’une négociation qui n’est,
dans beaucoup de cas, pas à leur portée ».

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Ensuite, l’appréciation du déséquilibre significatif concerne toutes les clauses sans
exclusion et peut donc s’appliquer aux prestations principales1.
Enfin, la sanction prévue par L. 442-1, I, 2°, du Code de commerce n’est pas la
suppression de la clause abusive, mais la responsabilité de l’auteur2.

3. Droit commun
367. L’ordonnance du 10 février 2016 a introduit dans le Code civil deux dispo-
sitions sanctionnant les clauses accessoires déséquilibrant le contrat : l’une prohibe
les clauses créant un « déséquilibre significatif » dans les droits et obligations des
parties (A), et l’autre prohibe les clauses privant de sa substance l’obligation essen-
tielle (B).

A. Clauses créant un déséquilibre significatif


368. Premières vues. L’article 1171, alinéa 1er, du Code civil énonce : « Dans
un contrat d’adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l’avance par l’une
des parties3, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des
parties au contrat est réputée non écrite4 ». Cette disposition introduit en droit
commun la lutte contre les clauses abusives, qui existait en droit de la consomma-
tion (v. supra, n° 360 et s.) et en droit de la concurrence (v. supra, n° 364 et s.).
369. Contrats concernés. Dans le projet d’ordonnance diffusé en février 2015
dans le cadre de la consultation, la prohibition des clauses abusives concernait
tous les contrats sans distinction aucune. Le dispositif avait donc un domaine

1. Com., 25 janv. 2017, n° 15-23547, décidant que le « déséquilibre significatif » peut « résulter d’une
inadéquation du prix au bien vendu ».
2. Cependant, jugeant que la clause est réputée non écrite : Rouen 12 déc. 2012, RG n° 12/01200 ; Paris,
7 juin 2013, RG n° 11/08674. V. M. Chagny, « L’essor jurisprudentiel de la règle sur le déséquilibre
significatif cinq ans après ? », RTD com. 2013, p. 500.
3. Les termes en italiques ont été ajoutés par la L. n° 2018-287 du 20 avril 2018 ratifiant l’ordonnance
n° 2016-131 du 10 février 2016, préc.
4. Sur ce texte, v. not. D. Fenouillet, « Le juge et les clauses abusives », RDC 2016, p. 358 ; S. Gaudemet,
« Quand la clause abusive fait son entrée dans le Code civil », Cont. Conc. Cons. 2016, Dossier 5 ;
A. Hontebeyrie, « 1171 contre L. 442-6-I 2° : la prescription dans la balance », D. 2016, p. 2180 ;
X. Lagarde, « Questions autour de l’article 1171 », D. 2016, p. 2174 ; M. Mekki, « La réforme du droit
des obligations : questions pratiques », Gaz. Pal. 2016, n° 17 p. 11 ; M. Mekki, « Réforme des contrats
et des obligations : clauses abusives dans les contrats d’adhésion », JCP 2016, act. 1190. Sur le projet
d’ordonnance de 2015 : F. Chénedé, « Le contrat d’adhésion dans le projet de réforme », D. 2015,
p. 1226.

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d’application général, ce qui a soulevé de vives critiques1 : il serait excessif de
soumettre au contrôle de l’abus une clause qui a été négociée. Les rédacteurs de
l’ordonnance du 10 février 2016 ont tenu compte de ces critiques : l’article 1171
du Code civil limite le domaine du dispositif de lutte contre les clauses abusives
aux seuls contrats d’adhésion.
370. Clauses concernées. L’article 1171, alinéa 1er, du Code civil sanctionne
les clauses créant un « déséquilibre significatif entre les droits et obligations des
parties au contrat ». Ce critère est celui retenu par l’article L. 212-1 du Code de
la consommation. Pour interpréter la notion de déséquilibre significatif les juges
peuvent s’inspirer de méthodes retenues en droit de la consommation2, comme
en témoignent les premières décisions rendues3. Comme en droit de la consom-
mation, le déséquilibre sanctionné ne saurait porter « ni sur l’objet principal du
contrat ni sur l’adéquation du prix à la prestation » (art. 1171 al. 2 C. civ.). Le
contrôle des clauses ne doit pas permettre de contourner la règle suivant laquelle
la lésion est en principe indifférente.
La loi du 20 avril 20184 a ajouté une exigence supplémentaire pour tenir compte
de la nouvelle définition du contrat d’adhésion (v. supra, n° 101). Désormais le
contrôle de l’abus est limité aux seules clauses non négociables, déterminées à
l’avance par l’une des parties. Les clauses négociables échappent au contrôle de
l’abus.
371. Articulation avec les textes de droit spécial. La question se pose de savoir
comment s’articule ce dispositif avec ceux prévus par les droits spéciaux. Un
consommateur peut-il invoquer l’article 1171 plutôt que l’article L. 212-1 du
Code de la consommation ? Un professionnel peut-il invoquer l’article 1171 plutôt
que l’article L. 442-1, I ? La doctrine est divisée5. Lors des débats qui ont précédé
le vote de la loi de ratification, il est apparu que l’intention du législateur était

1. V. not. P. Stoffel-Munck, « Les clauses abusives : on attendait Grouchy… », Dr. et pat. oct. 2014, p. 56.
2. Ce mode d’interprétation est suggéré par le Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance
n° 2016-131 du 10 février 2016, préc., Sous-Section 3 « Le contenu du contrat ». V. cep. les questions
soulevées par S. Gaudemet, « Quand la clause abusive fait son entrée dans le Code civil », préc., spéc.
n° 9.
3. Chambéry, 18 janv. 2018, n° 16/01710, qui refuse de déclarer abusive une clause de non-­
remboursement des frais d’inscription dans une université, au motif que le demandeur ne rapportait
pas la preuve que l’université disposait d’un « pouvoir unilatéral » ou d’un « avantage non réciproque ».
4. L. n° 2018-287 du 20 avril 2018 ratifiant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant
réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, préc.
5. V. not. D. Fenouillet, « Le juge et les clauses abusives », RDC 2016, p. 358, spéc. n° 53.

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de faire primer les règles spéciales sur la règle générale de l’article 1171 du Code
civil1. La jurisprudence devrait s’en tenir à cette interprétation2.

B. Clauses privant de sa substance l’obligation essentielle


372. Présentation. Selon l’article 1170 du Code civil « Toute clause qui prive
de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite »3.
Comme l’indique le Rapport au Président de la République4, cette disposition
consacre la construction jurisprudentielle opérée à partir de l’arrêt Chronopost
du 22 octobre 19965 qui avait décidé, en se fondant sur la notion de cause, que
devaient être reportées ou écartées les clauses contredisant la portée de l’obligation
essentielle.
373. Contrats concernés. Alors que l’article 1171 alinéa 1er du Code civil
s’applique uniquement aux « contrats d’adhésion », l’article 1170 est quant à lui
applicable à tous les contrats sans distinction aucune.
374. Clauses visées. Est réputée non écrite la clause qui « prive de sa subs-
tance » l’obligation essentielle (art. 1170 C. civ.). L’obligation essentielle est celle

1. V. not. N. Belloubet, séance du 11 déc. 2017, discussion de l’amendement n° 17 rect. : « L’article 1105
du Code civil rappelle à cet égard que les règles générales du droit des contrats ne s’appliquent que sous
réserve des règles particulières à certains contrats. Dans leur majorité, les commentateurs de l’ordon-
nance ont d’ailleurs bien interprété l’article 1171 comme s’appliquant seulement lorsque les textes
spéciaux du Code de la consommation et du Code de commerce, eux, ne sont pas applicables ». V. ég.
F. Pillet, Rapport Sénat n° 22 (2017-2018), au nom de la commission des lois, déposé le 11 oct. 2017 :
« l’article 1171 du Code civil ne peut s’appliquer dans les champs déjà couverts par l’article L. 442-6
[aujourd’hui L. 442-1, I] du Code de commerce et par l’article L. 212-1 du Code de la consommation ».
2. En ce sens : O. Deshayes, T. Génicon, et Y.-M. Laithier, « Ratification de l’ordonnance portant réforme
du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations », JCP 2018, 529, spéc. n° 9
et n° 25.
3. Sur cette disposition, v. not. P. Delebecque, RDC 2015, p. 759.
4. Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, préc.,
p. 10.
5. Com., 22 oct. 1996, n° 93-18632, Bull. civ. IV, n° 261 ; G.A., t. 2, n° 157 ; D. 1997, p. 121, note
A. Sériaux ; Def., 1997, p. 333, obs. D. Mazeaud ; D. 1997, somm. p. 175, obs. P. Delebecque ;
Cont. Conc. Cons. 1997, n° 24, obs. L. Leveneur ; JCP 1997, II, 22881, note D. Cohen ; JCP 1997, I,
4027, n° 17 obs. G. Viney ; JCP 1997, I, 4002, n° 1, obs. M. Fabre-Magnan ; RTD civ. 1997, p. 418,
obs. J. Mestre : au visa de l’ancien art. 1131 C. civ. V. ég. dans le même sens : Com., 30 mai 2006,
n° 04-14974, Bull. civ. IV, n° 132 ; D. 2006, p. 2288 note D. Mazeaud ; Cont. Conc. Cons. 2006,
n° 183, obs. L. Leveneur ; RDC 2006, p. 1075, obs. Y.-M. Laithier ; RTD civ. 2006, p. 773, obs.
P. Jourdain.

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permettant la réalisation de l’opération projetée1 (on parle aussi d’obligation fon-
damentale). Est sanctionnée la clause qui contredit l’obligation essentielle au point
de priver celle-ci de toute portée2. Ainsi, une clause limitative de responsabilité
concernant une obligation essentielle n’est réputée non écrite que si le plafond
de dommages et intérêts convenu est dérisoire3 ; elle est au contraire valable dès
lors qu’il ne l’est pas4. Outre les clauses limitatives de réparation, le texte pourrait
s’appliquer à d’autres clauses qui avaient été sanctionnées par la jurisprudence
sur le fondement de la cause : par exemple les « clauses de réclamation » dans les
contrats d’assurance de responsabilité5 (ces clauses excluent la garantie de l’assureur
pour les sinistres survenus pendant la durée de validité du contrat mais déclarés
postérieurement).

1. P. Delebecque, Les clauses allégeant les obligations dans les contrats, thèse Aix-Marseille III, 1981, spéc.
n° 132 et s., spéc. n° 175. V. ég. sur l’obligation essentielle dite également obligation fondamentale :
P. Jestaz, « L’obligation et la sanction : à la recherche de l’obligation fondamentale », Études Pierre
Raynaud, Dalloz-Sirey 1985, spéc. p. 279 ; R. Sefton-Green, La notion d’obligation fondamentale :
comparaison franco-anglais, thèse Paris I, 1997. C. Grimaldi, « Les clauses portant sur une obligation
essentielle », RDC 2008, p. 1095. Pour une critique de cette notion, jugée « difficilement saisissable » :
T. Génicon, « Le régime des clauses limitatives de réparation », RDC 2008, p. 982.
2. Une telle clause a pour effet de « ruiner l’opération que le contrat doit réaliser » : P. Delebecque, thèse
préc., n° 145 et s.
3. Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Chronopost du 22 oct. 1996 (préc.) le plafond était dérisoire
(indemnisation limitée au remboursement des frais d’envoi).
4. Com., 29 juin 2010 (arrêt Faurecia « II »), n° 09-11841, Bull. civ. IV, n° 115 ; JCP E 2010, 1790,
note P. Stoffel-Munck ; JCP 2010, note 787, note D. Houtcieff ; D. 2010, p. 1832, note D. Mazeaud ;
Cont. Conc. Cons. 2010, n° 220, obs. L. Leveneur ; RDC 2010, p. 1220 obs. Y.-M. Laithier, et p. 1253,
obs. O. Deshayes : « seule est réputée non écrite une clause limitative de réparation qui contredit la
portée de l’obligation essentielle souscrite par le débiteur ».
5. Civ. 1, 19 déc. 1990, n° 88-12863, Bull. civ. I, n° 303 ; Civ. 1, 14 déc. 2010, nos 08-21606 et
10-10738, Bull. civ. I, n° 200.

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Titre 4

Les règles de forme

378. En vertu du consensualisme, la forme du contrat est en principe libre. Les


parties peuvent donc donner à leur contrat la forme qu’elles souhaitent. Par excep-
tion cependant le législateur prévoit des exigences de forme pour certains contrats.
On assiste depuis le début du xxe siècle à une « renaissance du formalisme6 ».
On distingue traditionnellement deux principaux types de formalisme2. Parfois
la forme est exigée pour la validité du contrat, à peine de nullité. On parle de
formalisme direct. D’autres fois, la forme est exigée non pour la validité du contrat
mais pour d’autres fins, telles que la preuve du contrat ou la publicité du contrat
et son opposabilité aux tiers. On parle de formalisme indirect.
On envisagera successivement le formalisme direct (Chap. 1) puis le formalisme
indirect (Chap. 2).

6. V. not. J. Flour, « Quelques remarques sur l’évolution du formalisme », Études Ripert, 1950, t. 1,
p. 95 et s. ; X. Lagarde, « Observations critiques sur la renaissance du formalisme », JCP 1999, I, 170 ;
J.-.L. Aubert, « Le formalisme, Rapport de synthèse », Def., 2000, p. 931.
2. J. Flour, art. préc.

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Chapitre 1

Le formalisme direct

379. Pour certains contrats, la réunion des conditions de validité énoncées par
l’article 1128 du Code civil n’est pas suffisante pour assurer leur validité. Une
forme est exigée comme condition de validité (ad validitatem). Ces contrats ne
sont pas consensuels : on dit qu’ils sont non consensuels. La catégorie des contrats
non consensuels comprend les contrats solennels (I) et les contrats réels (II).

I. Les contrats solennels


380. Notion. Les contrats solennels sont ceux dont la formation « est subordonnée
à des formes déterminées par la loi » (art. 1109 al. 2 C. civ.).
Parfois la forme exigée consiste en un acte sous seing privé. Cette exigence de
forme a généralement pour but de protéger l’un des contractants. La forme prend
du temps et permet de réfléchir avant de s’engager et elle peut servir de support à
certaines informations (sur le formalisme informatif, v. infra, n° 397 et s.). Tel est
le cas par exemple pour : la vente d’immeuble à construire destiné à l’habitation
(art. L. 261-11 CCH) ; le contrat de promotion immobilière (art. L. 222-3 CCH) ;
le contrat d’enseignement à distance (art. L. 444-7 et L. 444-8 du Code de l’en-
seignement) ; le contrat de cautionnement souscrit par une personne physique
(art. L. 343-1 et L. 343-2 C. cons.) ou encore pour les contrats conclus hors établis-
sement (art. L. 221-9 et L. 242-1 C. cons.) ou à distance (art. L. 224-2 C. cons.). La
cession de créance (art. 1322 C. civ.), la cession de contrat (art. 1216 al. 3 C. civ.),
la cession de dette (art. 1327 al. 2 C. civ.) doivent également être constatés par
écrit à peine de nullité.
D’autres fois la forme requise consiste en un acte authentique. On peut
citer notamment : la donation (art. 931 C. civ.) ; l’hypothèque (art. 2416 C. civ.) ;
le gage immobilier (art. 2488 C. civ.) ; la subrogation consentie par le débiteur
(art. 1346-2 C. civ.).

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381. Sanction. La formalité étant exigée pour la formation du contrat, le non-
respect de l’exigence de forme est sanctionné par la nullité du contrat. Il s’agit
d’une nullité absolue ou relative selon que la règle transgressée a pour objet la
protection de l’intérêt général ou d’un intérêt particulier (v. infra, n° 413 et s.).

II. Les contrats réels


382. Notion et sanction. Les contrats réels sont ceux dont la formation « est subor-
donnée à la remise d’une chose » (art. 1109 al. 3 C. civ. ; art ; 1172 al. 3 C. civ.).
La forme est requise à peine de nullité de la convention.
Il n’existe que très peu de contrats réels. On citera : le prêt de consommation dès lors
qu’il n’est pas accordé par un professionnel du crédit (art. 1875 C. civ. ; v. infra,
n° 383), le prêt à usage (art. 1892 C. civ.) et le dépôt (art. 1915 et 1919 C. civ.).
La jurisprudence a fait apparaître un nouveau contrat réel : le don manuel. Cette
nouvelle figure juridique permet de contourner le formalisme légal de la donation.
En effet, alors que l’article 931 du Code civil prévoit l’exigence de la forme authen-
tique pour toutes les donations, la jurisprudence admet la validité des donations de
biens mobiliers ne respectant pas cette exigence dès lors que le donateur a remis la
chose entre les mains du donataire. Le transfert matériel de la chose, permettant au
donateur de prendre conscience de son appauvrissement, constitue un « formalisme
de substitution ».
383. Discussion sur l’utilité de la catégorie des contrats réels. La doctrine est
divisée sur l’utilité de la catégorie des contrats réels1.
Certains auteurs y voient un archaïsme, une survivance du droit romain encom-
brant inutilement la théorie des contrats2. Ces auteurs considèrent que la remise
de la chose ne devrait pas être appréhendée comme une condition de formation
du contrat, mais comme une mesure d’exécution du contrat. Cette opinion trouve
un écho dans le droit positif : certains contrats autrefois considérés comme des
contrats réels ont quitté cette catégorie. Le gage était autrefois un contrat réel
mais, depuis la réforme du droit des sûretés par l’ordonnance du 23 mars 2006
(v. art. 2336 C. civ.), il est un contrat solennel. S’agissant du prêt de consomma-
tion, la Cour de cassation a opéré une évolution en ce sens en décidant que « le prêt

1. Sur la controverse concernant les contrats réels, v. C. Jamin, « Éléments d’une théorie réaliste des
contrats réels », Mélanges Béguin, Litec, 2005, p. 381.
2. V. not. G. Marty et P. Raynaud, n° 62 ; H. L. J. Mazeaud par F. Chabas, n° 82.

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consenti par un professionnel du crédit n’est pas un contrat réel1 » ; en revanche,
le prêt consenti entre particuliers reste un contrat réel2.
D’autres auteurs au contraire considèrent que la catégorie des contrats réels est
utile3. La formalité requise pour la formation de ces contrats (la remise matérielle
de la chose) peut constituer « un ultime rempart contre un engagement irréfléchi »4.
La jurisprudence qui admet la validité du don manuel est une excellente illustration
de l’utilité de la catégorie des contrats réels.

1. Civ. 1, 28 mars 2000, n° 97-21422, Bull. civ. I, n° 105 ; G.A., t. 2, n° 285 ; D. 2000, p. 482, note
S. Piedelièvre ; JCP 2000, II, 10296, concl. de l’avocat général J. Sainte-Rose ; Def., 2000, p. 720,
obs. J.-L. Aubert. Sur cette jurisprudence, v. F. Grua, « Le prêt d’argent consensuel », D. 2003, chron.
p. 1492.
2. Civ. 1, 7 mars 2006, n° 02-20374, Bull. civ. I, n° 138 ; Cont. Conc. Cons. 2006, n° 128 ; Civ. 1,
14 janv. 2010, n° 08-13160 ; Bull. civ. I, n° 6. ; D. 2010, p. 620, 1er arrêt, note J. François.
3. V. C. Jamin, « Éléments d’une théorie réaliste des contrats réels », préc. ; J.-L. Aubert, obs. préc., Def.,
2000, p. 720.
4. J.-L. Aubert, Def., 2000, p. 720, préc.

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Chapitre 2

Le formalisme indirect

384. On parle de formalisme indirect lorsque certaines formalités sont requises


non pour la validité du contrat mais pour une autre raison : pour sa preuve (I),
pour son opposabilité aux tiers (II) ou encore pour l’information des parties (III).

I. Le formalisme de preuve
385. Primauté de l’écrit. La preuve a une importance capitale : sans preuve un
droit ne peut être protégé par l’autorité publique. Selon un adage ancien, « c’est la
même chose de ne pas être ou de ne pas être prouvé »1. Les règles relatives à la preuve
des actes juridiques sont regroupées, depuis l’ordonnance du 10 février 20162,
dans un Titre IV bis intitulé : « De la preuve des obligations ».
L’écrit est le mode de preuve privilégié pour les actes juridiques en raison de son
caractère objectif : il est durable et préconstitué, c’est-à‑dire constitué avant la
naissance du litige (le plus souvent lors de la conclusion du contrat).
Il convient de présenter les cas dans lesquels un écrit est exigé (1) et les exigences
auxquelles l’écrit doit satisfaire (2).

1. Les cas dans lesquels un écrit est exigé


386. On présentera le principe de l’exigence d’un écrit (A) puis les exceptions à
ce principe (B).

1. Idem est non esse aut non probari. V. H. Roland et L. Boyer, Adages du droit français, Litec, 4e éd. 1999,
n° 161.
2. Ord. n° 2016-131 du 10 févr. 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de
la preuve des obligations, JO 11 févr. 2016.

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A. Le principe
387. Écrit à partir d’un certain seuil. Une preuve écrite est exigée à partir d’un
certain seuil (art. 1359 al. 1er C. civ.), qui est actuellement fixé à 1 500 €.
388. Preuve outre ou contre. L’article 1359 du Code civil prévoit qu’« il ne
peut être prouvé outre ou contre un écrit établissant un acte juridique » que par
un autre écrit, et cela même si on se situe en dessous du seuil réglementaire. En
cas de discordance entre deux écrits différents, il convient de faire application de
l’article 1368 C. civ. : « À défaut de dispositions ou de conventions contraires, le
juge règle les conflits de preuve par écrit en déterminant par tout moyen le titre
le plus vraisemblable ».

B. Les exceptions
389. L’exigence d’une preuve écrite connaît des exceptions diverses.
Impossibilité de l’écrit. L’exigence d’une preuve écrite est écartée en cas d’impos-
sibilité matérielle ou morale de préconstituer une preuve écrite, s’il est d’usage
de ne pas établir d’écrit, ou encore lorsque l’écrit a été perdu par force majeure
(art. 1360 C. civ.). L’impossibilité matérielle se rencontre rarement (elle corres-
pond à des cas d’urgence ou d’illettrisme). L’impossibilité morale peut résulter
des relations familiales, amicales ou hiérarchiques entre les parties ou des usages.
Commencement de preuve par écrit. L’article 1361 C. civ. prévoit qu’il peut être
suppléé à l’écrit par « un commencement de preuve par écrit corroboré par un autre
moyen de preuve ». Le commencement de preuve par écrit est un écrit, émanant
de celui qui conteste l’acte (et non de celui qui veut s’en prévaloir et qui doit
donc faire la preuve), qui ne remplit pas les conditions pour faire preuve mais qui
« rend vraisemblable ce qui est allégué » (art. 1362 C. civ.) ; par exemple : un acte
sous seing privé incomplet1 ou non signé2, une simple lettre dans laquelle il est
fait allusion au contrat3, un reçu4. L’article 1362 alinéa 2 du Code civil assimile
au commencement de preuve par écrit l’attitude d’une partie devant le juge : les

1. Civ. 1, 20 oct. 1993, n° 91-21782, Bull. civ. I n° 292, « s’il résulte de l’article 2015 du Code civil
qu’un acte de cautionnement n’est pas valable lorsqu’il ne comporte pas l’indication du débiteur de
l’obligation garantie, un tel acte peut néanmoins constituer un commencement de preuve par écrit
au sens de l’article 1347 du même Code ».
2. Civ. 1, 17 janv. 1961, Bull. civ. I, n° 41, un texte dactylographié non signé.
3. Com., 10 mai 1994, n° 92-16120, Bull. civ. IV, n° 172.
4. Civ. 1, 28 févr. 1995, n° 92-19097, Bull. civ. I, n° 107, un reçu vaut commencement de preuve d’un
prêt.

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propos, le silence, le refus de comparaître… Le commencement de preuve par écrit
ne suffit pas pour faire la preuve : il a seulement pour effet de rendre recevables les
autres modes de preuve qui peuvent le corroborer, le compléter : un aveu extra-
judiciaire1, ou encore des témoignages ou des présomptions.
Commerçants. L’article L. 110-3 du Code de commerce prévoit qu’« à l’égard des
commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins
qu’il n’en soit autrement disposé par la loi ». Cette exception à la règle de preuve
du droit civil répond aux exigences de rapidité et de simplicité des opérations
commerciales2. Cette exception s’applique sans réserve aux contrats conclus entre
commerçants agissant pour l’exercice de leur commerce. S’agissant des contrats
conclus entre un commerçant et un non-commerçant, que l’on qualifie d’« actes
mixtes », une distinction s’impose : le non-commerçant bénéficie du régime de la
liberté de la preuve3, tandis que le commerçant est soumis à la règle de preuve du
droit civil (exigence d’une preuve écrite dès lors que la somme en jeu excède le
seuil réglementaire4).
Aveu judiciaire ou serment décisoire. Selon l’article 1361 du Code civil : il peut être
suppléé à l’écrit par l’aveu judiciaire (art. 1383-2 C. civ.) et le serment décisoire
(art. 1385 à 1386-1 C. civ.) : ce sont des preuves « parfaites » qui dispensent d’une
preuve écrite.
Conventions sur la preuve. Reprenant la solution qui avait été admise par la
jurisprudence, le nouvel article 1356 alinéa 1er du Code civil, issu de l’ordon-
nance du 10 février 20165, prévoit que les « contrats sur la preuve sont valables
lorsqu’ils portent sur des droits dont les parties ont la libre disposition ». La vali-
dité des contrats sur la preuve connaît cependant certaines limites. L’article 1356
alinéa 2 prévoit que les conventions sur la preuve ne peuvent : – contredire les
présomptions irréfragables établies par la loi ; – établir au profit de l’une des parties
une présomption irréfragable ; – modifier les règles relatives à l’aveu ou au serment.

1. Civ. 1, 29 oct. 2002, n° 00-15834, Bull. civ. I, n° 251.


2. V. Montesquieu, De l’esprit des lois, 1748, chap. XVIII, « Les affaires du commerce sont très-peu
susceptibles de formalités. Ce sont des actions de chaque jour, que d’autres de même nature doivent
suivre chaque jour ».
3. Com., 21 juin 1994, n° 92-18630, Bull. civ. IV, n° 232, preuve de la remise de fonds à une banque ;
Civ. 1, 8 févr. 2000, n° 98-10107, Bull. civ. I, n° 35, preuve d’une vente ; Com., 25 juin 2002,
n° 00-14326, Bull. civ. IV, n° 110, preuve d’une vente.
4. V. Civ. 1, 21 avr. 1982, n° 81-11910, Bull. civ. I, n° 143 ; Civ. 1, 2 mai 2001, n° 98-23080, Bull. civ. I,
n° 108.
5. Ord. n° 2016-131 du 10 févr. 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de
la preuve des obligations, JO 11 févr. 2016.

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Les tiers. L’exigence d’une preuve écrite s’impose aux contractants dans leurs
rapports entre eux ; elle ne s’impose pas aux tiers qui peuvent toujours prouver
librement l’existence et le contenu du contrat1.

2. Les exigences auxquelles l’écrit doit satisfaire


390. Notion d’écrit. Le développement des nouvelles technologies a contraint le
législateur à poser une définition de l’écrit. L’article 1365 du Code civil dispose :
« L’écrit consiste en une suite de lettres, de caractères, de chiffres ou de tous
autres signes ou symboles dotés d’une signification intelligible, quel que soit leur
support ». L’article 1366 du Code civil précise : « L’écrit électronique a la même
force que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée
la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de
nature à en garantir l’intégrité ». L’écrit électronique est donc au même rang que
l’écrit papier. Les règles que l’on va exposer ci-après sont applicables aussi bien
aux actes sur support papier qu’aux actes électroniques.
Il existe deux catégories d’écrit : l’acte authentique (A) et l’acte sous signature
privée (B).

A. L’acte authentique
391. Condition. L’acte authentique est celui qui a été reçu par un officier public
ayant compétence et qualité pour instrumenter (art. 1369 al. 1er C. civ.). Il peut
être dressé sur support papier ou sur support électronique (art. 1369 al. 2 C. civ.).
L’acte authentique doit être rédigé en langue française2, comporter la signature de
l’officier public et l’indication de la date de l’acte.
Les notaires ont le monopole de la réception des actes et contrats auxquels les par-
ties doivent ou veulent donner le caractère authentique3. L’acte reçu par un notaire
est dispensé de toute mention manuscrite exigée par la loi (art. 1369 al. 3 C. civ.).
L’acte qui n’est pas authentique du fait de l’incompétence ou de l’incapacité du

1. Civ. 3, 17 avr. 1991, n° 89-15898, Bull. civ. III, n° 124 ; Civ. 1, 31 mars 1992, n° 90-17714,
Bull. civ. I, n° 98 ; JCP 1993, I, 3676, note F.-X. Testu, la preuve de l’existence d’un don manuel
consenti à l’un des héritiers d’une succession par leur auteur peut être faite par tous moyens par les
cohéritiers. Civ. 1, 3 juin 2015, n° 14-19825, Cont. Conc. Cons. 2015, n° 222, L. Leveneur, le tiers
qui invoque un mandat donné à son interlocuteur peut le prouver par tous moyens.
2. L’Ord. de Villers-Cotterêts de 1539, art. 111, impose que les décisions de justice et les actes de procé-
dure soient rédigés en français.
3. Ord. n° 45-2590 du 2 novembre 1945, art. 1er.

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notaire, ou en raison d’un défaut de forme (par exemple le défaut de signature de
l’officier public), vaut comme écrit sous signature privé (art. 1370 C. civ.).
392. Force probante et force exécutoire. L’acte authentique se distingue de l’acte
sous signature privée par sa force probante et sa force exécutoire.
Force probante. L’acte authentique est revêtu d’une force probante particulière : il
fait foi « jusqu’à inscription de faux »1. Cette force probante particulière a cepen-
dant un domaine strictement limité. Elle ne concerne que les énonciations relatives
à des faits que l’officier public a constaté ou accompli lui-même (cela comprend
notamment l’identification des parties, la mention de la date et les déclarations de
volonté qu’il a reçues de la part des parties, l’attestation que les parties ont payé
« en la vue du notaire »2) et ne concerne pas les énonciations relatives à des faits que
l’officier public n’a pu constater personnellement : par exemple l’état mental de
l’une des parties3 ou bien les déclarations des parties notamment celles indiquant
que le paiement a été fait « en dehors de la comptabilité du notaire »4. Ces dernières
mentions n’ont que la valeur probante d’un acte sous signature privée.
Force exécutoire. L’acte authentique a force exécutoire : le créancier peut mettre
en œuvre une mesure d’exécution forcée (saisie-vente, saisie-attribution…) sans
avoir à obtenir un jugement de condamnation du débiteur (art. L. 111-3 CPCE).

B. L’acte sous signature privée


393. Condition. L’acte sous seing5 privé est celui qui est rédigé par les parties et
signé par elles. Depuis l’ordonnance du 10 février 2016, cet acte est dénommé aux
articles 1372 et suivants du Code civil « acte sous signature privée ».
Signature. La signature constitue au point de vue de la preuve une exigence essen-
tielle. Elle « identifie son auteur » et « manifeste son consentement » (art. 1367
al. 1er C. civ.). La signature est soit manuscrite, soit électronique (elle consiste
alors en un « code ») (art. 1367 al. 2 C. civ.).
Contrats synallagmatiques. S’agissant des contrats synallagmatiques, l’article 1375
du Code civil impose la rédaction d’autant d’originaux « qu’il y a de parties ayant

1. La procédure d’inscription de faux contre les actes authentiques est prévue aux art. 303 et s. CPC.
2. Civ. 1, 26 mai 1964, Bull. civ. I, n° 274 ; D. 1964, p. 627 : l’acte notarié précisait que le prix avait été
versé « par un mandataire de l’acquéreur, porteur de deniers, en la vue du notaire » ; la Cour d’appel
avait décidé que la preuve pouvait être faite par tous moyens : cassation.
3. Civ. 1, 25 mai 1959, Bull. civ. I, n° 265.
4. Civ. 3, 27 févr. 2008, n° 07-10222, Bull. civ. III, n° 35. V. ég. Civ. 1, 16 juill. 1969, Bull. civ. I, n° 277.
5. Le mot « seing » désigne la signature.

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un intérêt distinct », chaque original devant comporter la mention du nombre
d’originaux établis. Cette règle est appelée communément la « formalité du
double ». Cette règle est écartée dans certaines situations, notamment lorsque les
parties sont convenues de remettre à un tiers l’unique exemplaire dressé1.
Actes ne comportant d’engagement qu’à la charge d’une seule partie. Pour les actes ne
comportant d’engagement qu’à la charge d’une seule partie, qu’il s’agisse d’actes
unilatéraux (par ex. reconnaissance de dette) ou de contrats unilatéraux (par ex.
cautionnement), l’article 1376 du Code civil exige la signature du débiteur ainsi
qu’une mention écrite de la main du débiteur de la somme ou de la quantité en
lettres et en chiffres. À défaut l’acte ne peut valoir comme preuve écrite ; il constitue
tout au plus un simple commencement de preuve par écrit2.
Copie fiable. L’article 1379, alinéa 1er, du Code civil pose un principe d’équivalence
de la copie fiable à l’original : « la copie fiable a la même force probante que l’origi-
nal ». La fiabilité est laissée à l’appréciation du juge ; toutefois, est présumée fiable
jusqu’à preuve du contraire toute copie « résultant d’une reproduction à l’identique
de la forme et du contenu de l’acte, et dont l’intégrité est garantie dans le temps
par un procédé conforme à des conditions fixées par décret en Conseil d’État »
(art. 1379, al. 2 C. civ.). Une photocopie ou une télécopie peut constituer une
« copie fiable » au sens de l’article 1379 du Code civil. L’alinéa 3 de l’article 1379
du Code civil apporte un bémol au principe d’équivalence de la copie à l’original :
« si l’original subsiste » sa présentation peut être exigée.
394. Force probante. Élaboré par les parties, l’acte sous signature privée n’a
qu’une force probante limitée.
Origine. L’acte sous signature privée ne fait pas foi de son origine, et c’est là une
grande faiblesse. Selon l’article 1373 du Code civil, celui à qui on l’oppose peut
désavouer sa signature ou son écriture et il appartient alors à celui qui s’en prévaut
de prouver que l’acte émane bien du prétendu contractant par la procédure de
vérification d’écriture (art. 287 et s. CPC).
Contenu. Le contenu de l’acte sous signature privée ne fait foi que jusqu’à preuve
contraire. Il est donc possible aux parties de contester les énonciations de l’acte,
mais cela uniquement en produisant un écrit (art. 1359 al. 2 C. civ.).

1. Art. 1375 C. civ.


2. Civ. 1, 20 oct. 1993, n° 90-21183, Bull. civ. I, n° 259, à propos d’un cautionnement.

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Date. La date mentionnée à l’acte fait foi jusqu’à preuve du contraire dans les
rapports entre les parties1, mais elle n’est pas opposable aux tiers. Seul l’enregis-
trement de l’acte ou le décès d’un des signataires confère à l’acte « date certaine »
à l’égard des tiers (art. 1377 C. civ.).
395. Acte contresigné par avocat. Créé par la loi du 28 mars 20112, l’acte contre-
signé par avocat n’est pas, comme certains l’auraient souhaité3, un nouveau type
d’acte qui serait une forme intermédiaire entre l’acte authentique et l’acte sous
signature privé. C’est un acte sous signature privé qui est doté de certains avan-
tages4 (il est dispensé de toute mention manuscrite et il « fait foi de l’écriture et
de la signature des parties »). Mais il n’a pas la même force probante que l’acte
authentique5, et surtout il n’a pas date certaine et n’est pas doté de la force exé-
cutoire (art. 1374 C. civ.).

II. Le formalisme d’opposabilité


396. Le contrat et les tiers. Dans certaines hypothèses, le législateur exige que les
parties accomplissent des mesures de publicité pour que le contrat soit opposable
aux tiers. Si ces formalités ne sont pas accomplies, le contrat est valable entre les
parties mais il n’est pas opposable aux tiers, qui peuvent donc faire comme s’il
n’existait pas6.
Par exemple, une vente d’immeuble est valablement conclue par le seul consen-
tement des parties (elle est un contrat consensuel) mais, pour être opposable aux
tiers, elle doit encore être publiée auprès du service de la publicité foncière, ce
qui suppose la rédaction d’un acte authentique (D. 4 janv. 1955, art. 4 ; v. infra,
n° 578).

1. Ou leurs héritiers : Soc., 20 nov. 1965, Bull. civ. IV, n° 970 ; Civ. 3, 18 déc. 2002, n° 00-19371,
Bull. civ. III, n° 270 ; Def., 2003, p. 849, obs. R. Libchaber.
2. L. n° 2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines
professions réglementées, JO 29 mars 2011.
3. C. Jamin, « Surfer sur la vague… Réflexions de lege ferenda sur la création d’un acte sous signature
juridique » Mélanges Gilles Goubeaux, Dalloz-LGDJ, 2009, p. 285.
4. Sur cet acte, v. D. Mazeaud, « L’acte sous seing privé contresigné par avocat », RDC 2011, p. 763 ;
P. Théry, « L’acte contresigné par un avocat », Dr. et pat. 2011, n° 203, p. 62 ; C. Jamin, « L’acte
d’avocat », D. 2011, p. 960.
5. La procédure de faux qui lui est applicable est celle de faux en écriture privée, qui est moins lourde
que celle de faux contre les actes authentiques.
6. Comme le rappelle l’article 1173 du Code civil, les formes exigées aux fins de preuve ou d’opposabilité
sont sans effet sur la validité des contrats.

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III. Le formalisme informatif
397. Notion. On parle de formalisme informatif lorsque la loi impose à un
contractant, généralement un professionnel, de rédiger le contrat par écrit en
y insérant certaines mentions destinées à informer l’autre partie. Le formalisme
informatif est critiqué par de nombreux auteurs car il est une source de compli-
cations et son efficacité est difficile à vérifier. On trouve cependant sous la plume
de Carbonnier une appréciation plus favorable : « Cette politique trouve quelque
chose de l’optimisme des Lumières (un homme est toujours capable de défendre ses
droits, pourvu qu’il soit éclairé)1 ». La forme est un puissant moyen d’information
(il y a un lien étymologique entre formalisme et information, qui dérivent tous
deux du latin informo : donner forme).
398. Diversité. Le formalisme informatif connaît un fort développement.
Bien souvent la loi impose un écrit comportant certaines mentions. Tel est le
cas par exemple pour les contrats de distribution comportant un engagement
d’exclusivité (art. L. 330-3 C. com.) ; pour la vente d’immeuble à construire
destiné à l’habitation (art. L. 261-11 CCH) ; pour le contrat de promotion
immobilière (art. L. 222-3 CCH) ; pour le contrat de vente de forfait touristique
(article L. 221-10 du Code du tourisme).
Le formalisme informatif est très répandu en droit de la consommation ; par
exemple pour les contrats conclus « hors établissement2 » (art. L. 221-8 et s.
C. cons.) ou à distance (art. L. 221-11 et s. C. cons.), le contrat de crédit à la
consommation (art. L. 312-14 et s. C. cons.) pour lequel le législateur précise
même la taille des caractères de certaines clauses (art. R. 312-10 al. 1er C. cons.),
ou encore le contrat de cautionnement souscrit par une personne physique pour
lequel est imposée une mention écrite de la main de la personne qui se porte
caution (art. L. 331-1 C. cons.).
399. Sanctions. On ne peut qu’être frappé par la diversité des sanctions du for-
malisme informatif3.

1. V. J. Carbonnier, n° 46.
2. La loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, JO 18 mars 2014, a substitué l’expres-
sion « contrats conclus hors établissement » à celle de « démarchage ».
3. Le constat est largement partagé : G. Couturier, « Les finalités et les sanctions du formalisme »,
Def., 2000, p. 880 et s. ; V. Magnier, « Les sanctions du formalisme informatif », JCP 2004, I, 106 ;
X. Lagarde, « Observations critiques sur la renaissance du formalisme », JCP 1999, I, 170, spéc. n° 19 ;
C. Ouerdane-Aubert de Vincelles, Altération du consentement et efficacité des sanctions contractuelles,
thèse, Dalloz, 2002, no 214 et s. ; J. Ghestin, G. Loiseau et Y.-M. Serinet, La formation du contrat,
t. 1, Le consentement, LGDJ, 2013, n° 1003.

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Certains textes prévoient la nullité automatique du contrat en cas de non-respect
du formalisme informatif. Le contrat est alors solennel (v. supra, n° 380 et s.).
D’autres textes prévoient une déchéance. Par exemple, si le contrat de crédit est
dépourvu des mentions obligatoires, le prêteur est déchu du droit aux intérêts
(art. L. 341-2 C. cons.).
Mais bien souvent aucune sanction n’est prévue. Tel est le cas, par exemple,
pour les contrats de distribution comportant un engagement d’exclusi-
vité (art. L. 330-3 C. com.) ou pour le contrat de vente de forfait touristique
(article L. 211-10 du Code du tourisme). En pareil cas, la méconnaissance du for-
malisme informatif justifie-t‑elle par elle-même la nullité du contrat ? La réponse de
principe est négative. En application du principe du consensualisme, le non-respect
d’une condition de forme ne peut justifier la nullité du contrat que si un texte le
prévoit expressément. La nullité ne peut donc être prononcée que dans les condi-
tions du droit commun, sur le fondement de la théorie des vices du consentement.
C’est pourquoi la Cour de cassation censure régulièrement des décisions des juges
du fond qui admettent la nullité du contrat sur le seul fondement du non-respect de
l’exigence de forme1. Cette réponse de principe trouve cependant certaines limites
dans la notion d’ordre public virtuel. Les juges peuvent reconnaître à un texte qui
ne le prévoit pas un caractère d’ordre public – on parle d’ordre public virtuel ou
judiciaire (sur lequel, v. supra, n° 321) – et les contrats contraires aux dispositions
relevant de l’ordre public virtuel sont nuls sur le fondement des articles 6 et 1162
du Code civil. La Cour de cassation décide que les dispositions du droit de la
consommation prévoyant un formalisme informatif ont un caractère d’ordre public
justifiant que leur violation soit sanctionnée par la nullité du contrat2.

1. Violation de l’art. L. 330-3 C. com. : Com., 10 févr. 1998, n° 95-21906, Bull. civ. IV, n° 71 ;
D. 1998, somm. p. 334, obs. D. Ferrier ; Cont. conc. cons. 1998, comm. 55, obs. L. Leveneur ; Def.,
1998, p. 733, obs. P. Delebecque ; RTD civ. 1998, p. 365, ob. J. Mestre ; Com., 21 nov. 2000,
n° 98-12527, Cont. conc. cons. 2001, comm. 20, obs. L. Leveneur ; Com., 20 mars 2007, n° 06-11290,
Cont. conc. cons. 2007, comm. 167, obs. L. Leveneur : « en déduisant un vice du consentement du
franchisé du seul manquement du franchiseur à son obligation d’information précontractuelle, la
cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ». Violation de l’art. L. 211-10 C. tourisme
(dont le contenu figurait auparavant à l’art L. 211-11 C. tourisme) : Com., 17 déc. 2013, 12-25365,
Bull. civ. IV, n° 186, Cont. conc. cons. 2014, comm. 59, obs. L. Leveneur ; Comm. com. électr. 2014,
comm. 16, obs. G. Loiseau ; Rev. dr. transp. 2014, comm. 14, obs. I. Bon-Garcin ; JCP E 2014, note
C. Lachièze. V. C. Lachièze, Droit du tourisme, préc., n° 277.
2. Civ. 1, 7 oct. 1998, n° 96-17829, Bull. civ. I, no 290 ; JCP 1999, II, 10039, note S. Gervais ;
RTD civ. 1999, p. 384 ; Civ. 1, 7 déc. 2004, n° 01-11823, Bull. civ. I, no 303 ; JCP 2005, II, 10160,
note N. Rzepecki ; RDC 2005, p. 232, obs. D. Fenouillet ; RTD civ. 2005, p. 389, obs. J. Mestre et
B. Fages.

