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UNIVERSITÉ CHEIKH ANTA DIOP DE DAKAR

FACULTÉ DES SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES (FSJP)

ÉCOLE DOCTORALE SCIENCES JURIDIQUES, POLITIQUES,


ÉCONOMIQUES ET DE GESTION

LABORATOIRE DES ÉTUDES JURIDIQUES ET POLITIQUES

Année : 2019 N° d'ordre : 000308

THÈSE
En vue de l’obtention du
DOCTORAT UNIQUE
Formation doctorale : État
Présentée par : Mamadou DIANGAR

LE RÉGIME JURIDIQUE DU DOMAINE PUBLIC DE L’ÉTAT AU SÉNÉGAL.

Soutenue le 19 janvier 2019 devant le jury composé de :

Président : Ibrahima LY, Agrégé des facultés de droit en droit public et science politique,
Professeur titulaire à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Sénégal).

Rapporteurs : Ndèye Madjiguène DIAGNE, Agrégé des facultés de droit en droit public et
science politique, Maître de conférences à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Sénégal).

Mouhamadou Moustapha AÏDARA, Agrégé des facultés de droit en droit public, Maître de
conférences à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis (Sénégal).

Urbain NGAMPIO OBÉLÉ-BÉLÉ, Maître de conférences à l’Université d’Aix en Provence


(France).

Directeur de thèse : Demba SY, Agrégé des facultés en droit public et science politique,
Professeur titulaire à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Sénégal).
« L’université n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans
cette thèse. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur. »

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À la mémoire de mon père.

À la mémoire de ma mère.

Reposez en paix au Paradis.

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Dédicaces

Je dédie ce travail à :

 Mon père, Coly DIANGAR, tu as été enlevé à notre affection au moment où je faisais
mes premiers pas à l’école. Tout le mérite te revient.
 Ma mère, Mata SARR, ce travail lui doit tout. Aucun mot ne peut l’exprimer, à moins
de minorer l’importance qu’elle a eue dans ma vie.
 Ma famille.
 Mon épouse, Adama DIOME, pour sa patience et sa compréhension. Merci pour tes
conseils et tes encouragements.

 Mes enfants, Fatimata et Mouhamed Boubacar, pour leur avoir privé de l’affection
qu’ils auraient due recevoir d’un père pris par les contraintes de la recherche.

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Remerciements

Je tiens d’abord à exprimer ma profonde reconnaissance au Pr Demba SY pour avoir dirigé


ce travail. Son soutien, sa disponibilité, sa rigueur, ses conseils m’ont permis de le mener à
bien.

Mes remerciements s’adressent également aux membres du jury qui m’ont fait l’honneur
d’accepter de lire et d’évaluer ce travail.

Mes remerciements sont aussi destinés aux collègues qui ont bien volontiers accepté de relire
des passages de mon étude, leurs conseils et leurs critiques n’ont été qu’enrichissement.

Enfin, je remercie toutes les personnes qui, de loin ou de près, ont contribué à
l’accomplissement de ce travail.

Page iv
PRINCIPALES ABRÉVIATIONS

AA : Annales Africaines
AATR : Agence Autonome des Travaux Routiers

AGEROUTE : Agence des Travaux et de Gestion des Routes

AJCT : Actualité Juridique des Collectivités Territoriales

AJDA : Actualité Juridique de Droit Administratif

ANIREF : Agence Nationale d’Intermédiation et de Régulation Foncière

AOF : Afrique Occidentale Française

APIX : Agence pour la Promotion des Investissements

ARTP : Agence de Régulation des Télécommunications et des Postes

ASERJ : Association Sénégalaise d’Études et de Recherches Juridiques

BJCP : Bulletin Juridique des Contrats Publics

BRGM : Bureau de Recherches Géologiques et Minières

CA : Cour d’Appel

CAA : Cour Administratif d’Appel

CCJA : Cour Commune de Justice et d’Arbitrage

CE : Conseil d’État

CEDEAO : Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest

CEJG : Cahiers Juridiques de l’Électricité et du Gaz

CET : Contrat de Construction-Exploitation-Transfert d’infrastructures

Page v
CGPPP : Code général de la propriété des personnes publiques

CMP : Contrat et Marché Public

COA : Code des Obligations de l’Administration

COCC : Code des Obligations Civiles et Commerciales

CREDILA : Centre de Recherche, d’Étude et de Documentation sur les Institutions


et les Législations Africaines
CS : Cour Suprême

D. : Dalloz

Dr. Ad. : Revue de Droit Administratif

EDJA : Éditions Juridiques Africaines

ERSUMA : École Régionale Supérieure de la Magistrature

FERA : Fonds d’Entretien Routier Autonome

GAJA : Grands Arrêts de la Jurisprudence Administrative

GDDAB : Grandes Décisions du Droit Administratif des Biens

GDJAS : Grandes Décisions de la Jurisprudence Administrative Sénégalaise

JCP : Juris-Classeur Périodique

JO : Journal Officiel

JOAOF : Journal Officiel de l’Afrique Occidentale Française

JORA : Journal Officiel de la République d’Algérie

JORF : Journal Officiel de la République de France

JORS : Journal Officiel de la République du Sénégal

LGDJ : Librairie Générale de Droit Public et de Science Politique

Page vi
LPA : Les Petites Affiches

MTP : Moniteur des Travaux Publics

MTP : Moniteur des Travaux Publics

NEA : Nouvelles Éditions Africaines

OFOR : Office des Forages Ruraux

OHADA : Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires

ONAS : Office Nationale de l’Assainissement du Sénégal

ONGL : Organe National de Gestion du Littoral

PAD : Port Autonome de Dakar

PERA : Programme d’Entretien Routier Annuel

PPP : Partenariat public-privé

PUF : Presse Universitaire Française

RDI : Revue de Droit Immobilier

RDP : Revue de Droit Public et de Science Politique

Rec. Leb. : Recueil Lebon

Rec.Cons. d’Ét. : Recueil du Conseil d’État

RFDA : Revue Française de Droit Administratif

RIPAS : Revue des Institutions Politiques et Administratives du Sénégal

RJE : Revue Juridique de l’Environnement

RSD : Revue Sénégalaise de Droit

RRJ : Revue de la Recherche Juridique

Page vii
SAPCO : Société d’Aménagement et de Promotion de la Petite Côte

SENELEC : Société Nationale d’Électricité

SIPPEREC : Syndicat Intercommunal de la Périphérie de Paris pour l’Électricité et


le Gaz

SONES : Société Nationale des Eaux du Sénégal

SONATEL : Société Nationale des Télécommunications

SN PAD : Société Nationale du Port Autonome de Dakar

TPI : Tribunal de Première Instance

TR Hors Classe : Tribunal Régional Hors Classe

UCAD : Université Cheikh Anta Diop de Dakar

UEMOA : Union Économique et Monétaire Ouest Africain

UNESCO : Organisation des Nations Unies pour l’Éducation, la Science et la


Culture
Vol. : Volume

Page viii
Sommaire

PREMIÈRE PARTIE : LA PROTECTION RIGOUREUSE DU DOMAINE PUBLIC……………40

TITRE I : LA CONSÉCRATION D’INSTRUMENTS JURIDIQUES FORTEMENT


PROTECTEURS DE L’UTILITÉ PUBLIQUE DU DOMAINE PUBLIC………………..……...….41

CHAPITRE 1: L’ADOPTION DES PRINCIPES PROTECTEURS DE LA CONSISTANCE DU


DOMAINE PUBLIC………………………………………………………..…………….…..……...42

CHAPITRE 2 : L’INSTAURATION DE MESURES PROTECTRICES DE L’UTILISATION DU


DOMAINE PUBLIC……………………………………………………………………..…….….....98

TITRE II : LA MISE EN PLACE D’UNE PROTECTION RIGIDE DE L’INTÉGRITÉ PHYSIQUE


DU DOMAINE PUBLIC…………………………………………………….……………….……...147

CHAPITRE 1 : L’ÉDICTION DE MESURES PRÉVENTIVES AUX UTILISATIONS


MALVEILLANTES DU DOMAINE PUBLIC……………………………………….…….…...….148

CHAPITRE 2 : LA CONSÉCRATION D’UN RÉGIME REPRESSIF SÉVÈRE…………..….…...210

DEUXIÈME PARTIE : LA VALORISATION INSUFFISANTE DU DOMAINE


PUBLIC………………………………………………………………………………………….…..265

TITRE I : L’INFLÉCHISSEMENT DE LA LÉGISLATION DOMANIALE VERS UNE


EXPLOITATION ÉCONOMIQUE……………………………………………………………….…266

CHAPITRE 1 : L’ADMISSION D’UNE GESTION PATRIMONIALE DU DOMAINE PUBLIC . 267

CHAPITRE 2 : L’AMÉLIORATION PROGRESSIVE DE LA GESTION PATRIMONIALE.. ...... 308

TITRE II : L’INCOMPLÉTUDE DE LA MUTATION ÉCONOMIQUE DES RÈGLES


DOMANIALES……………………………………………………………………………………....382

CHAPITRE 1 : L’INSUFFISANCE DE LA SÉCURITÉ JURIDIQUE SUR LE DOMAINE


PUBLIC………………………………………………………………………………………………383

CHAPITRE 2 : LA DIFFICULTÉ DE FINANCEMENT EXTERNALISÉ DES


INVESTISSEMENTS SUR LE DOMAINE PUBLIC……………………………………………....440

Page ix
INTRODUCTION GÉNÉRALE

« Le droit a toujours eu pour fonction d’assurer


la stabilité et le progrès des sociétés qu’il régit
et il a toujours aidé à ce que l’on n’appelait pas
encore le développement1 ».
Les moyens matériels ou biens de l’État, de par leur consistance, « occupent une place
capitale dans le développement de l’action économique, sociale et culturelle d’un État2 ». Il
s’agit d’espaces naturels maritimes, fluviaux, de terrains nus et bâtis, de bâtiments et
équipements publics, des voies publiques et ferroviaires, des infrastructures portuaires et
aéroportuaires, des brevets, licences et fréquences hertziennes, des ressources du sol et du
sous-sol. Ces divers biens, appelés « domaine » de l’État, sont regroupés en deux masses : le
domaine public et le domaine privé3. Le mot « domaine » est dérivé du latin « dominium » qui
signifie « propriété ». Il est employé d’une manière générale pour désigner l’ensemble des
biens dont quelqu’un, personne publique ou privée, est titulaire ou assure la gestion.

Le domaine de l’État renvoie ainsi à l’ensemble des biens et droits mobiliers et


immobiliers qui appartiennent à l’État 4 . Leur classification en domaine public et domaine
privé se fonde essentiellement sur la finalité et les règles applicables à tel ou tel bien. Selon
Jean Baptiste Victor Proudhon, les biens qui ont une finalité d’intérêt général et soumis à des
règles exorbitantes du droit commun constituent le domaine public, tandis que les biens qui
ont une finalité patrimoniale et régis par le droit commun représentent le domaine privé5.

Le domaine public se singularise ainsi par rapport au domaine privé de l’État qui se
rapproche beaucoup plus de la propriété privée. Au demeurant, la modification en 1976 du
cadre juridique de l’époque coloniale qui régissait le domaine public de l’État l’a inscrit au
même titre que le domaine privé dans la perspective du développement du pays, déjà engagé
en matière foncière avec la loi sur le domaine national6. Ainsi, le domaine public, même s’il a
vocation à satisfaire l’intérêt général, est soumis à un régime juridique qui l’oriente vers la

1
M. Granger, Pour un droit du développement dans les pays sous-développés, in Dix ans de conférences
d’agrégation, Paris, Dalloz, 1961, p. 47.
2
J. Morand-Deviller, Droit administratif des biens, 7e éd., Paris, Montchrestien, 2012, p. 9.
3
A. de Laubadère, J.C Vénézia, Y. Gaudemet, Droit administratif, 16e éd., Paris, LGDJ, 1999, p. 350.
4
Voir article 2, alinéa 1 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JORS N° 4605 du
28 juillet 1976.
5
J.-B.-V. Proudhon, Traité du domaine public ou de la distinction des biens, tome 1, Dijon, Victor Lagier, 1833,
p. 240.
6
Ch. Lapeyre, « Aperçu de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État au Sénégal »,
Annales Africaines, 1976, p. 84.

Page 1
promotion du développement économique du pays. C’est cette double fonction que la
domanialité publique cherche à remplir qui sous-tend notre réflexion sur le régime juridique
du domaine public de l’État au Sénégal.

Avant d’annoncer la problématique de la recherche (IV), la méthode adoptée (V) et le


plan retenu (VI), il convient de préciser d’abord le contexte de l’étude (I), la définition des
termes du sujet (II) et son intérêt (III).

I / CONTEXTE DE L’ÉTUDE

Le système foncier au Sénégal se présente en trois ensembles législatifs correspondant


à trois formes d’emprises sur le sol sénégalais7. Il y a d’abord le domaine national qui est régi
par la loi n° 64-46 du 17 juin 1964 et qui regroupe un vaste espace de terres non
immatriculées appartenant à la Nation sénégalaise. Il y a ensuite le domaine de l’État qui est
prévu par la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 et qui est constitué de tous les biens et droits
mobiliers et immobiliers appartenant à l’État, répartis en domaine public et en domaine privé.
Il y a enfin le domaine des particuliers qui est règlementé par la loi n° 2011-07 du 30 mars
2011 et qui regroupe l’ensemble constitué par les titres fonciers des particuliers.

De ces trois domaines, le domaine de l’État en général et le domaine public en


particulier qui est un héritage colonial, a pris une nouvelle dimension qui mérite une attention
particulière. En effet, la domanialité publique est en constante évolution ; elle s’oriente et
s’adapte constamment à une valorisation optimale de la richesse que constitue le domaine
public. Au Sénégal, le législateur soulignait déjà au moment de l’adoption du code du
domaine de l’État que la règlementation coloniale qui régissait le domaine public8 n’était ni
mauvaise ni périmée et que ledit code vise à la modifier et à la mettre en harmonie avec les
nouvelles institutions et à l’adapter aux conditions actuelles9. Il s’agissait en effet de la prise
en compte des structures administratives du Sénégal indépendant dans la gestion des
dépendances domaniales et de l’orientation de ces dernières dans la dynamique du
développement déjà enclenchée en matière foncière. Pour les pouvoirs publics, le domaine

7
I. Ly, « Les pouvoirs de l’État dans la régularisation du système foncier en droit sénégalais », Annales
Africaines, Nouvelle série, Volume 2, décembre 2017, N°7, p. 3.
8
Jusqu’en 1976, le domaine public était régi au Sénégal par le décret du 29 septembre 1928 portant
règlementation du domaine public et des servitudes d’utilité publique en Afrique Occidentale Française
(JOAOF N° 1261 du 10 novembre 1928) et l’arrêté général du 24 novembre 1928 règlementant les conditions
d’application du décret du 29 septembre 1928 portant règlementation du domaine public et des servitudes
d’utilité publique en Afrique Occidentale Française (JOAOF N° 1264 du 1er décembre 1928).
9
Voir Exposé des motifs de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JORS N° 4605
du 28 juillet 1976.

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public doit être rentabilisé et servir au développement en ce sens qu’il est considéré comme
un outil de grande portée sociale et de progrès économique au même titre que le foncier10.

Si la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État tenait compte de
la nécessaire valorisation du domaine public, il faut souligner qu’elle a plus de quarante (40)
ans et n’a pas fait l’objet de modification majeure11. Or, elle a été adoptée dans un contexte de
transformation du modèle étatique et de globalisation du monde12. Nous avons constaté, de
plus en plus, un recul de l’interventionnisme étatique cédant la place aux entreprises privées
par de nombreuses privatisations et des dérèglementations de pans entiers du secteur
économique13. À cela s’ajoute le souci permanent de la rentabilité des activités de tous types,
marchandes ou non. Tout cela a eu des répercussions sur le droit administratif en général et le
droit administratif des biens en particulier.

C’est dans ce cadre qu’il faut ranger l’évolution progressive de la conception du


domaine public. D’un domaine public à conserver et à protéger parce que devant satisfaire à
l’intérêt général, il est passé à un domaine à rentabiliser et à tirer profit pour améliorer le
patrimoine de l’État et enrichir son budget14. Ainsi, « l’idée que le domaine public doit être
improductif ne constitue plus maintenant qu’une curiosité juridique 15 ». Il est considéré
comme une propriété exploitable pouvant constituer pour l’État un instrument de
développement économique. Le domaine public représente désormais un outil essentiel
d’appui aux politiques publiques. Au Sénégal, la réalisation actuelle de grands projets
d’infrastructures structurant (infrastructures de transports terrestre, maritime et aérien)
témoigne du poids économique du domaine public. Ces enjeux font apparaître d’autres qui
sont liés à la transparence et au traitement égalitaire des candidats potentiels à ces travaux,
aux droits des investisseurs sur les dépendances du domaine public, à la protection de

10
Ch. Lapeyre, « Aperçu de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État au Sénégal »,
op.cit., p. 84.
11
Il y a eu principalement en ce qui concerne le domaine public la réforme de 1985 qui a consisté à soustraire du
domaine public maritime certaines dépendances, notamment la mer territoriale et le plateau continental en
application de la convention de Montégo Bay sur le droit de la mer (loi n° 85-15 du 15 février 1985 abrogeant et
remplaçant l’article 5-a) de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JORS N° 5053 du
9 mars 1985).
12
J-B. Auby, « La bataille de San Romano, Réflexions sur les évolutions récentes du droit administratif », AJDA,
2001, p. 912.
13
H. Saugez, L’affectation des biens à l’utilité publique. Contribution à la théorie générale du domaine public,
Thèse, Université d’Orléans, 2012, p. 8.
14
J. Morand-Deviller, Droit administratif des biens, op.cit., p. 10.
15
R. Pelloux, La notion de domanialité publique depuis la fin de l’Ancien droit, Thèse, Grenoble, 1932, p. 126,
cité par C. Lavialle, « Des rapports entre la domanialité publique et le régime des fondations », RDP, 1990, p.
469.

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l’environnement et à l’urbanisme avec la création de pôles urbains et la nécessité de disposer
d’un cadre de vie sain.

Cette dimension économique a fait que la domanialité publique n’a plus seulement
pour finalité la protection de l’utilité publique du domaine public, elle a également pour
fonction sa valorisation. Ainsi, le domaine public doit, tout en préservant sa finalité première,
être utilisé comme un instrument d’enrichissement collectif, en vue de procurer à l’État des
ressources financières et favoriser le développement économique. C’est pourquoi le régime
juridique du domaine public doit être moins contraignant au nom de l’efficacité de gestion. La
règle de droit conçue pour protéger l’affectation peut être altérée dans le but soit d’accroître
les revenus issus du domaine, soit d’attirer un opérateur16. C’est ce qu’on a noté par exemple
en droit domanial français et algérien où les nouvelles législations ont réussi à altérer la
rigueur de la domanialité publique pour une valorisation optimale des dépendances
domaniales sans aboutir à une banalisation de ce régime en maintenant la protection de ces
dépendances contre les dilapidations, les gênes et les dégradations17.

Il apparaît ainsi, comme l’a écrit Catherine Mamontoff écrit, que « la domanialité
publique est un concept qu’il faut appréhender dans sa dimension économique. Ne pas en
tenir compte c’est refuser de voir une réalité, ce qui fausserait toute recherche 18 ». Cette
réflexion s’inscrit dans ce cadre au regard du paradoxe qui peut être constaté au Sénégal sur le
domaine public. Ce dernier constitue un domaine avec des enjeux énormes, mais il fait l’objet
d’une certaine banalisation. Nous assistons en effet à d’innombrables déclassements
injustifiés de dépendances du domaine public maritime, à des occupations anarchiques de ce
domaine, à des constructions fréquentes sur les zones non aedificandi, à l’encombrement
grandissant des voies et lieux publics. Toutes choses qui dénotent des légèretés dans la gestion
du domaine public au moment où il est appréhendé comme une richesse collective à préserver
et à exploiter de façon rationnelle. Il s’avère alors utile de se pencher sur ce domaine pour lui
donner une place de choix parmi les moyens matériels qui constituent le patrimoine de l’État
du Sénégal.

16
Ph. Godfrinn Préface à l’ouvrage de C. Mamontoff, Domaine public et entreprises privées : la domanialité
publique mise en péril par le marché, op.cit., p. 7.
17
Voir Ordonnance du 21 avril 2006 portant Code général de la propriété des personnes publiques, JORF du 22
avril 2006, www.legifrance.gouv.fr, consulté le 28 octobre 2013 ; loi n° 08-14 du 20 juillet 2008 modifiant et
complétant la loi n° 90-30 du 1er décembre 1990 portant loi domaniale, JORA N° 44 du 3 août 2008,
http://www.joradp.dz/JO2000/2008/044/FP9.pdf, consulté le 28 octobre 2013.
18
C. Mamontoff, Domaine public et entreprises privées : la domanialité publique mise en péril par le marché,
Paris, L’Harmattan, 2003, p. 53.

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II / DÉFINITION DES TERMES

La précision des termes en présence se fera à travers la définition du domaine public


par le législateur sénégalais (A) et la détermination du contenu du régime juridique de ce
domaine (B).

A / La définition légale du domaine public

Après avoir repris « la distinction traditionnelle du droit public français entre domaine
public et domaine privé19 », le législateur a défini le domaine public à travers la combinaison
de deux méthodes : une méthode conceptuelle (1) qu’il a ensuite complété par une méthode
énumérative (2).

1) Le choix de la méthode conceptuelle

Le législateur a donné une définition au domaine public qui est basée sur deux éléments :
l’appartenance du bien à l’État d’une part (a) et son impossibilité d’appropriation privée de
l’autre (b).

a- L’appartenance du domaine public à l’État

Le législateur sénégalais a d’abord consacré le critètre de l’appartenance des biens du


domaine public à une personne publique, qui est notamment l’État. Il a retenu dans la loi
domaniale que « le domaine public et le domaine privé de l’État s’entendent de tous les biens
et droits mobiliers et immobiliers qui appartiennent à l’État20 ». Le législateur fait ainsi du
premier élément d’identification d’un bien du domaine public son appartenance à la personne
publique étatique.

Avant cette consécration textuelle, la Cour d’Appel de Dakar a eu, dès le début des
indépendances, à décider implicitement que l’État du Sénégal est le propriétaire du domaine
public. En effet, il s’agissait d’une affaire engagée en 1958 dans laquelle l’État français
contestait la procédure d’immatriculation d’un terrain englobant une parcelle du domaine
public. Pour rejeter le recours, le juge d’appel a retenu que si l’action a pu être valablement
engagée par l’État français en 1958, il est certain qu’actuellement et en raison de l’accession
de la République du Sénégal à la pleine souveraineté, il n’a plus aucune qualité pour la
poursuivre. Le juge poursuit en soulignant qu’il est néanmoins constaté que cette action peut

19
A.-K. Boye, « Le régime foncier sénégalais », op.cit., p. 39.
20
Voir article 2, alinéa 1 de la loi 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.

Page 5
servir de base à l’intervention de l’État du Sénégal qui a effectivement qualité pour
l’exercer21. En décidant ainsi de l’affaire, la Cour d’Appel de Dakar indique que l’État du
Sénégal indépendant a acquis la propriété des biens qui constituent le domaine public et qu’il
lui revient d’exercer l’action en contestation de l’immatriculation d’une dépendance dudit
domaine. En conséquence, elle reconnaît indirectement l’appartenance du domaine public à
l’État.

À la lumière de ces considérations, l’État est la seule personne publique à disposer d’un
domaine public au Sénégal. La formule de l’alinéa 1 de l’article 2 de la loi n° 76-66 exclut
totalement les autres personnes publiques, à savoir les collectivités territoriales et les
établissements publics, auxquels il faut aujourd’hui ajouter les agences d’exécution22. Cette
formule reste fidèle à l’intitulé de la loi domaniale qui ne vise que l’État. À terme, l’État a une
mainmise totale sur l’ensemble des biens qui constituent le domaine public. Ce qui est
probablement dû à une volonté du pouvoir étatique de mieux contrôler et gérer ces biens
d’utilité publique. Ainsi, les autres personnes publiques au Sénégal ne sont pas propriétaires
d’un domaine public à la différence du Mali, du Togo ou de la France23. Elles ne bénéficient
que d’un pouvoir de gestion sur ledit domaine à travers le transfert de gestion que la personne
publique étatique propriétaire peut leur accorder24.

Toutefois, s’agissant des collectivités territoriales, la loi y afférent admet qu’elles peuvent
être propriétaires d’un domaine public. En effet, la loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013
dispose que « le domaine public et privé d’une collectivité [territoriale] se compose de biens
meubles et immeubles acquis à titre onéreux ou gratuit 25 ». La formule employée par le
législateur est lapidaire, mais elle fait ressortir l’appartenance d’un domaine public aux entités
décentralisées. La formule « le domaine public […] d’une collectivité territoriale […] »
désigne les biens propres à la collectivité locale qui sont différents de ceux sur lesquels elle ne
bénéficie que d’une délégation de compétence de la part de l’État à travers le transfert de

21
Voir CA de Dakar, 10 novembre 1961, El Hadj Amadou Lahssane Ndoye c/ Ministère des travaux publics
représentant l’État français, GDJAS, tome 1, 3e éd., RIPAS, 1987, pp. 250-252.
22
Depuis 2009, les agences d’exécution sont considérées comme des personnes morales de droit public (Voir
article premier, alinéa 1 de la loi d’orientation n° 2009-20 du 4 mai 2009 sur les agences d’exécution, JORS N°
6481 du 25 juillet 2009).
23
Voir article 1er de l’ordonnance n° 00-027/P-RM du 22 mars 2000 portant code domanial et foncier, disponible
sur : www.droit-afrique.com/.../Mali/Mali-Code-2000-domanial-et-foncier-MAJ-2002.pdf, consulté le 28
octobre 2013 ; article 13 de l’ordonnance n° 12.74 du 6 février 1974 fixant le régime foncier et domanial du
Togo, JO du 16 mars1974 ; article L.2111-1 de l’ordonnance du 21 avril 2006 portant Code général de la
propriété des personnes publiques, JORF du 22 avril 2006, www.legifrance.gouv.fr, consulté le 28 octobre 2013.
24
Voir article 10 de la loi 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.
25
Voir article 13, alinéa 1 de la loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 portant code général des collectivités
territoriales, JORS N° 6765 du 28 décembre 2013.

Page 6
gestion. Ainsi, les personnes publiques locales peuvent être propriétaires d’un domaine public
au Sénégal. Donc, l’article 13 du code général des collectivités territoriales consacre
l’existence d’un domaine des personnes publiques locales à côté du domaine de l’État.

Les modalités de constitution de ce domaine restent à déterminer puisque le législateur se


borne à indiquer qu’il peut être acquis à titre onéreux ou gratuit. En effet, si l’on sait qu’une
dépendance du domaine public est inaliénable, l’on se demande quelles sont ces dépendances
que les collectivités territoriales peuvent acquérir par achat ou par donation ? Ou bien le
législateur entend-t-il par acquisition à titre onéreux les biens acquis par les collectivités
territoriales sur investissements propres, et à titre gratuit les biens réalisés dans le cadre d’une
coopération ou ceux dont la gestion les a été transférée et mis à leur disposition gratuitement ?
Il faudrait donc que le législateur précise la composition de ce domaine public ainsi que ses
modes d’acquisition. La seule affirmation de l’article 13 est insuffisante ; elle doit être
complétée par une législation relative au domaine des collectivités territoriales.

Tout compte fait, le critère de l’appartenance du domaine public à une personne publique
est constant. Que cela procède d’un texte ou de textes spécifiques à des personnes publiques
déterminées, le domaine public reste la propriété d’une personne morale de droit public.
Ainsi, pour qu’un bien puisse être regardé comme constituant une dépendance du domaine
public, il doit appartenir à une personne publique. En conséquence, nous retenons que les
personnes publiques sont les seules à pouvoir être propriétaires d’un domaine public26.

Cette position implique qu’ « un particulier et plus généralement une personne privée ne
peuvent jamais être propriétaires de dépendances du domaine public27 ». Le droit domanial
sénégalais reprend ainsi l’exclusion des personnes privées à être propriétaire d’un domaine
public en application de la jurisprudence Chemin de fer Paris-Orléans du Conseil d’État
français 28 . Cette position a été réaffirmée de façon beaucoup plus récente par la Haute
juridiction administrative dans un avis où il retient, à propos de l’Agence France-Presse, que,
même si celle-ci exerce une activité d’intérêt général, elle reste une personne privée sui
generis qui ne peut être propriétaire d’un domaine public29.

26
J. C., « Seules les personnes publiques peuvent être propriétaires d’un domaine public (à propos du statut
juridique du siège de l’Agence France-Presse) », RFDA, n° 5, septembre-octobre 2004, p. 923.
27
Y. Gaudemet, Droit administratif des biens, 15ème éd., LGDJ, Paris, 2014, p. 73.
28
Voir CE, 13 janvier 1933, Chemin de fer de Paris-Orléan, D. 1934, p. 14 ; CE, 13 mai 1964,
Demoiselle Eberstock, Rec. Leb., p. 288 ; CE, 8 mai 1970, Société Nobel-Bozel, Rec. Leb., p. 312.
29
Voir CE, Ass., Avis, 10 juin 2004, RFDA, septembre/octobre 2004, p. 927.

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Il apparaît ainsi que c’est la qualité de personne privée qui est incompatible avec
l’appropriation d’un domaine public. L’exclusion réside dans l’élément organique, personne
privée, qui ne bénéficie pas d’une protection ou de prérogatives spécifiques comme l’est la
personne morale de droit public. Cette qualité ne s’accommode pas avec le domaine public.
Ainsi, une personne privée ne peut pas détenir un domaine public qui lui soit propre. C’est
pour cette raison qu’en France, la transformation d’un établissement public en société privée
entraîne le déclassement des biens de son domaine public puisque le propriétaire n’est plus
une personne publique30. Cette situation ne se présente pas au Sénégal en ce sens que les
établissements publics ne sont pas propriétaires d’un domaine public. Ils ne bénéficient que
d’un transfert de gestion de la part de l’État. Ainsi, leur transformation en personnes privées
n’a aucune incidence sur la nature du domaine public qu’ils gèrent ; ce dernier reste la
propriété de l’État et ne change pas.

L’impossibilité pour les personnes privées à être propriétaires d’un domaine public est de
nos jours confrontée à la problématique de la reconnaissance de droits réels sur le domaine
public. Cette dernière atténue la portée de cette exclusion. En effet, dans le cadre de ces droits
réels, il est reconnu à l’occupant privatif les prérogatives et obligations du propriétaire sur les
dépendances domaniales le temps que dure l’autorisation d’occupation privative 31 . Cela
revient à considérer que la personne privée bénéficiaire du droit réel acquiert la propriété de
biens du domaine public, notamment les biens de retour, pendant la durée de l’autorisation.
En effet, dans le cadre des biens mis à la disposition de l’occupant privatif, il y a une
distinction qui est faite entre les biens de retour (biens qui appartiennent au domaine public et
sur lesquels l’occupant exerce les attributs du propriétaire durant l’occupation et qui
reviennent automatique et gratuitement à la personne publique à la fin de l’autorisation), et les
biens de reprise (biens qui sont la propriété de l’occupant et qui ne font parties du domaine
public que s’ils sont repris par la personne publique à la fin de l’autorisation) et des biens
propres (biens qui appartiennent à l’occupant pendant et après l’autorisation d’occupation
privative). Ainsi, même s’il s’agit d’une appropriation temporaire, il apparaît qu’une personne
privée peut être propriétaire d’immeubles dépendant du domaine public (voir infra, p. 317 et

30
Voir loi n° 96-660 du 26 juillet 1996 relative à l'entreprise nationale France Télécom ; loi n° 2005-357 du 20
avril 2005 relative aux aéroports, www.legifrance.gouv.fr, consulté le 28 octobre 2013 ; Décision Conseil
constitutionnel, 23 juillet 1996, Rec., p. 107.
31
Voir article 15 de la loi n° 81-13 du 4 mars 1981 portant code de l’eau, JORS N° 4828 du 11 avril 1981 ;
article premier, alinéa 6 de la loi n° 92-63 du 22 décembre 1992 modifiant l’article 3 de la loi du 18 août 1987
autorisant la création de la Société Nationale du Port Autonome de Dakar, JORS N° 5505 du 30 janvier 1992 ;
article 6 de la loi n° 2014-09 du 20 février 2014 relative aux contrats de partenariat, JORS N° 6781 du 25 mars
2014.

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s). Ce qui constitue donc une remise en cause de l’appartenance du domaine public aux seules
personnes publiques.

Par ailleurs, le critère de l’appartenance du bien à l’État permet de distinguer le


domaine public avec ce que l’on appelle au Sénégal le domaine national. En effet, le domaine
national renvoie à « toutes les terres non classées dans le domaine public, non immatriculées
ou dont la propriété n’a pas été transcrite à la Conservation des hypothèques à la date
d’entrée en vigueur de la présente loi 32 ». Au regard de cette définition, le domaine national
regroupe un vaste espace de terres non appropriées, contrairement au domaine de l’État –
domaine public et domaine privé – qui est constitué de droits et de biens meubles ou
immeubles qui sont la propriété de l’État. Ainsi, là où le domaine de l’État regroupe un
domaine corporel (des immeubles) et un domaine incorporel (des droits), reconnus à la
personne publique étatique en tant que propriétaire, le domaine national n’est pas constitué de
« biens » mais de choses non appropriées33.

Ainsi, le domaine de l’État reste opposé au domaine national en ce sens que les biens
du domaine de l’État appartiennent à la personne publique étatique, alors que les terres du
domaine national ne sont pas sa propriété. En effet, la loi sur le domaine national dispose que
« l’État détient les terres du domaine national…34 ». Ainsi, sur la question de la propriété, «
le domaine de l’État est constitué de terres et terrains dont l’État est propriétaire, le domaine
national d’un espace non approprié35 ». L’État n’est donc pas le propriétaire des terres du
domaine national ; il en est le simple détenteur36. C’est la Nation qui en est le propriétaire37.
En conséquence, le domaine national rejette toute logique d’appropriation privée : ni l’État, ni
les personnes privées – physiques ou morales – ne peuvent y acquérir un droit de propriété.

Au total, au Sénégal, la première condition de la domanialité publique d’un bien et d’un


droit mobilier ou immobilier est son appartenance à une collectivité publique38, notamment

32
Voir article premier de la loi n° 64-46 du 17 juin 1964 relative au domaine national, JORS du 29 août 1964.
33
M. Cavérivière, « Incertitudes et devenir du droit foncier sénégalais », In: Revue internationale de droit
comparé. Vol. 38 N°1, Janvier-mars 1986, p. 95.
34
Voir Article 2 de la loi n°64-46 du 17 juillet 1964 relative au domaine national, JO préc.
35
M. Cavérivière et M. Débène, Le droit foncier sénégalais, Paris, Berger-Levrault, 1988, p. 126.
36
Voir à ce propos J. Chabas, « La propriété foncière en Afrique noire », Jurisclasseur civil, Annexes 1957, fasc.
17, p.54 ; V. Gasse, « Les régimes fonciers africains et malgaches : évolution depuis l’indépendance », L.G.D.J.
1971, p.39 ; M.N. Mbaye, « Les transactions immobilières au Sénégal », « De l’esprit du droit africain »,
Mélanges POUGOUE P. G., Paris, Wolters Kluwer, 2014.
37
A.S. Sidibé, « Domaine national, la loi et le projet de réforme » In : La Revue du Conseil Economique et
Social N° 2, Février-Avril 1997, p. 55-65.
38
J. Morand-Deviller, Cours de droit administratif des biens, 7e éd., Paris, Montchrestien, 2012, p. 30 ; Y.
Gaudemet, Droit administratif des biens, Paris, tome 2, 15e éd., Paris, LGDJ, 2014, p. 73.

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l’État. Le législateur a complété ce critère par un second, à savoir le critère de l’impossibilité
d’appropriation privée.

b- L’impossibilité d’appropriation privée du domaine public

Pour déterminer le domaine public dans la masse des biens et droits mobiliers et
immobiliers qui appartiennent à l’État, le législateur a retient que « ceux de ces biens qui, en
raison de leur nature ou de la destination qui leur est donnée, ne sont pas susceptibles
d’appropriation privée, constituent le domaine public39 ». Il ressort de cette disposition que
seuls les biens qui sont insusceptibles de faire l’objet d’une appropriation privée font parties
du domaine public. Le législateur fonde l’impossibilité d’appropriation privée sur deux
éléments : la nature ou la destination du bien.

D’une part, pour qu’un bien fasse partie du domaine public, il faut que par sa nature il soit
insusceptible d’appropriation privée. Le législateur vise ici les choses qui sont communes à la
collectivité humaine, c'est-à-dire celles qui font l’objet d’un usage commun et qui ne peuvent
appartenir, pour cette raison, à aucun particulier. Il s’agit des biens qui, de par leur
configuration naturelle, sont à la libre jouissance de tous. Ils représentent des « biens publics
communs 40 » qui ne sont pas susceptibles de propriété privée. Nous pouvons, à ce titre,
considérer que les biens visés sont ceux du domaine public naturel, à savoir le domaine public
maritime, le domaine public fluvial et l’espace aérien.

Le législateur sénégalais a codifié ici la théorie classique française de la nature du bien,


qui, du reste, correspond à la perception communautariste africaine de certains biens et de la
nécessité de les soustraire à la propriété individualiste (Voir infra, p. 14 et s). Cette théorie
s’appuie en effet sur le code civil français qui dispose qu’ « il est des choses qui
n’appartiennent à personne et dont l’usage est commun à tous41 ». Elle a été défendue par
Jean-Baptiste Victor Proudhon selon qui « le domaine public diffère essentiellement du
domaine de propriété puisqu’il ne s’applique qu’à des choses qui n’appartiennent
propriétairement à personne 42 ». Cet auteur a été soutenu dans sa thèse par Théophile
Ducrocq, Henri Berthélémy et autres.

39
Voir article 2, alinéa 2 de la loi 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.
40
J. Morand-Deviller, Cours de droit administratif des biens, op.cit., p. 13.
41
Voir article 714 de la loi du 21 mars 1804 portant code civil français, modifiée, www.legifrance.gouv.fr,
consulté le 28 octobre 2013.
42
J.-B.V. Proudhon, Traité du domaine public ou de la distinction des biens, Tome 1, Dijon, 1833, p. 269.

Page 10
D’autre part, le législateur fonde l’impossibilité d’appropriation privée sur la destination
du bien. Certains biens peuvent en effet ne pas être insusceptibles d’appropriation privée à
partir de leur nature. Dans ce cas, c’est leur destination qui permettra de les considérer
comme insusceptibles de propriété privée.

Le législateur reprend en ce sens le critère de l’affectation des biens. L’expression « la


destination qui leur est donnée » renvoie au critère de l’affectation à l’usage direct du public
ou au service public. En effet, l’affectation du bien est définie dans le vocabulaire juridique
de Gérard Cornu comme « la détermination d’une finalité particulière en vue de laquelle un
bien sera utilisé 43 ». Autrement dit, « affecter un bien, c’est lui conférer une certaine
destination : usage général du public, satisfaction d’un besoin d’intérêt général, bon
fonctionnement d’un service public [...] 44 ». Il ressort de cette définition une similutide entre
la destination d’un bien et l’affectation d’un bien. Car la destination s’appuie sur « la raison
d’être du bien45 ». Il s’agit du but, de l’usage attribué à un bien. En tant que bien du domaine
public, cette finalité correspond à l’utilité publique. Nous pouvons dès lors affirmer comme
l’a fait Hélène SAUGEZ que « l’affectation d’un bien renvoie immédiatement à la destination
donnée à celui-ci46 ». L’affectation comme la destination correspond à la détermination du but
assigné à un bien. Ainsi, « la formule reproduite [par le législateur sénégalais] repose
essentiellement sur l’idée d’affectation du bien considéré47 ». En retenant la destination du
bien, ce dernier fait allusion à l’affectation du bien à l’usage direct du public ou au service
public. Il utilise indistinctement les deux termes.

Pour s’en convaincre, il suffit de s’attarder sur certains articles du code du domaine de
l’État qui font état de cette affectation soit à l’usage direct du public, soit au service public.

Relativement à la destination à l’usage direct du public, le législateur la consacre à


l’article 20 du code du domaine de l’État en retenant ceci : « […] le droit d’usage qui
appartient à tous sur les parties de ce domaine affectées à l’usage de tous 48 ». Cette
disposition laisse apparaître que le domaine public est affecté à l’usage direct du public, donc
à l’usage collectif. Mais, pour Charles Lapeyre, l’idée d’affectation n’est affirmée qu’à titre

43
G. Cornu, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, PUF, édition, n° 9, 2011.
44
E. Fatöme, Le pouvoir de réglementer le domaine affecté à l’usage de tous, Thèse, Caen, 1972.
45
C. Klein, La police du domaine public, Thèse, Paris, L.G.D.J., 1966, p. 15.
46
H. Saugez, L’affectation des biens à l’utilité publique. Contribution à la théorie générale du domaine public,
Thèse, Orléans, 2012, p. 9.
47
J.-M. Breton, « Le domaine de l’État », in Encyclopédie Juridique de l’Afrique, tome 5, Droit des biens, NEA,
1985, p. 204.
48
Voir article 20 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.

Page 11
purement incident49. Pourtant, le législateur a clairement manifesté sa conception en faveur de
l’affectation du domaine public à l’usage de tous. En effet, si la destination du domaine public
n’était pas de servir à l’usage collectif, le législateur n’aurait certainement pas assujetti les
occupations privatives des dépendances domaniales à l’obtention d’une autorisation
administrative préalable. Il est évident que c’est pour préserver l’usage auquel le domaine
public est destiné, c’est à dire l’usage de tous, que l’article 20 du code du domaine de l’État
trouve toute sa pertinence.

L’affectation des dépendances du domaine public au service public, quant à elle, se


manifeste dans l’énumération des biens du domaine public artificiel. L’affectation au service
public y apparait lorsque le législateur inclut dans le domaine public les ouvrages militaires de
défense terrestre, maritime ou aérienne avec leurs dépendances et zones de protection, les
voies de communication, les ouvrages nécessaires à la navigation aérienne, les réseaux
publics construits pour la distribution de l’eau ou de l’information50. Ces biens, qui occupent
une place essentielle dans les services publics institués dans ces domaines, correspondent aux
biens affectés au service public. C’est donc de façon indirecte que le législateur renvoie ici à
l’affectation des biens du domaine public au service public.

En conséquence, même si le législateur n’a pas expressément retenu le terme « affectation


du bien à l’usage direct du public ou au service public », il faut reconnaître que le contenu de
l’article 2, combiné aux articles 6 et 20 du code du domaine de l’État, répond
incontestablement à ce critère. Ainsi, l’idée que « le Sénégal reste très en retrait de la
jurisprudence française en ne reprenant à son compte ni la notion d’affectation ni même celle
de la mise à la disposition du public ou d’un service public51 » ne convainc pas. La lecture
globale du code du domaine de l’État permet de constater que le critère de l’affectation, qui a
été conceptualisé par la doctrine française52 et consacré par la jurisprudence53 pour servir de
critère déterminant de définition du domaine public, n’a pas été ignoré par le législateur
sénégalais. Le faire serait en réalité occulter au domaine public sa nécessité sociale, sa raison
d’être, c'est-à-dire son utilité publique.

49
Ch. Lapeyre, « Aperçu de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État au Sénégal », AA
1976, p. 102.
50
Voir article 6 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.
51
J.-M. Breton, « Le domaine de l’État », op.cit., p. 204.
52
Les professeurs Jèze, Hauriou, Duguit et autres qui ont rejeté la théorie de la nature du bien ont défendu la
théorie de l’affectation. Ils ont fait de ce critère l’élément central de la domanialité publique (Duguit, Traité de
Droit constitutionnel, 3e éd., tome 3, pp. 344-405 ; Hauriou, Précis de Droit administratif, 11e éd., p. 660).
53
Voir C.E. 28 juin 1935, Marécar, RDP 1935, p 590 ; C.E. 19 octobre 1956, Société Le Béton, RDP 1957, p.
316 ; C.E. 11 mai 1959, Dauphin, D. 1959, p 314 ; C.E. 22 avril 1960, Berthier, RDP 1960, p. 1223.

Page 12
Par ailleurs, de la même manière que la thèse de Proudhon a été critiquée par une
partie de la doctrine française54, le critère de l’impossibilité d’appropriation privée du bien
consacré par le législateur sénégalais a été également fortement critiqué par des doctrinaires
français qui se sont intéressés au droit domanial sénégalais. En effet, Charles Lapeyre et
François Borella, en partant de l’idée de Gaston Jèze selon laquelle « il n’existe pas de choses
ou en tout cas de biens qui ne puissent pas faire l’objet d’une appropriation par l’homme55 »,
ont retenu que la définition proposée par le législateur sénégalais n’est pas scientifiquement
fondée. Pour François Borella, « la définition du domaine public en Afrique occidentale
actuellement n’est pas satisfaisante et il serait souhaitable que la question soit reprise par les
législateurs nationaux dans le sens de la jurisprudence actuelle du Conseil d’État
français56 ». De son côté, Charles Lapeyre est d’avis que « le code sénégalais, en reprenant
l’idée selon laquelle le fondement de la domanialité publique repose sur l’impossibilité
d’appropriation privée, nous propose une définition qui n’est pas, elle non plus,
scientifiquement acceptable57 ».

Tous ces auteurs estiment que l’impossibilité d’appropriation privée ne peut servir de
fondement à la définition du domaine public. Celle-ci est, selon Charles Lapeyre, rejetée par
la doctrine et abandonnée par la jurisprudence française car il n’existe pas de biens qui ne
puissent être appropriés privativement58. L’essentiel de leur analyse repose sur le décalage qui
existe entre la définition sénégalaise et celle retenue en droit français. Charles Lapeyre pose
d’ailleurs la question de savoir : « pourquoi ce qui est inappropriable ici ne l’est-il pas
là ?59 ». Pour comprendre cette possibilité, il est impératif de tenir compte du contexte socio-
culturel spécifique à chacun des États. En effet, contrairement à la France où il n’existe pas,

54
Des auteurs comme Léon Duguit et Jean-Marie Auby ont cherché à démontrer l’intérêt très limité de la
distinction domaine public-domaine privé à partir de la domanialité par nature. Pour Léon Duguit, il y a une
juxtaposition de multiples régimes qui ne sont séparés que par des nuances quant à la part de droit public et droit
privé dont chacun est constitué. Il décèle une « échelle de la domanialité » qui va des biens les plus fortement
soumis au droit public vers ceux qui le sont le moins (L. Duguit, Traité de droit constitutionnel, 3ème édition,
1928, Tome III, p. 353 et s.). Pour J.-M. Auby, « on peut bien dire sans doute que, dans le régime juridique du
domaine public, les règles de droit public occupent une place plus large que dans celui du domaine privé. Mais,
dans les deux cas, on rencontre de telles règles, si bien que la différence semble devoir se résoudre logiquement
en une différence de degré, plutôt que de nature, à l’intérieur de la catégorie plus vaste des biens publics » (J.-M.
Auby, « Contribution à l’étude du domaine privé de l’administration », EDEC, 1958, n° 12, p. 35).
55
G. Jèze, « Définition du domaine public », RDP 1931, p. 762.
56
F. Borella, « La définition du domaine public en droit public français et africano-malgache », Penant n° 693,
septembre-octobre 1962, p. 520.
57
Ch. Lapeyre, « Aperçu de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État au Sénégal »,
op.cit., p. 99.
58
Idem.
59
Ibidem.

Page 13
en principe, une chose qui ne peut faire l’objet d’une appropriation privée, la tradition négro-
africaine n’admet pas qu’une catégorie de choses puisse être appropriée privativement.

Ainsi, si juridiquement les auteurs précités ont cherché à se conformer aux réalités
sociales et culturelles françaises en rejetant l’impossibilité d’appropriation privée d’un bien, à
quel titre juridiquement ils ne s’adapteraient pas aux réalités sociales et culturelles africaines
qui s’opposent à l’appropriation individuelle de certaines choses. En effet, dans l’Afrique
traditionnelle, la terre, la mer, les fleuves et cours d’eau, l’espace aérien sont considérés
comme appartenant par nature à la collectivité humaine. Il s’agit de choses communes qui
doivent servir à la collectivité et non pas à un particulier qui aurait le loisir d’en déterminer
l’usage. Tant qu’ils constituent un don divin aux hommes pour leur subsistance, ces choses ne
doivent en aucun cas être appropriées de manière individualisée. En prenant le cas des cours
d’eau par exemple, Marc Ducat écrit, à ce propos, qu’en Afrique où le moindre cours d’eau
constitue une voie de communication par pirogue et devient « navigable » au sens local du
terme, aucun particulier ne devrait pouvoir s’opposer à la libre circulation et au libre
accostage des embarcations. L’intégration de la totalité des cours d’eau au domaine public
s’imposait, bien qu’elle résulte, […], d’un processus historique et non d’un choix arrêté en
fonction de la situation60.

Ainsi, la prise en compte de l’impossibilité d’appropriation privée de certains biens


comme critère de définition du domaine public procède plus d’un contexte historique tenant
aux réalités culturelles et sociales négro-africaines : certaines choses sont par leur destination
naturelle commune à la collectivité et ne peuvent pas être appropriées privativement. Le
législateur semble traduire juridiquement une conception traditionnelle qui met en avant la
communauté au détriment de l’individu 61 . Ce dernier, en tant que sujet de droit, ne se
concevait que comme membre d’une collectivité 62
. Le critère de l’impossibilité
d’appropriation privée de dépendances du domaine public pourrait donc être considéré
comme une traduction moderne du droit coutumier. En conséquence, ce n’est pas parce que le
droit français a rejeté le critère de l’impossibilité d’appropriation privée d’un bien en raison
de sa nature que le droit africain en général ou celui sénégalais en particulier doive le suivre.

60
M. Ducat, « La réforme foncière et domaniale au Tchad », Rec. Penant, n° 721, juillet-août-septembre 1968,
pp. 400-401.
61
Voir à ce propos J. Poirier, « L’originalité des droits coutumiers de l’Afrique noire, Droits de l’antiquité et
sociologie juridique », in Mélanges Henri LEVY-BRUHL, SIREY 1959, p. 489 et s.
62
G. Kouassigan, « Culture, famille et développement », R.S.D., Juin 1977, n° 21, p. 103.

