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MODULE DE DROIT ADMINISTRATIF

FORMATEUR: MORY TRAORE

I : IMPORTANCE DU COURS

• Connaitre l’organisation et le fonctionnement de l’Administration

• Agir au nom et pour le compte de la légalité

• Pouvoir résoudre les problèmes de droit administratif

II : APPROCHE DU COURS

• Approche pluridisciplinaire (droit financier, droit constitutionnel, droit


communautaire etc.)

• Perspective droit africain

NB : EMPARO : procédure permettant à tout citoyen qui se sent lésé par


l’administration de saisir le Conseil constitutionnel.


Plan du cours :
Introduction

I : L’Administration

• La présentation organique

• La présentation fonctionnelle

II : Le droit administratif

• Les variantes dans les conceptions

• Les constantes dans les conceptions

III : Les mutations du droit administratif

• La mutation des sources

• La mutation des procédés administratifs

IV : Les spécificités du droit administratif africain

• L’importance de la codification

• L’originalité de la justice administrative africaine

Première partie : L’action de l’administration

Chapitre I : Le cadre normatif de l’action administrative

Section I : Le cadre normatif interne

Section : Le cadre normatif externe

Section III : Le cadre normatif tempéré

Chapitre II : Les procédés de l’action administrative

Section I : Les opérations matérielles

Section II : Les actes juridiques


Deuxième partie : Le contrôle de l’action de l’Administration

Chapitre I : Le contrôle objectif : le REP

Section I : L’introduction du recours

Section II : Les effets du recours

Chapitre II : Le contentieux subjectif : Le contentieux de pleine Juridiction

Section I : Le contentieux des contrats

Section II : Le contentieux de la responsabilité

Bibliographie :

- Demba SY ;

- Jean WALINE édit. 2016

Textes à consulter :

• Constitution

• Code des marchés publics

• COA

• Code général des collectivités locales


INTRODUCTION GENERALE

En première approche, le droit administratif désigne l’ensemble des règles qui


sou tendent l’organisation et le fonctionnement de l’administration ainsi que les
rapports que la puissance publique entretient avec les particuliers.

La vocation du droit administratif est de définir le statut des organes qui


agissent au nom de l’Etat par un encadrement des missions à eux assignées.
L’entreprise ne relève pas de l’acquis, de l’évidence et du donné; elle est plutôt
le fruit de l’histoire, du construit et des conquêtes démocratiques. Comme ont
pu l’affirmé Prospère WEIL et Dominique POUYAUD « l’existence même
d’un droit administratif relève en quelque sorte du miracle. Il est dans la
nature des choses qu’un gouvernement croit de bonne foi être investi du
pouvoir de décider discrétionnairement du contenu et des exigences de
l’intérêt général. Il faut qu’il fasse effort sur lui-même pour se considérer
comme tenu de rester dans les voies d’un droit qui lui dicte certaines
conduites…… ».

On était donc fasciné de voir l’administration se plier volontairement à des


règles qu’elle a créées.

Fort heureusement, dans la période contemporaine, astreindre (impor)


l’administration à respecter les règles juridiques n’est plus un épi phénomène.
La démocratie institutionnelle et substantielle implique l’édiction de normes
visant à protéger les particuliers.

Avant d’aller plus loin, il convient d’une part de faire des précisions
sémantiques en essayant d’appréhender l’administration (I) et le droit
administratif (II). D’autre part, seront abordées les mutations du droit
administratif (III) et les spécificités relatives au droit administratif africain (IV)


I : L’ADMINISTRATION

La notion d’administration est inhérente à toute société organisée.


L’administration se rapporte à un organe (A) et à une activité (B).

A- La présentation organique de l’administration

L’administration est constituée d’un ensemble qui évoque les structures, les
services, les agents, les biens et les actes ayant pour finalité la satisfaction des
besoins d’intérêt général.

L’administration publique est composée de fonctionnaires (position statutaire)


tandis que l’administration privée se situe dans un lien contractuel.

Classiquement, l’Etat constitue le support de l’administration parce qu’il est le


siège des intérêts convergents. L’Etat, sous cet angle, a le monopole de l’intérêt
public. Il a la compétence des compétences au bénéfice des usagers du service
public.

Les relations entre les agents de l’administration s’exercent en termes de


hiérarchie, de subordination et de pouvoir d’instruction ; les biens demeurent
soumis à la domanialité et les actes empreints d’unilatéralité. Cette conception
organique et étroite de l’administration correspond à l’âge d’or du droit
administratif. Aucune institution ne peut se substituer à l’administration d’Etat.

La massification de la demande sociale et économique pousse cependant la


puissance publique à déléguer les tâches de service public : on assiste alors à
l’éclatement organique de l’Etat.

A côté de l’administration centrale émerge de façon abondante/foisonnante les


collectivités territoriales (10587 actes pour 599 collectivités), des établissements
publics, des entreprises publiques, des AAI (ARMP, ARTP), des agences, des
personnes morales de droit privé investies d’une mission de service public.


Cette prolifération des autorités administratives pose de véritable difficulté de
catégorisation juridique.

Le débat aujourd’hui tourne autour de la rationalisation des structures


administratives. En réponse en ce phénomène, a été adoptée entre autres la loi
d’orientation n°2009-20 du 4 mai 2009 sur les Agences d’exécution.

La loi 2016-10 du 05 avril 2016 portant révision de la Constitution indique à


ce titre que les Commissions permanentes de l’Assemblée nationale ont la
faculté d’entendre les directeurs généraux des établissements publics, des
sociétés nationales et des agences d’exécution. Au même moment, le Haut
conseil des collectivités territoriales est créé.

En France, l’actualité est marquée par la loi 2017-55 du 20 janvier 2017 qui
fixe le statut général des AAI.

Au plan externe, l’administration devient transnationale avec l’apparition d’une


fonction publique communautaire.

Malgré le caractère hétérogène des structures administratives, elles ont un


dénominateur commun lorsque l’on s’intéresse à leur fonctionnement, à leur
finalité.

B- La présentation fonctionnelle de l’administration

Au plan fonctionnel, administrer signifie diriger, gérer, manager, encadrer les


affaires de la cité.

Dans la pensée libérale (âge d’or du droit administratif), l’administration a des


fonctions régaliennes (armée, justice, monnaie) ; c’est le sens de l’arrêt du CE
du 29 mars 1901 CASANOVA (Recevabilité du recours d’un contribuable
contre une délibération du conseil municipal intéressant les finances de la
commune).


Dans la pensée interventionniste, l’administration, en plus de ses fonctions
classiques, est motrice de l’économie.

Quelle que soit l’époque considérée, la fonction administrative est particulière à


plusieurs niveaux.

• Fonction administrative et action des particuliers

L’activité administrative, basée sur l’intérêt générale, est différente de celle des
personnes privées sous-tendue par le profit.

