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Houdegbé North American University

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Faculté de Droit
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Cours de Droit pénal général

Intervenant : Moktar ADAMOU,


Docteur en droit privé et sciences criminelles,
Enseignant d’universités

Année universitaire : 2010-2011

1
Définir le droit pénal est un exercice extrêmement périlleux ; c’est un art difficile. Il
faut alors se référer aux grands maîtres de la discipline. Le droit pénal ou droit criminel est,
enseignait H. DONNEDIEU DE VABRES, « l’ensemble des lois qui règlementent dans un
pays l’exercice de la répression par l’Etat »1.
Dans son sens premier, le droit pénal est donc le droit de la peine. Cette branche du
droit regroupe les règles qui définissent les infractions et qui édictent des sanctions à
l’encontre du délinquant. La fonction du droit pénal est de prévenir par la définition des
infractions et la menace de peines, dont la principale demeure encore aujourd’hui
l’emprisonnement2. Ainsi, en traçant les frontières du permis et de l’interdit, le droit pénal
devrait, si son but était atteint, détourner les individus des comportements constitutifs de
l’infraction. Aujourd’hui, cette définition est devenue trop étroite : l’apparition d’une
législation, dite de défense sociale, visant à la rééducation du délinquant, non à sa punition, et
où la mesure est dépouillée de toute idée de blâme, élargi en effet le domaine du droit pénal.
Aussi peut-on désormais le définir comme l’ensemble des règles juridiques qui organisent la
réaction de l’Etat vis-à-vis des infractions et des délinquants 3. Dans sa généralité, le terme de
réaction inclut aussi bien la prévention et la rééducation, d’une part, que la répression d’autre
part. Le droit pénal contemporain est donc « le droit de l’infraction et de la réaction sociale
qu’elle engendre »4.
La compréhension du droit pénal implique de procéder par étapes pour analyser son
contenu, et cerner son environnement (I). Il est également indispensable de tracer les grandes
lignes de son évolution historique (II), ce qui permet de comprendre l’avènement du droit
pénal moderne en Afrique, notamment au Bénin (III). Enfin il apparaît utile de décrire les
grands axes de l’ouvrage (IV).

I - Le contenu du droit pénal


Le droit pénal, branche du droit, a pour objet général de prévenir et de punir l’action
ou l’omission d’un individu, eu égard au trouble causé à l’ordre social. Les modalités de la
sanction sont de plus en plus diversifiées car à côté des peines classiques, telles que
l’emprisonnement et l’amende, se développent des peines alternatives à l’emprisonnement et
1
H. DONNEDIEU DE VABRES, cité par Jean PRADEL, Droit pénal général, 17ème édition, Paris : Cujas, 2008,
n° 1.
2
Certes la peine capitale demeure vivante dans certains arsenaux juridiques, comme au Bénin. En France cette
peine a été abolie en 1981.
3
Roger MERLE et André VITU, Traité de droit criminel, t. I, Paris : Cujas, 7ème édition, 1997, n° 142.
4
Jean PRADEL, Droit pénal général, op. cit., n° 1.

2
de nombreuses mesures de sûreté destinée à éviter la récidive. Il impose à l’homme une
certaine conduite pour assurer le respect de la paix publique, de l’ordre public. Si toutes les
branches du droit ont cette fonction normative, le droit pénal dispose d’un avantage
considérable car il est le seul droit qui dispose de la peine, sanction redoutable pour
l’individu. Les autres disciplines juridiques ont des moyens de faire respecter l’application des
règles, mais ces moyens ne présentent pas de caractère dissuasif marqué, et s’analysent en des
réparations patrimoniales. Par la menace qu’il fait peser sur les libertés, par les pressions qu’il
exerce sur les personnes, le droit pénal inspire naturellement méfiance et prudence 5. Ainsi se
retrouve-t-il dans toutes les branches du droit, car il prête sa sanction pour assurer l’effectivité
des règles. En droit civil par exemple, l’inexécution d’un contrat par l’une des parties ne
donnera lieu qu’à la résolution de la convention ou au paiement de dommages-intérêts.
Cependant si la preuve est rapportée que l’inexécution est frauduleuse, ce comportement peut
devenir alors une infraction pénale - un abus de confiance par exemple. Le droit commercial
fait appel au droit pénal pour sanctionner le malhonnête dans le cadre de l’activité
commerciale ou lors d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaires. Chaque
droit procède à l’emprunt de la sanction pénale.
Cette précision du contenu oblige à étudier les principales distinctions de la matière ;
car le droit pénal se divise en plusieurs branches désormais complétées par l’apport spécialisé
de certaines sciences.

A : Les branches du droit pénal


Le droit pénal, qui se consacre dans son ensemble à l’incrimination de certains
comportements ainsi qu’à la détermination et à la mise en œuvre de sanctions, comporte
plusieurs branches. Il s’agit tout d’abord du droit pénal général qui fixe les règles communes à
toutes les infractions que sont les crimes, les délits et les contraventions. Relèvent ainsi du
droit pénal général les règles gouvernant la tentative, la complicité ou bien encore
l’application de la loi dans le temps. Alors que le droit pénal général s’intéresse à la fois aux
incriminations et aux sanctions, la pénologie ne s’attache qu’à l’étude détaillée des sanctions
encourues, prononcées et exécutées. La branche de la pénologie consacrée à l’exécution des
peines privatives de liberté constitue ce qu’on appelle la science pénitentiaire. A la différence
du droit pénal général, le droit pénal spécial s’intéresse à l’étude des éléments constitutifs et
de la répression applicable à chaque infraction particulière. Pour sa part, la procédure pénale
renvoie, de pat son étymologie (procedere : aller en avant) au procès pénal, c’est-à-dire à la

5
Yves MAYAUD, Droit pénal général, Paris : PUF, 2004, n° 12.

3
mise en œuvre de la réaction sociale déclenchée par la commission d’une infraction pénale.
Le procès pénal, et tout particulièrement le jugement, est sans doute l’aspect le plus visible de
la procédure pénale. C’est en quelque sorte son point culminant. Toutefois, la justice ne
s’exprime pas toujours par un véritable procès : il existe en effet de nombreux modes de
règlements des conflits pour la solution desquels le juge n’intervient pas (classement sans
suite, transaction entre délinquants et certaines autorités habilitées : les agents des eaux et
forêt). Autant dire que la procédure pénale n’est bien souvent que la mise en forme des lois
pénales de fond6. Le code pénal regroupe l’ensemble des règles de fond, le code de procédure
pénal réunit les règles de forme.
- les règles de fond sont des règles qui définissent les incriminations et les sanctions
attachées à chaque infraction.
- Les règles de forme ont pour fonction d’organiser le procès pénal dans ses trois phases
que sont la poursuite, l’instruction et le jugement, et d’encadrer l’enquête policière.
La procédure pénale est donc le passage obligé de l’incrimination abstraite à la
sanction concrètement infligée au délinquant.
Le droit pénal est de prime abord interne. En tant que tel, il traduit la souveraineté
nationale d’un Etat. En effet, le législateur définit les comportements permis et interdits en
considérant les valeurs qu’il entend protéger. Par conséquent, le droit pénal a un champ
d’application nécessairement limité territorialement. Le droit pénal interne ne peut s’appliquer
que sur le territoire d’un pays déterminé : la loi pénale est territoriale. Le droit pénal interne
béninois ne peut s’appliquer en principe, qu’aux infractions commises sur le territoire
béninois (sauf certains cas où l’infraction est commise à l’étranger par un Béninois). On
retrouve l’essentiel de ces précisions dans les dispositions de l’article 557 et 553 du code de
procédure pénale. Pour le premier (557), est réputée commise sur le territoire béninois « toute
infraction dont un acte caractérisant un de ses éléments constitutifs a été accompli au
Bénin » ; et pour le second article (553) : « Tout citoyen béninois qui, en dehors du territoire
de la République, s’est rendu coupable d’un fait qualifié crime par la loi béninoise, peut être
poursuivi et jugé par les juridictions béninoises.
Tout citoyen béninois, qui en dehors du territoire de la république, s’est rendu coupable d’un
fait qualifié délit par la loi béninoise, peut être poursuivi et jugé par les juridictions
béninoises, si le fait est puni par la législation du pays où il a été commis… ».
L’internationalisation constante de la vie sociale et économique entraîne
simultanément le développement de l’internationalisation du droit pénal. Celle-ci s’inscrit
6
Sur le sujet, lire Corinne MASCALA, Droit pénal général, Paris : Montchrestien, 2003, pp. 8-9.

4
dans trois démarches parallèles : le droit pénal comparé, le droit pénal international, et le droit
international pénal.
Le droit comparé a naturellement toute sa place dans le droit pénal par la confrontation
des divers systèmes répressifs de fond et de forme. Il permet d’en tirer des emprunts à des fins
scientifiques et législatives7. Il n’est désormais plus possible pour les différentes législations
issues de grandes tendances telles que la Common law ou le droit romano-germanique de
s’ignorer, même si l’on peut observer une timide tendance à l’interpénétration.
Le droit pénal international tend, quant à lui, à organiser la coopération internationale
afin d’apporter aux juridictions saisies les éléments d’appréciation qui leur sont nécessaires
notamment par le recours à l’extradition ou à des commissions rogatoires internationales.
Dans certains cas, il doit permettre de déterminer la législation et la juridiction nationales
compétentes. Le nombre de traités ou de conventions internationales s’est beaucoup
développé depuis quelques années dans une perspective universelle (ONU) ou dans des cadres
régionaux (Union africaine, CEDEAO, Conseil de l’Europe, Union européenne).
Le droit international pénal retient pour sa part une optique plus ambitieuse puisqu’il
confie à des juridictions internationales le soin de poursuivre et de juger des comportements
incriminés à l’échelle internationale : tel est le cas des crimes de guerre et des crimes contre
l’humanité dont les responsables furent traduits après la Seconde guerre mondiale devant le
tribunal international de Nuremberg. Il en va de même des deux tribunaux créés à la Haye et à
Arusha dans le cadre des Nations Unies, afin de connaître les infractions commises dans l’ex-
Yougoslavie ou au Rwanda. La convention de Rome de juillet 1998 a même prévu la création
d’une cour pénale internationale permanente siégeant à la Haye afin de connaître pour l’avenir
de tels agissements. Ayant atteint le nombre de ratification, cette convention est entrée en
vigueur le 1er juillet 2002.

B : Le déclin contemporain du droit pénal ou l’apport des disciplines spécialisées.


Tardivement issu, à partir notamment du XIXe siècle, d’une synthèse doctrinale des
grands principes généraux applicables à l’ensemble des infractions, le droit pénal général a
vécu en réalité un règne assez bref.
Dès l’origine, il n’était d’ailleurs pas absolu monolithique. La division des infractions
en trois catégories principales (crimes, délits, contraventions) a entraîné des régimes
juridiques diversifiés. La définition de la faute génératrice de responsabilité a toujours été
marquée par le pluralisme complexe (faute intentionnelle, non intentionnelle,

7
Jean PRADEL, op. cit., n° 53.

5
contraventionnelle). Des notions fondamentales, telle que la consommation de l’infraction,
n’ont jamais été homogènes (consommation formelle, consommation matérielle). Quant aux
règles communes rassemblées dans la partie « générale » du code pénal, elles se caractérisent
par leur petit nombre.
Mais progressivement, ce système, qui demeurait malgré tout cohérent, a subi une
dégradation progressive dont il y a lieu de s’inquiéter. Des îlots de particularisme se sont
constitués à côté du noyau dur que constituent le droit pénal général et ses différentes
branches. L’infraction et le délinquant qui constituent l’ossature du droit pénal ne peuvent pas
être compris s’ils sont isolés de leur contexte. A cette fin, le droit pénal doit être lié avec de
nombreuses disciplines extra-juridiques, qui permettent de cerner le phénomène criminel. Se
sont progressivement développées, sur le terrain de l’analyse criminelle, un certain nombre de
sciences dont le champ d’application est plus précis. La criminologie s’attache ainsi à
l’analyse des facteurs susceptibles de conduire à des comportements déviants ou criminels. Il
apparaît que la délinquance trouve ses racines tant dans la personnalité de l’individu que dans
le milieu dans lequel il vit ; à cet effet, elle s’intéresse tout particulièrement à la recherche des
facteurs les plus divers pouvant tenir à la personnalité même de l’auteur des faits ou au
contexte (social, économique, culturel, ou géographique) dans lequel il se trouve. Pour mieux
appréhender l’extrême complexité du phénomène criminel, la criminologie se nourrit des
apports de sciences les plus diverses. La sociologie criminelle et les statistiques (policières,
judiciaires et pénitentiaires) jouent un rôle de premier plan. Il en va de même de la
criminalistique qui regroupe de très nombreuses disciplines scientifiques poursuivant le même
objectif : mettre en œuvre les moyens les plus efficaces pour réunir les preuves et découvrir
les auteurs des infractions. Les disciplines les plus importantes sont : la médecine légale, la
psychiatrie criminelle, l’anthropométrie criminelle (identification du délinquant à partir de ses
caractéristiques physiques que sont empreintes digitales, ADN), la police scientifique
(balistique, incendie, explosif, chimie, physique, toxicologie). Idem pour la victimologie,
nouvelle science centrée sur l’étude des personnes atteintes par une infraction.

Au-delà de cette présentation, l’étude de l’historique du droit pénal s’impose pour


comprendre le droit positif.

II – L’évolution du droit pénal

6
Le droit pénal est né avec « le contrôle social de la violence »8. On en trouve les
premières expressions dans l’échelle des peines du Code de Hammourabi (1750 av. J-C.) ou
dans les tarifs de compositions de la loi des XII tables (450 av. J.-C.), c’est-à-dire à des
époques où un pouvoir de type étatique a pu se substituer à la vengeance. On présente en effet
l’histoire de la répression suivant trois types d’époques. Il y aurait eu d’abord une période de
« vengeance privée », où la victime d’une agression et son clan décidaient s’il y avait ou non
offense et déterminaient la mesure de la riposte. Avec la loi du talion (« œil pour œil, dent
pour dent »), la vengeance est devenue mesurée et l’on est alors entré dans une période de
« justice privée », durant laquelle les conflits étaient réglés par les particuliers sous forme
d’une composition pécuniaire versée par l’agresseur à la victime ou à sa famille 9. Enfin, est
apparue une période de « justice publique » ou l’Etat a déterminé les infractions et exercé lui-
même le droit de punir. Cette évolution n’a évidemment pas été linéaire, il y eut des périodes
d’affaiblissement de l’Etat et de retour en arrière, néanmoins il est possible de considérer que
le droit pénal est né avec les premières formes de compositions tarifiées et qu’il s’est renforcé
avec la justice publique. Deux grandes périodes sont ici à prendre en compte : la première
s’étend de la fin de l’époque féodale à la Révolution française ; la seconde, marquée par une
conquête légaliste sens retour en arrière possible, s’ouvre avec la Révolution.

A : De l’époque féodale à la Révolution


La justice publique s’est développée sans interruption depuis le Moyen Âge, d’abord avec la
justice pénale ecclésiastique et le droit pénal canonique, puis avec la justice seigneuriale et le
droit pénal coutumier. A l’époque médiévale, les seigneurs ont en effet arbitré les conflits afin
d’asseoir leur autorité, avant d’être eux-mêmes supplantés dans cette tâche par les monarques
qui luttèrent notamment contre les « mauvaises coutumes », permettant aux criminels de
racheter leur forfait et unifièrent le droit pénal. A partir du XVIe siècle, sous l’influence des
jurisconsultes, un mouvement de codification s’est même répandu en Europe, avec
notamment la Constitution criminelle de Charles QUINT dite « la Caroline » (1532), qui
inspira près de deux siècles le droit pénal allemand. En France, l’ordonnance de Villers-
Cotterêts sur les faits de justice (1539) ouvrit une période marquée par la rigueur et
l’arbitraire10.

8
Jean-Marie CARBASSE, Histoire du droit pénal et de la justice criminelle, Paris : PUF, 2000 ; v. aussi A.
LAINGUI, Histoire du droit pénal, Paris : PUF, 1985, n° 690.
9
Cette composition était désignée par la « poiné » en Grèce et par « poena » ou le « peccus » (ce qui signifiait le
petit bétail) dans la Rome antique.
10
R. MARTINAGE, Histoire du droit pénal en Europe, Paris : PUF, 1998, n° 3401, p. 5 et s.

7
En effet, la grande ordonnance criminelle de Louis XIV de 1670 poussa à l’extrême
les rigueurs de la procédure inquisitoriale et fournit une liste de peines qui laisse entrevoir la
sévérité du droit pénal de l’époque : la mort, les galères perpétuelles ou à temps, le
bannissement perpétuel ou à temps, le fouet ou l’amende honorable (XXV, 13). Et encore,
cette liste ne rend pas compte de l’inégalité qui existait alors entre les condamnés et ne
mentionne pas l’ensemble des supplices qui étaient pratiqués pour des « crimes énormes »,
tels que l’écartèlement, la roue ou le feu vif, sans compter la torture qui s’appliquait dans la
phase d’instruction11. Mais le pire ne réside peut-être pas tant dans la cruauté que dans
l’arbitraire des peines. « Les peines sont arbitraire en ce Royaume », disait-on sous l’Ancien
Régime. Originairement cet arbitraire n’était pas synonyme de fantaisie, de caprice donc
d’injustice, mais d’arbitrage par le juge, lequel tranchait en fonction de « l’exigence du cas »,
avec un esprit de modération, sans exclure la référence à la coutume ou au texte 12. Cependant
lorsque le juge se référait aux »usages du royaume » ou à certains textes, ceux-ci étaient
souvent si imprécis qu’il avait une grande latitude dont il pouvait en abuser. Beaucoup
d’infractions résultaient de la « jurisprudence des arrêts » à partir d’une interprétation large
des textes (parricide, assassinat entre époux, suicide) et certaines peines, comme la promenade
sur l’âne du proxénète, étaient des créations prétoriennes. Mais l’arbitraire a surtout montré
ses dérives avec la justice retenue et la pratique des lettres de cachet : il s’agissait des lettres
contenant un ordre du roi, dont les plus connues étaient les des ordres d’incarcération. Sous
Louis XIV, ces ordres se sont multipliés 13. L’arbitraire est alors devenu synonyme de bob
plaisir du roi ou de ses « zélés serviteurs ». aussi, au XVIIIe siècle, en réaction aux dérives de
l’arbitraire et aux excès de cruauté de l’Ancien Régime, les philosophes des lumières ont
défendu les idées de légalité des délits et des peines, d’égalité et de modération dans la
répression : le châtiment doit être prévisible donc prévu par la loi sans possibilité pour le juge
de s’en écarté, la loi pénale doit être la même pour tous et la répression, plutôt cruelle, doit
intervenir avec certitude et promptitude. Cette nouvelle ère s’ouvre avec Cesare BECCARIA
(1738-1794), auteur d’un petit ouvrage intitulé Des délits et des peines (1764) qui aura un
rayonnement immense.

B : Depuis la Révolution


11
Lire dans introduction de son livre, le supplice de Damien, relaté par Michel FOUCAULT, Surveiller et punir,
Paris : Gallimard, 1975.
12
Jean-Marie CARBASSE, op. cit., n°116 et s.
13
Ibid., n° 84.

8
Avec la Révolution, le principe de légalité s’est durablement installé 14. Certes, on a fait
fonctionner la guillotine pendant les années révolutionnaires, mais les pines atroces de
l’Ancien Régime ont été supprimées ainsi que l’incertitude liée à l’arbitraire dévoyé. Plus
précisément, les idées révolutionnaires ont été mises en application d’abord dans le code
pénal promulgué par une loi des 25 septembre et 6 octobre 1791 15 : il concernait
principalement les crimes. Sa particularité était de limiter la répression aux seuls actes
« nuisibles » à la société ; il fit en effet disparaître la foule des crimes d’ordre moral ou
religieux de l’Ancien droit (l’hérésie, le blasphème, le suicide, l’homosexualité, etc.). Quant
aux pénalités, elles étaient dans l’ensemble modérées (bien que la peine de mort soit
conservée), égales pour tous (« tout condamné à mort aura la tête tranchée »), strictement
personnelles (la confiscation des biens est abolie) mais également fixes. Ce dernier aspect est
la marque d’une réaction contre l’arbitraire des juges de l’Ancien Régime. Néanmoins il a
bien vite montré ces limites, conduisant parfois les juges à nier la culpabilité de l’accuser
faute de pouvoir adapter la peine.
Aussi, le code pénal de 1810, tout en maintenant le principe de la légalité criminelle
que Portalis avait repris en 1804 (« En matière répressive, il faut des lois précises et point de
jurisprudence »), proposa une division tripartite des infractions selon leur gravité (crime, délit,
contravention) et abandonna le système des peines fixes pour les délits et les contraventions :
il était prévu pour chaque peine un maximum, pouvant être rehaussé en cas d’aggravation, et
un minimum, en dessous duquel le juge pouvait descendre en raison d’excuses légales et de
circonstances atténuantes. Le juge retrouvait donc un certain pouvoir d’arbitrer la peine. Il
s’agissait cependant d’un code sévère (peine de mort, amputation du poing, marque au fer
rouge, carcan, tentative puni comme le délit consommé, complice puni comme l’auteur) et la
fixité subsista pour les crimes jusqu’à la loi du 28 avril 1832 qui généralisa les circonstances
atténuantes et supprima le marquage au fer rouge, l’amputation du poing et le carcan. Par la
suite, le législateur alterna la sévérité et la clémence, en fonction de la nature de la criminalité
et de la personnalité des délinquants. Ainsi, les récidivistes firent l’objet d’une politique de
« débarras » avec une loi du 27 mai 1885, instaurant la relégation des délinquants d’habitude
présumés incorrigibles. Mais, parallèlement, l’espoir de réinsertion a été encouragé pour les

14
L’expression de cette conquête légaliste se trouve notamment dans la Déclaration des droits de l’homme et du
citoyen de 1789, laquelle dispose que « la loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société… »
(art. 5) ; que « la loi est l’expression de la volonté générale, elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège,
soit qu’elle punisse… » (art. 6) ; et que « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment
nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée qu’antérieurement au délit » (art.
7).
15
Jean-Marie CARBASSE, Dictionnaire de la culture juridique, Paris : PUF, pp. 210-216.

9
autres délinquants, ce qui se traduisit par la création en 1885 de la libération conditionnelle et
en 1891 du sursis. Enfin, au XXe siècle, le code pénal français a connu, jusqu’à son
abrogation en 1992, un mouvement de balancement entre la sévérité pour lutter contre les
nouvelles formes de criminalité et l’humanisation des peines, avec notamment la
multiplication des alternatives à l’emprisonnement et comme point marquant l’abolition de la
peine de mort le 9 août 1981.

III – Le droit pénal en Afrique


Le droit pénal moderne africain est celui-là né des indépendances (ou à l’orée des
indépendances). C’est le droit nouveau, ce droit « yovo ou batouré», comme l’appelleraient
respectivement les Béninois du sud et du nord. Ce droit est en partie, en inadéquation avec les
modes internes de régulation et de règlement des conflits, même d’ordre pénaux. Le droit
pénal traditionnel africain est riche d’enseignements qui mérite une bienveillance
particulière ; mais personne n’y pense véritablement, même le monde universitaire africain
n’y est pas exclu.
D’un point de vue historique, nous sommes redevables, entre autres (sans avoir la
prétention de les citer exhaustivement) :
- aux livres relatifs à l’histoire du/des droit(s) africain(s) et de la justice africaine 16,
ensuite,
- aux ouvrages généraux17 et spécialisés18 d’histoire africaine, et enfin,
- aux recherches des ethnologues, ethnographes et anthropologues19.
16
Gérard CONAC (dir.), Dynamiques et finalités des droits africains, Paris : Economica, 1980, 509 p ; Olowale
T. ELIAS, La nature du droit coutumier africain, Paris : Présence Africaine, 1961, 365 p ; Pierre-François
GONIDEC, Les droits africains, évolution et sources, Paris : LGDJ, 1976, 285 p ; Guy-Adjété KOUASSIGAN,
Quelle est ma loi ?, Paris : Pédone, 1974, 310 p ; Jean-Paul MASSERON, Le pouvoir et la justice en Afrique
noire francophone et à Madagascar, Paris : 1966, 162 p ; Kéba MBAYE (dir.), Le droit de la famille en Afrique
noire et à Madagascar, Paris : Maisonneuve et Larose, 1968, 295 p.
17
Catherine COQUERY-VIDROVITCH, Afrique noire. Permanence et rupture, Paris : l’Harmattan, 1992, 450
p ; Catherine COQUERY-VIDROVITCH (dir.), L’Afrique occidentale au temps des Français : colonisateurs et
colonisés (1860-1960), Paris : la Découverte, 1992, 460 p ; DELAVIGNETTE Robert, L’Afrique noire française
et son destin, Paris : éd. Gallimard, 1992, 206 p. ; CHRETIEN Jean-Pierre et Jean-Louis TRIAUD (dir.),
Histoire d’Afrique : les enjeux de mémoire, Paris : Editions Karthala, 1999, 503 p. ; Catherine COQUERY-
VIDROVITCH, La découverte de l’Afrique. L’Afrique noire atlantique : des origines au XIIXe siècle, Paris :
l’Harmattan, 2003, 252 p.
18
Etienne DRIOTON, L’Egypte pharaonique, Paris : Librairie Armand Colin, 1959, 220 p ; Serge SAUNERON,
Les prêtres de l’Ancienne Egypte, Paris : éd. du Seuil, 1957, 186 p ; Marc-Antoine DE MONTCLOS, Le
Nigéria, Paris : Karthala, 1994, 323 p ; Nafi H. KURDI, L’Erythrée : une identité retrouvée, Paris : Karthala,
1994, 191 p ; Oumar KANE, La première hégémonie peule, Paris : Karthala et Presses Universitaire de Dakar,
1997, 670 p ; Philippe DAVID, Le Bénin, Paris : Karthala, 1998, 218 p. ; Blaise BAYILI, Religion, droit et
pouvoir du Burkina Faso, Paris : L’Harmattan, 1998, 479 p.
19
Cheikh ANTA-DIOP, l’Afrique noire pré-coloniale, Paris : Présence Africaine, 1960, 213 p ; Edward
EVANS-PRITCHARD, Anthropologie sociale, Paris : Payot, 1969, 177 p ; Henri LEVY-BRUHL, "L’ethnologie
juridique", in Ethnologie générale. Encyclopédie Pléiade, Paris : Gallimard, 1968, pp. 1111-1181 ; Edward
EVANS-PRITCHARD, Les Nuer, Paris : Gallimard, 1978, 336 p ; Edward EVANS-PRITCHARD,Sorcellerie,
oracles et magie chez les Azandé, Paris : Gallimard, 1972, 558 p ; Jacques MAQUET, Les civilisations noires,

10
Ce constat est d’une importance capitale, pour ne plus revenir sur une idée
négativement répandue, idée selon laquelle l’Afrique noire n’a pas d’histoire sous prétexte
qu’elle n’a pas connu l’écriture. L’inexistence supposée de cette écriture, encore discutable 20,
tient principalement du fait que le continent noir a connu, et continue toujours de connaître,
une tradition essentiellement basée sur l’oralité. Par conséquent, le droit coutumier africain est
un droit oral, et difficile d’accès pour un non initié, ou pour ceux qui ont tendance à raisonner
à partir des concepts occidentaux. Il est donc difficile de décrire les institutions africaines en
termes de vocabulaire européen ; et chercher à y retrouver une identité institutionnelle ou à
employer les méthodes des droits européens ne peut mener qu’à une déformation totale de la
conception africaine des choses.
L’avènement du droit pénal en Afrique francophone, et par conséquent d’un code
pénal, est "indétachable" de l’évolution historique du droit pénal en France.
L’adoption du nouveau code pénal français en 1992 (entré en vigueur du code pénal 1er
mars 1994), et les deux réformes importantes du code de procédure pénale en 1993 21, avaient
nourri l’espoir d’ "une pause législative"22. Mais la réalité en a été autre ; ces deux
événements majeurs ont ouvert la brèche à des réformes permanentes. Tant de textes ont,
depuis, modifié les infractions, les peines et les procédures.
La pause législative promise en début de chaque année, en France, ne le sera jamais,
puisque le très vaste chantier législatif ouvert par les codes pénaux dans la dernière décennie
du XXe siècle est apparemment une porte ouverte à une interminable suite de réformes.

Paris : Marabout Université, 1970, 256 p ; Marcel MAUSS, Manuel d’ethnographie, Paris : Payot, 1947, 211 p ;
Théophile OBENGA, Les Bantu, langues, peuples, civilisation, Paris : Présence Africaine, 1985, 376 p ; Anne
RETEL-LAURENTIN, Sorcellerie et ordalies en Afrique noire. Essai sur le concept de négritude, Paris :
Anthropos, 1974, 364 p.
20
Les fouilles de Siga/Takembrit, port de Mauritanie (Algérie de l’ouest), ont permis en 1937 à Pierre GRIMAL
de découvrir deux inscriptions libyques qui datent du VIIe-VIe siècle. On les lit grâce à l’alphabet connu en
Algérie orientale et en Tunisie. V. René REBUFFAT, "Les inscriptions libyques de Siga", in Antiquités
africaines n° 42, Paris : CNRS, 2006, p. 87.
Au Cameroun par exemple les Bamouns avaient une écriture depuis le sultan Njoya. Njoya fut le plus
grand monarque de la dynastie Bamoun. Désigné par Tsankou son père, comme hérité dès l'âge de 4 ans, c'est en
1895 qu'il monte sur le trône. Il est alors âgé de 21 ans. Personnage autoritaire ambitieux et imaginatif, il invente
une écriture dont l'alphabet est constitué de 80 idéogrammes. Il rédige "L'histoire des lois et des coutumes
Bamouns". Ecarté du pouvoir par l'administration française qui le juge trop indépendant, il est envoyé en exil à
Yaoundé en 1931 ou il meurt trois ans après.

21
V. Loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale, JO 5 janvier 1993, p. 215, et Loi n°
93-1013 du 24 août 1993 modifiant la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale, JO
25 août 1993, p. 11991.
22
Jean DANET, La justice pénale, le tournant, op. cit., p. 13.

11
Cependant, contrairement à la France, on assiste à un renoncement de l’arme pénale en
Afrique. Au Bénin, le code pénal actuel est le code Bouvenet 23, qui était en vigueur en France
en 1958 (avant l’indépendance d’août 1960) ; le code de procédure pénale toujours en vigueur
est issu d’une ordonnance24 n° 25 PR/MJL du 07 août 1967 portant code de procédure
pénale25. Ce code n’est qu’une inspiration du droit français en vigueur à cette époque.
Au niveau continental, il faut constater que certains pays ont fait semblant de se doter
de codes nationaux, en y apportant des modifications relativement peu importantes par rapport
aux codes en vigueur avant l’indépendance; ce que Etienne Le ROY a qualifié de
« mimétismes et de métissages »26.

IV - Subdivision du cours

Le droit pénal général a pour objet l’étude de la théorie générale de la responsabilité pénale :
conditions d’existence et conséquences de la responsabilité. Ce qui conduit à étudier les deux
grands principes fondamentaux de base que sont :

Première partie : L’infraction pénale

Deuxième : La peine

23
Pour avoir une idée, le code pénal en vigueur actuellement au Bénin est le code BOUVENET d’avant
l’indépendance. Nous rappelons qu’historiquement ce code date du 6 mai 1877.
24
L’ordonnance, il faut le rappeler, est, selon le "Lexique des termes juridiques", un « acte fait par le
Gouvernement, avec l’autorisation du Parlement, dans les matières qui sont du domaine de la loi… Avant sa
ratification par le Parlement, l’ordonnance a valeur de règlement… ». In Raymond GUILLIEN et Jean
VINCENT, Lexiques des termes juridiques, 16ème édition, Paris : Dalloz, 2007, p. 458.
25
En principe, le code de procédure pénale relève de la loi (art. 98 de la constitution). Mais en août 1967, le
Bénin était sous un régime militaire, celui du Général Christophe SOGLO, et le parlement avait été dissous  ; ce
qui explique le non ratification de cette ordonnance portant code de procédure pénale. Elle est restée, et demeure
aujourd’hui encore, un règlement.
26
Etienne LE ROY, Les Africains et l’institution de la justice. Entre mimétismes et métissages, Paris : Dalloz,
2004.

