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AJDA 1995 p.

99
De la nécessité d'un droit administratif (1)

John Bell, Faculty of Law, University of Leeds, RU

L'essentiel
On dit qu'il n'y a que trois choses inévitables dans la vie : la naissance, la mort et les
impôts (2). On pourrait ainsi considérer que le droit administratif n'entre que peu dans
le domaine du nécessaire. Mais nous nous contenterons d'une notion de la « nécessité »
recouvrant davantage l'idée de « souhaitable » que celle d'« inévitable ».

On cite couramment l'exemple de Dicey pour souligner que les Anglais ont une
compréhension appauvrie du droit administratif. Dans son oeuvre magistrale sur la
pensée de Dicey, Sabino Cassese montre combien celui-ci a fait erreur dans son analyse
de l'activité de l'administration au XIX e siècle et dans son refus d'accepter l'existence
d'un droit administratif à l'intérieur d'un système qui ne reconnaissait pas de régimes
distincts pour les contentieux administratifs et privés (3). Mais Sabino Cassese fait
également état de la justesse de l'analyse de Dicey, en tant que le droit anglais de son
époque ne contenait pas de principes organisant un corps de normes applicables à
l'administration et en tant que le droit administratif présentait un caractère plus
descriptif que normatif (4), les éléments normatifs ayant surtout un caractère non
juridique. C'est l'élément normatif et général des principes qui donne la substance à
l'idée que le droit administratif est une branche cohérente et distincte du droit.

Mais les Français vont plus loin. Par exemple, Georges Vedel et Pierre Delvolvé prétendent
qu'« il n'existe de droit administratif au sens précis du terme qu'autant que ce corps de règles
est substantiellement différent de celui qui s'applique aux rapports entre les particuliers (5) ».
La notion de nécessité d'un droit administratif repose ainsi sur des piliers : la cohérence, la
normativité et le caractère distinct de certains principes applicables à l'ensemble de
l'administration, que le rôle du droit est chargé de mettre en oeuvre. Sans la cohérence des
principes, on n'a que des droits administratifs, chacun applicable à une ou plusieurs
administrations. Sans la normativité des principes, on n'a qu'une description institutionnelle
sans valeur d'inspiration ou de contrôle. Sans le caractère distinct, on n'a qu'un droit
administratif de valeur pédagogique destiné à rendre plus facile la présentation du droit, tout
comme le droit du sport, le droit de la concurrence, le droit des sociétés. On n'y voit pas une
orientation du droit à travers des grands principes distincts, laquelle justifie la présence du
droit administratif comme grande division du droit. Enfin, on pourrait concevoir le caractère
distinct de l'administration comme fruit de l'influence que le système politique exerce sur elle.
Ce serait de ce système plutôt que du droit que relèveraient les contrôles. Pour dire que ce
n'est pas dans le droit applicable que reposerait par exemple la distinction entre le droit
administratif et le droit des sociétés, mais dans les contrôles opérés par le système politique,
d'une part, et par le marché, d'autre part. La distinction est externe au droit et non oeuvre du
droit. Je crois que c'est dans cet élément que réside essentiellement la portée de la critique de
Dicey vis-à-vis du droit administratif. Et celle-ci demeure contemporaine.

Dans une période de grands changements sociaux, la tendance est à la remise en cause de
nombreuses institutions juridiques. L'Etat providence devient ainsi l'Etat contractuel ou l'Etat
régulateur. Il faut donc réfléchir à la notion d'administration, à ses fonctions et aux valeurs qui
sous-entendent son activité ainsi qu'à l'ensemble des éléments qui fondent le droit
administratif. Pour notre part nous nous attarderons surtout sur les règles de la procédure et
les recours, le caractère distinct des principes du droit administratif ainsi dégagés et le rôle du
droit dans la vie de l'administration.

La cohérence des normes du droit administratif

Le grand juriste anglais, Sir William Wade, définit le droit administratif comme « un corps de
principes généraux qui régissent l'exercice des pouvoirs et obligations des pouvoirs publics
(6) ». Inspirés des principes constitutionnels et des conceptions de l'Etat, ces principes
donnent des orientations pour le comportement de l'administration. Cette généralité des
principes met en relief l'importance de la cohérence des normes applicables. Il ne suffit pas
que l'on puisse donner une description des structures administratives qui se ressemblent. Car
le droit administratif a besoin de principes généraux et cohérents de valeur normative. Cela
implique l'existence de valeurs de caractère général qui structurent la vie de l'ensemble de
l'administration. Or, du fait de la grande diversité des organes et des administrations, est-il
possible de concevoir une unité au coeur du droit administratif ?

Le coeur du droit administratif

Toute société moderne dispose d'administrations. Par exemple, les douanes, le fisc, les
collectivités locales et les ministères, les forces de l'ordre, les services publics du transport, de
l'enseignement, des soins médicaux. Le Code administratif, publié chez Dalloz, édicte des
règles qui n'ont cependant pas une portée générale.Et, même s'il fait état de la diversité de
l'administration, un tel fourre-tout de règles ponctuelles a peu de valeur systématique et
pédagogique. L'unité de « l'administration » et des grands principes qui régissent son activité
résulte de l'analyse des juristes et des experts en science administrative. S'il n'y a rien de
naturel dans ces concepts, il faut justifier cette approche par rapport aux autres analyses
possibles. Pour notre part, nous souhaitons examiner les points essentiels de la cohérence des
principes qui pourraient donner leur homogénéité à des données souvent hétérogènes.

La spécificité des principes primaires et secondaires

L'analyse des obligations contractuelles en droit privé nous permet de distinguer deux niveaux
parmi les principes du droit administratif : d'une part, les règles et principes primaires
définissant la composition, la compétence et la procédure de l'administration ; d'autre part, les
règles et principes secondaires touchant aux recours possibles en cas de violation des règles et
principes primaires (comme le recours pour excès de pouvoirs et le contentieux de la
responsabilité de l'administration (7)).

Les règles primaires

Les règles et principes primaires concernent l'organisation, les compétences et le personnel de


chaque administration. Les principes organisateurs de telles créations juridiques sont la
mission de chaque organe et l'efficacité de son action.

La mission de chaque organe lui est confiée de manière précise pour remplir des tâches
définies soit par la loi soit par son supérieur hiérarchique, selon les critères de la politique
gouvernementale. Chaque organe s'insère non seulement dans le cadre des institutions
administratives, mais aussi dans un réseau avec d'autres organismes privés. Par exemple, la
Banque de France situe sa mission non seulement par rapport à d'autres administrations, mais
aussi par rapport aux institutions financières privées et étrangères. Ainsi les missions et même
le personnel qui y est affecté présentent des spécificités importantes.

Si l'on adopte une conception positive du droit administratif, on peut le concevoir comme une
contribution à l'efficacité de l'administration (8). Le droit rend ainsi possibles les actions de
l'administration en lui accordant des pouvoirs opérationnels (de contrat, de règlement
intérieur). Il y a concertation entre les principes non juridiques de l'activité politique ou
économique en question et le droit, pour faciliter l'action de l'administration.

Des principes généraux pourraient ici fournir un cadre opérationnel pour toute administration.
Mais si l'on regarde, par exemple, le nouveau code néerlandais relatif à l'administration (9),
on constate que les principes généraux adoptés touchent à la compétence de l'administration,
et ont un caractère formel : la délégation des pouvoirs, l'absence de détournement de pouvoir,
la proportionnalité, et la sécurité juridique. Les principes de l'orientation de l'administration
(exemple l'idée du service public), les notions d'efficacité administrative, se trouvent exprimés
soit dans des textes sans valeur juridique soit dans des règles juridiques de caractère ponctuel.