L’administration assume des besoins d’intérêts communs et


collectifs. Dans cette mesure, la règlementation de la vie des
• Fonction administrative et autres activités publiques
individus implique des actes de commandement, des
prescriptions, des comportements interdits et de sanctions
aménagées.

On exige, pour ces raisons, que les tâches administratives


soient enrôlées de gratuité, d’égalité et de plus en plus de
performance, de transparence et de publicité.

La distinction repose sur la séparation des pouvoirs. La fonction


administrative est logée dans la fonction exécutive et se différencie des
activités législatives et juridictionnelles. Le législateur édicte les règles
générales les plus essentielles, l’administration a vocation à les traduire en
actes concrets.


L’autorité administrative doit se confiner en une stricte application de ce qui a
été définie par les dépositaires de la souveraineté. Le fondamental est du
domaine de la loi, l’accessoire de celui de l’autorité administrative. La loi met
en cause ; l’administration met en œuvre.

Théoriquement, l’administration ne peut pas, par le biais de l’interprétation ou


sous le prétexte d’exécuter la loi, s’écarter de la volonté du Parlement. Le juge,
« bouche de la loi », tranche le litige.

On sait bien cependant que les juridictions sont des administrations. Pendant
longtemps d’ailleurs en France, les fonctionnaires avaient pour rôle de trancher
les litiges administratifs. En réalité, la dichotomie entre les trois pouvoirs est
purement didactique. Il est admis aujourd’hui que les juges puissent édicter des
règles dans bien des contentieux du droit public (Principes généraux du droit
administratif, principes à valeur constitutionnelle, réserve d’interprétation etc.).
A l’inverse, il arrive que l’administration joue le rôle de juridiction (conseil de
discipline et AAI).

L’administration identifiée, il convient maintenant de saisir ce qu’est le droit


administratif.

II : LE DROIT ADMINISTRATIF

Les Ecoles de pensée se sont affrontées pour appréhender le droit administratif


entrainant des variantes dans les définitions (A). Ses différentes approches
n’excluent pas des convergences (B).

C- Les variantes dans la définition du droit administratif

Le droit administratif ne fait pas l’objet d’une conceptualisation unanime. La


définition est controversée et discutée.


Avec la doctrine de la puissance publique de Maurice HAURIOU,
les moyens utilisés par l’administration doivent être pris en
compte dans toute définition du droit administratif. Ainsi, la
discipline désigne des règles propres à l’administration avec des
procédés de puissance publique; l’administration « affirme
publiquement le droit tel qu’elle entend l’exécuter ».

A une époque moins lointaine, le doyen Georges VEDEL, contrairement


à Charles EISENMANN, considérait que ce qui fonde le « régime
administratif » ou la particularité des règles administratives est la
Constitution. L’auteur indique que la Constitution est la base
nécessaire des règles dont l’ensemble compose le droit administratif.

Il conclut : le droit administratif est l’ensemble « des activités du


gouvernement et des autorités décentralisées étrangères à la conduite des
relations internationales et aux rapports entre les pouvoirs publics et
s’exerçant sous un régime de puissance publique ».

Ces divergences conceptuelles n’excluent pas des rapprochements.

D- Les constantes dans la définition du droit administratif

Nonobstant la diversité des conceptions, le caractère spécial et exorbitant du


droit administratif n’est pas contestable. Il est un droit d’exception, dérogatoire
au droit commun, qu’on ne trouve pas dans les rapports de particulier à
particulier selon les termes du célèbre arrêt Blanco. A ce titre, le législateur
sénégalais, codifiant la jurisprudence française, considère que l’exorbitance du


droit administratif se manifeste par une utilisation des procédés de gestion
publique.

L’exorbitance du droit administratif peut revêtir deux sens. D’une part elle
évoque les privilèges, les prérogatives dont bénéficient les autorités
administratives marquant l’inégalité de situation qui existe entre la puissance
publique et les particuliers. Elle s’analyse ainsi en des faveurs accordées à la
puissance publique dans la satisfaction des besoins d’intérêt général :

• Privilège de juridiction ;

• Absence de voie d’exécution forcée ;

• Présomption de légalité donnée aux actes administratif s;

• Pouvoir de modifier de façon unilatérale les contrat s;

• Possibilité pour les personnes publiques d’étendre leur patrimoine


foncier par le procédé de l’expropriation ou encore de refuser le
paiement par compensation.

D’autre part, l’exorbitance du droit administratif renvoie à des sujétions, des


contraintes particulières qui pèsent sur les collectivités publiques:

• interdiction faite à l’administration de recourir à l’arbitrage;


• d’être jugée par les tribunaux ordinaires;
• obligation pesant sur elle d’assurer la continuité du service public;
• d’organiser un concours pour recruter ses agents;
• de passer un appel d’offre pour contracter.

L’exorbitance emporte l’autonomie et le caractère jurisprudentiel du droit


administratif.

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Les juridictions administratives ont, devant la carence du législateur, déterminé
elles même les notions fondamentales (faute, contrat, agent) et les principes
déterminants (lois du service public, la technique du REP, la non rétroactivité
des actes administratifs). Le juge administratif a progressivement forgé des
règles spécifiques applicables à l’administration.

Ses actions du droit administratif connaissent bien des inflexions aujourd’hui.

III : LES MUTATIONS DU DROIT ADMINISTRATIF

Le droit administratif a « contre lui l’ère du temps » (Prosper WEIL). Le


procès qu’on lui a dressé est peu enthousiaste à tel enseigne que la matière serait
dans une sorte de décadence ou de crépuscule entrainant une double mutation :
celle des sources (A) et des procédés de l’action administrative (B).

A- La mutation des sources

Il existe aujourd'hui une constitutionnalisation des différentes matières


juridiques et en particulier du droit administratif.

On note, à ce titre, l'amplification des sources constitutionnelles dans le paysage


administratif : intégration du préambule dans le bloc de constitutionnalité,
avènement des juridictions constitutionnelles autonomes (années 90), accès au
juge constitutionnel élargi (exception d'inconstitutionnalité, recours
d'EMPARO) pour contrôler l'activité administrative.

En fait, les constitutions modernes demeurent prolixes sur les questions de droit
administratif.

Au Sénégal, la loi 2016-10 du 05 avril 2016 portant révision de la Constitution


précitée a enrichi les droits économiques et sociaux: droit à un environnement
sain, obligation pour l'administration de garantir l'accès aux ressources
naturelles et de les gérer de façon transparente. De même, de nouvelles

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obligations sont imposées aux citoyens (préserver l'environnement, payer les
impôts, respect des droits d'autrui, protéger le domaine public, lutter contre la
corruption); tandis que l'ordre public est étendu à l'écologie.

Les juridictions constitutionnelles doivent garantir la protection des droits et


libertés fondamentaux face à la puissance administrative.

La règlementation supranationale est devenue une véritable source du droit


administratif. Il n'existe pratiquement pas de secteur administratif qui échappe
à la règlementation internationale. Il en est ainsi des services publics, des
contrats administratifs ou encore du contrat administratif.

