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TRAVAUX DIRIGÉS DE DROIT INTERNATIONAL PUBLIC

Premier semestre 2020-2021, Licence 3


Cours de Mr TOMKIEWICZ
Travaux dirigés - Mme STIRN
___________________________________________________________________________

SÉANCE 1 :
Introduction au Droit International Public

La Ratification du traité de Münster (Traité de Westphalie), 15 juin 1648 par Gerard ter Borch

Documents :
• Plan des séances de TD – Bibliographie indicative –Plan du cours
• Définition du droit international
o E. TOURME-JOUANNET, Le droit international, PUF, 2016, p. 3-6, « Introduction ».
o J. SALMON, Dictionnaire de Droit international public, Bruylant, 2001, p. 386-387.
• Les grands penseurs du droit international public et leurs courants théoriques
o Francisco SUAREZ, Hugo GROTIUS, Emer DE VATTEL (extraits)
o Olivier CORTEN, Méthodologie du droit international public, ULB, 2009, p. 46-80.
• Notion de communauté internationale /ordre juridique international.
o P-M DUPUY, « L’unité de l’ordre juridique international », RCADI, n°297, p. 245 et s.
o M. DELMAS-MARTY, Vers une communauté de valeurs ?, (IV), Seuil, 2011, p.10-11
o E. TOURME-JOUANNET, « L’idée de communauté humaine », ADP, 2003, T.47, p.3-4.
• CPIJ, Affaire du Lotus, 7 septembre 1927, Série 1, n°10. (extrait)

Questions sur les documents :
• Qu’est ce que le droit international ?
• Quels en sont les grands penseurs et leurs courants respectifs
• Présentez l’affaire du LOTUS (CPIJ, Affaire du Lotus, 1928)
• Sujet de réflexion : Les grandes évolutions du droit international d’hier à
aujourd’hui.
• débat : La société internationale : communauté internationale, communauté
humaine, communauté mondiale ?

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Plan des séances de TD

Séance 1 : Introduction générale au droit international public

Séance 2 : Les sources non-écrites : La coutume et les PGD

Séance 3 – Les sources écrites : Conventions, Traités et réserves

Séance 4 = Jus Cogens et hiérarchie des normes

Séance 5 : L’État

Séance 6 : Les Organisations Internationales

Séance 7 : Devoirs sur table de 3h

Séance 8 et 9: Les acteurs contestés du droit international

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Bibliographie indicative
(Veillez surtout à vous procurer et à consulter les dernières éditions).

Manuels et ouvrages généraux :


• D. ALLAND, Manuel de droit international public, PUF.
• D. CARREAU, F. MARELLA, Droit international, Pedone.
• J. COMBACAU et S. SUR, Droit international public, précis Domat, Montchrestien.
• P. DAILLIER, M. FORTEAU, A. PELLET, Droit international public, LGDJ.
• E. DECAUX, O. de FROUVILLE, Droit international public, coll. Hypercours,
Dalloz.
• P-M. DUPUY et Y. KERBRAT, Droit international public, Précis Dalloz (ed.2020)
ème
• L.-A. ALEDO, Le droit international public, 3 éd., coll. Connaissance du droit,
Dalloz.

• P. MARTIN-BIDOU, Fiches de droit international public, Ellipses.


• C. ROCHE, L'essentiel du droit international public, [EBOOK].
• E. JOUANNET, Le droit international. « Que sais-je ? », Presses Universitaires de
France, 2016. [accessible via CAIRN sur le site de la bibliothèque de p8]

Recueil de textes de jurisprudence et dictionnaires :


• P-M. DUPUY et Y. KERBRAT, Grands textes de droit international public, Dalloz.
[accessible via Dalloz bibliothèque le site de la bibliothèque de p8]
• R. BISMUTH, J-L ITEN, et al., Les grandes décisions de la jurisprudence
internationale, Dalloz. [accessible via Dalloz bibliothèque le site de la bibliothèque de
p8]
• J. SALMON, Dictionnaire de droit international public, Bruylant.
• B. TCHIKAYA, Mémento de la jurisprudence, Droit international public, coll. Les
fondamentaux, Hachette supérieur.

Revues :
• Annuaire Français du Droit International (A.F.D.I)
• Documents d’actualité internationale (D.A.I)
• Journal du droit international (J.D.I)
• Journal européen du droit international (J.E.D.I)
• Recueil des cours de l’Académie de droit international de La Haye (R.C.A.D.I)
• Revue belge de droit international (R.B.D.I)
• Revue Générale de Droit International Public (RGDIP)

Sites internet utiles :


• ONU : www.un.org
• Cour internationale de justice – CIJ : www.icj-cij.org
• Cour pénale internationale – CPI : www.icc-cpi.int
• Cour européenne des droits de l'homme : www.echr.coe.int
• Ministère français des affaires étrangères : www.diplomatie.gouv.fr

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Sources bibliographiques électroniques :


• unjf [accès avec vos identifiants et mdp de p8]
• Réseau Francophone de Droit International : http://www.rfdi.net/
• Société Française pour le droit international (SFDI) : http://www.sfdi.org/

PLAN DU COURS

DROIT INTERNATIONAL PUBLIC I


L’éclatement du droit international public : les normes et
les sujets

INTRODUCTION GÉNÉRALE
1. Trois conceptions générales du droit international
2. Trois critères de définition du droit international
3. Exemples de définition
Section I. Histoire du droit international
I. Histoire classique
A. Les débuts du droit international classique
B. La doctrine du droit international classique
II. Histoire contemporaine
A. Les débuts du droit international contemporain : la recherche de la paix.
B. La doctrine contemporaine
Section II. Particularités de l’ordre juridique international : « bric-a-brac ou
système » ?
A. La juridicité contestée du droit international
B. Les réponses traditionnelles opposées aux négateurs du droit international
1. Retour sur les concepts
2. Typologie des réponses
C. Spécificité du système juridique international

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PARTIE I – ÉCLATEMENT DE LA NORMATIVITÉ INTERNATIONALE :


LES SOURCES DU DROIT INTERNATIONAL

Introduction : les sources du droit international selon l’article 38.1du statut de la CIJ

CHAPITRE 1 – DROIT INTERNATIONAL NON ÉCRIT : COUTUME ET


PRINCIPES GÉNÉRAUX

Section I. La coutume internationale


I. Le processus de formation coutumier : la théorie des deux éléments
A. Le phénomène coutumier : description
1. L’élément matériel
a. Quel auteur ?
b. Quelle pratique ?
c. La répétition
2. L’élément psychologique ou subjectif
B. Le phénomène coutumier : évolution et contestation
1. Deux approches théoriques distinctes : l’opposabilité de la coutume
2. Les contestations de la coutume classique
a. Les coutumes régionales
b. Coutume sage et coutume sauvage
II. La preuve de la coutume : sa codification

Section II. Les principes généraux en droit international


I. Les principes généraux de droit
1. Une existence contestée
2. Définition
3. Contenu
II. Les principes généraux du droit international

CHAPITRE 2 – LES SOURCES ÉCRITES DU DROIT INTERNATIONAL :


LES TRAITÉS
Introduction
1. Thématique générale
2. La Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités
3. Structure type d’un traité

Section I. Conclusion des traités


I- Définition et classification des traités
A. Définition du traité
1- L’expression de volonté concordantes
2- Engagement des sujets ayant la capacité requise
3- La production d’effets de droit