Dans la recommandation R (80) 2 du Conseil des ministres du Conseil de l'Europe en date du


11 mars 1980, concernant l'exercice des pouvoirs discrétionnaires, on retrouve des principes
plus larges et généraux : par exemple le respect par l'administration des circulaires
administratives, l'intervention des décisions dans un délai raisonnable ou l'égalité du
traitement des administrés. Ces principes se résument dans la notion de fairness dans les
rapports entre l'administration et l'administré. Mais les autres principes de l'orientation de
l'administration ont plutôt un caractère non juridique (par exemple les critères de la qualité du
service ou de son efficacité).

Pour Wade, l'unité du droit administratif repose sur la justice administrative qui vient
équilibrer la perte de la liberté individuelle dans la société moderne (10). Mais cette justice
va-t-elle plus loin que la justice procédurale ? Pour reprendre le langage de John Rawls,
l'activité politique et administrative n'est-elle pas une justice purement procédurale (11) ?
Celui-ci répond par la négative en avançant deux raisons : la loi donne la mesure de ce qui est
dû aux administrés et, de surcroît, on reconnaît à toute personne le respect des libertés
fondamentales, telles que garanties par la Convention européenne des droits de l'homme
(12).

Ce n'est que face au pouvoir discrétionnaire que la justice administrative intervient et cela
concerne principalement la procédure par laquelle l'administration décide de ce qui est dû à
l'administré. Cependant, même ici, il s'agit souvent d'un respect de valeurs fondamentales qui
va plus loin que le respect des sauvegardes procédurales. Cette critique ne semble pas poser
de grands problèmes par rapport à la thèse que l'on vient d'évoquer. Comme on le verra plus
loin, la Convention européenne et les résolutions du Conseil de l'Europe mettent l'accent sur
deux garanties principales des droits fondamentaux : la procédure et les recours. Lorsqu'on
considère l'essentiel de l'activité de l'administration, on est dans le cadre des valeurs qui se
résument dans la notion de fairness dont l'élément principal est le respect de la procédure et
l'accès aux recours.

Il en résulte donc que c'est dans le cadre de la procédure administrative que l'on doit
reconnaître l'élément commun des règles et principes primaires. L'égalité de toute personne
devant l'administration lui impose des obligations particulières : un organisme privé est tenu
de respecter ses intérêts propres et est responsable devant ses actionnaires. Il a le libre choix
de prendre en compte toute proposition et toute personne qui lui convient, de traiter de
manière inégale ses interlocuteurs et de choisir librement ses cocontractants ou ses employés.
Le marché suffit pour régler son comportement et le droit se contente de lui imposer les règles
limitées de la concurrence déloyale ou de l'abus de droits. En revanche, le respect des citoyens
et leur égalité devant les services publics exigent que l'administration procède d'une tout autre
manière et justifie ses décisions par rapport à l'intérêt général, compte tenu du respect des
intérêts particuliers en cause. Les règles concernant les marchés publics en fournissent un bon
exemple : l'administration doit déclarer publiquement son besoin et lancer un appel à des
candidatures, qu'elle doit traiter de manière égale. Elle doit enfin justifier son choix par
rapport aux critères de l'intérêt général. La solution ne suffit pas, la procédure doit aussi être
appropriée.

En droit anglais, on parle du respect du procedural fairness, ce qui veut dire qu'il n'y a pas de
règles précises qui s'appliquent à toute administration, mais qu'il y a des principes de
procédure applicables à tout acte administratif, notamment l'obligation d'accueillir les
représentations de toute partie intéressée (même si elle ne va pas être lésée dans ses droits
subjectifs protégés par le droit privé (13)). Les Américains ont un Administrative Law
Procedure Act de 1946 et plus récemment certains pays européens ont voté des lois
comparables (14). La résolution R (77) 31 du Conseil des ministres du Conseil de l'Europe
en date du 28 septembre 1977 concernant la protection de l'individu dans ses rapports avec les
autorités administratives reconnaissait ainsi l'importance capitale de la procédure
administrative et des recours contre les actes de l'administration. Ses cinq grands principes
recouvrent les droits d'être entendu, de l'accès aux documents administratifs, du conseil et de
l'assistance pour préparer la présentation de son cas devant l'administration, de la présentation
des motifs de la décision et de l'information concernant les voies de recours ouvertes contre la
décision. Ces droits garantissent à la personne concernée une procédure administrative
équitable qui respecte ainsi la défense de ses intérêts particuliers face à l'intérêt général.

Ces obligations quant à la procédure trouvent leur bien-fondé non seulement dans l'état
d'assujettissement de l'administré devant le pouvoir unilatéral de l'administration, mais
également dans la responsabilité de l'administration, par rapport aux citoyens, dans l'exercice
de ses pouvoirs. La transparence de la procédure et l'obligation de motiver ses décisions lui
imposent une discipline non seulement au profit du contrôle exercé par des supérieurs
hiérarchiques mais aussi pour établir un meilleur dialogue avec les citoyens. On pourrait
même déceler un troisième principe : celui de l'économie et de l'efficacité de l'action
administrative. L'administration doit agir d'une manière simple aussi bien pour éviter le coût
excessif de son action que pour la rendre plus facile à comprendre pour les administrés (15).

Bien évidemment, on ne trouve pas les mêmes principes dans tous les droits nationaux relatifs
à la procédure administrative. Certains pays ont adopté un modèle contradictoire d'inspiration
contentieuse dans lequel les administrés défendent leurs intérêts privés contre l'intérêt général
défendu par l'administration : les enquêtes publiques sont souvent structurées de cette façon.

Mais il y a aussi des modèles de participation des intérêts qui permettent à tout intéressé de
concourir à la formation de l'acte administratif, même s'il n'a pas de droits subjectifs reconnus
par le droit privé et que l'intérêt qu'il défend est diffus, telle la protection de l'environnement.
Dans cette seconde conception, l'administré ne participe pas simplement comme individu lésé,
mais aussi comme citoyen ayant droit à contribuer à la discussion de l'intérêt général (16).
Mais, même si l'on retrouve une philosophie dominante de la procédure administrative dans
les différents pays, la diversité constatée en pratique amène certains auteurs, comme Louisa
Torchia, à conclure qu'il n'existe pas de principes généraux dans ce domaine :
« L'administration publique assure des activités les plus diverses dans leur objet, contenu,
nature et effets ; la tentative de soumettre cette variété à des règles uniformes est vouée à
l'échec, soit parce que les obligations imposées à l'administration seraient trop nombreuses et
lourdes, soit parce que la tutelle accordée serait partielle et incomplète (17). »

En effet, on pourrait très bien envisager que la structure et la procédure des décisions des
collectivités locales soient fort différentes de celles des écoles publiques ou du service des
douanes. Un organe élu a une légitimité tout autre que les service des impôts ou les douanes,
et ceux qui fournissent des avantages ont un aspect autre que ceux qui imposent une
contribution au Trésor public. Ainsi, on pourrait envisager que les règles de composition, de
compétence et de procédures des trois instances prises comme exemples diffèrent
profondément les unes des autres. Selon la thèse de Louisa Torchia, la nécessité des grands
principes qui réunissent l'ensemble des activités de l'administration n'est pas évidente.

En revanche, d'autres pensent, comme Willem Konijnenbelt dans ses réflexions sur le
nouveau code néerlandais, que l'on pourrait imposer des principes de caractères généraux et
uniformes (18). Les principes du fairplay administratif, aussi limités qu'ils soient dans leur
portée, devraient pouvoir fournir la base d'une procédure administrative générale. Les
principes d'économie et d'efficacité peuvent parfois mener à une diversité de formes de la
procédure, mais la simplification pour l'administré doit conduire à la plus grande
harmonisation possible. On pourrait ainsi concevoir un droit administratif cohérent et distinct
au niveau des grands principes de la procédure administrative, plus que dans les autres
éléments des règles et principes primaires.

