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CHARGE DE COURS
Dr Nfally CAMARA, Maître Assistant associé
Enseignant chercheur au Département de droit public FSJP/UCAD
- origine textuelle
L’article 13 de la loi des 16-24 août 1790 relative à l’organisation judiciaire dispose : « Les
fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions
administratives. Les juges ne pourrons, à peine de forfaiture, troubler de quelque manière que
ce soit les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour
raison de leurs fonctions ».
Le texte prévoit une peine sévère pour le juge qui méconnaît cette disposition. Mais, cette
disposition n’a pas été strictement respectée, et ladite obligation a été réitérée par l’article
unique du décret du 16 fructidor an III : « Défenses itératives sont faites aux tribunaux de
connaître des actes d’administration, de quelque espèce qu’ils soient, aux peines de droit ».
Plus tard de manière positive on assiste réellement à la naissance du droit administratif.
- origine jurisprudentielle
Le droit administratif est né du prétoire. En effet, la jurisprudence administrative est créatrice
de normes juridiques. Face à l’insuffisance, l’imprécision ou même l’absence des textes, la
jurisprudence a élaboré progressivement le droit administratif.
Le droit administratif est né essentiellement à partir de la décision du TC du 8 février 1873,
Blanco.
Cette décision qui est considérée comme la pierre angulaire du droit administratif est aussi à
l’origine de l’évolution du droit de la responsabilité administrative.
Cet arrêt marque le début de l’épanouissement du contentieux administratif par la séparation
nette entre les fonctions d’administrateur et de juge.
Plusieurs décisions sont venues confirmer l’importance qualitative de la jurisprudence :
CE 19 février 1875, Prince Napoléon : circonscription de « l’acte de gouvernement » ;
CE 29 mars 1901, Casanova : élargissement de l’intérêt à agir ;
- Origine doctrinale
La doctrine a joué un rôle important dans la hiérarchie des normes administratives (la doctrine
est constituée par l’ensemble des juristes qui écrivent sur le droit) : La doctrine n’a pas de
valeur mais elle a toujours été un agent de divulgation de la règle de droit, et a toujours porté
une appréciation critique qui a permis au juge administratif de faire évoluer ses positions.
Il s’agit ensuite la possibilité de poursuivre le juge pour déni de justice, au cas où il refuse de
statuer sous prétexte que le texte est ambigu.
La constatation de la règle jurisprudentielle s’est progressivement opérée à partir de l’examen
des décisions de justice. On s’est rendu compte qu’au fil des espèces, le juge administratif a
donné des solutions identiques à des cas semblables. La répétition systématique de la règle a
permis de dire que c’était un arrêt d’espèce. Il est aussi arrivé au juge administratif de prendre
plus officiellement des arrêts de principe, dans lesquels il affirme clairement une règle de
droit, soit par systématisation de solutions jusqu’alors éparses, soit plus directement en
contredisant le principe appliqué jusqu’alors (on parle de revirement de jurisprudence).
D’autres auteurs comme Georges Vedel se demandent si le droit administratif peut-il rester
indéfiniment jurisprudentiel ? Le caractère « fondamentalement jurisprudentiel » (R. Chapus)
du droit administratif est, sans aucun doute, de moins en moins affirmé ». L’œuvre de
codification à droit constant y étant notamment pour une large part.
Par principe, la Constitution de 1958 se situe dans l’optique d’une intégration acceptée
de la France dans l’ordre juridique international. Mais en même temps, le Conseil d’Etat a eu
l’occasion de rappeler que, la Constitution étant au sommet de la pyramide de l’ordre
juridique français, elle a une valeur supérieure au traité (arrêt d’assemblée du CE de 1998 :
arrêt Sarran : la Constitution est supérieure au traité).
Conseil constitutionnel, 15 janvier 1975 : décision « IVG » : dans cette décision, il estime
qu’une loi contraire à un traité n’est pas pour autant contraire à la Constitution.
PARAGRAPHE 2 : La vérification de l’existence et l’interprétation du traité
par le juge administratif
Comment le traité est-il vérifié et interprété par le juge administratif ?
Selon l’article 55 CF, un certain nombre de principes sont indispensables pour que le
traité s’applique en droit interne:
Le juge contrôle si le traité a été régulièrement ratifié ou approuvé. On contrôle si
le traité a régulièrement reçu l’authentification de l’autorité apte à assurer sa réception
dans le droit interne (l’autorité habilitée à ratifier ou approuver les traités est le
président de la République, sauf dans les cas prévus par la Constitution, où il doit y
avoir un accord préalable du parlement).
Le juge vérifie si la publication du traité a eu lieu et si elle est régulière. Cette
opération se fait par inscription au Journal Officiel. Lorsque le traité n’a pas fait
l’objet d’une publication régulière, il n’est pas applicable (arrêt d’illustration : « arrêt
Châtelain » du Conseil d’Etat, 1965).
Enfin, le juge s’assure de l’application du traité par la ou les autres parties (c’est
la condition de réciprocité). A priori, cette vérification paraît simple mais, dans la
pratique, c’est plus compliqué. Lorsque le juge était confronté à la question de
réciprocité, il avait l’habitude de renvoyer la question au ministère des affaires
étrangères. Mais la CEDH a remis en cause cette pratique avec l’arrêt « Chevrol » du
13 février 2003. La raison est purement pratique : le ministère représente l’Etat, et
manque donc d’objectivité. La condition de réciprocité ne s’applique ni au droit
communautaire ni au droit européen (uniquement à tous les traités internationaux
classiques).
Dans son Arrêt « Rougemont » de 1923, le Conseil d’Etat affirme que « le juge administratif
n’a pas le pouvoir d’interpréter un traité international lorsque ses dispositions ne sont pas
claires ».
Dans ces conditions il était obligé de surseoir à statuer et renvoyer le problème de
l’interprétation au ministre des affaires étrangères.
Conscient de ce risque, le Conseil d’Etat opère un revirement de jurisprudence dans un arrêt
d’assemblée du 29 juin 1990 GISTI. D’après cet arrêt, le juge est désormais compétent pour
interpréter lui-même le traité.
A- Le domaine du règlement
L’acte réglementaire est une source de droit administratif dans la mesure où il fixe les
normes générales et impersonnelles. Les ordonnances édictées par le PR sont des actes
administratifs contestables devant le juge tant qu’ils ne font pas l’objet d’une ratification par
le parlement CEF 19 octobre 1962 Canal et autres.
Mais le vote d’une loi de ratification par le parlement donne force de loi à l’ordonnance c’est-
à-dire qu’elle a la même valeur qu’une loi.
Par conséquent, l’acte réglementaire en tant que source de la légalité administrative est
hiérarchiquement inférieur au PGD.
Les PGD sont des principes non écrits, non expressément formulés dans des textes mais qui,
dégagés par le juge et consacrés par lui, s’imposent à l’administration dans ses diverses
activités. Au 20ème siècle, ces principes créés par le Conseil d’Etat ont constitué une
importante source de légalité (et même essentielle). Les PGD sont des règles formulées par le
juge à partir d’une analyse des fondements du droit public français tels qu’ils se reflètent
notamment dans la déclaration des droits de l’Homme ou dans les préambules
constitutionnels.
Par ailleurs, l’expression « principe général du droit » apparait pour la première fois
dans la jurisprudence dans un arrêt de 1945 : arrêt Aramu du Conseil d’Etat. Il formalise ce
concept. Les PGD restent une construction qui a permis de donner son prestige au Conseil
d’Etat. Il arrive aussi que le Conseil d’Etat refuse de créer un PGD alors qu’une des parties le
demande : arrêt Jolivet de 1998 : il n’existe pas de principe d’anonymat des copies dans
l’enseignement supérieur.
B- Les différentes catégories de PGD
1- le principe relatif aux droits et libertés des citoyens
Principe d’égalité exemple égalité devant la loi, devant l’impôt ou encore devant la
justice.
Principe des droits de la défense : dame veuve Trompier-Gravier : « toute personne a
droit à être avertie des mesures disciplinaires qui vont être prises à son encontre afin
de pouvoir présenter sa défense ». Arrêt Aramu : « une sanction disciplinaire ne peut
être régulièrement prononcée avant que l’intéressé ait pu présenter sa défense ».