Page 14
D’ailleurs, l’histoire semble donner raison aux pays tel que le Sénégal qui ont
maintenu ce critère. En effet, il apparaît de nos jours une nouvelle approche de biens qui est
liée à la protection de l’environnement. Celle-ci semble être à l’origine d’une renaissance,
selon Jacqueline Morand-Deviller, de la « res communes omnium », c’est-à-dire de biens
insusceptibles d’appropriation63. Pour cet auteur, le risque de rareté et de pénurie de biens
auparavant inépuisables (l’eau), les menaces liées à la pollution (l’air et le réchauffement
climatique), les conséquences d’une exploitation économique désastreuse pour les ressources
naturelles (forêt) et la biodiversité sont à l’origine d’une réaction contre la marchandisation et
la valorisation économique généralisée des biens dits environnementaux. Ces risques ont eu
pour conséquences, selon l’auteur, un nouveau type de propriété excluant l’abusus et
réservant l’usus et le fructus des biens aux communautés, c'est-à-dire aux habitants qui les
exploitent pour leur survie64.

Cette analyse recoupe l’idée d’impossibilité d’appropriation privée de certains biens


consacrée par les législations domaniales africaines. Jacqueline Morand-Deviller n’occulte
pas d’ailleurs cet aspect. Elle soutient que « la distinction esquissée par Aubry et Rau entre
trois catégories de biens : les biens privés, les biens publics affectés (domaine public) et les
biens publics communs, res communes omnium, insusceptibles d’appropriation trouve un
regain d’intérêt à notre époque65 ». Sur la base de cette remarque, la définition du domaine
public au Sénégal à partir de l’impossibilité d’appropriation privée de certains biens garde
alors tout son sens. Elle n’a pas besoin de s’adapter à cette « propriété collective 66 » en
gestation dans les États qui l’avaient abandonnée.

Toutefois, il faut reconnaître que le critère de l’impossibilité d’appropriation privée


consacré par le législateur sénégalais semble illusoire. La critique selon laquelle il n’existe
pas de choses ou de biens qui puissent ne pas faire l’objet d’une appropriation privée s’avère
juridiquement fondée. En effet, l’essentiel des biens considérés comme constituant le domaine
public est potentiellement susceptible d’une appropriation privée. S’ils constituent des biens
non susceptibles de propriété privée à une époque, ils peuvent être susceptibles de propriété
privée à une autre époque. Le législateur lui-même confirme cette hypothèse en consacrant
que les dépendances du domaine public peuvent être déclassées et faire l’objet d’une

63
J. Morand-Deviller, Cours de droit administratif des biens, 7e éd., Paris, Montchrestien, 2012, p. 14.
64
Idem.
65
Ibid.
66
Ibidem.

Page 15
réquisition d’immatriculation au nom de l’État67. Ainsi, ces biens ne peuvent donc pas être
considérés comme étant non susceptibles de propriété privée.

En conséquence, le critère de la domanialité publique par nature est difficile à


appliquer. Les biens qui constituent le domaine public « sont justement susceptibles d’une
appropriation privée68 ». À partir de là, on peut considérer que l’impossibilité d’appropriation
privée des biens ne peut pas être un critère pertinent de définition du domaine public. Donc, à
la faveur des positions de Charles Lapeyre et François Borella, le second critère
d’identification du domaine public au Sénégal est discutable et mérite d’être repris par le
législateur.

En définitive, même si l’idée de l’impossibilité d’appropriation privée de biens du


domaine public peut consister en une traduction juridique moderne du droit coutumier lié au
contexte socio-culturel africain, il faut reconnaître que le législateur sénégalais a adopté une
démarche paradoxale qui remet en cause son second critère d’identification du domaine
public. L’impossibilité d’appropriation privée qu’il a retenue ne peut pas servir de définition
du domaine public car la plupart des biens rangés dans ce domaine sont susceptibles de faire
l’objet d’une appropriation privée.

La définition du domaine public au Sénégal procède ainsi d’une conception générale que
le législateur a fait suivre d’une énumération des ses composantes.

2) Le recours à la méthode énumérative

Le législateur a eu recours à un dispositif énumératif pour compléter sa formule globale de


définition du domaine public qu’il juge insuffisante. Il indique, en effet, que « la définition
proposée est classique et sans doute insuffisante. Mais elle est complétée au Livre II par […]
l’énumération des principales dépendances du domaine public 69 ». Pour déterminer la
consistance du domaine public, l’article 4 de la loi 76-66 opère au préalable une division de
ses principales dépendances. Il « qualifie ce vaste domaine public de naturel et d’artificiel70 ».
Il oppose ainsi « les éléments naturels à ceux qui résultent du travail de l’homme71 ». L’article

67
Voir article 19, alinéa 1 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.
68
H. Arbousset, Droit administratif des biens, 2ème édtion, Panorama du droit public, STUDYRAMA, France,
2007, p. 32.
69
Voir Exposé des motifs de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.
70
A.-K. Boye, « Le régime foncier sénégalais », Revue Sénégalaise de Droit, n° 21, p. 39 ; Ethiopiques, n° 14,
Revue sénégalaise de culture négro-africaine, avril 1978, ethiopiques.refer.sn/spip.php ? articles645, consulté le
27 juin 2012.
71
M. Cavérivière et M. Débène, Le droit foncier sénégalais, op.cit., p. 103.

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5 de ladite loi est consacré aux biens qui constituent le domaine public naturel (a) et l’article 6
énumère les dépendances du domaine public artificiel (b).

a- Le domaine public naturel

Est qualifié de naturel, le domaine public dont les biens qui le constituent ont pour origine
les phénomènes naturels. Cette composante englobe une énumération exhaustive de six (06)
catégories de biens qui peuvent être regroupés en domaine public maritime, fluvial 72 ,
auxquels il faut ajouter le sous-sol et l’espace aérien.

 Le domaine public maritime

Le domaine public maritime est constitué d’abord des rivages de la mer qui renvoient aux
bandes de terre qui sont alternativement couvertes et découvertes lors des plus fortes marées à
l’exclusion des flots de tempêtes. Il comprend ensuite la mer intérieure qui constituée de toute
portion de mer de peu d’étendue enclavée dans des terres. C’est le cas des havres, rades,
golfes, baies, détroits et étangs. Le domaine public maritime englobe également une zone de
réserve, appelée la zone de cent (100) mètres de large à partir de la limite des flots de haute
marée. Elle présente un intérêt particulier au plan économique du fait qu’elle sert d’assiette
aux ouvrages destinés aux activités de pêche, touristiques et à l’hôtellerie. Elle a non
seulement pour objet de réserver des terrains nécessaires à la satisfaction des besoins d’intérêt
d’ordre public maritime, balnéaire ou touristique, mais aussi de faciliter la protection de
l’environnement côtier. Il regroupe enfin le sol et le sous-sol de la mer territoriale, c’est-à-dire
les fonds et le sous-sol marin dans la limite des eaux de la mer territoriale.

Dans le code du domaine de l’État et dans le code de la marine marchande, la mer


territoriale et le plateau continental 73 faisaient partie du domaine public maritime. Depuis
1985, ces eaux sur lesquelles l’État exerce un droit de souveraineté et de juridiction et qui
s’étendent sur une largeur de 150 miles marins à partir de lignes de base fixées par décret ne
font plus partie du domaine public naturel.

72
Voir article 5 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.
73
Le plateau continental comprend le fond de la mer et le sous-sol des zones sous-marines qui s’étendent au-delà
de la mer territoriale sur toute la largeur du territoire terrestre avec une largeur allant jusqu’à 200 miles marins à
partir des lignes de base sur lesquelles on a mesuré la mer territoriale.

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Selon le législateur « ces zones ne peuvent pas tomber dans le domaine public naturel du
fait du régime juridique de celui-ci et en raison des règles du droit international74 ». En effet,
le droit international autorise le passage inoffensif sur la mer territoriale et soumet le plateau
continental à la liberté de navigation, à la liberté de poser des câbles et des pipelines75. Ce
régime du droit international est considéré comme étant incompatible avec la domanialité
publique des biens. Ainsi, le législateur a décidé de conformer le régime d’utilisation de ces
zones à celui du droit international. Il les exclut des biens faisant partie du domaine public.
Nous reviendrons sur la pertinence de cette exclusion dans les développements (Voir infra, p.
280 et s).

 Le domaine public fluvial

Toutes les eaux douces disponibles sur le territoire terrestre ont été comprises dans le
domaine public fluvial. Ce dernier comporte plusieurs subdivisions déterminées par les
paragraphes b), c) et d) de l’article 5 du code du domaine de l’État. Il s’agit des cours d’eau
navigables ou flottables dans les limites déterminées par la hauteur des eaux coulant à pleins
bords avant de déborder ; d’une zone réservée autour de ces cours constituées d’une zone de
vingt-cinq (25) mètres de large à partir des limites des cours d’eau navigables ou flottables sur
chaque rive et sur chacun des bords des îles ; des cours d’eaux non navigables ni flottables
dans les limites des eaux coulant à pleins bords avant débordement ; d’une zone réservée
autour de ces cours d’eau constituée d’une zone de dix (10) mètres de large à partir des limites
des cours d’eau non navigables ni flottables sur chaque rive (es zones réservées aux abords
des cours d’eau présentent les mêmes caractéristiques que la zone de cent (100) mètres de
large du domaine public maritime) ; des lacs, étangs et mares, dans les limites des plus hautes
eaux avant débordement ainsi qu’une zone de 25 mètres de large et au-delà de celle-ci sur
chaque rive et sur chacun des bords des îles ; des eaux de surface et des nappes aquifères
souterraines quelle que soit leur nature, leur origine ou leur profondeur.

 Le sous-sol

Le code du domaine de l’État ainsi que la réglementation en matière de mines et


d’hydrocarbures incorporaient le sous-sol parmi les composantes du domaine public naturel.

74
Voir Exposé des motifs de la loi n° 85-15 du 15 février 1985 abrogeant et remplaçant l’article 5 – a) de la loi
n° 76-66 du 2juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JORS N° 5053 du 9 mars 1985.
75
Voir article 17 et articles 78 et 78 de la Convention de Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre
1982, [en ligne], disponible sur : www.un.org/depts/lots/convention_agreements/texts/unclos//unclos_f.pdf,
consulté le 18 novembre 2013.

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Il s’agit d’une dépendance qui regroupait l’ensemble des substances minérales et de gisements
ou accumulations naturelles d’hydrocarbures contenues dans le sol et le sous-sol du territoire
du Sénégal, ses eaux intérieures et son plateau continental76.

Il convient de relever que dans la réforme constitutionnelle de 2016, le constituant


sénégalais a retenu que « les ressources naturelles appartiennent au peuple 77 ». Cette
nouvelle disposition a des implications majeures sur la composition du domaine public de
l’État. D’une part, elle soustrait l’ensemble des substances minérales et des gisements ou
accumulations naturelles d’hydrocarbures de la propriété de l’État pour l’attribuer au peuple
sénégalais. D’autre part, elle semble consacrer une nouvelle catégorie de domaine, à savoir
« le domaine du peuple ». En effet, le texte constitutionnel soustrait implicitement les
ressources naturelles du domaine public naturel puisque n’étant plus la propriété de l’État ;
premier critère de la domanialité publique d’un bien. Ainsi, ces dépendances deviennent la
propriété du peuple sénégalais. Ce dernier n’étant pas doté de personnalité juridique, l’État
continuera à avoir la pleine emprise sur ces ressources. De même, le régime de la domanialité
publique auquel ces dépendances étaient soumises les protège à la fois contre l’administration
et contre les tiers, et les préserve dans l’intérêt du peuple. Se pose alors le problème de
l’opportunité de l’attribution des ressources naturelles au peuple, si ce n’est qu’une
reconnaissance symbolique.

 L’espace aérien

Le domaine public aérien correspond à la colonne d’air se situant au-dessus du territoire


national. L’incorporation de l’espace aérien au domaine public a pour but de permettre non
seulement à l’État de réglementer son utilisation dans son ressort territorial, notamment en
matière de navigation aérienne, mais aussi de contrôler les ressources de cet espace. Il
convient de préciser que l’incorporation de l’espace aérien au domaine public n’empêche pas
l’élévation de constructions dans les limites autorisées par le code de l’urbanisme.

Cette liste de biens qui constituent le domaine public naturel est suivie d’une énumération
des biens du domaine public artificiel.

76
Voir article 5-f. de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc. ; article 3 de la
loi n° 2016-32 du 8 novembre 2016, portant code minier, JORS Numéro Spécial 6974 du 24 novembre 2016 ;
article 3 de la loi n° 98-05 du 8 janvier 1998 portant code pétrolier, JORS N° 5786 du 21 février 1998.
77
Voir article 3 de la loi constitutionnelle n° 2016-10 du 05 avril 2016 portant révision de la Constitution (JORS,
Numéro Spécial 6926 du 07 avril 2016, p. 505), ajoutant les articles 25-1, 25-2 et 25-3 après l’article 25 de la
Constitution du 22 janvier 2001.

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b- Le domaine public artificiel

Ce domaine est ainsi considéré parce que les biens qui le constituent ont pour origine
le travail, l’intervention de l’homme. La domanialité publique de ces biens ne découle pas de
leur nature mais plutôt de l’œuvre humaine. Ces biens ont fait l’objet d’une longue
énumération non exhaustive dans l’article 6 du code du domaine de l’État. On peut alors dire,
en s’inspirant de Charles Lapeyre, que la consistance du domaine public artificiel « nous est
livrée par un procédé ouvert, non limitatif […]78 ».

Ces différents biens peuvent être regroupés en plusieurs subdivisions. En effet, au titre
de l’article 6 du code du domaine de l’État, les biens du domaine public artificiel se
composent d’un domaine public de la circulation terrestre, ferroviaire, aérienne et maritime
(emprises des routes, des chemins de fer, des gares routières, ports maritimes et fluviaux,
aérodromes et aéroports, canaux de navigation, ouvrages en vue de l’utilisation des forces
hydrauliques, conduites d’eau et d’égouts), de celui de la défense nationale (ouvrages
militaires de défense terrestre, maritime ou aérienne), du domaine public monumental
(monuments et sites), de celui de commerce (halles et marchés) et des servitudes d’utilité
publique.

Le législateur a aussi inclus dans cette catégorie de biens un domaine public mobilier
composé des objets d’arts et collections affectées aux musées nationaux.

Avant de clore cette partie sur le domaine public artificiel, il est utile de s’attarder sur
une de ses composantes, à savoir les lignes électriques. Ces dépendances domaniales ont
connu une sortie et un retour dans ledit domaine.

Le premier mouvement de ces biens concerne leur exclusion du domaine public. En


effet, l’article 6 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État les avait
incorporées dans le domaine public artificiel. Mais, avec la privatisation de la Société
Nationale d’Électricité (SENELEC), le législateur avait modifié leur régime juridique. Elle les
avait exclues de ce domaine pour les transférer à la SENELEC et aux différents
concessionnaires intervenant dans le secteur de l’électricité79.

78
Ch. Lapeyre, « Aperçu de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État », AA, 1976, p.
87.
79
Voir article 29 de la loi n° 98-29 du 14 avril 1998 relative au secteur de l’électricité, JORS N° 5797 du 24 avril
1998.

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Après ce premier mouvement, les lignes électriques ont connu un second qui s’est
traduit par leur retour, leur réintégration au domaine public artificiel de l’État. En effet, le
gouvernement du Sénégal, en 2001, avait engagé une seconde privatisation de la SENELEC
sur la base d’un nouveau schéma qui s’est traduit, entre autres, par un changement du régime
de propriété des installations de production, de transport et de distribution.

Une loi a été adoptée à cet effet en 2002 modifiant et remplaçant l’article 19 de la loi
du 14 avril 1998 relative au secteur de l’électricité80 et dans laquelle le législateur affirme que
« s’agissant du régime de propriété des installations de production, de distribution et de
transport, le gouvernement a retenu de les ramener toutes à la propriété de l’État81 ». Plus
loin et toujours dans l’exposé des motifs, il indique qu’ « il convient de souligner que les
lignes électriques qui avaient été extirpées du domaine public artificiel de l’État vont le
réintégrer conformément à la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État
». Ce qui sera consacré dans le dispositif de la loi de 2002 dans la partie intitulée du « Régime
de propriété »82. Ainsi, depuis 2002, les lignes électriques font, à nouveau, partie intégrante
du domaine public artificiel de l’État.

Globalement, le domaine public artificiel est diversement constitué. La longue


énumération détaillée est close par un critère général, non limitatif : « […] et généralement les
biens de toute nature non susceptibles d’appropriation privée83 ». Cette formule synthétique
qui clôt l’énumération ouvre le domaine public artificiel à d’autres biens que ceux
préalablement cités. Ainsi, elle vient combler les limites de la méthode énumérative. En effet,
il est à noter, tel que l’a précisé François Borella, que quel que soit le soin apporté à cette
énumération, il est évident qu’elle ne peut prétendre avoir prévu tous les biens à propos
desquels une difficulté se posera. Il est donc judicieux qu’un juge soit prévu pour préciser en
tel cas d’espèce la solution à appliquer 84 . Le procédé énumératif ne peut pas prétendre à
l’exhaustivité. Il comporte par moments des limites.

La clause supplétive répond dans cette mesure au souci de retenir une conception non
limitative du domaine public et d’en permettre l’extension ultérieure éventuelle tout en se
80
Voir loi n° 2002-01 du 10 janvier 2002 abrogeant et remplaçant l’article 19, aliénas 4 et 5 et le chapitre IV de
la loi n° 98-29 du 14 avril 1998 relative au secteur de l’électricité, JORS N° 6032 du 23 février 2002.
81
Voir Exposé des moitifs de la loi n° 2002-01 du 10 janvier 2002 abrogeant et remplaçant l’article 19, aliénas 4
et 5 et le chapitre IV de la loi n° 98-29 du 14 avril 1998 relative au secteur de l’électricité, JO préc.
82
Voir article 29, aliéna 1, paragraphe 4 de la loi n° 2002-01 du 10 janvier 2002 abrogeant et remplaçant l’article
19, aliénas 4 et 5 et le chapitre IV de la loi n° 98-29 du 14 avril 1998 relative au secteur de l’électricité, JO préc.
83
Article 6-k) de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.
84
F. Borella, « La définition du domaine public en droit public français et africano-malgache », Penant n° 693,
septembre-octobre 1962, pp. 519-520.

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mettant à l’abri d’oublis qui auraient pu paraître a posteriori inopportuns ou irréductibles85.
Ainsi, bien qu’ayant opté pour l’énumération, le législateur a fait preuve de prudence en
terminant sa liste par une formule supplétive.

Au total, l’articulation de la définition du domaine public autour d’une approche


conceptuelle et d’une approche énumérative close par un critère général a permis d’avoir une
détermination claire, détaillée et non limitative des biens constitutifs de ce domaine. Pour être
complet dans la définition des termes du sujet, il nous faut maintenant s’attarder sur le régime
juridique dual du domaine public.

B / Le régime juridique dual du domaine public

Le domaine public de l’État est régi par une dualité de droit. Il est soumis à des règles de
droit public (1) à côté desquelles s’appliquent des règles de droit privé à titre dérogatoire (2).

1) Un domaine soumis à des règles de droit public

La distinction domaine public - domaine privé repose sur une différenciation des règles
qui leur sont applicables. En partant de la finalité, en principe, différente de ces deux masses,
Jean Baptiste Victor Proudhon a retenu que les règles applicables au domaine public ne
doivent pas être les mêmes que celles qui régissent le domaine privé. Il proposait de
« distinguer, parmi les biens de la Nation, deux masses : l’une, à laquelle on donnerait le nom
de domaine public, devrait, en raison de l’utilité des biens pour le public, être protégé par la
règle de l’inaliénabilité et de l’imprescriptibilité, alors que l’autre, qu’il appelait le domaine
national, en raison de sa moins grande utilité, n’aurait pas besoin de la même protection86 ».

Il ressort de cette affirmation que le domaine public regrouperait les biens ayant une
destination d’intérêt général et qui, de ce fait, appellent une protection particulière qui
résulterait d’un régime exorbitant de droit commun. Par contre, les biens du domaine privé
auraient une simple destination financière et seraient soumis au droit commun87. Ainsi, « les
règles protectrices de la domanialité publique sont à l’origine de la distinction domaine
public-domaine privé88 ».

85
J.-M. Breton, « Le domaine de l’État », in Encyclopédie Juridique de l’Afrique, tome 5, Droit des biens, NEA,
1985, p. 211.
86
J.-B.-V. Proudhon, Traité du domaine public ou de la distinction des biens, tome 1, Dijon, Victor Laugier,
1833, p.240.
87
P.-C. Kobo, Droit administratif des biens, Les éditions ABC, Abidjan, 2010, p. 13.
88
J. Morand-Deviller, Droit administratif des biens, op.cit., p. 136.

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Les biens qui constituent le domaine public sont soumis à un régime juridique spécifique
qui est un régime de droit public89 puisqu’ils sont destinés à l’intérêt général. Il s’agit d’un
ensemble de règles exorbitantes du droit commun ayant pour objet d’« assurer ce qu’on peut
appeler en bref la protection du domaine public, d’organiser les rapports de voisinage dans
lesquels il se trouve impliqué et enfin de définir le statut des utilisations dont il fait l’objet90 ».

Ce régime de droit public présente une certaine particularité. Il se singularise par son
caractère exorbitant du droit commun. Les règles qui le forment constituent « un régime
spécial de droit public comportant tout un arsenal de règles exorbitantes 91 ». Ces règles
trouvent leur fondement dans l’encadrement juridique du domaine de la couronne sous
l’ancien régime français. Elles s’articulaient autour du principe d’inaliénabilité consacrée par
l’ordonnance de Moulins de mai 1566 et de celui d’imprescriptibilité édicté par l’édit d’août
1667. Ces principes étaient destinés à assurer la protection du domaine de la couronne « vis-à-
vis des tiers mais aussi vis-à-vis de la prodigalité des monarques 92 ». En conséquence,
l’autorité domaniale ne disposait sur le domaine que d’un simple « droit de garde, de
surintendance et de police 93 ». C’est l’idée d’ « un domaine public improductif, [à
mettre] hors du commerce juridique94 » qui prévalait.

La domanialité publique sénégalaise reste dans une très large mesure dominée par cet «
arsenal de règles exorbitantes » établi par le droit français. En effet, le régime juridique mis en
place par la puissance métropolitaine 95 reflétait la conception française du domaine public
selon laquelle le domaine public est « un domaine de sécurité, improductif sur lequel
l’administration exerçait des pouvoirs rattachés à une notion mystérieuse de souveraineté, de
garde et de surintendance96 ». Le souci de protéger l’utilité publique de ce domaine était bien
pris en compte. C’est donc l’indisponibilité du domaine public qui prédominait.

La rigueur de la règlementation domaniale appliquée aux colonies d’Afrique occidentale


française (AOF) connaissait cependant quelques assouplissements. Mamadou Badji l’a fait

89
R. Chapus, Droit administratif général, tome 2, 15e éd., Paris, Montchrestien, 2001, p. 421.
90
R. Chapus, Droit administratif général, op.cit., 421.
91
A. De Laubadère, J.-C. Vénézia, Y. Gaudemet, Droit administratif, 16e éd., Paris, L.G.D.J, 1999, p. 350.
92
Idem.
93
J. Morand-Deviller, Cours de droit administratif des biens, op.cit., p. 14.
94
J.-B.-V. Proudhon, Traité du domaine public, op.cit., p. 269.
95
Voir Décret du 29 septembre 1928 portant règlementation du domaine public et des servitudes d’utilité
publique en Afrique Occidentale Française (JOAOF N° 1261 du 10 novembre 1928) et Arrêté général du 28
novembre 1928 règlementant les conditions d’application du décret du 29 septembre 1928 portant
règlementation du domaine public et des servitudes d’utilité publique en Afrique Occidentale Française (JOAOF
N° 1264 du 1er décembre 1928).
96
J.-F. Denoyer, L’exploitation du domaine public, Thèse, Paris, L.G.D.J., 1969, p. 2.

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remarquer en écrivant que l’indisponibilité du domaine public « ne faisait cependant pas
obstacle à ce que l’on pouvait accorder des autorisations d’occuper ou des dérogations aux
servitudes de passage toujours révocables sans indemnité pour un motif d’intérêt public ou
que l’on pouvait déclasser les portions reconnues sans utilité pour les services publics97 ».
Ces dérogations furent consacrées au Titre IV de l’arrêté général du 28 novembre 1928
règlementant les conditions d’application du décret du 29 septembre 1928 portant
règlementation du domaine public et des servitudes d’utilité publique en Afrique occidentale
française98.

Cette règlementation a survécu à l’indépendance et a continué à régir le domaine


public jusqu’au milieu des années 1970. C’est partir de 1976 que les autorités sénégalaises ont
abrogé et remplacé la règlementation coloniale, institué par le décret du 28 septembre 1928, à
travers l’adoption de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État. Le
régime juridique institué s’est inscrit dans la ligne de mire du régime métropolitain. Il s’agit
d’un régime particulièrement protecteur du domaine public. Les pouvoirs publics y ont repris
les contraintes des règles de la domanialité publique afin de protéger l’utilité publique de ce
domaine.

On y retrouve l’essentiel des règles exorbitantes du droit commun qui encadrent les
biens des personnes publiques faisant partie du domaine public. Outre la reprise de l’ensemble
des principes et caractères protecteurs de ce domaine, il a été aménagé une protection pénale
singulière destinée à préserver l’intégrité physique du domaine public.

Le domaine public est donc et avant tout un espace à protéger. C’est dans ce cadre
même que s’inscrit l’incorporation du sous-sol, de l’eau et des objets d’art dans le domaine
public, mais également l’institution de la zone « des cinquante pas géométriques ». Selon
Monique Cavérivière et Marc Débène, l’adjonction de ces dépendances domaniales au
domaine public s’explique par le fait que la domanialité publique constitue un instrument de
protection et de réserve99.

Cet ensemble de règles exorbitantes du droit commun qui régit le domaine public se situe
au confluent de plusieurs textes qui ont un lien avec ledit domaine. Il s’agit, entre autres, et

97
M. Badji, Histoire des institutions de l’Afrique : De l’héritage médiéval à l’émersion de l’État moderne,
fascicule, UCAD/FSJP, 2005, p. 76.
98
Voir Arrêté général du 28 novembre 1928 règlementant les conditions d’application du décret du 29 septembre
1982 portant règlementation du domaine public et des servitudes d’utilité publique en Afrique Occidentale
Française, JOAOF N° 1264 du 1er décembre 1928.
99
M. Cavérivière et M. Débène, Le droit foncier sénégalais, Paris, Berger-Levrault, 1988, pp. 117-119.

Page 24
au-delà du code du domaine de l’État, du code de l’urbanisme, du code de la marine
marchande, du code des télécommunications, du code de l’eau, du code minier, du code
général des collectivités territoriales, du code de l’environnement, de la loi relative au contrat
de partenariat, d’un ensemble de textes législatifs et règlementaires épars ayant trait au
domaine public . Ces différents textes concourent à l’encadrement de la gestion du domaine
public de l’État.

Sous cet angle de l’encadrement juridique, le domaine public se distingue du domaine


privé d’une part, et se rapproche du domaine national d’autre part.

En effet, les règles qui régissent le domaine de l’État se différencient selon qu’elles
s’appliquent aux biens constituant le domaine public ou le domaine privé. Ainsi, « suivant
leur degré d’utilité par rapport à l’intérêt public ou au service public, ces biens
appartiennent soit au domaine privé, soit au domaine public et obéissent, par là même, à un
régime juridique différent100 ». Si le domaine public est soumis à un régime exorbitant, le
domaine privé « est soumis, en principe, au droit privé ; il est pour la collectivité publique
dont il dépend objet de propriété privée […] 101 ». Toutefois, cette opposition n’est que
relative. Les biens du domaine privé sont également régis par des règles exorbitantes du droit
commun. Ces règles génèrent des privilèges et sujétions particulières pour l’administration,
comme l’insaisissabilité des biens du domaine privé, l’encadrement de la vente desdits biens,
l’incessibilité à vil prix et autres.

S’il se distingue ainsi du domaine privé, le domaine public se rapproche, en revanche, du


domaine national. Selon Abdoulaye Dièye, « le domaine public et le domaine national ont en
commun certains caractères : leur inaliénabilité et le fait qu’ils soient non immatriculés 102 ».
L’impossibilité d’immatriculation des biens qui constituent le domaine public qui le
rapproche du domaine national remonte à la période coloniale et prévaut à la fois vis-à-vis de
l’État et vis-à-vis des particuliers.

L’opposition de l’immatriculation des dépendances domaniales au profit de l’État a été


consacrée par un arrêt de la Cour d’appel de Dakar en date du 18 février 1916. Dans cette
décision, la juridiction d’appel a déclaré nulle une immatriculation du domaine public au nom

100
J.-F. Lachaume, Droit administratif : les grandes décisions de la jurisprudence, Thémis, PUF, 8e éd., 1995, p.
383.
101
A. de Laubadère, J.-C. Vénézia, Y. Gaudemet, Droit administratif, 16e éd., Paris, L.G.D.J, 1999, p. 350.
102
A. Dièye, Domanialité nationale et développement : l’exemple du Sénégal, Thèse, UCAD, Dakar, 2004, p.
25.

Page 25
de l’État103. Il en résulte que ces biens qui appartiennent à l’État ne sont pas immatriculés à
son nom.

La même position est également adoptée à l’endroit des particuliers. La Cour d’appel de
Dakar a eu à s’opposer à la possibilité d’immatriculation des biens du domaine public au nom
des particuliers. En effet, elle a, dans un arrêt du 21 mars 1930, déclaré nulle et de nul effet
une procédure d’immatriculation au nom d’un particulier d’une parcelle de terrain située dans
le domaine public maritime104. Cette solution jurisprudentielle a été officialisée par les textes,
notamment le décret foncier du 26 juillet 1932. Ce dernier a en effet consacré que « le
domaine public reste toutefois imprescriptible, toute immatriculation qui aurait pu être faite
au nom d’un particulier est nulle de plein droit105 ».

Il résulte de ces différentes positions qu’au même titre que les terres du domaine national,
les biens du domaine public sont exclus de toute possibilité d’immatriculation. Ainsi, « tous
deux sont indisponibles et ne sont pas immatriculés106 ».

Il faut tout de même relever qu’il est possible d’avoir dans le domaine public des
immeubles qui sont immatriculés. C’est le cas des immeubles qui faisaient partie du domaine
public et qui ont été mutés dans le domaine public. Il s’agit là d’immeubles immatriculés
avant leur entrée dans le domaine public. Ayant transité du domaine privé au domaine public,
ils préservent leur statut juridique dans ce domaine. Ainsi, la mise en œuvre de la mutation
domaniale permet de trouver des immeubles immatriculés dans le domaine public. Mis à part
cette catégorie de biens, les dépendances du domaine public sont insusceptibles
d’immatriculation.

S’il est constant que le domaine public obéit à un régime juridique exorbitant du droit
commun, il n’en demeure pas moins qu’il lui soit appliqué des règles de droit privé à titre
dérogatoire.

103
Voir CA de Dakar, 18 février 1916, JOAOF du 24 février 1917, p. 130, cité par A. Ley, Le régime domanial
et foncier et le développement économique de la Côte d’Ivoire, Paris, L.G.D.J., 1972, p. 70.
104
Voir CA Dakar, 15 juillet 1930, Rec. Penant 1931, p. 22.
105
Voir article 123 du décret foncier du 26 juillet 1932 portant réorganisation du régime de la propriété foncière
en Afrique occidentale.
106
M. Cavérivière et M. Débène, Le droit foncier sénégalais, Paris, Berger-Levrault, 1988, p. 129.

Page 26
2) Une application dérogatoire de règles de droit privé

Le droit applicable au domaine public n’est pas exclusivement exorbitant du droit


commun. Il est également constitué de procédés inspirés du droit privé et qui trouvent leur
fondement dans la logique de valorisation du domaine public.

C’est le code du domaine de l’État lui-même qui a institué l’idée de « Gestion » dans le
Titre II de son Livre premier, telle que retenue par le Conseil d’État français durant les années
50. Ce dernier avait décidé dans l’arrêt Société nationale d’éditions cinématographiques
« qu’il appartient à l’autorité chargée de la gestion du domaine public de fixer, tant dans
l’intérêt dudit domaine et de son affectation que dans l’intérêt général, les conditions
auxquelles elle entend subordonner les permissions d’occupation 107 ». Il ressort de cette
décision que le maître du domaine n’est pas seulement chargé de la police du domaine, il
dispose également d’un pouvoir de gestion. Car c’est dans l’exercice de ce pouvoir qu’il peut
accorder, à titre temporaire, des autorisations d’occupation privative du domaine public108.

C’est cela qui ressort de la lecture de la partie du code du domaine de l’État consacrée à la
gestion du domaine public. Le législateur y a manifesté l’option d’inclure non seulement le
domaine privé, mais aussi le domaine public dans le circuit de l’activité économique
national109. Il a, en effet, procédé à l’élargissement de la consistance du domaine public sur
des biens qui regorgent d’énormes potentialités économiques, comme le sous-sol. Il a ensuite
institué une gestion qui déroge à la rigueur des principes protecteurs du domaine public en
prévoyant la possibilité d’utilisations privatives de ses dépendances. Le législateur a, en effet,
consacré que ce domaine peut faire l’objet d’occupations privatives donnant lieu au paiement
de redevances domaniales110.

L’institution de ces autorisations d’occupation privatives montre que le domaine public,


loin d’être seulement un domaine de police, est aussi un domaine à gérer, à exploiter. Car
l’autorité domaniale ne vas plus se limiter à exercer une activité de garde sur les dépendances
domaniales, c'est-à-dire assurer la conservation, l’usage public et le bon entretien de ce

107
Voir CE, 20 décembre 1957, Société nationale d’éditions cinématographiques, Rec. Leb. p. 702 ;
J.C.P.II.10913.
108
Voir CE, 3 mai 1963, Ministre des Travaux Publics c/ Commune de St-Brévin-les-Pins, Rec. Leb. p. 63 ; RDP
1963, p. 474.
109
Ch. Lapeyre, « Aperçu de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État au Sénégal, AA,
1976, p. 84.
110
Voir articles 11 à 16 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JORS N° 4506 du
28 juillet 1976.

Page 27
domaine111, elle va désormais se livrer à une activité de gestion en prenant des actes destinés à
fructifier lesdites dépendances. En effet, la délivrance de titres d’occupation privative
s’inscrit, selon Cathérine Mamontoff, dans une « logique de tirer profit des richesses du
domaine public112 ». Ce choix du législateur laisse apparaître qu’il s’est fait sien l’opinion
d’une doctrine française selon laquelle le domaine public doit être productif, c’est-à-dire un
domaine à utiliser de façon privée, à mettre en valeur et à tirer profit de la manière la plus
rationnelle113.

L’idée de gestion du domaine public qui se révèle à travers les titres d’occupation
privative marque un assouplissement du caractère exorbitant du droit domanial. En effet, les
actes juridiques (permissions de voirie, autorisations d’occuper, concessions et autorisations
d’exploitation, contrats de partenariat) qui permettent d’utiliser le domaine public à titre
privatif constituent des procédés de gestion privée. L’autorité domaniale confie, pour une
période déterminée, à un tiers l’exploitation ou la gestion d’une dépendance domaniale.

À cela s’ajoute l’admission de droits réels sur le domaine public. Des textes particuliers
sont, en effet, venus dérogé à l’interdiction de constituer des droits réels sur les dépendances
domaniales par le code du domaine de l’État. Ils reconnaissent à des exploitants des
ressources en eau114, aux occupants du domaine portuaire115 et aux titulaires de contrats de
partenariat116 les prérogatives et obligations du propriétaire sur leurs équipements pendant la
durée de l’autorisation.

L’admission de ces droits sur le domaine public et leurs effets juridiques (cession ou
transmission et hypothèque des droits) affectent la particularité du régime domanial. Ce
dernier connaît un assouplissement avec l’introduction de ces règles de gestion privée. En
conséquence, le droit applicable au domaine public se manifeste par « une interpénétration de

111
E. Laferirière, Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux, tome 2, 2e éd., 1896, p. 548,
cité par C. Klein, La police du domaine public, Thèse, Paris, L.G.D.J., 1966, p. 50.
112
C. Mamontoff, Domaine et entreprises privées : la domanialité publique mise en péril par le marché, Paris,
L’Harmattan, 2003, p. 53.
113
Voir entre autres R. Pelloux, La notion de domanialité publique depuis la fin de l’ancien droit, Thèse,
Grenoble, 1932, p. 152 et s. ; J.-F. Denoyer, L’exploitation du domaine public, Thèse, Paris, L.G.D.J., 1966, p.
3 ; M. Lagrange, « L’évolution du droit de la domanialité publique », RDP, 1974, p. 5 et s.
114
Voir loi n° 81-13 du 14 mars 1981, portant code de l’eau, JORS N° 4828 du 11 avril 1981.
115
Voir loi n° 92-63 du 22 décembre 1992 modifiant l’article 3 de la loi du 18 août 1987 autorisant la création de
la Société nationale du Port Autonome de Dakar, JORS N° 5505 du 30 janvier 1993.
116
Voir loi 2014-09 du 20 février 2014 relative aux contrats de partenariat, JORS N° 6781 du 25 mars 2014.

Page 28
règles de droit public et de règles de droit privé117 ». Il est donc devenu un droit hybride
renfermant désormais des procédés de gestion privée.

Ce changement de paradigme d’un domaine public de police à un domaine public à gérer


s’explique par l’exigence de valorisation de ce domaine.

Le terme valorisation ne fait pas l’objet d’une définition juridique précise. D’après le
dictionnaire Le Robert, il s’agit « de conférer une valeur plus grande à la chose ». La
valorisation renferme ainsi une connotation économique, de recherche de profit, de
rentabilisation. L’application de cette signification en droit domanial consisterait pour la
personne publique étatique à mieux exploiter le domaine public, à le rendre plus rentable ou
plus utile. C’est dans ce cadre qu’Yves Gaudemet et Laurent Deruy précisent que la
valorisation du domaine public n’est pas seulement la maximisation du profit que la personne
publique peut en tirer ; si elle inclut, à des degrés divers, cette exigence de rentabilité, elle a
aussi pour objectif la satisfaction ou la recherche d’une meilleure satisfaction d’un intérêt
général. La valorisation d’un équipement public est sans doute la réalisation et l’entretien de
celui-ci au moindre coût, son aliénation au meilleur prix lorsqu’il est devenu inutile, mais
aussi l’adéquation constante de cet équipement à l’intérêt général qu’il doit servir118.

Ainsi, la valorisation du domaine public n’équivaut pas uniquement à la recherche de


profit. Elle inclut également un meilleur équipement des dépendances domaniales pour mieux
répondre aux besoins de leurs destinataires.

La valorisation du domaine public est alors considérée comme devant passer par une
alternative qui consiste soit à vendre le bien et en tirer le meilleur prix, soit en optimiser
l’utilisation. Le premier cas correspond à la valorisation par aliénation et le second cas à la
valorisation par investissement et gestion performante119.

En somme, la valorisation du domaine public consiste pour la personne publique


propriétaire à faire en sorte que les dépendances domaniales soient mieux équipées et
génèrent des revenus sans remettre en cause leur destination principale à l’usage directe du
public ou au service public.

117
M. Cavérivière, M. Débène, Le droit foncier sénégalais, op.cit., p. 118.
118
Y. Gaudemet, L. Deruy, Rapport du groupe de travail Valorisation des propriétés publiques, Institut de la
Gestion Déléguée, juin 2004, www.fondation.igd.org/upload/pdf/publi/Valor_propub.pdf-France, pp. 6-7,
consulté le 14/09/2012.
119
Idem.

Page 29
L’idée de valorisation du domaine public au Sénégal s’inspire du droit domanial
français où la doctrine a eu à théoriser une conception économique du domaine public. Selon
cette doctrine, « l’idée que le domaine public doit être improductif ne constitue plus
maintenant qu’une curiosité juridique 120 ». Elle ajoute que ledit domaine constitue « une
richesse collective dont les collectivités publiques peuvent et doivent assurer la meilleure
utilisation : autrement dit, elles doivent l’utiliser, le mettre en valeur et en tirer profit de la
manière la plus rationnelle121 ».

Cette doctrine a inspiré les rédacteurs du code du domaine de l’État qui n’ont pas
manqué d’y « introduire un langage commercial 122 ». En effet, dans le Titre II du Livre
premier, intitulé « Gestion – Déclassement – Sanctions », le législateur emploie des
expressions qui correspondent à un domaine public productif. Il en est ainsi lorsqu’il
détermine les conditions d’utilisation privative du domaine public avec les termes
« concessions et autorisations d’exploitation 123 », de caractère « d’intérêt économique 124 »
desdites utilisations et enfin lorsqu’il prévoit la possibilité de déclassement de dépendances
domaniales à forte potentialité économique, c’est-à-dire le domaine public maritime.

Toutes choses qui laissent apparaître que les pouvoirs publics ont cherché à générer
des revenus dans le cadre de la gestion du domaine public ou à faire réaliser des
investissements nécessaires sur ledit domaine par des partenaires privés. La gestion du
domaine public semble donc s’orienter vers une valorisation des dépendances domaniales.

En définitive, il ressort de la définition des termes du sujet que le domaine public au


Sénégal est diversement constitué et est soumis à des règles exorbitantes du droit commun qui
connaissent des atténuations allant dans le sens de favoriser une meilleure exploitation de la
richesse qu’il regorge. Cette transformation de la conception du domaine public suscite
l’intérêt de son sujet.

120
Voir à ce propos, par exemple, R. Pelloux, La notion de domanialité publique depuis le fin de l’ancien droit,
Thèse, Grenoble, 1932, p. 152 et s. ; J.-F. Denoyer, L’exploitation du domaine public, Paris, L.G.D.J., 1969, p. 3
et s. ; M. Lagrange, « L’évolution du droit de la domanialité publique », RDP, 1974, p. 5 et s.
121
Idem.
122
Ch. Lapeyre, « Aperçu de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État au Sénégal »,
op.cit., p. 85.
123
Voir article 16 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.
124
Voir article 18 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.

Page 30
III / INTÉRÊT

L’étude du régime domanial sénégalais présente à la fois un intérêt théorique et


pratique.

Du point de vue de l’intérêt théorique, la domanialité publique est l’un des rares
aspects du droit sénégalais à avoir fait l’objet d’études doctrinales. Il y a une faible production
scientifique sur ce domaine. Mis à part les premières réflexions menées par des auteurs
français125, rares sont les ouvrages, les thèses, les articles de doctrine qui traitent du domaine
public au Sénégal. Les universitaires sénégalais n’ont pratiquement pas intégré le droit
administratif des biens en général et le domaine public en particulier dans leurs champs de
recherche. Ainsi, l’essentiel des études qui font référence à cette matière ne l’intègre que de
manière accessoire. Il s’agit de travaux qui sont consacrés au foncier en général 126 ou qui
traitent d’une des composantes du domaine public127.

Cette faible production doctrinale contraste avec l’intérêt que suscite la domanialité
publique au Sénégal. En effet, d’un point de vue global, on assiste à un renouvellement de la
notion de domanialité publique. Cette dernière qui, à l’origine, avait pour principale fonction
la conservation et la protection des biens, admet pleinement désormais la recherche de
rentabilité et de profit128. La nouvelle conception économique du domaine public a apporté
des changements aux législations domaniales. Ces dernières, en plus de s’être fortement
métamorphosées, continuent d’être en perpétuelle mutation pour s’adapter aux nouvelles
exigences de valorisation du domaine public.

Ainsi, les préoccupations contemporaines portent sur la nécessité de concilier


davantage protection et exploitation du domaine public. Il s’agit de voir les infléchissements à

125
Voir Ch. Lapeyre, « Aperçu de la loi n° 76-66, portant code du domaine de l’État au Sénégal », op.cit., pp.
83-103 ; F. Borella, « La définition du domaine public en droit public français et africano-malgache », Penant, n°
693, septembre-octobre 1962, pp. 514-524 ; J.-M. Breton, « Le domaine de l’État », in Encyclopédie juridique
de l’Afrique, tome 5, Droit des biens, NEA, 1982, pp. 201-246.
126
Voir A.-K. Boye, « Le régime foncier sénégalais, Revue Sénégalaise de Droit », juin 1977, n° 21, NEA, pp.
245-252 ; Ethiopique n° 14, Revue socialiste de culture négro-africaine, avril 1978, [en ligne], disponible sur :
www.ethiopiques.refer.sn/spip.php?article645, consulté le 27 juin 2012 ; M. Cavérivière et M. Débène, Le droit
foncier sénégalais, Paris, Berger-Levrault, 1988, 329 p ; D. Ndoye, Droit foncier, domanial et immobilier du
Sénégal, EDJA, 1997, 360 p ; M. Diop, Gouvernance foncière et domaniale au Sénégal, Presse Universitaire de
Dakar, 2016, 208 p.
127
Voir M.-A. Diallo, La difficile gestion d’un droit littoral sénégalais, Thèse, Dakar, UCAD, 2012 ; Aide
Transparence, Le domaine public maritime de Dakar : élites, pouvoir et impunité, Étude réalisée par J.-H. Sy
(dir.), M.-A. Diallo et P.-S. Kane, Dakar 2009, 130 p, [en ligne], disponible sur :
http://keurvision.net/public/newsletter/n20130131/DPM_JACQUES_H_SY.pdf, consulté le 25 mars 2014.
128
J. Morand-Deviller, Droit administratif des biens, 7e éd., Paris, Montchrestien, 2012, p. 10.

Page 31
apporter aux contraintes de la domanialité publique dès lors que le recours à des procédés de
gestion privée est compatible avec la destination du domaine public et sert mieux l’intérêt
général. Autrement dit, l’idée est d’arriver à ajuster les règles domaniales à la demande
économique tout en préservant les exigences d’intérêt général du domaine public. Ainsi, les
questions de l’égalité de traitement des candidats potentiels à l’occupation privative, de la
sécurité juridique des occupants privatifs, de l’exploration de techniques contractuelles de
cofinancement des investissements à réaliser sur le domaine public, des garanties juridiques
que les occupants privatifs peuvent proposer aux organismes de crédit sont devenues
incontournables.

Tout cela induit un véritable bouleversement du droit du domaine public. Ce dernier


devient un droit véritablement transversal. Il intègre, désormais, dans son analyse, les
questions de droit privé en général (droit civil, droit des biens, droit des sûretés, droit pénal),
les questions de droit public économique, de droit de la concurrence, de droit de l’urbanisme,
de droit de l’environnement. Il se crée ainsi un ordre juridique domanial nouveau dans lequel
il y a une imbrication de plusieurs disciplines juridiques.

Il apparaît ainsi que le droit domanial constitue un terrain fertile à la réflexion


pluridisciplinaire. Malgré cela, on assiste à une timidité doctrinale sur la question au Sénégal.
Pourtant, la relance du débat scientifique sur la domanialité publique sonne comme une
nécessité. Tout le monde semble s’accorder à évoquer sa crise sans que les autorités publiques
en apportent une réponse adéquate. En effet, au moment où les biens du domaine public
constituent désormais des outils de développement économique et des sources
d’enrichissement des budgets publics, on remarque leur banalisation (déclassement à
outrance ; exploitation anarchique ; occupations sans titre ; retombées financières faibles). On
ne semble pas encore mesurer à juste titre la place de choix que ces biens occupent parmi les
moyens matériels de l’État. Il y a donc de la matière à réfléchir au Sénégal pour explorer ce
vaste chantier et faire comprendre à la personne publique étatique que le domaine public peut
être valorisé, rendu à sa valeur économique et accueillir des initiatives complémentaires à côté
de sa vocation traditionnelle129.

Du point de l’intérêt pratique, le domaine public occupe une place et un rôle


déterminant dans les politiques publiques. Il est aujourd’hui au cœur de nombreuses pratiques

129
Y. Gaudemet, Préface de la thèse de Ph. Yolka, « La propriété publique. Éléments pour une théorie », LGDJ,
Paris, 1997, p. 11.

Page 32
administratives gravitant autour des relations contractuelles entre l’État et les opérateurs
privés. En effet, la contractualisation pour l’exploitation des richesses domaniales, notamment
les ressources du sol et du sous-sol (mines, pétrole et gaz), ainsi que pour la réalisation
d’infrastructures d’intérêt collectif (routes et autoroutes, voies ferrées, ports, aéroports et
aérodromes, ouvrages d’art) suscite des montages financiers complexes. Il s’agit d’opérations
au titre desquelles l’utilité publique du domaine public doit être préservée sans pour autant
négliger les intérêts des partenaires privés. La réalisation de ces grands travaux suppose ainsi
une modulation des contraintes de la domanialité publique pour les adapter aux exigences des
investisseurs. Le pari à gagner est d’arriver à rendre le domaine public attractif à
l’investissement privé sans remettre en cause l’utilité publique auquel il est destiné. Ainsi,
c’est par la prise en compte de la dimension domaniale de ces biens qu’une exploitation
optimale et rationnelle sera possible.

Au-delà de cette dimension hautement économique et financière, le domaine public est


également au cœur de l’urbanisme et de l’environnement.

Sur le premier plan, le domaine public joue une fonction primordiale dans
l’urbanisation d’un État. En effet, la réalisation des plans d’urbanisme doit toujours s’efforcer
à respecter les exigences domaniales. C’est sur la base de la domanialité publique que l’on
identifie les zones non aedificandi et les zones réservées sur lesquelles aucune construction ne
doit être autorisée, que l’on établisse les servitudes de passage et les aisances de voirie, que
l’on procède au bon alignement des propriétés privées par rapport aux voies publiques. Toute
prise en compte de ces exigences assure une urbanisation correcte et une bonne occupation
des sols. Dans le cas contraire, c’est la porte ouverte à une urbanisation anarchique avec ses
lots de désagrément. Le constat actuel dans le cadre de l’occupation des sols au Sénégal laisse
penser à une défaillance dans l’élaboration des plans d’urbanisme en termes de respect des
contraintes de la domanialité publique. Seul le retour à l’orthodoxie domaniale pourrait
garantir aux populations un cadre de vie sain et adéquat.