Les règles secondaires

En ce qui concerne les règles et principes secondaires, on peut dégager deux objectifs pour le
droit administratif. En premier lieu, on peut envisager des voies de recours pour faire état des
manquements de l'administration et pour réparer le préjudice de l'administré, soit en nature
soit par équivalent. En second lieu, on peut considérer que le rôle du droit consiste à contrôler
le pouvoir de l'administration. L'existence de telles règles secondaires ne dépend pas de
l'existence d'un juge administratif distinct. Dans beaucoup de systèmes juridiques, surtout en
matière de responsabilité, les recours contre l'administration relèvent de la juridiction civile.

Le devoir de l'Etat d'organiser des voies de recours contre les décisions administratives se voit
de plus en plus reconnu comme un droit fondamental de l'individu. La Convention
européenne des droits de l'homme dans ses articles 6, alinéa 1 er, et 13, oblige l'Etat à organiser
de telles voies de recours pour faire prévaloir les droits civils des individus et pour réparer
toute violation de ces droits fondamentaux. Dans la jurisprudence de la Cour de Strasbourg,
on voit clairement que la Convention oblige l'Etat à établir des recours devant les juridictions
indépendantes contre les décisions administratives et que les systèmes juridiques avec d'autres
formes de recours comme ceux néerlandais et suédois doivent se conformer en créant de
manière distincte des juridictions administratives (19). La recommandation R (80) 2 du
Conseil des ministres du Conseil de l'Europe, dans sa quatrième partie, insiste sur le contrôle
exercé par les tribunaux ou d'autres entités indépendantes sur les actes de l'administration. Ces
recours comprennent les procès relatifs à la légalité de l'acte administratif et à son
opportunité, et à l'obtention d'une réparation. Ainsi les recours en annulation ou en cassation
font disparaître l'acte illégal. Dans d'autres domaines, par exemple en matière des réfugiés ou
de service militaire (en Angleterre à propos de l'immigration, de la sécurité sociale et des
impôts), des recours devant des commissions touchent à l'opportunité de la décision prise par
l'administration. Si ces deux procédures permettent en quelque sorte une réparation en nature,
il y a réparation par équivalent ou compensation pour d'autres préjudices. La réparation du
préjudice ou la compensation pour la lésion des intérêts de l'administré s'inspirent de principes
généraux qui ne varient pas en fonction de la mission de chaque administration. Ainsi, les
grands principes élaborés par le Conseil d'Etat français et par les tribunaux anglais en matière
de la judicial review ont-ils pour objet principal les recours ouverts aux administrés qui se
plaignent des décisions administratives. Le Conseil des ministres du Conseil de l'Europe a
bien dégagé des principes cohérents et généraux de la responsabilité de l'administration dans
sa recommandation R (84) 15 du 18 septembre 1984 (20). Bien sûr il y a des recours non
juridictionnels, par exemple devant les médiateurs (Ombudsmen), mais le droit établit
également des sanctions efficaces, contraignantes et indépendantes. L'organisation des recours
a pour objet les juridictions, la procédure, les conditions de recevabilité aussi bien que les
sanctions et leur exécution.

Pour certains (21) la cohérence des recours repose non seulement sur leur fonction de
réparation, mais aussi sur l'ambition du droit administratif de contrôler l'administration. En
premier lieu, c'est la structure des activités administratives et les standards imposés qui
limitent l'arbitraire de l'administration. Le principal contrôle de celle-ci résulte ainsi de la
procédure administrative. Par exemple, si l'on oblige l'administration à écouter les arguments
des intéressés on la soumet à des pressions particulières qui vont assurément avoir de
l'influence sur sa décision, surtout si on l'oblige également à motiver ses décisions. Le recours
contre la décision illégale ne sert que comme filet de sécurité pour assurer l'efficacité des
règles et des principes primaires.

Somme toute, Wade considère que l'unité du droit administratif repose sur l'idée d'une justice
administrative, tandis que Marco D'Alberti met l'accent sur d'autres valeurs comme la bonne
foi, la proportionnalité et le respect de la loi (22). Pour tous deux, et pour le Conseil de
l'Europe, la notion de fairness constitue un élément essentiel. On se préoccupe de la manière
dont l'administration se comporte par rapport aux administrés, plutôt que des résultats des
décisions prises. On y voit une éthique de la manière dont il faut traiter les situations de
conflits d'intérêts entre les individus et la communauté, un respect pour l'intégrité et les
attentes légitimes des uns et des autres, même si l'intérêt général doit prévaloir dans un grand
nombre des cas, ce qui va au-delà du respect des libertés fondamentales et des exigences
constitutionnelles.

Le caractère distinct du droit administratif

L'analyse de Georges Vedel et Pierre Delvolvé, quant au caractère distinct du droit


administratif, repose sur des valeurs substantiellement différentes de celles qui s'appliquent
dans les relations entre particuliers, ce qui implique que l'activité de l'administration est en
quelque sorte différente. Mais cette spécificité du droit public est remise en cause par des
réformes entreprises dans toute l'Europe depuis une quinzaine d'années, comme en font état
les rapports sur l'évolution de la gestion publique de l'OCDE.

Vincent Wright résume les courants de la réforme de l'administration (dite en France «


modernisation » de l'administration) en trois éléments clefs : la réduction des pouvoirs
d'intervention de l'Etat, l'amélioration du contrôle et de l'évaluation du secteur public et
l'amélioration de sa gestion (23).
Le premier élément a pour conséquence la recherche du « noyau dur » de l'administration,
focalisée sur la définition et la régulation des services rendus dans l'intérêt général. Le
deuxième élément introduit des systèmes destinés à préciser et évaluer la performance des
organes et du personnel du secteur public. Le troisième, la « nouvelle gestion publique » (New
Public Management), essaie de changer les structures et la culture de l'administration. Il y a là
séparation des tâches de formulation, d'exécution et de régulation des politiques qui peuvent
être confiées à des organismes distincts. Les objectifs peuvent dès lors être plus précis et on
peut plus facilement évaluer les performances administratives.

L'amélioration se produit en partie par voie de concurrence, soit à l'intérieur du secteur public
(24), soit avec le secteur privé (le market-testing anglais), soit après privatisation, à
l'intérieur du secteur privé. Enfin le programme « consumériste » conçoit l'usager du service
public comme consommateur ou client de l'administration et oriente ce service public vers la
satisfaction de ses demandes et de ses convenances, plutôt que vers la définition du service
fait par les agents publics. Un élément de cette orientation est le mouvement de la « Charte du
service public » française (les « Citizen's Charters » britanniques), lesquels définissent les
recours pour le consommateur. Ainsi l'Etat « diminue-t-il » par réduction de ses activités
spécifiques. Dans une telle situation la spécificité du secteur public, de ses agents et de son
droit est mise en cause. Mais ces réformes sont inspirées par le climat et des idées du secteur
privé, lequel contribue maintenant à la formation des fonctionnaires, et menacent ainsi la
spécificité de la culture de l'administration (25).