12
Première partie : L’infraction pénale

Les sociologues, comme les criminalistes, ont proposé de l’infraction des définitions
nombreuses, parfois très savantes. Elles ne sont pourtant pas bien satisfaisantes, car elles
s’inspirent souvent des tendances d’une école. C’est ainsi que pour l’école de la justice
absolue, l’infraction est « tout acte contraire à la morale et à la justice »27. Pour
GAROFALO, c’est « l’outrage fait, en tout temps et en tout pays, à un certain sentiment
moyen de probité et charité »28. Pour CARRARA, c’est « la violation d’une loi de l’Etat,
résultant d’un acte externe de l’homme qui ne se justifie pas par l’accomplissement d’un
devoir ou l’exercice d’un droit, et qui est frappé d’une peine »29.
Au plan de la logique juridique, c’est la définition objective paraît certainement la plus
exacte. L’infraction, le mot l’indique, consiste essentiellement dans la méconnaissance des
prescriptions légales. Elle est un « cas de figure », une situation juridique et matérielle
correspondant à une incrimination abstraite, générale et impersonnelle. L’ « élément moral »
de la responsabilité est une notion distincte ; elle ne concerne pas les faits, mais le délinquant
qui les a commis, et qui en subira les conséquences pénales30.
Toutefois, de même qu’il est abusif d’assimiler complètement les concepts d’infraction
et de volonté délictueuse, de même il serait excessif de perdre de vue que, si le délit est
punissable, c’est en tant que symptôme d’une pensée criminelle. L’élément moral, étranger à
la constitution morphologique de l’infraction, intervient à chaque instant comme facteur de
discussion dans la mise au point du régime juridique de l’infraction. Bien que le législateur ait
pris le parti d’une approche subjective de l’infraction 31, on s’en tiendra ici à la définition
objective sans cependant négliger son arrière-plan subjectif. Il paraît préférable de s’enfermer
dans ce cadre du droit pénal contemporain, et de définir très simplement l’infraction comme
« l’action ou l’omission, imputable à son auteur, prévue ou punie par la loi d’une sanction
pénale »32. En d’autres termes, c’est un fait interdit par la loi sous la menace d’une peine 33,
imputable à son auteur.
27
Pierre BOUZAT et Jean PINATEL, Traité de droit pénal et de criminologie, Paris : Dalloz, 1970, p. 129.
28
Ibidem.
29
Ibidem.
30
En faveur d’une existence objective de l’infraction, quelle que soit la responsabilité pénale de son auteur, il est
intéressant de se reporter à certaines décisions rendues en matière d’enfance délinquante : Civ. 2è, 9 juill. 1964,
D. , 1964. 641, Aix-en-Provence, 11 juill. 1968, GP, 1968.2.316. Cf. LEGEAIS, Une délinquance très juvénile.
A propos de l’arrêt de la cour d’Aix-en-Provence du 11 juill. 1968 sur l’aptitude des jeunes enfants à commettre
une infraction, Chron. D. 1969, p. 87.
31
V. Jacques LEROY, Droit pénal général, Paris : LGDJ, 2ème édition, 2007, n° 124.
32
Bernard BOULOC, Droit pénal général, Paris : Dalloz, 2007, n° 94.
33
Jean LARGUIER, Droit pénal général, Paris : Dalloz, 19ème édition, 2004, p. 12.

13
Cette définition met d’abord en exergue les différents éléments constitutifs de
l’infraction ; ensuite, elle permet de réfléchir sur les différentes sortes (classification) des
infractions, et enfin du délinquant et de sa responsabilité.

Titre I : Les éléments constitutifs de l’infraction


Titre II : La classification des infractions
Titre III : Le délinquant et la responsabilité pénale.

Titre I : Les éléments constitutifs de l’infraction


La responsabilité pénale ne s’attache qu’à un acte, défini et interdit par un texte et
accompli par une personne choisissant librement de le commettre. L’infraction suppose donc
la réunion de trois éléments constitutifs : l’élément légal, un texte décrivant et réprimant l’acte
interdit (chapitre 1), l’élément matériel, la description de l’acte interdit (chapitre 2) et
l’élément moral, relatif à l’état d’esprit de l’agent (chapitre 3).

14
A ces trois éléments traditionnels et classiques, certains auteurs 34 y ajoutent un autre :
l’acte devrait encore être contraire au droit, ce que la doctrine allemande appelle la
Rechtswidrigkeit-antigiuridicita (l’antijuridicité), et en France connue sous le nom de
l’élément injuste, résultant de l’absence de toute cause légale de justification. Or, toute
infraction est-elle en soi un fait antijuridique. « Mais comme un fait n’est antijuridique que
s’il est prohibé par la loi ou justifié par elle, en définitive, l’élément injuste se ramène à
l’élément légal et se confond avec lui »35.

Chapitre I : l’élément légal de l’infraction ou la légalité pénale


C’est le siège de l’infraction. De tous les principes consacrés par le droit criminel, le
plus important est sans doute celui de la légalité des délits et des peines, ou encore, selon son
expression latine, le principe nullum crimen nulla poena sine lege. L’article 4 du code pénal
béninois: « Nulle contravention, nul délit, nul crime ne peuvent être punis de peines qui
n’étaient pas prononcées par la loi avant qu’ils fussent commis » ;

34
Par exemple Jean LARGUIER, Philippe CONTE, Patrick MAISTRE du CHAMBON, Droit pénal général,
Paris : Dalloz, 2008, p. 12 : « L’infraction suppose la réunion de quatre éléments constitutifs : l’élément légal,
l’élément matériel, l’élément moral, l’élément injuste ».
35
Bernard BOULOC, op. cit., n° 210.

15
Ce principe a d’abord a été consacré par la Déclaration des droits de l’homme et du
citoyen de 1789 (art.8). Il est repris dans le Pacte des Nations Unies relatifs aux droits civils et
politiques (art. 15), dans la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (art. 6), puis
dans la loi n°90-032 du 11 décembre 1990 portant constitution de la République du Bénin
(art. 17-2 principalement). Le principe de la légalité criminelle est donc fondamental.
En ouvrant effectivement le code pénal béninois, on découvre à l’article 295 que
« l’homicide commis volontairement est qualifié de meurtre », ou encore à l’article 379 « le
vol est la soustraction frauduleuse de la chose d’autrui ». Ces conduites délibérées36 d’une
personne, consistant à « ôter la vie » à son prochain ou à « s’approprier un bien appartenant à
autrui » contre le gré du propriétaire sont décrits dans un texte légal, tant dans leur matérialité
que dans la psychologie de leurs auteurs. On dit que ces actes sont incriminés dans l’article
295 (pour le premier) et 379 (pour le second) du code pénal. S’ils ne l’étaient pas, aucune
poursuite pénale ne pourrait être engagée. L’incrimination exprime le rattachement de l’acte à
la loi. C’est, d’après le Vocabulaire juridique Henri CAPITANT, « une mesure de politique
criminelle consistant pour l’autorité compétente (en principe le pouvoir législatif) à ériger un
comportement déterminé (non pas nécessairement en crime) mais en infraction, en
déterminant les éléments constitutifs de celle-ci et la peine applicable »37. 
L’incrimination a une existence légale et est donc un préalable à l’acte commis ; il a
pour fondement le principe de la légalité criminelle.
L’expression « légalité des délits et des peines » pourrait laisser croire qu’en matière
pénale le principe ne concerne que les lois de fond et qu’il est sans application dans le
domaine procédural. Or, de cette impression, sont responsables à la fois le législateur
napoléonien qui n’avait exprimé le principe que dans le code pénal de 1810 et son article 4, et
la doctrine pénaliste qui, jusqu’à une époque récente, n’examinait le principe que dans le strict
domaine du droit pénal proprement dit. Mais cette conception et trop étroite et il importe de
restituer au principe de légalité criminelle sa véritable signification en matière criminelle, en
rappelant dès maintenant qu’il couvre également tout le domaine de la procédure répressive38.
Il convient de donner des indications plus approfondies sur les sources du droit pénal
(section I), puis de préciser le sens du principe « nullum crimen, nulla poena sine lege »
(section II).

36
Ce sont encore là la manifestation de la conception subjective du législateur ; mais elle importe peu dans le
développement.
37
Gérard CORNU, Vocabulaire juridique, Paris : PUF, 8ème édition, 2007, p. 480.
38
Cette conception large du principe a été exprimée dès 1959 par le professeur LEVASSEUR, Une révolution en
droit pénal, le nouveau régime des contraventions, D., 1959, chron., 121 et s.

16
Section I : Les sources du droit pénal
La norme pénale doit être écrite. La coutume, sauf exception légale39, ne joue donc
qu’un rôle marginal en matière pénale et ne saurait en tout état de cause créer des infractions
ou des peines. D’une façon générale, l’élément légal nécessaire à l’existence de l’infraction
est un texte de loi au sens large de ce terme par opposition à une décision de justice.
Les sources écrites du droit pénal sont essentiellement internes, nationales, puisque le
droit de punir reste l’un des attributs de la souveraineté. L’article 98 de la loi n° 90-32 du 11
décembre 199à portant constitution de la République du Bénin ayant procédé à un partage de
compétence entre la loi et le règlement, il existe deux sources internes du droit pénal,
complémentaires, la loi gardant une place principale puisqu’elle reste seule compétente pour
déterminer les infractions les plus graves. Cette compétence exclusive de la loi et du
règlement est particulièrement vraie s’agissant des sanctions pénales. Toutefois, s’agissant des
incriminations, ou plus exactement des obligations dont la violation est sanctionnée, il
convient d’ajouter à ces sources internes les textes internationaux. La règle écrite peut donc
revêtir trois formes : la loi, le règlement et les textes de droit international.

Section II : Le sens du principe « nullum crimen, nulla poena sine lege »
Principe cardinal du droit pénal, ce qui permet de mettre en lumière l’étude de ses
justifications (§1), on devrait s’attendre à ce que le principe rayonne particulièrement fort sur
toute la matière répressive. L’étude de sa portée (§ 2) ne confirme que partiellement cette
idée. En effet, de plus en plus, le principe de la légalité connaît un incontestable déclin (§ 3).

§ 1 : La justification du principe de légalité

39
Parfois, la loi renvoie elle-même à la coutume. A titre d’exemple, l’article 1er du décret-loi du 23 octobre 1935
sur le maintien de l’ordre public soumet à déclaration préalable toute manifestation sur la voie publique mais
dispense de cette formalité les sorties sur la voie publique conformes aux usages locaux. De même, l’article 521-
1 du nouveau code pénal français qui réprime les sévices graves et les actes de cruauté envers les animaux
prévoit qu’il n’est pas applicable aux courses de taureaux ou aux combats de coqs lorsqu’il peut être établi
qu’existe une tradition locale ininterrompue. Dans ce cas, les juges de fond apprécient souverainement
l’existence d’une coutume locale et ne sont notamment pas liés par une décision de l’autorité administrative
(Crim. 16 septembre 1997, Bull. crim. n°295). Les usages jouent alors un rôle de fait justificatif, mais
uniquement parce que la loi le prévoit.

17
Aujourd’hui, le principe de la légalité des délits et des peines est affirmé à différents
niveaux : les constitutions40, les traités internationaux41, par les lois au travers des codes
pénaux42. Traditionnellement, trois arguments militent en faveur du principe de la légalité.
Le principe se justifie d’abord sur l’intérêt des individus 43. Le principe de la légalité
procède de l’affirmation selon laquelle l’homme possède naturellement des droits. Il est libre
et, s’il concède une part de cette liberté à la société, cette part doit être clairement et
précisément définie. Il n’y aurait pour eux ni tranquillité, ni liberté s’il pouvait être puni pour
des faits dont il ne connaissait pas d’avance le caractère punissable, par des peines dont il ne
pouvait davantage mesurer la gravité44.
Le principe se justifie de plus par l’intérêt de la société : l’indication dans la loi des
infractions, avec les peines qui les sanctionnent, est de nature à faire réfléchir ceux qui
auraient la tentation de les commettre, beaucoup plus que ne le feraient une infraction et une
peine hypothétiques que le juge aurait pouvoir d’établir ou d’écarter. Il exerce donc une
fonction intimidante en plaçant le délinquant potentiel devant ses responsabilités. Ainsi
constitue-t-il un rempart contre l’arbitraire du juge.
Au-delà, le principe de légalité des délits et des peines est l’application au droit
criminel du principe général de légalité, fondement de l’Etat de droit, qui exige que les
pouvoirs des autorités publiques soient définis par la loi : là réside le principe de la séparation
des pouvoirs. Le pouvoir d’incriminer est un attribut de la souveraineté. Dès lors, il appartient
au pouvoir législatif, et non aux pouvoirs exécutif et judiciaire, le soin de définir les
infractions et les peines. Seul le législateur, représentant le peuple et investi de la légitimité
populaire, doit déterminer les infractions et peut par conséquent limiter les libertés
individuelles.

§ 2 : La portée du principe


40
Art. 17-2 de la constitution béninoise du 11 décembre 1990 ; le préambule de la constitution française du 4
octobre 1958  procédant à un renvoi aux droits garantis par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de
1789 (art. 8 DDHC), le principe de légalité qui y figure est donc une règle de valeur constitutionnelle.
41
Les grands textes internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels le Bénin et la France ont adhéré : la
Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, le Pacte international relatif aux droits civils et politique
de 1966. Dans les cadres régionaux : la Convention européenne des droits de l’homme de 1950, dont l’article 7 §
1er, dispose que « nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été
commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou international. De même, il n’est infligé
aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise » ; la Charte
africaine des droits de l’homme de 1981 (art. 7-2), dont l’ensemble des droits et devoirs font partie intégrante du
droit positif béninois (art. 7 de la constitution béninoise).
42
Au niveau législatif, le principe de la légalité criminelle est affirmé à l’article 4 du code pénal béninois, tandis
que dans le nouveau code pénal français, il est contenu dans deux articles. L’article 111-2 posant la règle de
manière positive, et l’article 111-3 énonçant le principe d’une manière plus classiquement négative.
43
Pierre BOUZAT et Jean PINATEL, op. cit., p. 144.
44
Ibidem.

18
Eu égard à l’importance politique du principe de légalité, sa portée devrait être
particulièrement grande. Si l’examen du domaine du principe (I) semble confirmer cette
hypothèse, celui de ses conséquences (II) s’avère décevant.

I – Le domaine du principe de la légalité

Le principe de la légalité s’impose à la fois au législateur et au juge. Au premier seul,


il confère le pouvoir d’établir les règles générales applicables à l’ensemble du domaine
répressif ; au second, il confie le soin d’assurer l’application concrète de ces règles dans le
respect de la volonté légale.

A : Nullum crimen sine lege : pas d’infraction sans texte.


Le principe de la légalité s’applique d’abord à la définition des infractions. La règle
appelle trois séries de précisions.
Tout d’abord le législateur a compétence pour incriminer. Le principe de la légalité
des incriminations donne au législateur le droit d’établir les normes pénales et procédurales ;
il lui confère donc un monopole comme source du droit criminel. Ainsi le juge ne peut-il créer
des infractions nouvelles, pas plus qu’il ne peut refuser d’appliquer celles qui existent au
motif de leur désuétude (la désuétude n’étant pas une cause d’extinction de la loi).
Ensuite, seuls les comportements incriminés sont susceptibles de sanction pénale.
Ceux qui ne font l’objet d’aucune incrimination échappent à la répression quel que soit, par
ailleurs, leur caractère moralement choquant. Par exemple le suicide n’est pas incriminé en
tant que tel (en revanche l’article 223-13 du code pénal français érige en infraction la
provocation au suicide et l’article 223-14 sanctionne la publicité en faveur d’objets, de
produits ou de méthodes mortifères). De même, le mensonge ne constitue pas, en lui-même,
une infraction pénale (sauf dans certains cas particuliers où il existe une incrimination : faux
témoignage, faux serment, faux). C’est pourquoi il est parfois nécessaire de créer de nouvelles
incriminations afin d’appréhender des formes de délinquances jusqu’alors impunies.
Enfin, le principe de la légalité des incriminations concerne toutes les infractions,
quelle que soit leur nature (infraction de droit commun, politiques ou militaires) ou quelle que
soit leur gravité (crimes, délits, contraventions).

B : Nulla poena sine lege : pas de peine sans texte.


Le principe de la légalité s’applique ensuite à la définition des sanctions. Il ne peut pas
y avoir de sanctions autres que celles prévues et déterminées par la loi. La règle intéresse la
protection des libertés individuelles. La loi doit avertir avant de « frapper » ; c’est-à-dire

19
l’individu doit savoir, avant d’agir, à quelles sanctions il s’expose. En outre la peine indiquée
le renseigne sur l’importance, pour la société, de la valeur protégée par l’incrimination.
Appliqué aux sanctions, le principe de la légalité englobe à la fois les peines et les mesures de
sûreté.
Il suffit enfin d’ajouter que le principe de la légalité s’applique aussi à la procédure
pénale et à l’exécution des condamnations pour se convaincre que le domaine du principe est
fort large. Ce constat est, somme toute, très rassurant dans la mesure où l’exigence légaliste
est protectrices des libertés individuelles. Sous ce rapport, l’étude des conséquences de la
légalité s’avère, toutefois, décevante.

II : Les conséquences du principe de la légalité

Appliqué au droit pénal, le principe de légalité signifie avant tout qu’un texte est exigé
pour définir en des termes généraux et par avance l’incrimination et la sanction encourue. Le
principe de la légalité criminelle s’adresse donc en premier au législateur (A), chargé de la
« production » des textes pénaux. Mais il s’adresse également au juge (B), appelé à appliquer
la loi pénale.

A : Les conséquences du principe de la légalité criminelle pour le législateur


Le principe de la légalité impose au législateur d’exercer effectivement son pouvoir
créateur da la norme. Il fait naître en lui une obligation et une interdiction. L’obligation est
celle de légiférer des textes précis (1) ; l’interdiction concerne l’adoption de textes rétroactifs
(2).

1 - L’exigence de précision
Les définitions trop vagues d’infractions pénales sont dangereuses pour la liberté
individuelle car on peut y faire entrer de trop nombreux comportements, au gré de l’arbitraire
des juges. Le principe de légalité exige donc que l’infraction soit définie d’une manière
relativement claire et précise, définissant nettement les incriminations et indiquant sans
erreurs possibles les peines applicables. Sinon, à quoi servirait d’affirmer la légalité des délits
et des peines si, par des formules vagues, les rédacteurs de la loi ouvraient la porte à un
arbitraire judiciaire qu’on prétend empêcher ?
Dans un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, il résulte du principe de
légalité des délits et des peines « qu’une infraction doit être clairement définie par la loi,
condition qui se trouve remplie lorsque l’individu peut savoir, à partir du libellé de la clause

20
pertinente et, au besoin, à l’aide de son interprétation par les tribunaux, quels actes et
omissions engagent la responsabilité pénale »45.
Les incriminations trop larges violent alors le principe de légalité au même titre que
l’absence d’un texte, puisqu’aucune garantie n’est ménagée et que la possibilité d’arbitraire
demeure entière. L’histoire a connu des exemples de dispositions rédigées de manière
tellement générale qu’elles permettaient de poursuivre toute personne ne se situant pas dans la
ligne officielle. Ainsi, une loi de Vichy du 7 septembre 1941 donnait compétence au Tribunal
d’Etat pour juger tout acte de nature à troubler l’ordre, la paix intérieure, la tranquillité
publique « ou d’une manière générale à nuire au peuple français ». Plus récemment encore,
l’article 82 de l’ancien code pénal français punissait « quiconque, en temps de guerre,
accomplira sciemment un acte de nature à nuire à la défense nationale non prévu et réprimé
par un autre texte ».
Ces exemples sont bien entendus extrêmes. Mais le législateur, lorsqu’il utilise des
termes vagues qu’il omet de définir, encourt le même grief d’imprécision.
Reste qu’il n’est pas toujours possible d’indiquer à l’avance avec précision tous les
détails d’une activité criminelle. Le texte doit alors énoncer clairement quel est le résultat
sanctionné. Au demeurant le recours aux formules telles que « toutes infractions aux
dispositions de la présente loi » est interdit car il ne permet aucune définition précise de
l’infraction46, mais aussi n’est pas conforme aux normes internationales, notamment sur le
terrain des droits de l’homme.

2 - L’interdiction des textes rétroactifs


Le principe de non-rétroactivité de la loi pénale, découlant de l’interprétation de
l’article 4 du code pénal béninois, n’est en réalité que la reprise, en matière répressive, de
l’article 2 du code civil. Elle figure aussi dans plusieurs instruments internationaux relatifs
aux droits de l’homme. Encore faut-il préciser sa signification (a) et sa portée (b).

a : La signification du principe de non-rétroactivité

Une loi ne peut, à l’évidence, que régir l’avenir, car on voit mal comment il serait
possible de punir quelqu’un pour le non-respect d’un texte inexistant 47. Toutefois, la question
n’est pas simple et ne saurait être cernée en des termes aussi simples. Il existe souvent une loi,
qu’une nouvelle vient modifier ; laquelle des deux lois faut-il appliquer ?
45
Arrêt du 25 mai 1993, Kokkinankis c/Grèce, Série A, n° 269 ; arrêt du 15 novembre 1996, Cantoni c/ France,
Rec. 1996-V, n° 20.
46
Crim., 1er février. 1990, RSC 1991, p. 556, obs. VITU.
47
Bernard BOULOC, Droit pénal général, Paris : Dalloz, 20ème édition, 2007, n° 144.

21
Par ailleurs, un Béninois expatrié commet un acte à l’extérieur (par exemple il
fabrique et écoule de faux billets CFA). Faut-il le juger d’après la loi de du lieu où il se
trouve, qui est indifférente à la fausse monnaie béninois, ou d’après la loi béninoise qu’il n’a
pas méconnue, en ce sens qu’il n’a pas accompli aucun acte sur le sol béninois ?
A première vue chaque loi doit être appliquée sur le territoire sur lequel l’autorité qui
l’a édictée est souveraine. Mais il importe aussi de tenir compte de certains intérêts relatifs à
son application dans le temps (α) et dans l’espace (β).

α : Le champ d’application de la loi pénale dans le temps


La norme pénale produit ses effets pendant tout le temps durant lequel elle sera en
vigueur. Elle réprime donc principalement les faits qui sont commis pendant qu’elle est
applicable, postérieurement à son entrée en vigueur. Plus spécifiquement, le principe de non-
rétroactivité de la loi pénale signifie que l’on ne peut être ni poursuivi, ni condamné pour des
faits qui ne sont devenus répréhensibles qu’après leur commission. Il s’agit bel et bien d’une
conséquence du principe de la légalité criminelle puisqu’au moment de la commission des
faits, aucune loi ne les érigeait en infraction pénale. Et si l’on appliquait rétroactivement la loi
nouvelle, l’individu n’aurait pas reçu, avant d’agir, l’avertissement du droit. En outre, la loi
pénale perdrait toute objectivité, puisque les personnes auxquelles le texte nouveau aurait
vocation à s’appliquer seraient déjà connues. Encore faut-il pour mettre en œuvre le principe
de non-rétroactivité, situer dans le temps la date d’entrée en vigueur du texte nouveau et la
date de l’infraction.
S’agissant de la date d’entrée en vigueur du texte nouveau, en l’absence de précision,
le texte pénal entre en vigueur en France un jour franc, c’est-à-dire après l’écoulement d’un
jour entier de 0 à 24 heures, après l’arrivée du Journal officiel au chef-lieu d’arrondissement.
Le texte pénal peut fixer lui-même sa date d’entrée en vigueur, comme cela a été pour le
nouveau code pénal. Quant aux règlements qui ne sont pas publiés au Journal officiel (arrêté
municipal, par exemple) ils entrent en vigueur lorsqu’ils ont reçu une publicité suffisante
(affichage en mairie).
La loi pénale a vocation à s’appliquer à titre principal aux faits commis après son
entrée en vigueur.
La question de date de l’infraction est plus délicate. En principe, la date de l’infraction,
c’est la date de sa consommation. L’application de ce principe soulève cependant des
difficultés dans trois cas. En cas de tentative, la date de l’infraction est celle du
commencement d’exécution. En cas d’infraction continue, il suffit que le comportement

22
délictueux se soit poursuivi, fût-ce un instant, sous l’empire de la loi nouvelle pour que celle-
ci soit applicable. En cas d’infraction d’habitude, on admet que la réalisation d’un seul acte
d’habitude suffit sous l’empire de la loi nouvelle suffit à rendre cette loi applicable, dès lors
que d’autres actes d’habitude ont été accomplis sous l’empire de la loi ancienne.

β : Le champ d’application de la loi pénale dans l’espace

Le droit pénal béninois s’applique bien entendu aux infractions commises sur le
territoire béninois. Mais une infraction peut comporter des éléments d’extranéité, c’est-à-dire
que d’autres Etats sont concernés : les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, ou
encore deux étudiants béninois et italiens, en excursion, commettent des dégradations sur un
campus américain puis rentre en France leur pays de résidence, avant que le forfait ne soit
découvert ; etc.
Les délinquants ne connaissent pas de frontière. La criminalité internationale présente
par ailleurs d’importants enjeux. Lorsqu’une infraction est commise à l’étranger, le droit
pénal béninois peut-il s’appliquer ? Si l’ordre public béninois ne semble pas perturbé outre
mesure, l’infraction peut toutefois porter atteinte aux intérêts de l’Etat, voire à ceux de la
communauté internationale dans son ensemble. Selon celui-ci, plusieurs systèmes (quatre)
sont théoriquement envisageables48, mais ils font l’objet de cours spécifiques, notamment le
droit pénal international, ou le droit international pénal; c’est pourquoi la portée du principe
de non –rétroactivité de la loi pénale ne sera étudiée que dans le temps.

b : La portée du principe de non-rétroactivité en matière pénale

Seul le législateur peut déclarer une loi nouvelle rétroactive 49. En principe, la loi
nouvelle n’est pas applicable aux situations en cours, pour la simple raison que les faits ont
été commis antérieurement à son entrée en vigueur. Mais le principe de non-rétroactivité est
assorti, s’agissant des situations en cours, de plusieurs exceptions. Elles concernent les lois
interprétatives, les lois de forme et les lois pénales de fond plus douces.
Les lois interprétatives viennent clarifier le sens d’une loi antérieure obscure. Ces lois
entrent en vigueur au jour de la loi qu’elles interprètent. Mais elles rétroagiront et
48
Le système de la territorialité (compétence territoriale de la loi pénale), le système de la personnalité
(compétence personnelle de la loi pénale), le système de la réalité (compétence réelle de la loi pénale) et le
système de l’universalité (compétence universelle de la loi pénale).
49
Voir par exemple l’article 17 de la loi du 3 janvier 1967, sur les ventes d’immeubles à construire.

23
s’appliqueront aux faits commis antérieurement, à condition toutefois qu’ils n’aient pas
encore été définitivement jugés.
Les lois qui ne modifient ni les caractéristiques de l’infraction, ni la responsabilité de
l’auteur, ni la fixation de la peine, mais qui sont relatives à la constatation et à la poursuite des
infractions, à la compétence et à la procédure, sont considérées comme les lois pénales de
forme. Leur rétroactivité n’est qu’exceptionnelle. Elles s’appliquent immédiatement, même
aux faits commis antérieurement à leur entrée en vigueur. L’application immédiate des lois
pénales de forme aux affaires en cours est justifiée par une présomption : on présume que les
lois nouvelles de forme ne nuisent pas au délinquant puisqu’elles ne modifient ni sa
responsabilité, ni le quantum de la peine. De telles lois ont pour but, en principe, d’améliorer
l’administration de la justice. A cet effet, les lois nouvelles concernant l’organisation
judiciaire et la compétence régissent le jugement, non seulement des infractions commises
après leur entrée en vigueur, mais aussi des infractions commises antérieurement, qui n’ont
pas encore été poursuivies ou qui même le sont déjà, à la condition qu’il n’existe pas un texte
qui écarte expressément l’application immédiate de ces lois nouvelles, et en l’absence d’un tel
texte, qu’une décision sur le fond ne soit pas déjà intervenue50.
De même, les lois nouvelles de procédure, qui sont relatives au déroulement du procès
pénal, s’appliquent à la poursuite et au jugement des infractions commises avant leur entrée
en vigueur, même si l’instance est déjà engagée lors de leur entrée en vigueur, pourvu qu’une
décision définitive n’ait pas encore été rendue. Ainsi la jurisprudence a déclaré applicable aux
instructions déjà ouvertes, au moment de son entrée en vigueur, la loi du 8 décembre 1897,
qui a modifié l’instruction préparatoire51.
Reste que certaines lois nouvelles de forme peuvent être défavorables au délinquant. Il
en est ainsi, par exemple, des lois qui suppriment une voie de recours, ou qui modifient le
délai d’exercice. C’est pourquoi de telles lois ne s’appliquent pas aux recours formés contre
les décisions prononcées avant leur entrée en vigueur.
La même difficulté peut se rencontrer avec les lois relatives à la prescription. Les lois
nouvelles relatives à la prescription de l’action publique ont été pendant longtemps assimilées
par la jurisprudence à des lois de fond. En conséquence, elle ne les appliquait aux infractions
commises avant leur entrée en vigueur que lorsqu’elles étaient plus douces, par exemple,
abrégeaient le délai de la prescription52.

50
Crim., 20 juin 1946, D. 1946, 360 ; 19 janv. 1960, Bull. n° 29, p. 57 ; crim. 29 mai 1975, JCP 1976.II.18292,
note E. ROBERT.
51
Crim. 8 déc. 1899. S. 1902.1.101.
52
Crim. 21 déc. 1907, S. 1909.I.413.

24
Depuis 1930, la Chambre criminelle a considéré que les lois de prescription de l’action
publique comme des lois de forme, puisqu’elle les a déclaré applicables aux infractions
commises avant leur promulgation sans distinguer si elles abrègent ou allongent le délai de la
prescription53. En revanche, mais seulement, en ce qui concerne la prescription de la peine,
elle avait décidé qu’il faut s’en tenir à la loi en vigueur au moment où la prescription a
commencé à courir, car l’application d’une loi nouvelle supprimant la prescription ou
allongeant le délai, aurait pour effet d’aggraver la répression54.
La loi nouvelle qui allonge la durée de la prescription de l’action publique ou de la
peine est défavorable au délinquant. C’est pourquoi le nouveau code pénal français dans
l’article 112-2-4° adopte une solution plus claire et radicale : la loi nouvelle ne peut remettre
en cause les prescriptions (de l’action publique ou de la peine) acquises avant son entrée en
vigueur.
Si une loi nouvelle relative à la prescription de l’action publique, favorable au
prévenu, s’applique immédiatement, même aux infractions commises avant se promulgation,
c’est à condition que la prescription ne soit pas déjà réalisée, lors de l’entrée en vigueur de
cette loi nouvelle. Lorsque l’action publique est éteinte par le prescription, le délinquant a un
droit acquis à ne plus être poursuivi et la loi nouvelle qui allonge le délai de la prescription est
impuissante à lui retirer ce droit55.
Pour les lois pénales de fond, lois qui déterminent les incriminations et les peines qui
leur sont applicables ainsi que les conditions de la responsabilité, elles s’appliquent aux faits
commis avant leur entrée en vigueur lorsque les dispositions sont plus douces que celles de la
loi ancienne. On parle de rétroactivité in mitius (mitius : plus doux). En conséquence, une loi
pénale qui crée une incrimination nouvelle, ou qui élève la peine applicable à une infraction
antérieurement définie ne s’applique pas aux faits accomplis avant on entrée en vigueur. Tel
est le cas de la loi du 26 juillet 1873 (art. 313-5 du code pénal) qui a puni le fait de se faire
servir des boissons ou des aliments en sachant qu’on est dans l’impossibilité absolue de payer
(filouterie d’aliment), fait qui jusqu’alors n’était pas punissable, n’a pu être appliquée à des
faits de ce genre commis avant l’entrée en vigueur de la loi.
Pour comparer la sévérité des lois en conflit, on distingue habituellement entre les lois
d’incrimination et les lois de pénalité.
S’agissant des lois d’incrimination, est plus douce la loi qui supprime une infraction,
celle qui supprime l’incrimination de la tentative, celle qui correctionnalise un crime, ou qui
53
Crim. 16 mai 1931, Gaz. Pal., 1931.2.178.
54
Crim. 26 déc. 1956, D. 1957.126, note P. A. V.
55
Crim. 28 mai 1974, Bull. n° 202, obs. LARGUIER, RSC, 1976. 94.