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Titre 5

Les sanctions des conditions


de formation du contrat

400. Présentation. La nullité est la principale sanction des conditions de forma-


tion du contrat. On peut définir la nullité comme la « sanction prononcée par le
juge et consistant dans la disparition rétroactive du contrat qui ne remplit pas les
conditions requises pour sa formation1 ».
On distinguera la nullité de notions voisines (Chap. préliminaire), avant d’en-
visager successivement la mise en œuvre de la nullité (Chap. 1) puis ses effets
(Chap. 2).

1. Lexique des termes juridiques, Dalloz, 2013, V° Nullité.

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Chapitre
préliminaire

La distinction de la nullité
et des notions voisines

401. La nullité se caractérise par sa cause (elle sanctionne une condition de for-
mation de l’acte) et par ses effets (elle anéantit rétroactivement l’acte). La nullité
ne doit pas être confondue avec d’autres sanctions.
402. Caducité. La caducité1 est la sanction qui frappe un contrat régulièrement
formé lorsque l’un de ses éléments essentiels vient à disparaître (art. 1186, al. 1er,
C. civ.). Comme la nullité, elle touche aux éléments essentiels de l’acte. Mais
alors que la nullité sanctionne la formation de l’acte, la caducité frappe un acte
régulièrement formé mais qui perd, après sa formation, un élément essentiel. À la
différence de la nullité, la caducité n’a en principe pas d’effet rétroactif ; elle peut
cependant donner lieu à restitution dans certaines circonstances (art. 1187 C. civ.).
Les applications de la notion de caducité sont diverses. Voici quelques exemples :
la promesse unilatérale de vente est caduque en cas de non-levée de l’option par
le bénéficiaire (v. supra, n° 244) ; le contrat sous condition suspensive est caduc
lorsque celle-ci défaille (v. supra, n° 258) ; le testament est caduc si le bénéficiaire
décède avant le testateur (art. 1039 C. civ.) ; le contrat intuitu personae est caduc
au décès du contractant dont la personnalité était déterminante du contrat (v. par
ex. art 2003 C. civ., le mandat est caduc en cas de décès du mandataire ou du
mandant).

1. Sur la notion de caducité, v. Y. Buffelan-Lanore, Essai sur la notion de caducité des actes juridiques en
droit civil, préf. P. Hébraud, LGDJ, 1963 ; F. Garron, La caducité du contrat, préf. J. Mestre, PUAM,
2000 ; C. Pelletier, La caducité des actes juridiques en droit privé français, préf. P. Jestaz, L’Harmattan,
2004 ; R. Chaaban, La caducité des actes juridiques, Étude de droit civil, préf. Y. Lequette, LGDJ, 2006.
V. ég. C. Brenner, Rép. Civ. Dalloz, V° Acte, 2006, n° 158 et 159 ; V. Wester-Ouisse, « La caducité
en matière contractuelle : une notion à réinventer », JCP 2001, I, 290.

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403. Résolution. La résolution1 se distingue de la nullité par sa cause : la résolution
trouve sa cause dans une circonstance postérieure à la formation du contrat (la
réalisation d’un événement incertain qui avait été érigé en condition résolutoire, ou
bien, dans les contrats synallagmatiques, l’inexécution par l’une des parties de ses
obligations). La résolution provoquée par une condition résolutoire a en principe
un effet rétroactif (art. 1304-7 C. civ.) comme la nullité. En revanche, depuis
la réforme du droit des contrats par l’ordonnance de 20162, la résolution pour
inexécution n’opère plus en principe avec effet rétroactif (v. infra, n° 682 et s.).
404. Inopposabilité. L’inopposabilité trouve sa cause dans une irrégularité
contemporaine de la formation du contrat, comme la nullité, mais elle ne pro-
duit pas le même effet. La nullité produit l’anéantissement rétroactif du contrat,
à l’égard de tous. L’inopposabilité ne remet pas en cause la validité du contrat
entre les parties ; elle concerne exclusivement les relations entre les parties et les
tiers (v. infra, n° 491).
405. Inexistence. L’inexistence est la sanction frappant un acte qui est atteint d’un
défaut si grave qu’il ne peut avoir aucune reconnaissance juridique. À la différence
de la nullité, l’inexistence n’a pas besoin d’être prononcée par le juge. La théorie de
l’inexistence est une fiction juridique3 qui trouve son fondement dans la théorie
classique des nullités, qui est aujourd’hui largement abandonnée4 (v. infra, n° 410
et s.). Cependant on trouve encore en jurisprudence quelques décisions qui font
application de la théorie de l’inexistence5.
406. Réputé non écrit. Le réputé non écrit est bien autre chose qu’une nullité6.
La nullité peut affecter le contrat dans son ensemble ou bien certaines clauses
seulement (v. infra, n° 441 et s.). Au contraire le réputé non écrit ne porte en
principe que sur une ou plusieurs clauses contractuelles (art. 1184, al. 2, C. civ.).

1. C. civ., art. 1224 à 1230.


2. Ord. n° 2016-131 du 10 févr. 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de
la preuve des obligations, préc.
3. G. Wicker, Les fictions juridiques : contribution à l’analyse de l’acte juridique, préf. J. Amiel-Donat,
LGDJ, 1996.
4. V. M. Fabre-Magnan, n° 441. La plupart des auteurs sont hostiles à la théorie de l’inexistence : F. Terré,
P. Simler et Y. Lequette, n° 87 et n° 390 ; C. Larroumet, préc., n° 532 ; J. Flour, J.-L. Aubert et
É. Savaux, n° 326.
5. Sur la place de l’inexistence dans la jurisprudence, V. H. Adida-Canac, « Actualité de l’inexistence des
actes juridiques », in La vérité, Rapport annuel 2004 de la Cour de cassation, p. 103 et s.
6. V. J. Kullmann, « Remarques sur les clauses réputées non écrites », D. 1993, chron. p. 59 ; V. Cottereau,
« La clause réputée non écrite », JCP 1993, I, 3691 ; S. Gaudemet, La clause réputée non écrite, Préf.
Y. Lequette, Économica, 2006.

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La nullité est une sanction judiciaire : elle est prononcée par le juge. Au contraire
le réputé non écrit opère de plein droit (ipso jure). La clause réputée non écrite est
celle qui n’a aucun effet1. Le réputé non écrit se rattache à la notion d’inexistence2,
ce qui permet de lui transposer les solutions dégagées pour le régime des clauses
inexistantes. L’action en justice visant à faire constater (et non prononcer) le non
écrit n’est pas une action en nullité ; à la différence de celle-ci elle n’est pas soumise
à la prescription extinctive quinquennale3.
Le réputé non écrit connaît un succès certain dans la législation contemporaine4.
L’ordonnance du 10 février 2016 a introduit cette sanction aux articles 1170
et 1171 du Code civil (v. supra, n° 367 et s.). On la trouve en droit de la consom-
mation (art. L. 212-1 C. cons., v. supra, n° 360 et s.) mais aussi en droit commercial
notamment dans les baux commerciaux (art. L. 141-15 C. com.).

1. S. Gaudemet, préc., n° 134.


2. V. not. J. Carbonnier, n° 109 ; J. Kullmann, préc. ; S. Gaudemet, préc.
3. V. en ce sens s’agissant d’une clause d’un règlement de copropriété réputée non écrite par la loi
du 10 juill. 1965 : Civ. 3, 1er avr. 1987, n° 85-15010, Bull. civ. III, n° 69 ; Civ. 3, 12 juin 1991,
n° 89-18.331, Bull. civ. III, n° 170 ; D. 1992, p. 135, obs. C. Giverdon. V. ég., s’agissant d’une
clause d’un contrat de prêt réputée non écrite sur le fondement de l’ancien art. L. 132-1 C. com.
(auj. art. L. 212-1 C. com.) : Civ. 1, 13 mars 2019, n° 17-23169 ; D. 2019, note A. Etienney-de
Sainte Marie ; RTD civ. 2019, p. 334, obs. (crit.) H. Barbier.
4. V. S. Gaudemet, préc., n° 1, l’auteur souligne « l’engouement du législateur contemporain pour la
clause réputée non écrite ».

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Chapitre I

La mise en œuvre de la nullité

407. Rôle du juge. L’article 1178 du Code civil dispose : « La nullité doit être
prononcée par le juge, à moins que les parties ne la constatent d’un commun
accord ». Ce texte indique que la nullité a en principe un caractère judiciaire. Le
juge a un rôle essentiel dans la mise en œuvre de la nullité.
Le juge saisi d’une demande en annulation doit en principe prononcer la nullité
dès lors que les conditions en sont réunies : on dit que la nullité est de droit (ce
qui signifie qu’elle a un caractère obligatoire pour le juge). Par exception cepen-
dant, le juge a parfois le pouvoir d’apprécier s’il y a lieu ou non de prononcer
la nullité dont les conditions sont réunies : la nullité est dite facultative (par ex.,
art. 464 C. civ. prévoyant que les actes passés par un majeur dans la période qui
a précédé son placement sous tutelle pourront être annulés).
Le juge a la possibilité de soulever d’office un cas de nullité, qu’il s’agisse de nullité
relative ou de nullité absolue, en raison du rôle dynamique que lui confère le Code
de procédure civile1. Le juge en effet est tenu de trancher le litige « conformément
aux règles de droit qui lui sont applicables » et de « restituer aux faits leur exacte
qualification » (art. 12, al. 1er et 2, CPC). Cependant le rôle dynamique du juge
n’est pas sans limites : il ne doit se fonder que sur des faits qui sont dans le débat
(art. 7, al. 1er, CPC) et il doit respecter le principe du contradictoire (art. 16,
al. 2, CPC).
408. Plan. La mise en œuvre de la nullité est gouvernée par la distinction des
nullités relatives et des nullités absolues. Il convient d’exposer le critère de la

1. Civ. 1, 22 mai 1985, n° 84-13353, Bull. civ. I, n° 159 ; RTD civ. 1986, p. 148, obs. J. Mestre, un
mandat avait été donné à un agent immobilier sans limitation de durée, en violation de l’art. 7 de la
loi du 2 janvier 1970 ; l’agent immobilier réclamait sa rémunération ; la Cour de cassation décide que
« la Cour d’appel était fondée à relever d’office le moyen tiré de l’article 7 de la loi du 2 janvier 1970 ».
Civ. 3, 20 nov. 1985, n° 84-13353 Bull. civ. III, n° 153, le juge peut soulever d’office une nullité pour
vice du consentement. En droit de la consommation, le juge « écarte d’office, après avoir recueilli les
observations des parties, l’application d’une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du
débat » (art. R. 632-1 C. cons.).

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distinction entre nullité relative et nullité absolue (I) avant de montrer les intérêts
qui s’attachent à cette distinction (II).

I. Le critère de distinction entre nullité relative


et nullité absolue
409. La distinction entre nullité relative et nullité absolue ne figurait pas dans
le Code civil de 1804. Elle a été élaborée par la doctrine. Deux théories ont été
proposées : une théorie dite « classique » qui est désormais peu utilisée (1) et une
théorie dite « moderne » qui a été consacrée par la réforme du droit des contrats (2).

1. La théorie classique
410. Nullité relative, nullité absolue, inexistence. La théorie classique, élaborée
par la doctrine civiliste du xixe siècle, propose une distinction fondée sur la gra-
vité de l’imperfection dont l’acte est atteint. La nullité est relative si un élément
essentiel de l’acte (par exemple le consentement) est vicié. La nullité est absolue
si un élément essentiel de l’acte fait défaut. Enfin l’acte est inexistant lorsqu’il
est atteint d’un défaut si grave que l’on ne peut même pas concevoir qu’il puisse
bénéficier d’une quelconque reconnaissance juridique. À la différence de la nul-
lité, l’inexistence n’a pas besoin d’être prononcée par le juge ; celui-ci se borne à
la constater. L’inexistence échappe ainsi à toutes les règles du régime des nullités
(notamment à la prescription).
411. Critique. Cette théorie fut vivement critiquée dès le début du xxe siècle1
et elle est aujourd’hui rejetée par la doctrine majoritaire2. Cette théorie repose
sur des distinctions qui sont incertaines ; par exemple, comment déterminer si le
consentement est vicié ou s’il fait défaut ?
La théorie classique ne doit pas être méconnue. Elle n’est généralement plus utilisée
aujourd’hui pour faire le départ entre nullité relative et nullité absolue, en raison de
l’imprécision de ses critères. Cependant on observe parfois dans la jurisprudence

1. R. Japiot, Des nullités en matière d’actes juridiques, thèse Dijon, 1909 ; J. Gaudemet, Théorie générale
des obligations, Sirey 1937, réimp. Dalloz 2004.
2. V. not. J. Ghestin, G. Loiseau et Y.-M. Serinet, n° 2132 ; P. Malaurie, L. Aynès et P. Stoffel-Munck,
n° 721 ; F. Terré, P. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, n° 87 et n° 390 ; C. Larroumet, préc., n° 532,
l’auteur qualifie la notion d’inexistence d’« inutile et illogique ».

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quelques résurgences de la notion d’inexistence qui est un produit de la théorie
classique1. L’inexistence est bel et bien un concept juridique2.

2. La théorie moderne
412. On présentera le critère sur lequel repose la théorie moderne (A) avant de
montrer comment elle est mise en œuvre (B).

A. Critère
413. Le but de la règle transgressée. La théorie moderne des nullités, à laquelle
Japiot a apporté une contribution décisive, envisage la nullité comme un « droit de
critique3 » et s’attache aux intérêts que la nullité a pour but de protéger. Suivant
cette théorie, le critère de distinction entre les nullités relative et absolue se trouve
dans le but de la règle transgressée. La nullité est absolue si la règle transgressée
poursuit un but de protection de l’intérêt général ; la nullité est relative si la règle
transgressée poursuit un but de protection d’un intérêt privé.
La théorie moderne s’était progressivement imposée dans la jurisprudence ; elle a
été pleinement consacrée par la réforme du droit des contrats4. L’article 1179 du
Code civil énonce : « La nullité est absolue lorsque la règle violée a pour objet la
sauvegarde de l’intérêt général. Elle est relative lorsque la règle violée a pour seul
objet la sauvegarde d’un intérêt privé ».

B. Mise en œuvre
414. Les nullités relatives. Les vices du consentement, l’incapacité d’exercice, la
lésion sont sanctionnées par la nullité relative5. Il en est de même s’agissant de la
nullité pour absence d’un élément essentiel du contrat6. La transgression d’une

1. V. par ex. : Civ. 1, 5 mars 1991, n° 89-17167, D. 1993, p. 508, note L. Collet, l’arrêt décide que le
contrat de prêt est « inexistant » en raison de l’absence totale de consentement. Civ. 1, 10 juin 1986,
n° 84-14241, Bull. civ. I, n° 159, RTD civ. 1987, p. 535, obs. J. Mestre, l’arrêt se réfère implicitement
à l’inexistence en décidant qu’« il ne pouvait y avoir prescription de l’action en nullité d’un acte auquel
faisait défaut l’un de ses éléments essentiels ». V. H. Adida-Canac, « Actualité de l’inexistence des actes
juridiques », in La vérité, Rapport annuel 2004 de la Cour de cassation, p. 103 et s.
2. V. en faveur de la théorie de l’inexistence : J. Carbonnier, n° 104 et 109 ; M. Fabre-Magnan, n° 441.
3. R. Japiot, Des nullités en matière d’actes juridiques, thèse Dijon, 1909.
4. Ord. n° 2016-131 du 10 févr. 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de
la preuve des obligations, préc.
5. Civ. 1, 14 janv. 2009, n° 07-16451, Bull. civ. I, n° 6, nullité pour incapacité.
6. Com., 22 mars 2016, n° 14-14218.

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règle d’ordre public économique de protection (sur cette notion, v. supra, n° 322)
est également sanctionnée par la nullité relative1.
415. Les nullités absolues. L’illicéité de l’objet ou du but est sanctionnée par la
nullité absolue, car il est alors porté atteinte à une règle d’intérêt général, qui relève
de l’ordre public classique. La transgression d’une règle d’ordre public économique
de direction (v. supra, n° 322) est également sanctionnée par la nullité absolue2.

II. Les intérêts de la distinction entre nullité relative


et nullité absolue
416. La distinction entre les nullités relative et absolue commande l’attribution
(1) et l’extinction (2) du droit de critique.

1. L’attribution du droit de critique


417. L’attribution du droit de critique est différente selon que la nullité est relative
(A) ou absolue (B).

A. Nullité relative
418. Personne protégée. La nullité relative étant instituée dans un but de pro-
tection d’un intérêt particulier, seule la personne protégée par la règle transgressée
peut exercer le droit de critique (art. 1181 C. civ.). Par exemple, seule la victime
de l’erreur ou du dol peut agir en nullité ; seul l’incapable ou son représentant
peuvent faire sanctionner le défaut de capacité.
419. Autres personnes. Par exception, la nullité peut être invoquée par d’autres
que la personne protégée. Il s’agit notamment des personnes qui deviennent partie
au contrat en cours d’exécution (cessionnaire, ayant cause à titre universel…)
ainsi que des créanciers agissant par la voie de l’action oblique (v. infra, n° 500).

1. Civ. 1, 15 janv. 2000, n° 98-12713, Bull. civ. I, n° 49 ; JCP 2000, II, 10477, note O. Gout ; D. 2000,
p. 275, note C. Rondey (violation des anciens art. L. 311-2, L. 311-8 et L. 311-10 C. cons.).
2. Com., 24 oct. 2000, n° 98-14382, Bull. civ. IV, n° 163 ; RTD com. 2001, p. 427, obs. E. Claudel,
nullité absolue des actes se rapportant à des pratiques prohibées par les articles L. 420-1 C. com.
(ententes) et L. 420-2 C. com. (abus de position dominante ou de dépendance économique).

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B. Nullité absolue
420. La nullité absolue étant instituée dans un but de protection de l’intérêt
général, il est souhaitable qu’elle puisse être invoquée par le plus grand nombre
de personnes. Suivant l’article 1180 du Code civil, le droit de critique est ouvert à
tout intéressé : les particuliers justifiant d’un intérêt à agir (a), mais aussi le ministère
public (b).
a. Les particuliers ayant un intérêt à agir
421. Chacune des parties. Chacune des parties peut invoquer la nullité absolue, y
compris celle qui est à l’origine de la cause de nullité. Ainsi, le contractant qui était
animé de mobiles illicites pourra demander la nullité. On peut a priori s’étonner de
cette solution : ne faudrait-il pas fermer l’action en nullité au contractant qui a agi
dans un but illicite ? Une appréciation morale conduirait sans doute à répondre par
l’affirmative. Mais, à y bien réfléchir, une réponse négative s’impose, car l’intérêt
général exige que le contrat entaché d’un cas de nullité absolue soit anéanti.
422. Tiers. Toute autre personne justifiant d’un intérêt à agir peut invoquer la
nullité, y compris les tiers, dès lors qu’ils ont intérêt à ce que le contrat ne leur
soit pas opposable1.
b. Le ministère public
423. Le ministère public peut agir en nullité absolue (art. 1180 C. civ.). En
pratique, il est rare que le ministère public use de ce pouvoir.

2. L’extinction du droit de critique


424. Le droit de critique peut s’éteindre par la confirmation (A) ou par la pres-
cription (B).

A. Confirmation
425. La confirmation est l’acte unilatéral par lequel la personne titulaire du droit
de critique renonce à invoquer ce droit2. Il convient de préciser le domaine (a)

1. Com., 24 oct. 2000, n° 98-14382, Bull. civ. IV, n° 163 ; RTD com. 2001, p. 427, obs. E. Claudel,
la nullité absolue de tout acte se rapportant à des ententes (art. L. 420-1 C. com.) ou des abus de
position dominante ou de dépendance économique (art. L. 420-2 C. com.) peut être demandée par
les concurrents.
2. C. civ., art. 1182. V. not. G. Couturier, La confirmation des actes nuls, préf. J. Flour, LGDJ, 1972.

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les conditions (b) et l’effet (c) de la confirmation, puis de la distinguer de notions
voisines (d).
a. Le domaine de la confirmation
426. Nullité relative seulement. La nullité relative peut être couverte par la
confirmation (art. 1181 alinéa 2 C. civ.), car la personne protégée a la maîtrise
de l’action en nullité. En revanche la nullité absolue ne peut être couverte par
la confirmation (art. 1180 alinéa 2 C. civ.) car il ne serait pas admissible que la
volonté d’un contractant paralysât une nullité édictée dans un but de protection
de l’intérêt général1.
b. Les conditions de la confirmation
427. Moment de la confirmation. Consacrant une solution qui était admise par
la jurisprudence, l’article 1182 alinéa 2 du Code civil prévoit que la confirmation
« ne peut intervenir qu’après la conclusion du contrat ». Cette règle permet d’éviter
qu’un contractant ne profite de sa supériorité pour obtenir de l’autre, au moment
de la conclusion du contrat, la renonciation à agir en nullité. Une fois le contrat
conclu, la renonciation est possible sous réserve du respect des conditions que
l’on va exposer ci-après.
428. Volonté certaine. La confirmation suppose une volonté certaine de renoncer
à invoquer la nullité. Il faut donc que le contractant protégé par la nullité ait
connaissance du vice (par exemple, que la victime de l’erreur ait pris connaissance
de la réalité) et qu’il manifeste la volonté d’opérer la confirmation. Cette volonté
doit être libre et éclairée. Ainsi, lorsque le contrat est nul en raison du vice de vio-
lence, la confirmation ne peut intervenir qu’après que la violence a cessé (art. 1182
al. 3 C. civ.).
429. Tacite ou expresse. Le principe de la liberté contractuelle conduit à admettre
la confirmation tacite. L’article 1182 al. 3 prévoit en ce sens que « l’exécution
volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation ».
Cependant, en cas de contestation, la confirmation tacite soulève de redoutables
problèmes de preuve. Il convient donc autant que possible de privilégier la confir-
mation expresse : celle-ci suppose la rédaction d’un acte écrit mentionnant « l’objet
de l’obligation et le vice affectant le contrat » (art. 1182, al. 1er C. civ.).

1. V. par ex. Civ. 3, 7 juill. 1982, n° 81-13361, Bull. civ. III, n° 176, la nullité absolue d’une promesse
unilatérale non enregistrée conformément à l’article 1840 A CGI (aujourd’hui art. 1589-2 C. civ.)
n’est pas susceptible de confirmation.

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430. Action interrogatoire. La nullité relative confère à la partie protégée le
pouvoir de faire disparaître le contrat par sa seule volonté, faisant ainsi planer une
incertitude sur le sort du contrat. Pour faire cesser cette incertitude, l’article 1183
du Code civil permet au cocontractant de demander par écrit à la partie protégée
par la nullité relative « soit de confirmer le contrat soit d’agir en nullité dans un
délai de six mois à peine de forclusion ». L’écrit « mentionne expressément qu’à
défaut d’action en nullité exercée avant l’expiration du délai de six mois, le contrat
sera réputé confirmé » (art. 1183 al. 2 C. civ.).
L’article 1183 prévoit que « la cause de la nullité doit avoir cessé » pour que l’action
interrogatoire puisse être mise en œuvre. Cette disposition signifie que la personne
protégée ne doit plus être sous l’emprise de la cause de nullité : en cas d’erreur ou
de dol, l’action ne peut être mise en œuvre que lorsqu’ils ont été découverts et en
cas de violence que lorsqu’elle a cessé.
c. L’effet de la confirmation
431. Effet relatif. L’article 1182, al. 4, du Code civil énonce : « La confirmation
emporte renonciation aux moyens et exceptions qui pouvaient être opposés, sans
préjudice néanmoins des droits des tiers ». La confirmation ne produit effet qu’à
l’égard du confirmant, celui-ci s’interdisant de faire valoir la cause de nullité1. Le
vice qui infecte l’acte demeure mais il ne peut simplement plus être invoqué par
l’auteur de la confirmation, que ce soit par voie d’action ou par voie d’exception.
De l’effet de la confirmation on peut déduire l’analyse de celle-ci : elle est un acte
abdicatif qui fait obstacle à l’exercice du droit de critique.
d. La distinction de la confirmation et des notions voisines
432. Régularisation. La régularisation consiste à valider un acte nul en lui appor-
tant l’élément qui manquait à sa validité. Elle rend l’acte rétroactivement valable
à l’égard de tous. Elle possède un effet beaucoup plus radical que la confirmation.
En revanche son domaine est plus restreint car elle ne permet pas de corriger le
défaut de l’une des conditions générales de validité prévues aux articles 1128 et sui-
vants du Code civil ; elle n’est admise que pour des causes de nullité spécifiques. Par
exemple, la vente de la chose d’autrui qui est frappée de nullité (art. 1599 C. civ.)
est régularisée si le vendeur acquiert la propriété de la chose avant que la nullité ait
été prononcée. De même, en cas de lésion dans la vente d’immeuble, l’acheteur
peut éviter la nullité en payant au vendeur le juste prix, diminué d’un dixième
(art. 1681 C. civ.) ; c’est ce que l’on appelle le rachat de la lésion.

1. V. not. G. Couturier, La confirmation des actes nuls, préf. J. Flour, thèse préc.

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433. Réfection. La réfection consiste tout simplement en la conclusion d’un
contrat nouveau et autonome, purgé du vice qui infectait le contrat initial. Elle
se distingue de la confirmation et de la régularisation qui n’engendrent pas un
contrat nouveau.

B. Prescription
434. Le régime de la prescription est différent selon que la nullité est demandée
par voie d’action (a) ou d’exception (b).
a. L’action en nullité
435. Prescription de l’action. Comme toute action en justice, l’action en nullité
est soumise à la prescription extinctive : elle s’éteint en cas de non-usage pendant
un laps de temps déterminé. C’est le besoin de sécurité qui justifie la prescription
extinctive. La sécurité juridique commande en effet de ne pas remettre en cause les
situations de fait (ici, le non-exercice du droit de demander la nullité) qui ont duré
pendant un certain temps de façon paisible. Quieta non movere : ne pas déranger ce
qui est paisible. Comme pour toute prescription, deux questions se posent : celle
du point de départ et celle de la durée du délai.
436. Point de départ du délai. Depuis la loi du 17 juin 20081, le point de départ
de la prescription extinctive est en principe « le jour où le titulaire d’un droit a connu
ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer » (art. 2224 C. civ.). Mais
cette règle est écartée pour les nullités les plus fréquentes.
S’agissant spécialement des vices du consentement, l’article 1144 du Code civil
prévoit que « le délai de l’action en nullité ne court, en cas d’erreur ou de dol,
que du jour où ils ont été découverts et, en cas de violence, que du jour où elle a
cessé ». Cette disposition reprend le contenu de l’ancien article 1304 alinéa 2 du
Code civil.
S’agissant des règles gouvernant la capacité, l’article 1152 du Code civil distingue
trois hypothèses. En premier lieu, à l’égard des actes faits par un mineur, la pres-
cription de l’action ne court que du jour de sa majorité ou de son émancipation.
En deuxième lieu, à l’égard des actes faits par un majeur protégé, la prescription de
l’action ne court que du jour où il en a eu connaissance alors qu’il était en situation
de les refaire valablement. En troisième lieu, à l’égard des héritiers de la personne
sous tutelle ou sous curatelle ou de la personne faisant l’objet d’une habilitation

1. Loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, JO n° 141 du
18 juin 2008.

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familiale, la prescription de l’action ne commence à courir que du jour du décès,
si elle n’a commencé à courir auparavant.
437. Durée du délai. Depuis la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la
prescription1, nullité relative et nullité absolue sont soumises au même délai de
prescription de droit commun, qui est de cinq ans (art. 2224 C. civ.). Ce délai
de droit commun subit de très nombreuses exceptions. Par exemple, l’action en
rescision pour lésion d’une vente d’immeuble est enfermée dans un délai préfix (à la
différence du délai de prescription, le délai préfix n’est susceptible ni d’interruption
ni de suspension) qui est de deux ans (art. 1676 C. civ.).
b. L’exception de nullité
438. Perpétuité. Consacrant une règle qui était admise depuis longtemps par la
jurisprudence2, l’article 1185 du Code civil prévoit que « l’exception de nullité
ne se prescrit pas si elle se rapporte à un contrat qui n’a reçu aucune exécution ».
Cette règle est exprimée par un adage : quae temporalia sun ad agendum, perpetua
sunt ad excipiendum (ce qui est temporaire par voie d’action, est perpétuel par
voie d’exception).
Cette règle permet de maintenir le statu quo : le contrat qui n’a reçu aucune exé-
cution restera inexécuté. Ainsi la perpétuité de l’exception de nullité poursuit la
même finalité que la prescription de l’action en nullité : ne pas remettre en cause
les situations de fait qui ont duré de façon paisible pendant un certain temps3.
Quieta non movere.
439. Domaine. Cette règle de la perpétuité de l’exception possède un domaine
d’application étroitement encadré. D’abord, comme l’indique l’article 1185 du
Code civil, elle ne s’applique pas lorsque le contrat a été exécuté, même partielle-
ment4. Si le contrat a fait l’objet d’une exécution, le statu quo a été rompu : la règle
n’a plus lieu de s’appliquer. Ensuite, elle ne concerne que les prescriptions et non
les délais préfix, que rien ne peut allonger5. Enfin elle ne s’applique pas lorsque la
nullité est demandée par voie de demande reconventionnelle6.

1. L. n° 2008-561 du 17 juin 2008, préc.


2. V. par ex. Civ. 3, 4 oct. 2000, n° 98-22379, Bull. civ. III, n° 156 : « Vu le principe selon lequel l’exception
de nullité est perpétuelle ». V. M. Storck, « L’exception de nullité en droit privé », D. 1987, chron. p. 67.
3. V. en ce sens not. J. Flour, J.-L. Aubert et É. Savaux, n° 356.
4. V. en ce sens : Civ. 3, 10 mai 2001, n° 99-11762, Bull. civ. III, n° 61 ; D. 2001, p. 3156, note
P. Lipinski ; Civ. 1, 15 janv. 2015, n° 13-25512 et 13-25513.
5. V. par ex. Com., 31 mars 2004, n° 01-13089, Bull. civ. IV, n° 67, délai de trois ans de l’action en
nullité de la vente d’un fonds de commerce.
6. Com., 19 nov. 1998, 96-20288, RTD civ. 1999, p. 618, obs. J. Mestre.

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Chapitre 2

Les effets de la nullité

440. Qu’elle soit relative ou absolue, la nullité est sanctionnée par la disparition
rétroactive du contrat, ou de certaines clauses seulement. Deux questions doivent
être envisagées : l’étendue de la nullité (I) et la rétroactivité de la nullité (II).

I. L’étendue de la nullité
441. On peut distinguer deux principales hypothèses : soit la nullité est totale (A)
soit elle est partielle (B).

A. Nullité totale
442. Le contrat qui ne remplit pas les conditions de validité prévues à l’article 1128
du Code civil1 est nul en son entier. Toutes les clauses du contrat disparaissent, y
compris les clauses accessoires telles qu’une clause pénale. Disparaissent également
les accessoires du contrat (notamment les sûretés qui en garantissent l’exécution).
Cependant la convention d’arbitrage, qui peut prendre la forme d’une clause
compromissoire ou d’un compromis, reste valable lorsque le contrat est annulé car
elle est considérée comme autonome par rapport à celui-ci. Cette règle dite d’auto-
nomie de la convention d’arbitrage a été posée par la jurisprudence2 avant d’être
consacrée par le législateur3 (art. 1447 CPC). Cette règle d’autonomie est étendue
à toutes les clauses relatives au litige ; par exemple la clause de compétence4.

1. Le consentement des parties, leur capacité et un contenu licite et certain.


2. D’abord en droit international privé : Civ. 1, 7 mai 1963, Bull. civ. I, n° 246 ; JCP 1963, II, 13405,
note B. Goldman. Puis en droit interne : Civ. 2, 4 avr. 2002, n° 00-18009, Bull. civ. II, n° 68 ; Com.
9 avr. 2002, n° 98-16829, Bull. civ. IV, n° 69.
3. Art. 1447 CPC, réd. D. n° 2011-48 du 13 janvier 2011.
4. Civ. 1, 8 juill. 2010, n° 07-17788, Bull. civ. I, n° 161 ; D. 2010, p. 2323, note L. D’Avout ;
RTD civ. 2010, p. 780, obs. B. Fages.

181

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B. Nullité partielle
443. Position du problème. Il arrive, et cela est de plus en plus fréquent, que
la nullité n’affecte qu’une partie du contrat (par exemple, illicéité d’une clause
d’indexation). La question se pose alors de savoir si le contrat peut être amputé de
cette clause ou s’il doit être totalement anéanti. La réponse est complexe.
444. Principe. La règle de principe est formulée à l’article 1184 alinéa 1er du
Code civil : « Lorsque la cause de nullité n’affecte qu’une ou plusieurs clauses du
contrat, elle n’emporte nullité de l’acte tout entier que si cette ou ces clauses ont
constitué un élément déterminant de l’engagement des parties ou de l’une d’elles ».
Le texte pose une présomption en faveur de la nullité partielle, limitée à la seule
clause illicite, afin de sauver le contrat1. Cependant la nullité s’étend à l’acte tout
entier s’il est établi que la clause illicite était dans l’esprit des parties un élément
essentiel de leur accord.
445. Dérogation légale. Par exception à la règle précédente, l’article 1184,
alinéa 2, du Code civil prévoit que le contrat est maintenu lorsque « les fins de la
règle méconnue exigent son maintien ».
446. Clauses contractuelles. Les parties peuvent préciser dans leur contrat quelles
étaient les clauses déterminantes de leur volonté. Par exemple, elles peuvent indi-
quer dans une « clause d’indivisibilité » que toutes les clauses du contrat sont
déterminantes de leur consentement, et ainsi lier le sort du contrat à celui de
chacune des clauses qu’il comporte. Le juge est-il lié par la clause d’indivisibilité ?
En principe oui, et la Cour de cassation censure, pour dénaturation des termes
du contrat, les décisions des juges du fond qui prononcent la nullité partielle au
mépris d’une telle clause2.

II. La rétroactivité de la nullité


447. Une fiction juridique. Ce qui est nul ne doit produire aucun effet (Quod
nullum est nullum effectum producit). La règle figure désormais à l’article 1178,

1. Présomption que l’on trouve notamment dans les Principes d’Unidroit (art. 3.1.16) ainsi que dans les
Principes du droit européen des contrats (art. 4 : 116).
2. Com., 27 mars 1990, n° 88-15092, Bull. civ. IV, n° 93 ; D. 1991, p. 291, note F.-X. Testu ;
RTD civ. 1990, p. 112, obs. J. Mestre : le contrat de location-gérance comportait une clause d’indexa-
tion illicite ; la Cour d’appel avait décidé que la nullité de la clause illicite ne s’étend pas au contrat, alors
que le contrat comportait une clause d’indivisibilité : cassation, pour dénaturation, au vu de l’ancien
article 1134 C. civ.

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alinéa 2, du Code civil : « Le contrat annulé est censé n’avoir jamais existé ». Il y
a là une fiction juridique : on fait comme si le contrat n’avait jamais existé1. La
rétroactivité de la nullité a une portée générale : elle s’attache aussi bien à la nullité
absolue qu’à la nullité relative ; elle concerne aussi bien les contrats à exécution
instantanée que les contrats à exécution successive.
Si la rétroactivité de la nullité ne soulève pas de difficulté lorsque le contrat n’a
fait l’objet d’aucune exécution, chacune des parties étant simplement libérée de ses
obligations, il n’en va pas de même lorsque le contrat a déjà été exécuté, totalement
ou partiellement, car il faut revenir sur les effets passés du contrat2. La rétroactivité
de la nullité soulève alors des difficultés, non seulement dans les rapports entre les
parties (1) mais aussi à l’égard des tiers (2).

1. La rétroactivité dans les rapports entre les parties


448. Restitutions. Chaque partie doit remettre les choses dans l’état antérieur
au contrat, ce qui l’oblige à restituer ce qu’elle a reçu en exécution du contrat.
L’ordonnance du 10 février 20163 a introduit dans le Code civil des règles géné-
rales relatives aux restitutions, qui sont applicables quelle qu’en soit la cause et
notamment en cas de nullité du contrat (v. art. 1178, al. 3, C. civ. qui opère un
renvoi aux art. 1352 à 1352-9 C. civ.). On envisagera successivement la restitution
d’une somme d’argent (A), la restitution d’une chose (B) et la restitution d’une
prestation de service (C). Enfin, nous verrons que dans certaines hypothèses la
restitution est écartée (D) ou accompagnée d’une action en responsabilité (E).

A. Restitution d’une somme d’argent


449. Intérêts et principal. La restitution d’une somme d’argent est toujours
possible juridiquement du fait de la fongibilité de la monnaie. Le contractant
tenu de restituer une somme d’argent (le débiteur de la restitution) doit restituer
la somme qu’il a reçue, éventuellement augmentée des intérêts au taux légal et
des taxes acquittées (art. 1352-6 C. civ.). Lesdits intérêts sont dus à compter du
paiement s’il a été reçu de mauvaise foi et à compter de la demande de restitution
s’il a été reçu de bonne foi (art. 1352-7 C. civ.).

1. G. Wicker, Les fictions juridiques : contribution à l’analyse de l’acte juridique, préc.


2. Certains auteurs soutiennent qu’il serait souhaitable de renoncer à la fiction de la rétroactivité, et de
régler la situation passée sur le terrain de la responsabilité : C. Guelfucci, Nullité, restitution et respon-
sabilité, LGDJ, 1992, spéc. n° 725 et s.
3. Ord. n° 2016-131 du 10 févr. 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de
la preuve des obligations, préc.

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B. Restitution d’une chose
450. Restitution en nature. La restitution d’une chose autre qu’une somme
d’argent s’effectue en principe en nature ; ce n’est que par exception, si la restitution
en nature est impossible (parce que la chose a été perdue ou revendue), que la
restitution s’opère en valeur.
451. Dégradations de la chose. Entre la conclusion du contrat et le jour de la
restitution, la chose a pu subir des dégradations. Le débiteur de la restitution (par
exemple l’acheteur tenu de restituer la chose) est-il tenu de supporter le coût de la
remise en état ? La jurisprudence répondait par l’affirmative, sans distinguer selon
l’origine des dégradations1. L’article 1352-1 du Code civil donne une réponse plus
nuancée. Le débiteur de la restitution n’est pas tenu de supporter le coût de la
remise en état s’il est de bonne foi et si les dégradations ne sont pas dues à sa faute.
452. Chose revendue. L’article 1352-2 du Code civil traite de la question de la
restitution d’une chose qui a été revendue. La restitution ne pouvant s’opérer en
nature, elle s’opère en valeur. L’article 1352-2 du Code civil distingue selon que
le débiteur de la restitution était, ou non, de bonne foi lorsqu’il a reçu la chose :
« Celui qui l’ayant reçue de bonne foi a vendu la chose ne doit restituer que le prix
de la vente. S’il l’a reçue de mauvaise foi, il en doit la valeur au jour de la restitution
lorsqu’elle est supérieure au prix ». La bonne foi consiste dans l’ignorance du vice
affectant le contrat.
453. Dépenses d’amélioration et de conservation. Lorsque le débiteur de la
restitution (par exemple l’acheteur tenu de restituer la chose) a engagé des dépenses
qui étaient nécessaires pour la conservation du bien ou qui ont permis l’améliora-
tion du bien, le bénéficiaire de la restitution (dans notre exemple, le vendeur) doit
l’indemniser : à défaut, il tirerait profit de la situation ce qui est incompatible avec
l’idée que le contrat est censé n’avoir jamais existé. L’indemnité est égale à la plus
faible des deux sommes entre les frais effectués et la plus-value apportée. Tel est
le sens de la règle posée par le nouvel article 1352-5 du Code civil : « Pour fixer le
montant des restitutions, il est tenu compte à celui qui doit restituer des dépenses
nécessaires à la conservation de la chose et de celles qui en ont augmenté la valeur,
dans la limite de la plus-value estimée au jour de la restitution ».
454. Jouissance et fruits de la chose. La restitution inclut les fruits et la valeur
de la jouissance que la chose a procurée. Selon l’article 1352-3 alinéa 1er du Code
civil, « la valeur de la jouissance est évaluée par le juge au jour où il se prononce ».

1. Civ. 1, 2 juin 1987, n° 84-16624, Bull. civ. I, n° 183.

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Sauf stipulation contraire, la restitution des fruits, s’ils ne se retrouvent pas en
nature, a lieu selon une valeur estimée à la date du remboursement, suivant l’état
de la chose au jour du paiement de l’obligation (art. 1352-3, al. 3, C. civ.). Enfin,
il est tenu compte de la bonne ou de la mauvaise foi du débiteur de la restitution
pour déterminer la date à compter de laquelle la jouissance ou les fruits doivent
être restitués : « Celui qui a reçu de mauvaise foi doit les intérêts, les fruits qu’il a
perçus ou la valeur de la jouissance à compter du paiement. Celui qui a reçu de
bonne foi ne les doit qu’à compter du jour de la demande » (art. 1352-7 C. civ.).

C. Restitution d’une prestation de service


455. Restitution en valeur. La mise en œuvre de la rétroactivité doit être aména-
gée s’agissant de prestations de service. La restitution en nature est impossible : le
locataire ne peut restituer la jouissance de l’immeuble qu’il a occupé ; l’employeur
ne peut restituer le travail accompli par le salarié. C’est pourquoi on admet que
la restitution s’effectue en principe en valeur. Cette règle est désormais prévue à
l’article 1352-8 du Code civil : « La restitution d’une prestation de service a lieu
en valeur. Celle-ci est appréciée à la date à laquelle elle a été fournie ».

D. Exceptions à la restitution
456. Dans certaines hypothèses, l’annulation du contrat ne donne pas lieu à res-
titution. Il s’agit soit d’assurer la protection des incapables (a) soit de sanctionner
l’immoralité d’un contractant (b).
a. La protection des incapables
457. Restituer ce qui reste. Lorsque la nullité du contrat est due à la minorité
ou à la mise sous tutelle de l’un des contractants, les restitutions qui sont dues
par celui-ci « sont réduites à hauteur du profit qu’il a retiré de l’acte annulé »
(art. 1352-4 C. civ.). Cette règle assure la protection des mineurs ainsi que des
majeurs sous tutelle. Lorsqu’un mineur ou un majeur sous tutelle vend un bien
en violation des règles relatives à la capacité, l’annulation de la vente devrait lui
imposer de restituer le prix qu’il a perçu. Or il se peut qu’il ait dépensé cet argent.
L’article 1352-4 du Code civil le protège en prévoyant qu’il ne doit restituer que
ce qui lui reste.