Le droit communautaire réduit fondamentalement les prérogatives exorbitantes.

La construction d'un marché commun n'est pas forcément compatible à


l'existence dans les Etats membres d'un droit d'exception, dérogatoire au droit
commun.

Le droit communautaire impacte également les procédés administratifs.

• Mutation des procédés administratifs

Il faut relater le recul et le reflux de l'unilatéralité rythmé d'insertion des


modèles de droit privé au sein de l'administration.

L'accroissement du droit privé dans les activités administratives s'est renforcé


par une forme de contractualisation des rapports entre la puissance publique et
les tiers. La puissance publique devient moins impérative. L'Etat cherche des
collaborateurs dans l'exécution des missions de service public dans un contexte
de crise financière. La consécration des contrats administratifs, de partenariat
public-privé illustre parfaitement cette évolution (loi 2014-09 du 20 février
2014 dite loi CET).

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La privatisation du droit administratif implique l'externalisation des services
publics.

Les transformations du droit administratif évoquées plus haut sont presque


partagées par tous les Etats. Tout de même, les spécificités nationales ne sont
pas totalement anéanties (aniquilar/destruir).

VI: SPECIFICITES DU DROIT ADMINSITRATIF AFRICAIN

Aux premières heures des indépendances, les Etats africains de tradition


juridique française se sont inspirés de la métropole pour assoir un droit
administratif national dont les origines remontent de la colonisation. Cependant,
il est possible de relever deux traits de particularisme liés à la codification (A) et
à l’unité de juridiction (B).

A- La codification du droit administratif africain

Le macro-mimétisme c'est-à-dire la reprise des concepts (service public,


contrat administratif, acte administratif unilatéral, agent public, domaine public,
etc.) et des techniques juridiques (caractère inégalitaire de droit administratif,
théorie de la responsabilité, du REP) issues du droit français n’est pas absolu.
Contrairement au modèle français, le droit administratif africain est
fortement écrit. Cela découle d’une option de politique juridique en rapport
avec le contexte africain. Au Sénégal, il faut noter l’existence d’un COA (loi
65-51) qui codifie pour l’essentiel la jurisprudence administrative française en
matière de contrat et de responsabilité. Le caractère écrit du droit africain est
renforcé aujourd’hui par la législation communautaire. Ainsi, de
nombreuses Directives impactent l’organisation et le fonctionnement des
administrations. Le Sénégal a opté aussi pour un système d’unité de
juridiction.

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B- L’unité de juridiction

Il existe un seul ordre de juridiction avec des juges compétents en toute matière.
Un tel système présente des vertus telles que la simplicité des procédures
(absence de question préjudicielle) et l’économie des moyens financiers.

L’unité de juridiction ne fait pas disparaitre toutefois le caractère


dérogatoire du droit administratif.

Il est à signaler que certains Etats africains tendent vers la dualité de


juridiction : Mali, Burkina Faso, RDC, Gabon, Cameroun.

Au demeurant, on constate que le droit administratif est évolutif. Il ne constitue


pas une discipline statique mais dynamique. Les transformations que la matière
a subies ne signifient pas disparition du caractère exorbitant qui a fait sa fortune.

Au contraire, il est possible de se demander si ce n’est pas le droit administratif,


loin d’un déclin aussi annoncé, qui s’adapte aux transformations de l’Etat et aux
exigences de la modernité.

L’étude de l’action administrative (1ère Partie) et des procédés de contrôle de la


puissance publique (2ème Partie) reflète ses interrogations et questionnements.

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PREMIERE PARTIE : L’ACTION DE L’ADMINISTRATION

La puissance publique est investie d’une mission d’intérêt


commun. L’administration assure des tâches de prestations
(santé, éducation, sport etc…) et de prescriptions (interdiction,
sanctions, expropriations, police administrative). Elle utilise
dans ses mesures des prérogatives de puissance publique. Ses
privilèges accordés à l’administration s’exercent dans le cadre
de la légalité même dans des périodes exceptionnelles.

L’idée de normes plus large que la légalité exprime mieux la diversification des
règles qui sou tendent l’action de l’administration.

Il convient de voir ainsi le cadre normatif de l’action administrative (chapitre 1)


avant d’examiner ses procédés proprement dits (chapitre 2).

Chapitre 1 : Le cadre normatif de l’action administrative

Il faut entendre par cadre normatif les supports formels et


matériels qui régissent l’action administrative. Classiquement, la
jurisprudence a joué un rôle déterminant en posant les bornes
qui limitent la puissance de l’administration.

Dans la période moderne, on assiste à un bouleversement du cadre normatif.


D’une part, les sources constitutionnelles se renouvèlent. D’autre part, le
libéralisme et la mondialisation des économies ont tendance à purger les sources
nationales.

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Il faut étudier alors le cadre normatif interne (section 1) et externe (section 2) de
l’action administrative. Enfin seront abordés les tempéraments apportés au
cadre normatif (section 3).

Section 1 : Le cadre normatif interne

Pour l’essentiel, les sources du droit administratif sont identiques à celles du


droit public général. Elles se caractérisent par leur hétérogénéité et font
intervenir les textes, la jurisprudence et même bien des branches du droit privé.
On peut distinguer ainsi les sources constitutionnelles (paragraphe 1) des
sources infra-constitutionnelles (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les sources constitutionnelles

Il s’agit du texte constitutionnel (A) et de la jurisprudence constitutionnelle (B).

A- Le texte constitutionnel

La Constitution est la source directe et


indirecte de toutes les compétences et
procédures dans l’ordre administratif.

Le texte constitutionnel renvoie au préambule et le corpus.

Le préambule est une sorte de prélude. Il contient deux séries de droit


constitutionnel. La première catégorie évoque les droits et libertés de la
première génération appelés aussi droits civils et politiques (droit de). Ils sont
proclamés depuis la Déclaration de 1789. Il s’agit de la protection de la
propriété privée (voir art.2 et 17 de la Déclaration) ; la protection de la liberté
(elle implique l’abstention de l’Etat) et le respect de l’égalité.

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Les droits et libertés de la seconde génération apparaissent avec le préambule
de la Constitution de 1946. Ce sont les droit économiques et sociaux (droit
créance- droit à). A titre d’illustration, on peut citer : la participation des
travailleurs à la détermination des conditions de travail, le droit à l’emploi, droit
à l’éducation, droit de grève.

Au Sénégal, les droits économiques et sociaux ont été consacrés dès 1959 avant
d’être enrichis dans la Constitution révisée (loi 2016-10 du 5 avril 2016 portant
révision de la Constitution).

Le préambule contient donc des droits et libertés opposables à l’administration.

Le texte constitutionnel proprement dit secrète des règles


applicables à l’administration. Il existe beaucoup de dispositions de
la Constitution qui s’intéressent à la matière administrative.
n Sur les libertés et droits fondamentaux, voir articles 1, 7, 10, 25 ;

n Sur les compétences et procédures administratives, voir les articles 42,
43, 52, 57, 67, 92, 102.

