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UNIVERSITE HASSAN II-CASABLANCA

FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES, ECONOMIQUES ET SOCIALES

MOHAMMEDIA

Licence Droit Privé en langue française

Travaux dirigés en procédure pénale- Semestre 6

Pr A.CHAKRI

Thème :

LE DROIT D’OPTION DE LA PARTIE CIVILE

Année Universitaire : 2022-2023


LE DROIT D’OPTION DE LA PARTIE CIVILE

Étant une action en réparation d’un dommage privé, l’action civile peut, comme

toute autre action en réparation, être intentée devant un tribunal civil. Mais comme

le dommage dont la victime demande réparation n’est pas un dommage purement

civil par son origine, mais puise sa source dans l’infraction et dans une faute pénale,

la victime à la faculté d’exercer son action civile devant le tribunal répressif.

Elle le fait, soit en joignant cette action à l’action publique exercée par le ministère

public en se constituant partie civile par conclusion, soit en mettant elle-même

l’action publique en mouvement, par citation directe ou par une constitution de

partie civile devant le juge d’instruction.

Le choix qui appartient à la victime entre la juridiction civile et la juridiction

répressive résulte des articles 3 et 10 du Code de procédure pénale

L’article 9 stipule : « l’action civile et l’action publique peuvent être exercées en

même temps devant la même juridiction répressive saisie de l’action publique ».

Aux termes de l’art. 10 : « l’action civile peut être exercée séparément de l’action

publique devant la juridiction civile compétente ».

Il résulte de ces deux textes que la victime dispose d’un droit d’option entre la

juridiction civile et la juridiction répressive pour porter son action en demande d’une

réparation.

Ainsi il convient d’étudier dans un premier temps, les conditions de l’option et

ses modalités d’exercice (I), et dans un second temps, les conséquences inhérentes à

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cette option (II).

I- LES CONDITIONS DE L’OPTION ET SES MORALITES D’EXERCICE

On examinera dans cette première partie, le fondement et les conditions du droit

d’option (A), ainsi que les modalités d’exercice de l’option (B).

A- Fondement et conditions du droit d’option

a- Fondement du droit d’option

Le droit d’option de la partie lésée se justifie par des raisons historiques et des

raisons pratiques.

Au point de vue historique, c’est un vestige du système ancien de l’accusation

privée d’après lequel la mise en mouvement du procès pénal dépendait de l’action

de la victime.

Au point de vue pratique, permettre de demander réparation devant le tribunal

répressif est une solution avantageuse, tout d’abord pour la partie lésée qui peut

ainsi remédier à l'inertie du ministère publique en mettant en mouvement l’action

publique et qui surtout peut faire juger son action civile plus rapidement ,et à

moindre frais, que si elle était portée devant la juridiction civile, en profitant des

preuves plus facilement et plus largement établies en matière pénale, qu’en matière

civile.

Il faut ajouter que la voie répressive, plus rapide et moins couteuse que la voie

civile, permet à la victime de ne se voir opposer l’autorité de la chose jugée au pénal

sur le civil qu’après avoir été entendue au cours du procès pénal. Par contre, l’action

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de la victime, si elle est téméraire ou abusive engage plus facilement sa responsabilité

civile, si elle a opté pour la voie répressive.

Le droit d’option est également avantageux pour la société qui bénéficie de

l’action publique, déclenchée ou renforcée par l’intervention de la partie civile.

Enfin, cette solution est avantageuse pour l’administration de la justice elle-

même, car en faisant juger l’action civile par le juge répressif, on évite les contrariétés

de jugements qui seraient d’autant plus redoutables que le tribunal répressif n’est

jamais lié, en principe, par ce qui est décidé au civil.

b- Les conditions du droit d’option

Pour que la victime d’une infraction puisse exercer son option et agir en

réparation, soit devant le tribunal répressif, soit devant le tribunal civil, plusieurs

conditions doivent être réunies.

1- Ouverture concurrente des deux voies (civile et répressive)

Tout d’abord, il faut que les deux voies civile et répressive soient ouvertes. Si l’une

des deux se ferme, il n’y a plus d’option possible.

 Cas ou la voie civile est fermée

Les juridictions civiles aussi compétentes pour statuer sur l’action civile, ne

peuvent connaitre l’action civile résultant des délits de diffamation prévues par

l’article 442 du Code pénal.