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b. La sanction de l’immoralité
458. Exception d’indignité. Lorsque le contrat est annulé pour immoralité,
le contractant qui a pris part à cette immoralité ne peut obtenir restitution de
la prestation qu’il a versée à l’autre partie. Cette règle d’origine coutumière est
exprimée par un adage : nemo auditur propriam turpitudinem allegans1 (nul ne
peut être entendu lorsqu’il invoque sa propre turpitude). Cet adage a été érigé en
principe général du droit par la Cour de cassation2. Cet adage n’a pas été consacré
par le législateur mais il est probable que la jurisprudence continuera d’en faire
application.
459. Domaine. Le domaine d’application de l’exception d’indignité est stricte-
ment encadré. D’abord, l’exception d’indignité permet seulement de faire échec à
la demande en restitution consécutive à l’annulation ; elle ne permet pas de tenir
en échec la demande en nullité exposée par voie d’action ou par voie d’exception3.
Ensuite, l’exception d’indignité ne concerne que les restitutions consécutives à
l’annulation d’un contrat immoral, et non celles consécutives à l’annulation d’un
contrat simplement illicite4 ou frauduleux5. Enfin, elle ne s’applique que dans les
contrats onéreux ; elle est écartée dans les contrats à titre gratuit.
460. Fondement : affaiblir les engagements immoraux. L’exception d’indignité
est parfois critiquée car elle conduit à un résultat injuste. Ainsi celui qui a acheté
une chose illicite peut en conserver la propriété sans avoir à payer le prix ; il tire
profit de son immoralité. Mais cette règle trouve sa justification dans des considé-
rations d’intérêt général. Elle affaiblit la sécurité des contrats immoraux : une fois
le contrat conclu, aucun des contractants n’a intérêt à l’exécuter le premier. Cette
règle inocule, dans les contrats entachés d’immoralité, le poison de l’insécurité
juridique6.

1. V. not. P. Le Tourneau, La règle nemo auditur, préf. P. Raynaud, LGDJ, 1970.


2. Civ. 1, 22 juin 2004, n° 01-17258, Bull. civ. I, n° 182 ; RTD civ. 2004, p. 503, obs. J. Mestre et
B. Fages.
3. V. par ex. Civ. 1, 17 juill. 1996, n° 94-14662, Bull. civ. I, n° 331.
4. Civ. 3, 25 févr. 2004, n° 02-15269, Bull. civ. III, n° 42 ; JCP 2004, I, 149, n° 9 ; obs. F. Labarthe ;
RDC 2004, p. 635, note D. Mazeaud ; RDC 2004, p. 639, obs. P. Brun ; RTD civ. 2004, p. 279, note
J. Mestre et B. Fages, dans une promesse de vente le bénéficiaire avait versé un acompte sans déclaration
fiscale ; la promesse étant devenue caduque, le bénéficiaire avait demandé la restitution de l’acompte
et le promettant avait opposé l’exception d’indignité : ce moyen de défense est rejeté : « le promettant
[…] ne pouvait se prévaloir de la cause illicite pour se soustraire à restitution ».
5. Soc., 10 nov. 2009, Bull. civ. V, n° 251 ; JCP 2010, 168, note J. Mouly.
6. J. Carbonnnier, n° 110 ; P. Malaurie, L. Aynès et P. Stoffel-Munck, n° 729.

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461. À égalité de turpitude… L’exception d’indignité peut conduire le juge à
mesurer le degré d’immoralité respectif des contractants. Le juge peut rejeter la
demande de restitution si l’immoralité des deux paraît également condamnable1. Il
peut aussi faire droit à la demande de restitution de celle des parties dont l’immo-
ralité lui paraît moins condamnable2. Ainsi, une prostituée a pu demander au
proxénète la restitution des sommes qu’elle lui avait versées3 ; l’acheteur au marché
noir a pu demander au vendeur la restitution du prix des fausses pièces d’or4.

E. Responsabilité
462. Réparer les dommages causés par l’annulation. L’annulation du contrat
peut causer un préjudice à l’une des parties. Il en est ainsi, par exemple, si l’une
des parties a engagé des frais pour réaliser une étude de marché ou si elle a renoncé
à conclure un autre contrat qui lui aurait été profitable.
L’annulation, par elle-même, ne donne pas droit à réparation de ce préjudice. La
réparation du préjudice doit être recherchée sur le fondement du droit commun
de la responsabilité délictuelle (art. 1178, al. 4, C. civ.). L’action ne peut donc être
intentée que dans le cas où la nullité est due à une faute (d’une partie ou d’un tiers).

2. La rétroactivité à l’égard des tiers


463. La nullité est en principe opposable aux tiers (A). Les conséquences parfois
excessives de ce principe appellent des tempéraments (B).

A. Le principe
464. Opposabilité de la nullité. L’anéantissement rétroactif du contrat est oppo-
sable aux tiers. Cela signifie que les tiers doivent tenir compte de la situation
nouvelle qui résulte de l’anéantissement du contrat. Par exemple, l’annulation
de la vente d’un immeuble loué est opposable au locataire qui doit prendre en
compte la situation nouvelle pour l’exécution de ses obligations, notamment le
paiement des loyers.

1. V. Com., 27 avr. 1981, n° 80-11200, D. 1982, p. 51, note P. Le Tourneau.


2. G. Ripert, La règle morale dans les obligations civiles, 4e éd., LGDJ, 1949, n° 108 ; P. Le Tourneau, La
règle nemo auditur, préc., n° 162, et note ss. Com., 27 avr. 1981, D. 1982, p. 51.
3. Crim., 7 juin 1945, D. 1946, p. 149.
4. Crim., 3 juill. 1947, JCP 1948, II, 4474, note J. Carbonnier.

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B. Les tempéraments
465. Position du problème. L’annulation du contrat peut porter atteinte aux
droits des tiers. Par exemple : une personne achète un bien et le revend à un tiers ;
en application du principe fondamental selon lequel nul ne peut transférer plus
de droit qu’il n’en a lui-même (nemo plus juris ad alium transferre potest quam ipse
habet) l’annulation de la première vente entraîne l’annulation de la seconde. Cette
situation est regrettable.
466. Correctifs. La loi et la jurisprudence apportent plusieurs correctifs.
Les actes d’administration qui ont été accomplis par le tiers avant l’annulation du
premier contrat demeurent valables (par exemple, les contrats d’assurance et les
contrats d’entretien relatifs au bien). Ces actes sont peu graves et leur maintien
présente peu d’inconvénients pour le propriétaire de la chose.
Lorsque la vente annulée porte sur un bien meuble, l’article 2276 du Code civil
confère un droit définitif à l’acquéreur de bonne foi qui a pris possession de la
chose.
Lorsque la vente annulée porte sur un immeuble, le sous-acquéreur peut invoquer
les règles de la prescription acquisitive de l’article 2272 du Code civil. Le délai
de prescription est en principe de 30 ans. Toutefois « celui qui acquiert de bonne
foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans » (art. 2272
al. 2) ; le juste titre au sens de ce texte est celui qui aurait transféré la propriété s’il
était émané du véritable propriétaire1.

1. Civ. 3, 13 janv. 1999, n° 96-19735, Bull. civ. III, n° 13 ; JCP 1999, I, 175, n° 6, obs. H. Périnet-
Marquet ; Civ. 3, 30 avr. 2002, n° 00-17356, Bull. civ. III, n° 89, D. 2002, p. 2510, obs.
N. Reboul-Maupin.

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Partie 2

Les effets du contrat

473. L’étude des effets du contrat conduit classiquement à envisager plusieurs


questions : Quelles sont les personnes liées par le contrat ? À quoi sont-elles tenues
et pendant quelle période ? Quelles sont les sanctions applicables en cas de non-
respect du contrat ?
Pour répondre à ces différentes questions il convient de présenter l’effet relatif du
contrat (Titre 1) puis la force obligatoire du contrat (Titre 2) et enfin les sanctions
applicables en cas d’inexécution du contrat (Titre 3).

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Titre 1

L’effet relatif du contrat

474. Distinction des parties et des tiers. Comme l’indique l’article 1103 du
Code civil, les contrats ne tiennent lieu de loi qu’à « ceux qui les ont faits ». C’est le
principe de l’effet relatif des contrats qui appelle quelques explications et supporte
des atténuations et des dérogations. On exposera le principe de l’effet relatif des
contrats (Chap. 1) avant de présenter les atténuations et dérogations qui lui sont
apportées (Chap. 2).

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Chapitre 1

Le principe de l’effet relatif

475. Le principe de l’effet relatif signifie que le contrat n’est obligatoire qu’à l’égard
des parties contractantes ; il ne s’impose pas aux tiers (art. 1199 C. civ., ancien
art. 1165 C. civ.). Ce principe est un corollaire de la théorie de l’autonomie de la
volonté, qui ne permet pas qu’une personne soit liée par un contrat sans l’avoir
voulu. Pour faire application de ce principe, il convient de déterminer qui sont
les parties (I) et qui sont les tiers (II).

I. Les parties
476. Les parties se définissent essentiellement lors de la formation du contrat (1).
Cependant certaines personnes acquièrent la qualité de partie postérieurement à
la formation du contrat (2).

1. Les parties à la formation du contrat


477. Notion de partie. Le mot partie vient du verbe « partir », au sens de partager,
prendre part1. Les parties sont les personnes qui ont pris part à la formation du
contrat, soit directement soit par représentation, avec la volonté d’être liées par ses effets.
Les personnes qui interviennent lors de la formation de l’acte mais ne manifestent
pas la volonté d’être liées par ses effets ne sont pas des parties (par ex. le rédacteur de
l’acte, ou le mandataire de l’une des parties). Le plus souvent le contrat comporte
deux parties, mais il peut en comporter davantage.
478. Partie plurale. Une partie contractante est généralement constituée par une
seule personne. Mais elle peut être constituée de plusieurs personnes qui se sont
engagées conjointement avec la volonté d’être pareillement liées. On parle alors de
partie plurale. Un contrat comportant une partie plurale est qualifié de contrat

1. Le Petit Robert, V° Partir, 2.

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conjonctif1 (on dit également co-contrat). Ainsi les co-entrepreneurs s’engagent
ensemble à réaliser un ouvrage ; les co-fidéjusseurs se portent cautions d’un même
débiteur pour une même dette.

2. Les parties postérieurement à la formation du contrat


479. Tiers devenu partie. Après la formation du contrat, certaines personnes
perdent la qualité de tiers pour devenir partie au contrat. Ce sont les ayants cause
à titre universel de l’une des parties (A) et les cessionnaires du contrat (B).

A. Ayants cause à titre universel


480. Principe. Les ayants cause à titre universel sont les personnes ayant vocation
à recueillir tout ou partie du patrimoine d’une autre personne, défunte ou dissoute
(s’il s’agit d’une personne morale). Les ayants cause à titre universel prennent la
suite de leur auteur dans les contrats conclus par celui-ci. Ils acquièrent ainsi la
qualité de partie après la formation du contrat.
481. Exceptions. Le principe de transmission des contrats aux ayants cause à titre
universel est écarté pour les contrats intuitu personae, qui prennent fin au décès
du contractant dont la personnalité était déterminante du contrat. De plus, le
principe de transmission des contrats peut être écarté par la volonté des parties.

B. Cessionnaires du contrat
482. Cession de contrat. Très présente dans les droits spéciaux où de nombreux
textes l’organisent2 voire l’imposent3, la cession de contrat4 a trouvé sa place dans
les règles du droit commun des contrats avec l’ordonnance du 10 février 20165.

1. R. Cabrillac, L’acte juridique conjonctif, préf. P. Catala, LGDJ, 1990.


2. V. par ex. art. L. 141-15 C. com., cession du bail commercial ; art. L. 211-11 C. tourisme, cession du
contrat de vente de voyage.
3. V. par ex. art. 1743 al. 1er C. civ., imposant la cession du bail en cas de vente de la chose louée ;
art. L. 121-10 C. ass., imposant la cession du contrat d’assurance en cas de vente de la chose assurée ;
art. L. 1124-1 C. trav., imposant la cession du contrat de travail en cas de transfert d’entreprise.
4. Sur la cession de contrat, v. not. : C. Larroumet, Les opérations juridiques à trois personnes, thèse
Bordeaux, 1968 ; L. Aynès, La cession de contrat et les opérations juridiques à trois personnes, préf.
P. Malaurie, Economica, 1984 ; J. François, Les opérations juridiques triangulaires attributives, thèse
Paris II, 1994 ; E. Jeuland, Essai sur la substitution de personne dans un rapport d’obligation, préf.
L. Cadiet, LGDJ, 1999 ; C. Lachièze, Le régime des exceptions dans les opérations juridiques à trois
personnes en droit civil, préf. J. Hauser, éd. La Mouette, 2001 ; E. Jeuland, Rép. Civ. Dalloz, V° Cession
de contrat.
5. V. not. L. Aynès, « La cession de contrat », Dr. et pat. 2016, n° 260.

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L’article 1216 du Code civil définit la cession de contrat comme l’opération per-
mettant à un contractant de « céder sa qualité de partie au contrat à un tiers ». La
cession de contrat consiste dans la substitution d’une partie par un tiers après la
formation du contrat.
La cession de contrat conduit à envisager le contrat cédé comme une chose, mais
un contrat n’est pas une chose comme les autres1. Les conditions (a) et les effets
(b) de la cession de contrat en témoignent.
a. Les conditions de la cession de contrat
483. Conditions de fond. Confirmant la solution qui avait été retenue par la
jurisprudence2 avec le soutien de la plupart des auteurs3, l’article 1216 du Code
civil prévoit que la cession de contrat suppose l’accord du contractant cédé. Cette
exigence a une portée générale : peu importe que le contrat soit conclu intuitu
personae ou non4. Cet accord n’est pas une simple autorisation, mais un consen-
tement contractuel5.
L’accord du cédé peut être donné au moment de la cession ou bien par avance,
dans une clause du contrat cédé notamment (dite « clause de substitution »).
Dans ce second cas « la cession produit effet à l’égard du cédé lorsque le contrat
conclu entre le cédant et le cessionnaire lui est notifié ou lorsqu’il en prend acte »
(art. 1216 C. civ.).
484. Conditions de forme. L’article 1216 alinéa 3 du Code civil prévoit que « la
cession de contrat doit être constatée par écrit, à peine de nullité ». La cession de
contrat est donc un contrat solennel.

1. C. Lachièze, « La cession de contrat, entre objectivisme et subjectivisme », Mélanges Jean Hauser, Lexis-
Nexis Dalloz 2012, p. 867.
2. Com., 6 mai 1997, nos 94-16335 et 95-10252, Bull. civ. IV, nos 117 et 118 ; D. 1997, note M. Billiau
et C. Jamin ; RTD civ. 1997, p. 936, obs. J. Mestre.
3. J. Ghestin, C. Jamin et M. Billiau, n° 1046 (mais les auteurs analysent l’opération comme une « délé-
gation de contrat », emportant création d’un contrat nouveau) ; C. Lachièze, Le régime des exceptions
dans les opérations juridiques à trois personnes en droit civil, préc., n° 296 et s. ; « L’autonomie de la
cession conventionnelle de contrat », D. 2000, p. 184. Contra, soutenant que le contrat est par principe
cessible : L. Aynès, préc., spéc. n° 234.
4. L. Aynès, La cession de contrat et les opérations juridiques à trois personnes, thèse préc.
5. Contra : L. Aynès, « La cession de contrat », art. préc.

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b. Les effets de la cession de contrat
485. Transfert du contrat. La cession de contrat n’implique pas la formation d’un
contrat nouveau1 ; elle produit véritablement le transfert du contrat. La cession de
contrat a pour effet de modifier la situation juridique des trois intéressés.
486. Effets à l’égard du cédant. Le cédant perd la qualité de partie au contrat,
mais il demeure en principe « tenu solidairement à l’exécution du contrat » aux
côtés du cessionnaire (art. 1216-1 al. 2 C. civ.). Le cédant n’est libéré que si le
cédé « y a expressément consenti » (art. 1216-1 al. 1er C. civ.). Il faut, pour libérer
le cédant, un consentement exprès du cédé.
La situation du cédant a des conséquences sur le sort des sûretés qui garantissaient
l’exécution de ses obligations : « Si le cédant n’est pas libéré par le cédé, les sûretés
qui ont pu être consenties subsistent. Dans le cas contraire, les sûretés consenties
par des tiers ne subsistent qu’avec leur accord » (art. 1216-3 al. 1er C. civ.).
487. Effets à l’égard du cessionnaire. Le cessionnaire acquiert la qualité de partie
au contrat à compter de la cession. Il succède au cédant pour l’avenir seulement. Le
cessionnaire ne reprend pas les droits et obligations déjà nés sur la tête du cédant,
sauf stipulation contraire (cession de dette ou de créance).
L’article 1216-2 alinéa 1er du Code civil prévoit que le cessionnaire « peut oppo-
ser au cédé les exceptions inhérentes à la dette, telles que la nullité, l’exception
d’inexécution, la résolution ou la compensation de dettes connexes ». En revanche
« il ne peut lui opposer les exceptions personnelles au cédant ». Ces solutions sont
conformes à la jurisprudence antérieure à la réforme du droit des contrats2.
488. Effets à l’égard du cédé. Le cédé va poursuivre l’exécution du contrat avec
un nouveau cocontractant, le cessionnaire. Il va devenir, pour l’avenir, créancier
et débiteur de celui-ci. L’article 1216-2 alinéa 2 du Code civil prévoit que le cédé
peut « opposer au cessionnaire toutes les exceptions qu’il aurait pu opposer au
cédant »3.

1. La thèse contraire était défendue avant la réforme par M. Billiau, « Cession de contrat ou “délégation”
de contrat ? », JCP 1994, I, 3758 ; J. Ghestin, C. Jamin et M. Billiau, spéc. n° 1046 et s.
2. V. C. Lachièze, Le régime des exceptions dans les opérations juridiques à trois personnes en droit civil, préc.,
spéc. n° 344 et s.
3. L’affirmation est globalement exacte ; il convient cependant de réserver l’hypothèse des exceptions qui
trouvaient leur fondement dans la personne du cédant et qui ne se retrouveraient pas dans la personne
du cessionnaire : elles seraient bien évidemment inopposables à celui-ci.

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II. Les tiers
489. Hétérogénéité. La catégorie des tiers se définit de façon négative : sont des
tiers toutes les personnes qui n’ont pas la qualité de partie. La catégorie des tiers
est hétérogène, car tous les tiers ne sont pas dans la même situation1. On peut
distinguer trois principales catégories de tiers : les tiers absolus (1), les créanciers
des parties (2) et les ayants cause à titre particulier (3).

1. Les tiers absolus


490. Notion de tiers absolu. On qualifie de tiers absolus, ou penitus extranei, les
personnes qui sont totalement étrangères au contrat. Le contrat est opposable aux
tiers absolus (A) et, réciproquement, il est opposable par eux (B).

A. Opposabilité du contrat aux tiers


491. Exposé du principe. Même s’ils ne sont pas soumis à l’effet obligatoire
du contrat, les tiers doivent respecter la situation juridique créée par celui-ci
(art. 1200 C. civ.). Le contrat est opposable aux tiers comme un fait juridique.
L’opposabilité du contrat aux tiers est « le complément indispensable de la force
obligatoire du contrat2 ». Le contrat qui ne serait pas opposable aux tiers pourrait
être remis en cause par ceux-ci ; il n’établirait entre les parties qu’une situation
fragile.
Certaines dispositions subordonnent l’opposabilité du contrat à des formalités
de publicité afin de permettre aux tiers d’être informés de l’existence du contrat
qui peut influer sur leur situation juridique. Lorsque ces formalités ne sont pas
respectées, le contrat est inopposable aux tiers. Tel est le cas par exemple pour les
contrats portant sur des droits réels immobiliers (D. n° 55-22 du 4 janv. 1955,
v. infra, n° 578).
492. Tiers complice de la violation du contrat. Le principe d’opposabilité du
contrat aux tiers interdit à ceux-ci de faire obstacle à l’exécution du contrat. Le
tiers qui, en connaissance de cause, aide une partie à transgresser son engagement
se rend complice de la violation contractuelle ; il commet une faute qui engage sa

1. P. Delmas Saint-Hilaire, Le tiers à l’acte juridique, préf. J. Hauser, LGDJ, 2000. V. ég. R. Wintgen,
Étude critique de la notion d’opposabilité : les effets du contrat à l’égard des tiers en droit français et allemand,
préf. J. Ghestin, LGDJ, 2004, l’auteur met en doute l’existence d’un principe général d’opposabilité
du contrat aux tiers.
2. J. Ghestin, C. Jamin et M. Billiau, n° 724.

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responsabilité délictuelle à l’égard du contractant victime de l’inexécution. C’est le
cas notamment lorsqu’un tiers, en concluant un contrat avec une partie, empêche
celle-ci d’exécuter son contrat1.

B. Opposabilité du contrat par les tiers


493. L’opposabilité du contrat par les tiers se manifeste principalement sur le
terrain de la preuve (a), en cas de simulation (b) et enfin lorsqu’un tiers subit un
préjudice du fait de l’inexécution du contrat (c).
a. Preuve
494. Une « banque de données pour les tiers ». L’article 1200, alinéa 2, du Code
civil prévoit que les tiers au contrat « peuvent s’en prévaloir notamment pour
apporter la preuve d’un fait ». Il ne s’agit pas pour les tiers de faire valoir le contrat
en tant qu’acte juridique créateur d’obligations, mais simplement de l’invoquer
comme un fait juridique, à titre de preuve2. Le contrat représente pour les tiers une
« banque de données3 ». Par exemple, le preneur à bail peut invoquer un contrat
entre son bailleur et un précédent preneur à bail pour renverser la présomption
selon laquelle il est censé avoir reçu la chose en bon état de réparations locatives.
b. Simulation
495. Présentation. Il y a simulation lorsque les parties conviennent de dissimuler
leur accord véritable et secret, la contre-lettre, derrière un acte apparent et factice,
l’acte ostensible. La simulation peut présenter trois formes principales.
L’interposition de personnes consiste à dissimuler l’identité d’un contractant : on
fait semblant de donner à X mais il est convenu par une contre-lettre que Y est
le véritable donataire.

1. Com., 11 oct. 1971, n° 70-11892, Bull. civ. IV, n° 237 ; D. 1972, p. 120, « toute personne qui, avec
connaissance, aide autrui à enfreindre les obligations contractuelles pesant sur lui, commet une faute
délictuelle à l’égard de la victime de l’infraction ». V. ég. Civ. 1, 26 janv. 1999, n° 96-20782, Bull. civ. I,
n° 32 ; D. 1999, p. 263, obs. P. Delebecque ; RTD civ. 1999, p. 405, obs. P. Jourdain ; RTD civ. 1999,
p. 625, obs. J. Mestre, le tiers avait empêché l’exécution d’une obligation de non-concurrence contenue
dans un contrat de cession de clientèle.
2. Civ. 1, 3 janv. 1996, n° 93-20404, Bull. civ. I, n° 7 ; RTD civ. 1996, p. 904, obs. J. Mestre ; Def., 1996,
p. 1022, obs. P. Delebecque, « l’effet relatif du contrat n’interdit pas aux juges de puiser dans un acte
étranger à l’une des parties en cause des éléments d’appréciation de nature à éclairer leur décision ».
3. P. Delebecque, préc.

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Le contrat déguisé consiste à dissimuler la nature du contrat : on fait semblant de
vendre mais il est prévu par une contre-lettre que le prix ne sera pas payé, notam-
ment pour échapper aux règles fiscales ou civiles de la donation.
La dissimulation d’une partie du prix consiste à convenir d’un prix dans l’acte
apparent en prévoyant une majoration de ce prix dans la contre-lettre.
496. Régime juridique. En principe, la simulation n’emporte pas de conséquence
quant à la validité des actes en question. La contre-lettre est valable, en dépit de
son caractère secret, et l’acte ostensible est valable aussi, en dépit de son caractère
factice. Il faut cependant satisfaire aux conditions de fond de l’acte secret et aux
conditions de forme de l’acte apparent1. Mais quel est l’acte qui s’applique ? La
question trouve sa réponse à l’article 1201 du Code civil. Dans les rapports entre
les parties, l’acte secret s’applique car il est conforme à leur volonté réelle. S’agissant
des tiers, l’article 1201 du Code civil prévoit que la contre-lettre « n’est pas oppo-
sable aux tiers qui peuvent néanmoins s’en prévaloir ». Ce texte, qui reprend la règle
de l’ancien article 1341 du Code civil, permet aux tiers d’opposer aux parties l’acte
apparent ou la contre-lettre. Les tiers qui entendent s’en tenir à l’acte apparent n’ont
aucune preuve à fournir ; en revanche, ceux qui souhaitent se prévaloir de l’acte
secret doivent détruire l’apparence en exerçant l’action en déclaration de simula-
tion : ils doivent rapporter la preuve de la contre-lettre par tous moyens – l’exigence
d’une preuve écrite n’est jamais imposée aux tiers. L’option offerte aux tiers crée le
risque d’un conflit entre des tiers se prévalant les uns de l’acte apparent, les autres
de l’acte secret. En application de la théorie de l’apparence dont l’article 1201 est
une application, il convient de privilégier le tiers qui se prévaut de l’acte apparent,
à condition bien sûr qu’il soit de bonne foi2.
497. Simulation frauduleuse. Lorsque la simulation est frauduleuse, la sanction
consiste généralement en la nullité de l’acte secret et de l’acte apparent en applica-
tion de l’adage fraus omnia corrumpit (la fraude corrompt tout). En cas de fraude,
l’existence de la contre-lettre peut être prouvée par tous moyens entre les parties
à l’acte, même si l’acte apparent a été dressé en la forme authentique3.

1. Civ. 1, 29 mai 1980, n° 79-11378, Bull. civ. I, n° 164, « les libéralités faites sous le couvert d’actes à
titre onéreux sont valables lorsqu’elles réunissent les conditions de forme requises pour la constitution
des actes dont elles empruntent l’apparence, les règles auxquelles elles sont assujetties quant au fond
étant celles propres aux actes à titre gratuit ».
2. Civ. 1, 22 févr. 1983, n° 81-16061, Bull. civ. I, n° 71, JCP 1985, II, 20359, note J.-P. Verschave.
3. Com., 19 nov. 2002, n° 00-21620, Bull. civ. IV, n° 174 ; Civ. 1, 17 déc. 2009, n° 08-13276,
Bull. civ. I, n° 254 ; JCP 2010, 315, note L. Leveneur, « attendu qu’en cas de fraude, la simulation
peut être prouvée par tous moyens ; il en est ainsi de la dissimulation du prix de vente d’un immeuble,

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La simulation par interposition de personnes est frauduleuse notamment lorsqu’elle
est utilisée pour contourner une incapacité spéciale. Par exemple l’article 909 du
Code civil instaure pour les médecins une incapacité de recevoir à titre gratuit
des libéralités entre vifs ou à cause de mort que pourrait leur faire, durant sa
dernière maladie, un patient auquel ils auraient prodigué des soins. La simulation
par interposition de personnes consiste à adresser une donation à un bénéficiaire
apparent, tout en prévoyant que le véritable bénéficiaire sera ce médecin frappé
de l’incapacité.
La simulation par contrat déguisé est frauduleuse lorsqu’elle a pour but de contour-
ner une règle impérative. Par exemple, dans le bail rural le preneur dispose d’un
droit de préemption en cas de vente de la parcelle louée mais ce droit ne s’applique
pas en cas d’échange (art. L. 412-3 C. rur.) ; pour contourner le droit de pré-
emption, le propriétaire décide d’échanger la parcelle de terre contre une autre
parcelle, beaucoup plus petite, et en convenant d’une soulte très importante : la
fraude consiste à recourir artificiellement à un échange plutôt qu’à un contrat de
vente, pour échapper au droit de préemption1.
Dans certains cas cependant la nullité frappe seulement la contre-lettre.
L’article 1202 du Code civil (ancien art. 1321-1 du Code civil, qui était auparavant
l’art. 1840 CGI) frappe de nullité la contre-lettre majorant le prix ouvertement
déclaré dans certains contrats (notamment la vente d’un immeuble, la cession
d’un office ministériel ou d’un fonds de commerce), tout en laissant intact l’acte
de cession. Le but de cette règle est d’inciter l’acquéreur à dénoncer la fraude.
c. Les tiers victimes de l’inexécution du contrat
498. Faute contractuelle et faute délictuelle. Le tiers qui subit un préjudice du
fait de la mauvaise exécution du contrat peut engager la responsabilité délictuelle
du contractant défaillant. Cette solution est admise depuis longtemps, mais une
question essentielle restait à trancher : la violation de l’engagement contractuel
suffit-elle à caractériser une faute délictuelle ?
La jurisprudence a pendant longtemps répondu par la négative, exigeant que le tiers
établisse une « faute délictuelle envisagée en elle-même, indépendamment de tout

laquelle a notamment pour finalité d’éluder l’application des règles fiscales relatives à l’imposition des
transactions immobilières ».
1. Civ. 3, 9 janv. 1991, n° 89-13865, Bull. civ. III, no 18, pour échapper au droit de préemption appli-
cable en cas de vente, le propriétaire d’une parcelle de 2 hectares 7 évaluée à 73 980 francs l’avait
échangée contre une parcelle de 30 ares 20 centiares d’une valeur de 8 100 francs moyennant une
soulte de 65 880 francs.

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point de vue contractuel1 ». Puis la jurisprudence est devenue hésitante. Certains
arrêts s’en tenaient à la position traditionnelle en décidant « qu’un tiers ne peut,
sur le fondement de la responsabilité délictuelle, se prévaloir de l’inexécution du
contrat qu’à la condition que cette inexécution constitue un manquement à son
égard au devoir général de ne pas nuire à autrui2 » tandis que d’autres, émanant
de la première chambre civile, adoptaient une position beaucoup plus favorable
au demandeur en décidant que « les tiers à un contrat sont fondés à invoquer
l’exécution défectueuse de celui-ci lorsqu’elle leur a causé un dommage, sans avoir
à rapporter d’autres preuves3 ».
L’assemblée plénière de la Cour de cassation, par un arrêt du 6 octobre 2006, est
venu trancher la question en affirmant que « le tiers à un contrat peut invoquer, sur
le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors
que ce manquement lui a causé un dommage4 ». C’est dire, en d’autres termes, que
toute faute contractuelle constitue une faute délictuelle à l’égard des tiers. Cette
jurisprudence est critiquée par de nombreux auteurs qui lui reprochent de bafouer
le principe de l’effet relatif des contrats5. Et, si elle est globalement suivie par les
différentes chambres de la Cour de cassation, elle doit cependant composer avec
des arrêts dissidents qui exigent la preuve d’une faute délictuelle distincte d’un
manquement contractuel6.

1. Civ. 1, 8 oct. 1962, Bull. civ. I, n° 405. En ce sens ég. Com., 17 juin 1997, n° 95-14535, Bull. civ. IV,
n° 187 ; JCP 1998, I, 144, obs. G. Viney ; RTD civ. 1998, p. 113, obs. P. Jourdain.
2. Com., 5 avr. 2005, n° 03-19370, Bull. civ. IV, n° 81 ; RDC 2007, n° 687 obs. D. Mazeaud (s’agissant
d’une clause d’exclusivité).
3. Civ. 1, 18 juill. 2000, n° 99-12135, Bull. civ. I, n° 221 ; JCP 2000, II, 10415, rapp. P. Sargos ;
JCP 2001, I, 338, n° 9, obs. G. Viney ; RTD civ. 2001, p. 146, obs. P. Jourdain ; Civ. 1, 13 fév. 2001,
n° 99-13589, Bull. civ. I, n° 35 ; Def., 2001, p. 712, obs. É. Savaux ; Civ. 1, 18 mai 2004, n° 01-13844,
Bull. civ. I, n° 141.
4. Ass. plén., 6 oct. 2006, n° 05-15255, Bull. A.P. n° 9 ; D. 2006, p. 2825, note G. Viney ; JCP 2006,
II, n° 10181, note M. Billiau, concl. Gariazzo ; RTD civ. 2007, p. 123, obs. P. Jourdain ; Def., 2007,
p. 609, note R. Wintgen ; RDC 2007, p. 269, obs. D. Mazeaud ; p. 279, obs. S. Carval ; p. 379, obs.
J.-B. Seube ; G.A, t. 2, n° 177.
5. V. not. F. Terré, P. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, n° 680 ; P. Jourdain, obs. préc.
6. V. not. : Civ. 3, 22 oct. 2008, n° 07-15585, Bull. civ. III, n° 160, RTD civ. 2009, p. 121, obs.
P. Jourdain ; Com., 18 mai 2017, n° 16-11203, Bull. civ. IV, à paraître, D. 2017, p. 1225, note
D. Houtcieff ; RTD civ. 2017, p. 651, obs. H. Barbier, p. 666, obs. P. Jourdain ; RDC 2017, p. 425,
obs. J.-S. Borghetti ; Civ. 1, 28 sept. 2016, nos 15-17033 et 15-17516, à paraître au Bulletin ; D. 2017,
p. 341, note C. Lachièze ; Cont. conc. cons. 2016, comm. 247, obs. L. Leveneur ; Resp. civ. ass. 2016,
p. 342, obs. L. Bloch ; LEDC 2016, n° 10, p. 7, note O. Sabard : le seul manquement à l’obligation de
sécurité envers le voyageur décédé ne suffit pas à caractériser une faute délictuelle envers ses proches.

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Dans un arrêt du 13 janvier 20201, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation
a réaffirmé avec force le principe d’assimilation des fautes délictuelles aux fautes
contractuelles.

2. Les créanciers des parties


499. Situation des créanciers. Les créanciers chirographaires ont un droit de gage
général sur le patrimoine de leur débiteur (art. 2284 et 2285 C. civ.). Ils subissent
un préjudice si leur débiteur conclut un contrat qui appauvrit son patrimoine.
Le Code civil offre aux créanciers deux actions qui leur permettent de défendre
leurs intérêts.
500. Action oblique. L’action oblique permet au créancier d’exercer, en cas de
« carence du débiteur », les droits et actions non exclusivement attachés à la per-
sonne de celui-ci (art. 1341-1 C. civ.). Le créancier agit pour le compte de son
débiteur qu’il représente et le produit de l’action tombe dans le patrimoine du
débiteur sur lequel le créancier agissant viendra alors en concours avec les autres
créanciers. L’action oblique profite à l’ensemble des créanciers du débiteur : celui
qui la met en œuvre « tire les marrons du feu » pour les autres.
501. Action paulienne. L’action paulienne permet au créancier d’« agir en son
nom personnel pour faire déclarer inopposables à son égard les actes faits par son
débiteur en fraude de ses droits » (art. 1341-2 C. civ.). Cette action suppose que
le débiteur ait commis un acte d’appauvrissement en fraude des droits de son
créancier. Cette action a pour effet de rendre l’acte frauduleux inopposable au
seul créancier agissant. Si l’acte attaqué est un acte à titre onéreux, le créancier
doit « établir que le tiers cocontractant avait connaissance de la fraude » (art. 134
1-2 C. civ. in fine) ; au contraire, s’il s’agit d’un acte à titre gratuit, le créancier n’a
pas à démontrer la connaissance de la fraude par le tiers.

3. Les ayants cause à titre particulier


502. Position du problème. L’ayant cause à titre particulier est la personne qui
recueille un bien ou un droit particulier d’une autre personne, appelée son auteur.
Par exemple, l’acheteur d’un bien est l’ayant cause à titre particulier du vendeur.
La question qui se pose est la suivante : l’ayant cause à titre particulier est-il lié par

1. Ass. plén., 13 janv. 2020, n° 17-19963, Bull. A.P., à paraître ; JCP 2020, 93, obs. M. Mekki ; D. 2020,
p. 394, M. Bacache ; D. 2020, p. 416, obs. J.-S. Borghetti ; RTD civ. 2020 p. 96, obs. H. Barbier.

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les contrats passés par son auteur1 ? Par exemple : en cas de cession d’un fonds de
commerce, les contrats relatifs à ce fonds (contrats de travail, contrats passés avec
les fournisseurs…) sont-ils transmis à l’acquéreur du fonds commerce ?
503. Principe. En principe l’ayant cause n’est pas substitué dans les contrats
conclus par son auteur. La solution, admise par une jurisprudence ancienne et
constante, est dictée par le principe de l’effet relatif des contrats2. Ainsi, l’acquéreur
du fonds de commerce ne reprend pas les contrats qui avaient été conclus par son
prédécesseur3.
504. Exceptions. Des dispositions particulières prévoient que la cession d’un bien
s’accompagne de la cession de certains contrats. On parle de cession « légale4 » de
contrat, ou encore de cession « forcée », par opposition à la cession convention-
nelle de contrat (v. supra, n° 482 et s.). C’est un souci de protection d’un intérêt
particulier qui conduit le législateur à aménager une telle cession. Par exemple,
dans le but de protéger les salariés, l’article L. 1224-1 du Code du travail prévoit
que le contrat de travail est transmis à l’acquéreur de l’entreprise ; dans le but de
protéger le preneur à bail, l’article 1743 Code civil prévoit que le bail est transféré
à l’acquéreur de la chose loué.

1. Sur cette question, v. Du Garreau de la Méchenie, « La vocation de l’ayant cause à titre particulier
aux droits et obligations de son auteur », RTD civ. 1944, p. 219 ; J. Flour, J.-L. Aubert et É. Savaux,
n° 439 et s.
2. Jurisprudence constante depuis : Civ., 15 janv. 1918, DP 1918, 1, 17 : « le successeur ou ayant cause
à titre particulier n’est pas, de plein droit et comme tel, directement tenu des obligations personnelles
de son auteur ; que ce principe s’applique même aux conventions que ce dernier aurait passées par
rapport à la chose formant l’objet de la transmission… ».
3. Com., 19 déc. 1995, n° 93-13927, Bull. civ. IV, n° 303 : les contrats d’assurance qui avaient été sous-
crits par le vendeur ne sont pas transmis à l’acheteur ; Com., 4 mai 2010, n° 09-13118, RDC 2010,
p. 1226, obs. D. Mazeaud ; Com., 11 mars 2014, n° 13-12507, l’engagement de non-concurrence
qui avait été souscrit par le vendeur du fonds de commerce n’est pas transmis à l’acheteur.
4. Sur ces cessions légales de contrat, v. E. Jeuland, Rép. Civ. Dalloz, V° Cession de contrat.

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Chapitre 2

Les atténuations et les dérogations


au principe de l’effet relatif

506. Le principe de l’effet relatif supporte certaines atténuations (I) et même de


véritables dérogations (II).

I. Atténuations au principe de l’effet relatif


507. Deux mécanismes conduisent à atténuer la portée du principe de l’effet
relatif : le porte-fort de ratification (1) et la stipulation pour autrui (2).

1. Le porte-fort de ratification
508. Définition. Le porte-fort est la convention par laquelle une personne, que
l’on appelle porte-fort, promet « le fait d’un tiers » (art. 1204 C. civ.). Il existe deux
variantes. Le porte-fort peut promettre que le tiers donnera son consentement à
un contrat (c’est le porte-fort de ratification), ou qu’il exécutera un contrat (c’est
le porte-fort d’exécution). Seul le porte-fort de ratification nous intéresse ici car
il permet d’atténuer les conséquences du principe de l’effet relatif des contrats.
Il se rapproche de la technique de la représentation, et bien souvent il est utilisé
par un représentant qui souhaite s’engager au-delà de ses pouvoirs pour saisir une
affaire qui lui paraît intéressante.
509. Effets. Le porte-fort a souscrit un engagement personnel, qui lui impose
une obligation de résultat : il doit faire en sorte que le tiers consente. Le tiers n’est
nullement engagé : il n’y a donc pas dérogation au principe de l’effet relatif. La
situation peut se dénouer de deux façons différentes.
Le tiers peut ratifier la promesse. Si le tiers ratifie la promesse faite par porte-fort,
il est engagé par l’acte. La ratification a un caractère rétroactif et remonte au jour

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de l’acte ratifié, l’obligation du tiers prenant naissance au jour de l’engagement du
porte-fort1. Le porte-fort est définitivement libéré de toute obligation2.
Le tiers peut refuser de ratifier la promesse. Dans ce cas, le contrat préparé par le
porte-fort n’aura jamais existé. Le porte-fort qui a manqué à sa promesse engage sa
responsabilité contractuelle envers son cocontractant3. Cette circonstance peut être
de nature à influer sur la décision du tiers et donc conduire à forcer son consente-
ment. C’est pour cela que la Cour de cassation a apporté certaines restrictions à la
validité de la promesse de porte-fort dans le contexte familial. Elle a notamment
décidé que la promesse de porte-fort ne permet pas d’éluder la règle de l’article 215
alinéa 3 C. civ. qui interdit à un époux de disposer seul du logement familial4.

2. La stipulation pour autrui


510. Présentation. Il y a stipulation pour autrui lorsque l’une des parties à un
contrat (le stipulant) obtient de l’autre partie (le promettant) qu’elle s’engage
à exécuter sa prestation au bénéfice d’un tiers (le bénéficiaire)5. La stipulation
pour autrui constitue le support technique de nombreuses opérations, notam-
ment l’assurance sur la vie en cas de décès : le souscripteur (stipulant) demande à
l’assureur (promettant) de s’engager envers une tierce personne (bénéficiaire) à lui
verser une certaine somme au jour où le souscripteur décédera.
On envisagera les conditions de formation (A) et les effets (B) de la stipulation
pour autrui.

A. Les conditions de formation


511. Consentement du stipulant et du promettant. La stipulation pour autrui
est valablement formée par le consentement du stipulant et du promettant. Le
bénéficiaire n’étant pas partie à ce contrat, son consentement n’est pas requis et
il peut très bien n’être pas informé de l’existence de la stipulation. Le bénéficiaire
doit être déterminé ou déterminable (art. 1205 al. 2 C. civ.).

1. Civ. 1, 7 juill. 1964, D. 1964, p. 560.


2. Com. 13 déc. 2005, n° 03-19217, Bull. civ. IV, n° 256.
3. Civ. 1, 25 janv. 2005, n° 01-15926, Bull. civ. I, n° 43 ; JCP 2006, II, 10021, note P. Simler ;
Cont. Conc. Cons. 2005, n° 81, obs. L. Leveneur.
4. Civ. 1, 11 oct. 1989, n° 88-13631, Bull. civ. I, n° 315 ; D. 1990, p. 310, note R. Le Guidec ; D. 1992,
somm. p. 219, obs. F. Lucet, la Cour de cassation décide que la vente par un époux seul est nulle et
que cette nullité infecte la promesse de porte-fort : le tiers ne peut donc réclamer aucune indemnité
au porte-fort.
5. Art. 1205 al. 2 C. civ.

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L’ancien article 1121 du Code civil visait la stipulation faite « au profit d’un tiers ».
La jurisprudence avait admis que « la stipulation pour autrui n’exclut pas, dans
le cas d’acceptation par le bénéficiaire, qu’il soit tenu de certaines obligations1 ».
Cette solution semble consacrée par le nouvel article 1205, alinéa 2, du Code civil
qui définit la stipulation pour autrui comme l’opération par laquelle le promettant
s’engage à « accomplir une prestation au profit d’un tiers ».

B. Les effets
512. La stipulation pour autrui est une opération triangulaire. On examinera
successivement les « trois côtés du triangle » : les rapports entre le stipulant et le
promettant (a), les rapports entre le promettant et le tiers bénéficiaire (b) et enfin
les rapports entre le stipulant et le tiers bénéficiaire (c).
a. Les rapports entre le stipulant et le promettant
513. Contrat principal. Le stipulant et le promettant sont tous deux parties au
contrat principal. Chacun doit exécuter ses obligations. S’agissant du stipulant, il
est tenu d’exécuter ses obligations envers le promettant (par ex. payer les primes
d’assurance) ; il conserve le droit d’agir en exécution forcée contre le promettant2
(art. 1209 C civ.) et de demander la résolution du contrat.
b. Les rapports entre le promettant et le tiers bénéficiaire
514. Un droit direct dès la stipulation. Le bénéficiaire « est investi d’un
droit direct à la prestation contre le promettant dès la stipulation » (art. 1206
al. 1er C. civ.). Le droit direct du bénéficiaire contre le promettant prend naissance
à la date de la stipulation (et non à la date de l’acceptation qui ne fait que consolider
le droit du bénéficiaire en interdisant au stipulant de révoquer la stipulation). Ni
les créanciers3 du stipulant ni ses héritiers4 ne peuvent émettre aucune prétention
sur cette créance. Le stipulant peut « librement révoquer la stipulation tant que le
bénéficiaire ne l’a pas acceptée. » (art. 1206 al. 2 C. civ.). La révocation anéantit
rétroactivement la stipulation (art. 1207 dernier alinéa C. civ.).

