Vous êtes sur la page 1sur 304

DROIT DES SURETES

DANS L’ESPACE OHADA

KAKALY Jean-Didier

Docteur en Droit, Université de Toulouse 1 Capitole

Enseignant-Chercheur

Cel. : 07-09-08-05-27

Email : jdkakaly@gmail.com

1
CHAPITRE PRELIMINAIRE

1 – Plan – Ce chapitre préliminaire comprend trois parties essentielles qui en constituent les
différentes sections, à savoir une introduction générale (section 1) suivie de développements
sur le débiteur professionnel (section 2) et l’agent des sûretés (section 3).

Section 1 : Introduction générale

2- Le crédit et les garanties – Les sûretés intègrent la famille plus élargie des garanties. Ces
garanties sont consenties lors de la fourniture d’un crédit. On peut définir le crédit comme
« l’ensemble des opérations et des techniques au moyen desquelles un capital est transféré
momentanément par son propriétaire à une autre personne sous la condition que ce capital
ou son équivalent sera, à une certaine date, restitué à son propriétaire 1 ». En d’autres termes,
le crédit est la mise à disposition provisoire ou conditionnelle, d’une somme d’argent au
profit d’un tiers, à charge, pour ce dernier, de restituer la somme d’argent à une date
déterminée.

Le crédit peut, alors, comprendre trois éléments : le transfert du pouvoir d’achat, le


temps et le risque. Les deux derniers peuvent être appréhendés comme des éléments
dangereux.

Le temps s’exprime par le délai qui s’écoule entre les deux prestations, c’est-à-dire la
durée qui sépare la naissance du crédit et l’exécution du crédité. Ce délai introduit
nécessairement dans l’opération un élément de confiance : le créditeur prend le risque de faire
confiance au crédité ; il doit croire que ce dernier le paiera ou le remboursera à l’échéance
fixée2.

1
BOUTELET-BLOCAILLE, Droit du crédit, Ed. Masson, Paris, 1987, n° 1, p. 1. Il faut relever que l’article 6
de l’ordonnance portant réglementation bancaire en droit ivoirien définit autrement le crédit.
2
On a pu écrire à ce sujet : « Faire crédit, c’est faire confiance ; c’est donner librement la disposition effective
et immédiate d’un bien réel ou d’un pouvoir d’achat, contre la promesse que le même bien, ou un bien
équivalent, vous sera restitué dans un certain délai, le plus souvent avec rémunération du service rendu et du
danger couru, danger de perte partielle ou totale que comporte la nature même de ce service », V. PETIT-
DUTAILLIS, Le risque du crédit bancaire, cité par BOUDINOT (A.) et FRABOT (J.C), Technique et
pratique bancaires, Ed. Sirey, 4e éd., Paris, 1978, p. 239. Il faut ajouter que crédit et confiance ont la même
source étymologique : le verbe latin credere : croire, avoir confiance.
2
Dérivé de l’italien « risco », le risque est, selon le Vocabulaire juridique Henri
Capitant : un « événement dommageable dont la survenance est incertaine, quant à sa
réalisation ou à la date de cette réalisation3 ». On découvre, à partir de cette définition, les
éléments caractéristiques du risque, à savoir, le dommage ou préjudice qu’il peut causer à une
personne et l’incertitude de sa réalisation ou de la date de sa réalisation. Le risque introduit
l’éventualité d’un dommage vis-à-vis du créancier dont ce dernier doit se prévenir à travers
les garanties.

3 – Les garanties - Mais la confiance du créditeur en le crédité ne doit pas être une confiance
aveugle. En effet, en raison du passage du temps entre la constitution du crédit et l’exécution
du crédité, le risque que ce dernier ne soit pas en mesure de payer à l’échéance est réel ; c’est
alors qu’interviennent les garanties pour conjurer ce risque.

Ainsi, prima facie, c’est-à-dire dans une première acception, on peut définir les
garanties comme des institutions qui ont pour objet de protéger les créanciers contre les
risques du crédit.

Le créancier s’expose à plusieurs risques dont deux d’entre eux, pouvant être
considérés comme les risques principaux, méritent d’être relevés, à savoir, l’insolvabilité de
son débiteur et l’immobilisation de sa créance. Le risque de l’insolvabilité du débiteur est dû à
la possibilité que ce dernier soit défaillant à l’échéance, c’est-à-dire qu’il soit dans
l’incapacité de payer une dette exigible. Quant au risque de l’immobilisation de la créance, il
se produit en cas de retard mis, par le débiteur, dans l’exécution de son obligation.

Aussi bien l’incapacité du débiteur à honorer sa dette que le retard qu’il pourrait
mettre au paiement de celle-ci sont-ils nuisibles au créancier. En conséquence, l’utilité, pour
un créancier, de bénéficier d’une garantie est de gérer, par anticipation, non seulement le
risque d’insolvabilité de son débiteur mais aussi le risque d’immobilisation de sa créance ou,
tout au moins, de renforcer ses chances d’être payé en aménageant des mécanismes propres à
accroître sa confiance en son débiteur.

Ainsi envisagées, les garanties doivent être distinguées des sûretés.

4 – Les garanties et les sûretés - La distinction entre les garanties et les sûretés est
comparable à la distinction entre un genre et son espèce. En effet, les sûretés sont une espèce

3
CORNU (G.), Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, PUF/QUADRIGE, 11e édition, Paris, 2016,
V° risque, p. 932.
3
du genre garanties. Elles sont donc un sous-ensemble des garanties. La catégorie des garanties
est plus large que celle des sûretés en ce sens qu’à l’intérieur de la catégorie « garanties », il
existe certaines qui, en raison de leurs caractéristiques particulières, sont appelées « sûretés ».

On dit ainsi que : « toute sûreté est une garantie mais toute garantie n’est pas une
sûreté ».

Il y a donc lieu de distinguer les garanties des sûretés et, pour ce faire, trois critères
peuvent être mobilisés : la finalité des deux mécanismes, la technique utilisée par chacun des
mécanismes et les droits reconnus aux créanciers par les deux mécanismes.

4.1 - Premier critère de distinction : la finalité des deux mécanismes4

Deux finalités peuvent permettre de distinguer garanties et sûretés.

En premier lieu, toute sûreté tend directement au recouvrement d’une créance en


permettant à son bénéficiaire d’échapper à la loi du concours avec les autres créanciers de son
débiteur. Pour sa part, la garantie ne tend pas directement au recouvrement d’une créance
mais se présente comme un mécanisme général de protection du créancier contre les risques
du crédit. Ainsi, on peut dire que la finalité de la sûreté est spécifique au regard de celle de la
garantie qui est générale. Autrement dit, la sûreté vise, spécifiquement, au recouvrement
d’une créance tandis la garantie a pour but, généralement, de prévenir l’inexécution d’une
obligation.

En second lieu, la mise en œuvre de toute sûreté entraine, généralement, l’extinction


de la créance ce qui n’est pas l’effet produit par les garanties qui ne sont pas des sûretés.

En somme, appréhendées dans leur rapport aux sûretés, donc dans une seconde
acception, les garanties sont tous les avantages spécifiques à un ou plusieurs créanciers dont

4
A propos de la finalité des sûretés, on a pu écrire que : « relativement à leur finalité, les sûretés visent à parer
le créancier des insuffisances de son droit de gage général sur le patrimoine de son débiteur. En effet, ce droit
de gage général, dont le principe est reconnu à tout créancier par l’article 2093 du code civil ivoirien, est
doublement faible car il ne confère ni le droit de suite ni le droit de préférence au créancier. En conséquence,
non seulement le créancier n’a aucun droit sur les biens de son débiteur sortis sans fraude du patrimoine de ce
dernier mais en plus, à l’échéance de sa créance, il subira le concours des autres créanciers du débiteur. Le
risque qu’il ne soit pas désintéressé est donc très grand. Pour prévenir ce risque d’impayé, le créancier peut
bénéficier de sûretés. Ces dernières, intrinsèquement liées à la durée, apparaissent ainsi comme un pari sur
l’avenir. Elles sont comme le bouclier permettant au créancier de se protéger contre l’épée de Damoclès qu’est
le risque d’insolvabilité du débiteur », KAKALY (J.D.), Thèse, Université Toulouse 1 Capitole, 2010, n° 5, p.
10.
4
la finalité est de suppléer l’exécution régulière d’une obligation ou d’en prévenir
l’inexécution.

4.2 - Deuxième critère de distinction : la technique utilisée

Deux éléments permettent de caractériser la technique des sûretés et de la distinguer de


celle des garanties.

D’abord, la sûreté utilise une technique particulière dans la mesure où elle suppose une
affectation d’un bien figurant dans le patrimoine du débiteur ou d’un tiers. Quant à la garantie,
elle n’implique pas l’affectation d’un bien dans le patrimoine du débiteur ou d’un tiers.

Ensuite, la sûreté s’inscrit, à l’exclusion peut-être de la garantie autonome, dans un


rapport d’accessoire à principal avec la créance qu’elle garantit. Sa source est donc distincte
de celle donnant naissance à la créance principale ; en cela, la sûreté se distingue de la
garantie qui, en principe, n’est pas accessoire à la créance ; la garantie est plutôt inhérente au
rapport d’obligation en ce que la garantie et le rapport d’obligation ont la même source.

Ainsi, beaucoup d’institutions ont une fonction de garantie sans pour autant être des
sûretés5.

4.3 - Troisième critère de distinction : les droits reconnus aux créanciers par les deux
mécanismes

A ce niveau, il faut relever que les garanties n’accordent, au créancier chirographaire,


que le droit de gage général à lui reconnu par l’article 2093 du code civil qui dispose que :
« Les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers et le prix s’en distribue entre
eux par contribution, à moins qu’il n’y ait entre les créanciers des causes légitimes de
préférence ».

A la différence des créanciers chirographaires, les créanciers privilégiés, c’est-à-dire


ceux titulaires d’une sûreté, bénéficient, en plus du droit de gage général, d’au moins deux
autres prérogatives importantes : le droit de suite et le droit de préférence.

5
Il en est ainsi de la stipulation pour autrui, de la solidarité passive, de la garantie des vices cachés, de la
compensation, de l’exception d’inexécution, de la délégation, de la promesse de porte-fort, de l’action directe, de
l’action oblique, de l’action paulienne, etc.
5
Le droit de suite leur permet de saisir le bien grevé en quelque main qu’il se trouve6
tandis que le droit de préférence leur permet, à l’échéance, d’échapper au concours des autres
créanciers en étant payés prioritairement.

Au contraire des créanciers privilégiés, ceux chirographaires n’ont ni droit de suite ni


droit de préférence. Ainsi, avant l’échéance, lesdits créanciers n’ont aucune action contre les
biens sortis légalement du patrimoine de leur débiteur7. Cette sortie, en diminuant la valeur du
patrimoine de leur débiteur, diminue d’autant leur droit de gage général. Toutefois, ils
bénéficient des entrées dans le patrimoine du débiteur. Ainsi, si ledit débiteur néglige de
recouvrer des créances qui vont accroître son patrimoine et augmenter, corrélativement, le
droit de gage général des créanciers chirographaires, ces derniers peuvent exercer l’action
oblique8.

Par ailleurs, à l’échéance, les créanciers chirographaires n’ont aucun droit de


préférence. En conséquence, pour recevoir le paiement de leurs créances, deux situations se
présentent : soit le paiement est le prix de la course, soit le paiement se fera au marc le franc.
Dans la première hypothèse, les premiers créanciers chirographaires saisissant les biens de
leur débiteur commun seront les premiers payés. Dans la deuxième, plusieurs créanciers
saisissant simultanément les biens du débiteur, le paiement se fera au marc le franc, c’est-à-
dire au prorata du montant de la créance de chaque créancier. Il résultera de cette situation
que, probablement, aucun des créanciers chirographaires n’aura la totalité du montant de sa
créance.

4.4 - Conclusion sur la comparaison entre garanties et sûretés

Pour conclure sur ce point, il y a lieu de mentionner que si la distinction entre les
garanties et les sûretés est établie, elle ne doit, toutefois, pas être absolutisée.

6
Selon le Vocabulaire juridique Henri Capitant, le droit de suite est « l’attribut du droit réel permettant au
titulaire de celui-ci de saisir le bien grevé du droit en quelque main qu’il se trouve », v. CORNU (G.), op.cit., p.
999.
7
Si les biens sont sortis du patrimoine en fraude de leurs droits, les créanciers chirographaires peuvent exercer
l’action paulienne contre l’acquéreur du bien. Le bénéfice de l’action paulienne leur est reconnu par l’article
1167 al. 1er du code civil qui dispose que : « Ils peuvent aussi, en leur nom personnel, attaquer les actes faits par
leur débiteur en fraude de leurs droits ».
8
L’action oblique est prévue par l’article 1166 du code civil aux termes duquel : « Néanmoins les créanciers
peuvent exercer tous les droits et actions de leur débiteur, à l’exception de ceux qui sont exclusivement attachés
à la personne ».
6
En effet, des interférences existent entre les deux mécanismes qui tendent à relativiser
la distinction. Ainsi, à titre d’exemple, il existe des garanties qui, à l’instar des sûretés,
tendent directement au recouvrement d’une créance : tel est le cas de l’action directe9. Il en
résulte que le fait de tendre directement au recouvrement d’une créance n’est pas l’apanage
des seules sûretés. Certaines garanties le peuvent aussi. Par ailleurs, une garantie comme
l’action paulienne, sans être une sûreté, accorde tout de même, un droit de préférence au
créancier qui en bénéficie.

Au surplus, toutes les sûretés n’accordent pas de droit de suite ni de droit de


préférence aux créanciers privilégiés. Tel est le cas des sûretés personnelles. En effet, seules
les sûretés réelles accordent aux créanciers privilégiés les droits de suite et de préférence. Le
bénéfice que les sûretés personnelles accordent aux créanciers privilégiés réside dans
l’adjonction d’un nouveau patrimoine au patrimoine du débiteur. La pluralité de patrimoines
et donc la pluralité de droits de poursuites du créancier sont les avantages que les sûretés
personnelles accordent aux créanciers privilégiés.

Toutefois, la distinction entre garanties et sûretés, quoique relative, doit être


maintenue. C’est une exigence de la finesse juridique.

5- Les sûretés – Définition - Aux termes de l’art. 1er de l’acte uniforme portant organisation
des sûretés : « Une sûreté est l’affectation au bénéfice d’un créancier d’un bien, d’un
ensemble de biens ou d’un patrimoine afin de garantir l’exécution d’une obligation ou d’un
ensemble d’obligations, quelle que soit la nature juridique de celles-ci et notamment qu’elles
soient présentes ou futures, déterminées ou déterminables, conditionnelles ou
inconditionnelles, et que leur montant soit fixe ou fluctuant ».

La définition ainsi exposée, il importe d’en explorer la richesse.

9
Selon CORNU, l’action directe est « l’action en justice que, dans certains cas spécifiés (…), la loi ou la
jurisprudence ouvre à une personne contre le débiteur de son débiteur, non point au lieu et place de ce dernier
(…) mais en son nom personnel, d’où certains avantages variables (inopposabilité des exceptions, droit de
préférence relativement aux autres créanciers du débiteur intermédiaire) », op.cit., V° Action, p. 22.

A titre illustratif, l’article 1798 du code civil ivoirien cite un cas d’action directe. Cet article dispose que : « Les
maçons, charpentiers et autres ouvriers qui ont été employés à la construction d’un bâtiment ou d’autres
ouvrages faits à l’entreprise, n’ont d’action contre celui pour lequel les ouvrages ont été faits que jusqu’à
concurrence de ce dont il se trouve débiteur envers l’entrepreneur, au moment où leur action est intentée ».
7
5.1 – Affectation - Il résulte de cette définition que toute sûreté, personnelle comme réelle,
consiste en l’affectation d’un bien au bénéfice d’un créancier en vue de garantir l’exécution
d’une obligation contractée par un débiteur.

Selon CORNU, affectation signifie « détermination d’une finalité particulière en vue


de laquelle un bien sera utilisé10 ». L’affectation c’est donc la détermination particulière d’un
bien à une finalité spécifique ; c’est la circonstance qu’un bien soit destiné à un but bien
déterminé, à une utilisation précise. Par la sûreté, on destine un bien, ou un ensemble de biens
ou un patrimoine à une finalité précise. C’est le sens du terme « affectation ».

5.2 – Bien - Par bien, il faut comprendre une chose qu’il est utile et possible de s’approprier 11.
Le bien affecté peut être un bien meuble ou immeuble, un bien corporel ou incorporel, un
corps certain ou une chose fongible, etc. Cela dit, quand il s’agit d’une sûreté personnelle, le
bien affecté en garantie est le patrimoine tout entier du débiteur c’est-à-dire l’ « ensemble des
biens et des obligations d’une même personne, de l’actif et du passif, envisagé comme
formant une universalité de droit, un tout comprenant non seulement ses biens présents mais
aussi ses biens à venir12 ».

Quand un patrimoine est affecté en garantie, on affecte un ensemble indéterminé de


biens. A l’inverse, dans les sûretés réelles, c’est un ou plusieurs biens déterminés du débiteur
ou d’un tiers qui sont affectés en garantie. Le bien peut être affecté individuellement ; de
même, plusieurs biens formant une universalité peuvent aussi être affectés en garantie.

5.3 – Au bénéfice du créancier - Par ailleurs, le bien est affecté au bénéfice d’un créancier.
En principe, il est affecté par le débiteur mais il peut arriver qu’un tiers affecte son bien au
bénéfice du créancier. On remarque donc que l’existence d’une sûreté suppose, en amont, un
rapport d’obligation, c’est-à-dire, l’union d’un créancier et d’un débiteur.

5.4 – Garantie de l’exécution d’une obligation – En sus, le bien est affecté en vue de
garantir l’exécution d’une obligation ou d’un ensemble d’obligations. Par « garantir », il faut
comprendre « assurer » au sens de « rendre sûr », « rendre effectif ». On veut ainsi, par la
sûreté, rendre effective l’exécution d’une obligation.

10
CORNU (G.), op.cit., V° Affectation, p. 35.

11
Selon Frédéric ZENATI : « Les biens sont des choses qu’il est utile et possible de s’approprier », in Les
Biens, éd. PUF, Coll. Droit Fondamental, 1988, n° 1, p. 13.
12
CORNU (G.), op.cit., V° Patrimoine, p. 747.
8
Cela dit, que signifie « exécution » ? Par le vocable « exécution », il faut comprendre,
l’accomplissement, par le débiteur, de la prestation due de sorte à procurer une entière
satisfaction au créancier. L’exécution d’une obligation, c’est la réalisation effective de cette
obligation. Autrement dit, l’exécution de l’obligation est le paiement de ladite obligation.

Par obligation, il faut entendre le lien de droit entre deux ou plusieurs personnes en
vertu duquel, l’une d’elles, le créancier, peut exiger de l’autre, le débiteur, l’exécution d’une
prestation ou une abstention.

5.5 – Modalités de l’obligation – Il faut, d’emblée, relever qu’il est évident que l’obligation à
garantir doit être une obligation civile dans la mesure où l’exécution d’une sûreté peut être
demandée en justice. On voit mal ainsi comment on pourrait garantir une obligation naturelle.
Par le groupe nominal « quelle que soit la nature juridique de celles-ci », le législateur
OHADA met en relief, l’indifférence de la nature juridique des obligations garanties.
Autrement dit, celles-ci peuvent avoir n’importe quelle nature juridique. Ainsi, elles peuvent
être « présentes ou futures, déterminées ou déterminables, conditionnelles ou
inconditionnelles13 ».

L’obligation présente est celle qui est déjà née au moment de la prise de la sûreté. A
l’inverse, l’obligation future est celle qui n’existe pas encore mais qui va exister dans l’avenir.
On peut donc s’engager à garantir une obligation future.

L’obligation déterminée est l’obligation monétaire dont le montant est connu, fixé dès
la conclusion de la garantie. Par contre, l’obligation déterminable est celle dont le montant,
indéterminé au moment de la conclusion de la garantie, pourra ultérieurement être fixé par
application de facteurs arrêtés d’accord parties. L’obligation conditionnelle est celle qui est
soumise à une condition c’est-à-dire à un événement futur et incertain auquel est subordonné
la naissance ou la résolution de l’obligation. Quand l’obligation n’est pas soumise à une
condition, elle est inconditionnelle.

Enfin, le montant de l’obligation peut être fixe ou fluctuant. Le montant est fixe
lorsqu’il ne varie pas tout au long de la vie de la sûreté. A l’inverse, quand le montant subit
des variations prévues au moment de la formation de la garantie, il est dit fluctuant.

13
Art. 1er AUS. Par ailleurs, les obligations peuvent aussi être civiles ou commerciales, contractuelles ou
extracontractuelles, monétaires ou être une obligation de faire, etc.
9
6- Sûretés et sécurité - Etymologiquement, le terme « sûreté » est synonyme de sécurité. On
a pu écrire justement que : « les sûretés ajoutent aux créances une facette miroitante, la
sécurité14 ». La sûreté confère la sécurité tant au créancier qu’au débiteur.

Quant au créancier, la sûreté a pour but de le rassurer relativement au recouvrement de


sa créance à l’échéance. En effet, l’utilité, pour un créancier, de bénéficier d’une sûreté est de
gérer, par anticipation, le risque d’insolvabilité de son débiteur ou le risque d’immobilisation
de sa créance.

Quant au débiteur, la sûreté lui est utile dans la mesure où elle conforte la confiance du
créancier et le dispose ainsi à lui octroyer le crédit escompté. En outre, elle lui fournit une
aide dans l’exécution de son obligation.

Bénéfique au créancier et au débiteur, la sûreté est, au-delà de ces personnes,


bénéfique au crédit lui-même en ce qu’une bonne politique d’octroie des sûretés dans un pays
peut booster l’économie de ce pays15.

7 - Sources du droit des sûretés16 - Les sources du droit des sûretés sont diverses. Elles
comprennent, tant au plan international, national que communautaire, des textes, de la
doctrine et de la jurisprudence.

7- 1 – Les textes - En ce qui concerne les textes, au plan international, diverses conventions
internationales régissent le droit des sûretés. Il en est ainsi de la Convention des Nations

14
CABRILLAC (M.), MOULY (C.), Droit des sûretés, Ed. Litec, 1990, n° 1, p. 1.

15
Voir, dans ce sens, CROCQ (P.) et alii, Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés, La réforme
du droit des sûretés de l’OHADA, Ed. Lamy, coll. Lamy Axe Droit, 2012. Ces auteurs, aux pages 26 et 27 de
leur ouvrage, précisent que : « […] Il va sans dire que l’objectif majeur […] était de faciliter l’accès au crédit
qui constitue l’une des priorités des Etats membres pour soutenir le développement et les investissements des
entreprises dans la zone OHADA. A cet effet, il est primordial de promouvoir en particulier les garanties du
crédit. Les sûretés constituent aujourd’hui les piliers indispensables de l’économie moderne du crédit. Force est
donc de constater qu’un régime efficace et adapté des sûretés est un outil essentiel de la stratégie d’appui au
secteur privé pour les Etats membres de l’OHADA ».
16
Dans un sens très large, la notion de « source » désigne ce par quoi procède la formulation de la règle de droit.
On peut distinguer deux grandes sources du droit : les sources matérielles et les sources formelles. Les sources
matérielles encore dénommées sources substantielles, réelles ou « forces créatrices du droit » selon l’expression
du doyen Ripert sont « l’ensemble des faits et valeurs qui génèrent la règle de droit ». Ces sources matérielles
dérivent des principes moraux, religieux, philosophiques, politiques, sociaux, idéologiques, historiques, etc. pour
irriguer le droit et donner naissance aux règles juridiques. Les sources formelles, quant à elles, désignent le
processus technique de formation des règles de droit ou encore le processus de création de la règle de droit. Les
sources formelles comprennent alors la loi, la coutume, la jurisprudence, la doctrine et les principes généraux du
droit. Dans ce cours, il est question principalement des sources formelles du droit des sûretés.
10
Unies sur les garanties indépendantes et les lettres de crédit stand-by, adoptée le 11 décembre
1995 ou du Guide législatif de la Commission des Nations Unies pour le Droit Commercial
International (CNUDCI)17 sur les opérations garanties, adopté le 14 décembre 2007 ou encore
du Supplément au Guide législatif de la CNUDCI relatif aux sûretés grevant la propriété
intellectuelle, adopté le 29 juillet 2010.

Enfin, last but not least, on peut y adjoindre la Convention de La Haye du 5 juillet
2006 sur la loi applicable à certains droits sur des titres détenus auprès d’un intermédiaire et la
Convention d’UNIDROIT sur les règles matérielles relatives aux titres intermédiés18.

Au plan communautaire, il faut relever qu’après l’indépendance de la plupart des pays


membres de l’OHADA19, le droit des sûretés était hérité du droit français, notamment les
dispositions du code civil (art. 2011 à 2203), celles du code de commerce pour le gage
commercial, ainsi que des textes spéciaux (pour le fonds de commerce par exemple). A cela,
il faut ajouter qu’en ce qui concerne les sûretés réelles immobilières, les dispositions du code
civil avaient été remplacées par des textes coloniaux portant sur la propriété foncière,
notamment le décret-loi du 26 juillet 1932 réorganisant la propriété foncière en Afrique
Occidentale française.

En raison de la vétusté de ces dispositions et au regard de l’insécurité juridique


découlant de la disparité des sources, les Etats membres de l’OHADA ont opéré une véritable
révolution en adoptant, le 17 avril 1997, l’acte uniforme portant organisation des sûretés
(AUS) qui régira l’ensemble des sûretés sur l’étendue des territoires des Etats parties. Vaste
monument de 151 articles, l’AUS, entré en vigueur le 1er janvier 1998, va abroger toutes les

17
La CNUDCI a été créée en 1966 en vue de réduire ou d’aplanir les disparités entre les lois nationales régissant
le commerce international. La Commission comprend 60 Etats membres élus par l’Assemblée Générale des
Nations Unies pour un mandat de 6 ans.
18
Voir aussi la Convention de Genève du 9 octobre 2009 sur les titres intermédiés.

19
L’OHADA (Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires) est une organisation ayant
pour but d’harmoniser les règles relatives au droit des affaires dans plusieurs Etats de l’Afrique. Cette
organisation résulte d’un Traité appelé donc le Traité de l’OHADA. Ce traité a été signé le 17 Octobre 1993 à
Port-Louis (Ile Maurice) et entré en vigueur le 18 septembre 1995. Actuellement, l’OHADA regroupe 17 Etats
Parties : Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Centrafrique, Comores, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée
Equatoriale, Guinée Bissau, Guinée Conakry, Mali, Niger, Sénégal, Tchad, Togo, République Démocratique du
Congo. Le Traité de l’OHADA a été révisé le 17 octobre 2008 à Québec.
11
dispositions nationales contraires20. Il va aussi innover en consacrant, par exemple, la lettre de
garantie autonome comme seconde sûreté personnelle aux côtés du cautionnement.

Après un peu plus d’une dizaine d’années d’application, l’AUS de 1997 a été abrogé le
15 décembre 2010 et remplacé par un nouvel acte uniforme21. Ce dernier est entré en vigueur
le 15 mai 201122 et comprend 228 articles. Il a consacré de nouvelles sûretés notamment la
cession de créance à titre de garantie et la clause de réserve de propriété. La réforme a
également intégré à l’acte uniforme portant organisation des sûretés des dispositions relatives
aux sûretés et logées dans d’autres actes uniformes. Tel est le cas des règles relatives à
l’inscription des sûretés qui étaient auparavant insérées dans l’acte uniforme relatif portant sur
le droit commercial général.

Notons, pour conclure sur les textes, que la loi ivoirienne n° 2016-412 du 15 juin 2016
relative à la consommation comporte des dispositions relatives aux sûretés, notamment ses
articles 221 à 225. On peut aussi mentionner comme sources l’acte uniforme du 15 décembre
2010 portant sur le droit commercial général, l’acte uniforme du 30 janvier 2014 relatif au
droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique ainsi que l’acte
uniforme du 10 septembre 2015 portant organisation des procédures collectives d’apurement
du passif. On peut y adjoindre enfin l’acte uniforme du 10 avril 1998 portant organisation des
procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution23 et l’acte uniforme du 22
mars 2003 relatif aux contrats de transport de marchandises par route24.

20
En effet, aux termes de l’art. 150 de cet AUS : « Sont abrogées toutes les dispositions antérieures contraires à
celles du présent Acte uniforme. Celui-ci n’est applicable qu’aux sûretés consenties ou constituées après son
entrée en vigueur.
Les sûretés consenties ou constituées ou créées antérieurement au présent Acte uniforme et conformément à la
législation alors en vigueur restent soumises à cette législation jusqu’à leur extinction ».

Toutefois, il faut mentionner qu’en matière immobilière, notamment en Côte d’Ivoire, l’inscription des
hypothèques est encore régie par le décret-loi du 26 juillet 1932.

21
En effet, l’art. 227 du nouvel AUS dispose que : « Le présent acte uniforme, qui abroge l’Acte uniforme
portant organisation des sûretés du 17 avril 1997, n’est applicable qu’aux sûretés consenties ou constituées
après son entrée en vigueur.
Les sûretés consenties ou constituées antérieurement au présent Acte uniforme et conformément à la législation
alors en vigueur restent soumises à cette législation jusqu’à leur extinction ».

22
Publié au JO OHADA n° 22 du 15 févr. 2011, p. 1 et s., cet acte uniforme portant organisation des sûretés est
entré en vigueur le 15 mai 2011.
23
Publié au JO OHADA n° 6 du 1er juin 1998 (p. 1 et s.) et entré en vigueur le 10 juillet 1998.

24
Publié au JO OHADA n° 13 du 31 juillet 2003, p. 3 et s. entré en vigueur le 1er janvier 2004.
12
7-2 - La doctrine – La doctrine est importante en la matière. Elle s’exprime dans des revues
scientifiques25 et aussi sur certains sites internet26. Elle est également publiée dans des
ouvrages, tant généraux que spécialisés27.

7-3 - La jurisprudence – Le droit des sûretés donne lieu à un contentieux judiciaire et il


existe beaucoup de décisions rendues par les juridictions judiciaires en matière de droit des
sûretés. Certaines de ces décisions sont publiées dans des revues et sur des sites internet28.

25
On peut citer, au plan interne et communautaire, la revue Penant, la Revue Ivoirienne de Droit (RID), la revue
Actualités Juridiques (AJ), le Recueil des arrêts de la cour suprême ivoirienne publié par le Centre National de
Documentation Juridique (CNDJ), le Recueil de jurisprudence des cours d’appels et tribunaux publié par le
CNDJ, Le Juris-Ohada, recueil de jurisprudence de droit OHADA publié par le CNDJ, le Recueil de
jurisprudence semestriel de l’OHADA publié par la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), etc.
26
On trouve une doctrine et une jurisprudence très abondantes sur le site www.ohada.com. Il en est de même du
site www.juriscope.org.
27
Il existe de nombreux ouvrages sur le droit des sûretés. Ceux que nous allons citer le sont à titre indicatif.
Ainsi, en droit français, on peut citer : MAZEAUD (H., L. et J.), CHABAS (F.), Leçons de droit civil, Sûretés –
Publicité foncière, tome troisième, 1er volume, Ed. Montchrestien, 1977, 745 p. ; LEGEAIS (D.), Les garanties
conventionnelles sur créances, Ed. Economica, 1986, 386 p. ; CABRILLAC (M.) et MOULY (C.), Droit des
sûretés, Ed. Litec, 1990, 780 p. ; MESTRE (J.), PUTMAN (E.), BILLIAU (M.), Traité de droit civil, Droit
commun des sûretés réelles, Ed. LGDJ, 1996, 520 p. ; MESTRE (J.), PUTMAN (E.), BILLIAU (M.), Traité de
droit civil, Droit spécial des sûretés réelles, éd. Montchrestien, 1996, 964 p. ; SIMLER (P.), Cautionnement et
Garanties autonomes, Ed. Litec, 3é édition, 2000, 942 p. ; SIMLER (P.) et DELEBECQUE (P.), Droit civil, Les
sûretés, La publicité foncière, Ed. Dalloz, 4e Ed., 2004, 786 p. ; LEGEAIS (D.), Sûretés et garanties du crédit,
Ed. LGDJ, 5e édition, 2006, 533 p. ; MATHIEU (M-E), Les nouvelles garanties de financement, Aspects
pratiques des sûretés réelles conventionnelles mobilières et immobilières, Ed. EFE, 2007, 328 p.

En ce qui concerne les ouvrages écrits dans l’espace juridique OHADA, on peut mentionner : SAKHO
(A.), NDIAYE (I.), Pratique des garanties du crédit, Ed. Revue Africaine de Banques, 1e édition, 1998, 199 p ;
ANOUKAHA (F.), CISSE-NIANG (A.), FOLI (M.), ISSA-SAYEGH (J.), NDIAYE (I. Y), SAMB (M.), Ohada,
Sûretés, Ed. BRUYLANT, 2002, 279 p. ; CROCQ (P.), BLACK YONDO (L.), BRIZOUA-BI (M.), FILLE
LAMBIE (O.), LAISNEY (L-J), MARCEAU-COTTE (A.), Le nouvel acte uniforme portant organisation des
sûretés, La réforme du droit des sûretés de l’OHADA, Ed. Lamy, 2012, 406 p.

Parmi les thèses, on peut citer : BROU (K.M.), La constitution des sûretés dans le droit des sociétés
commerciales, Thèse pour le doctorat de 3e cycle, Université de Droit, d’Economie et des Sciences d’Aix-
Marseille, 1984, 242 p. ; PITO HANIA (V), Les biens immatériels saisis par le droit des sûretés réelles
mobilières conventionnelles, Université Paris-Est Créteil, 2011, 380 p ; KAKALY (Y. J-D), L’affectation de
comptes bancaires en garantie d’une dette, Thèse unique, Université Toulouse 1 Capitole, 2010, 362 p. ;
KOUASSI (S.E.G), Les sûretés mobilières relatives à l’activité pétrolière en Côte d’Ivoire : réflexions sur les
titres miniers d’hydrocarbures et les stocks d’hydrocarbures assiettes de garanties en droit OHADA, Université
Alassane Ouattara de Bouaké, 2017, 400 p ; KOUAKOU (S. B), Réflexion critique sur l’efficacité des sûretés
réelles en droit OHADA : proposition en vue d’une réforme du droit OHADA des sûretés réelles, Université de
Bordeaux, 2015, 530 p.
28
On peut citer comme site très intéressant ww.droit-afrique.org.
13
8 - Classification des sûretés - Les sûretés peuvent faire l’objet de plusieurs classifications
en fonction du critère retenu.

8-1 – Selon la source - Au regard du critère de la source, les sûretés se déclinent en sûretés
conventionnelles, légales ou judiciaires. Les sûretés conventionnelles sont celles qui résultent
de l’œuvre des parties à travers un contrat qu’elles concluent. Il en est ainsi du cautionnement
ou du gage. Les sûretés légales sont celles qui sont directement consenties par la loi au
créancier : c’est le cas du privilège. Enfin, les sûretés judiciaires sont celles qui sont imposées
par le juge au débiteur. A titre illustratif, nous pouvons mentionner l’hypothèque judiciaire ou
le nantissement judiciaire.

8-2 – Selon l’objet - Sur le critère de l’objet de la sûreté, on distingue les sûretés personnelles
et les sûretés réelles. Les premières, selon l’art. 4 alinéa 1er AUS, « consistent en
l’engagement d’une personne de répondre de l’obligation du débiteur principal en cas de
défaillance de celui-ci ou à première demande du bénéficiaire de la garantie » ; quant aux
secondes, et selon l’alinéa 2e du même art. 4 AUS, « elles consistent soit dans le droit du
créancier de se faire payer par préférence sur le prix de réalisation d’un bien affecté à la
garantie de l’obligation de son débiteur, soit dans le droit de recouvrer la libre disposition
d’un bien dont il est propriétaire à titre de garantie de cette obligation ».

8-3 – Selon la nature du bien - En fonction de la nature mobilière ou immobilière du bien,


on distingue, au sein des sûretés réelles, les sûretés réelles mobilières qui ont pour assiette des
biens meubles et les sûretés réelles immobilières qui portent sur des immeubles. En fonction
de la nature corporelle ou incorporelle du bien, les sûretés réelles mobilières se déclinent en
gage et nantissement. Le gage a pour objet un bien meuble corporel tandis que le
nantissement ne grève que des biens meubles incorporels.

8-4- Selon le critère de la détermination ou de l’indétermination de l’assiette- Par ailleurs,


les sûretés réelles peuvent être spéciales quand elles ont pour assiette un ou plusieurs biens
déterminés ou générales quand elles portent sur un ensemble de biens indéterminés.

14
8-5 – Selon le critère de la dépossession - Enfin, sur le critère de la dépossession, les sûretés
réelles se déclinent en sûretés réelles avec dépossession29 et en sûretés réelles sans
dépossession30.

Après cette introduction générale, il est loisible d’analyser des mécanismes juridiques
communs à toutes les sûretés que sont le débiteur professionnel et l’agent des sûretés.

Section 2 : Le débiteur professionnel

9 – Données et plan - La réglementation relative au débiteur professionnel est une innovation


de l’acte uniforme portant organisation des sûretés adopté le 15 décembre 2010 et entré en
vigueur le 16 mai 2011.

Quatre dispositions lui sont consacrées à savoir les articles 3, 80, 85 et 104 de l’AUS.
Le premier article offre de percevoir la notion de débiteur professionnel (§1). Quant aux
autres, ils permettent de déterminer les effets inhérents à la qualité de débiteur professionnel
(§ 2).

§ 1 – La notion de débiteur professionnel

10 - Définition du débiteur professionnel – La définition du débiteur professionnel nous est


livrée par l’art. 3 AUS qui dispose que : « Est considéré comme débiteur professionnel […],
tout débiteur dont la dette est née dans l’exercice de sa profession ou se trouve en rapport
direct avec l’une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n’est pas principale ».

11 – Plan - Cette définition met en relief deux conditions cumulatives nécessaires pour qu’il y
ait un débiteur professionnel : d’une part, les conditions relatives au débiteur (A) et, d’autre
part, les conditions relatives à la dette (B).

A – Les conditions relatives au débiteur

Dans un premier sens, la qualification de débiteur professionnel nécessite la qualité de


débiteur (1) et l’exercice d’une profession (2).

1 – La nécessité de la qualité de débiteur

29
Comme sûretés réelles mobilières exigeant la dépossession, nous pouvons citer le droit de rétention et le gage
avec dépossession.
30
Le nantissement du fonds de commerce est un exemple de sûretés réelles sans dépossession.
15
12 – Tout débiteur - Selon l’art. 3 AUS, la qualité de « débiteur professionnel » peut être
attribuée à « tout débiteur ». La généralité des termes utilisés suggère une indifférence du
statut du débiteur pour cette qualification. Autrement dit, n’importe quel débiteur peut être
qualifié de débiteur professionnel. Peu importe qu’il soit un débiteur civil, un commerçant, un
salarié, etc. Peu importe qu’il soit un débiteur in bonis ou dans les liens d’une procédure
collective. Ce qui compte, c’est qu’il soit tenu d’une obligation envers un créancier ; ce qui
importe, c’est qu’il soit un débiteur, c’est-à-dire, selon CORNU : « celui qui doit quelque
chose à quelqu’un ; sujet passif de l’obligation ; celui qui est tenu d’une dette, obligé,
engagé, qu’il s’agisse d’une obligation en nature ou d’une obligation de somme d’argent31 ».

On le constate, le statut du débiteur importe peu ; en revanche, sa qualité de débiteur


est importante. Il ne s’agit donc pas ici d’un créancier professionnel mais bien d’un débiteur
professionnel. Cela inclut que ce débiteur exerce une profession.

2 – L’exercice d’une profession

13 – Notion de profession - Selon l’art. 3 AUS, le débiteur professionnel est aussi celui qui
exerce une profession. Le vocable « profession » est ambigu. Etymologiquement, le mot
« profession », issu du latin classique professio, désigne une déclaration. Ainsi, l’on fait une
profession de foi ou d’opinion. Dans ce sens, la profession est l’état qu’on déclare exercer,
l’emploi qu’on déclare occuper, la condition à laquelle on déclare appartenir32. A ce sens
étymologique du mot, on peut adjoindre un sens plus moderne. La profession est alors l’ «
occupation sérieuse de nature à produire des bénéfices et à subvenir aux besoins de
l’existence33 ». Dans cette veine, Ripert précise que « exercer une profession, c’est consacrer
d’une façon principale et habituelle son activité à l’accomplissement d’une certaine tâche
dans le dessein d’en tirer profit34 ». Pareillement, CORNU soutient que la profession est l’
« activité habituellement exercée par une personne pour se procurer les ressources
nécessaires à son existence ».
31
CORNU (G.), op.cit., V° débiteur, débitrice, p. 299.

32
DIDIER (P.), DIDIER (Ph.), Droit commercial, Tome 1, Introduction générale, L’entreprise commerciale,
Ed. Economica, Coll. Corpus Droit privé, Paris, 2005, n° 859, p. 659. Ces auteurs précisent que :
« Etymologiquement, une profession (du latin classique : professio) est une déclaration : ex. profession de foi,
d’opinion, d’où le sens dérivé d’état qu’on déclare exercer, d’emploi qu’on déclare occuper, de condition à
laquelle on déclare appartenir ».
33
Cour d’appel de Paris, 30 avril 1906, DP 1907.5.9.

34
Cité par DIDIER (P.), DIDIER (Ph.), op.cit., p. 659, note 2.
16
De ces différentes définitions, il ressort que l’appréhension du mot « profession »
nécessite la réunion de deux éléments : un élément matériel ou corpus et un élément
intentionnel ou animus35. Le corpus, c’est l’activité réellement exercée, celle à l’exercice de
laquelle une personne se dévoue corps et âme ; quant à l’animus, il est manifeste dans
l’intention de tirer, de l’activité exercée, des bénéfices et les ressources utiles à l’existence.

Si cette appréhension de la profession s’applique indéniablement à une personne


physique, toutefois la question de son applicabilité à la personne morale se pose. Autrement
dit, une personne morale peut-elle exercer une profession ? CORNU répond positivement à
cette question en fournissant une définition étendue de la profession comprise comme « un
secteur économique auquel se rattache une entreprise en raison de son activité 36 ». Dans ce
sens, la personne morale, par le biais de son activité ou de son objet social, exerce une
profession ou une activité professionnelle dans la mesure où l’activité exercée, peut-on
ajouter, lui permet aussi de faire des bénéfices.

En définitive, la qualité de « débiteur professionnel » peut s’appliquer aussi bien à la


personne physique qu’à la personne morale. Cependant, cette qualité exige, en outre, des
conditions relatives à la dette.

B – Les conditions relatives à la dette : la nécessité du lien entre la dette et la profession

14 – Le lien de connexité - Le débiteur professionnel est celui « dont la dette est née dans
l’exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l’une de ses activités
professionnelles, même si celle-ci n’est pas principale », selon l’art. 3 AUS. On constate donc
qu’il faut un lien de connexité entre la dette et l’exercice d’une profession. Ce lien est double :
soit la dette est née dans l’exercice de la profession du débiteur (1), soit elle a un rapport
direct avec l’une des activités professionnelles du débiteur (2).

1 – La naissance de la dette dans l’exercice de l’activité du débiteur

Pour qu’il y ait un débiteur professionnel, il est nécessaire que la dette de ce dernier
soit née dans l’exercice de sa profession.

35
Voir, dans ce sens, DIDIER (P), DIDIER (Ph) qui, appliquant le vocable profession à l’activité commerciale
soutiennent que : « … Une activité commerciale ne devient profession commerciale que si, au corpus, se joint
une intention, un animus : volonté de prendre le statut de commerçant avec ses avantages et ses contraintes… »,
op.cit., n° 859, p. 659.
36
CORNU (G.), loc.cit.
17
15 – Dette professionnelle - Il s’agit alors d’une dette professionnelle qui est opposée à la
dette non professionnelle ou dette personnelle. Dans ce sens, une dette professionnelle est
d’abord une dette née dans l’exercice de la profession du débiteur. Ainsi, une dette contractée
par un commerçant dans l’exercice de son activité commerciale est une dette professionnelle,
plus précisément une dette commerciale ; pareillement, la dette d’un salarié dans l’exercice de
sa profession est une dette professionnelle ; il en est de même d’un enseignant qui contracte
une dette dans une activité d’enseignement ou encore un établissement financier de
cautionnement qui se porte caution et qui, de ce fait, contracte une dette professionnelle. Le
débiteur qui, dans ces circonstances, contracte une dette professionnelle, est donc un débiteur
professionnel.

On constate donc que c’est la nature de la dette qui détermine la qualité du débiteur et
non l’inverse. Autrement dit, c’est parce qu’un débiteur a une dette professionnelle qu’il est
qualifié de débiteur professionnel et non l’inverse. Dans ces circonstances, il eût mieux valu
réglementer la dette professionnelle et non le débiteur professionnel ; qualification, au
demeurant, péjorative37.

Mais la dette professionnelle peut ne pas naître dans l’exercice de la profession du


débiteur mais être en rapport direct avec l’une de ses activités professionnelles, même si celle-
ci n’est pas principale.

2 – Le rapport direct de la dette avec l’activité professionnelle du débiteur

16 - Elargissement du champ de la dette professionnelle - Si la dette n’est pas née dans


l’exercice de la profession du débiteur, elle peut tout de même être qualifiée de dette
professionnelle s’il existe un rapport direct entre la dette et l’activité professionnelle. Tel peut
être le cas lorsque la dette est née, non dans l’activité principale du débiteur, mais dans une
activité connexe ayant un rapport avec l’activité principale. Cette exigence du rapport direct
permet d’élargir le champ d’application de la dette professionnelle.

§ 2 – Les effets liés à la qualité de débiteur professionnel

37
De ce point de vue, nous partageons les critiques du professeur ISSA-SAYEGH lorsqu’il écrit que : « Il nous
semble qu’il eût valu utiliser la notion de dette professionnelle ou, à la limite, de professionnel débiteur,
l’expression « débiteur professionnel » évoquant davantage le professionnel de l’endettement, ce qui est
péjoratif », V. Commentaires sous art. 3 AUS in OHADA, Traité et actes uniformes commentés et annotés, Ed.
Juriscope, 2018, p. 881.
18
17 – Données - La détermination législative de la qualité de débiteur professionnel n’est pas
anodine. En effet, elle vise à déterminer un certain nombre d’effets liés à cette qualité. Quels
sont ces effets ?

18 – Plan – Ces effets sont définis aux articles 80, 85 et 104 de l’Acte uniforme portant
organisation des sûretés. Ils interviennent, dans l’AUS, en cas de cession de créance (A) et en
cas de réalisation du gage (B).

A – En cas de cession de créance

19 – Données – La qualité de débiteur professionnel fait naître des droits au profit du


cessionnaire et corrélativement, des obligations au détriment du cédé qui est débiteur
professionnel. Il s’agit, plus précisément, de l’inopposabilité de l’incessibilité de la créance
cédée au cessionnaire par le débiteur cédé professionnel et de l’engagement du débiteur cédé
professionnel à payer directement le cessionnaire.

20 – Inopposabilité de l’incessibilité de la créance cédée – Aux termes de l’art. 80 al.2


AUS : « L’incessibilité de la créance ne peut être opposée au cessionnaire par le débiteur
cédé lorsqu’elle est de source conventionnelle et que la créance est née en raison de
l’exercice de la profession du débiteur cédé ou se trouve en rapport direct avec l’une de ses
activités professionnelles, même si celle-ci n’est pas principale ».

L’alinéa 1er de cet article définit, en amont, la cession de créance comme sûreté. Elle
est la convention par laquelle une créance détenue sur un tiers est cédée, à titre de garantie, de
tout crédit consenti par une personne morale faisant à titre de profession habituelle et pour son
compte des opérations de banque ou de crédit.

Dans cette convention, on admet que la créance cédée doit être cessible. En
conséquence, lorsqu’elle est incessible, cette incessibilité empêche la cession de créance en ce
que le débiteur cédé peut opposer cette incessibilité au cessionnaire. Justement, l’al. 2 apporte
une exception à cette opposabilité de l’incessibilité dans deux cas, à savoir lorsque la créance
à cédée est d’origine conventionnelle et, ce qui nous intéresse ici, lorsque la dette est celle
d’un débiteur professionnelle. Autrement dit, en cas de cession de créance, le débiteur
professionnel cédé ne peut opposer au créancier l’incessibilité de sa dette.

21 – L’engagement du débiteur cédé professionnel à payer directement le cessionnaire –


Le régime de cet engagement est régi par l’art. 85 AUS. Lorsqu’une cession de créance

19
intervient, elle doit être portée à la connaissance du débiteur cédé par le cessionnaire ou le
débiteur cédé doit intervenir à l’acte. Dans ces cas, le cessionnaire est le seul créancier du
cédé. L’art. 85 AUS prévoit des dispositions particulières avantageuses pour le cessionnaire
lorsque le débiteur cédé est un débiteur professionnel. Dans cette hypothèse, le cessionnaire
peut demander audit débiteur professionnel cédé de s’engager à lui payer directement la
créance cédée. Pour ce faire « trois conditions doivent être réunies : un écrit, l’écrit est intitulé
« acte d’acceptation d’une cession de créance de garantie et l’écrit reproduit, en caractères
suffisamment apparents, les dispositions de l’article 8538 ».

Le non-respect de cette procédure est sanctionné par la nullité de l’engagement. En


revanche, son respect produit des effets. Dans, selon l’al. 2 de l’art. 85 UAS : « […] Le
débiteur ne peut opposer au cessionnaire les exceptions fondées sur ses rapports personnels
avec le cédant, à moins que le cessionnaire en acquérant ou en recevant la créance, n’ait agi
sciemment au détriment du débiteur… ».

B – En cas de réalisation du gage

22 – Données – L’effet de la qualité de débiteur professionnel en cas de réalisation du gage


est prévu par l’art. 104 al. 3 AUS. Cet article prévoit les modes de réalisation du gage, l’alinéa
1 consacrant la réalisation par vente forcée du gage et l’al. 2, celle par l’attribution judiciaire
du gage. Toutefois, l’al. 3 prévoit des hypothèses dans lesquelles l’attribution conventionnelle
du gage est possible. Et précisément, l’une de ces hypothèses correspond au cas où le bien
gagé est celui d’un débiteur professionnel.

23 – Attribution conventionnelle du bien gagé – Aux termes de l’art. 104 al. 3 AUS : « Si le
bien gagé est une somme d’argent ou un bien dont la valeur fait l’objet d’une cotation
officielle, les parties peuvent convenir que la propriété du bien gagé sera attribuée au
créancier gagiste en cas de défaut de paiement. Il en va de même pour les autres meubles
corporels lorsque le débiteur de la dette garantie est un débiteur professionnel. En ce cas, le
bien gagé doit être estimé au jour du transfert par un expert désigné à l’amiable ou
judiciairement, toute clause contraire étant réputée non écrite ». En définitive, lorsque le bien
gagé appartient à un débiteur professionnel, le créancier gagiste peut, à défaut de paiement de
la dette par ledit débiteur, devenir propriétaire conventionnellement, dudit bien à condition
que la valeur du bien soit estimée par un expert.

38
ISSA-SAYEGH (J.), Commentaires sous art. 85 AUS, loc.cit., p. 918-919.
20
24 – Remarque conclusive – La figure du débiteur professionnel est une nouveauté de l’AUS
de 2011. Celle de l’agent des sûretés en est une autre.

SECTION 3 : L’AGENT DES SÛRETÉS

25 – Définition – L’appréhension de la notion d’agent des sûretés nécessite d’abord une


définition de cette figure. Le législateur ne définit pas l’agent des sûretés. Toutefois, aux
termes de l’art. 5 AUS : « Toute sûreté ou autre garantie de l’exécution d’une obligation peut
être constituée, inscrite, gérée et réalisée par une institution financière ou un établissement
de crédit, national ou étranger, agissant en son nom et en qualité d’agent des sûretés, au
profit des créanciers de la ou des obligations garanties l'ayant désigné à cette fin ».

A partir de cet article, on peut donner une définition de l’agent des sûretés. Ainsi,
l’agent des sûretés est une institution financière ou un établissement de crédit qui, désignée
par des créanciers, est chargée, en son nom, de constituer, d’inscrire, de gérer et de réaliser
toute sûreté ou autre garantie de l’exécution d’une obligation.

26 – Enseignements – Ce que l’on retient, c’est d’abord que l’agent des sûretés est une
personne morale, plus précisément, une institution financière ou un établissement qui exerce
une profession. L’agent des sûretés ne peut donc être une personne physique. La profession
exercée consiste à constituer, inscrire, gérer et réaliser une sûreté ou une garantie, au profit de
créanciers qui l’ont préalablement choisi mais en son nom propre. On remarque que le
domaine d’activité de « l’agent des sûretés » s’étend, outre les sûretés, aux garanties qui ne
sont pas des sûretés. Or, la catégorie « garanties » étant plus large que celle de « sûretés » et
incluant nécessairement ces dernières, on aurait mieux fait d’appeler ce professionnel « agent
des garanties ».

27 - Plan – Les règles applicables à la figure de l’agent des sûretés sont prévues par les
articles 5 à 11 AUS. L’économie de ces règles révèle un certain nombre d’éléments relatifs au
choix de l’agent des sûretés (§1), à sa mission et à ses pouvoirs (§2) ainsi qu’à sa
responsabilité (§3).

§ 1 – Le choix de l’agent des sûretés

28 – Plan – L’agent des sûretés ne s’impose pas. Il doit être choisi par des créanciers. Ce
choix se fait à travers un contrat (A) dont la détermination de la nature juridique s’impose (B).

A – Le contrat d’agent des sûretés


21
29 – Les mentions obligatoires - L’agent des sûretés est désigné par « un acte » écrit
l’unissant aux créanciers qui l’ont choisi. Par « acte », il faut entendre un contrat. Ce contrat
doit, à peine de nullité, contenir cinq mentions énumérées par l’art. 6 AUS39. L’objectif de ces
mentions est de renseigner, le plus complètement possible, les parties au contrat, les débiteurs
et les tiers sur la mission de l’agent des sûretés. Parmi ces mentions, on peut relever la
nécessité d’indiquer les « obligations garanties », c’est-à-dire les obligations de débiteurs
envers les créanciers pour la gestion desquelles l’agent des sûretés est désigné. On peut aussi
signaler, au titre des mentions de l’écrit, la nécessité d’indiquer « l’identité et le siège social
de l’agent des sûretés » ou encore l’indication de la durée de la mission de l’agent des sûretés
ainsi que de ses pouvoirs d’administration et de disposition.

30 – Les mentions facultatives - Les cinq mentions indiquées dans l’art. 6 AUS sont des
mentions obligatoires. Toutefois, ces mentions peuvent être complétées, le cas échéant, par
d’autres mentions facultatives, si les parties au contrat d’agent des sûretés le désirent. L’art.
10 AUS prévoit quelques-unes de ces mentions facultatives. Il s’agit de propositions et les
parties peuvent envisager d’autres mentions facultatives.

Selon l’art. 10 AUS, les parties peuvent prévoir « les conditions de remplacement de
l’agent des sûretés si celui-ci manque à ses devoirs ou met en péril les intérêts qui lui sont
confiés ou encore s’il fait l’objet de l’ouverture d’une procédure collective d’apurement du
passif ». De même, l’acte désignant l’agent des sûretés peut aussi contenir les conditions dans
lesquelles cet agent peut, sous sa responsabilité, déléguer tout ou partie de sa mission à un ou
plusieurs tiers.

Enfin, même si l’AUS ne l’’indique pas expressément, il n’est pas à exclure que le
contrat puisse prévoir la possibilité de démission de l’agent des sûretés et le régime de cette
démission.

B – La nature juridique du contrat d’agent des sûretés


39
Aux termes de l’art. 6 AUS : « L’acte désignant l’agent des sûretés mentionne, à peine de nullité :
1°) la ou les obligations garanties ou, si elles sont futures, les éléments de nature à permettre leur
individualisation, tels que l’indication de leur débiteur, de leur lieu de paiement, de leur montant ou l’évaluation
de ce dernier, et de leur échéance ;
2°) l’identité, au jour de la désignation de l’agent des sûretés, des créanciers de la ou des obligations
garanties ;
3°) l’identité et le siège social de l’agent des sûretés ;
4°) la durée de sa mission et l’étendue de ses pouvoirs d’administration et de disposition ;
5°) les conditions dans lesquelles l’agent des sûretés rend compte de sa mission aux créanciers de la ou des
obligations garanties ».

22
31 – Un mandat d’intérêt commun - L’AUS ne détermine pas, expressément, la nature
juridique du contrat d’agent des sûretés. Cependant, il définit des pistes permettant de
déterminer cette nature juridique. Deux indices peuvent être relevés. Le premier résulte de
l’art. 5 AUS dans lequel l’on indique l’agent des sûretés agit « au profit des créanciers de la
ou des obligations garanties l’ayant désigné à cette fin ». Quant au second, il est tiré de l’art.
11 AUS lequel précise que : « A défaut de disposition contraire dans l’acte le désignant, la
responsabilité de l’agent des sûretés à l’égard des créanciers de la ou des obligations
garanties s’apprécie comme celle d’un mandataire salarié ».

Une lecture combinée des deux indices amène à la conclusion que l’agent des sûretés
est un mandataire puisqu’il agit, comme un mandataire salarié, au profit des créanciers qui
l’ont choisi. Le contrat qui l’unit auxdits créanciers est donc un mandat. Toutefois, il ne s’agit
pas d’un mandat ordinaire puisque, s’il est constant que cet agent agit au profit des créanciers,
il n’en demeure pas moins qu’il agit, selon l’art. 5 AUS, « en son nom et en qualité d’agent
des sûretés ». Autrement dit, dans un mandat ordinaire, le mandataire agit au nom et pour le
compte du mandant alors qu’ici, l’agent des sûretés agit pour le compte des créanciers mais en
son nom. L’intérêt de l’agent est donc un élément déterminant de son action. En conséquence,
l’agent des sûretés, quoiqu’étant un mandataire, agit dans son intérêt et dans celui des
créanciers qui l’ont choisi. On en déduit que le contrat liant l’agent des sûretés aux créanciers
est un mandat d’intérêt commun.

§ 2 – La mission et les pouvoirs de l’agent des sûretés

32 - Plan – L’analyse de la mission de l’agent des sûretés (A) précédera celle de ses pouvoirs
(B).

A – La mission de l’agent des sûretés

33 – Pluralité de missions – A la vérité, il aurait été plus exact de « missions » au pluriel car
l’agent des sûretés a une pluralité de missions. En effet, selon l’art. 5 AUS, ledit agent est
institué pour quatre missions, à savoir « constituer, inscrire, gérer et réaliser toute sûreté ou
autre garantie de l’exécution d’une obligation ».

1) La constitution des sûretés

L’agent des sûretés peut « constituer » une sûreté. Cela signifie que l’agent des sûretés
sera partie à l’acte constitutif d’une sûreté, à la place des créanciers. C’est dire que l’agent des

23
sûretés jouera le rôle du créancier dans l’acte constitutif d’une sûreté donnée. Comme il est
précisé, « … Il n’est plus nécessaire de faire intervenir l’ensemble des créanciers à l’acte
constitutif de la sûreté… L’acte constitutif de la sûreté pourra être conclu entre le
constituant, le cédant ou le garant d’une part, et le seul agent des sûretés d’autre part,
agissant ès qualités et au profit des créanciers40 ».

A titre d’exemples, lorsqu’un crédit accordé par plusieurs créanciers à un seul débiteur
est cautionné par un tiers, tous les créanciers pourront se faire représenter par l’agent des
sûretés à la conclusion du contrat de cautionnement. C’est donc cet agent qui assumera le rôle
du créancier dans l’acte constitutif du cautionnement.

2) L’inscription des sûretés

L’agent des sûretés peut aussi inscrire des sûretés réelles au profit de l’ensemble des
créanciers garantis. Ainsi, bien que la sûreté soit inscrite au seul nom de l’agent des sûretés
tenu de mentionner sa qualité, l’inscription bénéficiera à l’ensemble des créanciers qui l’ont
choisi. Ainsi, aux termes de l’art. 51, al. 1 AUS : « L’inscription des sûretés mobilières est
faite à la requête du créancier, de l’agent des sûretés ou du constituant ».

3) La gestion des sûretés

La mission de l’agent des sûretés s’étend sur toute la période comprise entre la
constitution de la sûreté et l’extinction de celle-ci, elle comprend également la gestion des
sûretés. La gestion des sûretés peut amener l’agent des sûretés à assumer les obligations dont
les créanciers sont tenus suite à la constitution des sûretés. Ainsi, si la sûreté constituée est un
cautionnement, l’agent des sûretés sera tenu des obligations à la charge du créancier
notamment les obligations d’information de la caution. De même, en cas de conclusion d’un
gage, l’agent des sûretés devra entretenir et conserver en bon état les biens gagés.

Toutefois, la gestion d’une sûreté ne comporte pas que des obligations à la charge des
créanciers. Elle induit aussi des droits au profit de ceux-ci. Dans ce cas, l’agent des sûretés
bénéficiera de ces droits. Ainsi, si la sûreté constituée est le nantissement d’un fonds de
commerce, l’agent des sûretés bénéficiera d’un droit de suite, d’un droit de préférence et d’un
droit de réalisation reconnus à tout créancier nanti.

4) La réalisation des sûretés

40
CROCQ (P.) et alii, op.cit., n° 59, p. 63.
24
L’agent des sûretés peut, enfin, être tenu de la réalisation des sûretés. C’est dire qu’il
devra engager toutes les voies juridiques nécessaires pour recevoir paiement des créances.
Ainsi, il pourra : « 1- entamer les démarches nécessaires à la vente forcée des biens offerts en
garantie ; 2 – demander leur attribution judiciaire dans le patrimoine d’affectation détenu au
profit des créanciers en vertu de son pouvoir de représentation en justice des créanciers (art.
8, al. 2 AUS) ; 3 – ou se faire attribuer la propriété des biens remis en garantie. Ces biens
seront transférés dans le patrimoine d’affectation détenu au profit de la collectivité des
créanciers41 ».

34 - Remarque conclusive – Il faut signaler, pour conclure sur les missions de l’agent des
sûretés, que la détermination de la mission exacte de l’agent des sûretés est faite dans le
contrat d’agent des sûretés. Autrement dit, l’action d’un agent des sûretés ne comporte pas
nécessairement l’accomplissement des quatre missions ci-dessus définis. Le nombre de
missions à accomplir est défini dans le contrat.

B – Les pouvoirs de l’agent des sûretés

35 - Plan – Afin de mener à bien sa mission, l’agent des sûretés dispose de pouvoirs qui
peuvent se décliner en pouvoir de représentation des créanciers (1) et en pouvoir de détention
d’un patrimoine d’affectation (2).

1 – Le pouvoir de représentation des créanciers

36 – Réglementation – Le siège du pouvoir de représentation des créanciers par l’agent des


sûretés résulte de l’art. 8 AUS42. De cette disposition, on peut déceler, d’une part, une
représentation courante de la collectivité des créanciers et, d’autre part, une représentation en
justice.

37 – La représentation courante des créanciers – Dans cette hypothèse, l’agent des sûretés
représente la communauté des créanciers dans leurs relations avec leurs débiteurs et les tiers.
Pour ce faire, l’agent des sûretés dispose de pouvoirs d’administration et de disposition en

41
CROCQ (P.) et alii, op.cit., n° 62, p. 65.

42
Aux termes de l’art. 8 AUS : « Sauf stipulation contraire et pour tout ce qui a trait aux obligations garanties,
les créanciers sont représentés par l’agent des sûretés dans leurs relations avec leurs débiteurs, leurs garants,
ainsi que les personnes ayant affecté ou cédé un bien en garantie de ces obligations, et les tiers.
Dans la limite des pouvoirs qui lui ont été conférés par les créanciers de la ou des obligations
garanties, l’agent des sûretés peut intenter toutes actions pour défendre leurs intérêts, y compris en justice, la
seule indication qu’il intervient en sa qualité d’agent des sûretés étant suffisante ».

25
vertu desquels il peut gérer les sûretés ou accomplir des actes juridiques au profit des
créanciers.

38 – La représentation en justice – Ce pouvoir de représentation permet à l’agent des


sûretés d’intenter des actions en justice afin de défendre les intérêts des créanciers l’ayant
choisi. Pour exercer ces actions en justice, le mandataire spécial qu’est l’agent des sûretés
n’aura pas besoin d’un mandat spécial puisque l’art. 8 al. 2 AUS précise que « la seule
indication qu’il intervient en sa qualité d’agent des sûretés étant suffisante ».

2) Le pouvoir de détention d’un patrimoine d’affectation

39 – Réglementation – Aux termes de l’art. 9 al. 1er AUS : « Lorsque la constitution ou la


réalisation d’une sûreté entraîne un transfert de propriété au profit de l’agent des sûretés, le ou
les biens transférés forment un patrimoine affecté à sa mission et doivent être tenus séparés de
son patrimoine propre par l’agent des sûretés. Il en va de même des paiements reçus par
l’agent des sûretés à l’occasion de l’accomplissement de sa mission ». Il résulte de cette
disposition que les biens dont l’agent des sûretés peut être amené à devenir propriétaire au
cours de sa mission doivent être tenus, à part, dans un patrimoine distinct de son propre
patrimoine. Ce patrimoine particulier devant contenir l’ensemble de ces biens est dénommé
patrimoine d’affectation.

40 – Protection du patrimoine d’affectation – Le patrimoine d’affectation est possédé par


l’agent des sûretés en sa qualité de mandataire de la communauté des créanciers. Il s’en déduit
que les véritables propriétaires dudit patrimoine sont ces créanciers. Ce patrimoine fait l’objet
d’une protection affective puisqu’il échappe tant à la procédure collective ouverte contre le
débiteur qu’à celle contre l’agent des sûretés. Par ailleurs, les biens composant ce patrimoine
ne pourront être saisis que « par les titulaires de créances nées de la conservation et de la
gestion de ces biens » avec toutefois d’exceptions découlant « de l’exercice éventuel d’un
droit de suite sur ces biens et hors les cas de fraude ».

§ 3 – La responsabilité de l’agent des sûretés

41 – Plan – Dans l’exercice de sa mission, l’agent des sûretés peut engager sa responsabilité
tant à l’égard des créanciers (A) que des tiers (B).

A – La responsabilité à l’égard des créanciers

26
42 – Réglementation – Aux termes de l’art. 11 AUS : « A défaut de disposition contraire
dans l’acte le désignant, la responsabilité de l’agent des sûretés à l’égard des créanciers de la
ou des obligations garanties s’apprécie comme celle d’un mandataire salarié ». Il en découle
qu’à moins que les parties aient décidé autrement, « la faute de l’agent des sûretés sera donc
présumée (l’agent des sûretés est nécessairement un professionnel et sera le plus souvent
rémunéré) et il lui appartiendra d’apporter la preuve contraire43 ».

L’exception prévue au début de l’art. 11 suscité autorise les parties à inclure des
clauses limitatives de responsabilité au profit de l’agent des sûretés.

B – La responsabilité à l’égard des tiers

43 - Responsabilité directe de l’agent des sûretés - L’exercice de la mission de l’agent des


sûretés l’amène à entrer en relations avec des tiers. Etant donné qu’il agit en son nom propre,
il engage directement sa responsabilité vis-à-vis de ces tiers pour les fautes qu’il pourrait
commettre dans l’exercice de sa mission.

44 – Conclusion – L’analyse du régime de l’agent des sûretés met un terme au chapitre


préliminaire sauf à préciser le plan général de ce cours.

45 - Plan- La summa divisio des sûretés est celle qui les repartit en sûretés personnelles et
réelles. Cette subdivision constituera les deux grands axes de l’étude des sûretés dans l’espace
juridique OHADA. Toutefois, une étude du droit des sûretés ne peut omettre l’examen de la
distribution du prix des biens du débiteur. Enfin, l’efficacité des sûretés est mise à rude
épreuve par le droit des procédures collectives. D’où le plan suivant du cours :

- Première partie : les sûretés personnelles.

- Deuxième partie : les sûretés réelles.

- Troisième partie : la distribution du prix des biens du débiteur et le classement des


sûretés.

- Quatrième partie : les sûretés à l’épreuve des procédures collectives d’apurement du


passif.

43
CROCQ (P.) et alii, op.cit., n° 73, p. 68.
27
PREMIERE PARTIE :

LES SURETES PERSONNELLES

28
INTRODUCTION

46 - Notion de sûretés personnelles – Les sûretés personnelles sont définies par l’art. 4
alinéa 1er de l’acte uniforme portant organisation des sûretés (AUS) qui dispose que : « Les
sûretés personnelles (…), consistent en l’engagement d’une personne de répondre de
l’obligation du débiteur principal en cas de défaillance de celui-ci ou à première demande du
bénéficiaire de la garantie ».

La technique de la sûreté personnelle consiste donc dans l’engagement d’un tiers aux
côtés du débiteur. Lorsque ce tiers s’engage aux côtés du débiteur, il engage son patrimoine
tout entier. La sûreté personnelle consiste donc dans l’adjonction d’un nouveau patrimoine au
patrimoine du débiteur principal et au profit du créancier. Dans cette hypothèse, la sécurité du
créancier consiste alors dans la multiplication de son droit de gage général sur plusieurs
patrimoines. Du fait de la constitution de la sûreté personnelle, le créancier a le droit de
réclamer le paiement de sa créance, outre le débiteur principal, à un ou plusieurs autres
débiteurs. Cette multiplication du droit de poursuite du créancier constitue sa garantie.

Ce nouveau débiteur peut être une personne physique ou une personne morale. Ce
débiteur qui s’engage peut le faire, soit en cas de défaillance du premier débiteur, soit à la
première demande du créancier. Dans la première hypothèse, il s’agit du cautionnement, dans
la seconde de la garantie et de la contre-garantie autonomes, les deux catégories de sûretés
personnelles régies par l’AUS44.

47 - Plan – L’étude du cautionnement (chapitre 1) précédera celle de la garantie et de la


contre-garantie autonomes (chapitre 2).

44
En effet, aux termes de l’art. 12 AUS : « Les sûretés personnelles régies par le présent Acte uniforme sont le
cautionnement et la garantie autonome ». Cette disposition n’empêche pas que des sûretés personnelles puissent
être créées par les Etats parties ou par les parties à une convention. Dans ces hypothèses, lesdites sûretés seront
régies par les dispositions desdits Etats ou parties mais non par l’AUS.
29
CHAPITRE 1

LE CAUTIONNEMENT

48 – Présentation - Issu d’une pratique ancienne puisque déjà présente en droit romain en
tant qu’acte conclu entre amis, le contrat de cautionnement est à la fois dangereux et édifiant.

Dangereux car sa facile constitution fait oublier qu’il peut déboucher sur une
exécution forcée du patrimoine de la caution. En effet, selon l’adage, « Qui cautionne, paie ».
D’où la méfiance qu’il suscite45.

Edifiant car, à l’origine, le cautionnement est un service qu’un ami rend à son ami. Il
constitue donc la palestre de l’amitié46.

49 – Réglementation - Le régime juridique du cautionnement a été précisé par les rédacteurs


du code civil français rendu applicable en Côte d’Ivoire. Le code civil réglementait le
cautionnement aux articles 2011 à 2043. Par la suite, l’AUS de 1998 reprendra l’essentiel des
dispositions du code civil en réglementant cette sûreté aux articles 3 à 27.

Le cautionnement est désormais régi par les articles 13 à 38 de l’AUS de 2011. Outre
l’AUS, les articles 221 à 225 de la loi ivoirienne n° 2016-412 du 15 juin 2016 relative à la
consommation contiennent des dispositions complémentaires sur le régime juridique du
45
La défiance à l’égard du cautionnement se perçoit dans ce conseil tiré de la Bible : « Mon fils, si tu as
cautionné ton prochain, si tu t’es engagé pour autrui,
Si tu es enlacé par les paroles de ta bouche, si tu es pris par les paroles de ta bouche,
Fais donc ceci, mon fils, dégage-toi, puisque tu es tombé au pouvoir de ton prochain ; Va, prosterne-toi, et fais
des instances auprès de lui ;
Ne donne ni sommeil à tes yeux, ni assoupissement à tes paupières ;
Dégage-toi comme la gazelle de la main du chasseur, comme l’oiseau de la main de l’oiseleur » (Livre des
Proverbes, 6, 1-5).

46
A ce propos, on raconte la légende de Damon et Pythias : « L’histoire de l’amitié exemplaire que se vouaient
Damon et Pythias est édifiante. Pythias, condamné à mort pour avoir tenté d’assassiner Denys le Jeune, tyran
de Syracuse, sollicita un sursis de trois jours pour régler ses affaires. Il ne l’obtient que moyennant le
cautionnement de son ami, s’offrant à subir le sort réservé au condamné au cas où celui-ci ne se soumettrait
pas, le moment venu, à l’exécution de la sentence. Surmontant mille obstacles, brigands et cataclysmes, Pythias
se présenta à l’instant ultime où son ami allait être mis à mort à sa place. Touché, le tyran gracia le condamné »
(in SIMLER (P), Cautionnement et garanties autonomes, Ed. Litec, 3e éd. n° 1, p. 1.
30
cautionnement. Enfin, à ces textes, on peut adjoindre l’acte uniforme portant droit des sociétés
commerciales et du groupement d’intérêt économique pour ce qui est du cautionnement donné
par les sociétés commerciales ainsi que l’acte uniforme portant sur le droit commercial
général.

50 – Définition – Aux termes de l’art. 13 al. 1er AUS : « Le cautionnement est un contrat par
lequel la caution s’engage, envers le créancier qui accepte, à exécuter une obligation
présente ou future contractée par le débiteur, si celui-ci n’y satisfait pas lui-même47 ».

Il ressort de cette définition que le cautionnement est un contrat entre le créancier et la


caution. Par ce contrat, la caution s’engage à exécuter l’obligation du débiteur principal en cas
de défaillance de ce dernier.

51 – Plan - Une première section sera consacrée aux généralités sur le cautionnement. Après
quoi, il nous sera loisible d’analyser successivement les conditions de formation du contrat de
cautionnement (section 2), les effets de ce contrat (section 3) et l’extinction du contrat de
cautionnement (section 4).

SECTION 1 : LES GÉNÉRALITÉS SUR LE CAUTIONNEMENT

52 – Données - Pour mieux saisir le contrat de cautionnement, il y a lieu de l’insérer dans le


cadre général de l’opération de cautionnement et d’établir ainsi la distinction entre le contrat
de cautionnement et l’opération de cautionnement (paragraphe 1). Par la suite, il conviendra
d’étudier les caractères conventionnel (paragraphe 2) et accessoire (paragraphe 3) du
cautionnement ainsi que la diversité de ce dernier (paragraphe 4).

§ 1 : La distinction entre le contrat de cautionnement et l’opération de cautionnement

53 – Plan - Il importe d’analyser, d’une part, le principe de la distinction (A) et, d’autre part,
l’intérêt de la distinction (B).

A- Le principe de la distinction

54 – Opération de cautionnement – Contrat de cautionnement - Le contrat de


cautionnement est à distinguer de l’opération de cautionnement.

47
Cette définition est reprise par l’art. 221 de la loi ivoirienne relative à la consommation qui pose, en son alinéa
er
1 que : « le cautionnement est un contrat par lequel la caution s’engage, envers le créancier qui accepte, à
exécuter l’obligation du débiteur si celui-ci n’y satisfait pas lui-même ».
31
54-1 – L’opération de cautionnement- L’opération de cautionnement est plus grand que le
contrat de cautionnement. Il s’agit d’une opération triangulaire qui fait intervenir, outre le
créancier et la caution, le débiteur principal. C’est la somme de l’obligation principale
unissant le créancier au débiteur principal, du contrat de cautionnement liant le créancier à la
caution et de la convention qui pourrait exister entre la caution et le débiteur principal.

L’opération de cautionnement conduisant au contrat de cautionnement peut être ainsi


schématisée :

1°) un rapport d’obligation existe entre un créancier et un débiteur, prévoyant la


fourniture d’une caution ;

2°) le débiteur va à la recherche d’une personne et trouve un accord avec elle ; par cet
accord, la personne accepte de se porter caution ;

3°) enfin, la personne s’engage comme caution envers le créancier qui l’accepte.

Une fois le contrat de cautionnement conclu, le rapport d’obligation entre le créancier


et le débiteur est dénommée obligation principale ; ensuite, l’accord entre le débiteur et la
caution est dénommée contrat d’ordre ou contrat de crédit et enfin, la convention unissant le
créancier à la caution est le contrat de cautionnement proprement dit.

NB : Il est évident que ces trois relations restent distinctes. Par ailleurs, il n’est pas exclu que
la caution s’engage sans ordre du débiteur (art. 13 al. 2 AUS). Il s’ensuit que le schéma n’est
qu’explicatif et ne reflète pas toute la réalité.

54-2 – Le contrat de cautionnement – Le contrat de cautionnement concerne la relation


« caution-créancier » ; c’est donc une opération duale, bilatérale.

B - L’intérêt de la distinction

55 – Intérêts jurisprudentiel et législatif – Les intérêts de la distinction résident dans le fait


que la jurisprudence mais surtout le législateur tiennent compte de l’opération de
cautionnement et lui attribuent des effets juridiques particuliers.

55-1 – Intérêt jurisprudentiel - En ce qui concerne la jurisprudence, il faut relever qu’un


arrêt, certes isolé, de la cour de cassation française a affirmé que « l’opération de
cautionnement », « implique des engagements entre trois personnes, un créancier, un

32
débiteur et une caution48 ». Cet arrêt met en relief l’existence de l’opération de cautionnement
conduisant au contrat de cautionnement. L’opération de cautionnement implique trois
personnes (le débiteur principal, le créancier et la caution) quand le contrat de cautionnement
en implique deux (le créancier et la caution).

55-2 – Intérêt législatif - En ce qui concerne la loi, il est constant que plusieurs dispositions
de l’acte uniforme précisent les rapports entre, d’une part, le débiteur principal et la caution
et, d’autre part, le créancier et le débiteur principal au regard des effets du cautionnement.

Ainsi, pour le premier type de rapport, il est admis que le débiteur principal ne peut
aggraver l’engagement de la caution par une convention postérieure au cautionnement49.
Ainsi, le débiteur ne peut, par exemple, accepter un taux d’intérêt supérieur à celui
initialement convenu ou souscrire une clause pénale défavorable, etc. Par ailleurs, la caution
poursuivie par le créancier, doit en aviser le débiteur principal avant de payer le créancier (art.
30 alinéa 1er AUS).

Pour ce qui est du second type de rapport, l’AUS dispose que « le créancier ne peut
entreprendre de poursuites contre la caution qu’après une mise en demeure de payer
adressée au débiteur principal et restée sans suite » (art. 23 al. 2 AUS). De même, « le
créancier ne peut poursuivre la caution simple ou solidaire qu’en appelant en cause le
débiteur principal » (art. 26 al. 2 AUS).

On remarque donc que si le contrat de cautionnement lie essentiellement le créancier


et la caution, il n’en demeure pas moins que le débiteur principal, quoique tiers au contrat de
cautionnement, est intéressé par ce contrat et le législateur impose des obligations au
créancier et à la caution vis-à-vis du débiteur principal. Ces obligations trouvent leur
fondement dans l’opération de cautionnement.

§ 2 - Le caractère conventionnel du cautionnement

56 – Plan - Le cautionnement a pour caractéristiques d’être un contrat (A), unilatéral (B) et


consensuel (C).

A – Le cautionnement, un contrat

48
Civ. 1ère, 2 févr. 1972, Bull. civ. I, n° 37.

49
Ceci ressort de l’art. 17 al. 4 AUS selon lequel : « Le débiteur principal ne peut aggraver l’engagement de la
caution par une convention postérieure au cautionnement ».
33
57 - Le cautionnement appartient à la catégorie des contrats. L’art. 13 AUS le définissant est
très explicite sur ce point50.

En tant que contrat51, le cautionnement impose un accord des volontés des parties. Le
contrat unit le créancier et la caution, le consentement du débiteur principal n’étant pas exigé
même si ce dernier est directement concerné puisque le cautionnement est conclu aussi dans
son intérêt.

Ainsi, le contrat de cautionnement ne concerne que deux personnes : la première, la


caution, s’oblige au bénéfice d’une seconde, le créancier, qui accepte (cf. art. 13 AUS). De la
définition du cautionnement, il ressort que la caution est l’offrant et le créancier, l’acceptant.
D’ailleurs, l’al. 2 de l’art. 13 AUS précise que l’engagement de la caution « peut être
contracté sans ordre du débiteur ». Le contrat de cautionnement n’est donc pas une opération
triangulaire comme la délégation52 ou la stipulation pour autrui53.

Le cautionnement conserve son caractère conventionnel même s’il est légal ou


judiciaire. Dans ces hypothèses, le paradoxe n’est qu’apparent. En effet, si le législateur ou le
juge impose la fourniture d’un cautionnement, celui qui y est tenu doit trouver une caution qui
souscrit alors un contrat de cautionnement avec le créancier. Dans ces cas, on peut
appréhender la loi ou le juge comme le fait générateur du cautionnement qui trouve tout de
même sa source dans un contrat passé entre le créancier et la caution.

B – Le cautionnement, un contrat unilatéral

50
Cet article dispose, en son alinéa 1er que : « le cautionnement est un contrat (c’est nous qui soulignons) par
lequel la caution s’engage, envers le créancier qui accepte, à exécuter une obligation présente ou future
contractée par le débiteur, si celui-ci n’y satisfait pas lui-même ».
51
Aux termes de l’art. 1101 du code civil : « Le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs
personnes s’obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose ».
52
La délégation est prévue par l’art. 1275 du code civil. Elle est une opération juridique par laquelle une
personne, nommée délégant, obtient d’une autre, le délégué (qui est le débiteur du délégant), qu’elle s’engage
envers une troisième, le délégataire (qui est le créancier du délégant).
53
Réglementée par l’art. 1221 du code civil, la stipulation pour autrui est l’opération par laquelle une personne,
le stipulant, convient avec une autre, le promettant, que ce dernier exécutera une prestation au profit d’une
troisième personne : le tiers bénéficiaire.
34
58 – Une seule obligation principale - Le cautionnement ne fait naître qu’une obligation
principale : celle de la caution envers le créancier et qui consiste à exécuter l’obligation du
débiteur principal en cas de défaillance de ce dernier. Il s’agit donc d’un contrat unilatéral54.

Plusieurs conséquences sont attachées au caractère unilatéral du cautionnement. Ainsi,


le contrat de cautionnement n’a pas, en principe, à être établi en plusieurs exemplaires. La
formalité dite du double ne s’appliquerait donc pas. Ainsi, les actes de cautionnement
pourraient être conservés par les seuls créanciers, ce qui n’est pas sans inconvénient, car il est
alors difficile aux cautions de retrouver la trace de cautionnements souscrits. En pratique, il
est très utile à la caution de posséder un exemplaire du contrat de cautionnement.

Une autre conséquence du caractère unilatéral du cautionnement a trait au régime de sa


preuve : le cautionnement est soumis à l’art. 1326 du code civil55. La caution doit alors
apposer sa signature au bas de l’acte constatant son engagement ainsi que la mention, écrite
de sa main, de la somme maximale garantie en toutes lettres et en chiffres56.

Un doute peut cependant surgir sur le caractère unilatéral du cautionnement en raison


d’un certain nombre d’obligations mises à la charge du créancier. La question se pose alors :
le contrat de cautionnement est-il toujours un contrat unilatéral nonobstant le développement
de certaines obligations qui s’imposent au créancier ?

Les obligations dont il s’agit concernent non seulement l’obligation d’information à la


charge du créancier au profit de la caution 57 mais aussi celle pour le créancier de conserver les

54
Le contrat unilatéral est défini par l’article 1103 du code civil. Cet article dispose que : « Il (le contrat) est
unilatéral lorsqu’une ou plusieurs personnes sont obligées envers une ou plusieurs autres, sans que, de la part
de ces dernières, il y ait d’engagement ».
55
Aux termes de cet article : « Le billet ou la promesse sous seing privé par lequel une seule partie s’engage
envers l’autre à lui payer une somme d’argent ou une chose appréciable doit être écrit en entier de la main de
celui qui le souscrit ; ou du moins il faut qu’outre sa signature, il ait écrit de sa main un bon ou un approuvé,
portant en toutes lettres la somme ou la quantité de la chose.
Excepté dans le cas où l’acte émane de marchands, artisans, laboureurs, vignerons, gens de journée et
de service ».

56
V. art. 14 al. 1 AUS.

57
Ainsi, le créancier est tenu de notifier à la caution la prorogation du terme qu’il a accordée au débiteur
principal : art. 23 al. 2 AUS ; le créancier est aussi tenu d’informer la caution de la défaillance du débiteur
principal : art. 24 al. 1 AUS ; enfin, le créancier doit informer la caution, semestriellement, de l’état des dettes
du débiteur principal… : art. 25 al. 1 AUS.
35
autres sûretés souscrites, obligation précisée lors de la mise en œuvre du bénéfice de
subrogation58.

Toutefois, en dépit des obligations mises à la charge du créancier au bénéfice de la


caution, le caractère unilatéral du cautionnement est maintenu car l’on estime que les
obligations du créancier ne sont pas interdépendantes de celles à la charge de la caution.

Cependant, le caractère unilatéral du cautionnement n’est pas d’ordre public et une


clause contractuelle peut conférer au cautionnement un caractère synallagmatique59.

C- Le cautionnement, un contrat consensuel

59-1- Principe : simple échange de consentements - La formation du contrat de


cautionnement n’est, en principe, soumise qu’à l’échange des consentements, ce qui écarte
toute formalité par application du droit commun. Si l’art. 14 AUS prévoit que « le
cautionnement ne se présume pas, quelle que soit la nature de l’obligation garantie », il ne
s’agit pas d’une condition de fond mais de preuve. Cela explique que l’al. 1er de l’art.
14 dispose que : « il se prouve par un acte comportant la signature de la caution… ».

Le cautionnement n’est donc pas, en général, un contrat solennel. L’objectif de l’art.


14 est de prescrire une certaine vigilance à la caution en raison de la gravité potentielle de
l’engagement souscrit. Ainsi, un cautionnement verbal est valable, même s’il sera source de
difficultés d’ordre probatoire.

59-2- Exception : cautionnement, contrat solennel - Le caractère consensuel du


cautionnement doit être écarté dans certaines circonstances, notamment dans le cadre de la
protection du consommateur. Ainsi, lorsque la caution est une personne physique s’engageant
dans un contrat de prêt octroyé par un établissement de crédit, l’art. 222 de la loi ivoirienne
relative à la consommation exige que le cautionnement soit passé par écrit, à peine de
nullité60. Dans ce cas, l’écrit étant voulu comme une condition de validité, le cautionnement
souscrit par un consommateur est alors un contrat solennel.

§ 3 - Le caractère accessoire du contrat de cautionnement


58
V. Art. 29 al. 2 AUS.

59
V. En jurisprudence française le cas de la caution qui s’engage en contrepartie d’obligations souscrites par un
créancier : cass. com. 08 oct. 2002, Petites affiches, 10 janv. 2003, p. 8. On pourrait aussi considérer le
cautionnement comme un contrat synallagmatique imparfait.
60
Cf. Art. 222 de la loi ivoirienne relative à la consommation qui exige la mention manuscrite à peine de nullité.
36
60 – Plan - Il est utile d’envisager successivement le principe (A) et les manifestations (B) du
caractère accessoire du cautionnement.

A – Le principe du caractère accessoire

61– Affirmation du principe de l’accessoire - Le caractère accessoire représente l’une des


particularités inhérentes à l’engagement d’une caution. En effet, l’existence du cautionnement
se justifie par la présence préalable d’une obligation principale qui doit être garantie et
exprime la dépendance de l’engagement de la caution par rapport à l’obligation principale61.

Le principe du caractère accessoire a deux fonctions. Il est à la fois la mesure de


l’étendue de l’engagement de la caution et le critère de distinction du cautionnement et de la
garantie autonome.

61.1 – Le caractère accessoire, mesure de l’étendue de l’engagement de la caution -


D’une part, l’accessoriété du cautionnement permet de mesurer l’étendue de l’engagement de
la caution. Ainsi, la caution ne peut être tenue plus que le débiteur principal. Mais, elle peut
être tenue moins que le débiteur principal et sous des conditions moins onéreuses 62.
L’engagement de la caution est donc encadré par celui du débiteur principal.

61.2 – Le caractère accessoire, critère de distinction du cautionnement et de la garantie


autonome - D’autre part, le principe du caractère accessoire fournit un critère de distinction
du cautionnement et des garanties et contre-garanties autonomes. Ainsi, alors que le
cautionnement est accessoire, la garantie et la contre-garantie sont autonomes. Plus
précisément, la doctrine affirme que le caractère accessoire est de « l’essence même du
cautionnement dont il constitue la pierre de touche 63 ». Pareillement, l’autonomie est de
l’essence de la garantie autonome.

B – Les manifestations du caractère accessoire

61
Le caractère accessoire du cautionnement emprunte donc au caractère accessoire de toute sûreté affirmée par
l’art. 2 AUS qui dispose que : « Sauf disposition contraire du présent Acte uniforme, les sûretés qu’il régit sont
accessoires de l’obligation dont elles garantissent l’exécution ».
62
Art. 18 al. 3 AUS : « Le cautionnement peut également être contracté pour une partie seulement de la dette et
sous des conditions moins onéreuses ». Voir également l’al. 3 de l’art. 17 AUS qui dispose que :
« L’engagement de la caution ne peut être contracté à des conditions plus onéreuses que l’obligation principale,
sous peine de réduction à concurrence de celle-ci, ni excéder ce qui est dû par le débiteur principal au moment
des poursuites ».
63
SIMLER (P.), op. cit., n° 47, p. 45.
37
62 - Manifestations multiformes – Les manifestations du caractère accessoire du
cautionnement sont multiformes.