Le domaine actuel
Aujourd’hui les actes de gouvernement concernent les actes qui sont relatifs aux relations du
gouvernement avec le parlement (exemple les actes de collaboration à l’élaboration des
lois, la promulgation des lois, le déroulement des élections parlementaire, la convocation
du collège électoral la décision de recourir au référendum) et celui des actes relatifs aux
relations internationales (la conclusion des traités internationaux, les actes touchant aux
relations diplomatiques telles que la protection diplomatique). Le juge a crée la théorie des
actes détachables pour les actes qui touchent aux relations internationales pour pouvoir
exercer un contrôle.
B- Le régime juridique
L’acte de gouvernement peut certes faire l’objet d’un contrôle politique exercé par le
parlement. Mais il bénéficie d’une immunité juridictionnelle absolue. Sa caractéristique est
précisément qu’il n’est susceptible d’aucun recours contentieux que ce soit le contentieux de
la légalité, de l’interprétation ou celui de la responsabilité.
2- L'état de siège
Il est proclamé en cas de péril imminent pour la sécurité intérieure et extérieure de l'Etat.
Dans ce cas, l'ensemble des pouvoirs de police est transféré à l'autorité militaire, ainsi que les
pouvoirs dévolus en temps normal à l'autorité civile pour le maintien de l'ordre et la police. La
proclamation de l'état de siège entraîne la restriction des libertés individuelles et
l'élargissement considérable des pouvoirs de police.
Ainsi demeurent légales des mesures de police interdites aux autorités compétentes en temps
normal : perquisitions de jour et de nuit, interdiction de publication, extension des
compétences des juridictions militaires à des infractions qui relèvent normalement de la
compétence des juridictions répressives ordinaires etc.
B- Les pouvoirs exceptionnels du Président de la République
Ils sont prévus par l'article 47 de la Constitution qui reprend l'article 16 de la constitution
française.
Deux conditions sont posées quant à l'utilisation des pouvoirs exceptionnels :
D'abord, une menace grave et immédiate pour les institutions, l'indépendance nationale,
l'intégrité du territoire ou l'exécution des engagements internationaux ;
-Ensuite, une interruption du fonctionnement régulier des pouvoirs publics.
Lorsque ces conditions sont réunies, le Président de la République peut prendre toute mesure
législative ou réglementaire nécessitée par les circonstances en vue de rétablir le
fonctionnement régulier des institutions et assurer la sauvegarde de la Nation. CE 2 mars 1962
Rubin de Servens et autres, GAJA n° 100).
CHAPITRE II : LE CONTROLE JURIDICTIONNEL DE L’ADMINISTRATION
Dans l’Etat de droit, le contrôle juridictionnel constitue le moyen le plus efficace pour assurer
à la fois, la protection des administrés contre les cas d’illégalité de l’administration et
l’objectivité de l’action administrative.
Le contrôle juridictionnel accorde une place importante au recours pour excès de pouvoir et
au recours de plein contentieux.
En plus de ces trois caractères, il est aussi non suspensif. La non suspension de l’exécution de
la décision découle du principe du privilège du préalable selon lequel, l’administré doit
d’abord exécuter une décision avant de la contester devant le juge. L’arrêt rendu en assemblée
par Conseil d’Etat le 2 juillet 1982, Huglo et autres (AJDA 1982, p. 657 et s.) considère, à cet
égard, le principe du caractère exécutoire de l’acte administratif unilatéral comme une règle
fondamentale du droit public.
Toutefois, une exception a été introduite avec le sursis à exécution des actes des autorités
administratives. Le sursis à exécution ne peut être accordé que si les moyens invoqués
paraissent, en l’état de l’instruction, sérieux et si le préjudice encouru par le requérant est
irréparable ».
C.S, 5 Avril 1978, Emile Wardini, Ketty Thiam, CS. 20 juillet 1978,
Dans la pratique, le juge est assez prudent quant à l’octroi du sursis à exécution (M.S. Diouf,
Le sursis à exécution des décisions administratives devant le Conseil d’Etat, EDJA, n° 53,
avril-juin 2002, p. 51 et s.).
Mais, les procédures d’urgence ont été fondamentalement modifiées en France avec
l’institution par la loi du 30 juin 2000 de deux nouvelles procédures : le référé- suspension et
le référé-liberté.
La qualité du requérant est importante en matière de recours pour excès de pouvoir. Il s’agit
de se demander qui peut former un recours pour excès de pouvoir ? S’agissant d’un recours
d’utilité publique et objectif, la logique aurait voulu que toute personne ait saisi le juge en cas
de litige.
Mais, en France, c’est surtout pour des raisons pratiques liées au risque d’encombrement des
juridictions que l’accès a été restreint.
C’est ainsi que le requérant doit nécessairement avoir un intérêt à agir direct et personnel à ce
que l’acte soit annulé.
En effet, « pas d’intérêt, pas d’action ». Maurice Hauriou faisait état d’un intérêt froissé ou
troublé.
L’arrêt Casanova rendu le 29 mars 1901 par le Conseil d’Etat avait posé le principe que la
qualité de contribuable d’une collectivité locale suffit à donner un intérêt pour attaquer tous
les actes susceptibles d’entraîner des dépenses pour ladite collectivité. (Recours contre la
création d’un service médical communal (GA n° 8).
CS 22 janvier 1975, Ousmane Diallo (GDJAS p. 54).
« Considérant qu’en sa seule qualité de candidat aux élections présidentielles et législatives,
le requérant ne justifie pas d’un intérêt direct et personnel, lui donnant qualité pour attaquer le
décret n° 92-187 » (CES du 25 août 1993, Iba Der Thiam contre Etat du Sénégal, BACE n° 1,
p. 8).
L’intérêt peut aussi être moral ou éventuel : même si la décision ne prive le requérant d’aucun
droit et ne lui accorde aucun avantage, le requérant peut avoir intérêt à ce que la décision soit
annulée. C’est le cas d’anciens élèves d’un établissement qui ont intérêt à attaquer la
réglementation qui permet d’attribuer lesdites cartes à des personnes qui n’ont pas un tel
statut. C’est le cas de l’intérêt à agir d’agents pour « demander l’annulation de nominations
faites dans leurs propres corps dès lors qu’ils estiment que celles-ci portent atteinte aux droits
qu’ils détiennent de leur statut et aux prérogatives attachées à l’exercice de leur fonction »
(CES 26 janvier 1994, Alla Ngom et autres, BACE n° 1).
L’intérêt peut être collectif. Une jurisprudence classique jugeait qu’une Union syndicale ne
pouvait agir contre une décision qui affecte directement les intérêts d’une des organisations
qu’elle regroupe (CE 16 février 1940, Union nationale des syndicats des grandes pharmacies
de France Rec. p. 67 ; CE 5 juin 1953, Syndicat des commerçants importateurs et exportateurs
de l’Afrique équatoriale française Rec. p. 270). Cette jurisprudence est assise sur le principe
selon lequel « nul ne plaide par procureur » qui est illustrée par l’arrêt du 28 décembre 1906,
Syndicat des patrons-coiffeurs de Limoges (RDP 1907, p. 25 ; GA 16ème éd. n° 18) qui juge
que les syndicats professionnels ne peuvent intervenir au nom d’intérêts individuels sans y
être autorisés par un mandat spécial. Cette jurisprudence sera abandonnée par l’arrêt
d’Assemblée rendu le 12 décembre 2003, Syndicat CGT des personnels des affaires
culturelles (AJDA 2 février 2004, p. 201).
Au Sénégal, voir M. Debène, L’action syndicale devant la Cour Suprême du Sénégal, Note
sous Cour Suprême du Sénégal, 2ème Section, 25 mars 1981, Syndicat unique et
Démocratique des enseignants du Sénégal (SUDES), RIPAS n° 3, janvier-mars 1982, pp. 151-
159 ; GDJAS p. 543 et s.
CES du 25 mars 2004, 1ère Section, Excès de pouvoir, Assane Seydi contre Etat du Sénégal :
non-respect de consigner une amende de 5 000 F et de signifier sa requête à la partie adverse
par exploit d’huissier dans le délai de deux mois suivant la saisine du Conseil d’Etat ;
CE n° 5/04 du 26 février 2004, 1ère Section, Excès de pouvoir, Directeur Général de l’Hôtel
les Filaos contre Etat du Sénégal (absence d’exposé sommaire des moyens).