25
contraventionnalise un délit, celle qui supprime une circonstance aggravante ou encore celle
qui admet une nouvelle impunité.
S’agissant des lois de pénalités, est plus douce la loi qui supprime une peine, celle qui
substitue une peine correctionnelle à une peine criminelle, ou une peine contraventionnelle à
une peine correctionnelle, ou encore celle qui, entre deux peines de même nature, abaisse la
durée de l’emprisonnement ou le montant de l’amende ; c’est aussi, et plus généralement,
dans le régime des fourchettes des peines, celle qui abaisse le maximum en ne modifiant pas
le minimum, ou qui abaisse à la fois et le minimum et le maximum de la peine. Il va de soi
que ces énumérations ne sont pas limitatives.
Que décider lorsqu’une loi nouvelle contient certaines dispositions plus douces et
d’autres plus sévères ? Ainsi, par exemple, en France une loi du 2 septembre 1941 a
transformé l’infanticide en délit - par là, elle était plus douce que la loi précédente qui le
qualifiait de crime - mais a interdit au juge de relever des circonstances atténuantes – par là,
elle était plus sévère que le texte ancien. Dans une telle hypothèse, on admet généralement
qu’il faut faire une application distributive des dispositions de la loi nouvelle, du moins
lorsque celles-ci sont divisibles. Ainsi, les dispositions nouvelles plus douces seront
d’application immédiate, alors que les dispositions plus sévères ne rétroagiront pas. En
revanche si les dispositions de la loi nouvelle forme un tout indissociable, il semble qu’il
faille apprécier la sévérité globale de la loi nouvelle56.
Enfin, lorsqu’une affaire est définitivement jugée, la loi nouvelle de fond plus douce
ne peut pas, en principe, être appliquée car ce serait remettre en cause à la fois le principe de
non-rétroactivité et l’autorité de la chose jugée qui s’attache aux décisions de justice.
Pourtant, le nouveau code pénal français de 1994 a institué deux dérogations à ce principe.
D’une part, lorsque la loi nouvelle supprime une incrimination, l’article 112-4 prévoit que les
peines antérieurement prononcées à raison de l’incrimination abrogée cessent de recevoir
application. D’autre part, lorsque la loi nouvelle modifie le régime d’exécution d’une peine ou
d’une mesure de sûreté, cette loi s’applique immédiatement à tous les condamnés qui sont en
cours d’exécution de la peine ou de la mesure de sûreté modifiées. Ils l’exécuteront pour
l’avenir dans les conditions fixées par la loi nouvelle.
Telles sont les conséquences qu’engendre le principe de la légalité pour le législateur.
Il convient de l’aborder à l’égard du juge.

B : Les conséquences du principe de la légalité pour le juge

56
Crim. 5 juin 1971, RSC 1972, 97, obs. LEGAL.

26
C’est pour le juge répressif que le principe de la légalité criminelle comporte les
conséquences les plus importantes. Outre la qualification des faits, le principe de la légalité
impose au juge deux obligations principales : il doit respecter la loi (1) et ne doit pas
l’interpréter (2)

1 - L’obligation de respecter la loi


« Le juge est la bouche qui prononce les paroles de la loi », prônaient les philosophes
des lumières (Montesquieu notamment). Notre droit n’y a pas été insensible. Il a fait place à
cette idée. S’agissant des incriminations, le juge est tenu par l’exacte qualification des faits
poursuivis, c’est-à-dire de rechercher quel texte leur est applicable. Il ne peut pas relever
d’infraction là où la loi ne prévoit pas. Quand il prononce une peine, le juge doit, dans sa
décision de condamnation, constater l’existence d’un texte répressif antérieur aux faits
poursuivis, et vérifier que sont réunis les éléments constitutifs exigés par la loi pour que le fait
poursuivi soit punissable. Mais la dépendance des juges à la loi est à peine moins forte aussi
bien dans le code pénal béninois que le code pénal français. Le code pénal béninois prévoit,
pour la plupart des infractions (crimes, délits, contraventions) des fourchettes (un minimum
et un maximum), donnant ainsi une liberté au juge dans le choix de la sanction qui doit être
strictement comprise dans la fourchette indiquée. En France, pour les délits et les
contraventions, le code pénal de 1994 a supprimé les minima, ce qui donne aussi au juge une
plus grande liberté dans le choix de la peine. Le résultat est donc le même.
Reste que, pour l’essentiel, le juge pénal reste strictement soumis à la loi. Mais il ne servirait à
rien de soumettre le juge aux textes si on lui permettait dans le même temps, de les interpréter.
C’est pourquoi la soumission du juge à la loi est renforcée par la restriction de ses pouvoirs
d’interprétation.

2 - L’interprétation stricte de la loi pénale


La règle « nullum crimen, nulla poena sine lege » comporte un corollaire traditionnel,
à savoir qu’en droit pénal l’interprétation doit être stricte, non extensive. Interpréter un texte,
c’est en rechercher le sens pour en faire une application exacte, correcte. Si le juge disposait
d’une liberté pour interpréter les textes pénaux, la certitude de la répression serait illusoire,
puisqu’il serait par exemple possible de condamner une personne pour des comportements qui
sembleraient a priori échapper à la répression. Une loi de 1935 de l’Allemagne national-
socialiste donnait par exemple aux juges la possibilité de recourir à « l’instinct sain du

27
peuple » pour interpréter les textes. Le principe de la légalité criminelle interdit au juge
d’étendre par voie interprétative, les textes à des cas que ceux-ci n’ont pas prévus.
Mais les termes de la loi sont souvent généraux, parfois, le législateur reste vague,
imprécis ou utilise des termes susceptibles de plusieurs interprétations. Parfois encore, le texte
comporte des lacunes, des insuffisances, voire des contradictions. Le juge, amené à appliquer
les textes à des cas concrets, doit alors interpréter des notions pour en préciser le sens.
La méthode d’interprétation exclue l’interprétation analogique. Il s’agit d’une
interprétation extensive qui consiste à étendre le texte pénal à des faits non mentionnés par le
texte mais voisins de ceux qui y sont mentionnés est exclue en matière pénale. S’il s’avère
qu’un texte ne permet pas de poursuivre certains comportements, le juge ne doit pas réprimer,
particulièrement si la loi procède à une énumération limitative.
Seul le législateur pourra, le cas échéant, modifier la rédaction de l’infraction ou en
créer une nouvelle pour pallier cette carence. La Cour de cassation rappelle ainsi parfois au
juge répressif qu’il lui est interdit de procéder « par extension, analogie, ou induction ». Ainsi,
avant l’incrimination du délit de la filouterie d’aliments, le fait de se faire servir un repas en
se sachant pas dans l’impossibilité de le payer n’était pas punissable. On ne pouvait retenir ni
le vol (les aliments ne sont pas soustraits mais remis), ni d’escroquerie (le délinquant n’utilise
aucune manœuvre frauduleuse), ni l’abus de confiance (la chose remise n’avait pas vocation à
être restituée). Et le juge ne pouvait élargir le domaine des incriminations existantes en
raisonnant par analogie. Il a donc fallu recourir à des incriminations spéciales (art. 313-5 code
pénal).
En revanche, les règles favorables au délinquant, celles dont l’élargissement ne
constitue pas une menace pour sa liberté, peuvent être interprétée. Le juge peut alors raisonner
par analogie in favorem. Ainsi le juge béninois peut admettre que la légitime défense pouvait
s’appliquer à des contraventions alors qu’elle n’est expressément prévue par le code pénal en
vigueur au Bénin (art. 327), que pour les crimes et délits.
L’interdiction d’interpréter des règles défavorables au délinquant est une obligation pour le
juge, alors que l’interprétation des règles favorables n’est pour lui qu’une faculté.
L’esprit de l’interprétation pénale retenue est celle « stricte ». En présence d’un texte
clair, le juge ne dispose d’aucun pouvoir d’interprétation. Il doit appliquer le texte sans
chercher ni à l’étendre ni à le restreindre. Pour autant, le juge ne s’est jamais enfermé dans un
littéralisme étroit. Ainsi, il peut faire évoluer les incriminations pour les adapter aux réalités
actuelles. Il utilise pour cela le raisonnement téléologique : lorsqu’il interprète un texte, le
juge pénal doit prendre en considération le but suivi par l’autorité qui a édicté la règle, sa

28
motivation, sa volonté. C’est ainsi que la jurisprudence a été amenée à appliquer la
qualification de vol aux détournements de courant électrique, alors que le code pénal de 1810
ne le prévoyait pas. Le juge ne fait donc que compléter le législateur, il ne s’y substitue pas.
Aussi, en présence d’un texte obscur, le juge ne peut refuser de statuer. Il se rendrait
coupable de déni de justice (art. 4 code civil). Il doit donc s’efforcer de deviner le sens du
texte, notamment à l’aide des travaux préparatoires et des réponses ministérielles qui lui
permettront de découvrir l’intention du législateur. S’il ne parvient pas à éclaircir le sens du
texte, le juge ne peut condamner sur le fondement de ce texte. Il doit relaxer ou acquitter le
délinquant.
Le juge doit toutefois surmonter les fautes de rédaction. Par exemple, un texte de
police des chemins de fer de 1917 qui interdisait de descendre « ailleurs que dans les gares
lorsque le train est complètement arrêté ». La Cour de cassation57 a corrigé cette erreur de
syntaxe et condamné le passager qui avait sauté du train en marche, en prétendant que le
règlement l’y autorisait ; ce texte n’a bien sûr pas été interprété comme obligeant les
voyageurs à monter dans le train ou de descendre de celui-ci en marche.
Ce sont là les principales conséquences du principe de la légalité criminelle pour le
juge. Pour autant, ce principe connaît aujourd’hui un déclin.

Chapitre II : L’élément matériel de l’infraction


Notre droit, à la différence de la morale qui scrute les consciences et sanctionne les
mauvaises pensées et les intentions coupables, ne réprime ni la simple idée criminelle, ni
même l’intention de commettre une infraction, car elles ne troublent pas l’ordre social. Cette
règle est une garantie essentielle pour les libertés individuelles. Même lorsque la loi semble
réprimer, en tant qu’infraction autonome, la résolution criminelle (l’intention de commettre
une infraction), elle exige une certaine matérialisation de l’intention criminelle,
l’extériorisation de celle-ci par un acte matériel.
L’élément matériel est donc le fait extérieur par lequel l’infraction se révèle. Encore
appelé par les auteurs du XIXe siècle, « corps du délit », l’élément matériel consiste dans la
manifestation extérieure de la volonté délictueuse sous la forme des gestes ou attitudes décrits
par la loi d’incrimination : pas d’infraction sans activité matérielle. Un acte est toujours requis

57
V. crim. 8 mars 1930, D. 1930, 1, 310, note VOIRIN.

29
pour qu’il y ait infraction, et il n’est pas toujours nécessaire que cet acte ait laissé des traces
matérielles ou provoqué une conséquence nuisible.
L’infraction est révélée par un fait matériel constatable. Deux hypothèses se
présentent, selon que l’infraction est réalisée (section I) ou simplement tentée (section II).

Section I : La nécessité d’un résultat : l’infraction consommée


L’infraction est consommée lorsque l’individu est allé jusqu’au bout de son action et a
adopté le comportement prohibé par la loi. Parfois, l’infraction ne sera consommée que par la
survenance d’un résultat déterminé, la conséquence préjudiciable de l’acte matériel.

§ 1 : Le mode de réalisation de l’infraction


La forme de l’acte peut varier puisqu’il peut s’agir soit d’une action, soit d’une
abstention ; la durée de commission de cet acte peut être brève ou, au contraire, se prolonger
dans le temps ; enfin, l’élément matériel exigé par la loi peut être unique ou au contraire
multiple.

I – La nature du fait matériel

Pour la plupart des infractions, le fait matériel consiste en un acte positif. Il s’agit
d’une infraction de commission. Ainsi en est la soustraction frauduleuse de la chose d’autrui
(le vol). Il y a pourtant des infractions qui n’impliquent qu’une inaction : ce sont les
infractions d’omission ; exemple : la non-déclaration de naissance.

A : L’infraction de commission


Le plus souvent, l’élément matériel réside dans un acte positif qui consiste à faire ce
que la loi prohibe. L’infraction est alors une infraction de d’action ou de commission. Cet acte
peut être un geste (tuer, blesser, voler) ; il peut également consister en une parole ou en un
écrit, comme dans la diffamation, les injures ou les menaces. Ce sont des actes interdits par la
loi.

B : L’infraction d’omission


Parfois, mais plus rarement, l’élément matériel réside dans un acte négatif qui consiste
à ne pas accomplir ce que la loi commande de faire dans l’intérêt général. L’élément matériel
consiste, ici, en une abstention ou une inaction. La loi pose une obligation de le faire et c’est

30
l’inexécution de cette obligation, c’est-à-dire l’abstention, qui constitue une infraction. Ces
infractions tendent à se multiplier de plus en plus.
L’exemple le plus représentatif est l’omission de porter secours à une personne en
péril, c’est-à-dire le fait, pour une personne, face à un péril menaçant la santé, l’intégrité
corporelle ou la vie d’une autre personne, de s’abstenir volontairement de lui porter secours
ou de demander secours à un tiers, alors qu’elle pouvait intervenir, sans risque pour elle ou un
tiers.
Cette infraction est distincte, par exemple du meurtre ou des violences volontaires.
Comme la plupart des infractions d’omission, aucune conséquence spécifique n’est exigée.
L’abstention est sanctionnée indépendamment de son résultat, c’est-à-dire que la personne en
péril soit sauvée par d’autres moyens ou qu’elle décède et, dans ce dernier cas, que l’on ait
voulu ou non sa mort.
Parmi les principales infractions par omission, on peut citer l’abstention de combattre
un sinistre dangereux pour la sécurité des personnes, la non-révélation de crime aux autorités
judiciaires ou administratives, dès lors qu’il est encore possible d’en prévenir ou d’en limiter
les effets, ou que les auteurs susceptibles de commettre de nouveaux crimes pourraient en être
empêchés, l’omission de témoigner en faveur d’une personne innocente, en détention
provisoire ou jugée pour crime ou délit, l’omission de déclarer la naissance d’un enfant à
l’état civil.
Parmi les infractions d’omission, certaines pourraient revêtir des éléments de
commission. C’est le problème que posent les infractions de commission par omission.

II – La durée de la réalisation de l’infraction

Qu’il consiste dans une action ou une omission, l’acte qui constitue l’élément matériel
de l’infraction peut être, soit un acte dont la durée est négligeable, soit un acte susceptible par
sa nature de durée plus ou moins longtemps. Il est possible d’opérer une distinction parmi les
infractions en fonction de leur durée de réalisation : l’infraction instantanée et l’infraction
continue.

A : L’instantanéité de l’élément matériel : infractions instantanées et permanentes


Si l’infraction est consommée en un bref instant, de manière immédiate, elle est
instantanée. Les infractions instantanées sont réalisées par une action ou une omission qui

31
s’exécute en un instant ou dont la durée d’exécution plus ou moins longue est indifférente à la
réalisation de l’infraction. Tel est le cas du meurtre, du vol, des coups et blessures.
Du moment qu’elle se réalise en un trait de temps, l’infraction est instantanée. Il
importe que la durée entre dans ses éléments constitutifs (abandon de famille), ni même que
ses effets se prolongent dans le temps (cas de la bigamie qui peut durer plus ou moins
longtemps).
Malgré les apparences, la bigamie est un délit instantané, car elle est réalisée en un
instant58 ; seules les conséquences ou les suites sont liées à la notion de durée. Quant au délit
de partage des produits de la prostitution (proxénétisme), il constitue également une infraction
instantanée59. Certains auteurs ont introduit une complication inutile en faisant des délits, dont
les effets se prolongent dans le temps (bigamie, apposition d’une affiche dans un lieu prohibé)
une catégorie particulière, celle des infractions permanentes. Ces infractions permanentes
sont, en réalité, des infractions soumises à tous égard aux règles des infractions instantanées.

B : La continuité de l’élément matériel : infractions continues ou successives et infractions


continuées
Lorsque l’action ou l’omission se prolonge d’une manière uniforme dans le temps,
l’infraction est alors continue. C’est en effet, par l’instantanéité de l’action ou de l’omission
qui la réalise et par l’épuisement en un instant de la volonté délictueuse de l’auteur que
l’infraction instantanée s’oppose à l’infraction continue ou successive. L’infraction continue,
à la différence de l’infraction instantanée, est constituée par une action ou une omission qui se
prolonge dans le temps et qui s’y prolonge par la réitération constante de la volonté coupable
de l’auteur après l’acte initial. Exemple : le port d’arme illégal, la séquestration, le recel des
choses volées ou détournées, le délit de proxénétisme.
Si le principe de la distinction de l’infraction instantanée et de l’infraction continue est
simple, son application soulève parfois des difficultés. Une infraction, instantanée par sa
nature, peut, effet, présenter les caractères d’une infraction continue. Ainsi, le vol
(soustraction frauduleuse de la chose d’autrui) est un délit instantané, il peut également se
réaliser par une série d’actes successifs, par exemple dans le cas d’un vol d’eau, de gaz ou
d’électricité par un branchement frauduleux ou dans le cas d’un serviteur infidèle subtilisant
chaque jour une somme d’argent ou un cigare. Doit-on considérer qu’il y a un seul vol ou une
série de vols successifs ?
58
Crim. 12 avr. 1983, Bull. n° 97.
59
Crim. 17 mars 2004, Bull. n° 72.

32
Ils sont instantanés en ce que le premier acte commis constitue à lui seul l’infraction
punissable. Mais comme tous les actes successifs répétés forment cependant une unité tant par
le dessein de l’agent que par le droit violé, on admet, malgré la pluralité d’actes, qu’il y a un
délit unique exposant son auteur à une seule des peines. Aussi ce délit instantané par sa
réalisation, mais composé de plusieurs actes successifs qui lui confèrent une certaine unité et
le rapprochent du délit continu, est-il appelé continué ou répété, ou encore délit collectif par
unité de but.
L’infraction continuée se caractérise donc par la répétition de l’activité matérielle
incriminée par la loi. Chacun des actes accomplis ici est punissable isolément 60 : l’infraction
continuée est une succession d’infractions simples61 de même type qui concourent
accidentellement à l’exécution d’une même entreprise délictueuse. Tel est par exemple le cas
lorsqu’un cambrioleur, ne pouvant pas emporter les objets qu’il a décidé de voler dans une
maison inoccupée, effectue plusieurs voyages ; du voleur qui s’empare en une séance de
plusieurs billets de banque, de plusieurs bouteilles de vin, ou le pickpocket qui dévalise
plusieurs personnes pendant la même cérémonie.
L’infraction continuée, bien que n’étant pas continu par sa nature, on le considère
soumis aux règles du délit continu ou successif, bien différentes de celles du délit instantané.

III – L’unicité et la pluralité d’actes

L’infraction simple s’oppose aux infractions complexes, en ce sens qu’elle n’est


réalisée que par un seul acte, au contraire des infractions complexes qui nécessitent la
réalisation de plusieurs actes, soit distincts dans le cas de l’infraction complexe proprement
dite, soit identiques dans le cas de l’infraction d’habitude.

A : Les infractions simples, complexes et d’habitudes


Qu’elle soit instantanée ou continue, quand elle est constituée par un acte unique,
l’infraction est simple. Elle est complexe lorsqu’elle suppose, comme élément matériel,
plusieurs actes. C’est donc par la pluralité des actes matériels que l’infraction complexe
s’oppose à l’infraction simple.

1 – Infraction simple et infraction d’habitude


L’infraction simple, ou infraction d’occasion (par opposition à l’infraction
d’habitude), est constituée d’un acte matériel (action ou omission) unique, isolé. C’est le cas

60
Contrairement à l’infraction d’habitude, comme on le verra un peu plus loin.
61
Voir la définition un peu plus loin.

33
de la soustraction frauduleuse de la chose d’autrui (articles 379 code pénal béninois, 311-1
code pénal français), le meurtre qui suppose un seul coup mortel porté à la victime. Au
contraire, l’infraction d’habitude comporte l’accomplissement de plusieurs actes matériels
semblables, dont chacun pris isolément n’est pas punissable mais dont la répétition constitue
l’infraction. Exemple, l’exercice illégal de la médecine 62 (article L. 4161-1 du code de santé
publique). D’après ce texte, « exerce illégalement la médecine, toute personne qui prend part
habituellement… à l’établissement d’un diagnostic ou au traitement de maladies ou
d’affections chirurgicales, congénitales ou acquises, réelles ou supposées… sans être titulaire
d’un diplôme » de docteur en médecine. Un acte médical unique ne constitue donc point le
délit d’exercice illégal.
Sont également des délits d’habitude : l’exercice illégal de la profession de géomètre,
le recel de malfaiteur. En revanche le partage des produits de prostitution (délit de
proxénétisme) n’est pas un délit d’habitude et se trouve réalisé par un acte unique63.
La seule difficulté de cette distinction est dans la détermination de l’habitude
punissable. Pour qu’il y ait habitude, il n’est pas nécessaire que les actes aient été accomplis à
l’égard des personnes différentes ; elle existe même s’ils l’ont été à l’encontre d’une seule et
même personne. Il n’est pas nécessaire non plus, que le nombre des actes soit élevé ; d’après
la jurisprudence, eux peuvent suffire pour constituer l’habitude punissable64.

2 – Les infractions simples et les infractions complexes


A l’infraction simple, constitué par un seul acte matériel, s’oppose également
l’infraction complexe proprement dite. Cette dernière suppose plusieurs actes matériels mais -
à la différence de l’infraction d’habitude – plusieurs actes matériels distincts, coordonnés et
concourant à une fin unique. L’escroquerie (articles 405 du code pénal béninois, et 313-1 du
code pénal français) en est l’exemple type. Elle exige à la fois des manœuvres frauduleuses et
la remise de la chose frauduleusement obtenue. Ces deux actes sont différents par leur nature,
mais ils constituent les étapes successives d’une entreprise délictueuse unique tendant à
escroquer tout ou partie de la fortune d’autrui.

B : Les intérêts de la distinction

62
Crim. 3 mars 1971, Bull. n° 73, Gaz. Pal., 1971.I.362, obs. VITU.
63
Crim. 29 janv. 1965, D. 1965.288, note COMBALDIEU.
64
Crim. 24 mai 1944, DA 1944.75.

34
En laissant de côté les intérêts relèvent du droit pénal international et de la compétence
juridictionnelle (lorsque les actes ont été commis dans le ressort de tribunaux différents), les
intérêts essentiels de la distinction sont relatif à la prescription de l’action publique, à
l’exercice de l’action civile, à la compétence territoriale des tribunaux et à l’application d’une
loi nouvelle. C’est cette dernière qui sera évoquée ici. Pour les infractions simples, la règle est
aussi simple ; il suffit de se référer aux intérêts qui résultent des infractions instantanées. Les
intérêts ne concerneront ici que les infractions d’habitude et complexes, qui d’ailleurs, à bien
d’égard, sont presque identiques.
Au regard de l’application d’une loi nouvelle, la loi pénale nouvelle applicable est celle en
vigueur le jour du dernier acte constitutif de l’infraction d’habitude et complexe, même si
cette loi, entrée en vigueur postérieurement à l’accomplissement du premier acte, est plus
sévère.

§ 2 : L’infraction fondée sur le résultat


Le résultat doit être entendu comme la conséquence dommageable de l’acte matériel
commis. Le plus souvent, ce résultat s’analyse comme un préjudice pour la victime de
l’infraction : parfois un préjudice matériel, tel un dommage corporel, une infirmité
consécutive à des violences, ou un appauvrissement dans le vol ou l’escroquerie ; parfois un
préjudice moral, telle l’atteinte à l’honneur, comme dans la diffamation. Ce résultat est parfois
exigé par les texte en tant qu’élément constitutif de l’infraction ; l’infraction est alors dite
matérielle, par opposition aux infractions formelles, réalisées indépendamment d’un résultat.

I – Les infractions matérielles et les infractions formelles

Dans l’infraction matérielle, le résultat est un élément même de l’infraction. Celle-ci


n’est consommée que par la réalisation du dommage : ainsi le meurtre, l’assassinat qui, aux
termes de leurs définitions légales, implique la mort d’homme. La plupart des infractions à la
loi pénale sont des infractions matérielles.
L’infraction formelle, au contraire, est celle dans laquelle la loi incrimine un procédé
sans se soucier du résultat. Le type en est l’empoisonnement que l’article 301 du code pénal
béninois définit : « tout attentat à la vie d’une personne par l’effet de substances qui peuvent
donner la mort plus ou moins promptement, de quelque manière que ces substances aient été
administrées et qu’elles qu’en aient été les suites ». L’empoisonnement est donc consommé

35
dès que les substances nocives ont été absorbées par la victime 65 ; c’est aussi le cas de la
fabrication de la fausse monnaie sans émission et mise en circulation et de nombreuses autres
infractions66. L’attentat à la pudeur a pu être considéré comme une infraction formelle67.

II – Intérêt de la distinction

Cette distinction de l’infraction matérielle et de l’infraction formelle présente un


intérêt, surtout au point de vue de la ligne de démarcation à tracer entre la tentative et
l’infraction consommée, et accessoirement au point de vue de la prescription de l’action
publique.
Si, en matière de délit matériel, il est relativement facile de séparer le délit consommé
du délit tenté ou manqué, en matière de délit formel la séparation est beaucoup plus délicate,
puisque ce délit est consommé par l’accomplissement de l’acte prohibé, abstraction faite de
son résultat et même si son auteur est intervenu pour empêcher le résultat de se produire
(repentir actif). Aussi, au point de vue du délai de la prescription, l’action publique
logiquement devrait être le jour même où le délinquant a employé les moyens incriminés par
la loi, même si le résultat ne s’est produit que plus tard : ainsi, le dernier jour de
l’administration des substances toxiques dans l’empoisonnement, même si la mort ne s’est
produite que plus tard.

Section II : L’indifférence du résultat


Le degré le plus élaboré de l’élément matériel est celui de l’infraction consommée
dont la définition et le régime ne soulèvent aucune difficulté dans un système de légalité. Le
problème qui se pose, au contraire, est celui de savoir si l’on peut réprimer et comment des
actes qui, sans aller jusqu’à la consommation complète, manifestent tout de même une volonté
criminelle plus ou moins extériorisée. Cela vise les cas de l’infraction tentée ou tentative dans
lequel le délinquant a été arrêté au cours de l’action qui devait conduire à la consommation de
l’infraction, et de l’infraction manquée ou, bien qu’ayant accompli tout ce qui entrait dans la
définition légale de l’infraction, le délinquant n’a cependant pas réalisé l’objectif final.

§ 1 : La tentative

65
Crim. 19 déc. 1963, Gaz. Pal., 1964.I.230 et 24 mars 1965, D.1965.434.
66
V. crim. 23 octobre 1989, JCP 1990.IV.47.
67
Crim. 24 juill. 1974, Bull. n° 266, Gaz. Pal., 29 nov. 1974, somm. p. 3.

36
La perpétration d’une infraction ne se réalise pas sans une préparation préalable. Le plus
souvent, il s’écoule, entre la naissance de la pensée criminelle et le résultat dommageable, une
série de phases, variables, mais pouvant être schématisées :

1. Phase interne
Pensée : l’infraction est envisagée comme une simple éventualité.
Désir : on souhaite commettre l’infraction.
Projet : on forme un plan pour mener à terme l’infraction.

2. phase externe
Préparation de l’infraction, on étudie les lieux, on se procure des instruments, des armes.
Exécution : si l’exécution est parfaite (par exemple la victime est atteinte mortellement dans
le cas du meurtre), on parle d’infraction « consommée ».
Si par la volonté de l’agent ou pour toute autre raison, les agissements criminels sont
interrompus avant ce stade, l’infraction est seulement tentée. La tentative est « l’action
d’essayer de commettre un délit »68 ou un crime. Il y a tentative de commettre une infraction
lorsque le comportement réalisé, tout en ressemblant sur un plan matériel et moral au
comportement incriminé, ne coïncide pas entièrement avec lui 69. La volonté de commettre
l’infraction est d’ores et déjà certaine.
La définition de la tentative est donnée par l’article 2 du code pénal béninois : « Toute
de crime qui aura été manifestée par un commencement d’exécution, si elle n’a été suspendue
ou si elle n’a manqué son effet que par des circonstances indépendantes de la volonté de son
auteur, est considéré comme le crime même ». Cette définition était cependant si peu claire
qu’elle avait donné lieu à des débats doctrinaux et à des incertitudes jurisprudentielles sans
doute parmi les plus importants de tout le droit pénal général 70. On peut d’ailleurs être étonné,
pour ne pas dire scandalisé, que le nouveau code pénal français non seulement n’ait en rien,
ne serait-ce qu’abordé les questions posée, mais encore ait été jusqu’à reprendre les termes
mêmes de la loi ancienne à l’origine du désordre du droit positif en sorte que « rien n’est
changé »71.
La seule modification législative (il y en a tout de même une), consiste à énoncer à
l’article 121-4 : « Est auteur de l’infraction la personne qui … 2° tente de commettre un crime

68
J. BERRIAT SAINT-PRIX, cité par Jean PRADEL, Droit pénal général, op. cit., n° 376.
69
Emmanuel DREYER, Droit pénal général, Paris : Flammarion, 2006, p. 119.
70
Michèle-Laure RASSAT et Gabriel ROUJOU de BOUBEE, Droit pénal général, Paris : Ellipses, 2006, n° 268.
71
Jean PRADEL, cité par Michèle-Laure RASSAT et Gabriel ROUJOU de BOUBEE, ibidem.

37
ou … un délit ». Et à l’article 121-5 de reprendre « La tentative est constituée dès lors que,
manifestée par un commencement d’exécution, elle n’a été suspendue ou n’a manqué son effet
qu’en raison de circonstances indépendantes de la volonté de son auteur ».
Tout de même, que ce soit dans les deux codes (béninois et français », l’auteur de la
tentative est considéré comme « auteur » de l’infraction (articles 2 code pénal béninois, et
121-4 code pénal français). Cette règle traduit la tendance de la loi de tenir compte de la
puissance de nuire plus que de l’acte matériel.
On sait ainsi comment est punissable la tentative. Mais il faut déterminer quand elle
l’est. Il faut pour cela définir les éléments de la tentative, et préciser son domaine.

I – Les éléments constitutifs de la tentative


De la définition légale, il ressort que la tentative est constituée dès lors qu’elle s’est
manifestée par un commencement d’exécution, et qu’elle n’a été suspendue (ou qu’elle n’a
manqué) son effet que par des circonstances indépendantes de la volonté de son auteur.
La tentative punissable suppose la réunion de deux éléments :
- un commencement d’exécution
- une interruption involontaire de l’exécution

A : Le commencement d’exécution


Il est souvent difficile de distinguer le commencement d’exécution punissable des actes
préparatoires qui ne le sont pas. Et pourtant la jurisprudence sur le commencement
d’exécution est totalement sibylline 72, et l’on est loin de croire que la chambre criminelle ait
« pris le parti d’être obscure »73. Il est certain en revanche, qu’elle n’y a parfaitement réussi.

 Ne peut constituer la tentative, la simple intention coupable.


Il arrive que la loi pénale paraisse réprimer de simples états d’esprit (exemple : menaces,
complot). En réalité, ces incriminations visent des situations ayant dépassé le stade purement
psychologique ; et la menace est punissable même s’il est établi que son auteur n’avait pas
l’intention de la mettre à exécution. En outre, juridiquement, ces infractions sont des
infractions incriminées.

 Seuls peuvent constituer la tentative des agissements extérieurs


72
M. JEANDIDIER qualifie la jurisprudence de « bigarrée » et estime qu’elle met la sagacité de la doctrine à
rude épreuve. (Droit pénal général, n° 216) ; in Michèle-Laure RASSAT et Gabriel ROUJOU de BOUBEE, op.
cit., n° 272.
73
Ibidem.

38
Encore faut-il distinguer sur ce point les actes préparatoires, et le commencement
d’exécution.

 Les actes préparatoires


Ils ne sont pas punissables sur le plan de la tentative ; mais ils peuvent parfois être
réprimés à titre d’infractions distinctes consommées (exemple : offres en vue d’un assassinat
ou d’un empoisonnement, association de malfaiteurs, embuscade en vue de violences
commises à l’encontre de certaines personnes), ou comme des cas de complicité (exemple :
aide par fourniture d’arme) à la condition que le fait principal soit punissable.

 Les actes d’exécution


Seuls les actes d’exécution sont susceptibles de constituer la tentative punissable. Il faut
alors exposer le principe de la distinction entre les actes préparatoires et le commencement
d’exécution, et son application.
Pour la jurisprudence, constituent l’acte d’exécution l’acte devant avoir pour
conséquence directe et immédiate de consommer l’infraction, et qui est accompli dans
l’intention de la commettre ; l’acte tendant directement à l’infraction avec l’intention de la
commettre74.
Il convient d’énumérer quelques exemples considérés ou non comme commencements
d’exécution.

a : Exemples de commencements d’exécution

Briser la vitre d’une voiture pour voler à l’intérieur ; pénétrer dans une voiture pour
voler celle-ci ; venir pour commettre un vol, avec instruments d’effraction et camion, et
éprouver la solidité des barreaux d’une fenêtre ; se tenir en embuscade avec véhicule et arme,
pour une agression contre les convoyeurs de fonds ; accepter un achat de stupéfiant ; recruter
le destinataire d’une importation de stupéfiants ; commencer à scier un barreau pour une
évasion ; exposer des véhicules à la vente avec de fausses indications, pour une tromperie ;
demander l’ouverture de la porte d’une banque et attendre quelqu’un pour commettre un vol
avec arme ; pour une escroquerie à l’assurance, déclarer à l’assureur, comme accidentel, un
incendie volontairement provoqué, ou un vol de véhicule avec faux certificat de marquage ;
pour une agression sexuelle, se présenter faussement comme médecin pour un prétendu
examen, avec demande de se déshabiller ; fait de mettre un préservatif pour tenter un viol ;

74
Crim. 25 oct. 1962, D. 1963. 221, note BOUZAT.

39
rechercher des pilotes acceptant de poser un hélicoptère dans la cour d’une prison en vue
d’une évasion.

b : Ne sont pas des commencements d’exécutions

L’incendie volontaire d’un bien assuré, pour une escroquerie, mais sans aucune
démarche auprès de l’assureur ; la remise d’argent en vue de faire commettre un meurtre
(mais si le meurtre a été commis ou tenté, la remise d’argent sera une complicité punissable).