1. Civ. 1, 1er déc. 1987, n° 85-11769, Bull. civ. I, n° 343 ; D. 1989, somm. p. 233, obs. J.-L. Aubert, en
l’espèce le vendeur avait obtenu de l’acquéreur qu’il s’engage à donner le bien à un bénéficiaire qui
serait tenu de l’exploiter.
2. Civ., 12 juill. 1956, D. 1956, p. 749, note J. Radouant ; G.A., t. 2, n° 172.
3. Ils ne peuvent faire saisir cette créance (v. art. L. 132-14 C. ass.).
4. Ils ne peuvent faire application à cette créance des règles du rapport et de la réduction des libéralités
(v. art. L. 132-13 C. ass.).

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515. Un droit irrévocable par l’acceptation. Le droit du bénéficiaire ne devient
irrévocable que par l’effet de l’acceptation ; précisément « au moment où l’accep-
tation parvient au stipulant ou au promettant » (article 1206 al. 3 C. civ.).
516. La question de l’opposabilité des exceptions. On retrouve, comme dans
toutes les opérations juridiques à trois personnes, la question de l’opposabilité des
exceptions. La question se pose en ces termes : quelles sont, parmi les exceptions
que le promettant aurait pu faire valoir contre le stipulant, celles qu’il peut invo-
quer à l’encontre du bénéficiaire ? Pour répondre à cette question, il suffit de faire
appel à l’idée que le bénéficiaire est placé dans la même situation que s’il avait été
lui-même partie au contrat principal, en lieu et place du stipulant1. En application
de cette idée, le droit de créance du bénéficiaire est placé sous la dépendance du
contrat principal. Le promettant peut donc en principe invoquer à l’égard du
bénéficiaire toutes les exceptions inhérentes au contrat qu’il aurait pu faire valoir
contre le stipulant (il peut notamment invoquer la défaillance du stipulant pour
obtenir la résolution du contrat2).
c. Les rapports entre le stipulant et le tiers bénéficiaire
517. C’est dans les relations entre le stipulant et le tiers bénéficiaire que se trouvent
les raisons d’être de la stipulation pour autrui : le but poursuivi par le stipulant.
Le stipulant peut chercher à faire une donation indirecte au bénéficiaire (par ex.
l’assurance sur la vie souscrite par un époux au profit de l’autre), ou bien chercher
à s’acquitter d’une dette envers le bénéficiaire.

II. Dérogations au principe de l’effet relatif


518. Le principe de l’effet relatif supporte aujourd’hui de nombreuses dérogations.
En voici quelques-unes : les actions directes en paiement (1), les actions en respon-
sabilité dans les chaînes de contrats (2), la caducité des contrats interdépendants
(3) et les actes collectifs (4). Enfin, on rappellera brièvement la théorie doctrinale
des groupes de contrats qui, bien qu’étant abandonnée aujourd’hui, mérite d’être
connue (5).

1. C. Lachièze, Le régime des exceptions dans les opérations juridiques à trois personnes en droit civil, préf.
J. Hauser, éd. La Mouette, 2001, spéc. n° 72 et s.
2. Civ. 1, 23 mars 1982, n° 81-10447, Bull. civ. I, n° 119 ; Civ. 1, 29 nov. 1994, n° 92-15783, Bull. civ. I,
n° 353 ; Def., 1995, p. 1405, obs. P. Delebecque ; RTD civ. 1995, p. 622, obs. J. Mestre.

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1. Les actions directes en paiement
519. Notion. L’action directe en paiement permet au créancier de poursuivre
directement, en son propre nom et pour son propre compte, le débiteur de son débi-
teur1. Le créancier qui agit par la voie de l’action directe en paiement met en
œuvre un contrat auquel il n’a pas pris part, par dérogation au principe de l’effet
relatif. L’action directe en paiement est plus efficace que l’action oblique qui
permet seulement au créancier d’agir au nom et pour le compte de son débiteur
(v. supra, n° 500).
On donnera quelques exemples. Dans l’assurance de responsabilité, la victime peut
agir directement contre l’assureur du responsable : « le tiers lésé dispose d’un droit
d’action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile de
la personne responsable » (art. L. 124-3, alinéa 1er, du Code des assurances, réd.
L. 2007-1774 du 17 déc. 2007). Le sous-contrat2, qui est un contrat conclu par
une partie avec un tiers pour l’associer à l’exécution du contrat, donne lieu à des
actions directes ; par exemple, dans le bail, lorsque le locataire a sous-loué le local
à une autre personne, le propriétaire peut agir directement contre le sous-locataire
pour le paiement des loyers (art. 1753 C. civ.) ; dans le contrat d’entreprise, lorsque
l’entrepreneur a sous-traité à un autre entrepreneur la réalisation de tout ou partie
de l’ouvrage dont il a la charge, le sous-traitant peut agir directement contre le
maître de l’ouvrage pour obtenir le paiement du prix stipulé au contrat principal
(art. 12 s. L. 31 déc. 1975).
520. Intérêt pratique. L’action directe en paiement emporte immobilisation de
la créance du débiteur principal à la manière d’une saisie, ce qui signifie que le
sous-débiteur ne peut plus se libérer qu’entre les mains du créancier. Cette immo-
bilisation se produit soit au moment où l’action est exercée (on parle d’action
directe imparfaite : par ex. l’action directe du bailleur ou du sous-traitant) soit dès
la naissance de la créance (on parle d’action directe parfaite : par ex. l’action de la
victime d’un dommage contre l’assureur du responsable). L’action directe offre
un privilège au créancier puisque le produit de l’action tombe directement dans
son patrimoine (il échappe ainsi au concours avec les autres créanciers, même s’ils
sont privilégiés). L’effet de l’action directe est beaucoup plus radical que celui de
l’action oblique (v. supra, n° 500).

1. M. Cozian, L’action directe, préf. A. Ponsard, LGDJ, 1969 ; C. Jamin, L’action directe, préf. J. Ghestin,
LGDJ, 1991 ; F. Gréau, Rép. Civ. Dalloz, V° Action directe, 2011.
2. J. Néret, Le sous-contrat, LGDJ, 1979.

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521. Domaine restreint. La doctrine a d’abord considéré que le mécanisme de
l’action directe en paiement, qui déroge au principe de l’effet relatif des contrats
et au principe de l’égalité des créanciers, ne pouvait être admis que dans les cas
où le législateur l’a consacré1. L’action directe ne pourrait donc disposer que d’un
fondement légal. Cette conception légaliste a été contestée. De nombreux auteurs
ont plaidé en faveur d’une généralisation de l’action directe2. Mais l’ordonnance du
10 février 20163 a tranché en faveur de l’analyse légaliste. Le nouvel article 1341-3
du Code civil prévoit en effet que l’action directe en paiement n’est possible que
« dans les cas déterminés par la loi ».

2. Les actions en responsabilité dans les chaînes de contrats


522. Transfert des actions attachées à la chose. La chaîne de contrats est une
succession de contrats portant sur la même chose (par ex. les ventes successives
d’un même bien, du fabricant au grossiste puis du grossiste au détaillant et enfin
du détaillant au consommateur). En application du principe de l’effet relatif des
contrats, une action de nature contractuelle ne peut s’exercer qu’entre les parties
à un même contrat. Or, la Cour de cassation a admis que, en cas de transfert d’un
bien, le nouveau titulaire du bien « jouit de tous les droits et actions attachés à
la chose et qui appartenaient à son auteur »4. D’abord admis seulement en cas
de ventes successives, la solution a été étendue à d’autres chaînes de contrats
dès lors qu’il y a transfert de propriété. Par exemple, celui qui fait construire un
immeuble peut agir directement contre le fournisseur des matériaux utilisés par le
constructeur5. De même, les acquéreurs successifs d’un bien peuvent agir contre
les entreprises ayant participé à sa fabrication6.

1. V. not. M. Cozian, L’action directe, préc., n° 100 ; J. Flour, J.-L. Aubert et É. Savaux, n° 459.
2. V. not. C. Jamin, La notion d’action directe, préf. J. Ghestin, LGDJ, 1991, spéc. n° 62 ; J. Ghestin,
C. Jamin et M. Billiau, n° 1084 s. ; F. Gréau, Rép. civ. Dalloz, préc. n° 9 et 10 ; B. Beignier, Le droit
du contrat d’assurance, PUF, 1999, n° 284.
3. Ord. n° 2016-131 du 10 févr. 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de
la preuve des obligations, préc.
4. Ass. plén., 7 fév. 1986, n° 84-15189, Bull. A.P. n° 2 ; D. 1986, p. 293, note A. Bénabent ; JCP 1986,
II, 20616, note P. Malinvaud.
5. Civ. 1, 23 juin 1993, n° 91-18132, Bull. civ. I, n° 226.
6. Civ. 3, 23 sept. 2009, n° 08-13470, Bull. civ. III, n° 202 : « les acquéreurs successifs d’un immeuble sont
recevables à agir contre les constructeurs sur le fondement de la garantie décennale qui accompagne,
en tant qu’accessoire, l’immeuble » ; Civ. 3, 9 juill. 2014, n° 13-15923, Bull. civ. III, n° 105 : « sauf
clause contraire, l’acquéreur d’un immeuble a qualité à agir contre les constructeurs, même pour les
dommages nés antérieurement à la vente, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit
commun qui accompagne l’immeuble en tant qu’accessoire ».

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3. La caducité des contrats interdépendants
523. Situation d’interdépendance contractuelle. Lorsque plusieurs contrats sont
conclus simultanément pour réaliser une opération unique, on considère qu’ils
sont interdépendants de telle sorte que la disparition de l’un entraîne nécessairement
celle des autres1.
La notion d’interdépendance contractuelle est mise en œuvre depuis plusieurs
années par des textes spéciaux. Ainsi, dans le régime du crédit affecté (C. cons.
art. L. 312-44 et s.), le législateur a lié le sort du contrat de financement et celui
du contrat financé : le défaut de conclusion, la nullité ou la résolution de l’un se
répercute sur l’autre. De même, dans le crédit immobilier (C. cons. art. L. 313-1
et s.), le législateur a lié les différents contrats nécessaires à la réalisation de l’opéra-
tion d’acquisition par un tissu complexe de conditions suspensives et résolutoires.
En droit commun la jurisprudence faisait parfois application de la notion d’in-
terdépendance contractuelle sans le support d’aucun texte2. L’ordonnance du
10 février 20163 a consacré cette jurisprudence4. Le nouvel article 1186 énonce :
« Lorsque l’exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d’une
même opération et que l’un d’eux disparaît, sont caducs les contrats dont l’exécu-
tion est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l’exécution du
contrat disparu était une condition déterminante du consentement d’une partie ».
Peu importe que les contrats soient conclus ou non entre les mêmes parties ; mais
lorsque tel n’est pas le cas, il faut que le contractant contre lequel la caducité est

1. J.-B. Seube, L’indivisibilité et les actes juridiques, Litec, 1999 ; S. Bros, L’interdépendance contractuelle,
Thèse Paris II, 2001, dir. C. Larroumet ; S. Pellé, La notion d’interdépendance contractuelle, Dalloz,
Nouvelle bibliothèque de thèses, préc. J. Foyer et M.-L. Demeester, 2007 ; J. Moury, « L’indivisibilité
entre les obligations et entre les contrats », RTD civ. 1994, p. 363 ; S. Amrani-Mekki, « Indivisibilité
et ensembles contractuels : l’anéantissement en cascade des contrats », Def., 2002, p. 365 ; C. Aubert
de Vincelles, « Réflexions sur les ensembles contractuels : un droit en devenir », RDC 2007, p. 983.
2. Com., 8 janv. 1991, n° 89-15439, Bull. civ. IV, n° 20, l’achat d’un logiciel est indivisible de celui de
matériel informatique. V. ég. Civ. 1, 4 avr. 2006, n° 02-18277, Bull. civ. I, n° 190, Def., 2006, p. 1194,
note J.-L. Aubert ; RDC 2006, p. 700, note D. Mazeaud, les parties avaient conclu un contrat d’exploi-
tation d’une chaufferie et un contrat d’approvisionnement du combustible : « ayant souverainement
retenu que les deux conventions constituaient un ensemble contractuel indivisible, la cour d’appel en
a déduit à bon droit que la résiliation du contrat d’exploitation avait entraîné la caducité du contrat
d’approvisionnement ».
3. Ord. n° 2016-131 du 10 févr. 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de
la preuve des obligations, préc.
4. S. Bros, « L’interdépendance contractuelle, la Cour de cassation et la réforme du droit des contrats »,
D. 2016, p. 29.

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invoquée ait eu connaissance de « l’existence de l’opération d’ensemble lorsqu’il a
donné son consentement » (art. 1186, al. 3, C. civ.).

4. Les actes collectifs


524. Notion. On qualifie de collectifs les actes juridiques dont l’effet s’impose à
des personnes qui n’ont pas donné leur consentement1. La dérogation au principe
de l’effet relatif est évidente. Le régime de ces contrats, qui déroge fortement au
droit commun, est déterminé par la loi.
525. L’exemple de la convention collective de travail. L’exemple le plus connu
de contrat collectif est celui de la convention collective de travail (art. L. 2221-1
et s. C. trav.). La convention collective de travail est conclue par un ou plusieurs
employeurs ou groupement d’employeurs, d’une part, et par un ou plusieurs syn-
dicats de salariés, d’autre part. La convention collective produit un effet collectif
à l’égard des salariés : elle s’applique à tous les salariés (syndiqués ou non) des
employeurs qui l’ont signée ou qui sont membres d’une organisation signataire.

5. La théorie des groupes de contrats


526. Exposé. Suivant la théorie dite des groupes de contrats les liens qui unissent
certains contrats pourraient justifier une nouvelle conception de la notion de
partie2. Les parties seraient les membres du groupe de contrats (peu importe qu’ils
aient ou non échangé leur consentement) et les tiers seraient toutes les personnes
étrangères au groupe de contrats. Cette théorie se fonde sur une conception objec-
tive de la notion de partie, fondée sur l’échange économique. Or le droit français
retient une conception subjective de la notion de partie, fondée sur le rôle de la
volonté.
527. Admission. La première Chambre civile de la Cour de cassation a, un temps,
admis cette théorie audacieuse, en décidant que « dans un groupe de contrats,
la responsabilité contractuelle régit nécessairement la demande en réparation de
tous ceux qui n’ont souffert du dommage que parce qu’ils avaient un lien avec le

1. A. Rouast, Essai sur la notion juridique de contrat collectif, thèse, Lyon 1909. V. ég. J. Flour, J.-L. Aubert
et É. Savaux, n° 504 et s.
2. B. Teyssié, Les groupes de contrats, préf. J.-M. Mousseron, LGDJ, 1975 ; J. Néret, Le sous-contrat, LGDJ,
1979. V. ég. M. Bacache-Gibeili, La relativité des conventions et les groupes de contrats, préf. Y. Lequette,
LGDJ 1996 ; C. Larroumet, « L’action de nature nécessairement contractuelle et la responsabilité civile
dans les ensembles contractuels », JCP 1988, I, 3357.

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contrat initial1 ». Cette solution suscita de vives critiques et se heurta à l’opposition
de la troisième Chambre civile qui s’en tenait à une lecture classique du principe
de l’effet relatif.
528. Rejet. L’Assemblée plénière de la Cour de cassation a condamné la théorie
doctrinale des groupes de contrats dans l’arrêt Besse du 12 juillet 19912. Sous le
visa de l’ancien article 1165 du Code civil, l’Assemblée plénière a rappelé que « les
conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes » et elle a écarté la mise
en œuvre de la responsabilité contractuelle entre un sous-traitant et un maître de
l’ouvrage. L’Assemblée plénière a ainsi imposé un retour à une application plus
classique du principe de l’effet relatif.

1. Civ. 1, 21 juin 1988, n° 85-12609, Bull. civ. I, n° 202 ; D. 1989, p. 5, note C. Larroumet ; JCP 1988,
II, 21125 note P. Jourdain ; G.A., t. 2, n° 174.
2. Ass. plén., 12 juill. 1991, n° 90-13602, Bull. A.P., n° 5 ; D. 1991, p. 549, note J. Ghestin ; JCP 1991, II,
21743, note G. Viney ; Def., 1991, p. 130, note J.-L. Aubert ; RTD civ. 1991, p. 750, obs. P. Jourdain ;
RTD civ. 1992, p. 90, obs. J. Mestre ; RJDA 1991, concl. Mounier ; Cont. Conc. Cons. 1991, n° 200,
obs. L. Leveneur ; G.A., t. 2, n° 176.

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Titre 2

La force obligatoire du contrat

531. La loi des parties. Le Code civil de 1804 ne donnait pas une présentation
claire de la force obligatoire du contrat, entretenant une confusion entre l’effet du
contrat et l’effet des obligations créées par le contrat1. Cette confusion avait été
relevée par la doctrine classique au xixe siècle2. Les études menées ces dernières
années sur la notion de force obligatoire ont mis en lumière la complexité de cette
notion et la nécessité de distinguer les effets des obligations créées par le contrat
(on parle d’effets obligationnels) et les autres effets du contrat (on parle d’effets
non obligationnels)3.
La force obligatoire est un phénomène complexe qui ne se laisse pas aborder
facilement. On adoptera dans les lignes qui suivent une approche descriptive
consistant à identifier les manifestations de la force obligatoire du contrat pour les
étudier séparément4. Dans cette démarche on envisagera d’abord l’exécution des
obligations contractuelles qui est la manifestation la plus évidente de la force

1. En témoigne notamment l’intitulé de l’ancien Titre III du Livre III du Code civil : « Des contrats ou
des obligations conventionnelles en général », ou encore l’utilisation indifférenciée des expressions
« objet du contrat » et « objet de l’obligation ».
2. V. not. C. Demolombe, Traité des contrats ou des obligations conventionnelles en général, t. 1, Durand
et Hachette, 1re éd., 1868, n° 384 et s. : « autre chose est la convention, autre chose est l’obligation, et
il est essentiel de bien distinguer l’une avec l’autre. La convention a pour effet de créer ou d’éteindre
des obligations ou des droits réels ; tandis que l’obligation n’a pour effet que de créer le lien par lequel
le débiteur est engagé envers le créancier » ; N. Marcadé, Explication théorique et pratique du Code
Napoléon, Delamotte, t. IV, 7e éd 1873, n° 378 et 379.
3. V. not. : J.-L. Aubert, Le contrat, coll. Connaissance du droit, 1re éd., Dalloz, 1996, p. 103 s., l’auteur
oppose l’« effet de contrainte » que produit le contrat, à la « force obligatoire » qui est la création
des obligations ; P. Ancel, « Force obligatoire et contenu obligationnel du contrat », RTD civ. 1999,
p. 771, distingue la « force obligatoire » qui est la norme juridique créée par le contrat, et le « contenu
obligationnel » qui désigne les effets des obligations. V. encore É. Jeuland, « l’énigme du lien de droit »,
RTD civ. 2003, p. 455, l’auteur présente le contrat comme un lien de droit créateur d’obligations. Sur
ces différentes théories, v. M. Latina, Rép. civ. Dalloz, V° Contrats : généralité – source du droit des
contrats, n° 52 et s.
4. Nous n’étudierons pas les effets non obligationnels propres à certains actes juridiques qui ne soulèvent
généralement pas de difficultés : l’extinction de droits par les actes dits abdicatifs, remise de dette

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obligatoire du contrat (Chap. 1). Puis on étudiera l’intangibilité du contrat
(Chap. 2), l’effet translatif du contrat (Chap. 3) et enfin la question de l’effet du
contrat dans le temps (Chap. 4). Mais la mise en œuvre de la force obligatoire du
contrat peut soulever des difficultés lorsque les parties n’ont pas exprimé clairement
leur volonté : il convient donc d’étudier, à titre préliminaire, l’interprétation du
contrat (Chap. préliminaire).

(art. 1350 C. civ.) ou renonciation (art 1181 et 1183) ; la création de droits réels par certains contrats,
par ex. la convention d’hypothèque (art. 1413 et s. C. civ.).

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Chapitre
préliminaire

L’interprétation du contrat

532. La rédaction du contrat peut être maladroite ou incomplète. Dans le premier


cas il faut procéder à l’interprétation proprement dite, qui consiste à expliquer le
sens de stipulations obscures ou ambiguës (I). Dans le second cas il faut procéder
à ce que l’on appelle l’interprétation créatrice, qui consiste à combler les lacunes
du contrat (II).

I. L’interprétation explicative
533. Lorsque le contrat est obscur ou ambigu, il faut en rechercher le sens, c’est-
à‑dire l’interpréter. C’est le juge qui, à défaut d’accord entre les parties, a pour
mission d’interpréter le contrat. On présentera les méthodes d’interprétation (1)
puis le rôle respectif des juges du fond et de la Cour de cassation en matière
d’interprétation (2).

1. Les méthodes d’interprétation


534. Recherche de la commune intention des parties. L’article 1188 alinéa 1er du
Code civil, qui reprend en substance le contenu de l’ancien article 11561, énonce :
« Le contrat s’interprète d’après la commune intention des parties plutôt qu’en
s’arrêtant au sens littéral de ses termes ». Interpréter le contrat, c’est rechercher
ce que les parties ont voulu. Cette méthode d’interprétation que l’on qualifie de
subjective est en parfaite corrélation avec le principe de l’autonomie de la volonté2.
Placée en tête des dispositions relatives à l’interprétation du contrat, cette règle a
valeur de principe. Elle est suivie de plusieurs règles qui ont des fonctions diverses.

1. Ancien art. 1156 du Code civil : « On doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune
intention des parties contractantes, plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes ».
2. J. Carbonnier, n° 142 : « l’interprétation est un hommage rendu à l’autonomie de la volonté ».

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535. Règles permettant de guider l’interprète. Deux règles ont pour fonction de
guider l’interprète1. L’article 1189 alinéa 1er du Code civil reprend en substance
la règle de l’ancien article 1161 en prévoyant que les clauses du contrat « s’inter-
prètent les unes par rapport aux autres, en donnant à chacune le sens qui respecte
la cohérence de l’acte tout entier ». Et l’alinéa 2 du même article indique que
« lorsque, dans l’intention commune des parties, plusieurs contrats concourent à
une même opération, ils s’interprètent en fonction de celle-ci ».
La jurisprudence décide que le juge peut s’appuyer sur d’autres éléments pour
rechercher la volonté des parties, notamment des courriers échangés par les parties
avant la conclusion du contrat2, ou encore des documents publicitaires3.
Certains articles du Code civil de 1804 qui étaient censés guider l’interprète se
sont avérés peu utiles (1158 à 1160, 1163 et 1164 C. civ.). Ils n’ont pas été repris
par l’ordonnance du 10 février 2016.
536. Règles subsidiaires. Le Code civil prévoit des règles subsidiaires, applicables
seulement s’il n’a pas été possible de déceler la commune intention des parties.
Personne raisonnable. L’article 1188, alinéa 2, du Code civil prévoit que « lorsque
cette intention ne peut être décelée, le contrat s’interprète selon le sens que lui
donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation ». Cette règle
est inspirée des Principes d’Unidroit (art. 4.1) et des Principes du droit européen
des contrats (art. 5 : 101, 3°).
Cohérence. L’article 1191 du Code civil pose une règle fondée sur la recherche de
l’utilité de la clause interprétée : « Lorsqu’une clause est susceptible de deux sens,
celui qui lui confère un effet l’emporte sur celui qui ne lui en fait produire aucun ».
Protection d’une partie. L’article 1190 du Code civil reprend deux règles d’interpré-
tation qui avaient été dégagées par la jurisprudence sur le fondement de l’ancien
l’article 1162 du Code civil.
Le contrat de gré à gré s’interprète contre le créancier et en faveur du débiteur.
Cette règle est subsidiaire : elle ne s’applique que si volonté des parties n’a pas pu

1. V. J. Dupichot « Pour un retour aux textes : défense et illustration du “petit guide-âne” des art. 1156
à 1164 », Etudes J. Flour, 1979, p. 179 et s.
2. Civ. 1, 21 avr. 1967, n° 75-1029, Bull. civ. I, n° 135.
3. Civ. 3, 17 juill. 1997, n° 95-19166, Bull. civ. III, n° 174 ; RTD civ. 1998, p. 363, obs. J. Mestre.

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être décelée1. Et elle n’est pas impérative pour le juge : celui-ci peut donc faire
application d’une autre règle subsidiaire2.
Le contrat d’adhésion s’interprète contre le rédacteur et en faveur de l’adhérent.
L’articulation de cette règle avec les autres règles d’interprétation suscite des hési-
tations3. Il est admis que la règle de principe consistant dans la recherche de la
volonté des parties doit être écartée : le contrat d’adhésion étant par définition
l’œuvre d’une seule partie, il n’existe pas de volonté commune qui puisse être
décelée4. La règle est en concours avec les autres règles subsidiaires, notamment
celle de l’article 1188, alinéa 2, du Code civil.
537. Exception : interprétation en faveur du consommateur. Dans les contrats
de consommation, il n’y a pas lieu de rechercher la commune intention des par-
ties. L’article L. 211-1, alinéa 2, du Code de la consommation prévoit que les
contrats conclus entre professionnels et consommateurs « s’interprètent, en cas de
doute, dans le sens le plus favorable au consommateur ». Cette disposition pose la
règle dite de l’interprétation in favorem. Elle déroge frontalement à l’article 1188,
alinéa 1er, du Code civil.
L’interprétation in favorem est une sanction du défaut de clarté du contrat. Elle
est un facteur de protection du consommateur. Mais encore faut-il bien sûr que
le contrat soit suffisamment obscur ou ambigu pour justifier une interprétation
in favorem5.

2. Le rôle respectif des juges du fond et de la Cour


de cassation
538. L’interprétation relève en principe du pouvoir souverain des juges du fond
(A) mais ce principe supporte certaines exceptions (B).

1. La solution avait été affirmée avant la réforme en application de l’ancien article 1162 C. civ. : CA
Reims, 7 janv. 2004, RDC 2004, p. 933, note P. Stoffel-Munck.
2. V., sous l’empire de l’ancien art. 1162 C. civ. : Soc., 20 févr. 1975, Bull. civ. V, n° 93.
3. V. T. Revet, « L’uniformisation de l’interprétation : contrats-types et contrats d’adhésion », RDC 2015,
p. 199, n° 10 et s. ; A. Etienney-de Sainte Marie, « Les principes, les directives et les clauses relatives à
l’interprétation », RDC 2016, p. 384. ; F. Terré, P. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, n° 610.
4. V. déjà en ce sens : R. Saleilles, De la déclaration de volonté, contribution à l’étude de l’acte juridique dans
le Code civil allemand, éd. Pichon, 1901. spéc. p. 230.
5. V. J. Rochfeld, « Les clairs-obscurs de l’exigence de transparence appliquée aux clauses abusives »,
Mélanges en l’honneur de Jean Calais-Auloy, Dalloz 2004, p. 981 et s.

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A. Principe
539. Pouvoir souverain des juges du fond. L’interprétation explicative
implique une recherche concrète de la commune intention des parties dans le
contrat considéré. Le contrat ne présente aucun caractère de généralité : il n’est
pas une règle juridique susceptible d’applications répétées. C’est pourquoi la
Cour de cassation a, très tôt, reconnu le pouvoir souverain des juges du fond dans
l’interprétation des contrats1. C’est une différence essentielle avec l’interprétation
de la loi, que la Cour de cassation contrôle afin d’en assurer l’uniformité sur
tout le territoire.

B. Exceptions
540. Contrôle de la dénaturation. L’article 1192 du Code civil énonce : « On
ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation ». Cette
disposition consacre une solution admise depuis longtemps par la Cour de cassa-
tion2. On peut observer cependant que la Cour de cassation retient assez rarement
la dénaturation. Il faut une erreur flagrante. Par exemple, ont été censurées des
décisions qui avaient occulté une clause contractuelle3 ou qui avaient ajouté au
contrat une condition ou une distinction que celui-ci ne contenait pas4.
541. Contrôle de l’interprétation in favorem. La Cour de cassation contrôle le
respect de la règle de l’article L. 211-1, alinéa 2, du Code de la consommation qui
prévoit l’interprétation en faveur du consommateur (in favorem)5.
542. Contrôle de l’interprétation des clauses présentant un caractère de
généralité. Le caractère de généralité de certains contrats peut justifier que l’in-
terprétation qui en est faite par les juges du fond soit contrôlée par la Cour de

1. Sect. réun., 2 févr. 1808, G.A., t. 2, n° 160.


2. L’arrêt de principe est : Civ., 15 avr. 1872, D. 1872, 1, 176 ; G.A., t. 2, n° 161. V. J. Boré, « Un
centenaire : le contrôle par la Cour de cassation de la dénaturation des actes », RTD civ. 1972, p. 249.
3. V. par ex. : Civ. 3, 30 juin 2004, n° 02-20721, Bull. civ. IV, n° 174 ; RDC 2005, p. 354, obs.
J.-B. Seube.
4. Civ. 1, 4 nov. 1968, Bull. civ. I, n° 262 ; Com., 4 déc. 1979, n° 78-10613, Bull. civ. IV, n° 323.
5. V. Civ. 1, 21 janv. 2003, nos 00-13342 et 00-19001, Bull. civ. I, n° 19 ; D. 2003, p. 693, obs. V. Avena-
Robardet ; D. 2003, p. 2600, note H. Claret ; RTD civ. 2003, après avoir relevé le caractère ambigu de
la clause définissant le risque d’invalidité, la Cour d’appel avait débouté l’assuré de sa demande en s’ap-
puyant sur la définition contenue dans cette clause. Cassation, au visa de l’art. L. 133-2 al. 2 C. cons.
ancien [auj. L. 211-1, al. 2, C. cons.]. Civ. 1, 1er mars 2005, n° 04-10063, Bull. civ. I, n° 109 ; Civ. 1,
22 mai 2008, n° 05-21822, Bull. civ. I, n° 145.

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cassation, dans le but d’assurer l’unification de l’interprétation de ces contrats1.
La Cour de cassation contrôle ainsi l’interprétation des clauses contenues dans les
conventions collectives de travail2 ou dans les contrats d’assurance3.
543. Interprétation et qualification. L’interprétation du contrat est générale-
ment suivie de la qualification, qui est l’opération consistant à rattacher le contrat
envisagé à une catégorie juridique afin de déterminer son régime juridique4. La
qualification est une opération de droit soumise au contrôle de la Cour de cassation.

II. L’interprétation créatrice


544. Comblement du contrat. À l’inverse des situations évoquées précédemment
dans lesquelles les parties se sont exprimées mais de façon maladroite, il arrive
que les parties aient gardé le silence sur une question qui est essentielle et qui fait
l’objet d’un litige au cours de l’exécution du contrat. Le juge peut combler les
lacunes du contrat en y ajoutant les suites que lui donnent « l’équité, l’usage ou
la loi » (art. 1194 C. civ.).
La loi. Pour les contrats nommés (v. supra, n° 88 et s.) la loi précise leur régime
juridique au moyen de dispositions supplétives de volonté. Ces dispositions s’ap-
pliquent dès lors qu’elles n’ont pas été écartées par les parties.
Les usages. Les usages sont les pratiques habituellement suivies dans certains milieux
professionnels. Ayant un caractère supplétif, ils ont vocation à compléter le contrat.
L’équité. Le juge peut ajouter au contrat des obligations que les parties n’avaient
pas prévues dès lors qu’elles lui paraissent équitables. La jurisprudence qui fait
appel à l’équité pour compléter le contrat conduit certains auteurs à dénoncer

1. En faveur de cette interprétation « unificatrice », v. not R. Lindon, « À chaque tribunal sa vérité »,


JCP 1967, I, 2081. V. ég. G. Marty, La distinction du fait et du droit ; essai sur le pouvoir de contrôle de
la Cour de cassation sur les juges du fait, thèse Toulouse, 1929, spéc. p. 344.
2. Ass. plén., 6 févr. 1976, n° 74-40223, Bull. ass. plén., n° 2 ; JCP 1976, II, 14481, note H. Groutel ;
Ass. plén., 12 mai 1989 (3 arrêts), Bull. ass. plén., n° 1.
3. V. not. Civ. 1, 9 janvier 1973, n° 71-12765, Bull. civ. I, n° 11 ; D. 1973, p. 553, note C.-J. Berr et
H. Groutel ; Civ. 1, 2 mai 1990, n° 87-18835, Bull. civ. I, n° 89.
4. La qualification est une opération, un exercice intellectuel qui, assurant le passage du fait au droit,
consiste à « subsumer des faits sous des normes juridiques, en vue de la production d’effets de droit » :
P. Waserman, V° Qualification, in Dictionnaire de la culture juridique, D. Alland et S. Rials (Dir.),
PUF, 2003. Le mot qualification désigne aussi le résultat de l’opération, par exemple lorsque l’on dit
que tel contrat reçoit la qualification de vente.

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un « forçage1 » du contrat. Cette expression qui a fait florès ne doit cependant pas
laisser penser que la jurisprudence s’aventure à étendre à l’infini le domaine des
obligations contractuelles. La jurisprudence a su rester mesurée dans la mise en
œuvre de l’interprétation créatrice2. Deux obligations, principalement, ont été
dégagées par la jurisprudence comme des suites du contrat fondées sur l’équité.
545. Obligation de sécurité. La découverte par la jurisprudence d’une obligation
de sécurité dans le contrat de transport de voyageurs est l’exemple le plus ancien
de l’interprétation créatrice3. L’obligation de sécurité a ensuite été admise dans
de nombreux contrats (contrats d’entreprise notamment). Cette obligation est de
résultat dans certains contrats (contrat de transport par exemple) et de moyens dans
d’autres (contrat d’hôtellerie par exemple). Dans certains contrats, notamment le
contrat de transport, la jurisprudence a ajouté à cette obligation de sécurité une
stipulation pour autrui implicite permettant aux proches du voyageur décédé
d’exercer les droits de celui-ci. Mais cette stipulation pour autrui implicite semble
aujourd’hui en voie d’abandon4.
546. Obligation d’information. En se fondant sur l’équité, la jurisprudence
impose dans certains contrats une obligation d’information. Le médecin doit
informer les patients des risques de l’intervention5, le banquier doit informer ses
clients sur les risques de l’opération de bourse6. Une telle obligation pèse également
sur le vendeur ou le fabricant d’une chose dangereuse7 ou fragile8. Cette obliga-
tion est parfois prolongée par un devoir de conseil à la charge des professionnels.
Les notaires9, les avocats, les banquiers, sont notamment tenus d’un devoir de

1. L. Josserand, « Le forçage du contenu contractuel », Études Ripert, LGDJ, 1950, t. II, p. 340 et s.
2. V. P. Jacques, Regards sur l’article 1135 du Code civil, préf. F. Chabas, Dalloz, 2005. Comp. L. Leveneur,
« Le forçage du contrat », Dr. et pat. 1998, n° 58, p. 69 et s.
3. Civ., 21 nov. 1911, DP 1913, I, 249, note L. Sarrut ; G.A., t. 2, n° 277.
4. Civ. 1, 28 oct. 2003, nos 00-18794 et 00-20065, Bull. civ. I, n° 219 ; D. 2004, jurispr. p. 233,
obs. P. Delebecque ; Cont. Conc. Cons. 2004, n° 1, obs. L. Leveneur ; RTD civ. 2004, p. 96, obs.
P. Jourdain ; Def., 2004, p. 383, obs. R. Libchaber ; Pet. Aff. 23 déc. 2003, p. 11, note P. Ancel ;
JCP 2004, II, 10006, note G. Lardeux ; Rev. crit. DIP 2004, p. 83, note D. Bureau ; JDI 2004, p. 499,
note G. Légier.
5. Civ. 1, 19 avr. 1988, n° 86-15607, Bull. civ. I, n° 107.
6. V. par ex. Com., 5 nov. 1991, n° 89-18005, Bull. civ. IV, n° 327.
7. V. par ex. Civ. 1, 14 déc. 1982, n° 81-16122, Bull. civ. I, n° 361 ; RTD civ. 1983, p. 544, obs.
G. Durry : « Attendu que le fabricant d’un produit doit fournir tous les renseignements indispensables
à son usage et notamment avertir l’utilisateur de toutes les précautions à prendre lorsque le produit est
dangereux ».
8. Civ. 1, 2 déc. 1997, n° 95-19466, Bull. civ. I, n° 339, s’agissant d’un orgue dont le bon fonctionnement
supposait le respect de conditions de température et d’hygrométrie.
9. Civ. 1, 3 avr. 2007, n° 06-12831, Bull. civ. I, n° 142.

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conseil envers leurs clients. En application de l’article 1353 du Code civil, c’est
au débiteur de l’obligation d’information de rapporter la preuve de l’exécution
de cette obligation1.
547. Contrôle de l’interprétation créatrice. L’interprétation créatrice ne consiste
pas en la recherche de la volonté des parties. L’interprétation créatrice consiste à
faire produire aux contrats des effets qui découlent d’une loi supplétive, ou bien
qui paraissent justes et équitables. Ces effets ne sauraient différer d’un tribunal à
l’autre. C’est pourquoi la Cour de cassation n’abandonne pas au pouvoir souverain
des juges du fond l’interprétation créatrice.

1. Civ. 1, 25 févr. 1997, n° 94-19685, Bull. civ. I, n° 75 ; RTD civ. 1997, p. 924, obs. J. Mestre ; p. 434,
obs. P. Jourdain ; Def., 1997, p. 751, obs. J.-L. Aubert ; G.A., t. 1, n° 17 (un médecin).

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Chapitre 1

L’exécution des obligations


contractuelles

549. Exécution de bonne foi. Les principes de force obligatoire (art. 1103 C. civ.)
et de bonne foi (art. 1104 C. civ.) figurent désormais tous deux parmi les dispo-
sitions liminaires du Code civil et deviennent donc, même si le terme n’a pas été
retenu par l’ordonnance, des principes généraux du droit des contrats (v. supra,
n° 120 et s.). Ces deux principes sont complémentaires. Le contrat doit être exécuté
à la lettre et de bonne foi. L’exécution de bonne foi du contrat implique un devoir
de loyauté de la part du débiteur mais aussi du créancier (v. supra, n° 126).
550. Débiteur. Le débiteur est tenu d’exécuter ses obligations de façon loyale.
Pothier a exprimé cette idée de la façon la plus simple : s’obliger à faire quelque
chose, c’est s’obliger à le faire utilement1. Par exemple, celui qui s’engage à prendre
en pension des animaux doit les nourrir sainement2 ; l’auteur doit livrer à son
éditeur des ouvrages susceptibles d’être publiés3.
Le débiteur qui manque à ses obligations s’expose aux sanctions prévues par les
articles 1217 et suivants du Code civil (v. infra, n° 628 et s.). La mauvaise foi du
débiteur défaillant peut avoir pour effet d’aggraver les sanctions. Par exemple, en
cas de dol dans l’exécution du contrat le débiteur doit réparer l’entier préjudice
résultant de l’inexécution, et pas seulement le dommage prévisible ; les clauses limi-
tatives de responsabilité sont écartées en cas de dol ou de faute lourde du débiteur
(art. 1231-3 C. civ.). La bonne foi étant présumée, la preuve de la mauvaise foi

1. R.-J. Pothier, Œuvres de R.-J. Pothier, par M. Bugnet, Cosse et Delamotte, Paris, 1847, Traité du
contrat de vente, 1847, n° 202 : « s’obliger à faire avoir la chose, dans l’intention des parties, est s’obliger
à la faire avoir utilement ».
2. Civ. 1, 31 mars 1992, Bull. civ. I n° 93, « l’exploitant d’une pâture qui s’engage, moyennant rémuné-
ration, à prendre en pension des bovins, contracte l’obligation de leur fournir une nourriture saine ».
3. Paris, 22 janv. 1992, D. 1992, p. 128, obs. H. Gaumont-Prat ; RTD civ. 1995, p. 624, obs. J. Mestre,
jugeant que l’auteur « ne peut se libérer des obligations contractées par lui [envers son éditeur] en lui
adressant un manuscrit qu’il sait insusceptible d’être publié ».

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du débiteur incombe à celui qui s’en prévaut. Cette preuve peut être rapportée
par tous moyens.
551. Créancier. Le créancier doit s’abstenir de tout comportement qui rendrait
l’exécution du contrat plus difficile pour le débiteur.
Le créancier ne peut refuser de recevoir le paiement qu’en cas de motifs légitimes
(art. 1345, al. 1, C. civ.). Les motifs légitimes tiennent à la qualité de la prestation
dont le débiteur propose l’exécution (le créancier peut la refuser si elle n’est pas
satisfactoire). En cas de refus injustifié, le débiteur peut mettre en demeure le
créancier d’accepter ou de permettre l’exécution (art. 1345 et s. C. civ.).
En outre le créancier ne doit pas imposer au débiteur des délais impossibles à
respecter1 ; laisser s’accroître une dette de somme d’argent avant de réclamer subi-
tement le paiement2 ; cesser brutalement de mettre à la disposition du débiteur les
moyens lui permettant d’exécuter ses obligations3.
Dans la même idée, le créancier ne doit pas faire preuve de mauvaise foi dans la
mise en œuvre de ses prérogatives. La mauvaise foi peut être caractérisée par un
changement brutal de comportement du créancier qui met en difficulté le débi-
teur4. La jurisprudence décide que la clause résolutoire est privée d’effet lorsqu’elle
est mise en œuvre de mauvaise foi5 (v. infra, n° 672).

1. Civ., 5 juin 1991, n° 89-21166, Bull. civ. III, n° 163, est fautif le bailleur qui ne laisse pas au locataire
un délai suffisant au regard de l’ampleur des travaux à accomplir.
2. Civ. 3, 21 mars 2012, n° 11-14174, Bull. civ. III, n° 49 ; RDC 2012, p. 763, obs. Y.-M. Laithier, est
abusif le rappel subit de cinq années de charges par un bailleur.
3. Soc., 10 mai 2006, n° 05-42210, Bull. civ. V, n° 169 ; D. 2006, IR, p. 1842 ; D. 2007, pan., p. 179,
manque à son obligation de bonne foi l’employeur qui, après avoir fait assurer pendant dix ans le
transport de nuit du domicile à ses lieux de travail d’un salarié, supprime cet avantage lié à sa fonction,
le mettant dans l’impossibilité d’exécuter normalement sa prestation de travail.
4. Soc., 18 mai 1999, n° 96-44315, Bull. civ. V, n° 219 ; RTD civ. 2000, p. 326, obs. J. Mestre et
B. Fages : est de mauvaise foi l’employeur qui met en œuvre une clause de mobilité pour imposer à la
salariée qui se trouve dans une « situation familiale critique » un déplacement immédiat dans un poste
qui pouvait être pourvu par d’autres salariés. V. ég. Soc., 6 févr. 2001, n° 98-44190, Bull. civ. V, n° 41.
V. ég. Com., 8 mars 2005, n° 02-15783, Bull. civ. IV, n° 44, RTD civ 2005, p. 391, obs. B. Fages et
J. Mestre ; RDC 2005, p. 1015, obs. D. Mazeaud, manque à son obligation de bonne foi la banque
qui revendique le bénéfice d’une convention d’unité de compte, alors qu’elle a fait fonctionner les
comptes de son client comme des comptes indépendants dans des circonstances où il lui était loisible
de se prévaloir de la convention d’unité de compte.
5. Civ. 1, 31 janv. 1995, n° 92-20654, Bull. civ. I, n° 57 : « une clause résolutoire n’est pas acquise si elle
a été mise en œuvre de mauvaise foi par le créancier ».