Délai
Le délai pour se pourvoir est de deux mois. Ce délai court de la date de publication de la
décision attaquée à moins qu’elle ne doive être notifiée ou signifiée, auquel cas le délai court
de la date de la notification ou de la signification. CS 5 janvier 1978, Cheikh Anta Diop
(GDJAS pp. 68-69).
Au cas où le requérant décide d’introduire un recours administratif gracieux hiérarchique ou
de tutelle le silence gardé plus de quatre mois sur une réclamation par l’autorité compétente
vaut décision de rejet. Le délai de deux mois pour se pourvoir contre le rejet d’une
réclamation court de la décision explicite de rejet de la réclamation, et, au plus tard, à compter
de l’expiration de la période de quatre mois prévue au présent alinéa.
Toutefois, avant de se pourvoir contre une décision administrative, les intéressés peuvent
présenter dans le délai du recours pour excès de pouvoir un recours administratif hiérarchique
ou gracieux tendant à faire rapporter ladite décision. Le silence gardé plus de quatre mois par
l’autorité compétente sur le recours administratif préalable vaut décision de rejet. Le délai de
deux mois prévu ci-dessus ne commence à courir qu’à compter de la notification de la
décision de rejet du recours administratif, et, au plus tard, de l’expiration de la période de
quatre mois prévue au présent alinéa ».
Le requérant se fonde sur la date de dépôt du journal officiel au Secrétariat général de la
Présidence et non sur la date de publication pour introduire le recours : CES 25 août 1993,
Samba Diama Seck.
D- L’absence d’autres voies de droit : l’exception du recours parallèle
Le recours en annulation n’est pas recevable contre les décisions administratives lorsque les
intéressés disposent, pour faire valoir leurs droits, du recours ordinaire de pleine juridiction ».
Dans l’arrêt rendu par la CS, le 12 juillet 1972, Souleymane Cissé (GDJAS, p. 20), le juge a
rappelé les tribunaux du travail demeurent compétents en cas de litige entre l’administration et
son personnel contractuel. Le juge soulève ici l’exception du recours parallèle parce que le
requérant peut s’adresser au tribunal du travail au lieu de saisir le juge administratif. Il en est
de même en matière de contentieux contractuel où le requérant doit saisir le juge de plein
contentieux.
Voir aussi CES 27 avril 2000, El Hadj Diop et Jack Henderson).
PARAGRAPHE 2 : Les cas d’ouverture du recours pour excès de pouvoir
Si les conditions de recevabilité sont remplies, le Conseil d’Etat examine la demande au fond.
Ce qui permet au juge de vérifier si la décision contestée est légale ou non. Ce contrôle qui
comporte plusieurs modalités est appelé « cas d’ouverture » ou « moyens d’annulation ». Ils
correspondent aux irrégularités qui doivent être invoqués par le requérant pour demander
l’annulation de l’acte administratif unilatéral. Il s’agit de moyens juridiques. A la différence
des conditions de recevabilité cumulatives, les cas d’ouverture sont alternatifs et relèvent de la
légalité externe et la légalité interne.
A- La légalité externe
La contestation d’un acte sur la base de la légalité externe porte sur la manière dont l’acte a
été édictée et non sur son contenu.
Trois moyens caractérisent la légalité externe : l’incompétence, le vice de procédure et le vice
de forme.
1- L’incompétence ou vice relatif à l’auteur de l’acte
L’incompétence est « l’inaptitude d’un agent à accomplir un acte qui pouvait être fait, ou qui
devait être pris par un autre agent » (A. Van Lang, Dictionnaire de Droit administratif, 5ème
éd.).
L’inaptitude peut aussi concerner des organismes collectifs. C’est un moyen d’ordre public
qui doit être soulevé par le juge, même si le requérant omet de l’invoquer à l’appui de son
recours( J.-L. Pissaloux, Réflexions sur les moyens d’ordre public dans la procédure
administrative contentieuse, RDP 1999, p. 781). C’est aussi pour cette raison qu’il est
sanctionné le plus sévèrement. C’est d’ailleurs le premier moyen qui a été dégagé par le
Conseil d’Etat dans un arrêt du 4 mai 1826, Landrin.
L’incompétence dans ce cas se manifeste de plusieurs manières : l’incompétence matérielle,
l’incompétence temporelle, l’incompétence territoriale et l’incompétence personnelle et
l’usurpation de pouvoirs qui est la plus grave.
Cette forme d’incompétence se manifeste si l’acte a été pris par une personne qui appartient à
l’Administration, mais n’étant pas habilitée à prendre lesdits actes au nom des personnes
publiques. C’est le cas d’un acte pris par le Secrétaire général de la préfecture à la place du
préfet (CE 13 mai 1998 Mouhamadou ndiaye).
- L’usurpation de pouvoir
Il s’agit de la forme d’incompétence la plus grave et elle résulte du fait d’un individu qui n’a
aucun rapport avec l’Administration et qui se permet de prendre des actes administratifs.
L’usurpation de pouvoirs entraîne l’inexistence juridique de l’acte. En cas d’inexistence, une
décision est déclarée nulle et non avenue (F. Wodié, L’inexistence des actes juridiques
unilatéraux en droit administratif français, AJDA 1979, p. 76). C’est ainsi que dans l’arrêt du
CES du 27 avril 1994, ASC-Dial Diop a estimé « qu’une décision qui ne comporte ni les
noms, ni les signatures des membres du Comité Directeur qui ont participé à son élaboration »
doit faire l’objet d’une déclaration de nullité (BACE n° 1, p. 62). En principe, dans cette
situation, le juge peut être saisi sans conditions de délai. Mais, la situation peut être plus
complexe. En effet, le juge utilise parfois la théorie du fonctionnaire de fait ou de l’apparence
afin d’éviter l’annulation d’actes illégaux.
Dans l’arrêt du CE du 5 mars 1948, Marion (D. 1949, p. 147, Rec. 113), le juge estime que
des actes pris par des personnes incompétentes « n’étaient pas étrangers à la compétence
légale des autorités municipales ; que dans la mesure où les circonstances exceptionnelles
nées de l’invasion leur conféraient un caractère de nécessité et d’urgence, ils devaient, bien
qu’émanant de l’autorité de fait substituées auxdites autorités, être regardés comme
administratifs ».
L’usurpation de pouvoirs aurait dû entraîner l’inexistence des actes, mais le juge applique la
théorie du fonctionnaire de fait en se fondant sur les circonstances exceptionnelles et au nom
de l’intérêt général. Pour une application de la théorie du fonctionnaire de fait en période
normale, voir CE 16 mai 2001, Préfet de Police contre Mtimet (AJDA 20 juillet-20 août 2001,
p. 647). Voir aussi, E. Jouve, réflexions sur la notion d’apparence en droit administratif
français, RDP 1968, p. 283.
2- Le vice de procédure
L’infraction aux règles de procédure ou l’irrégularité dans la procédure concerne « la
méconnaissance des règles organisant la procédure d’élaboration des décisions » ( R. Chapus,
Droit Administratif général, Tome 1, 15ème éd. p. ). Le vice de procédure porte d’une part,
sur la procédure contradictoire et d’autre part, sur la procédure consultative.
Le respect de la procédure contradictoire a pour objet d’assurer le droit de la défense
conformément aux principes généraux du droit. Dans l’arrêt rendu par la Cour Suprême, le 28
janvier 1981, Ndiogou Sall contre Etat du Sénégal, le juge a annulé une sanction disciplinaire
pour absence de convocation régulière du requérant. Pour le juge, «…cette inobservation en
l’espèce des formalités qui sont essentielles et des garanties instituées pour mettre un agent
des forces de police incriminé à même de présenter sa défense étant, compte tenu des
circonstances en cause, de nature à vicier la procédure disciplinaire » ( GDJAS). Il s’agit là de
la reprise d’une jurisprudence française classique (CE 5 mai 1944, Dame Veuve Trompier-
Gravier et CE Ass. 26 octobre 1945, Aramu, Rec. p. 245).
3- Le vice de forme
Les règles de forme sont celles qui s’imposent à l’Administration pour éviter les interventions
hâtives et irréfléchies. Les règles de forme protègent les administrés et l’intérêt général.