B : L’interruption involontaire de l’exécution (absence de désistement volontaire)


Même s’il y a commencement d’exécution, il n’y aura pas tentative punissable si
l’agent renonce assez tôt, et volontairement, à accomplir l’acte coupable.
Mais ce désistement doit réunir deux conditions, pour qu’il n’y ait pas tentative
punissable : il doit être antérieur à la consommation de l’infraction, et volontaire de la part de
l’agent.

1 – Le désistement doit être antérieur à la consommation de l’infraction


a : L’inefficacité du principe du repentir actif
 Le remord tardif, même actif (« repentir actif », exemple restituer la chose volée,
donner des soins à la victime blessée) est sans effet sur les éléments de l’infraction.
 Mais quant aux peines, le repentir, sous diverses formes, peut valoir en fait atténuation
de la peine, ou même dispense ou réduction de peine à certaines conditions.

b : Conséquence de l’exigence d’un désistement antérieur


Il est important de déterminer le moment exact où l’infraction est commise. On distingue à
cet égard :
- Les infractions matérielles que seul un résultat consomme (exemple, le meurtre)
- Les infractions formelles consommées indépendamment du résultat ; exemple,
l’empoisonneur est punissable même si la victime survit ; l’omission de secours est
punissable, même si le péril a été évité par d’autres moyens.
Un même acte pourra donc être désistement antérieur dans le cas des infractions matériels,
repentir tardif dans le cas des infractions formelles.

2 – Le désistement doit être volontaire

40
On ne tient pas compte du mobile qui a poussé l’agent à s’arrêter (remords, peur ;
exemple, après avoir commencé par creuser pour s’évader, cesser volontairement (voir le
film sur "Les évadés"– mais il y a dégradation de bien) : c’est un système utilitaire de prime
au repentir intervenant assez tôt.
Mais il faut un désistement vraiment volontaire, spontané. La tentative demeure
punissable si le désistement est causé par un événement extérieur. Il y a là une question de fait
parfois délicate.
Exemples d’interruptions involontaires : arrivée de la police ; présence imprévue d’un
tiers sur les lieux où devrait se commettre le crime ; se sentir épié par des tiers, et ne pouvoir
obtenir le concours d’un comparse ; renoncer à s’évader à cause d’un mouvement des
gardiens découvrant l’évasion d’un autre détenu ; renoncer à un vol dans une banque en raison
du manque de coordination avec des complices ; ne pas commettre un viol en raison d’une
déficience momentanée ; évasion manquée en raison du refus de pilotes d’hélicoptère de la
favoriser ; renoncer à un enlèvement en raison des appels de secours de la victime ; renoncer à
une escroquerie à l’assurance en raison de la demande d’expertise de l’assureur.
Il y a deux cas dans lesquels la non-consommation de l’infraction est indiscutablement
indépendante de la volonté de l’agent : l’infraction manquée, par maladresse par exemple, le
tireur manquant sa victime : il y a tentative punissable ; l’infraction impossible, cas qui est
plus discuté.
L’infraction impossible est un cas particulier d’infraction manquée : comme
l’infraction manquée ordinaire, l’infraction impossible est manquée, mais parce qu’elle ne
pouvait pas réussir (exemple, vol dans une poche vide, meurtre sur un cadavre). Ces deux
infractions seront abordées plus en détail dans le § 2 qui leur est consacré.

II – Le domaine de la tentative

La répression de la tentative est exclue par la loi parfois pour des raisons tenant de la
faible gravité de l’infraction, parfois en raison de la nature de l’infraction.

A : Distinction selon la gravité des infractions


- La tentative de crime est toujours punissable, sauf texte contraire formel.
- La tentative de délit n’est pas punissable en principe, sauf texte contraire formel ; mais
ces textes sont nombreux (cas du vol, de l’escroquerie, etc.).

41
En l’absence d’un tel texte, il n’y a donc répression que si l’infraction est consommée ;
d’où l’importance de la distinction des infractions matérielles et formelles.
- La tentative de contravention n’est pas punissable.

B : Les infractions étrangères par leur nature à la notion de tentative


Certaines infractions ignorent la notion de simple tentative :
- Soit parce que la répression suppose un résultat,
- Soit parce que c’est la tentative qui est considérée comme une infraction consommée.
Quand la loi exige un résultat, la répression n’intervient pas si celui-ci n’est pas atteint.
Ainsi en est-il en matière d’homicide et atteinte à l’intégrité de la personne par imprudence ou
négligence (articles 319 et 320 code pénal béninois, articles 221-6 et 222-19 code pénal
français) : la notion de tentative implique un effort tourné vers un but, alors que l’imprudence
ou la négligence suppose que le résultat n’a pas été recherché ; il n’y a donc pas tentative
punissable.
Cependant, la répression de certaines « tentatives » serait souhaitable en la matière ;
exemple, un automobiliste traversant la ville à une vitesse excessive : il y a certes
contravention ou délit d’excès de vitesse, voire, si les conditions en sont réunies, délit de mise
en danger délibérée de la personne d’autrui, mais la répression pour homicide ou atteinte à
l’intégrité de la personne par imprudence n’interviendra que si un résultat (dommage
corporel) se produit, alors que ce dernier n’ajoute rien à la culpabilité vraie de l’agent. De
même la conduite en état alcoolique est punissable indépendamment de tout résultat.
Dans certaines infractions, la tentative n’a pas de place du fait que ces infractions
constituent en elles-mêmes des tentatives, érigées par la loi en infractions consommées.
Exemple, la corruption est consommée par une offre même non acceptée.
Cependant, la jurisprudence fait place parfois, à la répression de la tentative dans
certaines hypothèses. Ainsi, l’empoisonnement (administration d’une substance mortelle), qui
est au fond, avant la mort de la victime, une tentative de meurtre, est punissable, dès
l’administration, comme infraction consommée (formelle) : mais la jurisprudence voit une
tentative punissable dans le fait, par exemple, de proposer des mets empoisonnés à une
personne.

§ 2 : L’exécution infructueuse

42
Il s’agit de cas dans lesquels l’agent a fait tout ce qui était en son pouvoir pour que
l’infraction se réalise, celle-ci n’ayant échoué qu’indépendamment de sa volonté et sans
intervention extérieure. Ils répondent à deux sortes de situations.
Dans la première hypothèse, l’élément matériel de l’infraction est intégralement
accompli avec l’intention requise mais l’action n’a pas produit le résultat escompté en raison
d’une défaillance quelconque (la balle tirée n’a pas atteint la victime, celle-ci était insensible
au poison administré, ou encore le candidat au viol a été trahi par ses possibilités physiques).
Il s’agit de l’infraction manquée. Dans l’infraction manquée, on peut être certain au contraire,
de la volonté de l’agent d’aller jusqu’au bout de sa résolution criminelle, puisqu’il a fait, en ce
qui le concerne, tout ce qu’il avait à faire pour que l’infraction réussisse et que celle-ci n’a
manqué son but que par suite de circonstances indépendantes de sa volonté. C’est parfois à
cause de l’étourderie ou de maladresse de l’agent que le résultat n’est pas atteint 75. Dans la
perspective d’un régime répressif plus nuancé que ne l’est le droit béninois, même français,
l’infraction manquée devait prendre place dans un ordre de gravité croissant entre la tentative
véritable et l’infraction consommée.
Dans une seconde hypothèse, l’agent a mis en œuvre tout ce qui était nécessaire pour
réussir mais l’infraction était vouée à l’échec pour une raison dont il n’était pas informé (coup
de feu tiré dans le dossier d’un fauteuil ou la victime potentielle n’était pas assise). Il s’agit de
l’infraction impossible.
L’infraction impossible est désormais utilisée en jurisprudence française pour
d’ailleurs élargir celle d’infraction manquée. Dès lors que l’agent a eu le comportement
envisagé par le texte d’incrimination et que l’absence de résultat est étrangère à sa volonté, il
a fait preuve de sa dangerosité et mérite une sanction. Ainsi, la tentative de vol peut être
retenue contre un individu qui cambriole une maison vide76 et la tentative de meurtre contre
un individu qui porte des coups qu’il croit mortels à une personne déjà décédée77.

Chapitre III : L’élément moral de l’infraction


L’élément moral est la composante intellectuelle du comportement pénal. Pour que
l’infraction soit constituée, il ne suffit pas que l’agent soit l’auteur matériel de l’infraction. Il
faut que cet acte matériel ait été l’œuvre de la volonté de son auteur. Ce lien entre l’acte et
l’auteur, que le droit anglais appelle la mens rea (la volonté criminelle) par opposition à

75
Jean PRADEL, op. cit., n° 388.
76
Crim. 15 mars 1994, RDP. 1994, n°153, obs. VERON.
77
Crim. 16 janv. 1986. JCP 1987, II, 20774, note ROUJOU de BOUBEE ; D. 1986, 265, note MAYER et
GAZOUNAUD. V. l’arrêt en annexe.

43
l’actus reus (acte criminel), constitue l’élément moral. L’acte n’est punissable que s’il y a
responsabilité pénale, c’est-à-dire si son auteur matériel est un être humain responsable,
jouissant de ses facultés morales (c’est l’imputabilité), à défaut de quoi il n’y a pas
responsabilité, et ayant commis une faute (c’est la culpabilité).

Section I : L’imputabilité


L’acte ne peut être imputé à une personne dotée de facultés intellectuelles normales, et
librement exercées. Ce qui explique deux sortes de cause de non-imputabilité, tenant à l’état
des facultés intellectuelles, et à leur exercice.

§ 1 : L’état des facultés intellectuelles


Il ne saurait y avoir d’imputabilité en cas d’insuffisances de facultés ; et des problèmes
se posent par rapport à l’altération passagère de ces facultés.

I – L’insuffisance des facultés

Elle peut tenir à l’âge, ou à certains troubles.

A : L’âge
L’insuffisance des facultés mentales peut tenir à l’âge (la minorité).
Au Bénin, on est majeur à 18 ans.
Au-dessous de 18 ans : les mineurs capables de discernement sont préalablement
responsables de crimes, délits ou contraventions dont ils sont reconnus coupables ; si le
mineur n’est pas capable de discernement, aucune mesure ne peut être prise à son égard.
« Capable de discernement » suppose que le mineur ait compris et voulu l’acte matériel
reproché ; une infraction, même non intentionnelle, suppose intelligence et volonté : le
principe peut conduire à une relaxe (exemple, dans le cas de blessures non intentionnelles par
un enfant de 6 ans78), ou à une décision de culpabilité (exemple, pour un incendie volontaire
par un enfant de 9 ans79.
Pour les mineurs de 10 ans capables de discernement : seules les mesures éducatives
peuvent être décidées.

78
Affaire Laboube, Crim. 13 déc. 1956, D. 1957, 349, note PATIN.
79
Cass. ass. Plén., 9 mai 1984, D. 1984, 525, concl. CABANNES, note CHABAS.

44
Pour les mineurs de 10 à 13 ans : peuvent être décidées des mesures éducatives, et des
sanctions éducatives, selon les circonstances et la personnalité du mineur ; aucune peine ne
peut être prononcée.
Pour les mineurs de 13 à 18 ans : peuvent être décidées des mesures et des sanctions
éducatives ; mais des peines peuvent être prononcées, selon les circonstances et la
personnalité du mineur : dans ce cas la loi prévoit une diminution de peine.
Pour les effets de la diminution de peine :
- Obligatoire entre 13 et 16 ans
- Pouvant être écartée (facultative) entre 16 et 18 ans, sauf cas particulier (nouvelle
récidive d’un crime, ou d’un délit commis avec une circonstance aggravante).
Il s’agit bel et bien d’une cause d’irresponsabilité partielle 80, et non totale. Selon le droit
positif béninois (article 66 du code pénal), si en raison des circonstances et de la personnalité
du délinquant, il est décidé qu’un mineur âgé de plus de treize ans doit faire l’objet d’une
condamnation pénale, il bénéficie d’un régime d’abaissement de la peine, sous réserve, de la
possibilité d’écarter l’excuse atténuante de minorité à l’égard d’un mineur âgé de plus de
seize ans.
S’il a encouru une peine de mort, de la réclusion criminelle à perpétuité, de la détention
criminelle à perpétuité, il sera condamné à une peine de dix à vingt ans d’emprisonnement.
S’il a encouru la peine de la réclusion criminelle à temps de dix à vingt ans ou de cinq à dix
ans, il sera condamné à l’emprisonnement pour un temps égal à la moitié au plus de celui pour
lequel il aurait pu être condamné à l’une de ces peines.
Quelques remarques doivent être observées :
1) L’âge du mineur s’apprécie non au jour de la comparution en justice, mais au jour où
l’infraction est commise
2) L’âge avancé n’est pas en soi une cause d’irresponsabilité pénale, sauf s’il constitue en
même temps une cause de grave trouble psychique, mais alors pour cette dernière
raison ; il existe parfois des règles légales spéciales pour la peine (exemple,
interdiction de séjour).

B : Les troubles psychiques ou neuropsychiques


L’insuffisance des facultés intellectuelles peut tenir à des raisons congénitales ou à la
maladie mentale : il s’agit des troubles psychiques ou neuropsychique ; c’est le problème des
psychopathes délinquants. L’existence et la nature de ces troubles seront établies par

80
Jean-Claude SOYER, Droit pénal général et procédure pénale, Paris : LGDJ, 20ème édition, 2008, n° 209.

45
l’expertise médicale. Les juges de fond doivent s’expliquer sur l’état mental du prévenu à la
date des faits, et sans se borner par exemple à viser le comportement du prévenu à l’audience.
Ces troubles peuvent avoir deux degrés de gravité.

1 – Trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli le discernement et le contrôle des actes


N’est pas responsable la personne qui était atteinte de ce trouble mental au moment
des faits. Les troubles psychiques ou neuropsychiques comprennent non seulement la
démence, mais aussi la schizophrénie.
Il y aura donc, selon le moment de la procédure où ces troubles au moment des faits
sont établis :
- classement sans suite
- au stade de l’instruction, ordonnance du juge d’instruction ou arrêt de la chambre
d’accusation (chambre de l’instruction en France) prononçant l’irresponsabilité pénale pour
cause de trouble mental et précisant qu’il existe des charges suffisantes établissant que
l’intéressé a commis les faits qui lui sont reprochés.
- au stade du jugement, un jugement ou un arrêt de déclaration d’irresponsabilité pénale pour
cause de trouble mentale, avec déclaration que l’accusé a commis les faits qui lui étaient
reprochés.

Remarque :
Si le trouble ne survient qu’après l’infraction, l’altération des facultés mentales
empêchant l’inculpé d’assurer sa défense, il est sursis au renvoi devant la juridiction de
jugement.
Si le trouble ne survient qu’après condamnation définitive, il ne fait pas obstacle à
l’application des peines pécuniaires ou des peines privatives de droit, mais il fait obstacle à
l’exécution des peines privatives de liberté.

Si, ayant existé au temps de l’acte, le trouble n’a été découvert qu’après la
condamnation, il peut y avoir révision du procès.

2 – Trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré le discernement ou entravé le contrôle


des actes
L’acte est punissable, mais la juridiction tient compte de cette circonstance lorsqu’elle
détermine la peine et en fixe le régime. C’est l’exemple de la « demi folie », cas dans lequel

46
les juges retiennent les circonstances atténuantes ; ils abaissent la peine applicable, ou
choisissent une peine mieux adaptée. Exemple, malade schizophrène qui entend une voix lui
dire de lever le pied, lequel heurte la jambe de la victime (la cour d’appel de Paris a prononcé
une dispense de peine, avec dispense d’inscription au casier judiciaire).

II – L’altération passagère

L’altération passagère des facultés intellectuelles peut provenir d’événements


accidentels : il s’agit d’une personne adulte et normale, mais qui est soumise provisoirement à
une influence le privant du jeu normal de ses facultés.
La question se pose rarement à propos du somnambulisme ou de l’hypnose ; il n’y
aurait pas dans ces cas irresponsabilité (sauf à retenir, dans le cas d’hypnose, la responsabilité
de l’hypnotiseur).
Mais la question se pose très souvent pour l’ivresse (indépendamment de la répression
de l’ivresse elle-même en cas d’ivresse publique, ou de conduite d’un véhicule sous l’empire
d’un état alcoolique ou après usage de stupéfiants.

A : Notion

 L’ivresse se distingue de l’alcoolisme, état pathologique durable (on peut être


alcoolique sans avoir jamais été ivre).
 L’ivresse est un état passager, pouvant d’ailleurs être dû à d’autres causes que
l’absorption d’alcool (exemple, haschisch). Elle trouve cependant, aussi longtemps
qu’elle dure, les facultés de l’agent.

B : Influence de l’ivresse sur la responsabilité


Le principe est qu’on tient compte de la proportion dans la source de l’ivresse.
Comme conséquences :
- Si la personne a recherché l’ivresse, pour commettre l’infraction : il y a
responsabilité ;
- Si la personne s’est enivrée de manière fortuite, absorbant un liquide sans connaître
son pouvoir enivrant : il y a irresponsabilité (ou responsabilité atténuée en cas
d’ivresse incomplète) ;
- Si la personne s’est enivrée en se rendant compte de ce qu’elle faisait (ivresse
complète ou incomplète) deux conceptions sont possibles : atténuation de

47
responsabilité découlant de l’obscurcissement des facultés mentales, ou appréciation
sévère comme sanction de l’ivresse.
La loi prévoit dans certaines situations une aggravation de peine, par exemple en cas
d’homicide par imprudence commis par un conducteur sous l’empire d’un état alcoolique ou
après usage de stupéfiant.

§ 2 : Le libre exercice des facultés mentales : le problème de la contrainte


Il n’y a ni crime ni délit, lorsque le prévenu a été contraint par une force à laquelle il
n’a pu résister (articles 64 code pénal béninois et 122-2 code pénal français). C’est la force
majeure qui est sous entendue ici, événement indépendant de la volonté de l’agent.
Il y a irresponsabilité pénale. Mais cela suppose des conditions, larges quant au domaine de la
contrainte, étroites quant à ses sources.

I – Les conditions larges de la contrainte

La contrainte peut être indifférente ; elle peut être physique ou morale.


Exemples de contrainte physique : force naturelle (tempête), force humaine (séquestration du
témoin), malaise brutal et imprévisible d’un conducteur.
Exemple de contrainte morale : menace de mort.

II – Les conditions étroites

La contrainte doit être cumulativement extérieure à l’agent (A), irrésistible (B)et


imprévisible (B).

A : Extérieure à l’agent


La notion de contrainte a parfois été invoquée dans le cas d’infractions dues à des
besoins physiologiques (vol de pain par un affamé) : certaines juridictions ont parfois retenu
l’état de nécessité. Par contre ne constituent pas la contrainte morale l’action des passions
(colère, haine, amour, jalousie, jeu), les convictions religieuses ou politiques. Mais les cours
d’assises sont parfois indulgentes pour les auteurs de crimes passionnels.

B : Irrésistible
La contrainte doit supprimer le choix de l’agent (à la différence de l’état de nécessité).
Il n’a d’autres choix que de commettre l’infraction.
La jurisprudence (de la chambre criminelle de la Cour de cassation) est assez
rigoureuse : par exemple, le devoir d’obéissance de l’employé n’est pas la contrainte. N’est

48
pas force majeure, effaçant un abus de confiance, la brusque décision d’une banque de retirer
son appui.

C : Imprévisibilité
La jurisprudence se montre sévère à ce sujet. En principe, il n’y a pas contrainte en cas
de défaillance mécanique du véhicule, ou physique du conducteur.
Selon la jurisprudence, il n’y a pas contrainte en cas de faute antérieure de l’auteur des faits.
Toutefois, cette solution est critiquable : les éléments de l’infraction doivent en effet
s’apprécier au moment où celle-ci est matériellement commise.

Section II : La culpabilité


La personne à laquelle est matériellement imputable l’infraction peut n’être pas
« coupable » (le cas fortuit est l’absence de faute). Elle ne le sera que si elle a commis une
faute. La faute peut être soi :
- d’imprudence, élément en principe nécessaire de tout crime ou délit, même si la loi ne
le précise pas dans chaque cas ;
- d’imprudence ou de négligence, élément suffisant lorsque la loi le précise.

§ 1 : La faute intentionnelle


Il n’existe aucune définition de l’intention dans la loi. L’expression même "intention
criminelle" n’a été introduite dans l’ancien code pénal français (toujours en vigueur au Bénin)
que par une loi du 2 avril 1892 81 (article 435, sur la destruction volontaire). L’examen de ce
code fait apparaître des terminologies « à dessein, volontairement, sciemment,
frauduleusement, de mauvaise foi ». Le nouveau code pénal français, même en évoquant
l’intention, se garde bien de le définir (article 121-3).
De son côté la jurisprudence ne définit pas non plus l’intention. Sans doute parce qu’il
n’appartient pas au juge de statuer sur des espèces particulières, il ne lui appartient pas de
poser des définitions générales.
C’est donc à la doctrine que devrait revenir le soin de définir le dol. Elle l’a fait avec
un grand souci de précision. En effet, la doctrine classique qui fait preuve d’une certaine
unanimité fait apparaître le dol comme « la volonté de l’agent de commettre le délit tel qu’il

81
Jean PRADEL, op. cit., n° 501.

49
est défini par la loi » et « la conscience chez le coupable d’enfreindre les prohibitions
légales »82. En d’autres termes, c’est « la conscience et le volonté infractionnelle »83.
Mais la faute intentionnelle ne doit se confondre ni avec la simple volonté, ni avec le
mobile. En quoi consistent donc ces deux nouvelles notions ? Et une fois que l’on sait qu’il
n’est point possible de confondre ces notions avec l’intention, il faut analyser ce qu’elle est.

I – Distinction de l’intention et de la volonté

L’intention coupable est la volonté orientée vers l’accomplissement d’un acte interdit.
La volonté c’est la faculté de se déterminer à l’action. Il en résulte que tout acte intentionnel
est un acte volontaire, mais l’acte volontaire peut n’être pas intentionnel.
La volonté apparaît donc comme une condition nécessaire de l’intention mais non pas
comme une condition suffisante de celle-ci. Exemple : appuyer sur la gâchette d’un revolver
relève de la volonté mais ne traduit une intention que si cela est fait dans le dessein de tuer.

II – Distinction de l’intention et du mobile

Le mobile, c’est le sentiment qui détermine à l’action et qui pour une même infraction
varie selon les individus et les circonstances. Ainsi peut-on concevoir un meurtre par haine,
jalousie, vengeance, cupidité, cruauté, pitié, amour. L’intention, elle, demeure toujours
semblable pour une même infraction : c’est toujours la volonté consciente d’accomplir l’acte
illégal ; dans le cas du meurtre, c’est nécessairement la volonté d’accomplir l’acte entraînant
la mort de la victime. Cela signifie que le mobile se définit par rapport au délinquant et
l’intention par rapport à l’infraction.
La distinction entre les deux notions se révèle fondamentale. Alors que l’intention est
l’élément essentiel de toute une catégorie d’infractions, qualifiées précisément d’infractions
intentionnelles, le mobile n’est pas pris en considération par le droit 84. Exemple, euthanasie,
excision pour se conformer à des coutumes ancestrales.
Ce point de vue apparaît compréhensible car le mobile explique peut-être la faute mais
il ne la supprime pas. Ainsi que l’affirme la Cour de cassation, « le mobile même honorable
est par lui-même incapable de détruire la faute du délinquant »85
Il se peut toutefois, à titre exceptionnel, que le mobile soit intégré par le droit. Cela se
rencontre d’abord dans la détermination des conditions de l’infraction. Il arrive en effet au

82
E. GARCON, art. 1, n° 77, in Jean PRADEL, ibid., n° 502.
83
Jean PRADEL, ibidem.
84
Crim. 7 juin 1961, Bull. n° 290.
85
Crim. 5 juin 1940, D.C., 1941.I.30, note DONNEDIEU de VABRES, in R. MERLE et A. VITU, Traité de
droit criminel, op. cit., n° 591.

50
législateur de l’ériger en élément constitutif de l’infraction de telle sorte que, pour que celle-ci
existe, il faut rapporter la preuve de l’intention ordinaire, qualifiée de dol général, ainsi que
celle du mobile particulier exigé par la loi, qualifié alors de dol spécial. On le rencontre, par
exemple, dans le nouveau code pénal français en son article 413-1 par rapport aux vitesses
maximales autorisées : « lorsque celle-ci sont plus restrictives, les vitesses maximales édictées
par l’autorité investie du pouvoir de police prévalent sur celles autorisées par le présent
code »86. Il arrive parfois qu’il devienne une circonstance aggravante entraînant une peine plus
élevée.
Exemples, meurtre d’un témoin pour l’empêcher de déposer ; enlèvement pour obtenir
une rançon ; modification de l’état des lieux du crime pour entraver la manifestation de la
vérité.
Il faut ajouter qu’en fait, juges et jurés sont parfois sensibles aux mobiles, si sensibles
même qu’ils peuvent aller jusqu’à nier la culpabilité comme dans certains cas d’euthanasie ou
en matière de meurtre passionnel. En 1984, une cour d’assises a acquitté un fils qui avait tué
son père, à l’expresse et insistante demande de celui-ci, qui était certain de ressusciter sans
tarder.

C : Les composantes de l’intention


L’intention exige la réunion de trois éléments : la prévisibilité du résultat, le désir de
ce résultat, l’action en connaissance du caractère illégal de l’acte.
La volonté de commettre l’acte qui conduit au résultat signifie la nécessité d’une
correspondance entre les faits qu’entend accomplir l’agent et les faits exposés par la loi. En
d’autres termes, l’agent doit avoir voulu pratiquement ce qui est abstraitement prévu par la
loi. L’intention suppose alors que l’agent ait pu prévoir le résultat. Ainsi, dans le vas du
meurtre, il doit avoir voulu l’acte d’où découle le décès en appuyant sur la gâchette d’un
revolver.

La volonté d’obtenir le résultat vise une disposition psychologique consistant à prévoir


et à désirer le résultat. Ainsi, dans le cas d’un meurtre, l’agent doit-il avoir prévu et désiré la
mort87. A partir de là, il convient d’examiner diverses attitudes psychologiques : si l’on
retrouve dans celles-ci prévision et désir, cela signifie que l’intention existe bien dans sa
seconde composante ; sinon la conclusion est bien entendu inverse.
86
Se référer aux articles 411-4 relatif aux pouvoirs généraux de police, et 413-2 et 413-3 relatifs aux limitations
de vitesses en agglomération et hors agglomération.
87
Crim. 22 mai 1989, RDP 1989, n° 56.

51
L’intention suppose en principe que l’agent ait eu connaissance du caractère illégal de
ses actes. Mais au lieu d’exiger la démonstration positive du fait que le délinquant a eu une
telle conscience on présume celle-ci dans le cadre de l’adage « nul n’est censé ignorer la loi ».
Il signifie que l’on ne peut se soustraire à l’application d’une règle de droit en en prétextant
l’ignorance et donc que l’on est implicitement supposé connaître le droit. Une telle
présomption prend alors l’allure d’une fiction qui se justifie essentiellement par la nécessité
d’assurer le bon fonctionnement de l’ordre juridique et social.

§ 2 : La faute d’imprudence ou de négligence


L’intention criminelle, qui suppose donc la recherche d’un résultat n’est pas un
élément toujours nécessaire à l’infraction88. La faute d’imprudence ou de négligence (faute
non intentionnelle) est une faute d’imprévoyance. Cette faute pose à la fois un problème de
notion et de répression.

I – La notion de faute d’imprudence ou de négligence

A vrai dire, l’expression « faute non intentionnelle » est trompeuse dans la mesure où
le comportement de l’agent est, le plus souvent, pleinement volontaire. Par exemple,
l’automobiliste pressé franchit une intersection sans respecter le signalement rouge des feux
tricolores.
Le législateur vise la faute non intentionnelle dans différents textes. Il emploie
indifféremment les mots d’imprudence, de négligence, d’inattention, de manquement à une
obligation de sécurité ou de prudence, de mise en danger délibéré d’autrui. Toute cette
terminologie, riche et variée, doivent être considérée comme synonyme puisque, à travers
elle, ce que l’on reproche à l’individu, c’est de ne pas avoir pris les précautions de nature à
empêcher le dommage de survenir. Il faut ajouter que dans l’imprudence, le résultat n’étant
pas désiré, on parle également d’infraction involontaire, ce qui demeure discutable car il y a
toujours une part de volonté dans la conduite imprudente même si cette volonté ne d’étend pas
au résultat.
L’imprudence se présente sous deux formes distinctes selon qu’elle est consciente ou
inconsciente.
L’imprudence consciente se caractérise par le fait que l’individu a voulu un acte, qu’il en a
prévu le résultat comme possible mais qu’il n’a pas désiré celui-ci. C’est le cas de ce

88
Jean PRADEL, op. cit., n° 512.

52
conducteur qui, lucidement, brûle un feu rouge ou ne respecte pas le signal « stop » et blesse
ou tue quelqu’un89. On est en présence d’une grosse faute d’imprudence qu’il arrive
exceptionnellement au droit pénal d’assimiler à une intention à raison de sa gravité et de
l’importance de l’intérêt social en jeu90.
On parle en revanche d’imprudence inconsciente lorsqu’un individu, tout en voulant
quelque chose, agit de manière différente et cause ainsi un dommage qu’il n’a ni prévu, ni
désiré. C’est le cas du pharmacien qui se trompe de médicament ; du garde barrière qui, lors
de la survenance d’un train, oublie d’abaisser la barrière du passage à niveau. Ce
comportement apparait à une erreur mais il est évident que celle-ci ne saurait l’exonérer de la
responsabilité qui pèse sur lui car ce qu’on lui reproche, c’est précisément d’avoir commis
une telle erreur91.

II – La répression

Il convient d’examiner la nature de celle-ci avant d’évoquer le lien de droit établit


entre la sanction et le résultat.
La faute d’imprudence est traitée moins sévèrement que la faute d’intention. A résultat
égal, le décès de la victime, le meurtre (en cas de faute intentionnelle) fait encourir à son
auteur soit la peine de mort92, soit la réclusion criminelle à perpétuité au Bénin (art. 304 code
pénal)93; l’homicide par imprudence est sanctionnée par un emprisonnement de deux ans à
trois ans et d’une amende (art. 319 code pénal béninois)94.
D’une manière générale, les peines infligées aux auteurs d’homicide et de blessures
par imprudence sont l’emprisonnement et l’amende, c’est-à-dire des peines correctionnelles.
Ceci entraîne des critiques contradictoires : pour certains, la criminalité d’imprudence est une
criminalité originale pour laquelle il conviendrait de trouver des peines spécifiques, pour
d’autres, il serait préférables d’élever les peines encourues mais aussi et surtout les peines
prononcées. C’est en ce sens que semble s’être orienté le nouveau code pénal français de 1992
qui prévoit une aggravation substantielle des peines encourues lorsque la faute procède d’un
manquement délibéré à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les
règlements95.

89
Trib. corr. Lille 4 nov. 1958, JCP 1959, 11014, note J.-B. HERZOG.
90
Crim. 29 janv. 1921, S. 1922, I, n° 86, note J. A. ROUX.
91
Crim. 16 mai 1961, JCP 1961, 12315, note SAVATIER.
92
Lorsqu’il aura précédé, accompagné ou suivi un crime.
93
30 ans de réclusion criminelle en France (art.  221-1 code pénal)
94
La répression est presque identique en France : 3 ans d’emprisonnement et une amende de 300 000 francs (art.
221-6 code pénal français)
95
Arts. 221-6, al. 2 ; 222-19, al. 2 et 222-20.

53
A l’exception du domaine de la conduite automobile où le code de la route prévoit des
dispositions contraires, les infractions d’imprudence ne sont traditionnellement répréhensibles
que si elles ont produit un résultat dommageable. Ce lien entre la sanction et le résultat
apparaît ici encore critiquable car l’auteur de la faute est évidemment aussi dangereux lorsque
le dommage est survenu que dans le cas inverse. D’aucuns suggèrent avec raison de s’orienter
vers une sanction de l’imprudence en dehors de tout résultat chaque fois que cela se révèle
possible96. Le nouveau code pénal français s’est encore engagé dans cette voie : « Le fait
d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessure de nature à
entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement
délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou de
règlement… »97 est punissable en l’absence de tout résultat.

Titre II : La classification des infractions


Selon que l’on prend pour base leur élément légal, leur élément matériel ou leur
élément moral, la classification des infractions peut s’opérer de manière très diverses. Mais
toutes les classifications n’ont pas la même importance. La plus importante est celle fondée
sur l’élément légal. En effet, toutes les infractions prévues par la loi pénale sont d’abord
hiérarchisées en fonction de leur gravité. De sorte que le premier souci du praticien, après
avoir constaté les faits, est de rechercher la qualification juridique de l’infraction (rattacher
l’infraction à l’une des catégories prévues par la loi).