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L’exigence de bonne foi impose parfois au créancier victime d’une inexécution de
prendre certaines mesures pour limiter son préjudice1.
Allant plus loin, les juges imposent parfois au créancier de coopérer avec le débi-
teur. Ce devoir de coopération se manifeste essentiellement dans les contrats dits
relationnels (v. supra, n° 117 et s.). Par exemple, certaines décisions ont imposé
au créancier un devoir de renégocier le contrat devenu déséquilibré en raison
de l’évolution des circonstances ; cette jurisprudence est consacrée par le nouvel
article 1195 du Code civil (v. infra, n° 557).
552. Limites de l’exigence de bonne foi. Un développement excessif du rôle de
la bonne foi dans la jurisprudence pourrait remettre en cause le principe de la force
obligatoire du contrat. C’est pourquoi la Cour de cassation a fixé une limite au
pouvoir des juges. Si l’exigence de bonne foi permet au juge de « sanctionner l’usage
déloyal » d’une prérogative contractuelle, elle ne l’autorise pas à « porter atteinte
à la substance même des droits et obligations légalement convenus2 ». En d’autres
termes, s’il est possible de neutraliser la mise en œuvre d’un droit lorsqu’elle est
faite de mauvaise foi, il n’est pas possible de priver le créancier de ce droit car ce
serait porter atteinte à la substance même du contrat3.

1. Y. Picod, thèse préc. ; O. Deshayes, « L’obligation de minimiser son dommage en matière contrac-
tuelle », RDC 2010, p. 1139.
2. Com., 10 juill. 2007, n° 06-14768, Bull. civ. IV, n° 188 ; D. 2007, p. 2839, note P. Stoffel-Munck ;
D. 2007, p. 2844, note P. Y. Gautier ; Def., 2007, p. 1454, note E. Savaux ; JCP 2007, II, 10154, note
D. Houtcieff ; RTD civ. 2007, p. 733, obs. B. Fages ; Cont. Conc. Cons. 2007, n° 294 ; RDC 2007,
p. 1107, obs. L. Aynès ; RDC 2007, p. 1110, obs. D. Mazeaud ; G.A., t. 2, 2007, n° 164 : « si la règle
selon laquelle les conventions doivent être exécutées de bonne foi permet au juge de sanctionner
l’usage déloyal d’une prérogative contractuelle, elle ne l’autorise pas à porter atteinte à la substance
même des droits et obligations légalement convenus entre les parties ». Cette position est réaffirmée
de manière constante par la Cour de cassation : Civ. 3, 9 déc. 2009, n° 04-19923, Bull. civ. III, 275 ;
D. 2010, p. 473, note J. Billemont ; RDC 2010, p. 561, note Y.-M. Laithier ; RDC 1010, p. 564, note
D. Mazeaud ; Com., 8 nov. 2016, n° 14-29770 ; RTD civ. 2017, p. 133, obs. H. Barbier.
3. V. not. F. Chénedé, « Les conditions d’exercice des prérogatives contractuelles », RDC 2011, p. 709 ;
D. Fenouillet, « La notion de prérogative, instrument de défense contre le solidarisme ou technique
d’appréhension de l’unilatéralisme ? », RDC 2011, p. 644.

222

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Chapitre 2

L’intangibilité du contrat

553. L’intangibilité est le caractère de ce à quoi on ne doit pas porter atteinte.


Le principe d’intangibilité du contrat interdit aux parties toute modification du
contrat en dehors d’un consentement mutuel1 (art. 1193 C. civ.). La volonté de
l’une des parties de modifier le contrat resterait sans effet. Le principe d’intangibi-
lité du contrat s’impose aussi au juge qui ne peut modifier les clauses contractuelles.
Cependant le juge dispose, dans certaines hypothèses, d’un pouvoir de révision
du contrat. Il peut réviser les clauses pénales (v. infra, n° 702 et s.) et surtout il
peut, depuis l’ordonnance du 10 février 20162, réviser le contrat pour imprévision.
Enfin le principe d’intangibilité du contrat est parfois écarté par le législateur
lorsqu’il impose l’application immédiate d’une loi nouvelle aux contrats en cours.
554. Il convient d’envisager d’abord la question de la révision du contrat par le
juge qui a été profondément renouvelée par l’ordonnance du 10 février 2016 (I)
puis la modification du contrat par la loi (II) et enfin la modification du contrat
par les parties (III).

I. Révision du contrat par le juge


555. Imprévision. Lorsqu’un contrat devient déséquilibré en raison d’un événe-
ment postérieur à sa formation, qui en rend l’exécution excessivement onéreuse,
la question se pose de savoir s’il doit être exécuté en l’état ou si le juge saisi par
le contractant défavorisé peut en modifier les termes. C’est la question dite de
« l’imprévision ».

1. Le principe d’intangibilité est complété par le principe d’irrévocabilité qui interdit la rupture unilatérale
du contrat. Mais l’irrévocabilité relève de la problématique plus large de la durée du contrat et sera
donc étudiée avec les règles relatives au terme extinctif (v. infra, n° 607 et s.).
2. Ord. n° 2016-131 du 10 févr. 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de
la preuve des obligations, préc.

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Jusqu’à la réforme du droit des contrats la Cour de cassation avait refusé d’admettre
le principe de la révision du contrat pour imprévision, mais l’ordonnance du
10 février 2016 a remis en cause cette position de principe. On rappellera le droit
antérieur (1) avant de présenter le droit positif tel qu’il résulte de l’ordonnance
du 10 février 2016 (2).

1. Le droit antérieur
556. Principe : refus de la révision du contrat pour imprévision. L’impossibilité
pour le juge de réviser un contrat dont les conditions sont devenues déséquilibrées
à la suite d’un bouleversement des circonstances extérieures avait été affirmée par
le célèbre arrêt dit du Canal de Craponne1 et elle avait été plusieurs fois réaffirmée
depuis2. Cette position n’avait pas été suivie par la jurisprudence administrative
qui se reconnaissait quant à elle le pouvoir de réviser les contrats administratifs3.
Elle était en contradiction avec la plupart des droits étrangers ainsi qu’avec les
principes d’Unidroit (art. 6.21 à 6.23) et les Principes du droit européen des
contrats (art. 2 : 117).
Cette solution reposait sur le principe de la force obligatoire, qui impose aux parties
d’exécuter le contrat selon les termes convenus et elle devait inciter les parties à
prévoir dans leur contrat une clause aménageant sa révision en cas de survenance
d’un événement imprévu. Mais cette solution était contraire au principe de bonne
foi qui aurait pu empêcher le contractant avantagé d’exiger l’exécution du contrat
jusqu’à son terme.
557. Tempéraments. Le principe du refus de la révision du contrat supportait
certains tempéraments.

1. Civ., 6 mars 1876, D. 1876, 1, 193 ; S. 1876, 1, 161 ; G.A., t. 2, n° 165 : au xvie siècle, un certain Adam
de Craponne s’était contractuellement engagé à alimenter perpétuellement (!) les canaux d’irrigation
dans la plaine d’Arles, moyennant une contrepartie de 3 sols par carteirade (190 ares). Au xixe siècle,
l’entreprise qui exploitait le canal demanda une réévaluation de cette somme devenue largement
insuffisante du fait de la baisse de la valeur de la monnaie et de la hausse du coût de la main-d’œuvre.
La cour d’appel d’Aix fit droit à cette demande, mais sa décision fut censurée par la Cour de cassation
au visa de l’article 1134 alinéa 1er du Code civil.
2. V. not. Com., 18 janv. 1950, D. 1950, p. 227 ; Com., 18 déc. 1979, n° 78-10763, Bull. civ. IV,
n° 339 : cassation d’un arrêt qui avait augmenté le tarif d’un contrat de magasinage en raison du
changement dans les conditions économiques ; Civ. 3, 18 mars 2009, n° 07-21260, Bull. civ. III, n° 64 ;
RTD civ. 2009, p. 528, obs. B. Fages : cassation de l’arrêt ayant révisé le prix d’un bail qui avait été
fixé en considération de services rendus au locataire par le bailleur, ensuite décédé.
3. CE, 30 mars 1916 (Gaz de Bordeaux), D. 1916, 3, 25 ; S. 1916, 3, 17, note M. Hauriou.

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D’abord, dans de nombreux contrats importants des dispositions particulières
organisent une révision judiciaire (par ex. art. L. 131-5 CPI ; art. L. 145-38 et
L. 145-39 dans le bail commercial).
Ensuite, les parties peuvent prévoir une clause de révision de leur contrat (dénom-
mée clause de hardship). Ces clauses peuvent être plus ou moins exigeantes1.
Enfin, sans abandonner sa position de principe, la Cour de cassation lui avait
apporté certaines inflexions. D’une part, elle avait décidé, dans un arrêt en date
du 3 novembre 1992, que le refus de renégocier le contrat constitue une faute
contractuelle de nature à engager la responsabilité de son auteur2. Cette déci-
sion constituait une forme de compromis : le juge ne modifiait pas lui-même le
contrat, mais il imposait aux parties, sur le fondement de l’exigence de bonne
foi, de le renégocier. À défaut, des dommages et intérêts pouvaient être accordés
à la victime de l’imprévision. D’autre part, plus récemment, la Cour de cassation
avait admis en se fondant sur la notion de cause (ancien art. 1131 C. civ.) que le
bouleversement des circonstances peut rompre l’équilibre du contrat au point de
rendre celui-ci caduc3.

2. Le droit positif
558. Rompant avec la position de principe de la jurisprudence antérieure, la
réforme du droit des contrats a introduit un mécanisme de révision judiciaire pour
changement de circonstances dans le Code civil, à l’article 11954. Cette disposition
est rédigée comme suit :
« Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat
rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté

1. Sur ces clauses, v. not. W. Dross, Clausier, Litec, 2e éd. 2011, V° Hardship ; Y. Lequette, « De l’effi-
cacité des clauses de Hardship », Liber amicorum Christian Larroumet, Economina 2010, p. 267 et s. ;
B. Oppetit, « L’adaptation des contrats internationaux aux changements de circonstances », JDI 1974,
p. 794 et s. Pour un exemple, v. Com., 3 oct. 2006, n° 04-13214, D. 2007, p. 765, note D. Mazeaud.
2. Com., 3 nov. 1992, n° 90-18547, Bull. civ. IV, n° 338 ; RTD civ. 1993, p. 124, obs. J. Mestre ; Def.,
1993, p. 1377, obs. J.-L. Aubert ; JCP 1992, II, 22164, note G. Virassamy. Dans le même sens : Com.,
24 nov. 1998, Bull. civ. IV, n° 277 ; JCP 1999, II, 12210, note Y. Picod ; JCP 1999, I, 143, n° 6, obs.
C. Jamin ; Def., 1999, p. 371 et s., obs. D. Mazeaud ; RTD civ. 1999, p. 98, n° 10, obs. J. Mestre ;
RTD civ. 1999, p. 646, n° 3, obs. P.-Y. Gautier. V. ég. Nancy, 26 sept. 2007, D. 2008, p. 1120, obs.
M. Boutonnet ; RDC 2008, p. 738, obs. D. Mazeaud, ordonnant aux parties de renégocier le contrat.
3. Com., 29 juin 2010, n° 90-67369, D. 2010, p. 2481, note D. Mazeaud ; D. 2010, P. 285 note
T. Génicon ; RTD civ. 2010, p. 782, obs. B. Fages ; JCP 2010, 1056, note T. Favario.
4. Sur ce texte, v. not. P. Stoffel-Munck, « L’imprévision et la réforme des effets du contrat », RDC 2016,
p. 30.

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d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son
cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation »
(al. 1er).
« En cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent convenir
de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu’elles déterminent, ou
demander d’un commun accord au juge de procéder à son adaptation. À défaut
d’accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d’une partie, réviser
le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe » (al. 2).
Le système prévu par cette disposition étant simplement supplétif, les parties
peuvent en écarter ou en limiter l’application. On présentera les conditions (A) et
la procédure (B) de révision du contrat pour imprévision.

A. Les conditions de la révision pour imprévision


559. Trois conditions. L’article 1195 du Code civil subordonne l’ouverture de la
procédure de révision à trois conditions. Il faut « un changement de circonstances
imprévisible lors de la conclusion du contrat » qui rend « l’exécution excessive-
ment onéreuse » pour « une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque ».
Examinons ces différentes conditions.
560. Changement de circonstances imprévisible. L’expression « changement
de circonstances » désigne une évolution des données objectives extérieures à la
personne qui demande la révision. Le changement ne doit pas avoir été prévisible
lors de la conclusion du contrat. Les circonstances en cause peuvent être de tous
ordres (économiques, juridiques…).
561. Onérosité excessive. L’exécution du contrat doit être « excessivement oné-
reuse pour une partie » (art. 1195 C. civ.). C’est le critère qui est retenu dans
différents droits étrangers (par ex. C. civ. italien, art 1467), ainsi que dans les
Principes d’Unidroit (art. 6.2.3) ou les Principes du droit européen des contrats
(art. 6 : 111). L’onérosité est une notion économique : elle est caractérisée lorsque
le rapport coût/avantage est négatif. Il faut qu’elle soit « excessive », c’est-à‑dire
importante. Il y a là une appréciation d’ordre économique : la révision du contrat
pour imprévision est mâtinée de lésion.
562. Refus d’assumer le risque. La révision pour changement de circonstances
n’est possible que si le demandeur « n’avait pas accepté d’en assumer le risque ».
L’article 1195 du Code civil n’ayant qu’un caractère supplétif, les parties peuvent
dès la conclusion du contrat écarter la révision judiciaire pour imprévision. En

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outre, certains contrats présentent par nature un caractère aléatoire qui exclut toute
révision pour imprévision ; par exemple le contrat de « construction à forfait1 »
(art. 1793 C. civ.).

B. La procédure de révision pour imprévision


563. Trois étapes. L’article 1195 du Code civil prévoit un processus en plusieurs
étapes qui peut conduire au final à la révision du contrat par le juge :
–– demande de renégociation adressée par l’une des parties à l’autre ;
–– en cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent résilier
le contrat d’un commun accord ou bien saisir le juge conjointement pour
qu’il procède à son « adaptation » (les parties pouvant indiquer au juge
certains points sur lesquels elles sont d’accord) ;
–– après un « délai raisonnable », sans qu’aucun accord n’ait été trouvé (pour
modifier le contrat, le résilier ou saisir le juge), saisine du juge possible par
l’une des parties. Dans cette hypothèse, les parties ayant échoué à trouver
une solution par elles-mêmes, le juge devient le « maître du contrat » : il
n’est pas lié par la demande dont il est saisi et il apprécie la mesure la plus
appropriée, entre la révision et la résiliation2. La possibilité d’une révision
judiciaire du contrat intervient ainsi au terme d’une longue procédure,
dont l’objet est précisément de l’éviter.

II. Modification du contrat par la loi


564. Lois d’application immédiate. En principe la loi nouvelle ne s’applique
pas aux contrats en cours : c’est le principe dit de survie de la loi ancienne (ou de
non-application de la loi nouvelle aux contrats en cours) qui vise à préserver la
sécurité juridique3.
Mais ce principe est parfois écarté. Le législateur impose parfois des modifications
aux contrats en cours4. Et le juge peut décider d’appliquer la loi nouvelle aux

1. V. not. P. Malaurie, L. Aynès et P. Stoffel-Munck, n° 746 ; M. Lagelée-Heymann, Le contrat à forfait,


spéc. n° 670 et s.
2. P. Stoffel-Munck, « L’imprévision et la réforme des effets du contrat », RDC 2016, p. 30.
3. Ce principe s’applique en l’absence de disposition expresse contraire de la loi nouvelle, mais il est
parfois expressément prévu (v. par ex. Ord. n° 2016-131 du 10 févr. 2016, art. 9).
4. V. par ex. L. n° 2012-387 du 22 mars 2012, art. 96, modifiant la loi n° 70-598 du 9 juillet 1970 pour
prévoir qu’est « réputée non écrite » dans les baux d’habitation toute clause tendant à interdire la

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contrats en cours lorsqu’il lui apparaît que les dispositions de cette loi ont un
caractère d’ordre public particulièrement impérieux1.

III. Modification du contrat par les parties


566. Avenant. Si un contractant ne peut modifier seul le contrat, il va de soi que
les parties peuvent le modifier d’un commun accord. La convention par laquelle
les parties à un contrat décident de modifier celui-ci est dénommée « avenant ».
Quant au fond, la modification du contrat suppose un nouvel accord de volontés
des parties.
Quant à la forme, la modification du contrat doit respecter les conditions de
formes requises pour le contrat modifié. Si le contrat modifié est un contrat solen-
nel, l’avenant est lui aussi solennel (par exemple, la modification d’une donation
suppose un acte notarié).
Enfin, quant à la preuve, l’acte modificatif est soumis aux mêmes règles que le
contrat modifié. La modification suppose un écrit si le contrat modifié était soumis
à l’exigence d’un écrit2.
Les effets de la modification ne concernent en principe que l’avenir. L’avenant
ne remet pas en cause les effets passés du contrat. Par exemple, dans un contrat
de bail, la modification du montant du loyer ne modifie pas les loyers échus et
non encore payés.
566. Clauses de révision automatique. Certaines clauses prévoient une modifi-
cation automatique du contrat : clause d’indexation (également dénommée clause
d’échelle mobile) qui prévoit que le montant de l’obligation variera automati-
quement, à la hausse comme à la baisse, en fonction de l’évolution d’un indice
choisi par les parties ; clause du client le plus favorisé (dite clause pari passu) qui
permet à une partie de réclamer l’alignement des conditions du contrat sur les

détention d’un animal familier.


1. Com., 3 mars 2009, n° 07-16527, Bull. civ. IV, n° 31, Cont. Conc. Cons. 2009, comm. 156, obs.
L. Leveneur : les dispositions de la loi du 15 mai 2001 « qui répondent à des considérations d’ordre
public particulièrement impérieuses, sont applicables, dès la date d’entrée en vigueur, aux contrats
en cours ». Mais le seul fait que la loi nouvelle soit d’ordre public ne suffit pas en soi à ce qu’elle soit
applicable aux contrats en cours : Com. 26 févr. 1991, n° 89-12497, Bull. civ. IV, n° 86.
2. V. Civ. 1, 10 oct. 1995, n° 93-15626, Bull. civ. I, n° 360 ; RTD civ. 1996, p. 643, obs. crit.
P.-Y. Gautier, s’agissant de la modification d’une transaction.

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conditions consenties à un autre client par son cocontractant ; ou encore clause
d’offre concurrente (dite clause anglaise).
567. Clauses autorisant la modification unilatérale. La liberté contractuelle
autorise les parties à prévoir dans leur contrat une clause autorisant l’une d’elles,
ou bien les deux, à modifier unilatéralement le contrat. Ce type de clause risque
cependant de se heurter à la prohibition des clauses abusives dans les contrats
d’adhésion (art. 1171 C. civ.)1.

1. V. en ce sens : O. Deshayes, T. Génicon et Y.-M. Laithier, p. 433.

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Chapitre 3

L’effet translatif du contrat

571. L’ordonnance du 10 février 20161 introduit dans le Code civil une Sous-
Section consacrée à l’effet translatif du contrat qui règle la question du transfert de
propriété2. Les nouvelles dispositions présentent le transfert de propriété comme
un effet du contrat (I) et apportent quelques précisions sur son régime (II).

I. Le transfert de propriété, effet du contrat


572. Le droit antérieur. Les dispositions du Code civil de 1804 concernant le
transfert de propriété étaient contradictoires.
Les règles du droit commun des contrats faisaient mention d’une obligation de
donner ayant pour objet le transfert de propriété3 (le verbe « donner » est pris ici
au sens de transférer la propriété, du latin dare). Mais les règles particulières aux
deux principaux contrats translatifs, la vente et la donation, ne font aucune place
à l’obligation de donner : le transfert de propriété est présenté, de façon implicite
mais claire, comme un effet direct du contrat et non comme l’effet d’une obligation
de donner. Ainsi la vente est définie à l’article 1582 du Code civil comme « une
convention par laquelle l’un s’oblige à livrer4 une chose et l’autre à la payer » :
l’obligation du vendeur est la livraison, ce qui signifie que le transfert de propriété
n’est pas une obligation, mais un effet du contrat. Et l’article 1583 du Code civil
confirme cette analyse : la vente « est parfaite entre les parties, et la propriété est
acquise de droit5 à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la
chose et du prix ». Pour la donation, l’article 938 prévoit que « la donation dûment

1. Ord. n° 2016-131 du 10 févr. 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de
la preuve des obligations, préc.
2. Sous-section II : « Effet translatif », art. 1196 à 1198 C. civ.
3. Art. 1101 et 1136 anciens C. civ.
4. C’est nous qui soulignons.
5. C’est nous qui soulignons.

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acceptée sera parfaite par le seul consentement des parties ; et la propriété des
objets donnés sera transférée au donataire, sans qu’il soit besoin d’autre tradition ».
La doctrine était divisée. Certains auteurs analysaient le transfert de propriété
comme l’effet d’une obligation de donner1, tandis que d’autres y voyaient un effet
que la loi attache au contrat2. La différence entre ces deux analyses n’est pas pure-
ment théorique. Analysé comme l’effet d’une obligation, le transfert de propriété
découle d’une prestation qui doit être exécutée, mais qui peut ne l’être pas. Se
poserait alors la question de savoir s’il est possible de recourir à l’exécution forcée.
Au contraire, analysé comme un effet légal du contrat, le transfert de propriété ne
peut soulever une quelconque difficulté d’exécution3. C’est cette seconde analyse,
bien préférable, qui a été consacrée par l’ordonnance du 10 février 2016.
573. Le droit positif. L’ordonnance du 10 février 2016 a conçu le transfert de
propriété comme un effet légal du contrat4. La notion d’obligation de donner a été
supprimée et les dispositions concernant le transfert de propriété sont présentées
distinctement des dispositions concernant les obligations contractuelles5.
Il est désormais bien établi que le transfert de propriété n’est pas l’effet d’une
obligation ; il est un effet légal du contrat. Il s’opère par le seul consentement :
c’est ce que l’on appelle le transfert solo consensu.

1. En ce sens, v. not. P. Bloch, « L’obligation de transférer la propriété dans la vente », RTD civ. 1988,
p. 673 et s.
2. J. Ghestin, « Réflexions d’un civiliste sur la clause de réserve de propriété », D. 1981, chron. p. 1. V. ég.
M. Fabre-Magnan, « Le mythe de l’obligation de donner », RTD civ. 1996, p. 85 et s. ; H. Lécuyer,
« Le contrat, acte de prévision », Mélanges Terré, éd. Dalloz, PUF et Jurisclasseur, 1999, p. 643 et s. ;
P. Ancel, « Force obligatoire et contenu obligationnel du contrat », RTD civ. 1999, p. 771 et s., spéc.
n° 17 et s. ; M. Fabre-Magnan, n° 187.
3. V. en ce sens J. Ghestin, préc. : « Il est extrêmement douteux que, dans notre droit positif actuel, le
transfert de propriété puisse s’analyser en une obligation. Celle-ci suppose en effet la possibilité d’une
inexécution. Or, le transfert de propriété est, dans le système du Code civil, un effet légal du contrat
de vente ».
4. Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, préc., p. 13 :
« Conséquence de l’abandon en amont de la distinction entre les obligations de donner, de faire, et
de ne pas faire, le transfert de propriété est érigé en effet légal du contrat, consécutif à l’échange des
consentements ».
5. Les obligations contractuelles figurent dans une Sous-section I intitulée « Force obligatoire », tandis
que le transfert de propriété est régi par une Sous-section II intitulée « Effet translatif du contrat ».

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II. Le régime du transfert de propriété
574. Les dispositions nouvelles issues de l’ordonnance du 10 février 2016 ne se
limitent pas à consacrer le principe du transfert de propriété solo consensu. Elles
règlent également la question du moment auquel le transfert de propriété intervient
(1) et la question du conflit entre acquéreurs successifs (2).

1. Le moment du transfert de propriété


575. Principe. L’article 1196, alinéa 1er, du Code civil prévoit que le transfert de
propriété d’une chose ou d’un droit se fait par principe au moment de la conclusion
du contrat. Cette règle reprend la solution antérieure qui était fondée sur l’ancien
article 1138 du Code civil. Cette règle a des conséquences importantes car les
risques de la chose sont en principe supportés par le propriétaire (v. infra, n° 643).
576. Exceptions. Cette règle connaît certaines exceptions, qui étaient déjà admises
auparavant.
Tout d’abord, le transfert de propriété peut être retardé par la volonté des parties.
Tel est l’effet, par exemple, de la clause de réserve de propriété qui « suspend l’effet
translatif d’un contrat jusqu’au paiement de l’obligation qui en constitue la contre-
partie » (art. 2367 C. civ.). Cette clause offre une garantie de paiement au vendeur.
Ensuite le transfert de propriété peut être retardé par la « nature des choses ». Par
exemple lorsque la vente porte sur une chose de genre (tant de tonnes de blé), le
transfert de propriété ne peut intervenir que lorsque cette chose a été individualisée
par le vendeur.
Enfin le transfert de propriété peut être retardé par « l’effet de la loi ». Tel est le
cas par exemple dans la vente d’immeuble à construire.
Dans ces différentes hypothèses l’analyse juridique du transfert de propriété n’est
pas modifiée : le transfert de propriété demeure un effet légal du contrat.

2. Le conflit entre acquéreurs successifs


577. Présentation générale. Que se passe-t‑il si une personne vend successivement
le même bien à deux acquéreurs ? L’article 1198 du Code civil prévoit deux règles,
l’une concernant les meubles corporels et l’autre les immeubles.
578. Conflit entre acquéreurs successifs d’un même meuble corporel.
L’article 1198, alinéa 1er, du Code civil prévoit que « lorsque deux acquéreurs

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successifs d’un même meuble corporel tiennent leur droit d’une même personne,
celui qui a pris possession de ce meuble en premier est préféré, même si son droit
est postérieur, à condition qu’il soit de bonne foi ». Ce texte est une application de
la règle de l’article 2276 du Code civil : « en fait de meubles possession vaut titre ».
579. Conflit entre acquéreurs successifs d’un même immeuble. Suivant l’ar-
ticle 1198, alinéa 2, du Code civil, « lorsque deux acquéreurs successifs de droits
portant sur un même immeuble tiennent leur droit d’une même personne, celui
qui a, le premier, publié son titre d’acquisition passé en la forme authentique au
fichier immobilier est préféré, même si son droit est postérieur, à condition qu’il
soit de bonne foi ». La bonne foi au sens de ce texte est la situation d’ignorance
légitime (v. supra, n° 127). Cette disposition brise la jurisprudence antérieure qui
ne tenait aucun compte de la bonne foi pour trancher le conflit1.

1. Civ. 3, 12 janvier 2011, n° 10-10667, Bull. civ. III, n° 5 ; D. 2011, p. 851, note L. Aynès ;
RTD civ. 2011, p. 158, obs. P. Crocq ; p. 369, obs. T. Revet, décidant que le défaut de publication
rend l’acte d’acquisition inopposable aux tiers, même lorsque ceux-ci en ont eu connaissance.

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Chapitre 4

L’effet du contrat dans le temps

585. Condition et terme. La plupart des contrats s’exécutent immédiatement


lors de leur conclusion. Mais d’autres contrats, souvent les plus importants, s’ins-
crivent dans la durée. La condition permet d’intégrer dans le champ contractuel un
événement futur et incertain, c’est-à‑dire un aléa. Le terme permet de déterminer
à quel moment le contrat s’éteindra. On présentera successivement la condition
(I) et le terme (II).

I. La condition
586. On présentera la notion de condition (1) et ses effets (2).

1. Notion de condition
587. Définition. La condition est un événement futur1 et incertain (art. 1304
al. 1er C. civ.) dont les parties font dépendre la naissance (condition suspensive)
ou l’extinction (condition résolutoire) du contrat ou d’une obligation2. Un évé-
nement certain mais dont la date est inconnue (par ex. le décès d’une personne)
ne constitue pas une condition mais un terme.
588. Condition et éléments essentiels du contrat. L’insertion d’une condition
dans un acte juridique suppose que celui-ci soit valablement formé. C’est pourquoi

1. Avant la réforme, l’ancien article 1181, al. 1er, du Code civil prévoyait que la condition pouvait porter
sur un événement déjà survenu mais inconnu des parties. Les nouvelles dispositions découlant de
l’ordonnance du 10 février 2016 ne prévoient pas une telle possibilité.
2. Lexique des termes juridiques, Dalloz, 2013, V° Condition. Sur la notion de condition, v. not. M. Latina,
Essai sur la condition en droit des contrats, préf. D. Mazeaud, LGDJ, 2009 ; J.-J. Taisne, Jur. Cl. Civ.,
art. 1304 à 1304-7, fasc. 10 : Modalités de l’obligation – Obligations conditionnelles – Caractères de
la condition ; J. François, Les obligations – Régime général, 4e éd.

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une condition ne peut porter sur un élément de validité du contrat1. La clause
érigeant un élément essentiel du contrat en condition est réputée non écrite2.
589. Nullité des conditions potestatives. Le caractère aléatoire étant consubs-
tantiel à la notion de condition, l’article 1304-2 du Code civil déclare nulle la
condition « dont la réalisation dépend de la seule volonté du débiteur ». Une telle
condition est dite potestative3. La condition potestative rend nulle l’obligation qui
en dépend. Toutefois « cette nullité ne peut être invoquée lorsque l’obligation a
été exécutée en connaissance de cause » (art. 1304-2 C. civ.).
590. Nullité des conditions illicites. La condition doit être licite ; à défaut l’obli-
gation qui en dépend est nulle (art. 1304-1 C. civ.). Est illicite, par exemple, la
condition qui incite à commettre une infraction.

2. Effets de la condition
591. La condition produit des effets différents selon qu’elle est suspensive (A) ou
résolutoire (B).

A. Condition suspensive
592. Notion. La condition suspensive a pour effet de retarder la naissance d’une
obligation ou de l’ensemble du contrat à la réalisation d’un événement. Par
exemple, la vente d’un immeuble ne se réalise pas tant que l’acheteur n’a pas
obtenu le prêt. Les effets de la condition suspensive varient selon que la condition
est pendante, réalisée ou défaillie.
593. Condition pendante. Pendant la période d’incertitude (tant que la condi-
tion n’est pas réalisée ni défaillie), le contrat ne prend pas effet et les obligations
qu’il prévoit ne sont pas exigibles. Le créancier est titulaire d’un droit condi-
tionnel (éventuel). Ce droit peut être cédé. Pour protéger ce droit conditionnel,

1. V. M. Latina, Essai sur la condition en droit des contrats, préf. D. Mazeaud, LGDJ, 2009, n° 39
et s. ; J.-J. Taisne, Jur. Cl. Civ., art. 1304 à 1304-7, fasc. 10 : Modalités de l’obligation – Obligations
conditionnelles – Caractères de la condition, n° 65 ; J. François, Les obligations – Régime général, 4e éd.,
n° 227.
2. Civ. 3, 22 oct. 2015, n° 14-20096, D. 2015, p. 2478, note N. Dissaux ; ibid. 2016, p. 1613, obs.
M.-P. Dumont-Lefrand ; RTD civ. 2016, p. 122, obs. H. Barbier ; RTD com. 2016, p. 54, obs.
J. Monéger : « la clause qui prévoit une condition portant sur un élément essentiel à la formation du
contrat doit être réputée non écrite ».
3. V. not. J. Ghestin, « La notion de condition potestative au sens de l’article 1174 du Code civil »,
Mélanges A. Weil, 1983, p. 243 ; B. Dondero, « De la condition potestative licite », RTD civ. 2007,
p. 692 ; W. Dross, « L’introuvable nullité des conditions potestatives », RTD civ. 2007, p. 701.

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l’article 1304-5 du Code civil prévoit que « le débiteur doit s’abstenir de tout acte
qui empêcherait la bonne exécution de l’obligation ». Et le même texte prévoit
que « le créancier peut accomplir tout acte conservatoire et attaquer les actes du
débiteur accomplis en fraude de ses droits ».
594. Réalisation. La réalisation de la condition produisait auparavant un effet
rétroactif : elle faisait rétroagir les effets du contrat au jour de sa conclusion,
sauf volonté contraire des parties (ancien art 1179 C. civ.). L’ordonnance du
10 février 2016 a inversé le principe et l’exception. Désormais, lorsque la condition
se réalise, la promesse devient pure et simple en principe à compter de l’accom-
plissement de la condition (art. 1304-6 al. 1er C. civ.), mais les parties peuvent
prévoir que l’accomplissement de la condition rétroagira (art. 1304-6 al. 2 C. civ.).
595. Défaillance. Si la condition défaille, c’est-à‑dire si l’événement ne survient
pas, le contrat est caduc. Deux règles doivent être signalées.
La condition est réputée accomplie lorsque c’est le débiteur qui empêche la
réalisation de la condition, ne serait-ce que par une simple abstention (C. civ.,
art. 1304-3, al. 1er, C. civ.). Par exemple, la condition d’obtention du prêt est
réputée accomplie lorsque l’acheteur obligé sous cette condition n’a fait aucune
demande de prêt.
Lorsque la condition est stipulée dans l’intérêt d’un seul contractant, celui-ci peut
y renoncer tant qu’elle n’est pas accomplie ou n’a pas défailli (art. 1304-4 C. civ.).

B. Condition résolutoire
596. Notion. La condition résolutoire est l’inverse de la condition suspensive : le
contrat produit effet immédiatement mais, si la condition se réalise, il est résolu
c’est-à‑dire anéanti rétroactivement (art. 1304-7, al. 1er, C. civ.). Par exemple
le contrat de crédit immobilier est conclu sous la condition résolutoire de la
non-conclusion, dans un délai de quatre mois, du contrat pour lequel le prêt est
demandé (C. cons., art. L. 313-36).
597. Condition pendante. Tant que l’événement mis en condition ne survient
pas, le contrat produit tous ses effets comme si la condition n’existait pas. Les
obligations qu’il prévoit sont donc exigibles. Si le contrat est translatif de propriété
l’acquéreur devient propriétaire.
598. Réalisation. Si la condition se réalise le contrat est résolu, c’est-à‑dire anéanti
rétroactivement. Si le contrat a été exécuté, la résolution donne lieu à des restitu-
tions. Par exemple, en cas de résolution d’une vente, le bien aliéné revient dans

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le patrimoine du vendeur et le prix est restitué à l’acquéreur. Cependant les actes
conservatoires ou d’administration ne sont pas remis en cause (art. 1304-7, al. 1er,
C. civ.).
599. Défaillance. Lorsqu’il est acquis que la condition ne se réalisera pas, l’obli-
gation est consolidée. Si l’obligation a été exécutée, les choses restent en l’état.
Deux règles applicables dans la condition suspensive se retrouvent dans la condi-
tion résolutoire : celui qui a délibérément provoqué la réalisation de la condition ne
peut pas s’en prévaloir (C. civ., art. 1304-3, al. 2, C. civ.) ; le bénéficiaire exclusif
de la condition peut y renoncer tant qu’elle n’est pas réalisée ou n’a pas défailli
(art. 1304-4 C. civ.).
600. Combinaison d’une condition suspensive et d’une condition résolutoire.
La clause d’accroissement (dénommée également tontine) imaginée par la pratique
notariale consiste dans la combinaison d’une condition suspensive et d’une condi-
tion résolutoire. Elle est utilisée le plus souvent par des concubins ou des époux
séparés de biens qui acquièrent ensemble un bien immobilier. Insérée dans l’acte
d’acquisition, cette clause prévoit qu’au premier décès le bien sera réputé avoir été
acquis en totalité par le seul survivant : dans ce cas chacun est propriétaire de sa
part sous condition résolutoire de son prédécès et propriétaire de la part de l’autre
sous condition suspensive de sa survie. Au premier décès le prémourant perdra son
droit par le jeu de la condition résolutoire et le survivant sera réputé propriétaire
de la part de l’autre par le jeu de la condition suspensive.

II. Le terme
601. Notion de terme. Le terme est un événement futur et certain (ce dernier
caractère le distingue de la condition) dont la date peut être connue (on parle de
terme certain) ou non (on parle de terme incertain) qui détermine les effets du
contrat dans le temps.
Le terme suspensif détermine la date à laquelle le contrat ou une obligation
contractuelle prendra effet (1), tandis que le terme extinctif détermine la date à
laquelle le contrat ou une obligation contractuelle s’éteindra (2).

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1. Le terme suspensif
602. Exigibilité reportée. Le terme suspensif, qui fait l’objet des articles 1305
à 1305-5 du Code civil, permet de différer l’entrée en vigueur du contrat ou
l’exigibilité d’une obligation.
603. Fixation. Le terme suspensif est fixé par les parties (art. 1305-1, al. 1er,
C. civ.). Par exemple, les parties à un contrat de bail peuvent prévoir que celui-ci
ne prendra effet qu’à partir de telle date. À défaut d’une telle stipulation, le contrat
est présumé prendre effet immédiatement et ses obligations être aussitôt exigibles.
En cas de désaccord entre les parties le juge a le pouvoir de fixer un terme en tenant
compte « de la nature de l’obligation et de la situation des parties » (art. 1305-1,
al. 2, C. civ.).
604. Effet avant terme. Tant que le terme n’est pas échu (c’est-à‑dire avant l’arrivée
du terme), l’obligation existe déjà mais n’est pas exigible. Le créancier ne peut récla-
mer le paiement ni mettre en œuvre des voies d’exécution (art. 1305-2 C. civ.). Le
créancier dispose cependant de certaines prérogatives : il peut prendre des mesures
conservatoires pour préserver son droit si le débiteur le met en péril (par exemple
inscription de sûretés conservatoires, art. 511 et s. CPCE), ou demander la nullité
du contrat.
L’article 1305-3 du Code civil prévoit que le terme est stipulé en faveur du débi-
teur, aussi ce dernier est-il en mesure d’y renoncer et de s’exécuter immédiatement.
Mais il s’agit d’une présomption simple, que le créancier peut renverser en démon-
trant que le terme a été stipulé dans son intérêt ou dans l’intérêt des deux parties.
Dans ce cas, le débiteur n’a plus la faculté de s’exécuter avant terme.
605. Échéance du terme. La survenance du terme a pour effet de rendre la créance
exigible. Le retard de paiement du débiteur constitue une faute contractuelle. Le
juge peut cependant accorder au débiteur un délai de grâce dans les conditions
prévues à l’article 1343-5 du Code civil.
606. Déchéance du terme. La déchéance du terme est une sanction encourue par
le débiteur lorsque celui-ci a, par son comportement, compromis le recouvrement
de la créance par le créancier. La principale cause de déchéance est celle prévue à
l’article 1305-4 du Code civil : « le débiteur ne peut réclamer le bénéfice du terme
s’il ne fournit pas les sûretés promises au créancier ou s’il diminue celles qui garan-
tissent l’obligation ». La déchéance peut également résulter de la mise en œuvre
d’une clause contractuelle (par ex. il est souvent prévu dans les contrats de prêt à
remboursements échelonnés qu’en cas de défaut de paiement d’une échéance il y

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aura déchéance du terme pour les échéances futures), ou de la liquidation judiciaire
du débiteur (art. L. 643-1 C. com.).

2. Le terme extinctif
607. Par nature les contrats à exécution successive1 s’étalent dans le temps, ce qui
soulève la question de leur durée2. Celle-ci peut être déterminée (A) ou non (B).
Cette distinction essentielle est cependant tempérée dans certains contrats par le
dispositif de l’article L. 442-1, II, du Code de commerce, qui encadre la rupture
d’une relation commerciale établie (C).

A. Les contrats à durée déterminée


608. La liberté contractuelle permet aux parties de décider d’insérer un terme
extinctif dans leur contrat et de fixer librement ce terme, sauf disposition contraire3.
Pour présenter les effets du terme extinctif, il faut envisager la situation des parties
avant l’arrivée du terme (a) puis à l’arrivée du terme (b).
a. Situation des parties avant l’arrivée du terme
609. Irrévocabilité du contrat. La stipulation d’un terme extinctif entraîne l’irré-
vocabilité du contrat (art. 1212 C. civ.). Aucune des parties ne peut se délier du
contrat4. Si l’une des parties décide de rompre le contrat, cette décision n’emporte
pas extinction du contrat et doit être considérée comme inopérante : le juge peut
ordonner le maintien ou la reprise du contrat5. Mais parfois le maintien du contrat

1. Sur la distinction des contrats à exécution successive et des contrats à exécution instantanée, v. supra,
n° 113 et s.
2. Sur la question de la durée des contrats, v. not. : J. Azéma, La durée des contrats successifs, préf. R. Nerson,
LGDJ, 1959 ; I. Pétel, Les durées d’efficacité du contrat, Thèse Montpellier I, 1994 ; A. Etienney, La
durée de la prestation, préf. T. Revet, LGDJ, 2007 ; F. Colonna d’Istria, Temps et concepts en droit des
obligations, Essai d’analyse méthodologique, Thèse Aix-Marseille III, 2009. P. Simler, « L’article 1134 et
la résiliation des contrats à durée déterminée », JCP 1974, I, 2413 ; J. Hauser, « Temps et liberté dans
la théorie de l’acte juridique », Mélanges J. Ellul, PUF, 1983, p. 503 et s. ; R. Libchaber, « Réflexion
sur les effets du contrat », Mélanges offerts à J.-L. Aubert, Dalloz 2005, p. 226 et s. ; A. Etienney-de
Sainte Marie, « Le contrat à exécution successive, le contrat à durée indéterminée et l’engagement
perpétuel : de quelques incertitudes persistantes, avant et après la réforme », D. 2017, p. 678. V. ég.
les actes du colloque « La durée du contrat » (dir. D. Mazeaud), RDC 2004, p. 159.
3. V. par ex. : art. 10 L. 6 juill. 1989, prévoyant que le bail d’habitation a une durée minimale de 3 ans ;
art. L. 145-4 C. com., prévoyant que le bail commercial a une durée minimale de 9 ans.
4. V. P. Simler, « L’article 1134 et la résiliation des contrats à durée déterminée », préc. ; J. Ghestin, C. Jamin
et M. Billiau, n° 235 et s. ; M.-E. Pancrazi-Tian, La protection judiciaire du lien contractuel, PUAM, 1996.
5. Com., 21 mars 1984, n° 82-12347, Bull. civ. IV, n° 115, reconnaissant au juge des référés le pouvoir
d’ordonner le maintien du contrat ; Civ. 3, 10 janv. 1990, n° 88-18638, Bull. civ. III, n° 7 ; Civ. 3,

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est impossible pour des raisons matérielles ou juridiques (v. infra, n° 659 et s.).
Force est d’admettre que le contrat est rompu. La rupture fautive constitue une
faute contractuelle sanctionnée par des dommages et intérêts1. Certaines dispo-
sitions spéciales instaurent un montant minimum de dommages et intérêts (par
ex. C. trav., art. L. 1243-3, concernant la rupture du contrat de travail à durée
déterminée par l’employeur), et les parties ont pu insérer dans leur contrat une
clause pénale2 dont il sera fait application.
610. Exception. Par exception, la cessation du contrat avant terme est permise
dans un certain nombre d’hypothèses.
Les parties peuvent convenir de mettre fin au contrat avant terme, par une conven-
tion révocatoire (art. 1193 C. civ.). On parle de mutuus dissensus3 (dissentiment
mutuel). La convention révocatoire peut être tacite4. Les parties peuvent aménager
à leur guise les effets de la révocation, en choisissant de lui faire produire effet pour
l’avenir seulement ou bien également pour le passé : la révocation opère alors avec
effet rétroactif. Mais qu’en est-il lorsque les parties n’ont rien prévu ? En principe,
la révocation ne vaut que pour l’avenir5.
La loi prévoit dans certains contrats une faculté de résiliation unilatérale applicable
même si le contrat est à durée déterminée. Par exemple, l’article 1944 du Code
civil prévoit que le déposant peut réclamer restitution à tout moment, « lors même
que le contrat aurait fixé un délai déterminé pour la restitution » ; l’article 2004 du

3 avr. 2001, n° 99-17738, Loyers et copr. 2001, n° 167, obs. B. Vial-Pedroletti, s’agissant d’un contrat
de bail ; Civ. 1, 29 mai 2001, n° 99-12478, RTD civ. 2001, p. 590, obs. J. Mestre et B. Fages.
1. Com., 22 oct. 1996, n° 94-15410, Bull. civ. IV, n° 260 ; D. 1997, somm. p. 173, obs. R. Libchaber ;
D. 1997, p. 286, obs. P. Jourdain ; RTD civ. 1997, p. 123, obs. J. Mestre.
2. Sur cette notion, v. infra, n° 702.
3. R. Vatinet, « Le mutuus dissensus », RTD civ. 1987, p. 252.
4. Civ. 1, 18 mai 1994, n° 92-15184, Bull. civ. I, n° 175 ; Def., 1994, p. 1123, obs. P. Delebecque ;
RTD civ. 1995, p. 108, obs. J. Mestre : « la révocation d’un contrat par consentement mutuel des
parties peut être tacite et résulter des circonstances de fait souverainement appréciées par les juges
du fond, sans qu’il soit nécessaire d’en rapporter la preuve par écrit » ; Civ., 7 juill. 1858, DP 1858,
1, 329, 1re et 2e esp. ; Civ. 1, 22 nov. 1960, Bull. civ. I, n° 510 ; Civ. 3, 22 nov. 1983, n° 82-14741,
Bull. civ. III, n° 239.
5. Com., 1er févr. 1994, n° 92-18.276, RTD civ. 1994, p. 356, obs. J. Mestre ; Com., 18 janv. 2011,
n° 10-683, RTD civ. 2011, p. 126, obs. B. Fages ; Soc., 20 déc. 2006, n° 18-20778, Bull. civ. V, n° 409,
D. 2007, p. 555, obs. J. Daleau, note G. Blanc-Jouvan ; RTD civ. 2007, p. 117, obs. J. Mestre et
B. Fages, décidant que la résiliation, par consentement mutuel, du « contrat d’enregistrement exclusif »
conclu entre Jean-Philippe Smet (dit Johnny Halliday) et la société Universal Music « n’y met fin que
pour l’avenir de sorte qu’elle n’a pas pour effet d’anéantir rétroactivement les cessions antérieurement
intervenues sur les enregistrements réalisés en cours de contrat ».