C’est donc la constitution dans son ensemble qui constitue une


source de la légalité administrative. Tout acte administratif
qui méconnait une disposition de la constitution encourt
l’annulation directement (voir CS, 16 février 1974, affaire
Abdourahmane CISSE : interdiction d’une publication de
journal) ; affaire COMICA, CE 22 avril 2004 c/Ministère des
finances et de l’énergie.

Le juge constitutionnel doit défendre ses principes posés dans la


constitution.

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B- La jurisprudence constitutionnelle

Elle a une double finalité : garantir le respect de la répartition des


compétences entre les autorités législatives et les autorités
administratives ; défendre les libertés proclamées dans la
constitution.


Le juge sénégalais est exigeant dans le respect ou le contrôle des compétences
établies. Dès 1960, il avait posé que le législateur ne peut déléguer les
prérogatives qu’il tient de la constitution. On considère que lorsque l’organe
parlementaire n’épuise pas sa compétence, il y’a transfert du pouvoir législatif
au profit de l’autorité administrative (voir Décision n°1/C 2005 du 12 févier
2005 loi d’amnistie : ici, le juge constitutionnel considère qu’en « laissant au
pouvoir règlementaire la compétence pour prendre les mesures
individuelles de réintégration » suite à une loi d’amnistie, le législateur a
exercé, contrairement à l’argument des requérants, pleinement sa compétence).
Voir dans le même sens Arrêt du 3 mai 1962 (choc entre les autorités
administratives et législatives concernant les taxes parafiscales); Arrêt du 25
juillet 1967.

En second lieu, il appartient au juge constitutionnel d’imposer à


l’administration le respect des droits inscrits dans la constitution. Au Sénégal,
cette protection des droits est assurée par le mécanisme de l’exception
d’inconstitutionnalité. Dans la Décision du 3 juin 1996 (exception
d’inconstitutionnalité de la loi du 2 juillet 1976 relative à l’expropriation pour
cause d’utilité publique), le juge rappelle que le droit de propriété ne peut être
atteint qu’en cas de nécessité légalement constatée.

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Dans la Décision du 18 juillet 2013, le CC sénégalais a déclaré non contraire à
la constitution l’article 8 de la loi 69-64 du 30 octobre 1969 relative au Statut du
personnel des Douanes.

On peut citer aussi la Décision n°1/C 2014 du 13 mars 2014 (exception


d’inconstitutionnalité des lois 81-53 sur la répression de l’enrichissement illicite
et 81-54 portant création de la CREI.

On peut citer enfin la Décision n°1/C 2015 du 2 mars 2015 (exception


d’inconstitutionnalité de l’accord du 22 août 2012 entre la République du
Sénégal et l’UA).

Au demeurant, les normes constitutionnelles dont le respect s’impose à


l’administration se sont enrichies (élargissement du bloc de constitutionnalité).
Ce qui implique une prudence et rigueur de la part de l’administrateur lorsqu’il
est amené à poser des actes. Les sources constitutionnelles n’épuisent pas
cependant le bloc de la légalité administrative.

Paragraphe 2 : Les sources infra constitutionnelles

Elles sont nombreuses et variées. Ses sources peuvent provenir de


l’administration (acte administratif unilatéral, contrat administratif) ou
extérieures à elle (lois, jurisprudence du juge administratif ou du juge judiciaire,
traités).

On essayera ici de distinguer les sources textuelles (A) des sources


jurisprudentielles (B).

A- Les sources textuelles


1- Les sources législatives
n Les lois organiques

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Il faut rappeler que la loi est un acte de commandement à caractère général et
impersonnel. Les lois organiques prolongent les dispositions de la constitution.
Leur vocation est de définir le statut des organes constitutionnels ou de
régir des matières considérées fondamentales. C’est pourquoi elles sont
adoptées à la majorité absolue des membres composant l’assemblée nationale et
subissent un contrôle obligatoire de conformité à la constitution (voir Décision
n°3/C 2017 du 9 janvier 2017, loi organique sur la Cour suprême). On peut citer
loi organique 2012-28 du 28 décembre 2012 portant organisation et
fonctionnement du CESE ; loi organique 2016-23 du 14 juillet 2016 relative au
Conseil constitutionnel.

La loi organique en vertu de la pyramide de


Hans KELSEN sert de base normative aux
autres lois.

n Les autres catégories de lois

Il s’agit fondamentalement de la loi ordinaire qui peut avoir une finalité


générale ou spécialisée. La loi ordinaire sert de base juridique à l’action
administrative parce qu’elle indique à l’administration les prescriptions
qui doivent guider son action quotidienne.

La loi ordinaire permet, en effet, de neutraliser les potentiels vices de


l’égalité interne et externe qui peuvent entrainer l’annulation des
actes administratifs. Elle ne doit pas être prolixe, bavarde, floue,
ambigüe. La loi ordinaire ne doit pas souffrir de teneur normatif.


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On peut citer la loi 90-07 du 26 juin 1990 relative à l’organisation et au contrôle
des entreprises du secteur parapublic et au contrôle des personnes morales de
droit privé bénéficiant du contrôle financier de la puissance publique, la loi 94-
63 du 22 août 1994 sur les prix, la concurrence et le contentieux économique.

2- Les sources administratives

Elles sont produites par les autorités de l’administration et peuvent être


distinguées en source règlementaire et non règlementaire.

La technicité de la matière administrative et les lenteurs de la procédure


législative ordinaire justifient l’ampleur de la source règlementaire.

Le pouvoir règlementaire est une compétence nationale partagée par le PR et le


PM. Dans la pratique, ce pouvoir reste déconcentré et décentralisé dans son
exercice.

La source administrative peut être ici un règlement d’exécution (règlement


subordonné) ou un règlement autonome.

Les sources non règlementaires peuvent avoir une portée générale (circulaires
et notes de service) ou individuelle (nomination, autorisation, affectation).

Il faut citer enfin dans cette liste des sources non règlementaires les
contrats.

On constate le caractère hétérogène des sources infra-législatives. Leur


effectivité reste garantie par les juges administratives et judiciaires.

B : Les sources jurisprudentielles

- La jurisprudence du juge administratif

Elle est déterminante en raison de


l’absence de codification générale du
droit administratif. 21


Le juge administratif a élaboré le « noyau dur » des règles administratives. C’est
dans ce cadre qu’il faut inscrire les PG du droit administratif. Le PG du droit
administratif traduisent « une conception de l’homme et du monde » Jean
WALINE. Ce sont des normes créées par le juge, sou tendu par un fond
éthique à partir de la tradition républicaine et des textes en vigueur. Ainsi,
de façon naturelle, on considère qu’une sanction ne peut être infligée sans
respect des droits de la défense. Dans l’arrêt du 23/09/2015, Bouré et autres
c/ Etat du Sénégal, la CS censure la décision du Ministre de l’éducation
nationale portant annulation des admissions de 690 élèves maitres au concours
de recrutement pour non-respect entre autres des droits de la défense.