La première illustration du caractère accessoire du cautionnement concerne l’existence


même du contrat de cautionnement. En effet, l’al. 1er de l’art. 17 AUS prévoit que « le
cautionnement ne peut exister que si l’obligation principale garantie est valablement
constituée ». En conséquence, en cas de nullité de l’obligation principale, il ne peut y avoir,
en principe, de contrat de cautionnement valable.

La deuxième manifestation du caractère accessoire concerne l’étendue de


l’engagement de la caution. A cet égard, l’art. 17 al. 3 AUS précise que « l’engagement de la
caution ne peut être contractée à des conditions plus onéreuses que celle de l’obligation
principale, sous peine de réduction à concurrence de celle-ci, ni excéder ce qui est dû par le
débiteur principal au moment des poursuites ».

L’alinéa 4 du même article précise aussi que : « le débiteur principal ne peut aggraver
l’engagement de la caution par une convention postérieure au cautionnement ».

Enfin, on peut trouver une ultime illustration du caractère accessoire dans


l’opposabilité des exceptions qui est la possibilité offerte à la caution d’opposer au créancier
« toutes les exceptions inhérentes à la dette qui appartiennent au débiteur principal et
tendent à réduire, éteindre ou différer la dette.. »64.

§ 4 - La diversité des cautionnements

63 – Modalités multiples - Diverses modalités du cautionnement sont possibles. Ainsi, le


cautionnement peut être simple ou solidaire (A), personnel ou garantit par une sûreté réelle
(B), comporter un sous-cautionnement (C) ou une certification de caution (D), être civil ou
commercial (E) et enfin, prendre la forme d’un aval (F).

A – Le cautionnement simple ou solidaire

64 – Distinction entre cautionnement simple et cautionnement solidaire 65 - Trois critères


peuvent être mobilisés pour distinguer le cautionnement simple du cautionnement solidaire :

64
Cf. Art. 29 al. 1er AUS.

65
Sur le cautionnement solidaire, voir ANVILE N’GORAN (J-J), Du cautionnement solidaire dans l’Acte
uniforme portant organisation des sûretés, Penant n° 857, p. 401.
38
la volonté du législateur ou le critère légal, les droits reconnus à la caution simple et l’ordre
des poursuites des cautions.

64-1 – La volonté du législateur ou le critère légal - Le premier critère de distinction est


fixé par la loi. En effet, aux termes de l’art. 20 AUS, « le cautionnement est réputé solidaire66.
Il est simple lorsqu’il en est ainsi décidé, expressément, par la loi de chaque Etat Partie ou la
convention des parties ». Il résulte de cette disposition que le cautionnement solidaire, par la
volonté du législateur, est présumé tandis que le cautionnement simple doit être expressément
stipulé, soit par les parties au contrat de cautionnement, soit par un Etat partie au traité de
l’OHADA sur son territoire.

Le cautionnement solidaire est donc le cautionnement de droit commun et le


cautionnement simple, l’exception. On peut définir le cautionnement solidaire ainsi qu’il suit :
« Le cautionnement solidaire est celui dans lequel la caution peut être appelée à payer à la
place du débiteur principal dès que ce dernier est défaillant67».

Lorsque le débiteur principal et la caution excluent expressément la solidarité entre


eux68, le contrat est qualifié de cautionnement simple, la caution n’ayant par principe qu’un
rôle subsidiaire. Le cautionnement est également simple aussi lorsque, dans un Etat donné, le
législateur en décide ainsi. Tel est le cas en droit ivoirien pour le cautionnement donné par
une personne physique, consommateur, pour garantir un prêt octroyé par un établissement de
crédit. En effet, selon l’alinéa 1er de l’art. 223 de ladite loi, lorsque le créancier demande un
cautionnement solidaire pour garantir un crédit fourni par un établissement de crédit, la
personne physique qui se porte caution doit, à peine de nullité de son engagement, faire
précéder sa signature d’une mention manuscrite dont il donne la formule. Il ressort de cette
disposition que le fait que le créancier demande la solidarité du cautionnement prouve que
ledit cautionnement n’est pas présumé solidaire. Au contraire, c’est parce qu’il est simple que
la solidarité doit être expressément stipulée entre le créancier et la caution, personne physique.

66
Aux termes de l’article 1200 du code civil : « Il y a solidarité de la part des débiteurs, lorsqu’ils sont obligés
à une même chose, de manière que chacun puisse être contraint pour la totalité, et que le payement fait par un
seul libère les autres envers le créancier ».
67
CROCQ (P.) et alii, Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés, La réforme du droit des sûretés
de l’OHADA, Ed. Lamy, 2012, n° 91, p. 84.
68
Art. 20 al. 2 AUS : « Il [le cautionnement] est simple lorsqu’il en est ainsi décidé, expressément, par la loi de
chaque Etat partie ou la convention des parties ».
39
64-2 – Les droits reconnus à la caution simple – Le cautionnement simple impose le respect
de certaines exigences : cela s’exprime par les droits dont bénéficie la caution simple à
l’exclusion de la caution solidaire. Ainsi, la caution simple peut invoquer le bénéfice de
discussion et le bénéfice de division.

Elle peut invoquer le bénéfice de discussion en obligeant le créancier à exercer des


voies d’exécution contre le débiteur principal69. De plus, la caution simple peut invoquer la
mise en œuvre du bénéfice de division qui impose au créancier, uniquement en cas de
pluralité de cautions simples, de ne poursuivre chaque caution que pour sa part dans la dette
commune70. Dans le cas du cautionnement solidaire, la caution ne peut invoquer ni le bénéfice
de discussion ni le bénéfice de division.

64-3 – L’ordre de poursuite des cautions – Il est le corollaire du deuxième critère. Lorsque
le cautionnement est solidaire, le créancier peut poursuivre en premier, à son choix, le
débiteur principal ou la caution après la constatation de la défaillance du débiteur principal.
Alors que dans le cautionnement simple, le créancier est tenu de poursuivre le débiteur
principal avant d’engager les poursuites contre la caution.

65 – Les types de solidarité du cautionnement – On peut envisager, évidemment, la


solidarité passive. Toutefois, celle active n’est pas à exclure.

65-1 – La solidarité passive - La solidarité du cautionnement implique, évidemment, la


solidarité passive71. Dans cette hypothèse, cela signifie que les débiteurs du créancier sont
présumés solidaires. Ces débiteurs sont le débiteur principal et la caution. En conséquence, le
débiteur principal et la caution sont des codébiteurs solidaires.

69
V. Art. 27 AUS.

70
V. Art. 28 AUS.

71
A propos du cautionnement solidaire, des auteurs apportent les précisions suivantes : « Bien que la question
des types de cautionnement solidaire ne soit pas abordée de façon expresse et précise dans l’AUS, il convient de
relever qu’on peut concevoir trois sortes de cautionnement solidaire qui permettent au créancier de bénéficier
tant de la garantie de la dette principale que de la solidarité des répondants. Il s’agit du : - cautionnement
solidaire entre le débiteur principal et la/les cautions (elles-mêmes solidaires entre elles) ; - cautionnement
solidaire entre les seules cautions ; - cautionnement solidaire entre, d’une part, le débiteur et, d’autre part,
chacune des cautions (mais non entre les cautions). Le cautionnement solidaire entre la ou les cautions et le
débiteur principal est la formule de cautionnement solidaire la plus répandue, surtout en matière commerciale
où la solidarité est de principe » (CROCQ (P.) (s /d) et alii, op. cit., n° 91, p. 84. Ici est envisagée exclusivement
la solidarité passive.
A notre sens, seule la solidarité entre le débiteur et chacune des cautions est présumée à l’exclusion des
autres.

40
En cas de pluralité de cautions, la solidarité est présumée entre le débiteur principal et
chacune des cautions. Il s’en déduit que les différentes cautions d’un même créancier ne sont
pas présumées solidaires ; entre cautions, la solidarité doit être expressément stipulée.

En cas de pluralité de cautions solidaires, ces dernières garantissent collectivement le


remboursement de la dette principale.

65-2 – La solidarité active - En outre, on peut envisager que la solidarité présumée du


cautionnement puisse impliquer également une solidarité active. C’est l’hypothèse de
plusieurs créanciers dont la dette envers un débiteur unique est cautionnée. Dans ce cas, la
caution peut se libérer en exécutant l’obligation cautionnée au profit d’un des créanciers
solidaires.

B – Le cautionnement personnel ou celui garanti par une sûreté réelle

66 – Cautionnement personnel - Le contrat de cautionnement est, en principe, constitutif


d’un engagement personnel de la caution sur l’ensemble de son patrimoine. Ceci correspond
au cautionnement personnel, souscrit pour garantir le recouvrement d’une obligation du
débiteur en cas de défaillance de ce dernier.

Dans le cautionnement personnel, la caution engage son patrimoine entier à la garantie


de l’exécution de l’obligation du débiteur principal. Il en découle qu’en cas de défaillance du
débiteur principal, le créancier pourra, face à la défaillance aussi de la caution, faire saisir et
vendre un bien de cette dernière et se payer sur le prix de vente. Si le créancier n’est pas
totalement désintéressé, il pourra encore saisir un autre bien de la caution ainsi de suite
jusqu’à ce qu’il soit entièrement désintéressé.

72
67 – Cautionnement garantit par une sûreté réelle – Pour éviter d’engager la totalité de
son patrimoine, la caution peut garantir son cautionnement par une sûreté réelle. Cette
modalité s’oppose au cautionnement personnel et est prévue par l’art. 22 AUS qui distingue
deux hypothèses.

D’une part, selon l’alinéa 1er dudit article : « la caution peut garantir son engagement
en consentant une sûreté réelle sur un ou plusieurs de ses biens ». Dans cette hypothèse, deux

72
Une telle hypothèse a été faussement qualifiée de cautionnement réel. A la vérité, le cautionnement réel n’est
ni un véritable cautionnement ni même une sûreté personnelle. Il s’agit d’une sûreté réelle consentie par un tiers
pour garantir la dette du débiteur. C’est donc plus une modalité d’une sûreté réelle qu’une modalité d’une sûreté
personnelle.
41
sûretés coexistent, à savoir le cautionnement et une sûreté réelle mais avec la particularité que
la sûreté réelle garantit le cautionnement dont elle est l’accessoire. Cela signifie qu’en cas
d’inefficacité du cautionnement, le créancier pourra réaliser la sûreté réelle accessoire dudit
cautionnement. Et au cas où la réalisation de la sûreté réelle ne satisferait pas entièrement le
créancier, il pourrait, sur la base du cautionnement, faire saisir n’importe lequel des biens de
la caution pour obtenir paiement du solde de sa créance. La différence entre cette modalité et
le cautionnement personnel, c’est que le droit d’agir du créancier, en cas de défaillance, porte
d’abord sur le bien affecté en garantie avant de porter, éventuellement et secondairement, sur
un autre bien, en cas d’insuffisance. Or, dans le cautionnement personnel, le droit d’agir du
créancier, en cas de défaillance de la caution, porte directement sur n’importe quel bien de son
patrimoine.

D’autre part, l’alinéa 2 du même article 22 AUS dispose que : « elle [la caution] peut
également limiter son engagement à la valeur de réalisation du ou des biens sur lesquels elle
a consenti une telle sûreté ». Cette hypothèse est toujours relative au cas où une sûreté réelle
garantit le cautionnement. Toutefois cette hypothèse de l’alinéa 2 se distingue de celle de
l’alinéa 1er en ce que les parties (caution et créancier) ont convenu qu’en cas d’inefficacité du
cautionnement, le droit d’agir du créancier sera circonscrit aux seuls biens objets de la sûreté
réelle. En pratique, cette convention ne sera conclue que si le créancier est certain que la
saisie et la vente desdits biens affectés en garantie le satisfera entièrement.

C- Le sous-cautionnement

68 – Plan – Il importe de voir la notion de sous-cautionnement et le régime juridique du sous-


cautionnement.

69 –Notion de sous-cautionnement - Le sous-cautionnement, un contrat – Comme on l’a


si bien expliqué : « le sous-cautionnement est un moyen de garantir le remboursement que le
débiteur principal doit à la caution qui a payé 73 ». Il s’agit donc d’une sorte de contre-
garantie.

L’AUS ne prévoit pas la figure du sous-cautionnement mais elle est très usitée par la
pratique.

A la vérité, on peut définir le sous-cautionnement comme le contrat par lequel la sous-


caution s’engage envers la caution, à exécuter l’obligation du débiteur principal lorsque ce
73
CABRILLAC (M.), MOULY (C.), Droit des sûretés, Ed. Litec, 1990, n° 58, p. 54.
42
dernier, poursuivi par la caution qui a payé et exerce ses recours, est défaillant. La sous-
caution garantit l’exécution de la dette du débiteur principal vis-à-vis de la caution.

70 – Régime du sous-cautionnement – L’AUS n’ayant pas réglementé la figure du sous-


cautionnement, la pratique a tendance à transposer au sous-cautionnement, les règles
applicables au cautionnement. Ainsi, de même que la caution peut opposer au créancier les
exceptions inhérentes à la dette que le débiteur principal pouvait opposer audit créancier, on
admet également que la sous-caution puisse opposer à la caution les exceptions que le
débiteur principal pouvait opposer à la caution74. De même, l’engagement de la sous-caution
n’est valable que si celui du débiteur principal à l’égard de la caution est valable, etc.

Toutefois, il faut se garder d’appliquer au sous-cautionnement des règles spécifiques


édictées par le législateur pour le cautionnement. Tel est le cas des recours avant-paiement
reconnus à la caution. A défaut de stipulations spécifiques, il ne faut pas ainsi reconnaître à la
sous-caution des recours avant-paiement contre le débiteur principal.

D – La certification de caution

71- La certification de caution, un contrat – Le mécanisme de la certification de caution est


expressément prévu l’art. 21 AUS qui dispose que : « la caution peut, elle-même, se faire
cautionner par un certificateur désigné comme tel dans le contrat.

Sauf stipulation contraire, le ou les certificateurs sont cautions simples de la caution


certifiée ».

La certification de caution est la convention par laquelle une personne, le certificateur,


se rend caution d’une autre caution. Plus précisément, la certification de caution est le contrat
par lequel le certificateur s’engage, envers le créancier, à exécuter l’obligation de la caution
lorsque, celle-ci, poursuivie par le créancier, est défaillante.

72 - La certification de caution, un cautionnement au second degré - La certification de


caution apparaît donc comme un cautionnement au second degré. Elle renforce ainsi la force
du cautionnement dans la mesure où elle donne au créancier deux cautions dont la seconde, le
certificateur de caution, répond de la première, la caution de premier rang encore appelée
caution certifiée.

74
Ce peut être les exceptions tirées du contrat d’ordre liant le débiteur principal à la caution et que le premier cité
pouvait opposer à la seconde nommée.
43
Ainsi, en cas de défaillance de la caution certifiée, le créancier peut poursuivre le
certificateur de caution. Il est même admis, notamment si les parties le stipulent, que le
créancier puisse poursuivre le certificateur sans poursuivre préalablement la caution
certifiée75. Dans les rapports entre le certificateur de caution et la caution certifiée, ce sont les
règles du cautionnement qui s’appliquent. C’est ainsi que l’engagement du certificateur n’est
valable qu’à la condition que celui de la caution certifiée le soit lui-même.

Le mécanisme de la certification exclut, en principe, tout lien entre le certificateur de


caution et le débiteur principal. En effet, l’obligation garantie par le certificateur n’est pas
l’obligation principale (celle qui lie le débiteur principal au créancier) mais celle de la caution
à l’égard du créancier.

Toutefois, une analyse plus affinée permet de relativiser cette dernière assertion. Il est
vrai que l’obligation garantie par le certificateur de caution est celle de la caution à l’égard du
créancier. Cependant, cette dernière obligation, c’est-à-dire l’obligation de la caution à l’égard
du créancier est justement l’engagement du débiteur principal envers le créancier puisque la
caution a la même obligation que le débiteur principal. Il en résulte qu’il existe une unicité de
dette entre le débiteur principal, la caution et le certificateur.

Autrement dit, débiteur principal, caution et certificateur de caution garantissent la


même dette : celle du débiteur principal à l’égard du créancier. De cette unicité de dette, il
peut s’inférer des liens entre le certificateur de caution et le débiteur principal.

Dans cette veine, l’alinéa 1er de l’art. 29 AUS octroie au certificateur de caution le
bénéfice de l’opposabilité des exceptions ; bénéfice en vertu duquel tout certificateur de
caution « peut opposer au créancier toutes les exceptions inhérentes à la dette qui
appartiennent au débiteur principal et tendent à réduire, éteindre ou différer la dette… ».

E – Cautionnement civil et cautionnement commercial

73 - Plan - Le cautionnement peut être civil ou commercial. Il importe de savoir à quel


moment un cautionnement est commercial ainsi que le régime applicable audit
cautionnement.

75
Dans ce cas, la certification de caution est considérée comme un engagement solidaire.
44
74 - Cas d’un cautionnement commercial – A quel moment un cautionnement est-il
commercial ? Autrement dit, quels sont les critères de commercialité du cautionnement ? Sans
vouloir être exhaustif, quelques cas peuvent être énoncés.

74-1 – Le cautionnement souscrit par un établissement de crédit - D’abord, le


cautionnement est commercial lorsqu’il est souscrit par un établissement de crédit tel qu’une
banque. En effet, pour une banque, le cautionnement est un type de crédit, plus précisément
un crédit par signature qui est considéré comme une opération de banque. Or, en vertu de
l’article 3 AUDCG (Acte uniforme portant sur le droit commercial général), les opérations de
banque sont des actes de commerce par nature. Ainsi, lorsqu’un cautionnement est souscrit
par un établissement de crédit, c’est-à-dire lorsqu’un établissement de crédit se porte caution,
le cautionnement est un acte de commerce par nature pour l’établissement de crédit76.

74-2 – Le cautionnement souscrit par un commerçant pour les besoins de son commerce
- Ensuite, le cautionnement est commercial lorsqu’il est souscrit par un commerçant pour les
besoins de son commerce. En effet, selon l’art. 3 AUDCG, « les contrats entre commerçants
pour les besoins de leur commerce » sont des actes de commerce par nature. Dans cette
hypothèse, l’acte litigieux doit être en relation avec l’exercice ou l’intérêt du propre
commerce de l’intéressé77. C’est le cas, par exemple, d’un commerçant dont l’activité
commerciale est de se porter caution.

74-3 – Le cautionnement souscrit par une société commerciale - Par ailleurs, « les actes
effectués par les sociétés commerciales » étant des actes de commerce par nature78, on en
déduit que le cautionnement fait par une société commerciale est un cautionnement
commercial.

74-4 - L’aval - Enfin, le cautionnement a un caractère commercial lorsqu’il prend la forme


de l’aval d’un effet de commerce. Le cautionnement est alors commercial par la forme surtout
lorsque l’aval porte sur la lettre de change, le billet à ordre ou le warrant conformément à
l’article 4 AUDCG79.
76
Ainsi, lorsqu’une banque se porte caution pour garantir l’exécution d’une obligation, le cautionnement est
commercial pour la banque.
77
V. en droit français, Cass. Com., 19 janv. 1993, D. 1993, IR 36.

78
V. art. 3 AUDCG.

79
Art. 4 AUDCG: « Ont notamment le caractère d’actes de commerce, par leur forme, la lettre de change, le
billet à ordre et le warrant ».
45
75 - Le régime juridique du cautionnement commercial – Lorsqu’un cautionnement est
commercial, cela emporte des conséquences importantes dont on va en indiquer quelques-
unes.

En premier lieu, la juridiction compétente pour connaître du litige opposant le


créancier à la caution peut être le tribunal du commerce. En second lieu, lorsque le
cautionnement est commercial, la prescription extinctive de l’engagement de la caution est de
5 ans et non 30 ans conformément à l’art. 16 AUDCG80.

76 – Cautionnement, acte mixte – Enfin, il faut relever que le cautionnement peut être un
acte mixte. C’est le cas par exemple lorsqu’un établissement de crédit se porte caution envers
un créancier personne physique non-commerçante. Dans cette hypothèse, le cautionnement
est un acte mixte car il est commercial pour l’établissement de crédit et civil pour le créancier.

F – L’aval

77 – Définition - L’aval est le nom donné au cautionnement d’un engagement cambiaire. Il


est régi par le règlement n° 15/2002/CM/UEMOA du 19 septembre 2002 relatif aux systèmes
de paiement dans les Etats membres de l’UEMOA. Ce règlement prévoit l’aval d’un chèque
(art. 74 à 76), l’aval d’une lettre de change (art. 169) et celui d’un billet à ordre (art. 232).

78– Régime juridique - Il y a aval lorsqu’un tiers garantit tout ou partie du paiement d’un
chèque (art. 74 du Règlement), d’une lettre de change (art. 169 du Règlement) ou d’un billet à
ordre (art. 232 du Règlement). L’aval est donné soit sur l’effet de commerce ou sur une
allonge, soit par acte séparé indiquant le lieu où il est intervenu (art. 75 et 169 du Règlement).

Il est exprimé par les mots « bon pour aval » ou toute autre formule équivalente et
signé par le donneur d’aval ou avaliste (équivalent de la caution) avec indication de ses nom
et adresse. Ce cautionnement d’un effet de commerce est aussi régi par certaines règles
particulières du droit cambiaire.

SECTION 2: LES CONDITIONS DE FORMATION DU CONTRAT DE


CAUTIONNEMENT

80
Aux termes de l’article 16 AUDCG : « Les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants,
ou entre commerçants et non-commerçants, se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des
prescriptions plus courtes.

Cette prescription extinctive est soumise à la loi régissant le droit qu’elle affecte ».
46
79 – Conditions de fond- Conditions de forme - La formation du contrat de cautionnement
obéit à des conditions de fond (§1) et de forme (§2).

§ I : Les conditions de fond

80 – Dualité de conditions de fond– Il faut distinguer les conditions de fond communes à


tous les contrats des conditions de fond spécifiques au contrat de cautionnement.

81 – Conditions communes à tous les contrats - Quatre conditions – Le cautionnement


étant un contrat, il est soumis, pour sa validité, aux conditions requises pour la validité de tout
contrat. Ainsi, quatre conditions sont essentielles pour la validité d’un contrat de
cautionnement comme pour la validité de tout contrat81 : le consentement, la capacité, l’objet
et la cause. A ces conditions, il faut adjoindre l’examen du pouvoir de se porter caution.

A – Le consentement

82 – Plan - Le consentement doit exister et être intègre ou être éclairé.

83 - Existence du consentement - Le consentement peut être défini comme la manifestation


de la volonté des parties et la rencontre de ces volontés. Les parties au contrat de
cautionnement sont le créancier et la caution, le débiteur étant un tiers. Autant le créancier que
la caution peuvent être des personnes physiques comme des personnes morales. Dans le
contrat de cautionnement, c’est la caution qui offre ses services au créancier et ce dernier
l’accepte. Cette vue des choses résulte clairement de la définition du cautionnement logée
dans l’art. 13 al. 1 AUS.

84 – Pouvoir d’appréciation du créancier – Il ressort de l’art. 13 AUS que le créancier


« accepte » la caution. C’est dire donc que le créancier a un pouvoir d’appréciation de la
personne, physique ou morale, qui désire être sa caution. En conséquence, il peut l’accepter
ou la refuser. S’il accepte, il le fera en fonction de critères qu’il définit lui-même ainsi que
d’autres critères légaux telle que l’exigence de la proportionnalité.

81
Aux termes de l’art. 1108 du code civil : « Quatre conditions sont essentielles pour la validité d’une
convention :
Le consentement de la partie qui s’oblige ;
Sa capacité de contracter ;
Un objet certain qui forme la matière de l’engagement ;
Une cause licite dans l’obligation ».

47
L’existence de ce pouvoir d’appréciation du créancier laisse apparaître le caractère
intuitu personae du contrat de cautionnement. En vertu de ce caractère, le créancier peut
subordonner son consentement à l’engagement, à son égard, « d’une caution nommément
désignée82 ».

Par ailleurs, le législateur protège le créancier lorsque la caution qu’il reçoit, devient,
par la suite, insolvable. Dans cette circonstance, et selon les termes de l’art. 16 al. 1 AUS, « le
débiteur doit en fournir une autre ou fournir une sûreté réelle donnant les mêmes garanties
au créancier ».

Toutefois, cette règle ne s’impose pas « lorsque le créancier a subordonné son


consentement au contrat principal à l’engagement, à son égard, d’une caution nommément
désignée ». Ce second alinéa de l’art. 16 conforte le caractère intuitu personae du
cautionnement et en tire les conséquences. Ainsi, si la caution, « nommément désignée » par
le créancier, c’est-à-dire celle particulièrement choisie par lui devient, par la suite, insolvable,
le débiteur n’est pas tenu de fournir une autre caution au créancier ni une sûreté réelle
équivalente au cautionnement.

85– Consentement exprès - Le consentement doit être exprès et non tacite. Cette exigence
est inscrite dans l’art. 14 AUS dont l’al. 1er dispose que : « Le cautionnement ne se présume
pas, quelle que soit la nature de l’obligation garantie ». Le consentement doit être exprès
signifie que les parties au contrat de cautionnement doivent exprimer, sans équivoque, leur
intention d’être liées par le contrat de cautionnement. Ainsi, on ne saurait déduire de la seule
présence d’une personne à un contrat conclu par d’autres, son engagement à se porter
caution83.

Un arrêt de la cour d’appel d’Abidjan84 nous éclaire sur la notion de consentement


exprès. Les faits sont simples. Le propriétaire d’un immeuble à usage commercial avait
82
Art. 16 al. 2 AUS.

83
Tel est l’enseignement de la jurisprudence Intagliata en droit français. Dans cette espèce, la société Nord-
Africaine de briqueterie devait au sieur Aliprandi la somme de 70.000 francs français qu’elle s’était engagée à
rembourser selon certaines modalités. Aliprandi n’ayant pu obtenir le remboursement de sa créance, a assigné
devant le TGI de Marseille, le sieur Intagliata, pris en sa qualité de caution. Saisie, la cour d’appel d’Aix-en-
Provence a, dans un arrêt du 9 décembre 1965, fait droit à la demande du sieur Aliprandi au motif que la
présence à l’acte d’Intagliata aux côtés des parties contractantes ne peut s’interpréter autrement que comme
caution. Suite au pourvoi formé par Intagliata, la chambre civile de la cour de cassation a, dans l’arrêt rendu le
24 avril 1968, cassé l'arrêt entrepris. En effet, pour la haute juridiction, l’existence d’un cautionnement ne peut
résulter de simples présomptions. Elle ne peut donc résulter de la simple présence du sieur Intagliata à la
conclusion du contrat entre la société Africaine de briqueterie et le sieur Aliprandi.
48
assigné en paiement de loyers arriérés, non seulement sa locataire mais aussi le beau-père de
celle-ci en prétendant que ce dernier était la caution de la locataire. Le propriétaire fondait son
action contre le beau-père sur une lettre que celui-ci avait adressée à la locataire, en envoyant
une copie au propriétaire et dans laquelle, « en tant que caution », il invitait sa belle-fille à
payer les loyers qu’elle devait. Cette lettre suffisait-elle à établir l’existence d’un contrat de
cautionnement entre le beau-père et le propriétaire de l’immeuble ? Ni le tribunal de première
instance d’Abidjan85 ni la cour d’appel d’Abidjan ne l’ont admis.

Et le commentateur de cet arrêt de préciser que « le créancier ne peut pas prétendre


tirer la preuve d’un cautionnement de la copie d’une lettre adressée au débiteur par un de ses
parents pour l’inviter à payer. Compte tenu des circonstances, le juge peut estimer que
l’auteur de cette lettre, en se qualifiant lui-même de caution, a pris ce terme comme
impliquant un simple engagement moral, et non dans son acception juridique 86 ». En outre, il
faut relever qu’une caution ne s’engage pas, comme le fait le beau-père des faits, à encourager
le débiteur à exécuter son obligation ; mieux, elle s’engage à exécuter l’obligation même du
débiteur si ce dernier est défaillant. Autrement dit, la caution ne s’engage pas à encourager le
débiteur à exécuter son obligation mais plutôt à exécuter l’obligation du débiteur, en lieu et
place de ce dernier, si ce débiteur ne le fait pas. La caution s’engage donc à se substituer au
débiteur principal en cas de défaillance de celui-ci. Ce que n’est pas l’engagement du beau-
père en l’espèce.

Dès lors, l’offre faite par la caution doit être expresse et non tacite. Par contre, rien
n’empêche l’acceptation du créancier d’être tacite. En effet, l’offre de se porter caution est
faite dans l’intérêt exclusif du créancier, son destinataire, et un silence de ce dernier peut
valablement valoir acceptation.

L’expression « le cautionnement ne se présume pas » signifie également que si un


créancier prétend qu’une personne s’est portée caution et veut, sur ce fondement, la
poursuivre, il doit en apporter la preuve. Faute de quoi, sa demande sera déclarée irrecevable.
Ainsi, dans une espèce où la BIAO poursuivait le dirigeant d’une société motif pris de ce que
ledit dirigeant s’était porté caution solidaire du remboursement des crédits qu’elle avait
84
Cour d’appel d’Abidjan, chambre civile et commerciale, arrêt n° 200 du 12 avril 1974, RID 3-4, 1975, pp. 15-
17, obs. Daniel VEAUX.
85
Le tribunal a statué par le jugement n° 565 du 22 mars 1973.

86
VEAUX (D.), observations sous arrêt de la cour d’appel d’Abidjan, RID 3-4, 1975, p. 16.
49
octroyés à la société, sa demande fut rejetée dès lors qu’elle n’avait pas apportée la preuve
que le gérant s’était porté caution solidaire87.

86 – Consentement exprès et nécessité de l’écrit – De la nécessité du caractère exprès du


consentement, il ne résulte pas que ledit consentement doive obligatoirement être passé par
écrit. Le consentement exprès peut être aussi bien verbal qu’écrit pourvu que la caution et le
créancier manifestent, sans ambigüité, leur intention de conclure le contrat de cautionnement.

Sur la validité du cautionnement verbal, un jugement du TPI de Gagnoa du 4 juin 2003


nous semble très critiquable. En l’espèce, le sieur O. est créancier de M. L. de la somme de
21.300.000 F CFA. Le débiteur, auteur d’un abus de confiance88 à l’égard du créancier, a été
arrêté et placé sous mandat de dépôt. C’est alors que Mlle V., belle-fille du débiteur, est
intervenue auprès du créancier pour lui demander de retirer sa plainte et s'est engagée, en
présence de témoins, à apurer elle- même la dette de son beau-père, à raison de 500.000 F
CFA, tous les 5 de mois en cas de défaillance de celui-ci. En exécution de sa promesse
verbale, elle a versé un acompte de 1.000.000 F CFA. Le créancier a alors retiré sa plainte.
Sorti de prison, le débiteur a quitté la Côte d’Ivoire avec son épouse pour une destination
inconnue. Le créancier a alors engagé des poursuites contre Mlle V. lui demandant de payer le
solde de la créance. Cette dernière prétendit ne pas être liée à M. O par un quelconque
engagement. Quant à la somme de 1.000.000 F CFA qu’elle a remise au créancier, elle
affirma l’avoir fait à la demande de sa mère accomplissant ainsi un mandat. Saisi de l’affaire,
le tribunal de première instance de Gagnoa, au visa de l’art. 4 AUS alors en vigueur, rejeta la
demande de M. O au motif que ce dernier n’a apporté aucune preuve de l’existence du contrat
de cautionnement.

Ce jugement est critiquable sur deux points.

Tout d’abord, les premiers juges ont fondé leur décision sur l’art. 4 AUS dont l’alinéa
1er disposait que : « Le cautionnement ne se présume pas, quelle que soit la nature de
l’obligation garantie. A peine de nullité, il doit être convenu de façon expresse entre la

87
Cour d’appel d’Abidjan, arrêt n° 550 du 27 mai 2005, NOVOPLAST CI c/ BIAO-CI, Ohada.com, Ohadata J-
09-196.
88
Selon l’article 467 alinéa 1er du code pénal ivoirien : « Constitue un abus de confiance, le détournement, la
dissipation ou la destruction par une personne, au préjudice d’autrui, de fonds, de valeurs ou un bien
quelconque qui lui ont été remis et qu’elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter, d’en faire un
usage ou un emploi déterminé ». « L’abus de confiance est puni d’un emprisonnement d’un à cinq ans et d’une
amende de 300.000 à 3.000.000 de francs » (art. 467 al. 2 cp).
50
caution et le créancier ». Le premier reproche que l’on peut faire aux premiers juges est de
confondre cautionnement exprès avec cautionnement passé par écrit. Il semble que pour les
premiers juges, un cautionnement verbal ne puisse pas être exprès. Ce qui est critiquable. En
effet, un cautionnement exprès est celui dans lequel les parties, c’est-à-dire la caution et le
créancier, ont affirmé sans ambigüité leur intention de conclure un cautionnement et d’être lié
par ce dernier. L’expression du consentement est, d’ordinaire, écrite. Mais il n’empêche que
cette expression puisse aussi être verbale. Pour cela, il suffit de retrouver dans l’engagement
d’une personne les traits caractéristiques du cautionnement à savoir l’engagement pris par un
tiers envers un créancier d’exécuter l’obligation du débiteur du créancier si ledit débiteur est
défaillant. Et c’était le cas en l’espèce où il est constant que Mlle V. s’était engagée envers le
créancier O. à payer la dette de M. L. si ce dernier ne le faisait pas.

Le deuxième reproche que l’on peut faire à ce jugement réside dans sa solution : les
juges ont affirmé que la preuve de l’existence du cautionnement n’a pas été rapportée par le
créancier. Cette solution semble s’expliquer par le fait que le créancier ne produise pas un
contrat écrit comme preuve conformément à l’interprétation que les juges ont faite de l’art. 4
al. 2 AUS qui affirmait que : « Le cautionnement doit être constaté dans un acte comportant
la signature des deux parties et la mention, écrite de la main de la caution, de la somme
maximale garantie en toutes lettres et en chiffre. En cas de différence, le cautionnement vaut
pour la somme exprimée en lettres ».

La solution des juges est étonnante. Certes, outre l’article 4 AUS précité, il existe un
principe général exprimé par l’art. 1341 du code civil89 et qui exige qu’au-delà d’une certaine
somme, un acte soit prouvé par écrit. Cependant, cette règle n’est pas absolue et notamment,
l’art. 1347 du code civil exprime l’exception suivante : « Les règles ci-dessus reçoivent
exception lorsqu’il existe un commencement de preuve par écrit.

On appelle ainsi tout acte par écrit qui est émané de celui contre lequel la demande
est formée, ou de celui qu’il représente, et qui rend vraisemblable le fait allégué ».

Dans l’espèce étudiée, il est question d’un procès-verbal d’audition de témoins produit
par le créancier à l’appui de sa prétention. La question se pose de savoir si ce procès-verbal ne
89
Aux termes de l’art. 1341 du code civil : « Il doit être passé par acte devant notaires ou sous signature privée,
de toutes choses excédant la somme ou valeur de cinq cents francs, même pour dépôts volontaires, et il n’est
reçu aucune preuve par témoins contre et outre le contenu aux actes, ni sur ce qui serait allégué avoir été dit
avant, lors ou depuis les actes, encore qu’il s’agisse d’une somme ou valeur moindre de 500 francs.
Le tout sans préjudice de ce qui est prescrit dans les lois relatives au commerce ».

51
répond pas aux exigences d’un commencement de preuve par écrit. La réponse est, il nous
semble, affirmative car cet acte émane de Mlle V. et rend vraisemblable son engagement de
caution. Les premiers juges auraient donc dû l’admettre comme commencement de preuve par
écrit et condamner Mlle V. à exécuter l’obligation de caution qu’elle avait valablement
contractée.

87 – Intégrité du consentement – En plus d’exister, le consentement doit être intègre.


L’intégrité du consentement exige qu’il soit exempt de vices. Les vices du consentement sont
l’erreur, le dol et la violence.

87- 1 - Erreur - L’erreur est une mauvaise appréciation de la réalité qui consiste à croire vrai
ce qui est faux et inversement. L’erreur vice du consentement est l’erreur sur la personne dans
les contrats intuitu personae et l’erreur sur les qualités substantielles dans tous les contrats.
L’erreur est susceptible d’être invoquée par les cautions par application du droit commun des
contrats90.

87-1-1 – Erreur inopérante sur la nature de l’engagement - L’erreur sur la nature de


l’engagement est quelque fois utilisée par les cautions qui soutiennent, a posteriori, qu’elles
n’ont pas compris la portée de leur engagement. Il est donc nécessaire que la caution sache
exactement à quoi elle s’engage au risque de voir son erreur sur la nature de l’engagement
qu’elle a souscrit refusée par les juridictions.

Il en est ainsi dans l’arrêt n° 844 du 5 juillet 2002 de la cour d’appel d’Abidjan 91. En
l’espèce, le sieur Ahmed BAKAYOKO devait la somme de 1.050.000 F CFA à KOUASSI
N’Goran Marius. C’est alors que le sieur YHAYE Michel s’est engagé envers le créancier
pour, selon lui, tout mettre en œuvre afin que le débiteur paye sa dette à l’échéance. Le
débiteur s’étant montré défaillant à l’échéance, le créancier a engagé des poursuites contre
YHAYE en sa qualité de caution. Ce dernier refusa d’endosser cette responsabilité car il
estimait qu’il n’était pas une véritable caution mais simplement une caution morale. L’affaire
est traduite en justice. Devant le tribunal de première instance d’Abidjan-Plateau, M. YHAYE
a produit, au soutien de sa prétention, un procès-verbal dans lequel il a écrit au créancier :

90
Selon l’article 1110 du code civil : « L’erreur n’est une cause de nullité de la convention que lorsqu’elle
tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet.
Elle n’est point une cause de nullité, lorsqu’elle ne tombe que sur la personne avec laquelle on a
l’intention de contracter, à moins que la considération de cette personne ne soit la cause principale de la
convention ».

91
Cour d’appel d’Abidjan, arrêt n° 844 du 5 juillet 2002, www.Ohada.com, Ohadata J-03-24.
52
« Je viens comme caution morale92 en appoint à ce jeune en difficulté ; je voudrais en
quelque sorte vous garantir sa représentativité dans un délai de trois semaines s’il ne vous
déposait pas la somme qu’il reste devoir au nommé KOUASSI N’Goran Marius ».

Le TPI ne le suit pas dans son argumentation et, par le jugement n° 625 Civ/3 du 14
novembre 2000, le condamne comme caution au paiement de la dette due par Ahmed
BAKAYOKO. Sur appel de YHAYE, la cour d’appel a confirmé le jugement entrepris en ces
termes : « Considérant que l’appelant ne dénie pas sa signature figurant au bas de
l’attestation de caution de dette établie le 20 octobre 2000 ; que cette attestation est claire et
limpide et définit sans équivoque l’engagement de l’appelant ; qu’en effet, celui-ci s’est
engagé à se substituer au débiteur pour rembourser la dette au plus tard le 31 décembre
2000 ; qu’il n’est pas contesté que passé le 31 décembre 2000, le débiteur principal Ahmed
BAKAYOKO n’a pas honoré sa dette ; qu’ainsi, en application de l’engagement de YHAYE
Michel résultant de l’acte sous seing privé en date du 20 octobre 2000, YHAYE Michel est,
dès lors, débiteur pur et simple de la dette, de sorte que c’est à bon droit que le premier Juge
l’a condamné au paiement de la somme de 1.050.000 F CFA… ».

Par ailleurs, le législateur a pris des précautions pour éviter ce genre d’erreur. Ces
précautions dérivent, d’une part, de l’art. 13 AUS et, d’autre part, de l’art. 14 AUS. De
l’article 13 AUS qui définit le cautionnement, il ressort clairement l’objet de l’obligation de la
caution : elle vient remplacer le débiteur principal défaillant en exécutant son obligation au
profit du créancier. Comme le dit l’adage : « Qui cautionne, paie » ! Dans l’art. 14 AUS, le
législateur protège particulièrement la caution qui ne sait ou ne peut écrire afin qu’elle
connaisse exactement la portée de son engagement : cette caution doit être assistée de deux
témoins qui certifient, dans l’acte de cautionnement, son identité et sa présence et attestent, en
outre, que la nature et les effets de l’acte lui ont été précisés.

87-1-2- Erreur sur la solvabilité du débiteur admise – Il s’agit, sans équivoque, d’une
erreur sur une qualité substantielle : la solvabilité du débiteur principal ; erreur que la caution
oppose au créancier pour obtenir l’annulation de son engagement.

Cette erreur ne peut être retenue que si elle est intervenue lors de la conclusion du
contrat et non ultérieurement. Il est juste de retenir l’erreur sur la solvabilité du débiteur
principal comme une erreur motivant l’annulation du contrat de cautionnement. En effet, s’il

92
Ou l’on voit que l’expression « caution morale » est inopérante en droit. On est caution ou on ne l’est pas.
53
est vrai que la caution s’engage à remédier à l’insolvabilité du débiteur principal, il est tout
aussi vrai que la caution ne remédie qu’à l’insolvabilité future du débiteur, c’est-à-dire son
insolvabilité au moment de l’échéance. Elle s’engage donc à payer la dette telle qu’elle sera
au moment des poursuites. Par conséquent, tout comme le créancier, la caution est en droit de
faire confiance au débiteur et de croire, au moment où elle s’engage avec le créancier, que le
débiteur a les moyens de payer sa dette. Si elle se trompe sur la solvabilité du débiteur
principal au moment de la conclusion du cautionnement, la caution peut opposer cette erreur
au créancier et demander l’annulation du contrat de cautionnement.

En droit français, dans un arrêt du 1er oct. 200293, la cour de cassation française a
reconnu que la caution peut obtenir l’annulation de son engagement lorsqu’elle a cru que le
débiteur était solvable alors même qu’elle n’avait pas fait de cette solvabilité une condition de
son engagement.

87-2 - Dol – Le dol est une tromperie qui a pour effet de provoquer, chez le contractant, une
erreur qui le détermine à contracter. Il constitue le vice le plus fréquemment invoqué par les
cautions dès lors que les conditions requises par l’art. 1116 c.civ sont réunies94 : le dol doit
émaner du cocontractant, en l’occurrence le créancier ; le dol doit être déterminant ; le dol
doit être prouvé.

87-2-1 - Auteur du dol – Pour entraîner la nullité du cautionnement, le dol doit provenir du
cocontractant de la caution, c’est-à-dire le créancier. Ainsi le dol a été refusé lorsqu’il ne
provenait pas du créancier95. Par ailleurs, il a été jugé qu’un établissement de crédit commet
un dol quand il obtient l’engagement de la caution tout en dissimulant la situation
irrémédiablement compromise du débiteur principal96.

87-2-2 – Caractère déterminant du dol - En ce qui concerne le caractère déterminant du dol,


il appartient à la caution de démontrer non seulement la réalité du dol mais aussi son caractère
déterminant. Ainsi jugée constitutive d’un dol déterminant, la réticence dolosive commise par
93
Cass. Com. 1er oct. 2002, D. 2003, Jur. P. 1617 note Y. PICOD.

94
Aux termes de l’art. 1116 du code civil : « Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les
manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre
partie n’aurait pas contracté.

Il ne se présume pas et doit être prouvé ».


95
Cf. en droit français, Cass. com. 13 nov. 2002, RTD civ. 2003.322, obs. Pierre Crocq.

96
Voir en droit français, Civ. 1ère, 14 févr. 2008.
54
un banquier qui n’avait pas informé la caution de la situation délicate dans laquelle se trouvait
le débiteur afin d’obtenir le consentement de la caution97.

87-2-3 – Preuve du dol – Enfin, le dol doit être prouvé par la caution qui l’invoque. Dans le
cas contraire, le dol qu’elle invoque ne sera pas retenu. Ainsi, dans une espèce où
l’actionnaire d’une société s’était porté caution d’un prêt accordé à sa société et où il
invoquait un dol pour échapper aux poursuites du créancier, la cour suprême ivoirienne,
confirmant l’arrêt de la cour d’appel d’Abidjan, a, dans l’arrêt du 14 mars 2002 98, rejeté le
pourvoi de l’actionnaire.

Au soutien de sa décision, la haute juridiction a relevé que : « en ne retenant pas le


dol à l'endroit de KOUADIO NIAMIEN Wilson, la Cour d'Appel n'a pas violé les dispositions
de l'article 1116 du Code Civil, qui font appel à des manœuvres pratiquées par l'une des
parties, qui sont telles qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas
contracté; qu'en effet, il résulte des productions du dossier, que KOUADIO NIAMIEN Wilson
est Ingénieur des Travaux Publics à la retraite ; qu'il a, sans contrainte physique ni morale,
délibérément signé dans les locaux de la banque puis dans ceux du notaire, les différents
actes sous seing privé et notariés, à plusieurs mois d'intervalle, et après son entrée dans la
société pour laquelle il a donné sa caution en qualité d'actionnaire et de Directeur Général ».

On retient de cette décision que la preuve du dol qu’elle aurait subi n’a pas été
rapportée par la caution99.

87-3 - Violence – Elle peut être définie comme la contrainte physique ou morale exercée sur
une personne pour l’amener à contracter. La violence n’affecte qu’exceptionnellement les
contrats de cautionnement. Contrairement au dol, la violence peut provenir du créancier mais
aussi d’un tiers notamment le débiteur principal. Ainsi, les juges français ont admis la remise
en cause de l’engagement d’une caution en se fondant sur la contrainte morale qu’elle a
subie100.

B. La capacité
97
En droit français, Civ. 1ère, 10 mai 1989, JCP 1989.II.21363.

98
Cour Suprême de Côte d’Ivoire, Chambre Judiciaire, Arrêt N° 243/02 du 14 mars 2002, Actualités juridiques
N° 37/2003, p.12. L’arrêt est également sur le site de l’Ohada : www.Ohada.com, Ohadata J-04-62.
99
Il faut tout de même relever que l’argumentation de la cour suprême est ambigüe dans la mesure où elle relève
l’absence de contrainte physique ou morale pour attester de l’inexistence du dol qu’aurait subi la caution. La
contrainte physique ou morale caractérise plus la violence que le dol.
55
88 – Principes - La capacité juridique se définit comme l’aptitude d’une personne à acquérir
des droits et à les exercer. Elle comporte donc deux aspects : l’aptitude à être titulaire d’un
droit est la capacité de jouissance et l’aptitude à exercer le droit dont on est titulaire est la
capacité d’exercice.

Les parties au contrat doivent avoir la capacité de contracter. La caution doit donc
avoir la capacité de contracter car elle assume une obligation personnelle engageant
l’entièreté de son patrimoine. C’est donc la dangerosité101 de l’acte de cautionnement qui
justifie cette exigence de la capacité de la caution.

88-1 – Mineur non émancipé – Le mineur non émancipé est frappé d’une incapacité
générale d’exercice qui l’empêche, notamment, de contracter102. Ainsi, le mineur non
émancipé ne peut, en aucun cas, s’engager seul comme caution. Il est représenté par
l’administrateur légal103 ou par le tuteur. Par ailleurs, l’administrateur légal du mineur a besoin
de l’autorisation du juge des tutelles pour conclure un contrat de cautionnement considéré
comme un acte de disposition104. En ce qui concerne le tuteur du mineur non émancipé, il a
besoin de l’autorisation du conseil de famille105 ou du juge des tutelles106, pour conclure un
contrat de cautionnement au nom du mineur.

100
Il s’agissait, en l’espèce, de menaces sur l’épouse du débiteur à se porter caution exercées par un syndic de
faillite : cass. com. 28 mai 1991, D. 1991, somm. 385, obs. L. Aynès.
101
L’adage « Qui cautionne, paie » exprime amplement cette dangerosité. Voir aussi Proverbes 6, 1-5.

102
Le fondement de l’incapacité générale du mineur résulte de l’art. 32 de la loi ivoirienne sur la minorité qui
dispose que : « le mineur est incapable d’accomplir seul les actes de la vie civile ».
103
Art. 45 al. 1er de la loi n° 2019-572 du 26 juin 2019 relative à la minorité : « L’administrateur légal
représente le mineur dans tous les actes civils, sauf ceux pour lesquels le mineur est autorisé à agir lui-même ».
Le cautionnement fait partie de ces actes civils pour lesquels l’administrateur légal représente le mineur non
émancipé.
104
Sur ce point, M. ISSA-SAYEGH relève, à juste titre que, « En raison de ses conséquences possibles, le
cautionnement peut être considéré comme un acte de disposition parce qu’il présente une certaine gravité », in
« OHADA, Sûretés », éd. BRUYLANT, 2002, n° 43, p. 21. Reste à souligner que les conséquences dont il s’agit
sont la saisie et la vente des biens de la caution. Sur la nécessité de l’autorisation du juge des tutelles, v. art. 44
al. 4 de la loi ivoirienne sur la minorité.
105
Aux termes de l’al. 1er de l’art. 99 de la loi n° 2019-572 du 26 juin 2019 relative à la minorité : « Le tuteur ne
peut, sans y avoir été autorisé par le conseil de famille, faire des actes de disposition au nom du mineur ».
106
Selon l’art. 109 al. 1er de la loi ivoirienne sur la minorité : « Dans tous les cas où l’autorisation du conseil de
famille est requise pour la validité d’un acte du tuteur, elle peut être suppléée par celle du juge des tutelles, si
l’acte qu’il s’agit de passer porte sur des biens dont la valeur en capital n’excède pas trois millions de francs ».
56
88-2 – Mineur émancipé - Aux termes de l’art. 119 de la loi ivoirienne sur la minorité :
« L’émancipation est l’état du mineur qui est affranchi de l’autorité parentale ou de la
tutelle. Il devient capable d’accomplir tous les actes de la vie civile, et de faire le
commerce… ».

Il résulte de cette disposition qu’un mineur émancipé peut, à l’instar d’un majeur,
s’engager comme caution.

88-3 – Majeurs incapables en général – Les majeurs incapables peuvent être non protégés
ou protégés. Les premiers sont ceux qui souffrent d’une altération de leurs facultés mentales
non déclarée officiellement. L’incapacité des majeurs atteints d’une aliénation mentale ou
d’une altération de leurs facultés mentales ne peut être prise en compte que si elle a été
prononcée par le juge. Il en résulte que le majeur aliéné demeure capable tant que son
incapacité n’a pas été constatée par le juge. Il y a ainsi une présomption de validité des actes
juridiques accomplis par ce dernier. Cette présomption s’applique donc au cautionnement
conclu par un majeur incapable non protégé. Exceptionnellement, la nullité de l’acte conclu
par ce majeur peut être prononcée par le juge si l’on apporte la preuve de l’aliénation mentale
dudit majeur au moment de la conclusion de l’acte. Cette solution est applicable au
cautionnement conclu par un tel majeur.

88-3-1– Interdits judiciaires107 - Le jugement d’interdiction crée une incapacité générale


d’exercice à l’encontre de l’interdit judiciaire. Ainsi, bien que titulaire de droits, l’interdit ne
peut conclure lui-même aucun acte juridique. L’incapacité de l’interdit judiciaire est générale
et concerne tous les actes juridiques. L’interdit est représenté. Il en découle que les actes
juridiques, le cautionnement y compris, seront accomplis en son nom et pour son compte, par
un tuteur.

88-3-2 – Aliénés internés108 - Tout comme l’interdit judiciaire, l’aliéné interné est, dès son
internement, frappé d’une incapacité générale d’exercice occasionnant l’ouverture d’une
tutelle et entraînant, en principe, la nullité des actes juridiques, dont le cautionnement,
accomplis par l’interné. Il s’en déduit donc que l’aliéné ne peut conclure un cautionnement.
C’est son tuteur qui le fait en son nom. Toutefois, les actes juridiques accomplis par l’aliéné

107
L’interdit judiciaire est l’état qui dérive de l’interdiction judiciaire. L’interdiction judiciaire est un jugement
par lequel le tribunal, constatant l’aliénation mentale d’une personne, lui retire l’administration de ses biens. Le
statut des interdits judiciaires est régi, en Côte d’Ivoire, par les articles 488 à 515 du code civil ivoirien.
108
Le régime de l’internement découle de la loi Esquirol du 30 juin 1838 encore applicable en Côte d’Ivoire.
57
interné après son internement ne sont pas nuls de droit comme ceux de l’interdit judiciaire. En
effet, selon les termes de l’art. 39 de la loi du 30 juin 1838 : « ces actes pourraient être
annulés », ce qui traduit le pouvoir d’appréciation reconnu aux juges. Il en découle que le
tribunal peut décider du maintien de ces actes s’il estime qu’ils ont été faits dans un moment
de lucidité.

88-3-3 - Prodigues109 et faibles d’esprit - Contrairement aux interdits judiciaires et aux


aliénés internés, les prodigues et les faibles d’esprit ne sont pas frappés d’une incapacité
générale d’exercice mais seulement d’une incapacité spéciale d’exercice. Ainsi, ils conservent
l’administration de leurs biens.

Cependant, eu égard à leur prodigalité ou à la faiblesse de leur état mental, ils se


verront fournir un conseil nommé par la justice pour la conclusion de certains actes juridiques
dont le cautionnement. Le prodigue ou le faible d’esprit ne peut donc conclure un
cautionnement qu’assisté de son conseil judiciaire.

C – Le pouvoir de se porter caution

89 – Diversité des hypothèses – Il est des hypothèses où la capacité se double de l’exigence


d’un pouvoir de représentation. Il s’agit, alors, d’examiner le pouvoir de la caution d’engager
une tierce personne. Il est donc ici question d’envisager l’influence du cautionnement sur
d’autres institutions. Trois hypothèses seront analysées : les régimes matrimoniaux, les
cautionnements donnés par les personnes morales, le mandat de se porter caution.

90 – Cautionnements et régimes matrimoniaux – Le régime matrimonial110 peut-il avoir


une influence sur la conclusion d’un cautionnement ? En effet, le cautionnement étant de
nature à compromettre le patrimoine familial, il est nécessaire d’analyser soigneusement la
validité d’un cautionnement conclu par une caution mariée. La question qui se pose est la
suivante : une personne mariée a-t-elle besoin de l’autorisation de son conjoint pour conclure
un contrat de cautionnement ?

109
Les prodigues sont les personnes se livrant à des dépenses inconsidérées risquant de compromettre leur
patrimoine. Les dépenses du prodigue sont inspirées non par la raison mais par la passion. Quant au faible
d’esprit, c’est celui dont les facultés mentales sont affaiblies sans qu’il y ait perte totale et habituelle de sa raison
pouvant justifier le prononcé de l’interdiction judiciaire. La situation des prodigues et des faibles d’esprit est
régie par les articles 154, 499 et 513 du code civil.
110
Selon l’article 58 alinéa 1er de la loi ivoirienne sur le mariage : « Le régime matrimonial règle les effets
patrimoniaux du mariage dans les rapports des époux entre eux et à l’égard des tiers ».
58
Pour répondre à la question, il est nécessaire de distinguer deux hypothèses selon que
la future caution est mariée sous le régime de la séparation des biens ou sous celui de la
communauté de biens111.

90.1 – Future caution mariée sous le régime de la séparation de biens – S’engager comme
caution revient à contracter un engagement : celui d’exécuter l’obligation du débiteur
principal en cas de défaillance de celui-ci. La caution contracte donc une dette vis-à-vis du
créancier. Or, dans le régime de la séparation des biens, « chaque époux reste seul tenu des
dettes nées de son chef avant ou pendant le mariage sous réserve de celles résultant des
charges du ménage112 ». Puisque chacun des époux séparés de biens répond seul, en sa
personne, de ses dettes personnelles, on en déduit que la future caution mariée sous le régime
de la séparation de biens n’a pas besoin de l’autorisation de son conjoint pour s’engager en
tant que caution.

90.2 – Future caution mariée sous le régime de la communauté de biens - Dans le régime
de la communauté des biens, les dettes contractées par l’un des époux peuvent être
poursuivies, non seulement sur ses biens propres, mais aussi sur les biens communs. L’article
76 de la loi ivoirienne sur le mariage pose le régime de la poursuite de ces dettes en
distinguant deux hypothèses selon que les dettes portent ou pas sur les besoins et charges de
ménage113.

Dans la première hypothèse, les dettes peuvent être poursuivies, non seulement sur les
biens propres de l’époux qui les a contractées, mais aussi sur les biens propres de son conjoint
et sur les biens communs. Cette solution est fondée sur la solidarité des époux dans le
paiement de dettes portant sur les besoins et charges de ménage. Appliquée au cautionnement,
cette hypothèse signifie que si l’engagement d’un des époux a été contracté pour garantir une

111
Aux termes de l’article 59 de la loi ivoirienne sur le mariage : « Le mariage crée entre les époux soit le régime
de la communauté de biens, soit celui de la séparation de biens, si les époux n’ont pas réglé les effets pécuniaires
de leur mariage par convention ». Le cadre de l’analyse de cette question est le droit ivoirien. Dans le régime
conventionnel, les époux pourront, éventuellement, déterminer les règles par lesquels ils peuvent se porter
cautions.
112
Art. 98 al. 2 de la loi n° 2019-570 du 26 juin 2019 relative au mariage.

113
Cet article dispose que : « Les dettes contractées par chacun des époux peuvent être poursuivies :
1° sur les biens communs et sur les biens propres tant de l’un que de l’autre si elles portent sur les
besoins et charges de ménage ;
2° sur les biens propres de l’époux qui les a contractées si elles ne portent pas sur les besoins et
charges du ménage et, en cas d’insuffisance, sur les biens communs ».

59
dette de ménage, le paiement de cette dette pourra être poursuivi sur les biens communs mais
aussi sur les propres de chacun des époux.

L’époux qui contracte l’engagement de caution a-t-il alors besoin de l’autorisation de


son conjoint ? Cela ne semble pas nécessaire puisque le fondement de la solidarité passive des
époux au paiement de la dette est le caractère ménager de la dette garantie. Ainsi, parce que la
dette garantie est une dette ménagère, le paiement de cette dette engagera nécessairement les
biens communs et les propres de chacun des époux, et donc du conjoint de la caution, qu’il ait
ou non autorisé le cautionnement.

Dans la seconde hypothèse, c’est-à-dire lorsque les dettes ne concernent pas les
besoins du ménage, elles sont poursuivies « sur les biens propres de l’époux qui les a
contractées (…) et, en cas d’insuffisance, sur les biens communs ».

Cependant, l’alinéa 2 de l’art. 82 de la loi ivoirienne sur le mariage édicte des


exceptions. Selon cette disposition : « Toutefois, l’accord des deux époux est nécessaire
pour :…5°) cautionner une dette d’un tiers ».

Ainsi, dans la nouvelle loi ivoirienne de 2019 relative au mariage, le législateur exige
que l’époux commun en biens qui veut se porter caution de la dette d’un tiers obtienne
l’accord, c’est-à-dire le consentement, préalable, de l’autre époux.

Quelle est la sanction du défaut d’observation de cette disposition ? Selon l’alinéa 5 du


même article 82, « l’époux contractant est seul obligé et n’en supporte la charge que sur ses
biens propres, s’il n’a pas obtenu le consentement de l’autre ». Il s’en déduit que la sanction
du défaut de consentement de l’autre époux à la conclusion du cautionnement n’est pas la
nullité de celui-ci mais plutôt l’inopposabilité du cautionnement conclu à l’époux dont le
consentement requis n’a pas été obtenu114.

91 – Cautionnements consentis par les personnes morales – Le principe de spécialité -


Une personne morale115 peut se porter caution d’une autre personne, physique ou morale.
Encore faut-il que la personne morale ait une existence juridique et que celui qui prétend
l’engager ait le pouvoir de le faire. De plus, contrairement aux personnes physiques, la

114
Dans cette hypothèse, il est dans l’intérêt du créancier d’exiger, de la caution, le consentement préalable de
son conjoint afin d’étendre sa poursuite sur ses biens et, éventuellement, sur les biens communs.

115
Classiquement, une personne morale peut être définie comme un groupement de personnes ou de biens doté
de la personnalité juridique.
60
capacité de jouissance des personnes morales est limitée par le principe de la spécialité. Ce
principe oblige les personnes morales à n’agir que dans le cadre strict de leur objet social,
c’est-à-dire l’ensemble des activités qu’elles exercent.

Dans la mesure du possible, le cautionnement fourni par les personnes morales, est
encadré par ce principe de spécialité. Cependant, dans certaines situations, le législateur porte
une atteinte à ce principe.

Nous n’analyserons, pour les besoins de ce cours, que le cas de certaines personnes
morales de droit privé.

92– Cautionnements consentis par certaines personnes morales de droit privé – Il existe
diverses personnes morales de droit privé. Nous n’envisagerons que le cas des sociétés
commerciales et des sociétés civiles.

93– Cautionnement souscrit par les sociétés commerciales – Principes généraux – Les
principes généraux, en ce qui concerne le cautionnement fourni par les sociétés commerciales,
sont précisés par les articles 121116 et 122117 de l’acte uniforme relatif au droit des sociétés
commerciales et du groupement d’intérêt économique. De l’article 121 AUSCGIE, il ressort
la plénitude des pouvoirs des dirigeants pour engager la société commerciale à l’égard des
tiers. Toutefois, cette plénitude peut être limitée, par le législateur, pour chaque type de
société ; quant à l’article 122, il pose le principe général de la validité des actes des dirigeants
sociaux qui ne relèvent pas de l’objet social ; mais ce principe admet des exceptions prévues
par la loi en fonction des sociétés commerciales.

93-1- Cautionnements consentis par une SNC 118 – Il faut distinguer selon que le
cautionnement envisagé est fait pour garantir les dettes d’un associé ou celles d’un tiers.

116
Aux termes de l’art. 121 AUSCGIE : « A l’égard des tiers, les organes de gestion, de direction et
d’administration ont, dans les limites fixées par le présent Acte uniforme pour chaque type de société, tout
pouvoir pour engager la société, sans avoir à justifier d’un mandat spécial. Toute limitation de leurs pouvoirs
légaux par les statuts est inopposable aux tiers de bonne foi ».
117
Cet article dispose que: « La société est engagée par les actes des organes de gestion, de direction et
d’administration qui ne relèvent pas de l’objet social, à moins qu’elle ne prouve que le tiers savait que l’acte
dépassait cet objet ou qu’il ne pouvait l’ignorer compte tenu des circonstances, sans que la seule publication des
statuts suffise à constituer cette preuve ».
118
Selon l’art. 270 AUSCGIE, la SNC ou Société en Nom Collectif est « celle dans laquelle tous les associés
sont commerçants et répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales ».
61
93-1-1– Cautionnements garantissant la dette d’un associé : conformité du
cautionnement à l’intérêt social - Pour que le cautionnement donné par une SNC pour
garantir les dettes d’un de ses associés soit valide, il est nécessaire que ce cautionnement soit
conforme à l’intérêt social. Cette solution résulte de l’interprétation de l’art. 277 AUSCGIE 119.
En effet, la notion d’actes de gestion mentionnée par cet article englobe autant les actes
d’administration que les actes de direction et ceux de disposition. En définitive, il s’agit,
notamment des actes accomplis par le gérant en vue de réaliser l’objet social120. La conclusion
d’un contrat de cautionnement est donc incluse dans ces actes de gestion121.

93-1-2 – Cautionnements garantissant la dette d’un tiers : conformité à l’objet social –


La validité d’un cautionnement donné par une SNC pour garantir la dette d’un tiers est
soumise à sa conformité à l’objet social de la SNC conformément à l’article 277-1 al. 1
AUSCGIE qui dispose que : « Dans les rapports avec les tiers, le gérant engage la société
par les actes entrant dans l’objet social ». Par « actes entrant dans l’objet social », il faut
entendre les actes, dont le cautionnement, qui sont conformes à l’objet social.

93-2 – Cautionnements fournis par une SCS122 – Renvoi aux règles applicables à la SNC
- Les cautionnements donnés par une SCS sont, pour leur validité, soumis aux règles
applicables aux cautionnements fournis par une SNC. Cette solution résulte de l’art. 298

119
Selon cet article : « Dans les rapports entre associés et en l’absence de la détermination de ses pouvoirs par
les statuts, le gérant peut faire tous les actes de gestion dans l’intérêt de la société (c’est nous qui soulignons) .
En cas de pluralité de gérants, chacun détient les mêmes pouvoirs que s’il était seul gérant de la société, sauf le
droit pour chacun de s’opposer à toute opération avant qu’elle ne soit conclue ».
120
Puisque l’acte de gestion est un acte accompli en vue de réaliser l’objet social, il s’en déduit que cet acte
respecte l’objet social. On doit donc en conclure que l’acte de cautionnement, pour être valide, doit être
conforme à l’intérêt social mais aussi à l’objet social. Il y a donc une double conformité : à l’objet social et à
l’intérêt social. Mais ici, la conformité à l’intérêt social prime sur celle relative à l’objet social.
121
Le législateur ne définit pas la notion d’intérêt social. Il s’agit de l’intérêt général de la société commerciale
qu’est la SNC. Cet intérêt peut être financier au cas où, par exemple, la société tire un gain du cautionnement
d’un de ses associés… Ce peut être tout autre intérêt…
122
Aux termes de l’art. 293 AUSCGIE : « La société en commandite simple (SCS) est celle dans laquelle
coexistent un ou plusieurs associés indéfiniment et solidairement responsables des dettes sociales dénommés
‘’associés commandités’’, avec un ou plusieurs associés responsables des dettes sociales dans la limite de leurs
apports dénommés ‘’associés commanditaires’’ ou ‘’associés en commandite’’, et dont le capital est divisé en
parts sociales ».
62
AUSCGIE123. Il faut donc appliquer, mutatis mutandis, les règles applicables aux
cautionnements donnés par les SNC pour des dettes, soit d’associés, soit de tiers.

93-3– Cautionnements consentis par une SARL124 - Pour mieux appréhender la validité des
cautionnements donnés par une SARL, il faut distinguer deux catégories de cautionnements :
d’une part, les cautionnements admis et, d’autre part, les cautionnements interdits.

93-3-1 Les cautionnements admis – Ils concernent les cautionnements des dettes des tiers
penitus extranei, de ceux garantissant les dettes des associés personnes morales et de ceux
garantissant les dettes des associés personnes physiques envers d’autres associés d’une même
SARL.

93-3-1-1 – Cautionnements garantissant les dettes de tiers penitus extranei – Par tiers
penitus extranei, il faut entendre les tiers absolus, c’est-à-dire, les personnes physiques non
associées et n’ayant, en outre, aucun lien avec des associés ou des gérants de la SARL. Pour
la validité de cautionnements donnés par la SARL pour des dettes contractées par ces tiers, il
y a un principe et une exception.

En principe, ces cautionnements sont valides même s’ils ne sont pas conformes à
l’objet social. La SARL est donc engagée par un acte de cautionnement conclu par un
dirigeant pour garantir des dettes de tiers même si ce cautionnement n’est pas conforme à
l’objet social.

Toutefois, et exceptionnellement, la SARL peut se désengager si elle rapporte la


preuve de la mauvaise foi du tiers. Cette mauvaise foi résulte du fait que le tiers savait que
l’acte dépassait l’objet social ou qu’il ne pouvait l’ignorer compte tenu des circonstances de
conclusion de l’acte.

Toutes ces solutions trouvent leur fondement textuel dans l’article 329 AUSCGIE125.

123
En effet, cet article dispose que : « La société en commandite simple est gérée par tous les associés
commandités, sauf clause contraire des statuts qui peuvent désigner un ou plusieurs gérants, parmi les associés
commandités, ou en prévoir la désignation par un acte ultérieur, dans les mêmes conditions et avec les mêmes
pouvoirs que dans une société en nom collectif ».
124
La Société A Responsabilité Limitée (SARL) est définie par l’art. 309 al. 1er AUSCGIE comme « une société
dans laquelle les associés ne sont responsables des dettes sociales qu’à concurrence de leurs apports et dont les
droits sont représentés par des parts sociales ».
125
En effet, cet article dispose que : « Dans les rapports avec les tiers, le gérant est investi des pouvoirs les plus
étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société, sous réserve des pouvoirs que le présent Acte
Uniforme attribue expressément aux associés.
63
93-3-1-2 – Cautionnements des dettes des associés personnes morales envers des tiers –
La validité de ces cautionnements n’est pas expressément prévue par le législateur mais elle
résulte d’une interprétation a contrario de l’interdiction des cautionnements des dettes des
associés personnes physiques. En effet, une SARL ne peut cautionner les dettes envers les
tiers de ses associés personnes physiques. L’interdiction ne s’appliquant qu’aux personnes
physiques associées, il en résulte que les dettes des personnes morales associées d’une SARL
envers des tiers peuvent être cautionnées par celle-ci126. Reste à préciser que la validité de tels
cautionnements serait soumise à leur conformité à l’intérêt social comme l’indique l’art. 328
al. 1 AUSCGIE127.

93-3-1-3 – Cautionnements des dettes des associés envers d’autres associés – A l’instar
des cautionnements des dettes des associés personnes morales envers des tiers, la validité de
ceux des associés (personnes physiques ou morales) envers d’autres associés est admise par
une interprétation a contrario de l’interdiction du cautionnement des associés personnes
physiques envers les tiers. En effet, la dette dont le cautionnement est prohibé est celle d’un
associé à l’égard d’un tiers. Si par tiers, il faut entendre une personne, physique ou morale,
non associée de la société, il faut en déduire que la dette d’un associé envers un autre associé
pourrait être valablement cautionnée par la SARL. Cela admis, la validité de tels
cautionnements serait soumise à leur conformité à l’intérêt social comme l’indique l’art. 328
al. 1 AUSCGIE128.

93-3-2 – Les cautionnements interdits – Les cautionnements interdits sont ceux garantissant
des dettes des associés personnes physiques ou des gérants ou ceux des tiers liés aux gérants
ou aux associés– Ainsi, une SARL ne peut cautionner les dettes envers les tiers de ses

La société est engagée, même par les actes du gérant qui ne relèvent pas de l’objet social, à moins
qu’elle ne prouve que le tiers savait que l’acte dépassait cet objet ou qu’il ne pouvait l’ignorer compte tenu des
circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve.
Les clauses statutaires limitant les pouvoirs des gérants qui résultent du présent article sont
inopposables aux tiers ».

126
Il reste entendu que ces cautionnements ne sont possibles que s’ils ne tombent pas sous le coup des
cautionnements interdits. Ce serait le cas si deux associés sont époux. Dans cette hypothèse, la SARL serait dans
l’impossibilité de cautionner les dettes de l’un de ces associés envers l’autre.
127
Selon cette disposition : « Dans les rapports entre associés et en l’absence de la détermination de ses pouvoirs
par les statuts, le gérant peut faire tous les actes de gestion dans l’intérêt de la société »
128
Cet article dispose, en son alinéa 1er que : « Dans les rapports entre associés et en l’absence de la
détermination de ses pouvoirs par les statuts, le gérant peut faire tous les actes de gestion dans l’intérêt de la
société ».
64
associés personnes physiques ou de ses gérants. De même, elle ne peut cautionner les dettes
des conjoints, ascendants et descendants des associés ou des gérants de la société.

La sanction de la conclusion de tels cautionnements est la nullité conformément à l’art.


356 AUSCGIE qui dispose que : « A peine de nullité du contrat, il est interdit aux personnes
physiques, gérantes ou associées, de contracter, sous quelque forme que ce soit, des emprunts
auprès de la société, de se faire consentir par elle un découvert en compte-courant ou
autrement, ainsi que de faire cautionner ou avaliser par elle leurs engagements envers les
tiers (c’est nous qui soulignons).

Cette interdiction s’applique également aux conjoints, ascendants et descendants des


personnes visées à l’alinéa premier du présent article, ainsi qu’à toute personne interposée ».

Des auteurs justifient cette interdiction en relevant que : « la société ne doit pas servir
de banque à ses associés ou à ses dirigeants129 ».

La sanction du non-respect de ces interdictions est donc la nullité du cautionnement.

93-4 – Cautionnements consentis par une SA 130 – Il faut distinguer les cautionnements
autorisés des cautionnements interdits.

93-4-1 – Cautionnements autorisés – La validité de certains cautionnements est soumise à


une autorisation préalable. Il s’agit des cautionnements donnés par la SA pour des dettes
contractées par des tiers. Cela veut dire que le débiteur principal est tiers à la SA. L’organe
compétent pour octroyer cette autorisation diffère selon qu’il s’agit d’une SA avec conseil
d’administration ou d’une SA avec un administrateur général.

93-4-1-1 – Cautionnements consentis par une SA avec conseil d’administration : la


nécessité d’une autorisation préalable du conseil d’administration- Il faut distinguer un
principe et une exception selon l’art. 449 AUSCGIE.

Le principe - Pour que le cautionnement donné par une SA avec conseil d’administration
pour des dettes contractées par des tiers soit valide, il est nécessaire d’obtenir, au préalable

129
POUGOUE (P-G), NGUEBOU-TOUKAM (J.), ANOUKAHA (F.), commentaire sous article 356
AUSCGIE, in OHADA, Traités et actes uniformes commentés et annotés, Ed. Juriscope, 4e éd., 2012, p. 500.
130
Aux termes de l’article 385 alinéa 1er AUSCGIE : « La société anonyme est une société dans laquelle les
actionnaires ne sont responsables des dettes sociales qu’à concurrence de leurs apports et dont les droits des
actionnaires sont représentés par des actions ».
65
l’autorisation du conseil d’administration conformément à l’art. 449 al. 1 AUSCGIE131.
L’autorisation du conseil d’administration est matérialisée sur le procès-verbal de la réunion
du conseil d’administration et ne vaut que pour un an. Outre l’autorisation, le conseil
d’administration fixe le plafond du montant que la SA peut garantir. Il existe deux modalités
de fixation de ce montant : soit le conseil d’administration fixe un montant global valable
pour un an, soit il fixe un montant pour chaque cautionnement132.

L’exception – Il existe une exception à la nécessité de l’autorisation préalable au regard de


l’objet social de la SA. Ainsi, lorsque la SA est un établissement de crédit, de microfinance ou
d’assurance caution dûment agréés, l’autorisation préalable n’est pas nécessaire. La raison en
est que, pour ces entreprises, fournir un cautionnement est une activité courante dénommée
crédit par signature. L’octroi de ce crédit ne nécessite donc pas une autorisation préalable.

Sanctions – Le non-respect des normes réglementant les cautionnements soumis à


autorisation préalable entraîne des sanctions. Ainsi, lorsque l’autorisation préalable du conseil
d’administration n’a pas été obtenue, le cautionnement intervenu est nul133. En outre, si le
montant fixé par la décision du conseil d’administration a été dépassé, la sanction est
l’inopposabilité du dépassement au tiers qui n’en a pas eu connaissance. Toutefois, si le
montant de l’engagement invoqué excède, à lui seul, l’une des limites fixées par la décision
du conseil d’administration, le cautionnement conclu sera nul134.

93-4-1-2 – Cautionnements consentis par une SA avec administrateur général : nécessité


d’une autorisation préalable de l’assemblée générale ordinaire – Ici aussi, il y a lieu de
distinguer un principe et une exception selon l’art. 506 AUSCGIE135.

131
Selon l’al. 1 de l’art. 449 AUSCGIE : « Les cautionnements, avals, garanties autonomes, contre-garanties
autonomes et autres garanties souscrits par des sociétés autres que celles exploitants des établissements de
crédit, de microfinance ou d’assurance-caution dûment agréés et pour des engagements pris par des tiers font
l’objet d’une autorisation préalable du Conseil d’Administration ».
132
Sur tous ces points, voir l’art. 449 al. 2 à 5 AUSCGIE.

133
Art. 449 al. 7 AUS : « Les cautionnements, avals, garanties autonomes et autres garanties donnés, sans
autorisation, pour des engagements pris par des tiers sont nuls ».
134
Art. 449 al. 8 AUS : « Si les cautionnements, avals, garanties autonomes et autres garanties ont été donnés
pour un montant total supérieur à la limite fixée pour la période en cours, le dépassement ne peut être opposé aux
tiers qui n’en ont pas eu connaissance à moins que le montant de l’engagement invoqué excède, à lui seul, l’une
des limites fixées par la décision du conseil d’administration prise en application des dispositions de présent
article. Dans ce cas, les cautionnements, avals, garanties autonomes ou autres garanties sont nuls ».
66
Le principe - Les cautionnements donnés par une SA avec administrateur général sont
soumis, pour leur validité, à l’autorisation préalable de l’assemblée générale ordinaire. Cette
solution est logée dans l’art. 506 AUSCGIE. Selon ce même article, l’autorisation de l’AGO
peut être donnée « soit d’une manière générale, soit d’une manière spéciale ».

L’exception – Les sociétés « exploitant des établissements de crédit, de microfinance ou


d’assurance caution dûment agréés » n’ont pas besoin d’une autorisation préalable de l’AGO
pour cautionner des dettes des tiers.

Sanctions – La nature de la sanction d’un cautionnement donné par une SA avec


administrateur général sans l’autorisation préalable de l’assemblée générale ordinaire est
ambigüe. En effet, l’art. 506 AUSCGIE précité semble privilégier l’inopposabilité.

Par l’effet de l’inopposabilité, le contrat de cautionnement irrégulier ne peut jamais


engager la SA qui ne peut, par ailleurs, le ratifier postérieurement à sa conclusion.

Cependant, le dirigeant de la SA qui a engagé celle-ci par le cautionnement peut-il voir


sa responsabilité personnelle engagée en qualité de caution personnelle ? Cela ne se peut. En
effet, le cautionnement ne se présume pas et le dirigeant ne peut être qualifié de caution
personnelle alors même qu’il a été précisé dans le contrat de cautionnement que c’est la SA
qui s’est portée caution.

En définitive, l’inopposabilité de l’art. 506 AUSCGIE ressemble davantage à une


nullité. Il faut donc conclure que le cautionnement donné par une SA avec administrateur
général pour des dettes des tiers sans autorisation préalable de l’assemblée générale ordinaire
est frappée d’une nullité.

93-4-2 – Cautionnements interdits – Autant dans la SA avec conseil d’administration que


dans celle avec administrateur général, certains cautionnements sont interdits. Il s’agit,
d’abord, des cautionnements des dettes des dirigeants envers des tiers. Il s’agit, ensuite, des
cautionnements des dettes contractées par des personnes ayant des liens avec les dirigeants de
la SA. Les fondements textuels de ces solutions sont l’art. 450136 AUSCGIE pour ce qui est de

135
Aux termes de l’art. 506 AUSCGIE : « les cautionnements, avals, garanties autonomes, contre-garanties
autonomes et autres garanties donnés dans des sociétés autres que celles exploitant des établissements de crédit,
de microfinance ou d’assurance caution dûment agréés par l’administrateur général ou par l’administrateur
général adjoint ne sont opposables à la société que s’ils ont été autorisés préalablement par l’assemblée
générale ordinaire, soit d’une manière générale, soit d’une manière spéciale ».
67
la SA avec conseil d’administration et l’art. 507 AUSCGIE137 pour la SA avec administrateur
général.

Sanction - La sanction de la violation de ces cautionnements interdits est, sans équivoque, la


nullité des cautionnements souscrits selon les termes exacts desdits articles.

93-5 – Les cautionnements consentis par la SAS138 - Lorsque les cautionnements


garantissent les dettes contractées par des tiers, ils sont valables même s’ils ne sont pas
conformes à l’objet social lorsque les tiers sont de bonne foi. Toutefois, lorsque la SAS fait la
preuve de la mauvaise foi du tiers, elle pourra obtenir la nullité de tels cautionnements. Cette
solution ressort de l’art. 853-8 al. 1 AUSCGIE139. Lorsque les cautionnements garantissent des
dettes des associés, ils ne sont valides que lorsqu’ils sont conformes à l’intérêt social. Par
ailleurs, il n’existe pas de cautionnements interdits dans la SAS140.

93-6 – Cautionnements fournis par les sociétés civiles 141 - Dans les sociétés civiles, le
dirigeant engage la société par les actes qui rentrent dans l’objet social142. Ainsi, lorsqu’un
cautionnement est consenti par la société civile au profit de l’un de ses associés, il est valable
136
Selon l’al. 1 de cet article : « A peine de nullité de la convention, il est interdit aux administrateurs, aux
directeurs généraux et aux directeurs généraux adjoints ainsi qu’à leurs conjoints, ascendants ou descendants et
aux autres personnes interposées, de contracter, sous quelque forme que ce soit, des emprunts auprès de la
société, de se faire consentir par elle un découvert en compte-courant ou autrement, ainsi que de faire
cautionner ou avaliser par elle leurs engagements envers des tiers (c’est nous qui soulignons) ».

Cette interdiction ne concerne pas les personnes morales membres du conseil d’administration ni les
banques et établissements financiers à caractère bancaire.
137
L’al. 1 de cet article dispose que : « A peine de nullité du contrat, il est interdit à l’administrateur général ou
à l’administrateur général adjoint lorsqu’il en est nommé, ainsi qu’à leurs conjoints, ascendants, descendants et
aux personnes interposées, de contracter, sous quelque forme que ce soit, des emprunts auprès de la société, de
se faire consentir par elle un découvert en compte-courant ou autrement, ainsi que de faire cautionner ou
avaliser par elle leurs engagements envers les tiers ».
138
Aux termes de l’al. 1 de l’art. 853-1 AUSCGIE : « La société par actions simplifiée est une société instituée
par un ou plusieurs associés et dont les statuts prévoient librement l’organisation et le fonctionnement de la
société sous réserve des règles impératives du présent livre. Les associés de la société par actions simplifiée ne
sont responsables des dettes sociales qu’à concurrence de leurs apports et leurs droits sont représentés par des
actions ».
139
Selon cette disposition : « Dans ses rapports avec les tiers, la société est engagée même par les actes du
président qui ne relèvent pas de l’objet social, dans les conditions et limites fixées à l’article 122 ci-dessus ».
140
En effet, tout en soumettant la SAS aux dispositions applicables aux SA, l’art. 853-3 AUSCGIE exclut
certaines dispositions dont les articles 450 et 507 AUSCGIE. On en déduit qu’il n’y a pas de conventions
interdites dans une SAS.
141
Les sociétés civiles sont régies par les articles 1832 et suivants du code civil.
68
s’il l’a été selon les dispositions statutaires, nonobstant l’opposition des autres associés et sans
fraude143. A défaut de dispositions statutaires, le cautionnement est valable s’il est donné avec
le consentement de tous les associés.

Par ailleurs, le cautionnement fourni par la société civile au profit de tiers, même en
cas de dépassement de l’objet social, est valide s’il a été souscrit avec le consentement
unanime des associés. Ainsi, dans une espèce où une société civile immobilière demandait la
nullité du cautionnement hypothécaire consenti par son gérant en dépassement de l’objet
social de la SCI, le tribunal régional hors classe de Dakar a rejeté sa prétention en ces termes :
« est régulier l’acte de cautionnement consenti par un gérant en vertu d’un mandat spécial
conféré par l’unanimité des associés dans le cadre d’une assemblée générale extraordinaire
et qui équivaut à une modalité extensive de l’objet social même de la société144 ».

94– Le mandat de se porter caution - L’engagement de la caution peut intervenir par


l’intermédiaire d’une tierce personne qui accepte de conclure un mandat de se porter caution.
Ainsi, la caution peut déléguer un mandataire qui va conclure le contrat de cautionnement en
son nom et pour son compte.

Dans ce cas, le mandat devra être un mandat spécial et exprès car le cautionnement est
un acte de disposition145.

D – L’objet du cautionnement

95 - Notion d’objet en matière de cautionnement - Une double approche de la notion


d’objet distingue l’objet du contrat et l’objet de l’obligation.

142
Cette solution peut être fondée sur le fait que toute personne morale est limitée par le principe de spécialité
qui l’oblige à n’agir que dans le cadre de son objet social. En ce qui concerne les sociétés civiles, l’art. 1833
exprime cette idée lorsqu’il précise dans son alinéa premier que : « Toute société doit avoir un objet licite, et être
contractée pour l’intérêt commun des parties ».
143
Cette solution trouve son fondement dans l’al. 1 de l’art. 1856 du code civil qui dispose que : « L’associé
chargé de l’administration par une clause spéciale du contrat de société peut faire, nonobstant l’opposition des
autres associés, tous les actes qui dépendent de son administration, pourvu que ce soit sans fraude ».
144
Cf. Tribunal Régional Hors Classe de Dakar, jugement n° 499 du 8 mars 2000, GIE PAN Industries et SCI
République c/ Société Crédit Sénégalais, www.Ohada.com, Ohadata J-04-23.
145
En effet, aux termes de l’art. 1988 du code civil : « Le mandat conçu en termes généraux n’embrasse que les
actes d’administration.
S’il s’agit d’aliéner ou hypothéquer, ou de quelque autre acte de propriété, le mandat doit être exprès ».

69
95-1 – Objet du contrat de cautionnement - L’objet du contrat correspond à l’opération
juridique envisagée par les parties. Pour le cautionnement, il s’agit de la sûreté personnelle
apportée par l’engagement de la caution. Cet objet n’affecte pas la validité du contrat mais
permet de déterminer la qualification juridique de l’opération par le juge146. Pour ce faire, le
juge devra constater que les parties ont réellement voulu conclure une sûreté accessoire à
l’obligation principale, et constitutive d’une obligation de payer et ce, indépendamment de la
qualification retenue par les termes du contrat.

Ainsi, pour qualifier un contrat de cautionnement, trois critères déduits de la définition


dudit contrat, doivent être vérifiés147 : d’abord, une obligation principale à garantir; ensuite,
l’engagement d’une personne, envers le créancier, à exécuter l’obligation dont est tenu le
débiteur du créancier ; enfin, la nécessité de la défaillance dudit débiteur.

95-2 – Objet de l’obligation de la caution - L’objet de l’obligation correspond à la prestation


promise au créancier, c’est-à-dire l’obligation dont est tenu le débiteur. Dans le cadre du
cautionnement, la caution s’engage à exécuter l’obligation du débiteur principal. L’objet de
son obligation est donc le paiement éventuel de la dette garantie, l’obligation principale148.

96 – Plan – Il importe d’examiner, d’abord, la nécessité de la validité de l’obligation


principale, ensuite, la nature de l’obligation principale et, enfin, l’étendue de cette obligation.

97 – Nécessité de la validité de l’obligation principale – Le principe – En raison de la


nature accessoire du cautionnement, l’existence de ce cautionnement suppose la validité de
l’obligation principale garantie. Ainsi, le cautionnement n’est valide que si l’obligation du
débiteur principal envers le créancier est elle-même valide. En conséquence, si l’obligation
principale garantie est annulée, le cautionnement l’est aussi. En effet, faute d’obligation
principale valablement constituée, le cautionnement n’a plus d’objet. La caution est donc en
droit d’invoquer la nullité de l’obligation principale pour s’estimer n’avoir jamais été engagée
envers le créancier.

146
Ainsi, le critère de l’objet du contrat permettra de distinguer le cautionnement d’autres contrats notamment de
la garantie ou contre-garantie autonomes.
147
Dans certaines hypothèses, notamment lorsque la caution est un consommateur, il faudra ajouter à ces trois
critères, un quatrième tiré de la nécessité d’un écrit.
148
Il faut se souvenir de la définition du contrat de cautionnement donnée par l’art. 13 AUS en son alinéa 1 :
« Le cautionnement est un contrat par lequel la caution s’engage, envers le créancier qui accepte, à exécuter
une obligation présente ou future contractée par le débiteur, si celui-ci n’y satisfait pas lui-même ».
70
Par ailleurs, si l’engagement d’une personne morale, débitrice principale, a été
consenti par une personne physique dépourvue du pouvoir de représentation, l’obligation
principale est nulle et la caution est en droit d’invoquer cette nullité pour se délier de son
obligation149.

98 – Nécessité de la validité de l’obligation principale – Exceptions – Le principe de la


validité préalable de l’obligation principale garantie admet deux exceptions : la première
concerne le cautionnement des engagements d’un incapable quand la seconde est relative au
défaut de pouvoir du représentant d’une personne morale débitrice principale.

98-1 – Cautionnement des engagements d’un incapable – Aux termes de l’al. 1 de l’art. 17
AUS : « Toutefois, il est possible de cautionner, en parfaite connaissance de cause, les
engagements d’un incapable. La confirmation, par le débiteur, d’une obligation entachée de
nullité, ne lie pas la caution, sauf renonciation expresse, par la caution, à cette nullité ».

Cette disposition signifie que si la caution, au moment de s’engager envers le


créancier, connaissait l’incapacité du débiteur principal et qu’elle s’est tout de même obligée à
garantir les dettes de cet incapable, elle ne peut plus invoquer la nullité de l’obligation
principale pour échapper aux poursuites du créancier. On arrive ainsi à la solution paradoxale
par laquelle la caution est tenue de payer alors même que l’obligation principale garantie est
nulle. Toutefois, cette solution paraît logique et peut s’expliquer par la maxime « nul ne peut
se prévaloir de sa propre turpitude150 ». Ainsi, la caution qui s’engage, en connaissance de
cause, à garantir les dettes d’un incapable, accepte le risque d’être liée alors que l’obligation
garantie est nulle. La loi lui fait alors obligation d’assumer le risque accepté.

Cependant, si la caution ignorait l’incapacité du débiteur principal au moment de la


conclusion du contrat de cautionnement, elle peut opposer la nullité résultant de cette
incapacité au créancier qui la poursuit. De plus, la confirmation de cette nullité par le débiteur
principal n’empêche pas la caution de l’opposer au créancier puisque l’art. 17 al. 1 er précise
que cette confirmation « ne lie pas la caution ». Dans cette hypothèse, seule la renonciation
expresse, par la caution, à la nullité, l’empêchera de l’opposer au créancier.

98-2 – Cautionnement des engagements d’une personne morale débitrice principale –


L’al. 2 de l’art. 17 AUS énonce deux conditions pour que la caution soit liée alors que
149
Cette solution résulte de l’al. 2 de l’art. 17 AUS.