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4- Régime juridique de droit international
B. Classification des traités
1. Classifications matérielles
2. Classifications formelles
II. Procédures d’adoption des traités
A. Règles générales pour tous les traités
1- Négociation
2- Adoption – Authentification
3- Expression du consentement à être lié
4. Entrée en vigueur
5. Dernière formalité : enregistrement et publication du traité
B. Règles spécifiques aux traités multilatéraux
1. Une procédure de conclusion institutionnalisée
2. Adhésion de nouveaux Etats au traité
III. Les degrés d’engagement dans les traités : les réserves
1- Généralités - Définition
2. Conditions de validité
3.- Distinction avec les déclarations interprétatives
4. Bilan coût-avantage des réserves

Section II. Application des traités


I. Effets des traités
A. Effets du traité entre les parties : le principe pacta sunt servanda
1. Le principe
2. Conséquences du principe
B. Effets du traité pour les tiers
1. Le principe de l’effet relatif et ses exceptions
2. Des interprétations doctrinales différentes
II. Conditions de validité des traités : irrégularités-nullités
1. Capacité des parties
2. Régularité du consentement
3. Licéité de l’objet
III. Interprétation des traités internationaux
A. L’auteur de l’interprétation : interprétation authentique et interprétation faisant foi
B. Les techniques de l’interprétation des traités
1. Interprétation textuelle
2. Interprétation fonctionnelle ou téléologique
3. Interprétation subjective de l’intentionnalité
4. Les moyens accessoires

Section 3. Modification et extinction des traités


I. Modifications des traités
II. Extinction et suspension des traités
A. Fin des traités décidée par les parties
1. Accord exprimé dans le traité
2. Accord postérieur au traité

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B. Fin des traités en dehors de la volonté des parties

CHAPITRE 3 – LES AUTRES SOURCES DU DROIT INTERNATIONAL


Section I. Les actes unilatéraux
I. Les actes unilatéraux étatiques
A. De la normativité des actes unilatéraux en droit international
B. Les catégories d’actes

II. Les actes unilatéraux des organisations internationales


A. Les décisions
B. Les recommandations

Section II. Les moyens auxiliaires de détermination du droit


I. La doctrine
II. La jurisprudence

Conclusion générale sur les sources traditionnelles du droit international

CHAPITRE 4 - LA HIÉRARCHIE DES NORMES INTERNATIONALES


Section I. Le droit impératif : le jus cogens
I. Consécration des normes impératives en droit international
A. La communauté internationale et son droit
1. Définition du jus cogens : l’article 53 de la Convention de Vienne sur le droit des
traités
2. Contexte historique de la proclamation contestée du jus cogens
B. Consécration conventionnelle et jurisprudentielle
II. Identification des normes impératives
A. Identification difficile
B. Identification progressive : le contenu du jus cogens
1. Selon la doctrine
2. Selon la jurisprudence

Section II. Vers un dégradé normatif en droit international


I. Présentation du dégradé normatif
1. Classification des obligations internationales
2. Le droit et le non-droit
3. Classification des instruments internationaux : la soft law
II. « La crise de la normativité » ? Critiques négative et positive

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PARTIE II - L’ÉCLATEMENT DE LA SUBJECTIVITÉ INTERNATIONALE :


LES SUJETS DU DROIT INTERNATIONAL PUBLIC

Introduction générale : les définitions de la personnalité juridique


internationale

CHAPITRE 1 – L’ETAT, SUJET PRIMAIRE DU DROIT INTERNATIONAL


Section I. Identification de l’Etat en droit international
I. Les éléments constitutifs de l’Etat
A. Territoire et compétence territoriale
1. Définition et composition
2. Modes d’acquisition d’un titre de compétence territorial
3. Délimitation du territoire : la frontière
B. Population et compétence personnelle
C. Un gouvernement effectif
II. La souveraineté
A. Égalité souveraine et personnalité juridique internationale
1. Contours de la personnalité juridique internationale de l’Etat
2. Corollaire de la souveraineté : le principe d’égalité souveraine
B. Protection internationale de la souveraineté : le domaine réservé
1. Consécration par le Pacte de la SdN et la charte de l’ONU
2. Domaine réservé, non-ingérence et assistance humanitaire

Section II. Naissance et reconnaissance d’États


I. Les modes contemporains de formation d’État
A. Droit des peuples à l’autodétermination : hypothèses de décolonisation
B. Démembrement d’Etat
C. Succession d’Etats
II. La reconnaissance de l’État
1. Définition
2. Débat entre effet constitutif et déclaratif de la reconnaissance
3. Un acte discrétionnaire

CHAPITRE 2 - LES ORGANISATIONS INTERNATIONALES, SUJETS


SECONDAIRES DU DROIT INTERNATIONAL

Section I – L’organisation internationale, un sujet dérivé des États


I- Typologies des organisations internationales : création et composition
A. Création par un traité multilatéral constitutif
1. Caractère conventionnel
2. Caractère constitutionnel

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B. Composition : les Etats et les organes
1. Les Etats
a. Acquisition et perte du statut de membre d’une organisation internationale
b. Les Etats dans les organes
2. Les organes
II. L’exemple onusien
A. Le traité constitutif
B. la structure de l’ONU : les organes
1. Organes principaux
2. Organes subsidiaires

Section II. L’organisation internationale, un sujet autonome par


rapport aux États
I. La personnalité juridique des organisations internationales
A. Personnalité juridique interne
B. personnalité juridique internationale
1. L’avis de la CIJ du 11 avril 1949
2. Contenu de la personnalité internationale des organisations internationales
II. Les compétences des organisations internationales
A. Contenu des compétences et exemple onusien
1. Compétences normatives et opérationnelles
2. Exemple onusien
B. Sanction des compétences : la responsabilité internationale

CHAPITRE 3 - LES PERSONNES PRIVÉES


Section I. L'individu en droit international
I – La titularité de droits et d’obligations internationaux par l’individu
A. Les droits internationaux conférés à l’individu
1. Le développement du droit international des droits de l'homme
a. Les droits protégés conventionnellement
b. Le cadre de la protection : organisations régionales, organisations universelles
2. spécificités des droits humains
a. Vocation à l’universalité
b. Des difficultés d’application particulières
B -Incrimination internationale des individus : les obligations individuelles
1- Les infractions internationales classiques
2. Les crimes graves portant atteinte à la communauté internationale dans son ensemble
II. La capacité processuelle internationale de l’individu
A. Capacité active : les recours internationaux
1. Recours en matière de droits de l'homme
2. Autres recours spécifiques
B. Capacité passive : la responsabilité pénale internationale devant les juridictions
internationales
1. Les tribunaux pénaux internationaux
2. La Cour pénale internationale

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Section II. Les entreprises multinationales dans l’ordre
international
I. Une titularité de droits internationaux improbable
II. La capacité internationale
A. Capacité processuelle
B. Capacité normative

Section III. Les ONG dans l’ordre international

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t téléchargé depuis www.cairn.info - Université Paris 8 - IP 193.54.174.3 - 09/27/2020 06:48 - ©
Presses Universitaires de France

p. 3-6, « Introduc7on ».
E. TOURME-JOUANNET, Le droit interna7onal. PUF, 2016,
t téléchargé depuis www.cairn.info - Université Paris 8 - IP 193.54.174.3 - 09/27/2020 06:48 - © Documen
Presses Universitaires de France
J. SALMON, Dic.onnaire de Droit interna.onal public, Bruylant, 2001, p. 386-387
Francisco Suarez, De legibus ac dea legislatore, (1612), extrait

Hugo Grotius , Le droit de la guerre et de la paix, Guillaumin, Paris, 1867,


Livre I, Chapitre I, p.91-92

Le droit plus étendu est le droit des gens,


c’est-à-dire celui qui a reçu sa force obligatoire de la
volonté de toutes les nations1, ou d’un grand nombre (*).
J’ai ajouté d’un grand nombre, parce qu’à l’exception
du droit naturel, qu’on a coutume d’appeler aussi droit
des gens, on ne trouve presque pas de droit qui soit
commun à toutes les nations. Bien plus, souvent sur un
point de l’univers il y a tel droit des gens, qui n’existe pas ailleurs.