Dans la liste des PGD, il est interdit que les actes administratifs soient
rétroactifs (principe de non rétroactivité). Les administrés doivent avoir aussi la
possibilité de contester les décisions administratives (le REP est ouvert sans
texte).

Les PGD dégagés par le juge administratif s’imposent à l’administration


même sans texte.

Les principes généraux du droit sont des règles non écrites de portée générale,
dégagées par la jurisprudence, qui s'appliquent même en l'absence de texte et
dont la violation est considérée comme une violation de la règle de droit.

Les principes généraux du droit sont dégagés par les juges à partir de l'état du
droit existant.

Les actes administratifs contraires aux PGD sont


annulés ; les dommages qui en résultent engagent la
responsabilité de l’administration. Les PGD ont une
valeur supra décrétale et infra législative.


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- La jurisprudence du juge judiciaire

Il existe deux hypothèses classiques où l’administration se voit appliquer les


règles du droit privé par le juge judiciaire.

En premier lieu, l’application du droit privé peut découler des dispositions


législatives ou règlementaires. Plusieurs textes attribuent en effet une nature
de droit privé à des contrats conclus par les autorités administratives.

Déjà, le COA indique que les contrats conclus par l’administration sont de droit
privé sauf s’ils ont un caractère administratif. Dans ce cadre, l’article 1er du
décret 74- 347 du 12 avril 1974 relative aux agents non fonctionnaires pose que
ces derniers sont régis par des contrats de travail.

Le contentieux des entreprises publiques selon la loi 98-07 est de la


compétence des juridictions de droit privé. Ainsi, le juge judiciaire sénégalais
déclare que certains licenciements sont abusifs lorsqu’ils n’ont pas de motifs
valables (TRHCD 2 mai 1988, Malick FATIMA MANGANE c/ Etat du
Sénégal) ; qu’un travailleur ne peut rester 22 mois sans salaire (TRHCD 2 juillet
2002 Ndèye MBAYE DIENG c/ Conseil supérieur de l’industrie) ; que la prime
d’ancienneté est un avantage pour le salarié (CA de Dakar 6 avril 1999 Mbaye
FALL c/ Etat du Sénégal).

En dehors des agents non fonctionnaires, les administrations, pour des raisons
de souplesse administrative, empruntent volontairement la formule contractuelle
de droit privé (TPI, 31 mars 1982, Atayic c/ Etat du Sénégal).

De même, certains régimes de responsabilité demeurent dans le champ de


compétence du juge judiciaire. Il en est ainsi de la responsabilité du fait des
véhicules administratifs ou celle provoquée par les membres de
l’enseignement public (voir articles 142 à 148 du COA).

23


En second, l’application du droit privé à l’administration peut résulter de
la jurisprudence.

C’est le cas lorsque l’administration


assume des activités industrielles et
commerciales. C’est la théorie de la
gestion privée.


Ainsi, précise le juge judiciaire sénégalais, lorsqu’un établissement public est
transformé en une société anonyme à participation publique majoritaire, celle-ci
est mal fondée à invoquer le bénéfice de l’immunité d’exécution (TRHCD,
ordonnance du 13 novembre 2013, Centre expérimental de recherche et d’étude
pour l’équipement).

Dans le même ordre d’idées, en cas de voie de fait, le


droit privé est appliqué à l’administration à titre de
sanctions. La voie de fait est un comportement
déraisonnable qui porte atteinte à une liberté individuelle
ou qui aboutit à l’extinction d’un droit de propriété (voir
TC 17 juin 2013 arrêt BERGOEND). Au Sénégal, voir arrêt n°74
du 18 juillet 2007 C. Cass Commune de Dakar c/ Mamadou
Issa SARR).


En réalité, la pertinence de la distinction des compétences judiciaires et
administratives est discutable. L’essentiel se situe dans la défense des droits
atteints. C’est tout l’enjeu du droit administratif contemporain dominé par la
subjectivation (sujets). L’étude des sources externes de la légalité reflète
parfaitement cette dynamique.

24


Section 2 : Le cadre normatif externe

Classiquement, le droit public était sous tendu par une conception centralisatrice
de la diffusion de la norme. Cela signifie que ce modèle a « horreur du pluriel »
entendu au sens de diversification des espaces de décisions.

Aujourd’hui, la globalisation des économies ainsi que le libéralisme impacte


l’organisation et le fonctionnement des administrations publiques africaines
entrainant une approche du droit sous forme de réseau. Les chartes
fondamentales confèrent d’ailleurs aux traités une prépondérance sur toutes les
normes infra constitutionnelles.

Il faut étudier l’autorité des traités à l’égard de l’administration (paragraphe 1)


avant d’apprécier les influences ou impacts qu’ils produisent dans l’ordre
interne administrative.

Paragraphe 1 : L’autorité des traités à l’égard de l’administration

L’opposabilité et l’applicabilité des traités varient selon que l’on se situe dans le
cadre du droit international général (A) ou communautaire (B).

A- L’autorité des traités issus du droit international général

Il s’agit des traités qui proviennent de la Convention de Vienne sur le droit des
traités du 23 juin 1969. La régulation normative des relations internationales
repose fondamentalement sur le traité. Défini comme un « accord
international conclu par écrit et régi par le droit international, qu’il soit
consigné dans un instrument unique ou dans deux ou plusieurs instruments
connexes et quelle que soit sa dénomination particulière ».

Aux termes de la Constitution sénégalaise, les traités ratifiés ont,


dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois sous
réserve de réciprocité.
25


La Convention de Vienne indique que la ratification est l’acte par lequel un
Etat exprime son consentement à être lié. De même, l’entrée en vigueur du
traité suppose qu’il soit publié par décret au JO. Dans l’affaire Séga Seck
FALL (CS 29 janv. 1975), le juge a pu considérer que la convention de l’OIT
devrait être écartée parce que non publiée. Dans l’affaire HABRE, le requérant
avait soutenu que le décret 2013-212 du 30 janvier 2013 était dépourvu de base
légale pour avoir été pris alors que l’accord du 22 août 2012 n’était pas en
vigueur. Faute de publication selon le requérant de la loi de ratification, l’article
96 de la Constitution est violée.

La réciprocité concerne en principe tous les traités sauf ceux relatifs à la


protection de la personne humaine qui s’appliquent indépendamment de
l’attitude de l’autre partie. A défaut de réciprocité, les autorités nationales ne
sont pas tenues de respecter les dispositions du traité.

Lorsque ces trois conditions sont réunies, un acte de l’administration qui viole
le traité est annulé.

Il faut signaler par ailleurs que certains traités ont une valeur constitutionnelle
parce que visés dans le préambule.

Le fondement de cette constitutionnalisation du droit internationale est


compréhensible parce que les traités accordent de plus en plus des droits aux
individus et imposent des obligations aux administrations.