L’Administration doit dans ce cas, respecter certaines formes au moment de l’élaboration de
l’acte.
En matière de vice de forme, une distinction est opérée entre formalités substantielles et
formalités non substantielles. Les premières peuvent entraîner l’illégalité de l’acte. Une
formalité est dite substantielle si son omission ou son accomplissement a pu exercer une
influence sur la décision de l’administration.
En principe, la forme écrite de l’acte ne constitue pas une formalité substantielle, si
l’existence de l’acte peut être prouvée (CE 1er juin 1906, Cuisinier, Rec. 391).
De même, l’absence de visas n’est pas considérée comme une formalité substantielle (CE 30
juillet 1949, Dame Robinete de Plas, Rec. p. 416).
La motivation de l’acte est considérée comme une formalité substantielle, mais elle n’est
sanctionnée que si elle est prévue par les textes. CS 6 février 1989, Charles Maurice Diop : «
une autorité administrative n’est pas tenue de motiver ses décisions en l’absence de
dispositions législatives ou réglementaires lui imposant une telle obligation » ( non publié).
CS 6 juin 1990, SPAO, « en l’absence d’une disposition de la loi ou du règlement le
prévoyant expressément, les décisions administratives ne mentionnent pas obligatoirement les
motifs qui les ont inspirées » (inédit).
CS 1er juin 1988, Souhel Filfili ; CS 1er juin 1988, Antonio Batica Ferreiro
Pour améliorer les relations entre l’administration et les administrés le législateur français à
travers la loi du 11 juillet 1979 oblige l’administration à motiver certaines décisions. Il s’agit
des décisions individuelles défavorables et celles qui dérogent aux lois et règlements.
La motivation doit être très précise. C’est ainsi que si un arrêté de reconduction à la frontière
se contente simplement du « rappel succinct des faits (et) ne permet pas non plus de connaître
les considérations de droit ayant constitué le fondement de l’arrêté… » (CE 10 décembre
2003, Préfet du Bas-Rhin contre M. Serik, AJDA 3 mai 2004, p. 941). Toutefois, l’obligation
de motiver est satisfaite si les motifs sont exposés dans un document annexe (CE 9 novembre
1984, Comité dauphinois d’hygiène industrielle, AJDA 1985, p. 287.)
CES 24 novembre 1993, Mme Grava contre Etat du Sénégal, « le caractère abstrait du visa de
la législation applicable et sa généralité ne saurait constituer des motifs, lesquels doivent être
un exposé précis des circonstances de droit et de fait qui sont à la base de la décision
attaquée ». En outre, « le défaut d’un tel exposé des motifs ne permettait pas au Conseil d’Etat
de vérifier les allégations de l’auteur de la décision ».
Mais, parfois dans le but de mieux assurer la protection des libertés, le juge peut exiger une
motivation, alors que les textes ne l’ont pas prévu (CES 25 novembre 1999, Ligue
Démocratique/MPT contre Etat du Sénégal, BACE n° 2, année 1999, p. 26).
Annulation d’une délibération d’un conseil rural pour non respect des conditions de
désaffectation de terres du domaine national :
« Considérant qu’il est constant qu’aucun élément du dossier n’établit l’accomplissement de
la formalité requise en la matière, qu’il s’agisse de la notification aux intéressés ou de la
publicité de l’acte litigieux ou qu’il s’agisse de la mise en demeure préalable aux fins de
conformité aux prescriptions requises ;
Qu’il y’a là une méconnaissance des dispositions de l’article 9 du décret n°72-7288 du 27
octobre 1972 qui régissent les conditions de désaffectation d’une parcelle du domaine
national pour défaut ou insuffisance de mise en valeur ;
Qu’il ne ressort du dossier aucune pièce de nature à fonder la régularité de la délibération
litigieuse et qu’il s’ensuit que celle-ci encours l’annulation pour excès de pouvoir en ce
qu’elle concerne les requérants » ( CES n° 30/04 du 29 juillet 2004, Abdou FOUTA et Mama
DIAKHOUMPA contre Conseil Rural de Malicounda et Etat du Sénégal, non publié).
B- La légalité interne
On peut regrouper les moyens de légalité interne sous trois catégories : le contrôle du but, des
motifs et de l’objet de l’acte.
Au Sénégal, dans l’arrêt rendu par la Cour Suprême, le 27 mars 1963, Amadou Alpha Kane
(A.A. 1973, p. 277), le juge a sanctionné l’inexactitude matérielle des faits, car il était
reproché au requérant d’avoir fait des menées subversives Ce qui n’était pas le cas. Dans une
autre affaire, Babacar Lô et Abdoussalam Diallo (CS 23 mars 1966, GDJAS, 285), il était
reproché aux requérants d’avoir participé à deux réunions et d’avoir tenu des propos
discourtois à l’égard du Président de la République. Mais, la Cour estime que « la teneur
exacte de ces propos ne saurait être considérée comme rigoureusement établie ». Quant au
Conseil d’Etat, dans l’arrêt rendu le 26 juin 1996, Alé Pathé Ndiaye contre Etat du Sénégal, le
juge a annulé un arrêté du Ministre chargé des Affaires présidentiels pour inexactitude
matérielle des faits reprochés au requérant (indiscipline, non-respect de la hiérarchie, mariage
contracté sans autorisation). (BACE n° 1, p. 113).
A l’origine de toute décision administrative, il existe des faits et leur mauvaise appréciation
par l’Administration peut être sanctionnée par le juge. La qualification juridique des faits est
l’opération intellectuelle qui consiste à ranger des faits existants dans une catégorie juridique
préétablie afin de leur appliquer des conséquences de droit. Le contrôle de la qualification
juridique des faits date de l’arrêt rendu par le Conseil d’Etat, le 4 avril 1914, Gomel (Rec. p.
488 et GAJA n° 29). Voir aussi, CE 29 juillet 2002, CAF de Paris, Rec. p. 301.
Au Sénégal, dans l’arrêt rendu par la Cour Suprême le 5 juillet 1961, Doudou Kane ( ), le juge
a refusé de contrôler la qualification juridique des faits opérée par l’Administration. , refusant
ainsi de procéder à une nouvelle appréciation à la place de l’administration. Mais, cette
attitude a évolué avec le Conseil d’Etat du Sénégal qui accepte dorénavant d’apprécier la
qualification des faits à laquelle l’administration s’adonne. Ainsi, dans l’arrêt du 27 avril
1995, Ousmane Senghane Ndiaye et autres, le juge remet en cause cette jurisprudence
dépassée, en estimant qu’il n’appartenait pas à l’autorité administrative de donner une
qualification assez grave à des faits d’une importance secondaire (Recueil du CREDILA).
3- Le contrôle de l’objet
La violation de la loi est souvent assimilée au vice de l’objet. C’est un vice qui entache le
contenu de l’acte administratif, lorsque les dispositions de celui-ci transgressent directement
la règle de droit en vigueur. Ce qui englobe la violation des différentes sources de la légalité
administrative. Dans l’arrêt rendu par la Cour Suprême, le 26 mai 1965, Ibrahima Seydou
Ndaw, le juge a annulé la violation d’une loi par un décret (GDJAS p. 260). De même, dans
l’arrêt de la CS du 13 février 1980, Sidi Ardo Sow, la violation par un jury d’examen des
dispositions relatives au classement final à l’issue d’un examen de sortie a été sanctionnée par
le juge (GDJAS p. 513).
Ce sont les dispositions des articles 139 et 140 du COA qui règlementent le contentieux des
contrats administratifs au Sénégal.
1- Le principe, le contrat susceptible de recours devant le juge de plein
contentieux
L’article 139 pose le principe de l’irrecevabilité du recours pour excès de pouvoir contre le
contrat administratif.
Le contrat est recevable devant le juge du contentieux de pleine juridiction.
Selon l’article 139 du COA, les tribunaux de première instance sont compétents pour
connaitre du contentieux des contrats administratif.
Le COA doit être combiné avec la loi 84-19 du 2 février 1984 qui crée les tribunaux
régionaux à la place des tribunaux de première instance.