1 Il faut remarquer que Grotius fait usage du terme de Jus voluntariutn gentium, dans un sens étendu,

comme renfermant toutes les bases du droit international, qu’on ne peut pas référer au droit naturel, mais
qui dépend du consentement volontaire de toutes les nations ou de plusieurs. • P. P. F.
Emer de VATTEL, Le Droit des gens, Londres, 1758.

A8en9on : dans la typographie ancienne les « s » sont généralement formés comme des
« f ».
II - LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE: UNE FICTION?
[p245]
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Premier semestre
Pourquoi revenir sur le thème de la « communauté internationale 2020-2021,
»? Y a-t-il Licence 3
encore quelque
Cours de Mr
chose à en dire? Beaucoup d’auteurs en ont déjà si bien parlé, à commencer par T OMKIEWICZ
Wolfgang
443 444 445 Travaux
Friedmann et René-Jean Dupuy ou Michel Virally et Manfred Lachs ; comme, dirigés
446 - Mme SaprèsTIRN
___________________________________________________________________________
eux, le feront notamment de façon concluante Georges Abi-Saab447 , Jochen Frowein448 ,
Pierre-Marie
Christian Tomuschat 449 , Juan-Antonio
DUPUY, L’unité de l’ordre
[p246] juridique
Carrillo-Salcedo450international 451 , la liste
et Bruno Simma(Vol.297),
RCADI.
n’étant jamais close, alors qu’une thèse particulièrement riche vient de lui être consacrée452.

La communauté internationale, question lancinante, incontournable, toujours recommencée,


si bien qu’elle apparaît déjà comme un pont aux ânes ou une vieille lune, sans que, pour
autant, chacun puisse prétendre avoir apporté la réponse dé nitive sur sa dé nition, sa nature,
sa consistance et, surtout, son e fectivité. Celle-ci, d’ailleurs, comporte une dimension
uctuante, au gré des événements. Le thème de la communauté prête aux envolées
pathétiques ou aux notes amères, suivant l’esprit du temps ou, plus simplement, l’humeur de
l’auteur. Confrontant, par exemple, l’annonce de la communauté dans les années soixante aux
tentatives incessantes de sa capture ou de son détournement par les plus forts ou les plus
habiles, ne pourrait-on, dans la veine du pessimisme lyrique, évoquer la phrase de Charles
Péguy, constatant que « tout commence par la mystique et tout nit par de la politique » ?
/
Et d’abord, de quelle communauté s’agit-il? De celle des Etats ou de celle des peuples ? De celle
des marchands et des marchés nanciers ? Communauté des nantis ou des démunis ?
Communauté des puissants, qu’ils soient cinq, sept, quinze ou vingt-cinq, communauté des
riches, réduite aux aguets face à la montée irrésistible de la haine terrorisante des exclus de la
croissance? Communauté de valeurs, ou d’intérêts ? « Village planétaire » ou Metropolis ?
Communauté de « communautés », dont chacune revendique son identité, sa culture et son
autonomie ? Ou communauté universelle, à la fois englobante et globalisée, progressivement
réunie autour d’un éthique planétaire inspirant les actions nécessaires à sa propre survie?

Oui, décidément, de quelle communauté s’agit-il? D’une communauté rationnelle, construite,


structurée, organisée, dotée d’institutions et de procédures ? Ou bien d’une communauté
spontanée, impulsive mais dynamique, anarchique au sens proudhonien, autogérée par les
mailles de plus en plus serrées d’une société civile transversale [p247] et arachnéenne, société de
réseaux et non de verticalité, à la fois complémentaire et contestataire de l’Etat postmoderne et
néolibéral, d’autant plus irritant qu’il demeure incontournable ?

Devant tant d’interrogations, certains préfèrent couper au plus court et conclure, avec un
agacement mal dissimulé:

«la communauté internationale as such n’existe pas, elle n’est pas autre chose qu’une ction
commode, derrière laquelle les Etats se plaisent à s’abriter pour échapper à leurs
responsabilités 453. »

Sans forcément prétendre prendre au mot l’auteur de cette opinion, on sera tenté de lui
répondre qu’il a en partie raison, mais en partie seulement. La « communauté internationale »
est en e fet une ction commode. Mais il oublie de constater une chose, pourtant déterminante
pour un positiviste, c’est que cette ction est d’un type très particulier: c’est une ction
juridique, dont l’essence, en e fet, est, en droit international, d’être utilisée par les Etats pour sa
commodité. Mais n’est-ce pas là, précisément, le propre de toutes les ctions juridiques ?

Cependant, avant de parvenir à un tel constat, il est d’abord nécessaire de rétablir le thème de
la « communauté internationale dans son ensemble » dans la perspective de son histoire
12contemporaine; en partant des années où le concept fut mis en circulation dans le cadre des
Nations Unies, sous l’in uence des nouveaux Etats, issus de l’humiliation coloniale, pour
arriver jusqu’aux abords de la période actuelle.
Sans forcément prétendre prendre au mot l’auteur de cette opinion, on sera tenté de lui
répondre qu’il a en partie raison, mais en partie seulement. La « communauté internationale »
TRAVAUX DIRIGÉS DE DROIT INTERNATIONAL PUBLIC
est en e fet une ction commode. Mais il oublie de constater une chose, pourtant déterminante
pour un positiviste, c’est que cette ction est d’un type très Premier semestre
particulier: 2020-2021,
c’est une ction Licence 3
Cours
juridique, dont l’essence, en e fet, est, en droit international, d’être utilisée pardelesMr TOMKIEWICZ
Etats pour sa
Travaux dirigés - Mme STIRN
commodité. Mais n’est-ce pas là, précisément, le propre de toutes les ctions juridiques ?
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Cependant, avant de parvenir à un tel constat, il est d’abord nécessaire de rétablir le thème de
la « communauté internationale dans son ensemble » dans la perspective de son histoire
contemporaine; en partant des années où le concept fut mis en circulation dans le cadre des
Nations Unies, sous l’in uence des nouveaux Etats, issus de l’humiliation coloniale, pour
arriver jusqu’aux abords de la période actuelle.

Ensuite, tenter de comprendre, au-delà, précisément, de la versatilité des événements, la


signi cation profonde de l’a rmation juridique d’une communauté, dont chacun doute de la
réalité mais ressent également le besoin.

Deux temps dans l’analyse, par conséquent, dont le premier fournit les éléments d’une brève
histoire critique et dont le second constitue l’esquisse d’une théorie.

I - Brève histoire d’un concept juridique: « la communauté internationale ... dans


son ensemble »
/

Tous les découpages sont arbitraires; ils prétendent rationaliser la lecture du réel à la lumière
d’un regard nécessairement subjectif. [p248] Discernons pourtant quatre temps: le lancement; la
maturation; l’épanouissement, puis l’amorce d’un déclin, lui-même, peut-être, aujourd’hui
promis à une forme de renouveau.

A - Le lancement

Le concept de communauté internationale apparaît sans doute au milieu des années soixante.
Ainsi, en 1968, trouve-t-on associées, à la déclaration adoptée par les Nations Unies à Téhéran
sur les droits de l’homme, cinq occurrences de ce concept, relevées par Christian
Tomuschat454. C’est, cependant, l’article 53 de la Convention de Vienne sur le droit des traités
qui donne au concept de communauté une densité proprement juridique:

«une norme impérative du droit international général est une norme acceptée et reconnue par
la communauté internationale des Etats dans son ensemble en tant que norme à laquelle
aucune dérogation n’est permise 455. »

Deux remarques s’imposent d’emblée à l’égard de ce texte, tellement connu qu’on perd parfois
(…)
à son égard toute distance critique.