Dans l’espace communautaire, cette exigence de protection des droits


fondamentaux est solide. Le droit communautaire subit la logique du self-
exécutive ; il est intégré de plein droit dans l’ordre interne sans une formule
spéciale d’introduction. Son autorité n’est pas alors discutable.

26


B- L’autorité des traités issus du droit communautaire

Le droit communautaire ne peut plus être occulté dans un enseignement de droit


administratif. On note une multiplication des espaces de production des normes
communautaires et une juridictionnalisation de l’intégration par l’institution de
cour chargée de veiller à l’application de ses textes à portée supra nationale.

Le droit communautaire (primaire ou dérivé) désigne les règles applicables aux


organes de la communauté. Il renvoie aussi à la règlementation produite par les
organismes d’intégration. Il faut ajouter à ces définitions organiques et
matérielles une conception fonctionnelle de la matière qui s’intéresse à l’activité
contentieuse des juridictions communautaires. Ainsi, la cour de justice de la
CEDEAO a rendu depuis 2004 114 arrêts ; la cour africaine de l’est a rendu
depuis 2005 135 décisions ; la cour de justice de la CEMAC 105 décisions
depuis 2001 ; la cour de justice de l’UEMOA a rendu depuis 1996 50 arrêts.

L’autorité des sources communautaires est plus


forte dans l’ordre juridique national parce que les
transferts de souveraineté sont plus réels, plus
consistant.

Cette autorité repose sur deux piliers fondamentaux :

Le principe de primauté du droit communautaire : ce


principe signifie que la règle communautaire est prioritaire sur
toute norme nationale.

Dans l’avis n°2/2003 du 18/03/2003 CJ UEMOA (demande d’avis de la


Commission de l’UEMOA), la cour a considéré que la primauté s’exerce
« en l’encontre de toutes les normes nationales, administratives,

27


législatives, juridictionnelles et même constitutionnelles ». De même la
cour affirme aussi que la primauté « bénéficie à toutes les normes
communautaires, primaires comme dérivées immédiatement
applicables ou non » parce que l’ordre juridique communautaire
l’emporte dans son intégralité sur les ordres juridiques nationaux.
La CCJA a abondé dans le même sens que la CJ de l’UEMOA (voir avis
du 13 octobre 1998 ; avis du 30 avril 2001 : demande de la Côte
d’ivoire sur la primauté du droit communautaire ; voir aussi article 10
du Traité OHADA et article 6 Traité UEMOA).

Le principe de l’effet direct : il signifie que la norme


communautaire adoptée et publiée au JO de la Communauté n’a
pas besoin de formalisme national supplémentaire pour produire
des effets dans l’ordre juridique interne des Etats membres.
L’effet direct entraine une sorte d’immédiateté et d’automaticité
dans l’application de la règlementation communautaire.

Pour les Règlements, l’article 43 du Traité de l’UEMOA indique :

Les règlements sont directement


applicables dans les Etats membres.

Quant aux Directives qui donnent une marge de manœuvre aux Etats

28


Les directives nécessitent des mesures
d’incorporation pour produire des effets de droit à
l’égard des particuliers. Toutefois, une Directive
non encore transposée peut être invoquée si
le délai de transposition est expiré.

Les règles d’applicabilité des sources internationales étant connues, il importe


maintenant de voir leur influence sur le droit administratif national.

Paragraphe 2 : L’impact des sources externes

« Ou bien la communauté est pour les particuliers une séduisante mais lointaine
abstraction intéressant seulement les gouvernements qui leur appliquent
discrétionnairement les règles; ou bien elle est pour eux une réalité effective et
par conséquent créatrice de droit » Robert LECOURT, L’Europe des juges,
Bruxelles, 1976, page 248.

Le droit communautaire a la particularité de conférer directement des droits


aux ressortissants de la communauté. Les règles communautaires assoient une
forte protection des libertés économiques (A) et des droits de l’homme (B).

A- La protection des libertés économiques ou la soumission de


l’administration aux standards du marché

Le droit communautaire promeut la création d’un environnement favorable à


l’entreprise dans un contexte de mondialisation et d’ouverture des économies à
la concurrence. Il tend à dé-publiciser les règles applicables à l’administration.
Les règles communautaires sous ce rapport posent les grandes libertés

29


économiques : libre circulation des marchandises, des personnes, libre
prestation de service, libre circulation des capitaux.

Dans ces conditions, l’administration est appréhendée en une unité économique


ayant les statuts de « commerçant » (droit OHADA) et d' « entreprise »
(UEMOA, CEDEAO, CEMAC). Les standards du marché reposent ainsi sur
trois paradigmes essentiels. La concurrence évoque d’abord la
règlementation. Elle repose sur l’égalité de traitement entre les opérateurs
publics et privés. Tout procédé visant à remettre en cause le libre jeu de la
concurrence reste interdit (voir Règlement n° II 2002/CM/UEMOA relatif aux
pratiques anticoncurrentielles à l’intérieur de l’UEMOA).

Ensuite on peut remarquer l’immixtion croissante dans le domaine des


contrats d’administration. L’avènement des Directives de l’UEMOA (2005-
2005) fait du droit communautaire la source formelle importante des contrats
administratifs. Le recul des privilèges administratifs apparait par exemple au
moment de l’exécution des contrats. Le pouvoir de modification unilatérale est
fortement limité (avenants, clauses de stabilité).

Enfin, on note le dessaisissement de la juridiction administrative en qu’à de


contentieux. Les tares (formalisme, éloignement des tribunaux, faiblesse du
taux des décisions, lenteur des décisions de justice) de la justice
administrative n’ont pas laissé indifférent les auteurs de l’intégration.

L’article 2 de l’AU sur le droit d’arbitrage de l’OHADA ouvre la


possibilité de soumettre des litiges administratifs à l’arbitrage. En cas
d’arbitrage, l’administration ne peut plus invoquer son privilège de
juridiction.

30


Des recours sont institués par ailleurs pour sanctionner la violation du droit
communautaire. Il peut s’agir de recours directs (recours en manquement,
recours en annulation, en indemnité et en responsabilité) ou de recours
indirects (renvoi préjudiciel: 5 renvois actuellement).

La sauvegarde des libertés économiques est renforcée par la protection des


droits de l’homme. Pourtant cette dernière ne constituait pas l’un des premiers
objectifs de l’intégration.

B- La protection des droits de l’homme ou des droits fondamentaux

Dans l’ordre juridique interne, les sources internationales du droit administratif


posent le principe d’une forte protection des droits fondamentaux. Les titulaires
des droits fondamentaux sont les individus et l’Etat en est le débiteur. Au plan
formel, les droits fondamentaux sont consacrés par des textes supérieurs à
la loi (traité et constitution). Au plan matériel, les droits fondamentaux sont
protégés par les juridictions instituées à cet effet.