150
L’expression latine d’origine s’écrit : nemo propriam turpitudinem allegans.
71
l’obligation de la personne morale débitrice principale a été consentie par une personne
physique n’ayant pas les pouvoirs requis. Selon le législateur, il faut, d’abord, que la personne
morale confirme, postérieurement à la conclusion du cautionnement, l’acte de son
représentant et, ensuite, il est nécessaire que la caution renonce expressément à se prévaloir de
la nullité pour défaut de pouvoir du représentant de la personne morale débitrice principale.

99 – Nature de l’obligation principale garantie – Dès lors que l’obligation garantie est
valable, elle peut être cautionnée quelle que soit sa nature. Ainsi, très souvent, le
cautionnement garantit une obligation pécuniaire, c’est-à-dire une dette de somme d’argent.
Toutefois, l’obligation garantie peut être une obligation de faire ou de ne pas faire ou une
obligation de donner. Elle peut aussi être présente ou future.

99-1 – Cautionnement de dettes présentes – Le cautionnement de dettes présentes va de soi


et ne présente aucune difficulté particulière. En effet, dans cette hypothèse, vu que la dette du
débiteur est présente au moment de la conclusion du contrat, la caution sera tenue en fonction
de ce qui a été stipulé dans le contrat principal. Ainsi, la caution peut être tenue de la totalité
de la dette du débiteur ou d’une partie seulement de cette dette151.

99-2 – Cautionnement de dettes futures - La possibilité de cautionner des dettes futures est
prévue par l’art. 13 AUS. La dette future peut être appréhendée comme la dette qui n’est pas
née au moment de la conclusion du contrat de cautionnement, notamment par ce que l’acte ou
le fait susceptible de lui donner naissance n’est pas encore intervenu. La difficulté réside dans
l’incertitude sur l’existence même de la dette qui dépend d’événements ultérieurs.

Toutefois, le cautionnement de dettes futures est valide. En effet, si l’objet d’une


obligation doit être certain, c’est-à-dire déterminé ou déterminable, cette détermination
s’impose non pas lors de la naissance de l’obligation mais au moment de son paiement. Cet
argument assure la validité du cautionnement de dettes futures, la caution s’engageant à
garantir des dettes que le débiteur pourrait avoir envers le créancier. Seule exigence : le
contrat originaire doit être composé d’éléments permettant d’assurer une détermination des
futures obligations cautionnées.

100 – Etendue de l’obligation principale garantie – Le débiteur principal et la caution étant


tenus de la même obligation, c’est cette obligation que la caution garantit au créancier et qui

151
Cf. l’art. 18 al. 3 AUS qui dispose que : « Le cautionnement peut également être contracté pour une partie
seulement de la dette et sous des conditions moins onéreuses ».
72
constitue l’objet de son obligation. L’engagement de la caution s’étend-elle automatiquement
aux accessoires152 de cette dette et aux frais de recouvrement de la créance ?

La réponse à cette question est fournie par l’article 18 alinéa 1er AUS153. Il ressort de
cette disposition que l’extension de l’engagement de la caution aux accessoires et frais de
recouvrement de la créance est présumée et ce, dans la limite de la somme maximale garantie.
Toutefois, si les parties le désirent154, l’engagement de la caution ne sera pas étendu aux
accessoires de la dette et aux frais de recouvrement de la créance.

Afin de s’assurer de l’étendue de l’obligation garantie, l’art. 18 al. 2 AUS ajoute que
« à la demande de la caution, l’acte constitutif de l’obligation principale est annexé à la
convention de cautionnement ». Enfin, ce même article précise que le cautionnement peut être
contracté « sous des conditions moins onéreuses » que celles de l’obligation principale
garantie.

101– Cautionnement omnibus – L’article 19 AUS précise que le cautionnement omnibus ou


encore cautionnement général ou cautionnement de tous engagements est possible155. Il s’agit
d’un type particulier de cautionnement par lequel la caution s’engage à garantir l’ensemble
des dettes présentes et à venir du débiteur principal156. En raison de la dangerosité de ce
cautionnement, l’acte uniforme a précisé quelques règles de son fonctionnement.
152
Comme accessoires, on peut citer les intérêts d’une dette ou une clause pénale ou les éventuelles sûretés
attachées au recouvrement de la dette, etc…
153
Cet article dispose que : « Sauf clause contraire, le cautionnement d’une obligation s’étend, outre le
principal, et dans la limite de la somme maximale garantie, aux accessoires de la dette et aux frais de
recouvrement de la créance, y compris ceux postérieurs à la dénonciation qui est faite à la caution ».
154
De la part de la caution, cette extension doit résulter de la mention manuscrite telle que prévue par l’art. 14 al.
1 AUS.
155
Art. 19 AUS : « Le cautionnement général des dettes du débiteur principal, sous la forme d’un cautionnement
de tous engagements, du solde débiteur d’un compte-courant ou sous toute autre forme, ne s’entend, sauf clause
contraire expresse, que de la garantie des dettes contractuelles directes. Il doit être conclu, sous peine de
nullité, pour une somme maximale librement déterminée entre les parties, incluant le principal, les intérêts et
autres accessoires.
Le cautionnement général peut être renouvelé lorsque la somme maximale est atteinte. Le renouvellement doit
être exprès ; toute clause contraire est réputée non écrite. Il peut être révoqué, à tout moment, par la caution
avant que la somme maximale garantie ait été atteinte. Tous les engagements du débiteur garanti nés avant la
révocation restent garantis par la caution.
Sauf clause contraire, le cautionnement général ne garantit pas les dettes du débiteur principal antérieures à la
date du cautionnement ».

156
Le cautionnement omnibus apparait comme une illustration d’un cautionnement indéterminé. Dans ce genre
de cautionnement, la caution s’engage à garantir non seulement les dettes présentes du débiteur mais également
les dettes futures.
73
Ainsi, ce cautionnement ne peut concerner que les dettes contractuelles 157 du débiteur
principal, directes158 et non antérieures à la date du cautionnement, sauf clause contraire des
parties. Par ailleurs, le cautionnement omnibus doit être conclu, sous peine de nullité, pour
une somme maximale librement déterminée par les parties et incluant le principal, les intérêts
et autres accessoires. Le cautionnement général peut être expressément renouvelé par les
parties.

Enfin, le cautionnement omnibus peut être révoqué, à tout moment, par la caution
avant que la somme maximale garantie ait été atteinte.

E – La cause

102– Lien caution-débiteur principal – Le cautionnement est un acte causé. Cela dit, en
raison de la nature unilatérale du contrat de cautionnement, la cause de l’obligation de la
caution ne peut résider dans la contrepartie obtenue par la caution et donnée par le créancier.
L’étude de la cause met en relief l’influence du lien qui peut unir la caution et le débiteur
principal encadré par la notion d’opération de cautionnement. On distingue, classiquement,
deux catégories de causes : la cause objective et la cause subjective.

103- Cause objective - Elle suppose qu’on s’interroge sur les raisons de l’engagement des
parties. La cause objective peut être appréhendée comme « la contrepartie en considération
de laquelle une obligation est souscrite 159 ». Le cautionnement étant un contrat unilatéral, la
cause de l’engagement de la caution ne peut correspondre à une obligation corrélative du
créancier. Il est donc nécessaire de prendre en compte la présence et les intérêts du débiteur :
en effet, la caution intervient dans le but de permettre au débiteur d’obtenir un avantage
auprès du créancier, à titre gratuit, c’est-à-dire dans un esprit de bienfaisance ou à titre
onéreux en bénéficiant d’une éventuelle rémunération. Ces éléments ne se réfèrent pas
directement au contrat de cautionnement c’est-à-dire à la relation caution-créancier mais à la
relation caution-débiteur donc à l’opération de cautionnement.

En conséquence, la cause objective de l’engagement de la caution, c’est l’avantage


procuré au débiteur principal.

157
Sont donc exclues les dettes extra-contractuelles (délictuelles ou quasi-délictuelles), qu’elles soient civiles ou
pénales.
158
Exit donc les dettes indirectes telles que celles dont serait tenu le débiteur principal en qualité de caution.

159
LEGEAIS (D), Sûretés et garanties du crédit, Ed. LGDJ, 5e éd., Paris, 2006, n° 144, p.117.
74
104- Cause subjective - Elle suppose que soient précisées les motivations de la caution ;
lesquelles peuvent être très variées : familiales, professionnelles, etc. Le but déterminant ne
doit pas être illicite ou contraire aux bonnes mœurs. Ainsi, le cautionnement sera annulé si le
contrat principal est illicite ou immoral.

Ex : si une personne obtient un crédit pour financer une convention de mère porteuse,
le cautionnement de ce crédit porte sur une obligation non valable car contraire à l’ordre
public. En conséquence, le cautionnent sera nul.

105– Conditions de fond spécifiques au contrat de cautionnement – Outre les conditions


de fond communes à tous les contrats, la formation du contrat de cautionnement exige le
respect de conditions de fond particulières. Ces conditions sont relatives à la domiciliation de
la caution et au principe de proportionnalité.

105-1 – Domiciliation de la caution – Le terme « domiciliation » est susceptible de plusieurs


sens. Selon un de ces sens, la domiciliation est « la convention qui fixe au domicile d’un tiers
le lieu où devra être effectuée une opération, le plus souvent un paiement 160 ». L’exigence de
la domiciliation de la caution est prévue par l’art. 15 AUS en son al. 1 qui dispose que :
« Lorsque le débiteur est tenu, par la convention, la loi de chaque Etat partie ou la décision
de justice, de fournir une caution, celle-ci doit être domiciliée ou faire élection de domicile,
dans le ressort territorial de la juridiction où elle doit être fournie, sauf dispense du créancier
ou de la juridiction compétente ».

L’exigence de la domiciliation de la caution signifie que la caution doit faire élection


de domicile dans le ressort de la juridiction où le cautionnement doit être conclu. Elle a pour
but de faciliter les poursuites éventuelles du créancier contre la caution en donnant
compétence à la juridiction où le cautionnement doit être conclu pour connaitre des litiges
éventuels qui pourraient naître à l’occasion du cautionnement. Toutefois cette exigence n’est
pas d’ordre public et le créancier ou la juridiction compétente peut dispenser la caution de
cette domiciliation.

105-2– Principe de proportionnalité – Il est consacré par l’al. 2 de l’art. 15 AUS aux termes
duquel : « La caution doit présenter des garanties de solvabilité appréciées en tenant compte
de tous les éléments de son patrimoine ». C’est l’expression du principe de proportionnalité
en vertu duquel l’engagement de la caution doit être en conformité avec la valeur de son

160
CORNU (G.), op. cit., V° domiciliation, p. 368.
75
patrimoine. Le principe vise à assurer une certaine pondération, une juste mesure entre
l’engagement de la caution et la valeur de son patrimoine. Elle permet ainsi à une caution de
ne pas prendre un engagement qui soit largement supérieur à la valeur de son patrimoine.

L’objectif visé par le législateur est d’éviter que l’engagement de la caution ne dépasse
ses facultés de remboursement. Par l’édiction de ce principe, le législateur protège la caution
et laisse ainsi percevoir que le cautionnement n’est pas conclu dans l’unique intérêt du
créancier et du débiteur mais aussi dans celui de la caution.

Il s’en déduit que le créancier ne doit pas commettre d’abus lorsqu’il sollicite un
cautionnement. Il ne doit pas conclure de cautionnements excessifs et l’étendue de
l’engagement demandé à la caution doit être en rapport avec ses revenus et son patrimoine. La
solvabilité de la caution doit être appréciée, en principe, au moment de la formation du contrat
de cautionnement mais elle peut l’être aussi au moment des poursuites contre la caution.
L’appréciation de cette solvabilité, faite par le créancier, dépend des informations à lui
communiquées par la caution. Le créancier a donc tout intérêt à conserver un document signé
par la caution mentionnant ses ressources et son patrimoine. A défaut, si le cautionnement est
excessif, la caution peut s’en prévaloir pour demander la nullité de celui-ci.

105-3 – Principe de proportionnalité et protection du consommateur – En vue de protéger


spécialement le consommateur, le législateur ivoirien a particulièrement établi, au profit de la
caution personne physique, le respect du principe de proportionnalité à la charge des
établissements de crédit.

En effet, aux termes de l’article 225 de la loi ivoirienne n° 2016-412 du 15 juin 2016
relative à la consommation : « Un établissement de crédit ne peut se prévaloir d’un contrat de
cautionnement d’une opération de crédit relevant des chapitres 1 et 2 du présent titre, connu
(sic : conclu) par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion,
manifestement disproportionné par rapport à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine
de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son
obligation.

L’engagement mensuel ou périodique d’une caution personne physique est


manifestement disproportionné lorsqu’il excède, eu égard à ses revenus mensuels ou
périodiques déclarés, sa capacité d’endettement telle qu’elle résulte des règlements en
vigueur ou des usages bancaires ou, à défaut, lorsqu’il excède ses revenus tels que déclarés
76
par elle au créancier. Il est manifestement disproportionné par rapport à ses biens, lorsque le
capital de la dette garantie est supérieure à la valeur de ces biens telle que déclarée par le
créancier ».

105-4 – Enseignements de l’article 225 de la loi ivoirienne relative à la consommation-


Cet article, logé dans une loi relative à la protection du consommateur, édicte l’exigence du
principe de proportionnalité au profit de la seule caution personne physique ayant pour
créancier un établissement de crédit. Il ressort, en outre, de cette disposition que
l’appréciation de la proportionnalité admet un principe et une exception. Le principe est que
cette appréciation a lieu au moment de la conclusion du contrat de cautionnement. Toutefois,
même si un cautionnement était disproportionné au moment de la conclusion du contrat mais
qu’il apparait qu’au moment de l’exécution de l’obligation, le patrimoine du débiteur lui
permet de faire face à cette obligation, le défaut de proportion initial ne pourra être invoqué
par la caution.

Enfin, l’article 225 livre des éléments d’appréciation de la proportionnalité. Ainsi, le


cautionnement est disproportionné soit, lorsqu’il excède, eu égard aux revenus mensuels ou
périodiques déclarés de la caution, sa capacité d’endettement telle qu’elle résulte des
règlements ou des usages bancaires en vigueur, soit, lorsque le capital de la dette garantie est
supérieur à la valeur des biens déclarés par l’établissement de crédit.

106– Consécration jurisprudentielle du principe de la proportionnalité : l’arrêt Macron


– Quoique consacré par l’AUS du 17 avril 1997 en son art. 5, le principe de proportionnalité
dérive aussi de l’arrêt Macron de la Cour de Cassation française en date du 17 juin 1997.

Nous ne résistons pas à la tentation de livrer, in extenso, cet arrêt de principe même si
sa portée a été limitée par l’arrêt Nahum de la même cour de cassation française daté du 8
octobre 2002161.

Cass. Com, 17 juin 1997, Cts Macron c/ Banque internationale pour l’Afrique occidentale (BIAO) et
autres, arrêt n° 1556 P

La Cour,

161
Dans l’arrêt Nahum, la cour de cassation, tout en réaffirmant le principe de proportionnalité, en a limité la
portée en considérant que le créancier, en l’occurrence une banque, qui ne disposait pas d’informations
particulières sur les ressources de la caution, n’engageait pas sa responsabilité en raison d’un cautionnement
prétendument disproportionné. Ainsi, pour pouvoir bénéficier du principe de proportionnalité, la cour a exigé
que la caution fasse la preuve que le créancier (la banque) avait des informations sur ses revenus, son patrimoine
et ses facultés de remboursement, des informations qu’elle-même n’avait pas.
77
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par M. Macron que sur le pourvoi incident relevé par la Banque
internationale pour l’Afrique occidentale ;

Attendu, selon l’arrêt déféré (CA Paris, 8 févr. 1995) que, par acte du 23 décembre 1987, M. Macron s’est porté,
envers la Banque internationale pour l’Afrique occidentale (la banque) et à concurrence de 20.000.000 F, outre
les intérêts, commissions, frais et accessoires, avaliste de toutes les dettes de la société Comptoir français des
pétroles du Nord (la société), dont il présidait le conseil d’administration ; que la société ayant été mise en
redressement judiciaire, la banque a assigné la caution en exécution de son engagement ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, du pourvoi principal :

Attendu que M. Macron reproche à l’arrêt de l’avoir condamné à payer à la banque la somme de 20.000.000 F
avec intérêts à compter du 21 mars 1989, au titre de l’acte du 23 décembre 1987, alors, selon le pourvoi, d’une
part, qu’en vertu de l’article 2015 du code civil, le cautionnement doit être exprès ; que, par ailleurs, le caractère
excusable de l’erreur, permettant d’annuler un engagement sur le fondement de l’article 1110 du code civil,
s’apprécie en fonction des manœuvres émanant de tiers et qui ont contribué à la conclusion dudit engagement ;
que dès lors, en l’espèce, la cour d’appel ne pouvait pas refuser d’annuler l’engagement de M. Macron au motif
qu’il ne pouvait prétendre s’être trompé en sa qualité de dirigeant, c’est-à-dire au motif que son erreur était de
toute façon inexcusable, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les manœuvres de M. Worms n’étaient
pas de nature à rendre excusable l’erreur de M. Macron et à exclure sa volonté expresse de s’engager
personnellement ; qu’en statuant comme elle a fait, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard
des textes susvisés ; et alors, d’autre part, qu’en vertu des articles 686 et 1780 du code civil, l’engagement
perpétuel est nul ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a relevé qu’au moment où il s’est porté caution de 20.000.000
F outre intérêts, M. Macron avait un salaire mensuel de 37.550 F et un patrimoine inférieur à 4 millions de F ;
que la disproportion entre la situation financière de celui-ci avec la somme cautionnée est telle que les seuls
intérêts de la dette cautionnée étaient cinq fois supérieurs à ses revenus mensuels bruts et le principal garanti
était aussi égal de cinq à six fois son patrimoine ; que l’engagement de cautionnement souscrit par M. Macron
est manifestement disproportionné aux revenus et au patrimoine de M. Macron ; que la cour d’appel en a déduit
que l’engagement ainsi souscrit était perpétuel puisque M. Macron était ainsi débiteur à vie, à la merci de la
banque ; que dès lors en l’état de ces constatations, la cour d’appel aurait dû en déduire la nullité de cet
engagement à vie ; qu’en refusant d’annuler cet engagement perpétuel, la cour d’appel a violé les textes
susvisés ;

Mais attendu, d’une part, que l’arrêt retient que M. Macron, en sa qualité de dirigeant d’entreprise, ne peut
prétendre n’avoir pas compris la qualité en laquelle il signait l’acte d’aval et qu’en tout cas, la société « au nom
de laquelle il dit avoir cru signer, ne pouvait se porter caution d’elle-même » ; qu’en l’état de ces motifs, d’où il
résulte que M. Macron n’avait pas commis l’erreur alléguée, la cour d’appel, qui n’avait pas à effectuer la
recherche inopérante mentionnée à la première branche, a légalement justifié sa décision ;

Attendu, d’autre part, que, devant la cour d’appel, M. Macron a demandé l’annulation de son engagement pour
erreur et non comme conséquence du caractère perpétuel de celui-ci ;

D’où il suit qu’irrecevable en sa seconde branche, le moyen est mal fondé pour le surplus ;
78
Sur le second moyen, pris en ses trois branches, du même pourvoi

Attendu que M. Macron reproche encore à l’arrêt d’avoir, en limitant la condamnation de la banque à 15.000.000
F, refusé de condamner celle-ci à lui payer des dommages-intérêts, permettant de compenser intégralement sa
dette de caution, alors, selon le pourvoi, d’une part, qu’en vertu de l’article 1341 du code civil, l’exécution par la
banque de son obligation d’information, doit être prouvée par un écrit émanant de la caution, tel un accusé de
réception, dès lors que les intérêts annuels concernés ou la somme sur laquelle peut porter la révocation du
cautionnement est supérieure à 5000 F ; que, dès lors, en l’espèce, en décidant que la banque avait pu prouver
avoir informé M. Macron, en produisant une lettre simple, qu’elle lui aurait envoyée pour l’informer de sa
faculté de révoquer un cautionnement de 20.000.000 F, la cour d’appel a violé l’article 1341 du code civil ; alors,
d’une part, de toute façon, qu’en décidant que la lettre litigieuse avait été envoyée parce qu’elle n’avait pu être
faite a posteriori, parce qu’elle avait été signée par deux personnes ayant quitté la banque depuis lors, tandis que
la missive produite par la banque, et que M. Macron n’avait jamais reçue, comporte simplement une croix qui ne
peut en aucun cas représenter deux signatures, la cour d’appel a dénaturé la lettre litigieuse, violant ainsi l’article
1134 du code civil ; et alors, enfin, de toute façon, que, conformément à l’article 1324 du code civil, lorsque la
signature d’un acte est contestée par une des parties, la vérification est ordonnée en justice ; que dès lors, en
l’espèce, M. Macron contestant que la croix figurant sur la lettre produite par la banque soit une signature, le
juge aurait dû ordonner la vérification de la signature ; qu’en ne le faisant pas, la cour d’appel a violé les articles
1324 du code civil, 287 et 2858 du nouveau code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que l’information prévue par l’article 48 de la loi du 1er mars 1984 constitue un
fait qui peut être prouvé par tous moyens et notamment par une lettre simple ;

Attendu, en second lieu, que, devant la cour d’appel, si M. Macron contestait avoir reçu la lettre du 25 mars
1988, que la banque versait aux débats en photocopie et, s’il contestait que cette lettre ait été signée, il ne résulte
ni de l’arrêt ni des conclusions de M. Macron que celui-ci ait soutenu les moyens mis en œuvre par les deuxième
et troisième branches ;

D’où il suit qu’irrecevable en ses deuxième et troisième branche, le moyen est mal fondé pour le surplus ;

Et sur le moyen unique pris en ses deux branches, du pourvoi incident :

Attendu que, de son côté, la banque reproche à l’arrêt de l’avoir condamnée à payer à M. Macron la somme de
15.000.000 F à titre de dommages-intérêts, et ordonné que cette somme se compensera avec celle de 20.000.000
F, due par ce dernier en vertu de son engagement d’avaliste alors, selon le pourvoi, d’une part, que la cour
d’appel qui a constaté la qualité de dirigeant d’entreprise de M. Macron, de nature à faire présumer la
connaissance parfaite qu’il avait de l’importance de son engagement eu égard à ses revenus et à son patrimoine
a, en statuant comme elle a fait, privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du code
civil ; et alors, d’autre part, que seul l’engagement sans terme est susceptible d’être considéré comme un
engagement perpétuel, l’engagement à durée indéterminée, tel le cautionnement conclu sans limitation de durée,
ayant quant à lui un terme potestatif en raison de la faculté de résiliation unilatérale dont dispose la caution ;
qu’en considérant tout d’abord que la banque avait parfaitement respecté les dispositions de l’article 48 de la loi
du 1er mars 1984, qui impose aux établissements de crédit de rappeler aux cautions leur faculté de révocation à
79
tout moment de leur engagement, et en constatant par là même la possibilité pour M. Macron d’user de sa faculté
de résiliation unilatérale, mais en estimant néanmoins que l’engagement de celui-ci était perpétuel, la cour
d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l’article 2034 du code civil, et
par fausse application un prétendu principe de prohibition des engagements perpétuels ;

Mais attendu qu’après avoir retenu que M. Macron avait souscrit un aval de 20.000.000 F, « manifestement
disproportionné » à ses revenus, d’un montant mensuel de 37 550 F, et à son patrimoine, d’un montant inférieur
à 4.000.000 F, la cour d’appel, tout en estimant que M. Macron n’avait pas commis d’erreur viciant son
consentement, a pu estimer, en raison de « l’énormité de la somme garantie par une personne physique », que,
dans les circonstances de fait, exclusives de toute bonne foi de la part de la banque, cette dernière avait commis
une faute en demandant un tel aval, « sans aucun rapport » avec le patrimoine et les revenus de l’avaliste ;
qu’ainsi, et abstraction faite des motifs surabondants, relatifs au caractère perpétuel de l’engagement litigieux,
critiqués par la seconde branche, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est fondé en
aucune de ses deux branches ;

Par ces motifs : - Rejette les pourvois tant principal qu’incident (…).

107– Enseignements de l’arrêt Macron – On retient de cet arrêt que la BIAO qui a accepté
que le dirigeant d’une société se porte caution de la dette de celle-ci à hauteur de 20.000.000
de francs français alors que ce dirigeant avait un salaire mensuel de 37.550 francs français et
un patrimoine inférieur à 4 millions de francs français a commis une faute : le cautionnement
disproportionné ou excessif. Après avoir caractérisé cette faute, la cour d’appel de Paris, a
toutefois refusé d’annuler le cautionnement comme le lui demandait la caution, le sieur
Macron. Elle a plutôt condamné la banque au paiement de dommages-intérêts à hauteur de
15.000.000 francs français puis, opérant une compensation entre le montant des dommages-
intérêts et celui du cautionnement, a condamné la caution à payer le solde, c’est-à-dire
5.000.000 francs français à la banque. La cour de cassation, confirmant l’arrêt de la cour
d’appel, a donc rejeté le pourvoi en cassation.

108 – Sanction du défaut de proportionnalité - Cet arrêt se démarque du droit OHADA au


niveau de la sanction du cautionnement excessif ou disproportionné. En effet, contrairement à
la sanction retenue par cet arrêt, dans l’espace OHADA, le législateur semble privilégier la
nullité du cautionnement excessif ou disproportionné. En effet, en posant qu’un établissement
de crédit ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement d’une personne physique dont
l’engagement est disproportionné, l’article 225 alinéa 1er de la loi ivoirienne relative à la
consommation semble frapper de nullité ledit cautionnement.

§2 – Les conditions de forme et de preuve


80
109- Plan – L’étude des conditions de forme (A) précédera celle de la preuve (B).

A- Les conditions de forme

110- Cautionnement, un contrat consensuel en principe– Le cautionnement est un contrat


consensuel et non solennel. Ainsi, la conclusion de ce contrat n’est soumise à aucune forme
particulière et il est parfait par le seul échange des consentements des parties. Le caractère
exprès prévu par l’art. 14 al. 1 AUS n’impose pas un formalisme spécifique. Il prescrit
seulement que l’engagement de la caution soit formulé sans ambigüité, d’une manière non
équivoque. Il signifie seulement que la volonté de s’obliger de la caution doit être établie avec
certitude et que l’on ne peut pas déduire, d’un simple comportement ou des seules
circonstances d’une cause, une volonté tacite de s’engager comme caution. Il en résulte qu’un
cautionnement verbal, sous réserve de la difficulté de la preuve, est valable.

Toutefois, en vue de faciliter la preuve, la rédaction d’un écrit est souhaitable.

111 – Le formalisme - En dépit du caractère consensuel du cautionnement, l’article 14 AUS


exige un certain formalisme. Il dispose, en effet, en son alinéa 1 que : « Le cautionnement ne
se présume pas, quelle que soit la nature de l’obligation garantie. Il se prouve par un acte
comportant la signature de la caution et du créancier ainsi que la mention, écrite de la main
de la caution, en toutes lettres et en chiffres, de la somme maximale garantie couvrant le
principal, les intérêts et autres accessoires. En cas de différence, le cautionnement vaut pour
la somme exprimée en lettres ».

Quelle est la portée de ce formalisme ? Transforme-t-il le cautionnement en un contrat


solennel ? La réponse est négative assurément. En effet, il est admis que l’exigence du
caractère exprès du cautionnement prévue à l’alinéa 1er de l’article 14 constitue une règle de
preuve et non une règle de fond ainsi que le soulignent certains auteurs : « Le législateur
OHADA a voulu mettre un terme à ce débat doctrinal relatif au caractère formaliste ou
consensualiste du cautionnement à travers l’AUS révisé de 2010 qui a pris position dans ce
débat pour considérer que le cautionnement est un contrat consensuel qui est parfait par le
seul échange de consentement des parties. En effet, l’article 14 AUS réformé dispose que « le
cautionnement ne se présume pas (…). Il se prouve par un acte comportant la signature de la
caution et du créancier (…) ». Il ressort de cette disposition que par la substitution de
l’expression ‘‘ doit être constaté ’’ par ‘‘se prouve’’, le législateur communautaire marque

81
sa volonté de ne plus laisser subsister aucun doute : le cautionnement est avant tout un
contrat consensuel162… ».

Et ces auteurs de conclure, plus loin : « L’exigence du caractère exprès du


cautionnement prévue à l’alinéa 1er de l’article 14 constitue (…) une règle d’interprétation
(…) Il faut donc retenir que les formalités prescrites par l’article 14 du nouvel AUS sont
exigées ad probationnem163 ».

En conséquence, le cautionnement demeure un contrat consensuel.

111 bis- L’exception de la solennité - Toutefois, dans certaines hypothèses comme la


protection de la caution personne physique, le législateur ivoirien fait du contrat de
cautionnement souscrit par un consommateur un contrat solennel dont l’écrit est voulu à peine
de nullité. Dans ces circonstances particulières, l’écrit est exigé ad validitatem et le contrat de
cautionnement non passé par écrit est nul.

B – La preuve du cautionnement

112– Exigence commune de la preuve écrite – Le cautionnement est soumis au droit


commun de la preuve qui exige un écrit lorsque l’engagement excède la somme de 500
francs164.

Ainsi, quoiqu’étant un contrat consensuel, le cautionnement est soumis, pour sa


preuve, à l’exigence d’un écrit. Ce dernier peut être un acte sous seing privé ou un acte
authentique. En pratique, le cautionnement sera généralement constaté par un acte sous seing
privé, l’acte authentique étant rare.

Il est évident que c’est l’original de l’acte qui doit être produit pour prouver le contrat
de cautionnement. Ainsi jugé, en France, qu’une télécopie (fax) est dépourvue de valeur
probante, dès lors qu’elle est contestée165.

162
CROCQ (P.) et alii, op. cit., n° 86, p. 80.

163
Idem.

164
En effet, aux termes de l’article 1341 alinéa 1 du code civil : « Il doit être passé acte devant notaires ou sous
signature privée, de toutes choses excédant la somme ou valeur de cinq cents francs, même pour dépôts
volontaires, et il n’est reçu aucune preuve par témoins contre et outre le contenu aux actes, ni sur ce qui serait
allégué avoir été dit avant, lors ou depuis les actes, encore qu’il s’agisse d’une somme ou valeur moindre de
500 francs ».
165
CA Aix-en-Provence, 26 mai 1997, Juris-Data, n° 047784.
82
113– Eléments de preuve – Les éléments de preuve de l’écrit sont précisés par l’art. 14 AUS
qui distingue deux hypothèses. La première correspond à celle où caution et créancier savent
lire et écrire. Dans ce cas, l’écrit doit contenir la signature du créancier et, du côté de la
caution, sa signature et la mention manuscrite. La seconde hypothèse est celle où la caution ne
sait ni ne peut écrire. Dans ce cas, selon l’al. 2 de l’art. 14 AUS, elle « doit se faire assister de
deux témoins qui certifient, dans l’acte de cautionnement, son identité et sa présence et
attestent, en outre, que la nature et les effets de l’acte lui ont été précisés ». Et cet alinéa de
conclure : « La présence des témoins certificateurs dispense la caution de l’accomplissement
des formalités prévues par l’alinéa précédent ». Cette précision signifie qu’en cas de présence
des deux témoins certificateurs, la caution n’est tenue, ni de signer le contrat de
cautionnement ni de rédiger la mention manuscrite166.

114– Elément particulier de preuve : la mention manuscrite - En tant que contrat


unilatéral, la preuve du contrat de cautionnement est nécessairement soumise aux exigences
de l’art. 1326 du code civil qui dispose que : « le billet ou la promesse sous seing privé par
lequel une seule partie s’engage envers l’autre à lui payer une somme d’argent ou une chose
appréciable doit être écrit en entier de la main de celui qui le souscrit ; ou du moins il faut
qu’outre sa signature, il ait écrit de sa main un bon ou un approuvé, portant en toutes lettres
la somme ou la quantité de la chose.

Excepté dans le cas où l’acte émane de marchands, artisans, laboureurs, vignerons, gens de
journée et de service ».

Ce texte, complété par l’art. 14 AUS, exige la mention manuscrite comme élément de
preuve du contrat unilatéral qu’est le cautionnement.

115- Valeur de la mention manuscrite – Principe - La mention manuscrite s’impose à titre


de preuve de l’acte de cautionnement et non pour garantir sa validité. Il faut, toutefois,

166
Apparemment, l’art. 14 AUS semble postuler que l’obligation du choix des témoins certificateurs est imposée
à la caution. Ainsi, l’absence de ces témoins semblerait être une faute de la caution et non celle du créancier.
83
nuancer cette assertion167. Peu importe la nature civile ou commerciale de l’acte conclu168. La
mention manuscrite est exigée autant pour le cautionnement conventionnel, pour le
cautionnement légal que pour le cautionnement judiciaire169. La mention doit être portée sur
l’acte aussi bien pour le contrat de cautionnement que pour le mandat de se porter caution.

Selon la cour de cassation française, seuls les cautionnements sous seing privé sont
soumis à l’exigence de la mention manuscrite. Ainsi, jugé que l’acte notarié est exclusif de
l’application de l’art. 1326 du code civil170 . Dans ce cas, en effet, le rôle protecteur de ce texte
s’avère inutile, le formalisme informant les parties étant remplacé par l’autorité du notaire.
Cependant, il n’est pas sûr que cette jurisprudence s’applique en droit OHADA. En effet, des
juridictions françaises excluent également le cautionnement judiciaire du domaine
d’application de l’art. 1326 cciv171 alors que l’AUS soumet le cautionnement judiciaire à
l’exigence de la mention manuscrite172.

116 – Valeur de la mention manuscrite – Exception- Le principe en vertu duquel la


mention manuscrite ne vaut que comme élément de preuve du cautionnement est assorti de
deux exceptions relatives, l’une, au cautionnement omnibus et l’autre, au cautionnement
fourni par une caution personne physique, prise en sa qualité de consommateur.

167
Il faut nuancer cette affirmation par les précisions suivantes. La mention manuscrite est incontestablement un
élément de preuve et non de validité pour un cautionnement déterminé tel que prévu par l’article 14 AUS. Par
contre, elle semble être une condition de validité du cautionnement omnibus puisque l’article 19 al. 1 AUS exige
que ce cautionnement soit « conclu, sous peine de nullité, pour une somme maximale librement déterminée entre
les parties, incluant le principal, les intérêts et autres accessoires ». Certes, cette dernière citation fait référence
à la somme maximale garantie par le cautionnement général. Cependant, il nous semble que cette somme doit,
justement, être écrite de la main de la mention en toutes lettres et en chiffres (art. 14 AUS). Elle constitue donc la
mention manuscrite du cautionnement omnibus. Or, elle est voulue « sous peine de nullité » du cautionnement. Il
faut donc en déduire qu’un cautionnement omnibus qui ne contient pas la mention manuscrite est nul. La
mention manuscrite est donc une condition de validité du cautionnement omnibus tandis qu’elle demeure une
condition de preuve pour un cautionnement déterminé.
168
En effet, l’article 14 AUS précise que le cautionnement ne se présume pas « quelle que soit la nature de
l’obligation garantie ».
169
Voir l’art. 14 al. 3 qui précise que : « Les dispositions du présent article s’appliquent également au
cautionnement exigé par la loi de chaque Etat partie ou par une décision de justice ».
170
Cass. Com., 20 mars 1990, Bull. civ. IV, n° 83.

171
Voir, en droit français, Cass. Com., 11 fév 2004.

172
V. Art. 14 in fine AUS : « Les dispositions du présent article s’appliquent également au cautionnement exigé
par la loi de chaque Etat partie ou par une décision de justice » (c’est nous qui soulignons).
84
Le cautionnement omnibus est spécialement réglementé par l’article 19 AUS. Il ressort
de cette disposition que la mention manuscrite semble être une condition de validité du
cautionnement omnibus puisque l’article 19 al. 1 AUS exige que ce cautionnement soit
« conclu, sous peine de nullité, pour une somme maximale librement déterminée entre les
parties, incluant le principal, les intérêts et autres accessoires ». Certes, cette dernière
citation fait référence à la somme maximale garantie par le cautionnement général.
Cependant, il nous semble que cette somme doit, justement, être écrite de la main de la
mention en toutes lettres et en chiffres (art. 14 AUS). Elle constitue donc la mention
manuscrite du cautionnement omnibus. Or, elle est voulue « sous peine de nullité » du
cautionnement. Il faut donc en déduire qu’un cautionnement omnibus qui ne contient pas la
mention manuscrite est nul. La mention manuscrite est donc une condition de validité du
cautionnement omnibus tandis qu’elle demeure une condition de preuve pour un
cautionnement déterminé.

La seconde exception est tirée des articles 222 et 223 de la loi ivoirienne relative à la
protection de la caution. Il ressort expressément de ces dispositions que le cautionnement tant
simple173 que solidaire174 fourni par une caution personne physique doit, à peine de nullité,
comporter une mention manuscrite.

C’est dire donc que cette mention manuscrite est voulue comme une condition de validité
dudit cautionnement.

117– Contenu de la mention manuscrite - Selon l’art. 14 al. 1 AUS, la caution doit
impérativement porter sur l’acte la mention, écrite par elle-même, « en toutes lettres et en
chiffres, de la somme maximale garantie couvrant le principal, les intérêts et autres

173
Aux termes de l’article 222 de la loi ivoirienne n° 2016-412 du 15 juin 2016 relative à la consommation :
« La personne physique qui s’engage en qualité de caution, pour l’une des opérations relevant des chapitres 1
ou 2 du présent titre doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention
manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : « En me portant caution de X… dans la limite de la somme
maximale de… couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de
retard et pour la durée de …je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens
si X… n’y satisfait pas lui-même ».
174
En effet, l’article 223 de la loi ivoirienne relative à la consommation dispose que : « Lorsque le créancier
demande un cautionnement solidaire pour l’une des opérations relevant des chapitres 1 ou 2 du présent titre, la
personne physique qui se porte caution doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature
de la mention manuscrite suivante : « En renonçant au bénéfice de discussion du cautionnement ordinaire
défini à l’article … du code civil (sic : c’est l’AUS qui est applicable en droit ivoirien) et en m’obligeant
solidairement avec X… je m’engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu’il poursuive
préalablement X… ».
85
accessoires ». Le texte précise qu’ « en cas de différence, le cautionnement vaut pour la
somme exprimée en lettres ».

Jugé toutefois, en France, que si la caution oublie d’indiquer le montant de son


engagement en chiffres, l’indication en lettres ne peut constituer qu’un commencement de
preuve par écrit175. Cette décision semble accorder plus d’importance à l’indication en chiffres
de la somme maximale garantie qu’à son indication en lettres ; par conséquent, elle ne nous
semble pas applicable en droit OHADA où le législateur estime que le cautionnement vaut
pour la somme exprimée en lettres.

118- Preuve des accessoires de la dette - La preuve de l’engagement de la caution s’étend-


elle aussi aux accessoires de la dette ? La réponse affirmative s’impose (art. 18 al. 1 AUS). Il
en résulte que la mention manuscrite peut ne pas indiquer l’existence d’accessoires de la dette.
Il n’en reste pas moins que les accessoires et les frais de recouvrement sont automatiquement
dus dès que le cautionnement est considéré comme prouvé. Toutefois, les parties peuvent
expressément exclure les accessoires de la dette et les frais de recouvrement de la créance de
l’étendue du cautionnement puisque l’article 18 AUS précise : « sauf clause contraire… ».

119- Portée de l’exigence de l’écrit comme mode de preuve - Dès lors qu’un contractant ne
respecte pas les exigences prévues par l’art. 14, l’acte doit être qualifié de « commencement
de preuve par écrit ».

La preuve de l’engagement en qualité de caution doit alors être apportée par d’autres
éléments qualifiés « d’extrinsèques » nécessairement extérieurs au contrat de cautionnement
dont l’appréciation est laissée au pouvoir souverain du juge.

120- Preuve du cautionnement par d’autres moyens que l’écrit - Il y a lieu d’appliquer à
la preuve du cautionnement, les règles communes de preuve telles qu’elles résultent du code
civil. En effet, le principe de l’écrit comme mode de preuve reçoit exception en cas de
commencement de preuve par écrit176 ou en cas d’impossibilité de se procurer une preuve
littérale177.
175
Civ. 2e, 27 juin 2002, JCP 2003.I.124.

176
En effet, aux termes de l’art. 1347 du code civil : « Les règles ci-dessus reçoivent exception lorsqu’il existe un
commencement de preuve par écrit.
On appelle ainsi tout acte par écrit qui est émané de celui contre lequel la demande est formée, ou de
celui qu’il représente, et qui rend vraisemblable le fait allégué ».

177
Poursuivant les exceptions aux articles 1341 à 1346, l’article 1348 du code civil dispose que : « Elles
reçoivent encore exception toutes les fois qu’il n’a pas été possible au créancier de se procurer une preuve
86
Dans toutes ces hypothèses, on doit admettre d’autres modes de preuve du
cautionnement tels que l’aveu ou le serment ou accepter que l’écrit irrégulier serve comme
commencement de preuve par écrit.

120 Bis – Nullité du cautionnement en l’absence d’un écrit- L’analyse précédente ne vaut
évidemment pas dans les hypothèses où l’écrit est voulu comme une condition de validité du
cautionnement. Dans ces hypothèses, l’absence d’écrit est sanctionnée par la nullité du
cautionnement et la preuve du cautionnement ne peut être faite par d’autres moyens que
l’écrit.

SECTION 3 : LES EFFETS DU CONTRAT DE CAUTIONNEMENT

121– Divers effets - Le contrat de cautionnement fait naître des obligations à la charge des
parties (§ 1) et octroie des recours à la caution (§ 2).

§1 – Les obligations des parties au contrat

122– Obligations du créancier et obligations de la caution - Le cautionnement met à la


charge tant du créancier (A) que de la caution (B), des obligations.

A – Les obligations du créancier

123– Obligation duale – Deux sortes d’obligations sont à la charge du créancier. Ce sont
l’obligation commune à tous les créanciers (1) complétée par une obligation spécifique à
certains créanciers (2).

1 - L’obligation commune à tous les créanciers : l’obligation d’information de la caution

124– Obligation duale – L’obligation d’information, commune à tous les créanciers, se


décline en une obligation générale d’information et des obligations spéciales d’information.

125- Obligation générale d’information - L’obligation générale d’information existe à deux


moments du contrat de cautionnement. D’abord, elle existe au moment de la conclusion du
contrat sous le fondement de l’obligation de contracter de bonne foi pesant principalement sur
littérale de l’obligation qui a été contractée envers lui.
Cette seconde exception s’applique :
1 – aux obligations qui naissent des quasi-contrats et des délits ou quasi-délits ;
2 – aux dépôts nécessaires faits en cas d’incendie, ruine, tumulte ou naufrage, et à ceux faits par les voyageurs
en logeant dans une hôtellerie, le tout suivant la qualité des personnes et les circonstances du fait ;
3 – aux obligations contractées en cas d’accidents imprévus, où l’on ne pourrait pas avoir fait des actes par
écrit ;
4 – au cas où le créancier a perdu le titre qui lui servait de preuve littérale, par suite d’un cas fortuit, imprévu et
résultant d’une force majeure ».
87
le créancier. Ensuite, elle existe dans le cadre de l’exécution du contrat de cautionnement en
s’orientant dans la direction de l’obligation semestrielle d’information.

125-1 – Au moment de la formation du cautionnement : l’obligation de contracter de


bonne foi – L’obligation d’information du créancier, au moment de la conclusion du contrat
de cautionnement, est l’obligation de contracter de bonne foi. Par l’effet de cette obligation, le
créancier est tenu de fournir à la caution toutes les informations nécessaires afin que celle-ci
puisse s’engager en toute connaissance de cause. Dans ce sens, toute rétention, par le
créancier, d’une information due, peut-être constitutive d’une réticence dolosive susceptible
d’entraîner la nullité du contrat de cautionnement.

125-2 – Pendant l’exécution du cautionnement : l’obligation semestrielle d’information –


Elle est prévue par l’art. 25 AUS178. Il s’agit, pour le créancier, de communiquer à la caution,
l’état de l’endettement du débiteur principal. Le créancier doit donc communiquer à la
caution, selon l’al. 1 de l’art. 25 AUS : « un état des dettes du débiteur principal précisant
leurs causes, leurs échéances et leurs montants en principal, intérêts et autres accessoires ».

De plus, si le cautionnement dont il s’agit est un cautionnement à durée indéterminée,


le créancier doit rappeler à la caution la faculté de résiliation unilatérale du contrat dont elle
bénéficie ; laquelle faculté de résiliation est logée dans l’art. 19 AUS. L’obligation
d’information bénéficie à toute caution, personne physique comme personne morale.
L’information, qui est semestrielle, doit être communiquée « dans le mois qui suit le terme de
chaque semestre civil à compter de la signature du contrat de cautionnement » comme le
précise l’al. 1 de l’article 25 AUS.

125-2-1 – Durée de l’obligation semestrielle d’information - En ce qui concerne la durée de


l’obligation d’information, il n’y a pas de précision dans les textes. En droit français, la
chambre mixte de la cour de cassation a décidé que la protection légale des cautions, dont fait
partie l’obligation d’information à la charge du créancier, s’impose et doit être respectée
jusqu’à l’extinction de la dette garantie179, c’est-à-dire l’obligation principale. Cette solution,
au regard de sa pertinence, devrait être adoptée en droit OHADA.
178
Aux termes de l’art. 25 AUS alinéa 1 : « Le créancier est tenu, dans le mois qui suit le terme de chaque
semestre civil à compter de la signature du contrat de cautionnement, de communiquer à la caution un état des
dettes du débiteur principal précisant leurs causes, leurs échéances et leurs montants en principal, intérêts, et
autres accessoires restant dus à la fin du semestre écoulé, en lui rappelant la faculté de révocation par
reproduction littérale des dispositions de l’article 19 du présent Acte uniforme ».
179
Cour de cassation française, Chambre Mixte, arrêt du 17 nov. 2006, JCP 2007.I.158.
88
125-2-2– Sanction du défaut d’information - Quelle est la sanction du défaut
d’information ? C’est la déchéance du droit aux intérêts contractuels échus pour le créancier
circonscrite aux intérêts produits par la dette principale depuis la dernière information jusqu’à
la date de communication de la nouvelle information180 et la possibilité pour la caution
d’opposer au créancier les exceptions inhérentes à la dette181. Cette obligation est d’ordre
public et ne peut être aménagée par les parties : cf. art. 25 al. 3 AUS182.

L’obligation d’information ne peut donc être aménagée par les parties ; il en résulte
que le créancier ne peut être exempté de cette obligation générale d’information.

126– Les obligations spéciales d’information – Lorsque certains évènements affectent le


cours du contrat principal ou encore de l’obligation principale, le créancier est tenu, par la loi,
d’en informer la caution. Il s’agit alors d’obligations spéciales d’information qui existent en
cas de prorogation du terme et en cas de défaillance du débiteur principal.

126.1 - Obligation d’information en cas de prorogation du terme - L’information en cas


de prorogation du terme est expressément prévue par l’art. 23 al. 3 AUS183. La prorogation
consiste en une prolongation de la dette d’exigibilité de la dette du débiteur principal vis-à-vis
du créancier. Elle peut être motivée par la mansuétude ou par l’espoir que le débiteur se
rétablisse dans un bref délai. Cette prorogation a lieu dans le cadre d’une convention dite
convention d’atermoiement conclue entre le débiteur principal et le créancier. Le dispositif
relatif à la prorogation du terme s’applique également à la caution solidaire184.

180
L’alinéa 2 de l’article 25 AUS dispose en effet que : « A défaut d’accomplissement des formalités prévues au
présent article, le créancier est déchu, vis-à-vis de la caution, des intérêts contractuels échus depuis la date de
la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information, sans préjudice des
dispositions de l’article 29 du présent Acte uniforme ».
181
L’opposabilité des exceptions est prévue par l’al. 1 de l’art. 29 AUS qui précise que : « Toute caution ou tout
certificateur de caution peut opposer au créancier toutes les exceptions inhérentes à la dette qui appartiennent
au débiteur principal et tendent à réduire, éteindre ou différer la dette sous réserve des dispositions des articles
17 et 23, alinéas 3 et 4 du présent Acte uniforme et des dispositions particulières de l’Acte uniforme portant
organisation des procédures collectives d’apurement du passif ».
182
L’article 25 alinéa 3 précise, en effet, que « Toute clause contraire aux dispositions du présent article est
réputée non écrite ».
183
Cet article dispose en effet que : « La prorogation du terme accordée au débiteur principal par le créancier
doit être notifiée par ce dernier à la caution. Celle-ci est en droit de refuser le bénéfice de cette prorogation et
de poursuivre le débiteur pour le forcer au paiement ou obtenir une garantie ou une mesure conservatoire ».
184
Les termes généraux utilisés à l’article 23 al.3, « la caution », indiquent que ce mécanisme s’applique à toute
caution y compris la caution solidaire. Cf. Article 26 al. 1 AUS.
89
126-1-1 – Sanction de l’inexécution de cette obligation d’information – L’acte uniforme
applicable ne précise rien. Dans l’ancien acte uniforme de 1998, l’art. 14 al.3, prévoyait
comme sanction la déchéance « des intérêts échus depuis la date de la précédente information
jusqu’à la date de communication de la nouvelle information ». Cette même sanction est
reprise par l’art. 25 al. 2 de l’acte uniforme actuellement en vigueur comme sanction du
défaut d’information semestrielle. Il est donc permis de l’étendre au défaut d’information en
cas de prorogation du terme.

126-1-2 – Portée de l’obligation d’information en cas de prorogation - Par ailleurs, le


dispositif légal relatif à la prorogation ne semble pas être d’ordre public185. Il est donc possible
de l’aménager conventionnellement. Ainsi, les parties au contrat de cautionnement peuvent
prévoir une clause excluant toute possibilité de prorogation du terme sans l’accord de la
caution ou encore une clause n’autorisant la prorogation que dans une certaine limite ou
même une clause excluant l’obligation d’information en cas de prorogation.

126-1-3 – Attitude de la caution informée de la prorogation du terme – Cette attitude est


prévue par l’art. 23 AUS qui précise que « celle-ci [la caution] est en droit de refuser le
bénéfice de cette prorogation et de poursuivre le débiteur pour le forcer au paiement ou
obtenir une garantie ou une mesure conservatoire ».

Il résulte de cette disposition, qu’une fois informée, par le créancier, de la prorogation


du terme de l’obligation principale, la caution a une option : elle peut accepter ou refuser le
bénéfice de la prorogation. Dans la première hypothèse, elle sera dorénavant tenue par le
nouveau terme accordé au débiteur principal. Dans la seconde hypothèse, elle ne sera tenue
que par l’ancien terme et non par le nouveau. Par ailleurs, en cas de refus de la prorogation,
elle peut également exercer, contre le débiteur principal, un recours avant paiement. Par ce
recours, elle peut exiger, du débiteur principal, un paiement anticipé ou lui demander une
garantie ou une mesure conservatoire.

126.2 - Obligation spéciale d’information lors de la défaillance du débiteur - Cette


obligation est spécialement prévue par l’art. 24 AUS. La défaillance peut être appréhendée
comme l’incapacité, pour le débiteur principal, de payer sa dette. Elle doit être constatée par
185
Sauf à considérer comme impératif l’usage du verbe « devoir » mais cet argument n’est pas décisif. En effet,
le verbe devoir est utilisé par le législateur dans d’autres articles comme l’art. 24 AUS. Cependant, le caractère
d’ordre public de ces dispositions ne résulte pas de l’usage de ce verbe mais plutôt de l’expression : « toute
clause contraire aux dispositions du présent article est réputée non écrite ». L’usage du verbe « devoir » n’est pas
donc suffisant pour qualifier la disposition d’ordre public.
90
une mise en demeure de payer restée sans effet et l’obligation d’information est faite dans le
délai d’un mois après la mise en demeure. En informant la caution, le créancier est tenu
d’indiquer « le montant restant dû par ce dernier (le débiteur) en principal, intérêts et autres
accessoires à la date de cet incident de paiement186 ».

126.2.1– Sanction de l’inexécution de cette obligation - En cas d’inexécution de cette


obligation, le créancier est déchu des pénalités ou intérêts de retard échus entre la date de
l’incident et la date à laquelle la caution a été informée187.

126.2.2– Portée du dispositif légal - Il faut relever que l’accomplissement de cette obligation
est d’ordre public conformément à l’al. 3 de l’art. 24 AUS qui dispose que : « Toute clause
contraire aux dispositions du présent article est réputée non écrite ». Il en résulte que
l’obligation d’information de la caution, par le créancier, en cas de défaillance du débiteur
principal est impérative et ne peut être éludée par le créancier.

126.3 - Obligation d’information en cas de déchéance du terme ? - La déchéance du terme


est une sanction qui frappe le débiteur principal et par laquelle, du fait de la survenance d’un
évènement compromettant la capacité du débiteur à rembourser sa dette, celle-ci devient
immédiatement exigible avant l’échéance. L’obligation d’information de la caution en cas de
déchéance du terme frappant le débiteur principal n’est pas expressément prévue dans le
nouvel acte uniforme comme elle l’était dans l’ancien188. L’art. 23 al. 4 AUS ne traite que de
l’attitude de la caution face à la déchéance du terme. En tout état de cause, la déchéance
entraînant l’exigibilité immédiate de la dette du débiteur principal, le créancier va vouloir
poursuivre la caution avant l’échéance du cautionnement en justifiant cette poursuite
anticipée. En conséquence, il va devoir informer la caution de la défaillance du débiteur
principal. Il est donc permis de penser que cette obligation est implicite.

2 – L’obligation spécifique à certains créanciers : l’obligation de conservation des droits


et garanties attachées à la créance

127– Données – Cette obligation est déduite du bénéfice de subrogation prévue par l’al. 2 de
l’art. 29 AUS. On sait que, lorsque la caution a payé le créancier, elle est subrogée dans les
186
Cf. art. 24 al. 1 AUS.

187
Cf. art. 24 al. 2 AUS.

188
Cf. art. 14 al. 1 de l’AUS de 1997 qui disposait que : « Le créancier doit aviser la caution de toute défaillance
du débiteur, déchéance ou prorogation du terme en indiquant le montant restant dû par lui en principal, intérêts
et frais au jour de la défaillance, déchéance ou prorogation du terme ».
91
droits et garanties de celui-ci attachés à la créance. Pour permettre l’effectivité de cette
subrogation, le créancier est tenu de tout mettre en œuvre pour conserver la valeur de la
créance : c’est l’expression de l’obligation de conservation des droits et garanties attachées à
la créance. Par exemple, si une sûreté réelle est attachée à la créance, le créancier doit
renouveler son inscription si celle-ci expire.

128 – Sanction – L’inaccomplissement de cette obligation par le créancier est sanctionné,


justement, par le bénéfice de subrogation que la caution va opposer au créancier poursuivant.
La jouissance de ce bénéfice peut entraîner la nullité du cautionnement « quand la subrogation
aux droits et garanties du créancier ne peut plus s’opérer » en faveur de la caution. En
revanche, « si le fait reproché au créancier limite seulement cette subrogation, la caution est
déchargée à concurrence de l’insuffisance de la garantie conservée189 ».

B- L’obligation de la caution : le paiement de la dette principale

129- Généralités – Nécessité de la poursuite de la caution – Par l’effet du cautionnement, la


caution devient un nouveau débiteur du créancier. Ce dernier dispose donc de deux débiteurs :
le débiteur principal et la caution. Cette dernière est tenue de payer en cas de défaillance du
débiteur principal. Pour cela, il est nécessaire qu’elle soit poursuivie par le créancier en ce
sens qu’il est nécessaire que ce dernier lui demande de payer. Que faut-il entendre par
poursuite ? Selon M. CORNU, la poursuite est « l’exercice d’une voie de droit pour
contraindre une personne à exécuter ses obligations ou à se soumettre aux ordres de la loi ou
de l’autorité publique190 ». Appréhendée ainsi, la poursuite peut donc être judiciaire ou extra-
judiciaire.

130– Plan – La poursuite de la caution est soumise à des conditions (1). De plus, elle admet
des modalités (2) et produit des effets (4). Toutefois, la caution poursuivie peut opposer des
moyens de défense au créancier poursuivant (3).

1 – Les conditions de la poursuite de la caution

131– Trois catégories de conditions de la poursuite de la caution – Trois catégories de


conditions préalables sont exigées pour que le créancier puisse engager des poursuites contre
la caution, à savoir les conditions relatives à la dette garantie, la défaillance du débiteur
principal et l’appel en cause du débiteur principal.
189
V. art. 29 al. 2 et 3 AUS.

190
CORNU (Gérard), op. cit., V° Poursuite, p. 686.
92
131-1 – Conditions relatives à la dette garantie - La dette doit réunir trois caractères : elle
doit être certaine, liquide et exigible. La dette est certaine lorsque son existence n’est pas
contestée ; donc lorsqu’il est certain, sans ambiguïté, que le débiteur est tenu à l’égard du
créancier. Elle est liquide lorsque son montant est déterminé sans équivoque. Quant à
l’exigibilité, elle peut être définie comme le caractère d’une dette dont le créancier est en droit
de réclamer le paiement immédiat. Etant donné que la caution garantit la dette du débiteur
principal, son obligation est exigible en même temps que celle du débiteur principal. La
caution ne peut donc être poursuivie que si la dette du débiteur principal est exigible191. Par
ailleurs, l’exigibilité d’une dette peut aussi résulter d’une déchéance du terme. En effet, la
déchéance du terme rend la dette immédiatement exigible.

La déchéance du terme frappant le débiteur principal s’impose-t-elle aussi à la


caution ? La réponse est négative en raison de l’art. 23 al. 4 qui dispose que : « Nonobstant
toute clause contraire, la déchéance du terme accordé au débiteur principal ne s’étend pas
automatiquement à la caution qui ne peut être requise de payer qu’à l’échéance fixée à
l’époque où la caution a été fournie… ». Il ressort de cette disposition qu’en cas de déchéance
du terme de la dette du débiteur principal, la caution a le choix : ou elle accepte la déchéance
et paie avant l’échéance quitte à exercer ses recours contre le débiteur principal ou elle refuse
la déchéance et ne paiera, éventuellement, qu’à l’échéance du terme telle que prévue dans le
contrat de cautionnement.

131-2 – Nécessité de la défaillance du débiteur principal – Aux termes de l’art. 23 al.1er


AUS : « la caution n’est tenue de payer la dette qu’en cas de non-paiement du débiteur
principal ». Ce « non-paiement du débiteur principal » est ce qu’on appelle la défaillance du
débiteur principal. Autrement dit, il y a défaillance lorsque le débiteur principal n’est pas en
mesure de payer sa dette à l’échéance prévue. La caution n’est tenue de payer qu’en cas de
défaillance du débiteur principal en raison du caractère accessoire du cautionnement. La
défaillance du débiteur principal doit être constatée après la mise en demeure de ce dernier
restée vaine192.

191
Cependant, il ne faut pas oublier que le cautionnement peut avoir une échéance autonome, distincte de celle
de l’obligation principale mais qui lui est nécessairement postérieure. Dans cette hypothèse, la caution ne sera
poursuivie qu’après l’arrivée de cette échéance spécifique.
192
Cela ressort de l’al. 2 de l’art. 23 AUS qui dispose que : « Le créancier ne peut entreprendre de poursuites
contre la caution qu’après une mise en demeure de payer adressée au débiteur principal et restée sans effet ».
93
La question se pose de savoir si le même exploit d’huissier (commissaire de justice)
peut valoir à la fois constatation de la défaillance du débiteur principal et appel en paiement
de la caution. C’est la question à laquelle a eu à répondre la cour d’appel d’Abidjan193.

En l’espèce, Daniel BRECHAT et Alain MASSOULIER s’étaient portés cautions de


la dette de leur société envers la SAFCA. Par la suite, cette dernière a assigné les cautions et
le débiteur principal en paiement de la dette dans un même exploit d’huissier contenant à la
fois la constatation de la défaillance du débiteur principal et la poursuite en paiement des
cautions. Estimant cette procédure irrégulière parce que violant, selon eux, la subsidiarité du
cautionnement, les cautions ont demandé, en justice, l’annulation de cette procédure.

Le tribunal de première instance d’Abidjan194 et la cour d’appel ont réfuté


l’argumentation des cautions. Et la cour d’appel de préciser que : « Contrairement aux
allégations des appelants, s’il est exact que selon la loi, le créancier ne peut demander
(paiement) à la caution qu'après avoir sommé en vain le débiteur d'avoir à honorer ses
engagements, il demeure qu'un seul exploit peut bien, comme en l'espèce constater la
défaillance du débiteur et réclamer le paiement à la caution ; de sorte la SAFCA n'a pas violé
les articles 13 et 14 de l'acte uniforme OHADA portant sur les Sûretés ».

Que penser de cet arrêt ? Il est nécessaire de bien le comprendre.

D’emblée, il faut distinguer l’acte constatant la mise en demeure du débiteur principal


de celui constatant la défaillance dudit débiteur. En effet, aux termes de l’article 1139 du code
civil : « Le débiteur est constaté en demeure, soit par une sommation ou par autre acte
équivalent, soit par l’effet de la convention, lorsqu’elle porte que, sans qu’il soit besoin
d’acte et par la seule échéance du terme, le débiteur sera en demeure ». Cet article nous livre
les différentes modalités de la mise en demeure : sommation, clause conventionnelle ou par
« autre acte équivalent », par exemple, une lettre missive du créancier adressée au débiteur ou
même par la seule arrivée de l’échéance du terme.

La mise en demeure ne nécessite donc pas un exploit d’huissier. Cela dit, et


conformément à l’article 24 alinéa 1er AUS195, le créancier doit laisser un délai d’un mois au
193
Cf. CAA, arrêt N° 370 DU 28 mars 2003, Daniel BRECHAT et Alain MASSOULIER c/ SAFCA,
www.ohada.com, Ohadata J-03-280.
194
TPI Abidjan, Jugement N°846 rendu le 29 mai 2002.

195
Selon cette disposition : « Dans le mois de la mise en demeure de payer adressée au débiteur principal et
restée sans effet, le créancier doit informer la caution de la défaillance du débiteur principal en lui indiquant le
94
débiteur pour s’exécuter. Passé ce délai, il va faire constater la défaillance du débiteur
principal et poursuivre la caution. Rien n’empêche donc que la constatation de cette
défaillance et la poursuite de la caution se fassent dans le même exploit d’huissier. L’arrêt
doit donc être amplement approuvé.

131-3 – Nécessité de l’appel en cause du débiteur principal en cas de poursuite judiciaire


– Aux termes de l’art. 26 al. 2 AUS : « Toutefois, le créancier ne peut poursuivre la caution
simple ou solidaire qu’en appelant en cause le débiteur principal ». Le terme « cause » est ici
synonyme de procès ouvert devant une juridiction. Appeler en cause veut donc dire citer en
justice. La disposition de l’art. 26 al. 2 signifie donc que le créancier doit étendre au débiteur
principal ses poursuites contre la caution ; en d’autres termes, il doit poursuivre en même
temps le débiteur principal et la caution et non la caution seule.

En cas de non-respect de cette disposition, l’action du créancier sera déclarée


irrecevable comme le confirme la cour d’appel d’Abidjan dans son arrêt n° 1070 du 27 juillet
2001.

En l’espèce, Touré Gaoussou et Touré Abdramane s’étaient portés cautions d’un crédit
accordé par la BICICI à la société Multi-produits. Par la suite, le créancier a obtenu une
ordonnance d’injonction de payer contre les cautions. Ces dernières ont formé opposition
devant le tribunal de première instance d’Abidjan qui les a déboutées. Les cautions ont alors
interjeté appel contre ce jugement. Au soutien de leur appel, elles ont relevé, entre autres
arguments, que la BICICI n’a pas appelé en cause le débiteur principal, la société Multi-
produits comme l’exigeait alors l’article 15 de l’ancien AUS. Quant à la BICICI, elle estimait
que les dispositions de l’article 15 AUS n’étaient pas d’ordre public, de sorte que le fait
qu’elle n’ait pas appelé en cause la débitrice principale ne saurait entraîner la rétractation de
l’ordonnance d’injonction de payer entreprise.

La cour d’appel n’a pas suivi la BICICI dans son argumentation et a, en conséquence,
infirmé le jugement querellé. La cour a motivé sa décision ainsi qu’il suit : « Considérant
qu’aux termes de l’article 15 alinéa 2 de l’Acte uniforme OHADA sur le droit des sûretés, le
créancier ne peut poursuivre la caution simple ou solidaire qu’en appelant en cause le
débiteur principal : considérant cependant qu’en l’espèce, la BICICI, créancier n’a engagé
ses poursuites qu’à l’encontre des seules cautions Touré Gaoussou et Touré Abdramane, sans

montant restant dû par ce dernier en principal, intérêts et autres accessoires à la date de cet incident de
paiement ».
95
toutefois appeler en la cause, la société Multi-Produits, débitrice principale ; qu’en omettant
d’appeler en cause la société Multi-Produits, la BICICI a vicié la procédure de recouvrement
simplifiée de créance, de sorte que le tribunal, saisi de l’opposition des cautions, aurait dû
mettre à néant l’ordonnance d’injonction de payer portant la condamnation desdites
cautions ; qu’en s’abstenant d’annuler ladite ordonnance de condamnation, pour le motif
susvisé, sans qu’il ait eu besoin d’analyser les autres motifs évoqués, le tribunal a
manifestement erré ; qu’ainsi donc il échet de déclarer bien fondé l’appel commun de Touré
Gaoussou et Touré Abdramane et de réformer conséquemment le jugement entrepris… ».

2 – Les modalités de poursuite de la caution

132– Cautionnement simple et cautionnement solidaire - La poursuite du créancier contre


la caution diffère quelque peu selon que le cautionnement est simple ou solidaire.

132-1 – En cas de cautionnement simple - Le cautionnement simple est à la fois accessoire


et subsidiaire. Le caractère accessoire est principalement de l’ordre de l’existence du
cautionnement. Quant au caractère subsidiaire, il est de l’ordre des poursuites et signifie que
la caution ne peut être poursuivie qu’après la poursuite du débiteur principal.

132-2 – En cas de cautionnement solidaire - Quant au cautionnement solidaire, il est, certes


accessoire, mais non subsidiaire. Cela implique que la caution solidaire peut être poursuivie
avant le débiteur principal. Cette distinction emporte des conséquences quant aux moyens de
défense de la caution poursuivie.

3 – Les moyens de défense de la caution poursuivie

133– Plan – Il faut distinguer les moyens de défense de toute caution des moyens de défense
particuliers à certaines cautions.

134– Moyens de défense de toute caution : l’opposabilité de certaines exceptions – Il est


deux catégories d’exceptions que la caution peut opposer au créancier poursuivant : d’une
part, les exceptions inhérentes à l’obligation principale et d’autre part, les exceptions
inhérentes au contrat de cautionnement.

Pour ce qui est des exceptions inhérentes à l’obligation principale, leur opposabilité est
prévue par l’art. 29 AUS dont l’al. 1er dispose que : « Toute caution ou tout certificateur de
caution peut opposer au créancier toutes les exceptions inhérentes à la dette qui
appartiennent au débiteur principal et tendent à réduire, éteindre ou différer la dette sous
96
réserve des dispositions des articles 17 et 23, alinéas 3 et 4 du présent Acte uniforme et des
dispositions particulières de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives
d’apurement du passif ».

Il résulte de cette disposition les caractéristiques desdites exceptions. Elles doivent


être : inhérentes à la dette, appartenir au débiteur principal et tendre à réduire, éteindre ou
différer la dette. Ici, il s’agit des exceptions que le débiteur principal pouvait opposer au
créancier et que la caution, en raison du caractère accessoire du cautionnement vis-à-vis de
l’obligation principale, peut également opposer au créancier poursuivant. Ainsi, cette
disposition permet à toute caution196 de se prévaloir de toutes les exceptions inhérentes à la
dette appartenant au débiteur principal. Ce peut être un paiement partiel, une remise de dette,
une compensation, la nullité de l’obligation principale, etc.

Outre ces exceptions, la caution peut également opposer au créancier poursuivant les
exceptions inhérentes au contrat de cautionnement. En effet, le cautionnement liant le
créancier à la caution, peut contenir des exceptions que la caution poursuivie peut opposer au
créancier poursuivant. Il en est ainsi d’une remise de dette que le créancier aurait consentie à
la seule caution ou encore d’une compensation qui pourrait exister entre le créancier et la
caution. Il faut préciser que ces exceptions viennent en complément de celles inhérentes à la
dette principale.

135– Moyens de défenses de certaines cautions – Outre l’opposabilité des exceptions,


certaines cautions peuvent opposer au créancier poursuivant certains moyens de défenses
particuliers. Il s’agit de la caution simple et de la caution jouissant du bénéfice de subrogation.

136 – Moyens de défense complémentaires de la caution simple : les bénéfices de


discussion et de division - La caution simple poursuivie peut opposer au créancier, en vertu
du caractère subsidiaire du cautionnement, le bénéfice de discussion et le bénéfice de division.

137 – Bénéfice de discussion – Le bénéfice de discussion est le moyen de défense par lequel
la caution poursuivie oblige le créancier à poursuivre d’abord le débiteur principal avant de la
poursuivre, elle. « Discuter » signifie exercer une voie d’exécution forcée, en l’occurrence,
sur les biens du débiteur principal. Ce bénéfice reconnu à la caution est prévu par l’art. 27

196
Ce bénéfice est reconnu à toute caution (caution simple, solidaire, judiciaire) et même au certificateur de
caution.
97
AUS197. Le recours à ce bénéfice est soumis à la réunion de certaines conditions et il produit
des effets.

138- Conditions du bénéfice de discussion – Les conditions du bénéfice de discussion


résultent de l’art. 27 al. 1 AUS. Elles sont au nombre de 5 :

1°) la caution doit être une caution simple ;

2°) la caution simple ne doit pas avoir expressément renoncé à l’exercice de ce


bénéfice ;

3°) la caution doit invoquer le bénéfice in limine litis c’est-à-dire dès les premières
poursuites du créancier, donc avant toute défense au fond du litige ;

4°) la caution doit indiquer les biens du débiteur principal susceptibles d’être saisis.
Ces biens doivent être immédiatement saisissables, être situés sur le territoire national du lieu
de poursuite et être à même de produire des deniers suffisants pour le paiement intégral de la
dette ;

5°) la caution doit avancer au créancier les frais de discussion ou consigner la somme
nécessaire à la juridiction compétente.

De la première condition, il résulte que le bénéfice de discussion est refusé à la caution


judiciaire et à la caution solidaire. Si le mécanisme de la solidarité peut expliquer le refus de
ce bénéfice à la caution solidaire, en revanche, seule la volonté législative semble fonder le
refus dudit bénéfice à la caution judiciaire.

La deuxième condition exige, de la caution simple, qu’elle ne renonce pas au bénéfice


de discussion pour pouvoir en jouir. Implicitement, le législateur reconnaît que la caution
simple peut donc renoncer audit bénéfice. Sur le moment auquel la caution simple peut
renoncer à ce bénéfice, le professeur Joseph ISSA-SAYEGH précise que : « la caution simple

197
Aux termes de l’art. 27 AUS : « La caution judiciaire et la caution solidaire ne disposent pas du bénéfice de
discussion. La caution simple, à moins qu’elle ait expressément renoncé à ce bénéfice, peut, sur premières
poursuites dirigées contre elle, exiger la discussion du débiteur principal, en indiquant les biens de ce dernier
susceptibles d’être saisis immédiatement sur le territoire national et de produire des deniers suffisants pour le
paiement intégral de la dette. Elle doit, en outre, avancer les frais de discussion ou consigner la somme
nécessaire arbitrée par la juridiction compétente à cet effet.
Lorsque la caution a fait l’indication des biens et fourni les deniers suffisants pour la discussion, le
créancier est, jusqu’à concurrence des biens indiqués, responsable, à l’égard de la caution, de l’insolvabilité du
débiteur principal survenue par le défaut de poursuites ».

98
peut renoncer au bénéfice de discussion soit dès l’origine, soit lors de la conclusion du
cautionnement (…), soit explicitement ultérieurement à tout moment, soit in limine litis 198 ».

Au regard de la troisième condition, le même auteur énonce que « si elle [la caution
simple] n’invoque pas ce bénéfice dès les premières poursuites, elle est censée y avoir
renoncé199 ».

En ce qui concerne la cinquième condition, il faut préciser que la juridiction


compétente est celle prévue par l’art. 49 al. 1er AUVE, c’est-à-dire « le président de la
juridiction statuant en matière d’urgence ou le magistrat délégué par lui200 ».

139– Effets du bénéfice de discussion - En ce qui concerne les effets de ce bénéfice, il s’agit
d’une exception dilatoire. En conséquence, la procédure contre la caution n’est que suspendue
et le créancier est seul responsable de l’insolvabilité du débiteur survenue postérieurement à la
mise en œuvre du bénéfice (art. 27 al. 2 AUS). A l’issue des poursuites du créancier, de deux
choses l’une : ou le créancier est pleinement désintéressé et dans ce cas, les poursuites contre
la caution prennent fin ou le créancier n’est pas totalement désintéressé et alors il pourra
poursuivre à nouveau la caution pour le solde de la créance.

140– Bénéfice de division - De plus, en cas de pluralité d’engagements de cautions, la


caution simple peut également invoquer le bénéfice de division201. Ce bénéfice, dont
l’efficacité est soumise à certaines conditions (art. 28 AUS), permet à la caution poursuivie
« d’exiger que le créancier divise préalablement son action, et la réduise à la part et portion
de chaque caution » (art. 2026 c.civ). Le bénéfice de division est donc le moyen de défense
par lequel, en cas de pluralité de cautions simples, la caution poursuivie exige du créancier
qu’il divise ses poursuites et ne la poursuive, elle, que pour sa part dans la dette commune.
198
J. ISSA-SAYEGH, commentaires sous l’article 27 AUS, in OHADA, Traité et actes uniformes commentés et
annotés, Ed. Juriscope, 2018, p. 895.
199
Ibidem.

200
Art. 49 al. 1er AUVE : « La juridiction compétente pour statuer sur tout litige ou toute demande relative à une
mesure d’exécution forcée ou à une saisie conservatoire est le président de la juridiction statuant en matière
d’urgence ou le magistrat délégué par lui ».
201
Ce bénéfice est prévu par l’article 28 AUS qui dispose que : « S’il existe plusieurs cautions pour un même
débiteur et une même dette, sauf stipulation de solidarité entre elles ou renonciation par elles à ce bénéfice,
chacune d’elles peut, sur premières poursuites du créancier, demander la division de la dette entre les cautions
solvables au jour où l’exception est invoquée.
La caution ne répond pas des insolvabilités des autres cautions survenues après la division.
Le créancier qui divise volontairement son action ne peut revenir sur cette division et supporte
l’insolvabilité des cautions poursuivies sans pouvoir la reporter sur les autres cautions ».
99
141– Conditions du bénéfice de division – Elles sont prévues par l’art. 28 AUS et sont au
nombre de quatre :

1°) il faut qu’il y ait plusieurs cautions garantissant la même dette du même débiteur ;

2°) il ne doit pas y avoir de stipulation de solidarité entre les cautions ni renonciation,
par elles, au bénéfice de division ;

3°) la caution doit invoquer le bénéfice dès les premières poursuites dirigées contre
elle, donc in limine litis;

4°) la caution qui invoque le bénéfice doit, elle-même, être solvable et invoquer le
bénéfice à l’égard de cautions solvables.

Comme on peut le constater, la possibilité d’invoquer le bénéfice de division nécessite


l’existence de plusieurs cautions (donc d’au moins, deux cautions) qui garantissent, ensemble,
la même dette du même débiteur. Ce bénéfice n’existe donc que dans l’hypothèse où dans
l’impossibilité qu’une unique caution garantisse l’entièreté de la dette, au moins deux cautions
se sont engagées à garantir la même dette du même débiteur. Ce bénéfice n’est reconnu
qu’aux cautions simples ; en conséquence, ils ne bénéficient pas aux cautions solidaires (d’où
l’exigence de l’inexistence d’une stipulation de solidarité) et aux cautions judiciaires. Il n’est
pas reconnu non plus aux cautions qui y ont renoncé.

142 – Effets du bénéfice de division – Le bénéfice de division, tout comme le bénéfice de


discussion, est une exception dilatoire. Seulement, ici, la caution qui l’invoque sera
condamnée à payer mais uniquement sa quote-part dans la dette globale. La jouissance de ce
bénéfice entraîne un cantonnement de la dette à la quote-part de la caution bénéficiaire.

Cet effet doit être relativisé en cas d’insolvabilité d’une caution avant les poursuites du
créancier. En effet, dans ce cas, les autres cautions supportent cette insolvabilité survenue
avant les poursuites. Il en découle que la dette de la caution insolvable doit être payée par les
autres cautions. Dans cette hypothèse, la caution qui invoque le bénéfice peut, tout de même,
payer plus que sa quote-part dans la dette totale. En revanche, lorsque l’insolvabilité d’une
des cautions est postérieure aux poursuites du créancier, c’est ce dernier qui la supporte.

143 – Poursuite de la caution solidaire – Le cautionnement solidaire est accessoire mais non
subsidiaire. Cela signifie que si la poursuite de la caution solidaire tout comme celle de la
caution simple suppose la mise en exergue de la défaillance du débiteur principal, le créancier
100
n’est tout de même pas obligé de poursuivre le débiteur principal avant de poursuivre la
caution solidaire. En effet, en raison de la solidarité, l’action du créancier est facilitée dans le
cadre d’un cautionnement solidaire car « la caution solidaire est tenue de l’exécution de
l’obligation principale dans les mêmes conditions qu’un débiteur solidaire202…. ».

Ainsi, la caution solidaire ne peut invoquer ni le bénéfice de discussion ni le bénéfice


de division. Il y a donc lieu d’approuver l’arrêt qui a jugé que : « En soutenant que la preuve
de l'insolvabilité du débiteur principal n'est pas faite, la caution solidaire entend faire jouer
le bénéfice de discussion, alors qu'elle ne dispose pas de ce droit, en sa qualité de caution
solidaire203 ».

Il en résulte que le créancier est libre de poursuivre la caution solidaire ou le débiteur


principal pour réclamer la totalité de la dette mais après avoir mis en évidence la défaillance
du débiteur principal. Par ailleurs, certaines conséquences liées à la solidarité s’imposent à la
caution et au débiteur : la mise en demeure de l’un vaudra pour les deux, l’autorité de la chose
jugée entre le créancier et le débiteur est opposable à la caution solidaire.

Toutefois, il existe certaines limites aux effets de la solidarité et résultant du caractère


accessoire du cautionnement : ainsi, la caution solidaire peut opposer au créancier les
exceptions inhérentes à la dette204. De plus, le créancier « ne peut poursuivre la caution
simple ou solidaire qu’en appelant en cause le débiteur principal 205 » sous peine
d’irrecevabilité de sa demande.

144– Moyens de défense complémentaires de certaines cautions : le bénéfice de


subrogation – Le bénéfice de subrogation, prévu par les al. 2 et 3 de l’art. 29 AUS, est le
moyen de défense par lequel la caution s’oppose au créancier poursuivant en raison du fait
que ce dernier, par sa faute, rend impossible la jouissance des droits et garanties attachées à la
créance dont la caution aurait bénéficié après avoir payé. Ce moyen de défense ne profite
qu’aux cautions dont les créanciers bénéficient, outre le cautionnement, de droits et garanties
attachés à la créance. Selon la gravité de la faute du créancier, le bénéfice de subrogation
202
Cf. art. 26 al. 1 AUS.

203
Cour d'Appel de Daloa, 2ème Chambre Civile et Commerciale Arrêt N° 32 du 05 Février 2003, Juris-Ohada
n° 4/2004, octobre-décembre 2004, p. 36, note BROU Kouakou Mathurin et www.ohada.com, Ohadata J-05-
174.
204
En effet, l’alinéa 1 de l’art. 29 AUS est écrit en des termes généraux : « Toute caution… ».

205
Cf. art. 26 al. 2 AUS.
101
entraîne soit la nullité du cautionnement et donc la libération de la caution, soit la réduction de
l’engagement de la caution.

4) Les effets de la poursuite : paiement de l’obligation principale par la caution

145– Finalité de la poursuite : paiement de la dette par la caution - Une fois poursuivi et
après avoir excipé vainement de tous les moyens de défense possibles, la caution doit payer la
dette du débiteur principal au créancier. En conséquence, le créancier peut exécuter des biens
de la caution pour obtenir paiement de sa créance. Ainsi jugé que du fait de la défaillance du
débiteur principal, le créancier poursuit la caution, qui est tenue de la même façon que le
débiteur défaillant (articles 13 et 15 AUS) et qu’en vertu de l’article 246 AUVE, le créancier
peut faire vendre les immeubles appartenant à son débiteur, en respectant certaines
dispositions. Il peut donc procéder à la vente forcée d’un immeuble appartenant à la
caution206.

§2 – Les recours de la caution

146– Définition – Selon CORNU, le recours est « le nom spécifique donné à certaines
actions en justice, notamment aux actions dites récursoires, exercées par une personne qui,
elle-même poursuivie ou condamnée, se retourne contre une autre afin que celle-ci supporte
en définitive tout ou partie de la condamnation207 ».

147– Deux catégories de recours– On distingue deux catégories de recours de la caution : les
recours avant paiement (A) et les recours après paiement (B).

A- Les recours avant paiement

148– Cas d’ouverture des recours – Il faut d’abord s’intéresser aux cautions concernées par
ce recours. Pour cela, aux termes de l’art. 35 AUS, « la caution peut agir en paiement contre
le débiteur principal ou demander la conservation de ses droits dans le patrimoine de celui-
ci, avant même d’avoir payé le créancier… ». Cette disposition vise simplement « la
caution », c’est-à-dire toute caution. La généralité des termes sous-entend donc que toutes les
cautions peuvent mettre en œuvre un tel recours, à savoir donc la caution simple, la caution
judiciaire et la caution solidaire.

206
Tribunal Régional Hors Classe de Dakar, jugement n° 131 du 02 février 1999, Banque Islamique du Sénégal
c/ EGBEP, Cheikh Tidiane Niang et Abdoulaye Niang, www.ohada.com, Ohadata J-05-81.
207
CORNU (G.), « Vocabulaire juridique Henri Capitant », Ed. PUF, 7e édition, 2005, V° Recours, p. 760.
102
Pour en venir plus spécifiquement aux cas d’ouverture, il faut relever qu’ils sont prévus
par deux dispositions de l’acte uniforme : l’article 23 al. 3 et l’art. 35.

149 – Cas d’ouverture de l’art. 35 AUS - L’art. 35 AUS prévoit 4 cas d’ouverture. En effet,
selon cet article : « La caution peut agir en paiement contre le débiteur principal ou
demander la conservation de ses droits dans le patrimoine de celui-ci, avant même d’avoir
payé le créancier :

- dès qu’elle est poursuivie ;

- lorsque le débiteur est en état de cessation des paiements ou en déconfiture ;

- lorsque le débiteur ne l’a pas déchargée dans le délai convenu ;

- lorsque la dette est devenue exigible par l’échéance du terme sous lequel elle avait été
contractée ».

On constate que l’art. 35 prévoit les moments auxquels la caution peut exercer un recours
avant-paiement contre le débiteur principal. Ainsi, la caution peut exercer un recours avant
paiement contre le débiteur principal, dès qu’elle reçoit une demande en paiement du
créancier. Autrement dit, dès que le créancier lui demande de payer la dette du débiteur
principal, la caution, avant de s’exécuter, peut se retourner contre le débiteur principal.

C’est aussi le cas lorsque ledit débiteur est en cessation des paiements ou en déconfiture.
Selon l’art. 1-3 AUPCAP, on entend par cessation des paiements : « l’état où le débiteur se
trouve dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, à
l’exclusion des situations où les réserves de crédit ou les délais de paiement dont le débiteur
bénéficie de ses créanciers lui permettent de faire face à son passif exigible ». Plus
simplement, on peut concevoir la cessation des paiements comme les situations dans
lesquelles le passif d’un débiteur étant supérieur à son actif (ou inversement, l’actif étant
inférieur à son passif), ce débiteur n’est pas en mesure de satisfaire la totalité de ses
créanciers. Dans cet état, le débiteur, sans être en faillite, rencontre tout de même des
difficultés sérieuses qui le mettent dans l’incapacité de payer l’entièreté de ses dettes.

Quant à la déconfiture, elle est une situation d’insolvabilité plus grave du débiteur.
Autrement dit, la déconfiture du débiteur est un état d’impécuniosité plus grave que celui de
la cessation des paiements. Selon CORNU, elle est, « pour un débiteur, [un] état apparent et

103
notoire d’insolvabilité (…) qui produit certains effets déterminés : déchéance du bénéfice du
terme, remise en question de certains rapports d’obligation formés intuitu personae208… ».

La caution peut aussi exercer un recours avant paiement contre le débiteur principal
lorsque « ce dernier ne l’a pas déchargé dans le délai convenu ». Ce cas d’ouverture fait
référence à une convention intervenue entre le débiteur principal et la caution209 aux termes de
laquelle celui-là s’était engagé envers celle-ci, à payer sa dette au créancier et donc à libérer la
caution ou à la décharger, dans un délai déterminé, certainement antérieur à l’échéance de la
dette garantie. Lorsque cette échéance arrive sans que le débiteur ait exécuté son engagement,
la caution peut le poursuivre, donc bien avant la poursuite du créancier.

Enfin, l’exigibilité de la dette principale par l’arrivée de son terme, autorise la caution à
exercer un recours avant paiement contre le débiteur principal.

150 – Cas d’ouverture de l’art. 23 al. 3 AUS – Aux cas prévus par l’art. 35 AUS, il faut
adjoindre un autre cas d’ouverture prévu par l’art. 23 al. 3 AUS dans l’hypothèse du refus
d’une prorogation du terme accordée au débiteur principal par le créancier. Lorsque le
créancier notifie la prorogation du terme à la caution, celle-ci peut l’accepter ou la refuser.
Lorsque la caution choisit la seconde option, elle est en droit, selon l’art. 23 al. 3 AUS « de
poursuivre le débiteur pour le forcer au paiement ou obtenir une garantie ou une mesure
conservatoire ». Comme on peut le constater, ce recours avant paiement n’est ouvert à la
caution qu’en cas de refus de la prorogation du terme.

En définitive, il y a donc 5 cas d’ouverture des recours avant paiement de la caution à


savoir les 4 cas prévus par l’art. 35 AUS et le cas prévu par l’art. 23 al. 3 AUS.

151– Justification des recours avant paiement – Ces cas légaux des recours avant paiement
traduisent indubitablement une protection de la caution dans des situations qui font supposer
que la dette n’est pas payée ou risque de ne pas l’être. En effet, l’objectif du recours est
d’assurer à la caution une protection supplémentaire alors même qu’elle n’a pas encore
satisfait le créancier. Il s’agit donc d’une mesure d’anticipation des difficultés du débiteur.

De plus, le législateur accorde ces recours à la caution en raison de la faute, implicite


ou explicite, du débiteur principal. Faute implicite dans l’hypothèse où la caution est
208
G. CORNU, op.cit., V° Déconfiture, p. 307.

209
Il s’agit ici du contrat liant le débiteur principal à la caution, distinct du contrat de cautionnement qui lie, lui,
le créancier à la caution. Ce contrat est le contrat d’ordre ou contrat de crédit.
104
poursuivie. En effet, malgré son engagement, la caution espère ne pas être poursuivie et
espère surtout que sa présence va encourager le débiteur principal à honorer sa dette. Il en
découle que si, finalement, elle est poursuivie, c’est en raison de la faute du débiteur principal.
La faute est explicite dans les autres cas : cessation de paiements ou déconfiture du débiteur,
incapacité de ce dernier à décharger la caution dans le délai convenu et exigibilité de la dette
par l’arrivée du terme convenu.

152- Nature juridique des recours avant paiement - La doctrine est divisée sur la nature
juridique de ces recours avant paiement.

153 – Les recours avant paiement, une action conservatoire - Pour certains auteurs210, il
s’agit essentiellement d’une action non indemnitaire mais uniquement conservatoire. Elle n’a
pas vocation à assurer un paiement au bénéfice de la caution mais à lui conférer, à titre
préventif, une protection quand elle constate qu’il y a une possibilité réelle qu’elle soit tenue
de payer la somme due par le débiteur. La caution peut demander qu’on lui accorde diverses
« mesures de sauvegarde » comme une saisie conservatoire ou une consignation de la somme.

154 – Les recours avant paiement, un paiement anticipé de l’obligation principale - Pour
d’autres auteurs211, ces recours anticipés sont un véritable droit au paiement effectif, en raison
d’un préjudice considéré comme actuel. Il en résulte que ce recours est analysé, soit en une
action en remboursement anticipé, soit en une action indemnitaire face aux risques encourus.

155 – Solution pragmatique de l’AUS- D’une manière pragmatique, le législateur OHADA


envisage ses recours soit comme une action en paiement anticipé212 soit comme une mesure
conservatoire213. Le législateur semble donc faire peu de cas de la nature juridique du recours
avant paiement et se contente de l’octroyer à la caution.

B- Les recours après paiement

210
Cf. SIMLER (Ph) et DELEBECQUE (Ph.), Droit civil, Les sûretés, La publicité foncière, Dalloz, 2009, 5 e éd.,
n° 219 . Adde MALAURIE (Ph), AYNES (L.) et CROCQ (P.), Les sûretés, la publicité foncière, Defrénois, 3e
éd., 2008, n° 166.
211
Cf. CABRILLAC (M.) et MOULY (C.), CABRILLAC (S.) et PETEL (Ph.), Droit des sûretés, Litec, 8 e
édition, 2007, n° 278.
212
L’al. 1 de l’art. 35 AUS dit, en effet, que : « la caution peut agir en paiement contre le débiteur
principal… ».
213
Le même article 35 AUS al. 1 précise : « …ou demander la conservation de ses droits dans le patrimoine de
celui-ci… ».
105
156– Contre le débiteur principal et contre les autres cautions – La caution dispose de
deux catégories de recours après paiement : des recours contre le débiteur principal, d’une
part, et des recours contre les autres cautions, en cas de pluralité de cautions, d’autre part.