La première est relative à sa formulation: l’audace de l’a rmation communautaire s’y trouve
tempérée par le fait qu’il ne s’agit pas encore d’une communauté de peuples mais seulement
d’Etats; pas davantage, a fortiori, d’une communauté totalement transnationale, qui désignerait
directement l’assemblée universelle des humains. La communauté, à l’époque, est encore, au
fond, la « collectivité internationale » de l’entre-deux-guerres456 , mais déjà transcendée par la
perception qu’ont ses membres d’une commune appartenance sinon toujours d’un devoir de
solidarité. 13

La seconde observation concerne non plus les composantes mais la fonction de la «


dimension encore élargie qui couvre aussi les personnes humaines. Caution de légitimité, la «
communauté internationale » se voit beaucoup imputer; tant du moins qu’on pense avoir
besoin d’elle. TRAVAUX DIRIGÉS DE DROIT INTERNATIONAL PUBLIC

désignant lesouobligations erga Premier


omnes, les situe ?par rapport à leursemestre 2020-2021,
destinataire: Licence 3
la communauté
D - Déclin renouveau contemporains Cours delaMr
désignant les obligations erga omnes, les situe par rapport à leur destinataire: TOMKIEWICZ
communauté
internationale dans son ensemble, ainsi distinguée des rapports interindividuels et réciproques
internationale dans son ensemble, 458. Travaux dirigés
ainsi distinguée des rapports interindividuels - Mme STIRN
et réciproques
entre
On égales en
constate souverainetés
tout cas, en 1995, assez soudainement, avec la perte de crédit des Nations Unies
___________________________________________________________________________
entre égales souverainetés . 458
en général, et du Conseil de sécurité en particulier, une éclipse des références explicites à la
La même année,
communauté on retrouve
à partir des accords une de
mention
Dayton explicite de la notion dans
et de l’arrêt deslala résolution 2625 de
La même année, on retrouve une mention explicite de la provisoire
notion dans hostilités
résolutionbalkaniques.
2625 de
l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Uniesl’usage:
(Déclaration sur les relations
l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies (Déclaration sur les relations(1999) qui
Par la suite, le Conseil de sécurité semble en avoir perdu ni la résolution 1244
amicales
vient
amicales clore entre les
un ales
entre
Etats):
frontement
Etats): armé décidé en marge472 ou en dépit des Nations Unies au Kosovo471
, ni même les résolutions 1264 (1999) et 1272 (1999) , pourtant l’une et l’autre relatives au
«Les Etats àremplissent
traitement de bonne
la fois politique, foi lesetobligations
territorial humanitaire qu’ils ontsituation
deont
la assumées conformément ànela
«Les Etats remplissent de bonne foi les obligations qu’ils assuméesauconformément
Timor oriental, à la 459
Charte,
font en vueàd’assurer
référence la leur application
communauté. On peut plus
alors epenser
cace que
danslelaconcept
communautéest internationale.
ainsi remisé un 459
temps
Charte, en vue d’assurer leur application plus e cace dans la communauté internationale.
»
»pour se refaire, tant il a servi de légitimation durant la première moitié de l’ultime décennie du
XXe siècle.
Mais, déjà, n’observe-t-on pas comme une sorte de glissement sémantique ? On a l’impression
Mais, déjà, n’observe-t-on pas comme une sorte de glissement sémantique ? On a l’impression
qu’iciqu’il
Quoi la communauté internationale
en soit, les réactions n’est plus
aux attaques (ou plus seulement)
terroristes une entité maisleun
qu’ici la communauté internationale n’est plus (ou plus du 11 septembre
seulement) une 2001
entitécontre
mais un World
environnement
Trade Center juridique. Ilsis’agit
enseigneront, cependant
besoin en était, toujours
que le de la communauté
concept de communauté des internationale
Etats. Ils tiennent
environnement juridique. Il s’agit cependant toujours de la communauté des Etats. Ils tiennent
ainsi
est à garder les rênes
toujours de la notion pour mieux en assurer le contrôle, dans leoucontexte très
[p255] pour
ainsi à garderlà,lesprêt à servir,
rênes de la pour ressouder
notion pour mieuxles forces et servir
en assurer de rassembleur
le contrôle, dans le contexte très
codi ééde
masquer
codi deles
lalacoexistence
coexistenceréelles
dissensions paci que.
paci que.
qui confrontent les peuples et leurs cultures. Le lendemain de
l’e fondrement des tours jumelles de Manhattan, soit le 12 septembre 2001, le Conseil de
[p250] Justice
En1971,
En 1971,dans
dansson sonavis
avissur
surlalaNamibie,
Namibie,
473 laCour
la Courinternationale
internationaledede[p250] Justice placeralalamission
placera mission
sécurité adopte la résolution 1368 . Sans encore s’appuyer sur le chapitre VII, ce qu’il fera
sacrée decivilisation
sacrée civilisationdont dontl’Organisation
l’Organisationdes desNations
NationsUnies
Uniesaahérité
héritédedelalaSociété
SociétédesdesNations
Nations
dans lade résolution 1373, adoptée le 28 du même mois, il « condamne catégoriquement. les
souslalasauvegarde
sous sauvegardede denotre
notreconcept:
concept:
épouvantables attaques terroristes » et appelle
«Quantaux
«Quant auxconséquences
conséquencesgénérales généralesde delalaprésence
présenceillégale
illégalededel’Al’Afrique
friquedu duSud
SudenenNamibie,
Namibie,
«la communauté internationale à redoubler d’e forts pour prévenir et éliminer les actes
tousles
tous lesEtats
terroristes,Etats doiventse
doivent
y compris sesouvenir
par souvenir qu’elleporte
qu’elle
une coopération porte préjudice
préjudice
accrue àununpeuple
et une àpleine peuple quidoit
qui
application doit compter
compter
des sur
sur
conventions
l’assistancede
l’assistance
antiterroristes dela lacommunauté
communautéinternationale
internationales... internationale
474 » pouratteindre
pour atteindreles lesobjectifs
objectifsauxquels
auxquelscorrespond
correspond
la mission sacrée de civilisation. 460 »
460
la mission sacrée de civilisation. »
Décidément, au-delà des uctuations de la politique internationale, la communauté, par
Onvoit
On voittout
ailleurs toutde
dotée de suite
suite
des l’apportd’une
l’apport
compétences d’une telleaa rmation.
telle
normatives rmation.
que, Placélui
dès Placé
1969, sous
sous l’égidedes
l’égide
assignait lades« «droits
droitsdes
Convention des peuples
peuples
de Vienne
»,
», cet
cet avis
avis fait
fait connaître
connaître au
au concept
concept de
de communauté
communauté
sur le droit des traités, reste toujours prête à l’emploi. sa
sa première
première consécration
consécration générale,
générale,
débarrasséede
débarrassée detoute
touteréférence
référenceaux auxEtats.
Etats.ParParailleurs,
ailleurs,l’avis
l’avisleledit
ditbien,
bien,sasafonction
fonctionestestnon
nonplus
plus
Ilseulement dedésigner
désigner
ne faut, d’ailleurs,
seulement de leledroit
au-delà droit impératif
deimpératif
la dimension mais
mais deveiller
veiller
politique
de etààdiplomatique
sonapplication.
son application. Décidément,
du Décidément,
concept, lala
jamais
communauté
perdre
communauté de vueestestvite
que vite etetbien
le terme bien partie...
fait d’abord partie du droit positif ou, dans le cas des conventions
partie...
non entrées en vigueur, est appelé à le devenir.
BB -- La
Lamaturation
maturation
L’expression « communauté internationale dans son ensemble », sans plus de références à
C’estlelesetemps
l’Etat,
C’est temps delala
retrouve
de ««communauté
dans communauté »»venue
un certain nombre venue dedu
du Sudetetde
conventions
Sud delalainternationales,
revendicationdede
revendication développement.
comme la
développement.
Cettephase
phaseparaît
Convention
Cette paraîtcourir
contre courir
la prise du
du débutdes
d’otages,
début des années
duannées
17 décembresoixante-dix ààl’exact
l’exactmilieu
1979 (préambule,
soixante-dix milieu dedela
par. 4), lalaConvention
décennie sur
décennie
suivante:
la suppression 1986. Ce
des sont
actes encore
illicitesdes années
contre la fastes
sécurité de
de lalacoexistence
navigation
suivante: 1986. Ce sont encore des années fastes de la coexistence paci que. La notion paci que.
maritime, La
du notion
10 mars sese
1988
développe,aapar.
(préambule,
développe, fermit
fermit encore
5), encore
la sonenracinement
Convention
son enracinement
sur la sécuritédans
dansdulele discoursnormatif,
personnel
discours normatif,
des etetconnaît
Nations connaît
Unies, du
desdes
9 /
prolongementsimportants
prolongements importantspar parlelerelais
relaisd’une
d’uneautre
autrenotion
notiongénéreusement
généreusementenglobante,
englobante,celle celled’«
d’«
humanité».».Pourtant,
humanité Pourtant,l’adoption
l’adoptiondidi cilecilede
delalaDéclaration
Déclarationsur surleledroit
droitauaudéveloppement,
développement,enen
461 1994 (préambule, par. 3), le Statut de la Cour pénale internationale, du 17 juillet 1998,
461
décembre
1986 ,,annonce
1986 annoncelalamise miseen ensommeil
sommeilsinon
sinonlalaruine
ruinedé dé nitive
nitivedu dufront
frontuni
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dont le préambule
développementface
développement désigne
faceauxauxEtatsla compétence
Etatsnantis. par
nantis.Provenant
Provenantduréférence
duSud, à la poursuite
Sud,lalacommunauté des
communautéémigrera « crimes
émigreraalors les plus
alors verslele
vers
graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale » 475 , ou la Convention pour
Norddans
Nord danslalaphase
phasesuivante.
suivante.Reprenons-en
Reprenons-enles lesdidiférentes
férentesétapes.
étapes.
la suppression du nancement du terrorisme, du 9 décembre 1999, ouverte à la signature le 10
/ /
janvier 2000 (préambule, par. 9).
[p256]
Au demeurant, pendant la courte interruption des références du Conseil de sécurité à la
communauté internationale (1995-2001), les travaux de la Commission du droit international se
14
poursuivaient sur la codi cation du droit de la responsabilité internationale des Etats. Dans le
projet adopté provisoirement par son comité de rédaction en seconde lecture, en août 2000476
, la Commission du droit international faisait un usage déterminant du concept d’obligation
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A s’en tenir aux textes, l’expression comporte au moins trois dimensions, dont on peut
d’ailleurs, suivant les cas, considérer qu’elles s’emboîtent les unes dans les autres, comme
autant de poupées russes:

1. Une acception stricte, proprement interétatique, celle de CIEDSE, est celle de l’article 53 de la
Convention de Vienne. C’est la seule communauté qui soit nommément dotée de compétences
juridiques de caractère normatif, puisqu’il lui revient de désigner les normes impératives.

2. Une seconde acception, plus large, désigne la communauté internationale en tant que
titulaire d’intérêts fondamentaux (de caractères variés, matériels et moraux) dont la
contrepartie est constituée par des droits; leur violation constituait d’abord un « crime » d’Etat
tel qu’il fut longtemps dé ni par l’article 19 du projet sur la responsabilité adopté en première
lecture; elle désigne aujourd’hui encore une responsabilité aggravée dont le régime juridique
est sans doute encore à stabiliser. Cette seconde communauté, bien que cela ne soit plus
explicite, est encore essentiellement à base interétatique.

3. Une troisième acception, dépassant les limites étatiques, gagne également les peuples et les
opinions publiques, passives ou militantes, telles, pour cette dernière catégorie, que celle des
organisations non gouvernementales, englobant et les Etats et la « société civile internationale
», dont les préoccupations et les valeurs sont essentiellement tournés vers l’Humanité; moins,
du reste, l’humanité patrimoniale, celle qui, appuyée sur le fond des mers, remonte aux [p258]
années 1970 à 1982, que l’humanité personnelle, composée des individus dont chacun,
individuellement, jouit de libertés fondamentales, dont la méconnaissance porte atteinte à ce
qu’on pourrait désigner « les droits de l’homme en l’humanité ». Le lien est alors évident entre
cette acception humaniste autant qu’humanitaire de la communauté et la création puis le
développement de la justice pénale internationale479.

B - Fonctions

Les fonctions respectives de ces diverses acceptions sont variables: normative pour la première
et la seconde, la troisième est plus directement stratégique, notamment dans la mesure où elle
a pu assurer une consolidation ou un élargissement de l’assise de légitimité de certaines
résolutions du Conseil de sécurité, ou, à l’occasion, d’autres organes.

Il reste que la Convention de Vienne (1969) n’est pas rati ée par tous (même si la France
pourrait le faire bientôt) et que les diverses acceptions du terme introduisent une constante
ambiguïté dans la signi cation qu’on lui donne. Il demeure aussi que les usages stratégiques
qu’on en fait con nent en bien des cas au détournement pur et simple, pour dégrader la
référence communautaire en un alibi douteux destiné à justi er des actions unilatérales
collectives restreintes. Il est également manifeste que la notion de communauté est de plus en
plus concurrencée par des références à l’universel qui passent par les marchés plus que par les
normes; c’est bien là, notamment, l’une des signi cations du nouveau mythe mobilisateur de «
globalisation ».

/
15
M. DELMAS-MARTY, Vers une communauté de valeurs ?, (IV), Seuil, 2011, p.10-11
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L’idée de communauté humaine
à la croisée de la communauté des Etats et de la communauté mondiale