Deux éléments caractérisent la protection des droits fondamentaux des


citoyens contre l’autorité administrative. On observe en premier lieu
l’abondance du dispositif textuel. Ses textes peuvent avoir une vocation
universelle ou régionale (déclaration universelle des droits de l’homme, pacte
supplémentaire du 16 décembre 1966, charte africaine des droits de l’homme,
protocole de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance). En
second lieu, les juridictions peuvent être saisies pour constater la violation d’un
droit fondamental sans formalisme particulier. Dans l’ordre communautaire,
l’article 10 du Protocole additionnel du 19 janvier 2005 relatif à la Cour de
justice de la CEDEAO indique que toute personne victime de violation de
droits de l’homme peut saisir cette haute juridiction (voir affaire du 27
octobre 2008 : Dame Hadijatou Mani KORAOU c/ République du Niger ; voir
affaire Ebrimah Manneh c/République de Gambie du 05 juin 2008).

31


Au demeurant, on constate l’importance qualitative et quantitative des sources
internationales du droit administratif. Cependant, l’application mécanique de la
légalité peut conduire à une paralysie de l’action administrative ; d’où les
tempéraments à elle aménagés.

Section 3 : Le cadre normatif tempéré

Il y’a des moments où « il faut mettre un voile sur la liberté comme on


cache les statuts des dieux » Montesquieu. Les exigences de la liberté
« doivent-elles être identiques en toute circonstance et en toute matière ? ». Une
réponse négative s’impose évidemment pour deux raisons au moins.

Le cadre normatif, en raison d’évènements imprévus, peut être momentanément


tempéré (paragraphe 1).

En second lieu, pour des motifs d’ordre pratique (insuffisance normative de la


loi) ; le cadre normatif peut être matériellement tempéré.

Paragraphe 1 : Le cadre normatif momentanément tempéré

Cet enjeu de prévention des troubles à l’ordre public est atténué en période de
crise. Pour l’essentiel, le principe de légalité est tempéré dans sa rigueur du fait
des textes (A) ou de la jurisprudence (B).

A- La légalité de crise organisée par les textes

Lorsque la sécurité et la tranquillité des personnes restent compromises, la


soumission de l’administration au droit est assouplie. Le constituant sénégalais
prévoit une extension des pouvoirs du Président de la République (art.52) dans
deux conditions :

- d’une part lorsqu’il existe une menace grave et immédiate pour les
Institutions, l’indépendance, l’intégrité du territoire ou l’exécution des
engagements internationaux ;

32


- d’autre part, quand on assiste à une interruption du fonctionnement
régulier des pouvoirs publics.

Ici, le PR dispose de prérogatives exorbitantes et les mesures qu’il prend


échappent à tout contrôle (CE français, 2 mars 1962 Rubin de SERVENS).

En dehors de ces régimes spécifiques, il est à mentionner les régimes de l’état


de siège et de l’état d’urgence (loi n°69-29 du 29 avril 1969).

L’état de siège est décrété en conseil des ministres en cas de


péril imminent (guerre, insurrection à main armée). Au-delà de 12
jours, l’état de siège est prolongé par une loi.

L’état d’urgence résulte d’une atteinte grave à l’ordre public et


de menées subversives qui déstabilisent la sécurité intérieure.

Dans les deux cas, la légalité est modifiée.


L’état de siège transfère les compétences de police administrative à l’autorité
militaire avec des pouvoirs de police exceptionnels (perquisition de jour et de
nuit, éloignement des non-résidents, compétence des services militaires pour
connaitre des infractions dévolues normalement à l’autorité civile, opération
d’arme et de munitions, interdiction de publication etc….).

En réalité, les effets de l’état d’urgence sont beaucoup plus rigoureux que
ceux de siège. Il n’existe pas de régime militaire mais les pouvoirs de l’autorité
administrative sont d’une extrême densité faisant douter de leur conformité à la
constitution.

33


Dans les zones ou l’état d’urgence est déclaré, il devient possible
de restreindre la liberté de circulation, de contrôler la presse et
l’audiovisuel, de fermer les spectacles, de procéder à l’assignation
à résidence des suspects (voir article 11 de la loi du 20 novembre
2015 relative à l’état d’urgence en France).

La légalité de crise organisée par la jurisprudence s’inscrit dans le même ordre


d’idées.

B- La légalité de crise organisée par la jurisprudence

Il s’agit ici de la théorie dite des circonstances exceptionnelles; elle est une
invention purement prétorienne (CE 28 juin 1918 Heyries).

Les circonstances exceptionnelles selon le juge impliquent une


situation grave et imprévue mettant l’administration dans
l’impossibilité d’agir légalement.

Dans l’arrêt Heyries, le juge autorise le gouvernement à suspendre par décret


l’application de la loi du 22 avril 1905 relative à la communication du dossier
(en cas de sanction disciplinaire).

Dans l’arrêt Dames Dol et Laurent (CE 28 février 1919), le juge admet la
régularité d’une mesure d’interdiction de la prostitution.

Les règles de répartition des compétences entre les autorités publiques peuvent
être écartées (CE, 5 mars 1948, Marion: théorie des fonctionnaires de fait).

34


Il faut signaler cependant que la légalité ne disparait pas. Le juge
contrôle au moins la réalité des circonstances et la proportionnalité
des mesures prises. Si les circonstances disparaissent, la légalité
normale est restaurée.


Les circonstances de droit et les circonstances de temps autorisent donc des
dérogations à la règle de droit. Il faut inscrire dans les mêmes termes les
atténuations matérielles apportées au principe de la légalité.

Paragraphe 2 : le cadre normatif matériellement tempéré

Indépendamment du facteur temps, il existe des actes qui échappent à la rigueur


du principe de la légalité. La jurisprudence a admis aussi la possibilité
d’exclure certains actes supposés être politiques du champ de contrôle du
juge administratif.

Les tempéraments matériels au principe de la légalité se manifestent alors par le


pouvoir discrétionnaire (A) et les actes de gouvernement (B).

A- Les actes discrétionnaires

Le pouvoir discrétionnaire étudie l’étendue de la marge de


manœuvre dont disposent les autorités administratives lorsqu’elles
procèdent à la satisfaction des besoins d’intérêt collectif.

Le pouvoir discrétionnaire est indispensable à la gestion souple des services


publics parce qu’il pallie les risques de paralysie de l’action administrative. Le
pouvoir discrétionnaire s’oppose donc à la compétence liée.

35


Le pouvoir discrétionnaire confère à l’administrateur deux formes de liberté

D’une part, il lui donne la faculté de choisir le moment de sa


décision. D’autre part, le pouvoir discrétionnaire permet à
l’administration de définir le contenu de la décision ; d’agir
dans un sens ou dans l’autre ; de prendre ou de ne pas
prendre la décision : les agents publics peuvent être déplacés en
raison des nécessités du service que le supérieur hiérarchique
apprécie librement. Il appartient aussi à l’administration de choisir
la sanction applicable à un fonctionnaire fautif.