1°) Les recours après paiement contre le débiteur principal

157 – Données - Même si la caution a payé la dette à la place du débiteur principal, elle n’a
pas vocation à être chargée de manière définitive de la dette à la place dudit débiteur. Ces
recours sont donc exercés par la caution contre le débiteur principal.

158- Plan - Il importe de voir les conditions d’exercice des recours (a), la sanction de
l’inobservation de ces conditions (b) avant de les analyser plus spécifiquement (c).

a – Les conditions d’exercice des recours après paiement

159 – Deux conditions alternatives – Des conditions président à l’exercice, par la caution, de
ses recours après paiement. Ces conditions sont prévues par l’art. 30, al. 1 AUS qui dispose
que : « la caution doit aviser le débiteur principal ou le mettre en cause avant de payer la
dette au créancier poursuivant ». Il y a donc deux conditions : l’avis ou l’information du
débiteur principal par la caution ou la mise en cause dudit débiteur. Le législateur utilisant la
conjonction « ou », on en déduit que ces conditions ne sont pas cumulatives mais alternatives.

160– L’avis du débiteur principal – Le législateur fait obligation à la caution poursuivie


d’aviser ou encore d’informer le débiteur principal des poursuites du créancier. Cette
obligation d’information présente plusieurs avantages pour la caution. Ainsi, certains auteurs
relèvent que : « L’obligation d’information du débiteur principal s’avère assez utile en
pratique car elle permet à la caution de s’assurer que le débiteur principal est effectivement
défaillant214 ». Mais aussi et surtout, cette obligation permet à la caution de connaître les
moyens de défense éventuels que le débiteur principal pourrait opposer au créancier et qu’elle
peut utiliser à son tour contre le créancier.

161 – La mise en cause du débiteur principal – La caution peut aussi mettre en cause le
débiteur principal avant de payer la dette au créancier poursuivant. Cette exigence suppose
que le créancier a poursuivi la caution en paiement devant la justice et cette dernière, à son
tour, cite le débiteur au procès.

214
CROCQ (P.) et alii, op. cit., n° 111, p. 95. A notre avis, il faut relativiser cet avantage dans la mesure où,
selon nous, la caution connait déjà la défaillance du débiteur principal à travers la mise en demeure restée vaine
que le créancier est censé lui avoir montré au moment de ses poursuites.
106
b°) La sanction du non-respect des conditions d’exercice des recours après paiement

162 – Fondement textuel – La sanction de l’inobservation des conditions d’exercice des


recours avant paiement est prévue par l’al. 2 de l’art. 30 AUS qui dispose que : « Si la caution
a payé sans avoir averti ou mis en cause le débiteur principal, elle perd son recours contre
lui si, au moment du paiement par elle ou postérieurement à ce paiement, le débiteur avait le
moyen de faire déclarer la dette éteinte ou s’il avait payé dans l’ignorance du paiement de la
caution ».

163 – Enseignements - Il importe de bien comprendre cette disposition. En effet, il ressort de


celle-ci que ce n’est pas exclusivement le défaut d’information du débiteur principal ou le
défaut de sa mise en cause qui entraîne, ipso jure, la perte, par la caution, de ses recours. Ce
sont plutôt les conséquences qu’entraine ce défaut d’information ou ce défaut de mise en
cause215. En effet, la caution perd ses recours parce que, n’ayant pas avisé le débiteur principal
ou ne l’ayant pas mis en cause, elle n’a pas su que ce dernier avait déjà payé et que la dette
était éteinte ou que ce dernier avait les moyens de faire éteindre la dette. Ainsi, si la caution
n’a pas avisé le débiteur principal mais qu’il s’avère, qu’en définitive, ce dernier n’avait pas
les moyens de faire déclarer la dette éteinte, elle ne perd pas ses recours nonobstant le défaut
d’information.

Par ailleurs, au cas où elle perd ses recours contre le débiteur principal, la caution
conserve tout de même une action en répétition contre le créancier216.

c°) La typologie des recours avant paiement de la caution contre le débiteur principal

164 – Deux types de recours – La caution dispose de deux recours ou deux actions contre le
débiteur principal, à savoir, une action personnelle ou recours personnel et une action
subrogatoire ou recours subrogatoire avec la faculté de les cumuler, sans toutefois pouvoir
obtenir un double remboursement.

215
On en déduit donc, une perte non pas automatique des recours de la caution mais une perte circonstanciée
desdits recours.
216
En effet, l’article 30 AUS précise, in fine, que : « Néanmoins, la caution conserve son action en répétition
contre le créancier ».
107
165 – Le recours personnel ou action personnelle – Ce recours est expressément prévu par
l’art. 32 AUS217. Le fondement de ce recours est le contrat existant entre la caution et le
débiteur principal appelé le contrat d’ordre ou contrat de crédit.

Ce recours présente un grand avantage pour la caution dans la mesure où il lui permet
d’obtenir, non seulement le remboursement du principal de la dette, mais aussi celui des frais
de paiement engagés, d’éventuels dommages-intérêts ainsi que les intérêts moratoires. Ainsi
jugé que le débiteur principal doit être condamné à payer à la caution la somme payée entre
les mains du créancier représentant le principal de la dette et des dommages-intérêts dès lors
que cette somme est prouvée et justifiée218.

Par ailleurs, en cas de cautionnement partiel, caution solvens et créancier sont en


concours puisque « le créancier ne peut, pour le reliquat, être préféré à la caution qui a payé
et agi en vertu de son recours personnel » (art. 32 al. 1 AUS). Cette disposition est d’ordre
public puisque l’art. 32 précise que : « Toute clause contraire est réputée non écrite ».

166- Recours subrogatoire ou action subrogatoire – Ce recours est prévu par l’art. 31
AUS219. Il s’agit d’une application, au droit du cautionnement, de la règle générale formulée à
l’art. 1251 du code civil : « La subrogation a lieu de plein droit :….3°) au profit de celui qui,
étant tenu avec d’autres ou pour d’autres au payement de la dette, avait intérêt de
l’acquitter ». Ainsi, la caution, ayant payé « pour un autre », le débiteur principal, peut
solliciter l’application du mécanisme de la subrogation de plein droit, exercer les droits et
actions du créancier conformément à cet art. 1251.3° du code civil.

Quels sont les intérêts de ce recours ? Il permet à la caution de bénéficier de tous les
avantages dont jouissait le créancier. Ceci va lui permettre de profiter des garanties et droits

217
Aux termes de l’art. 32 AUS : « La caution qui a payé a, également, un recours personnel contre le débiteur
principal pour ce qu’elle a payé en principal, en intérêts de cette somme et en frais engagés depuis qu’elle a
dénoncé au débiteur principal les poursuites dirigées contre elle. Elle peut, en outre, réclamer des dommages-
intérêts pour réparation du préjudice subi du fait des poursuites du créancier.
S’il y a eu cautionnement partiel, le créancier ne peut, pour le reliquat, être préféré à la caution qui a
payé et agi en vertu de son recours personnel. Toute clause contraire est réputé non écrite ».

218
Cour d’appel de Daloa, arrêt n° 115 du 28 juillet 2005, DBY c/ GVC WADAMA, Le Juris-Ohada n° 1, 2006,
p. 39 et aussi in www.ohada.com, Ohadata J-07-04.
219
Cet article dispose que : « La caution est subrogée dans tous les droits et garanties du créancier poursuivant
pour tout ce qu’elle a payé à ce dernier.
S’il y a plusieurs débiteurs principaux solidaires d’une même dette, la caution est subrogée contre
chacun d’eux pour tout ce qu’elle a payé, même si elle n’en a cautionné qu’un. Si les débiteurs sont conjoints,
elle doit diviser ses recours ».
108
attachées à la créance. Par ailleurs, s’il y a plusieurs débiteurs principaux solidaires d’une
même dette, « la caution est subrogée contre chacun d’eux pour tout ce qu’elle a payé, même
si elle n’en a cautionné qu’un » (art. 31 al. 2 AUS). Si les débiteurs sont conjoints, « elle doit
diviser ses recours » (art. 31 al. 2 AUS in fine).

Toutefois, le recours subrogatoire est limité au montant payé par la caution au


créancier. Ainsi, la caution ne peut réclamer plus que ce qu’elle a versé au créancier, ce qui
écarte toute demande de dommages-intérêts ou intérêts moratoires, contrairement à
l’exercice du recours personnel. Par ailleurs, en cas de paiement partiel, le créancier
subrogeant est préféré à la caution subrogée pour le paiement du reliquat.

2°) Les recours après paiement de la caution contre d’autres cautions

167 – Données – Dans cette hypothèse, plusieurs personnes se sont porté cautions envers un
même créancier et pour une même obligation principale. Lorsque certaines de ces cautions ont
payé la totalité de la dette principale, elles ont le droit de se retourner contre les autres.

168 – Plan – La finalité de ces recours (a) précédera l’analyse des types de recours (b).

a) Finalité des recours après paiement contre les autres cautions

169 – Finalité spécifique - La finalité de ces recours est différente de la finalité des recours
de la caution contre le débiteur principal. En effet, alors que le recours formé contre le
débiteur principal permet d’obtenir le remboursement de tout ce qui a pu être payé par la
caution, le recours contre les cofidéjusseurs a pour objet de répartir une fraction de la dette sur
les autres.

b) Typologie des recours contre les cofidéjusseurs

170 – Deux types de recours - Ces recours sont au nombre de deux : recours personnel et
recours subrogatoire.

171 - Recours personnel – Il est prévu par l’art. 34 AUS220. Ainsi, la caution qui a
« utilement acquitté la dette », a « un recours contre les autres cautions, chacune pour sa
part et portion ».

172- Conditions de ce recours – Trois conditions sont requises par l’acte uniforme.
220
Selon cet article : « Lorsqu’il existe plusieurs cautions simples ou solidaires pour une même dette, si l’une des
cautions a utilement acquitté la dette, elle a un recours contre les autres cautions, chacune pour sa part et
portion ».
109
D’abord, la caution qui va agir doit d’abord avoir elle-même payé le créancier car il
n’existe pas de recours anticipés entre cautions. L’acte uniforme précise que la caution doit
avoir « utilement acquitté la dette ». Qu’est-ce qu’un paiement utile ? A défaut de définition
légale, on peut penser que le paiement utile est celui qui est fait selon les prescriptions légales
et qui satisfait pleinement le créancier.

Ensuite, il faut qu’il s’agisse d’une même dette garantie par les diverses cautions,
simples ou solidaires.

Enfin, le paiement doit avoir excédé la part et portion de la caution, cette dernière ne
pouvant logiquement demander que ce qui excède cette part.

173- Recours subrogatoire – Il n’y a pas de texte spécial le prévoyant. On a donc recours à
l’art. 1251.3e du code civil. Selon cet article, le mécanisme de la subrogation peut s’appliquer
de plein droit au bénéfice de celui qui, tenu avec d’autres cautions au paiement de la dette,
avait intérêt à l’acquitter. Ainsi, en exerçant ce recours, la caution va pouvoir bénéficier des
avantages et accessoires caractérisant la créance principale.

SECTION 4 : L’EXTINCTION DU CONTRAT DE CAUTIONNEMENT

174 – Voie accessoire et voie principale - Le cautionnement peut s’éteindre de deux


manières : par voie accessoire (§1) ou par voie principale (§2).

§1 – L’extinction par voie accessoire

175 – Réglementation – L’extinction du cautionnement par voie accessoire est prévue par
l’art. 36 AUS surtout en son alinéa 1er qui dispose que : « l’extinction partielle ou totale de
l’obligation principale entraîne, dans la même mesure, celle de l’engagement de la caution ».

176 - Définition de l’extinction par voie accessoire - L’extinction par voie accessoire est
l’extinction du cautionnement résultant de l’extinction, préalable, de l’obligation principale.
Elle est la manifestation du caractère accessoire du cautionnement. Ainsi, le cautionnement
s’éteint comme conséquence de l’extinction de l’obligation principale. L’extinction du
principal, l’obligation principale, entraîne également et dans la même proportion, l’extinction
de l’accessoire, le cautionnement : c’est cela l’extinction du cautionnement par la voie
accessoire. Autrement dit, le cautionnement est éteint parce que, en amont, l’obligation
principale garantie est éteinte.

110
177 - Les causes d’extinction - L’art. 36 AUS ne prévoit que quelques causes d’extinction
par voie accessoire : le paiement, la dation en paiement et la novation. En dehors des causes
d’extinction prévues par cet article, il en existe d’autres qui sont les causes d’extinction de
droit commun telles qu’elles résultent de l’article 1234 du code civil. Cet article cite, outre le
paiement, la dation en paiement et la novation, la remise volontaire, la compensation, la
confusion, la perte de la chose, la nullité ou la rescision, la condition résolutoire et la
prescription.

A- Le paiement

178 – Libération de la caution – Conditions - Si le débiteur paye au créancier la dette


convenue lors de son engagement, la caution est libérée.

Ce paiement doit remplir certaines conditions.

Il faut, d’abord, que ce paiement soit accompli personnellement par le débiteur ou son
représentant et non par un tiers ; en effet, le paiement fait par un tiers ne libère pas la caution
du fait de la subrogation qui s’ensuit ; le tiers, créancier subrogé, peut donc réclamer à la
caution le montant de la dette.

Il faut, ensuite, que le créancier soit intégralement satisfait par le paiement : le


paiement partiel du débiteur ne lui permet pas de respecter ses obligations, la créance garantie
n’étant pas éteinte. Dans cette hypothèse d’un acquittement partiel, la difficulté réside dans la
détermination de la partie acquittée par ce paiement lorsque l’engagement de la caution ne
porte pas sur la totalité de la dette : est-ce la partie cautionnée ou celle non cautionnée ?

En France, la cour de cassation a jugé qu’il fallait retenir la solution la plus favorable
au créancier, ce qui se justifie par le rôle même de la garantie qui est de suppléer la carence du
débiteur : le paiement partiel accompli par le débiteur s’impute sur la partie non cautionnée,
sauf modalité d’imputation contraire consentie par le créancier221. A notre connaissance,
aucune juridiction de l’espace OHADA n’a eu à se prononcer sur cette question. Toutefois, au
regard de la cohérence de la solution de la cour de cassation, il est à espérer que les
juridictions de l’espace OHADA se prononcent dans le même sens.

A propos toujours des règles d’imputation, lorsqu’un même débiteur a plusieurs dettes
à l’égard du même créancier et si certaines seulement de ces dettes étaient couvertes par le

221
Cass. com. 28 janv. 1997, Defrénois 1997, art. 36526, obs. L. Aynès.
111
cautionnement, quelle solution ? Selon la cour de cassation française, les règles d’imputation
du droit commun222 s’appliquent en principe : le paiement effectué par le débiteur doit être
imputé sur la dette qu’il a le plus d’intérêt à acquitter selon l’art. 1256 c.civ223. La cour de
cassation française224 a estimé qu’il s’agissait de la dette cautionnée car ce paiement aura un
double effet extinctif pour le débiteur, d’une part, parce qu’il met fin à sa propre dette et,
d’autre part, parce qu’il permet à ce même débiteur de ne pas avoir à subir un recours de la
caution.

B – La dation en paiement

179 – Notion et effets – La dation en paiement correspond à la remise d’un bien, à titre de
paiement, autre que celui convenu lors de la conclusion du contrat, avec l’accord du
créancier225.

Dans la relation entre le créancier et le débiteur principal, la dation n’éteint


l’obligation que si elle satisfait totalement le créancier. La dation, qui a concerné le contrat
principal, a une influence sur la relation entre le créancier et la caution car elle permet
d’éteindre à titre accessoire le cautionnement selon l’art. 36 al. 2 AUS : « la dation en
paiement libère définitivement la caution, même si le créancier est ensuite évincé de la chose
acceptée par lui. Toute clause contraire est réputée non écrite ».

C- La novation

180 – Notion de novation - Il s’agit de l’opération juridique par laquelle les parties décident
de substituer une obligation nouvelle à une obligation ancienne qui se trouve
automatiquement éteinte (art. 1271 c.civ). S’opère un double effet dans la relation entre le
créancier et le débiteur : l’extinction d’une obligation préalable et, corrélativement, la création

222
Voir les articles 1253 à 1256 du code civil. Aux termes de l’article 1253 du code civil : « Le débiteur de
plusieurs dettes a le droit de déclarer, lorsqu’il paye, quelle dette il entend acquitter ».
223
L’article 1256 du code civil dispose que : « Lorsque la quittance ne porte aucune imputation, le payement
doit être imputé sur la dette que le débiteur avait pour lors le plus d’intérêt d’acquitter entre celles qui sont
pareillement échues ; sinon, sur la dette échue, quoique moins onéreuse que celles qui ne le sont point.
Si les dettes sont d’égale nature, l’imputation se fait sur la plus ancienne : toutes choses égales, elle se
fait proportionnellement ».

224
Cass. civ. 19 janv. 1994, D. 1994, Somm. 213 ; RTD civ. 1994.608, obs. J. MESTRE.

225
Selon l’article 1243 du code civil : « Le créancier ne peut être contraint de recevoir une autre chose que celle
qui lui est due, quoique la valeur de la chose offerte soit égale ou même plus grande ».
112
d’une nouvelle qui sera valable. Cet effet extinctif affecte directement la caution comme
l’indique l’art. 36 al. 3 AUS226.

181– Conditions et effets - Il faut toutefois que les conditions de la novation soient remplies :
un changement d’objet ou de partie, ainsi que la volonté d’éteindre l’obligation ancienne pour
en créer une nouvelle ; enfin, la novation ne se présumant pas (art. 1273 c.civ), la volonté de
l’opérer doit résulter clairement de l’acte.

Par l’effet de la novation, la caution est libérée « à moins qu’elle n’accepte de


reporter sa garantie sur la nouvelle dette » (art. 36 al. 3 AUS). Et l’art. 36 AUS de préciser :
« toute clause contraire stipulée avant la novation est réputée non écrite ».

D- La compensation

182 – Notion - Elle est un mode simplifié de paiement des créances qui ne peut intervenir que
lorsque deux personnes sont créancières l’une de l’autre (art. 1289 c.civ). L’extinction de
deux dettes réciproques peut survenir, à concurrence du montant de la plus faible (art. 1290
C.civ).

183 – Compensation entre le créancier et le débiteur principal - En matière de


cautionnement, le créancier a pu devenir débiteur de son débiteur, ce qui permet de
compenser les créances. Quels seront les effets de cette compensation sur l’engagement de la
caution ? Selon l’art. 1294 al. 1 c.civ, « La caution peut opposer la compensation de ce que le
créancier doit au débiteur principal ». Solution confirmée par la formule générale de l’art. 29
AUS, la compensation pouvant être interprétée comme une exception inhérente à la dette227.

E- La confusion

184 – Notion - Elle suppose la réunion de la qualité de créancier et celle de débiteur d’une
même obligation, dans une même personne228. Il en est ainsi à la suite d’une succession ou
d’une cession de créance.
226
Selon l’al. 3 de l’art. 36 AUS : « La novation de l’obligation principale par changement d’objet ou de cause,
la modification des modalités ou sûretés dont elle était assortie libère la caution à moins qu’elle n’accepte de
reporter sa garantie sur la nouvelle dette. Toute clause contraire stipulée avant la novation est réputée non
écrite ».
227
Aux termes de l’article 29 alinéa 1er AUS : « Toute caution ou tout certificateur de caution peut opposer au
créancier toutes les exceptions inhérentes à la dette qui appartiennent au débiteur principal et tendent à réduire,
éteindre ou différer la dette sous réserve des dispositions des articles 17 et 23, alinéas 3 et 4 du présent Acte
uniforme et des dispositions particulières de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives
d’apurement du passif ».
113
185 – Confusion entre le créancier et le débiteur principal - Aux termes de l’art. 1301 al.
1er du c.civ, « la confusion qui s’opère dans la personne du débiteur principal profite à ses
cautions ». La confusion éteint la dette du débiteur principal et, en voie de conséquence, celle
de la caution qui est donc libérée. La confusion, exception inhérente éteignant la dette du
débiteur principal dans les termes de l’article 29 alinéa 1er AUS, profite également à la
caution.

F- L’inaction du créancier

186 – Causes de l’inaction – L’inaction du créancier peut résulter de la prescription de


l’action en justice ou du défaut de déclaration de la créance.

187 - Inaction résultant de la prescription – La prescription est un moyen d’acquérir ou de


se libérer par le passage du temps (art. 2219 c.civ). Dès lors que l’obligation principale est
prescrite en raison de l’inaction du créancier, cette prescription extinctive doit bénéficier à la
caution. Le délai de prescription est celui de droit commun : trente ans229. Toutefois, lorsque le
cautionnement est commercial, le délai de prescription est de cinq ans.

188 – Inaction découlant du défaut de déclaration de la créance – A l’ouverture d’une


procédure collective, tout créancier doit déclarer sa créance au syndic pour vérification. Le
défaut de déclaration de créance dans les délais impartis conduit à la forclusion du créancier
qui voit sa créance éteinte. Cette extinction entraîne, par le jeu de la règle de l’accessoire, la
libération de la caution, l’extinction de la créance pouvant être analysée en une exception
inhérente à la dette conformément à l’art. 29 AUS.

G- La remise de dette

189 – Données - En principe, la remise de dette consentie au débiteur principal par le


créancier profite à la caution, conformément au principe de l’accessoire et ce, dans les mêmes
proportions. Si la remise n’est que partielle, elle doit profiter à la caution de manière
identique, qu’il s’agisse d’une caution solidaire ou simple (art. 29 AUS). Toutefois, il faut
réserver les dispositions particulières éventuelles des procédures collectives.

228
L’article 1300 du code civil dispose que : « Lorsque les qualités de créancier et de débiteur se réunissent
dans la même personne, il se fait une confusion de droit qui éteint les deux créances ».
229
Selon l’article 2262 du code civil : « Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par
trente ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d’en rapporter un titre, ou qu’on puisse lui
opposer l’exception déduite de la mauvaise foi ».
114
H- Le décès de l’une des parties au contrat principal

190 – Décès du débiteur principal ou du créancier - Pour les personnes physiques, le décès
du débiteur ou du créancier, n’éteint que l’obligation de couverture du cautionnement qui
cesse automatiquement. La caution reste tenue de l’obligation de règlement pour garantir les
dettes nées avant le décès et non celles conclues par l’héritier du débiteur.

I – La disparition de la personne morale

191 – Distinction – Il faut distinguer la disparition de la société débitrice principale de la


disparition de la société créancière.

192 - Disparition de la société débitrice - En cas de fusion-absorption de la société débitrice,


la caution reste tenue jusqu’à la réalisation de cette fusion, puis est libérée de toute obligation
après, sauf stipulation contraire des parties. En effet, la fusion-absorption emporte dissolution
de la société absorbée et création d’une nouvelle personne morale, avec transmission
universelle de son patrimoine. Or la caution s’est engagée à garantir la dette d’un débiteur
donné et ne saurait être tenue de garantir celle d’un nouveau débiteur230. Le cautionnement
prend donc fin le jour de la fusion. Toutefois, la caution n’est pas nécessairement libérée car
si son obligation de couverture est éteinte, son obligation de règlement demeure pour les
créances nées antérieurement à l’opération de fusion.

193 - Disparition de la société créancière - Quelles sont les conséquences sur l’engagement
de la caution de la fusion-absorption de la société créancière ? En France, la cour de cassation
a jugé qu’ « en cas de fusion-absorption d’une société propriétaire d’un immeuble à bail, le
cautionnement garantissant le paiement des loyers est, sauf stipulation contraire, transmis de
plein droit à la société absorbante231 ». Cette solution ne semble pas applicable dans l’espace
OHADA. En effet, elle ignore le caractère intuitu personae du contrat de cautionnement. En
raison de ce caractère, la caution a donné son consentement à un créancier donné. En
conséquence, si ce dernier disparaît, la caution est libérée sauf si elle accepte le nouveau
créancier. La caution restera toutefois tenue de payer les dettes échues avant la disparition de
la société créancière.

J - La résolution ou l’annulation de l’obligation principale

230
V. art. 14 al. 1er AUS qui pose que le cautionnement ne se présume pas.

231
Com. 8 nov. 2005, JCP 2005.I.10170.
115
194 – Extinction pour défaut d’objet - A partir du moment où la sanction (résolution,
annulation, résiliation) a été prononcée, l’extinction de l’obligation principale emporte
extinction du cautionnement pour défaut d’objet. De plus, la disparition de la dette garantie,
prononcée judiciairement, emporte, en principe et par le jeu de la règle de l’accessoire, la
disparition des recours du créancier contre la caution. Il s’agit d’une exception inhérente à la
dette que le débiteur peut invoquer pour refuser de payer et qui profite à la caution (art. 29
al.1 AUS).

§2 – L’extinction par voie principale

195 – Définition – L’extinction du cautionnement par voie principale se distingue de


l’extinction par voie accessoire. En effet, l’extinction par voie principale est l’extinction du
cautionnement en lui-même, indépendamment de l’extinction de l’obligation principale. Il
s’agit donc d’une extinction du cautionnement indépendante, autonome, de celle de
l’obligation principale. Ainsi, le cautionnement sera éteint tandis que l’obligation principale
continuera d’exister. L’extinction par voie autonome du cautionnement est prévue par l’art. 37
AUS232.

196 - Les causes d’extinction - L’extinction du cautionnement par voie principale peut
dériver de la faute du créancier (B) ou être indépendante de cette faute (A).

A – L’extinction indépendante de la faute du créancier

197– Distinction : obligation de couverture, obligation de règlement – La distinction entre


l’obligation de couverture et l’obligation de règlement en matière de cautionnement est une
lumineuse proposition doctrinale de Christian Mouly233 pour expliquer l’objet de l’obligation
de la caution. Pour cet auteur, l’obligation de la caution, de toute caution est constituée de
deux sous-obligations : l’obligation de couverture et l’obligation de règlement.

198 – Obligation de couverture - L’obligation de couverture met en relief l’étendue de


l’engagement de la caution. Elle est l’engagement pris par la caution de garantir les dettes du

232
Aux termes de l’art. 37 AUS : « L’engagement de la caution disparaît indépendamment de l’obligation
principale :
- lorsque, sur poursuites dirigées contre elle, la caution excipe de la compensation pour une créance
personnelle ;
- lorsque le créancier a consenti une remise de dette à la seule caution ;
- lorsque la confusion s’opère entre la personne du créancier et de la caution ».

233
Il fit cette proposition dans sa thèse de doctorat portant sur : « Les causes d’extinction du cautionnement »,
Montpellier, 1979.
116
débiteur principal sur une période donnée ou durant la vie de la caution. L’obligation de
couverture peut être définie sur une période précisée ou non. Toutefois, dans la seconde
hypothèse, il est évident qu’elle ne dure que le temps de la vie de la caution. Elle mesure la
durée de l’engagement de la caution.

199– Obligation de règlement - Quant à l’obligation de règlement, elle est l’obligation de


régler la dette garantie. Elle s’impose à la caution pour toutes dettes, dès lors qu’a pris fin
l’obligation de couverture. Elle disparaît pour les dettes postérieures à l’extinction de
l’obligation de couverture.

L’intérêt de cette distinction résulte du fait que l’extinction du cautionnement par voie
principale indépendamment de la faute du créancier est liée à des causes découlant de
l’extinction tantôt de l’obligation de règlement tantôt de l’obligation de couverture.

200 – Causes d’extinction résultant de l’extinction de l’obligation de règlement –


L’obligation de règlement concerne le montant de la dette de la caution. Cette dette étant une
obligation comme une autre, elle s’éteint par tous les modes d’extinction de toute obligation234
prévues par l’article 1234 c.civ235. Les causes d’extinction de l’obligation de règlement sont
donc : le paiement, la novation, la remise volontaire, la compensation, la confusion, la nullité
ou la rescision, la condition résolutoire, la dation en paiement, etc. Ces causes concernent les
relations entre le créancier et la caution. Ainsi, le paiement de la dette par la caution éteint
l’obligation de règlement et par voie de conséquence, le cautionnement. Il en est de même de
la nullité du contrat de cautionnement.

234
Voir, en ce sens, l’article 2034 du code civil aux termes duquel : « L’obligation qui résulte du cautionnement,
s’éteint par les mêmes causes que les autres obligations ».
235
Aux termes de l’article 1234 du code civil : « Les obligations s’éteignent :
- par le paiement ;
- par la novation ;
- par la remise volontaire ;
- par la compensation ;
- par la confusion ;
- par la perte de la chose ;
- par la nullité ou la rescision ;
- par l’effet de la condition résolutoire, (..) ;
- et par la compensation, (..)»
117
L’article 37 AUS236 cite quelques-unes de ces causes : la compensation, la remise de
dette consentie par le créancier à la caution, la confusion qui s’opère entre la personne du
créancier et de la caution. Mais cette liste n’est pas limitative et d’autres modes d’extinction
cités à l’art. 1234 c.civ ont le même effet extinctif.

Dans ces hypothèses, même lorsque la caution est libérée, la dette principale du
débiteur subsiste.

201 – Les causes liées à l’extinction de l’obligation de couverture - Dans le cas d’un
cautionnement souscrit pour une durée indéterminée, l’une des parties peut mettre un terme à
la relation par une dénonciation unilatérale qui se justifie par le principe de prohibition des
engagements perpétuels. Le législateur a prévu que, dans le cadre de son obligation
d’information, le créancier devait non seulement notifier semestriellement aux cautions le
montant de la dette mais aussi indiquer, « la faculté de révocation » à tout moment. La
dénonciation unilatérale du contrat entraîne l’extinction du cautionnement par suite de
l’extinction de l’obligation de couverture.

Dans le cas d’un cautionnement souscrit pour une durée déterminée, l’arrivée du terme
convenu justifie que la caution bénéficie de l’extinction de l’obligation de couverture. Elle ne
sera donc tenue que des dettes nées entre le créancier et le débiteur principal pendant la
période antérieure à ce terme.

En cas de décès de la caution, le décès a été retenu comme un terme extinctif de


l’obligation de couverture de la caution. A ce sujet, l’al. 4 de l’art. 36 AUS dispose que : « les
engagements de la caution simple ou solidaire passent à ses héritiers uniquement pour les
dettes nées antérieurement au décès de la caution ».

Ainsi, constituent des causes d’extinction du cautionnement résultant de l’extinction


de l’obligation de couverture : la dénonciation unilatérale d’un cautionnement indéterminé,
l’arrivée du terme d’un cautionnement déterminé ou le décès de la caution.

236
L’article 37 AUS dispose que : « L’engagement de la caution disparaît indépendamment de l’obligation
principale :

- lorsque, sur poursuites dirigées contre elle, la caution excipe de la compensation pour une créance
personnelle ;
- lorsque le créancier a consenti une remise de dette à la seule caution ;
- lorsque la confusion s’opère entre la personne du créancier et de la caution ».
118
202 – Effets de l’extinction de l’obligation de couverture - Dès lors que l’une des
circonstances relevées assure l’extinction de l’obligation de couverture, le contrat de
cautionnement disparaît pour l’avenir. Ainsi, la caution n’est plus tenue par d’éventuelles
obligations susceptibles de naître ultérieurement et, seule subsiste l’obligation de règlement,
pour le passé.

B – L’extinction liée à la faute du créancier

203 – Deux types de fautes du créancier – Le créancier peut commettre deux fautes qui
entraînent l’extinction du cautionnement. D’une part, il peut, par son comportement,
empêcher la caution de le subroger dans ses droits et garanties et, d’autre part, il peut avoir
conclu un cautionnement excessif.

204 – Impossibilité pour la caution de subroger le créancier ou bénéfice de subrogation -


Quand la caution paye le créancier, elle est subrogée dans ses droits et garanties et peut se
faire rembourser par le débiteur principal en application de l’art. 31 AUS.

Cependant, la caution peut invoquer le bénéfice de subrogation lorsqu’à cause du


comportement fautif du créancier, elle ne peut plus être subrogée dans ses droits. Elle invoque
alors, pour pouvoir être libérée de son engagement, le bénéfice de subrogation. Qualifié
également de « bénéfice de cession d’actions », ce bénéfice correspond à une cause spécifique
d’extinction du cautionnement à titre principal. Il est prévu par les al. 2 et 3 de l’art. 29
AUS237.

Ce bénéfice peut être invoqué par les cautions simples ou solidaires à certaines
conditions. Il est donc refusé à la caution judiciaire. Il ne légitime pas une demande en
garantie mais peut être opposé par la caution au créancier poursuivant. Autrement dit, il ne
peut être invoqué par voie d’action mais uniquement par voie d’exception.

205 - Conditions de l’exercice du bénéfice de subrogation – Trois conditions sont


nécessaires pour que la caution poursuivie puisse opposer le bénéfice de subrogation au
créancier : la nécessité que la créance soit garantie par un droit préférentiel, la faute du
créancier et le préjudice subi par la caution.

237
Selon les al. 2 et 3 de l’art. 29 AUS : « La caution simple ou solidaire est déchargée quand la subrogation
aux droits et garanties du créancier ne peut plus s’opérer, en sa faveur, par le fait du créancier. Toute clause
contraire est réputée non écrite.
Si le fait reproché au créancier limite seulement cette subrogation, la caution est déchargée à
concurrence de l’insuffisance de la garantie conservée ».
119
D’abord, la nécessité que la créance soit garantie par un droit préférentiel. La créance
dont il s’agit est celle du créancier contre le débiteur principal. L’exigence du droit
préférentiel signifie qu’en plus du cautionnement, le créancier a obtenu, par exemple, du
débiteur principal, une autre sûreté pour garantir l’exécution de l’obligation principale. Ce
peut être, par exemple, un gage avec dépossession. En l’espèce, le gage avec dépossession est
donc le droit préférentiel attaché à la créance.

Ensuite, et c’est la deuxième condition, il faut une faute du créancier. Cette faute peut
résider dans l’inaction du créancier. Ainsi, par exemple, le créancier peut négliger ses
obligations de conservation du bien gagé afin de maintenir la valeur du gage.

Enfin, la troisième condition est le préjudice subi par la caution. Ce préjudice réside
dans l’impossibilité, pour la caution, d’être subrogée au créancier dans le droit préférentiel
attaché à la créance.

Si toutes ces conditions sont cumulativement réunies, la caution poursuivie peut


opposer, sous forme d’exception, le bénéfice de subrogation au créancier poursuivant.

206 – Effets de l’invocation de bénéfice de subrogation – Il faut distinguer deux hypothèses


selon que l’impossibilité de subrogation est partielle ou totale. Dans la première hypothèse, le
cautionnement n’est pas nul puisque, selon l’alinéa 3 de l’article 29 AUS : « si le fait
reproché au créancier limite seulement cette subrogation, la caution est déchargée à
concurrence de l’insuffisance de la garantie octroyée ». Par contre, dans la seconde
hypothèse, le législateur affirme, expressément, que « la caution simple ou solidaire est
déchargée238 ». Cela signifie que la caution ne sera pas tenue de payer sa dette.

207 - Cautionnement excessif – Ici, la faute du créancier réside dans le fait d’avoir accepté
de conclure un cautionnement dont le montant dépasse excessivement les capacités de
remboursement de la caution. Dans ce cas, la caution peut invoquer le caractère
disproportionné de son engagement lorsque ses biens et revenus se révèlent insuffisants pour
faire face à la défaillance du débiteur principal. Par suite, le contrat de cautionnement sera nul
(art. 225 loi ivoirienne relative à la protection du consommateur).

238
Cf. Art. 29 alinéa 2 AUS.
120
CHAPITRE II

LA GARANTIE ET LA CONTRE-GARANTIE
AUTONOMES239

208 – Présentation - La garantie autonome est née de la pratique bancaire en réaction contre
la trop forte protection des cautions envers les créanciers. Comme le relèvent certains
auteurs : « Quand le cautionnement est rendu moins efficace par les exceptions que les
cautions peuvent valablement soulever, la pratique tend à renforcer l’engagement du garant
en le privant de ces exceptions240 ».

La garantie autonome est essentiellement utilisée pour garantir au maître d’ouvrage


dans un contrat de construction de grands ensembles industriels que le constructeur exécutera
les obligations prévues au contrat. Elle peut également être émise à l’occasion de la fourniture
de marchés importants. Elle est apparue, dans le contexte international, au cours des années
1960 mais son développement date des années 1970.

L’AUS de 2011 reprend l’essentiel des dispositions de l’AUS de 1998 tout en


admettant un certain nombre d’innovations. Dans l’acte uniforme de 2011, la garantie et
contre-garantie autonome sont réglementée aux articles 39 à 49.

209 – Plan - Il importe d’exposer, d’abord, les généralités sur la garantie et la contre-garantie
autonomes (section 1), ensuite, les conditions de formation de la garantie et de la contre-
garantie autonomes (section 2) avant d’analyser les effets des deux garanties (section 3) et
leur appel (section 4).

239
Comme on peut le constater dans l’intitulé, l’adjectif « autonome » est au pluriel et non au singulier. Ce
pluriel s’explique par le fait, qu’en réalité, garantie autonome et contre-garantie autonome sont deux sûretés
personnelles que l’on peut distinguer. Toutefois, puisque ces deux sûretés sont liées, on les étudie en même
temps.
240
CABRILLAC (M.), MOULY (C.), Droit des sûretés, Ed. Litec, 1990, n° 395, p. 311.
121
Enfin, le développement de la garantie et de la contre-garantie autonomes (section 5)
ainsi que l’extinction de la garantie et de la contre-garantie autonomes achèveront l’étude de
cette sûreté (section 6).

SECTION 1 : LES GÉNÉRALITÉS SUR LA GARANTIE ET LA CONTRE-


GARANTIE AUTONOMES

210 - Précisions - Le mécanisme de la garantie et contre-garantie autonomes mérite qu’on


s’arrête d’abord sur sa structure (§1), avant d’examiner sa notion (§2).

§1 – La structure de l’opération

211 – Structure triangulaire ou quadrangulaire, garantie multiforme - La pratique du


commerce international a dégagé cette sûreté dotée d’une structure triangulaire ou
quadrangulaire (A) et qui constitue une garantie multiforme (B).

A – Une structure triangulaire ou quadrangulaire

212 - Structure triangulaire : la garantie autonome - La garantie autonome est une


opération à trois personnes superposant deux contrats : le contrat de garantie stricto sensu et le
contrat de base en considération duquel la garantie est prise.

Deux exemples peuvent aider à comprendre cette assertion. Soit une entreprise qui
souhaite remporter un marché de construction d’une usine auprès d’un maître d’ouvrage
ivoirien. Dans le but de renforcer ses chances d’être sélectionnée et d’inspirer confiance au
maître d’ouvrage, l’entreprise peut obtenir de sa banque qu’elle se porte garante du paiement
des sommes qu’elle pourrait éventuellement devoir au maître d’ouvrage, créancier d’une
obligation de faire. Dans ce premier exemple, il s’agit d’une garantie de bonne fin.

Ou encore le remboursement des acomptes versés par le maître d’ouvrage à


l’entrepreneur peut expliquer la démarche du second pour que sa banque fournisse au premier
cette garantie autonome. Ainsi, au contrat de base liant l’entrepreneur au maître d’ouvrage (le
marché), se superposera un contrat de garantie, à savoir la garantie autonome. Dans ce second
exemple, il s’agit d’une garantie de restitution d’acompte.

Terminologiquement, interviennent :

- le donneur d’ordre (le débiteur, en l’occurrence l’entrepreneur) qui mènera les démarches
pour obtenir la garantie de sa banque ;

122
- le bénéficiaire de la garantie : le créancier maître d’ouvrage ;

- enfin, la banque garante qui souscrit la garantie.

Le contrat de garantie autonome est conclu alors entre le bénéficiaire et la banque


garante241 et fait naître à la charge de celle-ci, l’obligation de payer au créancier (ici le maître
d’ouvrage), devenu bénéficiaire, une somme d’argent en règlement d’une créance
contractuelle que détient ce bénéficiaire contre le donneur d’ordre.

213 - La structure quadrangulaire : la contre-garantie autonome - Le schéma triangulaire


peut être renforcé d’une contre-garantie. En effet, la banque garante peut demander à être
garantie à son tour : c’est la contre-garantie. Le donneur d’ordre demande alors à une banque
de conclure un accord avec la banque garante : c’est la contre-garantie autonome. Dans ce cas,
deux contrats de garantie sont émis : une première garantie autonome profite directement au
maître d’ouvrage, bénéficiaire final, et l’autre, tout aussi autonome, appelée contre-garantie,
bénéficie à la banque garante dite « garant de premier rang ». La contre-garantie est
indépendante tant du contrat de base que de la garantie de premier rang.

B– Une garantie multiforme

214 – Finalité de la garantie - La garantie a pour but d’éviter au maître d’ouvrage d’aller en
justice pour voir son contrat exécuté. Il est plus simple de sécuriser la relation en demandant à
l’entreprise la fourniture d’un engagement bancaire de verser une somme déterminée. La
garantie a donc une double finalité : contraindre l’entrepreneur à bien exécuter son contrat,
sous peine de voir la garantie activée et aussi permettre au maître d’ouvrage de bénéficier
d’une source certaine d’indemnisation, même si le montant de la garantie ne couvre jamais
l’intégralité du marché.

215 – Variété des garanties autonomes - On rencontre les garanties autonomes aussi bien
dans la phase précontractuelle que contractuelle ou post-contractuelle. Les garanties les plus
utilisées sont : la garantie de soumission, la garantie de restitution d’acompte et la garantie de
bonne fin. Mais il y a également la garantie de paiement des droits de douane et la garantie de
découvert local.

216 - Garantie de soumission (« bid bond guarantee») - La fourniture d’une garantie


autonome est souvent l’une des conditions imposées à une entreprise qui veut soumissionner à

241
En pratique, le donneur d’ordre interviendra aussi au contrat de garantie autonome.
123
un appel d’offres. La garantie a pour but de garantir le bénéficiaire contre le risque de rupture
brutale des pourparlers par le soumissionnaire. « Généralement d’un montant égal de 5% à
10% du marché, elle garantit le bénéficiaire contre le risque de refus de signature du contrat
et expire avec celle-ci242 ».

217 - Garantie de restitution d’acompte (« advance payement guarantee ») - Elle garantit


la restitution, par le soumissionnaire choisi, des acomptes éventuellement versés en cas
d’inexécution ou d’exécution partielle du marché. Dans cette hypothèse, le maître d’ouvrage
ou l’acheteur veut avoir la certitude qu’il pourra récupérer l’acompte qu’il a versé. La garantie
de restitution d’acompte est « généralement d’un montant variant entre 10% et 20% des
sommes avancées par le bénéficiaire ; elle en garantit le remboursement et prend fin au fur et
à mesure que les acomptes sont utilisés pour l’exécution du contrat. La garantie est alors dite
« glissante » ou « réductible »243 ».

218 - Garantie de bonne fin (« performance bond guarantee»)- Cette garantie autonome
garantit le bénéficiaire contre les risques de mauvaise exécution, d’exécution tardive ou
d’inexécution du marché par le soumissionnaire. Elle est « généralement d’un montant
représentant une fraction du marché, compris entre 5% à 20% de celui-ci244 ».

219 - Garantie de paiement des droits de douane - Lorsque le matériel est acheminé par un
entrepreneur étranger dans le pays où le marché doit être exécuté, il bénéficie, sur le plan
douanier, du régime de l’admission temporaire. En conséquence, l’importation de ce matériel
ne donne pas lieu à perception de droit de douanes sous la condition d’une réexportation à une
date définie. L’administration des douanes peut exiger d’une banque du pays de
l’entrepreneur qu’elle s’engage à payer les droits de douane si le matériel n’est pas réexporté à
la date convenue.

220- Garantie de découvert local - Dans ce cas, une banque du pays où le contrat sera
exécuté consent des découverts à l’entrepreneur étranger pour la réalisation de travaux et la
banque du lieu de résidence de l’entrepreneur garantit le remboursement de ces découverts.

§2 – La notion de garantie autonome

242
ALBIGES (C.), DUMONT-LEFRAND (M-P), Droit des sûretés, Dalloz, 2e éd., Collection Hyper Cours,
Cours et Travaux dirigés, 2009, n° 232, p. 149.
243
Ibidem.

244
Ibidem.
124
221- Plan - La définition de la garantie et la contre-garantie autonomes (A) précédera l’étude
de la distinction de cette notion d’avec certains mécanismes proches (B).

A – La définition de la garantie et contre-garantie autonomes

222 – Définition légale – Portée de la définition - Il importe de livrer la définition légale de


la garantie et contre-garantie autonomes et d’en préciser la portée.

223 - Définition légale - La garantie autonome est un type de crédit par signature : le garant
prête son crédit au débiteur en acceptant de payer une somme d’argent à son créancier, le
bénéficiaire de la garantie, à charge pour le débiteur de lui rembourser cette somme. L’AUS la
définit dans son art. 39. Aux termes de cette disposition : « La garantie autonome est
l’engagement par lequel le garant s’oblige, en considération d’une obligation souscrite par le
donneur d’ordre et sur instructions de ce donneur d’ordre, à payer une somme déterminée au
bénéficiaire, soit sur première demande de la part de ce dernier, soit selon des modalités
convenues.

La contre-garantie autonome est l’engagement par lequel le contre-garant s’oblige,


en considération d’une obligation souscrite par le donneur d’ordre et sur instructions de ce
donneur d’ordre, à payer une somme déterminée au garant, soit sur première demande de la
part de ce dernier, soit selon des modalités convenues ».

224 – Eléments essentiels de la garantie - La définition met en relief les trois éléments
essentiels de la garantie autonome : un engagement de payer une somme d’argent, un
engagement de payer autonome et un engagement de payer pris en considération de
l’obligation souscrite par le donneur d’ordre et sur instructions de ce dernier.

225 - Un engagement de payer une somme d’argent - Le garant s’engage à payer une
somme d’argent d’un montant déterminé au bénéficiaire ; cette somme peut être inférieure,
égale ou supérieure à celle due par le donneur d’ordre au titre du contrat de base. Mais il ne
s’agit pas de la propre dette du débiteur mais de la dette personnelle du garant. Ainsi, le garant
ne s’engage pas à payer la dette d’autrui en se substituant à lui, mais bien à régler la sienne
propre. Ce qui est une différence fondamentale avec le cautionnement où la caution paye la
dette du débiteur principal. Ici, le garant paye sa propre dette ; il exécute son propre
engagement.

125
226 - Un engagement de payer autonome- Le caractère autonome résulte de l’objet même
de l’engagement du garant : le paiement d’une somme d’argent, généralement à première
demande. Il est également expressément précisé dans l’al. 2 de l’art. 40 AUS 245. Ainsi, le
garant contracte un engament personnel, nouveau et distinct du contrat de base.

227 – Un engagement souscrit en considération de l’obligation du donneur d’ordre et sur


instructions de celui-ci – De la définition fournie par l’article 39 AUS, il ressort que
l’engagement du garant ou du contre-garant a été pris « en considération d’une obligation
souscrite par le donneur d’ordre et sur instructions de ce donneur d’ordre ».

L’obligation dont il s’agit est le contrat de marché c’est-à-dire l’obligation du donneur


d’ordre envers le bénéficiaire. Cette obligation est encore appelée contrat de base. Ainsi,
autant dans la garantie autonome que dans la contre-garantie autonome, le garant ou le contre-
garant s’engage « en considération » du contrat de base. Cela signifie que le contrat de base
est la raison de l’engagement du garant ou du contre-garant. Plus précisément, elle en est la
cause.

Par ailleurs, avant de s’engager envers le bénéficiaire ou envers le garant, le garant et


le contre-garant reçoivent « des instructions du donneur d’ordre246 ». La loi reste muette sur la
nature de ces instructions. Il reste pourtant clair que ces instructions sont fournies dans le
cadre d’un contrat qui lie, dans le cadre de la garantie autonome, le donneur d’ordre au garant
et, dans le cadre de la contre-garantie autonome, le donneur d’ordre au contre-garant.
Toutefois, ce contrat qui lie le donneur d’ordre au garant ou le donneur d’ordre au contre-
garant n’est ni la garantie autonome ni la contre-garantie autonome. Il peut être analysé
comme un contrat d’ouverture de crédit, la garantie autonome ou la contre-garantie autonome
étant un type de crédit par signature. On peut encore le nommer le contrat d’ordre ou rapport
d’ordre.

228 - Portée de la définition légale - Contrairement à l’acte uniforme de 1998 qui définissait
la garantie autonome comme une convention, celui de 2011 la conçoit comme un

245
Aux termes de l’art. 40 al. 2 AUS : « Elles (les garantie et contre-garantie autonomes) créent des engagements
autonomes, distincts des conventions, actes et faits susceptibles d’en constituer la base ».
246
Cette nécessité des instructions du donneur d’ordre établit une distinction entre le cautionnement et la garantie
autonome. En effet, il est constant que dans le cadre du cautionnement, la caution peut s’engager envers le
créancier, de sa propre initiative, « sans ordre du débiteur » (art. 13 al. 2 AUS). Cela n’est pas possible dans la
garantie autonome où le garant ne s’engage qu’après avoir reçu, nécessairement, les instructions du donneur
d’ordre.
126
« engagement du garant ». Quelle est alors la nature juridique de la garantie autonome ? Est-
ce un contrat ou un engagement unilatéral247 ?

Il semble qu’en qualifiant la garantie autonome et la contre-garantie autonome d’


« engagement », les rédacteurs du nouvel acte uniforme aient voulu les considérer comme un
engagement unilatéral du garant envers le bénéficiaire ou du contre-garant envers le garant.
« L’intérêt d’une telle qualification serait de pouvoir considérer que la garantie existe même
sans l’accord du bénéficiaire248 ».

Il convient toutefois d’être prudent en la matière d’autant plus que l’acte uniforme
exige que la garantie autonome porte le nom du bénéficiaire et, probablement, sa signature.
Nous pensons donc que la nature contractuelle de la garantie ou de la contre-garantie
autonome doit être maintenue249.

B- La distinction de la garantie autonome d’avec certains mécanismes proches

229 – Plan - Il s’agit, ici, de mettre en relief la spécificité de la garantie autonome en la


distinguant de mécanismes voisins tels que le cautionnement, la délégation imparfaite ou le
crédit documentaire.

230 – Distinction entre la garantie autonome et le cautionnement - En théorie, garantie


autonome et cautionnement sont deux mécanismes distincts : le cautionnement est un contrat
accessoire tandis que la garantie autonome ne l’est pas. En pratique, de nombreuses difficultés
de qualification n’ont pas manqué de survenir. En effet, les dangers de la garantie autonome
ont incité les garants à tenter de démontrer qu’ils étaient de simples cautions quand les
créanciers essayaient de prouver qu’ils bénéficiaient d’engagements indépendants.

La jurisprudence a eu à affiner la distinction en précisant utilement les termes


révélateurs de l’autonomie de la garantie par opposition à ceux ne permettant pas d’exclure
cette autonomie.

247
Ces réflexions, formulées à propos de la garantie autonome, peuvent être étendues à la contre-garantie
autonome.
248
CROCQ (P.) et alii, « Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés, La réforme du droit des
sûretés de l’OHADA », Ed. Lamy, 2012, n° 144, p. 112.
249
Dans ce sens, v. ISSA-SAYEGH (J.), Commentaires sur garantie et contre-garantie autonomes, op.cit., p. 900
où le professeur précise que la garantie et contre-garantie autonomes ont « un caractère contractuel bilatéral,
voire trilatéral ».
127
Les éléments essentiels de la distinction sont, notamment : l’objet des deux
mécanismes et l’inopposabilité des exceptions.

231– Premier élément essentiel de la distinction : l’objet – Le premier élément de


distinction entre la garantie autonome et le cautionnement réside dans l’objet de ces
mécanismes. En effet, l’objet de l’obligation du garant est de payer une somme d’argent
tandis que l’objet de l’obligation de la caution est d’exécuter celle du débiteur principal.
Ainsi, le garant s’engage à verser une « somme d’argent » au créancier alors que la caution
s’engage à se substituer au débiteur principal, à le remplacer dans l’exécution de son
obligation s’il est défaillant.

Il apparaît ainsi que l’engagement du garant est indépendant de celui du donneur


d’ordre et il ne doit pas être fixé en suivant les modalités d’exécution du contrat de base.
Ainsi, il a été jugé « qu’un engagement ne peut être qualifié de garantie autonome que s’il
n’implique pas une appréciation des modalités d’exécution du contrat de base pour
l’évaluation des montants garantis ou pour la détermination des durées de validité et s’il
comporte une stipulation de l’inopposabilité des exceptions250 ».

Il en résulte que l’engagement du garant ne doit pas être déterminé par la dette
principale mais par les seuls termes de l’engagement accepté tant au regard du montant que de
la durée de validité de l’engagement.

Jugé aussi que la qualification de « garantie autonome » sera écartée dès lors que « le
garant s’engage à payer les sommes dues par le débiteur principal 251 ». En effet, le garant ne
s’engage pas à payer les sommes dues par le débiteur ; il s’oblige à payer sa propre dette si le
débiteur n’exécute pas bien son engagement.

En somme, l’objet de l’engagement du garant est différent de celui de la caution : alors


que celle-ci s’engage à se substituer au débiteur principal défaillant en exécutant l’obligation
qu’il aurait dû accomplir et qu’il n’a pas accompli, celui-là ne s’engage qu’à payer une
somme déterminée lorsque le donneur d’ordre n’accomplit pas ou accomplit imparfaitement
son obligation.

232 – Deuxième élément de la distinction : l’inopposabilité des exceptions – Dans le cadre


d’un cautionnement, la caution peut opposer au créancier les exceptions inhérentes à la dette
250
Voir, en droit français, Cass. com. 27 juin 2000.

251
Voir, en droit français, Cass. Civ. 1ère, 23 févr. 1999, JCP 1999.II.10189.
128
que le débiteur principal pouvait opposer audit créancier252. En revanche, dans la garantie
autonome, le garant ne peut opposer au créancier les exceptions que le donneur d’ordre
pouvait opposer à ce dernier. Ainsi, selon l’article 41 AUS, les garantie et contre-garantie
autonomes doivent être constatées par un écrit mentionnant, à peine de nullité, entre autres
mentions : « l’impossibilité pour le garant ou le contre-garant de bénéficier des exceptions de
la caution ». Il en résulte donc que l’acte de garantie doit stipuler l’inopposabilité des
exceptions253.

A côté de ces deux éléments de distinction qui sont essentiels, il en existe d’autres qui
ne le sont pas.

233 – Les éléments de distinction non essentiels : l’intitulé et la référence au contrat de


base – L’intitulé d’une convention n’est pas un élément essentiel pour distinguer un
cautionnement d’une garantie ou d’une contre-garantie autonome. L’intitulé n’est pas
essentiel car il ne lie pas le juge qui va, pour qualifier un contrat, analyser plutôt son contenu.

Ainsi jugé que ce n’est pas parce que l’acte de garantie s’intitule « cautionnement »
qu’il ne s’agit pas d’une garantie autonome254. Pareillement, l’acte intitulé « cautionnement à
première demande » a été qualifiée de garantie autonome255. Dans cet arrêt de la Cour d’appel
d’Abidjan256, il a été jugé qu’un engagement appelé « caution de paiement à fournisseur » par
lequel une banque s’est portée caution et s’est engagée à payer une somme d’argent à
première demande écrite à concurrence de son cautionnement contre remise, par le

252
En effet, aux termes de l’art. 29 de l’AUS : « Toute caution ou tout certificateur de caution peut opposer au
créancier les exceptions inhérentes à la dette qui appartiennent au débiteur principal et tendent à réduire, éteindre
ou différer la dette sous réserve des dispositions des articles 17 et 23, alinéas 3 et 4 du présent Acte uniforme et
des dispositions particulières de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du
passif ».
253
Si la mention de l’inopposabilité des exceptions, qui est la principale conséquence de l’autonomie de la
garantie est nécessaire, elle n’est toutefois pas suffisante pour établir la distinction entre le cautionnement et la
garantie autonomie. En effet, si l’inopposabilité des exceptions est d’ordre public dans le cas de la garantie
autonome, l’opposabilité des exceptions dans le cadre du cautionnement n’est pas d’ordre public, l’article 29
AUS utilisant l’expression « peut ». Il en résulte qu’une caution peut renoncer à se prévaloir des exceptions du
débiteur principal sans que cette inopposabilité affecte la nature juridique du cautionnement qui demeurera donc
un cautionnement.
254
Voir, en droit français, Cass. Com, 17 oct. 1984, Bull. civ. IV, n° 265.

255
Cour d’appel d’Abidjan, arrêt n° 184 du 21 février 2003, SIB c/ Société CORECA, Ohada.com, Ohadata J-03-
230.
256
Voir note immédiatement précédente.
129
bénéficiaire, d’une lettre spécifiant que le débiteur n’a pas respecté son engagement, est une
lettre de garantie257. Un tel acte qui ne comporte cependant pas l’intitulé « lettre de garantie »
doit être déclaré nul pour non-respect des dispositions de l’acte uniforme sur les sûretés258.

Deuxièmement, la référence au contrat de base n’exclut pas l’existence d’une garantie


autonome. En effet, faire référence au contrat de base, c’est seulement mentionner la cause de
l’engagement du garant ou du contre-garant.

234 – Distinction de la garantie autonome et de la délégation imparfaite - L’art. 1275


c.civ définit la délégation comme l’opération « par laquelle un débiteur donne au créancier
un autre débiteur qui s’oblige envers le créancier ».

Quand la délégation est imparfaite, c’est-à-dire quand elle s’opère sans novation, le
délégant reste tenu à l’égard du délégataire. Pour ce dernier, la délégation est une garantie
puisque le délégataire dispose de deux patrimoines : celui du délégant et celui du délégué
contre lequel il pourra exercer ses recours en cas de défaillance du délégant. En effet, une fois
qu’il a accepté la délégation, le délégué est tenu d’une obligation personnelle et autonome
envers le délégataire. Il s’ensuit qu’il ne peut opposer au délégataire ni les exceptions nées de
ses rapports avec le délégant, ni celles que le délégant pourrait opposer au délégataire. Ce
mécanisme rapproche la délégation imparfaite de la garantie autonome.

Cependant, deux éléments distinguent la délégation imparfaite de la garantie


autonome. D’abord, l’effet de garantie de la délégation imparfaite n’est qu’incident alors qu’il
est pleinement recherché dans la garantie autonome. Ensuite, au regard de l’origine des
mécanismes, si le délégué accepte la délégation, c’est en général parce qu’il est lui-même
débiteur du délégant. Par conséquent, il devra supporter définitivement la charge du paiement
de la créance du délégataire sans possibilité d’agir en remboursement contre le délégant, ce
qui n’est pas le cas dans la garantie autonome.

235 – Distinction de la garantie autonome et du crédit documentaire - Le crédit


documentaire est encore appelé crédit à l’importation. Dans ce cas, le banquier d’un
257
La garantie autonome s’appelait, sous l’empire de l’AUS de 1998, la lettre de garantie. L’appellation de
garantie autonome a remplacé celle de lettre de garantie.
258
Concernant cet arrêt, il nous plaît de mentionner la critique lumineuse de M. ISSA-SAYEGH. Il écrit, en
effet, que « cette décision est critiquable en ce sens qu’elle dénie toute valeur juridique à cet acte sans
s’interroger sur le point de savoir si ses autres éléments constitutifs ne permettaient pas de la (sic) qualifier en
un autre acte juridique : cautionnement, promesse de porte-fort, lettre de confort… », commentaires sous l’art.
41 AUS, in OHADA, Traités et actes uniformes commentés et annotés, éd. Juriscope, 2014, p. 881.
130
importateur lui ouvre un crédit qu’il promet de verser à l’exportateur en règlement du prix
d’un marché, l’ouverture du crédit étant subordonnée à la présentation de documents
convenus à l’avance et établissant la correcte exécution du marché. Lorsque le crédit est
stipulé irrévocable, la promesse du banquier crée au profit du bénéficiaire un engagement
ferme et direct. Par conséquent, la situation du banquier est comparable à celle du garant
autonome – documentaire.

Seulement, la différence entre le crédit documentaire et la garantie autonome est


fondamentale. En effet, alors que le crédit documentaire est un véritable crédit, la garantie
autonome est, avant tout une sûreté. Dans le premier cas, les sommes ont vocation à être
versées, alors que dans le second leur versement n’est envisagé qu’en cas de difficultés dans
la réalisation de l’opération qu’elle vient sécuriser. C’est la différence entre un véritable crédit
et un simple crédit par signature.

SECTION 2 : LES CONDITIONS DE FORMATION DE LA GARANTIE


ET DE LA CONTRE-GARANTIE AUTONOMES

236 - Plan - L’étude des conditions de formation de la garantie et de la contre-garantie


autonomes exige, d’une part, l’étude des conditions de fond (§1) et, d’autre part, celle des
conditions de forme (§ 2).

§1 – Les conditions de fond

237 – Quatre conditions de fond - Les conditions de fond sont celles du droit commun des
contrats posées par l’art. 1108 c.civ. : consentement, capacité, objet et cause qu’il importe
d’analyser respectivement.

A – Le consentement

238 – Consentement - La nécessité du consentement exige que les parties au mécanisme de


la garantie ou de la contre-garantie autonome expriment leur volonté d’être liée. Cela est
manifeste à travers la définition de la garantie et contre-garantie autonomes livrée par l’article
39 AUS259.
259
Aux termes de l’art. 39 AUS : « La garantie autonome est l’engagement par lequel le garant s’oblige, en
considération d’une obligation souscrite par le donneur d’ordre et sur instructions de ce donneur d’ordre, à
payer une somme déterminée au bénéficiaire, soit sur première demande de la part de ce dernier, soit selon des
modalités convenues (al. 1er). La contre-garantie autonome est l’engagement par lequel le contre-garant
s’oblige, en considération d’une obligation souscrite par le donneur d’ordre et sur instructions de ce donneur
d’ordre, à payer une somme déterminée au garant, soit sur première demande de la part de ce dernier, soit
131
La garantie autonome est un contrat conclu entre le bénéficiaire et le garant260 et fait
naître, à la charge de celui-ci, l’obligation de payer une certaine somme d’argent au créancier
bénéficiaire. La convention entre le donneur d’ordre et le garant pouvant être appréhendé
comme une ouverture de crédit. De même, la contre-garantie autonome est le contrat conclu
entre le garant et le contre-garant par lequel ce dernier s’engage à payer une somme
déterminée au garant.

239 - Plan - Le consentement des parties doit exister et être exempt de vices.

240 - Existence du consentement - En premier lieu, il faut qu’il existe un consentement, ce


qui suppose une offre acceptée. En l’occurrence, l’offre est faite par le garant et l’acceptation
émane du bénéficiaire. Dans le cadre de la contre-garantie, l’offre émane du contre-garant et
l’acceptation, du garant.

Le consentement des parties doit être expressément donné. En effet, il ressort de l’art.
41 al. 1 AUS que : « Les garantie et contre-garantie autonomes ne se présument pas ». On en
déduit donc que la garantie autonome et la contre-garantie autonome ne peuvent résulter d’un
engagement tacite.

241– Exigence spécifique à la garantie et à la contre-garantie autonomes : exclusion des


personnes physiques - L’acte uniforme exclut les personnes physiques parmi celles qui
souscrivent la garantie ou la contre-garantie autonomes261. Sont considérées comme
« souscrivant » la garantie ou la contre-garantie, les personnes qui ont la qualité de
« débitrices » dans ce contrat. Donc, ne peuvent être des personnes physiques : le donneur
d’ordre, le garant et le contre-garant. Par contre, le créancier bénéficiaire peut être une
personne physique. Cette exclusion s’expliquerait par la protection des personnes physiques
car les garantie et contre-garantie autonomes sont des contrats brassant d’importantes sommes
d’argent. On exclut donc les personnes physiques des souscripteurs afin de protéger leur
patrimoine.

242 - Consentement exempt de vices - En second lieu, le consentement doit être exempt de
vices (erreur, dol, violence). Il est difficile d’imaginer une violence physique exercée sur le
selon des modalités convenues (al. 2) ».
260
Mais le donneur d’ordre intervient très souvent au moment de la formation de la garantie autonome. Il peut
donc être considéré comme partie au contrat de garantie autonome.
261
En effet, aux termes de l’art. 40 al. 1 er AUS : « Les garantie et contre-garantie autonomes ne peuvent être
souscrites par les personnes physiques sous peine de nullité ».
132
garant. Toutefois, une violence morale, par le biais d’une contrainte, peut être invoquée par le
garant pour demander la nullité de son engagement. Cette violence morale peut provenir de
toute personne, notamment du donneur d’ordre, sur les instructions duquel le garant et le
contre-garant s’engagent.

Quant à l’erreur, elle peut être invoquée quant à la nature de l’engagement souscrit 262.
En revanche, l’erreur sur la solvabilité du donneur d’ordre ou du garant de premier rang ne
peut être invoquée en raison de l’indépendance de l’engagement du garant ou du contre-
garant. La cause la plus plausible d’annulation de la garantie est donc le dol, à condition qu’il
émane du cocontractant du garant, c’est-à-dire du bénéficiaire. Ainsi, un dol provenant du
donneur d’ordre ne devrait pas entraîner la nullité de la garantie ou de la contre-garantie
autonomes.

B – La capacité et le pouvoir

243 – Capacité - La garantie autonome étant un engagement de payer une somme d’argent,
on exige donc que le garant soit en mesure d’engager son patrimoine 263. La capacité requise
du garant est donc celle d’une personne qui soit en mesure d’engager son patrimoine. Il faut
rappeler ici que le garant est nécessairement une personne morale qui sera représentée par une
personne physique ; cette dernière doit avoir le pouvoir de représenter la personne morale.

244 – Pouvoir – Pour ce qui est du pouvoir, le garant ou le contre-garant ne peut invoquer le
défaut de pouvoir du représentant de la personne morale donneur d’ordre pour faire annuler la
garantie autonome. Cette solution s’explique par l’autonomie de la garantie ou de la contre-
garantie par rapport au contrat de base.

245 – Engagements pris au nom d’une société commerciale - En ce qui concerne les
engagements pris au nom d’une société commerciale, les distinctions opérées au niveau du
cautionnement s’appliquent mutatis mutandis à la garantie et contre-garantie autonomes.

Ainsi, pour qu’une SA avec conseil d’administration puisse garantir les dettes d’un
tiers, il est nécessaire d’obtenir, au préalable, l’autorisation du conseil d’administration selon
l’art. 449 al. 1er AUSCGIE : « Les cautionnements, avals, garanties autonomes, contre-
garanties autonomes et autres garanties souscrits par des sociétés autres que celles
262
On peut penser à l’hypothèse de l’engagement d’une personne qui, pensant souscrire un cautionnement, se
voit impliquer dans une véritable garantie autonome.
263
Cette exigence est applicable au contre-garant dans l’hypothèse d’une contre-garantie autonome.
133
exploitant des établissements de crédit, de microfinance ou d’assurance caution dûment
agréés et pour des engagements pris par des tiers font l’objet d’une autorisation préalable du
conseil d’administration »264 .

Dans l’hypothèse où c’est une SA avec administrateur général qui veut garantir ou
contre-garantir les dettes d’un donneur d’ordre, tiers à la société, il faut obtenir,
préalablement, l’autorisation de l’assemblée générale ordinaire conformément aux
dispositions de l’art. 506 al. 1er du même acte uniforme : « Les cautionnements, avals,
garanties autonomes, contre-garanties autonomes et autres garanties donnés dans des
sociétés autres que celles exploitant des établissements de crédit, de microfinance ou
d’assurance caution dûment agréés, par l’administrateur général ou par l’administrateur
général adjoint ne sont opposables à la société que s’ils ont été autorisés préalablement par
l’assemblée générale ordinaire, soit d’une manière générale, soit d’une manière spéciale ».

Il faut toutefois relever que les garantie et contre-garantie autonomes souscrites par
des entreprises qui ont pour activité habituelle d’octroyer des crédits (banques, établissements
financiers etc.) ne sont pas soumises à cette exigence d’une autorisation préalable. Il faut donc
en conclure que les banques et établissements financiers peuvent se porter garantes ou contre-
garantes sans besoin d’une autorisation préalable. Il s’agit d’une exception au principe de
l’exigence d’une autorisation préalable qui s’explique, par le fait que, pour ces établissements
de crédit, l’octroi de crédit est une activité habituelle qui n’a donc pas besoin d’être
spécialement autorisée. Or, ne l’oublions pas, la garantie autonome et contre-garantie
autonome s’analysent comme un crédit par signature.

246 – Mandat de se porter caution - En ce qui concerne le mandat de se porter garant, il faut
un mandat spécial conformément aux dispositions des art. 1988 et s. du code civil.

C – L’objet de la garantie et de la contre-garantie autonomes

247 – Obligation monétaire - Par la garantie ou la contre-garantie, le garant ou le contre-


garant, respectivement, s’engage à payer une « somme déterminée au bénéficiaire » ou au
« garant » soit sur première demande soit selon des modalités convenues.

Ainsi, alors que dans le contrat de cautionnement, l’objet de l’obligation de la caution


n’est autre que la dette du débiteur principal, l’objet de la garantie autonome est le versement
d’une somme d’argent indépendante du contrat de base. Autrement dit, l’objet de
264
La même solution s’applique lorsqu’il s’agit d’une contre-garantie autonome.
134
l’engagement du garant ou du contre-garant c’est de payer une somme d’argent à titre
d’indemnité si le donneur d’ordre exécute mal son obligation. Le garant ou le contre-garant ne
s’engage pas à se substituer au donneur d’ordre comme la caution qui s’engage à se substituer
au débiteur principal. On dit ainsi que le garant ou le contre-garant a une dette propre : celle
de payer une somme d’argent à titre d’indemnité alors que la caution n’a pas de dette propre
car elle paye celle du débiteur principal en cas de défaillance de ce dernier.

En somme, alors que l’objet de l’obligation de la caution est le même que celle du
débiteur principal, l’objet de l’obligation du garant ou du contre-garant est différente de celle
du donneur d’ordre. En effet, le donneur d’ordre est tenu d’une obligation de faire alors que le
garant ou le contre-garant est tenu d’une obligation monétaire. Au demeurant, même dans
l’hypothèse où le donneur d’ordre est tenu d’une obligation monétaire, l’obligation monétaire
du garant n’est pas la même que celle du donneur d’ordre. En effet, le garant a une obligation
personnelle. Il n’exécute pas l’obligation du donneur d’ordre mais la sienne propre.

248 – Objet déterminé - L’objet de l’obligation du garant ou du contre-garant doit être


déterminé. Cette exigence de la détermination du montant de la garantie et de la contre-
garantie autonomes résulte des articles 39265 et 41 AUS. Ainsi, aux termes de l’al. 1er de l’art.
41 : « Les garantie et contre-garantie autonomes ne se présument pas. Elles doivent être
constatées par un écrit mentionnant, à peine de nullité :

- le montant maximum de la garantie ou de la contre-garantie autonome »

L’écrit doit donc contenir le montant maximum de la garantie ou de la contre-garantie


autonomes. En outre, une précision a été fournie par l’al. 2 de l’art. 44 AUS en ce qui
concerne les garanties et contre-garanties « glissantes » ou « réductibles ». Cette disposition
prévoit que : « Les garantie et contre-garantie autonomes peuvent stipuler que le montant de
l’engagement sera réduit d’un montant déterminé ou déterminable à des dates précisées ou
contre présentation au garant ou au contre-garant de documents indiqués à cette fin dans
l’engagement ».

249 – Objet licite et moral - De plus, l’objet doit être licite et moral. Ici, on peut appliquer
pareillement les solutions retenues en matière de cautionnement. Il faut toutefois relever que,
dans l’hypothèse d’une garantie ou d’une contre-garantie autonomes, cette exigence de licéité

265
De l’art. 39 AUS, il ressort explicitement que le garant s’engage à payer « une somme déterminée » au
bénéficiaire. Pareillement, le contre-garant s’oblige à payer « une somme déterminée » au garant.
135
et de moralité semble facilement remplie dans la mesure où l’objet de l’engagement du garant
ou du contre-garant est le paiement d’une somme d’argent.

En ce qui concerne l’étendue de l’objet de l’obligation du garant ou du contre-garant,


l’art. 44 alinéa 1er dispose que : « Le garant et le contre-garant ne sont obligés qu’à
concurrence de la somme stipulée dans la garantie ou la contre-garantie autonome sous
déduction des paiements antérieurs faits respectivement par le garant ou le contre-garant
conformément aux termes de leur engagement ».

L’article 44, alinéa 2 AUS met en relief l’hypothèse de la garantie glissante ou


réductible. N’oublions pas que le garant ou le contre-garant s’est engagé à payer une somme
déterminée « à première demande ou selon des modalités convenues ». Eh bien, la garantie
glissante ou réductible est une modalité de paiement que les parties peuvent prévoir dans leur
convention. Par cette modalité, le garant ou le contre-garant se libère de son engagement, non
en une fois à l’échéance de la garantie, mais à intervalles réguliers et sur, présentation, par le
garant ou le contre-garant, des documents prévus à cet effet. Dans cette hypothèse, le montant
du paiement final à l’échéance de la garantie ou de la contre-garantie sera calculé en déduisant
les paiements antérieurs faits par le garant ou le contre-garant.

D – La cause de la garantie et de la contre-garantie autonomes

250 – La controverse autour de la notion de cause - La cause de la garantie autonome a été


un point controversé. La doctrine s’est divisée en deux : pour une partie, la garantie autonome
est un acte abstrait, c’est-à-dire qu’au regard de la rapidité et sécurité des affaires, il ne fallait
pas tenir compte de la cause de l’acte dans un but de protection du créancier. La garantie
autonome serait donc abstraite de sa cause, celle-ci n’étant pas une condition de validité de
celle-là.

Une autre partie de la doctrine estime cependant que la garantie autonome a une cause.
Mais au moment d’identifier cette cause, cette doctrine se scinde en deux. D’une part, celle
qui recherche la cause dans les rapports du garant et du donneur d’ordre et, d’autre part, celle
qui la trouve dans la relation donneur d’ordre -bénéficiaire. Pour la première, le garant
s’engagerait en considération du recours en paiement dont il dispose contre le donneur d’ordre
ainsi que de la rémunération que celui-ci lui versera sous forme de commission. La seconde
estime que le garant s’engage au regard de l’opération commerciale garantie, c’est-à-dire par
rapport au contrat de base.
136
251 - Solution : cause objective de la garantie – La jurisprudence a opté d’abord pour la
doctrine qui soutient que la garantie et contre-garantie autonomes ont une cause. Ensuite, dans
le débat relatif à l’identification de la cause, elle prend parti pour la doctrine qui trouve la
cause dans le contrat de base. Ainsi, selon la cour de cassation française266 : « l’engagement
d’un garant à première demande est causé, dès lors que le donneur d’ordre a un intérêt
économique à la conclusion du contrat de base… ».

Pour la cour de cassation française donc, la cause objective de la garantie ou de la


contre-garantie autonomes est dans l’intérêt économique que le donneur d’ordre trouve dans
la conclusion du contrat de base. C’est dire donc que la cause de l’engagement du garant ou
du contre-garant est le contrat de base, c’est-à-dire l’engagement du donneur d’ordre à l’égard
du bénéficiaire. C’est pour garantir la bonne exécution de cette obligation que le garant ou le
contre-garant s’est engagé.

La solution de la cour de cassation française est également celle de l’acte uniforme sur
les sûretés. En effet, selon l’article 41 AUS, parmi les éléments devant figurer dans l’écrit
constatant la garantie et contre-garantie autonomes, il y a : « la convention de base, l’acte ou
le fait, en considération desquels la garantie ou la contre-garantie autonome est émise ».
Ainsi, la convention de base, l’acte ou le fait, en considération desquels la garantie ou la
contre-garantie autonome est émise est la cause de cette garantie. C’est donc la cause
objective qui est complétée par une cause subjective.

252 – Cause subjective - La cause subjective, instrument de défense de l’ordre public et des
bonnes mœurs, n’est pas absente du régime de la garantie ou de la contre-garantie autonomes.
Ainsi, un contrat de garantie destiné à permettre l’organisation d’un circuit de contrebande ou
l’établissement d’une entreprise de contrefaçon pourrait être annulé pour cause immorale ou
illicite.

§ 2 – Les conditions de forme de la garantie et de la contre-garantie autonomes

253 – Plan - Il faut déterminer les règles de forme stricto sensu (A) et les règles de preuve
(B).

A – Les règles de forme stricto sensu

266
Cass. Com. 19 avril 2005, JCP 2005.II.10075, note S. Piédelièvre.
137
254– Caractère solennel de la garantie et contre-garantie autonomes- Dans l’AUS, la
garantie et la contre-garantie autonome ont un caractère solennel. En effet, ces actes doivent
être passés par écrit et contenir un certain nombre de mentions à peine de nullité
conformément à l’article 41 AUS267.

255- Ecrit, condition de validité - L’écrit est donc voulu comme une condition de validité du
contrat de garantie autonome à la différence du contrat de cautionnement. La garantie
autonome ne peut donc être un contrat verbal.

Si une garantie autonome ne contient pas l’une des mentions exigées par l’article 41,
elle sera nulle. Quelle est alors la nature de cette nullité ? S’agit-il d’une nullité relative ou
absolue ? Sur ce point, des auteurs précisent que : « Sous l’empire de l’AUS de 1997, la
jurisprudence OHADA avait, à diverses reprises, sanctionné de nullité les lettres de garantie
à première demande émises en violation des mentions de l’article 41 précité, sans qu’il ne
soit besoin de faire la preuve d’un quelconque préjudice. Le juge OHADA consacrait ainsi
une nullité absolue du titre de la garantie en cas de non-respect des mentions de l’article 41.
Cette position jurisprudentielle continuera très certainement d’être de mise avec le nouvel
AUS268 ».

La nullité est donc la nullité absolue.

B – Les règles de preuve

256 - Preuve par écrit - La garantie ne peut être prouvée que par l’écrit, ce dernier étant
voulu ad validitatem. Les difficultés de preuve sont ainsi évitées. Le contenu de l’écrit est
précisé par les neuf mentions de l’article 41 AUS. Quelle est l’utilité de ces mentions ?

267
En effet, aux termes de l’article 41 AUS : « Les garantie et contre-garantie autonomes ne se présument pas.
Elles doivent être constatées par un écrit mentionnant, à peine de nullité :
-la dénomination de garantie ou de contre-garantie autonome ;
- le nom du donneur d’ordre ;
- le nom du bénéficiaire ;
- le nom du garant ou du contre-garant ;
- la convention de base, l’acte ou le fait, en considération desquels la garantie ou la contre-garantie autonome
est émise ;
- le montant maximum de la garantie ou de la contre-garantie autonome ;
- la date ou le fait entraînant l’expiration de la garantie ;
- les conditions de la demande de paiement, s’il y a lieu ;
- l’impossibilité, pour le garant ou le contre-garant, de bénéficier des exceptions de la caution ».

268
CROCQ (P.) et alii, op.cit., n° 154, p. 119.
138
La nécessité de ces mentions est utile à plusieurs égards. D’abord, l’indication des noms
du garant, du bénéficiaire et du donneur d’ordre et, éventuellement, du contre-garant, permet
de distinguer les différentes parties au mécanisme de la garantie autonome et de les identifier.

Ensuite, la date d’expiration ou le fait entraînant l’expiration de la garantie est utile pour
contourner la tentation du bénéficiaire de donner un caractère permanent à la garantie.

Enfin, l’indication de la mention relative à l’impossibilité, pour le garant ou le contre-


garant, de bénéficier des exceptions de la caution permet de renforcer la rigueur de la garantie
autonome et de la distinguer du cautionnement.

La garantie et la contre-garantie autonomes n’ont pas besoin d’une publicité particulière


et « prennent effet à la date où elles sont émises sauf stipulation d’une prise d’effet à une date
ultérieure » (art. 43 al. 1 AUS).

SECTION 3 : LES EFFETS DE LA GARANTIE ET DE LA CONTRE-


GARANTIE AUTONOMES

257 – Quatre effets principaux - Les effets principaux des garantie et contre-garantie
autonomes sont : l’autonomie (§1), l’inopposabilité des exceptions (§2), l’incessibilité du
droit à garantie (§3) et l’irrévocabilité de la garantie (§4).

§ 1 – L’autonomie de la garantie et de la contre-garantie autonomes

258 – Plan - L’étude de l’autonomie de la garantie et de la contre-garantie autonomes


nécessite d’affirmer le principe de cette autonomie (A) et d’en voir la portée (B).

A – L’affirmation du principe de l’autonomie

259– Signification du principe de l’autonome - L’autonomie de la garantie et de la contre-


garantie est prévue par l’al. 2 de l’art. 40 AUS qui dispose que : « Elles (les garantie et
contre-garantie autonomes) créent des engagements autonomes, distincts des conventions,
actes et faits susceptibles d’en constituer la base ».

Le principe de l’autonomie signifie que le garant ou le contre-garant contracte un


engagement juridique nouveau dont l’objet est indépendant de celui du contrat de base. En
effet, l’objet de l’obligation du garant n’est pas celui du donneur d’ordre mais bien le
paiement d’une somme d’argent déterminée de manière directe.

139
Ainsi, l’indépendance de l’obligation du garant par rapport à celle du donneur d’ordre
ou l’indépendance de l’obligation du contre-garant par rapport à celle du garant ou du
donneur d’ordre est la pierre angulaire de la notion de garantie autonome. C’est, en effet, cette
autonomie qui permet à la garantie autonome d’être distinguée du cautionnement.

On constate donc que l’autonomie s’oppose à l’accessoriété. Ainsi, affirmer


l’autonomie de l’engagement du garant à l’égard du donneur d’ordre ou de celui du contre-
garant vis-à-vis du garant ou du donneur d’ordre, c’est affirmer, d’une part, que l’engagement
du garant n’est pas accessoire de celui du donneur d’ordre et, d’autre part, que l’engagement
du contre-garant n’est pas accessoire de celui du garant ou du donneur d’ordre.

En conséquence, la validité, la durée, l’étendue des obligations résultant du contrat de


base n’ont aucune incidence sur les obligations souscrites par le garant ou le contre-garant.

B – La portée du principe de l’autonomie

260 - Portée limitée du principe de l’autonomie - La règle de l’autonomie de la garantie ou


de la contre-garantie n’est pas absolue. En effet, cette règle n’a pas pour conséquence de
détacher la garantie de tout lien avec le contrat de base qui est sa cause.

L’acte uniforme admet donc des entorses au principe de l’autonomie. Ainsi la règle de
l’autonomie est écartée en cas de fraude ou abus manifestes dans l’appel à la garantie ou à la
contre-garantie. En outre, le contrat de base étant la cause de la garantie et de la contre-
garantie autonomes, on peut penser que l’illicéité ou l’immoralité de celui-là entraînerait
l’annulation de celles-ci.

§ 2 – L’inopposabilité des exceptions

261 – Plan - Il importe de voir l’affirmation du principe (A) et son étendue (B).

A – Affirmation du principe de l’inopposabilité des exceptions

262 – Elément essentiel de la garantie et contre-garantie autonomes - Selon l’art. 41 AUS,


le contrat doit contenir la mention explicite de « l’impossibilité, pour le garant ou le contre-
garant, de bénéficier des exceptions de la caution » (art. 41 AUS).

Cette affirmation du principe d’inopposabilité des exceptions est l’élément primordial


du régime de la garantie autonome : le garant ne peut opposer aucune exception liée à

140
l’obligation garantie, c’est-à-dire au contrat de base, pour refuser de payer. Pareillement, le
contre-garant ne peut opposer au garant, les exceptions liées à l’obligation garantie.

B – L’étendue du principe de l’inopposabilité des exceptions

263 – Plan - Cette inopposabilité des exceptions se dédouble. Elle concerne, d’une part, le
contrat de base liant le donneur d’ordre au bénéficiaire et, d’autre part, le contrat d’ordre
unissant le garant au donneur d’ordre.

264 - Inopposabilité des exceptions tirées du contrat de base - Le garant ne peut opposer
d’exceptions tirées du contrat de base pour refuser de payer le bénéficiaire. Il en est de même
du contre-garant. Qu’il s’agisse de l’exécution ou de l’inexécution du contrat de base,
l’indépendance de l’engagement du garant lui interdit de s’en prévaloir. Ainsi jugé que le
garant ne pouvait invoquer ni l’exécution du contrat garanti269, ni le fait que son inexécution
serait due à un cas de force majeure ou à une faute du créancier bénéficiaire de la garantie270.

De même, le garant ne saurait arguer de l’extinction de la dette garantie, que ce soit


par compensation, confusion, novation271, par défaut de déclaration de créance dans la
procédure collective du débiteur272, ni de la résiliation ou résolution du contrat de base273.

265- Inopposabilité des exceptions tirées du contrat d’ordre - Par l’effet relatif des
contrats, la règle de l’inopposabilité des exceptions trouve à s’appliquer également à la
relation garant/donneur d’ordre, c’est-à-dire au contrat d’ordre. Il s’ensuit que le garant ne
peut opposer au bénéficiaire des exceptions tirées de cette relation.

Pour conclure sur ce point, l’inopposabilité des exceptions s’applique aussi à la contre-
garantie autonome. Ainsi, le contre-garant ne peut opposer au garant ni les exceptions tirées
du contrat de base, ni celles tirées de la garantie autonome ni celles tirées des rapports qu’il
entretient avec le donneur d’ordre.

§ 3 – L’incessibilité du droit à garantie

269
Com. 21 mai 1985, Bull. civ. IV, n° 160.

270
Com. 17 oct. 1984, Bull.civ, IV, n° 265.

271
Voir, en droit français, Paris, 7 nov. 1983, D. 1984, IR. 205.

272
Com. 30 janv. 2001, Bull. civ. IV, n° 25.

273
Paris, 13 févr. 1987, D. 1987, Som. 172, obs. M. Vasseur.
141
266 – Précisions - Une fois constituée, la garantie autonome est un droit en faveur du
bénéficiaire. La question se pose alors de savoir si un bénéficiaire, qui ne veut pas attendre
l’échéance de la garantie, peut la céder à un tiers en contrepartie du paiement de la somme
prévue.

La réponse à la question est fournie par l’article 42 AUS qui énonce que : « Sauf
clause ou convention contraire expresse, le droit à garantie du bénéficiaire n’est pas cessible.
Toutefois, l’incessibilité du droit à garantie n’affecte pas le droit du bénéficiaire de céder
tout montant auquel il aurait droit à la suite de la présentation d’une demande conforme au
titre de la garantie ».

De cette disposition, il ressort un principe assorti d’un tempérament. Le principe est


l’incessibilité du droit à garantie et le tempérament est la possibilité d’une cession du droit à
garantie.

A – Le principe de l’incessibilité du droit à garantie

267 – Affirmation du principe – L’affirmation du principe résulte de l’art. 42 AUS. Selon


cette disposition, le droit à garantie du bénéficiaire est incessible à un tiers. Cela signifie que
le bénéficiaire, qui ne veut pas attendre l’échéance de la garantie, ne peut céder le droit qu’il a
sur le garant à un tiers. Il est donc obligé d’attendre l’échéance de la garantie autonome. Cette
incessibilité peut s’expliquer doublement. D’une part, elle peut s’expliquer par le caractère
intuitu personae de la garantie autonome. Cet acte lie un créancier déterminé à un garant tout
aussi déterminé. D’autre part, elle s’explique également par l’autonomie de la garantie par
rapport au contrat de base274.

B – L’exception au principe : la possibilité de la cession du droit à garantie

268 – Règle supplétive - Le principe de l’incessibilité du droit à garantie est une règle
supplétive. Il en résulte qu’elle peut donc être aménagée par les parties275.

En conséquence, celles-ci peuvent décider d’une cessibilité du droit à garantie. Elles


doivent, pour ce faire, insérer une clause de cessibilité dans l’acte de garantie autonome ou
alors conclure, postérieurement au contrat de garantie, une convention de cession qui sera

274
Ici, il s’agit du refus de la cessibilité du droit à garantie consécutivement à la cession du contrat de base.

275
L’article 42 AUS dit, en effet, « sauf clause ou convention contraire expresse ».
142
annexée au contrat de garantie. Par ailleurs, le bénéficiaire doit présenter une demande
conforme au titre de la garantie autonome.

§ 4– L’irrévocabilité de la garantie

269 – Précisions - On sait que le garant et le contre-garant s’engagent envers le bénéficiaire


ou envers le garant sur instructions du donneur d’ordre. La question se pose donc de savoir si
ces instructions peuvent être révoquées, rétractées c’est-à-dire si le donneur d’ordre peut
revenir sur ses ordres une fois qu’il les a données.

Par ailleurs, il importe aussi de savoir si, une fois constituées, les garanties autonomes
ou les contre-garanties autonomes sont révocables. La réponse à ces questions est livrée par
l’art. 43 alinéas 2 et 3 AUS qui distinguent selon que la garantie et la contre-garantie
autonomes sont à durée déterminée (A) ou indéterminée (B).

A - Irrévocabilité de la garantie et de la contre-garantie autonomes à durée déterminée

270 – Réglementation - Aux termes de l’al. 2 de l’art. 43 AUS : « Les instructions du


donneur d’ordre, la garantie et la contre-garantie autonomes sont irrévocables dans le cas
d’une garantie ou d’une contre-garantie autonome à durée déterminée ».

Ainsi si la garantie et la contre-garantie autonomes sont à durée déterminée, le


donneur d’ordre ne peut plus revenir sur ses instructions au garant ou au contre-garant sauf à
engager sa responsabilité. De même, la garantie et la contre-garantie autonomes à durée
déterminée sont irrévocables c’est-à-dire qu’elles ne peuvent prendre fin avant l’arrivée de
l’échéance.

B - Révocabilité de la garantie et de la contre-garantie à durée indéterminée

271 – Réglementation - Selon l’al. 3 de l’art. 43 AUS : « Les garanties ou contre-garanties


autonomes à durée indéterminée peuvent être révoquées par le garant ou le contre-garant
respectivement ».