Le contentieux des contrats administratifs est un contentieux subjectif dans la mesure où il est
demandé au juge de se prononcer sur l’étendue d’une situation juridique individuelle et il
n’est ouvert qu’aux personnes alléguant de la violation d’un droit.
Dans l’affaire du CES 29 octobre 1997 sud communication c/Etat du Sénégal, le juge a
déclaré irrecevable en REP le recours intenté par le groupe sud communication contre un
arrêté en date du 7 aout 1997 portant suspension de diffusion de programme radio pris dans le
cadre de l’exécution d’un contrat.
De même dans l’affaire du 27 avril 2000 El hadj Diop et jacques Henderson, le CE en
utilisant la théorie de l’exception de recours parallèle a déclaré irrecevable la requête tendant
à l’annulation d’une mesure prise dans le cadre de l’exécution d’un contrat.
Mais certains tempéraments ont été apportés aussi bien par les textes que par la jurisprudence.
Dans un premier temps la théorie des actes détachables a été dégagée par
l’article 140 COA. Elle permet à un contrat administratif de faire l’objet d’un
REP devant le juge administratif. De manière générale les actes détachables du
contrat sont des actes qui une fois séparés de leur contexte sont considérés comme des actes
administratifs unilatéraux.
C’est dans l’arrêt du CE du 4 aout 1905 Martin a précisé qu’un tiers au contrat ne dispose pas
de recours direct contre le contrat mais plutôt un recours pour excès de pouvoir. La
jurisprudence sont venus étendre l’exception posée par l’article 140.
Dans cette même perspective le juge a admis en 1996 dans l’affaire Gayzelle le recours pour
excès de pouvoir des tiers contre les clauses règlementaires du contrat. En 1998 ville de
Lisieux le juge a admis le recours contre certaines catégories de contrats.
B- Le contentieux de la responsabilité
Le régime de la responsabilité de l’administration est organisé au Sénégal par les articles 141
et s. du COA. L’article 141 dispose : « Le dommage causé par le fonctionnement d’un service
public ou l’exécution d’un travail public, soit aux tiers, soit aux usagers, soit aux personnes
participant à l’exécution du service public, n’est réparé que sous la forme de dommages et
intérêts ». C’est une responsabilité qui relève du contentieux de pleine juridiction. Par
conséquent, le tribunal régional est le juge de droit commun. C’est un régime de
responsabilité auquel des règles de droit public s’appliquent en principe, mais il existe des cas
où c’est un régime de droit privé. On estime que c’est l’arrêt de la CA de Dakar du 9 avril
1989, Cheikh Mohamed Fadel Kane qui a posé le principe de l’autonomie de la responsabilité
publique.
PARAGRAPHE 2 : la matière administrative
A- La procédure en matière administrative
Elle est prévue par les articles 729 à 733 du CPC sous le titre I du Livre III relatif à « la
procédure en matière administrative ». L’article 729 alinéa premier du CPC dispose « toute
action en justice doit être précédée d’une demande adressée à l’autorité administrative
désignée pour recevoir l’assignation aux termes de l’article 39. Le silence gardé plus de quatre
mois par l’autorité administrative vaut décision de rejet ». Par conséquent, la procédure en
matière administrative est fondée d’une part, sur la demande administrative préalable et
d’autre part, sur le respect du délai du recours. Ce qui n’est pas le cas en matière de recours
pour excès de pouvoir.
La procédure exige de faire assigner l’agent judiciaire de l’Etat (CC du Sénégal, 5 juillet
1995, AFCO contre Etat du Sénégal).
Le juge n’est pas très formaliste quant à la nature du recours administratif préalable. C’est
ainsi que dans l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de Dakar, 23 mars 1995 Momar Bèye Dione
contre commune de Dakar et Etat du Sénégal, le juge a considéré une lettre d’indemnisation
adressée à l’autorité administrative comme équivalent à un recours administratif préalable.
Cette procédure peut permettre d’éviter la voie contentieuse qui n’est pas très sûre.
Le caractère d’ordre public de cette procédure s’est posée pendant quelques années avant que
le juge ne détermine sa position sur la question (TPI 1er mars 1969, Sékou Badio, AA 1973,
p. 232 Obs. A. Bockel ; TPI 23 mai 1970, Abdourahmane Ndoye, AA 1973, p. 243 ; TPI 28
novembre 1970, Babacar Guèye, AA 1973, p. 243 CA de Dakar.
C’est dans son arrêt du 18 février 1983, Héritiers Abdou Lô, EDJA n° 3 et 4 juillet-août 1987,
p. 12), que la cour d’appel de Dakar a semblé régler définitivement le caractère d’ordre public
de la procédure en matière administrative. Mais dans un arrêt rendu par le CES en cassation,
le 31 mars 2005, Directeur des Douanes contre Kamel Badredine, cette jurisprudence est
apparemment remise en cause.
Elle est définie par Laferrière comme « l’ensemble des réclamations fondées sur un droit ou
sur une loi et, qui, ont pour objet soit un acte de puissance publique émané de l’autorité
administrative, soit un acte de gestion de services publics déféré à la juridiction administrative
par une disposition de la loi générale ou spéciale » (cité par A.B. Fall, Thèse op. cit. p. 259).
Pour le Doyen Bockel, la conception matérielle permet de « rendre compte…de la partie du
régime juridique de l’administration qui se caractérise par un double trait : application de
règles particulières relevant du droit public, mais aussi, rattachement en cas de litige, au
contentieux administratif » (Sur la difficile gestation d’un droit administratif sénégalais.
Brèves réflexions à partir de quelques cas rendus en plein contentieux, A.A 1973, p. 138).
La jurisprudence s’est ralliée dans un premier temps à la conception matérielle de la matière
administrative, alors que le CPC ne définissait pas cette expression. Dans le jugement du TPI
de Dakar du 23 mai 1970, Abdourahmane Ndoye (AA 1973, p. 243 obs. A. Bockel), le
requérant introduit une demande en responsabilité fondée sur un moyen divisé en deux
branches.
La première branche était fondée sur l’article 146 du COA (responsabilité des membres de
l’enseignement à la suite ou, à l’occasion, d’un fait dommageable commis aux enfants sous
leur surveillance). Mais, il sera rejeté par le juge. C’est dans la seconde branche de la requête
que le juge estime « tant en ce qui concerne le mauvais entretien des bâtiments que
l’organisation défectueuse du service…la responsabilité de l’Etat ne peut être recherchée
qu’au titre du contentieux administratif ». Ce jugement a permis par la même occasion
d’établir un lien de cause à effet entre la procédure prévue par les articles 729 et s. du CPC et
le droit applicable (liaison du fond et de la procédure).
Même si elle perturbe le système de l’unité de juridiction. Il sera confirmé par plusieurs autres
décisions :
CA de Dakar, Mor Talla et autres du 20 mai 1977 (AA 1977, p. 30) ;
CS 28 mai 1980, Demba Baïdy Gaye (RIPAS n° 9, janvier-mars 1984, p. 37)
TPI de Dakar, 11 mai 1982, Héritiers Abdou Lô ;
Cour d’Appel de Dakar 18 février 1983, Etat du Sénégal c/ Héritiers Abdou LO
2° La conception organique
Dans ce sens, la matière administrative est le litige « dans lequel une personne publique est
partie, au sens large, c'est-à-dire celui dans lequel la prétention ou l’opposition soumise au
juge par le requérant émane de représentants d’une personne publique ». Il s’agit d’une
conception qui ne tient compte ni de la juridiction saisie, ni du droit applicable.
-TR de Dakar, 17 octobre 1986, Dieynaba Diallo ; « Attendu que même s’il avait été dès
l’origine établi que l’Etat a commis une voie de fait, ce seul fait n’aurait pas suffi pour écarter
l’application du droit administratif qui entraîne l’obligation du respect des dispositions
d’ordre public de l’article 729 du Code de Procédure Civile que lesdites dispositions ayant été
violées par la requérante, son action doit dès lors être déclarée irrecevable » ;
-CA de Dakar, 29 avril 1993, société T.D.I. Casala C/ Etat du Sénégal
En effet, les besoins de la communauté peuvent varier dans le temps et le service public doit
tenir compte de ses exigences nouvelles. La règle comporte des conséquences à l’égard des
différents acteurs.
Les agents publics n’ont pas un droit acquis au maintien de leur statut, celui-ci pouvant faire
l’objet d’une modification.