Emmanuelle Jouannet
permet à la plupart des auteurs de faire la différence entre communauté et société, laquelle
peut regrouper sans Professeur à l’Université
unir véritablement. Non pas Paris
que1 l’on
(Panthéon-Sorbonne )
retienne ici la division doctrinale
allemande entre société et communauté qui est fondée sur une conception organiciste des
choses.7 On ne tranche pas le débat -qui reste encore un débat- pour savoir si la société est un
Paru in La Mondialisation entre Illusion et l’Utopie, Archives de philosophie du droit,
construit par rapport à la communauté qui serait un donné naturel basé sur un phénomène de
2003, Tome 47, pp. 191-232.
solidarité spontané. On ne reprendra donc pas l’idée selon laquelle la communauté est
nécessairement
RESUME antérieure à semble
: La mondialisation la société.
faire On ne cherche
ressurgir pasde
la notion non plus à retenir
communauté la conception
humaine mondiale afin de
naturaliste
penser un ordredes anciens
juridique par rapport
commun à une conception
ou mondialisé qui lui soitvolontariste plus
applicable ; il modernedepuisque
permettrait dépasserce
lesont
phénomène
deslàEtats
encore des réponses
souverains fournies par
et de transformer le les doctrines
droit à différents
interétatique classiquemoments
au profit de l’histoire.
d’un nouveauCe sont
droit commun.
L’étude s’efforce de montrer l’intérêt et les limites d’une telle perspective en révélant, dans un premier temps,
des présentations possibles de cette distinction mais qui
les deux modèles de communautés juridiques hérités de l’histoire de la pensée,
ne sont pas les seules et ne
et en faisant valoir, dans un
8
correspondent
second pas forcément
temps, comment on peut, en à la réalitédepositive
s’inspirant Kant et de contemporaine. Elles demandent
certains auteurs contemporains, à être
intégrer la pensée
d’unétudiées mais nonmodéré
cosmopolitisme pas retenues à titrel’ordre
pour penser préliminaire.
juridiqueOn ajoutera seulement
international contemporainque sans
cettetomber
notiondans la
radicalité d’un strict interétatisme
d’organisation, ou d’un strict
ou de regroupement personnes, .rassemble cette fois-ci communauté et
de mondialisme
société dans une commune opposition à l’idée d’état de nature. Prétendre que les individus ou
les Etats sont organisés en communauté ou en simple société implique, en effet, que, d’une
Repenser l’ordre juridique international en raison des phénomènes de mondialisation
manière ou d’une autre, ceux-ci ont réussi à s’arracher à l’état de nature supposé antérieur
est un problème qui ne se pose bien, semble-t-il, que si on tient compte de deux notions
d’un point de vue logique, historique ou chronologique.
fondamentales de l’histoire de la pensée qui sont au coeur des débats les plus contemporains.
Il s’agit des notions d’Etat souverain et de communauté humaine. Plus précisément dit peut-
Par ailleurs,
être : la notion il est en outre
de communauté courant les
humaine de définir extensivement
rassemble mais cellela de
communauté
communauté comme humaine
9
unissantles
mondiale desdisjoint.
personnesQuephysiques oupensé
l’Etat soit morales.
commeLa notion de communauté
une communauté peut est
humaine ainsi
enêtre
effet une
présentée
idée acquisecomme une communauté
au moment de ces personnes
de la formation du concept morales que
d’Etat sont les Etats,
lui-même et surautrement
laquelleditnous ne
1
comme unepas.
reviendrons communauté humaine
En revanche queformée de communautés
le monde forme à luiétatiques.
seul uneC’est donc la vision
communauté de
humaine est
unecette
idéecommunauté des communautés,
à la fois simple et dérangeante, appelée également
évidente communauté
ou contestée, suivant internationale
que l’on joue ou sur la
parenté qui unitinterétatique,
communauté les hommesqui ou s’oppose
sur la singularité quid’une
à la vision différencie chaque
communauté communauté étatique.
interindividuelle et
Pris ensemble,
mondiale. Les endeuxtous les correspondent
visions cas, les notions
à desde communauté
communautés humaine
humaines mondiale
mondiales et d’Etat
au sens
souverain semblent
large, mais l’une estapparemment s’exclure.
composée d’individus La souveraineté
regroupés en Etats tandisdeque
l’un paraît
l’autre constituer une
est identifiée
barrière
à un ensemble plus indifférencié d’individus, ou du moins de personnes non étatiques. 10 La de la
insurmontable à la réalisation véritable de l’autre ou, inversement, l’avènement
seconde semble signer le déclin du premier. Et à l’heure actuelle, c’est l’idée de communauté
communauté interindividuelle ou mondiale n’est pas considérée comme une communauté
humaine mondiale qui connaît un regain de faveur tout à fait remarquable alors que justement
totalement individualisée et atomisée, mais au contraire comme l’union du genre humain en
c’est de l’affaiblissement de l’Etat dont on ne cesse de parler.2 L’Etat souverain est miné de
raison d’une unification religieuse, morale, éthique ou sociologique ou même juridique. La
1
Sur ce point, nous nous permettons de renvoyer à notre ouvrage Emmer de Vattel et l’émergence doctrinale du droit
international classique, Paris, Pedone, 1998, pp. 319ss. Bien entendu cette idée peut être contestée de différentes manières
aujourd’hui, mais nous public
de droit international laisserons de côté
», RCADI, 1996cette discussion
(257), pp.51ss etpour
« Lerecentrer
concept de la patrimoine
question sur les notions
commun de communauté
de l’humanité »,
internationale
Ouvertures eten mondiale.
droit international. Hommage à R.J Dupuy, Paris, Pedone, 2000, p. 63 ; S. Bélaïd, in Les nouveaux aspects du
2
De façon non exhaustive et pour les travaux les plus récents qui font état de cet affaiblissement de l’Etat en liaison avec la
droit international, Paris, Pedone, 1994, p.320 et R.J Dupuy, « Communauté internationale et disparités de développement »,
mondialisation -la plupart du temps pour le regretter- v. par exemple Le droit saisi par la mondialisation, C. A Morand (dir.),
RCADI, 1979-IV (165), p.220.
Bruylant,
7 Ed. Université libre de Bruxelles, Helbing et Lichtenhahan, 2001 ; M. Mahmoud Mohamed Salah, Les
C’est la distinction
contradictions que proposait
du droit mondialisé, R. JPUF,
Paris, Dupuy2002in ;La communauté internationale
Mondialisation et Etat de droit,entre
D.leMockle
mythe (dir.),
et l’histoire, Paris,Bruylant,
Bruxelles,
2000 ; Le droit1986,
Economica, dans p.15, en s’appuyant sur
la mondialisation, M. les travaux Gendreau
Chemillier de Ferdinand Tönnies,
et Y. Communauté (dir),
Moulier-Boutang et société
Paris,Catégories
PUF, 2001 ; La
fondamentales
mondialisation dudedroit,
la sociologie pure (1887),
C. Kessedjian et E.Paris,
LoquinRetz, 1977.Paris,
(dir.), C’est Litec,
une distinction
2000 ; R. encore reprise« aujourd’hui
J Dupuy, par A. Pellet
Le dédoublement du monde »,
et P. Daillier,
RGDIP, 1996/2,Droit international
pp.313-321 et PMpublic,
Dupuy,Paris, LGDJ,
Droit 1999, 6è ed.,public,
international p.38, mais aussiPrécis
Paris, par certains
Dalloz,théoriciens anglo-saxons
2002, pp.22ss. des le point
V. aussi
relations
de vue internationales
complémentaire surcomme H. de
le déclin Bulll’Etat
et A.deWatson, The sociologues
la part des Expansion ofetInternational
théoriciens Society, Oxford,
des relations Clarendon Press,
internationales comme par
ex. 1984, p.1. V. aussi
J. N Rosenau, de H.
« Le Bull : ordre
nouvel The Anarchical
mondial Society.
: ForcesA sous-jascentes
Study of Order inetWorld Politics,
résultats Londres,
», Etudes Macmillan, 1977.
internationales, vol. XXIII, n°1,
8
1992,Pour
pp.32ss et « Les processus
un résumé de ces différentesdepositions
la mondialisation
v. Dictionnaire: retombées significatives,
encyclopédique de théorie etéchanges impalpables
de sociologie du droit, et symbolique
op.cit,
subtile », Etudes internationales, vol. XXIV, n°3, 1993, pp.502ss ou B. Badie, La fin des territoires. Essai sur le désordre
pp.72-76.
international
9 et surdu
V. la définition l’utilité sociale
dictionnaire du respect,
Salmon, Paris,
supra note 5 etFayard,
C. Leben1995
« De et avec M.
quelques C. Smouts,
doctrines Le juridique
de l’ordre retournement du monde.
», Droits,
Sociologie de la scène
Ordre juridique internationale,
?/1, n°33, 2001, p.20. Paris, Presses de la FNSP et Dalloz, 1992.
10
Devant la nécessité de faire des choix au regard d’une terminologie usuelle fluctuante, nous associons donc l’idée de
communauté mondiale à celle de communauté interindividuelle afin de faire ressortir l’opposition à la communauté
interétatique. Bien des nuances devraient être introduites dans cette présentation mais on se limitera ici à en exposer trois : 1) 1
d’abord, les idées de communauté entre Etats et de communauté d’individus ne visent qu’à faire ressortir leurs composants
prioritaires mais pas de façon exclusiviste car elles peuvent l’une comme l’autre englober d’autres acteurs ou sujets qui
seront simplement considérés comme secondaires. 3) ensuite, la communauté internationale peut d’une certaine façon être
présentée comme mondiale car couvrant l’ensemble de la planète, mais il nous a semblé plus pertinent de réserver ce terme
de communauté mondiale à une communauté qui visait l’humanité toute entière, le monde des hommes si l’on veut pas
rapport à celui des Etats. 3) enfin, on devrait parler de communauté mondialisée plutôt que de communauté mondiale car
autant la communauté des Etats semble avoir –et encore- une certaine réalité, autant la communauté mondiale est avant tout
une construction purement intellectuelle et au mieux, un simple processus en cours