Ainsi, lorsqu’une garantie autonome est à durée indéterminée, elle peut être révoquée
par le garant. Il en est de même du contre-garant dans l’hypothèse d’une contre-garantie
autonome.

On remarquera que le texte ne reconnaît la faculté de révocation qu’aux seuls


débiteurs : le garant dans la garantie autonome et le contre-garant dans la contre-garantie

143
autonome à l’exclusion des créanciers : le bénéficiaire dans la garantie autonome et le garant
dans la contre-garantie autonome.

Même si le texte ne le dit pas, on suppose que, pour exercer cette faculté de
révocation, le garant ou le contre-garant doit en informer le bénéficiaire ou le garant
respectivement dans le cadre d’un préavis. Plus concrètement, les modalités de la révocation
feront l’objet d’une clause insérée dans le contrat.

Par ailleurs, il faut relever que la révocation concerne les garanties et contre-garanties
autonomes et non les instructions du donneur d’ordre. Il en résulte que, même dans
l’hypothèse d’une garantie ou contre-garantie autonomes à durée indéterminée, les
instructions du donneur d’ordre sont aussi irrévocables.

SECTION 4- L’APPEL À LA GARANTIE ET A LA CONTRE-


GARANTIE AUTONOMES

272 – Précisions - L’appel à la garantie a lieu lorsque le bénéficiaire de la garantie autonome


demande au garant de lui verser la somme convenue. De même, l’appel à la contre-garantie
consiste, pour le garant, à demander au contre-garant de lui payer la somme convenue. Les
deux appels, qui seront étudiés ensemble, sont encadrés par les articles 45 et 46 AUS. Il
ressort de ces dispositions que ces appels doivent être justifiés (§1) et que le garant et le
contre-garant appelés sont tenues d’obligations préalables au paiement (§2).

§ 1 – La justification de l’appel à la garantie ou à la contre-garantie

273 – Plan - Deux exigences sont prévues par les textes ; d’une part, l’appel doit être
nécessairement fait par écrit (A) et, d’autre part, ses motifs doivent être précisés (B).

A – La nécessité d’un écrit

274 – Un écrit - L’appel à la garantie doit « résulter d’un écrit du bénéficiaire accompagné
de tout autre document prévu dans la garantie » (art. 45 al. 1er AUS).

Quant à l’appel à la contre-garantie, il doit aussi « résulter d’un écrit du garant » (art.
45 al. 2 AUS).

On constate donc que la demande en paiement doit être faite par écrit. La loi est
muette sur la forme de l’écrit. On en déduit que cette forme importe peu. Ce peut donc être
une lettre, un commandement, une sommation, etc. pourvu que cet écrit soit suffisamment
144
clair sur son contenu : on demande soit au garant, soit au contre-garant de payer la somme
qu’il s’est engagé à payer.

Dans l’hypothèse où la garantie autonome ou la contre-garantie autonome est


documentaire, l’écrit doit être accompagné des documents prévus dans la garantie.

B – La précision des motifs de l’appel

275 – Le contenu des motifs de l’appel - Le bénéficiaire doit justifier des motifs de son
appel en indiquant « le manquement reproché au donneur d’ordre dans l’exécution de
l’obligation en considération de laquelle la garantie a été souscrite » (art. 45 al. 1 AUS).

Quand il fait appel au garant, le bénéficiaire doit lui notifier le manquement reproché
au donneur d’ordre. Ce manquement peut être de divers ordres : ce peut être le retard dans la
livraison du marché, ou la mauvaise exécution du marché, etc.

De même, lors de l’appel à la contre-garantie, l’écrit émanant du garant doit


mentionner « que le garant a reçu une demande de paiement émanant du bénéficiaire et
conforme aux stipulations de la garantie » (art. 45 al. 2 AUS). Ici, le motif du garant qui fait
appel au contre-garant est différent de celui du bénéficiaire faisant appel au garant. Le garant
qui fait appel au contre-garant doit simplement notifier à ce dernier qu’il lui fait appel parce
qu’il a lui-même reçu une demande en paiement provenant du bénéficiaire et conforme aux
clauses de la garantie.

En tout état de cause, « toute demande de paiement doit être conforme aux termes de
la garantie ou de la contre-garantie autonome au titre de laquelle elle est effectuée et doit,
sauf clause contraire, être présentée au lieu d’émission de la garantie autonome ou, en cas de
contre-garantie, au lieu d’émission de la contre-garantie autonome » (art. 45 al. 3 AUS).

§ 2 – Les obligations du garant ou du contre-garant appelés

276 – Double obligation - Le garant et le contre-garant doivent exécuter deux types


d’obligations, à savoir, celle d’apprécier la conformité de la demande (A) et celle d’informer
le donneur d’ordre (B).

A – L’obligation d’appréciation de la conformité de la demande en paiement

277 - Conformité de la demande en paiement à la garantie ou à la contre-garantie


autonome- Le garant, dans la garantie autonome et le contre-garant, dans la contre-garantie

145
autonome, doivent procéder à l’examen de « la conformité de la demande en paiement aux
termes de la garantie ou de la contre-garantie autonome276 ».

Il ne s’agit pas de mettre à la charge du garant une obligation de vérification de


l’exécution du contrat de base, le garant étant simplement tenu de s’enquérir de la conformité
des documents au contrat de garantie. Son appréciation est donc limitée à la matérialité des
documents et ne peut pas porter sur la véracité ou le contenu des documents.

Cette obligation à la charge du garant ou du contre-garant doit être accomplie dans le


délai de « cinq jours ouvrés » à partir de la réception de la demande.

B – L’obligation d’information du donneur d’ordre

278 – Contenu de cette information - Après examen de la demande, le garant doit informer
le donneur d’ordre de l’appel en garantie. Cette information se fait par la transmission, par le
garant, d’un certain nombre de documents au donneur d’ordre. En effet, aux termes de l’al. 2
de l’article 46 AUS, « le garant doit transmettre une copie de la demande du bénéficiaire et
tous documents accompagnant celle-ci au donneur d’ordre ou, en cas de contre-garantie, au
contre-garant, à charge pour ce dernier de les transmettre au donneur d’ordre ».

En outre, « le garant doit aviser le donneur d’ordre ou, en cas de contre-garantie, le


contre-garant, qui en avisera le donneur d’ordre, de toute réduction du montant de la
garantie et de tout acte ou événement mettant fin à celle-ci autre qu’une date de fin de
validité » (art. 46 al. 3 AUS).

L’obligation d’information a pour but de permettre au donneur d’ordre de s’entourer


de toutes les garanties possibles et aussi, de préparer éventuellement ses recours. Il semble
que cette obligation d’information est contenue dans le même délai de « cinq jours ouvrés »
prévu par l’al. 1 de l’art. 46 AUS.

SECTION 5 – LE DÉVELOPPEMENT DE LA GARANTIE ET DE LA


CONTRE-GARANTIE AUTONOMES

279 – Plan - Le développement de la garantie nécessite de s’intéresser au paiement du garant


ou du contre-garant (§ 1) et aux recours après paiement (§ 2).

§ 1 – Le paiement du garant

276
Cf. art. 46 al.1 AUS.
146
280 – Plan - Il est utile d’envisager, non seulement l’obligation de payer (A) mais aussi la
possibilité d’un refus de payer (B).

A – L’obligation de payer

281 – Paiement libératoire- L’obligation de payer est l’accomplissement de l’engagement du


garant ou du contre-garant. En effet, le garant s’était engagé à payer une somme déterminée
au bénéficiaire et le contre-garant, une somme déterminée au garant. Toutefois, pour être
libératoire, le paiement doit être fait « conformément aux termes de la garantie ou de la
contre-garantie autonome » (art. 48 AUS).

Ainsi jugé qu’effectuait un mauvais paiement qui l’obligeait à remboursement et à


dommages-intérêts, le garant qui, dès réception de la demande en paiement du bénéficiaire,
remettait les fonds à celui-ci sans transmettre la demande au donneur d’ordre277.

B – Le refus de payer

282 – Deux formes – Le refus de payer peut prendre deux formes : soit le rejet de la demande
de paiement par le garant ou le contre-garant, soit la défense de payer adressée par le donneur
d’ordre au garant ou au contre-garant.

283 - Le rejet de la demande en paiement par le garant ou le contre-garant - Lorsque,


après examen, le garant ou le contre-garant constate l’inconformité de la demande avec les
stipulations de la garantie ou de la contre-garantie, ils peuvent rejeter la demande en paiement
« à condition de notifier au bénéficiaire, ou en cas de contre-garantie, au garant, au plus tard
à l’expiration de ce délai, l’ensemble des irrégularités qui motivent ce rejet » (art. 46 al. 1
AUS). Ce rejet correspond à un refus de payer la somme garantie, du moins tant que les
irrégularités qui motivent le rejet n’auront pas été corrigées.

284 - La défense de payer adressée par le donneur d’ordre au garant et par le contre-
garant au garant - Aux termes de l’art. 47 al. 1 AUS : « le donneur d’ordre ne peut faire
défense de payer au garant que si la demande de paiement du bénéficiaire est manifestement
abusive ou frauduleuse. Le contre-garant dispose à l’encontre du garant de la même faculté
dans les mêmes conditions ».

277
Cour d’appel d’Abidjan, arrêt n° 184 du 21 févr. 2003, SIB c/ Société Coreca, www.ohada.com, Ohadata J-
05-126.
147
Cette défense de payer est restrictivement encadrée par l’AUS. Ainsi, elle n’est
possible qu’en cas de « demande manifestement abusive ou frauduleuse » de la demande en
paiement du bénéficiaire. Il peut être utile de saisir les notions d’abus ou de fraude manifestes.

285 – Abus de droit - Planiol écrivait déjà « là où il y a abus de droit, il n’y a plus de droit ».
Classiquement, l’abus de droit est un détournement du droit de sa finalité supposant
l’existence d’un droit dont le titulaire en fait un usage anormal, créant à autrui un préjudice.
Dans le cas de la garantie autonome, le droit en cause est le contrat de base, l’abus résultant
d’un appel en garantie alors que le donneur d’ordre ne doit plus rien au bénéficiaire, le risque
garanti n’existant plus.

286 – Fraude - Selon la maxime « la fraude corrompt tout » ; elle suppose l’utilisation ou le
détournement d’une règle de droit pour acquérir un droit dont on est normalement privé. La
fraude suppose, par conséquent, des manœuvres de la part du bénéficiaire.

Ainsi, traditionnellement, la fraude se caractérise par l’intention de nuire alors que


l’abus de droit suppose simplement la conscience de causer un préjudice à autrui.

287 – Caractère manifeste de la fraude et de l’abus - On exige que la fraude et l’abus


soient manifestes, c’est-à-dire qu’ils doivent être « irréfutables ». On a parlé de fraude « qui
crève les yeux ».

288 - Hypothèses de fraude - La fraude est reconnue lorsque l’appel a des motifs autres que
ceux qui doivent présider à la mise en jeu de la garantie. Ainsi, en est-il de l’appel fait par le
bénéficiaire pour obtenir une réfaction du prix alors que les marchandises ont été déjà
livrées278. Il y a encore fraude à appeler une garantie après en avoir cédé le bénéfice mais
avant d’avoir signifié cette cession… qui était interdite par la garantie279.

289 - Hypothèses d’abus - Il y a appel manifestement abusif lorsque la garantie est appelée
au titre d’un contrat de base qui n’est pas celui pour lequel elle avait été consentie280 ; il y a
également appel manifestement abusif lorsque l’appelant avait auparavant renoncé à la

278
CA Paris, 18 nov. 1986, SA BFCE c/ SA Thirode, D. 1998.

279
Cass. Com. 6 nov. 1990, Bull. civ. IV, n° 258, D. 1991, jur. P. 109

280
Cass. Com. 18 avril 2000.
148
garantie281. Dans toutes les hypothèses d’abus, les juges se contentent de constater que
l’appelant savait qu’il n’avait aucun droit à la garantie.

Cependant, généralement, dans la jurisprudence, fraude et abus sont assimilés.


L’emploi de la préposition « ou » par l’art. 47 al. 1 AUS manifeste cette option.

290 – Défense de payer au contre-garant - La défense de payer adressée par le donneur


d’ordre au contre-garant : cette défense ne peut prospérer que « si le garant savait ou aurait
dû savoir que la demande de paiement du bénéficiaire avait un caractère manifestement
abusif ou frauduleux » (art. 47 al. 2 AUS).

§ 2 – Les recours après paiement

291 – Plan - Il y a lieu de distinguer les recours du garant et du contre-garant (A) de ceux du
donneur d’ordre et du bénéficiaire (B).

A – Les recours du garant et du contre-garant

292 - Recours contre le donneur d’ordre et contre le bénéficiaire – Les recours du garant
et du contre-garant sont au nombre de deux : les recours contre le donneur d’ordre et les
recours contre le bénéficiaire.

293 - Les recours contre le donneur d’ordre - Aux termes de l’art. 48 AUS : « le garant ou
le contre-garant qui a fait un paiement conformément aux termes de la garantie ou de la
contre-garantie autonome dispose des mêmes recours que la caution contre le donneur
d’ordre ».

L’assimilation faite par ce texte avec les recours de la caution indique que le garant ou
le contre-garant dispose à la fois, d’un recours personnel et d’un recours subrogatoire.
Toutefois, l’exercice de ces recours est soumis au respect de certaines conditions.

294 - Conditions du recours - Le garant ou le contre-garant doit avoir fait un paiement


conforme « aux termes de la garantie ou de la contre-garantie autonome ». Le paiement
conforme aux termes de la garantie ou de la contre-garantie est celui qui est fait par écrit et à
première demande ou selon d’autres modalités convenues. Ce paiement est aussi fait sur
présentation des documents exigés par la garantie autonome.

281
Tb commerce de Paris, 14 déc. 1990, SA Francap Technique c/ Bank of credit and commerce international et
autres, D. 1991, somm. P. 201, obs. Vasseur.
149
295 – Premier type de recours : le recours personnel - Le garant ou le contre-garant
dispose d’un recours personnel contre le donneur d’ordre. En effet, c’est sur l’ordre du
donneur d’ordre que le garant ou le contre-garant s’est engagé à payer une somme déterminée
au bénéficiaire ou au garant en cas de réalisation d’un risque précisé dans le contrat les
unissant. Il est alors admis, qu’au titre de cette relation contractuelle, le garant (ou le contre-
garant) peut se retourner contre son donneur d’ordre en vue de demander le remboursement
des sommes payées au bénéficiaire en principal, intérêts et frais.

296– Deuxième type de recours : le recours subrogatoire - Le garant (ou le contre-garant)


dispose ensuite d’un recours subrogatoire contre son donneur d’ordre. En effet, bien que les
conditions de l’art. 1251.3e du c.civ. ne soient pas réunies, garant et donneur d’ordre n’étant
pas tenus à la même dette, la jurisprudence admet classiquement que « celui qui s’acquitte
d’une dette qui lui est personnelle peut néanmoins prétendre bénéficier de la subrogation s’il
a, par son paiement, libéré envers leur créancier commun ceux sur qui doit peser la charge
définitive de la dette282 ».

A la lumière de cette décision, on peut relever les fondements du recours subrogatoire


reconnu au garant ou au contre-garant. La première exigence est la nécessité d’un créancier
commun ; en l’occurrence, donneur d’ordre et garant ont un créancier commun qui est le
bénéficiaire ; pareillement, contre-garant et donneur d’ordre ont un créancier commun qui est
le garant. La deuxième exigence résulte de la libération de l’un des débiteurs par le paiement
effectué. En l’occurrence, en payant la somme déterminée, le garant a libéré le donneur
d’ordre envers le bénéficiaire ; similairement, le contre-garant, en payant le garant, a libéré le
donneur d’ordre envers ce dernier. La réunion de ces deux conditions fonde le recours
subrogatoire du garant ou du contre-garant envers le donneur d’ordre.

297 – Le recours contre le bénéficiaire - Outre le recours contre le donneur d’ordre, il est
admis que le garant peut agir, selon le droit commun, contre le bénéficiaire qui lui a causé un
préjudice par sa faute dans l’exécution du contrat qui les lie. Il s’agit d’une action en
restitution ou indemnisation des sommes versées au titre d’une mise en jeu injustifiée de la
garantie ou de la contre-garantie.

Ainsi, il est admis que le garant qui paie sa propre dette peut exercer, par l’action
oblique, le recours que le donneur d’ordre négligerait d’exercer. De même, en cas de fraude

282
Civ. 1ère, 23 févr. 1988, Bull. Civ. I, n° 50.
150
ou d’abus manifestes, le garant peut, sur le fondement de l’inexécution du contrat de base,
demander la restitution de ce qu’il a dû verser en exécution de son engagement autonome283.

B – Les recours du donneur d’ordre et du bénéficiaire

298– Recours généralement reconnus - Quoique ces recours ne soient pas expressément
prévus par l’acte uniforme, ils sont généralement reconnus.

299 - Recours du donneur d’ordre - Le donneur d’ordre dispose de recours contre le


bénéficiaire et, éventuellement, contre le garant ou le contre-garant.

300 - Contre le bénéficiaire - Dans la première hypothèse, le donneur d’ordre a un recours


contre le bénéficiaire dès lors que ce dernier aura reçu un paiement indu, le risque couvert
n’étant pas réalisé.

Le fondement de ce recours réside dans le contrat de base, mais le donneur d’ordre


aura la charge de la preuve de l’imputabilité de son inexécution, sans avoir à rapporter celle
d’un abus ou d’une fraude. En effet, il a été jugé que « le donneur d’ordre d’une garantie à
première demande est recevable à demander la restitution de son montant au bénéficiaire, à
charge pour lui d’établir que celui-ci en a reçu indûment le paiement, par la preuve de
l’exécution de ses obligations contractuelles, ou par celle de l’imputabilité de l’inexécution
du contrat à la faute du cocontractant bénéficiaire de la garantie, ou par la nullité du contrat
de base, et ce sans avoir à justifier d’une fraude ou d’un abus manifeste, comme en cas
d’opposition préventive à l’exécution de la garantie par le garant284 ».

301 - Contre le garant ou le contre-garant - Le donneur d’ordre dispose également de


recours contre le garant ou le contre-garant qui paie en dépit d’une défense formelle qu’il leur
a faite. Il s’agit d’une action en responsabilité afin de se faire indemniser de son préjudice. Le
garant ou le contre-garant qui aura payé l’a alors fait à ses risques et périls et s’expose
conséquemment à indemniser le donneur d’ordre285.

302- Recours du bénéficiaire - En vertu du contrat de garantie, le bénéficiaire dispose d’un


recours en responsabilité contre le garant en cas de refus d’exécution de la garantie

283
Cass. com. 4 juil. 2006, n° 04-19.577, Bull. civ. IV, n° 164.

284
Cass. com. 7 juin 1994, Bull. civ. IV, n° 202.

285
Cour d’appel d’Abidjan, arrêt n° 184 du 21 févr. 2003, SIB c/ Société Coreca, www.ohada.com, Ohadata J-
05-126.
151
nonobstant la présentation d’une demande et de documents conformes aux stipulations de la
garantie.

De même, le bénéficiaire dispose d’un recours contre le garant en cas de retard dans
l’exécution de la garantie, le retard étant nuisible à la rigueur de la lettre de garantie.

SECTION 6 – L’EXTINCTION DE LA GARANTIE ET DE LA CONTRE-


GARANTIE AUTONOMES

303 – Plan - La garantie autonome s’éteint normalement avec le paiement de la garantie.


Outre cette hypothèse, l’extinction de la garantie est tantôt liée à la durée du contrat de
garantie (§ 1) tantôt indifférent à celle-ci (§ 2).

§ 1 – L’extinction liée à la durée du contrat

304 – Plan - La garantie autonome peut être à durée déterminée ou à durée indéterminée.
Cette distinction aura un effet sur le dénouement de la garantie autonome.

A – Extinction de la garantie et de la contre-garantie autonomes à durée déterminée

305 - Garantie à durée déterminée – Pour que la garantie ou la contre-garantie soit à durée
déterminée, il faut que la date d’expiration ou le fait entraînant cette expiration soient
clairement identifiés dans le contrat de garantie. Par conséquent, l’arrivée du terme entraîne
l’extinction immédiate de la garantie286. Ainsi, vu l’indépendance de l’engagement du garant,
si à l’arrivée du terme, le garant n’a pas payé la somme convenue, celle-ci n’est plus due ; un
appel à la garantie après l’arrivée du terme n’est donc pas possible, le contrat ayant expiré. En
revanche, si la garantie a été appelée avant l’arrivée du terme, le bénéficiaire pourra réclamer
le versement de la somme convenue malgré l’expiration du contrat.

B – Extinction de la garantie et de la contre-garantie à durée indéterminée

306 – Révocation unilatérale - Lorsque la garantie ou la contre-garantie autonome est à


durée indéterminée, elle peut être unilatéralement révoquée par le garant ou le contre-garant.
Cette révocation mettra fin à la garantie ou à la contre-garantie autonome.

Il faut tout de même préciser, qu’en général, la révocation sera précédée d’une période
de préavis adressée par le garant au bénéficiaire ou par le contre-garant au garant.

286
En effet, aux termes de l’art. 49 AUS : « la garantie ou la contre-garantie autonome cesse : - soit au jour
calendaire spécifié ou à l’expiration du délai prévu… ».
152
§ 2 – L’extinction indifférente à la durée du contrat

307 – Plan - Il faut distinguer les causes d’extinction écartées (A) de celles admises (B).

A – Les causes d’extinction écartées

308 – Contenu - Toutes les causes d’extinctions liées au contrat de base sont écartées en
raison du principe de l’inopposabilité des exceptions. Ce principe de l’inopposabilité des
exceptions est lui-même le corollaire de l’autonomie de la garantie et de la contre-garantie
autonomes.

B – Les causes d’extinction admises

309 - Réglementation – Ces causes sont prévues par l’art. 49 AUS aux termes duquel : « la
garantie ou la contre-garantie cesse :

- ….. ;

- soit à la présentation au garant ou au contre-garant des documents libératoires spécifiés


dans la garantie ou la contre-garantie autonome ;

- soit sur déclaration écrite du bénéficiaire libérant le garant de son obligation au titre de la
garantie autonome ou déclaration écrite du garant libérant le contre-garant de son
obligation au titre de la contre-garantie autonome ».

Outre ces causes prévues par l’acte uniforme en son art. 49, on peut en relever
d’autres. Il en est ainsi en cas de transmission du contrat de base. La question se pose de la
transmissibilité de la garantie en même temps que la créance principale : la garantie autonome
doit-elle suivre le sort de l’obligation garantie et être transmise au cessionnaire du contrat
garanti ? La réponse est fournie par l’art. 42 AUS : « sauf clause ou convention contraire
expresse, le droit à garantie du bénéficiaire n’est pas cessible. Toutefois, l’incessibilité du
droit à garantie n’affecte pas le droit du bénéficiaire de céder tout montant auquel il aurait
droit à la suite de la présentation d’une demande conforme au titre de la garantie ». Cette
formulation tranche avec celle de l’art. 31 de l’ancien AUS : « sauf clause contraire expresse,
le droit à garantie du bénéficiaire n’est pas cessible. Toutefois, l’incessibilité du droit à
garantie n’affecte pas le droit du bénéficiaire de céder tout montant auquel il aurait droit en
vertu du rapport de base ».

310 – Enseignements - De ces dispositions, il ressort un principe et une exception.

153
Le principe - C’est l’incessibilité du droit à garantie en raison de l’autonomie de la garantie,
détachée de la créance principale ainsi que du caractère intuitu personae de l’engagement du
garant. Ainsi, la cession de l’obligation principale en considération de laquelle le garant s’est
engagé à verser une somme d’argent au bénéficiaire entraîne l’extinction de la garantie
autonome.

L’exception - Toutefois, cette incessibilité n’est pas d’ordre public et rien n’interdit aux
parties de prévoir la cessibilité (l’art. 42 dit : « sauf clause ou convention contraire
expresse »). Ainsi, le bénéficiaire « pourrait céder tout montant auquel il aurait droit à la suite
de la présentation d’une demande conforme au titre de la garantie ».

La solution devrait être la même en cas de décès ou de fusion-absorption du


bénéficiaire.

154
DEUXIEME PARTIE

LES SURETES REELLES

155
311 – Définition des sûretés réelles – Les sûretés réelles sont définies par l’article 4 al. 2
AUS qui dispose que : « … Elles (les sûretés réelles) consistent soit dans le droit du
créancier de se faire payer par préférence sur le prix de réalisation d’un bien affecté à la
garantie de l’obligation de son débiteur, soit dans le droit de recouvrer la libre disposition
d’un bien dont il est propriétaire à titre de garantie de cette obligation ».

On constate que cette disposition définit la sûreté réelle au regard des effets qu’elle
produit. En effet, la sûreté réelle octroie, d’abord, au créancier un droit de préférence auquel il
faut adjoindre un droit de suite ; ensuite, certaines sûretés réelles offrent au créancier, à titre
de garantie, un droit de propriété sur le bien affecté à la garantie de l’obligation du débiteur.
Le droit de propriété étant affecté à titre de garantie, le créancier n’a pas la libre disposition
du bien qui est en possession du débiteur. Dès lors, l’effet de l’application de cette sûreté sera
de permettre au créancier de recouvrer la libre disposition dudit bien.

Toutefois, cette définition doit être complétée par une autre qualité des sûretés réelles ;
c’est que, certaines d’entre elles, offrent au créancier une situation d’exclusivité sur le bien
grevé.

312 – Droit de préférence- Droit de suite – Les sûretés réelles confèrent au créancier sur le
ou les biens grevés un droit réel. Le droit réel est celui qui confère à son titulaire un pouvoir
direct et immédiat sur une chose. Plus précisément, une sûreté réelle est un droit réel
accessoire, c’est-à-dire un droit qui a pour fonction d’améliorer la situation d’un créancier
face au risque d’insolvabilité de son débiteur. Le droit réel confère au créancier un droit de
préférence et un droit de suite.

Le droit de préférence est le « droit pour certains créanciers d’échapper au concours


des autres créanciers (ou de certaines catégories de créanciers) dans la distribution du prix
de vente des biens du débiteur et d’être payés avant ceux auxquels ils sont préférés 287 ». Le
droit de préférence donne donc, au créancier, la possibilité d’avoir la priorité sur d’autres
créanciers et d’être payé avant eux sur le prix de réalisation du bien grevé. Quant au droit de
suite, il est un « attribut du droit réel permettant au titulaire de celui-ci de saisir le bien
grevé du droit en quelque main qu’il se trouve 288 ». Le droit de suite permet donc au créancier
de suivre le bien objet de sa sûreté et de pouvoir le saisir dans les mains d’un tiers acquéreur.

287
CORNU (G.), op. cit., V° Préférence (droit de), p. 692.

288
Idem, V° Suite (droit de), p. 881.
156
313 – Droit de propriété – Certaines sûretés réelles offrent au créancier un droit plus fort
qu’un droit de préférence ou un droit de suite. Elles lui offrent directement un droit de
propriété. Cela signifie que, tout le temps que dure la sûreté, le créancier privilégié est
propriétaire du bien grevé. Toutefois, il ne s’agit pas d’une propriété définitive mais d’une
propriété à titre de garantie. Ainsi, si à l’échéance, le débiteur est défaillant, le créancier
pourra acquérir la propriété définitive du bien. Dans le cas contraire, c’est-à-dire si le débiteur
s’acquitte de sa dette, il reprendra la propriété de son bien.

314 – Situation d’exclusivité – Enfin d’autres sûretés réelles offrent à leur titulaire une
situation d’exclusivité sur le bien grevé. Cette situation d’exclusivité a un effet plus fort que
celui d’un droit de préférence. En effet, le droit de préférence suppose l’existence d’un
concours de créanciers et ce droit donne à son titulaire un rang prioritaire sur les autres
créanciers alors que la situation d’exclusivité exclut le concours d’autres créanciers et permet
au créancier privilégié de posséder, sur le bien grevé, un droit opposable à tous. Il en est ainsi
du droit de rétention.

315 – Sûretés personnelles – Sûretés réelles – Les sûretés réelles se distinguent


fondamentalement des sûretés personnelles. En effet, alors que celles-ci n’offrent au créancier
qu’un droit personnel contre une personne autre que le débiteur principal, celles-là offrent à
leur titulaire un droit sur une chose, c’est-à-dire un droit direct sur le bien grevé. Cela dit,
peut-on affirmer que les sûretés réelles sont supérieures aux sûretés personnelles ? A la vérité,
on ne peut répondre vraiment à cette question. En effet, chaque type de sûreté a ses qualités et
il n’est pas démontré que les sûretés réelles soient plus efficaces que les sûretés personnelles
et vice versa. Ainsi qu’on l’a relevé, à juste titre, « il n’y a donc pas de hiérarchie entre ces
diverses techniques, ce qui explique que le créancier qui dispose de l’une et l’autre de ces
sûretés n’est pas tenu de choisir entre elles et qu’il peut mettre en œuvre indifféremment l’une
ou l’autre289 ».

316 – Classification – Les sûretés réelles sont nombreuses et disparates. C’est pourquoi, elles
méritent d’être classées selon plusieurs critères.

Sur le critère de l’assiette de la sûreté, on distingue les sûretés réelles mobilières et les
sûretés réelles immobilières. Les premières grèvent des biens meubles quand les secondes
portent sur des immeubles.

289
SIMLER (Ph.) et DELEBECQUE (Ph.), op. cit., n° 351, p. 315).
157
Sur le critère de la technique d’affectation du bien en garantie, on distingue les
sûretés avec dépossession (ex : le droit de rétention) et les sûretés sans dépossession (ex : les
nantissements).

Sur le critère de la nature du bien objet de la sûreté, on constate qu’il y a des sûretés
qui grèvent des biens mobiliers corporels (ex : le gage) et d’autres qui grèvent des biens
mobiliers incorporels (ex : les nantissements).

Sur le critère de la source, certaines sûretés réelles sont conventionnelles (ex : la


cession de créance à titre de garantie), d’autres légales (ex : les privilèges), d’autres encore
judiciaires (ex : hypothèque judiciaire), et d’autres enfin relèvent de l’initiative personnelle du
créancier (ex : le droit de rétention).

Enfin, sur le critère de la personne du constituant, on constate qu’une sûreté réelle


peut être fournie par le débiteur du créancier ou par un tiers, c’est-à-dire une personne qui
n’est pas débitrice du créancier mais affecte son bien en garantie de la dette du débiteur du
créancier. La garantie fournie dans la seconde hypothèse était qualifiée de cautionnement réel.

317 – Summa divisio – Cela dit, la summa divisio des sûretés réelles est celle fondée sur
l’assiette de la sûreté et classifie les sûretés réelles en sûretés réelles mobilières et sûretés
réelles immobilières.

318 – Plan – On étudiera successivement les sûretés réelles mobilières (Titre 1) et les sûretés
réelles immobilières (Titre 2).

158
TITRE I

LES SURETES REELLES


MOBILIERES

159
319 - Notion – Les sûretés réelles mobilières sont celles qui grèvent un bien meuble. Cela
signifie que, pour garantir la dette du débiteur, le débiteur lui-même ou un tiers, affecte, au
bénéfice du créancier, un ou plusieurs de ses biens meubles.

320 – Diversité des sûretés mobilières – Les sûretés mobilières sont nombreuses. Dans
l’espace juridique OHADA, les sûretés mobilières sont listées par l’article 50 AUS dont l’al. 1
dispose que : « Les sûretés mobilières sont : le droit de rétention, la propriété retenue ou
cédée à titre de garantie, le gage de meubles corporels, le nantissement de meubles
incorporels et les privilèges ».

321 – Plan – Les sûretés réelles mobilières peuvent porter sur des biens corporels ou sur le
droit de propriété (sous-titre 1) ou sur des biens incorporels (sous-titre 2). Par ailleurs, il
importe d’analyser, à part, les privilèges (sous-titre 3).

160
SOUS- TITRE I

LES SURETES REELLES


MOBILIERES

SUR DES BIENS MEUBLES


CORPORELS ET SUR LE DROIT
DE PROPRIETE

161
322- Données - Il y a lieu de distinguer les sûretés mobilières portant sur des meubles
corporels et les sûretés portant sur la propriété. Les premières sont principalement le droit de
rétention et le gage.

323 – Plan - Nous analyserons d’abord, le droit de rétention (chapitre 1), ensuite, le gage de
meubles corporels (chapitre 2) et, enfin, les sûretés portant sur le droit de propriété encore
dénommées propriété-sûreté (chapitre 3).

162
CHAPITRE I

LE DROIT DE RETENTION290

324 – Présentation - Le droit de rétention est la possibilité offerte à un créancier détenant le


bien de son débiteur, de lui en refuser la restitution à défaut de paiement de l’intégralité de sa
créance.

A l’origine, ce droit n’existait dans le code civil qu’à l’état parcellaire. En effet, seules
quelques dispositions éparses reconnaissaient son existence dans des situations contractuelles
ou extracontractuelles. Ainsi, en matière de contrat de dépôt, l’art. 1948 du code civil admet
que « le dépositaire peut retenir le dépôt jusqu’à l’entier payement de ce qui lui est dû à
raison du dépôt ». De même, en cas de vente au comptant, l’art. 1612 du même code dispose
que « le vendeur n’est pas tenu de délivrer la chose, si l’acheteur n’en paye pas le prix, et que
le vendeur ne lui ait pas accordé un délai pour le payement ». De même encore, l’acquéreur
d’un bien meuble perdu ou volé qui, dès lors qu’il l’a acheté dans les conditions de l’art. 2280
al. 1er du c.civ, a le droit de le conserver tant que le propriétaire n’aura pas remboursé le prix
qu’il lui a coûté.

Prenant acte de ces réglementations ponctuelles, le législateur communautaire a


consacré le droit de rétention dans les art. 41 à 43 AUS du 1er avril 1997. Cet acte avait fait du
droit de rétention une sûreté autonome et directe, une véritable sûreté réelle. Dans le cadre de
la réforme des sûretés OHADA, le droit de rétention a été fortement remanié et est réglementé
par les articles 67 à 70 AUS.

290
Le droit de rétention porte sans aucun doute sur des meubles corporels. D’où son inclusion dans l’étude des
sûretés mobilières sur meubles corporels. Toutefois l’exercice d’un droit de rétention sur un meuble incorporel
est possible. Tel est le cas notamment d’un droit de rétention exercé sur un compte bancaire. L’inclusion du droit
de rétention dans la partie relative aux sûretés sur meubles corporels est donc arbitraire mais se justifie par des
raisons pédagogiques.
163
325 – Définition – Le droit de rétention n’est pas expressément défini par le législateur.
Toutefois, de l’article 67 AUS291, on déduit que le droit de rétention est le droit reconnu à un
créancier qui détient légitimement un bien mobilier de son débiteur de le retenir jusqu’au
complet paiement de ce qui lui est dû.

326 - Plan - Il importe d’analyser les conditions d’exercice du droit de rétention (section 1)
ainsi que ses effets et son extinction (section 2).

SECTION 1 : LES CONDITIONS D’EXERCICE DU DROIT DE


RÉTENTION

327 – Conditions relatives à la détention- Conditions relatives à la créance et à la


rétention - L’exercice du droit de rétention suppose donc la réunion de certaines conditions
relatives tant à la détention (§1) qu’à la créance et à la rétention (§2).

§1 – Les conditions relatives à la détention

328 – Plan - Selon un aphorisme célèbre de MM. Marty, Raynaud et Jestaz, « pour retenir, il
faut d’abord tenir ». Quoique cet aphorisme soit éclairant, il convient tout de même de
s’intéresser à l’objet de la détention (A) avant d’en envisager la notion et les caractéristiques
(B).

A – L’objet de la détention

329 – Détermination physique – Détermination juridique - L’objet du droit de rétention


suppose de s’attarder sur sa détermination physique et juridique.

330 - Détermination physique - La chose retenue ne peut être qu’une chose mobilière. La
solution, admise dans l’ancien AUS, est sans équivoque dans le nouvel AUS, l’art. 67 parlant
de la détention d’un « bien mobilier » du débiteur. Indéniablement, le droit de rétention porte
sur un bien corporel, c’est-à-dire un bien susceptible de subir un pouvoir matériel.
Cependant, le créancier peut disposer d’un droit de rétention fictif.

C’est notamment le cas en matière de gage d’un véhicule automobile assujetti à une
déclaration de mise en circulation et à administration administrative où « le gage doit être

291
Aux termes de cet article: « le créancier qui détient légitimement un bien mobilier de son débiteur peut le
retenir jusqu’au complet paiement de ce qui lui est dû, indépendamment de toute autre sûreté, sous réserve de
l’application de l’art. 107 al. 2 du présent acte uniforme »
164
mentionné sur le titre administratif portant autorisation de circuler et immatriculation ». C’est
donc ce titre qui est en quelque sorte détenu alors même que le véhicule circule.

Par ailleurs, sur certains biens dits « mixtes » parce qu’à la fois corporels et
incorporels, un droit de rétention a aussi été reconnu. Tel est le cas des fichiers sur bandes
magnétiques 292: dans ce cas, même si la détention porte matériellement sur le support, le droit
de rétention concerne aussi le bien incorporel.

331 - Détermination juridique - Le bien retenu doit –il être nécessairement hors du
commerce ? La question est d’importance. En effet, on enseigne ordinairement que « le bien
meuble ne peut être retenu que s’il est dans le commerce juridique293 ». Cette argumentation
est pertinente et il y a lieu de la maintenir. Le droit de rétention ne peut donc porter sur des
biens hors du commerce. Ainsi, le droit de rétention ne peut être exercé sur une partie du
corps humain ou sur la prothèse dentaire d’un patient294.

B – Notion et caractéristiques de la détention

332 - Notion de détention - Par essence, la détention est précaire, c’est-à-dire que le
détenteur exerce un pouvoir de fait sur la chose, tout en sachant pertinemment qu’il n’en est
pas propriétaire. A la différence du possesseur qui a le corpus et l’animus, c’est-à-dire la
maîtrise de la chose et la volonté de se comporter en véritable propriétaire, le détenteur n’a
que le corpus. C’est précisément parce qu’il n’a que le corpus que le détenteur exercera son
droit de rétention dans le but de faire pression sur le propriétaire de la chose détenue afin que
ce dernier lui règle sa créance.

Cela dit, la détention ne suppose pas nécessairement que la chose soit physiquement
entre les mains du créancier. Il est possible en effet d’être détenteur alieno corpore, c’est-à-
dire par l’intermédiaire d’un autre qui détient la chose pour le compte du créancier.
Inversement, celui qui se dessaisit volontairement du bien perd son droit de rétention.

333 - Caractéristiques de la détention - En plus d’être effective, la détention doit être


régulière ou légitime ; cela signifie que la détention du créancier doit être exempte de vices.
En d’autres termes, le créancier doit être entré en possession du bien légitimement, c’est-à-

292
Cf. en droit français, Com. 8 févr. 1994, Bull. civ. N° 56.

293
ISSA-SAYEGH (J.), Sûretés OHADA, éd. Bruylant 2002, n° 174 p. 69.

294
Cf. en droit français, Civ. 1ère, 11 déc. 1985, Bull. civ. I, n° 348.
165
dire en l’absence de fraude, de faute ou de violence. Cela signifie en premier lieu que sa
détention peut provenir d’un dessaisissement volontaire (dépôt de la chose) ou accidentel du
débiteur entre ses mains.

Ainsi jugé qu’une détention intervenue alors que la créance n’est ni certaine, ni liquide
ni exigible est une détention illégitime parce qu’intervenue sans droit ni titre295.

On enseigne également que le détenteur doit être de bonne foi dans sa rétention. Ainsi,
il ne le serait pas s’il usait de manœuvres dolosives pour recouvrer la détention d’un bien qu’il
a antérieurement restitué au débiteur ou s’il invoquait le droit de rétention alors même qu’il a
consenti un crédit au débiteur…

§ 2 – Les conditions relatives à la créance et à la rétention

334 – Plan - Il y a lieu de distinguer les conditions relatives à la créance (A) de celles
relatives à la rétention (B).

A – Les conditions relatives à la créance

335 – Caractères de la créance – Détention de la chose - La créance doit respecter certains


caractères et être liée à la détention de la chose.

336 - Caractères de la créance - Aux termes de l’art. 68 AUS : « le droit de rétention ne


peut s’exercer que : - si la créance du rétenteur est certaine, liquide et exigible ». Cette
disposition énumère les caractères que doit réunir la créance du rétenteur pour justifier le droit
de rétention : elle doit être certaine, liquide et exigible. C’est là une différence fondamentale
avec les sûretés réelles conventionnelles qui peuvent être consenties aussi bien pour des dettes
échues que pour celles à échoir.

337 – Créance certaine, liquide, exigible - D’abord, le créancier qui se prévaut d’un droit de
rétention doit être titulaire d’une créance. Il doit donc avoir un titre qui justifie la créance dont
il se prévaut. Si tel n’est pas le cas, le droit de rétention qu’il exerce est illégitime296. La
créance que le créancier prétend détenir doit être certaine. Autrement dit, la créance doit
exister ou être non contestée dans son principe. Ainsi jugé que le droit de rétention exercé par

295
Cour d’appel de Ouagadougou, Chambre civile et commerciale, arrêt n° 101 du 5 novembre 2004, NABA
Arsène c/ La société DTP/CSE, www.ohada.com, Ohadata J-09-12.
296
Cf. Cour d’Appel d’Abidjan n° 1164 du 24 octobre 2003, KINDA AUGUSTIN JOSEPH C/ Mlle KONE
FATOUMATA, Ohadata J-03-337.
166
un créancier sur les quittances de douanes de son débiteur est illégitime lorsqu’elle est
intervenue au moment où le quantum de sa créance est querellé297.

Ensuite, il est nécessaire que la créance soit liquide, c’est-à-dire, déterminée dans son
montant. Le droit de rétention est légitime même si la créance est partielle pourvu qu’elle soit
liquide. Ainsi jugé que le vendeur d’un véhicule est fondé à retenir ledit véhicule lorsque
l’acheteur n’a payé qu’une partie du prix et ce, jusqu’au paiement intégral du reliquat du
prix298.

Enfin, la créance doit être exigible, c’est-à-dire que son exécution doit pouvoir être
demandée légitimement par le créancier. Ainsi justement jugé qu’en présence d’un accord
entre les parties à un contrat de prêt stipulant que l’emprunteur, pêcheur, s’engage à
rembourser totalement le prêt dans un délai maximal de deux mois à compter de la date du
premier départ en mer par prélèvement, à hauteur de 50 % de la valeur nette de la pêche, le
prêteur qui prétend exercer un droit de rétention sur les pirogues de son débiteur, sans établir
que le délai de deux mois ainsi imparti est expiré ne justifie pas de l’exigibilité de sa créance
comme l’exige l’article 41 AUS299.

338 – Caractères cumulatifs - Les trois caractères de la créance doivent être cumulativement
réunis. Ainsi, dès lors qu’un de ces trois caractères fait défaut, le droit de rétention ne peut
s’exercer valablement. Cependant, on convient que si, au moment où le juge doit se prononcer
sur la validité du droit de rétention, ces trois caractères sont réunis alors qu’ils ne l’étaient pas
au moment de son exercice, le droit de rétention sera validé.

Ainsi, le droit de rétention restera valide même si les créances n’étaient pas liquides et
exigibles au moment de la détention de la chose mais qu’elles le sont au moment où le juge se
prononce sur la validité du droit de rétention exercé.

339 – Lien de connexité entre la naissance de la créance et la détention de la chose


retenue - Aux termes de l’art. 68 AUS : « le droit de rétention ne peut s’exercer que : - s’il

297
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE COTONOU, Société AKPACA SARL C / Société TRANS –
OMAR, Jugement contradictoire N° 034 du 21 octobre 2002, Ohadata J-04-404.
298
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE OUAGADOUGOU, Jugement n° 105/06 du 22 février 2006,
YAMEOGO/NAPON Adams c/ TRAORE Aliou, Ohadata J-07-104.
299
CCJA, arrêt n°16/2002 du 27 juin 2002, société Maregel c/ Serigne Moustapha MBACKE, Ohadata J-02-
165, observations de Joseph ISSA-SAYEGH, pp.4-5.
167
existe un lien de connexité entre la naissance de la créance et la détention de la chose
retenue ».

Ainsi, ce n’est pas parce que le créancier détient un bien de son débiteur qu’il peut le
retenir afin d’obtenir le paiement de sa créance. Le droit de rétention doit encore être justifié
par autre chose que cette seule détention : le lien de connexité entre la naissance de la créance
impayée et la détention de la chose retenue répond à cette exigence.

Qu’est-ce qu’un lien de connexité ? C’est un lien qui constate un rapport étroit entre la
naissance de la créance et la détention de la chose retenue ; un lien qui rattache la naissance
de la créance et la détention de la chose ; un lien qui instaure entre la naissance de la créance
et la détention de la chose, des éléments communs.

340 – De la nécessité d’un lien de connexité ? - Toutefois, il est une décision d’une
juridiction de l’espace OHADA qui a reconnu un droit de rétention à un créancier sans
nécessité de l’existence d’un lien de connexité. Il s’agit de l’ordonnance de référé n°74/98
rendue par la cour d’appel d’Ouagadougou300.

En l’espèce, la société SOCOPAO avait, à plusieurs reprises, réceptionné des


marchandises et effectué des opérations douanières pour le compte des Etablissements
Ilboudo en tant que commissionnaire. Lesdits Etablissements restant devoir une créance à la
SOCOPAO, celle-ci a exercé un droit de rétention sur des marchandises qui n’étaient pas
directement liées à sa créance. Contestant ce droit de rétention pour inexistence d’un lien de
connexité entre la créance et les marchandises retenues, les Etablissements Ilboudo ont saisi la
justice pour voir annuler ledit droit de rétention. Aussi bien le Président du Tribunal de
Grande Instance de Ouagadougou que la Cour d’appel l’ont débouté de sa demande.

A l’appui de sa décision, la cour d’appel précise que : « le privilège reconnu au profit


du commissionnaire est un droit de gage qui s’étend à tous les lots de marchandises en dépôt
ou en consignation entre les mains de celui-ci ; en d’autres termes, il s’agirait d’un droit de
gage général sur toutes les marchandises qu’il aurait en dépôt ou en consignation ; dès lors
que la SOCOPAO a exposé des frais en tant que commissionnaire pour le compte des
Etablissements Ilboudo Tintin et que des marchandises appartenant à ces derniers se trouvent
en dépôt ou en consignation dans ses magasins, son droit de rétention peut s’exercer

300
Cour d’appel d’Ouagadougou, ordonnance de référé n° 74/98 du 8 octobre 1998, Etablissements Ilboudo
Tintin c/ SOCOPAO, SDV-B, Ohadata J-02-64.
168
librement sur telle ou telle marchandise en garantie de sa créance, sans qu’il soit nécessaire
de rechercher un lien direct entre la créance garantie et les marchandises détenues ».

341- Enseignements de cette décision – Cette décision est-elle conforme au droit ? Cela ne
le semble pas. En effet, il est inexact d’affirmer que le droit de rétention du commissionnaire
existe indépendamment d’un lien de connexité. Dans l’espèce, les juges semblent limiter le
lien de connexité au lien de connexité matérielle c’est-à-dire le lien qui existe lorsque le
commissionnaire détient les marchandises qu’il transporte, vend ou expédie pour son client.
Cependant, il est constant que le lien de connexité ne se limite pas à celui matériel. Il existe
également un lien de connexité juridique qui est manifeste lorsque la créance du
commissionnaire est née à l’occasion d’un contrat le liant au commettant. C’est le cas en
l’espèce. Il n’est donc pas exact de dire qu’il n’est pas besoin d’un lien de connexité. Il est
plus exact d’affirmer que le lien de connexité en l’espèce est un lien de connexité juridique301.

342 – Diversité des liens de connexité - Ce lien de connexité peut prendre trois formes
différentes prévues par l’art. 69 AUS qui dispose que : « La connexité est réputée établie :

1°) lorsque la chose retenue a été remise jusqu’au complet paiement de la créance
du rétenteur ;

2°) lorsque la créance impayée résulte du contrat qui oblige le rétenteur à livrer la
chose retenue ;

3°) lorsque la créance impayée est née à l’occasion de la détention de la chose


retenue ».

Cet article distingue trois types de connexité : connexité matérielle (ou objective),
connexité juridique (ou subjective ou intellectuelle) et connexité conventionnelle.

301
Le commentateur de cette décision semble approuver les juges. En effet, il précise que : « Le privilège du
commissionnaire porte sur les marchandises qu’il achète, vend, transporte ou expédie, même s’il ne les détient
pas. Ce n’est que s’il les détient qu’il peut exercer sur elles un droit de rétention. Mais pour cela, il faut qu’il y
ait un lien entre sa créance et la détention actuelle des marchandises, sauf s’il y a indivisibilité des différentes
relations, antérieures et actuelles. C’est cette indivisibilité que l’on aurait aimé voir mise en évidence, comme
l’exigeait la jurisprudence antérieure et comme le présume aujourd’hui l’article 42 alinéa 2 de l’acte uniforme
entre personnes en relations d’affaires suivies et constantes » (cf. ISSA-SAYEGH, observations sous
Ordonnance de référé n°74/98 du 08 octobre 1998 de la cour d’appel de Ouagadougou, Ohadata J-02-64, p.3). A
l’analyse, le commentateur ne semble pas récuser la nécessité d’un lien de connexité mais plutôt, il semble la
déduire de relations d’affaires entre les parties. Le lien de connexité existe donc, sauf qu’il est présumé au regard
des relations d’affaires entre les parties.
169
343 – Connexité matérielle - Il y a connexité matérielle lorsque la créance du rétenteur se
rattache à la détention de la chose en ce sens que cette créance est née à l’occasion de la
détention de la chose. En effet, l’art. 69.3° dispose que : « La connexité est réputée établie
lorsque la créance impayée est née à l’occasion de la détention de la chose retenue ».

Cette formulation met l’accent sur deux points : d’une part, la chose sert de garantie
aux dépenses qu’elle engendre302; dans ce cas, le lien de connexité peut s’expliquer soit par le
fait de travaux effectués sur la chose ou de dommages causés par ladite chose ; d’autre part,
seul le lien entre la créance et la détention de la chose 303 peut engendrer une connexité
matérielle justifiant l’exercice d’un droit de rétention.

344 – Connexité juridique - Il y a connexité juridique ou subjective ou intellectuelle lorsque


la créance et la détention de la chose ont leur source dans le même lien de droit, qu’il s’agisse
d’un contrat ou d’un quasi-contrat. Cette hypothèse est prévue par l’art. 69.2 e AUS lorsqu’il
énonce que « la connexité est réputée établie lorsque la créance impayée résulte du contrat
qui oblige le rétenteur à livrer la chose retenue ».

Le lien de connexité juridique peut résulter d’un seul rapport juridique304 ou d’un
ensemble de rapports juridiques identiques ou similaires305.

Il arrive fréquemment qu’une connexité juridique se double d’une connexité


matérielle. Ce cumul n’est ni pénalisant ni nécessaire pour la mise en œuvre du droit de
rétention et une simple connexité matérielle peut parfaitement suffire.

345 – Connexité conventionnelle - En posant que « la connexité est réputée établie lorsque
la chose retenue a été remise jusqu’au complet paiement de la créance du rétenteur », l’art.
69.1e AUS prévoit un nouveau cas de connexité : la connexité conventionnelle.

Il y a connexité conventionnelle lorsque les parties conviennent que le débiteur


remettra à son créancier une chose en garantie de sa créance, que ce dernier pourra retenir à
défaut de paiement à l’échéance.

302
Les frais de conservation ou d’amélioration par exemple.

303
Et non la chose elle-même comme l’exigeait l’ancien acte uniforme.

304
Ce peut être un contrat de réparation sur un véhicule par exemple.

305
C’est l’exemple d’un contrat d’entretien de plusieurs voitures appartenant à une entreprise.
170
A la différence des deux cas précédents, la connexité conventionnelle ne suppose pas
une créance impayée. Bien au contraire, il s’agit d’anticiper un défaut de paiement à
l’échéance. Ici, la connexité résulte uniquement de la volonté des parties.

En prévoyant cette hypothèse, l’acte uniforme fait une grande innovation en


consacrant le droit de rétention conventionnel, garantie distincte du gage306.

B – Les conditions relatives à la rétention

346 – Plan - Les art. 67 et 68 AUS disposent respectivement que le droit de rétention s’exerce
« indépendamment de toute autre sûreté » et « si le bien n’a pas été saisi avant d’être détenu
par le rétenteur ».

347 - Rétention indépendante de toute sûreté - L’expression « indépendamment de toute


autre sûreté » peut s’entendre de deux manières.

D’une part, elle signifie que le droit de rétention n’est pas l’accessoire d’une autre
sûreté réelle. Il ne peut donc s’exercer qu’à titre principal pour garder son propre régime. Il
peut toutefois se combiner avec une autre sûreté dont le créancier serait également pourvu sur
la chose tel un privilège mobilier spécial (privilège du bailleur d’immeuble, du transporteur,
etc.) à condition que, séparément, les conditions d’existence et d’exercice de l’un et de l’autre
soient réunies.

D’autre part, « indépendamment de toute autre sûreté » signifie également qu’une


sûreté existant déjà au profit d’un autre créancier sur le bien détenu ne fait pas obstacle au
droit de rétention. Toutefois, cette opposabilité du droit de rétention connaît une limite posée
par l’art. 67 et relative à l’art. 107 al. 2 AUS qui affirme que : « lorsqu’un bien donné en gage
sans dépossession fait ultérieurement l’objet d’un gage avec dépossession, le droit de
préférence du créancier gagiste antérieur est opposable au créancier gagiste postérieur
lorsqu’il a été régulièrement publié et nonobstant le droit de rétention de ce dernier ».

348 - Inexistence d’une saisie antérieure à la rétention - Le droit de rétention ne peut


s’exercer sur un bien qui fait déjà l’objet d’une saisie. Le texte ne précisant pas, il n’y a pas
lieu de distinguer entre les saisies conservatoires et les saisies ventes puisque cette interdiction

306
Sur la reconnaissance de ce droit de rétention conventionnel en droit français, v. Cass. com. 27 mars 2005,
JCP E 2005, 915, obs. Ph. DELEBECQUE.

171
s’explique par le fait que la saisie place le bien sous mains de justice et le rend indisponible
pour des sûretés autres que celles existant au moment des poursuites.

Toutefois, le droit de rétention est opposable à une saisie postérieure à la rétention


notamment dans le cadre des procédures collectives.

SECTION 2 : LES EFFETS ET L’EXTINCTION DU DROIT DE


RETENTION

349 – Plan - L’examen des effets du droit de rétention (§1) précédera celui de son extinction
(§2).

§1 – Les effets du droit de rétention

350 – Plan - Le droit de rétention produit des effets entre les parties (A) et à l’égard des tiers
(B).

A) Les effets du droit de rétention entre les parties

351 – Précisions - Entre les parties, le nouveau droit de rétention de l’OHADA ne traduit
qu’un simple pouvoir de fait du rétenteur sur la chose. Ainsi, si le rétenteur a le droit de ne pas
restituer le bien, il a également le devoir de le conserver en bon état. Par ailleurs, avec le
nouvel acte uniforme, le rétenteur ne dispose plus d’un droit de réalisation spécial du bien.

352 - Droit du rétenteur de ne pas restituer le bien retenu- Le droit de rétention développe
entre les parties un effet négatif, passif : le droit pour le créancier de ne pas restituer la chose,
ni même les fruits qu’elle pourrait produire. Ce simple pouvoir de blocage peut, si l’utilité et
la valeur du bien retenu sont importantes, être très gênant pour le débiteur qui, s’il veut
récupérer son bien, n’aura d’autre choix que de payer le créancier.

Ce droit du rétenteur de ne pas restituer le bien est indivisible. Cela signifie deux
choses. D’une part, tant que le créancier rétenteur n’est pas intégralement payé de sa créance,
il peut continuer de retenir la chose307. D’autre part, aucune exigence de proportionnalité entre
la chose retenue et la créance impayée n’est nécessaire.

A ces droits du créancier rétenteur, il faut adjoindre les actions possessoires reconnus
au possesseur et étendus au détenteur précaire. En effet, le créancier rétenteur étant un
307
Cf. en droit français, Paris, 5 mars 1992, JCP 1992.I.3623, obs. Ph. DELEBECQUE où le droit de rétention
est admis alors même que le créancier avait conclu une transaction aux termes de laquelle il s’engageait à
restituer le bien moyennant paiement d’une somme, laquelle s’est ensuite révélée inférieure à sa créance.
172
détenteur précaire, il peut, éventuellement, en cas de troubles, se prévaloir de la complainte,
de la réintégrande ou de la dénonciation de nouvel œuvre.

353 - Devoir du rétenteur de conserver le bien en bon état - Un devoir de conservation de


la chose retenue accompagne la rétention. En effet, aux termes de l’art. 70 al. 1 AUS : « le
créancier a l’obligation de conserver le bien retenu en bon état ».

L’obligation de conservation implique d’abord que le rétenteur doit veiller à ce que le


bien retenu ne perde pas de sa valeur. Ainsi, pendant cette période de conservation, le
créancier rétenteur peut être tenu de prendre des actes d’administration nécessaires pour le
maintien de la valeur du bien retenu.

La conservation implique, ensuite, une obligation négative : celle de ne pas user de la


chose. Cependant, ce qui est interdit, c’est l’usage à titre personnel. Rien n’interdit donc aux
parties de stipuler l’exploitation du bien pour préserver sa fonction économique (ex : si le
droit de rétention porte sur une bétonnière, les parties peuvent convenir d’autoriser le
rétenteur à la donner en bail, le montant des loyers pouvant être imputé sur la dette).

Cependant, l’exigence de conservation du bien en bon état peut être contraignante pour
le créancier rétenteur. C’est la raison pour laquelle la loi lui permet d’être libéré de cette
obligation dans certaines hypothèses. En effet, aux termes de l’al. 2 de l’art. 70 AUS : « par
dérogation à l’alinéa précédent, il peut faire procéder, sur autorisation de la juridiction
compétente statuant à bref délai, à la vente de ce bien si l’état ou la nature périssable de ce
dernier le justifie ou si les frais occasionnés par sa garde sont hors de proportion avec sa
valeur. Dans ce cas, le droit de rétention se reporte sur le prix de vente qui doit être
consigné ».

Ainsi, lorsque le rétenteur retient des biens périssables ou que les frais occasionnés par
la conservation du bien sont largement supérieurs à la valeur du bien, il doit saisir le juge des
référés à l’effet de faire vendre le bien retenu. Toutefois, le prix de la vente ne lui est pas
remis mais consigné. Son droit de rétention se portera alors, en l’absence du bien, sur ledit
prix.

173
354 – Sanction - L’obligation de conservation du bien à la charge du rétenteur est
sanctionnée. Ainsi, si le créancier ne satisfait pas à cette obligation de conservation, le
débiteur peut réclamer la restitution du bien sans préjudice de dommages-intérêts308.

355 - Absence d’un droit de réalisation spécial de la sûreté - Sous l’empire de l’acte
uniforme de 1998, le créancier rétenteur pouvait, s’il ne recevait ni paiement ni sûreté, passer
à la réalisation de sa sûreté. En effet, l’art. 43 dudit acte uniforme disposait que : « si le
créancier ne reçoit ni paiement ni sûreté, il peut, après signification faite au débiteur et au
propriétaire de la chose, exercer ses droits de suite et de préférence comme en matière de
gage ». Ainsi, après l’avoir signifié au constituant et au propriétaire du bien, le créancier
rétenteur pouvait demander la vente judiciaire du bien retenu ou l’attribution judiciaire dudit
bien.

Sous l’empire du nouvel acte uniforme de 2011, cette possibilité de réalisation n’existe
plus. En effet, le nouveau droit de rétention ne confère au créancier rétenteur aucun droit sur
la valeur de la chose retenue. En conséquence, le créancier n’a pas le pouvoir de solliciter la
réalisation du bien comme en matière de gage, qu’il s’agisse de sa vente forcée ou de son
attribution judiciaire.

Il en découle que, pour réaliser son droit de rétention, le créancier rétenteur doit avoir
recours à la procédure de droit commun des voies d’exécution.

B – Les effets du droit de rétention à l’égard des tiers : l’opposabilité du droit de


rétention

356 – Plan - Il importe d’analyser l’opposabilité du droit de rétention, d’abord, aux créanciers
du débiteur, ensuite au tiers propriétaire, enfin en cas de procédure collective ouverte contre le
débiteur.

357 – Opposabilité du droit de rétention aux créanciers du débiteur - L’opposabilité du


droit de rétention aux créanciers du débiteur comporte un principe et une exception au
principe.

358 - Principe - En tant que pouvoir de fait sur la chose, le créancier peut opposer son droit
de rétention à tous, y compris aux créanciers de son débiteur309. Ce n’est que l’application de
308
Cf. art. 109 al.1 AUS qui traite du cas du créancier gagiste avec dépossession bénéficiaire d’un droit de
rétention.
309
Cf. en droit français, Civ. 1ère, 7 janv. 1992, JCP 1992.II.21971.
174
l’adage : « nemo plus juris ad alium transfere potest » « Nul ne peut transférer à un autre plus
de droits qu’il n’a ». En effet, le créancier du débiteur du rétenteur ne peut avoir plus de droits
que le débiteur ne lui en a transmis. Ainsi, le créancier qui opérerait une saisie du bien entre
les mains du rétenteur ne pourra en obtenir la délivrance qu’après l’avoir payé.

En cela réside la grande force du droit de rétention qui, certes ne procure au créancier
rétenteur aucun droit de préférence sur la chose, mais qui, par une simple abstention, lui
permet d’obtenir paiement de sa créance, par un tiers, alors que son propre débiteur ne le peut
pas ou ne le veut pas.

Toutefois, ce n’est qu’un pouvoir négatif qui, au plan procédural, se développera par
voie d’exception et non par voie d’action. Cela signifie que le rétenteur ne peut, par voie
d’action, exiger le paiement du tiers mais pourra, poursuivi par ledit tiers, lui opposer le droit
de rétention et exiger le paiement de sa créance par le tiers si ce dernier veut obtenir la
libération du bien. De plus, cette opposabilité du droit de rétention aux créanciers du
constituant n’est soumise à aucune publicité préalable.

359 - Exception au principe - Le principe d’opposabilité erga omnes (à l’égard de tous) du


droit de rétention rencontre une exception tirée de l’art. 107 al. 2 AUS. En effet, pour ne pas
entraver le développement du gage sans dépossession, la réforme des sûretés a prévu, à l’art.
107 al. 2 AUS qu’en cas de conflit entre un créancier gagiste sans dépossession et un
créancier gagiste ultérieur avec dépossession sur le même bien, le premier devait l’emporter si
son gage a été publié sans que le droit de rétention du second ne soit un obstacle.

360 – Opposabilité du droit de rétention au tiers, véritable propriétaire - Dans


l’hypothèse où le débiteur n’est pas le propriétaire du bien retenu, qu’en est-il de
l’opposabilité du droit de rétention au véritable propriétaire qui n’est pas le débiteur ? La
réponse à la question est délicate.

En France, la cour de cassation française a jugé que le droit de rétention est opposable
au tiers propriétaire lorsque la créance a pris naissance à l’occasion de la détention de la chose
par l’effet d’une connexité matérielle310. Ainsi, parce que la créance est née à l’occasion de la
chose retenue (ou encore intuitu rei), on considère normal que la chose retenue garantisse le
remboursement de cette créance, par l’intermédiaire du véritable propriétaire.

310
Civ. 1ère, 22 mai 1962, D. 1965.58, note R. Rodière.
175
La cour d’appel d’Abidjan, plus récemment, a rendu une décision contraire à celle de
la juridiction française. En l’espèce311, le véhicule de dame GHUSSEIN a été déposé, par M.
HAMADEH, directeur de la société BIT, chez Alliance Auto pour révision. Par la suite,
Alliance Auto a exercé un droit de rétention sur ledit véhicule. C’est alors que dame
GHUSSEIN a saisi la justice pour faire annuler ce droit de rétention. Son argument
fondamental est qu’elle est propriétaire du véhicule et n’est pas débitrice d’Alliance Auto. Or,
le créancier ne peut exercer un droit de rétention que sur le véhicule de son débiteur. Le
débiteur étant la société BIT et non dame GHUSSEIN, cette dernière estime que le droit de
rétention exercé est irrégulier. Saisi de la demande en annulation, le Président du tribunal de
première instance d’Abidjan a, par l’ordonnance de référé N°5094 rendue le 06 Novembre
2002, débouté dame GHUSSEIN de sa demande « aux motifs qu'il existe une connexité entre
les dettes de réparations accumulées par cette société et son véhicule ».

Sur appel de dame GHUSSEIN, la cour d’appel d’Abidjan a infirmé l’ordonnance


entreprise et déclaré le droit de rétention illégitime parce qu’exercé sur le bien, non du
débiteur, mais d’un tiers. Elle a donc ordonné la restitution du véhicule de l’appelante.

361 – Enseignements – L’arrêt de la cour d’appel semble conforme à la lettre du texte qui
exige que le bien retenu soit celui du débiteur du créancier. Cependant, le sentiment de justice
est heurté par cette solution raide comme un axiome mathématique. Il nous semble que la
solution retenue par le Président du tribunal fondée sur l’existence de liens de connexités
entre la créance et le bien retenu est plus conforme à la justice. Dans ce cas, l’existence du
lien de connexité l’emporte sur l’exigence de l’appartenance du bien retenu au débiteur
retenu. Raison pour laquelle nous préférons la solution du président du Tribunal de première
instance d’Abidjan et condamnons celle de la cour d’appel pour sa rigidité.

Certes, il y a lieu de maintenir le principe que le bien retenu par le créancier doit
appartenir à son débiteur pour légitimer son droit de rétention. Toutefois, dans l’hypothèse où
cela n’est pas le cas, le juge devrait faire preuve de compréhension et légitimer le droit de
rétention s’il existe un lien de connexité entre la créance et le bien retenu312.

311
Cour d’Appel d’Abidjan, Arrêt N° 92 du 31 janvier 2003, Dame Ghussein Fadiga Malick ND c/ Société
Alliance Auto, Ohadata J-03-226.
312
Contra ISSA-SAYEGH qui, sur ce point, approuve, dans ses observations, la solution de la cour d’appel
d’Abidjan. Par contre, voir, sur ce même arrêt, et dans le même sens que nous, les observations de ASSONTSA
(Robert) et TCHABO SONTANG, Ohadata J-10-248, pp. 3 à 8.
176
362 – Opposabilité du droit de rétention en présence d’une procédure collective - Le
créancier rétenteur, en raison de l’exclusivité qu’il possède sur le bien retenu, est celui des
créanciers qui résiste le mieux au séisme que représente pour les créanciers l’ouverture d’une
procédure collective contre leur débiteur. En effet, le pouvoir de fait que représente son droit
pourra lui permettre d’éviter le fameux principe de suspension des poursuites individuelles
gouvernant les procédures collectives. Le droit de rétention est donc opposable aux organes
de la procédure collective.313.

§ 2 – L’extinction du droit de rétention

363 – Plan - Le droit de rétention peut s’éteindre, soit à titre accessoire (A), soit à titre
principal (B).

A – Extinction à titre accessoire

364 – Causes d’extinction – Le droit de rétention s’éteint en cas d’extinction de la créance du


rétenteur. Peu importe la cause d’extinction de l’obligation (paiement, compensation, etc.)
pourvu qu’elle soit totale. Ainsi, le paiement de la créance du rétenteur, soit par le débiteur,
soit par un tiers, entraîne l’extinction du droit de rétention. Pour être valable et donc
libératoire pour le débiteur, le paiement doit être effectué entre les mains du créancier ou de
son mandataire désigné.

Qu’en est-il si le bien retenu était entre les mains d’un tiers dépositaire ? Le paiement
peut-il être valablement effectué entre les mains de ce tiers ? La réponse dépend des termes du
mandat de ce tiers. Si ce dernier était habilité à recevoir le paiement, celui-ci sera totalement
libératoire pour le débiteur. Dans le cas contraire où le mandat du tiers est limité à la
conservation du bien, le paiement n’est libératoire que s’il est effectué entre les mains du
véritable créancier.

Lorsque le droit de rétention est lié à un gage ou à une autre sûreté, il est perdu avec
cette sûreté.

B- Extinction à titre principal

365 – Causes d’extinction - Plusieurs causes d’extinction à titre principal peuvent être
évoquées.

313
Il faut réserver le cas du droit de rétention découlant d’un gage qui, lui, sera inopposable aux organes de la
procédure collective en raison de son lien avec le gage.
177
366- Dessaisissement volontaire de la chose : le droit de rétention s’éteint à titre principal
lorsque le créancier se défait volontairement de la chose qu’il retenait jusque-là. En revanche,
le créancier dépossédé par voie de fait ne perd pas son droit et peut recourir aux actions
possessoires adéquates.

367- Dessaisissement judiciaire de la chose pour faute du créancier : ce dessaisissement


entraîne l’extinction du droit de rétention puisque le créancier est tenu de restituer la chose
retenue au créancier.

368- Perte ou destruction de la chose : qu’en est-il lorsque la chose détenue est perdue ou
détruite sans la faute du rétenteur ? Les opinions sont divergentes sur ce point.

Pour certains auteurs, « si l’on reconnaît au rétenteur un droit sur la valeur du bien, il
faudrait admettre le jeu de la rétention sur les indemnités d’assurance 314 ». C’est d’ailleurs la
solution retenue par l’AUS, en ce qui concerne le droit de rétention du créancier gagiste, qui
dispose que : « en cas de perte ou de détérioration totale ou partielle de la chose gagée qui
ne serait pas de son fait, le créancier gagiste exerce son droit de préférence sur l’indemnité
d’assurance, s’il y a lieu, pour le montant de la créance garantie en principal, intérêts et
autres accessoires… ». Qu’en est-il lorsque le droit de rétention est autonome ?

En revanche, pour d’autres auteurs, la perte ou la disparition de la chose, même


fortuite, fait disparaître le droit de rétention et considèrent que la subrogation dans l’indemnité
d’assurance ou de responsabilité ne joue pas315.

Pour notre part, la première solution qui fait reporter le droit de rétention sur
l’indemnité d’assurance est préférable. Cette solution peut se justifier, par analogie, par le
recours à l’alinéa 2 de l’art. 70 AUS qui permet au créancier rétenteur, tenu de conserver le
bien retenu en bon état, de se décharger de cette obligation si l’état ou la nature périssable du
bien le justifie. Dans ce cas, il fait procéder, sur autorisation de justice, à la vente dudit bien et
fait reporter son droit de rétention sur le prix de vente. On peut, pareillement, permettre au
rétenteur de faire reporter son droit de rétention sur l’indemnité d’assurance.

369- La renaissance du droit de rétention - La question se pose de savoir si le détenteur qui


a restitué volontairement la chose peut retrouver son droit de rétention lorsque la même chose
revient ultérieurement entre ses mains ? La jurisprudence ne paraît admettre cette renaissance
314
SIMLER (Ph.) et DELEBECQUE (Ph.),op. cit., n° 591, p. 495.

315
CABRILLAC (M.), MOULY (C.), CABRILLAC (S.) et PETEL (Ph.), Droit des sûretés, éd. Litec, n° 3927.
178
du droit de rétention qu’en cas de connexité juridique, lorsque le bien revient entre les mains
du rétenteur en vertu d’un même contrat ou d’un groupe de contrat. L’idée d’indivisibilité du
droit de rétention fonde cette solution.

370 – Effets de l’extinction du droit de rétention - L’extinction du droit de rétention, à titre


principal ou accessoire, emporte l’obligation, pour le créancier rétenteur, de restituer l’objet
retenu avec tous ces accessoires, à l’exclusion évidente de l’hypothèse où le bien a disparu.

179
CHAPITRE II

LE GAGE DE MEUBLES CORPORELS

371 – Présentation - Avant la réforme du 15 mai 2011, le gage était défini comme « le
contrat par lequel un bien meuble est remis au créancier ou à un tiers convenu entre les parties
pour garantir le paiement d’une dette » (art. 44 AUS de 1998). L’assiette du gage pouvait être
aussi bien des biens corporels que des meubles incorporels (art. 46 AUS de 1998) et le gage
se distinguait du nantissement en ce qu’il exigeait la dépossession du constituant tandis que le
nantissement, qui n’était pas défini, n’emportait pas la dépossession du constituant. Mais tout
comme le gage, le nantissement pouvait grever des biens corporels (nantissement de stocks de
matières premières et de marchandises) et incorporels (nantissement du fonds de commerce).

La réforme a opéré deux innovations majeures.

D’une part, elle a fait une précision terminologique relativement à l’usage des termes
« gage » et « nantissement ». Dorénavant le terme « gage » est réservé aux biens meubles
corporels tandis que celui de « nantissement » sera l’apanage des biens meubles incorporels.

D’autre part, elle a fait de la dépossession du constituant non plus un élément


obligatoire caractérisant le gage mais une faculté. Ainsi, à côté du gage classique avec
dépossession, coexiste désormais un gage sans dépossession.

372 – Plan - Toutefois, à côté de ce droit commun du gage, sont maintenus certains gages
spéciaux. Aussi convient-il d’étudier, d’une part, le droit commun du gage (section 1) et,
d’autre part, les gages spéciaux (section 2).

SECTION I : LE DROIT COMMUN DU GAGE

373 – Plan - L’étude du droit commun suppose d’examiner d’abord sa notion (§1) et ensuite
son régime (§2).

§1 – La notion de gage
180
374 – Alternative - En réécrivant le gage de meubles corporels, l’objectif du nouvel acte
uniforme du 15 mai 2011 a été celui d’une utilisation efficace de la valeur des meubles
corporels. Pour parvenir à ce but, la réforme a innové en modifiant l’essence même du gage :
celui-ci n’est plus un contrat réel. Le texte offre une alternative qui constitue un espace de
liberté que les parties pourront utiliser. Ce choix de la formule contractuelle est le trait
caractéristique du nouveau droit commun du gage. De quelle alternative s’agit-il ?

La lecture des articles 92 et suivants permet de répondre à cette question. En effet, cet
article dispose que : « le gage est le contrat par lequel le constituant accorde à un créancier
le droit de se faire payer par préférence sur un bien meuble corporel ou un ensemble de biens
meubles corporels, présents ou futurs ».

375 – Remarques sur la définition - Cette définition appelle plusieurs remarques.

D’une part, le gage n’est plus défini par l’une de ses conditions de validité, à savoir la
remise de la chose gagée prescrite par l’art. 44 de l’ancien AUS, mais par sa finalité, c’est-à-
dire, le droit de préférence accordée au créancier sur un bien corporel. Ainsi, le gage ne
suppose plus la remise nécessaire de la chose au créancier, et donc la dépossession du
constituant. Le gage sans dépossession est consacré, permettant au débiteur de conserver la
chose gagée, en général utile à son activité économique.

D’autre part, libérée de la dépossession, cette nouvelle définition autorise la


constitution effective de gages sur biens futurs. Par cela même, le constituant voit sa capacité
de crédit étendue par la possibilité d’offrir en gage des biens qu’il n’a pas encore acquis
pourvus qu’ils soient déterminables dans le contrat.

On le voit, par la consécration du gage sans dépossession, la réforme offre une


véritable alternative dont il convient d’exposer les raisons avant les conséquences.

A – Les raisons de l’alternative

376 - Gage sans dépossession – Gage avec dépossession - A côté du gage sans dépossession
qui fait son entrée dans l’acte uniforme, subsiste le gage avec dépossession qui offre un intérêt
certain. La consécration de cette alternative s’explique d’abord par le fait d’offrir de la
souplesse : alors que le gage sans dépossession est en principe exclusif de tout droit de
rétention, le gage avec dépossession continue de conférer au créancier gagiste un droit de
rétention très utile en cas de procédure collective du débiteur. Ensuite, la coexistence des deux

181
formules a pour but d’offrir au créancier le choix d’une solution confidentielle. En effet, le
gage avec dépossession présente l’avantage d’être beaucoup plus discret que le gage sans
dépossession.

B – Les conséquences de l’alternative

377 – Disparition du gage en tant que contrat réel - En optant pour la consécration
alternative du gage, la réforme des sûretés transforme le contrat réel en peau de chagrin. Alors
que le contrat de gage était quasiment le dernier spécimen de la famille des contrats réels, il
s’en détourne à son tour316.

En accueillant le gage sans dépossession dans l’AUS, la réforme autorise en


conséquence la constitution d’un gage sur stocks, sûreté réelle plus adaptée au monde
professionnel des affaires.

§ 2 – Le régime du gage

378 – Plan - Il faut envisager les conditions de formation du gage (A), ses effets (B) et son
extinction (C).

A – Les conditions de formation du gage

379 – Plan - Intéressant non seulement les parties mais aussi les tiers, on distingue la
constitution du gage dans les rapports inter partes mais aussi à l’égard des tiers.

380 – Constitution du gage dans les rapports inter partes- La constitution du gage suppose
que soient respectées à la fois des conditions de fond et de forme.

381 - Conditions de fond - Les conditions de fond tiennent, d’une part, à l’identification des
parties au contrat et, d’autre part, à l’objet du contrat.

382- Parties au contrat de gage - Capacité des parties - Les parties au contrat de gage sont
le constituant, débiteur qui offre son bien ou ses biens en gage, et le créancier qui accepte de
se faire payer par préférence aux autres créanciers sur le bien ou les biens gagé (s). Créancier
et constituant doivent avoir la capacité de contracter. Le constituant, en outre, doit avoir la
capacité d’aliéner l’objet du gage car, en cas de défaillance de sa part, le contrat de gage peut
déboucher sur la vente du ou des biens gagé (s).

316
Toutefois, lorsqu’il se fait avec dépossession, le gage demeure un contrat réel.
182
383- Qualité du constituant - Par ailleurs, il est admis que le constituant peut être le débiteur
ou un tiers. En tout état de cause, le constituant doit être propriétaire du meuble gagé317 (art.
95 AUS). Si cela ne pose pas de difficulté sur une chose présente comme l’affirme
expressément l’art. 95 AUS, cela se complique lorsque le gage porte sur une chose future.
Toutefois, si le constituant n’est pas le propriétaire du bien gagé « le créancier gagiste peut
s’opposer à la revendication du propriétaire dans les conditions prévues pour le possesseur
de bonne foi ». Autrement dit, le créancier gagiste ayant reçu un bien n’appartenant pas à son
débiteur sera protégé s’il est un détenteur de bonne foi, c’est-à-dire s’il a ignoré ce fait. La
bonne foi étant présumée318, il appartiendra au véritable propriétaire de prouver la mauvaise
foi du créancier gagiste.

Par ailleurs, le constituant n’est pas forcément exclusivement propriétaire du bien. Il


peut être propriétaire d’une part indivise d’un bien. Dans ce cas, il est évident qu’il ne peut
décider seul de la mise en gage du bien surtout pour garantir une dette personnelle. Il doit
donc recueillir le consentement des autres copropriétaires. Toutefois, ces derniers ne sont
protégés que si l’indivision est connue. Autrement, le créancier gagiste de bonne foi peut faire
prévaloir la garantie qui a été valablement constituée. Si le constituant est une personne
mariée sous le régime de la communauté des biens, il est fort utile d’obtenir le consentement
de l’autre conjoint à la mise en gage du bien. En effet, « tout bien est présumé commun si l’on
des époux ne prouve qu’il lui est propre » (art 74 loi ivoirienne sur le mariage) et la
réalisation du gage peut déboucher sur la vente du bien de la communauté.

384- Objet du contrat de gage - Il y a lieu de s’intéresser d’abord à la créance garantie puis
au bien donné en gage, c’est-à-dire à l’assiette du gage.

385- Créance garantie- Le gage suppose une créance à garantir dont il est l’accessoire.
Jusqu’alors, la créance garantie devait être née, quitte à n’être qu’éventuelle. Désormais, il
peut s’agir d’une créance future, dès lors qu’elle est déterminable. En effet, l’art. 93 AUS
précise que « le gage peut être constitué en garantie d’une ou de plusieurs créances présentes
ou futures, à condition que celles-ci soient déterminées ou déterminables ». Cette

317
Selon l’art. 95 AUS : « Le constituant d’un gage de biens présents doit être propriétaire de la chose gagée.
S’il ne l’est pas, le créancier gagiste peut s’opposer à la revendication du propriétaire dans les conditions
prévues pour le possesseur de bonne foi ».
318
L’art. 2268 cciv dispose en effet que : « la bonne foi est toujours présumée, et c’est à celui qui allègue la
mauvaise foi à la prouver ».
183
déterminabilité pourra, par exemple, résulter d’un accord sur l’identité du créancier ou la
destination du crédit.

386- Assiette du gage - Dès l’instant où cesse l’exigence de dépossession, puisque le gage
peut dorénavant être avec ou sans dépossession, il était possible d’assouplir les règles
relatives à l’assiette du gage. C’est ce que prévoit l’art. 92 AUS en envisageant que le gage
peut porter sur un meuble ou un ensemble de meubles corporels, une chose présente ou future.
A cela, il faut adjoindre l’art. 101 AUS qui prévoit la possibilité de gager des choses
fongibles.

En tout état de cause, quelle que soit l’assiette du gage, il faut relever que « les parties
peuvent convenir de la subrogation, en cours d’exécution du contrat, de la chose gagée par
une autre319 ». Cela signifie que les parties peuvent, conventionnellement, décider de changer
le bien objet du gage par un autre au cours du contrat.

387 - Meuble ou ensemble de meubles corporels - En premier lieu, le gage peut porter sur
un bien mobilier ou un ensemble de biens mobiliers corporels. Ainsi, il suffit qu’un meuble
appartienne à un ensemble, comme une collection par exemple, pour pouvoir faire l’objet
d’un gage. Comme certains l’écrivent, il s’agit de permettre « la constitution en gage d’une
universalité de fait composée de plusieurs meubles présents et futurs rassemblés autour d’un
principe d’organisation commun. Ils peuvent donc être désignés et engagés à raison de cet
élément fédérateur320 ».

388 - Chose présente ou future - En second lieu, le gage peut porter sur une chose présente
ou future. En autorisant le gage de choses futures, la réforme vise en réalité deux situations :
le gage d’une chose inexistante, mais à naître, et le gage d’une chose existante, mais qui
n’appartient pas encore au constituant. Et, dans l’un et l’autre cas, aucune formalité
supplémentaire ne sera nécessaire : lorsque le bien entrera dans le patrimoine du constituant, il
sera automatiquement gagé.

Le gage d’une chose future inexistante, comme par exemple une chose à construire, est
possible à condition que sa naissance soit programmée. En effet, la possibilité de constituer un
gage de choses futures ne s’accompagne pas de la disparition du principe de spécialité. Cette
innovation, qui aura pour probable conséquence la disparition des promesses de gage, suppose
319
V. art. 94 al. 1er AUS.

320
AYNES (L.) et CROCQ (P.), Les sûretés, La publicité foncière, Defrénois, 3e éd., 2008, n° 504.
184
que le bien futur soit désigné dans l’écrit formant le contrat. Cette nécessité de la désignation
précise du bien, objet du gage, est le principe de la spécialité.

En ce qui concerne le gage d’une chose existante mais n’appartenant pas encore au
constituant321, le gage devrait pouvoir être valablement conclu sous la condition qu’il en
acquière effectivement la propriété. C’est ce que prévoit l’art. 96 al. 2 AUS : « lorsque le
gage porte sur un bien ou un ensemble de biens futurs, le droit du créancier s’exerce sur le
bien gagé aussitôt que le constituant en acquiert la propriété, sauf convention contraire ».

389 - Choses fongibles - La loi admet que puissent être gagées des choses fongibles (art. 101
AUS). Bien fongible par excellence, la monnaie peut être remise en gage. Mais seule la
monnaie fiduciaire (remise de la main à la main) est incontestablement un meuble corporel.
Sur ce point, voir l’art. 94 al. 2 AUS qui dispose que : « le gage peut également porter sur des
sommes ou des valeurs déposées à titre de consignation par les fonctionnaires, les officiers
ministériels ou toute autre personne pour garantir les abus dont ils pourraient être
responsables et les prêts consentis pour la constitution de cette consignation ».

390 - Condition de forme : l’exigence d’un écrit – Le gage, contrat solennel - Avant
l’entrée en vigueur de la réforme, l’art. 49 al. 1 AUS exigeait un écrit pour informer les tiers
de l’existence du gage à la suite d’un enregistrement : « quelle que soit la nature de la dette
garantie, le contrat de gage n’est opposable aux tiers que s’il est constaté par un écrit
dûment enregistré contenant indication de la somme due ainsi que l’espèce, la nature et la
quantité des biens meubles donnés en gage ». Le gage demeurait donc un contrat consensuel,
l’écrit n’étant exigé qu’ad probationem.

Désormais, le gage n’est plus constitué par la seule remise de la chose. Les parties
peuvent, selon leur volonté, opter pour un gage avec ou sans dépossession. Mais la perte du
caractère réel du contrat a eu pour contrepartie l’émergence d’un nouveau contrat solennel. En
effet, aux termes de l’al. 1 de l’art. 96 AUS « A peine de nullité, le contrat de gage doit être
constaté dans un écrit contenant la désignation de la dette garantie, la quantité des biens
donnés en gage ainsi que leur espèce ou leur nature ».

Le contrat de gage est par-là même devenu très formaliste puisque l’écrit est
dorénavant exigé ad validitatem. En l’absence d’écrit, le contrat n’est pas formé, et n’existe

321
Par exemple une chose sous réserve de propriété.
185
pas. La nature de l’écrit importe peu : il peut être dressé sous seing privé sans avoir à être
enregistré, ou par acte authentique.

391 - Opposabilité du gage aux tiers - Jusqu’à la réforme de 2011, la dépossession était
nécessaire pour assurer l’efficacité de la sûreté et cette exigence s’expliquait par le caractère
réel du gage. Mais la conséquence de l’alternative entre gage sans dépossession et gage avec
dépossession a nécessairement eu une influence sur l’opposabilité du gage à l’égard des tiers.
Celle-ci dépend en effet d’une formalité différente selon la formule choisie, dont
l’accomplissement permettra de régler les éventuels conflits entre créanciers.

392 - Formalité d’opposabilité - La formalité d’opposabilité n’est pas la même selon que le
gage est avec dépossession ou sans dépossession.

393 - Cas du gage avec dépossession - En présence d’un gage avec dépossession, c’est la
dépossession elle-même qui constitue la condition d’opposabilité à l’égard des tiers
conformément à l’al. 1er de l’art. 97 AUS selon lequel le gage est opposable aux tiers « par la
remise du bien gagé entre les mains du créancier gagiste ou d’un tiers convenu entre les
parties ». Ainsi, le contrat est valablement formé par la seule rédaction d’un écrit mais n’est
opposable aux tiers que par la dépossession, qui peut avoir lieu soit entre les mains du
créancier, soit entre celles d’un tiers convenu, autrement dit par entiercement.

394 - Cas de gage sans dépossession - En présence d’un gage sans dépossession, l’art. 97
al.1er AUS énonce que le gage est opposable aux tiers, « par l’inscription au Registre du
Commerce et du Crédit Mobilier ». Le RCCM compétent est « celui dans le ressort duquel
est immatriculé le constituant de la sûreté ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation
d’immatriculation, celui dans le ressort duquel est situé, selon le cas, le siège ou le domicile
du constituant » (art. 52 AUS). L’opposabilité du gage résulte donc d’une formalité de
publicité consistant en une inscription sur un registre spécial faite à la requête du créancier, de
l’agent des sûretés ou du constituant (art. 51 al. 1er AUS).

Aux fins d’inscription de son gage, le créancier, l’agent des sûretés ou le constituant
devra présenter au Greffe chargé de la tenue du Registre du Commerce et du Crédit Mobilier,
un formulaire d’inscription comportant un certain nombre de mentions énumérées à l’art. 53
AUS. Après avoir vérifié que le formulaire d’inscription comporte les mentions de l’art. 53
AUS, le greffier de la juridiction chargée de la tenue du RCCM procède à l’inscription sur un
registre chronologique des dépôts et délivre au requérant un accusé d’inscription avec
186
mention de la date, de la désignation de la formalité effectuée et du numéro d’ordre porté au
registre chronologique des dépôts (art. 54 al. 1 AUS).

Les inscriptions régulièrement faites sont opposables aux tiers à la date de leur
inscription (art. 57 al. 1er AUS). En cas d’inscriptions multiples le même jour, le rang des
créanciers est déterminé par l’ancienneté du titre des requérants conformément à l’art. 57
AUS dont l’alinéa 2 dispose que : « si les inscriptions de sûretés concurrentes grevant un
même bien sont requises le même jour, celle qui est requise en vertu du titre dont la date est
la plus ancienne est réputée avoir été inscrite en premier, quel que soit l’ordre du registre
susvisé ».

Selon l’al. 2 de l’art. 58 AUS, « les parties peuvent convenir de la durée de validité de
l’inscription au RCCM dans l’acte constitutif de ladite sûreté mobilière sans que cette durée
puisse dépasser dix années à compter de l’inscription ». L’inscription doit être renouvelée
avant l’expiration du délai pendant lequel elle produit effet sous peine de péremption et de
radiation d’office par le Greffier et garantit, au même rang que le principal, deux années
d’intérêts (art. 58 al. 2 et 3 AUS).

Grâce à cette formalité supplémentaire qu’est l’inscription du gage sans dépossession,


les biens meubles corporels pourront faire l’objet de gages successifs. Il suffira donc à toute
personne potentiellement créancière de faire une demande d’information établie sur un
formulaire mis à sa disposition à cet effet par le Greffier (art. 66 al. 1 AUS). Le greffier est
tenu de répondre immédiatement à la demande ou, au plus tard, dans un délai de deux jours
ouvrés à compter de la réception de la demande au RCCM, en délivrant au demandeur soit un
certificat attestant qu’aucune inscription n’a été prise, soit un état général des inscriptions
existantes avec leurs mentions marginales, soit un ou des états particuliers lorsque la demande
ne concerne qu’un bien ou une catégorie de biens appartenant au débiteur ou au constituant
(art. 66 al. 2 AUS).