Les usagers du service public n’ont pas le droit d’exiger le maintien du service public, car les
conditions d’exécution d’un service public peuvent être modifiées et on peut même aboutir à
sa suppression (CE 25 juin 1948, Sté du Journal l’aurore, D. 1948, p. 487). Dans l’arrêt du CE
du 27 janvier 1961, Vannier, (Rec. p. 60) à propos de la cessation prématurée d’émissions, le
juge estime que les usagers du service public administratif « n’ont aucun droit au maintien de
ce service ; qu’il appartient à l’Administration de prendre la décision de mettre fin au
fonctionnement d’un tel service lorsqu’elle l’estime nécessaire, même si un acte réglementaire
antérieur a prévu que ce fonctionnement serait assuré pendant une durée déterminée ». Mais,
le changement de circonstances de fait et de droit permet aux usagers de demander à
l’Administration d’adapter les textes relatifs à l’organisation et au fonctionnement du service
public (CE 10 janvier 1930, Despujol, GA n° 43).
L’Administration doit prendre les mesures nécessaires qu’impose l’adaptation de
l’organisation et du fonctionnement du service aux changements intervenus dans les
circonstances de droit et de fait (CE 10 janvier 1964, Simonnet, Rec. p. 19 ; CE 3 février
1989, Compagnie Alitalia, Rec. p. 44).
Ensuite il y a la continuité qui implique que le service public doit fonctionner en principe de
manière ininterrompue. Le CC français considère la continuité comme un principe à valeur
constitutionnelle (CC 25 juillet 1979, AJ septembre 1979, p. 46). Il comporte des
conséquences, à l’égard des agents et des cocontractants de l’Administration.
Le principe de continuité du service public explique les limitations apportées au droit de
grève.
Les modalités d’exercice du droit de grève ont été tracées par le C E dans l’arrêt du 7 juin
1950, Dehaene (GA n° 65). En effet, la grève permet d’opérer « la conciliation nécessaire
entre la défense des intérêts professionnels dont elle constitue une des modalités et la
sauvegarde de l’intérêt général auquel elle ne peut être de nature à porter atteinte ». La
Constitution dispose en son article 25 alinéa 4 : « Le droit de grève est reconnu. Il s'exerce
dans le cadre des lois qui le régissent. Il ne peut en aucun cas ni porter atteinte à la liberté de
travail, ni mettre l'entreprise en péril ».
Quant aux cocontractants de l’administration, ils sont tenus de poursuivre l’exécution du
contrat quelque soit le comportement de l’administration. Le défaut d’exécution de
l’administration ne doit pas pousser le cocontractant à ne pas s’exécuter.
Enfin le principe d’égalité qui découle de l’égalité des citoyens devant la loi, consacré dans la
Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen du 26 août 1789. Le Conseil d’Etat a érigé
l’égalité en PGD (CE 9 mars 1951, Sté des Concerts du conservatoire, GA n° 67. Quant au
Conseil constitutionnel, il le considère comme un principe de valeur constitutionnelle (Déc.
12 juillet 1979 relative aux ponts à péage, AJ 1979, p. 46). Ce principe est relatif d’une part à
l’égalité d’accès au service public et d’autre part à l’égalité de traitement au sein du service
public
Les administrés qui remplissent les conditions prévues par les textes ont le droit d’accéder de
manière égale au service public. Ce qui se traduit par le principe de non-discrimination et
d’égal accès de tous les citoyens au service public.
CES, 29 juin 2000 A.N.H.M.S.
Dans la gestion directe une seule et même personne assume la gestion du service public.
La régie est l’unique mode de gestion directe. En effet la personne publique emploie ses
moyens matériels, juridiques, humains et financiers pour exécuter la mission de service
public.
La gestion du service public peut aussi faire l’objet d’une délégation. Différentes modalités
sont prévues quant à la gestion effectuée par les établissements publics. Les établissements
publics sont des personnes morales dotées d’un patrimoine propre et ne bénéficiant d’aucune
participation privée.
Les établissements publics peuvent être administratifs, industriels commerciaux ou encore
professionnels.
Il faut noter que la gestion des services publics fait généralement appel à la concession et à
l’affermage et au partenariat.
La concession du service public est un contrat par lequel la personne publique maitre du
service concédant confie à une autre personne publique ou privée, le concessionnaire, le soin
de faire fonctionner un service à ses frais et risques en se rémunérant par des redevances
perçues sur des usagers.
Quant à l’affermage c’est un contrat par lequel, la personne publique maitre du service confie
à son partenaire fermier les ouvrages nécessaires au fonctionnement d’un service public afin
qu’il en assure la gestion à ses frais et risques en se rémunérant par les redevances versées par
les usagers.
Il faut aussi mentionner que la gestion du service public peut se faire par le mécanisme de la
régie intéressée, modalité qui n’est pas organisée par le droit positif sénégalais.
Le partenariat c’est un contrat par lequel une autorité contractante confie à un opérateur
économique, personne morale de droit privé, pour une période déterminée, en fonction de la
durée d'amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues, une
mission globale ayant pour objet la construction ou la transformation, l’entretien, la
maintenance, l’exploitation ou la gestion d’ouvrages, d’équipements ou de biens immatériels
nécessaires au service public dont l’autorité contractante a la charge, ainsi que tout ou partie
de leur financement.
Toutefois cette distinction n’est pas absolue car les mêmes personnels agissent tantôt dans le
cadre de la police administrative, tantôt dans le cadre de la police judiciaire.
Certes, la police administrative a un caractère essentiellement préventif. Mais elle permet
parfois de faire cesser des « troubles » existants: Conseil constitutionnel, Décision n° 2005-
532 DC précitée du 19 janvier 2006.
Une opération de police administrative peut déboucher sur une opération de police judiciaire
Exemples : TC, 29 octobre 1990, Mlle Morvan, n° 02617
Inversement, si la police judiciaire est incontestablement répressive, elle n’exclut pas toute
possibilité de prévention.
CE, 18 mars 1981, Consorts Ferran, la mise en fourrière d'un véhicule a le caractère d'une
opération de police judiciaire.
PARAGRAPHE II - La mise en œuvre de la police administrative
A- La répartition des pouvoirs de police administrative
Au sein de l’activité de police administrative, une distinction doit être opérée entre police
administrative générale et police administrative spéciale.
La police administrative générale est susceptible de s’appliquer, d’une manière générale -
justement - à n’importe quel type d’activité exercé par les particuliers.
A côté de cette police générale, il existe une multitude de polices administratives spéciales.
Une police administrative est dite spéciale pour l’une des raisons suivantes :
Elle poursuit un but autre que la sécurité, la tranquillité, la salubrité et la moralité publiques :
par exemple la police de la chasse et de la pêche, la police de l’affichage, de la publicité, des
enseignes.
Les autorités de police administrative générale sont diverses et variées.
Il y a des autorités centrales :
Il en est ainsi du Président de la République CE, 8 août, 1919, Labonne, n° 56377.
Par cet arrêt Labonne, le Conseil d’État a considéré que l’autorité titulaire du pouvoir
réglementaire général (A l’époque, le Président de la République) disposait, en l’absence de
toute habilitation législative, donc de toute autorisation législative, d’une compétence pour
édicter des mesures de police à caractère général et s’appliquant sur l’ensemble du territoire.
Du Premier ministre, en vertu de ses pouvoirs propres, d’édicter des mesures de police
applicables à l’ensemble du territoire » CE, 19 mars 2007, Le Gac, n° 300467 ; CE, Ass., 13
mai 1960, SARL Restaurant Nicolas, Rec. p. 328.
- Ensuite les autorités déconcentrées et décentralisées
En revanche, leur compétence en matière de police administrative générale (maire, préfet,
président de conseil départemental) est à la fois fondée sur des textes précis et limitée
géographiquement.
Bien évidemment, un maire n’a pas le droit d’user de ses pouvoirs de police dans le seul
dessein de faire échec à la politique des autorités de l'Etat - CE, 6 septembre 2002, Ministre
de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales c/ Commune de Sangatte
(Décision suspendant, pour détournement de pouvoir, l'arrêté du maire de Sangatte, du 23 mai
2002, par lequel celui-ci avait enjoint de fermer dans un délai de deux mois le centre
d'hébergement des réfugiés de Sangatte ; finalement, sur décision du ministre de l’Intérieur, le
centre a été fermé).