96
Jean LARGUIER, Droit pénal général, Paris : Dalloz, 20ème édition, 2005, pp. 45-46.
97
Art. 223-1.

54
Suivant que l’infraction est punie d’une peine criminelle, correctionnelle ou de police,
on l’a qualifie de crime, délit ou contravention. Suivant qu’elle est punie d’une peine
ordinaire ou particulière (politique ou militaire), on distingue les infractions de droit commun,
par opposition aux infractions politiques ou militaires. Il semble que le code, à vrai dire, a
tenu compte soit de la gravité objective de l’infraction (chapitre I), soit de sa nature
particulière (chapitre II).

Chapitre I : La distinction des infractions selon leur gravité


Conformément à l’article 1er du code pénal béninois:
« L’infraction que les lois punissent de peines de police est une contravention.
L’infraction que les lois punissent de peines correctionnelles est un délit.
L’infraction que les lois punissent d’une peine afflictive ou infamante est un crime ».
Le législateur béninois ou français divise les infractions en trois grandes catégories
(contravention, crime, délit) selon la gravité qu’il lui attribue.

55
Cette classification est extrêmement importante à raison de très nombreux intérêts (Section I)
qu’elle comporte, ce qui n’empêche pas de discuter parfois la valeur (Section II).

Section I : Le principe de distinction


La distinction a de très nombreux intérêts. Il ne peut s’agir ici que d’indiquer succinctement
quelques-uns des intérêts majeurs qui s’attachent à cette classification sur le fond
(incrimination et peine) et sur la forme (procédure).

§ 1 : Au point de vue du fond


En matière d’infraction, on se souvient que la tentative par exemple la tentative de crime est
toujours punissable, que celle du délit est punissable lorsqu’un texte le prévoit et que la
tentative de contravention n’est pas punissable.
De même, la complicité n’est essentiellement punissable qu’en matière de crime et délit.

Dans le domaine de la sanction, de très nombreuses institutions qui seront examinées après,
fonctionnent différemment selon que l’on est en face d’un crime, d’un délit ou d’une
contravention.

§ 2 : Au point de vue de la forme


La nature de la peine détermine la compétence de la juridiction : les crimes relèvent de la cour
d’assises, les délits du tribunal correctionnel, et les contraventions de la police (ou tribunal de
police en France).
S’agissant des règles de conduite du procès, on se contentera ici encore d’indiquer que celles-
ci se présentent différemment selon que l’on est en présence d’un crime, d’un délit ou d’une
contravention98. C’est le cas notamment en matière de prescription de l’action publique (10
ans pour les crimes, 3 ans pour les délits et 1 an pour les contraventions), d’instruction, de
détention provisoire, de procédure de jugement, de voies de recours, etc.

98
A titre d’exemple, l’instruction préliminaire est obligatoire pour les crimes, en principe facultative pour les
délits (parfois obligatoire, exemple : pour les mineurs), et a lieu seulement sur réquisitions du procureur de la
République pour les contraventions.

56
Section II : La valeur de la distinction
La classification tripartite de l’article 1er du code pénal n’encourt aucun reproche de
forme. Il est très pédagogique et facilite le diagnostic99. Toutefois, il continue par faire l’objet
de deux critiques, l’une sur l’illogisme du principe, l’autre sur son imprécision.

§ 1 : Le reproche sur l’illogisme


Il y a une première critique, celle d’un grand criminaliste, ROSSI notamment, « Ce
n’est pas de la gravité des peines, comme l’ont affirmé les rédacteurs du code pénal, que doit
dépendre la gravité des infractions, mais, au contraire, de la gravité des infractions qu’il faut
conclure à la gravité des peines »100.
Bien antérieurement au code pénal de 1810, la conception tripartite des infractions est
héritée de l’Ancien droit qui distinguait les infractions du grand criminel, d’une gravité telles
qu’elles ne permettaient pas l’amendement, les infractions du petit criminel, de gravité
moindre et laissant place à l’idée de correction, et les infractions contre la police, de gravité
très restreinte et n’impliquant qu’une simple réprimande. Cette conception, reprise par la
Révolution, est passée dans le code de 1810.
D’un point de vue scientifique, on s’est rendu compte que l’"incorrigibilité" ou les
possibilités d’amendement d’un individu ne dépendaient pas de la gravité de son acte mais de
ses propres aptitudes, et que toutes les peines privatives de liberté laissaient place à
l’amendement101.
Sous l’influence de la critique d’ordre scientifique, on a proposé de substituer à la
division tripartite une division bipartite en délits et contraventions. On comprendrait ainsi
sous la dénomination de délits toutes les infractions inspirées par une intention mauvaise et
lésant directement les droits individuels ou collectifs ; les contraventions, au contraire,
seraient des faits indifférents par eux-mêmes accomplis souvent sans intention mauvaise, ne
causant d’habitude aucun dommage à autrui, interdits uniquement à titre préventif, pour
empêcher des dommages individuels ou collectifs futurs.
Cette division paraît très satisfaisante pour l’esprit ; elle est sans doute la plus
conforme aux enseignements de la criminologie moderne, mais elle se heurte à de sérieuses
difficultés pratiques. On a donc conservé la division tripartite en considérant qu’elle avait le

99
Roger MERLE et André VITU, op. cit., n° 408.
100
Pierre BOUZAT et Jean PINATEL, op. cit., n° 128.
101
Ibidem.

57
mérite de mettre en relief « la hiérarchie des conduites »102 interdites et la hiérarchie des
traitements dont ces conduites devraient être assorties, et enfin qu’elle était adaptée à
l’organisation juridictionnelle. Aussi est-elle quelque peu assouplie par le biais de la
correctionnalisation judiciaire.

§ 2 : Le reproche sur l’imprécision


Il peut arriver par exemple, qu’une infraction tout en étant assortie d’une peine
relevant d’une catégorie déterminée, obéisse sur certains points aux règles applicables à une
autre. Ce problème n’est pas nouveau ; la jurisprudence l’a toujours résolu en considérant que
c’est la peine qui détermine la nature de l’infraction et no le régime de celle-ci.
Il arrive également que par suite d’une cause d’atténuation, un fait qualifié crime soit
puni d’une peine correctionnelle (exemple, l’article 319 du code pénal l’homicide
involontaire). L’infraction devient-elle alors délit ? La jurisprudence ne l’admet pas. En
revanche, lorsque par suite d’une cause d’aggravation un fait qualifié délit devient punissable
d’une peine criminelle, le délit devient crime (exemple, art. 382 du code pénal sur le vol à
main armée).

Chapitre II : La distinction des infractions selon leur nature


En tout temps, il a paru normal de traiter différemment le délinquant selon la nature de
l’infraction. On s’intéressera essentiellement aux infractions politiques et celles militaires.

102
Roger MERLE et André VITU, op. cit., n° 411.

58
Section I : Distinction des infractions de droit commun et des infractions
politiques
Le principe d’une distinction entre les infractions politiques d’une part et les
infractions de droit commun, d’autre part, trouve son appui bien avant le code pénal de 1810.
Sous l’Ancien régime, les crimes politiques étaient traités en France comme à l’étranger, avec
une sévérité toute particulière103. On souligne généralement qu’alors que le malfaiteur de droit
commun manifeste des tendances antisociales profondes, le délinquant politique s’attaque
moins, à la société en elle-même qu’à ses structures politiques et mérite à ce titre un
traitement plus doux104.
Le code pénal ne donne aucune indication particulière sur les infractions politiques ;
l’expression n’y figure d’ailleurs pas105. Et comme par le passé, il revient à la doctrine de
rechercher à établir le critère paraissant avoir guidé le législateur.

§ 1 : Le critère de l’infraction politique


Il n’y a point de critère légal. C’est ORTOLAN, semble-t-il, qui a poussé le plus loin
l’analyse doctrinale : « Répondez à ces trois questions : quelle est la personne directement
lésée par ce délit ? L’Etat ; dans quelle sorte de droit l’Etat se trouve-t-il lésé ? Dans un droit
touchant à son organisation sociale et politique ; quel genre d’intérêt a-t-il à la répression ?
Un intérêt touchant à cette organisation sociale ou politique. Le délit est politique »106. A ce
catéchisme rigoureux, la Conférence internationale de Copenhague de 1935 pour l’unification
du droit pénal avait fait plus brièvement écho : « Sont politiques, les infractions dirigées
contre l’organisation et le fonctionnement de l’Etat, ainsi que celles qui sont dirigées contre
les droits qui en résultent pour les citoyens »107.
Ce critère objectif prend uniquement en considération l’objet ou le résultat de
l’infraction commise, recherche la coloration politique de cet élément matériel, et fait
totalement abstraction de la psychologie du délinquant.
A l’opposé, le critère subjectif s’attache au mobile du délinquant ; par conséquent, est
politique, l’infraction dont l’auteur était animé d’un mobile politique108.

103
Pierre BOUZAT et Jean PINATEL, op. cit., n° 140.
104
Roger MERLE et André VITU, op. cit., n° 414.
105
Bernard BOULOC, op. cit., n° 188 et s.
106
Roger MERLE et André VITU, op. cit., n° 415.
107
Ibidem.
108
Sur les critères objectif et subjectif, v. Bernard BOULOC, op. cit., n° 190.

59
Dans la pratique, entre ces deux conceptions, l’une objective et étroite, l’autre
subjective et large, le droit positif paraît donner sa préférence à la conception objective. C’est
par l’objet même de l’infraction qu’il détermine l’infraction politique.

§ 2 : Les intérêts de la classification


Le sort réservé aux délinquants politiques n’a pas toujours été favorable. En matière
criminelle, la peine politique (détention criminelle) est différente de la peine de droit
commun, alors qu’en matière correctionnelle, les peines sont en principe les mêmes.
En outre, ces diverses condamnations criminelles ou correctionnelles prononcées pour des
infractions politiques n’entraînent pas les mêmes conséquences qu’en droit commun : elles ne
font pas obstacle au bénéfice ultérieur du sursis et ne provoquent pas la révocation d’un sursis
antérieurement prononcé, elles n’exposent pas à l’extradition.
En matière procédurale, les infractions politiques relèvent de la compétence des
juridictions de droit commun : cours d’assises et tribunaux correctionnels. Toutefois les
crimes et délits contre sûreté de l’Etat en temps de guerre relèvent des juridictions des forces
armées.
En ce qui concerne les règles de conduite du procès, ce sont celles du droit commun
sauf quelques points particuliers : c’est ainsi que la procédure de comparution est écartée.
Il faut indiquer pour conclure que l’on distingue également des infractions de droit commun,
aussi bien par leur nature que par leur régime juridique, les infractions militaires.

Section II : Distinction des infractions de droit commun et des infractions


militaires
Le particularisme du droit pénal militaire est commandé par la singularité de la société
militaire elle-même109. Dans une certaine mesure, les infractions militaires constituent des
infractions disciplinaires. Elles sont, en effet, un manquement à la discipline particulière de
l’armée, et à ce titre, elles devraient être complètement séparées des infractions du droit
pénal110.

§ 1 : Critère de la distinction


109
Roger MERLE et André VITU, op. cit., n° 425.
110
Beranrd BOULOC, op. cit., n° 195.

60
Les infractions militaires sont celles qui présentent le double caractère d’être
commises par des militaires et de toucher à la vie militaire. Elles se subdivisent en deux
catégories : les infractions militaires stricto sensu (I) et les infractions militaires mixtes (II).

I – Les infractions proprement militaires

Elles consistent dans un manquement aux devoirs militaires prévus par les lois
militaires ; elles ne peuvent être commises donc que par des militaires. Ce sont par exemple,
l’insoumission, la désertion, les infractions contre l’honneur et le devoir, la discipline etc.

II – Les infractions mixtes

Ce sont des faits qui, lorsqu’ils sont commis par des civils (exemple, dépouiller un
blessé en zone d’opération militaire), sont punis par le code pénal, mais qui lorsqu’ils ont pour
auteurs des militaires, sont incriminés d’une façon spéciale, souvent plus rigoureuse, par les
lois pénales militaires. Exemple, crimes et délits de droit commun dans l’exécution du
service ; une agression sexuelle commise dans l’exécution du service).

§ 2 : Intérêt de la distinction


Des règles particulières sont prévues pour les infractions militaires, aux points de vue :
 organisation judiciaire : sur le territoire béninois, en temps de paix, sont compétentes
les juridictions de droit commun, sous réserve de certaines particularités (existence de
chambres spécialisées). En cas de crime par exemple, la cour d’assises spécialisée
dans le jugement des crimes militaires n’est pas constituée comme la cour d’assises
ordinaire. En revanche, hors le territoire de la République, les juridictions militaires
connaissent des infractions de toutes natures commises par les membres des forces
armées.
 En temps de guerre, les infractions militaires, aussi bien les délits purement militaires
que les délits mixtes, prévus par le code de justice militaire sont justiciables en temps
de paix et sur le territoire de la République, des juridictions spécialisées en matière
militaire. A côté de la compétence réelle établie d’après la nature militaire de
l’infraction, ces juridictions ont une compétence personnelle à raison de la qualité

61
militaire de l’auteur, pour juger les infractions de droit commun commises par un
militaire dans l’exercice de ses fonctions.
 Procédure : les juridictions des forces armées prévue pour le temps de guerre applique
une procédure qui présente pour le prévenu des garanties analogues à celles qui
existent devant les juridictions répressives de droit commun (présence d’un avocat,
respect des droits de la défense).
 Répression : certaines peines sont spécifiquement militaires, exemple la perte de
grade ; le régime des peines est particulariste, exemple pour le sursis ou la récidive.
Telles sont les principales, et importantes classifications qui nous ont paru importantes
dans le cadre de ce titre. D’autres qualifications s’expliquent que par rapport à l’exécution
matérielle de l’acte, c’est-à-dire par rapport à l’élément matériel, ou par référence à la faute de
leur auteur, et donc fondée sur l’élément moral. Ces spécificités ont été déjà étudiées dans
chacun des chapitres qui leur étaient consacrés. Il est donc inutile de les reprendre ici.

Titre III : Le délinquant et la responsabilité pénale


En règle générale, la simple appartenance à un groupe criminel, ou la seule présence
d’une personne au sein du groupe, ne suffit pas à entraîner la responsabilité pénale de
l’intéressé du chef de l’infraction imputable à ce groupe. Pour répondre individuellement
d’une infraction collective, il est nécessaire d’avoir personnellement participé à l’infraction en
jouant au cours de la réalisation matérielle de cette action délictueuse l’un des rôles que la loi
incrimine, et en jouant ce rôle dans les conditions précises où il est légalement incriminé111.
111
Roger MERLE et André VITU, op. cit., n° 535.

62
D’un point de vue juridique, le délinquant est celui qui a commis une infraction, et qui
encourt une peine. L’infraction est généralement le fait d’un seul individu, elle peut être
parfois le fait de plusieurs personnes : les problèmes de responsabilité deviennent alors plus
complexes, le comportement individuel de chaque personne étant enchevêtré avec une
conduite collective. Mais, pour être déclaré coupable, il ne suffit pas d’avoir été l’auteur ou le
complice d’une infraction, il faut aussi être juridiquement responsable. Or le responsabilité
juridique peut être écartée lorsqu’il existe l’une des causes d’irresponsabilité spécialement
prévues par la loi. Cela ne signifie pas, pourtant, qu’aucune mesure ne puisse jamais être
appliquée à un délinquant non responsable, ni davantage que la peine soit toujours
proportionnée à la gravité objective de l’infraction et qu’elle soit toujours la même pour tous
les délinquants responsables du même délit.
Puisque le droit pénal béninois ne connait pas encore la responsabilité pénale des
personnes morales, et étant donné que les causes subjectives de non-responsabilité (trouble
psychique et neuropsychique, la contrainte, etc.) ont déjà été étudiées dans l’élément moral de
l’infraction, il ne reste qu’à examiner ici :

Chapitre I : La pluralité de participation à l’infraction


Chapitre II : Les causes objectives de non-responsabilité

Chapitre 1 : La pluralité de participation à l’infraction


Après avoir constaté qu’une infraction est constituée dans ses différents éléments
(légal, matériel et moral), la juridiction pénale doit, dans la deuxième étape de son
raisonnement déterminer la ou les personnes susceptibles d’en être déclarées pénalement
responsables. Cette question ne soulève aucune difficulté lorsque l’infraction a été réalisée par
un seul individu. Elle est plus délicate lorsque plusieurs personnes, à des titres divers et de
façon plus ou moins directe, ont joué un rôle dans la commission d’un crime, d’un délit ou
d’une contravention. Plusieurs exemples mettront en évidence la grande diversité des
situations possibles.

63
Mais notre droit pénal ne connaît que deux manières d’être pénalement responsable
d’une infraction : auteur ou complice. L’auteur peut être juridiquement considéré comme le
principal responsable, alors que le complice est en quelque sorte (d’un point de vue juridique)
un responsable de second plan.
Ces deux manières d’imputer une infraction pénale à une personne déterminée obéissent à des
règles différentes. Elles sont toutefois gouvernées par un principe d’intérêt général commun :
celui de la responsabilité personnelle.
Le principe selon lequel la responsabilité pénale est une responsabilité individuelle ou
personnelle, à la différence du nouveau code pénal français, n’est pas inscrit dans le code
pénal béninois. Il est cependant depuis longtemps affirmé par la Cour de cassation, qui
rappelle souvent que « nul n’est punissable qu’en raison de son fait personnel »112. Le
législateur français de 1992 a fini par consacrer ce principe dans l’article 121-1 du code
pénal : « Nul n’est pénalement responsable que de son propre fait »..
Il convient d’examiner les règles relatives à l’auteur (section 1) et au complice (section 2).

Section I : L’auteur


La définition de l’auteur d’une infraction recouvre des situations très diverses qui
méritent une attention.

§ 1 : Définition de l’auteur


Inexistante dans le code pénal béninois (et ancien code français), la définition de
l’auteur est désormais donnée par l’article 121-4 qui consacre les analyses de la doctrine et de
la jurisprudence. Cet article dispose que l’auteur est la personne « qui commet les faits
incriminés », ou lorsque la tentative est incriminée, « tente de commettre » l’infraction. Cette
définition peut être améliorée par la précision, tirée de l’article 121-1, que l’auteur est celui
qui commet « personnellement » les actes incriminées. La personne pénalement responsable
d’une infraction est donc celle qui a personnellement commis les différents éléments
constitutifs de celle-ci tels que définis par la loi. Dans l’hypothèse d’une tentative, l’élément
matériel de l’infraction consiste en un simple commencement d’exécution.

§ 2 : Diversité d’application

Crim. 3 mars 1859, B., n° 69 ; 3 mars 1933, B., n° 49 ; 16 déc. 1948, B., n° 291 ; 28 fév. 1956, JCP, 1956, II,
112

9304, obs. de LESTANG.

64
Apparemment il existerait une très grande iniquité à faire supporter une responsabilité
intégrale à quelqu’un qui n’a pas matériellement commis l’infraction en cause 113. En effet, la
notion d’auteur peut revêtir des réalités très différentes, en raison même de l’extrême diversité
des infractions. Il y a naturellement peu de rapports entre l’auteur d’une infraction de
commission (qui a effectivement réalisé un acte matériel) et celui d’une infraction d’omission
(à qui il est justement reproché de n’avoir pas agi) ; de même entre l’auteur d’une infraction
intentionnelle (qui a voulu commettre les faits incriminés pour obtenir un certain résultat) et
celui d’une infraction non intentionnelle (qui a fait preuve de négligence). Même lorsque le
texte incriminateur règle précisément la question, comme c’est souvent le cas, la solution
n’est pas toujours facile dans la pratique.

I – Auteur intellectuel et auteur matériel

Certaines infractions sont définies de telle façon que leur auteur peut n’avoir commis
lui-même les actes matériels incriminés par la loi. Elles sanctionnent en effet la personne qui
fait accomplir certains actes par un tiers. Ainsi, l’article 354 du code pénal punit comme
auteur, non seulement celui qui enlève un mineur par fraude ou violence, mais aussi celui qui
le fait enlever. L’auteur d’une telle infraction est désigné par la doctrine comme l’auteur
moral ou l’auteur intellectuel, par opposition à l’auteur matériel, qui commet lui-même le fait
incriminé. L’auteur intellectuel est un individu spécialement dangereux et il est normal que la
répression l’atteigne114 ; pour ce faire le droit pénal béninois a choisi la solution plus générale
de la complicité (complicité par provocation)115.
Pour sa part, le législateur français de 1992 est parfois allé plus loin jusqu’à prévoir
contre l’auteur intellectuel une incrimination distincte de celle prévue pour l’auteur matériel,
afin de le réprimer plus sévèrement que ce dernier. L’article 222-34 du code pénal français
réprime ainsi à la réclusion criminelle à perpétuité le dirigeant ou l’organisateur d’un
groupement ayant pour objet le trafic de stupéfiant, alors que ceux qui exécutent ce trafic
encourent des peines à temps (en application des articles 222-35 et 222-36). Il en est de
même, pour la répression d’un mouvement insurrectionnel, des articles 412-4 à 412-16 qui
distinguent les participants au mouvement de ceux qui en sont les dirigeants ou les
organisateurs. On peut encore citer les articles 413-14 et suivants, qui punissent plus

113
Michèle-Laure RASSAT et Gabriel ROUJOU de BOUBEE, op. cit., n° 375.
114
Michèle-Laure RASSAT et Gabriel ROUJOU de BOUBEE , ibid., n° 377.
115
Voir développement en section II.

65
sévèrement l’organisateur d’un groupe de combat ou d’un mouvement dissous que les simples
participants.
Dans tous les cas, ces personnes que la loi pénale française désigne comme auteurs
auraient pu être sanctionnées comme des complices par instruction. Si elles sont présentées
comme auteurs, c’est pour refléter la réalité criminelle (génocide) ou pour aggraver la
répression (trafic de stupéfiants, mouvement insurrectionnel).
Lorsque de telles raisons n’existent pas, le législateur s’attache généralement à
respecter la distinction classique entre l’auteur et le complice.

II – Auteur indirect et auteur médiat

Ces notions, purement doctrinales et qui sont intimement liées à la question du lien de
causalité, ont été quasiment consacrées par le législateur français dans la loi du 10 juillet 2000
tendant à préciser la définition des délits non intentionnels.
La première hypothèse correspond à celle de l’auteur indirect qui s’oppose à l’auteur
direct. L’auteur direct est celui qui frappe lui-même la victime, ou qui projette contre celle-ci
l’objet qui la heurtera. L’auteur indirect intervient en amont dans la chaînes des causalités
ayant abouti au dommage, ce qui peut correspondre à des situations très variables.
La doctrine a ainsi pu qualifier d’auteurs indirects :
- Le responsable d’un accident ayant provoqué chez la victime un traumatisme crânien
grave à la suite duquel elle s’est suicidée ;
- L’automobiliste qui gare son véhicule sur le trottoir, obligeant un piéton à descendre
sur la chaussée où il est renversé par le véhicule roulant à sa suite ;
- Le directeur d’une usine ayant employé un ouvrier souffrant d’insuffisance
respiratoire dans des ateliers empoussiérés.
La notion d’auteur médiat est à la fois une extension et une subdivision de la notion
d’auteur indirect, parfois définie par la doctrine comme celui qui laisse commettre
l’infraction, en raison d’une « omission fautive », par une personne placée sous son autorité
(qui sera elle-même auteur direct). Elle correspond essentiellement à la situation des chefs
d’entreprise ou des décideurs publics, et est en partie recouverte par l’hypothèse de la
personne qui ne prend pas les mesures permettant d’éviter un dommage.
En voici quelques exemples :
- Un chef de chantier qui n’interrompt pas les travaux d’une grue malgré le vent,
causant un accident ;

66
- Une personne qui confie sa voiture à un tiers ne possédant pas le permis de conduire et
provoquant un accident.
On voit donc que, le plus souvent, l’auteur médiat est également un auteur indirect.
La notion d’auteur indirect ou médiat, dans un code pénal (comme c’est le cas en
France depuis la loi du 10 juillet 2000), présente une importance particulière, puisque ces
auteurs ne pourront être condamnés pour les délits d’imprudence qu’en cas de faute qualifiée.

III- Coauteurs

Lorsqu’une infraction est le fait de plusieurs personnes, chacune d’elles peut avoir
commis les éléments constitutifs de celle-ci. Ainsi deux individus qui pénètrent dans une
maison pour y dérober plusieurs objets commettent chacun les éléments constitutifs du vol
réprimé par l’article 379 du code pénal. Ces personnes sont alors qualifiées de coauteurs. On
rentre ici dans l’action collective, puisque l’infraction n’est plus le fait d’une personne isolée,
mais de plusieurs. La notion de participation en rend compte, avec cependant bien une
spécificité marquée, tout mode participatif ne relevant pas de la coactivité. La jurisprudence
en donne une définition précise, afin de ne pas la confondre notamment avec la
complicité : « Dans les actes de complicité, il faut distinguer ceux qui, extrinsèques à l’acte,
de ceux qui, tendent à en préparer, faciliter et réaliser la consommation, de ceux qui, par la
simultanéité d’action et l’assistance réciproque, en constituent la perpétration même ; il suit
que les individus coupables de ces derniers actes sont bien moins des complices que des
coauteurs de l’infraction »116. La formule est bien explicite, en renvoyant avec précision à ce
qui est le propre d’une action partagée entre plusieurs auteurs. Elle tient à la simultanéité de
leur conduite respective, et à la réciprocité de leur soutien mutuel, assurant à l’infraction une
assise d’autant plus forte, qu’elle est le produit de convergences appuyées. Les coauteurs sont
des auteurs à égalité, qui participent personnellement, et avec la même intensité, à tout ce qui
constitue l’infraction, et partagent entre eux, sans différence aucune, le résultat de l’infraction.
Il y a presque toujours coaction en cas d’infraction commise par un auteur intellectuel,
puisque celui-ci a fait réaliser des actes délictueux par l’auteur matériel.
De ces observations, il ressort que les coauteurs se distinguent des complices, qui, au
contraire, sont en retrait par rapport à l’action principale, pour n’apporter qu’une aide ou une
assistance secondaire (section II). L’auteur de l’infraction est alors désigné comme l’auteur
principal. La distinction entre coauteur/complice est cependant, comme nous le verrons,
parfois mise à mal par la jurisprudence.

116
Crim. 17 déc. 1859, DP, 1860.I.196.

67
Section I : Le complice
Notre droit pénal distingue entre les participants directs à l’infraction (auteurs et
coauteurs) et les participants secondaires (les complices).
Nous venons de le voir, le coauteur est traité comme l’auteur car il réunit en sa personne tous
les éléments généraux et spéciaux de l’infraction. Qu’en est-il alors du coopérant qui sans
accomplir personnellement l’infraction, en favorise l’accomplissement par l’auteur ?
La réponse à cette question passe par l’examen des différentes conceptions possibles
de la complicité, puis, par rapport à elles, les choix opérés par le droit béninois en la matière.
La législation béninoise, s’inspirant de celle française, révèle en matière de complicité une
indiscutable originalité qui sera étudiée successivement à travers les conditions de la
complicité (§ 1) et la répression dont elle est assortie (§ 2).

§ 1 : Les conditions de la complicité


Dans leur Traité de droit criminel, Roger MERLE et André VITU défissent le
complice comme l’individu qui, sans accomplir personnellement les éléments constitutifs de
l’infraction imputable à l’auteur, a seulement facilité ou provoqué l’action principale par des
agissements d’une importance matérielle secondaire117. Il résulte de cette définition, et du
droit positif béninois (articles 60 et 61 du code pénal) que pour engager la responsabilité d’un
individu au titre de la complicité, cette participation doit avoir revêtu l’une des formes
matérielles prévues par eux, et elle doit avoir un caractère intentionnel.
La complicité suppose donc un fait principal puni de crime ou délit, et un acte de
participation à ce fait principal.

I – Un fait principal punissable

Le fait principal punissable est une référence objective, pour renvoyer exclusivement à
ca qui est susceptible d’être sanctionné sur le plan pénal 118. Etant donné que l’acte du
complice emprunte la criminalité de l’auteur principal 119, il importe d’abord de procéder à la
qualification du fait (A), ensuite étudier le caractère punissable de ce fait (B).

A : La qualification du fait principal


117
R. MERLE et A. VITU, op. cit., n° 536.
118
Yves MAYAUD, Droit pénal général, Paris : PUF, 2004, n° 355.
119
Bernard BOULOC, op. cit., n° 320.

68
L’article 59 du code pénal béninois évoque les notions « crime ou délit » ; on peut
alors s’interroger aussi sur le sort de la contravention.

1 – L’exigence d’un fait qualifié crime ou délit


La complicité est punissable en principe, pour tout crime ou délit, pour tous les cas de
complicité définis par la loi.
Un problème se pose cependant : peut-il avoir complicité d’infraction d’imprudence
ou de négligence ? Exemple, complicité d’homicide ou d’atteinte à l’intégrité physique ou
corporelle par imprudence ?
En principe non, si l’on pense que l’acte de complicité suppose un acte intentionnel,
c’est-à-dire avec désir du résultat.
Toutefois, on a vu parfois que ce crime ou ce délit est intentionnel, donc on peut bien
estimer que le délit est d’imprudence, et il serait donc souhaitable que la complicité
d’imprudence soit punissable. (Exemple, enjoindre à un préposé conducteur de franchir un feu
rouge en lui disant : « vas-y, vas-y, fonce ! ».
Par conséquent, toute complicité suppose une infraction commise à titre principal, par
un autre que le complice. Mais il faut rappeler que l’infraction punissable à laquelle se
rattache la complicité peut consister en une tentative. On dit alors que la complicité de
tentative est punissable.

2 – Le cas de la contravention
Compte tenu de l’article 59 du code pénal, la jurisprudence admet que la complicité de
contravention n’est pas punissable, sauf exception 120. Ces termes ont d’ailleurs été repris par
l’article 121-7 du nouveau code pénal français de telle sorte que le principe paraît a priori
toujours valable. Mais ce nouvel article a une originalité particulière ; il vise en effet
doublement le complice, et par référence à un « crime » ou à un « délit », lorsqu’il agit par
aide ou assistance, ou en facilite la préparation ou la consommation (al. 1er), et en rapport avec
une « infraction », lorsqu’il en provoque la réalisation ou donne des instructions pour la
commettre (al. 2).

120
Pour certaines contraventions, toutefois, la loi punit ceux qui aident ou assistent les auteurs de bruits ou
tapages injurieux ou nocturnes (art. 623-2 du code pénal).
Mais cet article 121-7 du code pénal français

69
De cette différence de rédaction entre les deux hypothèses, il ressort nettement que les
contraventions ne sont pas comprises dans la première, alors qu’elles le sont dans la seconde.
Il n’en résulte pas moins une extension sensible de son domaine.

B : Le caractère punissable du fait


La complicité n’existe qu’à partir d’un fait principal punissable, auquel le complice est
venu s’associer. Plus techniquement, on dit que la complicité est accessoire. Par conséquent,
toute complicité suppose une infraction commise, à titre principal, par un autre que le
complice. Un fait principal est déclaré punissable lorsqu’il constitue une infraction.
L’existence d’un fait principal punissable est une condition nécessaire et suffisante. Si l’acte
de l’auteur n’est pas incriminé par la loi celui qui en a été le complice ne peut pas être puni121.
Toutefois, il existe des dérogations à l’exigence d’un fait principal punissable. Il arrive qu’un
texte spécial réprime la provocation, même infructueuse, à commettre une infraction.
Ainsi pour la provocation au suicide, alors que le suicide en lui-même échappe à la loi
pénale ; de même pour l’incitation à l’assassinat, serait-il non commis ni même tenté.
Dans ces hypothèses, la doctrine estime que la criminalité n’est plus d’emprunt, mais
d’origine, car l’on est coupable à soi seul, et non pas à travers l’acte d’autrui 122. Il s’agit là
d’une complicité autonome.

II – La participation au fait principal

Pour être punissable, la complicité doit réunir un élément moral, voire intentionnel (la
connaissance de cause), et un élément matériel (la participation à l’un quelconque des cas
légaux de complicité).

A : L’élément intentionnel de complicité


L’intention, c’est agir à dessein, c’est avoir fait exprès de prendre une participation
dans l’infraction qu’une autre personne va commettre. Pour être punissable, la complicité
suppose que le complice ait eu l’intention de participer à l’infraction commise par autrui, qu’il
ait eu connaissance du fait délictueux et volonté d’y participer123.

121
Toutefois, la provocation au suicide comme la propagande ou la publicité en faveur de méthodes préconisées
comme moyen de se donner la mort, est punissable en tant que délit distinct.
122
Jean-Claude SOYER, Droit pénal général et procédure pénale, op. cit., n° 158.
123
Crim. 1er déc. 1944, D.1945, 162.