Sur le second plan, la domanialité publique constitue une réponse adéquate aux
questions environnementales contemporaines. Les préoccupations portant sur la rareté et la
pénurie de certains biens estimés auparavant inépuisables (l’eau), les menaces liées à la
pollution (l’air et le réchauffement climatique), les conséquences d’une exploitation
économique désastreuse pour les ressources naturelles (forêt) et la biodiversité sont à l’origine
d’uen réaction contre la marchandisation et la valorisation économique généralisée des biens

Page 33
dits environnementaux130. La nécessité de protéger et de préserver ces biens se rapproche des
principes fondamentaux de la domanialité publique, notamment le principe de l’inaliénabilité.
Ainsi, toutes ces préoccupations environnementales qui portent sur des biens constituant
globalement des dépendances du domaine public peuvent être prises en charge en application
des principes protecteurs de la domanialité publique. La règle de l’inaliénabilité et ses
conséquences, l’interdiction des constructions sur la zone littorale, la protection de l’intégrité
physique des dépendances domaniales sont autant d’éléments qui répondent aux solutions de
protection et de préservation des biens dits environnementaux.

L’étude du domaine public est donc d’un grand apport au Sénégal. Son caractère
transversal actuel dû à sa dimension économique, environnementale et d’urbanisme stimule la
réflexion au niveau de la communauté scientifique. C’est cette dimension économique qui se
concilie avec la vocation originelle du domaine public qui commande la problématique de
notre étude.

IV / PROBLÉMATIQUE

Dans sa conception traditionnelle, le domaine public est constitué de biens et droits


mobiliers et immobiliers qui sont destinés à l’usage de tous et au service public. Il a une
finalité d’intérêt général qu’il faille bien protéger. Dans cette approche, le domaine public
était perçu comme un poids mort, une charge pour les pouvoirs publics, tenus de l’aménager
et de l’entretenir pour satisfaire aux besoins de ses destinataires. Non seulement il ne produit
pas de revenus, mais, de surcroît, des dépenses doivent être engagées pour sa conservation et
son aménagement131.

À cette conception initiale du domaine public, qui est toujours le cas pour les
dépendances domaniales dont la destination principale est le libre usage par tous, est venue
s’ajouter une conception économique. Celle-ci a pris naissance dans la doctrine française du
XXe siècle qui a milité en faveur de l’idée d’exploitation du domaine public. Ainsi, les biens
qui constituent le domaine public ne sont plus considérés comme des biens qui n’ont pas pour
mission de servir à une politique économique 132 . Le domaine public est « l’assiette d’un

130
J. Morand-Deviller, Droit administratif des biens, 7ème édition, Montchrestien, Paris, 2012, p. 14.
131
M. Thewes et Me T. Chevrier, « La gestion des biens du domaine public », p. 6, [en ligne] disponible sur :
www.droit.lu/wp-content/uploads/Domaine-public.pdf, consulté le 16 septembre 2012.
132
C. Klein, La police du domaine public, Thèse, Strasbourg, 1965, L.G.D.J., 1966, p. 143.

Page 34
nombre toujours croissant de service d’intérêt général, et […] un bien dont l’administration
doit assurer, dans l’intérêt collectif, la meilleure exploitation133 ».

Lorsque l’on prend certaines composantes du domaine public, tels que le sous-sol, le
domaine public hertzien, les biens affectés à l’exercice d’un service public comme les ports,
les aéroports, les voies ferrées, les autoroutes, on constate la nécessité pour l’État d’opter pour
une gestion dynamique de ce domaine. C’est ce que soulignait d’ailleurs le commissaire du
gouvernement Guldner en écrivant que « les collectivités publiques sont en droit de tirer
toutes les conséquences de leur droit de propriété dans la mesure où l’affectation au service
public n’en est pas gênée134 ». Donc, la « conception économique moderne de l’utilisation du
domaine public135 » appelle à mettre ce domaine au service du développement. Il s’agit pour
l’État d’adopter une gestion active préoccupée non seulement par un enrichissement de son
budget, mais aussi par un meilleur équipement de son patrimoine immobilier.

Au regard de ces conceptions, le domaine public n’est plus seulement un domaine à


protéger, il est aussi un domaine à exploiter. Ainsi, la domanialité publique qui avait pour
principale fonction la conservation et la protection des biens qui le constituent admet de plus
en plus la recherche de rentabilité et de profit. C’est pourquoi le régime juridique du domaine
public de l’État au Sénégal est un régime dual. Il comporte à la fois des règles de protection et
de mise en valeur des dépendances domaniales. Le législateur cherche non seulement à
assurer la protection des biens qui constituent le domaine public, mais aussi à favoriser leur
exploitation.

C’est cela qui nous amène à poser la question suivante : le régime juridique du
domaine public de l’Etat prend-t-il suffisamment en charge sa protection et sa valorisation ?

L’étude s’emploie à montrer que le régime domanial mis en place par les pouvoirs
publics sénégalais permet d’assurer une protection rigoureuse des dépendances qui constituent
le domaine public, mais il ne favorise pas encore une exploitation optimale de ces
dépendances.

L’argumentaire de cette idée directrice s’appuie sur une méthode de recherche qu’il
convient de décliner.

133
B. Chenot, Conclusions sur CE, 5 mai 1944, Compagnie maritime de l’Afrique orientale, RDP 1944, p. 241.
134
M. Guldner, Conclusions sur C.E, 20 décembre 1957, Société générale d’éditions cinématographiques, S.
1958, p. 73.
135
M. Lagrange, « L’évolution du droit de la domanialité publique », RDP, 1974, p. 18.

Page 35
V / MÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE

Pour traiter ce sujet, nous avons tout d’abord collecté les textes législatifs et
règlementaires, ainsi que les décisions jurisprudentielles et les avis de doctrine (articles,
thèses, ainsi que les chroniques, conclusions et notes de jurisprudence) dans les centres de
documentation.

Un travail de terrain basé sur des entretiens nous a également permis de collecter des
documents non publiés et qui intéressent le sujet. Ces entretiens ont eu comme ligne de
conduite les concepts théoriques de base qui sous-tendent notre recherche, notamment l’utilité
publique du domaine public et sa nécessaire protection, la valorisation des biens du domaine
public et ses obstacles. C’est à partir de ces concepts que nous avons établi avec nos
interlocuteurs l’attitude de l’administration domaniale dans la mise en œuvre des règles
domaniales, l’adaptabilité des règles de mise en valeur du domaine public avec les attentes
des partenaires privés et publics dudit domaine.

Sur la base de ces préoccupations, des entretiens semi-directifs avec nos interlocuteurs
ont été des révélateurs de taille. Au préalable, nous avons élaboré des questions précises à
poser à nos interlocuteurs tout en leur laissant s’exprimer librement sur celles-ci. Avec cette
technique des sciences sociales 136 , nous avons recueilli des informations dépassant très
souvent nos préoccupations initiales. Nos entretiens ont été essentiellement individuels.

Notre public cible a été constitué de personnes concernées par le domaine public.
Nous avons pu rencontrer et échanger avec des fonctionnaires des impôts et des domaines, des
responsables d’agences d’exécution ainsi que leurs conseils juridiques.

Le champ d’observation de notre recherche est exclusivement axé sur les règles
applicables à la protection du domaine public et celles de sa mise en valeur. Sous ce rapport,
les domaines publics naturel et artificiel nous ont tous intéressé en raison à la fois de la
nécessité de leur protection et de leur forte incidence économique.

Sur le plan matériel, les autres disciplines juridiques tels que le droit de
l’environnement, le droit de l’urbanisme, le droit public économique, le droit civil, le droit
pénal et le droit des affaires, parce qu’ils comportent chacun des aspects domaniaux certains,
sont prises en compte dans le cadre de ce travail.

136
Voir sur cette question, A. Blanchet et A. Giami, L’entretien dans les sciences sociales, L’écoute, la parole et
le sens, Dunod, Paris, 1985.

Page 36
Sur le plan spatial, cette étude, bien que constituant une monographie sur le régime
domanial sénégalais, s’est dans une moindre mesure inscrite dans une perspective
comparative. Elle fait appel, dans certaines situations, à la législation domaniale de quelques
Etats d’Afrique francophone, comme l’Algérie, la Côte d’Ivoire et le Mali, et à celle de la
France. Le choix de la Côte d’Ivoire et du Mali tient non seulement compte du fait que ces
États ont hérité avec le Sénégal la tradition juridique domaniale française à travers le décret
du 28 septembre 1928 portant réglementation du domaine public et des servitudes d’utilité
publique en Afrique Occidentale Française, mais aussi du fait qu’ils partagent le même espace
communautaire. En sus, ces deux États, à la différence du Sénégal, ont donné un souffle
nouveau à leurs législations domaniales à travers des textes récents, et connaissent un
contentieux domanial fourni et dense surtout en Côte d’Ivoire. Le choix de l’Algérie
s’explique par le souci de mettre en lumière les pratiques domaniales en vigueur dans un État
de l’Afrique du Nord, qui a récemment modifié sa législation domaniale pour l’adapter à
l’exigence contemporaine de valorisation du domaine public. Quant à la France, sa législation
domaniale a beaucoup influé sur la philosophie du domaine public au Sénégal à travers les
textes domaniaux de l’époque coloniale. De même, le code du domaine de l’État sénégalais de
1976 s’est largement inspiré de celui de la France de 1957 surtout en ce qui concerne le
domaine public, alors que ce code français a été pratiquement rejeté par la doctrine et la
jurisprudence, qui servaient de cadre de référence au domaine public en France jusqu’à
l’adoption de l’ordonnance du 21 avril 2006, qui a codifié la jurisprudence en la matière et
inscrit le droit domanial français dans la conciliation protection et valorisation du domaine
public.

L’analyse des outils précités a permis de déterminer la correspondance ou le décalage


entre les textes en vigueur et la pratique. Elle a également permis de situer l’état du régime
domanial sénégalais en termes d’objectifs recherchés théoriquement et des buts réellement
recherchés et atteints dans la pratique. L’incursion sur d’autres législations domaniales a aidé
à mieux mesurer la place du droit domanial sénégalais en termes d’acquis et en termes
d’avancés à faire pour concilier protection et valorisation du domaine public. C’est dans ce
sens que nous avons retenu la démarche suivante en guise de réponse à notre problématique.

VI / ANNONCE DU PLAN

Le diagnostic de l’état de la protection et de la valorisation du domaine public fait


ressortir un double constat à densité variable.

Page 37
D’une part, l’idée selon laquelle le droit domanial doit être bâti autour d’une forte
protection garantissant l’indisponibilité du domaine public137 est bien présente. Le législateur
sénégalais n’a pas dérogé à la spécificité du régime de la domanialité publique qui a pour
raison d’être la protection du domaine public138. Un ensemble de règles protectrices est mis en
place afin de parer à toute atteinte ou dégradation qui pourrait compromettre l’affectation du
domaine public à l’usage de tous ou au service public139.

En adoptant la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, le


législateur a repris les principes protecteurs de la consistance du domaine public, notamment
l’inaliénabilité et l’imprescriptibilité. Il a ainsi cherché à protéger le domaine public à la fois
contre l’administration et contre les tiers. Le législateur a également protégé l’utilisation des
dépendances domaniales par l’établissement, à leur profit, de servitudes d’utilité publique et
par l’interdiction de constituer sur elles des servitudes civiles. À cela s’ajoute sa volonté
manifeste de protéger l’intégrité matérielle du domaine public par la mise en place d’un
arsenal de règles qui punit ceux qui l’utilisent mal suivant une procédure assez particulière.
Tout cela dénote une protection rigoureuse du domaine public (Partie I).

D’autre part, le régime juridique du domaine public n’est pas réfractaire à une
valorisation des dépendances domaniales. Le législateur a inséré les biens qui constituent le
domaine public dans le circuit de l’activité économique nationale.

La loi domaniale comporte, dès son origine, des éléments de mise en valeur des biens
qui constituent le domaine public. Le législateur a conféré à l’autorité domaniale un pouvoir
de gestion140. Celle-ci peut ainsi autoriser des usages privatifs du domaine public, lesquels
engendreront l’exercice d’activités marchandes et l’exploitation des richesses que regorge
ledit domaine. En retour, l’État y tire profit à travers la contrepartie financière que doivent
s’acquitter, en principe, les personnes qui bénéficient d’autorisations unilatérales ou
contractuelles. Toujours dans le cadre de la mise en œuvre du pouvoir de gestion, le
législateur permet à ce que le domaine public puisse faire à la fois l’objet d’une gestion
publique et d’une gestion privée en vue de mieux répondre aux besoins de ses destinataires. Il
a aussi incorporé dans le domaine public des dépendances domaniales qui ont des enjeux
économiques et financiers.

137
A. de Laubadère, Traité élémentaire de droit administratif, vol. 2, 4e éd., Paris, L.G.D.J., 1968.
138
J. Morand-Deviller, Droit administratif des biens, 7e éd., Paris, Monchrestien, 2012, p. 136.
139
O. de David Beauregard-Berthier, Droit administratif des biens, Mémento LMD, 7e éd., 2011/2012, Gualino,
2011, p. 101.
140
Voir Titre II du Livre premier de loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domine de l’État, JO prec.

Page 38
Par la suite, le législateur a cherché, de façon sectorielle et progressive, à promouvoir
les investissements sur le domaine public. Face aux besoins en infrastructures portuaires,
aéroportuaires et de transport terrestre, il a admis la constitution de droits réels sur les
dépendances domaniales afin de rendre plus attractive l’utilisation privative de ces dernières
et favoriser le financement privé de ces infrastructures d’intérêt collectif. De même, le
législateur a introduit la technique contractuelle du contrat de partenariat parmi les modes
d’occupation privative du domaine public. Ainsi, indépendamment de l’utilisation du
déclassement des dépendances du domaine public maritime qui « reflète incontestablement un
désir de mettre en valeur les potentialités touristiques de ces biens 141 », la législation
domaniale comporte désormais des outils de valorisation des biens du domaine public.

Toutefois, cette perspective de valorisation du domaine public se heurte à la rigueur de


la domanialité publique. Les outils de mise en valeur sont enfermés dans des conditions de
droit public rendant difficile une exploitation économique appropriée des dépendances
domaniales. L’accès au domaine public ne se fait pas toujours suivant une procédure de
sélection transparente préalable. La stabilité et les garanties juridiques que requièrent
l’investissement privé ne sont pas véritablement assurées. Les utilisations privatives sont
marquées par les traits caractéristiques de précarité et d’incessibilité. Ces contraintes font que
les occupants privatifs ne disposent pas suffisamment de garanties à proposer aux organismes
de financement, lesquels ne disposent pas de garanties alternatives en cas de mise en œuvre
par l’autorité domaniale de ses prérogatives.

Ainsi, le domaine public reste de loin soumis aux rapports marchands, tels qu’ils
existent en droit privé. C’est le droit public qui reste à l’arrière garde des procédés de gestion
privée institués et fait en sorte que la destination du domaine public n’en souffre pas trop142.
Cette logique de protection de l’utilité publique des dépendances domaniales fait aussi que les
pouvoirs publics restent toujours réticents à admettre sur le domaine public des techniques
contractuelles de droit privé, comme le bail emphytéotique et le bail à construction qui sont
adaptés à la réalisation d’infrastructures d’intérêt collectif. Toutes choses qui permettent
d’affirmer qu’il y a une valorisation encore insuffisante du domaine public (Partie II).

141
Ch. Lapeyre, « Aperçu de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine l’État au Sénégal », AA,
1976, p. 85.
142
R. Chapus, Droit administratif général, tome 2, 15e éd., Paris, Montchrestien, 2001, p. 422.

Page 39
PREMIÈRE PARTIE :

LA PROTECTION RIGOUREUSE DU DOMAINE PUBLIC

Les biens qui constituent le domaine public présentent une grande utilité publique pour
la vie en société. Ils constituent un moyen essentiel de concrétisation de la mission d’intérêt
général assignée à l’État en ce sens qu’ils sont considérés comme des biens destinés à la
satisfaction des besoins collectifs.

Cette place de choix qu’occupe le domaine public dans le dispositif des moyens mis à
la disposition de l’État justifie son encadrement par un dispositif juridique étranger au droit
commun. Les pouvoirs publics ont cherché à maintenir le domaine public au service de la
collectivité en décidant de mettre en place non seulement des instruments juridiques fortement
protecteurs de l’utilité publique de ce domaine (Titre I), mais aussi une protection rigide de
son intégrité physique (Titre II).

Page 40
TITRE I :

LA CONSÉCRATION DE RÈGLES JURIDIQUES FORTEMENT


PROTECTRICES DE L’UTILITÉ PUBLIQUE DU DOMAINE PUBLIC

La loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État a consacré un


ensemble de mesures destiné à conserver les dépendances domaniales entre les mains de
l’État propriétaire. Elle a retenu que « le domaine public est inaliénable et
imprescriptible 143
». À cela s’ajoute l’insaisissabilité des biens du domaine public
expressément consacrée par le code de la marine marchande144.

Ces principes traduisent une volonté de protéger les dépendances domaniales contre
l’État lui-même, mais aussi contre les particuliers. Il s’agit de règles qui rendent le domaine
public indisponible, c’est-à-dire qui protègent sa consistance (Chapitre 1).

Mis à part son indisponibilité, le législateur a également protégé le domaine public


dans son utilisation, notamment dans ses rapports avec les propriétés voisines. Ces dernières
ne peuvent pas faire obstacles à l’accomplissement de sa finalité d’intérêt général. Au
contraire, elles le facilitent à travers l’établissement des servitudes d’utilité publique
(Chapitre 2).

143
Voir article 9 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JORS N° 4506 du 28
juillet 1976.
144
Voir article 5 de la loi n° 2002-22 du 16 août 2002 portant code de la marine marchande, JORS N° 6060 du
17 août 2002.

Page 41
CHAPITRE 1:

L’ADOPTION DES PRINCIPES PROTECTEURS DE LA


CONSISTANCE DU DOMAINE PUBLIC

Protéger la consistance du domaine public c’est faire en sorte que les biens qui
constituent ce domaine demeurent la propriété pleine et entière des collectivités publiques afin
de répondre correctement à leur finalité d’intérêt général. La législation domaniale est
fortement imprégnée de contraintes légales étrangères au droit commun. Elle a rendu le
domaine public indisponible en ce sens qu’elle empêche à la fois à l’autorité domaniale et aux
particuliers l’exercice normal du pouvoir de disposer.

Le législateur sénégalais, à travers le principe d’inaliénabilité, enjoint l’administration


domaniale à ne pas aliéner les dépendances domaniales, c'est-à-dire à ne pas les céder, les
vendre, les transmettre, les donner, les léguer. Il lui fait obligation de les conserver tant
qu’elles demeurent affectées à l’usage direct du public ou au service public (Section 1). De
même, le législateur a observé la même rigueur à l’endroit des particuliers qui utilisent le
domaine public à titre particulier. Il les dénie toute possibilité d’appropriation privative d’une
dépendance domaniale. Il les empêche également d’exercer toute action forcée contre un bien
constituant une dépendance du domaine public. La législation domaniale s’oppose alors à
l’acquisition privative de biens domaniaux par des particuliers (Section 2).

Section 1 : La limitation des pouvoirs de l’administration par le principe


d’inaliénabilité

La maxime selon laquelle « il existe un domaine public dans la mesure où existent des
dépendances domaniales frappées d’inaliénabilité 145 » est bien prise en compte par la
législation domaniale. Cette dernière place les biens qui constituent le domaine public à l’abri
de toute possibilité d’aliénation tant qu’ils demeurent affectés à l’usage de tous ou au service
public.

Les prérogatives de l’autorité domaniale sont fortement circonscrites : la règle de


l’inaliénabilité prohibe les actes de disposition des dépendances domaniales (Paragraphe 1).
Néanmoins, cette limitation est atténuée par la faculté reconnue à l’administration domaniale
de déclasser certains biens du domaine public. Mais, cette possibilité de déclassement est

145
R. Chapus, Droit administratif général, tome 2, 15e éd., Paris, Montchrestien, 2001, p. 423.

Page 42
insérée dans un formalisme qui traduit encore la logique de préservation des dépendances
domaniales (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La prohibition d’aliénations des biens du domaine public

En matière de gestion du domaine public, l’autorité domaniale ne jouit pas de tous les
pouvoirs reconnus au propriétaire privé sur ses biens. Elle ne peut pas, dans ses rapports avec
les autres personnes publiques ou les personnes privées, aliéner les biens domaniaux. La
présence de la règle de l’inaliénabilité prévient les abandons des biens appartenant à tous (A)
et oblige l’autorité domaniale à conserver l’unité des dépendances domaniales (B).

A / La prévention d’abandon de dépendances domaniales

En consacrant à l’article 9 du code du domaine de l’État que le domaine public est


inaliénable, le législateur montre sa préoccupation pour la bonne administration des biens du
domaine public. Il cherche à fixer des obligations à l’administration, notamment celle
consistant à préserver les dépendances domaniales de toute forme d’abandon au détriment de
ses destinataires. Cette prévention procède à la fois de la définition de l’inaliénabilité (1) et
des fondements de ce principe (2).

1. À partir de la définition de l’inaliénabilité

Il apparaît à partir de la définition de la règle de l’inaliénabilité que l’autorité domaniale


ne peut pas abandonner des portions du domaine public qui demeurent affectées à l’usage du
public ou au service public. En effet, « l’inaliénabilité du domaine public signifie qu’il ne
peut faire l’objet ni de commerce, ni de transaction quelconque146 ». En d’autres termes, cette
règle appelle l’autorité domaniale à faire en sorte que les biens qui constituent le domaine
public puissent toujours être maintenus à la disposition du public ou des services publics
auxquels ils ont été affectés147. Il en résulte que la personne publique propriétaire ne doit pas
avoir la libre disposition des dépendances domaniales.

Ainsi, à la différence du propriétaire privé, le maître du domaine public ne jouit pas d’une
totale liberté dans l’administration de ce domaine. Si le premier peut utiliser, fructifier et
disposer de ses biens, le second, bien que bénéficiant de l’usus et du fructus, ne dispose pas de
146
M. Diop, La gouvernance foncière et domaniale au Sénégal, Presse Universitaire de Dakar, 2016, p. 123.
147
J. Dufau, Le domaine public, tome 1, Ed. Le Moniteur, 1986, p. 214.

Page 43
l’abusus. De ces trois attributs traditionnels de la propriété, le jus abutendi n’existe pas pour
l’autorité domaniale, puisque le domaine public est inaliénable148. Ainsi, aussi longtemps que
des dépendances domaniales demeurent affectées à un usage public ou à un service public,
elles ne pourront être aliénées par le gestionnaire domanial.

La règle de l’inaliénabilité limite dès lors les pouvoirs de disposition du maître du


domaine et se présente comme une sorte de précaution contre les dilapidations possibles des
dépendances domaniales. Elle constitue « une règle protectrice, une garantie de l’affectation
ou de la conservation des biens du domaine public 149 ». À ce titre, elle empêche à l’État
d’aliéner à sa guise les biens d’utilité publique. En conséquence, l’inaliénabilité assure une
protection efficace des biens qui sont affectés à l’usage direct du public ou au service public.

Cette volonté du législateur de prévenir les abandons des dépendances domaniales


découle également des fondements du principe d’inaliénabilité.

2. À partir des fondements de l’inaliénabilité

La prohibition d’abandons de dépendances domaniales sur la base de la règle de


l’inaliénabilité tient à la nature des biens et à leur destination.

S’agissant de la nature du bien, la règle de l’inaliénabilité vise à assurer leur


conservation au service de la collectivité. C’est parce qu’il s’agit de biens qui, par nature, sont
communs à la collectivité, que ces biens méritent d’être protégés aussi longtemps que leur
nature n’a pas changé. En effet, en tant que biens que la nature a dotés à la collectivité
humaine pour sa survie, leur inaliénabilité s’impose à l’administration gestionnaire. Le
législateur n’a pas dérogé à cette exigence.

Une lecture a contrario de l’alinéa 3 de l’article 19 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976


portant code du domaine de l’État permet de constater que les dépendances du domaine public
naturel sont insusceptibles d’aliénation tant qu’elles n’ont pas fait l’objet d’un déclassement.
Ce n’est donc « qu’après la disparition des phénomènes naturels ayant entrainé
l’incorporation du bien dans le domaine public que l’aliénation devient possible puisque le
bien ne fera plus alors partie du domaine public150 ».

148
H. Démenthon, Traité du domaine de l’État, 6e éd., Paris, Dalloz, 1964, p. 16-17.
149
M. Cavérivière et M. Débène, Le droit foncier sénégalais, Paris, Berger-Levrault, 1988, p. 144.
150
H. Arbousset, Droit administratif des biens, 2ème édition, Panorama du droit, Studyrama, France, 2007, p. 146.

Page 44
La consécration du principe de l’inaliénabilité vient ainsi empêcher toute atteinte à
l’état de nature de ces biens. Il s’agit là d’une position de haute portée « au nom de la
protection particulière dont ce domaine doit bénéficier151 ». En effet, en tant que domaine
résultant de phénomènes naturels, son aliénation peut être lourde de conséquences. Car, le
domaine public naturel présente la particularité d’être peu extensible et difficile à reconstituer
en cas d’aliénation. C’est à ce titre qu’il doit faire l’objet d’une protection qui garantie
efficacement sa conservation contre la nature, mais également et surtout contre l’homme. La
consécration du principe d’inaliénabilité semble donc répondre à cette exigence.

L’inaliénabilité du domaine public se justifie, au-delà de la nature des biens,


par leur destination, soit à l’usage direct public, soit au service public. Le législateur a
clairement décliné ce lien étroit entre l’inaliénabilité du domaine public et sa destination. Il
affirme expressément que l’« on a fait entrer artificiellement des biens du domaine public qui,
en raison de leur destination, ne devrait pas en dépendre mais que l’on veut ainsi, pour des
motifs d’intérêt général, faire bénéficier de certains privilèges152 ». Il est donc clair que c’est
pour garantir l’utilité publique de ces biens que le législateur les a empreints du label de la
domanialité publique.

En effet, l’incorporation de ces biens au domaine public permet de les faire bénéficier
de la règle de l’inaliénabilité. Et à ce titre, ils répondront à leur finalité pendant toute la durée
de leur affectation puisque la règle de l’inaliénabilité permet à ce que « ces biens puissent
toujours être maintenus à la disposition du public ou des services publics153 ». Voilà pourquoi
l’on considère que le fondement contemporain de l’inaliénabilité du domaine public est
l’affectation dudit domaine à l’utilité publique.

Denis Touret a écrit que « les biens du domaine public sont inaliénables pour la
raison qu’ils sont affectés à l’usage du public ou des services publics et que, pendant la durée
de cette affectation, il est fonctionnellement nécessaire qu’ils soient maintenus à la
disposition du public ou des services publics 154 ». Il est soutenu par Pierre Delvolvé qui
affirme que « ce principe est lui-même établi, non dans l’intérêt propre de la personne
publique propriétaire du domaine public, mais dans celui du service public ou du public

151
Ph. Godfrin et M. Degoffe, Droit administratif des biens, 8e éd., Paris, Sirey, 2007, p. 168.
152
Voir Exposé des motifs de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.
153
J. Dufau, Domaine public, Protection juridique, Juris-Classeur droit administratif, Fascicule 406-10, 2, 1998,
(1).
154
D. Touret, Droit administratif, Paris, Les cours de droit, 1987, p. 420.

Page 45
auquel ce domaine est affecté155 ». Il semble donc que la raison d’être de l’inaliénabilité est
l’affectation donnée au bien domanial156.

Cette raison d’être de l’inaliénabilité s’avère utile en ce sens que toute possibilité
d’aliénation d’une dépendance du domaine public pendant la durée de son affectation
constitue une entrave à l’usage normal auquel cette dépendance est destinée. En effet, une
telle aliénation est de nature soit « à compromettre l’utilisation du bien par les gestionnaires
et les usagers du service public initialement affectataire157 », soit à « compromettre l’exercice
des grandes libertés d’aller et de venir, du commerce et de l’industrie, de la circulation, de
l’exercice d’activités professionnelles […] 158 ». C’est donc pour préserver l’usage des
dépendances domaniales par le public usager ou les services publics affectataires qu’elles sont
rendues inaliénables, tant que dure cette affectation.

Ainsi, « l’inaliénabilité du domaine public demeure liée au maintien et à la durée de


son affectation159 ». Du moment que cesse cette affectation, la personne publique propriétaire
peut procéder à l’aliénation des biens qui ne répondent plus à cette destination.
L’inaliénabilité protège le domaine public pendant la durée de l’affectation ; elle commence et
s’achève avec l’affectation. Ainsi, le domaine public ne peut être aliéné par l’administration
aussi longtemps qu’il demeure affecté à un usage public ou à un service public160. Donc, il
s’avère impossible pour l’autorité domaniale d’abandonner un bien du domaine public sans
avoir au préalable mis fin à son appartenance audit domaine.

Dans son acception, la règle de l’inaliénabilité se révèle être une véritable mesure de
précaution des aliénations des biens du domaine public. Son rôle protecteur dudit domaine est
d’autant plus apparent qu’elle a pour effet de conserver l’unité domaniale en s’opposant à ce
que le maître du domaine public puisse transférer la propriété d’une dépendance domaniale à
un particulier, mais aussi à ce que la propriété publique puisse faire l’objet de
démembrements.

155
P. Delvolvé, « La question du statut des biens d’E.D.F. », Chronique à propos de l’arrêt de la Cour de
cassation du 3 mai 1988, C.J.E.G., p. 37.
156
J. Morand-Deviller, Cours de droit administratif des biens, 2e éd., Paris, Montchrestien, 2001, p. 27.
157
S. Traoré, Droit des propriétés publiques, Paris, Vuibert, 2008, p. 308.
158
Idem.
159
J.-M. Breton, « Le domaine de l’État », Encyclopédie Juridique de l’Afrique, tome 5, Droit des biens, NEA,
1985, p. 216.
160
J. Dufau, Domaine public, Protection juridique, Juris-Classeur droit administratif, op.cit., (2).

Page 46
B / La conservation obligatoire de l’unité domaniale

La règle de l’inaliénabilité emporte des conséquences qui empêchent tout partage des
biens qui constituent le domaine public entre plusieurs propriétaires. Elle prohibe non
seulement la cession des dépendances domaniales par l’État tant qu’elles demeurent affectées
à l’usage direct du public ou au service publi (1), mais aussi le démembrement du droit de
propriété de l’État sur ces dépendances (2).

1. La prohibition de la cession des biens

Le principe d’inaliénabilité a pour effet d’interdire les cessions gratuites, la vente et même
l’expropriation des biens incorporés naturellement ou volontairement au domaine public161. Il
en résulte une impossibilité pour la personne publique propriétaire de procéder à des cessions
volontaires (a) et à des cessions forcées (b) des biens qui constituent son domaine public.

a) L’interdiction des cessions volontaires

La mise en œuvre de la règle de l’inaliénabilité interdit à l’autorité domaniale de céder de


façon volontaire, c'est-à-dire à titre onéreux ou à titre gratuit un bien appartenant au domaine
public. Aucun acte de donation ou de vente ne saurait être pris par la personne publique
propriétaire sur les dépendances domaniales. Ainsi, lorsque l’on analyse la partie consacrée à
la gestion du domaine public dans le code du domaine de l’État, le législateur ne prévoit pas,
parmi les actes de gestion dudit domaine, la vente, alors qu’il l’a expressément consacrée pour
la gestion du domaine privé162. Il s’avère alors que c’est parce que le domaine public est
inaliénable que les biens qui le constituent ne puissent pas faire l’objet d’actes de cession.

La Cour Suprême a admis cette interdiction de cession des biens du domaine public. C’est
à l’occasion de deux litiges opposant la Société Nationale des Télécommunications
(SONATEL) aux Communes de Mboumba et de Podor ainsi qu’à l’État du Sénégal que la
Haute juridiction sénégalaise a fait application de cette conséquence du principe
d’inaliénabilité. En effet, dans ces affaires, la SONATEL estimait que l’État du Sénégal lui a
cédé l’ensemble des biens dont il disposait dans le cadre de l’exploitation du réseau de
télécommunications, en vertu du décret n° 97-715 du 19 juillet 1997 portant approbation de
la Convention de concession de la SONATEL. Dans ses décisions, la Chambre administrative

161
M. Douenci, « L’inaliénabilité du domaine public », AJDA, 2006, p. 238.
162
Voir article 41 de l loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JORS N° 4506 du 28
juillet 1976.

Page 47
de la Cour Suprême retient que « la cession des biens prévue par la convention de concession
ne saurait concerner le domaine sur lequel la SONATEL ne justifie d’aucun droit ni titre,
mais plutôt les biens mobiliers et immobiliers appartenant à l’Etat au moment de sa signature
et servant à l’exploitation du réseau des télécommunications163 ». À travers sa formule « le
domaine sur lequel la SONATEL ne justifie d’aucun droit ni titre », le juge sénégalais vise les
dépendances du domaine public dont la gestion est transférée au concessionnaire et sur
lesquellles il est seulement habilité à user et à jouir. Il s’agit d’une jouissance bésée non pas
sur la base d’un droit propre mais en vertu de la faculté que lui reconnaît la personne publique
concédante. Ce transfert de gestion ne saurait donc être assimilé à un transfert de propriété en
ce sens que les biens du domaine public ne peuvent pas faire de l’objet de cession.

Cette position du juge sénégalais confirme la vielle jurisprudence française consacrant


cette conséquence du principe de l’inaliénabilité. En effet, la Haute juridiction administrative
a considéré, à propos de la vente des stalles d’une église, que « par l’effet des dispositions de
la loi […], les stalles ont été laissées à la disposition des fidèles et des ministres du culte pour
la pratique de leur religion ; qu’en l’absence d’un décret mettant fin à cette affectation, celle-
ci n’a pas cessé, nonobstant la vente consentie par la commune ; que, dès lors, c'est à bon
droit que le préfet a interdit l'enlèvement desdites stalles et enjoint au maire de veiller à leur
conservation dans l'église164 ». L’analyse qui ressort de ce considérant est que la cession de
biens du domaine public qui n’ont pas été déclassés au préalable viole le principe de
l’inaliénabilité. Ce dernier s’oppose, en effet, à la vente de biens qui sont toujours marqués
par le sceau de la domanialité publique. Ainsi, tant qu’elles demeurent affectées à l’usage
direct du public ou au service public, les dépendances domaniales sont insusceptibles de
vente.

Ceci revient à considérer que « la règle [de l’inaliénabilité] n’implique nullement que les
biens du domaine public ne pourront jamais être vendus165 ». Elle doit être comprise dans le
sens que l’a donnée le Conseil constitutionnel français dans sa Décision du 18 septembre
1986. En effet, ce dernier a eu à préciser que l’inaliénabilité du domaine public « s’oppose

163
Voir CS, Chambre administrative, 09 février 2017, SONATEL c/ Commune de Mboumba et État du Sénégal,
inédit ; CS, 09 mars 2017, SONATEL c/ Commune de Podor et et État du Sénégal, inédit.
164
Voir CE, 17 février 1932, Commune de Barran, D. 1933. III. p. 49.
165
G. Delaloy, « Faut-il supprimer le principe de l’inaliénabilité du domaine public ? », RDP, 2006, n° 3, p. 582.

Page 48
seulement à ce que des biens qui constituent ce domaine soient aliénés sans qu’ils aient été au
préalable déclassés166 ».

Au regard de cette signification, il ne peut pas y avoir de vente de biens du domaine


public qui demeurent affectés à l’usage de tous ou au service public. Il s’en suit alors que
toute cession volontaire de dépendances domaniales non déclassées constitue une violation
manifeste du principe de l’inaliénabilité. En conséquence, l’acte de cession doit être considéré
comme nul.

Pour s’en convaincre, on s’est appuyé sur la jurisprudence de la Chambre administrative


de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire qui adopte une position constante sur cette conséquence
de l’aliénation de biens domaniaux non déclassés. En effet, cette juridiction a, dans plusieurs
décisions, rappelé que : « considérant que le domaine public est par définition inaliénable et
imprescriptible ; que, toute aliénation d’une dépendance du domaine public qui n’a pas fait
l’objet d’un déclassement préalable est entachée de nullité167 ». À ce titre, elle a toujours
décidé que des certificats de propriété délivrés à des personnes privées sur des parcelles du
domaine public non déclassées sont « nuls et non avenus168 ». Il est donc constant qu’avec le
principe d’inaliénabilité, tout acte de cession d’un bien du domaine public non déclassé
constitue une atteinte grave audit domaine et est, par conséquent, inexistant.

La doctrine semble être unanime sur cette implication des actes de vente sans
déclassement préalable des dépendances domaniales. Jean Dufau souligne clairement que «
les ventes de biens domaniaux réalisées sans déclassement préalable ou sans disparition des
phénomènes naturels qui avaient entraîné l’incorporation de ces biens dans le domaine
public sont nulles169 ». Sa position est confortée par Philippe Godfrin et Michel Dégoffe qui

166
Voir Décision n° 86-217 DC du 18 septembre 1986 sur la loi relative à la liberté de communication, JORF du
19 septembre 1986, disponible sur : www.legifrance.gouv.fr, consulté le 28 octobre 2013.
167
Voir par exemple CS, CA, Arrêt N° 1 du 18 janvier 2012, Autorité Nationale de l’Aviation Civile (ANAC) c/
Ministre de la construction, de l’urbanisme et de l’habitat ; CS, Arrêt N° 63 du 23 avril 2014, Mme
OUATTARA Aïchatou épouse SYLLA c/ Ministre de l’Economie et des Finances et autres ; CS, CA, Arrêt N°
112 du 20 mai 2015, Port Autonome d’Abidjan c/ Ministre de la construction, du logement, de l’assainissement
et de l’urbanisme, disponible sur : www.consetat.ci/les-publications/les-décisions, consulté le 28 novembre 2015.
168
Voir par exemple CS (Côte d’Ivoire), Arrêt N° 84 du 23 mai 2012, Mme GRALOU GOUNAN, veuve YABI
TRA Berthélémy c/ Ministre de la construction, de l’urbanisme et de l’habitat ; CS (Côte d’Ivoire), Arrêt N°258
du 18 décembre 2013, Syndicat des Revendeurs de Véhicules d’Occasion de Côte d’Ivoire (SYNARVO-CI) c/
Ministre de l’Economie et des Finances-Société RAFCO Côte d’Ivoire ; CS (Côte d’Ivoire), Arrêt N° 179 du 23
décembre 2014, Chahin SOMBA c/ Ministre de l’Economie et des Finances ; CS (Côte d’Ivoire), Arrêt N° 73 du
18 mars 2015, ZEKPA Aristide Lucien c/ Le Conservateur de la propriété foncière de Marcory, disponible sur :
www.consetat.ci/les-publications/les-décisions, consulté le 28 novembre 2015.
169
J. Dufau, Domaine public, Protection juridique, Juris-Classeur droit administratif, op.cit., (3).

Page 49
retiennent que « la principale conséquence de l’inaliénabilité des dépendances domaniales est
la nullité de la vente d’un bien non déclassé170 ».

Ces positions reflètent l’idée de la sanction de l’interdiction posée par le principe


d’inaliénabilité. Toutes les fois qu’une dépendance domaniale fait l’objet d’une opération de
vente alors qu’elle demeure affectée à l’usage de tous ou au service public, cette cession est
considérée comme nulle, elle est censée n’avoir jamais existé. Cette sanction de la prohibition
des aliénations de dépendances domaniales sans déclassement préalable contribue à restaurer
dans la domanialité publique de biens qui en seraient frauduleusement soustraits.

La nullité d’aliénations de dépendances domaniales non déclassées comporte deux


implications, selon que la cession est opérée par le maître du domaine ou par un particulier.

Lorsque la personne publique propriétaire opère une cession d’une dépendance domaniale,
l’acquéreur est tenu de la restituer. Celui-ci ne peut se prévaloir d’un quelconque acte de
vente puisque la cession est indue. Ainsi, l’acquéreur, même de bonne foi, est soumis à
restitution du bien et l’administration devra en rembourser le prix171.

Lorsque la cession est opérée par un tiers, l’administration est en droit de récupérer son
bien. L’acquéreur d’une dépendance domaniale par l’entremise d’un tiers ne peut se prévaloir
d’aucun droit ni d’aucun titre sur le bien acquis. La transaction est nulle et de nul effet dans la
mesure où un simple particulier ne peut être propriétaire d’un domaine public. Ce dernier « ne
[pouvant] appartenir qu’à une personne publique et jamais à une personne privée 172 », la
vente d’une dépendance domaniale opérée par un particulier n’a aucune valeur juridique.
Ainsi, il appartient à l’administration propriétaire de récupérer purement et simplement son
bien en quelques mains qu’il se trouve173.

En conséquence, la règle de l’inaliénabilité s’oppose à toute aliénation indue de biens


appartenant au domaine public.

S’il est établi que la cession volontaire de dépendances domaniales non déclassées est
frappée de nullité en application du principe d’inaliénabilité, il s’avère utile de connaître la
portée de celle-ci.

170
Ph. Godfrin et M. Degoffe, Droit administratif des biens, op.cit., p. 197.
171
A. de Laubadère, J.-C. Vénézia, Y. Gaudemet, Droit administratif, 16e éd., Paris, L.G.D.J., 1999, p. 128 ; G.
Delaloy, « Faut-il supprimer le principe de l’inaliénabilité du domaine public ? », op.cit., p. 583.
172
Voir CE, Avis, 10 juin 2004, RFDA, 2004, p. 923.
173
P.-C. Kobo, Le droit administratif des biens, Édition 2010, Les éditions ABC, Abidjan, 2010, p. 58.

Page 50
En droit domanial sénégalais, ni les textes, aussi bien législatif que règlementaire, ni la
jurisprudence ne fournissent d’informations sur les personnes qui peuvent se prévaloir de
l’action en nullité. Rien ne renseigne sur l’intérêt à agir du maître du domaine public ou des
usagers dudit domaine à invoquer la règle de l’inaliénabilité pour solliciter la nullité
d’aliénations de dépendances domaniales non déclassées.

Une réponse positive à cette préoccupation traduirait certainement le renforcement de la


force protectrice de cette règle. Reconnaitre à tout usager du domaine public la faculté
d’invoquer la règle de l’inaliénabilité pour contester toute cession indue de dépendances
domaniales contribuerait largement à rendre plus effective la protection préconisée par le
principe d’inaliénabilité. Les destinataires du domaine public pourraient alors se dresser en
sentinelle de préservation des dépendances domaniales en ayant toujours recours au juge à
chaque fois qu’ils décélèrent des cessions de biens du domaine public non déclassés.

Il ne devrait pourtant pas y avoir d’obstacles à ce titre. En effet, la nullité en question


semble être une nullité absolue en ce que l’inaliénabilité est destinée à protéger l’affectation à
l’intérêt général du domaine public. Il y a donc une coïncidence entre la fonction de la règle
de l’inaliénabilité et le critère commun des nullités absolues, qui est la protection de l’intérêt
général174. En conséquence, la nullité des aliénations indues de dépendances domaniales vaut
erga omnes. Le maître du domaine public ainsi que toute personne intéressée peuvent se
prévaloir de cette action en nullité.

Le recours à la jurisprudence du Conseil d’État français permet d’illustrer et de conforter


cette position. En effet, il ressort de ses décisions que tout intéressé censé intervenir au nom
de l’intérêt général175 peut se prévaloir de la nullité d’une vente effectuée au mépris de la
règle d’inaliénabilité176. La Haute juridiction administrative française a déclaré recevable la
requête d’un simple particulier portant sur un moyen tiré de la renonciation illicite de
l’administration aux règles de l’inaliénabilité et de l’imprescriptibilité du domaine public177.
À ce titre, elle fait de l’action en nullité des actes de disposition irréguliers des dépendances
domaniales une nullité absolue.

Cette action doit relever de la compétence du juge de l’administration, notamment la


Chambre administrative de la Cour Suprême sur le fondement de la loi domaniale. En effet, le

174
Y. Gaudemet, Droit administratif des biens, tome 2, 15e éd., L.G.D.J., 2014, pp. 199-200.
175
J. Morand-Deviller, Droit administratif des biens, 7e éd., Paris, Montchrestien, 2012, p. 140.
176
J. Dufau, Le domaine public, tome 1, Ed. Moniteur, 1986, p. 218.
177
Voir C.E. 13 octobre 1967, Cazeaux, Rec. Leb. p. 368 ; RDP 1968, p. 887.

Page 51
code du domaine de l’État dispose que « les actes intéressant le domaine de l’État […] sont
des actes administratifs 178 ». En application de cette disposition, les actes d’aliénation de
biens du domaine public ne peuvent donc être attaqués que devant le juge de l’excès de
pouvoir.

Il se pose alors la question du délai requis pour contester ces aliénations indues de
dépendances domaniales. Il est certain qu’aucune condition de délai n’est requise en ce sens
que le domaine public présente la caractéristique d’être un domaine imprescriptible (voir
infra, p. 77 et s).

La nature absolue de la nullité des actes de cession de biens non déclassés du domaine
public nous semble s’accommoder convenablement avec l’interdiction d’aliénation des
dépendances domaniales. En effet, il paraît logique que les destinataires de ces biens puissent
contester les agissements du maître du domaine au mépris du principe l’inaliénabilité. Car,
comme le souligne Jean Dufau, « les administrés sont intéressés tout autant que
l’administration par la protection du domaine public et notamment lorsqu’il s’agit de biens
affectés à l’usage du public179 ». Le juge administratif français, en admettant l’intérêt à agir de
toute personne censée intervenir au nom de l’intérêt général du domaine public, a compris la
place de choix qu’occupent les destinataires des dépendances domaniales dans la gestion
dudit domaine.

En effet, l’appartenance du domaine public à une personne publique ne doit pas amener à
considérer que celle-ci en jouisse de la même manière que les personnes privées
s’épanouissent de leurs biens. Le régime juridique du domaine public est beaucoup plus conçu
pour la satisfaction des besoins des affectataires que pour celle de l’administration
propriétaire 180 . L’administration domaniale doit gérer les biens qui constituent le domaine
public au mieux dans l’intérêt de ses destinataires. Ainsi, il n’est que service rendu de
reconnaître aux usagers de ce domaine l’intérêt à attaquer devant le juge administratif les
actes de disposition de dépendances domaniales méconnaissant le principe de l’inaliénabilité.
Il serait alors utile d’admettre une telle solution en droit domanial sénégalais afin de rendre
plus effective la place privilégiée des usagers du domaine public par le régime domanial.

178
Voir article 56 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JORS N° 4506 du 28
juillet 1976.
179
J. Dufau, Le domaine public, op.cit., pp. 218-219.
180
Ph. Godfrin et M. Degoffe, Droit administratif des biens, 8e éd., Paris, Sirey, 2007, p. 13.

Page 52
En outre, la règle de l’inaliénabilité du domaine public s’oppose à la cession forcée des
immeubles domaniaux.

b) L’interdiction des cessions forcées

La consécration de la règle de l’inaliénabilité du domaine public entraîne également la


prohibition de cessions forcées de dépendances domaniales, notamment l’expropriation. En
effet, celle-ci est définie comme « la procédure par laquelle l’État peut, dans un but d’utilité
publique et sous réserve d’une juste et préalable indemnité, contraindre toute personne à lui
céder la propriété d’un immeuble ou d’un droit réel immobilier181 ».

Au regard de cette définition, l’expropriation constitue une prérogative exorbitante de la


puissance publique qui emporte un transfert forcé de propriété. À ce titre, elle ne peut être
appliquée aux immeubles qui constituent le domaine public. Ces derniers sont, en effet,
inaliénables le temps que dure leur affectation à l’usage direct du public ou au service public.
C’est ce que souligne Seydou Traoré en écrivant que « l’expropriation, en sa qualité de
procédure d’acquisition forcée d’une propriété immobilière, […], est par principe même
incompatible avec l’inaliénabilité du domaine public 182
». Ainsi, c’est la règle de
l’inaliénabilité qui fait obstacle à la possibilité d’exproprier des dépendances domaniales.

Une référence à la jurisprudence du Conseil d’État français permet de s’assurer que c’est
l’inaliénabilité qui constitue le fondement de l’exclusion de l’expropriation à l’encontre des
dépendances domaniales. Les décisions ayant affirmé l’impossibilité d’exproprier le domaine
public retiennent presque toutes que si l’expropriation est possible à l’égard du domaine privé,
elle n’est pas applicable au domaine public, soumis au principe d’inaliénabilité qui interdit
l’usage de procédé de cession forcée de la propriété183.

Cette position semble également être partagée par la doctrine. René Chapus a souligné que
c’est parce que le domaine public est inaliénable, contrairement au domaine privé, que les
immeubles qui le constituent sont insusceptibles de faire l’objet d’une aliénation forcée 184.
Pour Charles Debbasch et autres, supprimer l’interdiction d’aliénation forcée du domaine

181
Voir articler premier de la loi n° 76-67 du 2 juillet 1976 relative à l’expropriation pour cause d’utilité
publique et aux opérations foncières d’utilité publiques, JO préc.
182
S. Traoré, Droit des propriétés des personnes publiques, Paris, Vuibert, 2008, p. 313.
183
Voir CE, 21 novembre 1884, Conseil de fabrique de l’église Saint-Nicolas des Champs, Rec. Leb. p. 804, cité
par Y. Gaudemet, Droit administratif des biens, op.cit., p. 433 ; CE, 22 juillet 1930, Kersaho, Rec. Leb. p. 680 ;
CE, 6 juillet 1973, Michelin et Veyret, Rec. Leb. p. 481 ; D. 1974, p. 370 ; CE, 8 août 1990, Ministre de
l’urbanisme c/ Ville de Paris, RFDA, 1990, p. 941.
184
R. Chapus, Droit administratif général, tome 2, 15e éd., Paris, Montchrestien, 2001, p 433.

Page 53
public et admettre son expropriation réduiraient à néant les effets de l’inaliénabilité du
domaine185.

Ainsi, l’interdiction d’exproprier le domaine public est liée aux conséquences du principe
d’inaliénabilité. La jonction des deux montre une réelle incompatibilité entre elles :
l’inaliénabilité prohibe la cession forcée, alors que l’expropriation entraîne un transfert forcé
de propriété. Cela montre le bien-fondé de la liaison entre inaliénabilité et interdiction
d’exproprier le domaine public.