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Code civil permet au mandant de révoquer le mandataire « quand bon lui semble »
et cela même si le contrat est à durée déterminée1 ; l’article 12 de la loi n° 89-462
du 6 juillet 1989 prévoit que le locataire peut résilier le bail d’habitation à tout
moment en respectant un délai de préavis.
Le contrat peut prévoir une faculté de résiliation unilatérale au profit de l’une
des parties ; cependant une telle clause pourrait être déclarée abusive dans les
contrats d’adhésion (art. 1171 C. civ.) et dans les contrats de consommation
(art. L. 212-1 C. cons.).
L’inexécution du contrat par une partie peut, sous certaines conditions, ouvrir à
l’autre une faculté de résolution unilatérale (v. infra, n° 673 et s.).
Enfin, dans les contrats intuitu personae, le décès d’une partie entraîne la caducité
du contrat (par ex., art. 2003 pour le mandat). Pour les personnes morales, la
fusion ou la liquidation judiciaire produisent le même effet que le décès.
b. Situation des parties à l’arrivée du terme
611. À l’arrivée du terme, le contrat s’éteint automatiquement, mais différents
mécanismes permettent de poursuivre la relation contractuelle.
• Extinction automatique du contrat
612. Principe. Le contrat à durée déterminée s’éteint à l’arrivée du terme, et ceci de
façon automatique. Chacune des parties est en principe libre de ne pas renouveler
le contrat (art. 1212 C. civ.).
613. Contrôle de l’abus. Le refus de renouveler ne doit pas être abusif. Il y a
abus de droit, par exemple, lorsqu’un contractant laisse entendre que le contrat
sera renouvelé afin d’inciter le cocontractant à réaliser certains investissements,
avant de lui notifier le non-renouvellement2. L’abus de droit est sanctionné sur le
terrain de la responsabilité civile.
• Prorogation, renouvellement et tacite reconduction
614. Prorogation. La prorogation consiste à modifier le terme initialement
prévu en repoussant l’extinction du contrat à une date ultérieure. La prorogation
requiert le consentement des parties et elle n’est possible qu’avant l’arrivée du
terme (art. 1213 C. civ.). Par l’effet de la prorogation, c’est le même contrat qui

1. V. par ex. Civ. 3, 27 avr. 1988, n° 86-11718, Bull. civ. III, n° 80 ; D. 1989, p. 351, note C. Atias.
2. Com., 23 mai 2000, n° 97-10553, RTD civ. 2001, p. 137, obs. J. Mestre et B. Fages, le concédant avait
laissé entendre qu’il poursuivrait la relation contractuelle et sollicité du concessionnaire sa participation
à une opération publicitaire coûteuse, avant de lui notifier le non-renouvellement.

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se poursuit ; il n’est donc pas nécessaire d’accomplir les formalités requises pour
la conclusion du contrat1. Le contrat reste soumis à la loi en vigueur au jour où il
a été conclu et les sûretés qui en garantissent l’exécution sont maintenues.
615. Renouvellement. Le renouvellement consiste en la conclusion d’un contrat
nouveau identique au précédent (art. 1214 C. civ).
En principe, il n’existe pas, à l’arrivée du terme, de droit au renouvellement :
« nul ne peut exiger le renouvellement du contrat » (art. 1212 C. civ.). Par excep-
tion, le législateur accorde à certains contractants un droit au renouvellement.
Par exemple, un droit au renouvellement est reconnu au locataire dans le bail
commercial (C. com., art. L. 145-8) et dans le bail rural notamment.
En dehors de ces hypothèses les parties peuvent d’un commun accord renouveler
leur contrat. Cet accord peut être exprès ou tacite. Sauf volonté contraire des
parties, le nouveau contrat est identique au précédent, à ceci près qu’il est à durée
indéterminée (art. 1214, al. 2, C. civ.). Les parties peuvent avoir prévu dans une
clause contractuelle le renouvellement du contrat (par exemple : « le contrat sera
renouvelé d’année en année »). Une telle clause n’a pas pour effet de conférer au
contrat un caractère perpétuel, car chacune des parties dispose, à chaque fin de
période, du droit de refuser le renouvellement.
Dans certains contrats, le renouvellement est encadré ; c’est le cas par exemple dans
le contrat de travail (art. L. 1243-13 C. trav.).
616. Tacite reconduction. Il y a tacite reconduction lorsque, après l’échéance du
terme, les parties poursuivent l’exécution du contrat (art. 1215 C. civ.). La tacite
reconduction peut être facilitée par une clause contractuelle la prévoyant (par
exemple, une clause prévoyant que si l’une des parties ne manifeste pas, dans un
délai prévu, son intention de ne pas reconduire le contrat, celui-ci est tacitement
reconduit2) mais la tacite reconduction joue même en l’absence d’une telle clause.
La tacite reconduction peut être exclue par une clause contractuelle3.

1. Com., 9 juill. 2002, n° 00-22512, Bull. civ. IV, n° 118 ; RTD civ. 2003, p. 498, obs. J. Mestre et
B. Fages.
2. Dans les contrats de consommation, cette clause doit faire l’objet d’un avertissement.
Art. L. 215-1 C. cons. : le professionnel doit informer, par écrit, le consommateur de son droit de ne
pas reconduire le contrat au moins un mois avant sa date d’échéance (et au plus tôt trois mois avant) ;
en cas de non-respect de cette obligation, le consommateur peut résilier le contrat à tout moment et
gratuitement, à compter de sa date de reconduction.
3. Com., 3 mai 1979, n° 77-13747, Bull. civ. IV, n° 140 : « les parties avaient expressément exclu la tacite
reconduction par une clause de leur contrat » ; Com., 17 nov. 1992, n° 90-20039, Bull. civ. IV, n° 356.

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La tacite reconduction « produit les mêmes effets que le renouvellement »
(art. 1215 C. civ.). Elle donne donc naissance à un nouveau contrat, dont la
durée est indéterminée. Cette solution était admise par la jurisprudence1, mais
elle était parfois contestée car l’expression « tacite reconduction » est ambiguë et
pourrait laisser penser qu’il y a poursuite du contrat existant. Désormais, le doute
n’est plus permis.

B. Les contrats à durée indéterminée


617. Le contrat à durée indéterminée est celui qui ne comporte aucun terme
extinctif. Dans ce type de contrat, chacune des parties dispose d’un droit de rési-
liation unilatérale. On examinera successivement le droit de résiliation unilatérale
(a) puis ses conditions d’exercice (b).
a. Le droit de résiliation unilatérale
618. Prohibition des engagements perpétuels. L’article 1211 du Code civil
prévoit que « lorsque le contrat est conclu pour une durée indéterminée, chaque
partie peut y mettre fin à tout moment ». Cette disposition d’ordre public est un
corollaire de la prohibition des engagements perpétuels (art. 1210 C. civ.), laquelle
est un principe à valeur constitutionnelle2.
619. Portée du principe. La faculté de résiliation unilatérale des contrats à durée
indéterminée pourrait être facilement contournée si elle ne s’appliquait qu’aux
contrats dans lesquels aucune durée n’a été prévue. C’est pourquoi la jurisprudence
assimile aux contrats à durée indéterminée les contrats conclus pour une durée
excessivement longue au regard de la vie humaine3 ou de la vie professionnelle4.

1. Civ. 1, 17 juill. 1980, n° 79-11869, Bull. civ. I, n° 220 ; Civ. 1, 18 janv. 1983, n° 81-14860, Bull. civ. I,
n° 21 ; Com., 13 mars 1990, n° 88-18251, Bull. civ. IV, n° 77 ; RTD civ. 1990, p. 464, obs. J. Mestre ;
Civ. 3, 1er avr. 1998, n° 96-17028, Bull. civ. I, n° 80 ; Civ. 3, 14 nov. 1996, n° 94-19663, Bull. civ. III,
n° 217.
2. Cons. const., 9 nov. 1999, n° 99-419 DC ; RTD civ. 2000, p. 109, obs. J. Mestre et B. Fages ; D. 2000,
somm. p. 424, obs. S. Garneri ; JCP 2000, I, 261, n° 15 et s., obs. B. Mathieu et M. Verpeaux : « si le
contrat est la loi commune des parties, la liberté qui découle de l’article 4 de la Déclaration des droits
de l’homme et du citoyen de 1789 justifie qu’un contrat de droit privé à durée indéterminée puisse
être rompu unilatéralement par l’un ou l’autre des contractants ».
3. Civ. 1, 19 mars 2002, n° 99-21209, RTD civ. 2002, p. 510, obs. J. Mestre et B. Fages.
4. S’agissant de l’engagement des associés coopérateurs envers une société coopérative, est excessive une
durée de 50 ans (Civ. 1, 31 janv. 1989, n° 87-10092, Bull. civ. I, n° 53 ; JCP 1989, II, 21294, note
J.-J. Barbiéri) ; mais une durée de 30 ans a été jugée valable (Civ. 1, 30 mai 1995, n° 93-11837,
Bull. civ. I, n° 231). Est excessif l’engagement d’un médecin libéral envers une clinique pour « la
durée de la société » – en l’espèce, 99 ans (Civ. 1, 19 mars 2002, n° 99-21209, RTD civ. 2002, p. 510,

243

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Le droit de résiliation unilatérale des contrats à durée indéterminée ne souffre pas
de dérogation, mais la loi encadre les conditions d’exercice de ce droit.
b. Les conditions d’exercice du droit de résiliation unilatérale
620. Préavis. La résiliation unilatérale doit en principe respecter le délai de
préavis contractuellement prévu ou, à défaut, un délai de préavis « raisonnable »
(art. 1211 C. civ.). Le non-respect d’un préavis suffisant constitue une faute
contractuelle sanctionnée par des dommages et intérêts1.
L’exigence d’un préavis est cependant écartée en cas de faute grave du cocontractant2.
621. Sanction de l’abus de droit. Même si le délai de préavis est respecté, la
résiliation peut encore être considérée comme abusive en raison des circonstances
qui l’accompagnent. Par exemple, peut être sanctionné comme abusif le com-
portement du contractant qui a laissé croire qu’il entendait poursuivre la relation
contractuelle afin d’inciter l’autre partie à réaliser des investissements importants,
alors qu’il avait l’intention de résilier le contrat3. En revanche, l’absence de moti-
vation de la rupture ne rend pas celle-ci abusive4, ce qui paraît de bonne logique5.
622. Droits spéciaux. Pour certains contrats, le législateur a prévu des dispositions
spéciales concernant l’exercice du droit de résiliation unilatérale. Par exemple, le
licenciement, qui est la résiliation unilatérale du contrat de travail à durée indéter-
minée par l’employeur, est soumis à de strictes exigences de fond (une cause réelle
et sérieuse) et de forme (une procédure) (C. trav., art. L. 1232-1 et s.).

obs. J. Mestre et B. Fages) ; mais un engagement d’une durée de 25 ans a été jugé valable (Civ. 1,
20 mai 2003, n° 00-17407, Bull. civ. I, n° 124).
1. Com., 5 déc. 1984, n° 83-14273, Bull. civ. IV, n° 332.
2. Com., 5 mars 1996, n° 96-12855, RTD civ., p. 905, obs. J. Mestre (comportement agressif du cocon-
tractant) ; Civ. 1, 11 mars 2014, n° 12-29876 ; RDC 2014, p. 355, obs. Y.-M. Laithier.
3. Com., 5 oct. 1993, n° 91-10408, Bull. civ. I, n° 326 ; Com., 21 févr. 2006, n° 02-21240, Bull. civ. I,
n° 82 ; RTD civ. 2006, p. 314, obs. J. Mestre et B. Fages ; RDC 2006, p. 704, obs D. Mazeaud ;
Cont. Conc. Cons. 2006, n° 99, obs. L. Leveneur : la résiliation d’un contrat à durée indéterminée peut,
même si le préavis est respecté, être abusive en raison des circonstances particulières qui accompagnent
cette rupture.
4. Jurisprudence constante : Com., 15 déc. 1969, Bull. civ. IV, n° 384, ; JCP 1970, II, 16391, note J. H. ;
Com. 26 janv. 2010, n° 09-65086, Bull. civ. IV, n° 18, JCP 2010, 516, obs. P. Grosser.
5. Contra cep., favorable à la consécration d’une obligation de motivation de la résiliation unilatérale :
M. Fabre-Magnan, « L’obligation de motivation en droit des contrats », Mélanges Ghestin, LGDJ, 2001,
p. 301 ; M. Fabre-Magnan, « Obligation de motivation et droit des contrats », RDC 2004, p. 255.

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C. La rupture d’une relation commerciale établie
623. Présentation générale. Reprenant pour l’essentiel l’ancien article L. 442-6,
I, 5°, du Code de commerce, le nouvel article L. 442-1, II, du Code de commerce
issu de l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 20191 énonce : « Engage la respon-
sabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, pour toute
personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de
rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en
l’absence d’un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation
commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofes-
sionnels ». Cette disposition occupe une place importante dans le contentieux de
la cessation des relations d’affaires2.
624. Notion de relation commerciale établie. La notion de « relation commer-
ciale établie » transcende les classifications traditionnelles du droit civil.
Le support juridique de la relation commerciale établie importe peu. Une relation
commerciale établie peut être inscrite dans un contrat à durée déterminée, mais
elle peut aussi être caractérisée par une succession de contrats à durée déterminée3.
La relation commerciale établie peut même résulter d’une succession de contrats
à exécution instantanée (par exemple une suite de ventes).
La notion de relation commerciale établie peut englober toute relation d’affaires
entre professionnels présentant une certaine durée et une certaine intensité laissant
supposer qu’elle a vocation à se poursuivre. Il est permis de s’interroger sur sa
nature juridique, au regard de la distinction des actes et des faits juridiques. La
relation commerciale établie n’est pas un acte juridique, ses effets de droit n’étant
pas toujours recherchés. Elle se rattache à la catégorie des faits juridiques définis
comme « des agissements ou des événements auxquels la loi attache des effets de

1. Ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du livre IV du Code de


commerce relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques
prohibées, JO 25 avril 2019.
2. Sur cette disposition, v. not. M. Chagny, Droit de la concurrence et droit commun des obligations, Dalloz,
Nouvelle bibliothèque de thèses, 2004 ; A. de Brosses et A. Juaristi, « La rupture fautive des relations
commerciales établies », Dr. et pat. juin 2003, p. 50 et s. ; M. Thill-Tayara et F. Herrenschmidt, « La
rupture des relations commerciales établies, un exercice périlleux », Lamy droit des affaires, sept. 2003,
p. 5 ; C. Lachièze, « La rupture des relations commerciales à la croisée du droit commun et du droit
de la concurrence », JCP E 2004, 1815 ; B. Saintourens, « La notion de rupture brutale de la relation
commerciale », Cah. Dr. entr., n° 1, 2014, Dossier 3.
3. Com., 15 sept. 2009, n° 08-19200, Bull. civ. IV, n° 110 ; Cont. Conc. Cons. 2009, n° 205, obs.
N. Mathey ; Def., 2010, p. 114, obs. R. Libchaber. Com., 5 avr. 2018, n° 16-26568, Cont. Conc. Cons.
2018, n° 111, obs. N. Mathey.

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droit » (art. 1100-2 C. civ.). Il s’ensuit que la preuve de l’existence d’une telle rela-
tion est libre. Celui qui veut se prévaloir de l’existence d’une relation commerciale
établie doit prouver qu’il « pouvait raisonnablement anticiper pour l’avenir une
certaine continuité du flux d’affaires avec son partenaire commercial1 ». C’est au
fond l’idée d’attente légitime qui constitue le fondement de la notion de relation
commerciale établie2.
625. Notion de rupture brutale. Le texte réprime le fait de « rompre brutalement,
même partiellement » une relation commerciale établie. Est brutale la rupture qui
n’est pas précédée d’un préavis écrit d’une durée suffisante. La durée du préavis
à respecter est déterminée en tenant compte de la durée de la relation. Le législa-
teur sanctionne le fait de rompre brutalement « même partiellement » la relation
commerciale. Cette expression permet d’englober dans le domaine d’application
du texte la diminution de l’intensité de la relation commerciale.
Lorsque la relation est inscrite dans un contrat, celui-ci prévoit généralement les
conditions de sa cessation et notamment la durée du préavis à respecter mais la
Cour de cassation décide que les juges peuvent s’écarter du préavis contractuel,
non seulement pour l’augmenter3 mais aussi pour le réduire4.
L’alinéa 2 de l’article L. 442-1, II, du Code de commerce précise que « la responsa-
bilité de l’auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d’une durée insuffisante
dès lors qu’il a respecté un préavis de dix-huit mois ». Le respect d’un préavis de
18 mois est donc exclusif de toute faute. Cette disposition, qui est une innovation
de l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 20195, ne devrait pas avoir une grande
incidence car rares étaient les décisions qui imposaient un préavis plus long.
L’article L. 442-1, II, du Code de commerce précise in fine que « les dispositions
qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas
d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ».

1. Cour de cassation, Rapport annuel 2008, p. 307. Com., 20 nov. 2012, n° 11-22660 ; JCP E 2013,
1092, note N. Mathey, la relation commerciale n’est pas considérée comme établie car le demandeur
« ne pouvait raisonnablement anticiper une continuité de la relation commerciale pour l’avenir ».
2. C. Lachièze, « La rupture des relations commerciales à la croisée du droit commun et du droit de la
concurrence », préc., n° 8 ; L.-M. Augagneur, « L’anticipation raisonnable de la rupture des relations
commerciales. À propos d’un non-revirement de la Cour de cassation », JCP E 2009, 1969.
3. Com., 12 mai 2004, n° 01-12865, Bull. civ. IV, n° 86 ; D. 2005, p. 148, obs. D. Ferrier ; RDC 2004,
p. 943, obs. P. Stoffel-Munck ; JCP E 2004, 1477, note C. Lachièze. Com., 20 mai 2014, n° 13-16398,
Bull. civ. IV, n° 89 ; JCP E 2014, 1381, note N. Mathey.
4. Com., 22 oct. 2013, n° 12-19500, Bull. civ. IV, n° 156 ; Cont. Conc. Cons. 2013, n° 266, obs.
N. Mathey ; RTD civ. 2013, p. 118, obs. crit. B. Fages.
5. Ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, préc.

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La question de l’articulation de cette disposition avec les règles du droit commun
relatives à la résolution du contrat soulève certaines interrogations1.
626. La sanction. La sanction de la rupture brutale consiste en des dommages et
intérêts, sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle2. Les dommages et
intérêts sont évalués en tenant compte des bénéfices que la victime aurait pu retirer
de la relation commerciale pendant la durée du préavis qui aurait dû être respectée3.

1. C. Lachièze, « La rupture des relations commerciales à la croisée du droit commun et du droit de la


concurrence », préc.
2. Com., 15 sept. 2009, préc. ; Com., 18 janv. 2011, préc.
3. V. par ex. : Com., 3 déc. 2002, n° 99-19822.

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Titre 3

Les sanctions de l’inexécution


du contrat

628. Diversité des sanctions. L’ordonnance du 10 février 20161 a regroupé


l’ensemble des sanctions de l’inexécution du contrat dans une seule section
(« L’inexécution du contrat » art. 1217 à 1231-7 du Code civil) qui est divisée en
cinq sous-sections, dont chacune est consacrée à une sanction de l’inexécution.
Le Code civil n’instaure aucune hiérarchie entre les différentes sanctions, le choix
appartenant au créancier dès lors, bien sûr, que les conditions de mise en œuvre
de chaque sanction sont remplies. L’article 1217 du Code civil prévoit in fine que
« les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ».
Les sanctions de l’inexécution du contrat exigent pour la plupart une mise en
demeure du débiteur2. Les conditions de forme de la mise en demeure sont prévues
à l’article 1344 du Code civil : elle s’opère « par une sommation ou par un acte
portant interpellation suffisante ». Son domaine soulève certaines hésitations ; on
retiendra qu’elle est écartée dans certaines hypothèses, notamment lorsque l’exé-
cution est définitive (par exemple si le délai d’exécution est expiré) ou lorsque le
contrat le prévoit. Son effet est de constater officiellement l’inexécution de ses
obligations par le débiteur et de l’inviter à s’exécuter. La mise en demeure de payer
une obligation monétaire fait courir les intérêts de retard (art. 1344-1 C. civ.) ;
la mise en demeure de livrer fait passer les risques sur la tête du débiteur qui est
ainsi responsable de la perte ou de la destruction de la chose même non fautive
(art. 1344-2 C. civ.)
L’article 1217 du Code civil présente à titre liminaire les sanctions de l’inexé-
cution dans un ordre qui correspond le plus souvent aux réactions successives

1. Ord. n° 2016-131 du 10 févr. 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de
la preuve des obligations, préc.
2. Exécution forcée (art. 1221 et 1222 C. civ.), réduction du prix (art. 1223 C. civ.), mise en œuvre
d’une clause résolutoire (art. 1225 al. 2 C. civ.), résolution par notification (art. 1226 al. 1 C. civ.).

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d’un créancier victime d’une inexécution. Dans un premier temps il peut décider
de suspendre sa propre prestation, mettant en œuvre l’exception d’inexécution
(Chap. 1). Dans un deuxième temps, il peut se résoudre à accepter une exécution
défectueuse en contrepartie d’une réduction proportionnelle du prix (Chap. 2)
ou bien demander l’exécution forcée (Chap. 3) ou bien encore mettre en œuvre
la résolution du contrat pour inexécution (Chap. 4). En tout état de cause, il
peut toujours rechercher la responsabilité contractuelle du débiteur (Chap. 5).
Certaines de ces sanctions ne sont cependant pas applicables lorsque l’inexécution
est imputable à la force majeure que l’ordonnance du 10 février 2016 a placé avant
la présentation des sanctions et qu’il convient de présenter préalablement (Chap.
Préliminaire).

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Chapitre
préliminaire

La force majeure

629. « À l’impossible nul n’est tenu ». Lorsqu’un obstacle rend impossible l’exé-
cution, la force obligatoire du contrat cède : le débiteur empêché de s’exécuter
en raison d’un événement de force majeure ne peut être considéré comme ayant
manqué à ses obligations. Comme l’énonce le dicton populaire : « à l’impossible
nul n’est tenu ». L’article 1218 du Code civil, dont les dispositions ne sont pas
d’ordre public1, précise la notion (I) et les effets (II) de la force majeure2.

I. La notion de force majeure


630. On rappellera la conception classique de la force majeure (1) avant de pré-
senter la conception nouvelle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 (2).

1. Conception classique de la force majeure


631. Trilogie ; hésitations jurisprudentielles. Selon la conception classique, un
événement ne constitue un cas de force majeure que s’il présente pour le débiteur
qui l’invoque trois caractères : irrésistibilité, imprévisibilité, extériorité. L’apparente

1. Dans les contrats de la vie des affaires, il n’est pas rare que les parties désignent elles-mêmes quels sont
les événements qu’elles considèrent comme étant de force majeure ou qu’elles aménagent les effets de
la force majeure.
2. Sur la force majeure, v. not. : P.-H. Antonmattei, Contribution à l’étude de la force majeure, préf.
B. Teyssié, LGDJ, 1992 ; P. Grosser, Les remèdes à l’inexécution du contrat, dir. J. Ghestin, thèse Paris I,
2000. Sur le projet de réforme du Code civil, v. not. M. Mekki, « Les remèdes à l’inexécution dans le
projet d’ordonnance portant réforme du droit des obligations », Gaz. Pal. 2015, n° 120, p. 37 et s.,
spéc. n° 4 et s. ; H. Boucard, « Article 1218 : la force majeure contractuelle », RDC 2015, p. 779 et s. ;
Y.-M. Laithier, « Les règles relatives à l’inexécution du contrat », JCP 2015, supplément au n° 21, p. 47.
Sur les nouvelles dispositions du Code civil issues de l’ordonnance, v. not F. Gréau et F. Chabas, Rép.
civ. Dalloz, V° Force majeure, n° 66 ; S. Bros, « La force majeure », Dr. et pat. juin 2016, n° 259, p. 40.
V. ég. F. Gréau et F. Chabas, Rép. civ. Dalloz, préc.

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simplicité de cette trilogie contraste avec les difficultés auxquelles son interpréta-
tion a pu donner lieu.
En matière contractuelle, la jurisprudence s’est écartée de cette définition1. Elle
a un temps admis que la seule irrésistibilité suffit à caractériser la force majeure2.
Puis, par un arrêt d’assemblée plénière en date du 14 avril 2006, la Cour de cas-
sation est revenue à une conception plus exigeante en définissant la force majeure
comme « l’événement présentant un caractère imprévisible lors de sa conclusion
et irrésistible lors de son exécution », mais sans exiger le caractère d’extériorité3.

2. Conception nouvelle de la force majeure


632. Texte. Selon l’article 1218 du Code civil : « Il y a force majeure en matière
contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne
pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les
effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de
son obligation par le débiteur ». Inspirée de la définition de la force majeure qui
avait été dégagée par l’arrêt d’assemblée plénière du 14 avril 2006, cette disposition
retient deux critères : l’imprévisibilité et l’irrésistibilité, l’extériorité n’étant plus
requise.
633. Caractère imprévisible. L’imprévisibilité de l’événement lors de la conclu-
sion du contrat est logiquement une condition de la force majeure en matière
contractuelle. Lorsqu’un événement était raisonnablement prévisible lors de la
formation du contrat, il faut considérer que les parties l’ont intégré dans le champ
contractuel. L’adverbe raisonnablement offre aux juges une large faculté d’appré-
ciation. L’imprévisibilité s’apprécie en tenant compte des circonstances et des
qualités du contractant.

1. Sur la force majeure en matière contractuelle, v. not. P.-H. Antonmattei, « Ouragan sur la force
majeure », JCP 1996, I, 3907 ; J. Moury, « Force majeure : éloge de la sobriété », RTD civ. 2004, p. 471.
2. V. not. Civ. 1, 6 nov. 2002, n° 99-21203, Bull. civ. I, n° 258 ; JCP 2003, I, 152, n° 32, obs. G. Viney ;
RTD civ. 2003, p. 301, obs. P. Jourdain ; RDC 2003, p. 59, obs. Ph. Stoffel-Munck ; Cont. Conc. Cons.
2003, n° 53 (1re esp.), note L. Leveneur ; Dr. et pat. févr. 2003, p. 110, obs. P. Chauvel ; Gaz. Pal. 2003,
somm. 1188, obs. F. Chabas ; Resp. civ. ass. 2003, comm. 41 : « la seule irrésistibilité caractérise la force
majeure ».
3. Ass. plén., 14 avr. 2006, n° 02-11168, Bull. civ. ass. plén. 2006, n° 5 ; Bull. inf. C. cass. 1er juill. 2006,
n° 643, rapp. Petit, avis R. de Gouttes ; D. 2006, jurispr. p. 1577, note P. Jourdain ; D. 2006, pan.
1933, obs. Ph. Brun et 2645, obs. B. Fauvarque-Cosson ; JCP 2006, II, 10087, note P. Grosser ; Def.,
2006, p. 1212, obs. É. Savaux ; RDC 2006, p. 1207, obs. G. Viney ; Cont. Conc. Cons. 2006, n° 152,
obs. L. Leveneur.

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634. Caractère irrésistible. L’irrésistibilité exprime en matière contractuelle
l’impossibilité d’exécuter le contrat1. Est irrésistible l’événement « dont les effets
ne peuvent être évités par des mesures appropriées » et « qui empêche l’exécution
de son obligation par le débiteur » (art. 1218 C. civ.).
Pour apprécier le caractère irrésistible, il faut rechercher si le débiteur avait les
moyens de prendre des mesures appropriées pour éviter les conséquences de l’évé-
nement. Par exemple, une prise d’otages imprévisible lors de la conclusion du
contrat et irrésistible lors de sa réalisation ne peut cependant être qualifiée de
force majeure dès lors que, en cours d’exécution du contrat, l’agent de voyages
avait été informé des risques et qu’il avait la possibilité de rapatrier en urgence
les voyageurs2.
635. Suppression du caractère extérieur. La condition tenant au caractère exté-
rieur de l’événement, qui était exigée dans la conception classique en application
de l’article 1147 du Code civil3 mais avait été écartée par la jurisprudence4, n’a pas
été reprise par l’ordonnance du 10 février 20165. Le nouvel article 1218 du Code
civil exige un événement « échappant au contrôle du débiteur ». Cette formulation
ne correspond pas au critère de l’extériorité de l’événement ; elle vise simplement
à rappeler que l’événement de force majeure est de ceux sur lesquels le débiteur
n’a aucune prise. Il ne s’agit pas d’une condition autonome mais simplement d’un
autre aspect de l’irrésistibilité6. La maladie du débiteur qui l’empêche d’exécuter
son obligation peut donc constituer pour lui une cause d’exonération.
636. Exemples. Des circonstances très diverses peuvent constituer des cas de force
majeure. On les classe habituellement en trois catégories : événements naturels
(tremblement de terre, cyclone, foudre, inondation, maladie7…) ; action humaine

1. V. not. F. Gréau et F. Chabas, Rép. civ. Dalloz, V° Force majeure, n° 66.


2. V. par ex. Paris, 23 janv. 2009 (aff. des otages de l’île de Jolo), JCP 2009, II, 10083, note C. Lachièze.
3. L’ancien article 1147 visait « une cause étrangère qui ne peut lui être imputée ».
4. V. not. Ass. plén., 14 avr. 2006, préc.
5. Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, préc., p. 16 :
« Le texte reprend la définition prétorienne de la force majeure en matière contractuelle, délaissant le
traditionnel critère d’extériorité, également abandonné par l’assemblée plénière de la Cour de cassation
en 2006 (Ass. plén., 14 avr. 2006, n° 04-18902 et n° 02-11168) ».
6. S. Bros, « La force majeure », Dr. et pat. juin 2016, n° 259, p. 40. V. ég. F. Gréau et F. Chabas, Rép.
civ. Dalloz, préc.
7. Ass. plén., 14 avr. 2006, préc.

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(fait d’un tiers, ou d’un groupe de personnes : guerre, émeute1, grève2, attentat,
enlèvement…) ; décision prise au nom de l’autorité publique (le « fait du prince3 »).

II. Les effets de la force majeure


637. L’étude des effets de la force majeure conduit à examiner successivement le
sort du contrat (1) et le sort des obligations contractuelles (2).

1. Le sort du contrat
638. Le sort du contrat dépendra de la gravité des conséquences de la force majeure.
Il faut distinguer selon que l’empêchement est temporaire (A) ou définitif (B).

A. Empêchement temporaire
639. Suspension. Lorsque l’impossibilité d’exécution est seulement temporaire,
l’exécution du contrat est suspendue jusqu’au moment où l’empêchement vient à
cesser, à moins que le retard qui résulterait de la suspension ne justifie la résolution
du contrat4 (C. civ., art. 1218 al. 2).

B. Empêchement définitif
640. Résolution de plein droit. Lorsque l’exécution du contrat est empêchée
de façon définitive, le contrat est résolu « de plein droit » (art. 1218 al. 2 C. civ.).
Cette expression signifie que la résolution est automatique. Cependant, pour des
raisons pratiques, le contractant souhaitant s’en prévaloir aura intérêt à notifier la
résolution du contrat à l’autre partie5.
La résolution opère en principe avec effet rétroactif : le contrat est censé n’avoir
jamais existé. Cependant, lorsqu’il s’agit d’un contrat à exécution successive,

1. Civ. 1, 17 nov. 1999, n° 97-21823 ; Bull. civ. I, n° 307.


2. Civ. 1, 6 oct. 1993, n° 91-16568 ; JCP 1993, II, 22154, note P. Waquet.
3. Par ex. la fermeture administrative des aéroports suite à l’éruption du volcan islandais Eyjafjöll en
avril 2010.
4. Civ. 1, 24 févr. 1981, n° 79-12710, Bull. civ. I, n° 65 ; D. 1982, p. 479, note D. Martin, « en cas
d’impossibilité momentanée d’exécution d’une obligation, le débiteur n’est pas libéré, cette exécution
étant seulement suspendue jusqu’au moment où l’impossibilité vient à cesser » ; Civ. 3, 22 févr. 2006,
n° 05-12032, Bull. civ. III, n° 46 ; RTD civ. 2006, p. 64, obs. J. Mestre et B. Fages ; RDC 2006, p. 763,
obs. J.-B. Seube.
5. V. en ce sens : O. Deshayes, T. Génicon et Y.-M. Laithier, p. 539.

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l’impossibilité qui survient en cours d’exécution met fin au contrat sans rétroacti-
vité. Par exemple, lorsque la chose louée est détruite par un cas de force majeure
« le bail est résilié de plein droit » (C. civ., art. 1722).

2. Le sort des obligations contractuelles


641. Position du problème. La force majeure qui empêche l’exécution d’une
obligation entraîne l’exonération du débiteur, sauf si celui-ci avait accepté d’assu-
mer les effets de la force majeure (par une clause « de garantie »), ou s’il avait été
mis en demeure de s’exécuter (art. 1351 C. civ.). Mais qu’en est-il de la prestation
corrélative dont son cocontractant est tenu dans un contrat synallagmatique ? Par
exemple, si un immeuble donné à bail est détruit par un cas de force majeure, le
bailleur est libéré de son obligation de mise à disposition de l’immeuble, mais le
preneur doit-il continuer à payer les loyers ? Si l’exécution du voyage est définiti-
vement impossible en raison d’un événement de force majeure, l’agent de voyages
est libéré de toute obligation mais le voyageur doit-il payer le prix du voyage ? C’est
la question dite des risques du contrat.
642. Principe : les risques pèsent sur le débiteur. Le principe est que les risques
de la force majeure pèsent sur le débiteur de l’obligation dont l’exécution est
impossible : il perd le bénéfice de sa créance. Cette règle est conforme à la logique
du contrat synallagmatique. Par exemple, lorsqu’un contrat de voyage à forfait
n’est pas exécuté en raison d’un événement de force majeure, l’agent de voyages
n’a pas droit au paiement du prix1. Mais il est fait exception à cette règle dans les
contrats translatifs.
643. Exception : les risques pèsent sur le propriétaire. Dans les contrats trans-
latifs de propriété, le législateur a entendu lier la charge des risques de la chose à la
qualité de propriétaire (art. 1196 al. 3 C. civ.). On dit que la chose périt à la charge
de son propriétaire : res perit domino.
Inconvénients de la règle res perit domino. Cette règle conduit parfois à des solutions
peu satisfaisantes. Par exemple, dans la vente, le transfert de propriété s’opère
en principe dès la formation du contrat (v. supra, n° 575) ; l’acquéreur supporte
aussitôt le risque de la chose et devra donc payer le prix, et cela même si la chose

1. V. not. C. Lachièze, Droit du tourisme, LexisNexis 2020, n° 290 et s. ; A. Bénabent, « Les naufragés de
l’Eyjafjallajökull », D. 2010, p. 1136 ; A. Batteur, D. Bazin-Beust et L. Raschel, « L’éruption du volcan
Eyjafjöll, un sujet explosif », JCP 2010, n° 707.

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est détruite avant d’avoir été livrée1. Et dans le cas où les parties ont stipulé une
clause de réserve de propriété, le vendeur conserve la qualité de propriétaire et
supporte la charge du risque jusqu’au paiement complet du prix et cela même si
la chose a déjà été livrée2.
Exception à la règle res perit domino. La règle res peit domino est écartée par certaines
dispositions légales qui dissocient le moment du transfert des risques et celui
du transfert de propriété3 ; par exemple, le débiteur de l’obligation de délivrer
retrouve la charge des risques de la chose s’il avait été mis en demeure (art. 1196
al. 3 C. civ.). En outre, les parties peuvent écarter la règle res perit domino qui est
simplement supplétive4.

1. V. par ex. Civ. 1, 19 nov. 1991, n° 90-15731, Bull. civ. I, n° 325 : un client a commandé des livres
à une maison d’édition mais, ne les ayant pas reçus, il refuse d’acquitter le prix ; l’éditeur justifie de
l’envoi en produisant le bordereau d’expédition ; la Cour de cassation rejette le pourvoi contre l’arrêt
ayant décidé que l’acheteur, propriétaire de la marchandise, doit supporter le risque et donc payer le
prix des livres.
2. V. par ex. Com., 20 nov. 1979, n° 77-15978, Bull. civ. IV, n° 300 ; JCP 1981, II, 19615 (publié avec
l’arrêt de renvoi), note J. Ghestin, la clause de réserve de propriété d’une machine jusqu’à paiement
complet du prix par l’acheteur a pour conséquence que la machine, bien qu’entreposée dans les locaux
de l’acheteur, demeure à la charge et aux risques du vendeur.
3. V. not. R. Bonhomme, « La dissociation des risques et de la propriété », Liber amicorum J. Calais-Auloy,
Dalloz 2004, p. 69.
4. La possibilité d’une telle convention est expressément prévue par l’article L. 132-7 du Code de
commerce : « la marchandise sortie du magasin du vendeur ou de l’expéditeur voyage, s’il n’y a conven-
tion contraire, aux risques et périls de celui à qui elle appartient ».

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Chapitre 1

L’exception d’inexécution

644. Notion. L’exception d’inexécution (exceptio non adimpleti contractus) est le


droit qu’a chacune des parties à un contrat synallagmatique de refuser de s’exé-
cuter tant qu’elle n’a pas reçu la prestation qui lui est due1. Le terme exception
est pris ici au sens de moyen de défense. Depuis l’ordonnance n° 2016-131 du
10 février 20162 portant réforme du droit des contrats, l’exception d’inexécution
est réglementée dans le Code civil (art. 1219 et 1220 C. civ.). On exposera ses
conditions (1) puis ses effets (2).

I. Les conditions de l’exception d’inexécution


645. On présentera successivement les conditions de fond (1) puis les conditions
de mise en œuvre (2) de l’exception d’inexécution.

1. Conditions de fond
646. Réciprocité des obligations. Le contrat synallagmatique est le domaine
d’élection de l’exception d’inexécution. Celle-ci s’applique également à tous les
rapports synallagmatiques, même ceux qui ne naissent pas d’un contrat (par
exemple les restitutions réciproques qui sont dues à la suite de l’annulation d’un
contrat). L’exception d’inexécution suppose en outre que les obligations réci-
proques soient à exécuter simultanément. Si l’une des parties doit s’exécuter avant
l’autre, l’exception d’inexécution ne peut s’appliquer : par exemple, dans la vente, si
le vendeur a accordé des délais de paiement, il est tenu de livrer avant le paiement
du prix.

1. R. Cassin, De l’exception d’inexécution dans les rapports synallagmatiques (exceptio non adimpleti
contractus) et de ses relations avec le droit de rétention, la compensation et la résolution, Paris, Sirey 1914 ;
C. Malecki, L’exception d’inexécution, préf. J. Ghestin, LGDJ, 1999.
2. Ord. n° 2016-131 du 10 févr. 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de
la preuve des obligations, préc.

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647. Gravité de l’inexécution. L’exception d’inexécution doit être proportionnée
à l’inexécution du contrat par l’autre partie1. En d’autres termes, comme l’indique
l’article 1219 du Code civil, l’inexécution doit être « suffisamment grave ». Pour
la mise en œuvre de cette condition, on peut se référer à l’idée d’attente légitime :
l’inexécution est suffisamment grave lorsqu’elle prive le contractant de ce qu’il
était en droit d’attendre du contrat. Dans le cas contraire, l’inexécution n’est pas
suffisamment grave.
Par exemple dans le contrat de bail, la jurisprudence décide que l’inexécution par le
bailleur des travaux lui incombant ne permet pas au locataire de cesser le paiement
des loyers tant qu’il continue de jouir de la chose2. Le locataire ne peut suspendre
le paiement des loyers que si l’absence de réparation rend impossible l’utilisation
des lieux conformément à la destination prévue au bail3.
L’ordonnance du 10 février 2016 a introduit dans le Code civil l’exception d’inexé-
cution anticipée, qui existait dans les Principes d’Unidroit (art. 7.3.4), dans les
PDEC (art. 8 : 105) ainsi que dans certaines législations étrangères. L’article 1220
du Code civil énonce : « Une partie peut suspendre l’exécution de son obligation
dès lors qu’il est manifeste que son cocontractant ne s’exécutera pas à l’échéance
et que les conséquences de cette inexécution sont suffisamment graves pour elle.
Cette suspension doit être notifiée dans les meilleurs délais ».

2. Conditions de mise en œuvre


648. Justice privée. Moyen de justice privée, l’exception d’inexécution n’est
soumise à aucune condition de forme particulière. Il n’est pas besoin d’une auto-
risation judiciaire ni même de mettre en demeure le débiteur de s’exécuter. Il
suffit que l’excipiens (le contractant qui invoque l’exception d’inexécution) cesse
d’exécuter ses obligations.
La mise en œuvre de l’exception d’inexécution anticipée, en revanche, doit être
notifiée « dans les meilleurs délais » à l’autre partie (art. 1220 C. civ.).