 Cas ou la juridiction répressive est exceptionnellement fermée

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LE DROIT D’OPTION DE LA PARTIE CIVILE

Si les juridictions répressives de droit commun sont compétentes pour connaitre

de l’action civile, en même temps que l’action publique, les juridictions répressives

d’exception qui ne jugent que les infractions soumises à leur connaissance en vertu

d’une disposition expresse de la loi, sont incompétentes pour statuer sur l’action

civile.

2- Dommage résultant de l’infraction et ayant pour fondement l’infraction

Pour que la victime puisse faire juger son action civile par le tribunal répressif, il

ne suffit pas que la voie criminelle soit ouverte, il faut encore que cette action soit

une action en réparation d’un dommage, qui trouve sa base dans l’infraction, et

encore, elle ne peut être exercée devant la juridiction répressive, que si elle prend sa

source dans le préjudice résultant de l’infraction et a pour fondement l’infraction.

 Dommages résultant de l’infraction

L’action civile qui relève de la compétence du tribunal répressif, c’est l’action en

réparation résultant du dommage, directement causé par l’infraction (art. 7, C.P.P). Si

le dommage puise sa source ailleurs que dans l’infraction, la réparation ne peut pas

être demandée par la voie pénale, mais par la voie civile.

 Dommages ayant pour fondement l’infraction

Pour pouvoir être exercée devant le tribunal répressif, l’action civile ne doit pas

seulement poursuivre la réparation d’un dommage résultant directement de

l’infraction, elle doit encore avoir pour fondement le fait délictueux, la faute pénale,

par exemple , le tribunal répressif n’est pas compétent pour statuer sur une action

civile en réparation d’un dommage causé par l’infraction, si cette action est fondée

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non pas sur la faute pénale, mais une faute civile identique à la faute pénale (ex.

Faute d’imprudence).

3- Existence de l’action publique

L’action civile exercée en même temps que l’action publique (art. 9, C.P.P),

constitue l’accessoire de celle-ci.

Ainsi, si l’action publique ne peut plus avoir lieu, il n’y a plus d’option possible, la

victime doit agir au civil. L’amnistie, l’abrogation de la loi pénale, le décès du

délinquant, la prescription suppriment définitivement l’exercice de l’action publique.

Donc le tribunal répressif ne reste compétent pour statuer sur l’action civile que s’il

en était saisi en même temps que l’action publique et que cette dernière subissait

une cause d’extinction en cours du procès.

Autrement dit : si l’extinction de l’action publique a lieu avant l’ouverture de toute

procédure, seule l’action civile devant le juge civile est possible. L’infraction n’existe

plus, L’option n’a plus lieu.

B- Les modes d’exercice de l’action civile devant le tribunal répressif

Les modes par lesquels la victime d’une infraction saisit la juridiction répressive

varient suivant que l’action a déjà été engagée ou non par le ministère public. Dans

le premier cas, elle agit par voie d’intervention, mais dans le second, par voie d’action.

a- L’intervention

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LE DROIT D’OPTION DE LA PARTIE CIVILE

Lorsque le ministère public a déclenché l’action publique, la partie lésée peut se

constituer partie civile par voie d’intervention.

L’intervention peut avoir lieu à toutes les phases de la procédure tant que la

clôture des débats n’a pas été décidée (art. 94, C.P.P).

Mais la partie lésée ne peut jamais intervenir pour la première fois en appel dans

les matières ou il existe, car elle priverait le prévenu en cas de condamnation à

dommage et intérêt du double degré de juridiction.

L’intervention peut avoir lieu soit avant, soit pendant l’audience (art. 350, C.P.P).

 Avant l’audience, la partie lésée doit déposer sa demande et ses conclusions,

auprès du secrétariat greffe de la juridiction.

 Pendant l’audience, elle doit le faire entre les mains du président de la juridiction

en lui adjoignant le récépissé du paiement de la taxe judiciaire, ceci avant les

réquisitions du ministère public.

Les conclusions doivent respecter certaines règles de forme prescrites par l’article

350 alinéa 2 du Code de procédure pénale. Elles doivent selon ce texte contenir, les

indications propres à identifier celui qui se porte partie civile, préciser l’infraction

génératrice du préjudice à réparer et faire connaitre le motif de la demande. Elles

doivent contenir en plus élection du domicile dans le ressort du tribunal saisi, si

l’intéressé n’y a pas son domicile réel.