Au-delà de cette incompatibilité, le procédé de l’expropriation est sans intérêt pour les
biens du domaine public. En effet, il s’avère inopportun de recourir à l’expropriation pour
cause d’utilité publique sur des biens qui sont déjà affectés à cette utilité. Il se pourrait peut-
être qu’il y ait des intérêts publics divergents. Mais, même dans ce cas, la personne publique
n’a pas besoin de recourir à l’expropriation.

Il lui suffit juste « de procéder à un changement d’affectation186 ». En effet, il y a


changement d’affectation lorsque la destination d’un bien du domaine public est modifiée
sans déclassement préalable et sans transfert de propriété. Le bien primitivement affecté à un
service public ou une collectivité pour satisfaire un besoin déterminé est mis à la disposition
d’un autre service ou d’une autre collectivité en vue d’une autre mission187. Ce mécanisme du
changement d’affectation permet donc de satisfaire à l’utilité publique envisagée sans que
l’appartenance du bien immobilier au domaine public soit remise en cause. Il se concilie avec
la protection établie par le principe d’inaliénabilité.

Dans le cas où une personne publique aurait besoin d’une dépendance domaniale
d’une autre personne publique, l’intérêt de recourir à l’expropriation paraît également moins
évident, puisqu’ « il n’y a que deux intérêts publics en présence 188 ». Face à une telle
situation, il n’est pas besoin d’effectuer une expropriation pour concrétiser l’utilité publique
recherchée. Pourtant, Hélène Simonian-Gineste préconisait une reconsidération de la liaison
inaliénabilité-interdiction d’exproprier le domaine public lorsque deux personnes publiques
sont en présence. Selon elle, l’inaliénabilité n’a de signification que comme mesure de
protection du domaine public contre des risques de « fuite » dans des patrimoines privé […].

185
Ch. Debbasch, J. Bourdon, J. Pontier, J.-C. Ricci, Droit administrative des biens, 2e éd., Thémis Droit Public,
PUF, 1994, p. 116.
186
Idem, p. 117.
187
A. Baudeneau, « CGPPP : une réforme bienvenue », La Gazette_9 octobre 2006, p. 64, [en ligne], disponible
sur : www.lagazettedescommunes.com, consulté le 12 décembre 2013.
188
G. Delaloy, « Faut-il supprimer le principe de l’inaliénabilité du domaine public ? », op.cit., p. 585.

Page 54
Mais, lorsque deux personnes publiques sont en présence, la situation est fondamentalement
différente, puisque, de part et d’autre, il n’y a que des intérêts publics rivaux. Dans un tel cas,
la logique des relations entre l’État et les personnes privées ne devraient plus jouer189.

L’auteur semble ainsi fonder sa pensé sur l’existence de deux intérêts publics
contradictoires pour préconiser la possibilité d’expropriation des immeubles du domaine
public. Mais, cette différence d’intérêts publics ne paraît pas nécessaire pour recourir à
l’expropriation. Celle-ci entraînerait une atteinte à la règle de l’inaliénabilité, puisqu’elle
donne lieu à un transfert de propriété.

En effet, l’expropriation supposerait le déclassement du bien immobilier du domaine


public et son incorporation au domaine privé. Car, « la possibilité d’exproprier une
dépendance du domaine public est conditionnée par un déclassement préalable opérant un
transfert dans le domaine privé190 ». Après ce transfert, l’immeuble devra ensuite être déclaré
d’utilité publique pour être mis à la disposition de la personne publique bénéficiaire et affecté
à l’intérêt général recherché, et, en conséquence, relever de son domaine public. On emprunte
là tout une procédure particulière remettant en cause le principe d’inaliénabilité du domaine
public pour aboutir à un résultat qui existait déjà.

Pourtant, il y a le mécanisme du transfert de gestion qui permet de prendre en compte


cette question d’ « intérêts publics rivaux » sans porter atteinte à l’interdiction d’exproprier le
domaine public par la règle de l’inaliénabilité. Il se trouve cependant que ce procédé
n’entraîne pas un transfert de propriété. Ce qui constitue une limite au pouvoir de gestion de
la personne publique affectataire. En effet, celle-ci ne dispose que d’un droit de maîtrise réelle
sur l’immeuble et non d’un droit de propriété191. Elle ne gère l’immeuble qu’en fonction de
son affectation et ce dernier continue à appartenir à l’autre personne publique. Donc, c’est la
nécessité du transfert de propriété qui sous-tend fondamentalement la préconisation d’une
possibilité d’exproprier le domaine public lorsque deux personnes publiques sont en présence.
Mais, à quoi bon porter une atteinte à l’inaliénabilité d’un bien immobilier pour ensuite
affecter le même bien à une utilité publique et lui faire bénéficier de la même protection.
L’inaliénabilité est dans un premier temps remise en cause pour ensuite être rétablie.

189
H. Simonian-Gineste, « L’avenir du principe d’inaliénabilité du domaine public », R.D.I. 11 (2), avril-juin
1989, p. 174.
190
J. Morand-Deviller, Droit administratif des biens, op.cit., p. 141.
191
Voir Hauriou, Note sous CE, 16 juillet 1909, Ville de Paris, Sirey 1909.III.97, cité par H. Simonian-Gineste,
« L’avenir du principe d’inaliénabilité du domaine public », op.cit., p. 174.

Page 55
Ne faudrait-il pas alors recourir à un mécanisme qui permet le transfert de propriété
sans aucune atteinte à la règle de l’inaliénabilité lorsque deux personnes publiques et de deux
intérêts rivaux sont en présence ? La solution a été trouvée dans le code général de la
propriété des personnes publiques en France qui a consacrée le transfert de propriété
d’immeubles du domaine public entre personnes publiques sans affecter le principe
d’inaliénabilité.

Le nouveau code domanial français permet que des biens qui relèvent de domaine
public des personnes publiques puissent être cédés, sans déclassement préalable, lorsque ces
biens sont destinés à l’exercice des compétences de la personne publique qui les acquiert 192. Il
y a ainsi une dérogation à la règle de l’inaliénabilité avec l’idée de cession, mais il s’agit là
d’une dérogation sans grande conséquence, puisque le bien cédé reste maintenu sous un
régime de domanialité publique. La cession ainsi autorisée constitue juste une redistribution
des propriétés publiques lorsque s’opère un changement de service. Il s’agit d’un
assouplissement à la contrainte du déclassement préalable du bien du domaine public pour
opérer le transfert de propriété193.

Le recours à ce procédé reflète encore une fois de plus l’inadmission de


l’expropriation sur des immeubles appartenant au domaine public. Il s’avère alors que tant
qu’un bien fait partie du domaine public, il ne peut être exproprié. Le domaine public
bénéficie, sur le fondement du principe d’inaliénabilité, d’une protection supplémentaire
originale se présentant sous la forme d’un principe, celui de l’inexpropriabilité de ses
dépendances194.

La prohibition de l’expropriation des dépendances du domaine public par la règle de


l’inaliénabilité emporterait-elle également que les biens immobiliers dudit domaine ne
puissent être compris dans le périmètre d’une déclaration d’utilité publique d’un projet
d’expropriation ? Cette éventualité n’est pas prise en compte par les textes, et la jurisprudence
n’a pas encore eu l’occasion de s’y prononcer.

Un détour au droit domanial français a permis d’avoir une idée nette sur la question.
En effet, le Conseil d’État semble ne pas considérer une atteinte au principe d’inaliénabilité

192
Voir article L.3112-1 de l’ordonnance du 21 avril 2006 portant code général de la propriété des personnes
publiques, JORF du 22 avril 2006, disponible sur : www.legifrance.gouv.fr, consulté le 15 novembre 2013.
193
Voir à ce propos C. Maugüé et G. Bachelier, « La codification du droit des propriétés des personnes
publiques : Genèse et présentation du code général de la propriété des personnes publiques », AJDA, 2006, p.
1081.
194
S. Traoré, Droit des propriétés des personnes publiques, op.cit, .p. 313.

Page 56
du domaine lorsque des dépendances domaniales se trouvent incluses dans le périmètre d’une
déclaration d’utilité publique. Il a eu à juger qu’une déclaration d’utilité publique qui inclue
des biens immobiliers non déclassés du domaine public n’en est pas pour autant illégale, car
celle-ci n’emporte pas elle-même transfert de propriété au profit de l’expropriant195. En effet,
la déclaration d’utilité publique a pour objet seulement de déclarer que le bien présente une
utilité publique justifiant un transfert de propriété, mais elle ne l’entraîne pas elle-même.

Ainsi, le fait que des dépendances domaniales soient comprises dans le champ d’une
déclaration d’utilité publique ne signifie pas qu’elles sont expropriées. Il s’en suit que
l’inaliénabilité du domaine public ne s’oppose pas à ce que des biens immobiliers dudit
domaine soient comprise dans le périmètre d’une déclaration d’utilité publique.

L’inaliénabilité du domaine public qui empêche à l’État de céder les biens qui
constituent ce domaine, lui interdit également de démembrer sa propriété sur les dépendances
domaniales.

2. L’exclusion du démembrement de la propriété publique

La règle de l’inaliénabilité prévue à l’article 9 du code du domaine de l’État prohibe le


démembrement de la propriété de l’État sur son domaine public, notamment la constitution de
droits réels et l’établissement de servitudes sur ledit domaine. Les développents suivant sont
axés sur l’interdiction de constituer des droits réels sur le domaine public. L’interdiction
concernant l’établissement de servitude sera baordée plus loin dans l’étude des servitudes
d’utilité publique (Voir infra, p. 120 et s).

Le démembrement de la propriété correspond à « une division du droit de propriété de


sorte que les éléments constitutifs de ce dernier vont […] appartenir à deux personnes entre
lesquelles vont se répartir les prérogatives attachées à la propriété196 ». Il ne s’agit pas à
proprement parler d’aliénations, mais de l’établissement sur le domaine public de droits réels,
tels que l'usufruit, l'emphytéose, l'hypothèque ou les servitudes, au profit des occupants
privatifs197. Le démembrement a donc pour effet de détacher certains droits de la propriété

195
Voir par exemple CE, 6 juin 1973, Michelin et Veynet, Rec. Leb. p. 481 ; AJDA, 1973, I, p. 586 et II p. 595 ;
CE, 13 janvier 1984, Commune de Thiais, Rec. Leb. p. 6.
196
F. Archer, « La propriété démembrée », [en ligne], disponible sur :
www.wikiterritorial.cnfpt.fr/xwiki/wiki/econnaissances/view/Notions-Cles/Laproprietedemembree, 2012,
consulté le 16 novembre 2013.
197
G. Delaloy, « Faut-il supprimer le principe de l’inaliénabilité du domaine public ? », op.cit., p. 585.

Page 57
pour les transférer à un autre que le propriétaire, qui ne dispose plus dès lors que d’un droit de
propriété « partiel »198.

Les droits réelsdonnant ainsi lieu à une division de la propriété s’opposent à la règle de
l’inaliénabilité du domaine public. Ils confèrent à l’occupant privatif des pouvoirs forts
puisqu’il confère à son titulaire, pour la durée de l’autorisation, les prérogatives et obligations
du propriétaire199. Or, avec le principe d’inaliénabilité, les personnes publiques ne peuvent pas
être privées de leur propriété sur les dépendances domaniales 200 . Il se créé ainsi une
incompatibilité entre droits réels et inaliénabilité du domaine public. C’est pourquoi la
consécration de cette règle par le législateur est considérée comme entraînant l’inapplicabilité
au domaine public des divers démembrements du droit de propriété201. L’on considère alors
que « la propriété de l’État sur le domaine public n’est pas démembrable202 ».

Cette prohibition a été consacrée par la jurisprudence, notamment française. Dans l’arrêt
Association Eurolat et Crédit foncier de France, le Conseil d’État avait affirmé que des
conventions ayant conféré un droit réel sur un terrain appartenant à une collectivité publique,
affecté à un service public sont « incompatibles avec les principes de la domanialité publique
comme avec les nécessités du fonctionnement d’un service public, [et] doivent être regardées
comme nulles203 ». Il est donc établi que la règle de l’inaliénabilité du domaine public emporte
une indivision de la propriété de la personne publique sur ledit domaine en ce sens qu’il ne
peut être reconnu à un occupant domanial des droits réels.

L’opposition à la constitution de droits réels sur les dépendances domaniales tient à deux
principales raisons.

D’une part, elle s’explique par le fait que les droits réels portent directement sur une chose
matérielle déterminée et créent un lien juridique entre la personne et la chose corporelle. Ils
confèrent à leurs titulaires un droit direct et immédiat sur la chose. Ainsi, étant donné que la
personne publique ne peut être privée de sa propriété sur les biens du domaine public, il
s’avère impossible de reconnaitre à une tierce personne un quelconque droit sur lesdits biens.

198
H. Simonian-Gineste, « L’avenir du principe d’inaliénabilité du domaine public », op.cit., p. 174.
199
J. Morand-Deviller, Droit administratif des biens, op.cit., p. 229.
200
Y. Gaudemet, Droit administratif des biens, op.cit., p. 204.
201
Ch. Debbasch, J. Bourdon, J. Pontier, J.-C. Ricci, Droit administrative des biens, op.cit., p. 117 ; J. Dufau, Le
domaine public, op.cit., p. 216 ; R. Chapus, Droit administratif général, op.cit., n° 508 et s.
202
M. Cavérivière et M. Débène, Le droit foncier sénégalais, Paris, Berger-Levrault, 1988, p. 253.
203
Voir C.E., 6 mai 1985, Association Eurolat et Crédit foncier de France, RFDA 1986, p. 21.

Page 58
L’interdiction des droits réels se présente alors comme une conséquence logique et nécessaire
de l’inaliénabilité du domaine public204.

C’est, peut-être la raison pour laquelle le législateur est passé sous silence la question de
la possibilité de constituer ou non sur le domaine public des droits réels, alors qu’il reconnait
explicitement leur constitution sur la seconde masse du domaine de l’État, à savoir le domaine
privé205. Un raisonnement a contrario permet de constater que c’est parce que le domaine
public est inaliénable que le législateur n’y a pas institué des titres d’occupation privative
constitutifs de droits réels. Ainsi, l’autorité domaniale ne peut pas accorder à un particulier de
tels droits sur les dépendances du domaine public.

D’autre part, l’interdiction de constituer des droits réels sur le domaine public réside dans
le fait que lesdits droits peuvent être à l’origine d’aliénation du domaine public. Il s’agit en
effet de droits qui reconnaissent à leur titulaire un pouvoir de disposition. Car, comme le
souligne Guillaume Delaloy, « le démembrement a pour effet de détacher certains droits de la
propriété pour les transférer à une autre personne que le propriétaire, qui ne dispose plus dès
lors que d'un droit de propriété partiel 206 ». Il se présente alors comme un procédé
qui disjoint certains droits de la propriété pour en conférer l’exercice à d’autres personnes que
le propriétaire ; ce qui revient à une aliénation partielle susceptible de compromettre
l’affectation du bien207.

Ainsi, le fait d’admettre que le domaine public puisse être grevé, au profit de tiers, de
droits réels, tels que les droits d’usufruit, d’emphytéose, ou les servitudes, serait permettre un
démembrement du droit de propriété dont il fait l’objet, et donner lieu par suite à une
aliénation partielle de ses dépendances208.

C’est donc pour éviter toute atteinte à l’affectation des dépendances domaniales, qu’il est
apparu souhaitable d’exclure sur le domaine public tout droit susceptible de remettre en cause

204
Voir Y. Gaudemet, « Les droits réels sur le domaine public », AJDA mai 2006, p. 1095.
205
Voir l’article 36 de la loi n° 76-66 portant code du domaine de l’État qui dispose que « Les dépendances du
domaine privé immobilier non affecté consistant en terrains à mettre en valeur sont administrées de manière à
assurer leur utilisation et leur mise en valeur rationnelle conformément aux plans de développement et
d’uranisme ou aux programmes d’aménagement. A ces fins, lesdits terrains peuvent faire l’objet d’autorisations
d’occuper à titre précaire et révocable, de baux ordinaire, de baux emphytéotiques, de concessions du droit de
superficie et de ventes ».
206
G. Delaloy, « Faut-il supprimer le principe de l’inaliénabilité du domaine public ? » », op.cit., p. 585.
207
P.-C. Kobo, Droit administratif des biens, Edition 2010, Les éditions ABC, Abidjan, 2010, p. 59.
208
R. Chapus, Droit administratif général, op.cit., p. 428.

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l’affectation dudit domaine à l’usage direct du public ou au service public209. Car, « il semble
évident que la protection du domaine public passe par une exclusion de la constitution de
[droits réels] afin que leur exercice ne puisse, un jour, porter atteinte à l’affectation des
parcelles domaniales210 ».

C’est ce à quoi s’atèle la règle de l’inaliénabilité. Elle empêche que les biens du domaine
public sortent du patrimoine de l’État propriétaire pour entrer dans le patrimoine d’une
personne privée pour une destination d’intérêt privé. Ce qui fait que le domaine public peut
certes être utilisé par les tiers, mais ces derniers ne peuvent pas, en principe, se voir
reconnaitre un quelconque droit qui remettrait en cause l’affectation de ce domaine à l’usage
de tous ou au service public.

La règle de l’inaliénabilité garantit donc à l’État la maîtrise totale et entière de sa propriété


sur le domaine public. Elle l’interdit de partager cette propriété avec les occupants privatifs.
Mais, il faut relever qu’avec la dimension économique dudit domaine le principe
d’inaliénabilité a fini par être infléchi afin de permettre la constitution de droits réels sur le
domaine public. Au demeurant, il faut souligner les atténuations à l’interdiction de constituer
des droits réels sur les dépendances domaniales ne s’inscrivent pas dans une logique de
fragilisation de la protection du domaine public. D’ailleurs, des gardes-fous énormes
encadrent ces dérogations afin de préserver l’utilité publique du domaine public comme le fait
le principe d’inaliénabilité. Ainsi, les assouplissements à ce principe constituent plutôt des
exceptions préconisées dans un souci de valorisation des dépendances domaniales. Les
domaines dans lesquelles les droits réels sont admis constituent des zones à forte potentialité
économique qui ne peuvent être adéquatement exploités avec une application absolue de la
règle de l’inaliénabilité. L’idée était donc d’atténuer la rigidité du principe de l’inaliénabilité
dont les conséquences de la précarité découragent les investisseurs potentiels211 (voir infra, p.
402 et s).

Tout compte fait, il apparaît que le démembrement de la propriété de l’État sur le domaine
public reste exclu en principe. Les remises en cause notées depuis 1981 n’ont pas encore
abouti à une généralisation de la reconnaissance de droits réels sur les dépendances
domaniales ; elles ne portent pour le moment que sur des parties biens précises du domaine

209
O. de David Beauregard-Berthier, Droit administratif des biens, Mémento LMD, 7ème édition, 2011/2012,
Gualino, 2011, p. 107.
210
H. Simonian-Gineste, « L’avenir du principe d’inaliénabilité du domaine public », op.cit., p. 174.
211
G. Delaloy, « Faut-il supprimer le principe de l’inaliénabilité du domaine public ? », RDP, 2006, n° 3, p. 587.

Page 60
public. Mis à part les domaines précités, la règle de l’inaliénabilité s’applique dans toute sa
rigueur.

La législation domaniale s’est efforcée de se conformer aux implications de la règle de


l’inaliénabilité du domaine public en prohibant les aliénations de dépendances domaniales qui
demeurent affectées à l’usage direct du public ou au service public. Mais, il se trouve que ce
principe protecteur peut être contourné par la technique du déclassement qui, du reste, est
insérée dans un formalisme qui reflète la vertu protectrice de l’inaliénabilité.

Paragraphe 2 : La sortie encadrée des biens du domaine public

La règle de l’inaliénabilité du domaine public qui implique une indisponibilité des


dépendances domaniales est d’une portée relative. Le législateur reconnaît à l’autorité
domaniale la possibilité de soustraire un bien du domaine public, et, en conséquence, le priver
du régime protecteur de la domanialité publique.

Mais, pour ce faire, il la soumet à un formalisme qui se traduit par l’exigence d’un acte
de déclassement pour rendre effective la sortie de la dépendance du domaine public. Cet
encadrement juridique reflète une logique de protection des dépendances domaniales. Il évite
une banalisation de la fin de l’appartenance d’un bien au domaine public. Il se trouve
cependant que le législateur n’est pas allé au bout de sa logique de protection dans la mesure
où il n’a pas prévu une procédure d’édiction de l’acte de déclassement. Ainsi, avant
d’envisager le formalisme incomplet de la sortie des biens du domaine public (B), nous allons
nous attarder d’abord sur les justifications de cet encadrement (A).

A / Les justifications

L’encadrement de la possibilité offerte à la personne publique propriétaire de faire


cesser la domanialité publique des dépendances domaniales tient à deux raisons. Il s’agit
d’une part de la réduction de la consistance du domaine public qui résulte du déclassement (1)
et d’autre part de l’aliénabilité des biens déclassés (2).

1. La réduction de la consistance du domaine public

Le déclassement des biens du domaine public entraine de prime abord une réduction de la
consistance domaniale. En effet, il met fin à l’appartenance d’un bien au domaine public.
C’est ce qui ressort du code du domaine de l’État lorsqu’il consacre que « le déclassement a

Page 61
pour effet d’enlever à un immeuble son caractère de domanialité publique et de le faire
entrer, s’il est immatriculé, dans le domaine privé, ou dans le cas contraire, dans le domaine
national […]212 ». Il résulte de cette disposition que le recours au déclassement consiste pour
la personne publique propriétaire à faire sortir un bien du domaine public213 en vue de son
incorporation au domaine privé. Cela entraîne un rétrécissement de la consistance du domaine
public et un élargissement de celui du domaine privé.

La réception du bien immobilier du domaine public déclassé dans le domaine privé peut
s’opérer de deux manières.

D’une part, elle peut se faire directement dans le cas où l’immeuble qui quitte le domaine
public était immatriculé. Cette hypothèse concerne les immeubles entrés dans le domaine
public par classement, c'est-à-dire les immeubles qui appartenaient au domaine privé (donc
immatriculés) et qui ont été mutés dans le domaine public par un acte de classement.

D’autre part, elle peut s’effectuer de façon indirecte dans le cas où la dépendance
domaniale n’était pas immatriculée. La non immatriculation fait que ces immeubles
domaniaux ne peuvent pas être directement incorporés au domaine privé de l’État lorsqu’ils
sont déclassés. Ils doivent d’abord transiter par le domaine national avant d’être intégrés dans
le domaine privé. En effet, le bien déclassé qui tombe dans le domaine national fera l’objet
d’une réquisition d’immatriculation au nom de l’État pour intégrer son domaine privé. C’est
ce qui est consacré par la loi domaniale : « l’immeuble déclassé et incorporé au domaine
national peut faire l’objet d’une réquisition d’immatriculation au nom de l’État, sans
formalités préalables214 ». Ce passage transitoire du bien déclassé au domaine national est
confirmé par la loi n° 2011-07 du 30 mars 2011 portant régime de la propriété foncière qui
dispose que « les immeubles du domaine public déclassés et incorporés dans le domaine
national visés à l’article 19 du code du domaine de l’État sont immatriculés dès réception par
le conservateur de la réquisition d’immatriculation215 ». En clair, le déclassement permet à
l’État de muter un bien du domaine public à son domaine privé.

Cette possibilité de mutation des biens du domaine public vers le domaine privé de l’État
contribue à réduire les biens communs à tous, les biens destinés à l’usage du public ou au

212
Voir article 19, alinéa 1 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.
213
Y. Gaudemet, Droit administratif des biens, op. cit., p. 160.
214
Voir article 19 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.
215
Voir article 4, alinéa 3 de la loi n° 2011-07 du 30 mars 2011 portant régime de la propriété foncière, JORS N°
6607 du 13 août 2011.

Page 62
service public. En effet, lorsqu’ils tombent dans le domaine privé, ces biens perdent leur
caractère de domanialité publique et deviennent passibles d’une appropriation privée. Ainsi, la
consistance du domaine public dépend fortement du rythme de déclassement. Son usage
incontrôlé risque de réduire à néant le domaine public de l’État.

Le déclassement constitue ainsi une exception qui fragilise considérablement la protection


de la consistance domaniale telle que voulue par la règle de l’inaliénabilité. Son usage
représente une menace permanente à l’existence du domaine public. Car, chaque fois qu’il est
mis en œuvre, ce sont des parties entières de biens affectés à l’usage direct du public ou au
service qui sont soustraits du régime protecteur de la domanialité publique. Or, il se trouve
qu’au Sénégal ce sont des dépendances d’une forte utilité pour la collectivité qui sont sous la
menace d’un déclassement. Il s’agit à la fois des biens du domaine public artificiel et du
domaine public naturel, plus particulièrement du domaine public maritime.

Au regard de l’exposition de ces dépendances domaniales à des aliénations en cas de


déclassement, il serait préférable de reconsidérer les biens qui peuvent être déclassés. La
solution retenue en droit domanial malien, par exemple, paraît plus conciliable avec les
conséquences du déclassement. En effet, il ressort de la législation domaniale de ce pays que
seules les portions du domaine public reconnues sans intérêt pour les services publics ou
l’intérêt général peuvent être déclassées par décret et seront alors incorporées au domaine
privé de l’État216. Il apparaît là que seuls les biens qui ne présentent plus une utilité publique
sont concernés par la procédure de déclassement. Cette dernière ne saurait être appliquée à
des dépendances domaniales qui demeurent affectées à l’usage direct du public ou au service
public. Ainsi, les biens du domaine public ne sont aliénables que sous la réserve qu’ils ne
soient plus utiles à l’intérêt général 217 . Le déclassement trouve ici sa justification dans
l’absence d’utilité constatée du bien en cause au regard de sa destination initiale.

Donc, le déclassement ne se présente pas ici comme une menace à la préservation de la


consistance du domaine public, mais il constitue un moyen permettant une meilleure
administration des biens de l’État. Car, il n’y a aucun intérêt à maintenir dans le domaine
public des biens qui n’ont plus une utilité publique.

216
Voir article 15 de l’ordonnance malienne n° 00-027/P-RM du 22 mars 2000 portant code domanial et foncier,
[en ligne], disponible sur : www.droit-afrique.com/.../Mali/Mali-Code-2000-domanial-et-foncier-MAJ-2002.pdf,
consulté le 13 mars 2013.
217
A. Ley, Le régime domanial et foncier et le développement économique de la Côte d’Ivoire, Paris, LGDJ,
1972, p. 126.

Page 63
Mais, quelque utile puisse être le déclassement de dépendances domaniales, ce dernier
reste un mécanisme réducteur de la consistance du domaine public. En plus de cela, il entraine
aussi l’aliénabilité des biens en cause.

2. L’aliénabilité des dépendances domaniales

En sortant du domaine public, le bien déclassé ne bénéficie plus des garanties de la


domanialité publique. Il perd son caractère d’inaliénabilité et peut faire l’objet d’actes de
disposition. En effet, le déclassement a pour objet de retirer à un immeuble son caractère de
domanialité publique218 et lui faire perdre sa protection par le principe d’inaliénabilité. Le
bien déclassé va tomber dans le domaine privé de l’État et obéir au régime de la propriété
privée. Il ne bénéficiera plus alors de l’indisponibilité qui l’a jusque-là protégée.

La règle de l’inaliénabilité qui constitue le véritable rempart à la libre disposition du


domaine public ne permettra plus de protéger le bien qui n’en fait plus partie. Le
déclassement d’une dépendance du domaine public permet ainsi de faire échec à son
inaliénabilité. Si la qualification de dépendance domaniale disparaît, la rigueur de
l’inaliénabilité disparaît219. Ainsi, un bien qui cesse d’être une dépendance du domaine public
peut faire l’objet de cession, volontaire ou forcée, et de démembrements. En effet, la personne
publique étatique propriétaire a toute la latitude pour le céder ou y accorder des autorisations
d’occuper qui confèrent à leurs titulaires des droits réels. Ce qui permet d’affirmer qu’«
autant le principe d’inaliénabilité est ferme dans son énoncé, autant il peut être relatif dans
sa mise en œuvre220 ».

Il suffit, en effet, qu’un bien n’appartienne plus au domaine public pour pouvoir être
aliéné. On peut alors considérer que « l'appartenance au domaine public et donc
l'inaliénabilité du bien dépendent de son affectation à l'usage du public ou à un service
public. Sa simple désaffectation entraîne donc son aliénabilité221 ». Cela fait du déclassement
un moyen de contournement de la protection établie par la règle de l’inaliénabilité. Il s’agit
d’une brèche que le législateur a ouverte à l’administration domaniale pour procéder à la
cession de dépendances domaniales.

218
Voir article 19, alinéa 1 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.
219
M. Douenci, « L’inaliénabilité du domaine public », A.J.D.A. 2006, p. 238.
220
Idem.
221
C. David, « Pour une approche renouvelée du droit français de la domanialité publique », L.P.A., 17 août
2007, n° 165, p. 9.

Page 64
Toutefois, il faut préciser qu’en droit sénégalais, même si les biens du domaine privé
ne sont pas protégés par la règle de l’inaliénabilité, leur aliénation n’est pas aussi aisée qu’on
pourrait l’imaginer. En effet, l’administration n’a pas les coudées franches pour procéder à
leur aliénation. Celle-ci ne peut résulter que d’une autorisation législative ou règlementaire222.
Monique Cavérivière et Marc Débène affirment à ce propos que l’ « une des innovations
remarquables de la loi n° 76-66 a été de subordonner la vente des immeubles du domaine
privé à une autorisation législative, sous réserve de certains cas limités dans lesquels un
décret est suffisant223 ».

En effet, lorsque l’acquéreur d’une dépendance du domaine privé est une société ou un
établissement public spécialement créé en vue du développement de l’habitat, un décret est
suffisant pour l’aliénation de la dépendance en cause. La vente de terrains nécessaires à la
réalisation de programmes de construction de ces sociétés est autorisée par décret. On a ainsi
cherché à faciliter la transaction à ces sociétés immobilières en raison de leur objet social qui
est la construction de logements sociaux.

En revanche, lorsque toute autre personne veut acquérir un bien du domaine privé,
l’administration domaniale ne pourra effectuer la vente que sur la base d’une autorisation
législative. Il faut l’aval du Parlement pour procéder à toute aliénation d’un immeuble du
domaine privé au profit d’un acquéreur autre que les sociétés immobilières créées par l’État. Il
s’agit là d’une clause restrictive qui vise à prévenir une gestion trop désordonnée et à éviter la
dilapidation du patrimoine de l’État224.

Une telle rigueur est justifiée par l’intérêt général attaché aux dépendances
domaniales, qu’il s’agisse du domaine public ou du domaine privé225. Le législateur est animé
ici par un souci de protection des biens du domaine privé compte tenu de la fonction d’intérêt
général qui leur est assignée. Il ne semble pas alors que l’appartenance au domaine public

222
Voir article 41 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.
223
M. Cavérivière et M. Débène, Le droit foncier sénégalais, Berger-Levrault, 1988, p. 114.
224
Ch. Lapeyre, « Aperçu de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État au Sénégal »,
AA, 1976, p. 99.
225
En effet, l’intérêt général occupe une place de choix dans la gestion du domaine privé comme l’a si bien
montré Charles Lapeyre dans son article consacré à l’analyse de la loi n° 76-66 en affirmant que « le législateur
sénégalais n’a pas caché que la gestion de ce domaine était loin de comporter uniquement une finalité
patrimoniale, et qu’elle poursuivait, dans une très large mesure, des objectifs d’intérêt général ; les références à
la notion d’intérêt général sont fréquentes et démontrent à l’évidence que rien ne doit être négligé pour assurer la
satisfaction et le respect d’un besoin aussi fondamental » (voir à ce propos, Ch. Lapeyre, « Aperçu de la loi n°
76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État au Sénégal », AA, 1976, p. 96).

Page 65
entraîne une protection systématique supérieure contre l’aliénation226. Les biens qui relèvent
du domaine privé sont également protégés par la procédure établie pour leur aliénation.
Ainsi, ils bénéficient d’une quasi-inaliénabilité.

Mais, quoique protégés, les biens qui constituent le domaine privé peuvent être
aliénés. C’est cela qui fait la différence avec les biens qui constituent le domaine public qui,
tant qu’ils y demeurent, ne peuvent faire l’objet de cessions. Le déclassement qui est le moyen
de leur sortie du domaine public expose donc les dépendances domaniales à une aliénation.
Voilà pourquoi il constitue une menace à l’existence du domaine public et qui fait qu’il soit
inséré dans un formalisme dont la procédure n’a pas été précisée.

B / Le formalisme incomplet de la sortie des biens du domaine public

Compte tenu du fait que la sortie des biens du domaine public entraîne la suppression
de la protection assurée par le régime de domanialité publique, il est apparu nécessaire de la
circonscrire. Il s’est, en fait, agi d’assujettir la personne publique propriétaire à prendre un
acte formel pour faire sortir un bien du domaine (1). Cette exigence d’un acte formel de
déclassement n’a pas été assortie d’une forme et procédure à suivre pour son édiction comme
il est de principe pour la prise des actes administratifs (2).

1. L’exigence d’un acte formel de déclassement

Pour mieux appréhender l’idée de protection attachée à l’exigence d’un déclassement, il


convient de souligner que la sortie des biens du domaine public peut résulter d’une double
situation : soit d’une situation de fait, appelée désaffectation, soit d’une situation formelle,
dite déclassement. Il s’agit en effet de deux situations qui font perdre à un bien son
appartenance au domaine public, mais qui ne doivent pas être confondues.

En se basant sur les écrits de Stéphane Duroy, la désaffectation renvoie à la non utilisation
par le public ou le service public d’une dépendance domaniale ou bien à la disparition des
phénomènes naturels ayant justifié l’incorporation de certains biens au domaine public. En
revanche, le déclassement correspond à l’acte juridique par lequel l’autorité compétente
manifeste son intention de faire sortir un bien du domaine public. Autrement dit, le
déclassement désigne un acte administratif par l’effet duquel un bien appartenant au domaine

226
C. David, « Pour une approche renouvelée du droit français de la domanialité publique », L.P.A.,
17 août 2007 n° 165, p. 10.

Page 66
public pouvait en être volontairement soustrait pour devenir ou redevenir un bien ordinaire
susceptible d’aliénation227.

À l’analyse du code du domaine de l’État, le législateur a opté pour la situation


formelle pour faire cesser l’appartenance d’un bien au domaine public de l’État. En effet, il
dispose dans la loi domaniale que « sous réserve des dispositions du troisième alinéa du
présent article, les dépendances du domaine public peuvent être déclassées. Le déclassement
a pour effet d’enlever à un immeuble son caractère de domanialité publique et de le faire
entrer, s’il est immatriculé, dans le domaine privé, ou, dans le cas contraire, dans le domaine
national […]228 ». La lecture qu’on peut ainsi faire de l’alinéa premier de l’article 19 du code
du domaine de l’État est que la situation de fait, c'est-à-dire la non utilisation du bien
immobilier par le public ou le service public n’est pas prise en compte. Le législateur se limite
à la seule prise d’un acte juridique de déclassement pour faire cesser l’appartenance d’un bien
au domaine de l’État.

Deux situations peuvent en être déduites : d’une part une simple désaffectation ne suffit
pas à enlever à un immeuble son caractère de domanialité publique, d’autre part il n’est pas
besoin d’une désaffectation pour que soit pris un acte formel de déclassement. Ainsi, un bien
peut toujours être utilisé par le public ou le service public et faire l’objet d’un déclassement.
En clair, que le bien immobilier soit désaffecté ou non, sa sortie du domaine public passe par
l’intervention d’un acte juridique de déclassement.

Cette condition de sortie des biens du domaine public révèle une volonté de protéger
l’affectation des dépendances domaniales. Elle constitue un moyen de protection du domaine
public contre les aliénations déraisonnées.

En s’appuyant sur la jurisprudence du Conseil d’État français, on se rend effectivement


compte de cette vocation de l’exigence d’une sortie formelle des biens du domaine public. En
effet, le juge administratif a depuis longtemps considéré que l’exigence d’un acte formel
déclassement contribue à protéger le domaine public. Il a en effet soutenu que « le
déclassement par décision expresse présente un double mérite : celui de protéger le domaine
public, mais aussi celui de permettre son évolution, ses mutations, y compris par l’aliénation,
mais une aliénation raisonnée, volontaire, que préfigure la mesure de déclassement229 ».

227
S. Duroy, « La sortie des biens du domaine public : le déclassement », A.J.D.A. 1997, p. 820.
228
Voir article 19 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.
229
Voir CE, 20 juin 1930, Marrot, D. 1931, 3, 31.

Page 67
Cette valeur protectrice du déclassement formel est largement partagée par la doctrine.
Selon Charles Debbasch et autres, « l’exigence d’un comportement explicite de
l’administration, par l’édiction d’un acte juridique, paraît contraignante et donc protectrice
du domaine230 ». Elle est considérée comme étant de nature « à éviter des sorties clandestines
(de biens) du domaine public231 ». En effet, en exigeant un acte de déclassement, le législateur
contraint l’administration domaniale à prendre formellement un acte qui officialise la sortie
d’un bien du domaine public. Tant que l’acte formel n’aura pas été expressément édicté, la
dépendance domaniale ne saurait être considérée comme ne faisant plus partie du domaine
public.

Cette nécessité de recourir à un acte formel de déclassement « présente l’avantage de


fournir au domaine public une vigoureuse protection232 ». Elle démontre que le législateur ne
s’oppose pas à la sortie des biens du domaine public, mais il exige à ce que cette sortie soit
régularisée. Celui-ci pose donc comme règle l’obligation pour l’administration de prendre un
acte formel pour constater la fin de la destination initiale d’un bien du domaine public. Ainsi,
il faut considérer l’institution du déclassement comme une mesure de sauvegarde de la
consistance du domaine public dans la mesure où elle est la seule à faire sortir un bien dudit
domaine. Tant qu’elle n’est pas édictée, une dépendance domaniale ne pourrait être soustraite
du domaine public. C’est la raison pour laquelle Yves Gaudemet écrit que « c’est là une
solution sagement protectrice du domaine et de nature à éviter des déclassements abusifs, en
assurant une sorte de protection des collectivités publiques contre elles-mêmes233 ». Il faut
donc dire qu’ « exiger un déclassement formel, c’est encore protéger le domaine public234 ».

La vertu protectrice du déclassement se conçoit aisément dans les situations où il y a la


conjonction de la double condition de désaffectation et d’acte formel de déclassement. En
effet, dans ces situations, la non utilisation de la dépendance domaniale par le public ou le
service public, c'est-à-dire la désaffectation ne suffit pas à enlever à cette dépendance son
caractère de domanialité publique, il faut impérativement l’intervention d’un acte de
déclassement.

230
Ch. Debbasch, J. Bourdon, J. Pontier, J.-C. Ricci, Droit administratif des biens, 2e éd., Thémis Droit public,
PUF, p. 112.
231
D. Mandelkern, Y. Gaudemet et L. Deruy, Rapport du groupe de travail Valorisation des propriétés
publiques, Institut de la Gestion Déléguée, juin 2004, p. 30.
232
S. Traoré, Droit des proprieties publiques, Paris, Vuibert, 2008, p. 295.
233
Y. Gaudemet, « Les constructions en volumes sur le domaine public », C.J.E.G. octobre 1991, Chr. p. 302.
234
S. Duroy, « La sortie des biens du domaine public : le déclassement », op.cit., p. 822.

Page 68
Le droit domanial français constitue une parfaite illustration de cette situation au
regard de l’ordonnance domaniale qui dispose qu’« un bien d’une personne publique
mentionné à l’article L.1, qui n’est plus affecté à un service public ou à l’usage direct du
public, ne fait plus partie du domaine public à compter de l’intervention de l’acte
administratif constatant son déclassement 235 ». Cette disposition exige, au-delà de la
désaffectation, l’intervention d’un acte de déclassement pour la sortie d’un bien du domaine
public. C’est dans ce cadre que Odile de David Beauregard-Berthier affirme que « le principe
posé est donc que la désaffectation de fait d’un bien du domaine public ne suffit pas à l’en
faire sortir : une désaffectation formelle, et donc un acte de déclassement, est toujours
nécessaire236 ». Il en résulte que « les biens désaffectés, c'est-à-dire abandonnés ou inutilisés
ne peuvent plus sortir de ce seul fait du domaine public, il faut de surcroit une décision
expresse de déclassement237 ».

Cette condition supplémentaire à la cessation de fait de l’affectation traduit la fonction


protectrice du déclassement. Même si son édiction va entraîner la sortie du bien du domaine
public, il faut remarquer que sans son intervention, l’immeuble, bien qu’inutilisé par le public
ou le service public, demeure une dépendance domaniale. La domanialité publique de cette
dernière ne pourra cesser que suivant une forme et procédure bien déterminée.

L’exigence du déclassement telle que posée en droit domanial sénégalais peut être
différemment appréciée. En effet, elle laisse en rade la désaffectation alors qu’elle couvre à la
fois les immeubles du domaine public artificiel et ceux du domaine public naturel238.

S’agissant du domaine public artificiel, l’exigence de la procédure de déclassement se


justifie sur toute la ligne et joue un rôle de protection. En effet, l’entrée des biens dans le
domaine public artificiel ne se fait pas de manière homogène, mais cela n’empêche qu’ils
soient soumis au même régime de sortie. Celle-là résulte, en effet, soit d’un acte de
classement, soit de travaux d’exécution qui confèrent à un immeuble son caractère de

235
Voir article L.2141-1 de l’ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 portant code général de la propriété des
personnes publiques, modifiée, JORF du 22 avril 2006, [en ligne], disponible sur : www.legifrance.gouv.fr,
consulté le 17 novembre 2013.
236
O. de David Beauregard-Berthier, Mémento de droit administratif des biens, 3e éd., Gualino éditeur, EJA-
Paris, 2003, p. 84.
237
S. Duroy, « La sortie des biens du domaine public : le déclassement », op.cit., p. 823.
238
Voir article 19 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.

Page 69
domanialité publique239. Le respect de la règle du parallélisme des formes exigerait que la
sortie de ces biens obéisse à la façon dont ils ont été incorporés dans le domaine public.

Ainsi, lorsque des biens entrent dans le domaine public à la suite d’un acte de classement,
il serait alors logique qu’ils ne puissent en sortir que par le biais d’un acte de déclassement. Il
ne peut y avoir désaffectation de fait pour ces biens ; en l’absence d’un acte formel de
déclassement, ils continuent à faire partie du domaine public.

Par contre, lorsque la domanialité publique des biens résulte de l’exécution de travaux,
l’incorporation du bien dans le domaine public ne découle pas ici d’un acte juridique de
classement. C’est l’exécution des travaux qui entraine l’incorporation ipso facto du bien
immobilier au domaine public artificiel. Dans ce cas, l’on pourrait considérer que des biens
qui sont entrés dans le domaine public artificiel à la suite d’une affectation de fait puissent en
sortir par des circonstances de fait. À partir du moment où leur incorporation dans le domaine
public ne résulte pas d’un acte juridique, la disparition des circonstances qui ont donné lieu à
leur domanialité publique devait justifier leur désaffectation et non la prise d’un acte formel
de déclassement.

Le législateur n’a pas tenu compte de cette dichotomie. Il a institué un régime unique de
sortie des biens du domaine public artificiel qui, du reste, peut être considéré comme trop
contraignante pour les immeubles incorporés audit domaine du fait de l’exécution de travaux.
Quoiqu’il en soit, c’est l’aspect protection du domaine public qui est mis en avant et qui
épouse parfaitement la logique des principes protecteurs du domaine public, notamment
l’inaliénabilité et l’imprescriptibilité.

Le législateur sénégalais vise à assurer le respect de ces traits caractéristiques du domaine


public consacrés à l’article 9 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976. En effet, la règle de
l’inaliénabilité du domaine public est une règle qui « s’oppose à ce que des biens qui
constituent ce domaine soient aliénés sans qu’ils aient été au préalable déclassés240 ». Seule
la prise d’un acte formel changeant la destination de la dépendance, à savoir le déclassement,
peut permettre son aliénation. C’est en ce sens que le commissaire du gouvernement
Bachelier affirme que « l’exigence de déclassement est inspirée par le nécessaire respect du

239
Voir article 8 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.
240
Voir Con. Const.18 septembre 1986, déc. n° 86-217 DC, JORF du 19 septembre 1986.

Page 70
principe d’inaliénabilité241 ». Donc, sans cet acte, la règle de l’inaliénabilité produit ses pleins
effets et empêche l’aliénation des dépendances domaniales.

L’exigence d’une décision expresse pour déclasser un bien du domaine public répond
également à un souci de garantir le respect du principe d’imprescriptibilité. Ce dernier qui
protège le domaine public contre toute forme d’acquisition du fait d’un usage prolongé ne
serait pas effectif si la sortie des biens dudit domaine pouvait résulter d’une simple situation
de fait. En effet, admettre qu’une modification de la situation de fait peut suffire à soustraire
un bien du domaine public, « c’est en réalité considérer comme lettre morte le principe
d’imprescriptibilité du domaine242 ». Car, il peut arriver qu’une dépendance domaniale puisse
rester inutilisée par le public destinataire ou que la personne publique propriétaire ou
affectataire n’en procède pas à son entretien convenablement. Dans ce cas, les particuliers
peuvent la considérer comme soustraite du domaine public et se l’approprier. Mais, quelque
puisse être l’état de la dépendance, inutilisée ou non entretenue, et quel que soit la durée de
cette situation, elle demeure un bien du domaine public jusqu’à l’édiction d’un acte exprès de
déclassement.

Concernant les dépendances du domaine public naturel, il est admis que leur
domanialité publique ne peut s’estomper qu’après la disparition des phénomènes naturels
ayant justifié leur incorporation dans le domaine public : c’est la disparition des circonstances
de fait qui avaient justifié leur incorporation qui entraine leur sortie du domaine public243.
Cette règle fait d’un bien du domaine public naturel un bien réellement soumis au principe
d’inaliénabilité.

Toutefois, cette règle selon laquelle seule la cessation d'un phénomène naturel peut
entraîner celle de l’appartenance au domaine public n’est pas d’application absolue. Au
Sénégal, cette règle est assouplie par le code du domaine de l’État qui prévoit la cessation de
la domanialité publique de biens du domaine public naturel sans la disparition des
phénomènes naturels.

Il ressort, en effet, de la loi n° 76-66 que la zone de cent mètres de large en bordure du
rivage de la mer, la zone de vingt-cinq mètres de large en bordure des rives des cours d’eau
navigables ou flottables, lacs, étangs et mares permanentes et la zone de dix mètres de large

241
Voir C.E., 1er février 1995, Préfet de la Meuse, LPA, 26 janvier 1996, n° 12, p. 4.
242
Voir C.E., 20 juin 1930, Marrot, D. 1931, 3, 31.
243
C. David, « Pour une approche renouvelée du droit français de la domanialité publique », op.cit., p. 9.

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en bordure des rives des cours d’eau non navigables ni flottables peuvent faire l’objet d’un
déclassement244. Ces biens perdent ainsi leur appartenance au domaine public non pas parce
qu’ils ne peuvent plus, d’après leur nature, en faire partie, mais du seul fait d’un acte de
déclassement.

Cette exception apportée au principe de sortie des biens du domaine public naturel peut
alors être considérée comme fragilisant la protection dudit domaine public. En effet, le
déclassement n’intervient pas ici après la cessation des phénomènes naturels qui avaient
justifié l’entrée des immeubles dans le domaine public. Ainsi, des biens immobiliers qui
continuent à être destinés à l’usage direct du public ou au service peuvent être soustraits du
domaine public. Ce qui fait que la non prise en compte de la désaffectation, qui est la
condition première de cessation de la domanialité publique d’un bien du domaine public
naturel, assouplie fortement la protection qui découle de la règle de l’inaliénabilité. Celle-ci
étant justifiée pour la garantie de l’affectation des biens à l’usage direct du public ou au
service public se voit contournée par la seule prise d’un acte déclassement.

En effet, l’intervention du déclassement va entraîner l’aliénabilité du bien concerné alors


qu’il n’a pas perdu sa vocation. Cela fait que c’est au gré de l’administration domaniale qu’un
bien peut demeurer ou non une dépendance du domaine public naturel. Ainsi, le seul recours
au déclassement pour enlever à un immeuble du domaine public naturel son caractère de
domanialité publique constitue une brèche qui représente une véritable menace à l’existence
dudit domaine. Il faudrait alors recourir à la conjonction de la désaffectation et du
déclassement pour faire jouer à ce dernier son rôle protecteur. Il s’agirait en d’autres termes
de faire en sorte que l’acte formel de déclassement ne puisse intervenir qu’après la cessation
des phénomènes naturels.

Au demeurant, il faut comprendre ce choix du législateur qui est lié à des préoccupations
économiques. Les zones du domaine public naturel concernées constituent des dépendances à
forte potentialité économique dont l’exploitation s’avère difficile avec leur caractère de
domanialité publique. C’est probablement pour contourner cette difficulté et assurer la
rentabilisation de ces biens que le législateur a consacré cette facilité de sortie des biens du
domaine public naturel (Voir infra, p. 293 et s).

Mais, dans tous les cas, il ne faut pas perdre de vue que le déclassement obéit à une
procédure qui permet de vérifier la nécessité de son intervention. Ainsi, qu’on considère l’acte
244
Voir article 19, alinéa 3 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.

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formel de déclassement comme garantissant ou assouplissant la protection respectivement du
domaine public artificiel ou naturel, c’est cette procédure que la loi domaniale a passé sous
silence qui révèle sa force protectrice.

2. L’imprévision d’une procédure d’édiction de l’acte de déclassement

La soumission de la sortie des biens du domaine public à un acte formel de déclassement


devait être complétée par l’instauration d’une procédure d’édiction. En effet, comme le
souligne le juge ivoirien, « il est de principe que les actes administratifs doivent être pris
selon les formes et conformément aux procédures prévus par les lois et règlements 245 ».
Pascal Gonod et autres rappellent ce principe en écrivant que « l’opération d’édiction d’un
acte administratif unilatéral ou de conclusion d’un contrat de l’administration est une
opération à procédure. La manière dont la volonté de l’administration s’exprime est codifiée
à travers une série d’étapes prévues et organisées par les lois et règlements246 ».