70
Cette exigence pose la question de la correspondance entre l’intention du complice et
l’infraction accomplie par l’auteur, et celle de la complicité dans les infractions non
intentionnelles.
Il existe bel et bien une correspondance entre l’intention de l’auteur et celle du
complice lorsque, dans le cadre d’une entente, l’auteur avait projeté la commission d’une
infraction à laquelle le complice entendait s’associer et que c’est bien cette infraction qui en
définitive a été commise. Le problème apparaît lorsqu’il y a discordance entre l’infraction
accomplie par l’auteur et l’intention du complice.
Il y a lieu, dans ce cas, d’envisager trois situations différentes :
1) Il se peut d’abord que l’auteur commette une infraction complètement différente de
celle à laquelle le complice entendait s’associer : cas du braconnier qui se verrait
remettre un fusil de chasse pour braconner et qui s’en servirait pour tuer quelqu’un.
Dans ce cas, la jurisprudence décide que l’infraction commise étant différente de
l’infraction projetée le complice n’est pas punissable124.
2) Il se peut ensuite que l’auteur, à l’insu du complice, assortisse l’exécution de
l’infraction de circonstances aggravantes réelles : le complice entendait par exemple
s’associer à un vol simple que l’auteur effectue à main armée. O décide alors que le
complice supporte l’aggravation qui en résulte car « il devait prévoir toutes les
qualifications dont le fait était susceptible, toutes les circonstances dont il pouvait être
accompagnées »125.
3) Il se peut enfin que le complice se révèle prêt à s’associer à n’importe quelle infraction
commise par l’auteur ; il sera alors tenu responsable quelle que soit l’infraction
commise.
Par rapport à l’infraction d’imprudence (voir un peu plus haut), la réponse à la question de
savoir s’il est possible de se rendre complice d’un crime ou d’un délit est a priori négative
puisque l’imprudence exclue toute idée d’intention et donc d’entente que la complicité, elle,
implique. Ceci est parfaitement exact en matière d’imprudence inconsciente, mais il en va
différemment en cas d’imprudence consciente. La part de volonté délibérée que celle-ci
comporte permet alors à l’intention spécifique du complice de se développer. C’est dans ces
conditions que la jurisprudence a été conduite à admettre qu’il pouvait y avoir complicité
d’une infraction d’imprudence126.

124
Crim. 13 janv. 1955, D., 1955, 291, note A. CHAVANNE.
125
Crim. 19 juin 1984, B. n° 231.
126
Cf. notamment Chambéry 8 mars 1956, JCP 1956, 9224, note R. VOUIN.

71
B : l’élément matériel de complicité
A priori, par référence aux articles 60 et 61 du code pénal béninois, on peut énumérer
cinq cas légaux de complicité : la complicité par provocation, la complicité par instruction, la
complicité par fourniture de moyens, la complicité par aide ou assistance, le recel. Mais si
l’on retient que les actes de complicité doivent être des actes positifs, antérieurs ou
concomitants à l’infraction, on peut s’interroger sur le cas du recel (qui est postérieur à la
consommation de l’infraction).
Partant de ce constat, et en vertu de l’article 60 du code pénal béninois sous réserve de
l’article 61 sur le recel, les actes matériels de participation punissables au titre de complicité,
dans une vision suffisamment large, sont : la provocation, l’instruction, la fourniture de
moyens, l’aide ou l’assistance. Dans une version plus restreinte, on retient deux modes de
complicité : la complicité par instigation (1), et celle par collaboration (2). Ces deux modes
opératoires recouvrent tous les cas légaux de complicité, à l’exception du recel qui sera
abordé particulièrement (3).

1 – La complicité par instigation


L’article 60-1 du code pénal béninois (art. 121-7 code pénal français) considère
comme complices les personnes, qui « par dons127, promesses128, menaces, abus d’autorité ou
de pouvoir, machinations ou artifices coupables, auront provoqué à cette action ou donné
des instructions pour la commettre ».
Le provocateur est celui qui incite l’auteur de l’infraction à commettre celle-ci. Pour
être punissable dans le cadre de la complicité, la provocation doit avoir été accompagnée de
certains procédés à savoir le don, la promesse, la menace, l’ordre, l’abus d’autorité ou de
pouvoir129. Elle doit être ensuite individuelle, c’est-à-dire non pas publique mais adressée à
une personne déterminée. Elle doit enfin être directe, ce qui suppose qu’elle doit suggérer
l’infraction et pas simplement inspirer des sentiments d’hostilité, d’animosité ou de haine.

127
Trib. corr. Grasse, 23 sept. 1964, JCP 1965.II.13964, note RIEG. Mais pour la définition, voir note suivante.
128
On assimile aux dons et promesses le pari et l’assurance par lesquels on garantit un individu contre les
conséquences de son infraction.
En ce qui concerne le "pari", il a été jugé que « celui qui, sous forme de pari, s’engage à donner à un autre une
somme d’argent pour le cas où ce dernier commettrait une action ayant le caractère d’un délit, doit être réputé
complice de ce délit, comme ayant provoqué par promesse à le commettre » (Crim. 28 nov. 1856, DP 1857.I.28).
Quant à l’assurance, l’article 53 de la loi du 28 avril 1816 sur les douanes fait une application de la règle selon
laquelle le fait d’assurer une personne contre les risques du délit dont elle peut se rendre coupable peut être punie
complice ; il y a alors, déclare la Cour de cassation, provocation par promesses (Crim. 23 oct. 1825).
129
Crim. 25 fév. 1942, D. 1942.1.91 ; crim. 24 juill. 1958, b. n° 573 ; crim. 29 mars 1971, B. n° 112.

72
Les instructions sont des indications précises de nature à faciliter la commission de
l’infraction, par exemple, le fait de donner des détails sur le mode de vie de la victime 130 ou
d’indiquer la manière de réaliser l’infraction131.
Ici, le fait du complice est nécessairement antérieur au fait principal punissable. On
peut citer : le recrutement d’un tueur à gages (exemple de provocation) ; la livraison du mode
d’emploi qui permet de pénétrer frauduleusement un système informatique (exemple
d’instruction).
On remarquera que si l’instigation n’est pas suivie de passage à l’acte, l’instigateur
échappe à la répression, par faute d’un fait principal punissable. Il ne s’agit alors que d’une
tentative de complicité, qui n’est pas punissable, il en est de même de la complicité au second
degré, ou complicité de complicité132, à l’inverse de la complicité de tentative, laquelle tombe,
comme nous l’avons déjà étudiée, sous le coup de la loi pénale.

2 – La complicité par collaboration


D’après l’article 60-3 du code pénal béninois (121-7-1 code pénal français), sont
également considérés comme complices d’un crime ou d’un délit, les personnes qui
auront : « avec connaissance, aidé ou assisté l’auteur ou les auteurs de l’action, dans les faits
qui l’auront préparée ou facilitée, ou dans ceux qui l’auront consommée… ».
De l’aide ou l’assistance, on rapprochera la fourniture de moyen, prévu par l’article
60-2 du code pénal : « ceux qui auront procuré des armes, des instruments, ou tout autre
moyen qui aura servi à l’action, sachant qu’il qu’ils devaient y servir à l’action… ».
Les tribunaux répriment quotidiennement cette forme de complicité très fréquente :
fourniture de fausses clefs133, de substances destinées à la falsification de denrées
alimentaires134.
Certains auteurs prétendaient, autrefois, que l’article 60 ne s’appliquait qu’à la
fourniture des objets mobiliers ayant servi à l’action. Ils soutenaient donc que l’on ne
poursuivre en tant que complice le propriétaire qui met son immeuble à la disposition de
l’auteur principal. Mais cette opinion, qui ne reposait sur aucune base sérieuse, a été
abandonnée135.

130
Crim. 31 janv. 1974, JCP 1975, 17984, note A. MAYER-JACK, RSC 1975, 679, obs. J. LARGUIER.
131
Crim. 28 oct. 1965, JCP 1966, 14524.
132
Yves MAYAUD, op. cit., n° 358.
133
Crim. 13 juin 1811.
134
Crim. 18 nov. 1880, D., 83.I.139.
135
Roger MERLE et André VITU, op. cit., n° 551.

73
L’aide ou l’assistance constitue une forme de participation particulièrement large
susceptible même d’englober de nombreuses applications. C’est un acte antérieur ou
concomitant à l’action principale, ce qui exclut les faits produits postérieurement à la
perpétration de l’infraction136 (exemple, recel de malfaiteur, certains faux pour procurer
l’impunité à l’auteur d’un crime ; ces actes ne relèvent pas du domaine de la complicité sauf
s’ils résultent d’un accord antérieur).
La complicité par aide ou assistance est parfois difficile à distinguer de la coaction,
surtout quand elle est concomitante à l’infraction (le problème de la complicité et de la
coaction ne se pose pas en principe pour les complicités par instigation, différentes de la
collaboration, et normalement antérieures à l’infraction).
Exemple : guet durant un cambriolage, pour « couvrir » le cambrioleur.
En vertu du texte, celui qui fait le guet pendant qu’un autre est en train de commettre
le vol, ou celui qui joue de la musique pour qu’on n’entende pas les cris de la personne qu’on
assassine (affaire Fualdès)137 doit être considéré comme un complice par aide ou assistance.
Car s’il facilite l’exécution du vol ou de l’assassinat, il n’accomplit pas lui-même les actes
matériels rentrant dans la définition légale du vol ou de l’assassinat (voir respectivement
articles 379 pour le vol et 296, 297 et 298 pour l’assassinat).
Toutefois la jurisprudence, dans un souci de répression, a tendance à considérer
comme coauteurs, et non pas seulement comme complices, tous ceux qui coopèrent à la
perpétration de l’infraction, même s’ils n’ont pas participé directement à l’élément matériel
constitutif de cette infraction. Elle en a décidé pour celui qui fait le guet, pendant l’exécution
d’un vol138 ou qui par son attitude en facilite la commission139. Malgré les critiques de la
doctrine, la chambre criminelle n’a pas modifié sa jurisprudence, qui étend la qualité de
coauteurs à ceux qui n’ont fait qu’aider ou assister, s’ils étaient présents au moment de la
commission des faits140.

136
Crim. 6 août 1945, Gaz. Pal. , 1945.2.143.
137
Le 19 mars 1817 Antoine Bernardin Fualdès, ancien procureur impérial du département de l'Aveyron, sort de
chez lui à la nuit tombée. On retrouve son corps, flottant dans l'Aveyron, le lendemain matin. Le 18 août 1817, le
premier procès de l'affaire Fualdès débute à Rodez. Charles Bastide-Gramont, filleul de Fualdès, Joseph Jausion,
agent de change, ainsi que Jean-Baptiste Collard, habitants de la maison Bancal, sont condamnés à la prison.
Clarisse Manzon est accusée de complicité. Le jugement est annulé pour vice de forme. Le 25 mars 1818, le
deuxième procès de l'affaire Fualdès se tient à Albi. Clarisse Manzon est libérée. Bastide, Jausion et Collard sont
guillotinés. Le 21 décembre 1818, un troisième procès se tient à Albi. Plusieurs notables accusés de complicité
sont relaxés.
138
Crim. 19 nov. 1943, B. n° 129 ; crim. 25 janv. 1973, Gaz. Pal. 1973.I.94, note DOUCET.
139
Crim. 4 août 1927, S. 1929.I.33, note ROUX.
140
Cette jurisprudence a été quelque peu légalisée en France par la loi du 2 février 1981 modifiant l’article 382
du code pénal : « sera puni d’un emprisonnement d’un an à cinq ans et d’une amende de 5000 F à 200000 F le
coupable de vol commis "ou tenté" soit avec violence, soit à l’aide d’effraction extérieure ou intérieure, ou d’une
escalade, ou de fausses clefs ou de clefs volées, ou d’une entrée par ruse dans un local d’habitation ou un lieu

74
3 – Le cas du recel
L’article 61 du code pénal béninois, entretenant malencontreusement une
confusion ajoute aux cas précédemment énoncés, que « ceux qui connaissant la conduite
criminelle des malfaiteurs exerçant des brigandages ou des violences contre (…) les
personnes ou les propriétés, leur fournissent habituellement logement, lieu de retraite ou de
réunion, seront punis comme leurs complices ».
Cette conception du recel comme cas de complicité au Bénin est un héritage du passé
pénal français. Le législateur français réprime en règle générale le recel comme une infraction
autonome, puni de peines spéciales. Mais il n’en a pas toujours été ainsi : le recel de choses,
de 1810 à 1915, était un cas de complicité. Une loi du 22 mai 1915 l’a érigé en délit distinct
pour éviter certains inconvénients141. Par conséquent, le recel, même dans le droit positif
béninois, doit être considéré comme un délit distinct et non comme un cinquième cas légal de
complicité.
Le receleur joue dans l’infraction un rôle particulier. Le receleur, c’est la personne qui
se borne à accepter, après coup, de cacher ou de dissimuler soit les protagonistes de
l’infraction pour les soustraire aux recherches de la justice (recel de malfaiteurs), soit les
produits de l’infraction (recel de choses), soit même les traces les plus compromettantes de
l’infraction (recel de cadavre)142.
La complicité suppose en principe des faits antérieurs ou concomitants à l’infraction. Il
n’y a pas en principe de complicité pour des faits postérieurs à l’infraction 143. Il serait
d’ailleurs illogique de voir des complices dans ceux qui n’ont en rien facilité la commission
de l’acte délictueux et qui n’ont agi qu’après que celui-ci a été consommé ; exemples
jurisprudentiels : prêt d’une balance pour le partage du butin, aide à évader après évasion.
Mais cela ne veut pas dire que tous les actes postérieurs échappent à la répression à titre de
complicité. La jurisprudence elle-même considère parfois comme un acte de complicité
punissable, bien qu’il soit postérieur à l’infraction, un acte en liaison directe et préméditée
avec celui-ci. Il y a donc complicité en cas d’accord antérieur ou concomitant ; exemple,
voiture prévue pour faciliter la fuite 144. La preuve de l’intention peut se déduire d’un
comportement ultérieur.

où sont conservés des fonds, valeurs, marchandises ou matériels.


S’il y a de surcroît commission de nuit ou par deux ou plusieurs personnes, qu’elles aient chacune la qualité de
coauteur ou de complice, le maximum de l’emprisonnement sera porté à sept ans… »
141
Pour plus de précisions, voir Roger MERLE et André VITU, op. cit., n° 560.
142
Roger MERLE et André VITU, ibidem.
143
Crim. 15 janv. 1948, D. 1948, 1000.
144
Crim. 30 avril 1963, B. n° 157 ; crim. 8 nov. 1972, B. n° 329, D. 1973, somm. 17.

75
§ 2 : La répression de la complicité
La question qui se pose est de savoir si la répression de l’acte de complicité doit être
solidaire de la répression légale de l’acte de l’auteur ? Autrement dit, la responsabilité pénale
du complice sera-t-elle étroitement commandée, au plan de l’incrimination et de la sanction
légalement applicable, par l’acte accompli par l’auteur ?
Il résulte de l’article 59 du code pénal béninois que « les complices d’un crime ou d’un
délit seront punis de la peine que les auteurs mêmes de ce crime ou de ce délit, sauf les cas où
la loi en aurait disposé autrement ». A l’emprunt de la criminalité s’ajoute donc un emprunt de
la pénalité. Certes, cela ne veut pas dire qu’il y a une identité des peines effectivement
prononcées, mais que les peines encourues sont les mêmes, par référence à ce que la loi
réserve à l’auteur principal.
L’examen de la portée de cette règle (I), permettra d’apprécier son influence sur la
condition du complice (II).

I – La portée de l’article 59 du code pénal


En examinant la portée de l’article 59 du code pénal béninois, on se rend rapidement
compte de ses défauts sont plus apparents que réels : les complices seront punis « comme les
auteurs », et non comme « auteurs »145. Cela ne signifie nullement que, dans une espèce
donnée, le juge est obligé d’infliger la même peine aussi bien à l’auteur principal qu’au
complice. Un tel résultat serait injuste et contraire au principe moderne de l’individualisation
de la peine. Cet article signifie, ce qui est tout à fait différent, que la peine applicable en droit
est la même pour l’auteur principal et le complice.
Auteur et complice doivent être poursuivis et punis en vertu du même texte, puisqu’ils
ont commis la même infraction, mais l’individualisation judiciaire de la peine peut s’exercer à
leur égard dans les limites prévues par la loi. En conséquence, l’auteur principal peut être
condamné au maximum de la peine et le coupable au minimum (ou inversement).

II – L’influence sur la condition du complice

145
C’est la formulation retenue par le code pénal français (art. 121-6). Il a été estimé que l’emprunt de pénalité
pourrait soulever des difficultés s’il advenait qu’une personne physique et qu’une personne morale puisse se
retrouver auteur et complice d’une même infraction, les peines n’étant plus les mêmes pour les deux catégories
de personnes.

76
L’infraction peut s’accompagner de circonstances aggravantes et d’excuses. Lorsque
l’auteur principal d’une infraction encourt des causes d’aggravation ou bénéficie des causes
d’atténuation, se répercutent-elles sur le complice ?
Pour répondre à cette question, il faut envisager trois hypothèses, suivant que les
circonstances aggravantes ont un caractère réel (A), personnel (B) ou mixte (C).

A : Les circonstances aggravantes réelles (ou objectives)


Ce sont celles qui concernent la matérialité de l’infraction ; exemple, vol avec
violences).
La jurisprudence a décidé que les circonstances aggravantes réelles aggravaient la
condition du complice, alors qu’il les aurait ignorées ou désapprouvées. Il en est ainsi des
circonstances aggravantes de violence146, de nuit, de réunion et de maison habitée dans le
vol147.

B : Les circonstances personnelles (ou subjectives)


Ce sont celles qui ne concernent que la qualité de l’agent. Elles ne nuisent ou ne
profitent qu’à la personne chez qui elles se rencontrent. Il en est ainsi : de la circonstance
aggravante générale de récidive, de l’immunité établie en cas de vol en faveur des parents ou
alliés visés par l’article 380 du code pénal148.
La jurisprudence décide que les circonstances personnelles à l’auteur principal,
qu’elles atténuent ou aggravent sa culpabilité, ne sont pas applicables au complice et par suite
ne peuvent ni atténuer ni aggraver la peine du complice. C’est le cas des causes de non-
imputabilité (démence ou contrainte) et même de l’état de minorité que peut invoquer l’auteur
principal. Toutes ces circonstances qui suppriment la responsabilité de l’auteur principal, ou
écartent ou réduisent seulement la peine, n’ont aucun effet à l’égard du complice149.
Il en est de même des circonstances personnelles qui entraînent une aggravation de la
peine de l’auteur principal, comme récidiviste. Seule la peine de l’auteur principal sera
aggravée.

C : Les circonstances mixtes

146
Crim. 23 mai 1879, S.1881.I.41.
147
Crim. 31 déc. 1947, RSC 1948, somm. 105.
148
Malgré le caractère personnel de l’immunité, la jurisprudence, contre l’avis unanime de la doctrine, décide
que le complice n’est pas punissable lorsque l’auteur principal bénéficie de l’immunité de l’article 380 du code
pénal (Crim. 1er avr. 1825, B. n° 73 ; 8 janv. 1921, D.1921.I.169. En revanche, le complice redevient punissable
lorsqu’il est associé à la perpétration du vol commis conjointement par un parent et un coauteur étranger (Ch.
réun. (Interprétation de la loi), 25 mars 1845.D.1845.I.290. Req. DUPIN).
149
Pas davantage, le complice ne peut bénéficier de l’amnistie personnelle accordée à l’auteur principal.

77
Ce sont celles qui concernent à la fois la personne et l’acte, parce qu’elles prennent
leur source dans une qualité de l’agent, mais se répercutent sur l’infraction. On admet que,
puisqu’elles changent la gravité objective de l’infraction, leur caractère réel l’emporte sur leur
caractère personnel ; en conséquence, si elles se rencontrent en la personne de l’auteur
principal, elles nuisent ou profitent au complice, qu’il les ait connues ou non.
Il en est ainsi de la circonstance aggravante de domesticité dans le vol (art. 386 code
pénal)150, de la circonstance aggravante de descendant de la victime (art. 299 code pénal)151,
de la circonstance aggravante de préméditation (article 296 code pénal)152.
Il en résulte que si un fils s’associe au meurtre commis par un tiers sur la personne de
son père, la peine infligée à l’un et à l’autre sera celle du meurtre ordinaire 153 et que, si un
domestique se rend complice d’un vol commis au préjudice de son maître par un tiers,
domestique et tiers ne seront punis que des peines du vol ordinaire, et non pas de celles du vol
domestique154.
Mais si le fils ou le domestique, au lieu de s’en tenir au rôle de complice, devenait
coauteur, il acquerrait alors une criminalité propre, et encourrait respectivement les peines de
parricide et du vol domestique. Et même, ces peines s’étendraient aux autres coauteurs : les
coauteurs sont complices les uns des autres155.
Mais cette règle, bien qu’elle soit imposée par les nécessités pratiques, n’est
évidemment qu’une fiction juridique : elle évite que le coauteur, généralement plus coupable
que le simple complice, soit traité plus favorablement156.
Dans le système béninois de l’emprunt absolu de la criminalité, la distinction entre
coauteurs et complices ne présentent que quelques intérêts pratiques.
En effet, la qualification légale de l’infraction peut changer suivant que les co-
délinquants sont des coauteurs ou complices, car c’est en considération des coauteurs et non
des complices, que s’apprécient les éléments constitutifs et les circonstances aggravantes de
l’infraction. Ainsi, l’homicide est qualifié de parricide si le fils de la victime est coauteur,
autrement il n’est qu’un simple meurtre si ce fils était complice ; un vol commis par des

150
Crim. 16 juill. 1903, S.1907.251.
151
Crim. 16 juill. 1842, B. n° 184.
152
Crim. 8 juin 1843, S.1843.I.558. La préméditation transforme le meurtre en un assassinat.
153
Cf., au sujet d’une mère complice par aide ou assistance du viol commis sur la personne de sa fille : crim. 2
oct. 1856, S.1857.I.79 ; la mère coupable ne subit pas l’effet de la circonstance aggravante résultant de l’article
333 du code pénal.
154
Crim. 17 sept. 1847, B. n° 227.
155
Crim. 9 juin 1848, S.1848.I.527 ; 15 juin 1860, S.1861.I.398 : « Attendu, dit la cour, que le coauteur d’un
crime aide nécessairement l’autre coupable dans les faits qui consomment l’action, et devient, par la force des
choses, légalement son complice ».
156
Crim. 23 mars 1953, JCP 1953.IV.73 et 14 déc. 1955, JCP 1956.IV.10.

78
coauteurs n’est pas un vol simple, mais un vol commis en réunion (ou en association), c’est-à-
dire un vol aggravé, qui, s’il s’y ajoute d’autres circonstances aggravantes, constitue un crime
(art. 381 code pénal), alors qu’un vol commis par un seul auteur et des complices demeure un
vol simple (art. 379 code pénal).
En résumé, les circonstances aggravantes et les excuses légales ne se communiquent
pas toutes indistinctement des coauteurs aux complices.

Chapitre 2 : Les causes objectives de non-responsabilité


Du seul fait de la commission matérielle d’une infraction, le délinquant n’encourt pas
de plein droit la sanction prévue par la loi. En pareil cas, l’acte est légitimé par l’existence
d’un fait justificatif.
On appelle faits justificatifs « des circonstances objectives, qui désarment la réaction
sociale contre l’infraction pénale, et imposent des dérogations spéciales à l’application des
textes répressifs généraux »157 . On déduit que lorsqu’il existe un fait justificatif, la
responsabilité pénale du délinquant disparaît non pas directement, mais en conséquence de la
non-application du texte de loi par suite de circonstances particulières dans lesquelles l’acte a
été commis158.
Les faits justificatifs sont des dérogations prévues par la loi ou implicitement
supposées par elle, neutralisant et même supprimant l’élément légal de l’infraction, de sorte
que celle-ci n’est plus juridiquement constituée.
Dans le droit positif béninois, les faits justificatifs sont au nombre de deux (section I).
Il faut les étudier successivement avant de s’interroger sur l’éventualité de deux autres faits
justificatifs non encore admis par la loi (Section II).

157
Roger MERLE et A. VITU, op. cit., n° 431.
158
Bernard BOULOC, op. cit., n° 377.

79
Section I : Les faits justificatifs reconnus par la loi
C’est de manière sélective que certaines causes seront déclinées. En effet, l’abrogation
de la loi pénale, l’amnistie et la prescription de l’action publique relèvent de dispositions trop
ponctuelles et diversifiées pour en faire état ici. Seuls les faits justificatifs généraux,
précisément par leur vocation à la généralité, rentrent donc dans cette partie. On les retrouve
aux articles 327, 328 et 329 du code pénal. Le premier (327) est relatif à l’ordre de la loi et le
commandement de l’autorité légitime, et les deux derniers (328 et 329) évoquent la légitime
défense.

§ 1 : L’ordre de la loi et le commandement de l’autorité légitime


Aux termes de l’article 327 du code pénal (art. 122-4 code pénal français) : « Il n’y a
ni crime, ni délit, lorsque l’homicide, les blessures et les coups étaient ordonnés par la loi et
commandés par l’autorité légitime ».
Sans doute cet article a-t-il été interprété de façon extensive d’abord à propos de la
détermination des infractions susceptibles d’être justifiées par la loi et le commandement de
l’autorité.

I – L’ordre de la loi


La justification d’une infraction peut résulter de l’ordre de la loi (lato sensu, y compris
un règlement) ou encore l’autorisation de celle-ci. Mais l’ordre de la loi n’est pas une cause de
justification absolument péremptoire. N’importe quelle injonction légale n’est pas
nécessairement justificative d’une infraction pénale ; et n’importe quel citoyen n’est pas
autorisé à exécuter de sa seule initiative, ou n’importe comment, de l’ordre justificatif et de
l’exécution justifiée par cet ordre.

A : Règles générales sur l’ordre de la loi


Il suffit par lui-même à justifier l’acte si l’ordre du supérieur n’est pas nécessaire.
Lorsqu’une loi ordonne à un citoyen d’accomplir un acte qu’une autre loi qualifie d’infraction
pénale, on se trouve en présence d’un conflit de lois : l’une des deux lois doit l’emporter sur
l’autre, car elles son incompatibles159. Et il semblerait que l’article 327 du code pénal apporte
à ce conflit une solution systématique en faveur de la disposition qui contrarie la prescription
pénale ; de sorte que le citoyen qui a obéi à cette disposition serait toujours justifié (sous
réserve du commandement de l’autorité légitime lorsqu’il est nécessaire).
Par exemple, un particulier quelconque qui pratique une arrestation, sans mandat d’une
autorité légitime, en cas de crime ou délit flagrant , est tout autant justifié que le juge
159
Roger MERLE et A. VITU, op. cit., n° 444.

80
d’instruction béninois qui met un individu en détention préventive dans les conditions prévues
par la loi.
C’est également le cas également le cas du médecin, qui suivant les obligations
instituées par certains décrets, déclare une maladie contagieuse dont la déclaration obligatoire,
est justifiée, quant à la violation du secret professionnel, bien qu’il agisse sans l’ordre d’une
autorité légitime. C’est ce qui ressort de l’article 378 du code pénal (art. 226-14 code pénal
français) qui réprime la divulgation du secret professionnel «hors le cas où la loi » oblige ou
autorise les dépositaires du secret « à se porter dénonciateur ».
Dans ce cas, la loi d’incrimination violée par le justiciable contient elle-même la
réponse et réserve l’application de textes particuliers.
Il ne faut aussi voir à côté de l’ordre de la loi, la permission de la loi

B : La permission (ou l’autorisation) de la loi


Bien que l’article 327 ne parle que de l’ordre de la loi, personne n’hésite à assimiler à
cet ordre la permission de la loi. L’article 378 du code pénal béninois précédemment évoqué
met d’ailleurs sur le même rang les cas où la loi oblige les médecins et ceux qui où elle les
autorise à se porter dénonciateurs (c’est le cas du médecin qui dénonce une fièvre typhoïde,
dont la déclaration est obligatoire). Dans ces cas, la loi fait état d’une autorisation provenant
de dispositions réglementaires.
Sous le nom de « permission de la loi », on englobe, ou même assimile, « permission
de la coutume ». C’est par cette justification que la jurisprudence a justifié les châtiments
bénins que les parents infligent à leurs enfants indociles et les corrections manuelles légères
administrées par un instituteur à un élève160. C’est également sur l’autorisation de la coutume
qu’elle fonde la justification des blessures résultant de la pratique des sports (boxe, rugby),
pourvu qu’elle soit conforme aux règles du jeu, ou de la mort et des infirmités provoquées par
une opération chirurgicales exécutée suivant les préceptes de l’art de la chirurgie161.
De plus, le fait que la loi autorise et réglemente l’exercice de certaines professions et
la pratique de certains sports, emporte implicitement l’autorisation d’accomplir impunément
tous les actes rentrant dans l’exercice normal de ces professions et dans la pratique régulière
de ces sports.

160
Crim. 2 déc. 1908, S.1910.I.160.
161
Crim. 30 mai 1990, B. n° 232 (opération faite sans intérêt thérapeutique : responsabilité du chirurgien).

81
En revanche, on refuse à admettre qu’une infraction puisse être justifiée sur le
fondement de l’autorisation ou de la tolérance de l’administration162. De manière générale,
l’autorisation, et à plus forte raison la tolérance de l’administration ne peuvent être assimilées
à l’ordre de la loi163.

II – Le commandement de l’autorité légitime


L’autorité légitime dont il est question ici peut être une autorité publique, civile ou
militaire disposant du pouvoir de commander l’exécution des lois, et ayant agi dans le cadre
de ses compétences. Il faut en outre qu’il y ait un lien de subordination hiérarchique entre
cette autorité et le citoyen qui a obéi à ses ordres. Mais ce cas, à la différence du précédent, a
soulevé de graves controverses. On a discuté sur le point de savoir si le seul commandement
de l’autorité légitime sans l’ordre de la loi ou contraire à la loi (commandement illégal)
constituait un fait justificatif.
La doctrine notamment, raisonnant principalement pour le cas des militaires, a mis en
avant plusieurs théories : la théorie de l’obéissance passive (A), celle dite des « baïonnettes
intelligentes » (B) et une troisième plus sage (C).

A : La théorie de l’obéissance passive


On doit toujours obéir aux ordres quels qu’ils soient (c’est-à-dire sans pouvoir les
apprécier ni les discuter) du moment où ils émanent de l’autorité légitime ; l’infraction
commise sera justifiée.
Cette théorie est dangereuse, car elle crée une complicité entre le supérieur et le
subalterne ; elle apparaît moralement inadmissible au regard des textes.

B : La théorie dite des « baïonnettes intelligentes » ou de l’obéissance raisonnée


S’opposant à la première théorie, celle-ci reconnaissent au subalterne, au contraire, le
droit, sinon le devoir, d’apprécier la légalité de l’ordre reçu, et de refuser de s’y soumettre
quand il est illégal. L’exécution d’un ordre illégal ne saurait justifier l’acte accompli. Cette
théorie est difficile à appliquer d’autant plus qu’elle risque de compromettre la discipline au
sein de l’armée.

C : La solution médiane


Cette théorie fait une distinction entre l’ordre manifestement illégal et l’ordre en
apparence légal, l’ordre du supérieur ne couvrant que les illégalités non manifestes, en face
desquelles on peut penser que le subalterne a été de bonne foi. En d’autres termes, l’illégalité
162
Cf. trib. corr. Dreux 8 juill. 1958 ; JCP 1958.10872, note F. GOLLETY.
163
Crim. 16 juill. 1987, B. n° 297.

82
manifeste de l’ordre empêcherait d’invoquer le fait justificatif ; l’illégalité non manifeste
serait une cause de justification.
Par rapport à ces trois théories de la doctrine, le droit positif béninois (le code pénal)
n’a donné au problème que quelques réponses parcellaires et particulières. Ainsi dans les
articles 114164 et 190165 du code pénal décident-ils que celui qui a commis des infractions
indiquées conformément au commandement de l’autorité légitime mais conformément à la loi
bénéficierait d’une exemption de la peine.