Il faut remarquer qu’une concurrence dans l’exercice des pouvoirs de police entre les
autorités de police générale d’une part, et d’autre part entre autorité de police générale et celle
de police spéciale peut surgir.
Il y a concours - rencontre - des pouvoirs de police lorsque différentes autorités prennent des
mesures de police administrative relativement aux mêmes circonstances de fait.
Exemple: lorsque je constate que le préfet et le maire, agissant séparément, prennent des
mesures de police pour maintenir l’ordre public au cours d’un même événement sportif, il y a
concours des pouvoirs de police du maire et du préfet.
Dans le cas d’un concours de pouvoirs de police administrative générale, une règle simple
s’applique : l’autorité de police inférieure respecte la décision de l’autorité supérieure.
L’autorité inférieure peut rendre plus rigoureuses les mesures prises par l’autorité supérieure,
si les circonstances locales le justifient ; mais elle ne saurait les libéraliser - CE, 18 avril 1902,
Commune de Néris-les-Bains, n° 04749 ; CE, 8 août 1919, Labonne, n° 56377.
En principe, il ne devrait pas y avoir souvent concours entre police administrative générale et
police administrative spéciale. En effet, chacune a son objet propre. Mais leurs finalités
peuvent être proches. Trois hypothèses ont été réglées par le juge :
- l’autorité dispose des deux polices elle utilise la police administrative générale là où elle
devait employer la PAS. Dans ce cas le juge peut annuler pour détournement de procédure -
CE, 22 décembre 1993, Commune de Carnoux-en-Provence, n° 94867 : annulation de l’arrêté
par lequel le maire avait décidé la fermeture de la discothèque « La Chicane » sans suivre la
procédure de police administrative spéciale prévue par le code de la construction et de
l'habitation ;
- L’autorité de police administrative spéciale fait preuve de carence : dans ce cas, la police
administrative générale peut être mise en œuvre à condition que la loi ne s’y oppose pas et
que le maintien de l’ordre public l’exige - CE, 8 mars 1993, Commune des Molières, n°
102027(concours entre le pouvoir de police du maire et celui du ministre de l’Aviation civile
concernant la destruction des habitations aux alentours de l’aéroport ) ;
- La police administrative spéciale a été mise en œuvre : l’autorité de police administrative
générale, si elle intervient à son tour ne pourra qu’aggraver les mesures prises au titre de la
police administrative spéciale. À condition que les circonstances locales le justifient et que la
loi ne s’oppose pas à l’intervention de l’autorité de police administrative générale.
B - Le contrôle du pouvoir de police.
3° La non rétroactivité
L’acte administratif unilatéral ne peut produire d’effets avant sa signature. Ce qui se traduit
par la règle de la non rétroactivité. Cette règle est considérée comme un principe général du
droit ( CE 25 juin 1948, Société du Journal l’Aurore, GA…).
CES 30 juillet 1997, Ndèye Binta Diop, BACE n° 1, p. 141).
Néanmoins, la jurisprudence apporte des exceptions à cette règle :
- La loi peut donner un effet rétroactif à un acte administratif ; Le CC l’a rappelé dans
sa décision n° 11/93 du 23 juin 1993 : « Considérant que la règle de la non-réroactivité
des lois n’a de valeur constitutionnelle qu’en matière pénale…qu’en tout autre
domaine, elle est un principe général du droit auquel la loi peut déroger ; qu’il s’en
suit que le législateur est en droit de donner un caractère rétroactif à une loi «
( DACCS, p. 90).
- En cas de régularisation d’une situation liée au retrait ou à l’annulation d’un acte
illégal. C’est notamment la situation en matière de reconstitution de carrière (CE 26
décembre 1925, Rodière, (GA n° 42).
B) La fin
a) L’abrogation
L’abrogation est « l’acte par lequel l’autorité administrative compétente décide, explicitement
ou implicitement, de mettre fin à l’existence de tout ou partie d’un acte antérieur » ( A. Van
Lang, Dictionnaire de droit administratif, 5ème éd. p. 3). L’abrogation met fin à l’acte
administratif unilatéral pour l’avenir seulement. Une distinction est opérée entre l’abrogation
des actes réglementaires et l’abrogation des actes non réglementaires.
L’abrogation d’un acte non réglementaire est soumise à des conditions plus rigoureuses dans
la mesure où ces actes peuvent créer des droits :
L’abrogation spontanée est une faculté pour l’administration qui peut intervenir aussi bien
pour des raisons d’illégalité que pour des raisons d’opportunité.
L’abrogation constitue une compétence liée lorsque l’administration est saisie d’une demande
fondée sur l’illégalité de l’acte en cause lié à des changements de circonstances de fait (CE 30
novembre 1990, Association les Verts, Rec. p. 339, RFDA 1991, p. 571).
L’abrogation de l’acte administratif individuel illégal est soumise aux mêmes conditions que
le retrait.
Conseil d’Etat, Section du Contentieux, 6 mars 2009, M. C., Req. n° 306084
En jugeant qu’une administration ne peut abroger une décision individuelle créatrice de droits
que dans un délai de quatre mois suivant son édiction, le Conseil d’Etat a décidé d’étendre à
l’abrogation le principe qu’il a dégagé dans l'arrêt TERNON (Conseil d’Etat, Assemblée du
Contentieux, 26 octobre 2001, Req. n° 197018), en matière de retrait des décisions
administratives individuelles illégales.
b- Le retrait
Il emporte des effets importants et fait disparaître l’acte rétroactivement qui est considéré
comme n’ayant jamais existé. Le retrait a les mêmes effets que l’annulation prononcée par le
juge.
Le retrait vise à concilier deux impératifs : la sécurité juridique et le respect du principe de
légalité. Toute la théorie du retrait repose sur les actes administratifs individuels créateurs de
droit. Ces actes sont susceptibles de retrait tant qu’ils peuvent faire l’objet d’une annulation
contentieuse. Mais, quand l’acte crée des droits acquis, la faculté de retirer est liée à son
illégalité (première condition) et par la non expiration du délai du recours pour excès de
pouvoir (deuxième condition)
(CE 3 novembre 1922, Dame Cachet, : « d’une manière générale, s’il appartient aux
ministres, lorsqu’une décision ayant crée des droits est entachée d’une illégalité… de
prononcer eux-mêmes d’office cette annulation, ils ne peuvent le faire que tant que les délais
du recours contentieux ne sont pas expirés », Rec. p. 552 ; CS 19 avril 1967, Samba Cor Sarr,
AA 1974, p. 287).
La jurisprudence relative au retrait a été codifiée par l’alinéa 2 de l’article 5 de la loi n° 70-14
du 6 février 1970 qui dispose : «…Ils (actes administratifs à caractère individuel) ne peuvent
être retirés lorsqu’ils ont crée des droits qu’avant l’expiration du délai de recours pour excès
de pouvoir ouvert à tout intéressé ou avant l’intervention de la décision juridictionnelle sur ce
recours ».
En outre, la jurisprudence estime que l’insuffisance des mesures de publicité peut empêcher le
déclanchement du délai du recours pour excès de pouvoir à l’égard des tiers ( CS 23 mars
1966, Samba Ndoucoumane Guèye, AA 1971, obs. Alain Bockel ; CE Ass. 6 mai 1966, Ville
de Bagneux, Rec. p. 303 ; RDP 1967, p. 339).
Par ailleurs, l’arrêt d’Assemblée du 26 octobre 2001, Ternon a permis de dissocier le délai du
contentieux du délai de retrait. Pour le juge, « l’administration ne peut retirer une décision
individuelle explicite créatrice de droits, illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la
prise de la décision » ( GA n° 111 ; F. Seners, Le découplage du retrait et du recours, CE Ass.
26 octobre 2001, Ternon, RFDA 2002, p. 77).
Conseil d’Etat, 13 février 2008, M. Léonard Y. c/ Ministre des Transports; Conseil d'Etat, 14
mars 2008, M. PORTALIS,
Le CE a aussi eu l’occasion de préciser que les décisions obtenues par fraude ne peuvent pas
créer des droits. Mais, l’administration est dans l’obligation de respecter la procédure
contradictoire en cas de retrait (CE 30 mai 1994, Mme Diallo, Epouse Kamanga, A.B. Fall,
Retrait des actes administratifs et manœuvres frauduleuses, LPA n° 102 du 25 août 1995).