Pendant longtemps, le juge refusait tout contrôle du pouvoir discrétionnaire de
l’administration. A partir de 1993, le juge sénégalais va infléchir sa
jurisprudence avec l’erreur manifeste d’appréciation (agissement
déraisonnable et grossier de l’administration). La Cour suprême du Sénégal
annule dans ce cadre la décision du 13 mai 2008 du Ministre de la fonction
publique, du travail, de l’emploi et des organisations professionnelles ayant
autorisé le licenciement de Salif DIAGNE pour erreur manifeste d’appréciation
(rixe entre deux travailleurs ayant entrainé le licenciement automatique du
nommé DIAGNE). A l’inverse, le juge considère dans l’affaire Sidya BAYO
(CS, 13 janvier 2015) qu’il n’y avait pas erreur manifeste d’appréciation.

L’autre tempérament au principe de la légalité est constitué par la théorie des


actes de gouvernement.

B- La théorie des actes de gouvernements

Les actes de gouvernement échappent au contrôle du juge administratif. Même


s’ils émanent d’autorités administratives, ils ne sont pas administratifs par

36


nature. Ainsi, les soumettre au contentieux objectif ou subjectif serait une
ingérence dans les affaires gouvernementales.

Les actes de gouvernement bénéficient donc d’une immunité


juridictionnelle.

Cette
immunité juridictionnelle en France est levée depuis l’arrêt Prince

Napoléon (1875 : refus d’inscription sur la liste des généraux).

Les actes de gouvernement concernent deux domaines :

- Les rapports entre les pouvoirs constitutionnels (exécutif, législatif et


judiciaire). Ex : décision de recourir à l’article 16 de la Constitution
française, d’initier une révision constitutionnelle, décret soumettant une
décision au référendum, décision de nommer un membre du Conseil
constitutionnel ;
- Les actes qui se rapportent aux relations internationales. Ex :
élaboration et signature des traités, décision de participer à une guerre.
Le juge sénégalais a hérité la théorie des actes de gouvernement (voir CE
du Sénégal 4 janvier 2001 PS et URD / Etat du Sénégal ; voir CS, arrêt du
6 septembre 2012,

On constate au demeurant que le principe de la légalité traduit une certaine


conception que la société se fait de l’état de droit.

Cependant, une constante demeure, l’action


administrative ne peut s’affranchir de la
normativité des règles juridiques.

37


Les exigences de la légalité varient en effet en fonction du temps, des matières
et des valeurs républicaines.

Il faut étudier alors les procédés par lesquels l’administration assure les besoins
sociaux pour vérifier l’aphorisme.

CHAPITRE II : LES PROCEDES DE L’ACTION ADMINISTRATIVE

et d’autre part, les finalités ou procédés qui constituent sa raison d’être. Il faut
étudier les moyens juridiques (section I) et les missions de l’administration
(section II).

Section I : les moyens juridiques de l’administration

L’administration peut s’appuyer sur deux leviers (alavanca). Elle peut intervenir
de façon unilatérale et autoritaire, c’est la décision administrative ou l’acte
administratif unilatéral (paragraphe 1). Il peut arriver que l’administration
demande le consentement des sujets de droit. Même dans cette hypothèse, les
prérogatives de puissance publique subsistent, on s’intéresse au contrat
administratif.

Paragraphe 1 : La décision administrative ou l’acte administratif unilatéral

Si l’accord de volonté est la règle dans les rapports entre particuliers, ils
constituent une exception en droit administratif à travers les critères de
l’administratif (A) et son régime juridique (B).

A- Les critères de l’acte administratif unilatéral

L’acte administratif peut être défini selon un critère organique, matériel et


fonctionnel.

Au plan organique, l’acte administratif unilatéral a un caractère public en ce


sens, de par son auteur, il se distingue de l’acte de droit privé.

38


L’acte administratif est un acte public particulier ; il est celui d’une autorité
administrative ou manifeste une fonction administrative.

L’acte administratif doit être distingué des actes des assemblées délibérantes et
ceux des organes juridictionnels. Les premiers concernent fondamentalement la
vie intérieure de certaines institutions ; les seconds supposent l’existence d’un
litige à trancher. Ces actes sont exclus du champ de la définition parce qu’ils ne
révèlent pas une fonction administrative.

Cependant, tous les actes de l’administration ne sont pas administratifs d’où les
recours au critère matériel qui se fonde sur le contenu de la décision.

L’acte administratif modifie l’ordonnancement juridique par le seul effet


de a volonté de l’administration.

Il change la vie des individus, donc les sujets de droit. Le


changement des droits des individus peut résulter d’une mesure
additive (ajouts à la règlementation) ou annihilant dans le sens
d’amoindrir quantitativement ou qualitativement la règle de droit
(abrogation, retrait). L’administration peut agir de manière
favorable (nomination) ou défavorable (retrait d’une
autorisation, sanction disciplinaire, suppression d’une bourse.

Suivant cette approche, certains actes provenant des autorités


administratives n’ont pas le qualificatif d’acte administratif. Les circulaires
rentrent dans ce cadre. Aux termes de la jurisprudence, la circulaire présente les
caractéristiques suivantes : on ne peut l’attaquer par la voie de l’excès de
pouvoir ni l’invoquer dans un recours en annulation.

Le particulier ne peut revendiquer devant le juge soit le bénéfice, soit


la violation, soit encore l’illégalité d’une circulaire. Ex : 1978, arrêt
PDS. Il faut ajouter à cette liste les mesures préparatoires telles que
les avis.
39


Enfin, l’acte administratif peut être défini de façon fonctionnelle. Dans cette
hypothèse, il reflète l’existence de prérogatives de puissance publique et est
soumis au contentieux du juge administratif. Le rôle d’imposition en constitue
une parfaite illustration. Le rôle bénéficie des privilèges du préalable et de
l’exécution d’office.

Au demeurant, un acte administratif constitue une mesure édictée


par une autorité administrative qui modifie l’ordonnancement
juridique tout en exprimant des prérogatives de puissance publique.

La notion d’acte administratif précisée, il convient maintenant d’aborder son


régime juridique.

B- Le régime juridique de l’acte administratif unilatéral

Il correspond aux règles de conception et d’application de l’acte administratif


unilatéral.

L’élaboration d’une décision exécutoire implique de connaitre les


règles de compétence, de procédure, de forme, de délai, celles
relatives au but, au motif et à l’objet de l’acte. Dans la
systématisation doctrinale, il est établi une distinction entre la
légalité externe (instrumentum: compétence, règle de
procédure, forme et délai) et la légalité interne (négocium :
but, objet, motif, « opportunité »). La compétence est le
premier moyen de légalité externe découvert par le juge.

40


Nouveau cadre harmonisé des finances publiques :

Performance :

• (Déconcentration de l’ordonnancement, budget programme pluriannuel,


fongibilité des crédits etc.…)

Transparence :

• (Débat d’orientation budgétaire, déclaration de patrimoine, sincérité du


budget).

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