Mais quelles sont les valeurs qui distinguent l'activité et la culture de l'administration de celles
des personnes privées ? Autrefois on aurait mis l'accent sur l'idée d'intérêt général, l'obligation
de servir le public par opposition aux personnes privées dont le but est de servir leurs propres
intérêts. Mais on pourrait concevoir l'action de la plupart des administrations de tout autre
manière, comme le simple devoir de remplir une mission qui leur est confiée pour le compte
de l'intérêt général. Tout organisme (public ou privé) reçoit une mission. De nos jours on
insiste, même dans le secteur public, sur les obligations de rendre les services de manière
efficace, efficiente et économique. Tout organisme (public ou privé) doit respecter ces
exigences. Dans ce contexte la différence avec le secteur privé se réduit, surtout dès lors que
l'on peut confier l'exécution de l'action administrative aux personnes privées. Bien
évidemment, dans le secteur public, on ne se préoccupe pas de tirer des profits de son activité,
mais il faut souvent, quand même, gagner suffisamment d'argent pour payer les
investissements nécessaires pour l'amélioration du service, et cela revient à des impératifs
identiques. Ce n'est que dans la définition du service (et non dans son exécution) que l'on
retrouve une vraie délibération sur l'intérêt général. Et la définition du service requis se
produit en réponse aux demandes des intéressés, de manière comparable aux réponses que le
secteur privé apporte aux demandes du marché. La convergence entre les notions de service
public et de service rendu par le secteur privé à ses clients s'exprime notamment dans le
courant contemporain de l'opinion politique au Royaume-Uni (26).

Un rapport du Cabinet Office de 1988 contient les observations suivantes : « La comparaison


avec le secteur privé doit être abordée avec prudence. Dans le secteur privé il y a un rapport
direct entre la réussite commerciale - démontrée par les profits et par la portion du marché
acquise - et la qualité du service rendu au consommateur. Le secteur public est plus
compliqué et, sur divers points, fort différent. En général, les raisons de l'offre de service, sa
nature, et la façon dont on le fournit, ne sont pas dictées par le marché. Dans ces
circonstances, l'équilibre entre la demande du public et la nature du service fourni est
déterminé sur la base de jugements politiques en matière de priorités économiques et sociales.
Cela dit, ceux qui sont en charge de la mission de service public ont la responsabilité de
l'assurer avec le plus haut degré de qualité de service, dans le cadre des ressources données
(27)... »

On constate ainsi certaines différences dans la justification démocratique et politique de la


nature du service fourni par le secteur public, et aussi quant à la qualité requise. Mais il y a
des ressemblances quant à la qualité au niveau de l'exécution car le même document suggère
que le service doit être « rapide, efficace et courtois dans une ambiance raisonnable, au
moindre coût pour le contribuable et pour le public qu'il sert (28) ».

Marco D'Alberti met en question la particularité du droit administratif (29) : il se demande si


les obligations imposées à l'administration se distinguent de celles qui sont couramment
imposées en droit privé : la bonne foi, la proportionnalité, la diligence et le respect de la loi.
Les principes du droit contractuel s'appliquent souvent, et, de surcroît, le droit communautaire
a pour conséquence l'harmonisation des règles relatives aux services publics et aux emplois
publics avec celles du droit privé. Cela permet une plus grande concurrence et moins de
protectionnisme étatique. Le domaine du droit administratif traditionnel se réduit donc face
aux nouvelles conjonctures.

En ce qui concerne les principes de l'action administrative, c'est plutôt dans la procédure que
l'on retrouve des éléments distincts par rapport au droit privé. La notion de respect de la
légalité s'impose à toute personne. Les personnes morales, de droit public comme de droit
privé, ont une capacité juridiquement limitée qu'elles doivent respecter. On voit peu de
compétences inhérentes à l'administration qui la distinguent du droit privé. Mais la plupart des
compétences lui sont expressément attribuées.

L'évolution contemporaine de l'administration s'inspire directement du secteur privé et des


théories de la gestion qui y sont élaborées. On retrouve ainsi dans le secteur public les notions
de downsizing (réduction de taille), delayering (élimination des niveaux de la hiérarchie),
cost-centering (identification et gestion des budgets par l'unité d'activité), et outsourcing
(contrats pour obtenir les services en dehors de l'organisme plutôt que de façon interne), aussi
bien que la concurrence interne à l'organisme. Le secteur public doit se limiter et diminuer les
frais de son activité pour faire face aux exigences politiques et économiques concernant le
rôle de l'Etat et le coût de son activité pour le contribuable. La réduction de taille remet en
cause certains éléments de l'administration que l'on considérait autrefois comme essentiels.
Les télécommunications et les lignes aériennes peuvent en servir d'exemples (30).
L'élimination des niveaux de la hiérarchie a pour objet de donner le pouvoir et la
responsabilité pour l'action administrative à des niveaux inférieurs et de réduire le rôle des
supérieurs à celui de la définition des objectifs et à l'inspection (31) (mais il faut reconnaître
que la politique consistant à confier les tâches d'exécution des services publics et de
l'administration à des organismes indépendants n'a rien de nouveau dans la pratique de pays
comme la Suède et le Danemark). On ne laisse pas se créer des chaînes d'autorisations. La
flexibilité a des conséquences pour les cadres et les relais administratifs. Une telle politique
permet aussi de donner une responsabilité directe pour leur budget aux unités d'activité. Par
exemple, le Financial Management Initiative britannique donne une liberté de gestion à des
unités de l'administration, et cette politique a été suivie par la transformation de ces unités
administratives en agences quasi indépendantes, comme le Benefits Agency, responsable des
allocations de sécurité sociale, ou le bureau des permis de conduire (32). De telles agences,
responsables de leur propre personnel et de leur budget, sont très proches des organismes du
secteur privé, avec quelques vestiges de nature publique (par exemple le personnel reste
fonctionnaire).

De cette manière la mission de service public est définie par le cadre réduit du gouvernement
central et confiée à des agents soumis à une inspection relative à la qualité du service fourni.
L'exécution de telles activités administratives ne doit pas forcément rester dans le secteur
public. Une concurrence entre les agents de l'administration, dont les critères de succès
incluent les préférences des administrés, pourrait réduire l'importance de l'inspection, en
laissant le contrôle essentiel à un marché interne au secteur public. Mais le courant
gestionnaire va encore plus loin. Le droit français reconnaît depuis longtemps que l'exécution
du service public peut être confiée à des personnes privées par la voie d'une concession de
service public. Dans un tel système l'administration cesse de fournir directement les
prestations et se contente d'en assurer l'exécution. Mais, prise comme un ensemble et non
comme une série de séquences ponctuelles, la politique de l'outsourcing change le rôle de
l'administration. On voit même apparaître l'idée du hollowing out (33), où l'on ne retient
dans l'organisme (public ou privé) que la tâche de gérer la définition et l'inspection des
activités confiées à d'autres. L'Etat, prestataire de service, devient ainsi Etat « commettant et
régulateur ». Cette forme de privatisation prend plusieurs formes : le market testing (34) se
contente de mettre les agents internes de l'administration à l'épreuve d'une concurrence avec le
secteur privé, pour montrer la rentabilité de ses prestations de services. Mais on va plus loin
pour se débarrasser des activités qui ne doivent plus figurer parmi les prestations offertes par
l'Etat (par exemple les banques au Royaume-Uni et en France) ou qui sont fournies à moindre
prix par le secteur privé (ainsi des transports). La prohibition des aides étatiques sur le plan
communautaire remet en cause l'existence de plusieurs services publics traditionnels. Le droit
communautaire correspond aussi à une conception réduite du secteur public et du service
public destinée à permettre une concurrence dans la prestation des services et de l'emploi.
Comme le remarque Marco D'Alberti, on fait face à une harmonisation fondée sur une
conception élargie (au moins pour un Français) du droit privé (35).

Devant une telle évolution, l'idée de « l'Administration » devient de moins en moins


homogène. On se trouve confronté à des administrations distinctes de moins en moins
intégrées dans une hiérarchie commune. Des agences avec leurs missions propres, avec leur
gestion indépendante, contribuent à une conception d'un réseau d'administrations de caractère
distinct. Mais l'inspiration gestionnaire met en question la différence entre le droit public et le
droit privé. Est-ce que le service public fourni par une agence administrative a un caractère
vraiment distinct de l'activité d'un organisme privé ? Est-ce qu'il ne s'agit pas plutôt du coût et
de l'efficacité de la prestation du service ? Si le style de la gestion interne du service public
ressemble de plus en plus à celle du secteur privé n'en est-il pas de même pour l'activité
externe de ce service, dans ses rapports avec le public ?