Il se trouve cependant que lorsque l’on lit le code du domaine de l’État, on se rend à
l’évidence que la procédure d’édiction de l’acte de déclassement n’est pas déterminée. Le
choix du législateur de soumettre la sortie des biens du domaine public à un acte formel se
résume à la formulation générale de l’article 19 de la loi n° 76-66. Aucune précision n’a par la
suite été faite sur la forme et la procédure à suivre pour l’édiction de l’acte de déclassement.

Pourtant, dans la pratique, des actes de déclassement de dépendances domaniales sont


couramment pris par l’administration. Reste maintenant à savoir sur quelle base juridique ces
déclassements se sont-ils opérés ? En réponse à cette interrogation, l’inspecteur des impôts et
domaines Baye Moussa Ndoye explique qu’ « en l’absence de texte relatif à la procédure de
déclassement des biens du domaine public, l’administration domaniale a recourt à la
pratique sur le domaine privé247 ». Il ressort de ces propos non seulement une confirmation de
l’imprévision d’une procédure d’édiction de l’acte de déclassement des biens du domaine
public, mais aussi une affirmation d’un recours à la procédure prévue pour la désaffectation
des biens du domaine privé.

Cela revient à dire que les opérations de déclassement opérées sur le domaine public
s’effectuent sur la base de la procédure suivie pour la désaffectation des biens du domaine
245
Voir CS (Côte d’Ivoire), 19 décembre 2012, L’Association Sportive Nautique Abidjanaise (ASNA) c/
Ministre des transports, arrêt n° 144, disponible sur : www.consetat.ci/les-publications/lesdecisions, consulté le
28 novembre 2015.
246
P. Gonod, F. Melleray et Ph. Yolka, Traité de droit administratif, tome 2, Paris, Dalloz, 2011, pp. 166-167.
247
Propos recueillis lors d’un entretien tenu le 4 janvier 2013 dans son bureau.

Page 73
privé248. Ainsi, se pose un problème de la légalité des actes de déclassement opérés sur le
domaine public, notamment un problème d’erreur de droit. En effet, « l’administration
commet une erreur de droit entachant sa décision d’illégalité lorsqu’elle s’est fondée sur une
mauvaise interprétation des textes applicables, ou a fait application d’un autre texte que celui
régissant la matière de sa décision 249 ». On est dans cette situation dans la mesure où
l’autorité domaniale a recourt à un texte destiné à la désaffectation des dépendances du
domaine privé pour procéder au déclassement des immeubles du domaine public. Donc elle se
fonde sur un texte inapplicable, c’est-à-dire un texte qui vise d’autres situations que le
déclassement des dépendances du domaine public.

Compte tenu des conséquences du déclassement, il s’avère utile de corriger cette erreur en
instituant une forme et procédure propre pour enlever à un immeuble son caractère de
domanialité publique. Cela dissiperait le paradoxe de la loi domaniale – exiger un acte formel
de déclassement sans instituer une procédure à suivre – et renforcerait davantage la vertu
protectrice de l’exigence d’un acte de déclassement. Cette dernière s’est avérée limitée avec
l’absence d’une procédure propre de sortie des biens du domaine public.

Pourtant, cette situation ne devrait pas se poser si l’on sait que la règlementation coloniale
du domaine public avait établi la procédure d’édiction de l’acte de déclassement. Le code du
domaine de l’État s’étant largement inspiré de cette règlementation, il fallait plutôt être
complet et cohérent dans la démarche en précisant la manière dont la volonté de l’autorité
domaniale devait s’exprimer lorsqu’elle décide de sortir un bien du domaine public.

Il était en effet retenu dans l’arrêté règlementant les conditions d’application du décret du
29 septembre 1928 sur le domaine public et les servitudes d’utilité publique en Afrique
occidentale française que « les déclassements du domaine public sont prononcés, dans les
centres lotis, après enquête de commodo et incommodo et en outre, dans les communes, après

248
Voir articles 20 et 21 du décret n° 81-557 du 21 mai 1981 portant application du code du domaine de l’État en
ce qui concerne le domaine privé : la procédure prévue pour le déclassement des biens du domaine privé est la
suivante : le titulaire d’une occupation privative d’une dépendance domaniale adresse une demande aux services
des impôts et domaines territorialement compétents qui instruisent la demande par ses services techniques, ces
derniers émettent un avis qu’ils transmettent ensuite au Directeur de l’Enregistrement des Domaines et du
Timbre (DEDT). Celui-ci produit un rapport et en saisit la Commission de Contrôle des Opérations Domaniales
(CCOD) pour appréciation. L’avis favorable de la CCOD entraine le déclassement par décret de la dépendance
en cause. Cette procédure ne peut pas donc s’appliquer au domaine public étant donné que c’est l’État qui initie
le déclassement et non sur la demande d’un particulier.
249
M. Lombard, G. Dumont et J. Sirinelli, Droit administratif, 10e éd., Paris, Dalloz, 2013, p. 504.

Page 74
avis des Conseils municipaux ou des Commissions municipales250 ». Cette disposition faisait
de la procédure de l’enquête de commodo incommodo celle qui devait être suivie pour arriver
à enlever à un bien son caractère de domanialité publique. En plus de cela, elle éxigeait de
recueillir l’avis des autorités municipales dans les cas où la dépendance domaniale à déclasser
se situait dans le territoire d’une commune.

L’enquête de commodo incommodo constitue une consultation, une forme d’enquête


publique qui suit un processus de quatre phases : d’abord la prise d’un arrêté ministériel,
préfectoral ou municipal d’ouverture de l’enquête, ensuite la désignation d’un commissaire
enquêteur chargé d’enregistrer les observations et oppositions du public, puis l’information du
public par voie de presse, radio ou affichage de l’ouverture de l’enquête suivie de la
consultation proprement dite avec l’expression de l’observation du public, enfin la rédaction
et la remise à l’autorité administrative d’un procès-verbal par le commissaire enquêteur251.

Au regard de ces informations, la procédure de l’enquête de commodo incommodo


apparaît plus protectrice du domaine public que celle de droit commun utilisée par
l’administration sénégalaise. En effet, elle a pour objet de s’assurer que le bien ne présente
plus une utilité publique justifiant son maintien au domaine public. Elle constitue une
procédure au cours de laquelle tous les intérêts opposés au déclassement peuvent se révéler
dans la mesure où elle associe le public usager du domaine. Dès lors, « l’aliénation ne risque
pas d’être effectuée en méconnaissance de la domanialité publique252 ».

Une jurisprudence de la Chambre administrative de la Cour suprême de Côte d’Ivoire


permet de mesurer toute la garantie que cette procédure apporte à la protection des
dépendances domaniales. La haute juridiction ivoirienne a, en effet, retenu, à propos du
déclassement d’un site sans respect de la procédure instituée, que « considérant qu’en
l’espèce l’omission de l’enquête de commodo et incommodo qui constitue une formalité
substantielle a pu exercer une influence sur le sens de la décision prise et a, par ailleurs,

250
Voir article 17, alinéa 1 de l’arrêté du 24 novembre 1928 règlementant les conditions d’application du décret
du 29 septembre 1928 sur le domaine public et les servitudes d’utilité publique en Afrique occidentale française,
JOAOF, 1929, p. 14.
251
Voir à ce propos P.-C. Kobo, Droit administratif des biens, Édition 2010, Les éditions ABC, 2010, p. 94.
252
A. Ley, Le régime domanial et foncier et le développement économique de la Côte d’Ivoire, Paris, L.G.D.J.,
1972, p. 162.

Page 75
privé les personnes intéressées, notamment les riverains du site d’une garantie ; qu’ainsi, la
décision est entachée d’un vice de procédure253 ».

Deux enseignements peuvent être tirés de cette décision. D’une part, elle renseigne que la
procédure d’édiction de l’acte de déclassement instituée constitue une formalité substantielle
dont l’omission vicie la légalité de l’acte qui encourt l’annulation. D’autre part, elle montre
l’objectif recherché dans le cadre de cette procédure, à savoir la participation des usagers du
domaine dans la décision de sortir un bien du domaine public. Le juge en fait une garantie à la
disposition du public affectataire. La procédure de l’enquête de commodo incommodo obéit
ainsi à un processus participatif où les observations des personnes intéressées doivent être
recueillies.

Toutes choses qui illustrent le caractère protecteur de la détermination d’une forme et


procédure propre au déclassement des dépendances domaniales. En revanche, lorsque l’on
analyse la pratique en cours au Sénégal, on se rend compte que la procédure de droit commun
non prévue pour le domaine public et utilisée n’implique que les services de l’État. Le public
destinataire des dépendances domaniales ainsi que les autorités décentralisées ne sont
nullement associés à la prise de l’acte de déclassement.

Donc, s’il y a une procédure de déclassement qui s’adapte le plus à la domanialité


publique, c’est bien celle de l’enquête de commodo incommodo qui est applicable, entre
autres, au Mali et en Côte d’Ivoire 254 . Pour rester dans l’orthodoxie de la domanialité
publique, les pouvoirs publics sénégalais doivent se prévaloir de cette procédure pour
compléter le formalisme dans lequel ils ont voulu insérer le déclassement des biens du
domaine public en exigeant un acte formel de déclassement.

Au-delà de l’interdiction faite à l’administration d’aliéner les dépendances domaniales, la


protection de la consistance du domaine public se traduit aussi par l’interdiction
d’acquisitions privatives de dépendances domaniales aux particuliers.

253
Voir CS (Côte d’Ivoire), 19 décembre 2012, L’Association Sportive Nautique Abidjanaise (ASNA) c/
Ministre des transports, arrêt n° 144, disponible sur : www.consetat.ci/les-publications/lesdecisions, consulté le
28 novembre 2015.
254
Voir article 17 de l’ordonnance n° 00-027/P-RM du 22 mars 2000 portant Code domanial et foncier,
disponible sur : www.droit-afrique.com/.../Mali/Mali-Code-2000-domanial-et-foncier-MAJ-2002.pdf ; article
article 17, alinéa 1 de l’arrêté du 24 novembre 1928 règlementant les conditions d’application du décret du 29
septembre 1928 sur le domaine public et les servitudes d’utilité publique en Afrique occidentale française, préc.,
qui est toujours d’application en en Côte d’Ivoire (voir à ce propos A. Ley, Le régime domanial et foncier et le
développement économique de la Côte d’Ivoire, op.cit., p. 162).

Page 76
Section 2 : L’exclusion d’acquisitions privatives de biens domaniaux

Le souci de préservation du domaine public dépasse le seul cadre de protection de ce


dernier vis-à-vis de la personne publique propriétaire. Il nécessite aussi de protéger les
dépendances domaniales vis-à-vis des tiers. Les utilisations reconnues à ces derniers sur le
domaine public n’accordent à leurs titulaires que de simples droits d’usage. Elles ne peuvent
alors donner lieu à une appropriation du bien possédé ni permettre la saisine d’une
dépendance domaniale. Le domaine public se voit ainsi protégé de toute acquisition privative
d’une partie de ses dépendances par son imprescriptibilité (Paragraphe 1) et par la saisie
impossible des biens qui le constituent (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : L’imprescriptibilité du domaine public

L’imprescriptibilité correspond à l’un des principes protecteurs du domaine public.


Elle est considérée comme la règle qui fait obstacle à ce qu'une personne publique puisse être
dépossédée d'un bien de son domaine public du seul fait de sa détention prolongée par un
tiers. Consacrée à côté de celle de l’inaliénabilité 255 , elle est dirigée à la fois contre les
particuliers et contre l’administration afin de préserver les dépendances domaniales de
l’exercice de toute prescription256.

Cette dernière qui est définie comme « le moyen d’acquérir ou de perdre un droit par
l’écoulement du temps 257
» est sans conséquence sur l’occupation des dépendances
domaniales. La consécration de l’imprescriptibilité du domaine public par le législateur
emporte que les biens qui constituent ce domaine échappent non seulement à la prescription
acquisitive (A), mais aussi à la prescription extinctive (B).

A / L’exclusion de la prescription acquisitive

La première conséquence qui découle du principe d’imprescriptibilité est


l’impossibilité faite aux particuliers d’acquérir par le jeu de la prescription un immeuble ou

255
Voir article 9 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JORS N° 4506 du 28
juillet 1976 ; article 5 de la de la loi n° 2002-22 du 16 août 2002 portant code de la marine marchande, JORS N°
6060 du 17 août 2002.
256
Ch. Lavialle, « L’imprescriptibilité du domaine public », RFDA, janvier-février 1985, p. 34.
257
M. Douchy-Oudot, Droit civil, 8e éd., Paris, Dalloz, 2015, p. 55.

Page 77
meuble relevant du domaine public258. L’occupation prolongée d’une portion déterminée du
domaine public n’a aucun effet créateur de droits sur ledit domaine (1).

Cette conséquence apparaît « superfétatoire » aux yeux de certains auteurs259 en raison de


la présence du régime de l’immatriculation au Sénégal. Mais l’existence de ce régime ne rend
pas inutile l’exclusion de la prescription acquisitive par le principe d’imprescriptibilité du
domaine public (2).

1. L’absence d’effet créateur de droit du temps

L’occupation privative qui est admise sur les dépendances domaniales ne doit pas, du fait
du temps écoulé, soustraire définitivement des portions du domaine public de l’usage du
public au profit de particuliers. Il se trouve en effet que l’occupation constitue un « mode
originaire de l’acquisition, […] un moyen d’acquérir une chose en prenant volontairement
possession, c'est-à-dire avec l’intention d’en devenir effectivement le propriétaire 260 ». La
possession peut dès lors, lorsqu’elle est prolongée, conduire à l’acquisition de la propriété
pour le possesseur au détriment du propriétaire légitime. La propriété s’acquiert ainsi par
prescription, autrement appelée prescription acquisitive ou usucapion. Ce dernier constitue
alors un moyen d’acquérir la propriété par son exercice continu pendant une certaine longue
durée.

La règle de l’imprescriptibilité consacrée par l’article 9 de la loi domaniale annihile toute


idée d’appropriation d’un bien du domaine public du fait d’un long usage privatif. Les
principes de droit privé selon lesquels, en matière de meubles, la possession vaut titre261, et,
qu’en matière immobilière, l’abandon d’un immeuble pendant trente (30) années consécutives
entraîne la prescription262 sont inapplicables aux dépendances domaniales.

L’imprescriptibilité du domaine public s’oppose à ce que les particuliers puissent acquérir


un droit de propriété sur les biens dudit domaine par voie de prescription. Il s’agit d’un
principe protecteur qui vise à « empêcher que des particuliers ne s’installent sur le domaine et
que, grâce à la prescription, ils puissent en devenir propriétaires, dépouillant l’ensemble des

258
Ch. Lavialle, « L’imprescriptibilité du domaine public », op.cit., p. 41.
259
M. Cavérivière et M. Débène, Le droit foncier sénégalais, Berger-Levrault, 1988, p. 114.
260
F. Terré, Ph. Simler, Droit civil : les biens, Précis de droit privé, 5e éd., Paris, Dalloz, 1998, p. 282.
261
Voir article 262, alinéa 2 de la loi n° 63-62 du 10 juillet 1963 relative à la première partie du code des
obligations civiles et commerciales, modifiée, JORS N° 3624 du 31 août 1963.
262
Voir article 33, alinéa 2 de la loi n° 2011-07 du 30 mars 2011 portant régime de la propriété foncière au
Sénégal, JORS N° 6607 du 13 août 2013.

Page 78
affectataires d’un bien dont ils avaient l’usage 263 ». Ainsi, le principe d’imprescriptibilité
permet, selon le juge administratif français, de « garantir les dépendances du domaine public
contre toute forme d’acquisition sur le fondement d’un usage prolongé264 ».

Il en résulte qu’avec le domaine public, la possession ne peut être que précaire, sans
animus domini265 ». Les tiers ne peuvent disposer sur ledit domaine que de simples droits
privatifs de jouissance et non de droits réels ou de droit de propriété266. C’est dans ce cadre
que Fabrice Beignon souligne dans sa thèse de doctorat que « l’imprescriptibilité tend à
refuser le bénéfice de la prescription à ceux qui possèdent le domaine public. Elle empêche à
ceux qui croyaient prescrire d’acquérir de la propriété du bien, quel que soit le type de
possession et quelle que soit sa durée267 ».

Cette argumentation montre donc que « le temps n’a aucun effet créateur de droit sur le
domaine public268 ». Ainsi, quelle que puisse être la durée d’occupation d’une dépendance
domaniale, elle ne saurait conférer à son titulaire un droit de propriété sur le bien possédé. En
conséquence, la règle de l’imprescriptibilité fait obstacle à ce que l’État puisse être
définitivement dépossédé des dépendances de son domaine public du fait du temps écoulé.

Au-delà de l’opposition à l’acquisition d’un droit de propriété sur le domaine public


par prescription, la règle de l’imprescriptibilité fait également obstacle à ce que la prescription
puisse permettre de grever au profit d’un fonds riverain le domaine public. Elle emporte
« l’impossibilité de constituer par prescription une servitude réelle 269 » sur les biens qui
constituent ledit domaine. En effet, l’on peut être amené à envisager la possibilité d’acquérir
une servitude réelle sur le domaine public si l’on sait que la prescriprion acquisitive constitue
un des modes de constitution des servitudes établies par le fait de l’homme. C’est le cas des
servitudes de vue, d’accès ou d’aqueduc270. Mais, il n’en est rien. Un riverain du domaine
public ne peut pas profiter du jeu de la prescription pour bénéficier des charges de voisinages
de droit commun. La règle de l’imprescriptibilité s’y oppose au même titre que l’acquisition

263
Ph. Godfrin, M. Degoffe, Droit administratif des biens, 8e éd., Paris, Sirey, 2007, p.195.
264
Voir CE, 13 octobre 1967, Cazeux, RDP, 1968, p. 887.
265
Ch. Lavialle, « L’occupation sans titre du domaine public », RFDA, 1981, p. 569.
266
Voir TC, 24 février 1992, Couach, AJDA, 1992, p. 327.
267
F. Beignon, La notion de domaine public maritime naturel : recherches sur le caractère exorbitant du droit
domanial, Thèse, Nantes, 1998, p. 373.
268
A. Ley, Le régime domanial et foncier et le développement économique de la Côte d’Ivoire, Paris, L.G.D.J.,
1972, p. 161.
269
Ch. Lavialle, « L’imprescriptibilité du domaine public », op.cit., p. 43.
270
Voir sur cette question G. Marty et P. Raynaud, Traité de droit civil : les biens, 2e éd., Paris, Sirey, 1980, p.
205 et s.

Page 79
de la propriété. C’est dans ce cadre que Jean-Marie Breton écrit que « l’imprescriptibilité
entraîne, par définition, l’impossibilité pour un tiers d’acquérir un droit sur le domaine par
voie de prescription, et ceci pour tout droit réel ou de propriété, ou pour toute forme de
servitude271 ». Ainsi, avec le principe d’imprescriptibilité, ni droit de propriété, ni servitude
ne peuvent être acquis sur le domaine public par le jeu de la prescription.

L’exclusion de la prescription acquisitive se conçoit aisément avec l’impossibilité


d’appropriation privée des biens qui constituent le domaine public de l’État. En effet, ce
critère matérialisé par la règle de l’inaliénabilité serait d’une portée relative si l’on pouvait
acquérir sur ledit domaine un droit de propriété par le jeu de la prescription. Le principe
d’inaliénabilité rendant nulle toute aliénation des dépendances domaniales, il est de l’ordre
normal des choses qu’aucune usucapion ne puisse être possible sur le domaine public. C’est
pourquoi Christian Lavialle écrit que « parce que le domaine public ne peut être aliéné il ne
peut faire non plus l’objet d’un transfert insidieux de propriété par le biais de la prescription
acquisitive272 ».

Cette position s’explique par le fait que l’inaliénabilité place les biens qui constituent
le domaine public hors du commerce. Et, comme l’ont souligné Charles Debbasch et autres,
rappelant le code civil, « la prescription n’a pas lieu concernant les choses qui sont hors du
commerce 273
». Ainsi, un lien étroit se tisse entre les règles d’inaliénabilité et
d’imprescriptibilité. C’est ce qu’a d’ailleurs souligné Jean Baptiste Victor Proudon en
écrivant que « l’inaliénabilité et l’imprescriptibilité constituent deux caractères du domaine
public étant l’un et l’autre dans une situation de complémentarité274 ». Il soutient qu’il faut
tirer comme conséquence de cette relation « que ce qui est inaliénable est imprescriptible, et
que réciproquement, ce qui est imprescriptible doit être de même inaliénable275 ».

Cette thèse de l’existence de deux principes qui se complètent réfute la position de


certains auteurs faisant de l’imprescriptibilité une simple conséquence de l’inaliénabilité276. Si
l’on se limite à l’idée selon laquelle les biens qui constituent le domaine public n’étant pas

271
J.-M. Breton, « Le domaine de l’État », in Encyclopédie juridique de l’Afrique, tome 5, Droit des biens, NEA,
1985, p 216.
272
Ch. Lavialle, « L’imprescriptibilité du domaine public », op.cit., p. 27.
273
Ch. Debbasch, J. Bourdon, J. Pontier, J.-C. Ricci, Droit administratif des biens, 2e éd., Paris, PUF, 1994, p.
121.
274
J.-B.-V. Proudhon, Traité du domaine public, tome 1, Dijon, Victor Lagier, 1833-1834, p. 278.
275
Idem.
276
Voir à ce propos par exemple J.-M. Auby et R. Ducos-Ader, Droit administratif, Paris, Dalloz, 1983, p. 45 ;
A. de Laubadère, Traité de droit administratif, tome 2, Paris, L.G.D.J., 1980, pp. 181-182 ; J. Dufau, Le domaine
public, Ed. Le Moniteur, 1977, p. 200.

Page 80
aliénables échappent aux modes d’acquisition, notamment à la prescription acquisitive, l’on
peut être amené à faire de l’imprescriptibilité une implication du principe d’inaliénabilité.
Mais, une telle position serait réductrice de la portée de l’imprescriptibilité du domaine
public. Celle-ci ne se limite pas en effet à empêcher seulement l’usucapion, elle va au-delà en
s’opposant à la prescription extinctive. Nous verrons qu’à travers cette conséquence,
l’imprescriptibilité constitue bien un principe qui complète celui d’inaliénabilité du domaine
public.

L’implication première de la règle de l’imprescriptibilité consiste à l’opposition de la


prescription acquisitive sur le domaine public. Elle a servi de fondement à certains auteurs
pour qualifier la consécration de ladite règle par le code du domaine de l’Etat de répétition
inutile. Cette position qui est basée sur l’institution du régime de l’immatriculation doit être
nuancée.

2. L’utilité de l’exclusion de la prescription acquisitive

En s’appuyant sur la conséquence du principe d’imprescriptibilité protègeant le


domaine public contre « les dépossessions insidieuses 277 », Monique Cavérivière et Marc
Débène ont douté de la pertinence de la reprise de cette règle par le code du domaine de
l’État. Ils l’ont jugé « surprenante 278
» et ont qualifé l’imprescriptibilité de
« superfétatoire279 ». L’argumentation de ces auteurs repose principalement sur l’instauration
du régime foncier de l’immatriculation au Sénégal. En effet, le législateur considère que ce
régime n’admet pas la prescription comme mode d’acquisition ou de libération de droits réels
ou charges grevant les immeubles immatriculés280.

Ainsi, dans les dispositions de la loi portant régime de la propriété foncière, il est
clairement affirmé que « la prescription ne peut, en aucun cas, constituer un mode
d’acquisition de droits réels sur des immeubles immatriculés ou de libération des charges
grevant les mêmes immeubles 281 ». Cette disposition emporte que la possession d’un
immeuble, fut-elle de bonne foi, ne fait pas acquérir la propriété au possesseur. Cela est

277
J.-P. Lebreton, « Le domaine public », La documentation Française, Paris, 1998, p. 25.
278
M. Cavérivière et M. Débène, Le droit foncier sénégalais, Paris, Berger-Levrault, 1988, p. 114.
279
Idem.
280
Voir Exposé des motifs de la loi n° 2011-07 du 30 mars 2011 portant régime de la propriété foncière, JORS
N° 6607 du 13 août 2011.
281
Voir article 33, alinéa 1 de la loi n° 2011-07 du 30 mars 2011 portant régime de la propriété foncière, JO
préc. Cette disposition est une reprise de l’article 82 du décret du 26 juillet 1932 portant réorganisation du
régime de la propriété foncière en Afrique occidentale française.

Page 81
d’autant plus plausible qu’il ressort, en effet, de la loi n° 2011-07 du 30 mars 2011 portant
régime de la propriété foncière que la propriété des biens immeubles nécessite une inscription
aux livres fonciers, donc une immatriculation282. Dès lors, l’occupant d’un bien immobilier ne
peut pas, du fait d’une possession prolongée, obtenir la propriété de l’immeuble possédé.

C’est cette situation induite par le régime de l’immatriculation que Monique


Cavérivière et Marc Débène ont étendu au domaine public. Ainsi, ils soutiennent que « depuis
l’introduction de l’immatriculation, il n’est plus possible en effet d’acquérir la propriété par
usucapion. L’occupation, même de bonne foi, du domaine public comme celle du domaine
privé, du domaine national ou d’une propriété privée ne peut plus aboutir à un transfert ou à
la constitution de la propriété283 ».

L’analyse de cette position révèle non seulement une part défendable, mais aussi une
tare dès l’instant que nous prenons en considération la composition du domaine public
immobilier. Ce dernier est constitué en effet d’immeubles immatriculés et d’immeubles non
immatriculés.

S’agissant de la première catégorie de biens, nous nous rendons rend à l’évidence de la


pertinence de considérer l’exclusion de la prescription acquisitve de « superfétatoire ». Il
s’agit en effet d’un domaine qui rentre dans le champ d’application du régime foncier de
l’immatriculation. Ainsi, nous pouvons, à juste titre, considérer que « le domaine public
immatriculé est donc protégé contre la prescription par le régime foncier lui-même284 ». Tant
qu’un occupant domanial ne justifie l’inscription aux livres fonciers de la dépendance
occupée, il ne peut prétendre en acquérir la propriété.

Cependant, lorsque nous prenons en compte la seconde catégorie de biens, à savoir le


domaine public immobilier non immatriculé, nous constatons la limite de la thèse considérant
le rejet de l’usacapion sur le domaine public de surabondant. En effet, cette partie du domaine
public ne pouvant pas faire l’objet d’une immatriculation, elle ne peut être protégée par le
régime du livre foncier. Ce dernier ne saurait s’opposer à l’usucapion sur les dépendances
domaniales qui ne peuvent faire l’objet d’une immatriculation.

282
Voir article 19 de la loi n° 2011-07 du 30 mars 2011 portant régime de la propriété foncière, JO préc.
283
M. Cavérivière et M. Débène, Le droit foncier sénégalais, op.cit., 1988, p. 114.
284
A. Ley, Le régime domanial et foncier et le développement économique de la Côte d’Ivoire, op.cit., p. 160.

Page 82
Ainsi, à la question « la prescription étant exclue [par le régime de
l’immatriculation], à quoi bon affirmer l’imprescriptibilité du domaine public ? 285 », l’on
peut répondre que c’est pour protéger le domaine public non immatriculé. Car en l’absence de
consécration de la règle d’imprescriptibilité par le code du domaine de l’État, les occupants
privatifs dudit domaine auraient la possibilité d’acquérir la propriété des dépendances
occupées du fait de la possession prolongée.

Il apparaît ainsi que là où le régime du livre foncier protège le domaine public


immatriculé de l’usucapion, la règle de l’imprescriptibilité sert, en plus, à l’éviter au domaine
public non immatriculé. Donc, la reprise de cette règle par le code du domaine de l’État n’est
pas totalement superfétatoire. Il est, comme l’a fait remarquer Albert Ley, avantageux de la
maintenir286.

Au-delà de l’exclusion de la prescription acquisitive, la règle de l’imprescriptiblité


empêche également la prescription de l’action en revendication de la propriété des
dépendances domaniales par l’État.

B / L’opposition à la prescription extinctive

À la différence de la prescription acquisitive, la prescription extinctive fait perdre un


droit consécutivement à l’inaction de son titulaire287. Elle sanctionne le comportement passif
du titulaire d’un droit. Il semble utile, en droit domanial, de déterminer d’abord les hypothèses
d’application de cette prescription (1) avant de montrer son inapplication à l’action en
revendication de la propriété des biens du domaine public (2).

1. Les hypothèses d’application de la prescription extinctive

Dans le cadre de l’utilisation du domaine public, des dépendances domaniales peuvent soit
échapper au contrôle de l’État, soit faire l’objet d’actes de dégradation. Il s’agit là de
situations qui correspondent à des aliénations indues du domaine public et à des atteintes à
son intégrité physique. Lorsque ces situations se produisent, l’intervention du juge est, en
principe, nécessaire pour rétablir le domaine public. Pour ce faire, l’État dispose de deux
actions, communément appelées actions domaniales : l’action en revendication de la propriété

285
M. Cavérivière et M. Débène, Le droit foncier sénégalais, op.cit., p. 114.
286
A. Ley, Le régime domanial et foncier et le développement économique de la Côte d’Ivoire, op.cit., p. 160.
287
Voir article 218, alinéa 1 de la loi n° 63-62 du 10 juillet 1962 relative au code des obligations civiles et
commerciales, JORS N° 3624 du 31 août 1963.

Page 83
des biens qui ont échappé à son contrôle et l’action en réparation des dommages causés au
domaine public288.

C’est dans le cadre de ces voies de droit juridictionnel reconnues à l’autorité


domaniale que l’on peut envisager la prescription extinctive en matière domaniale. Ainsi, en
application de cette prescription, l’inaction de l’autorité domaniale, au bout d’un certain
temps, aurait pour conséquence de lui faire perdre son droit, soit à revendiquer la propriété
des biens irrégulièrement aliénés, soit à la réparation du préjudice subi par le domaine.
Autrement dit, le maître du domaine ne pourrait pas exercer l’action en revendication
mobilière, après trois (03) ans de possession de biens meubles, et l’action en revendication
immobilière, après trentre (30) ans d’utilisation d’immeubles domaniales. De même, il ne
pourrait pas exercer, après un (01) an, l’action en remise en état du domaine.

Le temps aurait donc pour conséquence d’empêcher la revendication des dépendances


domaniales indûment aliénées et la remise en état desdites dépendances. Mais, cela ne saurait
se produire sur le domaine public. La règle de l’imprescriptibilité consacrée par le code du
domaine de l’État soustrait l’administration domaniale de la prescription extinctive.

2. L’inapplication de la prescription extinctive

La consécration de l’imprescriptibilité du domaine public présente une grande utilité dans


le cas où des dépendances domaniales ont été indûment aliénées ou dégradées. Elle empêche
en effet la prescription des actions domaniales289. L’étude de cette conséquence sera limitée
ici à l’imprescriptibilité de l’action en revendication de la propriété des biens irrégulièrement
aliénés. Celle de l’action en réparation des dommages causés au domaine public sera abordée
dans la partie consacrée à la protection pénale dudit domaine.

Concernant l’action en revendication, le principe d’imprescriptibilité ouvre à l’État le


droit de revendiquer, à tout moment, la propriété des biens appartenant au domaine pubic qui
échapperaient à son contrôle290. La portée de cette conséquence doit se mesurer à la lumière
des limites au principe d’inaliénabilité du domaine public. En effet, ce principe protecteur du
domaine public est un principe qui ne résiste pas à un abandon volontaire ou à une connivence
de la part des personnes publiques. Ainsi, l’autorité domaniale peut, nonobstant la règle
d’inaliénabilté, aliéner volontairement un bien ou laisser « acquérir » un bien par une

288
J.-M. Auby, « L’action domaniale », AJDA, 1983, p. 507.
289
M. Cavérivière et M. Débène, Le droit foncier sénégalais, op.cit., p. 114.
290
S. Traoré, Droit des propriétés publiques, Paris, Vuibert, 2008, p. 312.

Page 84
possession prolongée 291 . Cela constitue une atteinte à la sauvegarde du domaine public
puisque des dépendances domaniales échappent à la garde du maître du domaine. Dans cette
situation, c’est le principe d’imprescriptibilité qui va servir de rampart à leur aliénation indue.

Lorsque des aliénations du domaine public se produisent de manière irrégulière, la


règle de l’imprescriptibilité permet de les anéantir à tout moment. En effet, la présence de ce
principe fait que ces aliénations ne se prescrivent pas292 ; le temps n’a aucun effet limitatif sur
le droit de l’État à mettre fin à ces aliénations. Ainsi, la personne bénéficiaire d’une aliénation
indue d’une portion du domaine public ne saurait opposer à l’administration domaniale
l’action en revendication du fait de son inaction pendant un certain temps. Cette action ne
peut être éteinte par le temps. L’autorité domaniale peut perpétuellement réclamer la propriété
des biens appartenant au domaine public et détenus par des particuliers. En conséquence, « la
réintégration des biens indûment sortis du domaine public au sein de celui-ci est toujours
possible293 ».

La règle de l’imprescriptibilité joue, à ce titre, un véritable rôle protecteur du domaine


public.

D’une part, elle peut être considérée comme une règle ayant une fonction corrective, c’est-
à-dire destinée à corriger les contournements possibles du principe d’inaliénabilité. En effet,
toute aliénation irrégulière d’une dépendance domaniale peut être réparée en application du
principe d’imprescriptibilité. Ce dernier constitue pour l’autorité domaniale un moyen de
rectifier ses égarements vis-à-vis de l’inaliénabilité du domaine public. Il peut ainsi être
appréhendé comme un principe qui « protège l’administration contre elle-même 294 ».
L’autorité domaniale a en effet tout le temps nécessaire pour revenir sur ses errements en
matière de préservation de la consistance du domaine public. Elle ne perd jamais son droit à
revendiquer les biens qu’elle aurait volontairement ou malencontreusement abandonnés.

D’autre part, il peut être attribué à la règle de l’imprescriptibilité une fonction dissuasive.
En effet, le droit du maître du domaine à revendiquer à tout moment la propriété de
dépendances domaniales constitue une menace permanente de contestation des aliénations
indues de biens appartenant au domaine public. Charles Debbasch et autres soutiennent, à ce
propos, que « la simple menace d’une revendication de propriété toujours possible de la part

291
Ch. Debbasch, J. Bourdon, J. Pontier, J.-C. Ricci, Droit administratif des biens, op.cit., p. 121.
292
Idem.
293
Ibidem.
294
Ch. Debbasch, J. Bourdon, J. Pontier, J.-C. Ricci, Droit administratif des biens, op.cit., p. 121.

Page 85
de l’administration dissuade tant les administrateurs que les particuliers qui désireraient
tourner l’inaliénabilité du domaine295 ».

L’effet dissuasif de l’imprescriptibilité de l’action en revendication peut être appréhendé


pour le gestionnaire du domaine par le souci d’être rattrapé, tôt ou tard, par une mauvaise
gestion domaniale. Celui qui peut contourner le principe d’inaliénabilité sait de toute évidence
que ses aliéantions irrégulières du domaine peuvent être anéanties à tout moment. À quoi bon
alors se rendre coupable de manquements qui sont perpétuellement attaquables ? Pour les
tiers, le souci est de se rendre coupables d’acquisitions indues de biens appartenant au
domaine public. Il est possible d’acquérir irrégulièrement des dépendances domaniales, mais
l’auteur a la certitude qu’il n’est jamais à l’abri de poursuites. Il est donc tout le temps envahi
par la hantise d’une action domaniale.

Il ressort de cette analyse du principe d’imprescriptibilité que le domaine public bénéficie


d’une varitable règle protectrice. Sa mise en œuvre effective emporte l’impossibilité de
soustraire indûment des dépendances domaniales de façon définitive. En plus de cela, les
biens appartenant au domaine public ne peuvent pas faire l’objet de saisie.

Paragraphe 2 : La saisie impossible des biens du domaine public

La protection des biens qui constituent le domaine public de l’État se manifeste dans
les relations de la personne publique étatique avec les particuliers. L’État mène, en effet, des
activités économiques et peut, à ce titre, se trouver dans une situation de débiteur. Lorsque ses
créanciers envisagent de recouvrer leurs créances à défaut d’exécution volontaire, il leur est
interdit de saisir les biens de l’État pour se faire rembourser. Cette interdiction découle de
garanties particulières (A) qui s’opposent à tout recours aux voies d’exécution forcée (B).

A / Les garanties particulières à l’impossibilité de saisir les biens du


domaine public

Le domaine public de l’État, de même que son domaine privé, bénéficie de garanties
particulières qui ne s’appliquent pas aux biens des personnes privées. Pour sauvegarder le
fonctionnement régulier de l’État, ce dernier bénficie d’une immunité d’exécution (1) et ses
biens sont insaisissables (2).

295
Idem.

Page 86
1. L’immunité d’exécution de l’État

Le droit public confère aux personnes publiques un régime de faveur dans leurs relations
avec les tiers. Elles disposent en effet de prérogatives exorbitantes de droit commun pour
contraindre les particuliers à se soumettre à leurs décisions. Il en est ainsi par exemple du
privilège du préalable et de l’exécution forcée296. En revanche, les tiers ne jouissent pas de ces
faveurs à l’encontre des personnes publiques. Ces dernières sont protégées contre les voies
d’exécution de droit commun.

C’est dans ce cadre que l’État qui est le propriétaire du domaine public « bénéficie d’une
protection spéciale consacrée à travers l’immunité d’exécution297 ». L’immunité d’exécution
est définie comme « un privilège personnel accordé à certains débiteurs qui les soustrait à
toute mesure d’exécution forcée – et aussi à toute mesure conservatoire – sur les biens
qui leur appartiennent : si le débiteur n’exécute pas spontanément sa dette, il ne peut
pas y être contraint 298 ». Il s’agit d’un régime de faveur dont bénéficient les personnes
publiques et qui les protège contre les mesures d’exécution forcée et conservatoire à l’égard
des biens qu’elles possèdent. À ce titre, l’immunité d’exécution constitue une mesure
personnelle qui s’attache à la qualité de personne publique. C’est ce qui ressort en effet du
droit communautaire et du droit national.

Selon le droit OHADA, notamment l’Acte uniforme portant organisation des procédures
simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, « l’exécution forcée et les mesures
conservatoires ne sont pas applicables aux personnes qui bénéficient d’une immunité
d’exécution 299 ». Il apparaît à la lecture de cette disposition que le droit communautaire
OHADA « n’a cependant pas déterminé le champ des personnes qui échappent à l’exécution
forcée et aux mesures conservatoires300 ». C’est pourquoi Yaya Bodian indique qu’ « il faut,

296
Voir à ce propos F. Bellanger, « Les présomptions d’authenticité et de sincérité des actes administratifs »,
RDP, 1968, p. 543 et s. ; G. Darcy, « La décision exécutoire », AJDA, 1994, p. 670.
297
Y. Bodian, La situation de l’Etat dans les procédures civiles d’exécution, Thèse, UCAD, Dakar, 2012, p. 143.
298
R. Perrot et Ph. Théry, Procédures civiles d’exécution, 2 e éd., Paris, Dalloz, 2005, p. 202.
299
Voir article 30 de l’Acte uniforme du 10 avril 1998 portant organisation des procédures simplifiées de
recouvrement et des voies d’exécution, JO OHADA n° 6 du 1er juillet 1998, [en ligne], disponible sur :
www.ohada.com, consulté le 6 novembre 2014.
300
A.-A.-D. Kébé, « Le déclin de l’exorbitance du droit administratif sénégalais sous l’effet du droit
communautaire », p. 14, publié en mai 2015, [en ligne], disponible sur : afrilex.u-bordeaux4.fr, consulté le 18
février 2016.

Page 87
en tout état de cause, se référer à la loi nationale pour une identification complète des
personnes bénéficiaires de l’immunité d’exécution301 ».

Au niveau interne, le législateur a redéfini le champ des personnes qui bénéficient de


l’immunité d’exécution 302 . Il affirme dans l’exposé des motifs de la loi de 2002 que
« désormais seuls l’État, les collectivités territoriales et les établissements publics bénéficient
de l’immunité d’exécution […]303 ». Dans le dispositif de ladite loi, il est retenu qu’ « il n’y a
pas d’exécution forcée ni de mesures conservatoires contre l’État, les collectivités locales et
les établissements publics304 ». Une identification précise est ainsi opérée par les textes sur les
personnes qui jouissent du privilège de l’immunité d’exécution. Cela est confirmé par la
jurisprudence sénégalaise. Le juge a toujours retenu toutes les fois où la personne en cause a
le statut de personne morale de droit public, qu’elle bénéficie de l’immunité d’exécution305.
En revanche, lorsque la personne en cause est constituée sous forme de personne privée, le
juge l’exclut du champ des personnes bénéficiaires de l’immunité d’exécution. Selon le juge,
lorsqu’un établissement public est transformé en « une société anonyme à participation
publique majoritaire », celle-ci « est mal fondée à invoquer le bénéfice de l’immunité
d’exécution prévu pour les personnes publiques […]306 ».

301
Y. Bodian, La situation de l’Etat dans les procédures civiles d’exécution, op.cit., p. 168.
302
Avant la modification de 2002, l’immunité d’exécution était accordée à l’État, aux collectivités locales, aux
établissements publics, aux sociétés nationales et aux sociétés d’économie mixte dont l’objet exclusif est
l’exploitation d’une concession de service public (loi n° 85-08 du 25 février 1985 abrogeant et remplacçant
l’alinéa 2 de l’article 194 du code des obligations civiles et commerciales), ainsi qu’aux entreprises du secteur
parapublic (loi 90-07 du 26 juin 1990 relative à l’organisation et au contrôle des entreprises du secteur
parapublic et au contrôle des personnes morales de droit privé bénéficiant du concours financier de la puissance
publique).
303
Voir Exposé des motifs de la loi n° 2002-12 du 15 avril 2002 abrogeant et remplaçant les dispositions de
l’alinéa 2 de l’article 194 du code des obligations civiles et commerciales relatif à l’immunité d’exécution, JORS
N° 6047 du 18 mai 2002.
304
Voir article premier, alinéa 1 de la loi n° 2002-12 du 15 avril 2002 abrogeant et remplaçant les dispositions de
l’alinéa 2 de l’article 194 du code des obligations civiles et commerciales relatif à l’immunité d’exécution, JO
préc.
305
Voir à ce propos Tribunal Régional Hors Classe de Dakar, ordonnance n° 4513 du 05 mai 2008, Agence
Autonome des Travaux Routiers dite A.A.T.R / Entreprise Jean Lefevre, inédit ; Tribunal Régional Hors Classe
de Dakar, ordonnance n° 5290 du 02/10/2009, COUD C/PAMECAS, inédit ; CA de Dakar, Chambre des
procédures accélérées, 16 avril 2015, E. NG. et Ib. MB. c/ ASER, Annales Africaines, Nouvelle Série, Volume
1, avril 2016, n° 4, Dakar, CREDILA, pp. 97-100.
306
Voir Tribunal Régional Hors Classe de Dakar, ordonnance du 13 novembre 2013, Centre Expérimental de
Recherche et d’Etude pour l’Equipement dit CEREEQ, inédit.

Page 88
Au regard de la loi et de la jurisprudence sénégalaise, les personnes bénéficiaires de la
« forteresse307 » qu’est l’immunité d’exécution sont clairement déterminées. Il s’agit de l’État,
des collectivités territoriales, des établissements publics et des agences d’exécution.

Cette détermination du champ d’application de l’immunité d’exécution par le droit positif


sénégalais est dans un premier temps restrictive comparée à la jurisprudence de la Cour
Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’OHADA. Cette dernière a en effet procédé à
l’élargissement du spectre des personnes bénéficiaires de l’immunité d’exécution 308 . Dans
l’affaire opposant AZIABLEVI YOVO et autres à la Société Togo Telecom309, la CCJA a
dégagé une approche extensive des entités publiques pouvant se prévaloir de l’immunité
d’exécution. Elle a procédé à une lecture combinée des alinéas 1 et 2 de l’article 30 de l’Acte
Uniforme et inclut, en plus des personnes morales de droit public, les entreprises publiques
dans la liste des bénéficiciaires de l’immunité d’exécution310. Par la suite et de façon plus
récente, il y a eu un alignement de la position de la CCJA au cadre normatif. En effet, la
CCJA a opéré un revirement de jurisprudence procédant à la réduction du spectre des entités
susceptibles de bénéficier de l’immunité d’exécution. Par sa décision du 26 avril 2018, affaire
dite de la société des Grands Hôtels du Congo SA311, le juge s’est référé à la forme privée de
l’entreprise pour l’exclure du champ d’application de l’immunité d’exécution. Ainsi, les
entreprises publiques, notamment les sociétés d’économie mixte ou les entreprises à
participation publique ne sont plus bénéficiaires du privilège de l’immunité d’exécution. Dès
lors, les entités qui peuvent se prévaloir de l’immunité d’exécution sont les personnes morales
de droit public.

L’immunité d’exécution dont bénéficie l’État fait que lorsqu’il est débiteur et n’exécute
pas spontanément sa dette, il ne peut pas y être contraint 312 . Il s’agit d’une garantie
particulière qui empêche aux créanciers de la personne publique étatique d’atteindre son
patrimoine, de saisir les biens qui lui appartiennent. Même si elle s’attache à la qualité de
personne morale de droit public, l’invocation de l’immunité d’exécution vise à exclure les

307
Y. Bodian, « Réflexions sur la signification et la portée de l’immunité d’exécution des personnes publiques »,
Annales Africaines, Nouvelle Série, Volume 1, Avril 2016, n° 4, p. 89.
308
A.-A.-D. Kébé, « Le déclin de l’exorbitance du droit administratif sénégalais sous l’effet du droit
communautaire », op.cit., p. 14.
309
Voir CCJA, 1ère ch., n° 043/2005 du 07 juillet 2005, AZIABLEVI YOVO et autres c/ Société Togo Telecom,
Recueil de Jurisprudence de la CCJA, n° 6, juin-décembre 2005, p. 25.
310
F.-M. Sawadogo, « La question de la saisissabilité ou de l’insaisissabilité des biens des entreprises publiques
en droit OHADA », Penant, n° 860, juil.-sept. 2007, p. 317 et s.
311
CCJA, 1ère ch., Arrêt n° 103/2018 du 26 avril 2018, X c/ La Société des Grands Hôtels du Congo SA et 10
autres, Recueil de Jurisprudence de la CCJA.
312
R. Perrot et Ph. Théry, Procédures civiles d’exécution, 2e éd., Paris, Dalloz, 2005, p. 194.

Page 89
biens des personnes publiques du régime de droit commun en les rendant insaisissables. Cette
conséquence rapproche l’immunité d’exécution au principe d’insaisissabilité des biens de
l’État.

2. Le principe d’insaisissabilité des biens de l’État

L’autre garantie particulière qui profite à l’État et qui ne s’applique pas à la propriété des
personnes privées est l’insaisissabilité de ses biens en général et des biens de son domaine
public en particulier. L’insaisissabilité est un principe qui renvoie à « la situation juridique
d’un bien qui est exceptionnellement soustrait au droit du créancier d’agir en exécution
forcée 313 ». En d’autres termes, lorsque l’État n’exécute pas spontanément ses dettes, ses
créanciers ne peuvent pas saisir et faire vendre ses biens pour se rembourser. Le principe
d’insaisissabilité se présente ainsi comme une mesure réelle qui s’attache aux biens. Il se
différencie à ce niveau de l’immunité d’exécution qui est une mesure personnelle.

L’insaisissabilité du domaine public, à la différence des règles d’inaliénabilité et


d’imprescriptibilité, est un principe général du droit. C’est le juge français qui a retenu que
l’exclusion des voies d’exécution forcée contre les biens des personnes publiques constitue un
principe général du droit : « vu le principe général du droit suivant lequel les biens des
personnes publiques sont insaisissables ; […] que, s’agissant des biens appartenant à des
personnes publiques, même exerçant une activité industrielle et commerciale, le principe de
l’insaisissabilité de ces biens ne permet pas de recourir aux voies d’exécution de droit
privé314 ».

Il ressort de cette décision que l’insaisissabilité du domaine public constitue une règle
non écrite dont l’existence n’est pas liée à sa consécration textuelle. Ainsi, le fait que
législateur sénégalais ne la formule pas expressément dans le code du domaine de l’État ne
fait pas de l’insaisissabilité un principe inapplicable aux biens de la personne publique
étatique en général et au domaine public en particulier. En effet, qu’elle soit formellement
affirmée ou non, cette règle existe même sans texte315. Jean-Marie Breton fait remarquer, à ce
titre, que le principe d’insaisissabilité « doit être considéré comme implicite lorsqu’il n’est

313
A. Leborgne, « Droit de l’exécution », D. n° 17, avril 2008, p. 1170.
314
Voir Cass., civ., 1er, 21 décembre 1987, Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), RFDA 1988,
p. 771 ; GAJA, 15ème éd., 2005, n° 94, p. 666.
315
Ph. Proot, « Le champ d’application du code général de la propriété des personnes publiques », Contrats
publics, n° 60 – novembre 2006, p. 34.

Page 90
pas exprimée par le législateur316 ». Donc, la non formulation expresse de ce principe dans la
loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État ne signifie que
l’insaisissabilité est inexistante ; elle existe implicitement. Il faut tout de même relever que le
principe de l’insaisissabilité n’est pas totalement absent dans la législation sénégalaise. On le
retrouve clairement affirmé dans la loi n° 2002-22 du 16 août 2002 portant code de la marine
marchande qui dispose que « le domaine public maritime est inaliénable, insaisissable et
imprescriptible317 ».

L’existence de ce principe général du droit fait que les biens de l’État bénéficient
d’une protection singulière. Le principe d’insaisissabilité constitue un obstacle qui empêche le
créancier d’atteindre le patrimoine saisissable de son débiteur personne publique 318 . Cette
inaccessibilité au patrimoine des personnes publiques explique que, au-delà du domaine
public, les biens qui constituent le domaine privé desdites personnes ne peuvent également
pas faire l’objet d’exécution forcée. Ainsi, en évoquant l’insaisissabilité des biens des
personnes publiques, « il est inutile de distinguer en fonction de leur domanialité publique ou
privée319 ». Ce principe constitue un privilège qui n’est absolument pas indicatif du régime
des biens ; il intéresse l’ensemble de la propriété publique 320 . Donc, les deux masses qui
constituent le domaine de l’État sont soustraites des biens qui peuvent faire l’objet de saisie.