Dans les deux cas, le tribunal appréciera la recevabilité de la constitution de partie

civile. L’irrecevabilité peut d’ailleurs, être soulevée par tout intéressé (ministère public,

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LE DROIT D’OPTION DE LA PARTIE CIVILE

prévenu ou inculpé, autres parties civiles, tiers civilement responsable, etc.).

b- L’action

Lorsque le ministère public n’a pas exercé l’action publique, la partie civile peut

tout de même porter son action civile devant la juridiction répressive, mais dans ce

cas, elle agit alors par voie d’action. Elle a pour cela un moyen à sa disposition ; la

plainte avec constitution de partie civile (art. 92 et ss, C.P.P).

II- LES CONSEQUENCES DE L’OPTION

Une fois la partie lésée a exercé son option entre la voie civile et la voie criminelle,

il ne lui est plus possible de revenir en arrière, d’abandonner la juridiction saisie pour

s’adresser à l’autre, c’est le sens de la maxime bien connu « electa una via, non datur

recursus ».

A- L’irrecevabilité de l’option

a- Le fondement de l’irrévocabilité

L’article 11 du Code de procédure pénale constitue un fondement légale suffisant

pour justifier l’irrecevabilité de l’option. Il énonce que la partie lésée qui exerce son

action civile devant la juridiction civile compétente ne peut plus la porter devant la

juridiction répressive. Ce texte s’inspire du droit français. Il trouve son corollaire dans

l’article 5 du Code de procédure pénale français, inspiré lui-même du principe fondé

sur l’humanité et la justice qui ne permettent pas qu’on traine un accusé d’une

juridiction à l’autre.

b-L ’application de l’irrévocabilité de l’option

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LE DROIT D’OPTION DE LA PARTIE CIVILE

Si l’option est en principe irrévocable, l’application de cette règle comporte

cependant, certains tempéraments.

1- L’option en faveur de la voie civile

L’option n’est irrévocable que si la partie lésée a d’abord choisi la voie civile (art.

11, C.P.P). Lorsque la partie civile a porté son action civile d’abord devant le tribunal

civil, elle ne peut en principe se désister pour la porte ensuite devant la juridiction

répressive. La règle electa una via est une faveur pour le prévenu ou l’inculpé ; la

partie lésée ne peut pas par son fait, lui retirer cette faveur et la jurisprudence

considère que la voie civile est plus favorable au prévenu que la voie criminelle qui

est rigoureuse.

2- L’option en faveur de la voie répressive

Si la partie lésée a d’abord opté pour la voie pénale, plus sévère, elle peut

abandonner cette voie et revenir à la voie civile, qui place le prévenu ou l’inculpé

dans une situation meilleure, à moins bien évidement que la juridiction répressive

saisie la première, n’ait déjà statué au fond.

b- L’issu de l’option

a- Avantages et inconvénients de l’option en faveur de la voie répressive

1- Avantage

L’option en faveur de la voie répressive offre de multiples avantages.

Elle permet d’obtenir justice avec une plus grande rapidité que devant le juge

civil.

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LE DROIT D’OPTION DE LA PARTIE CIVILE

Le choix de la voie répressive procure d’autre part, des facilités de preuves

incontestables. En utilisant la voie répressive, la victime profite des moyens

énergiques et coercitifs dont les juges (et notamment le juge d’instruction), disposent

pour rechercher les preuves et parvenir à la manifestation de la vérité : constatations

sur place, perquisitions, saisies, etc.

Il faut ajouter enfin, que l’option en faveur de la voie répressive permet d’éviter

que l’action civile ne se heurte à l’autorité de la chose jugée attachée à une décision

pénale, sans que la victime ait pu défendre ses intérêts.

2- Inconvénients

L’option en faveur de la voie répressive n’est cependant pas sans présenter

certains inconvénients.

La partie civile étant partie à l’instance ne peut plus être entendue comme témoin

à l’instruction, ni aux débats. Elle sera bien souvent le principal témoin à charge ; son

absence risque alors d’affaiblir l’accusation et de conduire à un acquittement qui

aurait pu être évité si elle avait été entendue.

D’autre part, elle risque l’éventualité de poursuite et condamnation à dommages

et intérêts pour constitution de partie civile téméraire ou abusive en application de

l’article 98 du code de procédure pénale).

b- L’exercice de l’action civile devant le juge civile

Lorsqu’elle est intentée devant le tribunal civil, soit parce que le tribunal répressif

n’est pas compétent (action publique éteinte), soit parce que, usant de son droit

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d’option, la partie lésée a préféré la juridiction civile, l’action civile donne lieu à un

procès purement civil tout à fait distinct du procès pénal, c’est-à-dire., que l’action

civile est soumise aux règles de compétence et de procédure civile, applicables en

matière civile.