On fait face aujourd'hui à deux courants : le courant gestionnaire inspiré par le secteur privé et
la remise en question de la nécessité des services publics. Ce débat nous permet de mieux
cerner le noyau dur du droit administratif : les principes particuliers qui inspirent l'action
administrative et les activités qui lui sont centrales (36). Bien sûr, on met en cause plusieurs
éléments traditionnels de ces activités. Mais peut-on remettre à la charge du secteur privé les
prisons ou les greffes des tribunaux ? Pourtant une telle renégociation des frontières, même
assez radicale, ne remet pas forcément en cause les notions elles-mêmes, mais peut ne
concerner que leur étendue.

La fonction publique
Cette évolution à l'intérieur du service public a une importance capitale pour le personnel du
service public. Comme l'écrit Vincent Wright, « the very notion of a unified civil service [un
grand service public] is under threat (37) ». L'idée d'un fonctionnaire voué à vie au service
de l'Etat ou de l'administration cède la place à celle d'un entrepreneur, chef ou membre d'une
petite équipe d'experts qui fournit un service de qualité à un prix moindre que les (autres)
agents publics ou privés. La concession de l'activité va rester à court terme et la rentabilité de
la concession ne peut s'assurer sans une flexibilité de l'emploi. Mais si une telle politique
obtient les résultats souhaités dans la concession de services publics, pourquoi n'en va-t-il pas
de même pour les activités internes de l'administration ? L'administration est assujettie aux
mêmes contraintes économiques que le concessionnaire externe. La réduction de taille et la
mise en concurrence de plusieurs services ouvrent la voie à des licenciements de
fonctionnaires pour motif économique (38). La sécurité du travail, ancienne contrepartie des
traitements inférieurs au secteur privé, devient moins importante. L'efficacité exige que les
personnes les plus aptes participent au service, mais on exige aussi que le secteur public
fournisse ce service au moindre prix. Et ces critères ne sont pas très différents de ceux du
secteur privé.

On peut citer la jurisprudence de la Cour de Luxembourg pour affirmer la similitude entre les
employés publics et privés. La notion d'« emploi dans l'administration publique » de l'article
48, alinéa 4 du traité de Rome se limite à des personnes exerçant des prérogatives de
puissance publique, c'est-à-dire à un petit nombre des hauts fonctionnaires des ministères
(39). Au Royaume-Uni seuls 10 % des fonctionnaires travaillent dans les ministères, et on
pourrait en compter peut-être 1 % qui exercent de telles prérogatives de puissance publique.
La loi récente relative à la mise sur le marché des services publics (Deregulation and
Contracting out Act de 1994) permet aux ministres de confier les activités des fonctionnaires
au secteur privé et ne leur réserve que les activités pouvant porter atteinte à la liberté des
individus ou concernant l'exercice du pouvoir réglementaire. Ainsi le « noyau dur » de
l'activité particulière de l'administration peut-il être considéré comme très restreint.

En effet, la politique est telle que l'on distingue à peine le secteur public du secteur privé.
Même si l'efficacité ou le contrôle que l'on souhaite exercés sur certains fonctionnaires justifie
leur présence dans le secteur public, cela ne veut pas dire que leurs conditions de travail
doivent être particulières. Dans un marché flexible du travail, le secteur public fait
concurrence aux personnels de talent du secteur privé et la rapidité de l'évolution
technologique a des conséquences aussi bien pour le public que pour le privé.

Le nouveau rôle de l'administration

Le monde du marché crée des structures de décision et des rapports qui, comparé au passé, le
distinguent du secteur public. L'administration n'exerce plus ses pouvoirs de manière
uniquement unilatérale. Le contact et l'accord informel sont aussi importants que la décision
impérative (40). De surcroît, la déréglementation peut parfois aboutir à laisser le marché
sous le contrôle d'organismes professionnels privés qui exercent des pouvoirs presque
unilatéraux (par exemple dans le secteur financier).

La tâche du droit est alors de permettre le contrôle de tels pouvoirs, qu'ils soient exercés par
l'Etat ou par des personnes privées. Les tribunaux anglais ont ainsi admis que les recours
contre les décisions de l'organisme interne et disciplinaire de la Bourse de Londres,
établissement de droit privé, relèvent du droit administratif, comme les actes unilatéraux de
l'administration (41).
Comme le dit Mark Freedland : « Plus les choix [d'intervention dans les rapports entre
particuliers] sont transférés au secteur privé, plus il devient important que les principes du
droit public fournissent des notions solides sur l'approche que les régulateurs doivent adopter
pour faire ces choix (42). » L'élargissement du domaine contractuel aura pour conséquence
l'extension du domaine des principes du droit administratif dans le contrôle des pouvoirs
privés (ainsi pour le sport (43)). C'est dans la notion souple de régulation que l'on trouve en
partie le « noyau dur » de l'administration et cette notion sert pour définir le groupe des
employés de l'Etat qui doivent bénéficier d'un statut particulier.

L'autre partie de ce « noyau dur » est le service des impératifs de l'intérêt public. Mais ce
service ne se distingue vraiment qu'au niveau de la conception et de la définition du service et
peut-être au niveau de la régulation et de l'inspection (même si l'on peut concevoir la
privatisation de l'activité physique de l'inspection). Mais la plupart des activités de
l'administration et de ses fonctionnaires ne reflètent qu'indirectement ce caractère distinct.
Une telle focalisation de l'activité administrative peut permettre de la rendre plus efficace. La
régulation dans l'intérêt général, soit par les ministères soit par les autorités administratives
indépendantes, reste un grand pouvoir. On pourrait dire que ce pouvoir est même plus
puissant que le pouvoir traditionnel du fisc et de l'administration du ministère des Finances
(44). On substitue un genre de relations entre le pouvoir de l'Etat et les citoyens à un autre. La
déréglementation devient alors une autre forme de régulation par l'Etat (45). Ainsi, au
Royaume-Uni, les tendances anti-étatiques du mouvement de la réforme rejoignent celles de
la « modernisation » de l'Etat en France, en Italie, en Suède et en Espagne. C'est la
focalisation du droit administratif autour des impératifs de l'administration moderne qui
retient les éléments essentiels du droit administratif.

Le rôle du droit dans la vie de l'administration

La mission du droit dans l'activité administrative ne relève pas de l'évidence. Jean Carbonnier
distingue ainsi le droit du « non-droit », c'est-à-dire les structures et valeurs normatives qui
existent en dehors du droit. Selon son deuxième théorème, « le droit est plus petit que
l'ensemble des relations entre les hommes (46) ». Il convient donc de constater que le droit
ne crée pas toutes les normes qui s'appliquent à la relation administration/administrés.

Le « non-droit » a une importance en ce qui concerne les « conventions constitutionnelles »,


par exemple la responsabilité individuelle des ministres devant le Parlement ou les obligations
des fonctionnaires devant les commissions parlementaires (doivent-ils, par exemple, révéler
les conseils qu'ils donnent aux ministres ; doivent-ils obtenir l'approbation du ministre avant
de se présenter devant une telle commission (47) ?).

Dicey avait bien compris que l'administration est responsable devant le Parlement et que les
principes de cette responsabilité n'ont pas toujours de valeur juridique. Dans le cadre des
commissions parlementaires, on voit appliquer des principes déontologiques de caractère non
juridique. La particularité de l'administration (et des principes qui s'appliquent à elle) relève
ainsi, en partie, du contexte de sa responsabilité vis-à-vis des instances politiques et ne résulte
pas uniquement de son statut juridique.