Ce sera donc l’inscription sur ce registre qui réglera les problèmes de concours entre
créanciers gagistes ou entre créancier gagiste et ayant-cause à titre particulier.

395- Concours entre créanciers - Non seulement l’inscription du gage sans dépossession
rend opposable aux tiers le droit de préférence du créancier gagiste, mais elle lui confère aussi
un droit de suite permettant de faire échec au droit du tiers acquéreur de bonne foi (art. 97
AUS).
187
Ainsi, en cas de concours entre plusieurs créanciers gagistes sans dépossession, le
conflit sera réglé selon l’ordre de leurs inscriptions (art. 107 al. 1 AUS).

Il est toutefois possible qu’après avoir consenti un gage sans dépossession, le


constituant remette en garantie à un autre, la chose même déjà gagée : un conflit risque alors
de survenir entre le créancier gagiste n° 1 sans dépossession, et le créancier gagiste n° 2, avec
dépossession. Cette hypothèse est réglée par l’art. 107 al. 2 AUS qui fait primer le créancier
gagiste antérieur, dès lors qu’il aura régulièrement publié son droit. Par cette disposition,
l’acte uniforme affaiblit le droit de rétention du créancier titulaire d’un gage avec
dépossession, mais c’était la condition sine qua non de l’efficacité du gage sans dépossession.

Ensuite, « lorsqu’un bien donné en gage avec dépossession fait ultérieurement l’objet
d’un gage sans dépossession, le droit de rétention du créancier gagiste antérieur est
opposable au créancier postérieur qui ne pourra prétendre exercer ses droits sur le bien, tant
que le créancier antérieur n’aura pas été entièrement payé » (art. 107 al. 3 AUS).

Enfin, en cas de concours entre un créancier gagiste sans dépossession et un ayant-


cause à titre particulier du constituant resté en possession, ce dernier n’est plus préféré, l’art.
97 al. 2 AUS écartant l’al. 1er du fameux article 2279 cciv : « en fait de meubles, possession
vaut titre ». Ainsi, dès lors que le gage aura été régulièrement publié, les ayants-cause à titre
particulier du constituant, acquéreur, créancier saisissant, donataire ou créancier gagiste
postérieur ne pourront arguer de leur bonne foi pour primer le créancier gagiste sans
dépossession. A l’inverse, si la sûreté n’est pas publiée, elle sera inopposable à l’ayant cause,
celui-ci n’ayant pas pu en prendre connaissance.

B – Les effets du gage

396 – Présentation - Les effets du contrat de gage se manifestent à deux moments : pendant
le déroulement du contrat, alors que le débiteur n’est pas encore défaillant, l’échéance n’étant
pas encore arrivée, et lors du dénouement de la relation contractuelle, lorsqu’à l’échéance le
débiteur s’exécute ou, au contraire, ne paye pas. On peut donc distinguer les effets du gage
avant l’échéance de la créance garantie et les effets après cette échéance.

397 - Effets avant l’échéance de la créance garantie- Les effets du contrat de gage avant
l’échéance de la créance garantie varient selon que le gage est avec ou sans dépossession. En
effet, dans le premier cas, le bien étant détenu par le créancier, le risque qui pèse est que celui-
ci s’en serve ou ne veille pas à sa bonne conservation; en revanche, dans le second cas, le
188
débiteur gardant la détention du bien, le risque est inversé et pèse sur le créancier qui peut
craindre voir la valeur du bien gagé diminuer.

398 - Cas du gage avec dépossession - Les droits du créancier - L’intérêt de la possession,
qu’elle soit personnelle ou par entiercement, est qu’elle procure au créancier gagiste, un droit
de rétention selon l’art. 99 AUS qui dispose que : « lorsque le gage est constitué avec
dépossession, le créancier gagiste peut, sous réserve de l’application de l’art. 107, alinéa 2
du présent acte uniforme, opposer son droit de rétention sur le bien gagé, directement ou par
l’intermédiaire du tiers convenu, jusqu’au paiement intégral en principal, intérêts et autres
accessoires, de la dette garantie ».

Le créancier bénéficie aussi d’un droit de suite. Ainsi, s’il a été dessaisi contre sa
volonté, le créancier peut revendiquer la chose gagée comme un possesseur de bonne foi : en
posant cela, l’art. 100 AUS reconnaît au créancier gagiste un droit de suite.

399 - Obligations du créancier - Obligation de conservation - En revanche, l’inconvénient


est l’obligation de conservation qui pèse sur lui. En effet, aux termes de l’art. 108 al. 1er AUS,
« lorsque le gage est constitué avec dépossession, le créancier gagiste ou le tiers convenu doit
veiller sur la chose et en assurer la conservation comme le doit un dépositaire rémunéré ».
Ainsi, tenu de restituer le bien gagé une fois qu’il sera payé, le créancier gagiste n’a ni le droit
d’en user, ni celui de l’administrer mais en revanche l’obligation de le conserver, l’art. 103
AUS disposant que « le créancier gagiste ne peut user de la chose gagée ni en percevoir les
fruits » (art. 103 AUS). La convention contraire est cependant autorisée et dans ce cas, le
créancier a le droit de percevoir les fruits du bien gagé pour les imputer sur les intérêts ou, à
défaut, sur le capital de la dette (art. 103 AUS).

400 – Sanction - L’art. 109 al. 2 AUS prévoit qu’en cas d’inexécution de cette obligation, le
constituant peut lui réclamer outre la restitution du bien gagé, des dommages et intérêts. L’art.
113 AUS prévoit cependant que le constituant doit rembourser au créancier gagiste ou au tiers
convenu, les dépenses utiles ou nécessaires que celui-ci a faites pour la conservation du gage.

L’acte uniforme prévoit que « lorsqu’un bien objet d’un gage avec dépossession
menace de périr, le créancier gagiste ou le tiers convenu peut faire vendre, sous sa
responsabilité, le bien gagé sur autorisation notifiée au constituant de la juridiction
compétente saisie sur simple requête. Les effets du gage sont alors reportés sur le prix » (art.
111 AUS).
189
401 - Obligation de restitution - Enfin, le gage étant indivisible (art. 114 AUS), le créancier
n’est tenu de restituer le bien gagé qu’après avoir été entièrement réglé de sa créance, intérêts
et frais (art. 113 AUS) sachant qu’en principe c’est le même bien remis qui devra être rendu.

Une atténuation est cependant apportée en cas de gage portant sur des choses
fongibles. Certes, il faudra éviter que ces biens, par définition non individualisés, ne se
mélangent avec ceux éventuellement de même nature du créancier. En ce sens, l’al. 1er de
l’art. 101 dispose que le créancier gagiste doit les tenir séparées des choses de même nature
lui appartenant. Cependant, le même alinéa du même article autorise la convention à dispenser
le créancier de cette obligation. Dans ce cas, les choses fongibles gagées et celles de même
nature appartenant au créancier se mêleront, empêchant toute différenciation entre les unes et
les autres. Dès lors, l’al. 2 dudit article dispose que : « lorsque la convention dispense le
créancier de cette obligation, il acquiert la propriété des choses gagées à charge de restituer la
même quantité de choses équivalentes. En cas d’entiercement, la propriété ainsi acquise par le
créancier peut s’exercer sur des biens de même espèce et de même qualité détenus par le tiers
convenu ».

402 - Cas du gage sans dépossession - L’obligation de conservation - Si le gage est


constitué sans dépossession, le principe est que le constituant conserve la propriété des biens
tout en étant débiteur d’une obligation de conservation (art. 108 al. 2 AUS) sous peine de
déchéance du terme ou de demande de complément de gage (art. 109 al. 2 AUS).

Lorsqu’il porte sur des biens fongibles, l’art. 102 énonce que « le contrat de gage peut
permettre au constituant de les aliéner à charge de les remplacer par la même quantité de
choses équivalentes. Cette autorisation donnée au constituant vaut renonciation par le
créancier à l’exercice de son droit de suite à l’encontre du tiers acquéreur de ces biens ».

Au demeurant, risque de se poser un problème de substituabilité des biens fongibles


que les parties auront intérêt à anticiper en prévoyant dans leur contrat les modalités de
substitution.

403 - Effets à l’échéance de la créance garantie- A l’arrivée du terme de la créance garantie,


de deux choses l’une. Idéalement, dès que le débiteur aura intégralement payé son créancier,
le contrat de gage trouvera son dénouement dans l’obligation de restitution pesant sur le
détenteur en cas de gage avec dépossession. Mais le débiteur peut s’avérer défaillant. Le gage

190
va jouer alors son rôle de sûreté et le créancier dispose d’un droit de réalisation qui lui offre
une option entre la vente forcée du gage et l’attribution en propriété du gage.

404 - Vente forcée du gage ou le maintien de la prohibition de la clause de voie parée -


Aux termes de l’al. 1er de l’art. 104 AUS, « faute de paiement à l’échéance, le créancier
gagiste muni d’un titre exécutoire peut faire procéder à la vente forcée de la chose gagée,
huit jours après une sommation faite au débiteur et, s’il y a lieu, au tiers constituant du
gage ».

Ainsi, l’exercice du droit de préférence du créancier gagiste passe par la vente en


justice du bien gagé. Toutefois, l’article poursuit en précisant que la vente aura lieu « dans les
conditions prévues par les dispositions organisant les voies d’exécution auxquelles le contrat
de gage ne peut déroger ». Cet alinéa de l’art. 104 maintient donc la prohibition de la clause
de voie parée permettant au créancier de vendre le bien à l’amiable. En effet, les dangers
qu’elle recèle demeurent. Il est notamment à craindre que le créancier gagiste n’abandonne la
propriété du bien gagé pour un prix inférieur à sa valeur dès lors que la créance garantie sera
couverte par la somme offerte par l’acquéreur.

Sur la forme, en cas de gage avec dépossession, le créancier n’aura qu’à saisir le juge
compétent, sachant qu’en entreprenant lui-même les poursuites, il est présumé avoir renoncé à
son droit de rétention. Ainsi, « dans ce cas, il exerce son droit de préférence sur le prix de la
chose vendue dans les conditions de l’art. 226 du présent acte uniforme » (art. 104 al. 1er in
fine). De l’art. 226 AUS, il ressort que le créancier gagiste vient en 4 e position et est primée
par les créanciers de frais de justice, ceux des frais engagés pour la conservation du bien du
débiteur et les créanciers de salaires super-privilégiés.

En revanche, si la vente est imposée au créancier gagiste, resté en possession du bien


gagé, il disposera de son droit de rétention et pourra faire échec aux droits des tiers.

En cas de gage sans dépossession, la seule particularité est qu’une saisie préalable du
bien s’imposera.

405 - Attribution en propriété du gage - En premier lieu, l’inexécution de l’obligation


garantie peut déboucher sur une attribution judiciaire du bien que le gage soit avec
dépossession ou sans dépossession. L’art. 104 maintient en effet cette solution classique en
disposant en son alinéa 2 que « le créancier peut aussi faire ordonner par la juridiction

191
compétente que le bien gagé lui sera attribué en paiement jusqu’à due concurrence du solde
de sa créance et d’après estimation suivant les cours ou à dire d’expert ».

Conformément à l’art. 105 AUS, « lorsque la valeur du bien excède le montant qui lui
est dû, le créancier gagiste doit consigner une somme égale à la différence s’il existe d’autres
créanciers bénéficiant d’un gage sur le même bien ou, à défaut, verser cette somme au
constituant. Toute clause contraire est réputée non écrite ».

En second lieu, et c’est l’une des innovations de l’acte uniforme entré en vigueur le 15
mai 2011, l’attribution conventionnelle du bien gagé n’est plus prohibée du moins dans des
cas précis. En effet, l’art. 104 dispose en son alinéa 3 que : « si le bien gagé est une somme
d’argent ou un bien dont la valeur fait l’objet d’une cotation officielle, les parties peuvent
convenir que la propriété du bien gagé sera attribuée au créancier gagiste en cas de défaut
de paiement. Il en va de même pour les autres meubles corporels lorsque le débiteur de la
dette garantie est un débiteur professionnel. En ce cas, le bien gagé doit être estimé au jour
du transfert par un expert désigné à l’amiable ou judiciairement, toute clause contraire étant
réputée non écrite ».

Cela étant, l’admission du pacte commissoire est encadrée. D’abord, c’est seulement
dans les cas prévus par l’art. 104 alinéa 3 qu’il est permis : lorsque l’assiette du gage est une
somme d’argent ou un bien corporel appartenant à un débiteur professionnel c’est-à-dire,
selon l’art. 3 AUS, « tout débiteur dont la dette est née dans l’exercice de sa profession ou se
trouve en rapport direct avec l’une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n’est
pas principale ».

Ensuite, une évaluation objective de la valeur du bien est organisée. Cette valeur devra
être fixée soit à dire d’expert, soit par une cote, toute clause contraire étant réputée non écrite.

C – Extinction du gage

406 – Voie accessoire – Voie principale - Le gage s’éteint de deux manières, soit par voie
accessoire, soit par la voie principale.

407 - Extinction par voie accessoire - Aux termes de l’art. 116 AUS, « le gage prend fin
lorsque l’obligation qu’il garantit est entièrement éteinte, tant en capital, qu’en intérêts et
autres accessoires ».

192
Ainsi, le gage s’éteint lorsque l’obligation qu’il garantit est entièrement éteinte. Cette
extinction par voie de conséquence est logique puisque la garantie n’a de raison d’être que par
rapport à l’existence de la dette principale. Aussi est-il nécessaire de s’intéresser aux causes
d’extinction de la dette garantie. L’art. 116 AUS n’en énumère aucune. L’art. 1234 du code
civil énumère les causes d’extinction d’une obligation : le paiement, la novation, la remise
volontaire, la compensation, la confusion, la perte de la chose, la nullité ou la rescision, la
condition résolutoire et la prescription.

Nous n’en étudierons que deux : le paiement et la remise de dette.

408 – Paiement - Le paiement est le mode d’extinction naturel de toute obligation et consiste
en l’exécution de l’obligation. Le solvens est en principe le débiteur lui-même. Toutefois, un
tiers peut payer à la place du débiteur, soit gratuitement, soit en tant que caution. Dans ce
dernier cas, le paiement effectué crée une action subrogatoire au profit du solvens et laisse le
poids de la dette intact à la charge du débiteur principal.

Pour être valable et libératoire pour le débiteur, le paiement doit être effectué entre les
mains du créancier ou de son mandataire désigné.

409 - Remise de dette - Par la remise de dette, le créancier libère le débiteur en renonçant à la
dette. Il abandonne ainsi son droit sans contrepartie.

500 - Extinction par la voie principale - Aux termes de l’art. 117 AUS, « le gage avec
dépossession disparaît indépendamment de l’obligation garantie si la chose est
volontairement restituée au constituant, si elle est perdue par le fait du créancier gagiste, ou
lorsque la juridiction compétente en ordonne la restitution pour faute du créancier gagiste,
sauf désignation d’un séquestre qui aura la mission d’un tiers convenu ».

Cet article énumère trois cas d’extinction par voie principale du gage avec
dépossession.

501 - Restitution volontaire du gage - Le geste du créancier restituant l’objet remis en gage
s’analyse en une renonciation à la sûreté. Il s’agit d’un acte unilatéral et abdicatif que le
créancier gagiste est apte à effectuer dès lors que le gage est à son avantage exclusif. Par la
remise du bien, la garantie s’éteint mais la dette lui survit.

502 - La perte de la chose par le fait du créancier - Si le gage se perd par la faute du
créancier, le contrat de gage s’éteint. En revanche, « En cas de perte ou de détérioration
193
totale ou partielle de la chose gagée qui ne serait pas de son fait, le créancier gagiste exerce
son droit de préférence sur l’indemnité d’assurance, s’il y a lieu, pour le montant de la
créance garantie en principal, intérêts et autres accessoires, dans le respect des dispositions
de l’art. 226 » (art. 106 AUS).

503 - Décision judiciaire de restitution - En cas de défaillance dans l’obligation de


conservation pesant sur lui, le créancier gagiste peut encourir la déchéance de ses droits si le
juge est saisi par le débiteur (art.109 al 1 AUS).

SECTION 2 : LES GAGES SPÉCIAUX

504 – Précisions - A côté du droit commun du gage, il existe différents gages spéciaux avec
ou sans dépossession. L’AUS contient des dispositions particulières relatives au gage du
matériel professionnel (§ 1), au gage des véhicules automobiles (§ 2) et au gage de stocks (§
3).

§ 1 – Le gage du matériel professionnel

505 – Précisions - Le gage du matériel professionnel est également soumis aux règles du droit
commun du gage. C’est ce que prévoit l’art. 118 AUS dont l’alinéa 1 er dispose que : « Sans
préjudice des dispositions de la présente sous-section, le matériel professionnel et les
véhicules automobiles, assujettis ou non à une déclaration de mise en circulation et à
immatriculation administrative, peuvent faire l’objet d’un gage en application des
dispositions des articles 92 à 117 du présent Acte uniforme ».

Toutefois, il est permis de penser que l’ensemble des dispositions spécifiques prévues
surtout par les art. 91 à 98 de l’ancien acte uniforme restent applicables sinon l’on
comprendrait difficilement l’édiction de « dispositions particulières certains gages » dans le
nouvel acte uniforme322.

506 – Plan - Sur le fondement de ces observations, l’étude du gage du matériel professionnel
nécessite l’examen de sa constitution (A), de ses effets (B) et de son extinction (C).

322
Voir sur ce point, l’affirmation de certains des rédacteurs du nouvel acte uniforme : « Outre ces règles de
droit commun, applicables à tous types de gages, le projet d’Acte uniforme révisé prévoit des règles
particulières, qui prennent en compte les spécificités inhérentes à certains biens remis en gage. Pour ne pas
bouleverser les habitudes, les règles relatives au gage du matériel professionnel et des véhicules automobiles
sont regroupées dans une même sous-section, tandis qu’une autre sous-section du projet est consacrée au seul
gage de stocks » ? V. Ariane Marceau-Cotte et Louis-Jérôme Laisney, Revue Droit et patrimoine, n° 197,
novembre 2010, p. 70.

194
A – La constitution du gage du matériel professionnel

507 – Conditions de fond- Conditions de forme - Constituer du matériel professionnel en


gage suppose de respecter des conditions de fond, de forme et d’opposabilité.

508 - Conditions de fond - Il faut distinguer, d’abord, les conditions relatives aux parties,
ensuite, celles relatives à l’assiette du gage et enfin, celles ayant trait à la créance garantie.

509 - Conditions relatives aux parties 323 - Le constituant doit être un professionnel agissant
pour ses besoins professionnels. En revanche, peu importe l’activité de ce professionnel qui
peut être ou non un commerçant. Ainsi, un agriculteur ou un artisan pourraient très bien gager
de tels biens.

De plus, par application du droit commun du gage324, il est exigé que le constituant soit
propriétaire du matériel gagé.

Le créancier peut être le vendeur ou le prêteur de deniers ayant servi à l’acquisition du


matériel professionnel mais aussi la caution ou le donneur d’aval qui a garanti le paiement du
prix envers le vendeur ou de toute personne ayant pris un engagement ayant le même objet.

510 - Assiette du gage - Le gage ne peut porter que sur du matériel servant à l’équipement
d’une personne pour l’exercice de sa profession, qu’il soit neuf ou usagé 325. Le caractère
professionnel du matériel doit être avéré ; en revanche, peu importe que ce matériel serve à un
usage civil, commercial, industriel, agricole ou artisanal.

Par ailleurs, aux termes de l’al. 2 de l’art. 118 du nouvel AUS, « le matériel
professionnel faisant partie d’un fonds de commerce peut être nanti en même temps que les
autres éléments du fonds, conformément aux dispositions des articles 162 à 165 du présent
Acte uniforme ».

323
Les conditions relatives aux parties et à l’assiette du gage sont insérées dans l’art. 91 de l’ancien acte
uniforme dont l’alinéa 1er dispose que : « Le matériel servant à l’équipement de l’acheteur pour l’exercice de sa
profession, qu’il soit neuf ou usagé, peut faire l’objet d’un nantissement au bénéfice du vendeur. La même sûreté
peut être consentie au tiers ayant garanti les engagements de l’acquéreur envers le vendeur par cautionnement,
aval ou tout autre engagement ayant le même objet, ainsi qu’à toute personne ayant prêté les fonds nécessaires
à l’achat ».
324
Aux termes de l’art. 95 AUS nouveau : « Le constituant d’un gage de biens présents doit être propriétaire de
la chose gagée. S’il ne l’est pas, le créancier gagiste peut s’opposer à la revendication du propriétaire dans les
conditions prévues pour le possesseur de bonne foi ».

325
C’est le cas de la revente des matériels d’occasion par un professionnel à un autre.

195
511 - Créance garantie - La créance garantie peut être le prix de vente du matériel
d’équipement (au profit du vendeur) ou les fonds prêtés par une personne pour l’achat dudit
matériel. La créance garantie peut être représentée par des effets négociables (lettres de
change, billets à ordre, etc…).

512 - Conditions de forme et d’opposabilité - Il faut distinguer, d’une part, les conditions de
forme et, d’autre part, celles d’opposabilité.

513 - Conditions de forme - En ce qui concerne la forme, le gage du matériel professionnel


obéit aux règles de droit commun du gage. Ainsi, selon l’art. 94 du nouvel acte uniforme : « à
peine de nullité, le contrat de gage doit être constaté dans un écrit contenant la désignation
de la dette garantie, la quantité des biens donnés en gage ainsi que leur espèce ou leur
nature.

Lorsque le gage porte sur un bien ou un ensemble de biens futurs, le droit du créancier
s’exerce sur le bien gagé aussitôt que le constituant en acquiert la propriété, sauf convention
contraire ».

Il ressort de cette disposition que le gage du matériel professionnel est un contrat


solennel dans la mesure où l’écrit est voulu comme une condition de validité de ce gage.
L’écrit peut être un acte authentique ou sous seing privé. Dans cette dernière hypothèse, la
formalité de l’enregistrement n’est plus nécessaire. L’écrit doit contenir un certain nombre de
mentions énumérées par l’art. 94 de l’ancien AUS326.

514 - Conditions d’opposabilité - Pour son opposabilité, le gage du matériel professionnel


doit répondre aux exigences des règles édictées pour le droit commun du gage. Ainsi, aux
termes de l’art. 97 alinéa 1er AUS : « le contrat de gage est opposable aux tiers, soit par
l’inscription au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier, soit par la remise du bien gagé
entre les mains du créancier gagiste ou d’un tiers convenu entre les parties ».
326
Selon cet article : « Il [l’écrit] doit, à peine de nullité, comporter les mentions suivantes :
1°) les prénoms, noms, domiciles et professions des parties et, s’il y a lieu, du tiers requérant
l’inscription ;
2°) une description du matériel engagé permettant de l’identifier, l’indication de son emplacement et la
mention, si nécessaire, que ce matériel est susceptible d’être déplacé ;
3°) le montant de la créance garantie ;
4°) les conditions d’exigibilité de la dette principale et des intérêts ;
5°) pour la transmission du privilège du vendeur, en cas d’émission d’effets négociables, une clause
prévoyant ce mode de paiement ;
6°) l’élection de domicile des parties dans le ressort de la juridiction où est tenu le Registre du commerce et
crédit mobilier ».

196
Le gage du matériel professionnel semblant être un gage sans dépossession, seule
l’inscription constitue la condition d’opposabilité du gage aux tiers.

L’inscription, « faite à la requête du créancier, de l’agent des sûretés ou du


constituant » (art. 51 al. 1er AUS) a lieu dans le registre du commerce et du crédit mobilier
« dans le ressort duquel est immatriculé le constituant de la sûreté ou, s’il n’est pas soumis à
l’obligation d’immatriculation, celui dans le ressort duquel est situé, selon le cas, le siège ou
le domicile du constituant » (art. 52 al. 1er AUS).

Pour inscrire le gage, il est nécessaire de présenter au Greffe chargé de la tenue du


Registre du Commerce et du Crédit Mobilier, un formulaire d’inscription comprenant un
certain nombre de mentions listées à l’art. 53 AUS327.

L ‘inscription est opposable aux tiers à la date de son inscription au RCCM (art. 57 al.
1er AUS). Les parties peuvent convenir de la durée de l’inscription dans l’acte constitutif du
gage dans la limite de dix années à compter de l’inscription (art. 58 al. 2 AUS).

L’inscription garantit, au même rang que le principal, deux années d’intérêt (art. 58 al.
4 AUS).

B – Les effets du gage du matériel professionnel

515 – Plan - Le gage du matériel professionnel produit ses effets à l’égard du constituant et à
l’égard du créancier.

516 - A l’égard du constituant - Le gage du matériel professionnel étant un gage sans


dépossession, le constituant a une obligation de conservation du bien gagé. De plus, le
constituant est tenu de ne pas vendre le matériel gagé.

327
Selon l’art. 1er de cet article : « Aux fins d’inscription, le créancier, l’agent des sûretés, le constituant ou le
cas échéant le comptable public, présente au Greffe chargé de la tenue du Registre du Commerce et du Crédit
Mobilier, ou à l’organe compétent dans l’Etat partie, un formulaire d’inscription portant mention :
a) des nom, prénom, dénomination sociale, domicile ou siège social et s’il y a lieu, les coordonnées
électroniques et le numéro d’immatriculation ou de déclaration d’activité, du créancier ou de l’agent des
sûretés, du débiteur de la créance garantie et du constituant s’il n’est pas ce débiteur ;
b) de la nature et de la date du titre générateur de la sûreté ;
c) le cas échéant, de la durée de l’inscription convenue par les parties ;
d) du montant maximum de la créance garantie comprenant le principal, les intérêts et autres
accessoires, de la date de son exigibilité et de l’existence d’un pacte commissoire. Pour les créances futures, le
formulaire mentionne les éléments permettant de les déterminer ;
e) le cas échéant, de la faculté pour le constituant d’aliéner les biens fongibles grevés par la sûreté
dans les conditions prévues par l’article 102 du présent Acte uniforme ;
f) de la désignation du bien grevé avec l’indication des éléments permettant de l’identifier, notamment
sa nature, son lieu de situation et, le cas échéant, sa marque ou son numéro de série, ou, lorsqu’il s’agit d’un
ensemble de biens présents ou futurs, leur nature, qualité, quantité ou valeur ».
197
517 - Obligation de conservation du bien gagé - Aux termes de l’art. 108 al. 2 AUS : « de
même, lorsque le constituant est resté en possession du bien gagé, il doit le conserver en bon
père de famille et, notamment, l’assurer contre les risques de perte et de détérioration totale
ou partielle ».

Cette disposition met à la charge du constituant deux obligations : celle de conserver le


matériel gagé en bon état et celle de l’assurer contre les risques de perte et de détérioration.
Ainsi, toute tentative ou tout acte visant à détruire, détourner ou altérer l’objet du gage, en vue
de faire échec aux droits du créancier, est passible des peines prévues pour l’abus de
confiance (art. 401 cp).

Cette obligation de conservation est sanctionnée et « le créancier peut se prévaloir de


la déchéance du terme de la dette garantie ou solliciter un complément de gage si le
constituant ne satisfait pas à son obligation de conservation du gage » (art. 109 al. 2 AUS).

518 - Obligation de ne pas vendre le bien gagé - Le constituant est tenu de ne pas vendre le
bien gagé. Cette obligation découle de l’art. 97 de l’ancien acte uniforme328. Plus
précisément, cette disposition impose au constituant qui désire vendre le matériel gagé
d’obtenir l’accord préalable du créancier gagiste ou une autorisation judiciaire. Faute de quoi,
la dette devient immédiatement exigible et si elle n’est pas payée, le constituant soumis à la
faillite personnelle et passible des peines de l’abus de confiance.

Expliquant la sévérité des dispositions de cet article, M. Joseph ISSA-SAYEGH


relevait que : « leur sévérité s’explique par le fait que les tiers acquéreurs de bonne foi du
matériel nanti sont protégés par l’article 2279 du code civil.. ; le droit de suite du créancier
nanti ne pouvant s’exercer, il était nécessaire de faire planer une lourde sanction sur le
débiteur indélicat329 ».

328
Cet article dispose que : « Le débiteur ne peut vendre tout ou partie du matériel grevé d’un nantissement sans
l’accord préalable du créancier nanti ou, à défaut, sans autorisation judiciaire.
A défaut d’un tel accord ou d’une telle autorisation judiciaire, s’il y a vente du matériel nanti, la dette
devient exigible immédiatement. Si elle n’est pas payée, le débiteur sera soumis à la procédure de redressement
judiciaire ou de liquidation des biens si une telle procédure lui est applicable.
Les incapacités et déchéances de la faillite personnelle et les peines prévues pour le délit d’abus de
confiance s’appliquent au débiteur ou à toute personne qui, par des manœuvres frauduleuses, prive le créancier
nanti de ses droits ou les diminue ».

329
ISSA-SAYEGH (J.), Commentaires de l’art. 97 AUS ancien, in OHADA, Traité et actes uniformes
commentés et annotés, 3e édition, Juriscope, 2008, p. 711.
198
Toutefois, avec le nouvel acte uniforme, la question de l’opportunité d’une telle
sévérité se pose à nouveau puisque le créancier gagiste dispose d’un droit de suite qui fait
obstacle à l’application de l’article 2279 al. 1er dès lors que le gage est publié. En effet, selon
l’al. 2 de l’art. 97 AUS, « lorsque le gage a été régulièrement publié, les ayants cause à titre
particulier du constituant ne peuvent être regardés comme des possesseurs de bonne foi et le
créancier gagiste peut exercer son droit de suite à leur encontre ».

519- A l’égard du créancier - L’inscription confère au créancier gagiste un droit de suite


(art. 97 al. 2 AUS) et un droit de préférence (art. 99 de l’ancien AUS) exercé selon les
dispositions de l’art. 226 AUS.

De plus, lorsque la créance garantie est représentée par des effets de commerce
négociables, leur endossement entraîne le transfert du gage sans nouvelle publicité à condition
que la création de ces effets ait été prévue dans l’acte constitutif et mentionnée au RCCM (art.
92 ancien AUS).

Enfin, en cas de non-paiement à l’échéance, le créancier gagiste bénéficiaire du gage


de matériel professionnel peut réaliser son gage comme tout créancier gagiste (v. art. 104 et s.
AUS).

C – L’extinction du gage du matériel professionnel

520- Causes d’extinction - Le gage du matériel professionnel est un gage sans dépossession.
Il s’éteint lorsque l’obligation garantie est entièrement éteinte tant en capital qu’en intérêts et
autres accessoires (art. 116 AUS).

§ 2 – Le gage de véhicules automobiles

521 – Précisions - Le gage de véhicules automobiles est soumis à la fois aux règles de droit
commun du gage et à des règles spécifiques. En effet, selon l’art. 118 al. 1 AUS, « sans
préjudice des dispositions de la présente sous-section, …. les véhicules automobiles,
assujettis ou non à une déclaration de mise en circulation et à immatriculation
administrative, peuvent faire l’objet d’un gage en application des dispositions des articles 92
à 117 du présent Acte uniforme ».

522 – Plan - Il importe d’étudier la constitution (A), les effets (B) et l’extinction de ce gage
(C).

199
A – La constitution du gage des véhicules automobiles

523 – Conditions de fond- Conditions de forme - Des conditions de fond et de forme


président à cette constitution.

524 - Conditions de fond - Assiette de la garantie - Les choses visées par l’art. 118 al. 1er
sont aussi bien les véhicules automobiles assujettis à une déclaration de mise en circulation et
à immatriculation administrative que ceux qui ne le sont pas.

Le gage portant sur un véhicule automobile peut en réalité porter sur véhicule terrestre
à moteur ou une remorque immatriculée, ce qui semble assez large pour viser toutes sortes
d’engins roulants.

525 - Parties au gage automobile - L’acte uniforme ne semble pas étendre le bénéfice de
cette sûreté à tous les créanciers mais à quelques-uns, plus précisément, le vendeur, le prêteur
de deniers ou le fournisseur du crédit.

Par ailleurs, par application du droit commun du gage, le constituant doit être
propriétaire du véhicule conformément à l’art. 95 AUS330.

526 - Conditions de forme et d’opposabilité - Le gage de véhicules automobiles doit être


passé par écrit sous peine de nullité331. L’écrit peut être un acte authentique ou sous seing
privé.

527 - Opposabilité - Le gage de véhicules automobiles est un gage sans dépossession. Il en


découle que son opposabilité aux tiers est soumise à son inscription au RCCM compétent. Par
ailleurs, aux termes de l’art. 119 AUS : « En ce qui concerne les véhicules automobiles
assujettis à une déclaration de mise en circulation et à immatriculation administrative, le gage
doit être mentionné sur le titre administratif portant autorisation de circuler et
immatriculation. L’absence de cette mention ne remet pas en cause la validité ou
l’opposabilité du gage dûment inscrit au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier ».

330
Selon cet article : « Le constituant d’un gage de biens présents doit être propriétaire de la chose gagée. S’il ,e
l’est pas, le créancier gagiste peut s’opposer à la revendication du propriétaire dans les conditions prévues
pour le possesseur de bonne foi ».

331
Il s’agit d’une application au gage des véhicules automobiles d’un principe général du droit du gage posé par
l’art. 96 AUS qui dispose que : « A peine de nullité, le contrat de gage doit être constaté dans un écrit contenant
la désignation de la dette garantie, la quantité des biens donnés en gage ainsi que leur espèce ou leur nature.
Lorsque le gage porte sur un bien ou un ensemble de biens futurs, le droit du créancier s’exerce sur le bien gagé
aussitôt que le constituant en acquiert la propriété, sauf convention contraire ».
200
Le titre administratif portant autorisation de circuler et immatriculation est la carte
grise du véhicule automobile. La mention du gage sur la carte grise est une simple commodité
destinée à renseigner les tiers et son absence n’affecte pas l’opposabilité du gage aux tiers dès
lors que ce gage a été inscrit.

B – Les effets du gage de véhicules automobiles

528 - Effets à l’égard du constituant - A l’instar du constituant du gage du matériel


professionnel, le constituant du gage de véhicules automobiles est tenu de deux obligations :
celle de conserver le bien et celle de ne pas le vendre sans l’accord préalable du créancier
gagiste.

529 - A l’égard du créancier - Le créancier gagiste dispose de trois prérogatives : le droit de


suite, le droit de préférence et le droit de réalisation332.

C – L’extinction du gage de véhicules automobiles

530 – Causes d’extinction - Le gage de véhicules automobiles est un gage sans dépossession.
Par conséquent, il s’éteint par la seule voie principale c’est-à-dire « lorsque l’obligation qu’il
garantit est entièrement éteinte, tant en capital, qu’en intérêts et autres accessoires » (art. 116
AUS).

§ 3 – Le gage de stocks

531 – Précisions - L’ancien acte uniforme regroupait en six articles (100 à 105), l’ensemble
des législations antérieures sur les warrants (agricoles, hôteliers, pétroliers, industriels) sous le
vocable de nantissement des stocks. Désormais dénommé gage de stocks, la matière est régie
par les articles 120 à 124 du nouvel acte uniforme auxquels il faut adjoindre certaines
dispositions de l’acte antérieur.

A l’instar du gage de véhicules automobiles et de matériel professionnel, le gage de


stocks est soumis à la fois aux règles du droit commun du gage et aux règles spécifiques qui le
régissent.

532 – Plan - Il est nécessaire d’avoir cela à l’esprit au moment d’analyser ce gage tant au
regard de sa constitution (A), de ses effets (B) que de son extinction (C).

332
Voir développements précédents relatifs aux effets du gage de matériel professionnel.

201
A – La constitution du gage de stocks

533 – Conditions de fond – Conditions de forme - Classiquement, il faut examiner les


conditions de fond et de forme de la constitution du gage de stocks.

534 - Conditions de fond - Les conditions de fond sont relatives à l’assiette du gage et aux
parties au contrat de gage.

535 - Assiette du gage - Les stocks pouvant être gagés sont déterminés à l’article 120 AUS
qui dispose que : « Sans préjudice des dispositions de la présente sous-section, les matières
premières, les produits d’une exploitation agricole ou industrielle, les marchandises peuvent
faire l’objet d’un gage en application des dispositions des articles 92 à 117 du présent Acte
uniforme ».

Il ressort de cette disposition que les stocks pouvant faire l’objet d’un gage sont les
matières premières (café, cacao, mines, hydrocarbures, etc.), les produits d’une exploitation
agricole (récoltes) ou industrielle (machines, véhicules non immatriculés…) et les
marchandises. En ce qui concerne les marchandises, l’ancien acte uniforme précisait
« marchandises destinées à la vente » (achetées à u producteur ou à un précédent distributeur
en vue de la revente : tissus, conserves, appareils ménagers, appareils audiovisuels…) tandis
que le nouvel acte ne fait aucune précision et semble étendre le gage à toutes les marchandises
même celles non destinées à la vente.

Par l’énumération qu’il fait, le législateur donne l’impression que ce type de gage ne
peut porter que des biens corporels présents. Cependant, en application du droit commun du
gage333, rien n’interdit, a priori, que le gage de stocks puisse porter sur des biens futurs.

536- Parties au contrat de gage - Les parties sont le constituant et le créancier gagiste.
L’acte uniforme exige que le constituant soit propriétaire des stocks gagés334.

333
Aux termes de l’art. 92 AUS : « Le gage est le contrat par lequel le constituant accorde à un créancier le
droit de se faire payer par préférence sur un bien meuble corporel ou un ensemble de biens meubles corporels,
présents ou futurs ».

334
L’art. 95 AUS dispose que : « Le constituant d’un gage de biens présents doit être propriétaire de la chose
gagée. S’il ne l’est pas, le créancier gagiste peut s’opposer à la revendication du propriétaire dans les
conditions prévues pour le possesseur de bonne foi ». Par ailleurs, l’al. 2 de l’art. 96 énonce que : « lorsque le
gage porte sur un bien ou un ensemble de biens futurs, le droit du créancier s’exerce sur le bien gagé aussitôt
que le constituant en acquiert la propriété, sauf convention contraire ».

202
537 - Conditions de forme et d’opposabilité - L’examen des conditions de forme précédera
celui des conditions d’opposabilité.

538 - Conditions de forme - Conformément au droit commun du gage, la constitution d’un


gage sur stocks suppose un écrit, en l’occurrence un acte authentique ou sous seing privé
comportant, à peine de nullité, des mentions validantes335.

Par ailleurs, la constitution de ce gage peut donner lieu à l’émission d’un bordereau de
gage de stocks. Dans ce cas, des mentions supplémentaires doivent être ajoutées à celles
contenues dans l’art. 96 conformément à l’art. 121 AUS : le nom de l’assureur qui couvre les
stocks contre certains risques et la désignation de l’établissement domiciliataire du bordereau
de gage de stocks.336.

Le bordereau doit être inscrit et contenir un certain nombre de mentions énumérées par
l’art. 122 AUS337.

539 - Conditions d’opposabilité - Le gage de stocks peut être avec dépossession ou sans
dépossession. Dans le premier cas, l’opposabilité est assurée par la dépossession. Dans le
second cas, le gage de stocks ne produit effet que s’il est inscrit au RCCM 338. Le bordereau

335
L’écrit est exigé par l’art. 96 AUS qui dispose que : « A peine de nullité, le contrat de gage doit être constaté
dans un écrit contenant la désignation de la dette garantie, la quantité des biens donnés en gage ainsi que leur
espèce ou leur nature.
Lorsque le gage porte sur un bien ou un ensemble de biens futurs, le droit du créancier s’exerce sur le
bien gagé aussitôt que le constituant en acquiert la propriété, sauf convention contraire ».

336
Selon cet article : « La constitution d’un gage de stocks sans dépossession peut donner lieu à l’émission par
le greffier, ou par le responsable de l’organe compétent dans l’Etat partie, d’un bordereau de gage de stocks.
Dans ce cas, l’acte constitutif du gage doit comporter, à peine de nullité, outre les mentions prévues par l’article
96 du présent Acte uniforme, le nom de l’assureur qui couvre les stocks gagés contre les risques de vol,
d’incendie et de détérioration totale ou partielle ainsi que la désignation de l’établissement domiciliataire du
bordereau de gage de stocks ».

337
Aux termes de l’art. 122 AUS : « Le bordereau remis au débiteur après inscription porte, de façon
apparente :
- la mention « gage de stocks » ;
- la date de sa délivrance qui correspond à celle de l’inscription au Registre du Commerce et du Crédit
Mobilier ;
- le numéro d’inscription au registre chronologique des dépôts ;
- la signature du débiteur.
Il est remis par le débiteur au créancier par voie d’endossement signé et daté.
Le bordereau peut être endossé et avalisé dans les mêmes conditions qu’un billet à ordre avec les mêmes
effets.
A défaut de convention contraire, la durée de validité du bordereau est de cinq ans à compter de la date de
son émission, sauf renouvellement ».

338
Le gage de stocks est un gage sans dépossession et son opposabilité aux tiers nécessite son inscription au
RCCM conformément à l’art. 97 al. 1er AUS qui dispose que : « Le contrat de gage est opposable aux tiers, soit
203
doit également être inscrit. Le RCCM compétent est « celui dans le ressort duquel est
immatriculé le constituant de la sûreté ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation
d’immatriculation, celui dans le ressort duquel est situé, selon le cas, le siège ou le domicile
du constituant ».

Après l’inscription, le greffier remet, si les parties en ont convenues, un bordereau de


gage qui a la même nature juridique qu’un billet à ordre garanti par une sûreté réelle339.

Une fois créé, le bordereau est remis par le débiteur au créancier par voie
d’endossement signé et daté. Après l’émission, le bordereau peut circuler par voie
d’endossement et être avalisé comme un billet à ordre. Sauf convention contraire des parties,
la durée de validité est de cinq ans à compter de la date de son émission sauf
renouvellement340. En fait, cette durée quinquennale correspond à celle du crédit à moyen
terme qui caractérise ce genre de garantie et permet de ne pas obérer trop longtemps des
stocks destinés à la vente. Le renouvellement se réalise nécessairement par l’émission d’un
nouveau bordereau ou par la conclusion d’une convention de prorogation intervenue entre les
signataires de l’effet.

Les créanciers inscrits prennent rang à la date de leur inscription sauf à préférer
l’inscription requise en vertu du titre dont la date est la plus ancienne en cas de concurrence
de sûretés inscrites le même jour. Mais puisque les stocks peuvent également faire l’objet
d’un gage avec dépossession, un concours peut surgir entre un créancier sans dépossession et
un créancier avec dépossession sur le même stock de gage. Dans ce cas, le conflit entre les
deux créanciers est réglé par l’art. 107 AUS341.

par l’inscription au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier, soit par la remise du bien gagé entre les mains
du créancier gagiste ou d’un tiers convenu entre les parties ».

339
Cf. alinéa 2 de l’art . 122 AUS : « Le bordereau peut être endossé et avalisé dans les mêmes conditions qu’un
billet à ordre avec les mêmes effets ».

340
Cf. al. 4 de l’art. 122 AUS. Il faut remarquer que le nouvel acte uniforme porte la durée de validité du
bordereau de gage à 5 ans à la différence de l’ancien qui le limitait à 3 ans (art. 103 al. 4 AUS ancien).
341
Selon cet article : « Lorsqu’un même bien fait l’objet de plusieurs gages successifs sans dépossession, le rang
des créanciers est déterminé par l’ordre de leur inscription.
Lorsqu’un bien donné en gage sans dépossession fait ultérieurement l’objet d’un gage avec dépossession, le
droit de préférence d du créancier gagiste antérieur est opposable au créancier gagiste postérieur lorsqu’il a été
régulièrement publié et nonobstant le droit de rétention de ce dernier.
Lorsqu’un bien donné en gage avec dépossession fait ultérieurement l’objet d’un gage sans dépossession, le
droit de rétention du créancier gagiste antérieur est opposable au créancier postérieur qui ne pourra prétendre
exercer ses droits sur le bien, tant que le créancier antérieur n’aura pas été entièrement payé ».

204
B – Les effets du gage de stocks

540 – Plan - On peut distinguer les effets avant l’échéance de ceux après l’échéance.

541 - Avant l’échéance - Les stocks constituent, jusqu’au remboursement total des sommes
avancées, la garantie du créancier. Toutefois, les parties peuvent convenir que la part des
stocks diminuera à proportion du désintéressement du créancier.

Le débiteur a la responsabilité du stock qui est confié à sa garde et à ses soins. En cas
d’entiercement, c’est le tiers détenteur qui assumerait cette obligation.

Le constituant est tenu de veiller à la conservation des stocks en bon père de famille 342.
Ainsi, il doit justifier que les stocks sont assurés contre les risques d’incendie et de destruction
totale ou partielle343. Le débiteur s’engage également à ne pas diminuer la valeur des stocks
gagés à peine de déchéance du terme et d’exigibilité immédiate de la dette. Afin de s’assurer
que le constituant respecte cet engagement, il doit constamment tenir à la disposition du
créancier et, éventuellement du banquier domiciliataire, un état de l’ensemble des biens gagés
ainsi que la comptabilité de toutes les opérations le concernant344.

Toutefois le débiteur conserve le droit de vendre les stocks gagés345 mais à charge de
les reconstituer. Tant que la vente des stocks est une quantité inférieure à celle gagée, la
liberté de vendre est totale. Dans le cas contraire, le débiteur ne peut livrer les biens vendus
qu’après consignation du prix chez le banquier domiciliataire. Comme on l’a si bien expliqué
« la consignation, au sens strict [dépôt d’une somme d’argent] suppose que l’acquéreur ait

342
Cf. art. 108 al. 2 AUS : « De même, lorsque le constituant est resté en possession du bien gagé, il doit le
conserver en bon père de famille et, notamment, l’assurer contre les risques de perte et de détérioration totale
ou partielle ».

343
Idem.

344
Ces dispositions sont contenues dans l’art. 110 AUS aux termes duquel : « Si le gage, quelles qu’en soient les
modalités, a pour objet un ensemble de biens fongibles, le créancier peut exiger du constituant, à peine de
déchéance du terme, qu’il en maintienne la valeur.
Le créancier peut, à tout moment et aux frais du débiteur, obtenir du constituant ou du tiers convenu un état de
l’ensemble des biens gagés ainsi que la comptabilité de toutes les opérations le concernant. Si la constitution de
la sûreté a donné lieu à l’émission d’un bordereau de gage de stocks, l’établissement domiciliataire du
bordereau a également ce pouvoir.
Est considéré comme établissement domiciliataire au sens du présent Acte uniforme, tout établissement habilité
à recevoir des dépôts du public ».

345
Aux termes de l’art. 124 AUS : « Le débiteur émetteur du bordereau de gage de stocks conserve le droit de
vendre les stocks gagés.
Il ne peut livrer les biens vendus qu’après consignation du prix auprès de l’établissement domiciliataire ».
205
déjà réglé le prix ou que le débiteur fasse l’avance de la somme correspondant au prix au
banquier domiciliataire346 ».

En dehors de cette obligation de conservation, la pratique adopte le mécanisme de la


clause dite « d’arrosage » au terme de laquelle lorsque l’état des stocks fait apparaître une
diminution d’un certain pourcentage (en général 20%) de la valeur du gage initial, quelle
qu’en soit la raison, le créancier est fondé à mettre en demeure le débiteur, soit de rétablir la
garantie, soit de rembourser une partie des sommes prêtées proportionnellement à la
diminution constatée.

542 - Après l’échéance - Si le débiteur paie sa dette à l’échéance, l’inscription du gage sera
radiée, soit à la demande du créancier, soit à celle du constituant justifiant de l’extinction de la
dette garantie. Dans l’hypothèse où le constituant a procédé à un remboursement anticipé de
sa dette, il ne sera pas tenu des intérêts restant à courir jusqu’à son échéance.

Mais dans l’hypothèse où le débiteur ne rembourse pas sa dette à l’échéance, le


créancier va poursuivre la réalisation de son gage dans les conditions prévues par l’art. 104
AUS.

C – L’extinction du gage de stocks

543 - Voie accessoire, voie principale - Le gage de stocks peut s’éteindre, soit par voie
principale, soit par voie accessoire (voir extinction du gage de droit commun).

346
ISSA-SAYEGH (J.), « OHADA-Sûretés », Chap. sur le Nantissement des stocks, Ed. Bruylant, 2002, n° 396,
p. 151.
206
CHAPITRE III

LA PROPRIETE-SURETE

544 – Présentation - La propriété pourrait bien être la meilleure des garanties car le
créancier, plutôt que de bénéficier d’un simple droit de préférence, conserve (dans le cas de la
réserve de propriété) ou acquiert (dans le cas de la fiducie-sûreté), la propriété d’un bien
mobilier.

L’intérêt pour un créancier de recourir à la propriété-sûreté est, d’une part, d’éviter la


loi du concours, puisqu’étant propriétaire du bien, il n’entrera pas en concurrence avec les
créanciers munis de sûretés classiques et, d’autre part, d’échapper aux contraintes des
procédures collectives et notamment la fameuse suspension des poursuites individuelles.

La propriété peut être utilisée de deux façons : soit le créancier conserve, retient la
propriété d’un bien qu’il ne transférera que lorsqu’il aura obtenu le paiement intégral de sa
créance, soit, à l’inverse, un créancier se fait transférer la propriété d’un bien du débiteur et le
lui restituera une fois réglée sa créance.

Cette distinction est exprimée dans l’article 71 AUS aux termes duquel : « La
propriété d’un bien mobilier peut être retenue en garantie d’une obligation par l’effet d’une
clause de réserve de propriété.

Elle peut aussi être cédée en garantie d’une obligation aux conditions prévues par le
présent Chapitre ».

545 – Plan – On étudiera, successivement, la clause de réserve de propriété (sous-chapitre


1), la cession de créance à titre de garantie (sous-chapitre 2) et le transfert fiduciaire d’une
somme d’argent (sous-chapitre 3).

207
S/ CHAPITRE I

LA CLAUSE DE RESERVE DE PROPRIETE

546 – Notion - Jusque-là contenue au contrat de vente, cette garantie fait son entrée dans
l’AUS comme une sûreté à part entière347.

Aux termes de l’art. 72 AUS : « la propriété d’un bien mobilier peut être retenue en
garantie par l’effet d’une clause de réserve de réserve qui suspend l’effet translatif d’un
contrat jusqu’au complet paiement de l’obligation qui en constitue la contrepartie ».

A partir de cette disposition, on peut définir la clause de réserve de propriété comme


la convention par laquelle l’effet translatif d’un contrat est suspendu jusqu’au complet
paiement de l’obligation qui en constitue la contrepartie.

547 – Plan - Cette définition livre tout à la fois les conditions de constitution de la clause de
réserve de propriété (Section 1) et les effets de cette clause (Section 2).

SECTION I : LES CONDITIONS DE CONSTITUTION DE LA CLAUSE


DE RESERVE DE PROPRIETE

548 – Conditions de fond – Conditions de forme - Les conditions de constitution de la


réserve de propriété sont posées aux articles 73 et 74 AUS. Ces dispositions distinguent les
conditions de fond (§1) de celles de forme (§2).

§1 – Les conditions de fond

347
Comme on a pu le relever, à juste titre : « A priori, la clause de réserve de propriété est une excellente
garantie, sinon une sûreté, pour le vendeur et ses ayants-cause. Elle produit ses effets tant que le prix n’est pas
intégralement payé (conséquence de l’indivisibilité de la sûreté) et met ses titulaires à l’abri d’un éventuel
concours avec d’autres créanciers, car elle leur permet de revendiquer la marchandise, de la récupérer, le cas
échéant, de la revendre, sans que ces derniers, quels qu’ils soient, puissent s’y opposer », cf. SIMLER (Ph.),
DELEBECQUE (Ph.), Droit civil, Les sûretés, La publicité foncière, Dalloz, 4e éd., 2004, n° 693, p. 585.
208
549 – Un écrit- Un délai – Un bien meuble – Les conditions de fond sont logées dans l’art.
73 AUS qui dispose que : « A peine de nullité, la réserve de propriété est convenue par écrit
au plus tard au jour de la livraison du bien. Elle peut l’être dans un écrit régissant un
ensemble d’opérations présentes ou à venir entre les parties ».

De cette disposition, il résulte que la validité d’une clause de réserve de propriété est
conditionnée à la réunion des éléments suivants : un écrit, donc un contrat et la stipulation de
la clause dans un délai déterminé.

A ces deux éléments, il faut adjoindre l’art. 72 AUS qui limite la clause aux biens
mobiliers et ne l’admet que pour garantir la créance issue du contrat dont le transfert de
propriété est suspendu.

A – La nécessité d’un contrat

550 – Nécessité d’un accord des parties - La clause doit résulter d’un accord des parties,
c’est-à-dire le débiteur et le créancier. Il ne peut donc y avoir une clause de réserve de
propriété unilatérale. L’écrit qui constate cette harmonie de la volonté des parties peut être de
tout genre comme un bon de commande ou les conditions générales de vente, pourvu que la
clause soit expressément stipulée.

551 – Tout contrat translatif de propriété - La clause peut figurer dans tout contrat
« translatif de propriété ». Il s’agit, bien évidemment, d’un contrat de vente. Mais il peut
également s’agir d’un contrat d’entreprise alors que, jusqu’à présent, l’AUDCG ne l’avait
envisagée qu’à propos du seul contrat de vente348. En effet, en disposant que la clause de
réserve de propriété suspend l’effet translatif « d’un contrat » jusqu’au complet paiement de
l’obligation qui en constitue la contrepartie, l’art. 72 AUS vise tout contrat translatif de
propriété et non exclusivement le contrat de vente. Ainsi, en droit français, un arrêt remarqué
avait admis la validité d’une clause de réserve de propriété à un contrat d’entreprise349.

Par ailleurs, il y a la possibilité pour la réserve de propriété d’être stipulée dans une
convention- cadre350 régissant les relations contractuelles présentes ou à venir. Cette
possibilité est une innovation importante dans la mesure où, en France, la cour de cassation
348
Il s’agissait de l’ancien AUDCG. Le nouvel AUDCG régit la clause de réserve de propriété en son article 276
mais en opérant un renvoi à l’AUS. En effet, aux termes de l’art. 276 AUS : « Les parties peuvent, toutefois,
convenir de différer le transfert de propriété en application d’une clause de réserve de propriété régie par les
articles 72 à 78 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés ».
349
Cass. Com. 19 nov. 2003, Bull. civ. N° 174.
209
exigeait que la clause soit stipulée par écrit pour chaque contrat de vente conclu entre les
parties.

Comme on l’a justement expliqué : « cet assouplissement (l’extension de l’écrit aux


conditions générales de vente) est lié à la raison d’être de l’exigence d’un écrit qui est la
protection des tiers contre une collusion frauduleuse entre le débiteur et l’un de ses
créanciers. En conséquence, l’exigence d’un écrit n’est pas une simple condition de preuve
de l’accord des parties sur la réserve de propriété et puisqu’il s’agit ici de lutter contre un
risque de fraude, il ne serait pas concevable d’accepter (…) qu’à partir du moment où la
clause a été prévue une fois par écrit et qu’elle a un caractère usuel entre les parties, il ne
soit plus nécessaire qu’elle soit stipulée pour chaque vente 351 ». Il faut donc retenir qu’une
clause de réserve de propriété peut figurer dans des conditions générales de vente sans
nécessité qu’elle soit, en plus, stipulée par écrit dans chaque vente intervenue entre les parties.

B – Le respect d’un délai

552 – Nécessité d’un délai - La stipulation de la clause de réserve est contenue dans un délai
déterminé par la loi. En effet, il ressort de l’art. 73 AUS que ladite clause doit être stipulée au
plus tard au jour de la livraison du bien. Ce délai s’explique par le fait que le transfert de
propriété est lié à la livraison du bien352. Il est donc important, si l’on veut différer ce transfert,
de stipuler la clause avant ladite livraison.

C – L’assiette de la réserve de propriété

553 – Biens mobiliers - Appréhendée comme une sûreté, la réserve de propriété ne porte que
sur des biens mobiliers353. Sont donc exclus de l’assiette de la sûreté les biens immobiliers 354.
Cela dit, le bien grevé peut être corporel ou incorporel. Il importe peu que le bien assiette de
350
Par exemple les conditions générales de vente acceptées par l’acquéreur.

351
CROCQ (P.) et alii, op. cit., n° 212, p. 168.

352
Pour le contrat de vente, voir l’art. 275 AUDCG qui dispose que : « La prise de livraison opère transfert à
l’acheteur de la propriété des marchandises ».
353
En effet, la réserve de propriété est citée par l’art. 50 AUS listant les sûretés mobilières en droit OHADA.

354
Il s’agit ici d’une différence fondamentale avec le droit français où la réserve de propriété grève aussi bien des
biens mobiliers qu’immobiliers. Par ailleurs, certains auteurs estiment que : « Le fait que la réserve de propriété
immobilière ne soit pas envisagée par l’AUS ne doit (..) pas être analysé comme constituant en interdiction de
celle-ci, en application du numerus clausus des sûretés réelles mais simplement comme une indication de ce
qu’elle n’a pas été considérée comme une véritable sûreté par les auteurs de la réforme », cf. CROCQ (P.) et
alii, op. cit., n° 208, p. 166.
210
la sûreté bénéficie de sûretés qui lui soient spécialement dédiées. Ainsi, le fait que le matériel
professionnel et les véhicules automobiles puissent faire l’objet d’un gage n’empêche pas la
faculté qu’ils puissent être l’objet d’une clause de réserve de propriété.

D – La créance garantie

554 – Nécessité d’une créance garantie- La réserve de propriété ne peut garantir une créance
autre que celle qui constitue la contrepartie du transfert de propriété. En posant cette
condition, le législateur consacre une sorte de principe de spécialité de la créance garantie.
Ainsi, la clause de réserve de propriété est l’accessoire de la créance dont elle garantit le
paiement355.

Outre les conditions de fond, il y a lieu d’exposer les conditions de forme de la


constitution de la réserve de propriété.

§ 2 – Les conditions de forme

555 – Ecrit et inscription – Les conditions de forme ressortent à la fois des articles 73 et 74
AUS et se résument en deux points : la nécessité d’un écrit (A) et l’inscription de la clause au
RCCM (B).

A – La nécessité d’un écrit

556 – Ecrit, condition de validité - La clause de réserve de propriété doit être nécessairement
stipulée par écrit. L’écrit est voulu comme une condition de validité de la clause 356. Cet écrit
peut être le contrat (la vente, le contrat d’entreprise) ou un document postérieur (bon de
livraison, facture…) pourvu que ce document soit porté à la connaissance de l’autre partie au
plus tard au moment de la livraison.

B – L’inscription de la clause au RCCM

355
La clause de réserve de propriété endosse ici le caractère accessoire de toute sûreté expressément formulé par
l’art. 2 AUS lorsqu’il dispose que : « Sauf disposition contraire du présent Acte uniforme, les sûretés qu’il régit
sont accessoires de l’obligation dont elles garantissent l’exécution ».
356
En effet, l’art. 73 AUS mentionne expressément que le défaut d’écrit est sanctionné par la nullité de la clause
de réserve de propriété.
211
557 – Nécessité de la publicité - L’opposabilité aux tiers de la réserve de propriété est
soumise à l’accomplissement d’une formalité de publicité énoncée par l’art. 74 AUS357. Il
s’agit de l’inscription au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier.

Le RCCM compétent est « celui dans le ressort duquel est immatriculé le constituant
de la sûreté ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation d’immatriculation, celui dans le ressort
duquel est situé, selon le cas, le siège ou le domicile du constituant » (art. 52 AUS).

558 – Portée de l’exigence de la publicité – La publicité n’est pas facultative. Elle est
obligatoire. Il en découle qu’en l’absence d’inscription au RCCM, la réserve de propriété est
inopposable aux tiers. Comme on l’a justement relevé : « (…) lorsque la publicité est exigée à
peine d’inopposabilité, comme c’est le cas dans le droit de l’OHADA, elle génère un système
de tout ou rien : soit elle est effectuée et les tiers sont présumés de manière irréfragable
connaître l’existence de la réserve de propriété ; soit elle ne l’est pas et ils peuvent ne pas en
tenir compte, quelle que soit par ailleurs la connaissance personnelle du contenu du contrat
qu’ils pourraient avoir358 ».

Ainsi jugé que, face à une saisie de marchandises, le vendeur, agissant en distraction
de ces marchandises saisies, ne peut invoquer un contrat de dépôt-vente et une clause de
réserve de propriété qui n’ont pas fait l’objet de la publicité au registre du commerce et du
crédit mobilier359. De même, en matière d’arbitrage, il a été jugé que des arbitres ne peuvent
prendre en compte, au risque de violer la loi, des clauses de réserve de propriété qui n’ont pas
été enregistrées comme le prévoit la loi360.

SECTION 2 – LES EFFETS DE LA CLAUSE DE RESERVE DE


PROPRIETE
357
Aux termes de cet article : « La réserve de propriété n’est opposable aux tiers que si celle-ci a été
régulièrement publiée au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier, conformément aux dispositions des
articles 51 à 66 du présent Acte uniforme ». L’exigence de la publicité de la clause de réserve de propriété est
également portée par l’article 103 al. 2 AUPC lorsqu’il dispose que : « Peuvent être également revendiqués les
marchandises et les objets mobiliers, s’ils se retrouvent en nature, vendus avec une clause subordonnant le
transfert de propriété au paiement intégral du prix, lorsque cette clause a été convenue entre les parties dans un
écrit et a été régulièrement publiée au Registre du commerce et du crédit mobilier ».
358
CROCQ (P.), op. cit., n° 214, p. 169.

359
TRIBUNAL REGIONAL HORS CLASSE DE DAKAR, Jugement n° 117 du 15 janvier 2002, Ali MEHSEN
c/ Jamal SALEH, maître Ndèye Tegue Fall Lo et maître Mademba Guèye, Ohadata J-05-90.
360
Cour d’appel du Centre, arrêt n° 52/civ du 6 février 2008, Groupe Prodicom Sarl, KEUMEDJEU Joseph,
représentant contre SDBC, SNC, BAT, le centre d’arbitrage du GICAM.
212
559 – Plan - Il y a lieu de distinguer les effets avant l’échéance (§1) de ceux en cas de
défaillance du débiteur (§2).

§1 – Les effets avant l’échéance

560 – Parties au contrat – Biens grevés- Ils concernent à la fois les parties au contrat (A)
que les biens grevés de la clause (B).

A – Les effets relatifs aux parties

561- Suspension de l’effet translatif du contrat- La réserve de propriété a pour effet de


suspendre l’effet translatif du contrat jusqu’au complet paiement de l’obligation qui en
constitue la contrepartie.

562 – Prérogatives de l’acheteur – En pratique, les biens faisant l’objet d’une réserve de
propriété sont livrés au débiteur (acheteur) avant d’être payés car l’activité. Ainsi, l’acheteur,
quoique non propriétaire, dispose de toutes les prérogatives de la propriété. Il peut utiliser la
chose, en percevoir les fruits...En réalité tout dépend des stipulations contractuelles.

563 – Prérogatives du vendeur - Tant que le paiement intégral n’est pas intervenu, le
vendeur reste propriétaire du bien grevé. Conséquemment, il supporte les risques de
destruction ou de détérioration de la chose. Mais en pratique, sont insérées des clauses de
transfert des risques à la charge de l’acheteur.

B – Les effets sur les biens grevés

564 – Biens fongibles - L’AUS contient des dispositions particulières relatives à certaines
hypothèses. Ainsi, si le bien grevé est un bien fongible, « la propriété réservée… peut
s’exercer, à concurrence de la créance restant due, sur des biens de même espèce et de même
qualité détenus par le débiteur ou pour son compte » (art. 75 AUS).

Cette disposition autorise donc le débiteur à utiliser les biens fongibles grevés quitte à
reporter la sûreté sur des biens de même espèce et de même qualité qu’il détient.

565 – Vente ou destruction du bien grevé - Par ailleurs, en cas de vente ou de destruction du
bien grevé, « le droit de propriété se reporte, selon le cas, sur la créance du débiteur à

213
l’égard du sous-acquéreur ou sur l’indemnité d’assurance subrogée au bien 361 » (art. 78
AUS).

566 – Conséquences de la subrogation réelle 362 – Trois conséquences peuvent être tirées de
cette solution. D’abord, le report du droit du bénéficiaire de la clause de réserve de propriété
sur la créance du prix de revente n’est plus une solution exclusive au droit des procédures
collectives mais devient un principe du droit des sûretés. Ensuite, ce jeu de la subrogation
réelle s’applique même lorsque la clause est insérée dans tout contrat translatif de propriété et
non seulement lorsqu’il s’agit d’un contrat de vente. Enfin, la subrogation réelle concerne,
outre la vente du bien, sa destruction puisqu’on admet que le droit du bénéficiaire de la
réserve de propriété se reporte sur l’indemnité d’assurance.

Comme on l’a, à juste titre, relevé : « Cette conception extensive du jeu de la


subrogation réelle (...) est une illustration de l’assimilation de la réserve de propriété à une
sûreté réelle car le jeu de la subrogation est le principe dans le cas des sûretés réelles
traditionnelles (dans la mesure où elles ont principalement pour objet la valeur du bien
concerné) alors que le jeu de la subrogation réelle est, au contraire, exceptionnel dans le cas
d’une propriété ‘‘classique’’ car le droit de propriété a pour objet principal non seulement la
valeur du bien mais aussi la matérialité de ce bien 363».

567 – Opposabilité de la subrogation réelle aux tiers – Une fois admis le jeu de la
subrogation réelle, se pose la question de l’opposabilité aux tiers du report du droit du
bénéficiaire de la réserve de propriété sur la créance du prix. A quelle date ce report est-il
opposable aux tiers ? Est-ce à la date où la revente a eu lieu ou à la date de la publication de la
clause de réserve de propriété ? La question est d’importance car l’opposabilité de la réserve
de propriété suppose son inscription au RCCM.

La solution à la question réside dans la comparaison entre les dates d’inscription au


RCCM de la réserve de propriété et de la cession de la créance du prix de revente. En effet, il
est évident que si la clause de réserve de propriété n’a pas été publiée ou ne l’a été qu’après la

361
L’art. 78 AUS reprend les dispositions de l’al. 4 de l’art. 103 AUS qui dispose que : « En cas d’aliénation de
ces marchandises et objets mobiliers, peut être revendiqué, contre le sous-acquéreur, le prix ou la partie du prix
dû si celui-ci n’a été ni payé en valeur ni compensé en compte courant entre le débiteur et le sous-acquéreur ».
362
Pour une explication plus détaillée des conséquences de la subrogation réelle, v. CROCQ (P.) et alii, op. cit.,
n° 220, p. 173.
363
Idem, n° 220, p. 174.
214
publication de la cession de la créance du prix de revente, le bénéficiaire de la réserve ne sera
pas préféré au cessionnaire. Par contre, si la réserve de propriété a été publiée avant la cession
de la créance du prix de revente, le bénéficiaire de la réserve de propriété doit être préféré au
cessionnaire. La subrogation réelle sera donc opposable au cessionnaire.

568 – Incorporation à un autre bien – Le droit de propriété du bénéficiaire de la réserve de


propriété subsiste-t-il lorsque l’objet de la réserve est incorporé dans un autre bien ? La
réponse est fournie par l’art. 76 AUS qui dispose que : « l’incorporation d’un meuble faisant
l’objet d’une réserve de propriété à un autre bien ne fait pas obstacle aux droits du créancier
lorsque ces biens peuvent être séparés sans subir de dommage.

A défaut, le tout appartient au propriétaire de la chose qui forme la partie principale, à


charge pour lui de payer à l’autre la valeur, estimée à la date du paiement, de la chose qui y
a été unie ».

Cette disposition distingue deux hypothèses. La première est relative au cas où les
deux biens peuvent être « séparés sans subir de dommage ». Il s’agit ici d’un démontage des
biens sans détérioration matérielle des deux biens. Dans ce cas, les droits du bénéficiaire de la
réserve de propriété sur le bien incorporé subsistent.

La deuxième hypothèse concerne le cas où les deux biens ne peuvent être séparés sans
subir de dommage. Ici, le démontage des biens entraînerait nécessairement leur détérioration
matérielle. Dans ce cas, les deux biens réunis appartiennent « au propriétaire de la chose qui
forme la partie principale, à charge pour lui de payer à l’autre la valeur, estimée à la date du
paiement, de la chose qui y a été unie ».

§2 – Les effets en cas de défaillance du débiteur

569 – Précisions - L’effet primordial de la réserve de propriété est lié à la défaillance du


débiteur. Dans ce cas, le créancier réservataire dispose de la possibilité de réaliser sa sûreté. Il
va alors exercer une action en restitution. Cette réalisation peut prendre deux formes selon que
le débiteur est in bonis (A) ou dans les liens d’une procédure collective (B).

A – L’action en restitution quand le débiteur est in bonis

570 – Objet de l’action en restitution – Par l’effet de la clause de réserve de propriété, le


bénéficiaire de cette clause ne perd pas la propriété du bien. En pratique, il en perd la
disposition puisqu’il offre la jouissance du bien au débiteur. Par conséquent, en cas de
215
défaillance du débiteur, le créancier bénéficiaire cherchera à recouvrer non la propriété mais
la disposition du bien. L’alinéa 1er de l’art. 77 AUS est très clair sur ce point lorsqu’il dispose
que : « à défaut de complet paiement à l’échéance, le créancier peut demander la restitution
du bien afin de recouvrer le droit d’en disposer ».

D’où l’explication diaphane suivante : « Mais il reste à savoir ce qui peut être donné
au créancier du fait de l’exercice de l’action en revendication au titre de cette exécution par
équivalent. Il ne peut pas s’agir de la propriété du bien puisque le créancier, par définition,
est déjà propriétaire du bien faisant l’objet de la réserve de propriété avant l’exercice de
cette action. Ce qui lui est donné, ou plutôt redonné, c’est le droit de disposer du bien au
profit d’autrui, un droit dont il s’était initialement dépouillé en contractant avec
l’acheteur364 ».

571 – Effets de l’action en restitution – Il importe d’analyser l’incidence de la restitution sur


le sort du contrat. L’action en restitution a un effet primordial sur le contrat : elle opère une
dation en paiement manifestée par la compensation entre la créance du prix de vente
appartenant au bénéficiaire de la réserve de propriété et la valeur du bien repris estimée au
jour de la restitution dudit bien. C’est cela qu’exprime l’al. 2 de l’art. 77 quand il précise que :
« La valeur du bien repris est imputée, à titre de paiement, sur le solde de la créance
garantie ».

Le créancier réservataire pourra donc revendre le bien et si la valeur du bien repris


venait à excéder le montant de la dette garantie encore exigible, le créancier « doit au
débiteur une somme égale à la différence » (art. 77 al3 AUS). Cette disposition est d’ordre
public puisque « toute clause contraire est réputée non écrite » (art. 77 AUS in fine).

572 – Inécessité de la résolution du contrat - L’action en restitution n’est donc pas une
action résolutoire de la clause mais bien la réalisation de la sûreté qu’est la clause de réserve
de propriété.

Il en découle que l’action en restitution ou en revendication n’entraîne pas la


résolution du contrat. En effet, comme on l’a bien relevé : « les deux institutions ne sont pas
liées : la résolution suppose une demande en justice et appelle une appréciation du juge ; la
revendication n’est que l’action tendant à voir reconnaître un droit de propriété sur une

364
CROCQ (P.) et alii, op. cit., n° 222, p. 175. Il faut relever que si les auteurs utilisent l’expression « action en
revendication », il s’agit cependant de l’action en restitution prévue par l’art. 77 AUS.
216
chose. Elle peut être doublée d’une action en restitution qui tend à la récupération matérielle
de la chose365 ».

C’est pourquoi une certaine décision affirmant le contraire est critiquable. Il s’agit du
jugement du 18 décembre 2002 du Tribunal régional hors classe de Thiès, EGBER c/ ND
INTERNATIONAL366.

En l’espèce, le 16 avril 1999, la société ND International a vendu à l’Entreprise


Générale de Bâtiment et d’Entretien Routier (EGBER), un Grader Caterpillar au prix de
trente-neuf millions trois cent mille francs CFA (39.3000.000). Une partie importante du prix
soit 28.450.000 FCFA a été payée le solde devant être versé au plus tard le 5 octobre 1999. La
vente contient une clause de réserve de propriété au profit du vendeur ND International ainsi
qu’une clause de résolution de plein droit du contrat. Le débiteur étant défaillant à l’échéance,
le créancier a intenté une action en restitution du Grader. Le tribunal a rejeté sa demande en
arguant que le créancier devait d’abord obtenir la résolution préalable de la vente avant
d’obtenir restitution du Grader. En effet, selon les premiers juges, la clause de réserve de
propriété « garantit le paiement intégral du prix mais ne met pas à la charge de l’acheteur
une obligation de restituer ou de délivrer sauf au cas où la vente serait résolue ». Cette
décision est critiquable. Le juge a erré en ignorant royalement l’effet de la clause de réserve
de propriété : par elle, le créancier n’a nullement besoin d’obtenir au préalable la résolution de
la vente pour obtenir restitution de l’objet de la réserve en cas de défaillance du débiteur. En
décidant autrement, le juge n’a pas dit le droit.

Pour conclure sur cette décision, il nous suffit de citer le désaveu cinglant d’un de ses
commentateurs : « On ne peut pas approuver cette décision. Que la clause de réserve de
propriété soit inscrite seule ou au côté d’une clause de résolution (au demeurant, même si
elle n’est pas expressément prévue, la loi et la jurisprudence considèrent qu’elle est toujours
sous-entendue), elle suffit à permettre au vendeur de réclamer la restitution de la chose
vendue, quitte à opérer, comme en cas de résolution, à une restitution d’une partie du prix
payé à l’acheteur si celui-ci a acquitté une fraction importante et à l’allocation de
dommages-intérêts à la charge de l’acquéreur pour dépréciation de la chose en cas
d’utilisation367 ».

365
SIMLER (Ph.), DELEBECQUE (Ph.), op. cit., n° 697, p. 591.

366
V. Ohadata J-03-202.
217
B – L’action en revendication en cas de procédure collective contre le débiteur

573 – Nécessité de la production du créancier - Lorsque le débiteur est dans les liens d’une
procédure collective, le créancier réservataire va avoir recours à l’action en revendication telle
que prévue par les dispositions de l’acte uniforme sur les procédures collectives (AUPC)
notamment les articles 101368 et suivants.

Ainsi, pour exercer l’action en revendication après l’ouverture de la procédure


collective ou reprendre l’exercice de l’action introduite antérieurement et suspendu à compter
du jugement d’ouverture, le revendiquant doit produire conformément aux dispositions des
art. 78 à 88 AUPC. Le créancier revendiquant doit produire dans un délai de trente jours à
partir de la deuxième insertion dans un journal d’annonces légales ou suivant celle faite au
journal officiel. La revendication admise par le syndic ou le juge-commissaire ou la
juridiction compétente est enfermée dans des délais stricts : à peine de forclusion, elle doit se
faire dans les trois mois suivant la publicité du dépôt de l’arrêté des créances ou de la décision
de justice admettant les revendications.

La revendication exige que les biens se retrouvent en nature369. Dans le cas contraire,
on peut faire application des articles 75, 76 et 78 AUS.

367
ISSA-SAYEGH, note sous jugement du 18 décembre 2002 du Tribunal régional hors classe de Thiès,
EGBER c/ ND INTERNATIONAL, www. Ohada.com, Ohadata J-03-202.
368
Selon l’article 101 AUPC : « Les actions en revendication ne peuvent être reprises ou exercées que si le
revendiquant a produit et respecté les formes et délais prévus par les articles 78 à 88 ci-dessus.
Les revendications admises par le syndic, le juge-commissaire ou la juridiction compétente doivent être
exercées, à peine de forclusion, dans un délai de trois mois à compter de l’information prévue par l’article 87
alinéa 3 ci-dessus ou de la décision de justice admettant les revendications ».

369
Aux termes de l’art. 103 AUPC : « Peuvent être revendiqués, à conditions qu’ils se retrouvent en nature, les
marchandises consignées et les objets mobiliers remis au débiteur, soit pour être vendus pour le compte du
propriétaire, soit à titre de dépôt, de prêt, de mandat ou de location ou de tout autre contrat à charge de
restitution.
Peuvent être également revendiqués les marchandises et les objets mobiliers, s’ils se retrouvent en nature,
vendus avec une clause subordonnant le transfert de propriété au paiement intégral du prix, lorsque cette clause
a été convenue entre les parties dans un écrit et a été régulièrement publiée au Registre du commerce et du
crédit mobilier.
Toutefois, s’agissant de marchandises et d’objets mobiliers consignés au débiteur pour être vendus ou vendus
avec clause de réserve de propriété, il n’y a pas lieu à revendication si, avant la restitution des marchandises et
objets mobiliers, le prix est payé intégralement et immédiatement par le syndic assistant ou représentant le
débiteur, selon le cas.
En cas d’aliénation de ces marchandises et objets mobiliers, peut être revendiqué, contre le sous-acquéreur, le
prix ou la partie du prix dû si celui-ci n’a été ni payé en valeur ni compensé en compte courant entre le débiteur
et le sous-acquéreur ».

218
574 – Effets de l’action en revendication - Avec l’action en revendication, le créancier
réservataire retrouve la possession de la chose. Mais que devient le contrat contenant la clause
de propriété ? La cour de cassation française considérait que le contrat n’était pas résolu mais
que le créancier retrouvait le droit de disposer de la chose et que sa créance contre le débiteur
était éteinte à concurrence de la valeur du bien revendiqué370. Cette solution est expressément
consacrée par l’AUS en l’al. 2 de l’art. 77 qui précise que : « La valeur du bien repris est
imputée, à titre de paiement, sur le solde de la créance garantie ».

370
Cass. com. 5 mars 1996.
219
S/ CHAPITRE II

LA CESSION DE CREANCE A TITRE DE GARANTIE

575 – Généralités - La cession d’un bien à titre de garantie était totalement ignorée par le
droit de l’OHADA. Cette situation a changé avec la réforme de l’acte uniforme sur les sûretés
adoptée le 15 décembre 2010 à Lomé. A partir de cette réforme, la cession de créance à titre
de garantie fait son entrée dans l’acte uniforme portant organisation des sûretés et elle est
réglementée par les articles 80 à 86 AUS.

La cession de créance est une illustration de la propriété cédée. Cette dernière est
appréhendée par l’art. 79 AUS qui dispose que : « La propriété d’un bien, actuel ou futur, ou
d’un ensemble de biens, peut être cédée en garantie du paiement d’une dette, actuelle ou
future, ou d’un ensemble de dettes aux conditions prévues par la présente section ».

576 – Définition - La cession de créance est une convention par laquelle un créancier, le
cédant, transfère à une personne qui va devenir le nouveau créancier, le cessionnaire, la
créance qu’il a sur son débiteur, le cédé.

577 – Plan - La cession de créance, pour produire des effets (Section 2) doit obéir à certaines
conditions de formation (Section 1).

Il importe de voir également comment elle se réalise. Cette réalisation sera couplée
avec les effets de la sûreté.

SECTION 1 : LES CONDITIONS DE FORMATION

La cession se présente comme une convention entre cédant et cessionnaire mais qui
doit être portée à la connaissance du débiteur cédé et des tiers pour leur être opposable. On
peut distinguer les conditions de fond de la cession (§1) et les conditions de forme de la
cession (§2).

§1 – Les conditions de fond


220
578 – Nécessité d’un contrat - La cession résulte d’un accord des parties. Un contrat est donc
nécessaire et il faut examiner les conditions relatives aux parties (A).

A ces conditions, il est nécessaire d’adjoindre celles relatives aux créances (B).

A – Les conditions relatives aux parties

579 – Cessionnaire, cédant, débiteur cédé - Aux termes de l’art. 80 al. 1er AUS, « Une
créance détenue sur un tiers peut être cédée à titre de garantie de tout crédit consenti par une
personne morale nationale ou étrangère, faisant à titre de profession habituelle et pour son
compte des opérations de banque ou de crédit ». Cette disposition contient des informations
relatives aux parties, plus particulièrement au cessionnaire (2). L’autre partie étant le cédant
ou le débiteur de la créance cédée (1).

580 - Cédant et/ou débiteur de la créance cédée - La cession de créance est, en principe, un
contrat passé entre le cédant et le cessionnaire. Toutefois, le débiteur de la créance cédée peut
aussi intervenir à l’acte371.

Le cédant et le débiteur de la créance cédée peuvent être des personnes physiques


comme des personnes morales.

581 – Cessionnaire : exclusivement une personne morale - Le cessionnaire ne peut être


qu’une personne morale et plus précisément « une personne morale nationale ou étrangère,
faisant à titre de profession habituelle et pour son compte des opérations de banque ou de
crédit ».

La cession de créance utilisée comme une garantie apparaît donc comme une sûreté au
bénéfice des établissements de crédit, nationaux ou étrangers.

B – Les conditions relatives aux créances

582 – Créance garantie, créance cédée - Deux types de créances sont en jeu : les créances
garanties et les créances cédées.

583 - Créances garanties - Ce sont les créances du cessionnaire sur le cédant, c’est-à-dire le
crédit consenti par une banque ou un établissement de crédit au cédant. Toutefois, vu que
l’art. 80 alinéa 1 AUS ne précise pas expressément à qui le crédit doit être consenti, on en

371
En effet, aux termes de l’al. 1 de l’art. 84 AUS : « Pour être opposable au débiteur de la créance cédée, la
cession de créance doit lui être notifiée ou ce dernier doit intervenir à l’acte » (c’est nous qui soulignons).
221
déduit que la cession de créance à titre de garantie peut être utilisée en garantie d’un crédit
accordé à une personne autre que le cédant. Dans ce cas, elle est un cautionnement réel.

584- Créances cédées - Ce sont les créances du cédant sur le débiteur cédé, autrement dit « la
créance détenue sur un tiers » par le cédant. Il peut s’agir d’une créance ou d’un ensemble de
créances et ces créances peuvent être présentes ou futures372.

En principe, la cession s’étend également aux accessoires de la créance. Si les parties


ne désirent pas cette extension de la cession aux accessoires de celle-ci, elles doivent le
stipuler expressément dans la cession de créance373.

§2 – Les conditions de forme

585 – Plan - Les conditions de forme sont relatives à la nécessité d’un écrit (A) et à celle de
l’opposabilité de la cession de créance (B).

A – La nécessité d’un écrit

586 – Un contrat solennel- La cession de créance doit être passée par écrit conformément à
l’art. 81 AUS qui énonce que « La cession de créance à titre de garantie doit être constatée
dans un écrit comportant, à peine de nullité, les énonciations suivantes :

1°) le nom ou la dénomination sociale du cédant et du cessionnaire ;

2°) la date de la cession ;

3°) et la désignation des créances garanties et des créances cédées.

Si ces créances sont futures, l’acte doit permettre leur individualisation ou contenir des
éléments permettant celle-ci tels que l’indication du débiteur, le lieu de paiement, le montant
des créances ou leur évaluation et, s’il y a lieu, leur échéance ».

Comme on peut le constater, l’écrit est voulu comme une condition de validité de la
cession de créance. Le contrat de cession de créance est donc un contrat solennel. Toutefois,

372
Dans ce cas, le contrat doit permettre leur individualisation ou contenir des éléments permettant celle-ci tels
que l’indication du débiteur, le lieu de paiement, le montant des créances ou leur évaluation et, s’il y a lieu, leur
échéance.

373
Cf. art 83 AUS qui dispose que : « A moins que les parties n’en conviennent autrement, la cession s’étend aux
accessoires de la créance et entraîne de plein droit leur transfert et son opposabilité aux tiers sans autre
formalité que celle énoncée à l’article précédent ».
222
l’acte uniforme est muet quant à la nature de cet écrit. On en déduit qu’il peut s’agir d’un acte
sous seing privé ou d’un acte authentique.

B – L’opposabilité de la cession de créance

587 – Deux modes d’opposabilité - On distingue deux modalités d’opposabilité selon que la
cession doive être imposée au débiteur de la créance cédée ou aux tiers penitus extranei.

588 – Opposabilité de la cession au débiteur cédé - Dans la première hypothèse, l’art. 84


AUS dispose que « Pour être opposable au débiteur de la créance cédée, la cession de
créance doit lui être notifiée ou ce dernier doit intervenir à l’acte.

A défaut, le cédant reçoit valablement paiement de la créance ».

589 – Notification de l’acte au débiteur cédé - Il résulte de cette disposition que la cession
de créance doit être notifiée au débiteur de la créance cédée pour lui être opposable. La
notification est une formalité plus souple que la signification. En effet, cette dernière est
nécessairement un exploit d’huissier alors que la première est manifestée soit par une simple
missive, ou une lettre avec accusé de réception ou par tout moyen permettant d’établir que le
débiteur cédé a été informée de la cession de créance intervenue entre le cédant et le
cessionnaire. La notification peut être faite par le cédant ou le cessionnaire ; en pratique, cette
formalité est à la charge du cédant.

590 – Intervention du débiteur cédé à l’acte de cession - Si les parties ne veulent pas avoir
recours à la notification, elles ont la possibilité de faire intervenir le débiteur de la créance
cédée à l’acte de cession. Ledit débiteur apparaît alors comme une troisième partie à la
cession de créance.

591 – Sanction - Si ces deux formalités, notification ou intervention du débiteur de la créance


cédée, ne sont pas effectuées, la cession est inopposable au débiteur cédé et seul le cédant
reçoit valablement paiement de la créance à l’échéance de la créance cédée.

592 – Opposabilité de la cession aux tiers penitus extranei : inscription au RCCM - Pour
être opposable aux tiers penitus extranei, la cession de créance doit être inscrite au Registre
du Commerce et du Crédit Mobilier conformément à l’art. 82 al. 1er AUS374. L’inscription se

374
Selon cette disposition : « A la date de sa conclusion, le contrat de cession d’une créance, présente ou future,
à titre de garantie, prend immédiatement effet entre les parties, quelle que soit la date de naissance, d’échéance
ou d’exigibilité de la créance cédée et devient opposable aux tiers à compter de son inscription au Registre du
Commerce et du Crédit Mobilier et ce, quelle que soit la loi applicable à la créance et la loi du pays de
223
fait conformément aux dispositions des art. 51 et s. AUS. Un extrait de l’art. 52 AUS précise
que « le Registre du Commerce et du Crédit Mobilier compétent pour recevoir l’inscription
des nantissements de créance ou des cessions de créance à titre de garantie est celui dans le
ressort duquel est immatriculé le débiteur de cette créance ou, s’il n’est pas soumis à
l’obligation d’immatriculation, celui dans le ressort duquel est situé, selon le cas, le siège ou
le domicile de ce débiteur ».

Les parties décident de la durée de validité de l’inscription sans que cette durée puisse
dépasser dix ans à compter de l’inscription375.

593 – Règlement du conflit entre créanciers inscrits - Le conflit de créanciers inscrits sur le
même bien est réglé par l’art. 57 AUS. Plus particulièrement, les al. 3, 4 et 5 de cet art.
énoncent que : « Si les inscriptions de sûretés concurrentes grevant un même bien sont
requises le même jour en vertu de titres ayant la même date, les sûretés sont réputées de
même rang à l’exception des cessions à titre de garantie et réserves de propriétés qui sont
alors réputées inscrites avant les autres sûretés dont l’inscription a été requise le même jour,
quel que soit l’ordre du registre susvisé.

Si les inscriptions d’une réserve de propriété et d’une cession à titre de garantie ayant pour
objet un même bien sont requises le même jour, la réserve de propriété est réputée avoir été
inscrite en premier, quel que soit l’ordre du registre susvisé.

Si les inscriptions de cessions à titre de garantie ayant pour objet un même bien sont requises
le même jour en vertu de titres ayant la même date, ce bien sera réputé appartenir à ces
créanciers à proportion du montant de leur créance, quel que soit l’ordre du registre
susvisé ».

SECTION 2 : LES EFFETS ET LA REALISATION DE LA CESSION DE


CREANCE

594 – Plan - L’examen des effets (§ 1) précédera celui de la réalisation de la cession de


créance (§ 2).

résidence de son débiteur ».


375
En effet, aux termes de l’art. 58 al. 2 AUS : « Pour les autres sûretés mobilières soumises à publicité, les
parties peuvent convenir de la durée de validité de l’inscription au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier
dans l’acte constitutif de ladite sûreté mobilière sans que cette durée puisse dépasser dix années à compter de
l’inscription ».
224
§ 1 – Les effets de la cession de créance

595– Parties et tiers - Validement constituée, la cession de créance produit des effets. Ces
effets concernent les parties (A) et, dès l’information du débiteur de la créance cédée, les tiers
(B).

A – Les effets entre les parties

La cession de créance entraîne le transfert immédiat de la créance et de ses accessoires


au cessionnaire et crée des obligations à la charge du cédant.

596 - Transfert de la créance cédée au cessionnaire - La cession de créance est une


manifestation de la fiducie-sûreté. En conséquence, elle entraîne, le transfert des créances
cédées au cessionnaire. La créance cédée, créance du cédant sur le débiteur de la créance
cédée, deviendra la créance du cessionnaire. Ce dernier en devient donc propriétaire376.

Toutefois, il s’agit d’un transfert pignoratif, c’est-à-dire à titre de garantie. Cela


signifie que le cessionnaire devra attendre l’échéance de la créance garantie avant de réaliser
sa sûreté. Avant cette échéance, la créance transmise n’est qu’une garantie entre ses mains et
il ne peut s’en servir.

597 – Transfert immédiat des accessoires de la créance - Sont également transférés les
accessoires de la créance conformément à l’art. 83 AUS selon lequel : « A moins que les
parties n’en conviennent autrement, la cession s’étend aux accessoires de la créance et
entraîne de plein droit leur transfert et son opposabilité aux tiers sans autre formalité que
celle énoncée à l’article précédent ».