10
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communauté des Etats, quant à elle, peut être régulée sans poursuivre d’objectifs communs
autre que celui, minimal, de coexistence et donc de stabilité. Elle sera dès lors plus volontiers
identifiée à une simple société interétatique. Elle peut également traduire des valeurs
communes plus avancées-qui se traduisent ou non par des finalités communes- de telle sorte
que l’on insiste sur son aspect communautaire. En tout état de cause, il en résulte que les Etats
sont les composants principaux de la communauté interétatique tandis que ce sont les hommes
qui composent de façon immédiate la communauté interindividuelle.11 Ceci posé, on s’en
tiendra exclusivement à cette présentation des deux idées de communautés humaines au sens
large suivant qu’elles sont envisagées sous une forme interétatique ou cosmopolitique; donc
sans revenir, sinon de façon indirecte, à l’idée d’une simple société entre Etats. On s’intéresse
en effet, moins à la distinction entre société et communauté d’Etats, qu’aux différentes
acceptions que peut prendre la notion même de communauté humaine pour penser l’ordre
juridique international dans son ensemble.

C’est pourquoi, enfin, la notion de système juridique vient compléter utilement cette
présentation en révélant ce qu’elle peut avoir de réellement problématique. La notion de
communauté humaine renvoie le plus souvent à l’idée d’un système juridique qui lui est
destiné. On est ainsi accoutumé à définir un ordre juridique en tant que système de normes
comme « régissant l’existence et le fonctionnement d’une communauté humaine ».12 Dés lors
l’alternative qui, dans un premier temps, pouvait être pensée comme une simple opposition
entre deux visions sociologiques ou culturelles de la communauté humaine est ici radicalisée
par sa juridicisation. On passe à la notion de communauté juridique comme représentation ou
construction intellectuelle d’une communauté sociologique, plus ou moins existante, plus ou
moins réelle, qui est soumise au même ordre juridique.13 Et ce qui va faire problème, c’est
moins le fait que l’on envisage la communauté comme interindividuelle ou interétatique,
c’est-à-dire en tant que formes sociales de regroupement, que le fait que ces deux
communautés soient envisagées comme soumises à une ordre juridique de nature différente.
Le premier ordre juridique est logiquement interétatique et décentralisé, le second est
communautarisé, que ce soit sous une forme transnationale, cosmopolitique ou
supranationale. Le premier a pour sujet les Etats et le second a pour sujet les hommes et
parfois l’humanité, ou la communauté elle-même, qui sont alors personnifiées. Ce n’est donc
en réalité qu’à ce moment là, c’est-à-dire lorsque l’on conçoit des systèmes juridiques
différents adossés à des conceptions différenciées de la communauté –selon un lien considéré
par certains comme inéluctable-, que surgit l’idée d’un inévitable conflit et du nécessaire
dépassement de l’une des deux visions au profit de l’autre. Ces deux modèles juridiques de
communauté des Etats et de communauté mondialisée imprègnent en effet beaucoup de
représentations doctrinales contemporaines ainsi que certains textes de droit positif
international,14 où ils sont naturellement pensés comme étant successifs, alternatifs, et
antagonistes. C’est un peu comme si on ne pouvait penser la communauté humaine mondiale
que contre la communauté des Etats car on oppose le mondialisme ou le cosmopolitisme
comme système juridique d’une communauté mondiale interindividuelle à l’internationalisme
ou l’interétatisme comme système juridique de la communauté des Etats.

11
Par souci de simplification, on laisse également de côté la question des groupements moraux interétatiques et non étatiques
bien qu’ils jouent un rôle significatif à l’heure actuelle.
12
C. Leben, « De quelques doctrines de l’ordre juridique », Droits, op.cit, loc.cit.
13
Sur les relations entre ordre juridique et ordre social, v. l’étude remarquable de J. Chevallier, « L’ordre juridique », Le droit
en procès, Paris, PUF, 1984, pp.19ss et pp.32ss.
14
V. les références données par P. Weill, « Le droit international en quête de son identité. Cours général de droit international
public », RCADI, 1992-VI (237), pp.306-312 et P.M Dupuy, Droit international public, op.cit, pp.386ss.

411
PUBLICATIONS DE LA COUR PERMANENTE DE JUSTICE
INTERNATIONALE

SÉRIE A - N" 70
Le 7 septembre 1927

RECUEIL DES ARRE',TS

AFFAIRE DU « LOTUS 1)

PUBLICATIONS O F T H E PERMANENT COUR?'


O F INTERNATIONAL JUSTICE.

SERIES A.-No. 70
September 7th, 1927

COLLECTION OF JUDGMENTS

THE CASE OF THE S.S."LOTUS"


COUR PERMANENTE DE JUSTICE INTERNATIONALE

1927.
7 septembre.
ssier E. c. X.
DOUZIEMESESSION (ORDINAIRE)
lble XII : 2 .

Prdsents :
MM. HUBER,Prdsident,
LODER,ancien Prdsident,
WEISS, Vice-Prdsident,
Lord FINLAY,
MM. NYHOLM,
MOORE,
DE BUSTAMANTE,
ALTAMIRA,
ODA,
ANZILOTTI,
PESSÔA,
FEÏZI-DAÏMBEY, Juge national.

AFFAIRE DU LOTUS 1)((

Entre le Gouvernement de la République française, représenté


par M. Basdevant, professeur à la Faculté de Droit de Paris,

et le Gouvernement de la République turque, représenté par


Son Excellence Mahmout Essat Bey, ministre de la JucA t'1Ce.

composée ainsi qu'il est dit ci-dessus,


après avoir entendu les Parties en leurs observations et conclu-
sions,
a rendu l'arrêt suivant :
Par un compromis signé à Genève le 12 octobre 1926 entre les
Gouvernements des Républiques française et turque et déposé au
Greffe de la Cour, conformément à l'article 40 du Statut et à l'arti-
cle 35 du Règlement, le 4 janvier 1927, par les représentants diplo-
matiques à La Haye desdits Gouvernements, ceux-ci ont soumis à la
Cour permanente de Justice internationale la question de compé-
tence judiciaire qui s'est élevée entre eux à la suite de la collision
survenue le 2 août 1926 entre les vapeurs Boz-Kourt et Lotus.