§ II : La légitime défense


Tout au long de l’histoire, elle a souvent été reconnue comme cause de justification 166.
La légitime défense consiste dans le droit de repousser par la force une agression imminente
et injuste.
S’agissant du fondement trois tendances ont été observées : les unes ont fondée
l’impunité sur l’idée de contrainte, les autres sur l’idée de l’exercice d’un droit et même d’un
devoir.
Suivant la première conception, établie par l’Ancien droit, l’individu qui se défend
aurait été contraint par une force à laquelle il n’aurait pu résister. La légitime défense était
alors une cause subjective de non-responsabilité, ou pour être plus précis, une cause de non-
imputabilité. Aussi n’était-elle admise que lorsqu’il y avait eu véritable contrainte morale,
c’est-à-dire seulement en cas d’attaque contre la personne, et si l’acte délictueux n’avait pas
été commis de sang-froid. L’explication a été jugée inadéquate : la contrainte entraîne la
suppression de la liberté alors que celui qui se défend choisi de le faire.
Une deuxième conception, celle qui a inspiré le législateur révolutionnaire, et le code
de 1810, par conséquent celui béninois, voit dans la légitime défense non plus une cause de
164
« Lorsqu’un fonctionnaire public, un agent ou un préposé du Gouvernement, aura donné ou fait quelque acte
arbitraire ou attentatoire soit à la liberté individuelle, soit aux droits civiques d’un ou de plusieurs citoyens, soit
à la Constitution, il sera condamné à la peine de la dégradation civique.
Si néanmoins il justifie qu’il a agi par ordre de ses supérieurs pour les objets du ressort de ceux-ci, sur lesquels
il leur était dû l’obéissance hiérarchique, il sera exempt de la peine, laquelle sera, dans ce cas, appliquée
seulement aux supérieurs qui auront donné l’ordre ».
165
« Les peines énoncées aux articles 188 et 189 ne cesseront d’être applicables aux fonctionnaires ou préposés
qui auraient agi par ordre de leurs supérieurs, qu’autant que cet ordre leur aura été donné par ceux-ci pour les
objets de leur ressort, et sur lesquels, il leur était dû obéissance hiérarchique ; dans ce cas, les peines portées ci-
dessus ne seront appliquées qu’aux supérieurs qui les premiers auront donné cet ordre ».
166
Mais son fondement a varié au cours de l’histoire. Elle était admise en droit romain. Cicéron la considère
comme un principe de droit naturel : « Non scripta, sed nata tex ». Dans l’ancien droit français, sous l’influence
des idées de charité chrétienne, elle perd son caractère de droit pour devenir une nécessité excusable renfermée
dans certaines limites ; celui qui a commis un homicide en état de légitime défense doit solliciter du roi des
lettres de rémission, comme un coupable ayant besoin de pardon (ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539, art.
168 ; Grande ordonnance criminelle de 1670, titre XVI, articles 2 et 21). Le pardon ne pouvait, d’ailleurs, être
refusé lorsqu’il y avait eu légitime défense de la vie.
C’est en 1791 que la légitime défense obtint le caractère d’un droit.

83
non-imputabilité, mais un véritable fait justificatif fondé sur l’intérêt social. La personne qui a
agi en état de légitime défense, doit être considérée comme ayant exercé un droit. La défense
individuelle, en principe prohibée, devient légitime en cas d’agression injuste, par suite de la
défaillance de l’intervention sociale. Dans le conflit entre les intérêts de l’agresseur et ceux de
la victime, la vie et l’intégrité corporelle de l’agresseur apparaissent des intérêts moins
respectables que la vie et l’intégrité corporelle de la personne attaquée167. L’auteur du fait
incriminé se fait « police à soi-même »168, comblant ainsi les carences de la société. La
légitime défense relève donc davantage de la police privée que de la justice privée169.
Le code pénal béninois reconnaît la légitime défense comme « un droit exceptionnel
qui n’existe pas avec n’importe quelle agression »170 et en a fait un fait justificatif (en ses
articles 328 et 329).
Ces articles distinguent deux catégories de légitime défense : les cas de légitime
défense proprement dite (I) et les cas « privilégiés »171, dans lesquels les conditions
d’application de la légitime défense ne sont pas exigées (II).

I – La légitime défense proprement dite


C’est l’article 328 du code pénal qui a explicitement prévu ce cas : « Il n’y a ni crime
ni délit, lorsque l’homicide, les blessures et les coups étaient ordonnés par la loi et
commandés par la nécessité actuelle de la légitime défense de soi-même ou d’autrui ».
Ces termes montrent que les actes accomplis pour se défendre sont objectivement dépourvus
de tout caractère délictueux. Encore faut-il que les conditions de la légitime défense soient
réunies. Il faut donc examiner la situation de légitime défense (A) et l’acte de défense légitime
(B).

A : La situation de légitime défense


La légitime défense suppose l’existence d’une agression, d’une attaque. La question se
pose de savoir contre qui ou contre quoi cette attaque doit-elle être dirigée ?
L’article 328 prévoit les atteintes à la vie ou à l’intégrité physique de « soi-même ou
d’autrui » ; mais on se demande toujours si la légitime défense peut avoir pour objet un bien.
En raison de l’article 328 du code pénal, certains déclarent 172 que cet article ne vise que
l’attaque contre les personnes, et que l’existence d’un texte particulier, l’article 329 du code
167
Bernard BOULOC, op. cit., n° 389.
168
Philippe CONTE, Patrick MAISTRE du CHAMBON, Droit pénal général, Paris : Armand Colin, 7ème édition,
2004, n° 257.
169
Jean LARGUIER, op. cit., p. 50.
170
Catherine MARIE, Droit pénal général, Paris : Hachette, 2005, n° 160.
171
Yves MAYAUD, Droit pénal général, op. cit., n° 396.
172
Bernard BOULOC, op. cit., n° 390 et s.

84
pénal, qui concerne spécialement les atteintes aux biens. Et du moment qu’elle se justifie
généralement par l’exercice d’un droit, et même d’un devoir de participation à la défense de
l’ordre social troublé par l’agression, elle doit être étendue à toutes les agressions, quel qu’en
soit leur objet.
Aussi la jurisprudence elle-même n’hésitait pas, comme on le verra, n’hésitait pas à
étendre la légitime défense au cas d’attaque des biens.
Il reste que, l’attaque, pour qu’existe la légitime défense, doit être à la fois certaine et injuste.

1 – La certitude de l’agression
L’attaque et le danger doivent être actuels. L’article 328 exige « la nécessité actuelle ».
Ce texte postule le caractère immédiat, ou tout au moins l’imminence, de l’agression. Il faut
avant tout que le danger menaçant le prévenu ait été objectivement indéniable 173. Cette
première condition d’existence de l’état de légitime défense s’impose avec clarté, car seule
une attaque immédiate met la personne visée dans l’impossibilité de se placer sous la
protection des lois ou des autorités publiques. L’agression doit donc être, sinon déjà actuelle,
du moins imminente, en sorte que la riposte est commandé par la nécessité. Il n’y a donc pas
de place pour la légitime défense si celui qui l’invoque réagit après une agression déjà
consommée.
Inversement, la défense ne peut davantage être légitimée si elle anticipe une agression
future. Néanmoins si une personne se sent menacée, il ne lui est pas interdit de prendre des
précautions ; pourvu que celles-ci restent dans la légalité : il est possible de prévenir la police
pour conjurer le péril, on ne saurait arguer de la légitime défense et se faire justice à soi-
même.

2 – L’injustice de l’agression
L’acte de défense ne saurait être justifié que s’il intervient en réponse à un acte injuste
ou injustifié. L’attaque juste exclut la légitime défense ; il est donc inconcevable que le voleur
qui se défend contre un policier procédant à son arrestation, puisse invoquer une quelconque
justification pour les violences qu’il a commises. Il en irait de même de l’individu arrêté par
un simple particulier en application des dispositions du code de procédure pénale (art. 62) qui
autorise quiconque à appréhender l’auteur d’une infraction flagrante. Il ne saurait donc y avoir
légitime défense contre celui qui ne fait qu’exercer un droit.

173
Jean PRADEL, op. cit., n° 326.

85
Que dire au cas où l’agent de l’autorité a agi illégalement ?
Selon la jurisprudence, il n’y a jamais légitime défense contre un acte de l’autorité,
même si cet acte est illégal174.
La doctrine, ne partageant pas cet avis, est en général plus sévère à l’égard de cette
jurisprudence. Elle a proposé des assouplissements qui n’ont toutefois pas prévalu. A cet
effet, trois systèmes ont été proposés175 :
Le premier, qui accorde au citoyen un droit de résistance absolu est inapplicable en
pratique. Le second autorise la résistance même violente lorsque l’illégalité est manifeste, par
exemple au cas où un huissier opère la nuit une saisie. Devant la fragilité du critère de
l’illégalité manifeste, une doctrine a imaginé un troisième système fondé sur la nature du bien
menacé par l’attitude illégale de l’agent ; si l’agression est dirigée contre les biens (saisie
irrégulière), la rébellion n’est pas justifiée, si elle est dirigée contre la personne (« passage à
tabac »), elle l’est.
Cette solution, selon Jean PRADEL, semble être la meilleure, même si son application
n’est pas toujours aisée176.
Aussi doit-on admettre que l’agression reste injuste si elle provient d’une personne
pénalement irresponsable (fou, enfant) ; car la cause d’irresponsabilité n’efface pas le
caractère délictueux de l’acte. Est donc légitime la riposte à l’acte injuste d’un dément ou
d’un enfant177.
Enfin convient-il de préciser qu’il ne saurait y avoir légitime défense pour l’agressé si
l’agresseur est lui-même en état de légitime défense pour avoir été d’abord attaqué (car sa
propre agression est alors elle-même justifiée) : pas de légitime défense contre la légitime
défense. Il y aura cependant légitime défense pour l’agresseur X si Y, attaqué par X d’une
manière légère, riposte d’une manière excessive.

B : L’acte de défense légitime


L’acte de défense soit quant à lui être accompli « par la nécessité actuelle », c'est-à-
dire dans le même temps que l’atteinte : juste avant, au même moment, ou juste après. Ainsi,
une personne agressée qui va chercher son arme, pour tirer plus tard sur son agresseur, n’est
plus en état de légitime défense tout simplement parce que sa riposte n’est pas immédiate.

174
Crim., 5 janv. 1821, chron. 358 ; justifier la rébellion « serait subversif de tout ordre public » ; 27 août 1908,
D.1909.I.79.
175
Jean PRADEL, op. cit., n° 327 et s.
176
Ibidem.
177
Crim., 11 janv. 1896, D.1896.I.368.

86
 Si l’on procédait à une interprétation littérale de l’article 328 du code pénal, on déciderait
d’une part, que la légitime défense ne justifie que l’homicide, les blessures et les coups, et,
d’autre part qu’elle les justifie dans tous les cas. Ce serait une double erreur.
Il est certain que la légitime défense qui justifie des actes aussi graves que l’homicide,
les blessures et les coups, justifie également d’autres actes moins graves, lorsqu’ils sont
nécessaires et suffisants pour maîtriser l’agresseur.
Ainsi, une personne en état de légitime défense pourra, au lieu de tuer ou de blesser
(faits uniquement prévus par l’article 328 du code pénal), s’emparer du revolver ou du
couteau dont elle est menacée sans commettre de vol, ou encore enfermer son agresseur sans
commettre une séquestration arbitraire178.
Cependant, la légitime défense ne peut justifier que des actes volontaires et non des
actes involontaires comme des infractions d’imprudence : la légitime défense est incompatible
avec le caractère involontaire de l’infraction179.
Pour justifier la légitime défense, l’acte de défense doit être nécessaire et
proportionnel. La défense est considérée comme nécessaire, lorsque l’acte accompli
constituait le seul moyen de se défendre. Outre son caractère nécessaire, tout le monde
s’accorde à dire que la défense doit être proportionnée à l’attaque et qu’il faut éviter tout
excès, notamment dans la légitime défense des biens. Des actes de défense excessifs ne
seraient pas justifiés.
L’appréciation de la proportionnalité est une question de fait, tranchée par le juge en
considération du péril qui pouvait être redouté. Par exemple, celui qui tue une personne qui l’a
giflé, ne peut en aucun cas évoquer la légitime défense ; il y a là disproportion.
Mais la défense mesurée ne signifie pas que le mal causé par celui qui s’est défendu ne
puisse jamais être plus grave que le mal qui serait résulté de l’agression ; par exemple, la
femme qui tue l’homme qui tente de la violer, est sans aucun doute en état de légitime
défense. Il appartient aux juges de fond d’apprécier souverainement si la proportionnalité a
été respectée.

II – Les cas « privilégiés » de la légitime défense


Il faut se référer à l’article 329 du code pénal pour apprécier ce complément à la
théorie générale de légitime défense contenue dans l’article 328 du code pénal : « Sont
compris dans les cas de nécessité actuelle de défense, les deux cas suivants :

178
Crim. 20 nov. 1956, B n° 761, a jugé que la légitime défense s’applique non seulement aux crimes et délits
mais aussi à la contravention des violences légères.
179
Crim. 16 fév. 1967 (Couzinet), JCP 1967.II.15034, note R. COMBALDIEU.

87
1° Si l’homicide a été commis, si les blessures ont été faites, ou si les coups ont été portés en
repoussant pendant la nuit l’escalade ou l’effraction des clôtures, murs ou entrée d’une
maison ou d’un appartement habité ou de leurs dépendances ;
2° Si le fait a eu lieu en se défendant contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec
violence ».
On considère alors que l’article 329 du code pénal institue deux cas privilégiés de
légitime défense. On étudiera successivement les conditions d’application de ce texte, ainsi
que sa portée.

A : Les conditions d’application


Il faut distinguer deux cas, selon le texte.
Le premier cas a soulevé quelques difficultés qui ont été résolues. La défense doit être
justifiée, non seulement au moment précis de l’escalade ou de l’effraction, mais a fortiori
lorsque l’auteur de l’escalade ou de l’effraction était déjà dans l’habitation ou l’enclos.
L’enclos peut être un enclos très vaste, mais il doit renfermer une maison habitée lors de
l’agression, car l’article 329-1°, n’a été institué qu’en vue de la protection des habitations.
Ce cas de légitime défense vise seulement les faits commis pendant la nuit ; les faits
identiques commis le jour peuvent seulement bénéficier de l’excuse de provocation (article
322 du code pénal).
Le second cas s’explique par des circonstances déjà lointaines ; le législateur voulait
assurer la répression des brigandages qui étaient si souvent commis dans l’ancienne France
sur les grandes routes et qui s’étaient multipliés.

B : La portée
L’article 329 soulève une question très importante et délicate. Qu’ajoute-t-il à la règle
générale posée par l’article 328 ?
On admet de façon générale que le code pénal de 1810 ne répondait pas à la question
de savoir si une infraction était justifiée pour assurer la sauvegarde d’un bien : en effet,
l’article 328 du code pénal, ne faisait pas la moindre allusion à ce problème et, suivant
l’interprétation dominante, l’article 329 ne traitait que des présomptions de légitime défense,
non de la légitime défense des biens.
Il a créé des présomptions de légitime défense. En règle générale celui qui se prévaut
de ce texte doit prouver devant les juridictions que les conditions de la légitime défense
étaient réunies. Il suffit de prouver qu’il était en fait dans l’un des deux cas visés par l’article
329, ce qui est naturellement plus facile.

88
L’admission de ce point a fait réfléchir plus d’un. On s’est alors demandé si les
présomptions de légitime défense devraient être considérées comme des présomptions
simples, susceptibles de preuve contraire, ou comme des présomptions absolues, irréfragables.
Le problème a soulevé de vives discussions. La doctrine, après avoir hésité, s’était prononcée
à peu près unanimement pour le caractère de présomption simple. D’éminents auteurs
(DONNEDIEU de VABRES, VIDAL et MAGNOL) déclarent qu’admettre le caractère
irréfragable serait faire découler de l’article 329 un brevet légal d’impunité, constituant un
défi à la justice et au bon sens.
La jurisprudence a aussi longtemps hésité. On rappelle toujours deux affaires célèbres
du XIXe siècle dans lesquelles la question s’était posée : la première, celle de madame de
JEUFOSSE, qui fit tuer par son garde CREPEL un de ses voisins qui venait, la nuit, après
avoir escaladé la clôture de son parc, déposer un billet doux sur la fenêtre de sa fille ; la
deuxième, celle de POCHON, qui fit tuer, par son fils, dans des circonstances analogues,
l’amoureux de sa fille. Madame JEUFOSSE et son garde180, POCHON père et fils181 ont été
acquittés. Ces acquittements prononcés par le jury de jugement ne prouvent pas que la
présomption de l’article 329 soit irréfragable ; en effet, le jury se laissait guider uniquement
par des considérations de fait. Au contraire, les chambres de mises en accusation ayant
prononcé le renvoi en cour d’assises ont admis implicitement que la présomption de l’article
329 était une présomption simple, souffrant de preuve contraire.
Mais un arrêt remarqué avait été rendu, en 1902, d’où l’on a déduit l’admission de
cette forme de légitime défense182. En réalité, cet arrêt n’émane que de la chambre des
requêtes et ne traite que du recours civil intenté par le maraudeur qui, venu dérober du poisson
dans un étang du sieur de FAVILLE, avait perdu une jambe par l’effet des détonateurs placés
par ce dernier dont l’étang avait été déjà visité ; et l’arrêt a décidé que le sieur de FAVILLE
n’encourait aucune responsabilité.
Finalement, dans un arrêt du 19 février 1959 la chambre criminelle a déclaré de
manière catégorique que la présomption était simple.183
Par la suite, diverses décisions ont été produites par les juridictions de fond. Et, sauf
une184 toutes les décisions sont de condamnation. Tantôt, les juges retenaient une imprudence

180
Cour d’assises de l’Eure, 18 déc. 1957, Le Droit, 19 déc. 1857.
181
Cour d’assises de la Moselle, 27 fév. 1858, Le droit, 3 mars 1858.
182
Req., 25 mars 1902, S.1903.I.5, note LYON-CAEN, D.1902.I.356.
183
D. 1959.162, note favorable M.R.M.P. et JCP, 1959.II.1112, note critique P. BOUZAT et obs. LEGAL, in
RSC 1959, p. 839.
184
Paris, 9 oct. 1978, JCP, 1979.II.19232, note P. BOUZAT, relaxe d’un policier ayant blessé par balle, au cours
d’une poursuite, le voleur qui avait pris la fuite.

89
à la charge du volé et le condamnaient pour homicide ou blessures involontaires 185. Tantôt, les
juges retenaient les coups mortels ou les violences 186. On ajoutera deux arrêts de la chambre
criminelle, le premier retenant la qualification d’homicide involontaire 187, et le second celle de
coups mortels188 ; les deux espèces étaient, il est vrai, un peu différentes.
Ceci a conduit le nouveau code pénal français de 1994 à consacrer la légitime défense
des biens.

Section II : Les faits justificatifs de source jurisprudentielle ou doctrinale


L’état de nécessité et le consentement de la victime sont de conception purement
prétorienne dans le droit positif béninois. Des deux cas, seul l’état de nécessité est aujourd’hui
repris par le législateur français (article 122-7 du code pénal) : « N’est pas pénalement
responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même,
autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien,
sauf s’il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de l’infraction ».
L’état de nécessité continue d’être encore de source prétorienne dans sa conception
béninoise (§ 1) ; il en est de même du consentement de la victime (§ 2)

§ 1 : L’état de nécessité


En dehors de tout contexte d’agression par un tiers, il est des cas dans lesquels une
personne se trouve en danger, ses droits, ceux d’autrui ou de biens sont menacés, et se trouve
par là même dans la nécessité de commettre une infraction pour sauvegarder ces droits. Cette
infraction va léser un intérêt : celui de la victime ou de la collectivité tout entière.
L’état de nécessité est la situation d’une personne qui, tout en gardant sa liberté de
décision, n’a d’autre moyen, pour échapper à un danger qui la menace ou autrui, que de
commettre une infraction qui peut atteindre un tiers innocent. C’est le cas du pompier qui,
pour pénétrer l’immeuble attaqué par l’incendie et sauver la vie des personnes qui s’y
trouvent, saccage le jardin appartenant à un propriétaire voisin.
D’une part, l’état de nécessité doit être distingué de la contrainte. Alors que la
contrainte supprime (annihile) la volonté, l’acte de nécessité lui laisse place, mais l’oblige à le
faire. D’autre part, l’état de nécessité doit être distingué de la légitime défense. Dans le cas de
185
Trib. corr. D’Aix, 21 avr. 1969, RSC, 1970, p. 97, obs. LEVASSEUR, et 373 obs. LEGAL, pour un
propriétaire ayant installé derrière une fenêtre de sa villa un « canon avertisseur » qu’il avait eu la faute de
charger réellement, contrairement aux prescriptions du fabricant.
186
Trib. corr. Toulouse, 8 oct. 1969, RSC, 1970.851, obs. LEGAL, où il fut reproché au prévenu de n’avoir pas
apposé d’écriteau signalant l’existence d’un piège à feu.
187
Crim. 8 janv. 1977, B n° 21, RSC, 1977.334, obs. LEVASSEUR.
188
Crim. 5 fév. 1979, B n° 49, RSC, 1980.133, obs. LEVASSEUR.

90
la légitime défense, un mal est infligé à un agresseur coupable, alors que l’état de nécessité
atteint une personne complètement innocente.
L’impunité de l’infraction nécessaire est rationnellement indiscutable. Avant de voir
ses effets (II), certaines conditions sont requises pour se prévaloir de l’état de nécessité (I).

I - Les conditions requises


Comme première condition, il faut une nécessité véritable. Une simple raison de
commodité ne constitue pas la nécessité 189. De même s’il y avait un moyen d’éviter le danger
et que l’auteur de l’infraction l’ait négligé, il n’y aurait pas nécessité. Tout au plus, dans les
cas favorables, l’agent pourra admettre la contrainte morale, ou, à tout le moins, bénéficier
des circonstances atténuantes.
En deuxième lieu, il faut que le bien ou l’intérêt sacrifié soit d’une valeur
manifestement supérieure à celle du bien ou de l’intérêt sauvegardé (exemple, vol d’un pain
par affamé). Il n’y aura pas nécessité si les deux biens étaient d’égale valeur. On pourra
seulement, alors, dans les cas favorables admettre la contrainte morale. Mais dans de
nombreux cas, la comparaison entre la valeur des biens sera délicate. Les opérations
chirurgicales qui, intervenant au cours d’un accouchement, ont pour résultat possible de
sacrifier la vie de la mère à celle de l’enfant, ou inversement, ont fait naître des difficultés
pratiques190. Il n’y aura pas non plus état de nécessité, si l’intérêt sauvegardé est inférieur à
celui sacrifié : par exemple un meurtre n’est pas justifié pour sauver son chien.
L’acte est justifié par rapport à la proportionnalité ou la gravité de la menace que l’on
évite. Certaines décisions de jurisprudence justifient l’impunité de l’infraction sur le défaut
d’intention coupable. C’est dans le sens de la décision de la cour d’appel d’Amiens : dans la
célèbre affaire Ménard, la cour a acquitté, pour cette raison, une mère de famille, dans la
misère, qui n’avait pas mangé depuis deux jours, et qui, dans le but de se procurer quelque
nourriture, avait dérobé un pain à la devanture d’un boulanger. Cette justification, tirée par le
défaut d’intention délictueuse, ne vaut que pour les infractions intentionnelles ; elle laisse
inexpliquée l’impunité pour les infractions non intentionnelles. Mais elle crée une confusion
entre l’intention et le mobile. Or, le mobile ne fait pas disparaître l’intention.

189
Trib. corr. Nantes, 12 nov. 1956, D.1957.30.
190
V. crim.20 juin 1896, S.1897.I.105, note LACOINTA.

91
Enfin, et c’est la dernière condition, l’état de nécessité ne doit pas être dû à une faute
antérieure de l’agent. En ce sens, l’agent pourrait bénéficier de circonstances atténuantes.
Cette condition admise par la jurisprudence 191 a été critiquée, voire contestée, par la
doctrine192 : la cour d’appel de Renne avait condamné pour délit de dégradation de barrière,
sans admettre la justification par l’état de nécessité, dans un cas où le conducteur avait
défoncé la barrière d’un passage à niveau (après s’être engagé malgré l’avertissement du
garde-barrière) pour éviter le train qui arrivait. Pour la doctrine, l’état de nécessité s’apprécie
au moment où il se manifeste et non pas d’après la conduite antérieure de l’auteur.
L’état de nécessité, lorsqu’il est accordé produit des effets.

II - Les effets
Lorsqu’il est admis, l’état de nécessité supprime l’infraction pénale. Il n’y a donc pas
de responsabilité pénale, mais peut-être la responsabilité civile 193, fondée sur une notion autre
que la faute. C’est là que se trouve la différence fondamentale entre la légitime défense et
l’état de nécessité.
Celui qui invoque la légitime défense est en général une victime non fautive, tandis
que celui qui invoque l’état de nécessité est un agresseur. La victime de l’acte nécessaire, à la
différence de la victime en état de légitime défense, n’a aucune part de responsabilité dans les
circonstances qui ont amené la commission de l’infraction.

§ 2 : Le consentement de la victime


L’infraction pénale, dans de très nombreux cas, fait une victime. Or, il arrive parfois,
et exceptionnellement, qu’une personne, pour des raisons personnelles et variées, donne à
l’auteur de l’infraction, un consentement à l’accomplissement de celle-ci : tel est le cas de la
personne qui, fatiguée de souffrir, demande à une autre personne de la tuer (euthanasie). Doit-
on admettre que ce consentement de la victime justifie l’infraction commise par son auteur ?
Le principe est que le consentement n’est pas un fait justificatif, quoique ce principe
connaisse des atténuations. Dans ce cas, le consentement de la victime doit satisfaire à
certaines conditions (I) ; cependant certaines infractions, en dépit du consentement de la
victime, ont donné lieu à controverse (II).

I – Les conditions

191
Crim. 25 juin 1958, D.1958.633 note M.R.M.P. et JCP 1959.II.10941, note LARGUIER.
192
V. note P. BOUZAT sous C. Rennes, 12 avr. 1954, S.1954.II.185.
193
En ce sens : crim. 27 déc. 1884, D.1885.I.219.

92
Si le consentement de la victime laisse, en général, subsister la responsabilité pénale, il
existe un certain nombre d’infractions qui sont effacées par ce consentement. Il en est ainsi
des infractions contre la propriété (on ne vole pas une chose dont le propriétaire donne lui-
même la permission de prendre ; des infractions contre la liberté (il ne saurait y avoir
séquestration arbitraire si la prétendue victime a consenti à son incarcération) ; de certaines
infractions contre les mœurs (on ne viole pas une femme qui se prête d’elle-même aux
relations sexuelles).
Bien que la loi pénale soit d’ordre public, le consentement donné en connaissance de
cause par la victime peut faire disparaître l’un des éléments constitutifs de l’infraction. Il faut
que ce consentement soit antérieur, ou tout au moins concomitant à l’infraction, qu’il soit
sincère et libre, enfin qu’il émane d’une personne raisonnable.

II – Les controverses
On tente d’expliquer certaines impunités traditionnelles d’auteurs de coups et
blessures, parfois de meurtre, en faisant appel au consentement de la victime : « Violenti non
fit injuria »194. C’est par exemple le cas pour le chirurgien ou le sportif poursuivi à la suite du
décès ou de lésions corporelles subies par l’opéré ou l’adversaire.
Or, ce n’est pas le consentement du malade qui justifie l’atteinte médicale ou
chirurgicale à l’intégrité corporelle : c’est l’autorisation de la loi ou de la coutume (comme
nous l’avons vue) qui fonde la justification. La loi, par autorisation ou une permission
spéciale se trouvant dans les règles d’organisation de la profession médicale et se fondant sur
les études et les titres permettant d’exercer cette profession, considère que les médecins et les
chirurgiens bénéficient du fait justificatif de l’ordre de la loi de l’article 327 du code pénal
pour les blessures ou homicides susceptibles de résulter des traitements médicaux ou des
opérations chirurgicales. Encore faut-il que ces professionnels aient agi selon les règles de
leur art, sinon ils encourent une responsabilité pénale par imprudence ou négligence :
l’impunité cessera en cas de faute grave dans l’exercice de la profession195. Cela implique
aussi que la justification soit exclue en dépit du consentement de la victime toutes les fois
qu’un médecin ou un chirurgien n’agit pas en vue de le soigner, mais en vue d’expériences
sans but curatif196. Cependant, après une période de répression systématique, la jurisprudence
s’est assouplie en matière d’intervention de chirurgie esthétique : sans doute n’y a-t-il pas en
principe de but thérapeutique à ces interventions, mais, si une telle opération n’est génératrice

194
« On ne cause pas de tort à celui qui consent » ; in Digeste, livre 47, titre X, De injuria, loi I, § 5.
195
Crim. 12 juill. 1961, D.1962. Somm. 23.
196
Cour d’Aix, 22 oct. 1906, D.1907.II.41, note MERIGNHAC.

93
d’aucun danger ou dommage disproportionné par rapport au but à atteindre, rien ne s’oppose à
la justification du chirurgien197.
Dans la pratique de sports violents, ce n’est pas non plus le consentement de la victime
à la participation au jeu qui présente une valeur justificative assurant l’impunité à l’auteur des
coups. C’est dans la permission de la loi qui a autorisé la pratique de ces sports que se trouve
le fondement de cette impunité. Encore faut-il que les règles du jeu aient été respectées, qu’il
n’y ait eu aucune imprudence ou négligence ou aucun usage abusif de la force ou de la
violence198.
Enfin, dans le cas de la stérilisation, le consentement de la victime est sans valeur : un
individu avait pratiqué l’opération de la vasectomie sur des néo-malthusiens qui lui avaient
demandé de les priver de la faculté de procréer. Il fut condamné, pour coups et blessures
volontaires, par la Cour de Bordeaux et la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé contre
l’arrêt199. Il s’était retranché derrière le consentement de la victime. Mais l’intérêt de l’Etat et
de l’ordre public interdisent à un individu de disposer de sa faculté de procréer, même s’il ne
lui plaît pas de la posséder.

197
Cf. notamment Poitiers 19 nov. 1953, D.1954.150, note R. VOUIN ; Paris 13 janv. 1959, D.1959.26.
198
Crim. 24 janv. 1956, D.1956.197.
199
Crim. 1er juill. 1937, S.1938.I.193, note René TORTAT.

94
Deuxième partie : La sanction pénale : étude spécifique de
la peine
Quand on parle de sanction, l’opinion publique ne voit que l’aspect répressif : la
punition du coupable. Habituellement, il s’agit d’une peine.
Outre la peine, il existe des mesures de sûreté. Par rapport aux peines, les mesures de
sûreté sont de création relativement récente ; elles datent de la fin du XIXe siècle. Les
mesures de sûreté sont de simples précautions de protection sociale destinées à prévenir la
récidive d’un délinquant ou à neutraliser l’état dangereux.
Le droit criminel béninois utilise largement à l’heure actuelle, la peine ; nous
limiterons donc l’étude sur la peine, en étudiant successivement :

Titre 1 : La nomenclature et la classification des peines


Titre 2 : Le sort de la peine

95
Titre I : nomenclature et classification des peines
Pour punir l’auteur d’une infraction, la loi prévoit soit une peine soit une mesure de
sûreté, tantôt à la fois l’une et l’autre.
Quoiqu’il en soit, pour la commodité de l’étude, les différentes peines du droit pénal
béninois vont être passées en revue, en faisant apparaître les diverses classifications utiles à
leur mise en œuvre.

96
Chapitre 1 : La hiérarchie des peines
En tenant compte de leur caractère juridique, les peines se prêtent à deux
classifications différentes susceptibles d’être combinées : une, sous-entendue dans le code
pénal (§ 1), et une autre, résultant directement de la loi (§ 2).

Section 1 : La classification sous-entendue dans le code


C’est la doctrine qui l’a dégagée. Les peines contenues dans le code pénal peuvent être
rangées selon deux classifications qui sont, en ordre de complexité croissante, d’une part celle
qui distingue les peines encourues, prononcées et exécutées (I), d’autre part, celle qui oppose
les peines en peines principales, accessoires et complémentaires (II).

§ 1 – Les peines encourues, prononcées et exécutées


La peine encourue est celle qu’une loi (au sens large) attache à un comportement
décrit de manière abstraite, générale et impersonnelle. Elle figure dans le texte caractéristique
du droit pénal ; l’article 304 du code pénal (relatif au meurtre) en est un exemple.
La peine prononcée est celle que le juge pénal choisit d’appliquer à un délinquant
déterminé. Elle ne coïncide pas nécessairement avec la peine encourue, car le juge jouit du
pouvoir discrétionnaire de personnaliser la sanction : il peut ainsi condamner le délinquant à
un emprisonnement inférieur au maximum encouru (par le jeu des circonstances atténuantes),
ou encore assortir la peine d’un sursis.
Les modalités de la peine prononcée sont, elles aussi, prévues par les textes, car elles
ne sont pas abandonnées à l’arbitraire ou à la « fantaisie » des juges.
La peine exécutée, enfin, est celle qui est effectivement subie par le délinquant après
sa condamnation judiciaire. Elle peut être différente de la peine prononcée, car
l’administration chargée de l’exécution de la peine jouit elle aussi d’un pouvoir
d’individualisation. Mais ce faisant, elle est, comme le pouvoir judiciaire, liée par les textes.
Ainsi, l’emprisonnement prononcé par une juridiction peut être transformée en libération
conditionnelle mais dans les conditions déterminées par la loi.

§ 2 – Les peines principales, accessoires et complémentaires


Les peines principales sont celles dont l’énoncé, le prononcé et l’exécution se suffisent
toujours à eux-mêmes, et qui, à la différence des autres catégories, ne perdent aucune
occasion par leur caractère pénal. Elles constituent les sanctions essentielles de l’infraction, et
n’ont pas besoin de s’appuyer sur une autre peine.