L’insaisissabilité préserve alors la consistance du domaine public de l’État. Les biens


qui constituent ce domaine restent saufs de toute saisie de la part des créanciers de la personne
publique étatique. Ils ne peuvent exercer à son encontre aucune voie d’exécution forcée.
L’insaississabilité neutralise ainsi, au même titre que l’immunité d’exécution, les procédures
civiles d’exécution.

B / La prohibition des voies d’exécution

Les voies d’exécution sont les « procédures par lesquelles un créancier impayé saisit
les biens de son débiteur afin de les faire vendre et se payer sur le prix de vente ou de se faire

316
J.-M. Breton, « Le domaine de l’État », op.cit., p. 216.
317
Voir article 5 de la loi n° 2002-22 du 16 août 2002 portant Code de la marine marchande, JORS N° 6060 du
samedi 17 août 2002.
318
U. Armel Ibono, « L’immunité d’exécution des personnes morales de droit public à l’épreuve de la pratique
en droit OHADA », préc.
319
P. Yolka, La propriété publique : Eléments pour une théorie, op.cit., p. 594.
320
R. Drago, Note sous Cass. Civ. 9 juillet 1951, SNEP, S. 1952, I, p.125.

Page 91
attribuer lesdits biens 321 ». Il s’agit de procédures qui visent à contraindre le débiteur à
s’exécuter, c’est-à-dire payer sa dette.

Cependant, lorsqu’une personne publique en général et l’État en particulier n’exécute pas


spontanément ses dettes, son immunité d’exécution empêche l’exercice de toute voie
d’exécution à son encontre. Le privilège « d’immunité d’exécution interdit l’exercice des
voies d’exécution forcée contre l’État, ce qui confère à celui-ci la prérogative exorbitante de
ne payer ses dettes que s’il le veut. Les créanciers n’ont aucune possibilité juridique de
l’y contraindre 322 ». Cette garantie particulière en faveur de la personne publique étatique
rendent impraticables les saisies (1) et ceci en raison des nécessités du service public qu’elle
poursuit (2).

1. L’impraticabilité des saisies

Les voies d’exécution ont pour objet l’exécution des titres. Elles prévoient la saisie des
biens du débiteur afin de procéder à la vente pour que le créancier parvienne à se faire payer
sur le prix323. Au titre du droit OHADA et du droit national, « les voies d’exécution et les
mesures conservatoires ne sont pas applicables » aux personnes publiques en général et à
l’État en particulier324.

Cela est confirmé par le juge sénégalais. Ce dernier a décidé dans l’affaire opposant la
Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) à M. S. que « l’immunité d’exécution est un
privilège lié à la personnalité publique de l’établissement public débiteur qui soustrait celui-
ci à toute mesure d’exécution forcée et à toute mesure conservatoire sur les biens qui lui
appartiennent, s’il n’exécute pas spontanément sa dette, que l’activité de l’établissement
public relève du domaine public ou du domaine privé ; qu’il n’est nullement admis aucune
exclusion de ce privilège 325 ». À ce titre, les biens de la personne publique étatique sur

321
A.-M.-H. Assi-Esso et Nd. Diouf, OHADA : Recouvrement des créances, Bruxelles, Bruylant, collection
Droit uniforme africain, 2002, p. 1.
322
Y. Bodian, La situation de l’Etat dans les procédures civiles d’exécution, op.cit., p. 176.
323
C. Chamard-Heim, La distinction des biens publics et des biens privés. Contribution à la définition de
la notion de biens publics, Thèse, Lyon III, 2002, Dalloz 2004, p. 459 et s.
324
Voir article 30 de l’Acte uniforme du 10 avril 1998 portant organisation des procédures simplifiées de
recouvrement et des voies d’exécution, préc. ; Voir article premier, alinéa 1 de la loi n° 2002-12 du 15 avril 2002
abrogeant et remplaçant les dispositions de l’alinéa 2 de l’article 194 du code des obligations civiles et
commerciales relatif à l’immunité d’exécution, JO préc.
325
CA de Dakar, Chambre des procédures accélérées, 4 décembre 2012, Caisse des Dépôts et Consignations c/
M. S., Annales Africaines, Nouvelle Série, Volume 1, avril 2016, n° 4, Dakar, CREDILA, pp. 93-96.

Page 92
lesquels portent les titres de ses créanciers 326 ne peuvent pas faire l’objet de saisie.
L’immunité d’exécution et le principe d’insaisissabilité font que les créanciers de l’État ne
peuvent pas venir à bout de son refus de s’exécuter.

Ainsi, la règle de la saisissabilité suivant laquelle le créancier peut saisir les biens de
son débiteur défaillant pour le contraindre à exécuter ses obligations ou pratiquer une mesure
conservatoire pour assurer la sauvegarde de ses droits327 ne s’applique pas aux biens de l’État
en général et à son domaine public en particulier. La situation de débiteur de l’État dans ses
rapports avec les créanciers ne confère pas à ces derniers un pouvoir de saisie sur les biens qui
constituent son domaine public. Cette opposition vaut pour l’ensemble des saisies prévues par
le droit OHADA, à savoir les saisies à fin d’exécution, les saisies conservatoires et les saisies
aux fins de restitution de biens corporels328.

Les saisies à fin d’exécution sont la saisie-vente, la saisie-attribution et la saisie-


immobilière329 . La saisie-attribution autorise la saisie de créance de sommes d’argent que
détient un tiers pour le compte du débiteur poursuivi, alors que la saisie-vente permet de saisir
les biens meubles pour les vendre à l’amiable ou aux enchères. Quant à la saisie-immobilière,
elle s’analyse en une vente forcée d’un immeuble par adjudication330. Toutes ces saisies ne
peuvent concerner les biens de l’État en général et ceux de son domaine public en particulier
en application de l’immunité d’exécution et du principe d’insaisissabilité.

Il en est de même des saisies conservatoires prévues à l’article 54 de l’Acte uniforme


du 10 avril 1998 portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies
d’exécution. La saisie conservatoire permet de placer sous la main de la justice les biens
qu’elle frappe afin d’empêcher le débiteur d’en disposer ou d’en diminuer la valeur et, de
manière indirecte, de faire pression sur lui pour l’amener à honorer ses engagements331. Cette

326
C’est le code des obligations ciciles et commerciales qui dispose que « le débiteur répond de sa dette sur tous
ses biens présent et à venir » (article 200 de la loi n° 63-62 du 10 juillet 1963 portant code des obligations civiles
et commerciales, modifiée, JO préc.).
327
Voir article 28, alinéa 1 de l’Acte uniforme du 10 avril 1998 portant organisation des procédures simplifiées
de recouvrement et des voies d’exécution, préc. ; article 194, alinéa 1 du code des obligations civiles et
commerciales, modifié par la loi n° 85-08 du 25 février 1985 abrogeant et remplacçant l’alinéa 2 de l’article 194
du code des obligations civiles et commerciales, JORS N° 5053 du 9 mars 1985.
328
Voir Livre 2 de l’Acte uniforme du 10 avril 1998 portant organisation des procédures simplifiées de
recouvrement et des voies d’exécution, préc.
329
Voir respectivement les Titres 3, 4 et 8 du Livre 2 de l’Acte uniforme du 10 avril 1998 portant organisation
des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, préc.
330
Y. Bodian, La situation de l’Etat dans les procédures civiles d’exécution, op.cit., p. 202.
331
Idem., pp. 202-203.

Page 93
garantie en faveur des créanciers ne peut non plus porter sur les biens qui constituent le
domaine de l’État.

En plus de cela, les saisies qui ont pour but la restitution d’un bien ne peuvent
également pas être appliquées sur les biens publics. C’est le cas des saisies aux finx de
restitution de biens corporels332. Ces dernières « permettent l’exécution d’une obligation de
faire et non pas, contrairement aux saisies exécution, d’une obligation de payer 333 ». Elles ont
pour finalité la saisie de biens meubles corporels afin de les restituer à leur propriétaire ou de
les remettre à un créancier gagiste. Lorsque c’est l’État qui est le débiteur de cette obligation
de faire, la saisie est impraticable.

Enfin, l’immunité d’exécution et le principe d’insaisissabilité interdisent l’application


de sûretés réelles, c’est-à-dire les sûretés mobilières ou immoblières sur les biens de l’État.
Elles renvoient aux sûretés qui « consistent dans l’affectation spéciale d’un ou plusieurs
biens au paiement différé de la dette334 ». Ainsi, le titulaire d’une sûreté réelle bénéficie
d’un droit préférentiel dont l’assiette porte sur l’ensemble des biens du débiteur. Lorsque ce
dernier n’exécute pas spontanément sa dette, il pourra saisir les biens, les vendre et se payer
en priorité par rapport aux autres créanciers.

Au regard de ces implications, la sûreté réelle ne peut pas porter sur des biens qui ne
sont pas saisissables. Yaya Bodia souligne, à ce titre, que « l’insaisissabilité d’un bien interdit
toute garantie consentie sur celui-ci pour la simple raison que ce bien ne peut pas faire
l’objet de saisie335 ». Le principe d’insaisissabilité rend ainsi pratiquement impossible, par
exemple, la constitution d’hypothèques sur les biens publics. Dans le cas où elle est réalisée et
que l’État débiteur ne s’exécute pas spontanément, le créancier hypothécaire ne pourra pas
procéder à la saisie des biens hypothéqués. Ainsi, il n’y a aucun intérêt pour un créancier à
conclure une hypothèque sur des biens qui sont insaisissables.

Les garanties particulières que sont l’immunité d’exécution et le principe


d’insaisissabilité font obstacles à la mise en œuvre, à l’encontre des seules personnes
publiques, de l’une quelconque des mesures exécutoires ou conservatoires prévues par l’Acte
uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies

332
Voir articles 218 à 235 de l’Acte uniforme du 10 avril 1998 portant organisation des procédures simplifiées
de recouvrement et des voies d’exécution, préc.
333
A.-M.-H. Assi-Esso et Nd. Diouf, OHADA : Recouvrement des créances, op.cit., n° 410.
334
C. Chamard-Heim, La distinction des biens publics et des biens privés. Contribution à la définition de
la notion de biens publics, op.cit., p.502.
335
Y. Bodian, La situation de l’Etat dans les procédures civiles d’exécution, op.cit., p. 209.

Page 94
d’exécution336. L’État bénéficie, à ce titre, d’un obstacle procédural qui rend irrecevable toute
action en exécution forcée contre lui et qui met à l’abri ses biens de toute saisie. Tout cela
semble se justifier par les nécessités de service public.

2. La prise en compte des nécessités de service public

L’interdiction des voies d’exécution forcée permet de protéger les personnes publiques
contre les saisies de leurs biens qui peuvent compromettre la bonne exécution de leurs
missions337. Elle tient fondamentalement à la continuité du service public, au monopole de la
force par l’État et à la présomption de solvabilité de la personne publique étatique.

Pour rappel, « les services publics visent à satisfaire des besoins collectifs dont
l’importance, reconnue par les pouvoirs publics, exige qu’ils soient assumés par eux338
». Parce qu’il correspond à un besoin public reconnu, le service public ne peut être exercé de
manière « arythmétique » et les usagers peuvent exiger son fonctionnement continue339. Ainsi,
il obéit, entre autres, à un principe à valeur constitutionnelle qu’est la continuité du service
public340. Ce principe qui constitue l’essence même du service public fonde l’interdiction des
saisies des biens publics. Car « la saisie des biens des organismes publics aurait pour effet de
rompre les exigences de continuité du service public341 ». Or, la continuité du service public
est destinée à protéger les secteurs de la vie collective considérée comme fondamentamentaux
et dont le fonctionnement doit être assuré en permanence. Il n’y a donc pas intérêt à porter
atteinte à ce principe fondamental du service public.

Cette nécessité aboutit à l’impossibilité d’appliquer les procédures civiles d’exécution


aux biens de l’État. Car, leur utilisation aurait pour objet d’handicaper le fonctionnement
normal du service public. C’est pourquoi Yaya Bodian indique que « le rejet des voies
d’exécution mises en œuvre contre les personnes publiques vise à leur assurer la protection

336
U. Armel Ibono, « L’immunité d’exécution des personnes morales de droit public à l’épreuve de la pratique
en droit OHADA », Revue de l’ERSUMA : Droit des affaires – Pratique professionnelle, N° 3 – septembre
2013, [en ligne], disponible sur : http://revue.ersuma.org/no-3-septembre-2013/doctrine-25/article/l-immunite-d-
execution-des-personnes-morales-de-droit-public-a-l-epreuve-de-la-pratique-en-droit-ohada.pdf, consulté le 6
décembre 2014.
337
Y. Bodian, « Réflexions sur la signification et la portée de l’immunité d’exécution des personnes publiques »,
Annales Africaines, Nouvelles Séries, Volume 1, avril 2016, n° 4, Dakar, CREDILA, p. 89.
338
G. Dupuis et autres, Droit administratif, 7e éd. Paris, Armand Colin, Collection U droit, 2000, p. 484.
339
J. Morand-Deviller, P. Bourdon, F. Poulet, Droit administratif, 15e éd., Paris, L.G.D.J., 2017, p. 578.
340
Voir Cons. const. français, 25 juillet 1979, « Droit de grève à la télévision », AJDA, 1979, p. 46
341
A.-A.-D. Kébé, « Le déclin de l’exorbitance du droit administratif sénégalais sous l’effet du droit
communautaire », op.cit., p. 13.

Page 95
que justifie la mission qui leur est confiée342 ». Il est question d’éviter de mettre l’État
dans les difficultés à réaliser de façon normale la mission d’intérêt général qui lui est confiée.

Au-delà de cette continuité du service public, l’impossibilité de contraindre l’Etat à


s’exécuter tient également au fait qu’il est attaché à la personne publique étatique le monopole
de la force. Si l’on songe à Max Weber qui caractérise l’État par l’exclusivité de la contrainte
légitime, il est aisé de reconnaître la difficulté à contraindre la personne publique étatique à
s’exécuter. Il arrive, en effet, que les procédures de saisie débouchent sur le recours à la force
publique. Dans ce cas, il sera difficile, pour reprendre le professeur Jean Rivéro, de « brandir
la hache de guère contre l’autorité qui la porte à la ceinture343 ». Autrement dit, « on ne
saurait faire usage de la force publique, qui est le propre de l’État, contre l’État lui-même.
On n’envoie pas les gendarmes contre les gendarmes 344 ». Il ressort de ces positions la
difficulté à employer la force publique à l’encontre des personnes publiques, qui sont toujours
investies d’une parcelle de la puissance publique 345 . Il est alors « illusoire de vouloir
retourner la puissance publique contre elle-même puisqu’elle détient de façon exclusive le
monopole de la contrainte 346 ». En d’autres termes, même s’il est admis l’application des
voies d’exécution contre les personnes publiques, l’on se rendrait vite compte de leur
inéfficience. Un particulier ne saurait forcer l’État ou une autre collectivité publique à
s’exécuter.

Ce monopole de la force publique qui rend impossible l’exécution forcée contre l’État
réside dans sa mission de service public. La nécessité de satisfaire aux besoins d’intérêt
général confère à l’administration des prérogatives que ne sauraient disposer les particuliers.
C’est dans ce cadre donc qu’il faut situer l’interdiction de recourir à la force publique pour
contraindre l’État à exécuter ses engagements.

Enfin, la dernière justification de l’interdiction des voies d’exécution est la


présomption de solvabilité et de bonne foi dont bénéficient les personnes publiques347. En
effet, à la différence du particulier qui peut avoir des difficultés à trouver des fonds, la
personne publique, elle, à chaque fois que le besoin se fait sentir, pourra toujours lever de

342
Y. Bodian, La situation de l’Etat dans les procédures civiles d’exécution, op.cit., p. 156.
343
J. Rivero, « Le Huron au Palais Royal, ou réflexions naïves sur le recours pour excès de pouvoir », D. 1962,
Chr. VI, p. 37.
344
J.-Cl. Martinez et P. Di Malta, Droit Budgétaire, 3e éd. LITEC, 1999, p.767.
345
Voir L. Richer, Note sous Cass. Civ. 21 décembre 1987, BRGM, CJEG, 1988, p. 107.
346
A.-A.-D. Kébé, « Le déclin de l’exorbitance du droit administratif sénégalais sous l’effet du droit
communautaire », op.cit., p. 13.
347
M. Waline, Droit administratif, 7e éd., 1957, pp. 863-864.

Page 96
nouveaux impôts. Elle dispose dès lors d’un outil qui lui permet de se faire des revenus et
faire face à ses obligations. La personne publique présente ainsi une garantie de solvabilité.
De même, sa volonté d’exécuter ses dettes ne saurait être suspectée. Elle est présumée être de
bonne foi dans la mesure où elle a en charge l’intérêt général et, en conséquence, dégagée du
jeu des intérêts particuliers348.

Cette double présomption fait donc des personnes publiques des débiteurs qui peuvent
toujours s’acquitter de leurs obligations pécuniaires. C’est pour cette raison que l’on cosidère
que « l’État ne doit pas être inquiété par la mise en œuvre de mécanismes juridiques destinés
à le contraindre au paiement de ce qu’il doit. Il est en effet « honnête par nature » et sa
faillite ne peut être envisagée349 ». C’est donc en considération de l’idée selon laquelle
l’État ne peut jamais faire faillite et qu’il a suffisamment de prérogatives pour se faire une
bonne santé financière que tient ici l’innaplication des mesures d’exécution forcée.

À travers les règles de l’inaliénabilité et de l’imprescriptibilité, ainsi que la saisie


impossible des biens de l’État, l’autorité domaniale, elle-même, et les particuliers voient leurs
pouvoirs d’action fortement réduits dans leurs rapports avec les dépendances domaniales. Le
souci de préservation des ces biens au besoin du public usager et des services publics est bien
pris en compte par le droit domanial sénéglais. Ce dernier a entouré le domaine public de
garanties qui rendent difficle toute tentative de dilapidation et d’accaparement de ce domaine
par un groupe de personnes au détriment de la collectivité.

Il s’avère aussi que le droit domanial sénégalais ne s’est pas limité à assurer la
conservation de la consistance du domaine public. Il a également cherché à ce que les
dépendances domaniales remplissent correctement leur fonction pendant le temps qu’elles
sont affectées à l’usage direct du public ou au service public.

348
Voir sur ces développements P. Yolka, La propriété publique, Eléménts pour une théorie, op.cit., p. 591.
349
Y. Bodian, La situation de l’Etat dans les procédures civiles d’exécution, op.cit., p. 156.

Page 97
CHAPITRE 2 :

L’ADOPTION DE MESURES PROTECTRICES DE L’UTILISATION


DU DOMAINE PUBLIC

Espace d’accueil destiné à des usagers350, le domaine public a pour vocation à servir à
l’intérêt général. La satisfaction effective de cette fonction passe nécessairement par un
maintien constant de son adéquation à l’objet en vue duquel il est préposé. C’est pourquoi, le
législateur a jugé nécessaire de protéger son utilisation.

L’exigence de satisfaire aux besoins du public usager et des services publics


utilisateurs des dépendances domaniales a donné lieu, dans le cadre des rapports de voisinage
entre le domaine public et la propriété privée, à une subordination des propriétés privées au
profit des biens qui constituent le domaine public. Le législateur a établi des servitudes
d’utilité publique au profit dudit domaine351 tout en les déniant, en principe, aux propriétés
privées. Il protège ainsi la destination du domaine public par les servitudes (Section 1) et
contre les propriétés privées (Section 2).

Section 1 : La protection de l’affectation domaniale par les servitudes

Le domaine public et les propriétés privées entretiennent des rapports étroits de


voisinage. Dans ces relations, les dépendances domaniales bénéficient d’une situation de
privilégié. Elles jouissent d’importantes prérogatives, dites servitudes d’utilité publique, qui
sont instituées pour la correcte réalisation de l’utilité publique à laquelle ces dépendances sont
destinées. Les servitudes d’utilité publique constituent dès lors des garanties à la satisfaction
de l’affectation du domaine public (Paragraphe 1) et des ramparts aux gênes des propriétés
privées (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La garantie du respect de la destination domaniale

Le législateur a trouvé dans les servitudes d’utilité publique un outil adéquat à la


protection de l’affectation du domaine public. Celles-ci couvrent, en effet, tous les privilèges
nécessaires à la correcte satisfaction des besoins du public ou du service public affectataire du
domaine public (A). Loin de se limiter à leur simple établissement au profit du domaine

350
J. Morand-Deviller, Droit administratif des biens, op.cit., p. 237.
351
Voir article 6-j) de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JORS N° 4506 du 28
juillet 1976.

Page 98
public, le législateur a incorporé les servitudes d’utilité publique dans ledit domaine. Ce
faisant, il les entoure des principes de la domanialité publique et les rend plus protectrices de
l’affectation domaniale (B).

A / La globalisation des privilèges utiles aux affectataires du domaine

Le législateur sénégalais a établi au profit du domaine public des servitudes d’utilité


publique. La présence de ce terme dans le code du domaine de l’État n’a pas donné lieu à une
définition permettant de mesurer la teneur de son contenu. Le législateur s’est simplement
limité à le consacrer et à donner une liste énumérative de ses composantes. Mais, le sens
donné à cette notion par la doctrine (1) et l’analyse de ses éléments constitutifs, retenus par le
législateur (2), permettent de considérer que l’établissement des servitudes d’utilité publique
vise la garantie d’une meilleure utilisation du domaine public dans le respect de son
affectation.

1. Au regard du sens de la notion de servitude d’utilité publique

Pour désigner les charges spéciales grevant les propriétés privées au profit du domaine
public, le législatreur sénégalais emploie l’expression « servitudes d’utilité publique » et non
le terme « servitudes administratives ».

Les servitudes d’utilité publique correspondent aux servitudes imposées par loi pour
l’utilité publique. Elles constituent « des charges grevant les propriétés privées dans l’intérêt
général en dehors du bénéfice de la contiguïté des dépendances domaniales352 ». Autrement
dit, les servitudes d’utilité publique correspondent aux nombreuses servitudes d’intérêt
général qui peuvent être établies à l’encontre des propriétés privées au profit du public usager
ou des services publics utilisateurs du domaine public353.

Au regard de cette définition, l’expression servitude d’utilité publique est employée pour
désigner tous les privilèges établis au profit des affectataires du domaine public et portant sur
des propriétés privées ; que celles-ci soient ou non voisines d’une dépendance domaniale.
Ainsi, elles dépassent les seules charges instituées au profit d’une dépendance domaniale pour
recouvrer les autres prérogatives reconnues aux usagers du domaine public.

352
Y. Gaudemet, Droit administratif des biens, tome 2, 12e éd., L.G.D.J., 2002, p. 235.
353
G. Peiser, Droit administratif : Fonction publique territoriale et hospitalière – Domaine public –
Expropriation – Réquisition – Travaux publics, 14e éd., Paris, Dalloz, 1997, p. 91.

Page 99
L’emploi du terme servitude d’utilité publique ne doit pas alors être confondu à celui de
servitude administrative. Cette dernière renvoie en effet aux « charges réelles grevant un
immeuble au profit d’un autre immeuble dans le cadre de rapport de voisinage 354 ». En
d’autres termes, les servitudes administratives désignent les charges spéciales établies au
profit d’une dépendance domaniale voisine d’une propriété privée. Elles sont le reflet des
charges de voisinage de droit commun en droit administratif. C’est l’idée de fonds dominant
et de fonds servant qui est mise en perspective ici. La servitude est instituée au bénéfice d’une
dépendance domaniale (fonds dominant) sur un fonds privé contigu (fonds servant).

Ainsi, on ne doit pas confondre les servitudes établies au profit d’un fonds appartenant au
domaine public sur une propriété privée voisine (servitudes administratives) avec les
nombreuses servitudes d’intérêt général qui peuvent être établies à l’encontre des propriétés
privées au profit du public usager ou des services publics utilisateurs du domaine public
(servitudes d’utilité publique)355. Les servitudes administratives ont un contenu beaucoup plus
restreint que les servitudes d’utilité publique. Elles semblent se résumer à l’existence d’une
contiguïté entre une dépendance domaniale et une propriété privée.

Mais, il est apparu dans la jurisprudence française un élargissement du contenu de la


notion de servitude administrative. Selon la Cour de cassation, « la servitude administrative
n’a pour effet que de contraindre à l’observation de règles d’utilité générale et non de servir
un fonds dominant auquel la servitude n’est accordée qu’accessoirement, comme
conséquence de l’intérêt pubic 356 ». Cette solution assimile le contenu de la servitude
administrative à celui de la servitude d’utilité publique.

Cela amène à considérer que la notion de servitude administrative revêt un double sens.
Dans un sens étroit, elle désigne les servitudes établies au profit d’une dépendance domaniale
sur une propriété privée contigüe. Tandis que, dans un sens large, la servitude administrative
renvoie aux charges ou contraintes imposées aux propriétés privées pour des motifs d’intérêt
général357. Au regard de cette double conception, la notion de servitude administrative stricto
sensu se distingue de celle de servitude d’utilité publique, alors que celle de servitude
administrative lato sensu se confond à l’expression servitude d’utilité publique.

354
Y. Brad, Droit administratif des biens et droit de la fonction publique, 1ère éd., Paris, PUF, 1985, p. 134.
355
G. Peiser, Droit administratif : Fonction publique de l’Etat, territoriale et hospitalière, Domaine public,
Expropriation, Réquisitions, Travaux publics, op.cit., p. 91.
356
Voir Cass. civ. 8 mai 1963, Bull.civ. n° 254, p. 214.
357
Y. Gaudemet, Droit administratif des biens, op.cit., p. 347.

Page 100
En employant l’expression servitude d’utilité publique, le législateur sénégalais a pris
l’option de viser l’ensemble des servitudes établies au profit des usagers du domaine public.
Il a ainsi cherché à assurer la meilleure utilisation du domaine public par ses affectataires. En
effet, derrière l’emploi de ce terme, se cache l’idée d’une prise en compte de tous les
privilèges nécessaires à la correcte réalisation de la destination des dépendances domaniales à
l’usage direct du public ou au service public. C’est un terme qui englobe toutes les charges ou
contraintes imposées aux propriétés privées dans l’intérêt du public ou des services publics
destinataires du domaine public. Il n’est donc pas question d’une limitation de ces privilèges
au seul bénéfice d’une dépendance domaniale contigüe à un fonds privé.

La servitude d’utilité publique ne se résume pas à l’idée d’un fond dominant et d’un fond
servant, comme c’est le cas pour les servitudes civiles. L’existence d’un fond dominant
bénéficiaire de charges spéciales sur les propriétés privées n’est pas toujours requise lorsque
l’on évoque les servitudes d’utilité publique. Avec ces dernières, l’établissement d’une
servitude n’a pas seulement pour effet à servir une dépendance domaniale, mais il est aussi
destiné à bénéficier au public ou au service public affectataire du domaine public.

On peut donc considérer, en reprenant Yves Gaudemet, que « les charges dont il est
question, d’une part, grèvent des propriétés privées dans l’intérêt général et non pas au
bénéfice d’un fonds public déterminé, d’autre part, ne s’appliquent pas entre un fonds
dominant et un fonds servant individualisés et unis par ce rapport de servitude358 ». Une telle
conception laisse apparaître en fin de compte que les servitudes d’utilité publique sont établies
dans l’intérêt des affectataires du domaine public. C’est l’utilité publique à laquelle les
dépendances domaniales sont destinées qu’on cherche à garantir la correcte satisfaction. Cette
position est confortée par les composantes de ces servitudes, telles qu’instituées par le
législateur.

2. Au regard des composantes des servitudes d’utilité publique

Il est possible, à partir des différents éléments constitutifs de servitudes d’utilité


publique, retenus par l’article 6-j) du code du domaine de l’État, d’affirmer que celles-ci
correspondent à des contraintes auxquelles les fonds privés sont assujettis en vue de la
correcte réalisation de l’utilité publique du domaine. Lesdites servitudes sont composées de

358
Y. Gaudemet, Droit administratif des biens, op.cit., p. 347.

Page 101
privilèges instituées pour faciliter l’utilisation des dépendances domaniales par le public ou le
service public affectataire du domaine.

Il s’agit de charges spéciales diverses et variées que l’on peut regrouper en en deux
blocs suivant la classification opérée par Jean-Marie Breton. Celui-ci, dans le cadre de son
analyse des législations domaniales africaines, a réussi à regrouper les servitudes d’utilité
publique listées par les textes en deux composantes.

D’une part, il y a la composante qui regroupe les servitudes qui sont plus
particulièrement destinées à permettre l’installation, l’implantation et l’entretien des
différentes voies de communication ou des installations destinées au transport de l’énergie ou
aux télécommunications (servitudes de passage, d’implantation, d’appui, de circulation, etc.).
D’autre part, il y a la composante qui regroupe les servitudes qui ont une portée plus générale
et qui tendent plus ou moins à la protection du domaine sous toutes ses formes et conçue au
sens large, ainsi qu’à faciliter leur utilisation conformément à leur destination (servitudes de
sécurité, de hauteur, d’abattage, d’alignement, de défense, etc.)359.

Il résulte de cette classification que les servitudes d’utilité publique regroupent les
charges spéciales établies dans l’intérêt du public ou du service public usager du domaine
public. On peut donc considérer qu’elles sont « instituées pour permettre la correcte
satisfaction de l’affectation grevant les propriétés publiques360 ».

Les différentes composantes des servitudes d’utilité publique ainsi énumérées


constituent des privilèges nécessaires à la correcte réalisation de la destination domaniale.
Elles regroupent des charges spéciales qui protègent et facilitent en même temps l’utilisation
du domaine public par le public ou les services publics usagers. Le législateur a institué au
bénéfice de ces derniers les privilèges qu’il estime capable d’anéantir les obstacles à la
meilleure utilisation des biens qui constituent le domaine public. Ainsi, les destinataires dudit
domaine disposent de charges spéciales qui vont grever les fonds privés afin de les permettre
d’utiliser dans les meilleures conditions les dépendances domaniales conformément à leur
destination.

359
J.-M. Breton, « Le domaine de l’Etat », in Encyclopédie juridique de l’Afrique, tome 5, Droit des biens, NEA,
1982, p. 226.
360
Ch. Debbasch, J. Bourdon, J. Poutier, J-C. Ricci, Droit administratif des biens, 2e éd., Paris, PUF, 1994, p.
126.

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Donc, la liste énumérative de servitudes d’utilité publique retenue par l’article 6-j) du
code du domaine de l’État est établie dans le but de garantir l’usage conforme du domaine
public. Cette volonté s’est renforcée à travers l’incorporation de ces servitudes parmi les biens
faisant parties dudit domaine.

B / La protection des servitudes d’utilité publique

C’est dans l’énumération des biens faisant parties du domaine public artificiel que le
législateur a cité les servitudes d’utilité publique. En effet, il indique clairement dans la loi n°
76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État que « le domaine public artificiel
comprend notamment […] les servitudes d’utilité publique361 ». En citant ainsi les servitudes
d’utilité publique parmi les composantes du domaine public artificiel, le législateur les
incorpore formellement dans ledit domaine. Ces charges spéciales ne se conçoivent pas
seulement comme des privilèges au bénéfice des affectataires du domaine mais également
comme des dépendances domaniales. Elles constituent des droits réels immobiliers
constitutifs du domaine public artificiel.

Le droit domanial sénégalais présente, sur ce plan, une certaine particularité. Le


législateur s’est complètement départi du décret du 29 septembre 1928 qui n’intégrait pas les
servitudes d’utilité dans les composantes du domaine public 362 . Il présente une posture
originale en allant « jusqu’à considérer [les servitudes d’utilité publique] comme des
composantes intrinsèques du domaine363 ». Le législateur a ainsi procédé à une extension du
champ du domaine public sur des biens qui n’en faisait pas parties.

Cette posture n’a pas échappé à la doctrine qui a cherché à comprendre cette
originalité. Charles Lapeyre a relevé, à ce propos, qu’ « on pourrait s’étonner de voir figurer
cette catégorie de biens dans la composition du domaine public, alors qu’elle évoque plus
généralement le régime juridique de ce dernier 364 ». Si celui-ci a soulevé la possibilité
d’étonnement sur cette situation, cela semble être le cas pour Monique Cavérivière et Marc
Débène. Ces derniers ont, sans détour, non seulement manifesté leur incompréhension, mais
aussi qualifié d’amalgame l’incorporation des servitudes d’utilité publique dans le domaine

361
Voir article 6-j) de la loi n°76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.
362
Voir articles 3 et 4 du décret du 29 septembre 1928 portant règlementation du domaine public et des
servitudes d’utilité publique en Afrique occidentale française, JOAOF N° 1261 du 10 novembre 1928.
363
J.-M. Breton, « Le domaine de l’Etat », op.cit., p. 225.
364
Ch. Lapeyre, « Apeçu de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État au Sénégal »,
AA, 1976, p. 95.

Page 103
public. Ils retiennent en effet que « curieusement et sans justifier cet amalgame la loi n° 76-
66 intègre les servitudes d’utilité publique dans le domaine artificiel365 ». Il semble y avoir là
des préoccupations sur le choix du législteur sénégalais de faire des servitudes d’utilité
publique des dépendances domaniales.

La remarque de Monique Cavérivière et de Marc Débène à l’endroit du législateur


sénégalais est trop sévère. Il suffit en effet de lire l’exposé des motifs de la loi n° 76-66 du 2
juillet 1976 portant code du domaine de l’État pour trouver l’explication de l’intégration des
servitudes d’utilité publique dans le domaine public. Le législateur y affirme clairement ceci :
« on y a fait entrer artificiellement des biens qui, en raison de leur destination, ne devraient
pas en dépendre mais que l’on veut ainsi, pour des raisons d’intérêt général, faire bénéficier
de certains privilèges366 ». Cette phrase lève ainsi toute équivoque sur le choix du législateur.

Celui-ci justifie l’élargissement du champ du domaine public à d’autres composantes


par la nécessité de les soumettre aux règles exorbitantes de la domanialité publique. L’objectif
poursuivi est la préservation de leur utilité publique. Cette volonté s’est alors étendue aux
servitudes d’utilité publique compte tenu de leur intérêt pour la correcte satisfaction de la
destination du domaine public. Il apparaît ainsi que c’est bien une volonté de protection de ces
charges spéciales qui constitue la principale justification de leur intégration au domaine
public. Car, intégrer le domaine public c’est bénificié des principes protecteurs de la
domanialité publique. Donc, il ne fait pas de doute que le législateur a eu « l’intention,
surtout, de conférer une protection efficace à ces droits particuliers en les recouvrant du label
de domanialité publique367 ».

Il ressort du choix du législateur d’intégrer les servitudes d’utilité publique dans le


domaine public une volonté de protéger l’utilité publique à laquelle elles sont destinées. Cette
volonté semble logique au regard du contenu des servitudes d’utilité publique. En effet, ces
dernières qui couvrent l’ensemble des privilèges utiles à la meilleure utilisation du domaine
public par ses destinataires méritent de constituer des dépendances domaniales et de
bénéficier du régime protecteur de la domanialité publique.

Car, il est à noter que dans les cas où elles se résumeraient aux seules charges
instituées au profit d’une dépendance domaniale, on pourrait contester la pertinence d’intégrer

365
M. Cavérivière et M. Débène, Le droit foncier sénégalais, Paris, Berger-Levrault, 1988, p. 123.
366
Voir Exposé des motifs de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.
367
Ch. Lapeyre, « Apeçu de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État au Sénégal »,
op.cit., p. 95.

Page 104
les servitudes d’utilité publique dans le domaine public. Dans cette situation, la servitude reste
attachée à un bien faisant partie du domaine public et profite, à ce titre, du régime de
domanialité publique de ce bien. Cela revient alors à considérér que « les servitudes au profit
du domaine public bénéficient de l’inaliénabilité et de l’imprescriptibilité du domaine public
lui-même368 ». Donc, c’est parce qu’elles suivent l’affectation de la dépendance domaniale
que les servitudes bénéficient du privilège d’inaliénabilité et de son corrolaire,
l’imprescriptibilité369.

En revanche, on mesure la pertinence de ce choix du législateur dès lors que les


servitudes d’utilité publique englobent, en plus des charges réelles grevant un immeuble au
profit d’une dépendance domaniale contigüe, tous les autres privilèges reconnus aux usagers
du domaine public pour une correcte utilisation dudit domaine. Dans cette situation, c’est
l’appartenance des servitudes d’utilité publique au domaine public qui fait que toutes les
autres charges spéciales établies en dehors du bénéfice de la contiguïté d’une dépendance
domaniale soient régies par les règles exorbitantes du droit commun.

Ainsi, au même titre que les autres dépendances domaniales, les servitudes d’utilité
publique ne peuvent être aliénées ni par la personne publique propriétaire, ni par les
propriétaires des fonds sur lesquels elles sont établies, ni par les particuliers tant qu’elles
suivent la destination pour laquelle elles sont établies. Elles bénéficient dès lors de toutes les
garanties utiles à la satisfaction de leur raison d’être. Donc, la fonction d’intérêt général qui
justifie leur établissement est autant protégée que les biens qui constituent le domaine public.

En tant que privilèges garantissant le respect de la destination du domaine public, les


servitudes d’utilité publique bloquent toute gêne à l’usage normal dudit domaine par ses
affectataires.

Paragraphe 2 : La limitation des gênes à l’affecation domaniale

Les servitudes d’utilité publique sont des charges qui peuvent aboutir à certaines
interdictions ou limitation à l’exercice par les propriétaires de leur droit de construire, et plus
généralement d’occuper ou utiliser le sol, à supporter l’exécution de travaux ou l’installation
de certains ouvrages, plus rarement, à imposer certaines obligations de faire à la charge des

368
Y. Gaudemet, Droit administratif des biens, tome 2, 12e éd., Paris, L.G.D.J., 2002, p. 238.
369
Ch. Debbasch, J. Bourdon, J. Poutier, J-C. Ricci, Droit administratif des biens, 2e éd., Paris, PUF, 1994,
p.126.

Page 105
propriétaires (travaux d’entretien ou de réparation)370. Elles imposent aux propriétaires privés
un certain nombre de restrictions, notamment des obligations de laisser faire, des contraintes à
agir et des interdictions de construire. Ce qui nous amène à aborder, d’une part, les
obligations consacrées (A) et, d’autre part, les interdictions de construire (B).

A / Les obligations consacrées

Les obligations consacrées concernent les charges imposées aux propriétaires privés,
soit de laisser faire sur leurs propriétés (1), soit de prendre des actes (2) qui contribuent à la
correcte satisfaction de l'utilité publique des dépendances domaniales.

1. Les obligations de laisser faire sur la propriété privée

Il figurent parmi les servitudes d’utilité publique celles qui « obligent l’assujetti à
laisser faire sur son fond des actes qu’il n’était pas tenu normalement de supporter371 ». Ce
sont les charges qui correspondent à ce qu’on qualifie d’obligations de laisser faire, c’est-à-
dire celles qui « imposent au propriétaire du fond grevé de laisser faire sur ce fond des actes
que son droit de propriété lui confère le pouvoir de refuser372 ». De telles servitudes sont
généralement instituées au profit des affectataires de dépendances domaniales, à savoir le
service public utilisateur (a) et le public usager (b).

a) Les obligations au profit des services publics

Le point 1° de l’article 6-j) renvoie dans sa globalité aux charges qui obligent le
propriétaire privé à supporter certains actes au bénéfice des services publics affectataires du
domaine public. Il est en cela complété par des textes particuliers373. Les privilèges ainsi visés
concernent les servitudes d’appui, d’implantation, de circulation, de passage. Elles sont
établies au profit des exploitants de réseaux de télécommunication, d’énergie électrique, d’eau
et autres. Elles assujettissent les fonds privés pour permettre à leur bénéficiaire d’y installer,

370
Servitudes d’urbanisme et servitudes d’utilité publique, Mémento du maire et des élus locaux, [en ligne],
disponible sur : www.mementodumaire.net/responsabilité-du-maire-2/r4-mesures-de-controle-et-pouvoirs-de-
police-du-maire, consulté le 7 juin 2013.
371
J. Dufau, Le domaine public, tome 1, Ed. Le Moniteur, 1986, p. 236.
372
Ch. Debbasch, J. Bourdon, J. Poutier, J-C. Ricci, Droit administratif des biens, op.cit., p. 128.
373
Voir à ce propos la loi n° 98-29 du 14 avril 1998 relative au secteur de l’électricité, JORS N° 5797 du 24 avril
1998 ; la loi n° 2008-43 du 20 août 2008 portant code de l’urbanisme, JORS N° 6438 du 15 février 2008 ; la loi
n° 2011-01 du 24 février 2011 portant code des télécommunications, JORS N° 6571 du 14 mars 2011 ; le décret
n° 2005-1182 du 6 décembre 2005 relatif aux prérogatives et servitudes des exploitants de réseaux de
télécommunication ouverts au public, JORS N° 6268 du 11mars 2005 ; le décret n° 2009-1450 du 30 décembre
2009 portant partie règlementaire du code de l’urbanisme, JORS N° 6226 du 8 mai 2009.

Page 106
d’y exploiter des équipements nécessaires au bon fonctionnement des missions de service
public qui leur sont assignées.

Ainsi, les services au profit desquels ces prérogatives sont accordées pourront se servir de
l’extérieur des murs et façades donnant sur la voie publique, des toits et terrasses des
bâtiments privés et du sol et sous-sol des propriétés privées non bâties. Ils auront aussi le droit
d’établir des conduites ou des supports, de poser des câbles ou des dispositifs de raccordement
sur les fonds privés374 . À l’analyse, ces servitudes permettent la correcte réalisation de la
mission de service public qui est assignée auxdits exploitants.

Il s’agit là de diverses charges auxquelles le propriétaire du fond grevé ne peut s’opposer ;


il ne peut que laisser faire. La partie règlementaire du code de l’urbanisme prévoit à ce propos
que « les propriétaires de construction édifiées en bordure d’une voie publique ne pourront
s’opposer à la fixation sur leur immeuble des consoles nécessaires au transport de l’énergie
électrique, conformément aux dispositions du cahier des charges de la compagnie
concessionnaire375 ». Il y a ainsi une obligation qui pèse sur les propriétaires privés de laisser
faire sur leur fond des actes nécessités par la correcte réalisation des missions poursuivies par
ces divers concessionnaires de service public. Leur droit de propriété ne leur permet pas de
s’y opposer ; ils n’ont pas la faculté de refuser de tels actes.

Il s’avère utile de préciser que cette obligation de laisser faire ne doit pas être considérée
comme une perte par les propriétaires privés de leur titre de propriété. Il s’agit d’une
limitation de ce droit et non d’un transfert de propriété. En effet, ils résultent des textes
précités que l’établissement de ces charges spéciales « n’entraine aucune dépossession376 » et
« ne fait pas obstacle au droit du propriétaire d’entreprendre des travaux sur son bien
immobilier377 ». L’obligation de laisser faire n’emporte donc pas un anéantissement totale du
droit de propriété, l’assujetti est seulement tenu de mettre à disposition son fond pour servir
de support aux installations de certains services.

374
Voir article 33 de la loi n° 98-29 du 14 avril 1998 relative au secteur de l’électricité, JO préc. ; article 97 de la
loi n° 2011-01 du 24 février 2011 portant code des télécommunications, JO préc. ; article 6 du décret n° 2005-
1182 du 6 décembre 2005 relatif aux prérogatives et servitudes des exploitants de réseaux de télécommunication
ouverts au public, JO préc.
375
Voir article R 257 du décret n° 2009-1450 du 30 décembre 2009 portant partie règlementaire du code de
l’urbanisme, JO préc.
376
Voir article 7, alinéa 1 du décret n° 2005-1182 du 6 décembre 2005 relatif aux prérogatives et servitudes des
exploitants de réseaux de télécommunication ouverts au public, JO préc.
377
Voir article 33, alinéa 9 de la loi n° 98-29 du 14 avril 1998 relative au secteur de l’électricité, JO préc.

Page 107
Ainsi, le propriétaire de l’immeuble grevé dispose toujours de son droit d’entreprendre des
travaux nécessaires à sa propriété. D’après le « décret ministériel 378 » n° 2005-1182 du 6
décembre 2005 relatif aux prérogatives et servitudes des exploitants de réseaux de
télécommunication ouverts au public, « la pose d’appui sur les murs et façades ou sur les
toits des bâtiments ne peut faire obstacle au droit du propriétaire de démolir, réparer ou
surélever. La pose de conduites dans un terrain ouvert ne fait pas obstacle au droit du
propriétaire de le clôturer »379. Cette disposition laisse apparaître que le propriétaire assujetti
possède toujours la faculté de réaliser les travaux que lui confère son droit de propriété. Il n’a
pas le droit de s’opposer à l’installation sur son bien d’actes nécessités par l’utilité publique,
mais il conserve son pouvoir de réfection de son immeuble.

Toutefois, le pouvoir d’entreprendre qui est reconnu à l’assujetti reste encadré. En


effet, le propriétaire soumis à une obligation de laisser faire ne peut effectuer des travaux de
réfection sur son immeuble qu’après avoir prévenu l’exploitant bénéficiaire de la servitude.
Les textes organisant les servitudes préconisent que « le propriétaire doit, avant
d’entreprendre les travaux de démolition, réparation, surélévation et clôture, prévenir
l’exploitant par lettre recommandée…380 ».

L’obligation d’avertir l’exploitant des travaux envisagés par l’assujetti est enserrée
dans un délai bien précis, mais ce dernier varie selon les exploitants. Lorsqu’il s’agit des
exploitants de réseaux de télécommunication ouverts au public, ce délai est d’un mois381. Par
contre, lorsqu’il s’agit des concessionnaires d’exploitation ou de distribution d’énergie
électrique le délai d’avertissement est fixé à trois mois382.

Cette précaution permet ainsi d’éviter la réalisation de travaux par le propriétaire grevé
qui peuvent être de nature à entraver la bonne marche de la mission du service bénéficiaire de
la servitude. L’exécution de tout travail sur un immeuble frappé d’une servitude d’utilité

378
L’emploi du terme « décret ministériel » constitue une incongruité juridique. En effet, en application de
l’article 43, alinéa 1 de la constitution du 22 janvier 2001, modifiée, il n’est pas approprié de parler de « décret
ministériel » car les ministres n’ont pas de pouvoir décretal. Ce pouvoir est du ressort exclusif du président de la
République, qu’il peut autoriser au premier ministre seulement (article 50, alinéa 2 de la constitution du 22
janvier 2001, modifiée). Il s’agit là d’une maladresse du secrétariat général du gouvernement qui mérite d’être
corrigée.
379
Voir article 7, alinéa 2 du décret n° 2005-1182 du 6 décembre 2005 relatif aux prérogatives et servitudes des
exploitants de réseaux de télécommunication ouverts au public, JO préc.
380
Voir article 7, in fine du décret n° 2005-1182 du 6 décembre 2005 relatif aux prérogatives et servitudes des
exploitants de réseaux de télécommunications ouverts au public, JO préc. ; article 33, alinéa 10 de la loi n° 98-29
du 14 avril 1998 relative au secteur de l’électricité, JO préc.
381
Idem.
382
Voir article 33, alinéa 10 de la loi n° 98-29 du 14 avril 1998 relative au secteur de l’électricité, JO préc.

Page 108
publique doit résulter d’un commun accord entre le propriétaire du fond et le service
bénéficiaire. C’est dans ce sens, peut-être, qu’il est fixé un certain délai avant la réalisation
par le propriétaire de ses travaux. Cette période sera sans doute mise à profit pour toutes les
mesures idoines à la préservation des installations en bon état de fonctionnement afin
d’assurer la continuité de la correcte réalisation de l’affectation domaniale.

En plus des services publics affectataires du domaine public, le public usager bénéficie
également des obligations de laisser faire.

b) Les obligations au profit du public usager

Lorsque nous nous limitons au code du domaine de l’État, nous pouvons être amenés à
considérer que les servitudes imposant une obligation de laisser faire ne profitent pas au
public usager du domaine public. En effet, la servitude de passage qui est la principale charge
spéciale au profit du public n’est pas visée par la loi n° 76-66 portant code du domaine de
l’État. Certes, ladite loi mentionne expressément à l’article 6-j) la notion de « servitudes de
passage », mais il faut reconnaître que celle-ci renvoie aux charges de passage au profit des
services publics affectataires du domaine public. En effet, le même article précise qu’il s’agit
des servitudes de passage « nécessitées par l’établissement, l’entretien et l’exploitation des
installations et ouvrages visés ci-dessus 383 ». Donc, les servitudes de passage dont il est
question ici sont celles qui permettent le passage des lignes, câbles, conduites des services
utilisateurs du domaine public et non celles pour le public usager.

La servitude de passage au bénéfice du public est une servitude destinée à faciliter l’accès
des piétons à la mer et leur libre circulation le long du rivage. Il s’agit d’un privilège qui
s’inscrit dans une perspective démocratique, d’assurer, d’une manière générale, le libre accès
de tous aux rivages de la mer, des fleuves, des lacs. Cette servitude ne rentre pas dans celles
qui sont consacrées à l’article 6-j) du code du domaine de l’État. Dès lors, on peut dire que la
loi domaniale a occulté cette obligation de laisser faire au profit du public usager, alors
qu’elle a été expressément établie par le décret du 29 septembre 1928384.

383
Les ouvrages visés ici sont énumérés à l’article 6 du code du domaine de l’État et concernent essentiellement
ceux des services utilisateurs du domaine public.
384
Voir article 2 du décret du 29 septembre 1928 portant règlementation du domaine public et des servitudes
d’utilité publique en Afrique occidentale française, (JOAOF N° 1261 du 10 novembre 1928) qui disposait que
« les riverains des cours d’eau non navigables ni flottables sont soumis à une servitude de passage sur une zone
large de 10 mètres sur chaque rive ».

Page 109
La loi domaniale sénégalaise a été, sur ce point, moins complète que celle du Mali par
exemple. En effet, l’ordonnance domaniale et foncière du Mali dispose expressément que
« les riverains des cours d’eau non navigables ni flottables sont soumis à une servitude de
passage sur une zone dix mètres de large sur chaque rive385 ». Elle reconnait ainsi, de façon
formelle, au public usager du domaine public fluvial la servitude de passage sur les rives des
cours d’eau. Le législateur malien ne devrait pourtant pas être beaucoup plus entreprenant que
son homologue sénégalais. Car, contrairement au Mali, le Sénégal dispose, indépendamment
des fleuves et cours d’eau, d’une façade maritime qui borde le pays du nord au sud. Cela
devrait donc nécessiter une attitude favorable aux usagers du domaine public maritime et
fluvial par une prise en compte de la servitude de passage dans le code du domaine de l’État.