Il y a aussi une déontologie interne au service public. Dans plusieurs pays, l'obligation de
neutralité contient des obligations légales, mais aussi des obligations non juridiques (par
exemple, concernant les intérêts personnels qui ne sont pas compatibles avec les fonctions
administratives). Le travail quotidien du fonctionnaire est ainsi directement guidé non pas par
des règles juridiques mais par des routines, des pratiques et des circulaires créées ou édictées
par ses supérieurs hiérarchiques. Ces normes, pratiques, expresses ou implicites, établissent
des standards pour les fonctionnaires et des attentes légitimes chez les administrés. Le droit
est conscient de cette situation et protège les administrés en tenant compte des attentes
légitimes suscitées par ces circulaires et ces pratiques administratives. Le non-respect de ces
attentes doit être justifié et sert parfois de fondement à l'annulation d'une décision
administrative (48). Ainsi la déontologie de la fonction publique exige plus que le droit. Les
sociétés commerciales ont aussi leurs propres règlements internes, souvent de caractère non
juridique, mais ceux-ci se distinguent davantage de la déontologie de l'administration par le
contexte dans lequel ils s'insèrent que par la différence des normes juridiques applicables.
C'est ce phénomène qu'illustre la notion de « Charters » des services publics au Royaume-
Uni.

Les rapports avec les administrés ne se limitent donc pas aux devoirs légaux de
l'administration. Les initiatives de modernisation de la fonction publique introduisent l'idée
que l'administré-usager doit être considéré comme le client du service. Et les obligations de
l'administration doivent respecter ce nouveau statut. Les « Citizens Charter » au Royaume-
Uni ont ainsi pour objet d'imposer une déontologie à l'administration, plus sensible aux
attentes des « consommateurs-citoyens ». Si le train est en retard de plus de 20 minutes,
l'usager reçoit une indemnité et une explication. Il en va de même pour la qualité des services
rendus par les tribunaux ou les caisses de sécurité sociale. Le service public n'est plus la
bienfaisance de l'Etat pour laquelle l'administré-usager doit se sentir reconnaissant ; c'est un
service qui est dû au citoyen-consommateur. Mais le cadre juridique de ce bouleversement du
climat administratif est minime. Les indemnités et les standards des Charter ont une existence
(voulue) en dehors du droit.

Comme dans l'entreprise privée, le règlement interne du Civil Service a une existence plutôt
non juridique au Royaume-Uni, dès lors qu'il ne peut pas faire l'objet d'un recours devant les
tribunaux (49). Aussi, comme dans quelques autres pays, les litiges concernant l'emploi dans
le service public sont-ils soumis aux juridictions prud'homales, comme les litiges de droit
privé (50).

La responsabilité peut inclure des systèmes d'indemnisation non juridiques. Même si les
différents pays sont d'accord sur la valeur de l'égalité devant les charges publiques comme
principe de justice, sa valeur juridique n'est pas de la même ampleur dans tous les systèmes
juridiques. Ainsi le gouvernement britannique s'en sert-il pour justifier certaines indemnités
juridiquement gracieuses, par exemple dans le cas des évasions de prisonniers ou dans les
affaires du sang contaminé (51).

La contribution distincte du droit est souvent son extériorité (par exemple, son origine
législative ou jurisprudentielle) et sa force contraignante. Sa vision externe et critique, son
appel aux valeurs de justice plutôt qu'à l'efficacité ou au moindre coût, et surtout son accent
mis sur les droits des individus, font entendre des idées distinctes dans le discours
administratif. Mais il y a un élément contingent dans ce discours. Les structures de la création
normative, de sa transmission et des recours contre les violations ont une importance capitale.
L'existence de solutions imposées par le droit rend moins nécessaires les voies du « non-droit
». Mais cela n'est vrai qu'à la condition que le droit soit efficace ! Comme nous le rappelle
Jean-Paul Costa, la justice administrative doit être rapide et efficace dans l'exécution des
décisions des tribunaux (52).

La responsabilité de l'administration devant les instances politiques et au regard de son code


de déontologie interne crée pour l'administrateur des obligations qui vont au-delà du droit.
L'administration a une culture qui doit respecter les autorités politiques et internes aussi bien
que le droit. Le droit administratif n'est ainsi qu'un élément parmi d'autres. Si les recours
contre une administration particulière ne sont pas fréquents ou n'ont guère de retentissement
politique, l'influence du droit est souvent subordonnée aux autres influences. Le programme
des Citizen's Charters au Royaume-Uni montre combien la direction et la culture
administrative peuvent être bouleversées par une réforme juridique minime, dès lors que la
pression politique et hiérarchique est forte. Cependant il faut reconnaître l'importance du droit
et de la jurisprudence des tribunaux quant à leur influence sur l'activité de l'administration
dans certains domaines (53).

Formellement, le droit réclame la priorité (même la toute-puissance) sur l'ensemble de


l'espace normatif, soit par prescription de ce qu'il faut faire ou ne pas faire, soit par
autorisation (expresse ou implicite) des autres activités (54). Mais une autre conception du
droit consiste à rechercher le concours des autres sources de normativité et de légitimation
dans la réalisation de la bonne administration. Les standards de bonne administration sont
définis par les juges, par la hiérarchie administrative et par les instances indépendantes (ainsi
la Cour des comptes ou le médiateur). Comme le dit Luis Diez-Picasso, une bonne loi ne crée
pas une bonne administration (55). Il faut tout un climat déontologique dont le droit ne
constitue qu'un élément. Les juges conçoivent ainsi leur rôle comme créateur des standards de
bonne administration. Mais, comme l'écrivait le président Odent, un tel rôle rend nécessaire
une bonne compréhension mutuelle entre l'administration et ses juges (56).

On peut donc retenir qu'une grande part de l'activité de l'administration, définie et contrôlée
par le droit administratif, est essentielle, même dans la situation dans laquelle l'administration
se trouve aujourd'hui.

Ses éléments clefs sont :

- la définition de l'intérêt général et des activités nécessaires pour le mettre en oeuvre et la


surveillance de son exécution ;

- les valeurs du fairplay dans la procédure administrative et le respect des valeurs


fondamentales et de l'égalité des administrés, comme principes directeurs du comportement
de l'administration ;

- certains principes spécifiques concernant la responsabilité de l'administration (par exemple


la neutralité et l'indépendance) ;

- l'existence de recours spécialisés pour équilibrer la vulnérabilité de l'administré devant


l'administration et garantir son droit à la protection lorsque l'intérêt général est préféré à
l'intérêt particulier.

Le rôle du droit administratif est donc de contribuer à l'efficacité de l'administration et de


participer à la création de normes de bonne administration. Mais un tel droit doit tenir compte
des exigences particulières qui pèsent sur l'administration, non seulement celle de l'économie
(le moindre coût) mais aussi celle de la responsabilité démocratique et de l'égalité. Comme
l'écrit Vincent Wright : « Tandis qu'il est louable que l'administration devienne plus sérieuse [
business-like], il est très douteux qu'elle devienne commerçante [ a business]. Le secteur
public doit toujours jongler avec plusieurs valeurs en conflit, y compris la démocratie (d'où la
responsabilité), l'égalité (d'où l'uniformité) et l'efficacité (le moindre coût). La réforme
radicale actuelle est trop obsédée par l'efficacité, définie de manière restrictive, et se fonde sur
une conception trop simpliste de la démocratie, une conception trop naïve du marché, une
conception trop idéaliste du secteur privé, une absence de sensibilité aux coûts de la réforme,
un sur-optimisme sur ses fruits et, peut-être plus fondamentalement, sur une conception
aberrante de l'Etat. »

Une conception satisfaisante donc du droit administratif à la fin du XX e siècle doit refléter le
rôle spécifique de l'administration et de l'Etat. Mais une telle conception ne recouvre pas
l'ensemble des traités traditionnels de droit administratif.