1. Com., 16 juill. 1980, n° 78-15956, Bull. civ. IV, n° 297.


2. Civ. 3, 21 nov. 1973, n° 72-13222, Bull. civ. III, n° 593, « le preneur a l’obligation de payer le loyer aux
termes convenus, sans pouvoir se prévaloir, pour refuser le paiement des loyers échus, de l’inexécution
des travaux de réparation nécessaires ». Civ. 3, 7 juill. 1982, n° 81-11711, Bull. civ. III, n° 168.
3. Civ. 3, 21 nov. 1990, n° 89-16189, Bull. civ. III, n° 138, l’impossibilité d’user des lieux loués confor-
mément à la destination prévue au bail justifie le non-paiement des loyers ; Civ. 3, 15 déc. 1993,
n° 92-12324, Bull. civ. III, n° 168.

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II. Les effets de l’exception d’inexécution
649. Effet suspensif et temporaire. L’exception d’inexécution a pour effet de
suspendre le contrat de façon temporaire. Elle permet à l’excipiens de faire pression
sur l’autre partie, mais ne règle pas la difficulté de façon définitive. Aussitôt que
l’autre partie s’exécutera, l’excipiens devra lui aussi reprendre l’exécution du contrat.
L’excipiens se trouve donc dans une situation d’attente qui n’est guère confortable1.
Le contractant qui ne reçoit pas la prestation attendue peut donc souhaiter mettre
en œuvre la résolution, qui permettra d’anéantir le contrat (v. infra, n° 664 et s.).
650. Risques et périls. Le contractant qui met en œuvre l’exception d’inexécution
(l’excipiens) agit « à ses risques et périls »2. Cela signifie que le juge pourra contrôler
après coup le bien-fondé de l’exception d’inexécution. Si le juge estime que la
mise en œuvre de l’exception était injustifiée, l’excipiens aura lui-même manqué
à ses obligations et sera donc exposé aux sanctions applicables en cas de défaut
d’exécution3. Les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain pour apprécier
le caractère proportionné de l’exception d’inexécution4.

1. Com., 1er déc. 1992, n° 91-10930, Bull. civ. IV, n° 392 ; RTD civ. 1993, p. 578, obs. J. Mestre, dans
un contrat de concession exclusive le concédant qui invoque l’exception d’inexécution ne doit pas
installer un nouveau concessionnaire, car cela reviendrait à rendre impossible la reprise du contrat ; il
peut cependant prendre l’initiative de distribuer ses produits par une autre voie (par exemple, direc-
tement par ses propres salariés).
2. Sur cette règle, v. not. C. Atias, « Les “risques et périls” de l’exception d’inexécution », D. 2003, p. 1103.
3. Civ. 1, 18 juill. 1995, n° 93-16338, Bull. civ. I, n° 322 ; RTD civ. 1996, p. 395, obs. J. Mestre, l’excep-
tion d’inexécution mise en œuvre par la clinique n’étant pas proportionnée à l’inexécution par le
médecin de ses propres obligations, le contrat est résolu aux torts de la clinique.
4. Civ. 3, 15 déc. 1993, n° 92-12324, Bull. civ. III, n° 168 ; D. 1994, p. 462, note M. Storck.

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Chapitre 2

La réduction du prix

651. La réduction du prix d’un contrat en cas d’exécution imparfaite n’était admise,
avant l’ordonnance du 10 février 2016, que par quelques dispositions spéciales
(par ex. art. 1644 C. civ. ; art. L. 217-10 C. cons.). Dans la vente commerciale la
jurisprudence l’avait admise comme un « usage du commerce »1. L’ordonnance du
10 février 2016 a introduit la réduction du prix dans le droit commun des contrats,
à l’article 1223 du Code civil. Ce texte a été réécrit par la loi de ratification du
20 avril 20182.
Nous présenterons successivement les conditions (I) et les effets (II) de la réduction
du prix.

I. Les conditions de la réduction du prix


652. Conditions de fond. Suivant l’article 1223 du Code civil, la réduction du
prix est subordonnée à trois conditions :
Il faut d’abord que le créancier ait subi une « exécution imparfaite » de l’obliga-
tion (par exemple, des travaux de mauvaise qualité, une livraison incomplète). La
réduction du prix sera proportionnelle à l’imperfection de l’exécution.
Ensuite, il faut que le créancier accepte cette exécution imparfaite. Le Code civil
ne le dit pas expressément, mais il va de soi que la réduction du prix est une faculté
pour le créancier ; elle ne saurait lui être imposée par le débiteur.
Enfin, le créancier doit avoir mis en demeure le débiteur de s’exécuter. Le débiteur
se voit ainsi offrir une possibilité de remédier aux imperfections de son exécution.

1. Req., 23 mai 1900, DP 1901, 1, 129.


2. L. n° 2018-287 du 20 avril 2018 ratifiant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant
réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, préc.

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653. Conditions de mise en œuvre. La mise en œuvre de la réduction du prix
obéit à des règles différentes selon que le créancier a déjà payé ou non.
Si le créancier a déjà payé le prix de l’obligation imparfaitement exécutée, il doit, à
défaut d’accord du débiteur, recourir au juge pour obtenir une restitution partielle
(C. civ., art. 1223 al. 2).
Si le créancier n’a pas encore payé la totalité de la prestation imparfaitement exé-
cutée, il peut décider de conserver tout ou partie des sommes restant dues. Cette
décision doit être notifiée au débiteur « dans les meilleurs délais » (C. civ., art. 1223
al. 2). C’est alors au débiteur de saisir le juge s’il conteste la réduction du prix.

II. Les effets de la réduction du prix


654. Correction de l’exécution imparfaite. Si la réduction du prix n’est pas
contestée et que le prix réduit est payé, l’exécution imparfaite se trouve corrigée.
Pour le créancier de l’obligation imparfaitement exécutée, le choix de la réduction
du prix est exclusif de toute autre sanction (exécution forcée, résolution…).

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Chapitre 3

L’exécution forcée

656. L’exécution forcée est l’exécution d’une convention (ou d’un jugement)
imposée au débiteur. Elle s’oppose à l’exécution spontanée (ou volontaire).
L’exécution forcée permet de procurer au créancier la prestation promise. Le
législateur utilise l’expression « exécution forcée en nature » Mais cette expression
est redondante. En matière contractuelle toute exécution, qu’elle soit volontaire
ou forcée, s’effectue en nature. On parlera donc d’exécution forcée, sans plus de
précision.
656. On présentera le domaine (I) puis les modalités (II) de l’exécution forcée.

I. Le domaine de l’exécution forcée


657. Tracer le domaine de l’exécution forcée consiste à déterminer dans quels
cas le créancier pourra obtenir du juge la condamnation du débiteur à exécuter
sa prestation. Après avoir affirmé le principe du droit à l’exécution forcée (1) le
nouvel article 1221 du Code civil en fixe les limites (2).

1. Le principe
658. Droit à l’exécution forcée. Le droit du créancier d’imposer au débiteur
l’exécution de son obligation, au besoin par la force, est le prolongement naturel
du principe de la force obligatoire du contrat1. Tout créancier a en principe droit

1. V. en ce sens G. Viney, « exécution de l’obligation et réparation en nature en droit français », in


M. Fontaine et G. Viney (dir.), Les sanctions de l’inexécution des obligations contractuelles. Études de
droit comparé, Bruylant, LGDJ, 2001, p. 167 et s., spéc. no 16 ; P. Grosser, Les remèdes à l’inexécu-
tion du contrat : essai de classification, préf. J. Ghestin, thèse Paris I, 2000, no 542 et s. ; M. Fontaine,
« Les sanctions de l’inexécution des obligations contractuelles : synthèse et perspectives ». Contra cep. :
Y.-M. Laithier, « La prétendue primauté de l’exécution en nature », RDC 2005, p. 161, pour cet
auteur, la force obligatoire du contrat signifie simplement que les parties sont liées par une obligation,

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à l’exécution forcée1. Avant l’ordonnance du 10 février 2016, ce principe n’était
écarté qu’en cas d’impossibilité matérielle ou juridique. Le nouvel article 1221 du
Code civil issu de l’ordonnance reprend le principe du droit à l’exécution forcée
et les exceptions existantes, tout en introduisant une nouvelle exception qui est
d’importance.

2. Les exceptions
659. Impossibilité d’exécution. L’exécution forcée ne peut être ordonnée « si
cette exécution est impossible » (C. civ., art. 1221). Le législateur n’a pas défini
la notion d’impossibilité mais celle-ci correspond semble-t‑il aux deux exceptions
qui étaient admises autrefois par la jurisprudence2.
Il y a impossibilité d’exécution lorsque l’exécution se heurte à un obstacle maté-
riel, par exemple lorsque la chose que le vendeur était tenu de livrer n’est plus
fabriquée3.
Il y a également impossibilité lorsque l’exécution de l’obligation implique la
participation de la personne physique du débiteur. La force obligatoire du
contrat doit s’infléchir devant la liberté individuelle du débiteur. Par exemple,
on ne peut condamner sous astreinte un peintre à livrer un tableau qu’il juge
indigne de lui4.
660. Disproportion manifeste. Antérieurement à l’ordonnance du
10 février 2016, il n’existait aucune autre exception au droit à l’exécution forcée
que celles tenant à l’impossibilité d’exécution. La jurisprudence ne tenait aucun
compte d’une éventuelle « disproportion » entre « le coût » de l’exécution pour le
débiteur et « son intérêt » pour le créancier ; elle décidait sans faillir que « la partie
envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté peut forcer l’autre à l’exécution

sous la sanction du droit, mais sans que le type de sanction soit prédéterminé ; Y.-M. Laithier, Étude
comparative des sanctions de l’inexécution du contrat, préf. H. Muir Watt, LDGJ, 2004.
1. CPCE, art. L. 111-1 : « tout créancier peut, dans les conditions prévues par la loi, contraindre son
débiteur défaillant à exécuter ses obligations à son égard ».
2. V. Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, préc.,
Sous-Section 2 : « L’exécution forcée en nature », p. 17.
3. Com., 5 oct. 1993, n° 90-21146, Bull. civ. IV, n° 313.
4. Civ., 14 mars 1900, DP 1900, 1, p. 497, note M. Planiol.

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de la convention lorsqu’elle est possible1 ». Elle n’avait même, à notre connais-
sance, jamais décidé que le droit à l’exécution forcée fût susceptible d’abus2.
L’ordonnance du 10 février 2016 a opéré un changement important. Suivant le
nouvel article 1221 du Code civil, l’exécution forcée ne peut être obtenue s’il existe
une « disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur […] et son intérêt
pour le créancier ». Cette disposition marque un infléchissement du principe de
la force obligatoire du contrat au profit de l’analyse économique du droit3. Elle
pourrait ouvrir la voie à la théorie de la « rupture efficace du contrat » qui invite
les contractants à ne pas respecter leurs engagements lorsqu’ils peuvent obtenir
un plus grand profit ailleurs (v. supra, n° 84).
Cette règle introduite par l’ordonnance du 10 février 2016 n’a pas été remise en
cause par la loi de ratification du 20 avril 2018. Celle-ci a cependant précisé que
la disproportion manifeste entre le coût de l’exécution forcée et son intérêt pour le
débiteur ne peut être invoquée que par le débiteur de bonne foi. Il est bien difficile
de mesurer quelle sera la portée d’une telle modification.

1. V. Civ. 3, 11 mai 2005, n° 03-21136, Bull. civ. III, n° 103 ; RDC 2006 p. 323, obs. D. Mazeaud ;
RTD civ. 2005, p. 396, obs. J. Mestre et B. Fages, pour une insuffisance de 33 centimètres par rapport
aux prévisions contractuelles, les clients ont demandé la démolition et la reconstruction d’une maison
individuelle, ce que la Cour d’appel a refusé ; cassation, au visa de l’ancien art. 1184 C. civ. : « la partie
envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté peut forcer l’autre à l’exécution de la convention
lorsqu’elle est possible ». V ég. dans la même idée : Civ. 3, 17 janv. 1984, n° 82-15982 ; RTD civ. 1984,
p. 711, obs. J. Mestre, cassation d’une décision qui avait refusé de faire droit à la demande de mise en
conformité d’une piscine comportant trois marches au lieu de quatre.
2. V. sur ce point P. Grosser, « L’exécution forcée en nature », AJCA 2016, p. 119, spéc. note 34. J. Mestre,
« Réflexions sur l’abus du droit de recouvrer sa créance », Mélanges P. Raynaud, Dalloz-Sirey 1985,
p. 489.
3. V. en ce sens : H. Lécuyer, « L’inexécution du contrat », préc., spéc. n° 12 : « on peine à admettre
que l’intérêt pour le créancier d’obtenir ce qui n’est que l’exécution du contrat puisse ainsi être mis
en balance avec l’investissement pour le débiteur que le seul respect de ce contrat impose. Une fois
encore, la force obligatoire du contrat est atteinte. La légitimité de cette atteinte est discutable ». V. ég.
les critiques de T. Genicon, « Notions nouvelles et notions abandonnées, réflexion sur une révolu-
tion des mots », RDC 2015, p. 625 et s, spéc. n° 11 ; T. Génicon, « Contre l’introduction du “coût
manifestement déraisonnable” comme exception à l’exécution forcée en nature », Dr. et pat. 2014,
n° 240, p. 63 ; M. Mekki, « Les remèdes à l’inexécution dans le projet d’ordonnance portant réforme
du droit des obligations », Gaz. Pal. 2015, n° 120, p. 37 ; L. Leveneur, « Table ronde : faut-il avoir
confiance dans la réforme ? », RDC 2015, p. 664 ; M. Fabre-Magnan, n° 680 ; P. Malaurie, L. Aynès
et P. Stoffel-Munck, n° 880. Contra, en faveur de cette disposition nouvelle : Y.-M. Laithier, « Les
règles relatives à l’inexécution des obligations contractuelles », JCP 2015, supp. n° 21, p. 47, spéc.
n° 14 et s. ; D. Mazeaud, « Observations conclusives », RDC 2016, p. 53 et s., spéc. n° 15.

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II. Les modalités de l’exécution forcée
661. Les modalités de l’exécution forcée sont diverses. On peut distinguer les
procédés de contrainte directe (1) et les procédés de contrainte indirecte (2).

1. Contrainte directe
662. Procédés de contrainte directe. Les procédés de contrainte directe per-
mettent au créancier d’obtenir exactement ce qui lui était dû. La contrainte directe
est exclue lorsqu’elle impliquerait de faire violence à la personne du débiteur. On
ne saurait porter atteinte à la liberté individuelle pour les besoins de l’exécution
d’une obligation civile1.
S’agissant des obligations monétaires, l’exécution forcée directe reste toujours pos-
sible : du fait de la fongibilité de la monnaie, le créancier peut obtenir ce qui lui
était dû en recourant à la saisie et la vente des biens du débiteur dans les conditions
prévues par le Code des procédures civiles d’exécution.
En dehors des obligations monétaires, la contrainte directe n’est admise que dans
les conditions prévues à l’article 1222 du Code civil. S’il s’agit d’une obligation de
faire, le créancier a la possibilité de la faire exécuter par un tiers aux frais du débiteur
défaillant. S’il s’agit d’une obligation de ne pas faire, le créancier peut demander la
destruction, aux frais du débiteur, de ce qui a été fait en violation de l’obligation.
Par exemple, un créancier peut demander la destruction de constructions faites en
violation d’une servitude ou d’une obligation contractuelle2, ou la fermeture d’un
fonds de commerce ouvert en violation d’une obligation de non-concurrence3.

2. Contrainte indirecte
663. L’astreinte. L’astreinte est une mesure de contrainte par laquelle un juge
condamne un débiteur récalcitrant à exécuter ses obligations sous peine de devoir
verser telle somme d’argent par jour de retard (CPCE, art. L. 131-1 et s.). C’est
un moyen de contrainte indirecte, mais très efficace. Suivant la formule de
Carbonnier, « on frappe le portefeuille, mais pour ébranler la volonté4 ».

1. La « prison pour dette » a été abolie en 1867.


2. Civ. 1, 14 oct. 1964, D. 1964, p. 710 ; JCP 1965, II, 14189, note R. D. ; Civ. 3, 30 sept. 1998,
n° 96-19771, Bull. civ. III, n° 185 ; D. 1999, p. 374, note F. Kendérian, censurant une cour d’appel qui
avait refusé d’ordonner la destruction d’une construction édifiée en violation d’une règle d’urbanisme.
3. Soc., 24 janv. 1979, n° 77-41536, Bull. civ. V, n° 67 ; D. 1979, p. 619, note Y. Serra ; Com.,
20 janv. 1981, n° 79-16521, Bull. civ. IV, n° 41.
4. J. Carbonnier, n° 373.

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Chapitre 4

La résolution pour inexécution

664. La résolution pour inexécution consiste dans l’anéantissement d’un contrat


en raison de son inexécution par l’une des parties. La résolution pour inexécution
trouve son domaine d’élection dans les contrats synallagmatiques. Cependant,
on trouve dans les contrats unilatéraux des mécanismes participant de la même
logique que la résolution pour inexécution, parfois désignés sous un autre nom ;
par exemple, on parle de révocation pour inexécution des charges dans la donation.
Par exception, le mécanisme de la résolution est écarté dans certains contrats ; par
exemple, le contrat de travail, ou le contrat de rente viagère (art. 1978 C. civ.).
Le Code civil consacre à la résolution une Sous-Section 4 comportant sept articles
(art. 1224 à 1230). Ces dispositions présentent les différents modes de résolution
(I) et les effets de la résolution (II).

I. Les modes de résolution


665. Déjudiciarisation de la résolution. Le Code civil de 1804 réservait au juge
le pouvoir de prononcer la résolution1 (ancien art. 1184 C. civ.). Le juge saisi
d’une demande de résolution avait la maîtrise de la sanction ; il pouvait en fonction
des circonstances opter pour des mesures différentes, du maintien du contrat à la
résolution pure et simple en passant par l’allocation de dommages et intérêts. Le
principe de la résolution judiciaire était tempéré par diverses exceptions qui lui
conféraient une certaine souplesse sans pour autant le priver de ses avantages. Des
dispositions spéciales permettaient à un contractant de procéder à la résolution
unilatérale (par ex. art. 1657 C. civ. ; art. L. 113-3 C. ass.). La jurisprudence avait

1. Sur le principe de la résolution judiciaire, v. not. : T. Génicon, La résolution du contrat pour inexécution,
LGDJ, 2007 ; C. Jamin, « Les sanctions unilatérales de l’inexécution du contrat : trois idéologies en
concurrence », in C. Jamin et D. Mazeaud (dir.) L’unilatéralisme et le droit des obligations, Economica,
1999, p. 71.

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admis depuis fort longtemps la validité des clauses résolutoires1 (v. infra, n° 667) et
elle décidait que l’urgence pouvait justifier la résolution unilatérale2. Plus récem-
ment, par des arrêts de principe du 13 octobre 1998 et du 20 février 2001, la
Cour de cassation avait affirmé que « la gravité du comportement d’une partie
peut justifier que l’autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et
périls3 ». Admise seulement pour sanctionner un comportement d’une particulière
gravité4, cette faculté de rupture unilatérale ne remettait pas en cause le principe
de la résolution judiciaire5.
L’ordonnance du 10 février 2016 a abandonné le principe de la résolution
judiciaire, semble-t‑il dans une perspective d’efficacité économique6. Le nouvel
article 1224 du Code civil énonce : « La résolution résulte soit de l’application
d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une noti-
fication du créancier au débiteur ou d’une décision de justice »7. La résolution
unilatérale et la résolution judiciaire sont désormais sur le même plan, étant toutes
deux soumises à une même condition de gravité suffisante.

1. Civ., 2 juill. 1860, DP 1860, 1, 284.


2. Trib. Civ. Seine, 31 juill. 1897, S. 1898, 2, 85, expulsion d’un spectateur qui trouble une représen-
tation. Paris, 14 oct. 1982, D. 1983, IR p. 494, note J. Penneau, une clinique peut interdire à un
médecin d’exercer auprès des patients s’il menace leur sécurité en raison de son état d’ébriété. V. ég.
Soc., 22 oct. 1991, D. 1991, p. 189, note J.-P. Karaquillo,
3. Civ. 1, 13 octobre 1998, n° 92-21485, Bull. civ. I, n° 300 ; GA, n° 180 ; D. 1999, p. 197, note
C. Jamin ; D. 1999, somm. p. 115, obs. P. Delebecque ; JCP 1999, II, 10133, note N. Rzepecki ;
Def., 1999, p. 374, obs. D. Mazeaud ; Civ. 1, 20 févr. 2001, Bull. civ. I, n° 40 ; D. 2001, p. 1568,
note C. Jamin ; D. 2001, somm. p. 3239, obs. D. Mazeaud ; Def., 2001, p. 705, obs. É. Savaux ;
RTD civ. 2001, p. 363, obs. J. Mestre et B. Fages ; Civ. 1, 28 oct. 2003, n° 01-03662, Bull. civ. I,
n° 211 ; JCP 2004, II, 10108, note C. Lachièze ; Cont. Conc. Cons. 2004, comm. n° 4, obs L. Leveneur ;
Def., 2004, p. 378, obs. R. Libchaber ; p. 381, obs. J.-L. Aubert ; RTD civ. 2004, p. 89, obs. J. Mestre
et B. Fages ; RDC 2004, p. 273, obs. L. Aynès, p. 277, obs. D. Mazeaud. La chambre commerciale
s’était prononcée dans le même sens : Com., 1er févr. 2009, n° 08-12415, Cont. Conc. Cons. 2009,
n° 123, obs. L. Leveneur ; RTD civ. 2009, p. 318, obs. B. Fages.
4. Sur la nécessité de caractériser la gravité du comportement, v. Civ. 1, 28 oct. 2003, préc.
5. V. not. : C. Lachièze, obs. préc., JCP 2004, II, 10108 ; L. Leveneur, obs. préc., Cont. Conc. Cons. 2004,
comm. n° 4.
6. V. Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, préc.,
p. 17 et s. : indiquant que cette évolution s’inscrit « dans une perspective d’efficacité économique du
droit ».
7. Sur ce texte, v. not. P.-Y. Gautier, « La hiérarchie inversée des modes de résolution du contrat »,
Dr. et pat. 2014, n° 240, p. 70. V. ég. Y.-M. Laithier, « Les sanctions de l’inexécution du contrat »,
RDC 2016, p. 39, l’auteur relève que la réforme a fait descendre la résolution judiciaire de son
« piédestal textuel ».

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666. Plan. Suivant l’ordre de présentation donné par le Code civil, on examinera
successivement la résolution par l’effet d’une clause résolutoire (1) puis la résolu-
tion unilatérale par notification (2) et enfin la résolution judiciaire (3).

1. La résolution par l’effet d’une clause résolutoire


667. Notion. La clause résolutoire est celle qui prévoit qu’en cas d’inexécution
de telle ou telle obligation, le contrat sera résolu de plein droit1. L’ordonnance
du 10 février 2016 a consacré les solutions qui avaient été dégagées par la juris-
prudence, tant en ce qui concerne la formulation (A) que la mise en œuvre (B)
des clauses résolutoires.

A. Formulation de la clause résolutoire


668. Droit commun. Selon l’article 1225 du Code civil « la clause résolutoire
précise les engagements dont l’inexécution entraînera la résolution du contrat ».
La portée de cette disposition est incertaine. Elle interdit certainement, comme le
décidait la jurisprudence antérieure2, de mettre en œuvre la clause pour sanctionner
le manquement à une obligation qu’elle ne vise pas expressément. Mais on peut se
demander si elle n’interdit pas également les clauses résolutoires rédigées de façon
générale (dénommées « clauses résolutoires balais »), qui prévoient de s’appliquer
dans tous les cas d’inexécution.
Avant l’ordonnance du 10 février 2016, les clauses résolutoires étaient dérogatoires
au regard du principe de la résolution judiciaire, ce qui justifiait qu’elles soient
interprétées de façon stricte par la jurisprudence. Ainsi une clause prévoyant que
« le contrat sera résolu en cas d’inexécution » mais sans préciser « de plein droit »
était interprétée comme un simple rappel de la possibilité accordée à tout contrac-
tant de demander la résolution judiciaire3. L’ordonnance du 10 février 2016 ayant
abandonné le principe de la résolution judiciaire, il n’est pas certain que la juris-
prudence maintienne son interprétation stricte des clauses résolutoires.

1. C. Paulin, La clause résolutoire, LGDJ, 1996.


2. Civ. 3, 24 mai 2000, n° 98-18049, Bull. civ. III, n° 110, la clause résolutoire visant le défaut de paie-
ment des loyers et de ses accessoires ne s’applique pas au défaut de paiement du coût d’un commande-
ment de payer. V. déjà en ce sens : Civ. 1, 16 déc. 1986, n° 85-10838, Bull. civ. I, n° 305 : les juges du
fond, qui relèvent qu’une partie a bien rempli l’obligation dont l’inexécution pouvait seule entraîner
le jeu de la clause résolutoire, ne peuvent constater la résolution de plein droit aux torts de cette partie
en constatant contre elle un autre manquement contractuel.
3. Civ. 3, 12 oct. 1994, n° 92-13211, Bull. civ. III, n° 178 ; Civ. 3, 24 févr. 1999, n° 99-22664,
Bull. civ. III, n° 54.

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669. Droits spéciaux. Les clauses résolutoires sont très efficaces mais aussi
très dangereuses car elles peuvent conduire à une sanction disproportionnée.
C’est pourquoi elles sont prohibées dans certains contrats (par ex. le bail rural,
art L. 411-31 C. rur.) ou bien restreintes à certaines causes (art. 4 g L. 6 juill. 1989 :
paiement du loyer et des charges, souscription d’une assurance), ou bien encore
fortement encadrées (par exemple, dans le bail commercial, l’article L. 145-41 du
Code de commerce prévoyant que « Toute clause insérée dans le bail prévoyant
la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement
demeuré infructueux »).

B. Mise en œuvre de la clause résolutoire


670. Inexécution. À la différence de la résolution unilatérale par notification ou
de la résolution judiciaire, la résolution par l’effet d’une clause résolutoire n’est
nullement subordonnée à l’exigence d’une « inexécution suffisamment grave ».
Il faut et il suffit qu’une obligation visée par la clause n’ait pas été exécutée à
l’échéance. Dès lors que le manquement est établi, le juge ne peut que constater
la résolution ; il ne lui appartient pas d’apprécier si la résolution est proportionnée
à la gravité du manquement invoqué1.
671. Conditions de forme. Conformément à la jurisprudence antérieure2, l’ar-
ticle 1225 du Code civil prévoit que la résolution est subordonnée à une mise
en demeure infructueuse. La mise en demeure doit mentionner expressément la
clause résolutoire. Cette disposition n’est pas impérative. Les parties peuvent y
déroger en prévoyant que la résolution résultera « du seul fait de l’inexécution ».
En sens inverse, les parties peuvent renforcer les conditions de mise en œuvre de
la clause résolutoire, en exigeant un formalisme (lettre recommandée…) ou un
délai de préavis.
672. Exigence de bonne foi. Prenant appui sur l’exigence de bonne foi (C. civ.,
art. 1104, ancien art. 1134 al. 3), la Cour de cassation reconnaît aux juges du fond
le pouvoir de neutraliser les effets de la clause en cas de mauvaise foi du créancier :
« une clause résolutoire n’est pas acquise, si elle a été mise en œuvre de mauvaise

1. V. par ex : Civ. 3, 5 févr. 1992, n° 90-13153, Bull. civ. III, n° 83, RTD civ. 1992, p. 763, obs. J. Mestre,
le juge n’a pas à « rechercher si la sanction est proportionnée ou non à la gravité du manquement
invoqué ».
2. Civ. 1, 3 févr. 2004, n° 01-02020, Bull. civ. I, n° 27 ; JCP 2004, II, 10149, note E. Treppoz ;
Cont. Conc. Cons. 2004, n° 55, obs. L. Leveneur ; Civ. 3, 23 mars 2017, n° 16-13060, Bull. civ. (à
paraître) ; D 2017, p. 760 ; Cont. Conc. Cons. 2017, n° 117, obs. L. Leveneur.

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foi par le créancier1 ». La mauvaise foi peut être caractérisée par un brusque chan-
gement d’attitude du créancier2, ou par un comportement du créancier ayant
pour effet de placer le débiteur en situation d’inexécution3. Dans la même idée,
la jurisprudence décide que la clause résolutoire est neutralisée si le contractant
qui l’invoque a lui-même manqué à ses obligations4.
Si la mauvaise foi du créancier peut conduire à neutraliser les effets de la clause,
en revanche la bonne foi du débiteur est sans incidence5.

2. La résolution unilatérale par notification


673. La résolution unilatérale qui n’était admise auparavant qu’à titre exceptionnel
est désormais placée sur le même plan que la résolution judiciaire (art. 1224 C. civ.).
On présentera les conditions (A) puis le contrôle judiciaire (A) de la résolution
unilatérale.

A. Conditions
674. « Inexécution suffisamment grave ». La résolution unilatérale par notifi-
cation requiert une « inexécution suffisamment grave » (art. 1224 C. civ.). Cette
condition est la même que celle qui est requise pour la résolution judiciaire (v. infra,
n° 680). Le texte ne précise pas comment apprécier le degré de gravité suffisant
pour justifier la résolution. On trouve dans les Principes du droit européen du
contrat6 un critère pertinent d’appréciation : l’inexécution est suffisamment grave

1. Civ. 1, 31 janv. 1995, n° 92-20654, Bull. civ. I, n° 57 ; D. 1995, p. 389, note C. Jamin.
2. Civ. 1, 31 janv. 1995, n° 92-20654, préc. (clause résolutoire contenue dans un contrat de prêt) ; Civ. 3,
8 avr. 1987, n° 85-17596, Bull. civ. III, n° 88, Def., 1988, p. 75, obs. J.-L. Aubert ; RTD civ. 1988,
p. 122, obs, J. Mestre et p. 146, obs. P. Rémy ; JCP 1988, II, 21037, note Y. Picod, est de mauvaise
foi le crédirentier qui, après avoir toléré pendant plusieurs années le non-paiement des arrérages, a
brusquement changé d’attitude et s’est prévalu de la clause ; Civ. 1, 16 févr. 1999, Bull. civ. I, n° 52
(clause contenue dans un contrat de vente avec rente viagère) ; Civ. 3, 10 nov. 2010, n° 09-15937,
Bull. civ. III, n° 199 (clause résolutoire contenue dans un bail commercial).
3. Civ. 1, 5 juin 1991, n° 89-21166, Bull. civ. III, n° 163, est de mauvaise foi le bailleur qui ne laisse pas
au locataire un délai suffisant au regard de l’ampleur des travaux à accomplir.
4. Com., 14 déc. 1993, n° 92-11702, Bull. civ. IV, n° 476 ; Civ. 3, 27 mai 1987, Bull. civ. III, n° 108.
5. Civ. 3, 24 sept. 2003, n° 02-12474, Bull. civ. III, n° 161 ; RDC 2004, p. 644, obs. crit. D. Mazeaud ;
RTD civ. 2003, p. 707, obs. J. Mestre et B. Fages, « en cas d’inexécution de son engagement par
le débiteur sa bonne foi est sans incidence sur l’acquisition de la clause résolutoire ». V. ég. Civ. 3,
10 mars 1993, n° 91-12031, D. 1993, p. 357, note P. Bihr ; Cont. Conc. Cons. 1993, n° 149, obs.
L. Leveneur ; RTD civ. 1994, p. 100, obs. J. Mestre.
6. V. Principes du droit européen des contrats (PDEC), dir. O. Lando, version française par G. Rouhette
et alii, SLC 2003.

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pour justifier la résolution lorsqu’elle « prive substantiellement le créancier de ce
qu’il était en droit d’attendre du contrat »1.
L’inexécution doit être avérée ; la résolution ne peut être mise en œuvre pour un
simple risque d’inexécution.
675. Mise en demeure. Le créancier qui souhaite mettre en œuvre la faculté
de résolution unilatérale doit, sauf en cas d’urgence, préalablement « mettre en
demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai rai-
sonnable » (art. 1226 al. 1er). La mise en demeure doit mentionner expressément
que, à défaut d’exécution, « le créancier sera en droit de résoudre le contrat »
(art. 1226 al. 2).
676. Notification. Faute d’exécution par le débiteur dans le délai raisonnable
prévu par la mise en demeure, le créancier est en droit de lui notifier la résolution
du contrat. La notification doit exposer les raisons qui motivent la résolution
(art. 1226 al. 3).
677. Résolution unilatérale et clause résolutoire. Le Code civil ne règle pas la
question de l’articulation entre la résolution unilatérale et la clause résolutoire.
Avant l’ordonnance du 10 février 2016, la jurisprudence décidait que la résolution
unilatérale peut être mise en œuvre même dans l’hypothèse où le contrat contient
une clause résolutoire, et sans qu’il soit besoin de respecter les modalités prévues
par celle-ci (par exemple, une clause prévoyant que la résolution ne pourra être
opérée qu’« après l’envoi de trois lettres recommandées justifiant les motifs de la
rupture2 »). Dans le silence des textes cette jurisprudence devrait se maintenir.

B. Contrôle judiciaire
678. « Risques et périls ». L’article 1226 du Code civil indique que la résolution
unilatérale par notification s’opère « aux risques et périls » du créancier. Cette
formule, reprise de la jurisprudence3, signifie que le débiteur peut saisir le juge
pour contester la résolution. Il appartient alors au créancier de prouver la gravité
de l’inexécution.

1. PDEC, art. 8 : 103. On trouve le même critère dans la Convention de Vienne sur la vente internatio-
nale, art. 25.
2. Com., 10 févr. 2009, n° 08-12415 ; Cont. Conc. Cons. 2009, n° 123, obs. crit. L. Leveneur ; RDC 2010,
p. 44, obs. crit. T. Génicon. V. ég. Com., 20 oct. 2015, n° 14-20416, Cont. Conc. Cons. 2016, n° 3,
obs. L. Leveneur. V. D. Bakouche, « L’articulation des résolutions unilatérale et conventionnelle »,
JCP 2014, 414.
3. V. not. Civ. 1, 13 octobre 1998, n° 96-21485, Bull. civ. I, n° 300, préc.

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679. Pouvoirs du juge. Si le juge estime, après coup, que la résolution n’était
pas justifiée, il peut condamner l’auteur de la résolution à des dommages et inté-
rêts. Peut-il également écarter la résolution unilatérale injustifiée et ordonner le
maintien ou la reprise du contrat ? Le principe de la force obligatoire du contrat
devrait logiquement permettre une telle sanction mais, dans les faits, ce ne sera
pas toujours possible1.
Le plus souvent, la sanction d’une résolution infondée consistera seulement en
des dommages et intérêts. Cette solution n’est certes pas satisfaisante au regard de
l’exigence morale du respect de la parole donnée, mais elle est conforme à la logique
de la résolution unilatérale qui repose sur des considérations d’ordre économique
(sur l’analyse économique du droit, v. supra, n° 84 et s.).

3. La résolution judiciaire
680. Conditions. L’article 1227 du Code civil prévoit que « la résolution peut,
en toute hypothèse, être demandée en justice ». Cette disposition signifie que le
créancier peut saisir le juge pour solliciter la résolution du contrat même si une
clause résolutoire a été prévue ou si une procédure de résolution par notification
a été engagée. En revanche, cette disposition ne remet pas en cause la validité de
principe des clauses de renonciation à la résolution judiciaire2 : ces clauses sont
valables tant qu’elles ne portent pas atteinte à la substance du droit ni au droit
d’agir en justice3.
Comme la résolution unilatérale, la résolution judiciaire suppose une « inexécution
suffisamment grave » (C. civ., art. 1224). La mise en demeure préalable du débiteur
n’est pas nécessaire : la saisine du juge suffit à avertir le débiteur défaillant.
L’article 1226, al. 4, du Code civil règle la question de la charge de la preuve, en
reprenant les solutions admises par la jurisprudence. C’est au débiteur de l’obli-
gation de prouver l’exécution ; une fois cette preuve rapportée, c’est au créancier
de prouver que l’exécution est défectueuse.
681. Pouvoirs du juge. Le juge saisi d’une demande de résolution dispose de
larges pouvoirs. Selon l’article 1228, qui synthétise les solutions de la jurisprudence
antérieure, le juge peut « selon les circonstances » :

1. En ce sens : P. Grosser, Pet. Aff. 4 sept. 2015, n° 77, p. 78 et s.


2. Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, préc.,
Sous-Section IV, Résolution, p. 18.
3. Civ. 3, 3 nov. 2011, n° 10-26203, Bull. civ. III, n° 178.

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–– prononcer la résolution du contrat ;
–– ordonner l’exécution du contrat en accordant éventuellement un délai au
débiteur ;
–– condamner le débiteur à des dommages et intérêts.
Le juge apprécie souverainement quelle est la sanction la plus appropriée 1.
Cependant, certaines sanctions sont incompatibles entre elles. Par exemple le juge
ne peut résoudre le contrat tout en condamnant le débiteur à l’exécution forcée de
l’obligation, ces deux sanctions étant exclusives l’une de l’autre2.
Pour choisir la mesure qui lui paraît la plus appropriée, le juge tient compte
d’éléments objectifs (notamment les termes de la convention et la gravité des man-
quements reprochés) et d’éléments subjectifs (notamment la bonne ou la mauvaise
foi des parties et l’état de leurs relations). Il faut insister sur l’importance du rôle du
juge dans le système de la résolution judiciaire. Intervenant avant que la rupture
ait été consommée, le juge peut tenter de « sauver le contrat ». En général, le juge
ne prononce la résolution que s’il lui semble que le demandeur est définitivement
privé de ce qu’il était légitimement en droit d’attendre du contrat. La résolution fait
ainsi figure de remède ultime. L’importance du pouvoir d’appréciation reconnu
aux juges explique que le juge des référés ne soit pas compétent pour statuer sur
la résolution judiciaire.
Enfin, si la résolution est prononcée, elle procède du jugement de résolution qui
est constitutif. Le juge dispose de larges pouvoirs pour fixer la prise d’effet de la
résolution (v. infra, n° 683).

II. Les effets de la résolution


682. Les effets de la résolution ont été considérablement simplifiés par la réforme
du droit des contrats. On envisagera successivement le sort du contrat (1) puis le
sort des prestations qui ont été échangées (2).

1. V. not. Civ. 1, 15 juill. 1999, n° 97-16001, Bull. civ. I, n° 245.


2. Civ. 1, 6 févr. 1979, n° 77-14844, Bull. civ. I, n° 46 : « en condamnant Kahia à verser à de Saint-Robert
non pas des dommages-intérêts, mais la somme de 5 000 francs en exécution d’un contrat dont elle
avait prononcé la résolution, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».

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1. Le sort du contrat
683. Disparition non rétroactive. Auparavant, en application de l’ancien
article 1183 du Code civil, la résolution avait pour effet d’anéantir rétroactive-
ment le contrat. Cette règle était critiquée ; son fondement était incertain et ses
conséquences inopportunes1. Désormais le contrat disparaît en principe sans effet
rétroactif. L’article 1229 alinéa 2 du Code civil indique à quel moment le contrat
disparaît :
–– en cas de mise en œuvre d’une clause résolutoire, la résolution opère « à la
date prévue par les parties » ; si les parties n’ont rien prévu, la résolution
intervient par l’effet de la mise en demeure infructueuse ;
–– en cas de résolution unilatérale par notification, la résolution intervient à
la date de la réception par le débiteur de la notification ;
–– en cas de résolution judiciaire, la résolution opère à la date fixée par le juge
ou à défaut au jour de l’assignation en justice. Le juge a le pouvoir de faire
remonter les effets de la résolution à une date antérieure à l’assignation.
684. Efficacité des clauses contractuelles. La résolution ne produisant pas d’effet
rétroactif, les clauses qui sont destinées à régir la fin du contrat peuvent s’appliquer ;
par exemple la clause pénale, la clause limitative de responsabilité ou encore les
clauses de confidentialité et de non-concurrence (art. 1230 C. civ.). Auparavant,
compte tenu de l’effet rétroactif de la résolution, ces clauses étaient en principe
anéanties.

2. Le sort des prestations échangées


685. Utilité ou non de l’exécution passée. Lorsque le contrat a fait l’objet d’un
commencement d’exécution au jour où la résolution prend effet, il convient de
déterminer quel est le sort des prestations qui ont été échangées. La distinction
entre les contrats à exécution instantanée et les contrats à exécution successive
n’est plus prise en compte. Le nouvel article 1129, alinéa 3, du Code civil pose

1. L’effet rétroactif de la résolution était semble-t‑il la conséquence d’une erreur de présentation du


Code civil qui rattachait cette technique à la notion de condition résolutoire, laquelle possède un effet
rétroactif. Sur les origines historiques de ce rattachement contestable, v. not. J. Ghestin et M. Billiau,
Les effets du contrat, LGDJ, 3e éd. 2001, n° 430. V. ég. T. Génicon, La résolution du contrat pour
inexécution, préf. L. Leveneur, LGDJ, 2007, n° 700 et s.

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un critère pragmatique : il faut distinguer selon que l’exécution passée a été utile
ou non1.
Lorsque « les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de
l’exécution réciproque du contrat », il n’y a pas lieu à restitution. Par exemple, la
résolution d’un bail pour non-paiement du loyer n’implique aucune restitution
pour la période où le loyer a été payé. L’article 1229 alinéa 3 prévoit que « dans
ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation ».
En revanche, lorsque « les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité
que par l’exécution complète du contrat », il y a lieu à restitution. Par exemple la
résolution de la vente d’une encyclopédie en plusieurs volumes, en raison d’une
livraison incomplète, donne lieu à restitution : l’encyclopédie incomplète n’a
aucune utilité.

1. Cette distinction avait été suggérée par T. Génicon, La résolution du contrat pour inexécution, préc.,
n° 855 et s.

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Chapitre 5

La responsabilité contractuelle

686. Définition. De manière générale, la responsabilité civile désigne l’obligation


de réparer le dommage causé à autrui1. La responsabilité contractuelle est celle qui
s’applique lorsque le dommage a été causé par l’inexécution ou la mauvaise exé-
cution d’un contrat. Elle se distingue de la responsabilité délictuelle qui concerne
les dommages extérieurs à un contrat. Ces deux variétés de responsabilité se res-
semblent beaucoup au point que la question de leur unification est souvent posée2.
Mais si cette unification est déjà opérée dans des domaines particuliers par des lois
récentes (notamment en matière d’accident de la circulation, ou en matière de
produits défectueux), elle n’est pas admise de façon générale. En droit commun
chaque régime de responsabilité a son domaine propre : c’est le principe dit du
non-cumul (plus exactement du non-choix) qui signifie que dans les rapports
entre contractants seul est applicable le régime de la responsabilité contractuelle
à l’exclusion du régime de la responsabilité délictuelle3.
La responsabilité contractuelle, qui a pour objet la réparation du dommage causé
par l’inexécution, se distingue de l’exécution forcée qui tend à procurer au créancier
ce à quoi il a droit (v. supra, n° 656 et s.) . Les deux sanctions ne sont pas incom-
patibles, l’exécution forcée pouvant être accompagnée de dommages et intérêts
visant à réparer les dommages causés par le retard dans l’exécution.
On présentera les conditions (I) et la mise en œuvre (II) de la responsabilité
contractuelle.

1. Les règles relatives à la responsabilité contractuelle devraient être modifiées à l’occasion de la réforme
prochaine du droit de la responsabilité.
2. Pour une critique du concept de responsabilité contractuelle : v. not. D. Tallon, « Pourquoi parler de
faute contractuelle ? » Écrits en l’honneur de G. Cornu, PUF 1994, p. 429 s. ; « L’inexécution du contrat :
pour une autre présentation », RTD civ. 1994, p. 223 ; P. Rémy, « Critique du système français de
responsabilité civile », Droit et culture, 1996, p. 31 ; P. Rémy, « La « responsabilité contractuelle » :
histoire d’un faux concept », RTD civ. 1997, p. 323 ; P. Le Tourneau, Droit de la responsabilité et des
contrats, Dalloz, 10e éd. 2014, n° 802 s.
3. Civ., 11 janv. 1922, DP 1922, 1, 16, ; S. 1924, 1, p. 105, note R. Demogue ; GA, t. 2, n° 182.