Aux termes du compromis, il incombe à la Cour de statuer sur


les questions suivantes :

((1)La Turquie a-t-elle, contrairement à l'article 15 de la


Convention de Lausanne du 24 juillet 1923 relative à l'établissement
et à la compétence judiciaire, agi en contradiction des principes
du droit international - et si oui, de quels principes-en exerçant,
à la suite de la collision survenue le 2 août 1926 en haute mer entre
le vapeur français Lotus et le vapeur turc Boz-Kourt et lors de
l'arrivée du navire français à Stamboul, en même temps que contre
le capitaine du vapeur turc, des poursuites pénales connexes en
vertu de la législation turque, contre le sieur Demons, officier de
quart à bord du Lotus au moment de la collision, en raison de la
perte du Boz-Kourt ayant entraîné la mort de huit marins et
passagers turcs ?
((2) En cas de réponse affirmative, quelle réparation pécuniaire,
s'il doit en résulter une selon les principes du droit international
dans des cas semblables, serait due en faveur du sieur Demons ? ))

Donnant suite aux propositions faites d'un commun accord par


les Parties dans le compromis conformément aux dispositions de
l'article 32 du Règlement, le Président, en vertu de l'article 48 du
Statut et des articles 33 et 39 du Règlement, fixa, aux I~~mars et
24 mai 1927, les délais pour le dépôt par chacune des Parties d'un
Mémoire et d'un Contre-Mémoire respectivement ; aucun délai ne
fut fixé pour le dépôt de répliques, les Parties ayant fait connaître
leur intention de n'en pas présenter.
Les Ménioires et Contre-Mémoires furent dûment déposés au
Greffe dans les délais fixés et firent l'objet des comn~unications
prévues à l'article 43 du Statut.
Au cours des audiences tenues les 2, 3, 6, et 8-10 août 1927, la
Cour a entendu, en leurs plaidoiries, réplique et duplique, les agents
des Parties, indiqués ci-dessus.
Lotus, aboutit à la mise en arrestation du lieutenant Demons -
d'ailleurs sans avis préalable au consul général de France - et de
Hassan Bey, entre autres. Cette arrestation, qualifiée par l'agent
turc de préventive, aurait eu pour objet d'assurer le cours normal
des poursuites pénales intentées, sur plainte des familles des vic-
times de l'abordage, par le ministère public de Stamboul contre les
deux officiers sous l'inculpation d'homicide par imprudence.

La cause fut entendue par la Cour criminelle de Stamboul d'abord


le 28 août. A cette occasion, le lieutenant Demons excipa de I'incom-
pétence de la juridiction turque ; la Cour, cependant, se déclara
compétente. Lors de la reprise des débats, le II septembre, le lieute-
nant Dernons demanda sa mise en liberté sous caution ; il fut donné
suite à cette demande le 13 septembre, la caution étant fixée à
6.000 livres turques.
Le 15 septembre, la Cour criminelle rendit sa sentence, dont la
teneur n'a pas été communiquée à la Cour par les Parties. Il est
cependant constant qu'elle condamnait le lieutenant Demons à
quatre-vingt jours de prison et à une amende de 22 livres, Hassan
Bey étant condamné à une peine légèrement plus élevée.

Il est également constant que le procureur de la République


turque a formé contre cette décision un pourvoi en cassation qui en
a suspendu l'exécution ; qu'une décision sur ce pourvoi n'est pas
encore intervenue, mais que le compromis du 12 octobre 1926 n'a
pas eu pour effet de suspendre « la procédure pénale . . . . actuelle-
ment en cours en Turquie )).

L'action des autorités judiciaires turques à l'égard du lieutenant


Demons provoqua aussitôt de nombreuses démarches diplomatiques
et autres interventions de la part du Gouvernement français ou de
ses représentants en Turquie, visant soit à protester contre l'arres-
tation du lieutenant Deinons, soit à demander sa mise en liberté,
soit à obtenir le dessaisissement des tribunaux turcs en faveur de
la juridiction française.
A la suite de ces démarches, le Gouvernement de la République
turque a déclaré, le 2 septembre 1926, qu'il « ne se refuserait point
à ce que le conflit de juridiction soit porté devant la Cour de
La Haye ».
Au cours de la procédure orale, l'agent du Gouvernement français
s'est borné à renvoyer aux conclusions formulées dans le Contre-
Mémoire, en renouvelant simplement la demande de prise d'acte
des réserves qui y étaient formulées pour toutes conséquences de
l'arrêt futur non soumises à la décision de la Cour; acte lui est
maintenant donné de ces réserves.
De son côté, l'agent du Gouvernement turc s'est abstenu, dans
sa plaidoirie et sa duplique, de prendre une conclusion quelconque.
Celle qu'il avait libellée dans les pièces par lui présentée.a au cours
de la procédure écrite doit, par conséquent, être considérée comme
simplement maintenue.

POINT DE FAIT.

D'après les exposés présentés à la Cour par les agents des Parties
dans leurs Mémoires écrits ainsi que dans leurs plaidoiries orales,
les faits se trouvant à l'origine de l'affaire sont, de l'accord des
Parties, les suivants :
Le 2 août 1926, vers minuit, un abordage s'est produit entre le
paquebot français Lotus, à destination de Constantinople, et le
vapeur charbonnier turc Boz-Kou~t,en un lieu situé cinq à six milles
marins au nord du cap Sigri (Mitylène). Le Boz-Kourt, coupé en
deux, a sombré, et huit ressortissants turcs se trouvant à son bord
ont péri. Après avoir fait toute diligence pour venir à l'aide des
naufragés, dont dix ont pu être sauvés, le Lotus a continué sa route
vers Constantinople, oh il est arrivé le 3 août.

Au moment de l'abordage, l'officier de quart à bord du Lotus


était M. Demons, citoyen français, lieutenant au long cours et
premier lieutenant du bord, tandis que les manœuvres du Boz-
Kourt étaient dirigées par son capitaine, Hassan Bey, qui s'est trouvé
parmi les personnes qui ont été sauvées du naufrage.
Dès le 3 août, la police turq~ieprocéda, à bord du Lotus, à une
enquête sur l'abordage ; et le lendemain, 4 août, le commandant
du Lotus déposa au Consulat général de France son rapport de mer,
dont il remit copie au capitaine du port.

Le 5 août, le lieutenant Demons fut invité par les autorités turques


à se rendre à terre pour faire une déposition. L'interrogatoire, dont
la longueur eut, incidemment, pour effet de retarder le départ du
III.

La Cour, appelée à examiner s'il y a des règles de droit internatio-


nal qui auraient été violées par l'exercice de poursuites pénales,
en vertu de la législation turque, contre le lieutenant Demons, se
trouve placée en premier lieu devant une question de principe,
question qui, en effet, s'est révélée comme fondamentale dans les
Mémoires, Contre-Mémoires et plaidoiries des deux Parties. Le Gou-
vernement français soutient la thèse suivant laquelle les tribunaux
turcs, pour être compétents, devraient pouvoir se fonder sur un
titre de compétence que le droit international reconnaîtrait en fa-
veur de la Turquie. Par contre, le Gouvernement turc se place a u
point de vue selon lequel l'article 15 admettrait la compétence
judiciaire de la Turquie partout oh cette compétence ne se heurte-
rait pas à un principe du droit international.
Ce dernier point de vue semble être conforme au compromis
même, dont le numéro I demande à la Cour de dire si la Turquie
a agi en contradiction des principes du droit international et quels
seraient - dans l'affirmative - ces principes. Il ne s'agit donc pa:,
selon le compromis, de préciser les principes qui permettraient à la
Turquie d'exercer les poursuites pénales, mais de formuler les prin-
cipes qui éventuellement auraient été violés par ces poursuites.

Cette manière de poser la question est commandée également


par la nature même et les conditions actuelles du droit international.
Le droit international régit les rapports entre des États indépen-
dants. Les règles de droit liant les États procèdent donc de la volonté
de ceux-ci, volonté manifestée dans des conventions ou dans des
usages acceptés généralement comme consacrant des principes de
droit et établis en vue de régler la CO-existencede ces communautés
indépendantes ou en vue de la poursuite de buts communs. Les
limitations de l'indépendance des États ne se présument donc pas.

Or, la limitation primordiale qu'impose le droit international à


l'État est celle d'exclure - sauf l'existence d'une règle permissive
contraire - tout exercice de sa puissance sur le territoire d'un autre
État. Dans ce sens, la juridiction est certainement territoriale ;
elle ne pourrait être exercée hors du territoire, sinon en vertu d'une

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