(Cf. également : Conseil d’Etat, Section du Contentieux, 6 novembre 2003, SOULIER, Req.
n° 223041 ; Conseil d'Etat, 22 janvier 2007, Ministre des Affaires Etrangères, Req. n°
282703, cité in www.boukheloua.com, Actualités, Rubrique - Jurisprudence droit de la
fonction publique ; Conseil d’Etat, 13 février 2008, M. Léonard Y. c/ Ministre des Transports,
de l’Equipement, du Tourisme et de la Mer, Req. n° 292293 ; Conseil d'Etat, 14 mars 2008,
M. PORTALIS, Req. n° 283943, cité in www.boukheloua.com, Actualités, Rubrique -
Jurisprudence droit de la fonction publique)
PARAGRAPHE I : L’IDENTIFICATION
Le procédé contractuel est le second procédé par lequel l'administration peut prendre des
actes.
Le contrat administratif se caractérise par l’originalité de son régime. En France si le droit des
contrats est essentiellement jurisprudentiel au Sénégal c’est le code des obligations de
l’administration loi n°65-51 du 19 juillet 1965 qui détermine les règles applicables aux
différents contrats administratifs.
Aux termes de l’article 5 du COA un contrat passé par une personne publique peut être
qualifié d’administratif par une disposition législative ou règlementaire.
Selon l’article 6 du code « la loi ou le règlement peut à tout moment attribuer la qualité de
contrat administratif à une catégorie de conventions auxquelles une personne morale de droit
public est partie. »
C’est dans ce sens que la loi 2004-13 du 1er mars 2004 relative au contrat d’exploitation et de
transport d’infrastructure considère en son article 3 que ce type de contrat est un contrat
administratif, de même le décret du 30 mai 2002 modifié qualifie le marché public de contrat
administratif.
Cette qualification peut aussi être étendue au contrat de délégation de service public
(concession) et au contrat de partenariat public privé.
1- Le critère organique
Le critère organique est aussi considéré comme le critère nécessaire c’est pour cette raison
que la jurisprudence estime que le contrat conclu entre deux personnes privées est en principe
de droit privé CE 1963 Syndicat des praticiens de l'art dentaire du département du Nord
c/ Merlin AJDA 1964 P25
Peu importe que le contrat comporte des clauses EDC CE 1961 Sté de l'autoroute Estérel-
Côte d'Azur
Peu importe que le contrat se réfère au code des MP TC 2001 Sté rue impériale de Lyon c/
Sté LPA
Peu importe que la personne privée ait été chargée d'une mission de SP TC 1969 Sté Interlait
Il s'agit d'une règle de valeur législative TC 1986 Sté Laurent Bouillet
- il existe certaines exceptions à ce principe :
dans le cas où une des personnes privées agit au lieu et place d'une personne publique dans le
cadre d'un mandat
il peut s'agir d'un mandat explicite ou tacite CE 1990 Ministre de l'agriculture contre
Beaufils
il peut s'agir d'un mandat implicite par lequel la personne privée a agit pour le compte de la
personne publique CE 1975 Sté d'équipement de la région montpelliéraine
Contrats ayant pour objet les travaux routiers ou autoroutiers de l'Etat sont administratifs CE
1963 Sté entreprise Peyrot
Le TC est allé plus loin dans sa décision du 21 mars 1983 UAP, dans cette affaire le juge
préconise « qu’un contrat conclu entre deux personnes publiques revêt en principe un
caractère administratif impliquant la compétence des juridictions administratives. »
- CAA Marseille 2007 commune d'Alet-les-bains : contrat de fourniture d'eau conclu entre
deux communes avait été conclu pour une durée de trente ans. La commune « fournisseur »
n'a pas voulu renouveler le contrat.
La cour ne reprend pas le considérant de principe de l'arrêt UAP mais : « si le contrat, eu
égard à son objet et en l'absence de toute clause exorbitante de droit commun, fait naître entre
les parties des rapports de droit privé ».
Cette jurisprudence a été reprise par l’article 8 du COA qui dispose « seules les conventions
auxquelles une personne morale de droit public est partie peuvent constituer de contrat
administratif par nature. »
L’article 9 reprend l’exception en précisant que toutefois, les contrats conclus entre les
personnes privées peuvent être administratifs si l’un des cocontractants a traité pour le compte
d’une personne morale de droit public.
Cette seconde condition est relative d’une part à la présence d’éléments exorbitants de droit
commun et d’autre part à la participation à l’exécution d’une mission de service public.
C’est la jurisprudence française dans l’arrêt du 21 décembre 1912 contrat est administratif s'il
contient des clauses EDC CE 1912 Sté des granits porphyroïdes des Vosges. Le terme de
clause EDC ne figurait pas dans l'arrêt mais l'idée était là : le contrat conclu par la ville de
Lille pour l'achat de pavés est privé car il doit « être livré selon les règles et conditions des
contrats intervenus entre particuliers ». La clause exorbitante de droit commun est considérée
comme étant une clause créant des droits et obligations « étrangères par leur nature à celles
qui sont susceptibles d’être consentis par quiconque dans le cadre des lois civiles et
commerciales. » TC 15 novembre1999 Cmne de Bourisp.
La jurisprudence française a évolué concernant le critère de la clause EDC en utilisant le
régime exorbitant de droit commun. CE 19 janvier 1973 société d’exploitation électrique de la
lumière du Sant.
Au Sénégal les articles 12 et 13 du COA traitent les clauses EDC.
Ainsi l’article 12 précise que peuvent être considérés comme administratifs les contrats qui
utilisent les procédés de gestions publiques, ils peuvent se manifester par la présence de
clauses EDC. C’est ainsi que la clause EDC peut résulter de la rupture d’égalité contractuelle,
de l’exclusion d’une règle spécifique, du régime juridique du contrat ou encore de l’octroi à
l’un des cocontractants de prérogatives importantes à l’égard des particuliers.
Le but du service public peut avoir une influence sur la nature administrative du contrat, CE
4 mars 1910 thérond. Cette jurisprudence a été confirmée par les arrêts du 20 avril
1956Epoux Bertin, CE 1956 Consorts Grimouard.
Si la jurisprudence a insisté pendant plusieurs années sur la nécessité d’une participation
directe du cocontractant à la mission du SP voir TC 23 novembre 1963 Dame veuve
Mazerand, elle s’est tournée dans un second temps vers un critère plus large.
Ainsi les contrats conclus pour l'exécution même d'un SP ont pour objet de confier au
cocontractant l'exécution directe et immédiate d'une mission de SP CE 1985 Association
Eurolat et Crédit foncier de France
De même les contrats conclus pour les besoins du SP constituent une modalité d'exécution du
SP CE 1974 Sté La maison des Isolants de France
Au sens de l’article 10 du COA sont considérés comme administratifs, les contrats comportant
une participation directe du cocontractant de l’administration à l’exécution du service public.
2. La faute personnelle
Une distinction est faite entre trois types de faute personnelle.
Tout d’abord la faute commise dans l’exercice des fonctions avec les moyens du service.
Ensuite la faute personnelle commise en dehors des fonctions mais non dépourvue de tout lien
avec le service et enfin la faute personnelle dépourvue de tout lien avec le service. CE, Ass.
26 octobre 1973 Sadoudi.
Mais pour mieux préserver les droits des administrés, le juge a introduit la théorie des cumuls
dans sa jurisprudence.
Il en est ainsi dans un premier temps le cumul de faute, où le juge a engagé la responsabilité
du service en retenant la faute imputable à celui-ci et à ses agents.
CE, 1911 Anguet.
Dans un second temps la jurisprudence a retenu le cumul de responsabilité c'est-à-dire pour
une même faute on engage la responsabilité de l’administration et de son agent. CE, 1918 épx.
Lemonnier
B- L’indemnisation
La réparation intégrale du préjudice dans la mesure où la victime d’un dommage ne doit pas
se retrouver appauvrie et ne doit pas non plus se retrouver enrichie. C’est le juge qui doit
calculer les indemnités.