L'exécution des politiques de l'administration et la gestion du personnel ne font pas partie de


son noyau dur. En même temps, il faut reconnaître l'importance de la convergence du droit
administratif et du droit privé dans leurs principes et dans les activités qu'ils doivent régler.
Cela devrait déboucher sur des principes communs, en ce qui concerne par exemple les
marchés financiers et la collaboration entre les secteurs public et privé, les contrats,
l'exécution des services publics, et les principes opérationnels relatifs à la qualité et la gestion
des organismes et du personnel. Une telle harmonisation ne doit pas consister en un
nivellement par le bas, mais déboucher sur une recherche des principes les plus performants,
de manière à obtenir une haute qualité des services publics et privés. Une responsabilisation
du secteur privé doit accompagner l'amélioration de la responsabilité et de la performance du
secteur public. Le droit a un rôle particulier à jouer dans le contrôle du pouvoir des personnes
privées et doit favoriser une plus grande sensibilité des secteurs publics et privés aux intérêts
des consommateurs. Ainsi peut-on affirmer la nécessité d'un droit administratif, mais à
condition qu'il s'adapte aux exigences de l'administration et de la société de son temps.

Mots clés :
ACTE ADMINISTRATIF (VALIDITE) * Forme et procédure
DROIT ET LIBERTE FONDAMENTAUX * Procès équitable * Recours effectif
FONCTION PUBLIQUE * Qualité de fonctionnaire ou d'agent public
PROCEDURE CONTENTIEUSE * Jugement * Règles générales de procédure
SERVICE PUBLIC (GENERALITES) * Notion * Notion * Intérêt général

(1) Le 20 juin 1995, à l'ocasion de son 50 ème anniversaire, l'AJDA a publié un numéro spécial
intitulé « Des principes fondateurs à l'effectivité de la règle : bilan et perspectives d'un droit
en mutation » qui, outre la présente contribution, comprend les articles suivants :

Editorial de Jean Boulouis, Jérôme Chapuisat et Pierre Le Mire, p. 1 .

Quarante ans de chronique de jurisprudence administrative, par Marceau Long, p. 7 .

Débat avec Guy Braibant, Roland Drago, Yves Gaudemet, Daniel Labetoulle, Arnaud Lyon-
Caen, Pierre Le Mire, Jacques Moreau, Georges Vedel et Philippe Waquet, p. 11 .

Droit administratif et droit constitutionnel, par Olivier Schrameck, p. 34 .


Le juge administratif et le droit international : aspects récents de droit formel, par Gérard
Teboul, p. 43 .

Droit administratif et droit communautaire, par Louis Dubouis, p. 66 .

Unions et désunions des sanctions du droit pénal et de celles du droit administratif, par
Jacques-Henri Robert, p. 76 .

Droit administratif et droit des affaires, par Claude Champaud, p. 82 .

Autorités administratives et autorités juridictionnelles, par Jean-Marie Auby, p. 91 .

Droit administratif et codification, par Yves Robineau, p. 110 .

La bonne administration de la justice, par Jacques Robert, p. 117 .

Le formalisme, par Jean-François Lachaume, p. 133 .

L'administré face au droit administratif, par Jean Rivero, p. 147 .

La sécurité juridique, un principe qui nous manque ?, par Bernard Pacteau, p. 151 .

Le principe de proportionnalité, par Michel Fromont, p. 156 .

Une des formes de l'Etat nouveau du monde : réflexions sur le droit administratif français, par
Sabino Cassese, p. 167 .

La réforme du contentieux administratif : du décret du 30 septembre 1953 à la loi du 31


décembre 1987, par Michel Combarnous, p. 175 .

Tribunaux administratifs et cours administratives d'appel : un nouveau visage, par Bernard


Stirn, p. 183 .

Le recours pour excès de pouvoir est-il frappé à mort ?, par Michel Bernard, p. 190 .

La cassation, par Jean Massot, p. 200 .

Le contentieux de la responsabilité : politique jurisprudentielle et jurisprudence politique, par


Maryse Deguergue, p. 211 .

L'exécution des décisions de justice, par Jean-Paul Costa, p. 227 .

Le juge, un regard étranger, par Jürgen Schwarze, p. 233 .

(2) Merci à mes collègues de la faculté de droit de l'université du Maine pour leur contribution
précieuse à cet article que je leur ai présenté lors d'un colloque en janvier 1995.

(3) Albert Venn Dicey e il diritto amministrativo, Quaderni Fiorentini per la storia del
pensiero giuridico modern° 19 (1990), 5, 79 ; H. W. Arthurs, Without the Law :
Administrative Justice and Legal Pluralism in Nineteenth Century England, Toronto, 1985.

(4) Ibid. 80 à 81 ; V. aussi S. Sedley, The Sound of Silence : Constitutional Law without a
Constitution (1994) 110 Law Quarterly Review 270 qui explique que le droit constitutionnel
britannique reste toujours une description des institutions plutôt qu'un système de valeurs
normatives.

(5) Georges Vedel et Pierre Delvolvé, Droit administratif, PUF, coll. « Thémis », 11 e éd.
1990, p. 77.

(6) W. Wade et C. Forsyth, Administrative Law, Oxford, 7e éd. 1994, p. 5.

(7) V. V. Bogdanor, The Blackwell Encyclopaedia of Political Institutions, Oxford 1987, titre
Administrative Law par John Bell, aux pp. 9 à 12. Mon approche n'est pas la même que celle
de Jean Carbonnier, Sociologie juridique, PUF, coll. « Quadrige », 1994, pp. 332-333.

(8) Sabine Cassese, Le basi del diritto amministrativo, Turin, 1989, p. 53 ; M. Loughlin,
Public Law and Political Theory, Oxford, 1992, pp. 60 et 264 ; W. I. Jennings, The Law and
the Constitution, Londres, 1938, p. 194.

(9) W. Konijnenbelt, The Administrative Procedure in the New Dutch Codes of General
Administrative Law, in L. Torchia, Il procedimento amministrativo : profili comparati,
Torino, 1993, 47.

(10) Wade, Administrative Law, préc., pp. 6-7.

(11) J. Rawls, A Theory of Justice, Cambridge (Mass.), 1971, p. 85.

(12) Wade, préc., p. 18 ; J. Bell, in P. Legrand, Common Law d'un siècle à l'autre, Editions
Blais, Cowansville (Canada), 1992, pp. 77-80. Même au Royaume-Uni l'incorporation de la
convention européenne est demandée par les hauts magistrats : V. EDCE n° 45, p. 497.

(13) Les Anglais et les Italiens parlent ici des intérêts et attentes légitimes : M. Clarich in J.
Bell et A. W. Bradley, Governmental Liability, Londres, 1991, p. 240 ; P. Elias, Legitimate
Expectations and Judicial Review, in J. Jowell et D. Oliver, New Directions in Judicial
Review, Londres, 1988, 37.

(14) Par exemple, la Verwaltungsverfahrensgesetz allemande du 25 mai 1976, la loi italienne


sur la procédure administrative du 7 août 1990, celle de l'Espagne du 26 novembre 1992, et la
loi générale sur l'administration néerlandaise de 1992 : V. L. Torchia, Il procedimento
amministrativo : profili comparati, Padova, 1993.

(15) Art. 1 de la loi italienne du 7 août 1990 : V. G. Corso et F. Teresi, Procedimento


amministrativo e accesso ai documenti, Rimini, 1991, pp. 48-50.

(16) V. L. Diez-Picasso in L. Torchia, préc., p. 65. Craig, Administrative Law, préc., p. 18.

(17) I modelli di procedimento amministativo, préc., p. 43.

(18) Konijnenbelt, préc., p. 64 ; G. Richardson et H. Genn, Administrative Law and


Government Action, Oxford, 1994, ch. 5.

