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ALIMENTATION EN TEMPS DE JEÛNE : «LE SUCRE N’EST PAS

L’ALIMENT MIRACLE» (DR ALASSANE ILBOUDO, SPÉCIALISTE EN

DIABÉTOLOGIE ET NUTRITION)

Les musulmans observent depuis hier mardi 13 avril le jeûne du


mois de ramadan. Comme chaque année, il se pose la
problématique de l’alimentation adaptée à ce temps de
privation. Si on ne se demande pas quels aliments appropriés
manger à l’aube pour tenir toute la journée, c’est comment se
rééquilibrer après avoir passé la journée sans manger ni boire.
Dans cet écrit très intéressant du Dr Alassane Ilboudo,
spécialiste en diabétologie et nutrition, par ailleurs membre du
Secours médical islamique du Burkina (SMIB), vous trouverez
toutes les réponses et bien d’autres enseignements.

Le jeûne du mois de ramadan est le 4epilier de l’islam. Il


est pratiqué par tous les croyants à partir de la puberté, sauf
en cas de contre-indications (maladies, voyages…). Le jeûne
consiste en une privation de certains besoins naturels :
psychologiques (excitants), charnels et alimentaires (repas +
boissons), du lever du soleil à son coucher.

Comment réussir le ramadan sans gaspillage, mais aussi sans


trop de privations sous peine de provoquer une carence ?
Comment adopter une bonne hygiène de vie pendant et après le
ramadan ?

Durant un jeûne, l’organisme fait face à des modifications pour


s’adapter à cette situation de privation temporaire. Le sucre est
la principale source d’énergie de notre organisme, il est utilisé
en permanence par nos cellules, mais est aussi stocké sous
forme de réserve au niveau du foie. Pendant le jeûne, il y a plus
d’apport de sucre dans lajournée, et l’organisme va utiliser le
sucre stocké dans le foie pour son fonctionnement. Cette
réserve est sollicitée 8h après le début du jeûne (8h après
ledernier repas), et est suffisante pour tenir 12 à 24h de
jeûne.Au-delà de 24h, notre organisme va faire recours à
d’autres sources d’énergie secondaires comme les protéines
(muscles) mais surtout les lipides (graisses), ce qui entraîne une
perte de poids, si le processus continue.A titre d’exemple, un
individu moyen qui mesure 1,70 m et pèse 70 kg possède en
moyenne 15 kg de matièregrasse (graisse). Cette matière
grasse lui permet de faire 40 jours de jeûne non-stop (situation
de grève de la faim, par exemple).

Donc pendant le jeûne du ramadan, qui dure en moyenne 13h 30


mn cette année au Burkina Faso, notre organisme ne peut pas
épuiser les réserves du foie en sucre. Ces réserves ne seront
utilisées que pendant 5h 30 mn dans la journée. Conséquence,
pas besoin de manger en excès aumoment de la rupture pour
remplacer ce qu’on « auraitperdu avec le jeûne ».

Quels aliments pour réussir son ramadan ?

Au moment de la rupture du jeûne, si vous avez la possibilité de


faire trois repas et, cela dépend du temps que vous avez, il faut
les répartir ainsi qu’il suit :

Premier repas

Il faut privilégier l’eau en grande quantité, surtout entemps de


chaleur comme c’est le cas actuellement. Privilégier aussi les
fruits qui contiennent une grande quantité d’eau et un peu de
sucre (melon ou pastèque, orange, pomme...) autant que vous
voulez, sans excès bien sûr ; pensez au partage.

Deuxième repas

Ensuite viennent les aliments qui donnent du sucre rapidement


comme les dattes (une à 3), les jus de fruits, les boissons
sucrées, le bissap, par exemple, mais en quantité raisonnable.
Un verre suffit. Pour une bonne hydratation, on peut poursuivre
avec une soupe de légumes avec un peu de sel pour ceux qui ne
sont pas hypertendus (le sel permet de retenirl’eau), ou de la
soupe de viande ou de poisson.