Il y a lieu à distinguer deux hypothèses :

1- Avant la mise en mouvement de l’action publique

Ce n’est pas à dire pourtant que le procès sur l’action civile distinct du procès

pénal en soit complétement indépendant. Sans doute le procès pénal a-t-il une

indépendance absolue par rapport à un procès pénal, lorsqu’il est jugé par le tribunal

civil avant la mise en mouvement de l’action publique, le juge civil peut statuer

aussitôt sans attendre l’engagement et le jugement de l’action publique, et il a toute

liberté d’appréciation et de décision. Du reste son jugement sur l’action civile n’aura

aucune influence sur celui que le juge répressif pourra être appelé à rendre

postérieurement sur l’action publique, car la chose jugée au civil n’a pas d’autorité au

criminel.

2- Après la mise en mouvement de l’action publique

Il n’en est plus de même lorsque le procès civil est engagé après la mise en

mouvement de l’action publique. Dans ce cas, le procès civil se trouve par son rang

et son jugement sous la dépendance du procès pénal. Cette dépendance tient à ce

que l’action civile est une action en réparation du dommage pénal, qui a son origine

dans l’infraction à la loi pénale.

C’est ainsi que le tribunal civil est obligé de sursoir à statuer sur l’action civile tant

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que le tribunal répressif saisi avant ou pendant l’instance civile n’a pas lui-même

statué sur l’action publique (art. 10, C.P.P). C’est le sursis au jugement de l’action civile

qui résulte de la règle « le criminel tient le civil en état ».

D’autre part, le tribunal qui statue après le jugement rendu par le tribunal

répressif sur l’action publique est tenu de respecter, dans une certaine mesure, ce

qui a été décidé par le juge répressif ; il ne peut se mettre en contradiction avec lui.

C’est le principe jurisprudentiel de l’autorité sur le civil de la chose jugée au criminel.

c- Les conséquences du sursis au jugement

Lorsque les conditions de sursis se trouvent réunies, le tribunal civil doit

seulement attendre pour statuer sur l’action civile que le tribunal répressif ait statué

sur l’action publique. ; En un mot, il ne s’agit que d’un sursis au jugement.

1- Durée du sursis

L e sursis doit se prolonger tant qu’il n’a pas été prononcé définitivement sur

l’action publique. Mais pour ne pas faire durer le sursis jusqu’à l’expiration du délai

de prescription de l’action publique, les auteurs et la jurisprudence considèrent

comme des décisions définitives à cet égard, les ordonnances de non-lieu ainsi que

les décisions rendues par défaut ou par contumace.

2- Caractère d’ordre public du sursis

Quoi qu’il en soit, aussi longtemps qu’une décision définitive n’a pas été rendue,

le juge civil ne peut statuer sous peine de nullité absolue de la procédure. C’est qu’en

effet le sursis, qui a été institué, non dans l’intérêt particulier des plaideurs, mais en

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vue de protéger l’ordre respectif des juridictions civiles et répressives et d’empêcher,

notamment qu’une décision civile ne contredise une décision pénale, revêt un

caractère d’ordre public.

Il en résulte que le tribunal civil doit sursoir à statuer d’office, à quelque moment

de la procédure où il soit arrivé, que le sursis s’impose non seulement au juge, mais

aux parties qui ne peuvent y renoncer.

Or, si la jurisprudence a aussi reconnu un caractère d’ordre public au sursis, c’est

parce que le sursis doit permettre à une décision répressive qui interviendra la

première, d’exercer son autorité sur la décision civile qui sera résolue la seconde.

3- L’autorité sur le civil de la chose jugée au criminel

Dans tous les cas, lorsqu’il statue après le tribunal répressif, le tribunal civil, encore

qu’il juge une action distincte de l’action publique, ne jouit pas cependant d’une

liberté entière d’appréciation et de décision, il est lié dans une certaine mesure par

ce qui a été décidé par le tribunal répressif. Les arrêts affirment : « qu’il n’est pas

permis au juge civil de méconnaitre ce qui a été nécessairement et certainement

décidé par le juge criminel sur l’existence du fait incriminé qui forme la base

commune de l’action pénale et de l’action civile ».

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