De la même manière que le code du domaine de l’État, le code de l’urbanisme de son côté
– la partie législative comme la partie règlementaire – ne fait également pas référence à la
servitude de passage au profit du public. Mamadou Aliou Diallo note, à ce propos, que la
servitude de passage au profit du public usager « doit être organisée par le code de
l’urbanisme qui est muet à ce propos386 ». En effet, c’est ce texte qui organise les modalités
d’aménagement, d’occupation et d’utilisation du sol à travers les plans d’urbanisme 387. Ces
derniers ont pour objet de répartir et d’organiser l’espace en fixant le tracé des voies de
circulation, en prévoyant des emplacements réservés comme des installations d’intérêt
général, d’usage du public, d’espaces boisés, etc. Au regard de cet objet, on devrait s’attendre
à ce que les plans d’urbanisme prévoient la servitude de passage au profit du public. Mais,
cela n’a pas été le cas.

La lecture combinée du code du domaine de l’État et du code de l’urbanisme peut laisser


penser que la servitude de passage au profit du public est inexistante en droit domanial
sénégalais. Mais, il n’en est pourtant pas le cas.

D’une part, on peut trouver une existence implicite de cette servitude dans le code du
domaine de l’État. En effet, lorsque nous analysons la constitution du domaine public
maritime et fluvial, nous nous rendons compte de l’inutilité de consacrer une disposition à
cette servitude. Le législateur y a consacré une zone dite « des cinquantes pas géométriques »

385
Voir article 9 de l’ordonnance n° 00-027/P-RM du 22 mars 2000 portant code domanial et foncier du Mali,
disponible sur : www.droit-afrique.com/.../Mali/Mali-Code-2000-domanial-et-foncier-MAJ-2002.pdf, consulté le
12 juin 2013.
386
M.-A. Diallo, La difficle gestation d’un droit littoral sénégalais, Thèse, UCAD, 2012, p. 120.
387
Ils sont prévus par l’article 6 de la loi n° 2008-43 du 20 août 2008 portant code de l’urbanisme et
comprennent notamment les schémas directeurs d’aménagement et d’urbanisme (article 7), les plans directeurs
d’urbanisme (article 8), les plans d’urbanisme de détail (article 9) et les plans de lotissement (article 14).

Page 110
le long de la mer et des cours d’eau 388 . Cette zone ne pouvant faire l’objet d’aucune
construction, il semble alors inopportun de prévoir encore une servitude de passage au profit
du public. L’instauration de la zone des pas géométriques suffit à assurer au public la liberté
de mouvement le long des rivages de la mer et des cours d’eau. Donc, l’absence de la
servitude de passage au profit du public dans la liste énumérative des servitudes d’utilité
publique n’en fait pas moins une servitude inexistante ; elle procède implicitement de
l’institution de la zone des pas géométriques.

D’autre part, on peut trouver une existence explicite de la servitude de passage au profit
du public en ayant recours à des textes particuliers, notamment le code de l’environnement.
Le législateur affirme dans ledit code que « l’autorisation d’occupation du domaine public ne
doit pas entraver ni le libre accès au domaine public maritime et fluvial ni à la libre
circulation sur la grève, ni être source d’érosion ou de dégradation du site 389 ». Cette
disposition qui entrevoit l’existence d’occupations privatives du domaine public maritime
exige aux occupants privatifs de laisser des zones de passage qui puissent permettre non
seulement l’accès au rivage de la mer et des cours d’eau, mais aussi la libre circulation le long
du rivage. Cela correspond à la servitude de passage qui a pour effet d’empêcher les
propriétaires privés d’entraver l’accès à la mer et la promenade le long des plages en laissant
des zones de passage sur leurs titres juridiques. La combinaison des différents textes précités
montre à suffisance l’existence d’une servitude de passage pour le public usager du domaine
public, notamment maritime et fluvial.

En analysant la manière dont cette servitude est établie en droit domanial sénégalais, nous
pouvons être amenés à considérer que le législateur a anéanti toute gêne au libre acccès et à la
libre circulation le long des rivages de la mer et des cours d’eau. En effet, l’interdiction de
toute construction sur lesdits rivages et les contraintes imposées aux occupants privatifs du
domaine public maritime et fluvial s’inscrivent dans la logique de préservation de
l’affectation de ces dépendances domaniales. Elles sont destinées à garantir l’usage libre et
gratuit des rivages par le public, qui constitue la vocation fondamentale des plages. Donc,
d’un point de vue juridique, l’obligation de laisser faire au profit du public ne souffre
d’aucune contestation.

388
Voir article 5 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.
389
Voir article L. 69, alinéa 1 de la loi n° 2001-01 du 10 février 2001 portant code de l’environnement JORS N°
5972 du 10 mars 2001 ; circulaire n° 0001 PM/SP du 22 mars 2007 relative à l’application L. 69 du code de
l’environnement, non publiée.

Page 111
En revanche, lorsque nous observons la pratique, nous assistons beaucoup plus à une
ineffectivité de la règlementation. Il y a une inapplication manifeste, voire même une
inexistence de textes établissant la servitude de passage le long des rivages. En effet,
l’observation de l’occupation des rivages de la mer et des cours d’eau laisse apparaître une
sorte de privatisation de l’essentiel des plages fréquentables. Dans une étude menée par Aide
Transparence sur le littoral maritime de Dakar, ladite structure montre que la construction
d’infrastructures le long du littoral emporte comme inconvénient « la privatisation
progressive des plages les plus attractives et l’érection de barrières qui empêchent la libre
circulation390 ».

Concernant la petite côte, une mission conjointe de terrain organisée par


l’Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture (UNESCO) et
l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) révèle que les projets de la Société
d’Aménagement et de Promotion de la Petite Côte (SAPCO) présentent des avantages mais
aussi des inconvénients majeurs liés à la privatisation progressive des espaces littoraux par les
sociétés privées. L’étude souligne dans son rapport qu’ « en jetant son dévolu sur l’espace
littoral, le principale problème que pose le tourisme aux yeux des autochtones est celui de
l’accès à leur lieu de travail. Ces installations hôtelières qui ont élu domicile sur le littoral
ont ainsi privatisé la plage391 ».

Au regard de ce constat général, les dispositions pertinentes précitées des codes du


domaine de l’État et de l’environnement sont restées lettres mortes. La zone « des cinquantes
pas géométriques » fait l’objet de construction et les occupants privatifs semblent entraver le
libre accès et la libre circulation sur la grève. La servitude de passage en est ainsi fortement
transgréssée, alors qu’un strict respect de la règlementation l’aurait évitée. Pour revenir à ce
privilège au profit du public, les pouvoirs publics sont désormais contraints d’organiser de
manière beaucoup plus précise la servitude de passage. Mamadou Aliou Diallo considère, à ce
titre, que la situation actuelle appelle à établir la servitude de passage longitudinale et la
servitude de passage tranversale 392 . La première a pour objet de grever les propriétés
riveraines du domaine public maritime d’une bande de terre d’une certaine largeur au profit
des piétons. Celle-ci permet de garantir la libre promenade le long du rivage. La seconde,

390
Aide Transparence, Le domaine public maritime : élites, pouvoir et impunité, Etude réalisée par J.-H. Sy
(dir.), M.-A. Diallo, P.-S. Kane, 2009, p. 47, [en ligne], disponible sur : www.aidetransparency.org, consulté le 6
septembre 2013.
391
UNESCO-UCAD, Etude sur le littoral sénégalais, [en ligne], disponible sur :
http://www.unesco.org/csi/act/dakarlt, consulté le 6 septembre 2013.
392
M.-A. Diallo, La difficile gestation d’un droit littoral sénégalais, op.cit., p. 120.

Page 112
quant à elle, est une servitude de passage transversale destinée à servir de desserte aux
plagistes. Elle permet d’assurer le raccordement de la voie publique au rivage de la mer393. La
mise en œuvre concrète de ces deux modalités de la servitude de passage consistera à
contraindre les propriétaires riverains et les occupants privatifs du domaine public maritime à
laisser des zones de passage sur leurs titres juridiques. Cela permettra de garantir le libre
accès et la libre circulation sur le domaine public maritime.

Outre la soumission des propriétaires privés à des obligations de laisser faire, ces
derniers sont également assujettis à des obligations d’agir.

2. Les obligations d’agissement

Cette catégorie de servitudes d’utilité publique renferme les charges qui obligent
l’assujetti à prendre sur son bien des mesures nécessaires à la correcte réalisation de
l’affectation du domaine public. Le propriétaire du fonds privé est contraint à agir afin
d’éviter tout gêne à la satisfaction des besoins du public et des services publics destinataires
des dépendances domaniales. Il s’agit de servitudes actives en ce sens qu’elles obligent les
propriétaires à effectuer certains actes ou travaux sur son bien contre son gré394. Elles sont
essentiellement établies sur les propriétés privées voisines des domaines publics routier et
aéroportuaire.

Au niveau du domaine public routier, le code du domaine de l’État frappe les fonds
qui bordent la route de servitudes de visibilité, qui correspondent aux charges spéciales
établies « dans l’intérêt ou pour la sécurité de la circulation routière395 ». Ces servitudes
peuvent consister à des exigences imposant les propriétaires privés à installer leurs ouvrages
de façon à ne pas gêner la circulation routière, ou à des contraintes qui les obligent à
réfectionner leurs installations qui sont de nature à nuire à la sécurité routière. Dans le premier
cas, les immeubles contigus aux voies publiques doivent être érigés de façon à préserver la
visibilité de la circulation routière. La partie règlementaire du code de l’urbanisme précise
cette exigence en retenant que ces installations doivent être faites « de façon à ne pas masquer
ni les appareils d’éclairage publique, ni les plaques indicatrices des noms des voies

393
Idem.
394
Ch. Debbasch, J. Bourdon, J. Poutier, J-C. Ricci, Droit administratif des biens, 2e éd., Paris, PUF, 1994, p.
219.
395
Voir article 6-j) 2° de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.

Page 113
publiques, ni les signaux lumineux de la circulation396 ». Dans le second cas, les propriétaires
privés sont obligés de réparer leurs installations qui présentent un danger pour la circulation
routière. Selon le décret précité, l’administration a « le droit d’exiger la réfection ou le
remplacement de ces ouvrages lorsque leur mauvais état peut nuire à la sécurité routière »397.
L’objectif recherché dans les deux cas est la meilleure utilisaion des voies publiques par les
automobilistes. L’institution de ces servitudes vise à garantir la sécurité des usagers des voies
publiques. L’observation scrupuleuse de ces charges par les propriétaires riverains du
domaine public routier réduirait à néant toute obstruction à la visibilité de la circulation
routière.

S’agissant du domaine public aéroportuaire, la loi n° 76-66 portant code du domaine


de l’État prévoit au profit de ce domaine des servitudes aéronautiques, qui sont des charges «
établies dans l’intérêt ou pour la sécurité de la navigation aérienne 398 ». En effet, les
propriétés privées peuvent être grevées de charges particulières qui obligent leurs
propriétaires à prendre les dispositions nécessaires à la meilleure réalisation du trafic aérien.
Ces servitudes aéronautiques sont fortement établies par le code de l’aviation civile qui leur
consacre un Titre entier399. Elles sont constituées de diverses prérogatives qui sont établies au
profit des aérodromes et des installations d’aide à la navigation aérienne en vue de garantir la
sécurité de la navigation aérienne.

Il apparaît aux termes du Chapitre I du Titre II du code de l’aviation civile deux


catégories de charges qui obligent les propriétaires privés à agir dans l’intérêt du trafic aérien.

La première catégorie correspond aux servitudes de dégagement400. Ces dernières sont


considérées comme des charges qui « comportent l’interdiction de créer ou l’obligation de
supprimer sur les propriétés privées situées autour des aérodromes les obstacles susceptibles
de constituer un danger pour la circulation aérienne ou de gêner le fonctionnement des
dispositifs de sécurité établis dans l’intérêt de cette circulation401 ». Cette disposition fixe des
exigences qui sont relatives à des obligations de démolition ou de destruction par les

396
Voir article R 255, alinéa 3 du décret n° 2009-1450 du 30 décembre 2009 portant partie règlementaire du
code de l’urbanisme, JO préc.
397
Voir article R 255, alinéa 4 du décret n° 2009-1450 du 30 décembre 2009 portant partie règlementaire du
code de l’urbanisme, JO préc.
398
Voir article 6-j) 2° de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JORS N° 4506 du 28
juillet 1976.
399
Voir Titre II de la loi n° 2015-10 du 4 mai 2015 portant code l’aviation civile, intitulé « Des servitudes
aéronautiques et de la protection de l’exploitation », JO préc.
400
Voir article 154-1°) de la loi n° 2015-10 du 4 mai 2015 portant code l’aviation civile, JO préc.
401
J. Dufau, Domaine public, Protection juridique, op.cit., p. 261.

Page 114
propriétaires privés de tout ce qui peut compromettre la sécurité de la circulation aérienne, sa
surveillance ou sa protection. Les servitudes aéronautiques de dégagement présentent cette
particularité de contraindre les propriétaires privés à faire cesser tout handicap qui peut
constituer un danger pour la circulation des aéronefs ou qui peut nuire au fonctionnement des
dispositifs de surveillance et de protection402.

La seconde catégorie de servitudes aéronautiques renvoie aux servitudes de


balisage403. Ces dernières « consistent dans l’obligation soit de pourvoir certains obstacles ou
emplacements susceptibles de constituer un danger pour la navigation aérienne, de
dispositions visuels ou radioélectriques destinés à permettre leur identification ou à signaler
leur présence, soit de supporter l’installation de tels dispositifs » 404 . Il ressort de cette
disposition que les servitudes de balisage sont celles qui obligent les propriétaires privés à
doter leurs immeubles de dispositifs permettant de signaler leur présence aux navigateurs
aériens lorsqu’elles sont de nature à constituer un handicap à la navigation aérienne. Cette
obligation de faire frappe non seulement les propriétés riveraines des aérodromes, mais aussi
tout autre immeuble comportant des emplacements pouvant constituer un obstacle à la
navigation aérienne. Elle oblige les propriétaires privés à se doter de dispositifs qui permettent
aux navigateurs aériens de détecter tout ce qui peut constituer un obstacle au trafic aérien se
trouvant sur leur propriété.

Les dernières charges qui visent à limiter les gênes à l’utilité publique du domaine
public renvoient aux servitudes qui se traduisent par des contraintes imposées aux
propriétaires privés à ne pas prendre certains actes sur leur propriété.

B / Les interdictions de construction

La législation domaniale interdit l’édification de construction sur certaines


dépendances domaniales par crainte de compromettre leur destiantion. Il s’agit entre autres
des servitudes établies par les plans d’urbanisme 405
, notamment la servitude non

402
Il faut tout de même relever que la servitude de dégagement n’est pas exclusivement une servitude active, elle
comporte aussi une part de servitude négative consistant à une obligation de ne pas faire. L’article 154 du code
de l’aviation civile dispose qu’elle comporte une « […] interdiction de créer […] » des gênes à la navigation
aérienne.
403
Voir article 154-3°) de la loi n° 2015-10 du 4 mai 2015 portant code l’aviation civile, JO préc.
404
J. Dufau, Domaine public, Protection juridique, op.cit., p. 262.
405
Voir article 6-j) 2° de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.

Page 115
aedificandi 406 et la servitude de protection des espaces verts classés 407 , des servitudes
aéronautiques408, des servitudes de protection des transmissions radioélectriques409, etc. Ces
différentes charges considérées comme des servitudes de protection, de sécurité, de défense et
d’hygiène ont un dénominateur commun : l’interdiction de construire. Celle-ci porte à la fois
sur des zones dites non aedificandi (1) et des zones réservées (2).

1. L’interdiction de bâtir sur les zones non aedificandi

Les zones non aedificandi sont des dépendances du domaine public où il est, en principe,
formellement interdit l’édification de construction. L’interdiction de construire peut être totale
ou partielle410.

On retrouve cette situation dans la zone non aedificandi du domaine public maritime, à
savoir la zone des 100 m de large à partir de la limite atteinte par les plus fortes marées, la
zone de 25 m de large sur chaque rive et sur chacun des bords des îles pour les cours d’eau
navigables ou flottables et la une zone de 10 m de large en bordure des cours d’eau ni
navigables ni flottables411. Si on prend l’exemple de la zone de 100 m de large à partir de la
limite des plus fortes marées, elle est constituée d’une partie non constructible et d'une partie
constructible sous conditions. La partie sur laquelle l’interdiction de construire est totale est
constituée d’une « bande de 30 m de largeur à partir de la limite des plus hautes eaux412 ».

Cette bande qui est soustraite à toute possibilité de construction est commune à la fois au
domaine public maritime urbain et au domaine public maritime non urbain 413. Le projet de loi
littoral en gestation réaffirme que ces dépendances domaniales sont gouvernées par le
principe du caractère non aedificandi et vise son application 414 . L’interdiction totale de

406
Voir article 11-7°/ de la loi n° 2008-43 du 20 août 2008 portant code de l’urbanisme, JORS N° 6438 du 15
février 2008 ; article 3 de l’arrêté ministériel fixant les modalités d’aménagement et d’occupation du domaine
public maritime, non daté et non publié.
407
Voir article 18 de la loin° 2008-43 du 20 août 2008 portant code de l’urbanisme, JO préc.
408
Voir article 154 de la loi n° 2015-10 du 4 mai 2015 abrogeant et remplaçant la loi 2002-39 du 12 décembre
2002 portant code de l’aviation civile, JORS N° 6872 du 22 août 2015.
409
Voir article 10 du décret n° 2005-1182 du 6 décembre 2005 relatif aux prérogatives et servitudes des
exploitants de réseaux de télécommunication ouverts au public, JO préc.
410
Voir article 11-7°/ de la loin° 2008-43 du 20 août 2008 portant code de l’urbanisme, JO préc ; article 9 du
projet de loi sur le littoral, non publié.
411
Voir article 5 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.
412
Voir article 3 de l’arrêté ministériel fixant les modalités d’aménagement et d’occupation du domaine public
maritime, non daté et non publié.
413
D’après l’arrêté précité, le domaine public maritime urbain est celui qui est compris à l’intérieur des limites
communales, alors que le domaine public maritime non urbain est celui qui est situé en dehors des limites
communales.
414
Voir Exposé des motifs du projet de loi sur le littoral, non publié.

Page 116
construire s’étend aussi aux terrains exposés à un risque naturel ou aux terrains protégés 415. Il
s’agit des zones qui sont exposées aux risques d’inondation, d’érosion, d’affaissement et
d’éboulement ainsi qu’aux périmètres protégés par des servitudes aéronautiques,
radioélectrique ou phoniques. C’est pourquoi le code de l’urbanisme prohibe l’octroi
d’autorisations de construction sur ces zones.

Quant à la partie éventuellement constructible, le code de l’urbanisme précise qu’elle est


constituée d’une bande de 70 m de largeur en deçà de la bande de 30 m précitée pour le
domaine public urbain. En application du code du domaine de l’État et du code de
l’environement les installations à édifier sur cette bande ne peuvent être que des installations
légères, démontables ou mobiles, n’emportant pas emprise importante du domaine public ou
modification de son assiette416.

Au niveau du domaine public non urbain, cette bande de 70 m est divisée en deux : une
bande de 30 m de largeur où les constructions ne doivent pas sortir du sol et une bande de 40
m de largeur où les travaux peuvent aller en hauteur sans pour autant dépasser 4 m417. Ce qui
fait que même si l’interdiction de construire est partielle sur certaines zones, les installations
qui y sont autorisées ne peuvent être que des installations qui n’affectent pas
considérablement la dépendance domaniale. Il s’avère ainsi que les équipements qui doivent y
être construits ne peuvent pas être des bâtiments à usage d’habitation, industriel ou
commercial.

La Cour suprême avait, en 2009, l’occasion de donner sa position sur cette interdiction
textuelle de construction sur la zone « des cinquantes pas géométriques ». En effet, elle avait
été saisie d’un recours en annulation d’une délibération de la Commune de Cayar portant
attribution de parcelles issues des plans de lotissement de Cayar extension des domaines
publics maritimes nord et sud. Le juge suprême devait se prononcer sur la légalité d’un
lotissement à usage d’habitation de la zone des pas géométriques. Mais, malheureusement, il
n’y est pas parvenu à cause d’un vice de procédure : il avait dechu le requérant de son recours
pour n’avoir pas signifié à la partie adverse sa requête418. Il s’agit là d’une occasion manquée

415
Voir article R 218 du décret n° 2009-1450 du 30 décembre 2009 portant partie règlementaire du Code de
l’urbanisme, JORS N° 6525 du 8 mai 2010.
416
Voir article 12 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc. ; article L 69,
alinéa 2 de la loi n° 2001-01 du 10 février 2001 portant code de l’environnement, JO préc.
417
Voir article 4, alinéa 1 de l’arrêté ministériel fixant les modalités d’aménagement et d’occupation du domaine
public maritime, non publié.
418
Voir CS, 10 décembre 2009, Masseck Guèye c/ La commission domaniale de la commune de Cayar, inédit.

Page 117
par le juge sénégalais pour nous édifier sur l’insconstructibilité sur le domaine public
maritime.

Il apparaît à travers ces différentes interdictions un réel souci de sauvegarde des


dépendances concernées. En effet, l’institution des zones non aedificandi répond aux besoins
d’intérêt public d’ordre maritime, balnéaire ou touristique concernant le domaine public
maritime et fluvial et vise à éviter des calamités au niveau des zones exposées à des
catastrophes naturelles ou accidentelles. Monique Cavérivière et Marc Débène soutiennent, à
ce propos, qu’ en conservant dans le domaine public naturel une zone de cent (100) mètres de
large à partir de la limite atteinte par les plus fortes marées, la loi n° 76-66 a permis de
réserver les terrains nécessaires aux équipements portuaires ou touristiques419.

En effet, la zone « des cinquantes pas géométriques » constitue un instrument


juridique qui donne à l’État le pouvoir de bien maîtriser l’aménagement du domaine public
maritime. Elle permet de canaliser le mouvement d’urbanisation sur cette zone et d’assurer
une défense efficace de ces espaces dignes d’intérêt public. C’est pourquoi on retrouve en
droit français une affirmation ferme de l’interdiction de construire sur le domaine public
maritime. Le code général de la propriété des personnes publiques dispose que « nul ne peut
bâtir sur le domaien public maritime ou y réaliser quelque aménagement ou quelque ouvrage
que ce soit sous peine de démolition, de confiscation des matériaux et d’amende420 ».

Ce principe d’insconstructibilité de la zone des cent mètres de large constitue un outil


efficace de préservation du littoral, c’est-à-dire le lieu de contact entre la terre, la mer et l’air,
comprenant plusieurs secteurs variant selon la nature des activités exercées et qui appelle une
politique spécifique et continue d’aménagement de protection et de mise en valeur421. Toute
urbanisation de cette bande naturelle doit tenir compte du rapport étroit de cette zone avec les
installations à y ériger. Ainsi, ne devaient être autorisées sur la bande constructible « des
cinquantes pas géométriques » que les constructions nécessaires à des services publics ou à
des activités économiques exigeant la proximité immédiate de l’eau. C’est cela qui est
d’ailleurs retenu dans le projet de loi littoral en gestation qui assujettit la réalisation des

419
M. Cavérivière et M. Débène, Le droit foncier sénégalais, Paris, Berger-Levrault, 1988, p. 109.
420
Voir article L. 2132-3 de l’ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 relative à la partie législative du code
général de la propriété des personnes publiques, JORF du 22 avril 2006, [en ligne], disponible sur :
www.legifrance.gouv.fr, consulté le 17 novembre 2013.
421
Voir pour la définition du littoral Mamadou Aliou Diallo, La difficle gestation d’un droit littoral au Sénégal,
Thèse, UCAD, Dakar, 2012, pp. 14 ets.

Page 118
équipements précités à une évaluation environnementale 422 . Ces équipements concernent
généralement les ouvrages portuaires, les ateliers de mareyage, les installations aquacoles, les
postes de surveillance des plages et autres423.

La zone « des cinquantes pas géométriques » se présente comme un atout de taille des
pouvoirs publics pour freiner l’urbanisation et l’industrialisation des espaces littoraux très
convoités. Sa préservation permet de la faire profiter aux générations actuelles et futures.

Mais, force est de constater que cet espace non aedificandi fait, de nos jours, l’objet
d’occupations importantes, surtout en zone urbanisée ou en zone touristique. Il y a une sorte
d’urbanisation mal contrôlée, qui ignore royalement l’interdiction de construire. Il n’est pas
rare d’observer sur le littoral des constructions « pieds dans l’eau » de réceptifs hôteliers et
d’immeubles à usage d’habitation. Dans les zones touristiques, les implantations de cabanons,
qui, à l’origine, étaient constituées d’installations légères, démontables, sont au fur et à
mesure remplacées par de véritables maisons en dur qui se dressent au centre de terrains
soigneusement clôturés. Toutes choses qui font que « les zones que l’on a ainsi voulu
préserver sont anarchiquement occupées – parfois par des constructions légères, souvent par
des bâtiments en dur – en violation du droit de propriété de l’État424 ».

La sauvegarde de l’espace littoral qui, au départ, était garantie par l’institution de la


zone « des cinquantes pas géométriques » risque aujourd’hui de coûter cher à l’État. Ce qui se
produit actuellement sur le littoral est tout l’inverse de la remarque pertinente de Monique
Cavérivière et Marc Débène selon laquelle « la domanialité publique de la zone littorale
devrait faciliter aussi la protection de l’environnement, évitant à l’État sénégalais de recourir
aux techniques onéreuses mises en places ailleurs pour reprendre le contrôle des terrains
situés en bordure de mer425 ». L’idée était donc d’inscrire le littoral dans une perspective de
protection de l’environnement et des espaces naturels et de libre accès à la mer.

Mais, avec la situation actuelle, la maîtrise du littoral devient budgétivore. L’État est,
en effet, dans l’obligation de recourir à l’expropriation de la plupart des occupants de la zone
littorale qui sont titulaires de baux à la suite d’actes de déclassement pour reconstituer la zone

422
Voir article 9 du projet de loi sur le littoral, non publié.
423
Idem.
424
M. Cavérivière et M. Débène, Le droit foncier sénégalais, op.cit., p. 268.
425
M. Cavérivière et M. Débène, Le droit foncier sénégalais, op.cit., p. 109 : Lesdits auteurs notent à ce propos
qu’ « en France métropolitaine où la zone des pas géométriques n’existe pas, la loi a dû créer un Conservatoire
du littoral, établissement public dont le rôle est de racheter les espaces à protéger ». Il s’agit de la loi du 10
janvier 1975 portant création du Conservatoire du littoral et des rivages lacustres.

Page 119
des pas géométriques. De même, le projet de loi littoral qui est en gestation prévoit la mise en
palce d’un organisme de gestion du littoral, dénommé Organe National de Gestion du Littoral
(ONGL)426. Finalement, l’institution de la zone « des cinquants pas géométriques » n’aura
servi à grand- chose. Les gouvernants successifs du pays n’ont pas pu mesurer le mérite de la
loi n° 76-66 d’avoir été prospective pour éviter à l’État de recourir à des moyens onéreux pour
conserver le littoral.

Cette difficulté dans laquelle l’État s’est embourbé doit inciter les pouvoirs publics à
faire preuve de rigueur dans le cadre de l’occupation de la Grande côte maritime avec le
prolongement de la Voie de dégagement nord (VDN) et l’ambition de son extension jusqu’à
Saint-Louis. Ce projet structurant rendra plus attractif cet espace maritime, qui ne serait pas à
l’abri d’une urbanisation anarchique si l’on y prend garde, comme c’est le cas actuel avec les
Corniches Est et Ouest de Dakar.

L’État dispose déjà, à travers la zone « des cinquantes pas géométriques », d’un outil
essentiel pour une protection définitive et irréversible, au bénéfice des générations futures, de
cet espace naturel littoral427. Il suffit tout simplement de veiller scrupuleusement au respect du
principe d’inconstructibilité de la zone non aedificandi du littoral pour non seulement
canaliser et contrôler le mouvement d’urbanisation qui va progressivement se faire autour de
cette zone, mais assurer une défense efficace de cet espace naturel d’intérêt public.

À côté des zones non aedificandi, l’interdiction de construire s’applique également sur
les zones réservées.

2. L’interdiction de construire sur les zones réservées

Les zones réservées sont constituées essentiellement de terrains en bordure des


aéroports. En effet, c’est la loi portant code de l’aviation civile qui prévoit la possibilité de
réserver des terrains pour les besoins du trafic aérien428. La matérialisation de ces réserves est
faite soit par des plans d’urbanisme, soit par une expropriation. La réservation par les plans
d’urbanisme donne lieu à l’établissement de zones non habitables.

Les terrains ainsi réservés vont servir à d’autres emplacements, notamment des
équipements nécessaires au trafic aérien. Les documents qui réservent ces terrains revêtent la

426
Voir article du projet de loi sur le littoral, non publié.
427
N. Caldéraro, « L’expérience française en matière d’aménagement et de protection du littoral », EDJA, N° 33,
avril-mai-juin 1997, p. 23.
428
Voir article 154 de la loi n° 2015-10 du 4 mai 2015 portant code de l’aviation civile, JO préc.

Page 120
valeur d’une déclaration d’utilité publique429. Dans le cas où la réservation procède d’une
expropriation, elle va porter sur des propriétés privées bâties ou non bâties. Dans ce cas, les
fonds privés concernés vont être « déclarées réserver par décret après enquête publique430 »
comme en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique.

La prohibition de construction sur ces zones est liée à la nécessité de se conformer aux
exigences du trafic aérien. Il ressort du code de l’aviation civile que la réservation de terrains
en bordure des aéroports s’effectue dans le cadre de l’extension ou la création d’aérodromes,
dans le cadre d’installations destinées à assurer la sécurité de la navigation aérienne. En effet,
dans l’hypothèse où la réservation résulte des plans d’urbanisme, les terrains sont réservés
pour les besoins de l’extension des ouvrages aéroportuaires. Cela constitue une vision
prospective permettant à l’État de disposer dans l’avenir de surface nécessaire aux besoins du
moment sans recourir à une expropriation. D’un autre côté, la réservation de terrains par les
plans d’urbanisme permet d’ériger un périmètre suffisant de sécurité entre la zone
aéroportuaire et les habitations.

Ces besoins de sécurité du transport aérien et d’agrandissement des infrastructures


aéroportuaires semblent également être recherchés dans l’hypothèse de la réservation de fonds
privés contigus au domaine aéroportuaire par une expropriation. En effet, les propriétaires
privés assujettis sont contraints à ne plus entreprendre de nouvelles constructions sur leurs
immeubles. L’institution de la réserve fait obstacle à toute construction nouvelle ou addition
de construction431. Elle limite l’initiative d’entreprise des propriétaires privés pour préserver
les besoins d’intérêt public qui s’attachent au domaine public aéroportuaire.

Au-delà de sa protection par les servitudes d’utilité publique, le domaine public fait
également l’objet d’une protection contre les propriétés privées.

Section 2 : La protection du domaine public contre les propriétés privées

La nécessaire garantie de l’utilité publique des dépendances domaniales se traduit par


une position favorable du domaine public dans ses rapports avec les propriétés privées. Le
régime de la domanialité publique organise ces relations dans un sens presque unique. Il
n’existe pratiquement pas de réciprocité dans l’assujettissement aux servitudes comme c’est le
cas dans les rapports de voisinages entre propriétés privées. Les privilèges établis au profit du

429
Voir article 3 de la loi n° 2008-43 du 20 août 2008 portant code de l’urbanisme, JO préc.
430
Idem.
431
J. Dufau, Domaine public, Protection juridique, Juris-classeur Administratif, Fascicule 406-1, 11, 1993.

Page 121
domaine public ne sont pas, en principe, reconnues aux fonds privés sur ledit domaine ainsi
que les servitudes civiles (Paragraphe 1).

Indépendamment de l’absence de réciprocité, la soumission des fonds privés à des


charges spéciales n’obéit pas à une procédure préalablement bien définie et n’ouvre pas droit,
en principe, à une contrepartie financière pour les propriétaires desdits immeubles. Ces
derniers sont ainsi relativement protégés dans le cadre de l’établissement des servitudes
d’utilité publique (Paragraphe 2).

Paragraphe 1: Le principe de l’interdiction des servitudes sur le domaine


public

Dans le cadre des relations de voisinage entre domaine public et propriétés privées, le
régime domanial s’oppose à ce que le premier puisse supporter des servitudes au profit des
derniers. La constitution de servitudes de droit privé sur le domaine public est exclue (A). Les
dépendances domaniales échappent également aux servitudes administratives, mais de façon
relative. Il existe des charges spéciales qui sont consubstantielles à la destination du domaine
public et qui profitent aux riverains (B).

A / L’exclusion discutable des servitudes civiles

L’étude de la prohibition des servitudes de droit privé sur le domaine public appelle à
se pencher d’abord sur l’opposition entre servitudes et règles de la domanialité publique (1)
avant d’évoquer la contestabilité de cette opposition (2).

1. L’opposition de la domanialité publique aux servitudes

La contiguïté de propriétés privées entraîne des charges réciproques que chacun des
fonds peut supporter au profit de l’autre. Ces charges mutuelles sont appelées servitudes
civiles ou servitudes droit privé. Elles correspondent à « des charges réelles établies sur un
immeuble (dit fond servant) pour l’utilité d’un autre immeuble (dit fond dominant)432 ».

Ces servitudes de droit commun sont de deux ordres. Il s’agit d’une part, des
servitudes établies par la loi pour les rapports de propriété privée à propriété privée dites
servitudes légales (servitude de mitoyenneté, servitude de jour et de vue, servitude de passage

432
Y. Brard, Droit Administratif des biens et droit de la fonction publique, Paris, PUF, Mémento Thémis, 1e éd.
1985, p. 133.

Page 122
en cas d’enclave), et d’autre part, des servitudes conventionnelles ou du fait de l’homme
(servitude d’aqueducs, servitude de prise d’eau).

Les servitudes légales ou conventionnelles frappent des fonds privés au bénéfice


d’autres propriétés privées, comme elles peuvent également profiter au domaine public433. En
revanche, ce dernier échappe à l’application des servitudes civiles au profit des fonds privés
riverains. Le régime exorbitant du droit commun auquel est soumis le domaine public
s’oppose à ce que des servitudes puissent être établies sur ledit domaine. C’est dans ce cadre
que Gustave Peiser écrit que « les principales charges de caractère légale ou conventionnelle
pesant habituellement sur la propriété privée ne pèsent pas sur le domaine public434 ». Ainsi,
les servitudes telles que la cession de mitoyenneté, le droit de vue ou le droit de passage en
cas d’enclave ne peuvent être exigées par le voisin d’une dépendance domaniale. On peut
donc considérer que les règles de voisinage de droit commun n’existent pas dans la
riveraineté entre domaine public et propriétés privées.

L’inapplicabilité des servitudes civiles au domaine public trouve son explication dans
le principe d’inaliénabilité prévu à l’article 9 de la loi n° 76-66 portant code du domaine de
l’État. En effet, l’inaliénabilité du domaine public comporte une interdiction de
démembrement de la propriété publique, à savoir la division de la propriété de l’État sur ledit
domaine. La consécration de ce principe par le législateur emporte toute opposition à
l’atteinte au droit de propriété exclusif de l’État sur le domaine public. Car, comme le
souligne André de Laubadère, l’une des conséquences de la règle de l’inaliénabilité est qu’ «
elle interdit les démembrements de la propriété, c'est-à-dire la constitution sur le domaine
public de droits réels civils au profit de particuliers435 ». La servitude, considérée comme un
démembrement de la propriété, s’oppose ainsi à la principale caractéristique du domaine
public : elle donne lieu à une division de la propriété, alors que le principe d’inaliénabilité
l’interdit.

On peut, à l’aide de la jurisprudence française, trouver une confirmation de cette


incompatibilité entre principe d’inaliénabilité et servitude sur le domaine public. En effet, le
Conseil d’État a, dans une solution ancienne, retenu qu’ « il ne peut être constituée de
servitudes conventionnelles sur le domaine public parce que la servitude est un droit réel

433
J-M. Auby, R. Ducos-Ader, Droit administratif : Fonction publique-Domaine-Travaux publics, Précis de
droit administratif, 3e éd., Paris, Dalloz, 1973, p. 307.
434
G. Peiser, Droit administratif : Fonction publique de l’Etat, territoriale et hospitalière-Domaine public-
Expropriation-Réquisition-Travaux publics, 14e éd., Paris, Dalloz, 1997, p. 89.
435
A. de Laubadère, Elément de droit administratif, 3e éd. Paris, L.G.D.J. 1963, p. 163.

Page 123
civil, démembrement de la propriété »436. De façon beaucoup plus récente, c’est la Cour de
cassation qui réitère cette incompatibilité en considérant dans l’arrêt Société Escota qu’ « il
résulte du principe d’inaliénabilité du domaine public que des terrains appartenant à celui-ci
ne peuvent être grevés de servitudes légales de droit privé, et notamment d’un droit de
passage en cas d’enclave »437.

La combinaison de ces deux jurisprudences montre que les servitudes légales ainsi que
celles conventionnelles ne peuvent pas être établies sur les biens faisant parties du domaine
public. Ces derniers sont protégés par le principe d’inaliénabilité qui justifie que le domaine
public ne soit pas soumis aux règles permettant aux propriétaires riverains d’en acquérir des
servitudes conventionnelles ou du fait de la loi438. Donc, c’est parce que le domaine public est
inaliénable qu’il ne peut supporter aucune servitude.

Cette interprétation qui s’attache normalement au sens de la règle de l’inaliénabilité


mérite cependant d’être nuancée. Ladite règle ne serait être rédhibitoire à la constitution de
servitudes sur le domaine public, notamment les servitudes conventionnelles.

2. La concialiabilité de l’inaliénabilité aux servitudes conventionnelles

L’inapplicabilité des servitudes civiles au domaine public sur le fondement du principe


d’inaliénabilité ne doit pas avoir une portée absolue. Si elle est admise pour les servitudes
légales, elle mérite, au contraire, d’être assouplie pour les servitudes conventionnelles (a) afin
d’adapter le principe aux exigences de l’urbanisme moderne (b).

a) L’assouplissement nécessaire de l’exclusion des servitudes


conventionnelles

La règle de l’inaliénabilité vise à empêcher les aliénations des dépendances domaniales.


Elle a pour effet de garantir la consistance du domaine en y interdisant, à titre gratuit ou
onéreux, toute cession de propriété afin de préserver l’utilité publique du domaine. Or,
lorsque l’on prend les servitudes conventionnelles, elles n’ont pas pour effet d’aliéner le
domaine public. Certes, leur admission donnerait lieu à une division de la propriété publique,
mais elle ne déboucherait pas sur des cessions de dépendances domaniales. Ainsi, ne serait-il

436
Voir CE, 30 mars 1928, Ministère des Travaux Publics, S. 1928, 3, 2. Cette jurisprudence a été confirmée en
1985 dans l’arrêt du 6 mars 1985, Ass. Eurolat et Crédit Foncier de France, R.F.D.A. 1986, p. 21.
437
Voir Cass. 1er civ. 2 mars 1994, Sté Escota, Bull. civ. I, n° 85, p. 66.
438
P. Sablière, « Les servitudes sur le domaine public », C.J.E.G., 1991, n° HS, p. 149.

Page 124
pas judicieux d’envisager l’interdiction de ces servitudes civiles de façon relative ? Toutes les
servitudes n’affectent pas négativement la destination du domaine public, il y a en qui sont
conformes à l’usage de tous ou au service public.

En s’appuyant sur cette remarque, il semble plus adéquat d’interpréter de façon restrictive
l’opposition aux servitudes sur le domaine public par le principe d’inaliénabilité. Le juge
sénégalais n’ayant pas encore eu à se pronnoncer sur l’étendue de cette prohibition, on peut
interpréter celle-ci en tenant compte du rapport né de l’établissement de la servitude sur une
dépendance domaniale. Ce serait trop rigide de considérer que le principe d’inaliénabilité
prohibe systématiquement la constitution de servitudes civiles sur le domaine public.

Il serait préférable d’apprécier cette interdiction en fonction de la compatibilité ou non de


la servitude avec la destination du domaine. Ainsi, dans l’hypothèse où l’établissement d’une
servitude serait incompatible avec l’affectation de la dépendance domaniale à grever, il n’y a
pas de doute possible, le principe d’inaliénabilité doit s’appliquer dans toute sa rigueur. En
revanche, dans le cas où l’institution de la servitude ne compromet pas le maintien de la
dépendance domaniale conformément à sa destination, il n’y aurait pas intérêt à l’opposer le
principe d’inaliénabilité. Le faire consisterait à trahir l’esprit de cette règle qui est destinée à
préserver l’utilité publique du domaine public. Car, la règle de « l’inaliénabilité n’existe que
pour préserver l’affectation du bien. En conséquence, tout acte qui respecte l’affectation de
celui-ci ne saurait être interdit au nom du principe d’inaliénabilité439 ».

Cette position d’Yves Gaudemet épouse parfaitement l’interprétation qu’il convient de


faire sur les conséquences de la règle de l’inaliénabilité. En effet, il n’y a pas de raisons
particulières qui puissent justifier l’interdiction de servitudes sur le domaine public qui
respectent la destination dudit domaine. Si l’on considère que le principe d’inaliénabilité
proscrit les servitudes qui limitent la liberté d’utilisation des dépendances domaniales, on doit
pouvoir admettre qu’il ne s’oppose pas à celles qui n’en constituent aucun obstacle.

La question de la compatibilité ou non de la servitude conventionnelle avec la destinantion


des dépendances semble être déterminante dans la position à adopter par rapport à la
prohibition des servitudes civiles sur le domaine public. En attendant une intervention légale
ou jurisprudentielle sur cette question, on peut considérer que les servitudes conventionnelles
compatibles avec la destination du domaine public peuvent se concilier avec le principe
d’inaliénabilité. Ce dernier ne doit pas être présenté comme une règle qui prohibe
439
Y. Gaudemet, « La superposition des propriétés privées et du domaine public », D. 1978, Chr. p. 293.

Page 125
systématiquement et sans distinction toutes servitudes civiles sur le domaine public. Celles
qui ne compromettent pas la destiantion des dépendances domaniales ou les nécessités de sa
conservation peuvent être admises.

C’est ce qu’on retrouve d’ailleurs en droit domanial algérien. Dans la loi domaniale du 1er
décembre 1990, le législateur algérien apporte une dérogation à la protection du domaine
public contre les servitudes en retenant ceci : « toutefois, des servitudes compatibles avec
l’affectation d’un bien du domaine public peuvent être consenties 440 ». Il y a là une
conciliation affirmée de l’inaliénabilité du domaine public avec les servitudes
conventionnelles compatibles avec la destianation du domaine. Le droit domanial algérien ne
s’oppose donc pas totalement à l’établissement de servitudes conventionnelles sur le domaine
public. Il déroge au principe d’inaliénabilité en assujettissant simplement leur existence à une
conditionnalité, à savoir la compatibilité avec l’affectation domaniale.

De même, le droit domanial français, qui a longtemps balbutié sur la question441, a fini par
admettre l’établissement de servitudes conventionnelles sur le domaine public dès lors que
leur existence est compatible avec l’affectation des biens sur lesquelles ces servitudes
s’exercent, que celles-ci soientt antérieures ou postérieures à l’appartenance d’un bien au
domaine public442.

La dérogation ainsi apportée à la conséquence de l’inaliénabilité contre les servitudes


conventionnelles est d’une grande utilité au regard des exigences contemporaines de
l’urbanisation.

440
Voir article 66, in fine de la loi n° 90-30 du 1er décembre 1990 portant loi domaniale, modifiée, JORA N° 52
du 2 décembre 1990, [en ligne], disponible sur : www.foncier-finance.gov.dz/?Legislation-et-reglementation-
domaniales, consulté le 12 mars 2013.
441
En droit français, la portée de l’exclusion des servitudes conventionnelles sur le domaine par le principe
d’inaliénabilité n’étaient pas tranchée, jusqu’à une époque récente, par les textes. Devant cette situation, la
subsistance de servitudes antérieures à l’incorporation d’un bien dans le domaine public posait problème. La
solution à cette question a été tranchée par le juge à partir de la compatibilité ou non de la servitude à
l’affectation domaniale. Ce dernier a laissé apparaître dans sa jurisprudence que la condition de subsistance
d’une servitude du fait de l’homme sur le domaine public est sa compatibilité avec l’affectation de la dépendance
domaniale concrnée ; dans le cas contraire la servitude disparaît puisque la règle de l’inaliénabilité s’oppose à
son établissement (voir sur cette question CE, 11 mai 1959, Dauphin, D. 1959, p. 314 ; CE, 22 avril 1960,
Berthier, RDP, 1960, p. 1223).
442
Voir article L. 2122-4 de l’ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 portant code général de la propriété des
personnes publiques, JORF du 22 avril 2006, [en ligne], disponible sur : www.legifrance.gouv.fr/Droit-
francais/Codification/Tables-de-concordance/Code-general-de-la-proipriete-des-personnes-publiques, consulté le
12 mars 2013.

Page 126
b) L’utilité de l’assouplissement

La consécration légale de la possibilité de constituer des servitudes conventionnelles sur le


domaine public dès lors qu’elles sont campatibles à la destination dudit domaine se justifie
par les nécessités de l’urbanisme moderne. En effet, les opérations d’urbanisation
contemporaine s’accompagnent de plus en plus de la réalisation de ce que l’on appelle des «
ouvrages complexes 443 ». On entend par ouvrages complexes, des ensembles immobiliers
marqués par une coexistence de fonds privés et de volumes domaniaux publics444.

L’application stricte de la règle de l’inaliénabilité rend extrêmement difficile ces


opérations complexes exigées par l’urbanisme contemporain au sein desquelles sont
étroitement imbriquées propriétés privées et domanialité publique 445 . La viabilité de ces
ouvrages passe nécesairement par la reconnaissance de charges réciproques pour leur parfaite
coexistence. Pierre Sablière explicite clairement cette interdépendance en écrivant que
l’existence d’ouvrages complexes entraîne « nécessairement des charges et des contraintes
réciproques entre ces différents volumes s’analysant en de véritables servitudes : servitudes
de passage (ascenseur, canalisation, etc.), servitudes réciproques et indissociables liées au
fait qu’ils se trouvent dans un bâtiment unique imposant des contraintes mécaniques de
résistance, d’encrage, … se traduisant par des obligations de faire et de ne pas faire à la
charge des différents affectataires446 ».

Il apparait clairement que les ensembles immobiliers complexes ne sauraient valablement


fonctionner sans contraintes mutuelles. C’est ce que les législateurs algérien et français,
précédemment cités, ont compris pour apporter une dérogation à l’excusion des servitudes
conventionnelles sur des immeubles appartenant au domaine public.

L’admission des servitudes conventionnelles compatibles avec la destination des


dépendances domaniales montre la nécessité d’adapter le droit aux exigences contemporaines
de la société. Le droit domanial sénégalais aurait le mérite de s’inscrire dans cette mouvance
pour ne pas être en déphasage avec la nouvelle urbanisation. En effet, même sans la
consécration légale de la possibilité de constituer des servitudes conventionnelles sur le
domaine public, la construction d’ouvrages complexes donnera forcément lieu à
l’établissement de charges spéciales mutuelles. Car, comme le soulignent Christine Maugüé et
443
Allinne, « Domanialité publique et ouvrages complexes », A.J.D.A. 1977, p. 523.
444
Idem.
445
Ph. Godfrin, M. Degoffe, Droit administratif des biens, op.cit., p. 202.
446
P. Sablière, « Les servitudes sur le domaine public », op.cit., p. 153.

Page 127
Gilles Bachelier, « l’existence d’un réseau de servitudes réciproques, négociées et établies
conventionnellement, est la condition de la bonne viabilité juridique des immeubles
complexes447 ». Il s’agit ainsi d’une exigence contemporaine à laquelle le droit doit répondre.

La construction d’ensembles immobiliers complexes incluant des volumes domaniaux


publics exige, par nécessité, sur la base ou non de textes, la création de servitudes grevant
lesdits volumes afin d’assurer le passage des résidents ou de canalisations diverses448. Ainsi,
l’admission légale de l’établissement de servitudes conventionnelles compatibles avec la
destination des immeubles à grever permet de sécuriser l’ensemble des ouvrages complexes à
édifier et d’assurer une meilleure coexistence des propriétés publiques et privées449.

S’il est de principe que le domaine public ne peut supporter des servitudes au profit des
fonds privés riverains, il existe, au demeurant, des servitudes qui sont directement liées à
certaines destinations d’immeubles domaniaux. Ce qui se traduit par l’établissement de
charges spéciales sur le domaine public.

B / L’existence de servitudes d’utilité publique sur le domaine public

La loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État ne renseigne que
sur les servitudes établies au profit du domaine public. Elle ne décline pas la possibilité pour
ce domaine d’être assujetti à des charges spéciales. Cette possibilité est tout de même admise
par des textes particuliers. Ces textes établissent des servitudes d’utilité publique sur le
domaine public au profit des personnes privées gestionnaires de services publics d’une part
(1) et de riverains des voies publiques d’autre part (2).

1. Les servitudes au profit des concessionnaires de service public

Certains textes particuliers ayant des rapports avec le domaine public reconnaissent la
possibilité d’établir des servitudes d’intérêt général sur le domaine public. Ces servitudes
bénéficient généralement à des personnes privées gestionnaires de services publics. Il s’agit
essentiellement des concessionnaires de services de télécommunication, d’eau et d’énergie
électrique. L’établissement de ces charges spéciales sur le domaine public est destiné à
assurer la correcte réalisation des missions de service public de ces organismes privés.

447
Ch. Maugüé et G. Bachelier, « Génèse et présentation du Code général de la propriété des personnes
publiques », AJDA, mai 2006, p. 1082.
448
Ch. Lavialle, Droit administratif des biens, 1er éd. Paris, PUF, 1996, p. 97.
449
Ch. Maugüé et G. Bachelier, « Génèse et présentation du code général de la propriété des personnes publiques
», op.cit., p. 1081.