Troisième repas

Idéalement après la prière de tarwis (longue prière après la


dernière du soir) ou avant, si elle finit vers 22h pour certains.Il
faut un repas consistant qui contient du sucre « lent ».
Exemples : le riz, le tôt, le couscous, la bouillie, les spaghettis,
les gâteaux… Un verre de jus ou de boisson sucrée, en quantité
raisonnable toujours, si on veut pouvoir se lever la nuit pour
faire des «nawafils», et se réveiller le matin sans grande
difficulté.

Le repas du matin (Souhour) avant le lever du soleil

Une recommandation mais pas une obligation pour faire la


différence avec le jeûne des autres religions. Il faut le retarder
au maximum juste avant laprière de « Fajr » si possible.Ce qui
est conseillé, ce sont :

- des céréales (sucre lent): tôt, riz, couscous, spaghetti, pain ;

- beaucoup d’eau : eau plate, infusion de thé, « kinkéliba » ;

- de la soupe de légumes ;

- de la soupe de viande ou de poisson, si possible, un peu salée


s’il n’y a pas de contre-indication comme en cas d’hypertension
artérielle ;

- éviter les boissons sucrées qui vont entraîner une baisse


rapide du taux de sucre et provoquer une sensation de faim trop
précoce dans la journée ;

- éviter les aliments gras, qui augmentent les besoins en eau.

Conseils pour une alimentation saine valable après le ramadan

- La qualité d’un repas ne réside pas dans la quantité mais dans


l’équilibre entre les différents éléments qui le composent.

- La pauvreté n’est pas toujours la meilleure excuse pour ne pas


manger équilibré, mais parfois c’est notre ignorance et nos
habitudes qui nous empêchent de manger sainement.

- La bonne nourriture n’est pas non plus celle qui brille en huile,
rouge, mais celle dans laquelle on retrouve un peu de tout, à
savoir beaucoup de légumes (choux, carottes, courges,
courgettes...), des céréales (riz, mil, maïs, blé...),
des protéines (viande, poisson, soumbala...), du lait et des
produits laitiers, des fruits.

- Recommandation est faite au chef de ménage de prévoir


désormais un budget « fruits et légumes » pour la famille

- Faisons des cadeaux en fruits et légumes à nos amis, familles


et beaux-parents en lieu et place des cartons de sucre. Le sucre
n’a plus la même valeur qu’il y a 30 ou 50 ans, où c’était une
denrée rare, un aliment de luxe. Notre génération doit
comprendre cela et changer en conséquence. Les galettes ne
sont plus prisées lors des funérailles musulmanes et pour nos
aumônes et il doit en être de même pour le sucre les années à
venir. La consommation du sucre pendant le ramadan a atteint
un niveau tel que certaines personnes, des non-musulmans en
majorité, croient qu’il fait partie des recommandations de
l’islam. On peut bien donner autre chose que du sucre pendant
le ramadan. Le sucre n’est pas l’aliment miracle durant le mois
de ramadan,nous n’en avons pas autant besoin. Le changement
commence par nous-mêmes, faisons descadeaux de panier de
fruits à ceux que nous aimons durant ce moisbéni.

Par exemple, au lieu de payer un paquet de sucre à environ 500


F CFA, cet argent peut servir à se procurer un panier de fruits
qui peut contenir 2 bananes (à raison de 100 F) + une pomme
(200 F) + 4 ou 2 oranges (100 F) + 1 pot de yaourt (100 F). Une
famille moyenne ou un étudiant moyen peut avoir ce régime au
moins deux fois par semaine. On ne parle pas du « poulet flambé
à 4000 F» qui peut couvrir la moitié du mois en fruits et
légumes, qui est consommé à longueur de journée.

Si on parvient à faire cela durant ce ramadan, le plus dur après


sera de maintenir une hygiène alimentaire similaire en dehors
du ramadan. Ce qui est l’essence de ce mois béni doit nous
amener à un bon comportement que nous devons maintenir.

Dr Alassane Ilboudo

Médecin spécialiste en endocrinologie, diabétologie et nutrition

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