598 – Sens du transfert immédiat - Le transfert de la créance prend effet immédiatement


effet entre les parties dès la conclusion du contrat. Il en découle donc que la validité de la
cession de créance entre les parties est concomitante à la conclusion du contrat et n’est pas
soumise à une formalité supplémentaire pourvu que le contrat ait été passé par écrit377.

376
Ce transfert du droit de propriété découle de l’art. 79 AUS qui dispose que : « La propriété d’un bien, actuel
ou futur, ou d’un ensemble de biens, peut être cédée en garantie du paiement d’une dette, actuelle ou future, ou
d’un ensemble de dettes aux conditions prévues par la présente section ».
377
Voir sur ce point l’art. 82 AUS dont un extrait de l’al. 1er énonce que : « A la date de sa conclusion, le contrat
de cession d’une créance, présente ou future, à titre de garantie, prend immédiatement effet entre les parties,
quelle que soit la date de naissance, d’échéance ou d’exigibilité de la créance cédée… ».
225
599 - Obligations à la charge du cédant - Aux termes de l’al. 2 de l’art. 82 AUS : « A
compter de la cession, le cédant ne peut, sans l’accord du cessionnaire, modifier l’étendue
des droits attachés à la créance cédée ».

La cession de créance crée donc une obligation à la charge du cédant. La cession de


créance s’impose à lui et il est tenu de veiller à garder la valeur de la sûreté. Pour ce faire, il a
besoin de l’accord du cessionnaire pour, éventuellement, modifier l’étendue des droits
attachés à la créance cédée. On voit ainsi peser sur le cédant le poids de la sûreté qui,
corrélativement, accorde un droit de regard au cessionnaire sur le cédant.

B – Les effets sur les tiers

600 – Plan - Plusieurs tiers sont intéressés par la cession de créance. Il peut s’agir du débiteur
de la créance cédée et des cessionnaires successifs.

601 - A l’égard du débiteur de la créance cédée - Les formalités de l’art. 84 AUS tendent à
protéger le débiteur de la créance cédée ; aussi la cession de créance ne produit-elle d’effets à
son égard qu’après l’accomplissement de l’une ou de l’autre.

Ainsi, avant la notification ou l’acceptation ou à défaut de l’une ou de l’autre, le


débiteur de la créance cédée n’a aucun lien avec le cessionnaire qu’il ignore juridiquement ;
par conséquent, il peut parfaitement se libérer en payant le cédant 378 et il peut refuser de payer
le cessionnaire. En revanche, il n’a pas non plus le droit d’invoquer la cession pour refuser de
payer le cédant car il est un tiers par rapport à la cession et ne peut donc s’en prévaloir en
vertu de l’effet relatif des conventions379.

Après la notification ou l’acceptation, la situation est inversée : le débiteur de la


créance cédée ne peut se libérer qu’en paiement exclusivement le cessionnaire. Cette solution
découle d’une analyse a contrario de l’art. 84 AUS qui dispose que : « pour être opposable au
débiteur de la créance cédée, la cession de créance doit lui être notifiée ou ce dernier doit
intervenir à l’acte.

A défaut, le cédant reçoit valablement paiement de la créance ».

378
Cf. art. 84 al. 2 AUS.

379
En effet, l’art. 1165 du code civil dispose que : « Les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties
contractantes ; elles ne nuisent point aux tiers et elles ne lui profitent que dans le cas prévu par l’article 1121 ».
226
602 – Opposabilité des exceptions - Par ailleurs, par application du droit commun de la
cession de créance, le débiteur de la créance cédée peut opposer au cessionnaire toutes les
exceptions qu’il aurait pu opposer au cédant, par exemple la prescription acquise contre le
cédant, la compensation légale intervenue avec ce dernier, etc. Toutefois, aux termes de l’al.
2 de l’art. 80 AUS : « L’incessibilité de la créance ne peut être opposée au cessionnaire par
le débiteur cédé lorsqu’elle est de source conventionnelle et que la créance est née en raison
de l’exercice de la profession du débiteur cédé ou se trouve en rapport direct avec l’une de
ses activités professionnelles, même si celle-ci n’est pas principale ».

603 – Cas particulier du débiteur professionnel - Lorsque le débiteur de la créance cédée


est un débiteur professionnel380, l’acte uniforme prévoit d’autres dispositions spécifiques.
Ainsi, l’art. 85 AUS dispose, en son alinéa 1er que : « lorsque le débiteur de la créance cédée
est un débiteur professionnel au sens de l’article 3 du présent Acte uniforme, celui-ci peut, à
la demande du cessionnaire, s’engager à le payer directement en acceptant la cession ».

Cette disposition semble être une exception à l’exigence de la notification de la


cession de créance au débiteur professionnel de la créance cédée. Ainsi, en lieu et place de la
notification, le cessionnaire demande au débiteur de la créance cédée de s’engager, par écrit, à
lui payer directement ladite créance en acceptant la cession.

L’acceptation est soumise à des formalités logées dans l’al. 2 de l’art. 85 dont un
extrait précise que « A peine de nullité, cet engagement est constaté par un écrit intitulé
‘‘Acte d’acceptation d’une cession de créance à titre de garantie’’ et reproduisant en
caractères suffisamment apparents les dispositions du présent article ».

La prise de cet engagement par le débiteur emporte, pour lui, renonciation à se


prévaloir des exceptions fondées sur ses rapports personnels avec le cédant conformément à
l’art. 85 AUS dont l’al. 2 précise que : « Dans ce cas, le débiteur ne peut opposer au
cessionnaire les exceptions fondées sur ses rapports personnels avec le cédant, à moins que
le cessionnaire, en acquérant ou en recevant la créance, n’ait agi sciemment au détriment du
débiteur ».

380
Au sens de l’art. 3 AUS, « est considéré comme débiteur professionnel… tout débiteur dont la dette est née
dans l’exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l’une de ses activités professionnelles, même
si celle-ci n’est pas principale ».
227
604 - A l’égard des cessionnaires successifs - Dans le cas où le cédant a cédé la même
créance successivement à cessionnaires, celui qui sera préféré sera non pas le premier d’entre
eux, mais celui qui aura inscrit le premier sa sûreté au RCCM.

En cas de conflits entre les cessionnaires ayant inscrit leurs créances le même jour, la
préférence ira à celui qui a le titre le plus ancien381.

§ 2 – La réalisation de la cession de créance

605 – Recours à la réalisation du nantissement de créance - L’AUS ne contient pas de


dispositions spécifiques à la réalisation de la sûreté. La seule disposition est relative à l’ordre
des paiements. Ainsi, aux termes de l’art. 86 AUS : « Les sommes payées au cessionnaire au
titre de la créance cédée s’imputent sur la créance garantie lorsqu’elle est échue. Le surplus
s’il y a lieu est restitué au cédant. Toute clause contraire est réputée non écrite ».

Cependant, la réalisation de la cession de créance est différente en fonction de la date


d’échéance de la créance garantie ou de celle de la créance cédée. On est donc amené, à
l’instar de ce qui a lieu dans la réalisation du nantissement de créance 382, à distinguer deux
périodes selon que l’échéance de la créance garantie est antérieure ou postérieure à celle de la
créance cédée.

Cela dit, dans le silence de l’acte uniforme, ce mode de réalisation devrait résulter de
la convention des parties.

A – L’échéance de la créance garantie antérieure à celle de la créance cédée

606 – Paiement ou défaillance - Il faut rappeler que la créance garantie est le crédit accordé
par la banque ou l’établissement de crédit au cédant. A l’échéance de cette créance garantie,

381
Sur tous ces points, voir l’art. 57 AUS.

382
Aux termes de l’art. 134 AUS : « Si l’échéance de la créance nantie est antérieure à l’échéance de la créance
garantie, le créancier nanti conserve les sommes à titre de garantie sur un compte ouvert auprès d’un
établissement habilité à les recevoir, à charge pour lui de les restituer au constituant si l’obligation garantie est
exécutée. En cas de défaillance du débiteur de la créance garantie et huit jours après une mise en demeure
restée sans effet, le créancier nanti affecte les fonds au remboursement de sa créance, dans la limite des sommes
impayées.
Si l’échéance de la créance garantie est antérieure à l’échéance de la créance nantie, le créancier peut se faire
attribuer, par la juridiction compétente ou dans les conditions prévues par la convention, la créance nantie ainsi
que tous les droits qui s’y rattachent. Le créancier nanti peut également attendre l’échéance de la créance
nantie.
Sauf convention contraire, le créancier nanti perçoit en outre les intérêts en les imputant sur ce qui lui est dû en
capital, intérêts et autres accessoires ».

228
de deux choses l’une. Ou bien le cédant, débiteur du crédit, rembourse la totalité du crédit ou
il est défaillant.

607– Paiement du crédit par le cédant - Dans la première hypothèse, le créancier


cessionnaire recouvre sa créance et la cession disparaît d’elle-même puisqu’elle n’a plus de
raison d’être étant donnée l’extinction de la créance garantie. Dans ce cas, le cessionnaire va
donc retransférer la propriété de la créance cédée au cédant.

608 – Défaillance du cédant - Dans la seconde hypothèse, la sûreté va justement entrer en jeu
puisque le cédant n’est pas en mesure de payer la créance garantie. Dans ce cas, le
cessionnaire va donc recouvrer sa créance sur la créance cédée conformément à l’art. 86 AUS
qui dispose que : « les sommes payées au cessionnaire au titre de la créance cédé
s’imputent sur la créance garantie lorsqu’elle est échue. Le surplus s’il y a lieu est restitué
au cédant. Toute clause contraire est réputée non écrite ».

Quid lorsque la créance garantie étant arrivée à échéance, celle cédée ne l’est pas
encore ? Dans ce cas, les parties peuvent convenir que le cessionnaire devra attendre
l’échéance de la créance cédée avant de se faire payer ou alors demander en justice
l’attribution de la créance cédée.

B – L’échéance de la créance cédée antérieure à celle de la créance garantie

609 – Paiement par le débiteur cédé - Une fois la cession de créance notifiée au débiteur de
la créance cédée ou acceptée par ce dernier, elle opère transfert de la créance cédée au
cessionnaire. Il en découle que seul ce dernier est créancier du débiteur de la créance cédée. A
l’échéance de cette dernière, le débiteur de la créance cédée se libère en payant le
cessionnaire.

Seulement, tant que la créance garantie n’est pas échue et que le cédant n’a pas été
défaillant, on voit mal le créancier cessionnaire se faire payer. Ainsi, même s’il reçoit
valablement paiement du débiteur de la créance cédée, il sera tenu d’attendre la défaillance du
cédant après l’échéance de la créance garantie pour se faire attribuer la créance cédée en
paiement.

229
230
S/ CHAPITRE III

LE TRANSFERT FIDUCIAIRE D’UNE SOMME D’ARGENT

610 – Réglementation - Le transfert fiduciaire d’une somme d’argent fait son apparition dans
l’AUS à la faveur de la réforme sur les sûretés383. Il est réglementé par les articles 87 à 91
AUS.

611 - Définition - Aux termes de l’art. 87 AUS alinéa 1 : « Le transfert fiduciaire d’une
somme d’argent est la convention par laquelle un constituant cède des fonds en garantie de
l’exécution d’une obligation ».

612 – Plan – Il importe d’analyser, d’une part, les conditions de constitution du transfert
fiduciaire d’une somme d’argent (Section 1) et, d’autre part, ses effets et sa réalisation
(Section 2).

SECTION 1 : LES CONDITIONS DE CONSTITUTION DU TRANSFERT


FIDUCIAIRE D’UNE SOMME D’ARGENT

613 – Conditions de fond, conditions de forme – Pour la constitution du transfert fiduciaire


d’une somme d’argent, il faut distinguer les conditions de fond (§1) des conditions de forme
et d’opposabilité (§2).

§ 1 – Les conditions de fond

614 – Nécessité d’un contrat, assiette de la sûreté – Les conditions de fond concernent,
d’une part, la nécessité d’un contrat (A) et, d’autre part, les créances en jeu (B).
383
Comme on l’a pu le relever à juste titre : « C’est sans doute à propos du transfert fiduciaire de sommes
d’argent que la réforme du droit des sûretés d l’OHADA s’est montrée la plus innovante, car non seulement elle
introduit au sein de l’AUS une sûreté qui était jusqu’alors inconnue du droit de l’OHADA, mais elle crée, en
outre, une réglementation de cette sûreté qui ne figure même pas au sein du droit français, la proposition
effectuée par la commission ‘‘ Grimaldi’’ de réglementer la constitution d’une sûreté sur une somme d’argent
sous la forme d’un nantissement de monnaie scripturale n’ayant pas été reprise dans l’ordonnance du 23 mars
2006 qui, ici, laissé passer une belle occasion d’éclaircir le régime juridique des sûretés ayant pour objet une
somme d’argent alors pourtant que ces sûretés sont très souvent utilisées à l’occasion des financements de
projets et que leur nature prête souvent à discussion en droit français », cf. CROCQ (P.), et alii, op. cit., n° 246,
p. 191.
231
A – La nécessité d’un contrat

615- Convention – L’alinéa 1 de l’art. 87 AUS est très explicite sur un point : le transfert
fiduciaire est une convention, un contrat. La sûreté nécessite donc la conclusion d’un contrat.
Les parties au contrat doivent donc expressément manifester leur intention de conclure ce
contrat et d’être tenu par lui. Selon l’alinéa 1 de l’art. 87 AUS, les parties au contrat sont le
constituant et le créancier384. Le constituant est la personne, physique ou morale, qui cède les
fonds. En général, il le fait parce qu’il est débiteur du créancier. Mais il n’est pas exclu qu’un
tiers cède ses fonds au créancier pour garantir les dettes du débiteur. Le créancier est la
personne, physique ou morale, au profit de laquelle sont cédés les fonds garantis.

B- Les conditions relatives aux créances

616 – Double créance – Deux types de créances sont en jeu : la créance garantie et la créance
cédée ou l’assiette de la sûreté

617 – Créance garantie – La créance garantie est la dette pour la garantie de laquelle des
fonds sont cédés au créancier par le constituant. On peut garantir une ou plusieurs créances.
Seulement l’art. 88 AUS exige que ces créances garanties soient déterminées. Par analogie
avec les exigences des autres sûretés réelles, on peut penser que les créances garanties
peuvent être actuelles ou futures.

618 – Créance cédée : assiette de la sûreté- On relève d’abord que l’assiette de la sûreté
n’est pas une obligation lato sensu mais bien une obligation monétaire, c’est-à-dire une
somme d’argent. Ensuite, cette somme doit être inscrite dans un compte. Il s’agit donc d’une
monnaie scripturale. Ce contrat porte donc sur une monnaie scripturale. La créance cédée ou
fonds cédés à titre de garantie doit être aussi déterminée puisque l’art. 88 AUS précise que le
montant des fonds cédés doit être connu. De plus, il peut s’agir d’une ou de plusieurs
créances.

§ 2 – Les conditions de forme et d’opposabilité

384
Selon un auteur : « Cette opération (le contrat) nécessite l’intervention d’un tiers puisque ces fonds doivent
être versés et inscrits sur un compte bloqué, ouvert au nom du créancier dans les livres d’un établissement
habilité à les recevoir » cf. ISSA-SAYEGH (J.), commentaire sous art. 87 AUS, in OHADA, Traité et actes
uniformes commentés et annotés, Juriscope, 4e édition, 2002, p. 906. Toutefois, cette intervention ne nous
semble pas nécessaire. En effet, si l’établissement teneur du compte n’est pas le créancier, le transfert fiduciaire
lui sera notifié. Les parties au contrat restent donc le constituant et le créancier.
232
619 – Plan – Il importe d’analyser, d’abord, les conditions de forme (A) et, ensuite, celles
d’opposabilité (B).

A –Les conditions de forme

620 – Double formalisme – Le législateur exige une double formalité : d’une part, la
rédaction d’un écrit et, d’autre part, l’inscription des fonds grevés sur un compte bloqué.

621 – Nécessité de la rédaction d’un écrit- La validité du transfert fiduciaire d’une somme
d’argent présuppose la rédaction d’un écrit qui « détermine la ou les créances garanties,
ainsi que le montant des fonds cédés à titre de garantie, et identifie le compte bloqué » (art.
88 AUS). L’écrit est voulu comme une condition de validité puisque son défaut est sanctionné
par la nullité385. Le transfert fiduciaire d’une somme d’argent est donc un contrat solennel.

622 – Inscription des fonds cédés sur un compte bloqué - Une autre condition importante
de la formation du contrat réside dans l’inscription des fonds dans le compte bloqué 386. En sus,
ce compte bloqué est ouvert, non pas au nom du constituant, mais à celui du créancier. Le
constituant n’est donc pas le titulaire dudit compte. Toutefois, le blocage du compte préserve
ses droits jusqu’à la réalisation de la sûreté387.

B – Les conditions d’opposabilité

623 – Nécessité d’une notification de la sûreté – L’opposabilité de la sûreté aux tiers


résulte, selon l’art. 89 AUS388, de la notification de la sûreté à l’établissement teneur du

385
En effet, aux termes de l’art. 88 AUS : « A peine de nullité, la convention détermine la ou les créances
garanties, ainsi que le montant des fonds cédés à titre de garantie, et identifie le compte bloqué ».
386
L’alinéa 2 de l’art. 87 AUS dispose, en effet, que : « Ces fonds doivent être inscrits sur un compte bloqué,
ouvert au nom du créancier de cette obligation, dans les livres d’un établissement habilité à les recevoir ».
387
En effet, comme on l’a justement expliqué : « Cette exigence de ce que les fonds demeurent inscrits sur un
compte bloqué jusqu’à l’échéance est particulièrement importante car elle permet de protéger le constituant à
l’encontre, à la fois, d’une mauvaise utilisation des fonds par le bénéficiaire de la sûreté avant l’échéance (…)
et d’une saisie de ces fonds par des créanciers de ce bénéficiaire. En effet, les créanciers de ce bénéficiaire ne
peuvent pas avoir plus de droits sur les fonds que leur débiteur. En conséquence, s’ils pratiquent une saisie des
fonds, celle-ci sera, certes, valable, puisque les fonds appartiennent bien au bénéficiaire de la sûreté, mais elle
sera nécessairement paralysée par le blocage du compte jusqu’à l’échéance de la dette garantie et cette saisie
ne pourra ultérieurement prospérer qu’à la condition que le bénéficiaire soit devenu propriétaire des fonds
donnés en garantie, ce qui suppose la défaillance du débiteur de la dette garantie et le respect des conditions
posées par l’article 91, alinéa 2, du nouvel AUS. A l’inverse, si la créance garantie est payée, la propriété des
fonds sera automatiquement restituée au constituant sans que la mesure de saisie puisse s’opposer à cette
restitution », cf. CROCQ (P.) et alii, op.cit., n° 250, p. 193.
233
compte, l’accomplissement d’une formalité de publicité au RCCM n’ayant pas été jugée ici
nécessaire puisque ce transfert fiduciaire de somme d’argent est une sûreté avec dépossession.

Cette notification doit être couplée avec l’inscription des fonds sur le compte bloqué.

SECTION 2 : LES EFFETS ET LA REALISATION DU TRANSFERT


FIDUCIAIRE D’UNE SOMME D’ARGENT

624 – Plan – L’étude des effets de cette sûreté (§ 1) précédera celle de sa réalisation (§ 2).

§ 1 - Les effets du transfert fiduciaire d’une somme d’argent

625 – Deux effets principaux – La constitution de la sûreté produit deux effets principaux :
d’une part, il y a un transfert de la propriété des fonds au créancier (A) et, d’autre part, la
reconnaissance d’un droit de rétention au créancier (B).

A – Le transfert immédiat des fonds cédés au créancier

626 – Transfert de la propriété des fonds cédés – Le transfert fiduciaire d’une somme
d’argent, à l’instar de la cession de créance à titre de garantie, est une catégorie de la
propriété-sûreté. En conséquence, la propriété des fonds cédés est transférée immédiatement
au créancier. Dans le cas du transfert fiduciaire, l’acquisition de la propriété est manifestée
par le fait que le compte bancaire contenant les fonds cédés est ouvert au nom du créancier et
non du constituant. Le titulaire du compte dans lequel les fonds cédés sont inscrits est donc le
créancier et non le constituant.

Cela dit, la propriété obtenue n’est pas définitive. Il s’agit donc d’une propriété à titre
de garantie. En conséquence, le constituant ne perd pas définitivement la propriété des fonds
cédés. Il pourra la recouvrer si, à l’échéance, il paie sa dette.

627 – Sort des intérêts produits par le compte bloqué – Le compte contenant les fonds
cédés étant bloqué, il est vraisemblable que ledit compte sera rémunéré et donc que les fonds
cédés produiront intérêts.

Quid de ces intérêts ? L’article 90 AUS répond à cette question en disposant que : « Si
les fonds cédés produisent intérêts, ces derniers sont portés au crédit du compte, sauf

388
Selon l’art. 89 AUS : « Le transfert fiduciaire devient opposable aux tiers à la date de sa notification à
l’établissement teneur du compte, pourvu que les fonds soient inscrits sur le compte bloqué ».
234
convention contraire ». Ainsi, le législateur pose le principe de l’extension des intérêts à la
créance grevée dans le compte tout en laissant aux parties le soin d’en décider autrement.

B – L’octroi d’un droit de rétention au créancier

628 – Droit de rétention sur un meuble incorporel - La sûreté entraînant une dépossession
du constituant, il y a la reconnaissance d’un droit de rétention au créancier ; droit de rétention
manifesté également par le blocage du compte grevé de la sûreté. Il s’agit, ici, d’un exemple
topique de la reconnaissance d’un droit de rétention sur un meuble incorporel389.

§ 2 – La réalisation du transfert fiduciaire d’une somme d’argent

629- Deux hypothèses – La réalisation de la sûreté est régie par l’article 91 AUS 390 qui
distingue deux hypothèses selon que le constituant paie (A) ou non (B) la créance garantie.

A- Le paiement de la créance garantie

630– Nécessité d’un paiement complet – A l’échéance de la créance garantie, l’obligation à


la charge du constituant est de payer la créance garantie. C’est uniquement en cas de paiement
qu’il pourra se libérer des chaînes de sa dette. Toutefois, le législateur exige « un paiement
complet de la créance garantie ». C’est uniquement lorsque le paiement est complet que le
constituant est libéré. C’est ici l’affirmation du principe de l’indivisibilité de la sûreté : la
sûreté garantit l’entièreté, la totalité de la créance garantie.

631 – Restitution des fonds grevés au constituant – Lorsque la créance garantie a été
intégralement payé, « les fonds inscrits sur le compte sont restitués au constituant ». Pour ce
faire, le compte contenant les fonds sera débloqué et le constituant pourra recouvrer lesdits
fonds.

Cela dit, la question suivante se pose : les parties pourraient-elles prévoir qu’en cas de
paiement partiel de la créance garantie une partie proportionnelle des fonds inscrits sur le

389
Il peut paraître curieux qu’on reconnaisse au créancier un droit de rétention alors même qu’il dispose d’un
droit de propriété sur le compte bloqué. Mais il ne faut pas oublier que la propriété acquise par le créancier n’est
qu’à titre de garantie et qu’il a une obligation de restitution des sommes en cas de paiement par le constituant à
l’échéance.
390
Aux termes de l’art. 91 AUS : « A l’échéance et en cas de complet paiement de la créance garantie, les fonds
inscrits sur le compte sont restitués au constituant.
En cas de défaillance du débiteur et huit jours après que le constituant en ait été dûment averti, le
créancier peut se faire remettre les fonds cédés dans la limité du montant des créances garanties demeurant
impayées.
Toute clause contraire au présent article est réputée non écrite ».
235
compte bloqué soit restituée au constituant ? A l’inverse de certains391, nous pensons que la
réponse négative s’impose en raison du caractère d’ordre public de l’article 91 AUS qui
dispose, in fine, que : « Toute clause contraire au présent article est réputée non écrite ».

B – Le non-paiement de la créance garantie

632 – Nécessité d’une mise en demeure du constituant – En cas de défaillance du


constituant, le créancier va passer à la réalisation de sa sûreté. Mais avant, il doit faire
constater cette défaillance.

En effet, l’art. 91 AUS alinéa 2 exige que « le constituant ait été dûment averti » de
cette situation. En pratique, l’avertissement sera une mise en demeure de payer adressée au
constituant par le créancier.

633 – Attribution en propriété des fonds cédés – Dans le délai de huit jours après la mise en
demeure, le créancier « peut se faire remettre les fonds cédés dans la limite du montant des
créances garanties demeurant impayées » (art. 91 al. 2 AUS). A ce moment-là, le créancier
devient définitivement propriétaire des fonds cédés dans la limite de la créance garantie.

391
Cf. CROCQ (P) et alii, op. cit., n° 256, p. 196. Ces auteurs exposent que : « Cependant, il nous semble qu’il
faut tenir compte de la raison d’être de l’affirmation de ce caractère d’ordre public qui est ici seulement
d’empêcher que la mise en œuvre de la sûreté puisse se traduire par une spoliation injuste du débiteur ou un
enrichissement injustifié du créancier. En conséquence, ce caractère d’ordre public ne saurait remettre en cause
la validité d’une clause dont la finalité est seulement de faire en sorte que la sûreté ne devienne pas excessive
par rapport au montant restant dû de la créance garantie ».
236
SOUS-TITRE II

LES SURETES REELLES MOBILIERES SUR DES BIENS MEUBLES


INCORPORELS :

LES NANTISSEMENTS

INTRODUCTION GENARALE AU DROIT DU NANTISSEMENT

634- Définition du nantissement – La définition du nantissement est fournie par l’art. 125
AUS. Aux termes de l’al. 1 de cette disposition : « Le nantissement est l’affectation d’un bien
meuble incorporel ou d’un ensemble de biens meubles incorporels, présents ou futurs, en
garantie d’une ou plusieurs créances, présentes ou futures, à conditions que celles-ci soient
déterminées ou déterminables ». La définition exposée, il importe d’en explorer les richesses
en l’explicitant.

635- Explicitation de la définition – Cette explicitation est faite en comparaison de la


définition de la sûreté telle qu’elle résulte de l’art. 1er AUS392.

A l’instar de la définition de la sûreté telle qu’elle résulte de l’art. 1er AUS, le nantissement
consiste, ici aussi, en une affectation d’un bien meuble incorporel.

636– Affectation d’un meuble incorporel ou d’un ensemble de meubles incorporels - Le


terme « affectation » conserve donc le même sens, c’est-à-dire la destination d’une finalité
déterminée à un bien meuble incorporel ou encore le fait qu’un meuble incorporel soit
particulièrement destinée à servir de garantie. Toutefois, le bien ici affecté en garantie doit
nécessairement être un meuble à l’exclusion d’un immeuble et un meuble incorporel à
l’exclusion d’un meuble corporel sauf à préciser qu’un meuble incorporel pris
individuellement ou une pluralités de biens meubles incorporels peuvent servir d’assiettes à
un nantissement. Ces précisions s’expliquent par la circonstance que le nantissement est une
sûreté réelle mobilière.
392
Pour rappel, l’art. 1er AUS dispose que : « Une sûreté est l’affectation au bénéfice d’un créancier, d’un bien,
d’un ensemble de biens ou d’un patrimoine afin de garantir l’exécution d’une obligation ou d’un ensemble
d’obligations, quelle que soit la nature juridique de celles-ci et notamment qu’elles soient présentes ou futures,
déterminées ou déterminables, conditionnelles ou inconditionnelles, et que leur montant soit fixe ou fluctuant ».
237
637– Garantie d’une ou plusieurs créances – Les biens meubles incorporels sont grevés
afin de garantir « une ou plusieurs créances ». Ici apparaît une distinction entre l’art. 1er AUS
et l’art. 125 AUS. Dans la première disposition citée, les biens étaient affectés « en garantie
de l’exécution d’une obligation » contractée par le débiteur alors que dans la seconde
nommée, les biens sont affectés « en garantie d’une ou plusieurs créances ». Ces dispositions
expriment-elles la même idée ? Une réponse affirmative s’impose. En effet, au-delà de la
différence des expressions utilisées, c’est la même idée qui est transmise : la protection de
l’intérêt du créancier. Cette protection a lieu, dans l’art. 1er, par la garantie de l’exécution de
l’obligation par le débiteur c’est-à-dire par le fait de rendre effective l’exécution de
l’obligation par le débiteur et, dans l’art. 2, par la garantie de la créance du créancier c’est-à-
dire par le fait de rendre effectif le recouvrement de sa créance, par le créancier.

Dès lors, qu’est-ce qu’une créance ? Sur ce point, on a pu écrire que : « la créance
peut être appréhendée comme le côté actif du rapport d’obligation. Le rapport d’obligation
met aux prises deux personnes et consiste dans le lien de droit par lequel l’une des deux
personnes, appelée créancier, peut exiger de l’autre, appelée débiteur, l’accomplissement
d’une prestation. Vu du côté du créancier, la créance est un droit personnel, c’est-à-dire le
droit qu’a le créancier d’exiger une prestation du débiteur393 ».

638– Caractères de l’assiette de la sûreté et de la créance – La définition précise les


caractères que doivent posséder les biens meubles incorporels, assiettes du nantissement.
Ainsi, les meubles incorporels affectés en garantie peuvent être présents ou futurs. En
permettant que des biens futurs puissent faire l’objet d’un nantissement, le législateur
assouplit la règle de la spécialité de l’assiette d’une sûreté réelle laquelle exige que le bien
assiette de la sûreté soit individualisé, donc en général, présent. Toutefois, même si des biens
futurs peuvent être nantis, les parties doivent prendre des précautions pour que ce bien soit
déterminable.

Quant aux créances garanties, l’art. 125 précise qu’elles peuvent être présentes ou
futures mais à condition qu’elles soient déterminées ou déterminables.

639 – Distinction du gage et du nantissement- En présentant le nantissement comme une


sûreté grevant des meubles incorporels, le législateur de 2011 a changé le critère de
distinction entre le gage et le nantissement. En effet, sous l’empire de l’AUS de 1998, le
393
KAKALY (Y. J-D), L’affectation de comptes bancaires en garantie d’une dette, Thèse, Université de
Toulouse 1 Capitole, 2010, n° 155, p. 80.
238
critère de distinction du gage et du nantissement était l’exigence de la dépossession ou non du
constituant. Ainsi, le gage exigeait la dépossession du constituant alors que le nantissement ne
l’exigeait pas étant entendu que les deux sûretés pouvant grever, indifféremment, des meubles
corporels ou incorporels.

Avec l’AUS de 2011, le critère de distinction entre les deux suretés est la nature
corporelle ou incorporelle du meuble grevé. Si ledit meuble est un bien corporel, la sûreté qui
peut le grever est le gage tandis que le nantissement s’applique aux meubles incorporels 394.
Ainsi, il n’existe plus de nantissement de véhicules automobiles mais bien un gage de
véhicules automobiles. Pareillement, il n’y a plus de gage de créances mais bien un
nantissement de créances.

640- Classification des nantissements – En général, une sûreté, au regard de sa source, peut-
être légale, conventionnelle ou judiciaire. Pour le nantissement, le législateur est formel : le
nantissement est « conventionnel ou judiciaire395 ». Il est donc exclu qu’un nantissement soit
légal. Cela dit, le nantissement conventionnel est celui qui dérive d’un contrat conclu entre les
parties, à savoir, en général, le constituant et le créancier. Quant au nantissement judiciaire,
c’est celui qui est imposé par le juge au débiteur.

641- La diversité des nantissements – Il existe une pluralité de nantissements en sorte qu’on
peut affirmer qu’il n’y a pas un seul nantissement mais plusieurs catégories de nantissement.
Dans ce sens, l’art. 126 AUS précise les biens incorporels pouvant constituer l’assiette de
nantissements. Selon cette disposition : « Peuvent notamment être nantis :

- les créances ;

- le compte bancaire ;

- les droits d’associés, les valeurs mobilières et le compte de titres financiers ;

- le fonds de commerce ;

- les droits de propriété intellectuelle ».

394
Précisions toutefois que le nantissement n’est pas la seule sûreté susceptible de grever un meuble incorporel.
Ainsi, une créance, bien meuble incorporel peut certes, faire l’objet d’un nantissement, mais elle peut aussi être
l’assiette d’une cession (v. cession de créances : art. 80 à 86 AUS). Mais la cession de créances n’est pas un gage
de créances. Par ailleurs, un droit de rétention peut aussi porter sur un meuble incorporel.
395
V. Art. 125 al. 2 AUS.
239
Toutefois, cette liste n’est pas limitative. Le législateur exprime cette idée par l’usage
de l’adverbe « notamment ». Il n’est donc pas exclu que d’autres biens incorporels non cités
dans l’art. 126 puissent faire l’objet d’un nantissement.

642 – Plan – Seront étudiés, successivement, le nantissement de créance (chapitre 1), le


nantissement du fonds de commerce (chapitre 2), le nantissement d’un compte bancaire
(chapitre 3), le nantissement des droits de la propriété intellectuelle (chapitre 4), le
nantissement des droits d’associés et des valeurs mobilières (chapitre 5) et le nantissement des
comptes de titres financiers (chapitre 6). (Voir également le « nantissement » des marchés
publics).

240
CHAPITRE 1

LE NANTISSEMENT DE CREANCE

643- Réglementation –- Le nantissement de créance est régit par les articles 127 à 135 AUS.
Il remplace l’ancien gage de créances réglementé par les articles 50-1 et s. de l’AUS du 17
avril 1997.

644- Définition- Curieusement, le législateur ne définit pas expressément ce nantissement. On


pourrait penser que cette définition spéciale est inutile au regard de la définition générale des
nantissements fournie par l’art. 125 AUS. Mais cette justification est inopérante en ce sens
que l’existence de cette définition générale n’a pas empêché ledit législateur de définir
certains nantissements spéciaux tels que le nantissement de comptes de titres financiers396, le
nantissement des droits de propriété intellectuelle397 ou encore le nantissement du fonds de
commerce398.

L’absence d’une définition légale est donc une lacune que l’on peut surmonter en
proposant une définition. Dans cette veine, on peut définir le nantissement de créance comme
la convention par laquelle le constituant affecte, au profit du créancier nanti, une ou plusieurs
créances, présentes ou futures, qu’il détient sur un tiers, en garantie d’une ou plusieurs
créances, présentes ou futures.

645- Plan – L’étude du nantissement de créance exige que l’on analyse ses conditions de
formation (section 1) ainsi que ses effets et sa réalisation (section 2).

SECTION 1 : LES CONDITIONS DE FORMATION DU NANTISSEMENT DE


CREANCE

646- Plan – Classiquement, on distingue les conditions de fond (paragraphe 1) et les


conditions de forme et d’opposabilité (paragraphe 2).

396
V. art. 146 AUS.

397
V. art. 156 al. 1er AUS.

398
V. art. 162 al. 1er AUS.
241
§ 1 – Les conditions de fond

647 – Les parties, les créances – Pour la formation du nantissement de créance, les
conditions de fond concernent, d’une part, les parties au contrat (A) et, d’autre part, les
créances concernées par la convention (B).

A – Les conditions relatives aux parties

648 – Caractère conventionnel du nantissement- Le nantissement de créance est un contrat.


En cette qualité, sa validité est soumise au respect des conditions de validité de tout contrat
édictées par l’art. 1108 du code civil : le consentement des parties, leur capacité, l’objet du
contrat et la cause du contrat.

649 – Les parties : le constituant, le débiteur de la créance nantie, le créancier nanti – Le


contrat de nantissement fait intervenir, en principe, deux personnes, physiques ou morales.
Mais, exceptionnellement, trois personnes peuvent être parties au contrat. Selon le principe, le
contrat lie le constituant et le créancier. Le constituant est la personne, physique ou morale,
qui affecte en garantie, les créances qu’elle détient sur un tiers. En général, le constituant le
fait parce qu’il est lui-même débiteur du créancier nanti mais il n’est pas exclu que le
constituant affecte les créances qu’il détient sur un tiers pour garantir les dettes d’un autre.
Dans cette hypothèse, le constituant n’est pas le débiteur du créancier nanti.
Exceptionnellement, le débiteur de la créance nantie peut être partie au contrat de
nantissement : c’est le cas dans l’hypothèse où ce dernier intervient lors de la formation du
contrat conformément à l’art. 132 AUS. Dans cette occurrence, le contrat comprend alors trois
parties : le constituant, le débiteur de la créance nantie et le créancier nanti. Le débiteur de la
créance nantie est, en réalité, le débiteur du constituant.

Toutes ces parties, à savoir le constituant, le débiteur de la créance nantie et le


créancier nanti peuvent être des personnes physiques comme des personnes morales. Outre les
conditions relatives aux parties, d’autres conditions ont trait aux créances.

B- Les conditions relatives aux créances

650 – Créance garantie, créance nantie – Toute créance peut être appréhendée comme le
côté actif du rapport d’obligation ; c’est le droit personnel du créancier sur un débiteur c’est-à-
dire le droit qu’à un créancier d’exiger d’un débiteur, une prestation. Le nantissement de

242
créance nécessite la mise en jeu de deux catégories de créances : la créance garantie et la
créance nantie.

La créance garantie est celle qui est protégée ; autrement dit, c’est celle pour le
recouvrement de laquelle une autre créance a été nantie. Cette créance garantie est celle du
créancier nanti sur le constituant, en principe et lorsque ledit constituant est aussi débiteur du
créancier nanti.

Quant à la créance nantie, c’est l’assiette du nantissement ; autrement dit, c’est la


créance qui est affectée en garantie du recouvrement de la créance garantie. Elle représente la
créance du constituant sur un tiers.

651– Caractères des créances - Tant les créances garanties que les créances nanties peuvent
être présentes ou futures. Lorsqu’elles sont présentes, le nantissement de créance doit contenir
leur « désignation399 ». Le législateur reste muet sur ce qu’il faut entendre par ce terme.
Toutefois, CORNU nous apprend que par « désignation », il faut comprendre : « la
détermination de l’identité, de l’aspect et des caractères principaux d’un objet ou d’un sujet
pour le distinguer des autres400 ».

Appliqué aux créances, ce terme signifie donc l’identification de celles-ci, l’exposé


des traits particuliers, des traits signalétiques desdites créances permettant de les
individualiser. Cette désignation répond donc à l’exigence du principe de spécialité appliqué
aux créances mises en œuvre dans le nantissement. Les éléments permettant d’identifier
lesdites créances peuvent être leur montant respectif, leurs échéances, leurs lieux de paiement,
etc.

Par ailleurs, lesdites créances peuvent être futures. Comme on l’a dit : « il faut
entendre l’expression créance future, (…), de façon large, comme comprenant, d’une part, des
créances déjà nées (mais à terme) et, d’autre part, des créances à naître, c’est-à-dire résultant
d’un acte ou d’un fait juridique qui n’est pas encore survenu401 ». Lorsque les créances sont
futures, le nantissement doit contenir « les éléments de nature à permettre leur

399
V. art. 127 AUS.

400
CORNU (G.), Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, Ed. QUADRIGE/PUF, 11 e éd. mise à jour,
Paris, 2017, V° Désignation, p. 338.
401
CROCQ (P.) (s/d) et alii, Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés, La réforme du droit des
sûretés de l’OHADA, Ed. Lamy, coll. Lamy Axe Droit, Paris, 2012, n° 326, p. 230.
243
individualisation, tels que l’indication du débiteur, le lieu de paiement, le montant des
créances ou leur évaluation et leur échéance402 ».

Last but not least, « le nantissement de créance peut porter sur une fraction de
créance, sauf si elle est indivisible403 ». Dans cette circonstance, il est évident que cette
indivisibilité ne sera prise en compte que si elle est connue du créancier nanti, qu’il s’agisse
d’une indivisibilité personnelle ou réelle. Enfin, selon l’art. 130 AUS : « le nantissement
s’étend aux accessoires de la créance nantie, sauf si elle est indivisible ». Des auteurs
expliquent que « par accessoires, il faut entendre les sûretés qui garantissent le paiement de
la créance nantie, tel un cautionnement, mais également les intérêts produits par ladite
404
créance ».

Enfin, toutes les créances peuvent être garanties ou nanties quelle que soit leur nature.
Elles peuvent donc être contractuelles ou extracontractuelles, civiles ou commerciales.

§ 2 – Les conditions de forme et d’opposabilité

652 – Plan – L’analyse des conditions de forme (A) précédera celle des conditions
d’opposabilité (B).

A – Les conditions de forme

653 – Données du problème – Les conditions de forme se résument à deux points : la


nécessité d’un écrit et le contenu de l’écrit.

1°) La nécessité d’un écrit

654- Le nantissement, un contrat solennel - Le nantissement de créance doit être passé par
écrit. Cette exigence est portée par l’art. 127 AUS405. En outre, cet article précise que l’écrit
est voulu « à peine de nullité » du nantissement. L’écrit est donc exigé ad validitatem du
contrat de nantissement de créance. Cette circonstance qualifie le nantissement de créance de
contrat solennel. Solennité exigée pour la protection des parties. Il en résulte donc qu’un
402
Art. 127 AUS.

403
Art. 129 AUS.

404
CROCQ et alii, op. cit., n° 326, p. 231.

405
Art. 127 AUS : « A peine de nullité, le nantissement de créance doit être constaté dans un écrit contenant la
désignation des créances garanties et des créances nanties ou, si elles sont futures, les éléments de nature à
permettre leur individualisation, tels que l’indication du débiteur, le lieu de paiement, le montant des créances
ou leur évaluation et leur échéance ».
244
nantissement de créance non constaté par écrit est nul. Le législateur est muet sur la nature de
l’écrit. On en déduit que l’écrit peut être un acte sous seing privé ou un acte authentique étant
entendu que le choix de la nature de l’écrit relève des parties au contrat.

2°) Contenu de l’écrit

655– Désignation des créances - Le législateur précise le contenu de l’écrit dans l’art. 127
AUS. Selon cette disposition, l’écrit doit préciser la désignation des créances garanties et des
créances nanties. Cela signifie que le contrat doit contenir les éléments permettant
d’individualiser les créances garanties et les créances nanties. Si ces créances sont futures,
l’écrit doit indiquer « les éléments de nature à permettre leur individualisation, tels que
l’indication du débiteur, le lieu de paiement, le montant des créances ou leur évaluation et
leur échéance406 ».

En outre, puisque le nantissement est présumé s’étendre aux accessoires de la créance


nantie, l’écrit doit contenir également la désignation desdits accessoires. Il n’en est autrement
que lorsque les parties au nantissement de créance ont convenu d’écarter lesdits accessoires.

L’exigence de la désignation des créances tant garanties que nanties est fondamentale
et elle est la manifestation du respect du principe de spécialité des sûretés réelles.

B – Les conditions d’opposabilité

656- But – Les conditions d’opposabilité ont pour but d’informer les tiers de l’existence du
nantissement de créance afin que le créancier nanti puisse leur opposer son droit.

657 – Plan – Il faut distinguer les conditions d’opposabilité au débiteur de la créance nantie
des conditions d’opposabilité aux autres tiers.

1°) Conditions d’opposabilité au débiteur de la créance nantie

658 – Notification par écrit ou intervention – Pour rappel, le débiteur de la créance nantie
est le débiteur du constituant ; c’est donc, normalement, ce dernier qui doit recevoir paiement
de la créance. Or, celle-ci ayant été nantie au profit du créancier nanti, le débiteur devrait,
dorénavant, payer ladite créance au créancier nanti et non au constituant ; mais pour cela, il
est nécessaire qu’on s’assure que le débiteur de la créance nantie a une connaissance certaine

406
Art. 127 AUS.
245
et réelle du nantissement. Les formalités de l’opposabilité répondent à cette préoccupation.
Elles sont, facultativement, la notification par écrit ou l’intervention407.

Selon CORNU, la notification est le « fait […] de porter à la connaissance d’une


personne un fait, un acte ou un projet d’acte qui la concerne individuellement 408 ». Appliqué à
notre cas, il s’agit de l’écrit par lequel le débiteur de la créance nanti est informé du
nantissement de créance intervenu entre le constituant et le créancier nanti. Contrairement à la
signification qui est un acte d’huissier ou de commissaire de justice, la notification ne
nécessite pas un acte de commissaire de justice. Ainsi, la notification peut être faite par une
simple lettre que le constituant adresse au débiteur de la créance nantie.

En dehors de la notification, le débiteur de la créance nantie peut, à la demande du


constituant et du créancier nanti, participer activement à la formation du nantissement de
créance. Il en devient donc une partie prenante. On dit alors que le débiteur de la créance
nantie « intervient » au nantissement de créance. Etant une partie prenante, le constituant est
nécessairement informé de l’existence du nantissement de créance et la formalité de la
notification ne s’impose plus. Les deux formalités de la notification ou de l’intervention sont
les seules exigées par la loi. On en déduit qu’il n’y a donc pas une obligation légale
d’enregistrement du nantissement de créance.

2°) Conditions d’opposabilité aux autres tiers

659 – Inscription au RCCM – En ce qui concerne les autres tiers créanciers du constituant,
le nantissement de créance ne leur est opposable qu’à compter de son inscription au RCCM 409.
Cette inscription est faite « à la requête du créancier [nanti], de l’agent des sûretés ou du
constituant410 ». En ce qui concerne le nantissement de créance, le RCCM compétent « est
celui dans le ressort duquel est immatriculé le débiteur de la créance ou, s’il n’est pas soumis
à l’obligation d’immatriculation, celui dans le ressort duquel est situé, selon le cas, le siège
ou le domicile de ce débiteur411 ».

407
Art. 132 AUS : « Pour être opposable au débiteur de la créance nantie, le nantissement de créance doit lui
être notifié par écrit ou ce dernier doit intervenir à l’acte ».
408
CORNU (G.), op.cit., V° Notification, p. 693.

409
Art. 131 AUS.

410
Art. 51 al. 1 AUS.

411
Art. 52 AUS.
246
De cette dernière disposition, il ressort que le débiteur dont il s’agit est le débiteur de
la créance nantie et non le constituant. Le RCCM compétent est donc celui de
l’immatriculation ou celui du siège social ou du domicile du débiteur de la créance nantie.
L’exigence de l’inscription a pour but de renforcer la sécurité juridique des tiers à qui le
contrat de nantissement de créance n’est donc pas opposable dès sa signature.

SECTION 2 : LES EFFETS ET LA REALISATION DU NANTISSEMENT DE


CREANCE

660 – Plan – Les effets du nantissement de créance sont analysés (§ 1) avant d’envisager sa
réalisation (§ 2).

§ 1 – Les effets du nantissement de créance

661 – A l’égard des parties et du débiteur de la créance nantie – Le nantissement de


créance produit des effets tant à l’égard des parties (A) qu’à celui du débiteur de la créance
nantie (B).

A – Les effets à l’égard des parties

662 – Date de prise d’effet, contenu des effets – Il importe de préciser la date de prise
d’effet des effets (1) et le contenu des effets (2).

1 – Date de prise d’effet

663 – Prise d’effets du nantissement à l’égard des parties – Vis-à-vis des parties, le
nantissement de créance produit des effets dès sa conclusion412, donc à compter de la date
figurant dans le contrat de nantissement. A partir de cette date, les parties sont tenues par les
exigences du contrat quelles que soient la date de naissance, d’échéance ou d’exigibilité de la
créance nantie.

2 – Le contenu des effets

664 – Plan - Il faut envisager les effets à l’égard du constituant et ceux à l’égard du créancier
nanti.

412
Art. 131 AUS : « A la date de sa conclusion, le nantissement d’une créance, présente ou future, prend effet
entre les parties, quelle que soit la date de naissance, d’échéance ou d’exigibilité de la créance nantie et devient
opposable aux tiers à compter de son inscription au registre du commerce et du crédit mobilier , et ce, quelles
que soient la loi applicable à la créance et la loi du pays de résidence de son débiteur ».
247
665 – A l’ égard du constituant - Le constituant affecte la créance qu’il possède sur un tiers
en nantissement au profit du créancier nanti. Il le fait, généralement, parce qu’il est lui-même
débiteur du créancier nanti. Si c’est le cas, le nantissement intervenu ne fait que renforcer la
qualité de débiteur du constituant à l’égard du créancier nanti. Mais dans l’hypothèse où, au
moment de la formation du nantissement, le constituant n’était pas débiteur du créancier nanti,
il le devient après la conclusion du nantissement.

Toutefois, si le nantissement de créance n’a pas été notifié par écrit au débiteur de la
créance nantie ou si ce dernier n’est pas intervenu audit nantissement, le constituant demeure
le créancier du débiteur de la créance nantie. A ce titre, il peut recevoir « valablement
paiement de la créance, à charge d’en verser le montant au créancier nanti, sauf stipulation
contraire et sous réserve du respect des dispositions de l’article 134 du présent acte
uniforme413 ».

666 – A l’ égard du créancier nanti – Par l’effet du nantissement de créance, le créancier


nanti acquiert un droit personnel, un droit de créance vis-à-vis du débiteur de la créance
nantie. Ce dernier devient son débiteur surtout après la notification qui lui a été faite du
nantissement ou après son intervention au nantissement de créance.

Après la notification écrite du nantissement de créance ou après l’intervention du


débiteur de la créance nantie au nantissement, le créancier nanti devient le créancier exclusif
du débiteur de la créance nantie au regard de la créance nantie. En effet, il détient un droit
exclusif au paiement de la créance nantie « ce qui signifie que ni le créancier d’origine ni
aucun de ses autres créanciers ne peuvent recevoir le paiement 414 ». A ce titre, lui seul
« reçoit valablement paiement de la créance nantie 415 et peut, sans autre formalité, imputer le
montant payé au titre de la créance nantie sur ce qui lui est dû au titre de la créance
garantie, dès lors que cette dernière est échue416 ».

Selon les précisions de certains auteurs : « il s’agit d’un véritable droit exclusif au
paiement dont les effets sont reconnus par le nouvel AUS, en particulier à l’article 226 qui
413
Art. 132 AUS.

414
CROCQ (P.) et alii, op.cit., n° 333, p. 235.

415
Art. 133 AUS : « Après notification ou intervention à l’acte du débiteur de la créance nantie, seul le
créancier nanti reçoit valablement paiement de cette créance tant en capital qu’en intérêts et autres accessoires,
même lorsque le paiement n’a pas été poursuivi par lui ».
416
CROCQ (P.) et alii, op.cit., n° 330, p. 234.
248
permet à son bénéficiaire, le créancier nanti, d’échapper au classement des sûretés en cas de
procédure de distribution des deniers dans l’hypothèse d’une réalisation417… ».

B – Les effets à l’égard du débiteur de la créance nantie

667 – Distinction – En ce qui concerne le débiteur de la créance nantie, les effets produits par
le nantissement de créance diffèrent selon que l’on se trouve avant ou après la notification
écrite à lui faite du nantissement de créance ou son intervention au nantissement.

1 – Les effets antérieurement à la notification écrite du nantissement ou l’intervention


du débiteur de la créance nantie

668 - Le constituant, seul créancier du débiteur de la créance nantie – Dès lors que le
nantissement de créance a été valablement constitué, il produit des effets inter partes. Mais
tant que ce nantissement n’aura pas été notifié par écrit au débiteur de la créance nantie ou
que ce dernier ne sera pas intervenu à sa formation, le nantissement de créance conclu est
inopposable au débiteur de la créance nantie. En conséquence, ce dernier peut se libérer de la
dette en la payant entre les mains du constituant qui demeure son unique créancier418.

2 – Les effets postérieurement à la notification écrite du nantissement ou l’intervention


du débiteur de la créance nantie

669 – Le créancier nanti, créancier exclusif du débiteur de la créance nantie – Après la


notification écrite du nantissement au débiteur de la créance nantie ou après l’intervention de
ce dernier à l’acte de nantissement, seul le créancier nanti est le créancier du débiteur de la
créance. En conséquence, « seul le créancier nanti reçoit valablement paiement de cette
créance tant en capital qu’en intérêts et autres accessoires419 ».

Logiquement, c’est le créancier nanti qui poursuivra le paiement de la créance nantie


dans les mains du débiteur de la créance nantie. Toutefois, la loi précise que ledit créancier est
le seul apte à recevoir le paiement de la créance nantie « même lorsque le paiement n’a pas
été poursuivi par lui ». En effet, dans ce cas, un autre que le créancier, notamment le

417
CROCQ (P.) et alii, op.cit., n° 333, p. 236.

418
Art. 132 al.2 AUS : « A défaut [ de la notification par écrit du nantissement au débiteur de la créance nantie
ou de son intervention audit nantissement], seul le constituant reçoit valablement paiement de la créance, à
charge d’en verser le montant au créancier nanti, sauf stipulation contraire et sous réserve du respect des
dispositions de l’article 134 du présent acte uniforme ».
419
Art. 133 AUS.
249
constituant peut poursuivre le paiement de la créance nantie mais il devra, une fois acquise,
remettre la créance nantie au créancier nanti. Dans ce cas, le constituant poursuivant agit en
qualité de mandataire du créancier nanti.

Si le débiteur de la créance nantie ne respecte pas le droit exclusif au paiement du


créancier nanti et « paye le constituant ou un autre créancier de ce dernier tel que un tiers
saisissant, il devra payer deux fois en vertu de l’adage « qui paye mal, paye deux fois420 ».

§ 2 – La réalisation du nantissement de créance

670 – Définition du vocable « réalisation » - Le terme « réalisation » est un terme technique


désignant l’ensemble des opérations permettant au créancier nanti de recevoir paiement de la
créance nantie. Deux dispositions réglementent la réalisation du nantissement de créance : les
articles 134 et 135 AUS.

671 – Critère chronologique – Pour opérer la réalisation, le législateur tient compte de la


chronologie entre l’échéance de la créance nantie et celle de la créance garantie. Deux
situations peuvent se présenter alors selon que l’échéance de la créance nantie est antérieure à
celle de la créance garantie (A) ou que, à l’inverse, l’échéance de la créance garantie est
antérieure à celle de la créance nantie (B).

A – L’échéance de la créance nantie antérieure à celle de la créance garantie

672 – Données – Ce type de réalisation est encadré par l’art. 134 al. 1 AUS 421. Trois idées
ressortent de cette disposition : la non-appropriation, par le créancier nanti, des sommes
reçues en paiement, l’ouverture obligatoire d’un compte bancaire pour recevoir lesdites
sommes et l’affectation des fonds en remboursement de sa créance, par le créancier nanti.

1 – La non-appropriation des sommes reçues en paiement

673 – Paiement du créancier nanti par le débiteur de la créance nantie – A l’échéance de


la créance nanti, le créancier nanti va demander paiement de cette créance au débiteur de la
créance nantie. Ce dernier va payer la créance au créancier nanti. Cependant, le créancier

420
CROCQ (P.) et alii, op.cit., n°328, p. 232.

421
Art. 134 al. 1er AUS : « Si l’échéance de la créance nantie est antérieure à l’échéance de la créance garantie,
le créancier nanti conserve les sommes à titre de garantie sur un compte ouvert auprès d’un établissement
habilité à les recevoir, à charge pour lui de les restituer au constituant si l’obligation garantie est exécutée. En
cas de défaillance du débiteur de la créance garantie et huit jours après une mise en demeure restée sans effet,
le créancier affecte les fonds au remboursement de sa créance, dans la limite des sommes impayées ».
250
nanti ne peut s’approprier les sommes reçues tant que la créance garantie n’est pas exigible et
que le débiteur de cette créance ne se sera pas montré défaillant. Ainsi, même s’il reçoit
paiement de la créance nantie, le créancier nanti n’en est pas propriétaire au sens de l’art. 544
du code civil et ne peut donc s’approprier ladite créance. Le législateur lui fait obligation de
conserver les sommes sur un compte bancaire. Par cette règle de non-appropriation de la
créance nantie, le législateur protège aussi les intérêts du constituant.

2 – L’ouverture obligatoire d’un compte bancaire

674 – La conservation des sommes sur un compte bancaire – Il revient au créancier nanti
d’ouvrir un compte bancaire dans les livres d’un établissement de crédit « habilité à recevoir
les sommes ». Le compte est donc ouvert au nom du créancier nanti qui en est titulaire et qui
doit donc veiller à conserver la valeur du compte. A partir de l’ouverture du compte, le droit
du créancier nanti se porte sur ledit compte. Dans cette hypothèse, comme on l’a relevé : « le
nantissement de créance initial se transforme en une sûreté-propriété sur une somme
d’argent422 ». Cela signifie que le créancier nanti est titulaire du compte et, d’une certaine
manière, propriétaire des fonds qu’il contient, il ne s’agit que d’une propriété à titre de
garantie : le créancier ne peut donc s’attribuer les fonds contenus dans le compte tant que la
créance garantie ne sera pas exigible.

Le législateur ne précise pas si le compte est bloqué. En pratique, cependant, les


sommes seront conservées sur un compte séquestre qui est un compte bloqué.

3 – L’affectation des fonds en remboursement de la créance

675 – Plan – Cette affectation est soumise à des conditions et produit des effets.

676 – Conditions de l’affectation – Pour que le créancier nanti puise s’attribuer en


remboursement les fonds logés dans le compte bancaire, il faut que la créance garantie soit
exigible et que le débiteur de la créance garantie soit défaillant.

677 – L’exigibilité de la créance garantie – Une créance exigible est celle dont le paiement
peut être exigé par le créancier ; c’est le cas, généralement pour une créance à terme, à
l’arrivée de l’échéance. Il est donc nécessaire que la créance garantie soit exigible.

678 – La défaillance du débiteur de la créance garantie - Outre l’exigibilité, il faut que le


débiteur de la créance garantie, c’est-à-dire, en général le constituant, soit défaillant, c’est-à-
422
CROCQ (P.) et alii, op.cit., n° 331, p. 234.
251
dire qu’il soit dans l’incapacité de payer la créance garantie423. Pour matérialiser cette
défaillance, le créancier nanti doit, après l’échéance de la créance garantie, adresser une mise
en demeure au constituant. Huit jours après cette mise en demeure restée sans effet, le
créancier nanti peut affecter les fonds logés dans le compte bancaire en remboursement de sa
dette.

679 – Effets de l’affectation – En réalité, l’affectation a lieu par le biais d’une compensation
entre la créance nantie et celle garantie. Ce mécanisme est donc simple et efficace pour le
créancier nanti. Toutefois, le créancier nanti ne peut percevoir une somme supérieure à la
créance garantie. Si c’est le cas, il est tenu de rendre le surplus au constituant424.

B – L’échéance de la créance garantie antérieure à celle de la créance nantie

680 – Données – Ce type de réalisation trouve son fondement juridique principalement dans
l’al. 2 de l’art. 134 AUS425. Même si cette disposition ne le dit pas expressément, il faut
distinguer deux hypothèses selon que le constituant, débiteur de la créance garantie, paye
ladite créance ou est dans l’incapacité de le faire.

1 – En cas de paiement de la créance garantie par le constituant

681 – Extinction de la créance nantie - Lorsque la créance garantie est exigible, le


constituant peut être en mesure de la payer. En effet, la créance nantie n’a été prise et n’entre
en jeu que si la créance garantie n’est pas payée. Donc, d’une certaine manière, la créance
nantie est accessoire de la créance garantie. En conséquence, si le constituant paye la créance
garantie, le créancier nanti sera satisfait et la créance nantie n’aura plus lieu d’être.

Ayant été payé par le constituant, le créancier nanti n’aurait plus le droit de réclamer
paiement de la créance nantie au débiteur de cette dernière créance. Au surplus, il reviendrait
au constituant de réclamer désormais le paiement de la créance nantie au débiteur de celle-ci.

2 – En cas de non-paiement de la créance garantie par le constituant

423
En revanche, si le constituant paye la créance garantie, le créancier nanti aura la charge de lui restituer les
fonds logés sur le compte bancaire.
424
Art. 135 AUS.

425
Aux termes de l’art. 134 al. 2 AUS : « Si l’échéance de la créance garantie est antérieure à l’échéance de la
créance nantie, le créancier peut se faire attribuer, par la juridiction compétente ou dans les conditions prévues
par la convention, la créance nantie ainsi que tous les droits qui s’y rattachent. Le créancier nanti peut
également attendre l’échéance de la créance nantie ».
252
682 – Droit d’option du créancier nanti – Lorsqu’à l’échéance de la créance garantie, le
constituant est défaillant, le créancier est en droit de réclamer paiement de la créance nantie
au débiteur de ladite créance. Toutefois, il ne pourra pas exercer effectivement ce droit car la
créance nantie n’est pas encore échue.

Au demeurant, s’il le faisait, le débiteur de la créance nantie serait en droit de lui


opposer l’inexigibilité de la créance. On constate donc que le créancier nanti est dans une
situation inconfortable par laquelle quoique le constituant se soit montré défaillant, il ne peut
demander paiement de la créance nantie au débiteur de celle-ci qui bénéficie d’un terme. C’est
alors que, pour protéger le créancier nanti, le législateur lui offre une solution exprimée par un
droit d’option : ou attendre l’échéance de la créance nantie ou réaliser ledit nantissement
nonobstant la circonstance que la créance nantie se soit pas arrivée à échéance.

683– L’attente de l’échéance de la créance nantie - Selon l’art. 134 al. 2 in fine : « Le
créancier nanti peut également attendre l’échéance de la créance nantie ». En général, le
créancier nanti fera ce choix lorsqu’il n’a aucune crainte quant au recouvrement de la créance
et que l’attente de l’échéance de la créance nantie ne lui est pas préjudiciable. C’est le cas
notamment lorsque le nantissement a été notifié par écrit au débiteur de la créance nantie ou
que ce dernier est intervenu à l’acte de nantissement426. Dans ces hypothèses, en effet, le
créancier nanti est le détenteur exclusif du droit au paiement de la créance nantie et il ne craint
donc pas le concours d’autres créanciers du débiteur de la créance nantie.

Quand l’échéance nantie sera exigible, alors le créancier nanti demandera paiement de
ladite créance au débiteur de la créance nantie.

684– La réalisation du nantissement – L’autre possibilité que le législateur offre au


créancier nanti est de réaliser le nantissement même si la créance nantie n’est pas encore
échue. Le créancier nanti peut donc se faire attribuer les fonds soit par voie judiciaire, c’est
l’attribution judiciaire, soit, par voie conventionnelle, c’est l’attribution conventionnelle.

685 – Attribution judiciaire de la créance nantie – L’attribution judiciaire est celle au


moyen de laquelle le créancier nanti se fait attribuer la créance nantie ainsi que tous les droits

426
Sur ce point, des auteurs précisent que si le créancier nanti « a pris le soin de notifier le nantissement, il sera
seul en droit de recevoir le paiement de la créance nantie, et la survenance d’une procédure collective à
l’encontre du débiteur de la créance garantie sera sans effet sur la vocation du créancier nanti à recevoir le
paiement de la créance », v. CROCQ (P.) et alii, op.cit., n° 332, p. 235.
253
qui s’y attachent par la juridiction compétente427. Si la juridiction saisie fait droit à la
demande, le débiteur de la créance nantie sera obligé de payer la créance nantie au créancier
nanti sans se prévaloir de l’inexigibilité de la créance nantie. C’est comme si la décision de la
juridiction compétente opérait une défaillance du terme dont jouissait le débiteur de la créance
nantie. Ainsi, le créancier nanti étant devenu titulaire de la créance, « il en recevra le
paiement et les sommes reçues lui appartiendront comme à tout créancier recevant le
paiement de sa créance428 ».

686 – Attribution conventionnelle de la créance nantie – Le créancier nanti peut éviter le


recours à la justice pour se faire attribuer la créance nantie. Pour cela, il doit, en amont,
prévoir, dans le contrat de nantissement de créance, et en accord avec le constituant, la
possibilité d’une attribution conventionnelle de la créance nantie en cas de défaillance du
constituant et sans attendre l’échéance de la créance nantie. Cette clause contractuelle par
laquelle le créancier nanti obtient l’attribution à l’amiable de la créance nantie est le pacte
commissoire dont la validité est admise, pour le gage, par l’art. 104 al. 3 AUS 429. Entre
l’attribution judiciaire et l’attribution conventionnelle, celle-ci semble plus profitable au
créancier nanti que celle-là. Ainsi, le professeur ISSA-SAYEGH précise que « l’attribution
conventionnelle est à conseiller au créancier en pareille hypothèse430 ».

687 – Conclusion sur la réalisation du nantissement – En tout état de cause et quel que soit
le mode de réalisation du nantissement, « s’il a été payé au créancier nanti une somme

427
Le législateur est muet sur la nature de la juridiction compétente. Or c’est un élément important qui concerne
non seulement la compétence territoriale mais aussi celle d’attribution. Ainsi, relativement à la compétence
d’attribution, on peut se demander s’il s’agit de juridiction d’urgence comme en matière de référés ou de
juridiction de droit commun. Il est évident qu’il serait profitable au créancier nanti de bénéficier d’une procédure
d’urgence… Le mutisme du législateur pose donc problème.
428
CROCQ (P.) et alii, op.cit., n° 332, p. 235.

429
Art. 104 al. 3 AUS : « Si le bien gagé est une somme d’argent ou un bien dont la valeur fait l’objet d’une
cotation officielle, les parties peuvent convenir que la propriété du bien gagé sera attribuée au créancier gagiste
en cas de défaut de paiement. Il en va de même pour les autres meubles corporels lorsque le débiteur de la dette
garantie est un débiteur professionnel. En ce cas, le bien gagé doit être estimé au jour du transfert par un expert
désigné à l’amiable ou judiciairement, toute clause contraire étant réputée non écrite ». L’art. 104 al. 3 AUS
prévoit l’utilisation du pacte commissoire dans le cas du gage. Mais, en dehors du gage, le pacte commissoire
peut être utilisé dans le nantissement lorsque l’assiette de celui est « une somme d’argent » ce qui est le cas du
nantissement de créance.
430
ISSA-SAYEGH (J.), Commentaires de l’art. 134 AUS, in OHADA, Traité et actes uniformes commentés et
annotés, Juriscope, 2018, p. 932.
254
supérieure à la dette garantie, il répond du surplus perçu en qualité de mandataire du
constituant. Toute clause contraire est réputée non écrite431 ».

431
Art. 135 AUS.
255
CHAPITRE 2

LE NANTISSEMENT DU FONDS DE COMMERCE

688 – Définition du fonds de commerce – L’étude du nantissement du fonds de commerce


exige, au préalable, une définition du fonds de commerce. C’est là qu’appert la difficulté à
définir cette expression. Toutefois, dans une première acception, on peut concevoir le fonds
de commerce comme l’outil de production d’une entreprise, l’instrument de travail de cette
entreprise432.

Dans une seconde approche et en précisant la première, on peut révéler que cet
instrument de travail qu’est le fonds de commerce est, au regard de son contenu, constitué
d’un ensemble de biens affectés à l’exercice d’une activité commerciale. Dans cette optique,
l’affectation des biens est faite dans l’optique d’exercer une activité commerciale. L’exercice
de cette activité commerciale apparaît comme le but de l’affectation desdits biens.

Cependant, dans une ultime approche, on peut considérer que la finalité de cette
affectation n’est pas simplement l’exercice d’une activité commerciale mais plutôt l’attirance
ou la captation d’une clientèle. C’est dans ce sens que le législateur de l’OHADA définit le
fonds de commerce. En effet, aux termes de l’art. 135 AUDCG : « Le fonds de commerce est
constitué par un ensemble de moyens qui permettent au commerçant d’attirer et de conserver
une clientèle ». Ainsi, pour le législateur, la finalité de l’usage, par le commerçant, d’un
ensemble de moyens, c’est la captation et la conservation d’une clientèle. La clientèle, qu’il
faut attirer et conserver, apparaît ainsi comme la finalité du fonds de commerce, son but.

689- Le fonds de commerce, un bien meuble incorporel – Appréhendé comme un ensemble


de moyens ou un ensemble de biens en vue d’attirer et de conserver une clientèle, le fonds de
commerce constitue, lui-même, un bien, mieux, un bien meuble incorporel qui est, en plus,
une universalité de fait constitué d’éléments disparates, à la fois corporels et incorporels. En

432
V. DIDIER (P.), DIDIER (Ph.), op.cit., n° 336, p. 323.
256
sa qualité de bien meuble incorporel, le fonds de commerce peut faire l’objet d’un
nantissement433.

690 – Définition du nantissement du fonds de commerce – Le nantissement du fonds de


commerce est défini par l’art. 162 AUS dont l’alinéa 1er dispose que : « Le nantissement du
fonds de commerce est la convention par laquelle le constituant affecte en garantie d’une
obligation, les éléments incorporels constitutifs du fonds de commerce, à savoir la clientèle et
l’enseigne ou le nom commercial ».

Il ressort de cette définition la nature conventionnelle du nantissement du fonds de


commerce. Toutefois, ce nantissement n’est pas seulement conventionnel puisqu’il peut être
aussi judiciaire en ce qu’il peut être imposé à un débiteur par le juge.

691 – Réglementation – La réglementation du fonds de commerce en général et du


nantissement du fonds de commerce en particulier est relativement récente. En droit français,
il faut attendre la fin du 19e siècle pour voir la consécration législative du nantissement du
fonds de commerce par la loi du 1er mars 1898 consacrée au seul nantissement du fonds.
Comme le relèvent certains auteurs : « il s’agissait de permettre aux petits commerçants
d’obtenir des crédits bancaires en offrant leur fonds de commerce en gage de leur dette sans
pour autant s’en dessaisir434 ».

Mais en raison des lacunes de cette loi, elle fut rapidement remplacée par une autre du
17 mars 1909 relative à la vente et au nantissement des fonds de commerce, dite loi
Cordelet435, du nom de son initiateur. Pendant la période coloniale et jusqu’à l’avènement de
l’AUS du 17 avril 1997 entré en vigueur en 1998, le nantissement de fonds de commerce était
réglementé, en droit ivoirien, conjointement avec le privilège du vendeur de fonds de
commerce, par cette loi rendue applicable aux colonies436.
433
M. ANOUKAHA précise que : « le fonds de commerce, ensemble des biens mobiliers affectés à l’exercice
des activités commerciales, est lui-même un bien. A ce titre, pendant son exploitation, le propriétaire peut s’en
servir pour se procurer du crédit. Le fonds de commerce peut servir de garantie à un emprunt : il sera nanti ».
V. ANOUKAHA (F.), « Nantissement du fonds de commerce et du privilège du vendeur », in ISSA-SAYEGH
(coord. Scientifique), OHADA, Sûretés, Ed. BRUYLANT, 2002, n° 272, p. 103.
434
DIDIER (P.), DIDIER (Ph.), op.cit., n° 337, p. 324.

435
Cette loi porte le nom de son initiateur, Louis Cordelet (1834-1923), magistrat et homme politique français.

436
Pour la Côte d’Ivoire, le Bénin, le Burkina-Faso et le Niger, c’est le décret du 10 mars 1935 qui y a rendu
applicable la loi Cordelet. Selon M. ANOUKAHA : « à l’exception du Mali (loi n° 86-13 du 21 mars 1986, art.
151 à 172) et du Sénégal (loi n° 66-70 du 13 juillet 1966 portant Code des Obligations civiles et commerciales,
2e partie) qui s’étaient donné une législation propre après l’indépendance, la loi Cordelet était demeurée
257
Avec l’entrée en vigueur de l’AUS, le 1er janvier 1998, le nantissement du fonds de
commerce et le privilège du vendeur dudit fonds seront régis par les art. 69 à 90 en ce qui
concerne le nantissement conventionnel. Quant au nantissement judiciaire, sa constitution
était régie en référence à la réglementation des hypothèses forcées judiciaires notamment par
les art. 136 à 144 AUS437.

Désormais, avec le nouvel AUS de 2011, la réglementation du nantissement


conventionnel du fonds de commerce et du privilège du vendeur dudit fonds découle des art.
162 à 178 AUS et celle de la constitution du nantissement judiciaire est calquée, non plus, sur
celle de l’hypothèse forcée judiciaire mais sur « les dispositions relatives à la saisie
conservatoire des titres sociaux telles qu’elles résultent de l’acte uniforme portant
organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution438 ».

692 - Plan – Il est nécessaire d’examiner non seulement les conditions de formation du
nantissement du fonds de commerce (Section 1) mais aussi ses effets (Section 2) et sa
réalisation (Section 3).

SECTION 1 – LES CONDITIONS DE FORMATION DU NANTISSEMENT DU


FONDS DE COMMERCE

693 – Forme du nantissement – Le nantissement du fonds de commerce peut être


conventionnel ou judiciaire. Pour une meilleure compréhension du régime juridique du
nantissement du fonds de commerce, il est utile de distinguer la formation du nantissement
conventionnel (sous-section 1) de celle du nantissement judiciaire (sous-section 2).

SOUS-SECTION 1 – LES CONDITIONS DE FORMATION DU NANTISSEMENT


CONVENTIONNEL

694 - Conditions de fond et conditions de forme – Pour l’étude des conditions de formation
du nantissement du fonds de commerce, il faut distinguer les conditions de fond (§ 1) et celles
de forme (§ 2).

applicable dans ces pays [les colonies françaises] jusqu’au 1 er janvier 1998, date d’entrée en vigueur des Actes
uniformes OHADA portant sur le droit commercial général et portant organisation des sûretés, siège de la
réglementation des deux sûretés », V. ANOUKAHA (F.), op.cit., n° 273, p. 103.
437
Art. 71 al. 1er AUS de 1998 : « Dans les mêmes cas et conditions que prévus par les articles 136 à 144 ci-
après et dernier alinéa de l’article 70 ci-dessus, la juridiction compétente peut autoriser, le créancier à prendre
une inscription de nantissement sur un fonds de commerce de son débiteur ».
438
Art. 164 AUS.
258
§ 1 – Les conditions de fond

695 – Conditions subjectives et conditions objectives – Pour des raisons pédagogiques, on


peut repartir les conditions de fond entre les conditions subjectives (A) et celles objectives
(B).

A – Les conditions subjectives

696 – Les parties au contrat – Les conditions subjectives concernent les parties au contrat de
nantissement du fonds de commerce. Ce sont le créancier, le constituant et le débiteur. A s’en
tenir à la définition du nantissement du fonds de commerce fournie par l’art. 162 al. 1er AUS,
ce contrat lie le constituant et le créancier. Le premier est la personne qui affecte le fonds de
commerce en garantie d’une obligation. Elle le fait, généralement, parce qu’elle est le débiteur
du créancier.

Le constituant peut être une personne physique ou une personne morale. De même, le
constituant peut être le propriétaire du fonds ou même un locataire-gérant. Il est évident que le
constituant doit être capable. Il doit consentir au contrat de nantissement et ce consentement
doit être intègre. Lorsque le constituant est une personne physique mariée sous le régime de la
communauté réduite aux acquêts, elle doit, au préalable, obtenir l’accord de son conjoint au
nantissement du fonds de commerce conformément à l’article 82439 de la loi ivoirienne
relative au mariage. A défaut de cet accord, le nantissement sera nul sauf confirmation de
l’acte par l’époux dont le consentement était requis440.

Quant au créancier, c’est la personne, physique ou morale, au profit de qui le


nantissement du fonds de commerce est fait. Elle doit, également, être capable et fournir un
consentement éclairé au contrat. Enfin, le débiteur est celui qui doit une dette au créancier ;
dette pour la garantie de laquelle un fonds de commerce est affecté en nantissement.
Généralement, c’est le débiteur lui-même qui affecte ledit fonds en garantie ; dans ce cas, il
est donc à la fois le débiteur et le constituant. Toutefois, il n’est pas exclu qu’un tiers, qui
n’est pas initialement, débiteur, du créancier, puisse nantir son fonds de commerce en garantie

439
Aux termes de l’al. 2 de l’art. 82 de la loi ivoirienne n° 2019-570 du 26 juin 2019 relative au mariage :
« Toutefois, l’accord des deux époux est nécessaire pour : 1°) aliéner ou grever de droits réels un immeuble, un
fonds de commerce ou une exploitation dépendant de la communauté… » (c’est nous qui soulignons).
440
Selon les alinéas 3 et 4 de l’art. 82 de la loi ivoirienne relative au mariage : « Dns les cas prévus aux 1°, 2°, 3°
et 4° de l’alinéa précédent, l’époux qui n’a pas donné son consentement à l’acte, peut en demander l’annulation à
moins qu’il ne l’ait confirmé ».
259
de la dette du débiteur ; dans cette hypothèse, le constituant est différent du débiteur et il y a,
alors, trois parties au contrat de nantissement : le créancier, le débiteur et le constituant.

En tout état de cause, les différentes parties au nantissement du fonds de commerce


doivent être nommément désignées conformément à l’art. 163 AUS441.

Outre les conditions subjectives, certaines objectives conditionnent la formation dudit


nantissement.

B – Les conditions objectives

697 – La dette garantie et l’assiette du nantissement- Par conditions objectives, il faut


entendre la créance garantie et l’assiette du nantissement.

698 – La créance garantie – Elle représente la créance du créancier pour le recouvrement de


laquelle le fonds de commerce est nanti. Ce peut être, par exemple, un crédit accordé au
débiteur par le créancier. D’une certaine manière, le nantissement du fonds de commerce est
accessoire de cette créance garantie.

La réglementation du nantissement du fonds de commerce ne contient pas de


dispositions spécifiques relatives à cette créance garantie. Logiquement, celle-ci est donc
soumise aux règles générales applicables aux nantissements. Il s’en déduit donc, en référence
à l’art. 125 AUS, que la créance garantie peut être présente ou future442. Présente, elle doit être
déterminée ; future, elle doit être déterminable. En tout état de cause, il est précisé que le
contrat de nantissement du fonds de commerce doit contenir « les éléments permettant
l’individualisation de la créance garantie tels que son montant ou son évaluation, sa durée et
son échéance443 ».

699 – L’assiette du nantissement – Données de la question - Certes, le nantissement porte


sur un fonds de commerce. Toutefois, ce dernier est une universalité composé d’éléments
disparates dont certains sont corporels et d’autres, incorporels. Or, le nantissement est une
441
Selon l’art. 163 AUS : « A peine de nullité, le nantissement du fonds de commerce doit être constaté dans un
écrit contenant les mentions suivantes : 1°) la désignation du créancier, du débiteur et du constituant du
nantissement si celui-ci n’est pas le débiteur… ».
442
Comme on l’a, justement, relevé : « … L’origine de la créance (liée ou non à l’exploitation du fonds de
commerce) est indifférente, tout comme la date de sa naissance. Ainsi, le nantissement peut garantir une créance
préexistante, existante ou future dans la mesure où elle est déterminable » ; v. CROCQ (P.) et alii, op.cit., n°
374, pp. 256-257.
443
Art. 163.4° AUS.
260
sûreté réelle portant sur des biens incorporels. Dès lors, il est nécessaire de déterminer, parmi
les éléments constitutifs du fonds de commerce, ceux qui peuvent faire l’objet d’un
nantissement. Par ailleurs, le fonds étant une universalité, il est possible, que des éléments en
remplacent d’autres, par le jeu de la subrogation réelle. Il est alors nécessaire de savoir si les
biens remplaçants sont automatiquement contenus dans le nantissement préalable ou s’ils
doivent faire l’objet d’un nouveau nantissement.

700 – L’assiette du nantissement – Contenu de l’assiette – Au regard de l’assiette du


nantissement du fonds de commerce, le législateur distingue les éléments inclus dans l’assiette
de ceux exclus de l’assiette444.

701 – Les éléments inclus dans l’assiette – Parmi ceux-ci, on peut décliner les éléments
obligatoirement inclus dans l’assiette du nantissement de ceux facultativement inclus dans
ladite assiette.

702 – Les éléments obligatoires – Les éléments obligatoires sont ceux que le législateur
qualifie comme « les éléments incorporels constitutifs du fonds de commerce à savoir la
clientèle et l’enseigne ou le nom commercial 445 ». Désignés aussi de « fonds commercial446 »
ou de « noyau dur du fonds de commerce447 », ces éléments peuvent être réunis de trois
manières : soit la clientèle et l’enseigne ensemble, soit la clientèle et le nom commercial, soit
enfin la clientèle, l’enseigne et le nom commercial448. Il faut retenir que lorsqu’on nantit un
fonds de commerce, ce nantissement est censé porter, a minima, sur la clientèle et l’enseigne
ou le nom commercial449.

444
Le siège de l’assiette du nantissement du fonds de commerce est l’art. 162 AUS.

445
Art. 162 al. 1er AUS.

446
Art. 104 AUS de 1998 : « Le fonds de commerce comprend obligatoirement la clientèle et l’enseigne ou le
nom commercial (al. 1). Ces éléments sont désignés sous le nom de fonds commercial (al. 2) ».
447
SANTOS (A.P), AGBENOTO (K. M), Commentaires sous art. 136 AUS, in OHADA, Traité et actes
uniformes commentés et annotés, Ed. Juriscope, 2018, p. 312. Ces auteurs relèvent que : « la clientèle a
toujours été considérée comme l’élément essentiel du fonds de commerce mais elle n’existe pas de façon
abstraite. Elle dépend de nombreux supports dont l’importance varie suivant la nature du fonds. Il reste que
parmi tous ces éléments, le nom et l’enseigne sont les plus permanents en ce sens qu’ils se retrouvent dans tous
les fonds de commerce. Il faut convenir avec le législateur que la clientèle, le nom commercial et l’enseigne
forment le noyau dur du fonds de commerce » (c’est nous qui soulignons).
448
Art. 136 AUS : « Le fonds de commerce comprend nécessairement la clientèle et l’enseigne ou la clientèle et
le nom commercial, sans préjudice du cumul de la clientèle avec l’enseigne et le nom commercial ».
261
703– La clientèle – La définition de la clientèle est délicate. En effet, elle peut être
appréhendée dans un sens commun ou dans un sens plus technique. Le sens commun ou
matériel met l’accent sur ceux qui constituent la clientèle, c’est-à-dire les clients et elle est
alors définie comme « l’ensemble des hommes et des femmes qui font appel aux biens et aux
services d’un même fournisseur, que celui-ci soit commerçant, artisan, médecin ou avocat.
Elle est donc, selon la formule du doyen Savatier, « un peuple d’hommes et de femmes »450 ».

Ainsi appréhendée, la clientèle est la finalité du fonds de commerce, « la destination


du fonds, sa raison d’être, son critère, son agent coordonnateur, son point de convergence,
mais non un bien participant, parmi d’autres, à sa constitution ». Dans ce sens, certains
auteurs ont nié la qualité de bien de clientèle et, en conséquence, ont nié qu’elle soit un
élément du fonds de commerce451.

Toutefois cette définition matérielle du fonds de commerce quoique correspond à


l’appréciation humaine de la clientèle est, en ce qu’elle nie l’appartenance de la clientèle audit
fonds, est contestée par la jurisprudence qui lui est antérieure et par la doctrine dominante. Au
regard de la jurisprudence, la cour de cassation française, dans un arrêt en date du 15 février

449
Il faut signaler que l’art. 162 al.1er AUS, en limitant à trois (3) les éléments obligatoires du nantissement du
fonds de commerce, a réduit l’assiette de ce nantissement que l’art. 69-1 AUS de 1998 avait élargi à cinq (5)
éléments : la clientèle, l’enseigne, le nom commercial, le droit au bail commercial et les licences d’exploitation.
450
DIDIER (P.), DIDIER (Ph.), op.cit., n° 352, p. 333.

451
Le doyen Ripert est l’un des auteurs à nier tout à la fois la qualité de bien de la clientèle et son appartenance
au fonds de commerce. Ainsi, dans la première édition de son ouvrage Traité élémentaire de droit commercial,
paru en 1947, il affirma : « beaucoup d’auteurs considèrent la clientèle comme un des éléments du fonds de
commerce. L’erreur nous paraît certaine ». Ces mots eurent un écho favorable chez le doyen Savatier qui, en
1960, écrivit que : « [Le fonds de commerce] comprend des biens propres à attirer une clientèle. Mais cette
clientèle elle-même au sens humain ne lui appartient pas ». En somme, il faut retenir que, pour ces auteurs, le
fonds est le moyen de conquérir et de conserver une clientèle. Celle-ci est donc le but vers lequel tend la réunion
des biens constituant le fonds de commerce et non un élément constitutif dudit fonds.
262
1937452, a affirmé la qualité de bien de la clientèle et donc, consacré son appartenance aux
éléments constitutifs du fonds de commerce.

Pour maintenir la clientèle comme élément du fonds de commerce, une partie de la


doctrine a proposé une définition technique, purement juridique de la clientèle. Ainsi, dans la
langue du droit, le terme de « clientèle » n’est pas pris dans le sens commun. Dans ce sens,
CORNU, après avoir précisé que le vocable clientèle vient du latin « clientela » dérivé de
« cliens » qui signifie client, définit la clientèle comme « l’ensemble des relations d’affaires
habituelles ou occasionnelles qui existent et seront susceptibles d’exister entre le public et un
poste professionnel […] dont ils constituent l’élément essentiel et qui généralement trouvent
leurs sources dans des facteurs personnels et matériels conjugués453 ».

Dans la même veine, la clientèle a été définie « comme la valeur que représente
l’espoir de maintenir le chiffre d’affaires réalisé au cours de la période précédente, en
continuant d’utiliser les mêmes structures d’exploitation454 ».

Ces dernières définitions appréhendent la clientèle comme un portefeuille de contrats


potentiels ou comme une part de marché qui est susceptible d’être vendu ou loué à l’instar de
tout autre bien et qui, partant, est inclus dans le fonds de commerce.

En somme, la définition de la clientèle comme un portefeuille de contrats, définition


technique et donc définition au sens strict est celle qui sera retenue.

704- L’enseigne – Selon CORNU, l’enseigne est une « dénomination de fantaisie (protégée
contre les usurpations et cédée avec le fonds de commerce dont elle constitue un élément) qui
sert à individualiser un établissement commercial et permet à la clientèle de le retrouver ou

452
Req. 15 févr. 1937, DP, 1938.13. DIDIER (P) et DIDIER (Ph) relatent ainsi qu’il suit cette espèce : « Dans
l’affaire tranchée par l’arrêt […] du 15 février 1937, un commerçant avait fait apport de sa clientèle à une
SARL qu’il avait créée avec certains membres de sa famille. Mais il ne lui avait rien apporté d’autre : ni bail, ni
matériel, ni marchandises. Ses créanciers prétendaient que cet apport portait sur son fonds de commerce car,
disaient-ils, la clientèle est l’élément essentiel d’un fonds. Lui, au contraire, faisait valoir qu’un fonds est un
ensemble de biens. Son apport étant limité à un seul des éléments de son fonds, il avait, disait-il, conservé, avec
la propriété des autres éléments, la propriété du fonds lui-même. La cour de cassation se prononça en faveur
des créanciers » (op.cit., n° 351, p. 333).
Dans son attendu principal, la cour de cassation a précisé que, de tous les éléments du fonds de
commerce, « la clientèle représente le plus essentiel, celui sans lequel un fonds de commerce ne saurait
exister ».

453
CORNU (G.), op.cit., V° Clientèle, p. 183.

454
ANOUKAHA (F.), op.cit., n° 278, pp. 104-105.
263
de s’y adresser plus facilement455 ». A la lumière de cette définition, deux éléments
ressortent : d’une part, la nature de l’enseigne, en l’occurrence, une dénomination de fantaisie
et, d’autre part, sa finalité, à savoir l’individualisation d’un établissement commercial.
Toutefois, au regard de sa nature, l’enseigne peut ne pas être une dénomination mais une
image ou « un signe extérieur qui permet d’individualiser un établissement 456 » ou encore
« un emblème qui permet de rallier la clientèle457 ».

705 – Le nom commercial – Le nom commercial « est le nom sous lequel le commerçant
exerce son commerce. Ce peut être son patronyme, son prénom ou un pseudonyme 458 » ou
encore le nom commercial « désigne toute appellation sous laquelle un commerçant exerce
son activité459 ».

706– Conclusion sur les éléments obligatoires – Ces éléments, s’ils existent tous, doivent
être nécessairement nantis en cas de nantissement d’un fonds de commerce. C’est dire que si
l’on nantit un fonds de commerce sans autre précision, le nantissement porte obligatoirement
sur ces éléments, les autres étant facultatifs.

707– Les éléments facultatifs – Outre les éléments obligatoires, le nantissement d’un fonds
de commerce peut porter sur des éléments facultatifs qui sont énumérés par la loi. En effet,
aux termes de l’al. 2 de l’art. 162 AUS : « Le nantissement peut aussi porter sur les autres
éléments incorporels du fonds de commerce tels que le droit au bail commercial, les licences
d’exploitation, les brevets d’invention, marques de fabrique et de commerce, dessins et
modèles et autres droits de la propriété intellectuelle. Il peut également être étendu au
matériel professionnel ».

De cette disposition, il résulte que les éléments facultatifs pouvant être incorporés au
nantissement d’un fonds de commerce sont les suivants : le droit au bail commercial, les
licences d’exploitation, les brevets d’invention, les marques de fabrique et de commerce, les
dessins et modèles et d’autres droits de la propriété intellectuelle ainsi que le matériel
professionnel.
455
CORNU (G.), op.cit., V° Enseigne, p. 405.

456
ANOUKAHA (F.), op.cit., n° 279, p. 105.

457
Idem.

458
DIDIER (P.), DIDIER (Ph.), op.cit., n° 349, p. 330.

459
ANOUKAHA (F.), op.cit., n° 280, p. 105.
264
708– Le droit au bail commercial – Un commerçant peut, par le biais d’un bail à usage
professionnel460, exercer une activité commerciale dans un local loué. Dans ce cas, il dispose,
en respectant certaines conditions, d’un droit au bail commercial qui comprend « non
seulement le droit d’occuper les locaux dans lesquels le fonds est exploité, mais aussi le droit
au renouvellement du bail et, éventuellement, l’indemnité qui pourrait être accordée au cas
de refus de renouvellement du bail461 ».

709– Les licences d’exploitation – D’une manière générale, la licence, mot dérivé du latin
« licencia » lui-même dérivé du verbe « licere » signifiant « être permis », est une autorisation
spéciale octroyée par les pouvoirs publics à une personne en vue d’exploiter un fonds de
commerce. Cette licence d’exploitation, qui est un droit incorporel, peut concerner un brevet
d’invention, un modèle d’utilité, une marque de fabrique etc. A ces licences, il faut adjoindre
les autorisations administratives d’exploitation notamment des débits de boissons ou des
entreprises de transport.