(19) Benthem c/ Royaume Néerlandais (1985) 8 EHRR 1 ; Bax, 1, Revue européenne de droit
public 119 ; Pudas c/ Suède, Boden c/ Suède (1987) ECHR, série A, vol. 125.

(20) V. J. Bell et A. W. Bradley, Governmental Liability : A Comparative Study, Londres,


1991, ch. 1.

(21) Wade, préc., p. 4 ; M. Loughlin, préc., p. 60, parle de la théorie du « normativism » ;


Sabine Cassese, préc., p. 53.

(22) Diritto amministrativo comparato, Bologna, 1992, p. 165.

(23) Reshaping the State : The Implications for Public Administration (1994) 17 West
European Politics 102, pp. 113-114 ; Jacques Caillosse, La modernisation de l'Etat, AJDA
1991, p. 755 .

(24) Par exemple, dans les services de santé, en Allemagne et au Royaume-Uni, on a créé une
concurrence entre hôpitaux.

(25) V. Wright, préc., p. 124.

(26) Dans le même ordre d'idées on peut renvoyer aux réformes espagnoles de 1992 et au «
paquet Cassese » de 1993 en Italie.
(27) Service to the Public, Londres, 1988, § 1.5 ; V. aussi Jean Boulouis, Supprimer le droit
administratif, Pouvoirs n° 46, p. 9.

(28) Ibid, § 1.3.

(29) Préc., p. 165.

(30) E. Grande, The New Role of the State in Telecommunications : an International


Comparison (1994) 17 West European Politics 138.

(31) V. C. Hood, L'évolution de la gestion publique au Royaume-Uni et la suppression des


privilèges de la fonction publique, Rev. fr. adm. publ. 1994, p. 295.

(32) V. G. Fry, Annuaire européen d'administration publique, éditions du CNRS, 1988, p.


390 et ss. ; J. Bell, EDCE n° 44, p. 383, et n° 45, pp. 495-496.

(33) Sur cette notion, V. R. A. W. Rhodes, The Hollowing Out of the State : the Changing
Nature of the Public Service in Britain (1994) 65 Political Quarterly 138 ; I. Harden, The
Contracting State, Londres, 1992.

(34) Sur la politique de market testing, V. The Citizen's Charter. Second Report : 1994 (Cm
2540 ; 1994), pp. 90 et ss. Le programme du market testing depuis 1991 a exposé 1,1 milliard
de livres (presque 10 milliards de francs) des dépenses sur les services publics à la
concurrence du secteur privé, dont ce secteur a obtenu 855 millions de livres sous forme de
contrats et concessions. Même lorsque le service n'a pas été privatisé, cette révision a abouti à
une réduction de 24 % du nombre de fonctionnaires. Cette politique a épargné 135 millions de
livres par une révision de 44 000 postes.

(35) V. M. D'Alberti, préc., pp. 160-161.

(36) Par exemple, le gouvernement britannique déclarait récemment : « Il y a des différences


importantes entre le travail du gouvernement et celui du secteur public, en ce qui concerne le
cadre de la responsabilité dans lequel les ministères et les agences administratifs agissent et
concernant l'obligation qu'ils ont pour servir de manière égale tous ceux qui ont droit à ce
service. Mais le gouvernement doit répondre au même défi que le reste de l'économie. » ( The
Civil Service : Continuity and Change, Cm 2627, 1994).

(37) Préc., p. 115.


(38) En effet, ce type de licenciement est rarement pratiqué. Au Royaume-Uni, la réduction de
24 % dans les effectifs des services soumis au market testing (v. ci-dessus) a été effectuée
avec seulement 100 licenciements.

(39) Aff. 149/79, Commission c/ Belgique, (1980) ECR 3881.

(40) J. Dutheil de la Rochère, in D. Tallon et D. Harris, Le contrat aujourd'hui, Paris, 1987,


pp. 110 à 116. Ian Harden, The Contracting State, Londres, 1992.

(41) J. Bell in CERAP, Le contrôle juridictionnel de l'administration, Economica, 1991, pp.


83-86.

(42) (1994) Public Law 86 at 104. Dans un autre article, j'ai suggéré que la fonction du droit
est de donner une légitimation et de poser des limites au pouvoir et du gouvernement et des
particuliers : V. J. Bell, in K. Hawkins, The Uses of Discretion, Oxford 1992, ch. 3 ; aussi
D'Alberti, préc., p. 171.

(43) S. Fredman et G. Morris, (1994) Public Law 69.

(44) G. Majone, The Rise of the Regulatory State in Europe, (1994) 17 West European
Politics 77, p. 87, avec l'exemple de la Commission de l'Union européenne.

(45) Ibid., p. 97, et J. Richardson, Doing Less by Doing More : British Government 1979-
1993, (1994) 17 West European Politics 178 à la p. 193.

(46) Flexible droit, LGDJ, 7e éd., Paris 1992, p. 22. Il définit le non-droit comme l'absence de
droit dans un certain nombre de rapports humains où le droit avait en vocation théorique d'être
présent (p. 23).

(47) Sur l'importance et la nature des conventions, V. P. Avril et J. Gicquel, Droit


parlementaire, Montchrestien, 1988, pp. 18-22.

(48) V. P. Elias, préc. note 12 ; J. Bell, EDCE, n° 46 (à paraître) ; CE Ass. 29 janvier 1954,
Institution Notre-Dame du Kreisker, AJDA 1954. II- bis-5. De manière plus générale N. Lewis
et D. Longley, Ethics and the Public Service ? (1994) Public Law 596.

(49) V. Wade, préc., p. 661.


(50) Wade, préc., p. 76 : L'existence d'une procédure interne au civil service pour régler les
conflits concernant le licenciement des fonctionnaires a ses parallèles dans les structures des
grandes entreprises. L'Italie vient d'effectuer un transfert de compétences dans cette matière
aux juridictions prud'homales ; V. M. Rusciano et L. Zoppoli, L'impiego publico nel diritto
del lavore, Giappichelli, Turin 1993, pp. XXV-XXIX.

(51) C. Harlow, Compensation and Government Torts, Londres, 1982, pp. 119 et ss. Sur le
sang contaminé, V. M. Brazier, Medecine, Patients and the Law, Londres, 2e éd. 1992, pp.
183-5 : il y avait des litiges, mais la décision de recours à des paiements gracieux a mis fin à
l'intérêt des parties dans cette voie de recours. Le recours aux indemnités gracieuses est
systématique pour réparer les préjudices constatés par le médiateur : exemple R. Gregory et
G. Drewry, Barlow Clowes and the Ombudsman, (1991) Public Law 408. L'usage de telles
indemnités non juridiques permet à l'administration de respecter l'égalité devant les charges
publiques, tout en tenant compte de la nécessité de plafonner la compensation dans l'intérêt de
l'ensemble des contribuables.

(52) L'efficacità delle sentenze del « Conseil d'Etat » francese e del Consiglio di Stato
italiano, in Y. Mény, Il Consiglio di Stato in Francia e in Italia, Bologna, 1994, 437.

(53) V., par exemple, la nécessité d'une seconde édition de la brochure The Judge over your
Shoulder publiée par la direction de la fonction publique britannique pour informer les
fonctionnaires du rôle des recours pour excès de pouvoirs dans l'action administrative : D.
Oliver (1994) Public Law 514.

(54) J. Raz, The Authority of Law, Oxford, 1979, ch. 2.

(55) Dans L. Torchia, préc., p. 74.

(56) Contentieux administratif, Paris, 1970, pp. 578-599 ; aussi M. R. Donaldson, R v/


Lancashire CC, ex parte Huddleston (1986) 2 All ER 941, 945 ; J. Laws, The Ghost in the
Machine : Principle in Public Law (1989) pl 27 à la p. 33.

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