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I. Les conditions de la responsabilité contractuelle
687. La responsabilité contractuelle suppose un manquement contractuel (1),
un préjudice (2) et un lien de causalité entre le manquement contractuel et le
préjudice (3).

1. Le manquement contractuel
688. Preuve du manquement : distinction des obligations de moyens et de
résultat. En cas d’inexécution du contrat, la question de la preuve est essentielle :
le créancier peut-il se contenter de démontrer qu’il n’a pas obtenu la presta-
tion attendue ? Ou bien doit-il en outre établir une faute du débiteur ? À cette
question, le Code civil de 1804 répondait par deux textes contradictoires (les
articles 1137 et 1147, aujourd’hui supprimés). La contradiction a été résolue par
René Demogue qui a proposé une distinction entre deux catégories d’obligations
différentes : les obligations de moyens et les obligations de résultat.
689. Obligation de moyens. L’obligation est dite de moyens lorsque le débiteur
promet de mettre en œuvre tous les moyens pour accomplir sa mission mais sans
promettre le succès. Par exemple, l’avocat s’engage à faire tout son possible pour
gagner le procès mais il ne promet pas de le gagner ; le médecin s’engage à mettre
en œuvre tous les moyens dont il dispose pour guérir le patient mais il ne garantit
pas la guérison.
Le débiteur n’ayant pas promis le résultat espéré, sa responsabilité ne peut être
engagée du seul fait que le résultat n’a pas été obtenu1. Le créancier doit prouver
que le débiteur a commis une faute, c’est-à‑dire qu’il n’a pas mis en œuvre tous les
moyens dont il disposait pour parvenir au résultat espéré2. Le comportement du
débiteur est apprécié in abstracto, par référence à un modèle abstrait. Le débiteur
est fautif s’il n’a pas eu le comportement attendu d’une personne raisonnable
disposant des mêmes qualifications et placée dans la même situation.
L’obligation est dite de moyens renforcée lorsque le débiteur supporte une pré-
somption simple de faute qui peut être renversée par la preuve de l’absence de faute.

1. V. par ex. Civ. 1, 12 déc. 1995, n° 93-19437, Bull. civ. I, n° 461, « la faute ne peut se déduire de la
seule absence de réussite de l’acte médical ».
2. Par ex. Civ. 1, 13 oct. 1999, n° 97-21451, JCP 2000, II, 10270, note A. Dorsner-Doliver, à l’occasion
d’une biopsie hépatique le médecin « avait commis une erreur de trajet constitutive d’une maladresse »
de nature à engager sa responsabilité.

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690. Obligation de résultat. L’obligation est dite de résultat lorsque le débiteur
s’engage à fournir un résultat déterminé. Le simple fait qu’il ne parvienne pas à
fournir le résultat promis suffit à établir sa faute et à engager sa responsabilité1.
Le débiteur ne peut s’exonérer qu’en démontrant que l’exécution a été rendue
impossible par un cas de force majeure (art. 1231-1 C. civ.).
L’obligation est dite de garantie lorsque le débiteur ne peut s’exonérer même
lorsque l’inexécution est due à une cause étrangère2.
691. Critère de la distinction. Comment déterminer si une obligation est de
moyens ou de résultat ?
La loi prévoit parfois la nature de l’obligation. Par exemple l’article L. 211-16
du Code du tourisme prévoit que l’agent de voyages est responsable « de plein
droit » de l’exécution des prestations comprises dans un « forfait touristique » : cette
expression désigne une obligation de résultat3.
Il faut tenir compte aussi de la volonté des parties qui ont pu prévoir l’intensité
de l’engagement du débiteur.
Dans le silence de la loi et du contrat, il revient au juge de déterminer si l’obligation
est de moyens ou de résultat. Le critère principal est celui de l’aléa : l’obligation
est de moyens si l’exécution est tributaire d’un aléa ; elle est de résultat dans le
cas contraire.
La distinction des obligations de moyens et de résultat n’a pas été retenue par
l’ordonnance du 10 février 2016 et elle ne figure pas non plus dans le projet de
réforme du droit de la responsabilité de mars 2017. Elle conserve cependant toute
son utilité.

2. Le préjudice
692. Nécessité d’un préjudice. La responsabilité contractuelle, ayant pour objet la
réparation du préjudice né de l’inexécution, suppose que soit rapportée la preuve
du préjudice. Le créancier qui demande réparation doit établir le principe et le

1. Par ex., s’agissant d’un garagiste : Civ. 1, 8 déc. 1998, n° 91-11848, Bull. civ. I, n° 343.
2. Com., 8 mars 2012, n° 10-25913 ; Bull. civ. I, n° 51 ; D. 2012, p. 1304, note C. Lachièze ;
Cont. Conc. Cons. 2012, n° 145, note L. Leveneur, l’obligation de prise en charge et d’assistance des
voyageurs incombant à l’agence de voyages (L. 211-15 C. tourisme) est une obligation de garantie ;
l’agent de voyages ne peut s’exonérer, même en rapportant la preuve d’un cas de force majeure (éruption
volcanique).
3. Sur cette disposition, v. C. Lachièze, Droit du tourisme, LexisNexis, 2e éd. 2020, n° 338 et s.

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montant de son préjudice. L’absence de préjudice exclut toute responsabilité civile
du débiteur1.
693. Caractères du préjudice réparable. Le préjudice doit être certain et légi-
time, comme en matière de responsabilité extracontractuelle. Il doit en outre
être prévisible (art. 1231-3 C. civ, ancien art. 1150). C’est là une particularité
de la responsabilité contractuelle, qui s’explique par l’idée que, en s’engageant, le
débiteur devait pouvoir prévoir les conséquences de son éventuelle défaillance2.
Toutefois cette limite est écartée en cas de faute dolosive ou de faute lourde
(art. 1231-3 C. civ.).

3. Le lien de causalité
694. Nécessité du lien de causalité. L’exigence d’un lien de causalité entre le
manquement contractuel et le préjudice est une condition générale de la responsa-
bilité civile qui s’impose même en cas de faute lourde ou de dol, comme l’indique
l’article 1231-4 du Code civil : « Dans le cas même où l’inexécution du contrat
résulte d’une faute lourde ou dolosive, les dommages et intérêts ne comprennent
que ce qui est une suite immédiate et directe de l’inexécution ». L’appréciation du
lien de causalité soulève parfois des difficultés, qui sont les mêmes qu’en matière
de responsabilité délictuelle3.

II. La mise en œuvre de la responsabilité contractuelle


695. On présentera les conditions légales (1) puis les aménagements convention-
nels de la responsabilité (2).

1. Civ. 3, 3 déc. 2003, n° 02-18033, Bull. civ. III, n° 221 ; Cont. Conc. Cons. 2004, n° 38, obs. L. Leveneur ;
JCP 2004, I, 163, obs. G. Viney ; RTD civ. 2004, p. 295, obs. P. Jourdain : « des dommages et intérêts
ne peuvent être alloués que si le juge, au moment où il statue, constate qu’il est résulté un préjudice de
la faute contractuelle ». V. ég. en ce sens s’agissant de l’obligation de ne pas faire : Com., 7 mai 2019,
n° 18-11128, Cont. Conc. Cons. 2019, n° 136, obs. L. Leveneur.
2. V. par ex. dans le contrat de transport : Civ. 1, 26 sept. 2012, n° 11-13.177, D. 2012. 2305, obs.
I. Gallmeister ; D. 2012, p. 2649, édito. F. Rome ; D. 2013, p. 2432, obs. H. Kenfack ; RTD com.
2012, p. 843, obs. B. Bouloc ; JT 2013, n° 149, p. 45, obs. C. Lachièze, le retard du train ayant
empêché le voyageur, avocat de profession, d’assister un client, les juges du fond avaient condamné
la SNCF à réparer la totalité des préjudices subis, sans considération du caractère prévisible ou non
(perte d’honoraires, perte de crédibilité) : cassation, au visa de l’ancien art. 1150 C. civ. (1231-3).
3. Sur ces difficultés, v. not. A. Bénabent, n° 545 ; F. Terré, P. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, n° 859
et s.

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1. Conditions légales
696. Mise en demeure. L’article 1231 du Code civil prévoit que « les dommages
et intérêts ne sont dus que si le débiteur a préalablement été mis en demeure de
s’exécuter dans un délai raisonnable ». La mise en demeure a pour objet de rappeler
son obligation au débiteur et d’exprimer la volonté du créancier d’obtenir l’exécu-
tion. Elle doit laisser au débiteur un délai raisonnable pour s’exécuter.
La mise en demeure est cependant inutile lorsque « l’inexécution est définitive »
(art. 1231), c’est-à‑dire lorsque le manquement contractuel est irréversible (par
exemple si l’exécution est impossible ou si le dommage s’est produit).
697. Dommages et intérêts compensatoires. Les dommages et intérêts com-
pensatoires ont pour objet de réparer le préjudice subi par le débiteur du fait
de l’inexécution ou du retard dans l’exécution. Les dommages et intérêts sont
« en général » constitués de « la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé »
(C. civ., art. 1231-2, ancien art. 1149). Rappelons que l’indemnisation est limitée
au « dommage prévisible » (art. 1231-3 C. civ.).
698. Dommages et intérêts moratoires. Lorsque l’obligation inexécutée est une
obligation de somme d’argent, l’appréciation de l’étendue du préjudice est en fait
impossible car on ne peut savoir quel usage le créancier aurait fait de cette somme
d’argent. Aussi l’article 1231-6 du Code civil prévoit que le dommage est réparé
forfaitairement, par l’allocation d’intérêts de retard (dits intérêts moratoires).

2. Aménagements conventionnels
699. Liberté contractuelle. Les parties peuvent prévoir dans leur contrat quelles
seront les conséquences d’une inexécution ou d’une exécution défectueuse. De
tels aménagements sont par principe licites en vertu de la liberté contractuelle.
On trouve en pratique les clauses les plus diverses. La distinction principale est
celle opposant les clauses exonératoires ou limitatives de responsabilité (A) et les
clauses pénales (B).

A. Clauses exonératoires ou limitatives de responsabilité


700. Diversité. Ces clauses sont diverses1. Certaines portent sur les conditions
de la responsabilité, en excluant directement une obligation du contrat ou en

1. M. Leveneur-Azemar, Les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité, préf. Y. Lequette, LGDJ,


2017.

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indiquant que le débiteur ne répondra pas de tel type de dommage. D’autres,
qui sont les plus nombreuses, portent sur les conséquences de l’inexécution du
contrat en limitant le montant de la réparation ou en excluant toute responsabilité
du débiteur.
701. Validité et efficacité. Les clauses limitatives ou exonératoires de responsabi-
lité sont en principe valables et efficaces. Ce principe connaît cependant certaines
limites.
La clause ne doit pas priver de sa substance l’obligation essentielle (C. civ.,
art. 1170 ; v. supra, n° 372 et s.).
La clause ne peut s’appliquer lorsque l’inexécution du contrat est imputable au
dol du débiteur (article 1231-3 du Code civil).
La clause ne peut concerner les dommages corporels.
Enfin, les dispositions propres à certains contrats spéciaux réglementent les clauses
limitatives de responsabilité. Par exemple dans le contrat d’hôtellerie, l’hôte-
lier ne peut s’exonérer de sa responsabilité pour les vols ou détériorations des
objets déposés entre ses mains ou qu’il a refusé de recevoir sans motif légitime1
(art. 1953 C. civ.).

B. Clauses pénales
702. Notion. Les clauses pénales sont celles qui fixent à l’avance de façon forfai-
taire le montant des dommages et intérêts qui seront dus en cas d’inexécution2
(art. 1231-5 C. civ.). La définition de la clause pénale repose sur deux critères : la
somme prévue est attribuée à titre de dommages et intérêts sanctionnant l’inexé-
cution de sorte qu’elle incite le débiteur à s’exécuter3, et elle constitue un forfait
et non un plafond4.

1. V. C. Lachièze, Droit du tourisme, LexisNexis, 2e éd. 2020, n° 577.


2. D. Mazeaud, La notion de clause pénale, LGDJ, 1992.
3. Com., 29 janv. 1991, n° 89-16446, Bull. civ. IV, n° 43 : « attendu que la clause pénale n’a pas pour
objet exclusif de réparer les conséquences d’un manquement à la convention mais qu’elle a aussi pour
objet de contraindre le débiteur à s’exécuter ». V. ég. Com., 4 mai 2017, n° 15-19141, RTD civ. 2017,
p. 645, obs. H. Barbier.
4. Le bénéficiaire n’est donc pas tenu de prouver le préjudice : Civ. 3, 20 déc. 2006, n° 05-20065,
Bull. civ. III, n° 256, dans une vente d’immeuble en l’état futur d’achèvement, la Cour d’appel avait
refusé de faire jouer la cause au motif que la preuve n’était pas rapportée que le retard de 47 jours
dans la livraison de la maison ait causé un préjudice aux acquéreurs : cassation au visa des art. 1134 et
1226 C. civ. : « en statuant ainsi, alors que la clause pénale, sanction du manquement d’une partie à
ses obligations, s’applique du seul fait de cette inexécution, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».

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703. Validité et efficacité. Les clauses pénales sont en principe valables et efficaces,
sous réserve de certaines exceptions.
Ces clauses sont soumises au contrôle de l’abus, dans les contrats d’adhé-
sion (art. 1171 C. civ.) ainsi que dans les contrats de consommation
(art. L. 212-1 C. cons. et R. 212-1, 3°, C. cons.).
Les clauses pénales sont prohibées dans certains contrats (par exemple dans le
contrat de travail, C. trav. art. L. 1331-2 ; ou dans le bail d’habitation, art. 4, i,
L. 6 juill. 1989).
704. Clause pénale et mécanismes voisins. La clause pénale doit être distinguée
de mécanismes voisins. L’indemnité d’immobilisation prévue dans les promesses
unilatérales de vente n’est pas une clause pénale car son objet n’est pas de sanc-
tionner le bénéficiaire mais de rémunérer le service rendu par le promettant qui
immobilise son bien pendant le délai d’option1 (v. supra, n° 234). Les clauses de
dédit ou de résiliation permettant à l’une des parties de se libérer unilatéralement
ne sont pas non plus des clauses pénales car elles ne sanctionnent pas une inexécu-
tion2. La qualification de clause pénale est importante car elle entraîne l’application
d’un régime juridique spécifique.
705. Révision judiciaire. Reprenant en substance l’ancien article 1152 alinéa 2,
l’article 1231-5 alinéa 2 du Code civil prévoit la possibilité pour le juge de réviser
la clause pénale, à la hausse comme à la baisse : « le juge peut, même d’office,
modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement exces-
sive ou dérisoire ». Le texte exige, comme auparavant l’article 1152 alinéa 2, un
excès ou une insuffisance manifeste. Le juge doit motiver sa décision de réviser la
clause pénale, en démontrant le caractère excessif (ou insuffisant) de la clause3. Le
pouvoir de révision ainsi reconnu au juge est limité aux seules clauses pénales ; il
ne s’applique pas aux mécanismes voisins.
706. Mise en œuvre. L’article 1231-5 alinéa 5 du Code civil prévoit que, sauf
inexécution définitive, « la pénalité n’est encourue que lorsque le débiteur est mis
en demeure ». La mise en demeure a pour objet d’indiquer au débiteur qu’il doit
payer sa dette (le mot demeure vient du latin mora qui signifie retard). L’exigence

1. Civ. 3, 5 déc. 1984, n° 83-11788, Bull. civ. III, n° 207 ; D. 1985, p. 544, obs. F. Bénac-Schmidt ;
JCP 1986, II, 20555, note G. Paisant.
2. Civ. 3, 9 janv. 1991, n° 89-15781, D. 1991, p. 481, note G. Paisant.
3. Com., 14 déc. 2010, n° 09-68275, RTD civ. 2011, p. 122, obs. B. Fages : « en se déterminant par de
tels motifs, sans se fonder sur la disproportion manifeste entre l’importance du préjudice effectivement
subi et le montant conventionnellement fixé, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».

281

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d’une mise en demeure se justifie par le souci de protéger le débiteur, en lui laissant
une dernière chance de s’exécuter. Aussi la mise en demeure n’est-elle pas nécessaire
lorsque l’inexécution est « définitive » c’est-à‑dire lorsque l’exécution du contrat est
devenue impossible. En outre l’article 1231-5 du Code civil n’est pas impératif :
les parties peuvent prévoir que la pénalité est encourue dès l’inexécution, sans
qu’aucune mise en demeure ne soit nécessaire.

282

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Liste des abréviations

AJ Contrat Actualité juridique – contrat


al. alinéa
art. article
Ass. plén. Cour de cassation, assemblée plénière
BGB Bürgerliches Gesetzbuch (Code civil allemand)
Bull. A.P. Bulletin des arrêts de la Cour de cassation, assemblée plénière
Bull. civ. Bulletin des arrêts de la Cour de cassation, Chambre civile
Bull. ch. mixte Bulletin des arrêts de la Cour de cassation, Chambre mixte
Bull. inf. C. cass. Bulletin d’information de la Cour de cassation
Cah. Dr. entr. Cahiers de droit de l’entreprise
C. ass. Code des assurances
CCH Code de la construction et de l’habitation
C. civ. Code civil
C. com. Code de commerce
C. cons. Code de la consommation
CE Conseil d’État
CGI Code général des impôts
Ch. mixte Cour de cassation, Chambre mixte
chron. chronique
Civ. Cour de cassation, Chambre civile
Com. Cour de cassation, Chambre commerciale
Comp. Comparer
concl. conclusion
Cons. const. Conseil constitutionnel
Cont. Conc. Cons. Contrat, concurrence, consommation
Conv. EDH Convention européenne des droits de l’homme
Cour EDH Cour européenne des droits de l’homme
CPC Code de procédure civile
CPCE Code des procédures civiles d’exécution
CPI Code de la propriété intellectuelle
C. trav. Code du travail

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D. aff. Dalloz affaires
D. Recueil Dalloz
Def. Répertoire du notariat Defrénois
DH Dalloz hebdomadaire
DP Dalloz périodique
Dr. et pat. Droit et patrimoine
Dr. soc. Droit des sociétés
Gaz. Pal. Gazette du palais
JCP Jurisclasseur périodique, édition générale
JCP E Jurisclasseur périodique, édition entreprise
JCP N Jurisclasseur périodique, édition notariale
JDI Journal du droit international (Clunet)
JO Journal officiel
JT Juristourisme
Jur. Cl. Civ. Jurisclasseur Civil
not. notamment
obs. observations
Ord. Ordonnance
Pet. Aff. Les Petites Affiches
préc. précité
PDEC Principes du droit européen des contrats
rapp. Rapport
RDC Revue des contrats
RDLF Revue des droits et libertés fondamentaux
Rép. Civ. Dalloz Répertoire Civil Dalloz
Req. Cour de cassation, Chambre des requêtes
Resp. civ. ass. Responsabilité civile et assurance
Rev. crit. DIP Revue critique de droit international privé
Rev. Lamy dr. civ. Revue Lamy droit civil
Rev. sociétés Revue des sociétés
RJDA Revue de jurisprudence de droit des affaires
RRJ Revue de la recherche juridique – Droit prospectif
RTD civ. Revue trimestrielle de droit civil
RTD com. Revue trimestrielle de droit commercial
S. Sirey (recueil)
Sect. réun. Sections réunies (Cour de Cassation)
Soc. Cour de cassation, chambre sociale
Somm. Sommaire
TGI Tribunal de grande instance

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Bibliographie

Ces ouvrages sont cités par le seul nom de l’auteur ou des auteurs.
A. Bénabent, Droit civil, Les obligations, Montchrestien, 18e éd., 2019.
J. Carbonnier, Droit civil, t. IV, Les obligations, PUF, 22e éd., 2000.
O. Deshayes, T. Genicon, Y.-M. Laithier, Réforme du droit des contrats, du
régime général et de la preuve des obligations, Commentaire article par article,
LexisNexis, 2e éd., 2018.
G. Chantepie et M. Latina, La réforme du droit des obligations, commentaire
théorique et pratique dans l’ordre du Code civil, Dalloz, 2e éd., 2018.
M. Fabre-Magnan, Les Obligations, t. 1, Contrat et engagement unilatéral, PUF,
5e éd., 2019.
B. Fages, Droit des obligations, LGDJ, 9e éd., 2019.
J. Flour, J.-L. Aubert et É. Savaux, Les obligations, t. 1, L’acte juridique,
A. Colin, 16e éd., 2014.
J. Ghestin, G. Loiseau et Y.-M. Serinet, La formation du contrat du contrat,
t. 1, Le contrat – Le consentement, 2013 ; t. 2 L’objet et la cause – Les nullités,
4e éd. 2013.
J. Ghestin, C. Jamin et M. Billiau, Traité de droit civil, Les effets du contrat,
LGDJ, 3e éd., 2001.
D. Houtcieff, Droit des contrats, 4e éd. Larcier 2019.
C. Larroumet, S. Bros, Droit civil, t. III, Les obligations, Le contrat,
t. 1 Formation, Economica, 9e éd., 2018.
P. Le Tourneau (dir.), Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz-Action
2020.
P. Malaurie, L. Aynès et P. Stoffel-Munck, Droit civil, Les obligations,
Defrénois, 8e éd., 2016.
P. Malinvaud, M. Mekki et J.-B. Seube, Droit des obligations, LexisNexis,
15e éd. 2019.

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G. Marty, P. Raynaud et P. Jestaz, Traité de droit civil, Les obligations, Sirey
t. I, Les sources, 2e éd., 1988, t. II, Les effets, 2e éd. 1989.
H. L. J. Mazeaud par F. Chabas, Les obligations, Montchrestien, 9e éd., 1998.
M. Poumarède, Droit des obligations, Lextenso, 3e éd. 2014.
S. Porchy-Simon, Droit civil, Les Obligations, Dalloz, coll « hypercours »,
12e éd., 2019.
A. Sériaux, Droit des obligations, PUF, coll. « Droit fondamental », 2e éd., 1998.
B. Starck, H. Roland et L. Boyer, Droit civil, Obligations, vol. II, Le contrat,
Litec, 6e éd., 1998.
F. Terré, P. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, Les obligations, Dalloz, coll.
« Précis », 12e éd., 2019.
F. Zénati-Castaing et T. Revet, Cours de droit civil. Contrats. Théorie générale
– Quasi-contrats, PUF, 2014.
H. Capitant, F. Terré, P. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, Les Grands Arrêts
de la jurisprudence civile, t. 2, 13e éd., 2015 (cité G.A.).

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Index

(Les chiffres renvoient aux numéros des paragraphes.)

A C
Abus de dépendance : v. violence Caducité : 402
Acceptation de l’offre : 183 s. Capacité : 142 s.
Acte authentique : 391 s. Cause : 317
Acte juridique : 52 s. Cession de contrat : 482 s.
Acte unilatéral : 56 s. Cession de créance : 38
Action directe : 519 s. Cession de dette : 38
Action oblique : 500 Chaîne de contrats : 522 s.
Action paulienne : 501 Changement de circonstances : 555 s.
Analyse économique du droit : 14, Clause abusive : 367 et s.
84 s. Clause contraire à une obligation
Apparence : 466 essentielle : 372 s.
Attentes légitimes : 76 s. Clause d’indivisibilité : 446
Autonomie de la volonté : 69 s. Clause limitative de responsabilité :
Avant-contrat : 216 s. 700 s.
Avenant : 565 Clause pénale : 702 s.
Ayant cause à titre universel : 479 s. Condition :
Ayant cause à titre particulier : 502 s. – définition : 587
– potestative : 589
– résolutoire : 596 s.
B
– suspensive : 592 s.
Bonne foi : 126 s., 545 s. Confirmation : 425
Bonnes mœurs : 323 Consensualisme : principe : 377 s.
But du contrat : 329 et s. Consentement : 162 s.

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Contenu du contrat – preuve : 304
– détermination : 338 s. – sanction : 305
– équilibre : 351 s. Dommages et intérêts
– licéité : 319 s. – compensatoires : 697
Contrat – sanction : 698
– adhésion (d’) : 100 Droits fondamentaux : 336 s.
– aléatoire : 110 s.
– cadre : 349 s.
E
– collectif : 524 s.
– commutatif : 110 s. Effet du contrat :
– consensuel : 92 – à l’égard des tiers : 489
– distance (à) : 193 s. – entre les parties : 476
– durée déterminée (à) : 608 s. Engagement d’honneur : 67
– durée indéterminée (à) : 617 s. Engagement unilatéral : 56
– exécution instantanée (à) : 113 s. Équité : 545 s.
– exécution successive (à) : 113 s. Erreur :
– innommé : 87 s. – définition : 274
– interdépendants : 523 s. – inexcusable : 288
– intuitu personae : 95 s. – obstacle : 285
– nommé : 87 s. – preuve : 295
– notion : 58 s. – sur les qualités essentielles de la
– réel : 93 prestation : 275 s.
– solennel : 93 – sur les qualités essentielles du
– synallagmatique : 104 s. cocontractant : 282
– titre gratuit (à) : 107 s. – vices cachés : 281
– titre onéreux (à) : 107 s. Exception d’inexécution
– unilatéral : 104 s. – conditions : 645 s.
Contre-lettre : V. simulation – définition : 644
Créance : 38 – effets : 649 s.
Créanciers chirographaires : 499 s. Exécution forcée : 656 s.

D F
Décès du contractant : 97 Forçage du contrat : 545 s.
Dol : Force majeure :
– auteur du dol : 298 – notion : 630 s.
– définition : 291 – effets : 637 s.
– dissimulation intentionnelle : 296

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Force obligatoire du contrat : 69 s., N
124 s., 549 s.
Négociations : 211 s.
Formalisme
Nemo auditur : 458
– informatif : 397
– probatoire : 385 s. Normativiste (théorie) : 78 s.
– solennel : 380 s. Nullité
Fraus omnia corrumpit : 497 – absolue ou relative : 417 s.
– étendue : 441 s.
– mise en œuvre : 407
G – prescription : 434 s.
Garantie des vices cachés : 281 – rétroactivité : 447 s.
Gestion d’affaires : 63
Groupe de contrats : 526 s. O
Objet
H – de l’obligation : 317.
Hardship : 557 – du contrat : 59
Obligation
– alternative : 338
I – donner, faire ou ne pas faire (de) :
Imprévision : v. révision du contrat 46
Interdépendance contractuelle : 523 s. – essentielle : 374
Interprétation du contrat : – information (d’)
– créatrice : 544 s. . contractuelle : 548
– définition : 533 s. . précontractuelle : 203 s.
Intuitus personae : 95 s. – moyens (de) : 44 s., 689
– naturelle : 39
– notion : 36 s.
L – pécuniaires : 42 s.
Lésion : 355 s. – résultat (de) : 44 s., 690
Liberté contractuelle : 122 s. Offre
– caducité : 180 s.
– définition : 168
M
– électronique : 179
Mise en demeure : – rétractation : 177 s.
– du créancier : 551 Opposabilité du contrat
– du débiteur : 628 – par les parties aux tiers : 491 s.
Mutuus dissensus : 610 – par les tiers aux parties : 493 s.

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Ordre public Q
– notion : 320 s.
Quae temporalia… : 438
– ordre public classique : 322
– ordre public économique : 322 Qualification : 85 s. ; 488
Quasi-contrats : 62 s.
Quieta non movere : 438
P
Pacte de préférence : 218 s. R
Pacte nu : 89
Paiement Renouvellement : 615
– indu : 63 Représentation :
– somme d’argent : 327 – conditions : 152 s.
Parties : 477 – effet : 157 s.
Perpétuels (engagements) : 618 s. Réputé non écrit : 406
Porte-fort : 508 s. Résiliation unilatérale : 618 s.
Prestation Résolution
– détermination : 338 s. – clause résolutoire : 667 s.
– équilibre : 351 s. – effets : 682 s.
– notion : 317 – résolution judiciaire : 680 s.
– possibilité : 345 – résolution unilatérale : 673 s.
Preuve Responsabilité contractuelle :
– actes juridiques : 54 – inexécution : 688 s.
– commerçants : 389 – mien de causalité : 694 s.
– exigence d’un écrit : 387 s. – préjudice : 692 s.
– faits juridiques : 54 Restitutions : 448 s.
Principes du droit européen des Révision du contrat : v. changement
contrats : 6 de circonstances
Principes d’Unidroit : 6 Risque de la perte de la chose : 643
Prix :
– détermination : 347 s. S
– réduction : 651 s.
Silence : 190
Promesse synallagmatique
Simulation : 495 s.
– notion : 248
– régime : 254 Solidarisme contractuel : 82 s.
Promesse unilatérale Sous-contrat : 519
– notion : 232 Stipulation pour autrui : 510 s.
– régime : 236

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T V
Tacite reconduction : 616 Vente de choses futures : 340
Terme extinctif Vente de la chose d’autrui : 332
– définition : 601 Vices cachés : 297 ; 315
– extinctif : 607 s. Vices du consentement
– suspensif : 602 s. – dol : v. dol
Tiers – erreur : v. erreur
– catégories : 489 s. – notion : 271 s.
– complice de l’inexécution : 492 – violence : v. violence
– victime de l’inexécution : 488. Violence
Transfert de propriété : 571 s. – définition : 306
– économique : 311.
U – morale : 309
– physique : 308
Usages : 545 s. Volonté interne/volonté déclarée :
162

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Table des matières

Introduction 3
I. Genèse de la réforme du droit des contrats 4
II. Mise en œuvre de la réforme du droit des contrats 7
III. Contenu de la réforme du droit des contrats 9

Partie préliminaire
Obligation et contrat 13
Titre 1 L’obligation 14

Chapitre 1 La notion d’obligation 15

Chapitre 2 Les classifications des obligations 18


I. Classifications selon l’objet des obligations 18
1. La distinction des obligations pécuniaires et en nature 18
2. La distinction des obligations de moyens et de résultat 19
3. La distinction des obligations de donner,
de faire et de ne pas faire 19
II. Classifications selon la source des obligations 20
1. La classification classique 20
2. La classification moderne 21
A. Présentation 21
B. Intérêt 22

Titre 2 Le contrat 25

Chapitre 1 La notion de contrat 26


I. Définition du contrat 26
II. Distinction du contrat et des figures juridiques voisines 27

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1. La distinction du contrat et du quasi-contrat 27
2. La distinction du contrat et des accords non obligatoires 29
III. Fondements du contrat 30
1. La théorie classique : l’autonomie de la volonté 30
A. La théorie de l’autonomie de la volonté et son influence sur le Code civil 30
B. Le déclin de la théorie de l’autonomie de la volonté 33
2. Les théories modernes 34
A. La confiance légitime 34
B. Le normativisme 36
C. L’utile et le juste 37
D. Le solidarisme contractuel 37
E. L’analyse économique 38

Chapitre 2 Les classifications des contrats 40


I. Classifications des contrats selon leur réglementation 40
1. Contrats nommés et contrats innommés 40
2. Contrats internes et contrats internationaux 41
II. Classifications des contrats selon leur mode de formation 42
1. Contrats consensuels et non consensuels 42
A. Exposé de la distinction 42
B. Intérêt de la distinction 43
2. Contrats avec intuitus personae et contrats sans intuitus personae 43
A. Exposé de la distinction 43
B. Intérêt de la distinction 43
3. Contrats de gré à gré et contrats d’adhésion 44
A. Exposé de la distinction 44
B. Intérêt de la distinction 45
III. Classifications des contrats selon leur contenu 45
1. Contrats synallagmatiques et contrats unilatéraux 45
A. Exposé de la distinction 46
B. Intérêt de la distinction 46
2. Contrats à titre onéreux et contrats à titre gratuit 47
A. Exposé de la distinction 47
B. Intérêt de la distinction 47

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3. Contrats commutatifs et contrats aléatoires 48
A. Exposé de la distinction 48
B. Intérêt de la distinction 48
4. Contrats à exécution instantanée et contrats
à exécution successive 49
A. Exposé de la distinction 49
B. Intérêt de la distinction 49
5. Contrats transactionnels et contrats relationnels 49
A. Exposé de la distinction 50
B. Intérêt de la distinction 50

Chapitre 3 Les principes généraux du droit des contrats 52


I. La liberté contractuelle 52
II. La force obligatoire 53
III. La bonne foi 53
IV. Le principe selon lequel la règle spéciale déroge à la règle générale 55

Partie 1
La formation du contrat 57
Titre 1 La qualité pour contracter 58

Chapitre 1 La capacité de contracter 59


I. Incapacités d’exercice 59
1. Le mineur incapable 59
2. Le majeur incapable 60
II. Incapacités de jouissance 61
1. Protection de l’incapable 61
2. Protection du cocontractant contre l’incapable 61

Chapitre 2 Le pouvoir de contracter 63


I. Conditions de la représentation 63
1. Le pouvoir de représentation 63
2. La déclaration de représentation 65
II. Effets de la représentation 65

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Titre 2 Le consentement 67

Chapitre 1 La rencontre des consentements 68


I. Le schéma élémentaire de formation du contrat 68
1. L’offre 68
A. La notion d’offre 69
a. Précision de l’offre 69
b. Fermeté de l’offre 70
c. Extériorisation de l’offre 70
B. Le régime de l’offre 71
a. Rétractation 71
b. Caducité 72
2. L’acceptation 73
A. La notion d’acceptation 73
B. La forme de l’acceptation 74
a. Liberté de la forme 74
b. Valeur du silence 75
C. L’effet de l’acceptation 76
D. Les droits de réflexion et de rétractation 77
II. Les schémas complexes de formation du contrat 78
1. L’obligation d’information précontractuelle 78
A. Conditions d’existence de l’obligation d’information précontractuelle 79
B. Preuve et sanction de l’obligation d’information précontractuelle 82
2. Les négociations 82
3. Les contrats préparatoires 85
A. Le pacte de préférence 85
a. Notion de pacte de préférence 85
b. Régime du pacte de préférence 87
B. La promesse unilatérale 92
a. Notion de promesse unilatérale 92
b. Régime de la promesse unilatérale 93
C. La promesse synallagmatique 100
a. Notion de promesse synallagmatique 100
b. Régime de la promesse synallagmatique 102

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Chapitre 2 L’intégrité des consentements 106
I. Le trouble mental 106
1. Les conditions de fond de la nullité pour trouble mental 106
2. Les conditions de mise en œuvre de la nullité pour trouble mental 107
II. Les vices du consentement 108
1. L’erreur 109
A. Domaine de l’erreur 109
a. L’erreur sur les qualités essentielles de la prestation 110
b. L’erreur sur les qualités essentielles du cocontractant 114
c. Les erreurs indifférentes 115
d. L’erreur-obstacle 115
B. Caractères de l’erreur 116
C. Sanction de l’erreur 117
2. Le dol 117
A. Aspect délictuel 117
a. Élément matériel du dol 117
b. Élément intentionnel du dol 120
c. Dol du cocontractant 121
B. Aspect psychologique 121
C. Sanction du dol 123
3. La violence 124
A. Aspect délictuel 124
a. Violence physique 124
b. Violence morale 124
c. Abus de l’état de dépendance 125
B. Aspect psychologique 127
C. Sanction de la violence 127

Titre 3 Le contenu du contrat 128

Chapitre 1 Licéité 130


I. L’ordre public 130
1. La notion d’ordre public 130
2. Le contrôle de la conformité du contrat à l’ordre public 131
A. Le contrôle des prestations contractuelles 132
B. Le contrôle du but contractuel 134

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II. Les droits fondamentaux 135
1. La notion de droits fondamentaux 135
2. L’influence des droits fondamentaux sur le contrat 136

Chapitre 2 Détermination 139


I. Prestation portant sur une chose 140
1. Existence de la chose 140
2. Détermination de la chose 141
II. Prestation de service 141
III. Prestation monétaire 142
1. Règle de principe 142
2. Exceptions 143

Chapitre 3 Équilibre 144


I. Le déséquilibre entre les prestations principales 144
1. Sanction du défaut de contrepartie 145
2. Sanction de la lésion 146
II. Les clauses accessoires déséquilibrant le contrat 148
1. Droit de la consommation 148
2. Droit de la concurrence 150
3. Droit commun 151
A. Clauses créant un déséquilibre significatif 151
B. Clauses privant de sa substance l’obligation essentielle 153

Titre 4 Les règles de forme 155

Chapitre 1 Le formalisme direct 156


I. Les contrats solennels 156
II. Les contrats réels 157

Chapitre 2 Le formalisme indirect 159


I. Le formalisme de preuve 159
1. Les cas dans lesquels un écrit est exigé 159
A. Le principe 160
B. Les exceptions 160
2. Les exigences auxquelles l’écrit doit satisfaire 162
A. L’acte authentique 162
B. L’acte sous signature privée 163

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II. Le formalisme d’opposabilité 165
III. Le formalisme informatif 166

Titre 5 Les sanctions des conditions de formation du contrat 168

Chapitre préliminaire La distinction de la nullité


et des notions voisines 169

Chapitre I La mise en œuvre de la nullité 172


I. Le critère de distinction entre nullité relative et nullité absolue 173
1. La théorie classique 173
2. La théorie moderne 174
A. Critère 174
B. Mise en œuvre 174
II. Les intérêts de la distinction entre nullité relative et nullité absolue 175
1. L’attribution du droit de critique 175
A. Nullité relative 175
B. Nullité absolue 176
a. Les particuliers ayant un intérêt à agir 176
b. Le ministère public 176
2. L’extinction du droit de critique 176
A. Confirmation 176
a. Le domaine de la confirmation 177
b. Les conditions de la confirmation 177
c. L’effet de la confirmation 178
d. La distinction de la confirmation et des notions voisines 178
B. Prescription 179
a. L’action en nullité 179
b. L’exception de nullité 180

Chapitre 2 Les effets de la nullité 181


I. L’étendue de la nullité 181
A. Nullité totale 181
B. Nullité partielle 182
II. La rétroactivité de la nullité 182
1. La rétroactivité dans les rapports entre les parties 183
A. Restitution d’une somme d’argent 183
B. Restitution d’une chose 184
C. Restitution d’une prestation de service 185

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D. Exceptions à la restitution 185
a. La protection des incapables 185
b. La sanction de l’immoralité 186
E. Responsabilité 187
2. La rétroactivité à l’égard des tiers 187
A. Le principe 187
B. Les tempéraments 188

Partie 2
Les effets du contrat 189
Titre 1 L’effet relatif du contrat 190

Chapitre 1 Le principe de l’effet relatif 191


I. Les parties 191
1. Les parties à la formation du contrat 191
2. Les parties postérieurement à la formation du contrat 192
A. Ayants cause à titre universel 192
B. Cessionnaires du contrat 192
a. Les conditions de la cession de contrat 193
b. Les effets de la cession de contrat 194
II. Les tiers 195
1. Les tiers absolus 195
A. Opposabilité du contrat aux tiers 195
B. Opposabilité du contrat par les tiers 196
a. Preuve 196
b. Simulation 196
c. Les tiers victimes de l’inexécution du contrat 198
2. Les créanciers des parties 200
3. Les ayants cause à titre particulier 200

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Chapitre 2 Les atténuations et les dérogations au principe
de l’effet relatif 202
I. Atténuations au principe de l’effet relatif 202
1. Le porte-fort de ratification 202
2. La stipulation pour autrui 203
A. Les conditions de formation 203
B. Les effets 204
a. Les rapports entre le stipulant et le promettant 204
b. Les rapports entre le promettant et le tiers bénéficiaire 204
c. Les rapports entre le stipulant et le tiers bénéficiaire 205
II. Dérogations au principe de l’effet relatif 205
1. Les actions directes en paiement 206
2. Les actions en responsabilité dans les chaînes de contrats 207
3. La caducité des contrats interdépendants 208
4. Les actes collectifs 209
5. La théorie des groupes de contrats 209

Titre 2 La force obligatoire du contrat 211

Chapitre préliminaire L’interprétation du contrat 213


I. L’interprétation explicative 213
1. Les méthodes d’interprétation 213
2. Le rôle respectif des juges du fond et de la Cour de cassation 215
A. Principe 216
B. Exceptions 216
II. L’interprétation créatrice 217

Chapitre 1 L’exécution des obligations contractuelles 220

Chapitre 2 L’intangibilité du contrat 223


I. Révision du contrat par le juge 223
1. Le droit antérieur 224
2. Le droit positif 225
A. Les conditions de la révision pour imprévision 226
B. La procédure de révision pour imprévision 227
II. Modification du contrat par la loi 227
III. Modification du contrat par les parties 228

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Chapitre 3 L’effet translatif du contrat 230
I. Le transfert de propriété, effet du contrat 230
II. Le régime du transfert de propriété 232
1. Le moment du transfert de propriété 232
2. Le conflit entre acquéreurs successifs 232

Chapitre 4 L’effet du contrat dans le temps 234


I. La condition 234
1. Notion de condition 234
2. Effets de la condition 235
A. Condition suspensive 235
B. Condition résolutoire 236
II. Le terme 237
1. Le terme suspensif 238
2. Le terme extinctif 239
A. Les contrats à durée déterminée 239
a. Situation des parties avant l’arrivée du terme 239
b. Situation des parties à l’arrivée du terme 241
B. Les contrats à durée indéterminée 243
a. Le droit de résiliation unilatérale 243
b. Les conditions d’exercice du droit de résiliation unilatérale 244
C. La rupture d’une relation commerciale établie 245

Titre 3 Les sanctions de l’inexécution du contrat 248

Chapitre préliminaire La force majeure 250


I. La notion de force majeure 250
1. Conception classique de la force majeure 250
2. Conception nouvelle de la force majeure 251
II. Les effets de la force majeure 253
1. Le sort du contrat 253
A. Empêchement temporaire 253
B. Empêchement définitif 253
2. Le sort des obligations contractuelles 254

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Chapitre 1 L’exception d’inexécution 256
I. Les conditions de l’exception d’inexécution 256
1. Conditions de fond 256
2. Conditions de mise en œuvre 257
II. Les effets de l’exception d’inexécution 258

Chapitre 2 La réduction du prix 259


I. Les conditions de la réduction du prix 259
II. Les effets de la réduction du prix 260

Chapitre 3 L’exécution forcée 261


I. Le domaine de l’exécution forcée 261
1. Le principe 261
2. Les exceptions 262
II. Les modalités de l’exécution forcée 264
1. Contrainte directe 264
2. Contrainte indirecte 264

Chapitre 4 La résolution pour inexécution 265


I. Les modes de résolution 265
1. La résolution par l’effet d’une clause résolutoire 267
A. Formulation de la clause résolutoire 267
B. Mise en œuvre de la clause résolutoire 268
2. La résolution unilatérale par notification 269
A. Conditions 269
B. Contrôle judiciaire 270
3. La résolution judiciaire 271
II. Les effets de la résolution 272
1. Le sort du contrat 273
2. Le sort des prestations échangées 273

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Chapitre 5 La responsabilité contractuelle 275
I. Les conditions de la responsabilité contractuelle 276
1. Le manquement contractuel 276
2. Le préjudice 277
3. Le lien de causalité 278
II. La mise en œuvre de la responsabilité contractuelle 278
1. Conditions légales 279
2. Aménagements conventionnels 279
A. Clauses exonératoires ou limitatives de responsabilité 279
B. Clauses pénales 280

Liste des abréviations 283

Bibliographie 285

Index 287

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