97
Les peines accessoires, au contraire, sont, comme leur nom l’indique, l’accessoire
d’une autre peine qui joue à leur égard le rôle de peine principale. Elles sont la conséquence
légale, automatique et implicite du prononcé de certaines peines principales, car elles
s’exécutent sans que le juge ait besoin de le décider. Elle est prévue par des textes rédigés à la
manière de l’article 1er de la loi du 30 août 1947 : « Nul ne pourra… entreprendre une
profession commerciale ou industrielle s’il a fait l’objet d’une condamnation définitive à une
peine criminelle ». On peut aussi citer parmi les peines accessoires l’impossibilité d’acquérir
la nationalité béninoise établie contre les étrangers condamnés à une peine supérieure à un
délai déterminé, et non assortie d’une mesure de sursis.
Les peines complémentaires, tout comme les peines accessoires, font suite à une peine
principale, mais à la différence des peines accessoires, elles doivent être prononcées
expressément par les juges. Elles ne revêtent le caractère pénal que si, dans le texte de
pénalité, elles sont associées à une peine principale, et c’est ce qui explique leur nom. Il arrive
donc que certaines sanctions soient pénales ou non, selon qu’elles sont ou non ajoutées à une
peine principale. C’est le cas de l’institution dénommée « faillite personnelle » qui consiste en
la déchéance du droit d’exercer le commerce et en la privation de certains droits de
citoyenneté.

Section 2 : La classification relevant directement de la loi


C’est la division fondamentale sur laquelle repose la division des infractions. L’article
1er du code pénal divise les peines en peines criminelles, correctionnelles, et de
police : « L’infraction que les lois punissent de peines de police est une contravention.
L’infraction que les lois punissent de peines correctionnelles est un délit.
L’infraction que les lois punissent d’une peine afflictive ou infamante est un crime ».
Cette distinction paraît très simple.

98
Chapitre II : Le contenu des peines
Le nombre des peines a varié au cours des temps. Contrairement à la France, le droit
pénal béninois distingue deux sortes de peines : les peines corporelles (section 1) et les peines
non corporelles (section 2).

Section I : Les peines corporelles


Le droit français, sous l’Ancien Régime ou la Révolution, a connu des peines d’une
extrême cruauté. La peine de mort a subsisté dans l’arsenal pénal français jusqu’en 1981 alors
qu’elle continue toujours de passer de « bons moments » dans l’ordre répressif béninois.
N’ayant pas particulièrement connu ces peines corporelles telles que le marquage au
fer, fouet, mutilations diverses, nous nous intéressons au plus cruel des traitements corporels.
Il s’agit particulièrement de celle qui figure en tête de l’échelle générale des peines : la peine
de mort. Depuis la Révolution française, la peine de mort ne consiste plus que dans la simple
privation de la vie. Sous l’Ancien Régime, elle comprenait souvent, en plus, certains
supplices, comme l’écartèlement, et comportait ainsi des degrés. Le code pénal de 1810
n’avait pas supprimé complètement ces pratiques : il avait conservé l’amputation du poing,
qui devait précéder l’exécution du parricide. Mais en 1832, le supplice disparut200.
Au Bénin, jusqu’à la fin des années 80, la pratique en vigueur était la fusillade ou la « mise au
poteau ». Le coupable avait les yeux bandés, solidement attaché à un poteau, ou palmier, et
exécuté par des coups successifs de feu.
La pratique de la peine de mort soulève aujourd’hui, et de plus en plus, des questions
de plusieurs ordres, notamment éthiques en raison de son extrême gravité.

Section II : Les peines non corporelles


Il peut s’agir des atteintes à la liberté individuelles, aux droits et à certaines mesures de
sûreté. Nous n’insisterons que sur les peines les plus courantes.

§ 1 : Les atteintes à la liberté individuelle


Ce sont exclusivement les peines privatives et restrictives de liberté.

I – Les peines privatives de liberté

Les peines privatives de liberté représentent, contre la criminalité, une arme très
fréquemment utilisée, que ce soit la réclusion ou la détention criminelle, que ce soit

200
Sur ces précisions, v. P. BOUZAT et J. PINATEL, op. cit., n° 369.

99
l’emprisonnement correctionnel201. Elles consistent en l’incarcération du condamné pour une
durée déterminée ou illimitée et sous un régime particulier. Il est important de noter que la
privation de liberté n’est pas exclusivement une sanction pénale. La garde à vue, à la suite
d’une interpellation, ou la détention provisoire et avant jugement, ne sont pas des peines mais
intéressent la procédure pénale.
Le code pénal a institué : les travaux forcés et la réclusion et la détention pour les
crimes, l’emprisonnement correctionnel pour les délits, l’emprisonnement de police pour les
contraventions de police.

II – Les peines restrictives de liberté

Les peines restrictives de liberté se limitent au bannissement et à certaines institutions


voisines. Mais dans la réalité, elles se limitent essentiellement à la liberté d’aller et de venir
du condamné sans la supprimer complètement, en lui interdisant de pouvoir se rendre dans
certains endroits.

§ 2 : L’atteinte aux droits : les peines privatives ou restrictives de droit


Les atteintes aux droits sont donc pour l’essentiel, des déchéances. Elles privent le
condamné de certaines prérogatives ou limitent l’exercice de celles-ci.
Les principales sont : les déchéances politiques, civiques, civiles et professionnelles.
Il est légitime que les condamnations pénales, du moins les plus graves, entraînent à leur suite
des incapacités d’ordre politique, civique, civil et professionnel. Ces incapacités et
déchéances ne sont pas seulement des peines, mais aussi et surtout des mesures de sûreté qui
ont pour but d’empêcher que les fonctions, tant publiques que privées, soient remplies par des
hommes indignes ou incapables de les remplir.

§ 3 : Les atteintes patrimoniales


Elles se présentent sous plusieurs formes : l’amende, la confiscation et la fermeture
d’établissement. Seule l’amende nous intéresse particulièrement.

L’amende consiste dans le payement forcé, à titre de châtiment, d’une certaine somme
d’argent au Trésor public. C’est d’ailleurs la plus importante des peines pécuniaires.

201
Jean-Claude SOYER, Droit pénal et procédure pénale, op. cit., n° 336.

100
Titre II : Le sort de la peine
Il est généralement admis que certains faits, concomitants ou postérieurs à la décision
de condamnation peuvent modifier les effets. Les uns ont un résultat certain et immédiat : ils
produisent une suspension de l’exécution de la peine (chapitre 1) ; d’autres mettent fin avec
ou sans effacement de la condamnation : ils éteignent la peine (chapitre 2).

101
Chapitre I : La suspension de la peine
Les mesures de suspension des peines ne sont pas un droit pour le condamné, mais
plutôt une faveur. Notre droit connaît deux causes de suspension : Le sursis (section I) et la
libération conditionnelle (section II).

Section I : Le sursis


Le sursis est la dispense totale ou partielle de l’exécution de la peine à condition que
n’intervienne pas une cause de révocation.
En parcourant le code de procédure pénale béninois, c’est le titre IV du livre V (des
procédures d’exécution) qui prévoit le sursis. En l’interprétant, il ressort que le droit pénal
béninois ne reconnaît que le sursis simple.
Avant de produire ses effets (§ 2), il faut préciser que le sursis simple n’est accordé
que sous certaines conditions (§ 1).

§ 1 : Les conditions d’application du sursis simple


Ces conditions sont très strictes. Seules certaines condamnations (I), certains individus
(II) et certaines juridictions sont susceptibles peuvent avoir le bénéfice du sursis simple.

I – Les condamnations auxquelles peut s’appliquer le bénéfice du sursis simple

Il doit s’agir d’une condamnation à l’emprisonnement ou d’une amende (article 585


code de procédure pénale béninois), prononcée pour crime ou délit de droit commun, après
applications des circonstances atténuantes.
N’entrent pas dans le bénéfice du sursis les condamnations à une peine criminelle et
les condamnations à des peines de police prononcées pour une contravention.
D’après les articles 585 et 587 alinéa 2 (combinés) du code de procédure pénale, le
sursis ne peut s’appliquer qu’aux peines principales ; la suspension de la peine ne s’étend pas
aux peines accessoires et aux incapacités résultant de la condamnation.
Cette dernière disposition (587 al. 2 CPP) se comprend aisément car ces peines et
incapacités sont le plus souvent des mesures de sûreté.
Lorsque les peines d’emprisonnement et d’amende sont prononcées cumulativement,
le juge peut accorder le bénéfice du sursis pour l’une à l’exclusion de l’autre. Par contre, il ne
saurait accorder le sursis pour une partie de l’emprisonnement ou pour une partie de
l’amende. Cette règle se justifie en ce qui concerne l’emprisonnement, puisque le sursis a

102
pour but principal d’éviter le séjour de la prison au condamné ; elle se comprend beaucoup
moins pour l’amende.

II – Les délinquants pouvant bénéficier du sursis simple

Le sursis ne peut être accordé qu’à une certaine catégorie de délinquants : les
délinquants primaires, par opposition aux récidivistes.
De l’esprit de l’article 585 du code de procédure pénale, il faut comprendre par
délinquant primaire : « le condamné [qui] n’a pas fait de condamnation antérieure pour crime
ou délit de droit commun ».

§ 2 : Les effets du sursis simple


La condamnation avec sursis sert de point de départ à un délai d’épreuve qu’au Bénin
la loi fixe uniformément à cinq ans (article 586 du code de procédure pénale). Ce délai
commence à courir le jour où la condamnation est devenue définitive, c’est-à-dire après
l’expiration des voies de recours.
Si pendant ce délai d’épreuve, le condamné n’a encouru aucune poursuite suivie de
condamnation à l’emprisonnement ou à une peine plus grave pour crime ou délit de droit
commun, la condamnation sera comme non avenue (article 586 code procédure pénale).
Si avant l’expiration du délai de cinq ans, le condamné avec sursis commet un crime
ou un délit de droit commun, suivi de poursuite et de condamnation à l’emprisonnement ou à
une peine plus grave pour crime ou délit pour crime ou délit, le sursis est révoqué de plein
droit (art. 586 CPP), sans qu’il y ait possibilité d’appréciation judiciaire de la conduite du
condamné : la première peine sera d’abord exécutée sans qu’elle puisse se confondre avec la
seconde.

Section II : La libération conditionnelle


La libération conditionnelle est une institution qui permet à l’administration de libérer
le condamné avant l’expiration de sa peine, sous la condition de sa bonne conduite pendant le
temps restant à courir jusqu’à la date normale d’expiration et même parfois jusqu’à une date
ultérieure202. La libération conditionnelle, tout comme le sursis, est également une faveur. A
cet effet, son octroi est soumis à des conditions (§ 1) qu’il faut examiner, avant de s’interroger
sue ses effets (§ 2).

202
Bernard BOULOC, op. cit., n° 762.

103
§ 1 : Les conditions d’octroi de la libération conditionnelle
La libération conditionnelle s’applique à toutes les peines privatives de liberté,
perpétuelles ou temporaires.
Au Bénin, le droit d’accorder la libération conditionnelle appartient au ministre de la
Justice, sur avis de la Commission de surveillance. Le dossier de proposition comporte les
avis du chef de l’établissement dans lequel l’intéressé est détenu et du ministère public près la
juridiction qui a prononcé la condamnation (art. 581 CPP).
Deux critères paraissent nécessaires pour octroyer la libération conditionnelle : le délai
(A), la bonne conduite et le gage sérieux de réadaptation sociale du délinquant (B).

I – Le délai

Il paraît rationnel que la libération conditionnelle puisse être accordée dès le moment
où elle se révèlerait le plus utile, aussi bien pour la société que pour le délinquant. C’est vrai
que l’opinion publique africaine, favorable sur le caractère rétributif de la peine, n’est pas
encore prête à accepter une libération très précoce.
Au Bénin, la libération conditionnelle est réservée aux condamnés ayant accompli
trois mois de leur peine, si cette peine est inférieure à six mois, et à la moitié de la peine dans
les autres cas. Pour les condamnés en état de récidive légale, le temps d’épreuve est porté à
six mois si la peine est inférieure à neuf mois et aux deux tiers de la peine dans le cas
contraire ; pour les condamnés à une peine perpétuelle, le temps d’épreuve est de quinze ans
(art. 580, al. 2 et 3 CPP).

II – La bonne conduite et le gage de réadaptation social

La libération conditionnelle n’intervient pas automatiquement à l’expiration des délais


minima fixés. Conformément à l’article 580, al. 1, pour bénéficier de la libération
conditionnelle, les condamnés doivent avoir donné des preuves suffisantes de bonne conduite
et présenter des gages sérieux de réadaptation sociale.
Comme on ne saurait prendre trop de précautions pour assurer le reclassement, les
intéressés doivent justifier qu’ils sont en mesure de trouver dès leur sortie de prison des
moyens réguliers de pourvoir à leur substance. C’est pourquoi le bénéfice de la libération
conditionnelle peut d’ailleurs être assorti de conditions particulières ainsi que des mesures
d’assistance et de contrôle destinées à faciliter et à vérifier le reclassement du libéré (art. 582
CPP).

104
§ 2 : Les effets de la libération conditionnelle
Libération ne signifie pas liberté complète, puisque le libéré peut se voir imposer
certaines mesures et obligations, dont le respect conditionne son sort définitif. En outre, cette
faveur n’entraîne pas la dispense de la peine, dont l’exécution n’est que suspendue, pas plus
qu’elle n’efface la condamnation. Le libéré reste donc tenu de respecter les peines accessoires.
Admis au régime de la libération conditionnelle, le condamné y demeure soumis toute la
durée de la peine non subie au moment de la libération. C’est dire que le condamné doit faire
la preuve de sa réadaptation sociale. L’arrêté de libération conditionnelle fixe, s’il y a lieu, les
modalités d’exécution et les conditions auxquelles l’octroi ou le maintien de la liberté est
subordonné, ainsi que la nature et la durée des mesures d’assistance et de contrôle. Cette
durée ne peut être inférieure à la durée de la peine non subie au moment de la libération. S’il
s’agit d’une peine temporaire, elle peut la dépasser pour une période maximum d’un an.
Toutefois, lorsque la peine en cours d’exécution est une peine perpétuelle, la durée des
mesures d’assistance et de contrôle est fixée pour une période qui ne peut être inférieure à
cinq années, ni supérieure à dix années (art. 583, al. 3).
Pendant toute la durée de la liberté conditionnelle, les dispositions de l’arrêté de
libération peuvent être modifiées.

105
Chapitre II : L’extinction de la peine
Les peines s’éteignent de différentes façons. La situation normale est bien évidemment
celle où la peine disparaît parce qu’elle a été exécutée ; mais il arrive que la peine, bien
qu’inexécutée, vienne à s’éteindre. Il convient donc de distinguer deux hypothèses
d’extinction, selon qu’il y a eu exécution ou inexécution de la peine.
Cette distinction, a priori banale, nécessite, cependant, quelques précisions préalables.
D’une part, l’extinction de la peine par l’effet de son exécution est un phénomène naturel, qui
n’appelle pas en son principe, de commentaire particulier. D’autre part, on évoque en effet,
parfois, que la peine peut disparaître en dehors de l’achèvement de son exécution ;
l’inexécution de tout ou partie de la peine, sera envisagée comme telle.

Section I : L’extinction de la peine exécutée


L’exécution de la sanction est un moment important, à la frontière du passé et de
l’avenir du délinquant. Elle est le terme normal du processus qui s’est déclenché autour de la
commission de l’infraction : passant de la condamnation, il s’achève avec la peine qui,
exécutée par le condamné, est donc éteinte.

Section II : L’extinction de la peine inexécutée


Deux procédés techniques différents sont envisageables : ou bien on répute la peine
exécutée, en renonçant à la faire subir en tout ou partie (extinction par suite d’une exécution
fictive), ou bien on fait disparaître la condamnation qui lui sert de support (extinction par suite
de la disparition de la condamnation).

§ 1 : Extinction par suite d’une exécution fictive


On parle d’exécution fictive à propos notamment de la grâce, de la prescription de la
peine, ou de la réduction de la peine ; mais ces trois institutions supposent, en réalité,
l’extinction de la peine, totalement ou partiellement, sans effacer la condamnation. Elles
proviennent de trois sources : la grâce du chef de l’Etat, la prescription de l’écoulement du
temps, et la réduction de la peine sur décision du juge. A ces trois sources, on peut ajouter le
décès du condamné.

I – La grâce

La grâce est une mesure de clémence accordée au chef de l’Etat en vertu de laquelle
un condamné est soustrait à l’application de la peine qu’il aurait dû subir. Elle dispense un

106
condamné de tout ou partie de sa peine ; mais elle dispense seulement d’exécuter la peine ;
elle ne vaut pas exécution.
Du point de vue de sa légitimité, la grâce peut porter atteinte au principe de la
séparation des pouvoirs en permettant au chef de l’Etat de s’immiscer dans l’œuvre du
pouvoir judiciaire, voire de la détruire pratiquement. Mais cette critique n’est pas pour autant
recevable dans la mesure où elle n’efface pas la condamnation prononcée par le pouvoir
judiciaire ; elle dispense seulement de l’exécution de la peine. Cette exécution relève
d’ailleurs du pouvoir exécutif. Sans doute, convient-il d’accorder des grâces modérées et non
politiciennes susceptibles de choquer l’opinion publique.
Du point de vue pratique, elle permet de donner une satisfaction immédiate aux
exigences de l’humanité et de la justice. Elle permet de remédier aux rigueurs et erreurs
judiciaires. Elle garde un rôle social des plus importants.

II – La prescription de la peine

La prescription de la peine est différente de celle de l’action publique.


La prescription de l’action publique suppose qu’aucun jugement de condamnation
n’est encore intervenu. Elle a pour effet d’éteindre l’action lorsqu’un certain délai s’est écoulé
sans qu’une poursuite ait été exercée. Par contre la prescription de la peine court après la
condamnation définitive. Lorsque la peine prononcée n’a pas été exécutée au bout d’un
certain temps, ou a vu son exécution interrompue pendant ce même délai (de façon régulière
ou parce que l’individu s’est soustrait à l’exécution), il y a prescription, et l’exécution n’est
plus possible203.
Le délai de la prescription de la peine est plus long que celui de la prescription de
l’action publique. En effet, le délai est d’autant plus long que l’infraction est plus grave.
Généralement, il est de vingt années révolues pour les crimes (art. 610 al. 1 er CPP), cinq
années révolues pour les délits (art. 611 CPP), et deux années révolues pour une contravention
de police (art. 612 CPP).

III – La réduction de la peine

En dehors des remises de peine opérées par voie de grâce, il faut mentionner que la
peine peut prendre fin avant le délai fixé par la juridiction de jugement, par l’effet de certaines
remises accordées par le juge. Celui-ci a reçu un pouvoir apparenté à celui de la grâce. Les
détenus en exécution d’une peine privative de liberté peuvent, s’ils ont donné des preuves
suffisantes de bonne conduite, bénéficier d’une réduction de peine.
203
Bernard BOULOC, op. cit., n° 783.

107
IV – Le décès du condamné

Le décès du condamné est le mode normal d’extinction des peines perpétuelles. Il


arrête l’exécution des peines temporaires. Mais le décès du condamné n’a d’effet extinctif vis-
à-vis des peines d’amende que s’il intervient avant une condamnation définitive. Dans le cas
contraire, la dette d’amende, devenue dette civile, passe à la charge des héritiers.

§ 2 : Extinction par suite de la disparition de la condamnation


Il s’agit principalement de l’amnistie (I) et de la réhabilitation (II).

I – L’amnistie

L’amnistie est une institution qui permet à la société de reléguer dans l’oubli les
mesures de caractère pénal dont elle ne veut plus se souvenir. C’est une mesure de clémence
prise, en principe par la voie législative pour retirer leur caractère d’infraction à certains faits
commis dans le passé204.
Dans sa conception traditionnelle, l’amnistie, à la différence de la grâce et de la
réhabilitation qui ont un caractère personnel, avait un caractère réel, c’est-à-dire qu’elle était
dispensée en considération, non pas de la qualité et des mérites du délinquant, mais en raison
de la nature des infractions et de l’époque où elles avaient été commises. D’autre part, elle
n’était guère employée qu’après une crise politique, pour réaliser la pacification des esprits,
en passant l’éponge sur les infractions politiques, voire certains délits apparentés. C’est le cas
de l’amnistie accordée à certains faits pendant la Conférence nationales des forces vives de la
nation béninoise de février 1990. Les crimes et délits apparentés commis par le régime
révolutionnaire du Général Matthieu KEREKOU entre le 26 octobre 1972 à la veille de la
Conférence nationale de 1990 ont été amnistiés. C’était d’ailleurs une des conditions posées
pour l’acceptation des recommandations de ladite conférence.

II – La réhabilitation

La réhabilitation est une institution qui permet de réputer non avenue une déclaration
de culpabilité quand, après avoir exécuté sa peine principale, le condamné a fait preuve d’une
bonne conduite prolongée.
Dans son principe juridique, bien qu’elle ait les mêmes effets que l’amnistie, elle
diffère de ces procédés. Elle se distingue de l’amnistie, qui est aussi une cause d’effacement
de la condamnation ; les mobiles des deux institutions ne sont pas les mêmes ; tandis que

Fréderic DESPORTES, Francis Le GUNEHEC, Le nouveau droit pénal, t. 1 : Droit pénal général, Paris :
204

Economica, 6ème édition, 1999, n° 1094.

108
l’amnistie a un but d’apaisement, la réhabilitation suppose une condamnation définitive ; il
faut même sauf exceptions, que la peine principale ait été intégralement subie ; la
réhabilitation ne revient pas sur le passé pour faire oublier une condamnation pénale ; elle se
borne à faire cesser pour l’avenir certaines conséquences juridiques.
Il ne faut pas non plus confondre la réhabilitation avec la révision, qui, elle, vise à
obtenir l’annulation des condamnations prononcées à tort, sous l’influence d’une erreur de fait
commises par les juges.
La réhabilitation est réglementée par les articles 627 à 643 du code de procédure
pénale béninois. De la lecture de l’article 628, la réhabilitation s’obtient de deux façons. Selon
la voie la plus ancienne, elle résulte d’une décision expresse qui émane du pouvoir judiciaire.
Pour les délinquants primaires, elle s’acquiert de plein droit, après quelques années de bonne
conduite. Quel que soit le moyen par lequel elle est obtenue, elle a des effets uniformes.

Table des matières

109
I - Le contenu du droit pénal...................................................................................2
A : Les branches du droit pénal..........................................................................3
B : Le déclin contemporain du droit pénal ou l’apport des disciplines
spécialisées..........................................................................................................5
II – L’évolution du droit pénal................................................................................7
A : De l’époque féodale à la Révolution.............................................................7
B : Depuis la Révolution.....................................................................................9
III – Le droit pénal en Afrique..............................................................................10
IV - Subdivision du cours.....................................................................................12
Première partie : L’infraction pénale........................................................................................13
Titre I : Les éléments constitutifs de l’infraction..................................................................15
Chapitre I : l’élément légal de l’infraction ou la légalité pénale.......................................16
Section I : Les sources du droit pénal...........................................................................17
Section II : Le sens du principe « nullum crimen, nulla poena sine lege »..................17
§ 1 : La justification du principe de légalité.............................................................18
§ 2 : La portée du principe........................................................................................19
I – Le domaine du principe de la légalité..............................................................19
A : Nullum crimen sine lege : pas d’infraction sans texte.................................19
B : Nulla poena sine lege : pas de peine sans texte..........................................20
II : Les conséquences du principe de la légalité...................................................20
A : Les conséquences du principe de la légalité criminelle pour le législateur 20
1 - L’exigence de précision...........................................................................20
2 - L’interdiction des textes rétroactifs.........................................................21
a : La signification du principe de non-rétroactivité.................................22
β : Le champ d’application de la loi pénale dans l’espace........................23
b : La portée du principe de non-rétroactivité en matière pénale.............24
B : Les conséquences du principe de la légalité pour le juge...........................27
1 - L’obligation de respecter la loi................................................................27
2 - L’interprétation stricte de la loi pénale....................................................28
Chapitre II : L’élément matériel de l’infraction................................................................30
Section I : La nécessité d’un résultat : l’infraction consommée...................................30
§ 1 : Le mode de réalisation de l’infraction..............................................................30
I – La nature du fait matériel.................................................................................30
A : L’infraction de commission........................................................................31
B : L’infraction d’omission...............................................................................31
II – La durée de la réalisation de l’infraction........................................................32
A : L’instantanéité de l’élément matériel : infractions instantanées et
permanentes......................................................................................................32
B : La continuité de l’élément matériel : infractions continues ou successives et
infractions continuées.......................................................................................32
III – L’unicité et la pluralité d’actes.....................................................................33
A : Les infractions simples, complexes et d’habitudes.....................................34
1 – Infraction simple et infraction d’habitude...............................................34
2 – Les infractions simples et les infractions complexes..............................35
B : Les intérêts de la distinction........................................................................35
§ 2 : L’infraction fondée sur le résultat.....................................................................35
I – Les infractions matérielles et les infractions formelles...................................36
II – Intérêt de la distinction...................................................................................36
Section II : L’indifférence du résultat...........................................................................36
§ 1 : La tentative.......................................................................................................37

110
I – Les éléments constitutifs de la tentative..........................................................38
A : Le commencement d’exécution..................................................................38
a : Exemples de commencements d’exécution.........................................39
b : Ne sont pas des commencements d’exécutions...................................40
B : L’interruption involontaire de l’exécution (absence de désistement
volontaire).........................................................................................................40
1 – Le désistement doit être antérieur à la consommation de l’infraction....40
2 – Le désistement doit être volontaire.........................................................41
II – Le domaine de la tentative.............................................................................42
A : Distinction selon la gravité des infractions.................................................42
B : Les infractions étrangères par leur nature à la notion de tentative..............42
§ 2 : L’exécution infructueuse..................................................................................43
Chapitre III : L’élément moral de l’infraction..................................................................44
Section I : L’imputabilité..............................................................................................44
§ 1 : L’état des facultés intellectuelles......................................................................44
I – L’insuffisance des facultés..............................................................................44
A : L’âge...........................................................................................................44
B : Les troubles psychiques ou neuropsychiques.............................................46
1 – Trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli le discernement et le
contrôle des actes..........................................................................................46
2 – Trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré le discernement ou
entravé le contrôle des actes.........................................................................47
II – L’altération passagère....................................................................................47
A : Notion.........................................................................................................47
B : Influence de l’ivresse sur la responsabilité.................................................47
§ 2 : Le libre exercice des facultés mentales : le problème de la contrainte.............48
I – Les conditions larges de la contrainte..............................................................48
II – Les conditions étroites....................................................................................48
A : Extérieure à l’agent.....................................................................................48
B : Irrésistible....................................................................................................49
C : Imprévisibilité.............................................................................................49
Section II : La culpabilité..............................................................................................49
§ 1 : La faute intentionnelle......................................................................................49
I – Distinction de l’intention et de la volonté.......................................................50
II – Distinction de l’intention et du mobile...........................................................50
C : Les composantes de l’intention...................................................................51
§ 2 : La faute d’imprudence ou de négligence..........................................................52
I – La notion de faute d’imprudence ou de négligence.........................................52
II – La répression..................................................................................................53
Titre II : La classification des infractions.............................................................................55
Chapitre I : La distinction des infractions selon leur gravité............................................56
Section I : Le principe de distinction............................................................................56
§ 1 : Au point de vue du fond...................................................................................56
§ 2 : Au point de vue de la forme..............................................................................56
Section II : La valeur de la distinction..........................................................................57
§ 1 : Le reproche sur l’illogisme...............................................................................57
§ 2 : Le reproche sur l’imprécision...........................................................................58
Chapitre II : La distinction des infractions selon leur nature............................................59
Section I : Distinction des infractions de droit commun et des infractions politiques. 59
§ 1 : Le critère de l’infraction politique....................................................................59

111
§ 2 : Les intérêts de la classification.........................................................................60
Section II : Distinction des infractions de droit commun et des infractions militaires.60
§ 1 : Critère de la distinction.....................................................................................61
I – Les infractions proprement militaires..............................................................61
II – Les infractions mixtes....................................................................................61
§ 2 : Intérêt de la distinction.....................................................................................61
Titre III : Le délinquant et la responsabilité pénale..............................................................63
Chapitre 1 : La pluralité de participation à l’infraction....................................................64
Section I : L’auteur.......................................................................................................64
§ 1 : Définition de l’auteur........................................................................................64
§ 2 : Diversité d’application......................................................................................65
I – Auteur intellectuel et auteur matériel..............................................................65
II – Auteur indirect et auteur médiat.....................................................................66
III- Coauteurs........................................................................................................67
Section I : Le complice.................................................................................................68
§ 1 : Les conditions de la complicité........................................................................68
I – Un fait principal punissable.............................................................................69
A : La qualification du fait principal.................................................................69
1 – L’exigence d’un fait qualifié crime ou délit...........................................69
2 – Le cas de la contravention.......................................................................70
B : Le caractère punissable du fait....................................................................70
II – La participation au fait principal....................................................................71
A : L’élément intentionnel de complicité.........................................................71
B : l’élément matériel de complicité.................................................................72
1 – La complicité par instigation..................................................................72
2 – La complicité par collaboration..............................................................73
3 – Le cas du recel........................................................................................75
§ 2 : La répression de la complicité..........................................................................76
I – La portée de l’article 59 du code pénal............................................................76
II – L’influence sur la condition du complice.......................................................77
A : Les circonstances aggravantes réelles (ou objectives)................................77
B : Les circonstances personnelles (ou subjectives).........................................77
C : Les circonstances mixtes.............................................................................78
Chapitre 2 : Les causes objectives de non-responsabilité.................................................80
Section I : Les faits justificatifs reconnus par la loi......................................................80
§ 1 : L’ordre de la loi et le commandement de l’autorité légitime...........................80
I – L’ordre de la loi...............................................................................................81
A : Règles générales sur l’ordre de la loi..........................................................81
B : La permission (ou l’autorisation) de la loi..................................................82
II – Le commandement de l’autorité légitime.......................................................82
A : La théorie de l’obéissance passive..............................................................83
B : La théorie dite des « baïonnettes intelligentes » ou de l’obéissance
raisonnée...........................................................................................................83
C : La solution médiane....................................................................................83
§ II : La légitime défense..........................................................................................84
I – La légitime défense proprement dite...............................................................85
A : La situation de légitime défense.................................................................85
1 – La certitude de l’agression......................................................................86
2 – L’injustice de l’agression........................................................................86
B : L’acte de défense légitime..........................................................................87

112
II – Les cas « privilégiés » de la légitime défense................................................88
A : Les conditions d’application.......................................................................89
B : La portée......................................................................................................89
Section II : Les faits justificatifs de source jurisprudentielle ou doctrinale..................91
§ 1 : L’état de nécessité.............................................................................................91
I - Les conditions requises...................................................................................92
II - Les effets........................................................................................................93
§ 2 : Le consentement de la victime..........................................................................93
I – Les conditions..................................................................................................93
II – Les controverses.............................................................................................94
Deuxième partie : La sanction pénale : étude spécifique de la peine.......................................96
Titre I : nomenclature et classification des peines................................................................97
Chapitre 1 : La hiérarchie des peines................................................................................98
Section 1 : La classification sous-entendue dans le code.............................................98
§ 1 – Les peines encourues, prononcées et exécutées...............................................98
§ 2 – Les peines principales, accessoires et complémentaires..................................98
Section 2 : La classification relevant directement de la loi..........................................99
Chapitre II : Le contenu des peines.................................................................................100
Section I : Les peines corporelles...............................................................................100
Section II : Les peines non corporelles.......................................................................100
§ 1 : Les atteintes à la liberté individuelle..............................................................100
I – Les peines privatives de liberté.....................................................................100
II – Les peines restrictives de liberté..................................................................101
§ 2 : L’atteinte aux droits : les peines privatives ou restrictives de droit................101
§ 3 : Les atteintes patrimoniales..............................................................................101
Titre II : Le sort de la peine................................................................................................102
Chapitre I : La suspension de la peine............................................................................103
Section I : Le sursis.....................................................................................................103
§ 1 : Les conditions d’application du sursis simple................................................103
I – Les condamnations auxquelles peut s’appliquer le bénéfice du sursis simple
.............................................................................................................................103
II – Les délinquants pouvant bénéficier du sursis simple...................................104
§ 2 : Les effets du sursis simple..............................................................................104
Section II : La libération conditionnelle.....................................................................104
§ 1 : Les conditions d’octroi de la libération conditionnelle..................................105
I – Le délai..........................................................................................................105
II – La bonne conduite et le gage de réadaptation social....................................105
§ 2 : Les effets de la libération conditionnelle........................................................106
Chapitre II : L’extinction de la peine..............................................................................107
Section I : L’extinction de la peine exécutée..............................................................107
Section II : L’extinction de la peine inexécutée..........................................................107
§ 1 : Extinction par suite d’une exécution fictive...................................................107
I – La grâce.........................................................................................................107
II – La prescription de la peine...........................................................................108
III – La réduction de la peine..............................................................................108
IV – Le décès du condamné................................................................................109
§ 2 : Extinction par suite de la disparition de la condamnation..............................109
I – L’amnistie......................................................................................................109
II – La réhabilitation...........................................................................................109
Table des matières...................................................................................................................111

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