710 – Les brevets d’invention – On peut définir le brevet d’invention comme un titre délivré
par une autorité publique pour protéger une invention et qui octroie à son titulaire un droit
exclusif d’exploitation de l’invention qui en est l’objet pour une durée déterminée462.

711- Les marques de fabrique et de commerce – Ils sont aussi désignés sous la
dénomination de « marques de produits ou de services ». Sous l’une ou l’autre appellation,
« la marque est un signe visible, ou une combinaison de signes visibles, utilisé(s) par une
personne physique ou morale pour distinguer ses produits ou services de ceux de ses
concurrents463.. ».

460
L’art. 103 AUDCG dispose que : « Est réputé bail à usage professionnel toute convention, écrite ou non,
entre une personne investie par la loi ou une convention du droit de donner en location tout ou partie d’un
immeuble compris dans le champ d’application du présent titre, et une autre personne physique ou morale,
permettant à celle-ci, le preneur, d’exercer dans les lieux avec l’accord de celle-là, le bailleur, une activité
commerciale, industrielle, artisanale ou toute autre activité professionnelle ».
461
ANOUKAHA (F.), op.cit., n° 281, p. 105.

462
D’une manière plus technique, ALLA (K. E), définit le brevet d’invention comme « un titre délivré par
l’autorité publique en vertu duquel le titulaire ou ses ayants droit bénéficient, moyennant l’exécution de
certaines obligations, d’un droit exclusif temporaire d’exploiter une invention. Par extension, le mot brevet
désigne aussi la publication dans laquelle l’invention est décrite. Ainsi le brevet est un être à double visage :
c’est à la fois un titre juridique et une publication technique » ; V. ALLA (K. E), Droit de la propriété
intellectuelle, Les éditions ABC, 2020, p. 95.
463
ALLA (K.E), op.cit., p. 220.
265
712 – Les dessins et modèles – Il s’agit des dessins et modèles industriels qui sont des
créations à caractère ornemental. Selon un auteur : « Le dessin industriel est toute disposition
de traits et de couleurs ayant un effet décoratif, une création à deux dimensions destinée à
l’ornement d’objets d’utilité parfois nommé dessin de fabrique 464 ». Quant au modèle
industriel, le même auteur l’appréhende comme « un dessin en trois dimensions, sous une
forme plastique qui opère dans l’espace là où le dessin opère sur une surface, une création à
trois dimensions destinée à orner des objets d’utilité nommée aussi modèle de fabrique465 ».

713– Les autres droits de propriété intellectuelle – Après avoir cité certains éléments
facultatifs pouvant être inclus dans le nantissement d’un fonds de commerce, le législateur
suggère que « d’autres droits de propriété intellectuelle » peuvent faire partie du nantissement.
Quels sont ces autres droits ? Parmi ces autres droits, on peut mentionner le modèle d’utilité
ou certificat d’utilité, le certificat d’obtention végétale, l’indication géographique ou le droit
d’auteur.

Selon le Vocabulaire juridique Henri Capitant, le certificat d’utilité est le « titre de


propriété industrielle qui a pour objet une invention brevetable, mais est délivré sans avis
documentaire et pour une durée inférieure à celle d’un brevet 466 ». A partir de cette
définition, l’on perçoit que le certificat d’utilité est une alternative au brevet d’invention. Tout
comme le brevet, il a pour objet de protéger une invention. Toutefois, à la différence du brevet
d’invention, le certificat d’utilité protège certaines inventions notamment celles se rapportant
« aux instruments de travail ou les objets destinés à être utilisés ou les parties de ces
instruments ou objets pour autant qu’ils soient utiles au travail ou à l’usage auquel ils sont
destinés grâce à une configuration nouvelle, à un arrangement ou à un dispositif nouveau et
qu’ils soient susceptibles d’application industrielle 467 ». Enfin, comme le précise un auteur
« les modèles d’utilité sont généralement demandés pour des inventions techniquement moins
complexes ou ayant une durée de vie commerciale courte468 ».
464
ALLA (K.E), op.cit., p. 210. L’auteur précise des exemples de dessins : dessin sur un emballage, tissu
d’ameublement, décoration d’un service de porcelaine, etc.
465
Idem. Poursuivant son explication, l’auteur cite des exemples de modèles : « les vêtements et, en général, tous
les articles de mode ; un modèle de chaussures, de lunettes, le sac Chanel, un bijou, un appareil
électroménager, etc. ».
466
CORNU (G.), op.cit., V° Certificat d’utilité, p. 160.

467
V. Art. 1er de l’Annexe II de l’Accord de Bangui Révisé.

468
ALLA (K.E), op.cit., p. 196.
266
Quant au certificat d’obtention végétale, c’est le titre délivré en vue de protéger une
variété végétale nouvelle. Ainsi, aux termes de l’article 1er b) de l’Annexe X de l’Accord de
Bangui Révisé : « Aux fins de la présente Annexe, on entend par : (…) b) « variété
végétale », l’ensemble végétal d’un taxon botanique du rang le plus bas connu qui, qu’il
réponde ou non pleinement aux conditions pour la délivrance d’un certificat d’obtention
végétale, peut être : i) défini par l’expression des caractères résultant d’un certain génotype
ou d’une certaine combinaison de génotypes ; ii) distingué de tout autre ensemble végétal par
l’expression d’au moins un desdits caractères ; iii) considéré comme une entité eu égard à
son aptitude à être reproduit conforme ».

En ce qui concerne l’indication géographique, l’art. 1er alinéa a) de l’Annexe VI de


l’Accord de Bangui Révisé précise qu’on entend par-là : « des indications qui servent à
identifier un produit comme étant originaire du territoire, ou d’une région, ou localité de ce
territoire, dans le cas où une qualité, réputation ou autre caractéristique déterminée du
produit peut être attribuée essentiellement à cette origine géographique ».

Enfin, le droit d’auteur « est le droit qui protège les œuvres littéraires et artistiques
originales telles que les écrits, les œuvres musicales, les œuvres d’art (peinture, sculpture),
etc.469 ».

714– Le matériel professionnel – Le matériel professionnel, quoiqu’étant un élément


corporel peut, exceptionnellement être incorporé au nantissement d’un fonds de commerce.
Ainsi, aux termes de l’art. 118 al. 2 AUS : « Le matériel professionnel faisant partie d’un
fonds de commerce peut être nanti en même temps que les autres éléments du fonds,
conformément aux dispositions des articles 162 à 165 du présent acte uniforme ».

715– Conditions de l’extension du nantissement aux éléments facultatifs – L’inclusion des


éléments facultatifs au nantissement du fonds de commerce est soumise à des conditions
posées par l’al. 3 de l’art. 162 AUS lequel dispose que : « Cette extension du nantissement
doit faire l’objet d’une clause spéciale désignant les éléments engagés et d’une mention
particulière au registre du commerce et du crédit mobilier. Cette clause n’a d’effet que si la
publicité prévue par l’article 160 du présent acte uniforme a été satisfaite ».

Il résulte de cette disposition que la validité de l’inclusion des éléments facultatifs au


nantissement d’un fonds de commerce doit résulter d’une clause spéciale du contrat de

469
ALLA (K.E), op.cit., p. 243.
267
nantissement laquelle doit être publiée au RCCM. Par ailleurs, cette extension doit faire
l’objet d’une mention spéciale au RCCM.

716– Les éléments exclus de l’assiette du nantissement – Certains éléments sont exclus du
nantissement du fonds de commerce, soit expressément, soit implicitement. Expressis
scriptum, le législateur exclut de l’assiette du nantissement les droits réels immobiliers470. Plus
précisément, ces droits réels immobiliers sont « des droits conférés par des baux
emphytéotiques, des droits hypothécaires, des droits d’usufruit ou de nue-propriété sur
l’immeuble471 ». Implicitement, le législateur exclut les marchandises de l’assiette du
nantissement « puisqu’elles ne sont citées ni par l’alinéa 1 er qui précise les éléments sur
lesquels porte nécessairement le nantissement du fonds de commerce, ni par l’alinéa 2 qui
précise les éléments qui peuvent être inclus dans l’assiette du nantissement472 ».

Outre des conditions de fond, celles de forme président à la formation du nantissement


du fonds de commerce.

§ 2 – Les conditions de forme

717- Trois conditions de forme - La validité de la constitution du fonds de commerce est


soumise à des conditions de forme qui peuvent être ramenées à trois, à savoir la nécessité d’un
écrit, l’inscription obligatoire du nantissement et la publicité spéciale du nantissement.

A – La nécessité d’un écrit

718 – Le nantissement du fonds de commerce, un contrat solennel – Sous peine de nullité,


le nantissement du fonds de commerce doit être constaté par un écrit. Il en résulte que ledit
nantissement est un contrat solennel. Cet écrit constatant le nantissement doit comporter un
certain nombre de mentions obligatoires énumérés par l’art. 163 AUS473 et qui concernent la
470
En effet, aux termes de l’art. 162 al. 4 AUS : « Le nantissement ne peut porter sur les droits réels
immobiliers, conférés ou constatés par des baux ou des conventions soumises à inscription au registre de la
publicité immobilière ».
471
ANOUKAHA (F.), op.cit., n° 290, p. 108.

472
ISSA-SAYEGH (J.), Commentaires sous l’article 162 AUS, in OHADA, Traités et actes uniformes
commentés et annotés, Ed. Juriscope, 2018, p. 941.
473
L’art. 163 AUS dispose que : « A peine de nullité, le nantissement du fonds de commerce doit être constaté
dans un écrit contenant les mentions suivantes :
1°) la désignation du créancier, du débiteur et du constituant du nantissement si celui-ci n’est pas le
débiteur ;
2°) la désignation précise et le siège du fonds et, s’il y a lieu, de ses succursales ;
3°) les éléments du fonds nanti ;
268
désignation des parties, la désignation du fonds nanti ainsi que de son assiette et la précision
de la créance nantie. L’art. 163 AUS énumère quatre mentions obligatoires. C’est beaucoup
moins que l’art. 70 AUS de 1998 qui en énumérait sept. Ainsi, les mentions relatives au
numéro d’immatriculation des parties au RCCM, aux conditions d’exigibilité de la dette
principale et des intérêts et celles relatives à l’élection de domicile du créancier dans le ressort
de la juridiction où est tenu le RCCM ont été supprimées. Cet allègement des mentions
obligatoires a pour but de faciliter la constitution du nantissement du fonds de commerce.

L’acte uniforme ne précise pas la nature de l’écrit. Sous l’empire de l’AUS de 1998,
l’art. 70 dudit acte disposait que « le nantissement [devait] être constitué par acte authentique
ou sous seing privé dûment enregistré ». Mais la procédure de l’enregistrement a été
supprimée et l’écrit peut être un acte authentique ou un acte sous seing privé.

B – L’inscription obligatoire du nantissement

719 – Opposabilité du nantissement aux tiers – L’opposabilité du nantissement du fonds de


commerce aux tiers est assurée par l’inscription de celui-ci474. Cette inscription a lieu au
RCCM étant précisé que le RCCM compétent est celui « dans le ressort duquel est
immatriculé la personne physique ou morale propriétaire du fonds475 ».

Conformément aux dispositions de l’art. 51 al. 1er AUS, l’inscription est faite à la
requête du créancier nanti, du constituant ou de l’agent des sûretés476.

C – La publicité spéciale du nantissement

720- Hypothèses particulières – Dans certaines hypothèses particulières, le nantissement du


fonds de commerce doit, pour être opposable, faire l’objet d’une publicité spéciale
complémentaire de l’inscription au RCCM. C’est le cas dans trois hypothèses à savoir

4°) les éléments permettant l’individualisation de la créance garantie tels que son montant ou son
évaluation, sa durée et son échéance ».

474
Aux termes de l’art. 165 al. 1er AUS: « Le nantissement conventionnel ou judiciaire n’est opposable aux tiers
dans la mesure et selon les conditions prévues par les articles 51 à 66 du présent acte uniforme que s’il est
inscrit au registre du commerce et du crédit mobilier ».

475
V. art. 52 AUS.

476
Aux termes de l’art. 51 AUS : « L’inscription des sûretés mobilières est faite à la requête du créancier, de
l’agent des sûretés ou du constituant.
L’inscription des privilèges généraux du Trésor, de l’Administration des douanes et des institutions de
sécurité sociale est effectuée à la diligence du comptable public de l’administration créancière ».

269
l’extension de l’assiette du nantissement aux éléments facultatifs, l’inclusion de succursales
dans l’assiette du nantissement et de l’exploitation du fonds de commerce dans un local loué.

721– Extension de l’assiette du nantissement aux éléments facultatifs – Dans cette


hypothèse, en dehors de l’inscription du nantissement au RCCM, il doit « être satisfait aux
règles de publicité prévues pour les actes affectant la propriété des droits de propriété
intellectuelle et aux règles du présent acte uniforme relatives au nantissement du matériel
faisant partie d’un fonds de commerce477 ».

Cette exigence s’impose lorsque le nantissement conventionnel du fonds de commerce


« porte sur des brevets d’invention, marques de fabrique, de service et de commerce, des
dessins et modèles et autres droits de la propriété intellectuelle ainsi que sur le matériel
professionnel478 ». Dans cette occurrence, la publicité spéciale consiste en l’inscription du
nantissement dans les registres de l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle
(OAPI).

722 – Inclusion de succursales dans l’assiette du nantissement – Il peut arriver que le


nantissement d’un fonds de commerce porte également sur les succursales dudit fonds. Dans
cette hypothèse, deux exigences s’imposent. D’une part, lesdites succursales « doivent être
désignées [dans l’acte de nantissement] par l’indication précise de leur siège 479 » et, d’autre
part, l’art. 171 AUS précise que l’inscription du nantissement doit être faite au RCCM « où
est principalement immatriculé le fonds480 ». En conséquence, « il n’est […] plus nécessaire
de procéder également à l’inscription dans les RCCM du ressort des succursales481 ».

723 – Exploitation du fonds de commerce dans un local loué – Lorsque le fonds de


commerce nanti est exploité dans un local loué, le créancier nanti est tenu de notifier au
bailleur de l’immeuble, le bordereau d’inscription du nantissement au RCCM conformément à
l’article 172 AUS482.

477
V. art. 170 AUS.

478
Idem.

479
Art. 162 al. 5 AUS.

480
L’art. 171 AUS dispose que : « Si le fonds faisant l’objet d’un nantissement ou d’un privilège comprend une
ou des succursales, les inscriptions prévues aux articles 164 à 167 du présent acte uniforme doivent être prises
au registre du commerce et du crédit mobilier où est principalement immatriculé le fonds ».
481
CROCQ (P.) et alii, op.cit., n° 385, p. 259.
270
724 – Plan - Telles sont les conditions de formation du nantissement conventionne. Mais le
nantissement du fonds de commerce peut également être judiciaire. Il importe d’analyser,
maintenant, les conditions de constitution dudit nantissement.

SOUS-SECTION 2 – LES CONDITIONS DE FORMATION DU NANTISSEMENT


JUDICIAIRE

725 – Réglementation – La possibilité du nantissement judiciaire d’un fonds de commerce


est prévue par l’art. 164 AUS dont l’al. 1er dispose que : « La juridiction compétente peut
autoriser le créancier à prendre une inscription de nantissement sur le fonds de commerce de
son débiteur. Le nantissement judiciaire est régi par les dispositions relatives à la saisie
conservatoire des titres sociaux réglementée par les dispositions de l’acte uniforme portant
organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ».

726 – Mesures conservatoires ou sûretés conservatoires – Quoique le législateur renvoie


aux dispositions relatives à la saisie conservatoire des titres sociaux pour régir le nantissement
judiciaire du fonds de commerce, ce dernier n’est pas une saisie conservatoire à proprement
parler mais bien une mesure conservatoire.

Une distinction est donc à établir entre une saisie conservatoire et une mesure
conservatoire. Des précisions faites par des auteurs peuvent y aider. Selon eux : « les saisies
conservatoires sont des saisies qui ont simplement pour but de soustraire les biens mobiliers
du débiteur à la libre disposition de ce dernier afin de les conserver au profit du créancier.
Elles sont donc à la fois des mesures de précaution contre l’insolvabilité éventuelle du
débiteur et des moyens de pression pour amener ce dernier à s’exécuter volontairement. Elles
sont proches des mesures conservatoires en ce qu’elles ont toutes deux pour effet la
conservation d’un droit ou d’un bien. Mais contrairement aux mesures conservatoires, les
saisies conservatoires peuvent aboutir à la vente des biens saisis483 ».

Poursuivant l’analyse, ces auteurs concluent : « les mesures conservatoires sont des
mesures ayant pour objet la conservation d’un droit ou d’un bien. En droit civil, on cite
l’exemple de l’apposition des scellés en matière de divorce ou de succession. En procédure

482
Selon l’art. 172 AUS : « Le bailleur de l’immeuble dans lequel est exploité le fonds doit recevoir notification
du bordereau d’inscription ou de la modification de l’inscription initiale. A défaut, le créancier nanti ne peut se
prévaloir des dispositions de l’article 176 du présent acte uniforme ».
483
ASSI-ESSO (A-M. H.), DIOUF (N), OHADA, Recouvrement des créances, Ed. Bruylant, Bruxelles, 2002, n°
123, p. 73.
271
civile constitue une mesure conservatoire la désignation d’un séquestre pour assurer la
conservation d’un bien, objet d’un procès ou d’une voie d’exécution. En matière de saisies,
les mesures conservatoires désignent les inscriptions conservatoires ou sûretés
conservatoires que constituent l’inscription de nantissement judiciaire sur le fonds de
commerce et l’inscription d’hypothèque judiciaire à titre conservatoire484… ».

727 – Réglementation spécifique – La réglementation spécifique du nantissement judiciaire


du fonds de commerce peut être déduite de l’art. 54 AUVE qui dispose que : « Toute
personne dont la créance paraît fondée en son principe peut, par requête, solliciter de la
juridiction compétente du domicile ou du lieu où demeure le débiteur, l’autorisation de
pratiquer une mesure conservatoire sur tous les biens mobiliers corporels ou incorporels de
son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances de nature à en
menacer le recouvrement ».

728- Plan – Il résulte, particulièrement de l’art. 54 ci-dessus cité, que l’étude des conditions
de formation du nantissement judiciaire du fonds de commerce nécessite de distinguer les
conditions de fond (§1) de celles de forme (§ 2).

§ 1 – Les conditions de fond

729– Plan – Les conditions de fond se déclinent en conditions relatives aux sujets du
nantissement (A) ainsi que celles relatives aux objets de celui-ci (B).

A – Les sujets du nantissement

730 – Le créancier et le constituant – Tout comme dans le cas du nantissement


conventionnel du fonds de commerce, les sujets du nantissement judiciaire dudit fonds sont le
créancier et le constituant. Ils peuvent être des personnes physiques comme des personnes
morales. Ici, le créancier doit avoir la capacité d’ester en justice puisque le nantissement est
judiciaire. En ce qui concerne le constituant, il semble, à s’en tenir à l’art. 164 AUS, qu’il doit
être nécessairement le débiteur du débiteur. Cette solution s’explique par le fait que ce
nantissement est imposé, donc obligatoire. Dès lors, il doit être imposé au débiteur du
créancier et non à un tiers. En conséquence, le constituant ici, est le débiteur de la créance
garantie.

484
ASSI-ESSO (A-M. H.), DIOUF (N.), op.cit., note 1, p. 73.
272
Par ailleurs, toujours sur le fondement du caractère forcé du nantissement, il est
difficile d’exiger du débiteur marié sous le régime de la communauté, qu’il obtienne, au
préalable, le consentement de son conjoint conformément à l’art. 82 de la loi ivoirienne
relative au mariage. Ce consentement peut être exigé dans le cas d’un nantissement
conventionnel mais non lorsqu’il s’agit d’un nantissement judiciaire.

B – Les objets du nantissement

731 – Notion d’objets – Par « objets », nous entendons la créance garantie ainsi que l’assiette
du nantissement.

732 – La créance garantie – La créance garantie est celle dont le créancier est titulaire vis-à-
vis du débiteur. Pour la constitution du nantissement judiciaire du fonds de commerce, le
législateur exige que cette créance arbore deux caractéristiques : d’une part, la créance doit
paraître fondée en son principe et, d’autre part, la créance doit être menacée dans son
recouvrement.

Selon certains auteurs « une créance fondée en son principe est une créance dont
l’existence est vraisemblable. Il peut s’agir d’une créance conditionnelle ou d’une créance à
terme. Il se peut aussi que le montant de cette créance ne soit pas encore déterminé en
argent. L’essentiel est que la personne qui a recours [à la mesure conservatoire] puisse
légitimement se prétendre créancière. Le créancier n’a pas besoin d’attendre que sa créance
soit certaine, liquide et exigible485 ».

De plus, la circonstance de l’existence de circonstances de nature à menacer le


recouvrement de la créance « traduit en quelque sorte l’exigence d’un péril dans le
recouvrement de la créance. Tel est le cas lorsqu’il existe un risque sérieux d’une
insolvabilité imminente du débiteur saisi486 ».

Il faut préciser que l’appréciation des circonstances de nature à menacer le


recouvrement de la créance relève du pouvoir souverain du juge. Toutefois, il a été jugé que
c’est au créancier d’apporter la preuve de l’existence de circonstances de nature à menacer le
recouvrement de la créance. En conséquence, il est tenu d’apporter au juge, dans sa requête,
tous les éléments nécessaires à l’appréciation du risque encouru quant au paiement de la

485
ASSI-ESSO (A-M. H.), DIOUF (N.), op.cit., n° 132, p. 76.

486
ASSI-ESSO (A-M. H.), DIOUF (N.), op.cit., n° 133, pp. 76-77.
273
créance. Dès lors, le créancier ne se borner à affirmer qu’il est créancier sans apporter la
preuve du péril ou de la menace pesant sur le recouvrement de la créance487.

733 – L’assiette du nantissement judiciaire – L’assiette du nantissement judiciaire du fonds


de commerce est le fonds de commerce du débiteur. Cela dit, la question qui se pose est
relative aux éléments inclus dans ce type de nantissement. Si la réponse affirmative ne fait pas
de doute quant à l’inclusion des éléments obligatoires du nantissement et quant à l’exclusion
des éléments exclus dudit nantissement, elle n’est pas évidente quant aux éléments facultatifs.

Ces derniers peuvent-ils être inclus dans un nantissement judiciaire ? La réponse est
incertaine en raison de la contradiction qui peut apparaître à l’analyse de deux dispositions de
l’AUS, à savoir l’art. 162 et l’art. 170 en ce sens que le premier article interdirait cette
extension tandis que la seconde la permettrait. De l’art. 162 AUS, il ressort que l’inclusion
des éléments facultatifs au sein de l’assiette du nantissement conventionnel doit faire l’objet
d’une clause spéciale. A partir de là, certains auteurs en ont déduit qu’étant donné que la
clause spéciale ne peut exister dans l’hypothèse d’un nantissement judiciaire, ce dernier
nantissement ne peut donc porter sur les éléments facultatifs et doit être limité aux éléments
obligatoires488.

Il est difficile d’adhérer à cette posture. En effet, on peut estimer que l’art. 162 AUS
est relatif, non pas à tout nantissement, mais au nantissement conventionnel. Le fait qu’il
définisse le nantissement comme une convention en est une illustration. Donc le champ
d’application de cet article est le nantissement conventionnel. Dans ce champ ainsi défini, le
législateur donne le moyen technique par lequel l’assiette du nantissement conventionnel peut
être étendue aux éléments facultatifs et ce moyen c’est l’accord de volontés des parties au
contrat ou encore la volonté conjointe du créancier et du constituant exprimée par le biais
d’une clause spéciale du contrat. En conséquence, cet article ne s’appliquant pas au
nantissement judiciaire, on ne peut déduire, de l’inexistence d’une clause dans ledit
nantissement, la conclusion que ce nantissement ne peut porter sur les éléments facultatifs.

487
CA Port-Gentil, arrêt du 28 avril 1999, Ohadata J-02-151, obs. J. ISSA-SAYEGH.

488
Voir, dans ce sens, ANOUKAHA selon qui : « Dans le cas où des éléments facultatifs ont fait l’objet de
nantissement, une clause spéciale du contrat doit en faire mention en précisant les biens engagés. Le législateur
qualifie cette situation d’extension du nantissement (…). Il faut en déduite que le nantissement judiciaire, parce
qu’il ne fait l’objet d’aucune convention, n’englobe que les éléments obligatoires », op.cit., n° 294, p. 110.
274
En effet, dans le nantissement judiciaire, la détermination de l’assiette du nantissement
relève aussi d’une volonté ; seulement, ce n’est pas, logiquement, la volonté conjointe de
parties mais bien l’unique volonté du juge saisi. Par conséquent, il faut en déduire que
l’assiette du nantissement judiciaire peut être étendu aux éléments facultatifs si le juge
l’estime opportun. L’art. 170 AUS nous conforte dans cette posture lorsqu’il exige une
publicité spéciale du nantissement lorsque ce dernier « conventionnel ou judiciaire […] porte
sur des brevets d’invention, marques de fabrique, de service et de commerce, des dessins et
modèles et autres droits de la propriété intellectuelle ainsi que sur le matériel professionnel ».

En définitive, il faut retenir que le nantissement judiciaire du fonds de commerce, à


l’instar du nantissement conventionnel, peut porter sur des éléments facultatifs du fonds de
commerce s’ils existent.

§ 2 – Les conditions de forme

734 – Pluralité de conditions – Pour réglementer les conditions de forme du nantissement


judiciaire du fonds de commerce, l’art. 164 AUS renvoie aux règles applicables à la saisie
conservatoire des droits d’associés et de valeurs mobilières. De ces dispositions combinées
avec d’autres spécifiques de l’AUS, il ressort une pluralité de conditions formelles pour la
constitution du nantissement judiciaire du fonds de commerce : la saisine de la juridiction
compétente (A), la signification de la décision au débiteur (B), l’exigence de l’inscription du
nantissement (C) et la nécessité, dans certaines hypothèses, d’une publicité spéciale
complémentaire du nantissement (D).

A – La saisine de la juridiction compétente

735 – Le moyen de saisine – La juridiction compétente est saisie par le moyen d’une
procédure d’urgence, à savoir la requête. En tant que procédure d’urgence, la requête n’exige
pas la présence du débiteur au procès. Le créancier adresse donc directement sa demande au
juge compétent hors la présence du débiteur.

736 – Juridiction compétente – Selon l’art. 54 AUVE, la juridiction compétente est celle du
domicile ou du lieu où demeure le débiteur.

737 – Ordonnance sur requêtes – Le juge saisi rend une décision qui, formellement, est une
ordonnance sur requêtes. Selon l’al. 2 de l’art. 164 AUS, la décision judiciaire doit contenir
toutes les mentions requises par l’art. 163, c’est-à-dire la désignation du créancier et du

275
constituant, la désignation précise et le siège du fonds et, s’il y a lieu, de ses succursales, les
éléments du fonds nanti et les éléments permettant l’individualisation de la créance garantie
tels que son montant ou son évaluation, sa durée et son échéance.

738 – Finalité de la saisine – Le but de la saisine du juge compétent est, pour le créancier,
d’obtenir une autorisation de prendre une inscription de nantissement sur le fonds de
commerce de son débiteur. L’ordonnance sur requêtes n’a donc pas pour effet de rendre le
fonds de commerce indisponible mais plutôt de le grever d’une sûreté, en l’occurrence le
nantissement. Le nantissement est d’abord un nantissement provisoire. En conséquence, la
décision doit indiquer un délai dans lequel, sous peine de caducité de l’autorisation, le
créancier doit former devant la juridiction compétente l’action en validité du nantissement
conservatoire qui sera donc un nantissement définitif.

B – La signification de la décision au débiteur

739 – Conditions de la signification - Lorsque la juridiction saisie se prononce sur la


demande, le débiteur est absent. C’est la raison pour laquelle, une fois la décision rendue, le
créancier doit la porter à la connaissance du débiteur par le moyen d’une signification. Selon
l’art. 86 AUVE, la signification doit avoir lieu, sous peine de caducité, dans un délai de huit
jours à compter du prononcé de la décision. L’acte de signification doit contenir, à peine de
nullité, un certain nombre de mentions énumérées par ledit article489. Une fois informé, le
débiteur a la possibilité de demander une mainlevée du nantissement notamment en cas
d’irrégularités. Le juge saisi peut refuser ou ordonner mainlevée du nantissement.

C – L’exigence de l’inscription de nantissement

740 – Nécessité de l’inscription – L’inscription du nantissement judiciaire au RCCM est


obligatoire car elle conditionne son opposabilité aux tiers conformément aux dispositions de
l’art. 165 AUS. L’alinéa 2 de cet article distingue même deux types d’inscriptions à savoir
489
Aux termes de l’art. 86 AUVE : « Dans un délai de huit jours à peine de caducité, la saisie conservatoire est
signifiée au débiteur par un acte qui contient, à peine de nullité :
1) copie de l’autorisation de la juridiction ou du titre en vertu duquel la saisie est pratiquée ;
2) copie du procès-verbal de saisie ;
3) la mention, en caractères très apparents, du droit qui appartient au débiteur, si les conditions de
validité de la saisie ne sont pas réunies, d’en demander la mainlevée à la juridiction du lieu de son domicile ;
4) la désignation de la juridiction devant laquelle seront portées les autres contestations, notamment
celles relatives à l’exécution de la saisie ;
5) élection de domicile dans le ressort territorial juridictionnel où s’effectue la saisie si le créancier n’y
demeure pas ; il peut être fait, à ce domicile élu, toute signification ou offre ;
6) la reproduction des articles 62 et 63 ci-dessus ».

276
l’inscription provisoire et l’inscription définitive. Celle-là, précise cet alinéa, doit être prise
après la décision autorisant le nantissement et celle-ci, après la décision de validation passée
en force de chose jugée.

D – La publicité spéciale du nantissement

741 – Hypothèses spéciales – A l’instar du nantissement conventionnel et dans les mêmes


hypothèses, le nantissement judiciaire doit faire l’objet d’une publicité spéciale complétant les
autres mesures que sont l’inscription et la signification. C’est le cas dans les hypothèses
d’extension de l’assiette du nantissement aux éléments facultatifs, d’inclusion de succursales
dans l’assiette du nantissement et d’exploitation du fonds de commerce dans un local loué490.

SECTION 2 – LES EFFETS DU NANTISSEMENT DU FONDS DE COMMERCE

742 - Données – Inscrit, le nantissement du fonds de commerce garantit le principal de la


créance du créancier nanti et deux années d’intérêts et « les parties peuvent convenir de la
durée de validité de l’inscription au registre du commerce et du crédit mobilier dans l’acte
constitutif de ladite sûreté mobilière sans que cette durée puisse dépasser dix années à
compter de l’inscription491 ». Inscrit, le nantissement produit deux grandes catégories d’effets
à savoir, d’une part, les effets communs à tous les créanciers nantis (§1) et, d’autre part, des
effets spécifiques à certains créanciers nantis (§2) qui viennent en complément des effets
communs.

§ 1 – Les effets communs à tous les créanciers nantis

743 – Trois catégories de droits- Trois types de droits sont reconnus aux créanciers nantis
par l’art. 178 AUS492 à savoir un droit de suite (A), un droit de préférence (B) et un droit de
réalisation (C).

490
Sur toutes ces hypothèses particulières, v. supra, les dispositions y afférentes dans le nantissement
conventionnel.
491
Art. 58 AUS.

492
L’art. 178 AUS dispose que : « Les créanciers inscrits bénéficient :
- d’un droit de suite qu’ils exercent conformément aux dispositions de l’article 97 alinéa 2 du présent acte
uniforme ;
- d’un droit de réalisation qu’ils exercent conformément aux dispositions de l’article 104, alinéa 1, du présent
acte uniforme ;
- d’un droit de préférence qu’ils exercent conformément aux dispositions de l’article 226 du présent acte
uniforme ».

277
A – Le droit de suite du créancier nanti

744 – Saisie du fonds de commerce – Le droit de suite va permettre au créancier nanti de


faire saisir le fonds de commerce entre les mains de quelque personne que ce soit. Pour
l’exercice de ce droit de suite en matière de nantissement du fonds de commerce, le
législateur renvoie aux dispositions de l’art. 97 alinéa 2 AUS, donc aux règles applicables en
matière de gage. Or, selon cette dernière disposition : « Lorsque le gage a été régulièrement
publié, les ayants cause à titre particulier du constituant ne peuvent être regardés comme des
possesseurs de bonne foi et le créancier gagiste peut exercer son droit de suite à leur
encontre ». Appliquée au nantissement du fonds de commerce, cette disposition signifie
qu’une fois ce nantissement inscrit, les éventuels acquéreurs du fonds nanti ne peuvent être
des possesseurs de bonne foi.

En effet, le nantissement, en tant que mesure conservatoire, n’a pas pour effet de
rendre le fonds nanti indisponible. Le constituant du fonds peut donc le céder. Toutefois, le
créancier nanti pourra saisir le fonds nanti entre les mains des cessionnaires. En conséquence,
le créancier nanti peut exercer son droit de suite à leur encontre. Il va donc primer les
bénéficiaires inscrits après la cession, en garantie des dettes de l’acquéreur. Par ailleurs, « il
est utile de noter que le droit de suite pourra être exercé par le créancier nanti, sans que ce
dernier ait besoin de faire opposition au paiement du prix de cession du fonds ou même de
déclarer sa créance en cas de redressement judiciaire de l’acquéreur493 ».

B – Le droit de préférence du créancier nanti

745 – Art. 226 AUS - Pour rappel, le droit de préférence est le droit, pour un créancier, de
primer sur d’autres créanciers de son débiteur. Appliqué au nantissement du fonds de
commerce, il exprime le droit du créancier nanti d’être payé avant d’autres créanciers du
constituant du fonds nanti. Ce droit de préférence va s’exercer conformément à l’ordre établi
par l’art. 226 AUS494.
493
CROCQ (P.) et alii, op.cit., n° 390, p. 260.

494
Selon cet article : « Sans préjudice de l’exercice d’un éventuel droit de rétention ou d’un droit exclusif au
paiement, les deniers provenant de la réalisation des meubles sont distribués dans l’ordre suivant :
1°) aux créanciers des frais de justice engagés pour parvenir à la réalisation du bien vendu et à la distribution
elle-même du prix ;
2°) aux créanciers de frais engagés pour la conservation du bien du débiteur dans l’intérêt des créanciers dont
le titre est antérieur en date ;
3°) aux créanciers de salaires super privilégiés ;
4°) aux créanciers garantis par un privilège général soumis à publicité, un gage ou un nantissement, chacun à
la date de son opposabilité aux tiers ;
278
746 – Position du créancier nanti - En suivant l’ordre établi par cet article, le créancier nanti
vient en quatrième position après les créanciers de frais de justice, les créanciers de frais
engagés pour la conservation du bien du débiteur et les créanciers de salaires super
privilégiés.

Toutefois, plusieurs créanciers nantis peuvent être en concurrence sur un unique fonds
de commerce. Dans cette hypothèse, l’ordre des créanciers sera établi conformément aux
dispositions de l’art. 57 AUS. Cet article donne la priorité, d’abord, au créancier dont le
nantissement a été inscrit en premier lieu. Ce créancier sera donc désintéressé, en premier, à
hauteur de l’intégralité de sa créance, sur le prix de vente du fonds. Cependant, des
nantissements peuvent avoir été inscrits le même jour ; dans ce cas, la priorité est accordée à
celui dont le titre constatant le nantissement est le plus ancien. Enfin, en cas d’égalité au
regard des titres, les créanciers nantis concourront à la distribution dans la proportion de leurs
créances totales, au marc le franc.

C – Le droit de réalisation

747 – Données - L’exercice de ce droit permet au créancier de recouvrer sa créance.


Chronologiquement, ce droit de réalisation est antérieur au droit de préférence. Il concerne
donc la réalisation de la sûreté et sera étudiée dans les développements relatifs à la réalisation
du nantissement.

§ 2 – Les effets spécifiques à certains créanciers nantis

748 – Plan - Ces effets expriment certains droits spécifiques reconnus à certains créanciers
nantis et qui viennent compléter les droits reconnus à tous les créanciers nantis. Ces droits
spécifiques sont le droit de surenchère (A) et les droits à l’information (B).

A – Le droit de surenchère

5°) aux créanciers munis d’un privilège spécial, chacun suivant le meuble sur lequel porte le privilège ; en cas
de conflit entre créances assorties d’un privilège spécial sur le même meuble, la préférence est donnée au
premier saisissant ;
6°) aux créanciers munis d’un privilège général non soumis à publicité selon l’ordre établi par l’article 180 du
présent acte uniforme ;
7°) aux créanciers chirographaires munis d’un titre exécutoire lorsqu’ils sont intervenus par voie de saisie ou
d’opposition à la procédure de distribution.
En cas d’insuffisance de deniers pour désintéresser les créanciers désignés aux 1°), 2°), 3°), 6°) et 7°) du
présent article venant à rang égal, ceux-ci concourent à la distribution dans la proportion de leurs créances
totales, au marc le franc ».
279
749 – Possibilité d’une vente du fonds de commerce nanti- Comme déjà relevé, un fonds
de commerce objet d’un nantissement n’est pas indisponible et il peut faire l’objet d’une
vente. Dans cette hypothèse de cession du fonds nanti, « les créanciers inscrits ont un droit de
surenchère qu’ils exercent conformément aux dispositions prévues pour la vente du fonds de
commerce495 ».

750 – Exercice du droit de surenchère - Pour l’exercice de ce droit de surenchère, l’AUS


renvoie aux dispositions relatives à la vente d’un fonds de commerce lesquelles sont prévues
par les articles 163 et suivants de l’AUDCG. Plus précisément, les dispositions prévoyant le
droit de surenchère sont les articles 163 et 164 AUS. De l’article 163 496, il ressort que le
créancier nanti dispose d’un délai d’un mois à compter de la publication de la vente dans un
journal habilité à publier les annonces légales, pour former une surenchère. De même, lorsque
le fonds a fait l’objet d’une vente forcée, ledit créancier dispose du même délai pour
surenchérir cette fois-ci, à compter de l’adjudication.

Le droit de surenchère est du « sixième du prix du fonds de commerce figurant à l’acte


de vente ». Concrètement, cela signifie que le créancier nanti peut acquérir le fonds de
commerce s’il ajoute, au prix initial du fonds figurant dans l’acte de vente, un sixième dudit
prix.

751 – Obligations du surenchérisseur - Toutefois, le droit de surenchère met aussi des


obligations à la charge du créancier nanti. Ainsi, le créancier nanti surenchérisseur, doit
consigner, dans le même délai d’un mois, soit après la publication de la vente dans un journal
d’annonces légales, soit après l’adjudication, « au greffe de la juridiction compétente ou
auprès de l’organe compétent dans l’Etat partie, le montant du prix augmenté du sixième ».

Enfin, de l’art. 164 AUDCG, il résulte deux autres obligations du surenchérisseur. La


première est qu’il doit établir le cahier des charges de la vente antérieurement à la vente en
justice. Ce cahier doit reproduire « intégralement l’acte de cession ayant donné lieu à

495
Art. 177 AUS.

496
Aux termes de l’art. 163 AUDCG : « Tout créancier ayant inscrit un privilège ou un nantissement, ou ayant
régulièrement fait opposition, dans le mois de la publication de la vente dans un journal habilité à publier les
annonces légales, former une surenchère du sixième du prix du fonds de commerce figurant à l’acte de vente.
Lorsque le fonds a fait l’objet d’une vente forcée, les créanciers nantis et opposants bénéficient du
même droit de surenchère qui doit s’exercer dans le même délai à compter de l’adjudication.
Le surenchérisseur doit consigner, dans le même délai, au greffe de la juridiction compétente ou auprès
de l’organe compétent dans l’Etat partie, le montant du prix augmenté du sixième ».

280
surenchère et [mentionner] les nantissements antérieurement inscrits ainsi que les oppositions
régulièrement notifiées à la suite de la publication de la vente volontaire du fonds, ou au cours
de la procédure de vente forcée ». La deuxième obligation postule l’exigence, pour le
surenchérisseur, de publier « dans les quinze (15) jours francs de la surenchère […], à ses
frais avancés, dans un journal habilité à publier des annonces légales et paraissant dans le lieu
où le vendeur est inscrit au registre du commerce et du crédit mobilier, un avis comportant
l’indication du lieu et de la date de la vente ainsi que des modalités de consultation du cahier
des charges ». A défaut, « passé ce délai, la surenchère est nulle de plein droit et les frais en
sont définitivement supportés par le seul enchérisseur sans préjudice des dommages-intérêts
éventuellement dus pour surenchère abusive ».

B – Les droits à l’information

752 – Données – Dans certaines hypothèses prévues par la loi, le créancier nanti dispose d’un
droit à l’information. Plus précisément, comme cela a été bien expliqué, « Afin de garantir
l’efficacité du droit de suite des créanciers bénéficiant d’un nantissement […], les articles
174 et suivants de l’AUS prévoient l’obligation, pour le propriétaire du fonds, d’informer les
créanciers nantis lors de la survenance de certains événements 497 ». Ces événements sont le
déplacement du fonds nanti, la résiliation du bail commercial de l’immeuble où le fonds est
exploité et la résolution de la vente du fonds de commerce.

753 – L’information en cas de déplacement du fonds nanti- Le siège de cette obligation est
l’art. 175 AUS. Ainsi, le propriétaire du fonds de commerce nanti qui envisage de le déplacer
doit, dans un délai de quinze jours à l’avance et par acte extra-judiciaire, notifier au créancier
inscrit, son intention de déplacer le fonds « en indiquant le nouvel emplacement qu’il entend
lui fixer ». Il faut relever que cette obligation du propriétaire n’existe que si l’existence du
nantissement sur le fonds de commerce lui est connue par la notification qui lui a été faite, par
le créancier nanti et conformément à l’art. 172 AUS, du bordereau d’inscription.

Le défaut d’accomplissement de l’obligation d’information est sanctionné par « la


déchéance du terme pour le débiteur », ce qui signifie que la créance est exigible de plein
droit.

Informé de l’intention du propriétaire du fonds de le déplacer, le créancier inscrit peut


refuser de consentir au déplacement ou y adhérer. Dans la première hypothèse, ledit créancier

497
CROCQ (P.) et alii, op.cit., n° 395, p. 261.
281
peut « dans le délai de quinze jours suivant la notification, demander la déchéance du terme
s’il y a diminution de sa sûreté ». De cette dernière disposition de l’art. 175 AUS, il ressort
que le refus du créancier nanti ne sera légitime et donc n’entrainera la déchéance du terme du
débiteur que si ce créancier fait la preuve du préjudice que le déplacement lui occasionne,
lequel préjudice réside dans la diminution de la valeur de son nantissement occasionnée par le
déplacement. Lorsque le créancier nanti consent au déplacement du fonds, il « conserve sa
sûreté », à condition de faire « mentionner son accord, dans le même délai [de quinze jours à
compter de la notification], en marge de l’inscription initiale ». C’est donc dire qu’après
avoir donné son accord, le créancier doit inscrire cet accord « en marge de l’inscription
initiale ».

Enfin, si le déplacement du fonds entraîne son transfert dans un autre Etat partie de
l’OHADA, « l’inscription initiale, à la demande du créancier inscrit, est reportée sur le
registre du commerce et du crédit mobilier où est transféré le fonds ».

754 - Information en cas de résiliation du bail commercial – Cette obligation est prévue
par l’art. 176 AUS. Cette disposition fait obligation au bailleur qui entend faire résilier le bail
de l’immeuble dans lequel le fonds nanti est exploité, de « notifier sa demande aux créanciers
inscrits par acte extrajudiciaire ». Cette notification a pour but de protéger les créanciers
inscrits et peut leur permettre d’éviter la résiliation du bail, en payant par exemple les arriérés
de loyers motivant la décision de résiliation. Une fois cette notification faite, la « décision
judiciaire de résiliation ne peut intervenir, ni la résiliation amiable ou en vertu d’une clause
résolutoire de plein droit produire effet, qu’après l’expiration du délai de deux mois suivant la
notification ».

755 – Sanction du défaut d’accomplissement de cette obligation - Le législateur ne prévoit


pas expressis scriptum, la sanction du défaut d’accomplissement de cette obligation. Mais
puisqu’il s’agit de protéger les créanciers inscrits, on peut, par analogie avec la sanction du
défaut d’accomplissement de l’obligation d’information en cas de déplacement du fonds
nanti, penser à la déchéance du terme pour le débiteur.

Toutefois, les créanciers inscrits peuvent-ils engager la responsabilité du propriétaire


du fonds pour non-respect d’une disposition légale impérative ? Cela nous semble possible.
Dans ce cas, ledit propriétaire pourrait être condamné au paiement de dommages-intérêts au
profit du créancier nanti.

282
Enfin, il est aussi possible de penser, en amont, à l’irrecevabilité de l’action en
résiliation judiciaire non précédée de cette obligation d’information.

756 – Information en cas de résolution de la vente – Le régime de l’information en cas de


résolution de la vente résulte d’une lecture combinée des art. 168 AUDCG498 et 168 AUS499.
Du dernier article, il ressort que tout vendeur d’un fonds de commerce qui s’apprête à exercer
son droit de résolution de la vente doit faire précéder l’action en résolution d’une prénotation
au RCCM. La prénotation est une mesure destinée à prévenir les tiers, notamment les
créanciers inscrits sur le fonds, que le vendeur s’apprête à exercer son droit de résolution de la
vente. Il ressort de l’art. 168 AUS que la prénotation est désormais une condition préalable et
nécessaire pour l’exercice, par le vendeur, de son droit de résolution. La prénotation doit être
autorisée par une décision de justice prise par « la juridiction compétente du lieu où la vente a
été inscrite ».

S’il est constant que cette formalité est obligatoire, le législateur ne prévoit, toutefois
pas, la sanction de son inobservation. Sur ce point, le professeur ISSA-SAYEGH suggère
l’irrecevabilité de l’action en résolution ou la nullité de toute résolution de la vente du fonds
de commerce intervenue sans prénotation préalable500. Quant à l’art. 168 AUDCG, il oblige le
vendeur exerçant l’action résolutoire à l’accomplissement de deux formalités. D’une part, il
doit notifier cette action « par acte extrajudiciaire ou par tout moyen prouvant par écrit la
notification aux créanciers inscrits sur le fonds et ce, au domicile élu par eux dans leurs

498
Aux termes de l’art. 168 AUDCG : « Le vendeur qui exerce l’action résolutoire notifie celle-ci par acte
extrajudiciaire ou par tout moyen prouvant par écrit la notification aux créanciers inscrits sur le fonds, et ce, au
domicile élu par eux dans leurs inscriptions.
Il procède également à la prénotation de son action résolutoire conformément aux dispositions prévues
à cet effet par l’Acte uniforme portant organisation des sûretés.
La résolution ne peut être prononcée que par la juridiction compétente du lieu d’immatriculation du
vendeur du fonds.
Toute convention de résolution amiable d’une vente de fonds de commerce est inopposable aux
créanciers de l’acquéreur du fonds qui ont pris une inscription sur le fonds ».

499
L’art. 168 AUS dispose que : « Toute demande tendant à la résolution amiable, judiciaire ou de plein droit de
la vente du fonds de commerce doit faire l’objet d’une prénotation au registre du commerce et du crédit mobilier
à l’initiative du vendeur.
Cette prénotation est autorisée par la juridiction compétente du lieu où la vente a été inscrite, par
décision sur requête, à charge de lui en référer.
La prénotation faite, la validité des inscriptions ultérieures est subordonnée à la décision à intervenir
sur la résolution de la vente ».

500
ISSA-SAYEGH (J.), Commentaires sous art. 168 AUS, in OHADA, Traités et actes uniformes commentés et
annotés, Ed. Juriscope, 2018, p. 943. Le professeur précise que : « Reste à se poser la question de savoir si,
désormais, l’inobservation de cette formalité entraîne l’irrecevabilité de l’action en résolution ou la nullité de
toute résolution de la vente du fonds de commerce ».
283
inscriptions ». D’autre part, ledit vendeur doit procéder également « à la prénotation de son
action résolutoire conformément aux dispositions prévues à cet effet par l’Acte uniforme
portant organisation des sûretés ». Dans ce cas, la prénotation est prononcée, exclusivement
« par la juridiction compétente du lieu d’immatriculation du vendeur du fonds ».

L’inaccomplissement de ces formalités est sanctionné par le législateur qui précise, à


l’alinéa 4 de l’art. 168 AUDCG que : « Toute convention de résolution amiable d’une vente
de fonds de commerce est inopposable aux créanciers de l’acquéreur du fonds qui ont pris
une inscription sur le fonds ».

757 – Remarque conclusive - Tels sont les effets produits par le nantissement du fonds de
commerce. Cependant, pour recouvrer sa créance en cas de défaillance du débiteur, le
créancier va passer à la réalisation de la sûreté.

SECTION 3 – LA REALISATION DU NANTISSEMENT DU FONDS DE


COMMERCE

758 – Définition – La réalisation peut être appréhendée comme l’ensemble des moyens
juridiques permettant au créancier nanti de recevoir paiement de la créance nantie. Elle
suppose, au préalable, que le constituant a été dans l’incapacité de payer sa dette à l’échéance.
Pour pallier cette carence du constituant, le créancier nanti va opérer la réalisation du
nantissement.

759 – Droit de réalisation – Pour permettre au créancier nanti de réaliser le nantissement du


fonds de commerce, un droit de réalisation lui a, justement, été reconnu par l’art. 178 AUS.
Selon cette disposition, le créancier inscrit bénéficie d’un droit de réalisation qu’il est tenu
d’exercer « conformément aux dispositions de l’article 104, alinéa 1 » de l’AUS.

760 – Modalités de réalisation – L’art. 104 al. 1 AUS auquel renvoie l’art. 178 AUS prévoit
une des modalités de la réalisation du gage. Il en résulte que le créancier nanti va réaliser son
nantissement de la même manière que le créancier gagiste. Or, l’al. 1er de l’art. 104 AUS
prévoit la vente forcée du gage. En conséquence, le créancier nanti pourra demander la vente
forcée du fonds nanti. La vente forcée est-elle la seule modalité de réalisation du
nantissement ?

Certains auteurs le pensent qui affirment que : « contrairement à ce qui prévalait sous
l’empire de l’ancien AUS, le créancier nanti ne pourra pas obtenir d’attribution judiciaire du

284
fonds et l’attribution conventionnelle est également exclue. Le droit de réalisation du
créancier nanti est limité à la possibilité de faire procéder à la vente forcée du fonds de
commerce ». Toutefois, il est difficile d’adhérer à cette posture dans la mesure où le
législateur reconnaît un droit de surenchère aux créanciers nantis lorsque le propriétaire du
fonds nanti veut le vendre. Il nous semble que ce droit de surenchère permet, dans ce cas, au
créancier nanti d’acquérir, judiciairement, la propriété du fonds. C’est dire que l’attribution
judiciaire du fonds reste possible dans l’hypothèse où le créancier inscrit exerce son droit de
surenchère.

761 – Plan – Il existe donc deux modalités de réalisation du nantissement du fonds de


commerce, à savoir : la vente forcée du fonds (§ 1) et l’attribution judiciaire du fonds (§ 2).

§ 1 – La vente forcée du fonds de commerce

762 – Plan – La vente forcée du fonds est soumise à des conditions (A) et enserrée dans une
procédure (B) qui produit des effets (C).

A – Les conditions de la vente forcée

763 – Plan – De l’analyse de l’art. 104 al. 1 AUS, il ressort une double condition à savoir le
défaut de paiement de la créance à l’échéance et la nécessité d’un titre exécutoire. A ces deux
conditions, il faut adjoindre le fait que la créance du créancier nanti doit respecter certains
caractères.

764 – Le défaut de paiement – Le nantissement du fonds de commerce a pour but de garantir


le recouvrement de la créance du créancier nanti. Autrement dit, en tant que sûreté, le
nantissement n’est mis en œuvre que dans l’hypothèse où le constituant est défaillant, c’est-à-
dire lorsqu’il est dans l’incapacité de payer sa dette. Le défaut de paiement de sa dette par le
constituant est donc une condition préalable de la réalisation du nantissement.

765 – La nécessité d’un titre exécutoire – Outre le défaut de paiement, la réalisation du


nantissement du fonds de commerce est soumise à l’obtention, par le créancier nanti, d’un
titre exécutoire501.

501
Aux termes de l’art. 33 AUS : « Constituent des titres exécutoires :
1) les décisions juridictionnelles revêtues de la formule exécutoire et celles qui sont exécutoires sur minute ;
2) les actes et décisions juridictionnelles étrangers ainsi que les sentences arbitrales déclarés exécutoires par
une décision juridictionnelle, non susceptibles de recours suspensif d’exécution, de l’Etat dans lequel ce titre est
invoqué ;
3) les procès-verbaux de conciliation signés par le juge et les parties ;
4) les actes notariés revêtus de la formule exécutoire ;
285
766 – Les caractères de la créance – La réalisation du fonds de commerce n’est possible que
si la créance est certaine, liquide et exigible conformément à l’art. 31 AUVE502.

B – La procédure de la vente forcée

767 – Le commandement préalable – La vente forcée est précédée d’une sommation de


payer faite par le créancier nanti au constituant du fonds de commerce.

768 – Respect d’un délai – Ce n’est que huit jours après cette sommation que le créancier
gagiste peut faire procéder à la vente forcée du fonds de commerce, aux enchères publiques.

C – Les effets de la vente forcée

769 – L’effet de la vente sera de permettre au créancier nanti de recevoir paiement de sa


créance sur le prix de vente du fonds nanti. Pour ce faire, sa position dans le paiement est
fonction de son droit de préférence sur le prix de vente. Or, selon l’art. 226 AUS, le créancier
nanti vient en quatrième position.

§ 2 – L’attribution judiciaire du fonds de commerce

770 – Possibilité d’une attribution judiciaire du fonds nanti - L’art. 77 AUS reconnaît,
lorsque le propriétaire d’un fonds de commerce nanti veut le vendre, un droit de surenchère au
créancier nanti qui a inscrit son nantissement. Or, l’esprit de ce droit de surenchère, c’est de
permettre au créancier nanti, à condition qu’il augmente le prix de vente du fonds, d’un
sixième du prix initial, d’acheter le fonds et donc d’en devenir propriétaire. Il est donc
raisonnable de penser que le créancier nanti qui exerce ce droit de surenchère avec succès
devient, par décision de justice, propriétaire du fonds. Il réalise donc le nantissement en en
devenant propriétaire. Autrement dit, il réalise le nantissement par attribution judiciaire du
fonds de commerce mis en vente.

5) les décisions auxquelles la loi nationale de chaque Etat partie attache les effets d’une décision judiciaire ».

502
Aux termes de cet article : « L’exécution forcée n’est ouverte qu’au créancier justifiant d’une créance
certaine, liquide et exigible sous réserve des dispositions relatives à l’appréhension et à la revendication des
meubles ».
286
CHAPITRE 3

LE NANTISSEMENT DES DROITS DE PROPRIETE INTELLECTUELLE

Réglementation – L’AUS régit le nantissement des droits de propriété intellectuelle aux


articles 156 à 161. A ces dispositions, il faut adjoindre celles de l’Organisation Africaine de la
Propriété Intellectuelle.

287
TITRE II :

LES SURETES REELLES IMMOBILIERES :

CHAPITRE UNIQUE : L’HYPOTHEQUE

Introduction

L’hypothèque est une sûreté réelle qui permet l’affectation d’un immeuble déterminé
au paiement d’une dette conformément à la définition prévue par l’art. 190 AUS qui dispose
que : « l’hypothèque est l’affectation d’un immeuble déterminé ou déterminable appartenant
au constituant en garantie d’une ou plusieurs créances, présentes ou futures à condition
qu’elles soient déterminées ou déterminables ».

Le recours à une telle sûreté suppose que le débiteur ne soit pas dépossédé du bien.
Quant au créancier, bénéficiaire de l’hypothèque, il demeure protégé par la possibilité de faire
vendre le bien ou de demander en justice à en devenir propriétaire. L’hypothèque dispose
donc d’un effet psychologique important en raison notamment de la menace d’expulsion
pesant sur le débiteur. C’est sans doute cette dernière caractéristique qui explique le maintien
de l’hypothèque face à d’autres sûretés. Son formalisme, mais également son coût et les délais
qu’elle impose font d’elle une sûreté délicate à mettre en œuvre. Toutefois, la réforme des
sûretés lui a apporté certaines innovations à même d’en faire une sûreté de plus en plus prisée.

Il y a lieu d’étudier, dans un chapitre unique, les règles communes à toutes les
hypothèques réunies dans le droit commun des hypothèques (section 1), celles des différentes
catégories de cette sûreté qui forment le droit spécial des hypothèques (section 2) et celles de
son régime (section 3).

SECTION I : LE DROIT COMMUN DES HYPOTHEQUES

Que l’hypothèque soit d’origine conventionnelle, légale ou judiciaire503, le recours à


cette sûreté suppose la présence d’une créance principale. Par ailleurs, « sauf disposition
contraire, les règles applicables aux hypothèques conventionnelles s’appliquent également
aux hypothèques forcées504 » (art. 191 AUS).
503
Aux termes de l’alinéa 2 de l’article 190 AUS relatif à l’hypothèque : « Elle (l’hypothèque) est légale,
conventionnelle ou judiciaire ».
504
Cf. Article 191 AUS.
288
Ces règles communes concernent à la fois les biens concernés (§1) que le caractère
indivisible de la sûreté (§2).

§ 1 - Les biens concernés

Le recours à une hypothèque suppose qu’un immeuble soit apporté en garantie d’une
créance (A), bien qui doit nécessairement être disponible et immatriculé (B).

A – Les immeubles

La nature immobilière du bien s’impose pour tout recours à l’hypothèque. L’art. 190
AUS en effet présente l’hypothèque comme la sûreté qui consiste en « l’affectation d’un
immeuble déterminé ou déterminable », à la garantie d’une dette.

L’assiette de l’hypothèque comprend donc non seulement les immeubles par nature505
mais aussi les immeubles par destination. En ce qui concerne les immeubles par destination,
l’hypothèque ne peut être envisagée indépendamment du fonds auquel ils sont attachés.

En somme, aux termes de l’al. 2 de l’art. 192 AUS : « Peuvent faire l’objet d’une
hypothèque :

1°) les fonds bâtis ou non bâtis et leurs améliorations ou constructions survenues, à
l’exclusion des meubles qui en constituent l’accessoire ;

2°) les droits réels immobiliers régulièrement inscrits selon les règles de l’Etat partie ».

Toutefois, l’on admet exceptionnellement la prise d’une hypothèque sur certains biens
meubles (aéronefs, navires et bâtiments de mer) qui sont soumis à des législations
particulières (art. 4 al. 4 AUS).

B – Les immeubles disponibles et immatriculés

Seuls les immeubles présents et immatriculés peuvent faire l’objet d’une hypothèque
selon l’article 192 alinéa 1er AUS.

D’abord, il est nécessaire que les droits qui affectent le bien hypothéqué soient
disponibles quelle que soit l’origine de la sûreté. Autrement dit, il est nécessaire que
l’immeuble soit dans le commerce juridique. Tel n’est pas le cas de celui sur qui pèse une

505
Tel est le cas des fonds de terre et des bâtiments, art. 518 cciv.
289
clause d’inaliénabilité. A l’inverse, dès lors que l’immeuble est disponible, aliénable et
saisissable, un contrat d’hypothèque portant sur celui-ci peut être conclu.

Ensuite, il faut que l’immeuble soit immatriculé. L’immatriculation est une procédure
consistant à enregistrer un immeuble dans le livre foncier afin d’établir un titre destiné à
prouver les droits fonciers et à en déterminer les titulaires.

En ce qui concerne les immeubles du domaine public, ils ne peuvent pas en principe
faire l’objet d’une hypothèque.

Toutefois, l’art. 203 al. 2, 3° AUS506 réserve la possibilité de constituer


exceptionnellement une hypothèque sur le domaine public.

§ 2 – L’indivisibilité de l’hypothèque

Selon les termes de l’art. 193 AUS, « l’hypothèque est indivisible par nature et
subsiste totalement sur les immeubles affectés jusqu’à complet paiement et malgré la
survenance d’une succession ». Cette disposition reprend la maxime « hypotheca est tota in
toto et tota in qualibet parte » formulée par Dumoulin : chaque portion de l’immeuble doit
répondre de la totalité de la dette.

Une telle indivisibilité étant de la nature de l’hypothèque, le créancier ne peut y


renoncer ni expressément507 ni tacitement508.

Ainsi, lorsque l’hypothèque affecte un immeuble, chaque portion de celui-ci a


vocation à répondre de la totalité de la dette, ce qui permet au créancier de ne pas avoir à
diviser les recours en cas de vente partielle du bien. En cas de partage, le créancier peut
poursuivre pour le tout l’héritier qui a reçu dans son lot une partie de l’immeuble.
Corrélativement, la division de la dette garantie n’entraîne nullement celle de l’hypothèque, le

506
Selon l’article 203 AUS : « L’hypothèque conventionnelle ne peut être consentie que par celui qui est titulaire
du droit réel immobilier régulièrement inscrit et capable d’en disposer.
Par exception à l’alinéa précédent, l’hypothèque peut être consentie sur des immeubles à venir dans les
cas et conditions ci-après :
3° celui qui possède un droit réel lui permettant de construire à son profit sur le fonds d’autrui, sur le
domaine public ou sur le domaine national peut hypothéquer les bâtiments et ouvrages dont la construction est
commencée ou simplement projetée ; en cas de destruction de ceux-ci, l’hypothèque est reportée de plein droit
sur les nouvelles constructions édifiées au même emplacement ».

507
Cf. Requêtes 29 juill. 1858, DP 1859.1.125.

508
Cf. Requêtes 11 avr. 1902, DP 1903.1.465.
290
créancier conservant l’intégralité de la sûreté réelle pour obtenir le paiement de la fraction due
par le débiteur.

De même, en cas de division de la créance, chaque créancier hypothécaire dispose de


la possibilité de saisir l’ensemble de l’immeuble hypothéqué.

SECTION 2 : LE DROIT SPECIAL DES HYPOTHEQUES

Selon l’art. 190 al. 2, l’hypothèque peut « légale, conventionnelle ou judiciaire ».


Trois modes de constitution doivent donc être distingués selon leur fréquence d’utilisation par
la pratique : l’hypothèque conventionnelle (§1), légale (§2) et judiciaire (§3).

§1 – L’hypothèque conventionnelle

Les hypothèques d’origine conventionnelle sont les plus souvent utilisées, notamment
lorsqu’un établissement de crédit prête une somme d’argent et demande au débiteur de
garantir le remboursement de ce prêt par une hypothèque sur un immeuble.

L’hypothèque conventionnelle nécessite la réunion de conditions de fond (A) et de


forme (B).

A – Les conditions de fond

Les conditions de fond sont relatives aux biens (1), aux parties (2) et aux créances
concernées (3).

1 – Les biens concernés

a- Le principe de spécialité de l’assiette

Au nom du principe de spécialité, l’hypothèque ne doit concerner qu’un bien au


préalable déterminé. C’est à ce titre que l’art. 192 AUS dispose que : « sauf disposition
contraire, seuls les immeubles présents et immatriculés peuvent faire l’objet d’une
hypothèque ». Autrement dit, la règle de la spécialité de l’assiette signifie que l’immeuble
grevé doit être désigné de façon précise dans l’acte de constitution. Ainsi, le titre constitutif de
la créance doit indiquer d’une manière précise la situation et la contenance de l’immeuble sur
lequel est consentie l’hypothèque, ainsi que sa désignation cadastrale. L’objectif poursuivi est
d’assurer la protection du débiteur, en limitant les droits du créancier expressément précisés.

291
Cette assiette de l’hypothèque s’étend nécessairement aux accessoires matériels et
juridiques de l’immeuble et concerne notamment les éventuelles servitudes, ainsi que les
loyers. De même, les fruits et récoltes sont grevés par l’hypothèque comme faisant partie
intégrante du fonds (art. 520 cciv). De telles informations, relatives au bien grevé, devront
être apportées lors de l’inscription de l’hypothèque afin d’assurer une parfaite information aux
tiers.

b. L’hypothèque des biens à venir

En principe, l’hypothèque ne peut porter que sur des immeubles présents dont le
constituant est déjà titulaire. Ainsi, l’al. 1er de l’art. 203 AUS interdit-il l’hypothèque des
biens à venir en disposant que : « l’hypothèque conventionnelle ne peut être consentie que par
celui qui est titulaire du droit réel immobilier régulièrement inscrit et capable d’en disposer ».

Règle absolue sous l’empire de l’AUS de 1998, l’interdiction de l’hypothèque de biens


futurs admet trois catégories d’atténuations prévues par l’al. 2 de l’art. 203 AUS.

Tout d’abord, l’art. 203 al. 2, 1°) autorise le propriétaire à consentir que chacun des
immeubles qu’il pourra acquérir soit affecté en complément de l’hypothèque initiale. Ce cas
suppose que le constituant « ne possède pas d’immeubles présents et libres ou n’en possède
pas en quantité suffisante pour la sûreté de la créance » lors de la constitution de
l’hypothèque.

Ensuite, le 2°) du même article énonce qu’en cas de perte de l’immeuble hypothéqué
ou de perte de valeur de cet immeuble, notamment par dégradation matérielle, la sûreté
conclue ne pouvant plus garantir suffisamment la créance, le créancier peut, ou solliciter le
remboursement de sa créance, ou obtenir du constituant, une hypothèque supplémentaire qui
peut alors porter sur les biens futurs ou à venir de ce dernier.

Enfin, l’art. 203 al.2, 3°) prévoit que « celui qui possède un droit réel lui permettant
de construire à son profit sur le fonds d’autrui, sur le domaine public ou sur le domaine
national peut hypothéquer les bâtiments et ouvrages dont la construction est commencée ou
simplement projetée ; en cas de destruction de ceux-ci, l’hypothèque est reportée de plein
droit sur les nouvelles constructions édifiées au même emplacement ».

L’ensemble de ces restrictions revient à tempérer fortement la portée de l’interdiction


de principe de l’hypothèque des biens à venir.

292
2. Les parties au contrat

Les parties au contrat sont le créancier hypothécaire et le constituant.

a - Le constituant

Le constituant est la personne, physique ou morale, qui confère l’hypothèque au


créancier. Le constituant peut être le débiteur du créancier ou un tiers.

Conformément à l’exigence formulée à l’art. 203 al. 1er, le constituant doit être doté de
la capacité d’aliéner un immeuble, l’hypothèque étant un acte de disposition en ce qu’elle peut
conduire à la vente de l’immeuble. En conséquence, un mineur ou un majeur incapable ne
peut agir conclure seul un contrat d’hypothèque.

En ce qui concerne le pouvoir de conclure un contrat d’hypothèque, si les époux sont


mariés sous le régime de la communauté, le consentement des deux est requis pour pouvoir
hypothéquer un immeuble de la communauté conformément aux dispositions de l’art. 81
nouveau de la loi ivoirienne sur le mariage sous peine d’annulation de l’acte par le conjoint
dont le consentement n’a pas été obtenu. L’action en nullité est ouverte au conjoint pendant
les deux années qui suivent le jour où il a eu connaissance de cet acte (art. 81 nouveau al. 2 loi
ivoirienne sur le mariage).

Le constituant doit ensuite être titulaire d’un droit réel qui peut être le droit de
propriété mais aussi d’autres droits réels immobiliers : le droit d’usufruit détaché de la pleine
propriété, le droit de superficie, la nue-propriété ou l’emphytéose. Toutefois, certains droits
réels ne peuvent être hypothéqués en raison de leur caractère incessible. Il en est ainsi du droit
d’usage (art. 631 cciv) ou du droit d’habitation (art. 634 cciv).

Le constituant doit, ensuite, être propriétaire de l’immeuble hypothéqué. Il s’ensuit


que l’hypothèque de la chose d’autrui est nulle par application de l’adage, « nul ne peut
transférer à autrui plus de droits qu’il n’en a lui-même ». La jurisprudence frappe
l’hypothèque de la chose d’autrui de nullité absolue pour défaut d’objet509.

Par ailleurs, l’hypothèque est soumise aux modalités qui affectent le droit de propriété
de sorte qu’elle est conditionnelle si la propriété l’est aussi. Cela résulte de l’art. 194 AUS
dispose en son alinéa 1er que « ceux qui n’ont sur l’immeuble qu’un droit soumis à condition,

509
Cass. Civ. 24 mai 1892, D.P. 1892, 1, 327.
293
résolution, ou rescision régulièrement publiées ne peuvent consentir qu’une hypothèque
soumise aux mêmes conditions, résolutions ou rescisions ».

Une autre difficulté est relative à l’hypothèque d’un bien indivis. Deux hypothèses
sont envisageables. Ou bien l’hypothèque porte sur la totalité de l’immeuble indivis : il s’agit
alors de l’hypothèque d’un immeuble indivis stricto sensu. Ou bien, l’hypothèque porte sur
une portion d’un immeuble indivis appartenant à un coindivisaire : c’est l’hypothèque d’une
quote-part d’un immeuble indivis.

Première hypothèse : hypothèque d’un bien indivis

Si cette hypothèque est consentie par tous les coindivisaires, elle est valablement
constituée et « conserve son effet quel que soit le résultat du partage » (art. 194 al. 2 AUS).
Dans cette hypothèse, si un seul des coindivisaires a la qualité de débiteur, les autres auront la
qualité de cautions réelles, en raison de l’affectation d’un bien à la garantie de la dette d’un
tiers.

A l’inverse, si l’hypothèque n’a été consentie que par un seul coindivisaire, le


créancier ne pourra pas poursuivre la réalisation de son hypothèque avant le partage. Lors du
partage, l’hypothèque ne conservera son effet « que dans la mesure où l’indivisaire qui l’a
consentie est alloti de l’immeuble indivis ou, lorsque l’immeuble est licité à un tiers, si cet
individu est alloti du prix de licitation ». Ainsi, lors du partage, le créancier pourra exercer
son droit sur la part de son débiteur, droit qui se reporte sur le prix obtenu par le débiteur du
fait du partage.

Deuxième hypothèque : hypothèque d’une quote-part d’un bien indivis

Si l’hypothèque est consentie par un seul coindivisaire sur sa quote-part des droits
indivis sur l’immeuble, l’al. 3 de l’art. 194 AUS indique que cette hypothèque « ne conserve
son effet que dans la mesure où l’indivisaire qui l’a consentie est, lors du partage, alloti du
ou de ces immeubles indivis ». Ce texte précise que dans le cas de l’attribution du bien au
constituant, l’hypothèque portera alors sur l’ensemble des droits obtenus dans le cadre du
partage « sans être limitée à la quote-part qui appartenait à l’indivisaire qui l’a consentie ;
lorsque l’immeuble est licité à un tiers, elle le conserve également si cet indivisaire est alloti
du prix de la licitation ».

b- Le créancier

294
La deuxième personne au contrat d’hypothèque est le créancier, c’est-à-dire la
personne physique ou morale qui détient une créance contre le constituant et pour la garantie
de laquelle l’hypothèque est consentie.

3. Les créances concernées

a- Le principe de spécialité de la créance

Aux termes de l’art. 204 AUS, « l’hypothèque conventionnelle doit être consentie
pour une somme déterminée ou au moins déterminable en principal et portée à la
connaissance des tiers par l’inscription de l’acte. Le débiteur aura droit, s’il y a lieu, par la
suite, de requérir la réduction de cette somme en se conformant aux règles de la publicité
foncière prévues à cet effet ».

Il ressort de cette disposition le principe de la spécialité de la créance au nom duquel le


contrat d’hypothèque doit préciser la somme pour laquelle la sûreté était consentie et indiquer
le montant de la créance qui doit être déterminé ou déterminable. Dans cette dernière
hypothèse, l’acte constitutif doit contenir une estimation de cette créance, en stipulant un
plafond. Cette exigence est justifiée par la nécessité de protéger les intérêts des constituants.

Ainsi, au jour de la conclusion du contrat, les parties doivent indiquer dans l’acte la
cause de la créance garantie. Autrement dit, elles doivent préciser le contrat principal qui a
justifié le recours à l’hypothèque qui en est l’accessoire, par exemple la conclusion préalable
d’un contrat de prêt immobilier. Le contrat d’hypothèque doit donc mentionner non seulement
la créance garantie mais aussi « une somme déterminée » représentant le capital immobilier
affecté en garantie de la dette.

La réforme du 15 mai 2011 n’a pas supprimé le principe de la spécialité de la créance


mais a admis des tempéraments en prévoyant la possibilité d’hypothéquer un bien pour
garantir des créances futures.

b- L’hypothèque d’un bien pour garantir des créances futures

En définissant l’hypothèque, l’art. 190 AUS précise que cette sûreté peut être
constituée « en garantie d’une ou plusieurs créances, présentes ou futures à condition
qu’elles soient déterminées ou déterminables ».

295
Ce texte consacre la faculté de conclure une hypothèque pour garantir une créance
future, en particulier le solde d’un compte courant.

B. Les conditions de forme

L’hypothèque est un acte potentiellement grave : elle affecte la valeur de l’immeuble


et présente le risque, pour le débiteur, d’une perte de la propriété du bien s’il ne paye pas la
totalité de la dette à l’échéance convenue.

C’est pourquoi est imposé un régime protecteur du constituant afin d’attirer son
attention lors de la conclusion d’une telle sûreté, en imposant la nécessité d’un acte
authentique (1) et d’une inscription (2). Les parties peuvent toutefois avoir à la formule de la
promesse d’hypothèque (3).

1. L’acte authentique obligatoire

L’al. 1er de l’art. 205 prévoit que l’hypothèque conventionnelle peut être consentie soit
par acte authentique établi par le notaire territorialement compétent ou l’autorité
administrative ou judiciaire habilitée à faire de tels actes, soit par acte sous seing privé dressé
suivant un modèle agréé par la conservation de la propriété foncière.

Cependant, en droit ivoirien, le décret n° 64-164 du 16 avril 1964 portant interdiction


des actes sous seing privé impose la forme notariée en son article premier qui dispose que :
« L’hypothèque conventionnelle est consentie par acte authentique. La transmission et la
mainlevée de l’hypothèque ainsi que la cession de l’hypothèque forcée de la femme mariée ou
la renonciation par cette dernière à cette même hypothèque ont lieu dans la même forme ».

L’acte constitutif est conservé en minute chez le notaire, les parties pouvant toujours
se procurer une copie exécutoire à ordre, facilitant la transmission de l’hypothèque.

En ce qui concerne le contenu de l’acte, au nom du principe de spécialité, certaines


mentions doivent impérativement apparaître dans le contrat d’hypothèque : l’acte doit
contenir des précisions relatives à la nature et à la situation du ou des immeubles grevés, ainsi
que des précisions permettant de déterminer la créance garantie. De plus, la loi encadre
strictement les modalités du recours à une procuration : si le constituant ne peut être présent, il
pourra conclure un contrat de mandat de constituer hypothèque, mandat nécessairement
exprès selon l’art. 1988 du code civil. Cette procuration devra être passée devant un notaire

296
qui selon l’al. 2 de l’art. 205 AUS : « la procuration donnée à un tiers pour constituer une
hypothèque en la forme notariée doit être établie en la même forme ».

Enfin, la convention d’hypothèque, dès lors qu’elle porte sur un immeuble situé en
Côte d’Ivoire, doit nécessairement être conclue devant un notaire ivoirien. C’est le principe de
la lex rei sitae qui veut que l’hypothèque soit conclue selon la loi nationale du lieu de
situation de l’immeuble (art. 205 al. 1er).

En toutes hypothèses, les différentes exigences relevant du formalisme hypothécaire


impliquent la présence d’un notaire, ce dernier exerçant un rôle important car il bénéficie du
monopole lors de la rédaction de l’acte. De manière corrélative, il est tenu de respecter une
obligation de conseil et sa responsabilité peut être engagée à plusieurs titres, en particulier en
cas d’oubli de mentions obligatoires.

2. L’inscription obligatoire

La constitution de l’hypothèque est un acte formaliste que parfait l’inscription


hypothécaire. Pour être opposable aux tiers, l’hypothèque doit être inscrite selon l’art. 206
AUS qui dispose que : « tant que l’inscription n’est pas faite, l’acte d’hypothèque est
inopposable aux tiers et constitue, entre les parties, une promesse synallagmatique qui les
oblige à procéder à la publicité ».

L’inscription est faite au livre foncier conformément aux règles de la publicité foncière
prévues à cet effet. Elle peut, exceptionnellement, être différée lorsqu’elle est affectée à la
garantie d’un prêt à court terme.

En effet, l’AUS a adopté l’hypothèque différée en son art. 207510. L’hypothèque


différée est une hypothèque conventionnelle dont la publication est retardée pendant un délai
maximal de quatre-vingt-dix (90) jours sans que le créancier perde le rang qu’il a acquis.

3. La promesse d’hypothèque

510
Aux termes de l’article 207 AUS : « La publication de l’hypothèque conventionnelle garantissant un prêt à
court terme peut être différée pendant un délai maximum de quatre-vingt-dix jours sans que le créancier perde
le rang qui lui est acquis.
Pour cela, le créancier devra se conformer aux dispositions spécialement édictées à cet effet par les
règles de publicité concernant les hypothèques garantissant les prêts à court terme prévues par la loi nationale
du lieu de situation de l’immeuble ».

297
Les établissements de crédit ont cherché à contourner les formalités requises par la loi,
singulièrement les frais engendrés par l’exigence d’une forme notariée de l’acte. Pour cela, ils
ont eu recours à la promesse d’hypothèque conclue sous la forme d’acte sous seing privé.

La promesse d’hypothèque ne confère aucun droit réel au créancier et ne crée qu’une


obligation de faire à la charge du débiteur : celle de passer l’acte notarié constitutif. La
promesse ainsi constituée facilitera la situation juridique du créancier lorsqu’il cherchera à
obtenir une hypothèque judiciaire conservatoire.

Dans une telle hypothèse, l’efficacité de la garantie demeure toutefois limitée pour le
créancier pour deux raisons. D’une part, le non-respect de la promesse ne peut donner lieu à
une exécution forcée, mais uniquement à une condamnation à verser des dommages et
intérêts. D’autre part, si un contrat d’hypothèque est conclu sous la forme authentique après la
promesse, le rang conféré sera celui fixé lors de l’inscription, sans que soit reconnue une
rétroactivité au jour de la créance.

§ 2 – L’hypothèque forcée légale

L’hypothèque légale est un type d’hypothèques forcées. Aux termes de l’al. 1er de l’art.
209 AUS, « l’hypothèque forcée est celle qui est conférée, sans le consentement du débiteur,
soit par la loi, soit par une décision de justice ».

L’hypothèque légale ou forcée légale est celle qui est conférée par la loi à certains
créanciers.

L’AUS a prévu, aux articles 210 à 212, le recours à cette catégorie de sûreté dont il
convient de présenter les principales caractéristiques (A) avant de relever la mise en œuvre de
ces hypothèques (B).

A – Présentation de l’hypothèque légale

Diverses hypothèques sont accordées à certaines catégories de créanciers par


application de textes spécifiques et portent sur des immeubles. Il s’agit de sûretés d’origine
légale pour lesquelles l’efficacité demeure soumise au respect de formalités de publicité.

Conformément au principe de spécialité, le créancier titulaire de l’hypothèque doit


l’inscrire sur un immeuble déterminé et pour une créance également déterminée. L’inscription
est essentielle car elle va déterminer la date de prise d’effet de l’hypothèque.

298
En outre, il faut préciser que si le débiteur considère que les inscriptions excèdent
notablement la valeur de la créance, il peut demander au juge de les réduire.

B – Mise en œuvre de l’hypothèque légale

Les articles 210 à 212 AUS prévoient une liste d’hypothèques légales :

- art. 210 AUS: l’hypothèque légale de la masse des créanciers dont le débiteur est
dans une procédure collective ;

- art. 211 AUS : l’hypothèque légale du vendeur, de l’échangiste ou du copartageant


d’un immeuble vendu et l’hypothèque légale du fournisseur de deniers pour l’acquisition d’un
immeuble vendu, échangé ou partagé ;

- art. 212 AUS : l’hypothèque légale des architectes, entrepreneurs et autres personnes
employées pour faire des travaux sur un immeuble et l’hypothèque légale de celui qui fournit
les deniers à ces derniers.

§ 3 – L’hypothèque forcée judiciaire

Un créancier peut se prémunir contre une menace d’insolvabilité de son débiteur en


demandant au juge, par anticipation, que les biens de ce débiteur soient affectés d’une
hypothèque d’origine judiciaire conformément à l’al. 1er de l’art. 213 AUS qui dispose que :
« pour sûreté de sa créance, en dehors des cas prévus par les art. 210 à 212 du présent acte
uniforme, le créancier peut être autorisé à prendre une inscription provisoire d’hypothèque
sur les immeubles de son débiteur en vertu d’une décision de la juridiction compétente du
domicile du débiteur ou du ressort dans lequel sont situés les immeubles à saisir ».

A – Les conditions de l’hypothèque judiciaire

Le recours à une hypothèque judiciaire conservatoire suppose que le créancier dispose


d’une créance paraissant « fondée en son principe » et dont le recouvrement est susceptible
d’être menacé. Dès lors que le créancier ne bénéficie pas de garanties suffisantes, il existe un
risque d’être impayé, notamment si d’autres créanciers ont pris des garanties sur l’immeuble
du débiteur.

Dans de telles circonstances, une hypothèque judiciaire peut être demandée après une
saisine du juge compétent. Il appartient au créancier de fournir au juge tous les documents

299
démontrant les risques d’insolvabilité du débiteur, en particulier le montant des sommes
restant dues et les mises en demeures restées infructueuses.

B – Les effets de l’hypothèque judiciaire

Dans un premier temps, l’hypothèque judiciaire conservatoire permet une inscription


provisoire qui prend rang à la date où elle est prise (art. 213 al. 1 er). La décision rendue
indique la somme pour laquelle l’hypothèque est autorisée. Le créancier doit notifier la
décision ordonnant l’hypothèque judiciaire en délivrant l’assignation en vue de l’instance en
validité ou de l’instance au fond.

Il doit également notifier l’inscription dans la quinzaine de cette formalité (art.217


AUS). L’inscription provisoire ne confère qu’un droit éventuel et doit être corroborée par une
inscription complémentaire.

Dans un second temps, une inscription définitive s’impose pour garantir la pleine
efficacité de la sûreté. Elle est destinée à consolider le droit du créancier, dès lors que la
créance est devenue liquide, certaine et exigible après que le créancier a obtenu une décision
de justice qui condamne définitivement le débiteur.

SECTION 3 : LE REGIME DE L’HYPOTHEQUE

Plan - Quatre catégories de règles doivent être précisées : la publicité (§1), les effets de
l’hypothèque (§2), la transmission de l’hypothèque (§3) et son extinction (§4).

§ 1 – La publicité de l’hypothèque

Plan - L’hypothèque doit faire l’objet d’une inscription pour être opposable aux tiers. Il
convient de préciser les conditions (A) et les effets (B) de cette inscription.

A – Les conditions de l’inscription

1 – Les formalités relatives à l’inscription

L’inscription est requise par l’art. 206 AUS et est faite au livre foncier. Il appartient au
créancier hypothécaire, ou généralement son notaire, d’accomplir cette formalité.

En ce qui concerne le contenu de l’inscription, le principe de spécialité s’impose à


nouveau à un double niveau : d’abord, à l’égard des créances garanties, l’inscription ne peut
avoir lieu que pour une somme déterminée, ce qui impose que soient mentionnés non

300
seulement le principal, mais aussi les accessoires de la dette ; ensuite, à l’égard de l’assiette de
la sûreté, l’inscription ne peut porter que sur des immeubles déterminés.

2 – La prise d’effets de l’inscription hypothécaire

L’intérêt du créancier est d’inscrire le plus rapidement possible l’hypothèque car c’est
cette inscription qui va déterminer le rang hypothécaire conformément à l’al. 2 de l’art. 195
AUS selon lequel : « l’hypothèque régulièrement publiée prend rang du jour de
l’inscription ».

Par ailleurs, l’art. 196 AUS dispose que : « l’inscription a une durée déterminée et
conserve le droit du créancier jusqu’à une date devant être fixée par la convention ou la
décision de justice dans la limite de trente ans au jour de la formalité, sauf disposition
contraire d’une loi nationale. Son effet cesse si elle n’est pas renouvelée, avant l’expiration
de ce délai, pour une durée déterminée.

Il en va de même lorsque l’hypothèque a été constituée pour une durée


indéterminée ».

B – Les effets de l’inscription

En matière d’hypothèque, la publicité assure l’opposabilité de l’inscription (1)


susceptible toutefois d’être altérée (2).

1. L’opposabilité de l’inscription

La principale incidence de l’inscription de l’hypothèque est de la rendre opposable aux


tiers (art. 206 AUS). De plus, en cas de concurrence entre différents créanciers, les formalités
d’inscription permettent de déterminer le rang du créancier hypothécaire par rapport aux
autres créanciers éventuellement inscrits.

Selon l’art. 225 AUS : le créancier hypothécaire vient en 3e position après les
créanciers des frais de justice et ceux de salaires superprivilégiés.

L’opposabilité de l’inscription peut être altérée.

2 – L’altération de l’opposabilité

Trois causes différentes d’altération peuvent être relevées : la radiation, la réduction et


la péremption.

301
La radiation : elle correspond à la suppression de l’inscription hypothécaire et est
prévue par l’art. 202 AUS. Elle peut d’abord être volontaire dans le cas où le créancier
accepte de donner mainlevée de l’hypothèque car il a été au préalable payé ou quand il a
consenti une remise de dette au débiteur.

La radiation peut également être judiciaire. Il en est ainsi lorsque le juge estime que
l’inscription hypothécaire n’est plus justifiée, à la suite par exemple du paiement effectué par
le débiteur.

La réduction de l’hypothèque : elle peut être sollicitée lorsque l’inscription


hypothécaire est considérée comme excessive. Assimilable à une mainlevée partielle, elle est
volontaire quand le créancier l’accepte. La conclusion d’un acte authentique s’impose alors.
La réduction peut également être judiciaire.

La péremption : elle est une cause d’altération de l’inscription hypothécaire liée à


l’écoulement du temps. L’art. 196 AUS prévoit que l’inscription a une durée précisée par les
parties mais dans une limite de trente ans. Si le créancier souhaite que l’hypothèque ne soit
pas affectée par une éventuelle péremption, il dispose de la faculté de renouveler l’inscription
hypothécaire avant le terme prévu.

§ 2 – Les effets de l’hypothèque

Il faut distinguer les effets avant la réalisation de l’hypothèque (A) des effets lors de la
réalisation (B).

A – Les effets avant la réalisation de l’hypothèque

Ces effets concernent le constituant (1) et le créancier hypothécaire (2).

1 – Les effets pour le constituant

Les droits du constituant

Le propriétaire conserve la possession de l’immeuble. Il peut toujours l’habiter,


conclure différents contrats d’hypothèque, afin de garantir plusieurs crédits dont le montant ne
doit pas atteindre la valeur totale du bien ou enfin continuer l’exploitation de l’immeuble en le
louant.

Les obligations du constituant

302
S’il conserve les attributs du droit de propriété, le propriétaire, par son comportement,
ne doit pas affecter la valeur de l’immeuble, sous peine d’une déchéance du terme fixé (art
222 AUS). Tel peut être le cas d’une destruction de l’immeuble hypothéqué par exemple si
elle diminue la valeur de l’immeuble.

2 – Les effets à l’égard du créancier

Corrélativement, le créancier bénéficie de divers droits, notamment un droit de suite et


un droit de préférence (art. 197 AUS). De même, si le propriétaire hypothèque à nouveau
l’immeuble, le créancier bénéficiera d’un rang prioritaire par rapport aux créanciers
ultérieurement inscrits, conformément au droit de préférence.

La classification entre les créanciers est déterminée en fonction de la date


d’inscription.

B – Les effets lors de la réalisation de l’hypothèque

1 – Les effets à l’égard du créancier

Si le créancier peut mettre en œuvre, par principe, une saisie immobilière en imposant
la vente de l’immeuble (a), il a aussi la possibilité de bénéficier d’une attribution du bien (b).

a- La vente de l’immeuble

Après la défaillance du débiteur, dès lors que la dette est exigible, le créancier peut
saisir l’immeuble en respectant les formes de la saisie immobilière : il doit adresser un
commandement de payer au débiteur en le publiant au livre foncier.

Dès lors, l’immeuble devient indisponible, le débiteur ne pouvant ni le louer ni le


vendre, et doit être vendu à la barre du tribunal (art. 198 AUS).

Les formes de la saisie immobilière doivent être respectées.

b – L’attribution du bien

- Attribution judiciaire : le principe d’une attribution judiciaire du bien en pleine


propriété est prévu par l’acte uniforme (art. 198 al. 1er AUS). Toutefois, cette faculté n’est
possible que lorsque l’immeuble ne constitue pas « la résidence principale du constituant »
(art. 198 al. 2).

303
- Attribution conventionnelle : le nouvel acte uniforme innove grandement en
admettant une attribution conventionnelle de l’immeuble hypothéqué. L’hypothèse est prévue
par l’art. 198 AUS.

Les conditions de cette attribution conventionnelle sont les suivantes :

1- le constituant doit être une personne morale ou une personne physique dûment
immatriculée au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier ;

2 – l’immeuble hypothéqué ne doit pas être à usage d’habitation.

Une fois ces conditions remplies et « à l’issue d’un délai de trente jours suivant une
mise en demeure de payer par acte extra-judiciaire demeurée sans effet, le créancier pourra
faire constater le transfert de propriété dans un acte établi selon les formes requises par
chaque Etat partie en matière de transfert d’immeuble » (art. 199 al. 2 AUS).

304

Vous aimerez peut-être aussi