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l’Université
Saint-
Louis
Droit et intérêt - vol. 3 | Philippe Gérard, François Ost, Michel
Van de Kerchove
Le juge de l’excès
de pouvoir et la
mise en balance
des intérêts en
présence
Robert Andersen
p. 141-152
Texte intégral
1 La notion de « mise en balance des intérêts en présence »
évoque immédiatement la procédure du référé dans laquelle
elle joue un rôle essentiel. En effet, comme le relève le doyen
J. Van Compernolle, la balance des intérêts en présence doit
non seulement permettre au juge des référés d’apprécier si la
condition d’urgence est remplie, mais également lui inspirer
les mesures conservatoires à prendre pour aménager une
situation d’attente qui sauvegarde les intérêts en conflit1.
2 Si la notion doit ainsi sa notoriété à la procédure des référés,
elle est susceptible de recevoir et reçoit application dans
d’autres procédures. C’est le cas dans la procédure pour
excès de pouvoir. Le juge de l’excès de pouvoir y a.
notamment, recours pour vérifier, dans le cadre du contrôle
qu’il exerce sur le pouvoir discrétionnaire de
l’administration, si, entre autres principes de bonne
administration, l’autorité administrative a procédé à une
appréciation raisonnable des intérêts en présence (chapitre
Ier) ou encore, dans le domaine particulier de la voirie, si la
solution retenue par l’administration ne comporte pas plus
d’inconvénients qu’elle ne présente d’avantages (chapitre II).
Conclusion
53 Tout le monde est d’accord pour considérer que le pouvoir
discrétionnaire constitue une nécessité et pour estimer que
le contrôle juridictionnel ne peut porter sur l’opportunité des
décisions prises dans l’exercice de ce pouvoir.
54 Face à l’extension considérable de ce pouvoir à la suite de la
multiplication et de la diversification des interventions de
l’administration, la préoccupation s’est toutefois manifestée
d’éviter que le « discrétionnaire » ne dégénère en
« arbitraire ».
55 Répondant à cette préoccupation, le juge de l’excès de
pouvoir a, avec l’aide de la doctrine, imaginé des procédés
nouveaux lui permettant de pousser plus avant son contrôle
de la légalité interne des décisions de l’administration prises
dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire jusqu’à la
limite extrême qui sépare la légalité de l’opportunité et,
parfois, peut-être, même, au-delà
56 Quelques-uns de ces procédés viennent d’être passés en
revue : le principe de l’appréciation raisonnable des intérêts
en présence, dont il est significatif de relever qu’il est
également qualifié par la doctrine néerlandaise comme celui
de l’interdiction de l’arbitraire, le contrôle de l’erreur
manifeste d’appréciation et la jurisprudence dite du bilan.
57 Au-delà de leurs particularités, ces procédés ont en commun
d’exiger de l’administration qu’elle agisse dans l’exercice de
son pouvoir discrétionnaire avec un minimum de bon sens,
celui que l’on est en droit d’espérer de quiconque et,
singulièrement, d’un administrateur normalement
consciencieux. Une telle exigence n’est assurément pas
manifestement déraisonnable.
Notes
1. Actualité du référé, in Ann. dr. Lv. 1989, pp. 141 à 172, spécialement
pp. 146 et 147 et 150 et 151.
2. T.B.P., 1970, pp. 363 et 364
3. T.B.P., 1970, pp. 365 à 378
4. T.B.P., 1970, pp. 377 et 378. Mr. J. IN’T VELD (Beginselen van
behoorlijk bestuur, W.E.J. Tjeenk Willink, Zwolle, 1976, p. 73) se
prononce dans le même sens. Il suggère au tribunal d’adopter comme
ligne de conduite de s’abstenir d’exercer sa censure dès l’instant où un
seul de ses membres doute du caractère manifestement déraisonnable de
l’acte administratif attaqué.
5. W.E.J., Tjeenk Willink, Zwolle, 1987, pp. 34 à 36.
6. T.B.P., 1970, pp. 379 à 396
7. T.B.P., 1981, pp. 81 à 89
8. A.C.J., DE MOOR-VAN VUGT, op. cit., p. 19.
9. voir en ce sens l’arrêt no 25.781, Bortels, du 29 octobre 1985 ; arrêt
no 30.538, Saoukili, du 30 juin 1988.
10. J. MEGRET. De l’obligation pour l’administration de procéder à un
examen particulier des circonstances de l’affaire, in E.D.C.E. 1953,
pp. 77 à 79, et M. WALINE, Précis de droit administratif, Paris.
Montchrestien, 1969, T. II, p. 353, no 670. Dans l’état actuel de la
jurisprudence, tant du Conseil d’Etat de France que du Conseil d’Etat de
Belgique, il est admis que l’autorité administrative puisse auto-limiter
son pouvoir d’appréciation en fixant à l’avance, dans des directives, la
ligne de conduite qu’elle entend suivre.
Auteur
Robert Andersen
Conseiller d’Etat
Professeur à l’Université
catholique de Louvain
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