Page 128
Voici quelques textes dans lesquels des dispositions pertinentes consacrent les servitudes
qui peuvent grever le domaine public. D’abord, la loi n° 98-29 du 14 avril 1998 relative au
secteur de l’électricité dispose que « le titulaire de la concession de transport ou de
distribution d’énergie électrique a le droit d’exécuter sur les voies publiques et leurs
dépendances des travaux nécessaires à l’établissement et à l’entretien des ouvrages 450 ».
Ensuite, la loi n° 2011-01 du 24 février 2011 portant code des télécommunications prévoit
que « les opérateurs de réseaux de télécommunications ouverts au public bénéficient d’un
droit de passage sur le domaine public routier 451 ». Enfin, le décret n° 2005-1182 du 6
décembre 2005 relatif aux prérogatives et servitudes des exploitants de réseaux de
télécommunication ouverts au public consacre que « les exploitants visés à l’article 1er ci-
dessus peuvent exécuter sur le domaine public routier … les travaux nécessaires à la
construction et à l’entretien de leurs lignes de télécommunication452 ».

La lecture ces différentes dispositions renseignent à suffisance que le domaine public peut
être assujetti à des contraintes pour le bénéfice de concessionnaires de service public. Ces
contraintes sont essentiellement constituées de privilèges visant à éviter les obstacles à la
réalisation des installations des services de transport ou de distribution d’énergie électrique et
des exploitants de réseaux de télécommunication. Abdoulaye Sakho écrit, à ce propos, que
« pour permettre aux exploitants de réseaux de télécommunications ouverts au public
d’établir leurs réseaux, le code des télécommunications leur donne la possibilité de bénéficier
de prérogatives et servitudes sur le domaine public et sur les propriétés privées453 ».

L’existence de ces servitudes déroge complètement au principe d’inaliénabilité qui


s’oppose au démembrement du domaine public. Ledit domaine se voit ainsi assujetti à des
charges spéciales qui vont limiter la liberté d’utilisation des immeubles domaniaux grevés.
Mais, il faut reconnaître que cette restriction se justifie par l’utilité publique attachée à ces
prérogatives au profit des concessionnaires de services public. Il s’agit de privilèges
garantissant la pose d’égouts ou de câbles, la construction de supports pour les besoins
d’énergie électrique et de télécommunications. Il faut cependant noter que les limites que

450
Voir article 33, alinéa 4 de la loi n° 98-28 du 14 avril 1998 relative au secteur de l’électricité, JORS N° 5797
du 24 avril 1997.
451
Voir article 94, alinéa 1de la loi n° 2011-01 du 24 février 2011 portant code des télécommunications, JORS
N° 6576 du 14 mars 2011.
452
Voir article 2 du décret n° 2005-1182 du 6 décembre 2005 relatif aux prérogatives et servitudes des
exploitants de réseaux de télécommunications ouverts au public, JORS N° 6268 du 11 mars 2006.
453
A. Sakho, « Libertés et contraintes dans la règlementation du marchés des télécommunications en Afrique de
l’Ouest : exemple du marché sénégalais », Revue Lamy de la concurrence, 2014, n° 40 du 07/2017, p. 15.

Page 129
l’établissement de ces servitudes apporte à l’utilisation du domaine public ont donné lieu à un
encadrement de l’exercice desdites charges.

Si c’est l’intérêt général qui justifie l’établissement de servitudes sur le domaine public, il
faut reconnaître que l’intérêt général est également limité dans cette situation. Un compromis
doit alors être trouvé pour une réalisation correcte des deux utilités publiques. Les textes
précités ont cherché à établir ce compromis. En effet, il ressort desdits textes des conditions
précises d’établissement de ces servitudes. D’après le décret n° 2005-1182, « l’autorité
compétente délivre la permission de voirie dès que celle-ci est compatible avec la destination
du domaine public routier, l’intégrité des ouvrages et la sécurité des utilisateurs454 ». Cette
disposition pose les conditions suivantes : l’obtention d’une autorisation d’occupation et la
compatibilité de l’occupation avec la destination de la dépendance à assujettir.

Il en résulte que seules les servitudes qui sont compatibles à l’affectation des dépendances
domaniales peuvent être autorisées sur le domaine public. Par exemple, pour bénéficier d’un
droit de passage sur le domaine public, les affectataires de la servitude doivent projeter des
travaux qui ne compromettent pas l’utilisation normale des dépendances domaniales visées.
Ainsi, la faculté ouverte aux concessionnaires de service public de grever des dépendances
domaniales auxquelles ils ne sont pas affectataires de servitudes doit se concilier avec le
respect de l’affectation principale de ces dépendances. Les servitudes de passage,
d’installation, d’implantation, qui peuvent leur être accordées ne pourront aucunement rendre
l’immeuble domanial inutilisable. L’étabissement des servitudes n’est autorisé que lorsque les
installations à y ériger sont conformes aux règlements de voirie et d’urbanisme.

En conséquence, toutes les implantations qui ne peuvent être exécutées dans le respect des
règlements de voiries ou qui réduisent l’emprise des voies de circulation après exécution ne
pourront être accordées. Elles constituent des implantations incompatibles à l’affectation des
dépendances domaniale, notamment le domaine public routier455.

Les charges spéciales que le domaine public peut supporter sont donc celles qui ne
compromettent pas l’utitlité publique à laquelle il est destiné. Indépendamment de ces charges
spéciales, le domaine public supporte également des servitudes établies au profit des riverains
des voies publiques.

454
Voir article 3, alinéa 2 du décret n° 2005-1182 du 6 décembre 2005 relatif aux prérogatives et servitudes des
exploitants de réseaux de télécommunication ouverts au public, JO préc.
455
Voir article 3, in fine du décret n° 2005-1182 du 6 décembre 2005 relatif aux prérogatives et servitudes des
exploitants de réseaux de télécommunication ouverts au public, JO préc.

Page 130
2. Les servitudes au profit des riverains des voies publiques

Certains riverains du domaine public bénéficient, en raison de la destination dudit


domaine, de privilèges sur les dépendances domaniales. Il s’agit particulièrement des riverains
du domaine public routier, c’est-à-dire les personnes ayant l’usage d’un immeuble desservi
par la voie publique, qu’elle soit propriétaire ou locataire, pour son usage personnel ou
professionnel456. Ces riverains bénéficient, en effet, d’ « aisances de voirie ». On entend par
aisances voirie « des charges de voisinage qui pèsent sur les dépendances du domaine public
au bénéfice de leurs riverains457 ».

C’est à travers des textes non spécifiques au domaine public que quelques-unes des
privilèges accordés aux riverains des voies publiques sont consacrées.

D’un côté, il y a la législation relative à l’assainissement qui fait état de la servitude


découlement ou d’égout. En effet, la loi portant code de l’assainissement dispose que « la
servitude d’écoulement veut qu’un propriétaire qui ne désire pas utiliser les eaux pluviales
tombant sur son terrain puisse les laisser s’écouler naturellement vers le (s) fonds inférieur
(s)458 ». Ladite loi poursuit et affirme également que « la servitude d’égout de toits interdit à
tout propriétaire de faire écouler directement sur les terrains voisins les eaux pluviales
tombées sur les toits de ses constructions. Les eaux pluviales tombant sur les toits doivent être
dirigées soit sur le propre terrain du propriétaire des constructions, soit sur la voie
publique459 ». Ces deux dispositions dont le contenu est reproduit dans le décret d’application
de la loi portant code de l’assainissement460 consacrent la servitude d’écoulement des eaux
pluviales les voies publiques par les riverains.

D’un autre côté, il y a la partie règlementaire du code du l’urbanisme qui fait part de
l’aisance de voirie dite « droit d’accès à la voie publique ». En effet, le décret n° 2009-1450
du 30 décembre 2009 retient que « l’autorisation de construire est refusée sur des terrains qui
ne seraient pas desservis par des voies publiques ou privées ou situés à proximité de places
ou parkings dans des conditions répondant à l’importance et à la destination de l’immeuble

456
G.-D. Marillia, « La vie communale et départementale », avril 1994, p. 110, cité par M. Boubay-Pagès, « Le
stationnement payant sur voirie », RFDA, janvier 1996, n° 3, p. 44.
457
P. Subra de Bieusses, « Le statut des aisances de voirie et des servitudes », A.J.D.A. 1992, p. 397.
458
Voir article L 50 de la loi n° 2009-24 du 8 juillet 2009 portant code de l’assainissement, JORS N° 6493 du 10
octobre 2009.
459
Voir article L 51 de la loi n° 2009-24 du 8 juillet 2009 portant code de l’assainissement, JO préc.
460
Voir les articles R 17 et R 18 du décret n° 2011-245 du 17 février 2011 portant décret d’application de la loi
portant code de l’assainissement, JORS N° 6588 du 14 mai 2011.

Page 131
ou de l’ensemble d’immeubles qui y sont édifiés, notamment en ce qui concerne la commodité
de la circulation des accès et des moyens d’approche permettant une lutte efficace contre
l’incendie461 ». Cette disposition fait de la desserte des immeubles par les voies publiques une
condition d’octroi de l’autorisation de construire.

L’interprétation de cette conditionnalité renseigne, en substance, que les riverains des


voies publiques ont le droit d’avoir accès à leurs immeubles par lesdites voies. Ce qui est
d’ailleurs préconisé par le décret relatif à la pose ou dépose de conduites diverses et à
l’occupation des emprises des routes et voies du réseau routier classé. Il dispose que
« pendant et après les travaux, l’accès des propriétés riveraines, le ruissellement des eaux et
les écoulements dans les conduites existantes doivent être constamment assurés462 ».

Au total, il ressort de ces différents textes la reconnaissance aux riverains du domaine


public routier un droit d’écoulement des eaux pluviales sur la voie publique et un droit
d’accès par ladite voie à leurs immeubles463.

À l’analyse, les aisances de voiries apparaissent comme des charges spéciales qui sont
consubstantielles à la destination du domaine public routier. Elles ne constituent pas de
véritables contraintes pesant sur le domaine public dès lors que leur existence ne limite pas la
liberté d’utilisation du domaine public routier. Au contraire, elles « forment des accessoires à
l’utilisation des voies publiques464 ». En effet, au regard des textes précités, ces charges qui
portent sur le domaine public semblent jouer un rôle d’utilité publique au bénéfice des
riverains des voies publiques. Il y a une realtion de complémentarité entre la destination
desdites voies et le but recherché dans l’institution des aisances de voirie.

Si on prend, par exemple, le droit d’accès par la voie publique à son immeuble, on
constate que bien que le domaine public routier soit affecté à la circulation routière, il a
également pour fonction de desservir les fonds riverains. Norbert Foulquier montre
parfaitement ce rapport étroit entre la destination du domaine public routier et les aisances de
voiries en écrivant que « si les riverains des voies pubiques ne pouvaient s’y rendre, le

461
Voir article R 219 du décret n° 2009-1450 du 30 décembre 2009 portant partie règlementaire du code de
l’urbanisme, JORS N° 6525 du 8 mai 2010.
462
Voir article 5, alinéa 4 du décret n° 2010-1445 du 4 novembre 2010 relatif à la pose ou dépose de conduites
diverses et à l’occupation des emprises des routes et voies du réseau routier classé, JORS N° 6569 du 5 mai
2011.
463
J. Singer, « Les droits d’accès et de vue des riverains des voies publiques », AJDA, 1965, p. 260 ; C. Lavialle,
Droit administratif des biens, op.cit., p. 122.
464
N. Foulquier, Droit administratif des biens, 3e éd., Paris, LexisNexis, 2015, p. 242.

Page 132
domaine public routier perdrait une grande part de sa raison d’être465 ». C’est au titre de
cette relation que l’on considère que l’existence des aisances de voirie découle de l’affectation
même des voies publiques dans la mesure où celles-ci, en plus d’être affectées à la circulation
publique, sont également destinées à desservir les immeubles voisins 466 . Donc, c’est la
destination des voies publiques qui sous-tend l’existence des aisances de voiries.

Il ressort de ce rapport étroit une compatibilité entre les aisances de voirie et l’affectation
du domaine public routier. L’existence des premières n’affecte en rien la meilleure utilisation
du dernier. Elles sont seulement destinées à faciliter aux riverains des voies publiques l’accès
au domaine public routier, mais aussi à permettre à ces derniers d’en faire certaines
utilisations.

Cette coexistence sans entraves à l’utilisation du domaine public tient à un encadrement


précis de l’existence des aisances de voirie. En effet, ces charges spéciales ne profitent qu’aux
riverains des voies publiques, c'est-à-dire les occupants des immeubles bordant les
chaussées467. Parmi les usagers communs des voies publiques seuls les riverains bénéficient
des droits d’accès à celles-ci, de vue et d’écoulement des eaux. De même, l’exercice de ces
privilèges par les riverains est encadré. A titre d’exemple, le droit d’accès par la voie publique
à son immeuble se limite exclusivement au droit de desserte, qui implique seulement un droit
d’arrêt et non un droit de stationnement pour les automobilistes.

En l’absence de précisions textuelles sur ce point (la partie législative ainsi que la partie
règlementaire du code de la route n’ont donné aucune définition aux notions d’arrêt et de
stationnement), il ressort de la définition doctrinale de l’arrêt et du stationnement que le
premier s’accommode du droit d’accès contrairement au second. En effet, selon Jean-Marie
Auby, l’arrêt correspond « à l’accès ou à la desserte des immeubles riverains de la voie468 » ;
alors que « le stationnement s’oppose à la circulation et désigne l’état d’immobilité d’un
véhicule sur la voie publique469 ».

Au regard de cette définition, le stationnement, à la différence de l’arrêt, est de nature à


gêner la circulation routière puisqu’il traduit une sorte d’occupation privative du domaine

465
Idem.
466
C. Lavialle, Droit administratif des biens, op.cit., p. 122 ; Y. Gaudemet, Droit administratif des biens, op.cit.,
p. 246
467
J.-M. Auby et P. Bon, Droit administratif des biens, 3ème éd., 1995, p. 101.
468
J-M. Auby, « La règlementation administrative du stationnement des véhicules automobiles sur les voies
publiques », Dalloz, 1962, Chr., p. 15.
469
Idem.

Page 133
public routier. C’est pourquoi il ne peut constituer une résultante de la servitude de voirie dite
« droit d’accès ». La limitation de l’étendue du droit d’accès implique en conséquence que «
si le véhicule n’entre pas il est seulement possible de s’arrêter devant pour déposer des
personnes ou des marchandises mais non de stationner470 ». Cela montre que l’exercice du
droit d’accès par la voie publique à son immeuble n’affecte en rien la destination du domaine
public routier. Il en constitue un usage normal pour les riverains.

En outre, l’encadrement des aisances de voirie s’étend aux immeubles qui peuvent les
supporter. La doctrine renseigne qu’il s’agit des voies ou places publiques affectées à la
circulation générale471, c’est-à-dire les « voies publiques régulièrement classées et affectées à
la circulation publique 472 ». Toute dépendance domaniale qui ne rentre pas dans cette
catégorie ne comprend pas dans sa destination des droits d’accès, de vue et d’égout ou
écoulement. Ainsi, les riverains des portions du domaine public non affectées à la circulation
publique ne peuvent prétendre à une aisance de voirie. Le Conseil d’État français considère, à
ce propos, que les aisances de voirie ne peuvent porter ni sur les domaines publics maritime et
fluvial473 ni sur les promenades publiques474.

Il ressort de cette limitation que les aisances de voirie sont prohibées dans tous les cas où
leur établissement compromettrait la destination des dépendances du domaine public grévées.
Elles sont écartées sur l’ensemble des immeubles domaniaux mis à la dispsotion du public
dans un but autre que la circulation publique. Ce qui s’inscrit dans la logique des aisances de
voirie ; elles constituent des charges spéciales qui n’ont pas pour vocation de limiter la liberté
d’utilisation des immeubles grevés.

Au-delà de l’exclusion sur le domaine public de servitudes qui sont de nature à


compromettre son usage normal, la protection dudit domaine contre les servitudes se traduit
également par une faible protection des propriétaires de fonds grévés de servitudes d’utilité
publique.

470
C. Lavialle, Droit administratif des biens, op.cit., p. 122.
471
J. Singer, « Les droits d’accès et de vue des riverains des voies publiques », op.cit., p. 260.
472
G. Peiser, Droit administratif des biens, op.cit., p. 89.
473
Voir CE, 14 décembre 1921, Préfet des Côtes-du-Nord, RDP, 1922, p. 90 ; CE, 11 mai 1962, Duboul de
Malafosse, AJDA, 1962, p. 588.
474
Voir CE, 11 mai 1959, Dauphin, Rec. Leb. p. 294.

Page 134
Paragraphe 2 : La relative protection des assujettis

L’établissement des servitudes d’utilité publique n’est pas assorti de réelles garanties
au profit des propriétaires privés tributaires de servitudes. L’analyse des textes afférents aux
servitudes d’utilité publique révèle une situation défavorable aux assujettis de ces charges
spéciales. L’exorbitance du régime applicable au domaine public s’affirme vigoureusement
dans cette relation entre le domaine public et les propriétés privées. Il se traduit non seulement
par une faible présence de procédures d’instauration de ces charges spéciales (A), mais aussi
par une méconnaissance, en principe, d’un droit à une contrepartie à l’établissement de ces
charges (B).

A / Le domaine restreint des servitudes soumises à une procédure


d’établissement

Les servitudes d’utilité publique qui grèvent les propriétés privées ne font pas toutes
l’objet de procédure de mise en œuvre. Il n’y a pas dans la législation domaniale une
procédure générale suivant laquelle ces privilèges doivent être établis. Celle-ci « n’est
envisagée que par certains textes seulement […], mais ignorée de la plupart des autres475 ».

Cette sistuation semble tenir à une inexistence juridique d’une obligation à suivre une
procédure déterminée d’établissement des servitudes d’utilité publique (1), d’où la présence
sectorielle d’un formalisme à l’instauration de certaines charges spéciales au profit du
domaine public (2).

1. L’inexistence juridique d’une obligation procédurale

L’assertion de Jean-Marie Breton selon laquelle « le régime des servitudes d’utilité


publique intéresse principalement la procédure de leur instauration […] 476 » ne trouve pas un
écho favorable en droit domanial sénégalais. En effet, ce dernier ne permet pas d’appréhender
le formalisme suivant lequel les servitudes d’utilité publique sont mises en œuvre. Le régime
domanial sénégalais n’a pas retenu une procédure globale d’instauration des servitudes
d’utilité publique. Il ne ressort ni des textes ni de la jurisprudence une exigence générale
imposant à l’autorité domaniale d’établir les charges spéciales au profit du domaine public
suivant une procédure préétablie.

475
J.-M. Breton, « Le domaine de l’État », op.cit., p. 226.
476
Idem.

Page 135
Cet état du droit emporte, en principe, que lorsqu’il s’agit d’exercer ou d’établir des
servitudes d’utilité publique, l’autorité administrative pourra l’effectuer d’office par ses
agents habilités à ce titre. En effet, devant l’absence d’une obligation générale de se
conformer à une procédure déterminée, on peut considérer que l’autorité domaniale n’est pas
tenue d’aviser et de recueillir les observations des propriétaires de fonds à grever. Le
législateur semble mettre en avant beaucoup plus l’utilité publique de ces charges que les
restrictions qu’elles apportent au droit de propriété.

Mais, quelle que puisse être la nécessité de satisfaire à la destination du domaine public, la
seule limitation de la propriété devrait justifier la préconisation d’une procédure d’instauration
des servitudes d’utilité publique. Certes, elles ne donent pas lieu à une cession de propriété,
mais les charges que les propriétés privées supportent au profit du domaine public ne sont pas
sans occasionner des troubles de jouissance.

Les conséquences qui résultent ainsi de l’exercice ou de l’établissement des servitudes


d’utilité publique devraient amener à instituer une procédure qui tient à la fois compte de la
correcte réalisation de l’utilité publique et de l’implication des assujettis dans le processus
d’instauration des servitudes. Ainsi, au même titre que la procédure d’expropriation pour
cause d’utilité publique 477 , l’établissement des servitudes d’utilité publique devrait faire
l’objet d’un formalisme qui associe les propriétaires de fonds à grever. L’idée n’est pas
d’imposer une enquête publique pour toutes les catégories de servitudes, mais de tenir compte
au moins du degré de restriction de la jouissance de la propriété.

Cette situation avait été pourtant réglée par le décret du 29 semptembre 1928, modifié,
que la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État a remplacé. Si le
législateur avait retenu, dans le cadre de l’adoption de ladite loi, que la règlementation
coloniale « n’est ni mauvaise ni périmée478 », on se demande pourquoi il n’a pas reconduit la
procédure instituée pour l’établissement des servitudes d’utilité publique. En effet, le décret
de 1928 avait établi une procédure qui faisait la part des choses entre les servitudes dont
l’établissement n’était pas susceptible d’occasionner des dommages ou des troubles de
jouissance et celles qui pouvaient en être le cas. S’agissant de la première catégorie, il était
retenu que leur établissement ou exercice pouvait se faire d’office. Tandis que pour la seconde

477
Voir loi n° 76-67 du 2 juillet 1976 relative à l’expropriation pour cause d’utilité publique et aux autres
opérations foncières d’utilité publiques, JORS N° 4506 du 28 juillet 1976.
478
Voir Eposé des motifs de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JORS N° 4506
du 28 juillet 1976.

Page 136
catégorie, l’autorité coloniale avait décidé que les propriétaires concernés devaient être avertis
de leur institution en vue d’émettre des réclammations sur lesquelles l’autorité compétente va
statuer479.

À l’analyse, cette procédure prend en considération le respect du droit de propriété. Elle


associe les assujettis dans le processus d’établissement de la servitude lorsque cette dernière
est de nature à occasionner des dommages ou des troules de jouissances. Cette prise en
compte des intérêts des propriétaires privés ne devrait pas être délaissée par le législateur dans
le cadre de l’adoption de la loi domaniale. Au contraire, elle devrait être reprise pour accorder
une place aux personnes à assujettir dans le processus d’intauration des servitudes d’utilité
publique.

C’est seulement dans le cadre de certains textes particuliers qu’on retrouve une certaine
implication des propriétaires privés dans le cadre des restrictions à leurs droits de propriété.

2. L’existence sectorielle d’une procédure d’établissement des servitudes

Indépendamment de l’inexistence d’une obligation à respecter une procédure particulière


d’établissement des servitudes d’utilité publique, certains textes particuliers ont tenu à
imposer à l’autorité administrative à se conformer à une procédure pour mettre en place des
charges spéciales au profit du domaine public.

Cette obligation procédurale concerne essentiellement les servitudes au bénéfice des


exploitants de réseaux de télécommunications ouverts au public (1) et celles au profit des
titulaires de concession de transport ou de distribution d’énergie électrique (2).

a) En matière de télécommunications

C’est le code des télécommunications qui a institué une procédure d’établissement des
servitudes d’utilité publique au profit des exploitants des réseaux de télécommunications
ouverts au public. Ledit texte dispose, en effet, que « la mise en œuvre de la servitude est
subordonnée à une autorisation délivrée au nom de l’État par le maire après que les
propriétaires ou, en cas de copropriété, le syndicat représenté par le syndic ont été informés
des motifs qui justifient l’institution de la servitude et le choix de son emplacement, et mis à

479
Voir articles 7 et 8 de l’arrêté du 24 novembre 1928 règlementant les conditions d’application du décret du
29 septembre 1928 sur le domaine public et les servitudes d’utilité publique en Afrique occidentale française,
modifié.

Page 137
même, dans un délai qui ne peut être inférieur à trois mois, de présenter leurs observations
sur le projet »480. L’analyse de cette disposition montre que la procédure à suivre comporte
une phase d’information qui a une allure de consultation.

En effet, l’autorité administrative (le maire) est tenue, avant d’accorder l’autorisation
au demandeur, d’informer les propriétaires visés par une servitude. L’information ne consiste
pas à une simple notification de l’emplacement de la servitude sur leurs immeubles, mais elle
est destinée à partager avec les propriétaires de fonds à assujettir les raisons pour lesquelles
une servitude est envisagée et doit frapper leurs propriétés.

En plus du partage d’informations, l’autorité administrative est également dans


l’obligation de recueillir les avis des propriétaires ou du syndic touché par la servitude. En
effet, elle est tenue, après réception de la demande de servitude et notification aux
propriétaires concernés, d’observer une période qui ne peut être inférieur à trois (03) mois
pour permettre aux assujettis de faire connaître leurs observations sur les travaux projetés.

Cette phase de consultation constitue un préalable obligatoire auquel le maire ne


saurait déroger avant d’autoriser l’établissement de la servitude. C’est un préalable qui est
destiné à permettre au maire d’apprécier l’utilité publique de la charge spéciale envisagée en
confrontant les motifs avancés et les observations des propriétaires à assujettir.

La législation relative aux télécommunications institue là un processus participatif


dans le cadre de l’établissement des servitudes d’utilité publique au bénéfice des exploitants
de réseaux de télécommunications ouverts au public.

Il faut cependant observer que ce processus participatif présente une insuffisance en


termes d’apport sur le pouvoir de décision du maire. En effet, la disposition précitée ne
précise pas la portée des observations émises par les assujettis. Elle s’est simplement limitée à
indiquer que les assujettis doivent « être mis à même de présenter leurs observations sur le
projet ». Aucune précision n’est avancée sur la valeur de ces observations.

Mais, lorsque l’on procède à la lecture du décret relatif aux prérogatives et servitudes
des exploitants de réseaux de télécommunication ouverts au public, on se rend vite à
l’évidence que les observations sollicitées auprès des assujettis n’ont aucune influence sur la

480
Voir article 97, alinéa 2de la loi n° 2011-01 du 24 février 2011 portant code des télécommunications, JORS
N° 6576 du 14 mars 2011 ; article 8 du décret n° 2005-1182 du 6 décembre 2005 relatif aux prérogatives et
servitudes des exploitants de réseaux de télécommunication ouverts au public, JORS N° 6269 du 11 mars 2006.

Page 138
décision de l’autorité habilitée à délivrer l’autorisation. En effet, le décret n° 2005-1182
précise que « le propriétaire dispose d’un délai de trois mois pour formuler ses observations,
sans toutefois pouvoir s’opposer à la réalisation des travaux481 ». Cette disposition renseigne
que la consultation faite auprès des propriétaires de fonds à grever ne peut avoir pour effet la
prise d’une décision défavorable à l’établissement de la servitude.

La formule employée montre que quelles que puissent être les observations des
assujettis, l’autorisation sera accordée à l’exploitant de résaux de télécommunications et ceux-
là, le cas échéant, ne pourront pas empêcher la réalisation des installations. L’autorité
administrative n’est donc pas liée aux suggestions des propriétaires privés. Ce qui laisse
apparaître que la procédure en question n’est qu’une formalité à titre informatif.

À côté de cette catégorie de servitudes où l’autorité administrative a l’obligation de


notifier la demande de servitude aux assujettis et de recueillir leurs observations sur le projet
avant d’instituer la servitude d’utilité publique, celles qui doivent être établies conformément
à une procédure prévue par la loi concernent également les charges spéciales au bénéfice des
concessionnaires de transport ou de distribution d’énérgie électrique.

b) En matière de transport ou de distribution d’énergie électrique

Les servitudes à établir sur les propriétés privées au bénéfice de titulaires de


concession de transport ou de distribution d’énergie électrique obéissent à une procédure qui
varie en fonction du degré d’encrage de la servitude sur l’immeuble. En effet, loi n° 98-29 du
14 avril 1998 relative au secteur de l’électricité distingue les servitudes dont l’établissement
est susceptible d’entraîner une modification de l’état des lieux sans une prise importante sur
l’immeuble de celles dont l’établissement entraîne une modification de l’état des lieux avec
une prise permanente sur l’immeuble ou une réduction de sa possibilité d’utilisation effective.
Elle prévoit ensuite pour chacune d’elle une procédure propre d’établissement482.

Dans la première situation, la loi relative au secteur de l’électricité indique que


l’établissement d’une servitude susceptible de modifier l’état des lieux sans une prise
importante sur l’immeuble à grever « est précédé, sauf nécessité immédiate ou consentement
des intéressés, de la notification visée ci-dessus et de la confection de l’état des lieux, dressée

481
Voir article 8 du décret n° 2005-1182 du 6 décembre 2005 relatif aux prérogatives et servitudes des
exploitants de réseaux de télécommunication ouverts au public, JORS N° 6269 du 11 mars 2006.
482
Voir article 33, alinéas 13 et 15 de la loi n° 98-29 du 24 avril 1998 relative au secteur de l’électricité, JORS
N° 5797 du 24 avril 1997.

Page 139
par l’administration chargée des domaines en présence des propriétéaires intéressés483 ». Il
ressort de cette disposition que cette catégorie de servitudes n’obéit à une procédure qu’en
l’absence de nécessité immédiate ou de consentement des intéressés. Lorsqu’une telle
situation se présente, aucune procédure n’est à suivre pour l’exécution de la servitude par le
titulaire de la concession. C’est dans le cas contraire que la formalité est exigée.

Dans sa mise en œuvre, la procédure exigée n’est qu’indicative. En effet, il s’agit


d’une procédure qui se limite à une simple notification de l’exécution des travaux afférents à
la servitude et à un inventaire de l’état des lieux. Il ne s’agit pas d’une procédure destinée à
empêcher ou à accorder l’autorisation d’établissement de la servitude. Elle vise simplement à
informer les assujettis de la constitution d’une servitude sur leurs immeubles.

Dans la seconde situation, l’article 33 de la loi précitée dispose que l’établissement


d’une servitude « susceptible d’entraîner une modification à l’état des lieux emportant une
prise permanente sur les immeubles qui en sont grevés ou réduction de leur possibilité
d’utlisation effective […] est subordonné à une déclaration d’utilité publique […] ». La
procédure afférente à cette catégorie de servitudes s’avère plus significative que la précédente.
En effet, elle exige la réalisation d’une enquête publique avant la prise de la déclaration
d’utilité publique. C’est ce que le législateur consacre expressément dans la loi relative au
secteur de l’électricité, à travers une rédaction munitieuse et très détaillée de tous les aspects
relatifs à cette enquête484.

En résumé, il s’agit d’une enquête en quatre (03) étapes. La première est celle qui
consiste pour les services du Ministère en charge de l’énergie, après réception de la requête du
titulaire de concession, d’identifier le ou les propriétaires de toutes les parcelles ainsi que les
ayants droits éventuels, et de connaître la nature et l’étendue des servitudes à à établir. La
deuxième étape consiste pour l’autorité compétente à notifier les travaux projetés aux
propriétéiares intéressés et à recueillir leurs observations par le biais d’un commissaire-
enquêteur qui en dresse un procès-verbal. La troisième étape est celle au titre de laquelle
l’autorité administrative communique le procès-verbal au titulaire de concession pour
observations ou éventuelles modifiaction des travaux envisagés. Enfin, le Ministère en charge
de l’énérgie procède à l’approbation ou non des travaux.

483
Voir article 33 de la loi n° 98-29 du 24 avril 1998 relative au secteur de l’électricité, JO préc.
484
Voir article 33, alinéas 17 et s. de la loi n° 98-29 du 24 avril 1998 relative au secteur de l’électricité, JO préc.

Page 140
L’analyse de cette procédure révèle une identité entre l’enquête pour l’établissement
des servitudes d’utilité publique emportant une prise permanente sur l’immeuble et celle pour
la prise d’une déclaration d’utilité publique en matière d’expropriation pour cause d’utilité
publique, prévue par la loi n° 76-67 du 2 juillet 1976.

La justification qui peut être donnée au recours à cette procédure tient aux
conséquences assez restrictives de l’établissement de ces servitudes sur le droit de propriété.
En effet, l’établissement d’une servitude d’utilité publique n’a pas pour effet une dépossession
de l’immeuble à son propriétaire. Or, il apparaît dans ce type de servitude une prise
permanente sur l’immeuble ou une réduction de sa possibilité d’utilisation effective. Toutes
choses qui donnent lieu à une atteinte grave au droit de propriété. Ainsi, il est logique que
l’utilité publique de ces charges spéciales puisse être établie avant qu’elles soient constituées.
La procédure d’enquête publique préconisée à ce titre s’inscrit dans cette logique. Elle permet
à l’administration de déterminer sur la base des résultats obtenus des observations des uns et
des autres si le projet envisagé est d’utilité publique, justifiant l’assujettissement de propriétés
privées.

La procédure ainsi mise en place par la loi relative au secteur de l’électricité semble
être protectrice des propriétaires privés. En effet, l’exigence d’une enquête publique
représente une garantie essentielle pour les propriétaires de fonds à grever. Ces derniers sont
associés en amont du projet de servitude d’énergie électrique depuis l’engagement des études
préliminaires jusqu’à la clôture de l’enquête publique. D’une part, ils sont informés des
projets de servitudes. D’autre part, ils sont impliqués dans la prise de décision. Ainsi, ils ont la
possibilité de formuler des observations qui peuvent influencer le projet initial.

En définitive, le fait de rendre impérative l’ouverture d’une enquête publique et la


prise d’une déclaration d’utilité publique pour une opération autre qu’une expropriation pour
cause d’utilité publique constitue une véritable volonté de protection du droit de propriété.

En plus de cette situation plus ou moins protectrice des propriétaires privés à assujettir,
le droit à une contrepartie financière du fait de l’établissement d’une servitude sur sa propriété
n’est pas, en principe, admis. C’est plutôt la méconnaissance d’un droit à une indemnité qui
constitue le principe.

Page 141
B / Le méconnaissance de principe d’un droit à indemnité

À la différence de la question de la procédure d’établissement des servitudes, le


régime domanial n’a pas occulté le problème de l’indemnisation pour fait de servitudes. Cette
question est abordée par la législation domaniale au titre de laquelle l’assujettissement des
propriétés privéss à des servitudes d’utilité publique peut, dans certains cas, ouvrir droit à une
indemnisation pour les propriétaires.

Le traitement de la question de l’indemnisation est alors fait sur la base d’un principe, qui
est l’inexistence d’un droit à indemnité (1), assorti d’une exception, qui est la reconnaissance
d’un droit à indemnité sous certaines conditions (2).

1. Le principe : l’inexistence d’un droit à indemnité

En matière d’établissement de servitudes d’utilité publique, le principe retenu par les


textes afférents à ces charges spéciales est que les propriétaires privés n’ont pas droit à une
indemnisation. En effet, le code du domaine de l’État affirme que « les servitudes d’utilité
publique visées à l’article précédent ne peuvent ouvrir au profit du propriétaire ou détenteur
de l’immeuble qui en est frappé un droit à indemnité que lorsqu’elles entrainent, lors de leur
établissement, une modification à l’état des lieux déterminant un dommage actuel, direct,
matériel et certain485 ». Cette disposition de la loi domaniale est confirmée, à peu près dans la
même formulation, par les autres textes faisant état de servitudes d’utilité publique486.

La doctrine, procédant à l’interprétation de la manière dont le droit à indemnité est


consacré par les textes, retient que l’obtention d’une indemnisation dans le cadre de
l’instauration des servitudes d’utilité publique n’est pas un droit pour les assujettis. À titre
illustratif, Jean-Marie Breton, dans son analyse au régime de l’indemnité institué par les
législations domaniales des pays d’Afrique francophone, affirme que « l’établissement des
servitudes au profit du domaine public n’entraine pas ipso facto de droit à indemnité au profit
des tiers à l’encontre desquels elles s’exercent […]487 ».

485
Voir article 7 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.
486
Voir article 13 de la loi n° 2008-43 du 20 août 2008 portant code de l’urbanisme, JORS N° 6438 du 15
novembre 2008 ; article 101 de la loi n° 2011-01 du 24 février 2011 portant code des télécommunications, JO
préc. ; article 9 du décret n° 2005-1182 du 6 décembre 2005 sur les prérogatives et servitudes des exploitants de
réseaux de télécommunication ouverts au public, JO préc. ; article 33, alinéa 14 de la loi n° 98-29 du 24 avril
1998 relative au secteur de l’électricité, JO préc.
487
J.-M. Breton, « Le domaine de l’État », op.cit., p. 226.

Page 142
Il apparaît à la lumière de ces considérations une absence a priori d’un droit à indemnité
du fait de l’établissement d’une charge spéciale au profit du domaine public. Le propriétaire
privé dont l’immeuble supporte une servitude d’utilité publique ne peut prétendre à une
indemnisation qu’à titre conditionnelle ; il n’en a pas droit de façon automatique. En
conséquence, on considère que le principe en la matière est la méconnaissance d’un droit à
une indemnisation pour fait de servitude.

Le principe de non-indemnisation ainsi retenu s’explique par le fait que l’instauration


d’une servitude d’utilité publique n’ouvre pas en elle-même droit à réparation. En effet,
l’assujetti ne peut pas prétendre à une indemnisation par le seul fait d’être frappé d’une charge
spéciale au profit du domaine public. Cette négation tient au fait que l’établissement d’une
servitude n’emporte pas une perte du droit de propriété. Le propriétaire n’est pas privé de son
titre de propriété, il est simplement limité dans sa mise en œuvre.

Le législateur l’a confirmé dans la loi relative au secteur de l’électricité en retenant que
l’instauration d’une servitude « n’entraîne aucune dépossession488 ». Il suppose par là que la
seule limitation du droit de propriété ne saurait justifier l’octroi d’une indemnité. Il s’agit d’un
privilège reconnu au domaine public pour mieux faire face aux besoins du public usager et
des services publics affectataires. L’établissement d’une servitude a, en effet, pour corrolaire
la restriction de la propriété privée. Il n’a pas, en principe, à faire supporter à l’assujetti des
charges financières.

En conséquence, la correcte réalisation de la destination des dépendances domaniales doit


pouvoir passer par l’utilisation des fonds privés sans bourse déliée. Mais, si l’exécution de la
servitude d’utilité publique entraîne l’anéantissement de la jouissance du droit de propriété, le
propriétaire peut prétendre à une indemnisation.

2. L’exception : l’indemnisation conditionnelle


La formule employée par la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de
l’État sur la question de l’indemnisation pour fait de servitudes d’utilité publique traduit la
reconnaissance d’un droit à une indemnisation sous conditions489. Le législateur ne nie pas
systématiquement l’octroi d’une contrepartie financière au bénéfice des assujettis. Il reconnaît
ce droit, mais conditionne son obtention. La loi domaniale opère, sur ce plan, une rupture

488
Voir article 33, alinéa 10 de la loi n° 98-29 du 24 avril 1998 relative au secteur de l’électricité, JO préc.
489
Voir article 7 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.

Page 143
salutaire avec la règlementation coloniale qui méconnaissait totalement le droit à une
indemnisation en raison des servitudes d’utilité publique490.

Au regard de l’article 7 de loi domaniale ainsi que des dispositions des autres textes
spécifiques relatifs aux servitudes d’utilité publique précitées, le propriétaire dont le fonds
supporte une servitude d’utilité publique a droit à une indemnité lorsque l’établissement de la
charge spéciale occasionne d’autres charges pour lui. Le législateur lie ici le droit à indemnité
à l’existence d’un dommage né de l’établissement de la servitude.

Ce faisant, il adopte une posture protectrice des assujettis. En effet, on considère que
les dommages aux biens se traduisent clairement par des pertes pécuniaires491. Dans ce cas,
faire prévaloir le principe de non-indemnisation serait trop préjudiciable pour les propriétaires
privés. On comprend alors pourquoi le législateur a tenu à accorder aux propriétaires des
biens endommagés pour fait de servitude une indemnisation. Il s’inscrit dans une perspective
de réparation du préjudice subi, dès lors que l’établissement d’une servitude d’utilité publique
n’a pas, en principe, à occasionner des dommages aux biens des assujettis. Donc, pour le
législateur, lorsque l’instauration d’une servitude d’utilité publique entraîne un dommage, le
propriétaire peut prétendre à une indemnisation.

Mais, d’après les textes précités, l’indemnité n’est exigible que lorsque la servitude, au
moment de son établissement, provoque une modification importante de l’état antérieur des
lieux déterminant un dommage immédiat, matériel et certain492. Cette position du législateur
révèle qu’en matière de charges spéciales au profit du domaine public, « l’institution d’une
servitude n’ouvre pas droit à indemnité ; ce n’est qu’en conséquence de préjudices précis et
en relation directe et certaine avec l’exercice de la servitude que le propriétaire d’un fond
grevé est fondé à prétendre à une indemnité493 ». Il rattache ainsi au préjudice indemnisable
un caractère direct, matériel et certain.

À travers la première caractéristique, le législateur exige l’existence d’un lien direct et


immédiat entre le dommage subi et l’établissement de la servitude. Il faut qu’il soit établi que
490
Voir article 5 du décret 29 septembre 1928 portant règlementation du domaine public et des servitudes
d’utilité publique en Afrique occidentale française, JOAOF N° 1261 du 10 novembre 1928.
491
M. Lombard, G. Dumont, J. Sirinelli, Droit administratif, 10e éd., Paris, Dalloz, 2013, p. 540.
492
Voir article 7 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc. ; article 13 de la
loi n° 2008-43 du 20 août 2008 portant Code de l’urbanisme, JORS N° 6438 du 15 novembre 2008 ; article 101
de la loi n° 2011-01 du 24 février 2011 portant code des télécommunications, JO préc. ; article 9 du décret n°
2005-1182 du 6 décembre 2005 sur les prérogatives et servitudes des exploitants de réseaux de
télécommunication ouverts au public, JO préc. ; article 33, alinéa 14 de la loi n° 98-29 du 24 avril 1998 relative
au secteur de l’électricité, JO préc.
493
P. Subra de Bieusses, « Le statut des aisances et des servitudes », AJDA, 1992, p. 401.

Page 144
le bien grevé a subi un dommage qui résulte directement de l’exercice de la charge spéciale.
Un lien de causalité entre la servitude d’utilité publique et le préjudice est ainsi exigé pour
que l’assujetti puisse prétendre à une réparation. Donc, s’il n’est pas établi que la modification
importante de l’état antérieur du bien grevé résulte de l’établissement de la servitude, c’est le
principe de non-indemnisation qui prévaut.

La seconde caractéristique porte sur la matérialité et la certitude du dommage. Le


législateur tient ici à la survenance certaine du préjudice au moment de l’établissement de la
servitude. Ainsi, on peut considérer qu’il écarte les préjudices éventuels, hypothétiques qui
pourraient découler de l’existence de la charge spéciale. En effet, il peut résulter de certaines
servitudes des préjudices incertains, éventuels. Dans le cadre des servitudes de transport ou de
distribution d’énergie électrique par exemple, le passage de lignes de haute tension donne lieu
à des risques d’incendie, d’électrocution par contact accidentel avec les câbles ou par chute de
fil. Mais il ne s’agit que préjudices éventuels ; l’existence de ces risques ne peut donner lieu à
indemnisation. Donc le préjudice ne sera indemnisable qu’à la condition d’être certain ; les
préjudices éventuels sont insusceptibles de donner droit à réparation.

À ce niveau, le droit malien est beaucoup plus précis que celui sénégalais. En effet, à
la différence du législateur sénégalais, celui malien a dressé les cas concrets de situations dans
lesquelles l’assujetti a droit à une indemnité. Selon le code foncier et domanial du Mali,
l’indemnité est due dans le cas où l’établissement de la servitude entraîne « la démolition des
constructions, l’enlèvement des clôtures ou des plantations494 ». Mieux encore, la législation
malienne précise la nature et le moment de l’indemnisation. En effet, elle consacre que les
propriétaires privés ne pourront être assujettis que « moyennant le paiement d’une juste et
495
préalable indemnité ». Le législateur malien opère ainsi un rapprochement entre
l’établissement de la servitude et l’expropriation pour cause d’utilité publique.

Cela étant, on peut dire que l’indemnisation pour fait de servitude n’est pas
systématique. Il s’agit d’un droit reconnu à titre exceptionnel dans des conditions
particulières. L’établissement de la servitude d’utilité publique ne donne pas en elle-même
droit à réparation, il faut qu’il en résulte un préjudice direct, matériel et certain.

494
Voir article 26, alinéa 2 de l’Ordonnance n° 00-027/P-RM du 22 mars 2000 portant code domanial et foncier,
modifiée, disponible sur : www.droit-afrique.com, consulté le 22 juin 2013.
495
Idem.

Page 145
CONCLUSION TITRE I

L’utilité publique à laquelle les dépendances domaniales sont destinées se trouve


particulièrement garantie par des règles restreignant considérablement le pouvoir de la
personne publique propriétaire ainsi que les facultés des tiers sur le domaine public.

La consécration des principes fondamentaux de la domanialité publique, notamment


l’inaliénabilité, l’imprescriptibilité et l’insaisissabilité protège la consistance du domaine
public à plus d’un titre. D’une part, l’autorité administrative ne dispose d’aucun pouvoir
d’aliénation sur les dépendances domnailes tant qu’elles demeurent affecter à l’usage de tous
au au service public. D’autre part, la possibilité pour les tiers d’acquérir des droits sur le
domaine public est réduite au néant. Ces derniers ne peuvent ni s’appoprier une dépendance
domaniale, ni exercer une voie d’exécution forcée contre l’État, propriétaire du domaine
public.

En plus de la conservation de la consistance du domaine public, le législateur


sénégalais n’a pas également manqué de protéger l’utilisation de ce domaine. Dans ses
rapports avec le voisinage, il a mis en faveur du domaine public des charges spéciales afin de
parer à tout obstacle à la correcte satisfaction de son utilité publique. La garantie de la
destination du domaine public s’est traduite par un assujettissement des propriétés privées à
des servitudes d’utilité publique sans pour autant que ces propriétés ne puissent à leur tour
bénéficier de certains privilèges sur le domaine public.

Page 146
TITRE II :

LA MISE EN PLACE D’UNE PROTECTION RIGIDE DE L’INTÉGRITÉ


PHYSIQUE DU DOMAINE PUBLIC

La correcte réalisation de l’intérêt général auquel le domaine public est affecté dépend
en grande partie de la conservation des biens qui le constituent. Cela suppose la préservation
non seulement de l’usage auquel ces biens sont destinés, mais aussi de leur intégrité physique.
Pour la protection de l’intégrité physique du domaine public, les pouvoirs publics ont mis en
place diverses dispositions législatives et règlementaires dont l’article 20 de la loi n° 76-66 du
2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État en constitue le socle.

Il ressort de cet article deux axes majeurs : un premier axe qui se manifeste par une
option de prévention des mauvaises utilisations des dépendances domaniales et un second axe
qui se traduit par une volonté de répression de tous ceux qui les utilisent mal. Il s’agit
globalement de mesures préventives destinées à empêcher les utilisations malveillantes du
domaine public (Chapitre I) et de mesures répressives ayant pour objet de punir les atteintes
qui lui sont portées (Chapitre II).

Page 147
CHAPITRE 1 :

L’ÉDICTION DE MESURES PRÉVENTIVES AUX UTILISATIONS


MALVEILLANTES DU DOMAINE PUBLIC

Pour mieux garantir la conservation matérielle du domaine public, les pouvoirs publics
ont mis en avant la prévention. La mission première de l’administration domaniale doit
consister à empêcher les mauvais usages des dépendances domaniales qui peuvent
occasionner leur détérioration.

À ce titre, il est reconnu à l’autorité domaniale les pouvoirs de mettre en œuvre les
dispositions nécessaires à la prévention des usages qui sont de nature à compromettre ceux
des autres usagers sur des portions déterminées du domaine et des actes qui peuvent être à
l’origine de dégradation des dépendances domaniales. Ce qui s’est traduit par l’édiction d’un
dispositif juridique contraignant visant à éviter l’altération des dépendances domaniales d’une
part (Section 1) et par la subordination des usages privatifs d’autre part (Section 2).

Section 1 : La prévention des nuisances au domaine public

Affecté à l’usage direct du public ou au service public, le domaine public ne peut faire
l’objet que d’un usage qui est directement en rapport avec cette affectation, notamment une
utilisation collective, commune. Néanmoins, il peut faire aussi l’objet d’autres formes
d’utilisations, à savoir des occupations privatives 496 . Dans tous les cas, ces utilisations ne
doivent en aucun cas compromettre l’affectation principale d’une dépendance domaniale.

L’administration domaniale a tenu alors à organiser ces usages afin de s’assurer qu’ils
se réalisent conformément à la destination du domaine ou, à tout le moins, de façon
compatible avec elle. Cette organisation s’est manifestée par des restrictions à l’usage
collectif du domaine public (Paragraphe 1) et par une obligation d’entretien des dépendances
domaniales (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les restrictions à l’usage collectif du domaine public

L’utilisation commune ou collective du domaine public est celle qui bénéficie au


public, c’est-à-dire à l’ensemble des administrés ou à des catégories de personnes

Voir à ce propos l’article 11 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JORS N°
496

4506 du 28 juillet 1976.

Page 148
objectivement déterminées497. Cet usage collectif est soumis à un régime juridique libéral, qui
se caractérise par la liberté, l’égalité et la gratuité.

Au demeurant, la législation domaniale n’a pas manqué d’encadrer cet usage normal
des dépendances domaniales afin que celles-ci puissent continuer à satisfaire correctement
leur affectation. Elle impose au public usager certaines restrictions en vue de garantir non
seulement la commodité de l’utilisation collective, mais aussi la salubrité des dépendances
domaniales. Ainsi, sont prohibées les incommodités à l’usage collectif du domaine public (A)
et la pollution des dépendances domaniales (B).

A / L’interdiction des incommodités à l’usage collectif

La volonté de préserver l’usage conforme des dépendances domaniales s’est traduite


par la consécration d’un certain nombre de dispositions qui soustraient lesdites dépendances
d’utilisations nuisibles à leur intégrité physique. Les pouvoirs publis se sont préoccupés de la
commodité de l’usage commun du domaine public, c’est-à-dire la libre circulation du public
affectataire dudit domaine sans obstacles ni gênes. Ils ont ainsi établi un cadre juridique qui
s’oppose à l’encombrement des dépendances domaniales (1), ainsi qu’à leur dégradation (2).

1. L’opposition à l’encombrement des dépendances domaniales

La règlementation domaniale comporte un ensemble de mesures d’interdiction dont la


finalité est de maintenir le domaine public dans un état permettant de satisfaire correctement
sa destination. Le code du domaine de l’État retient, dans ce cadre, que « nul ne peut sans
autorisation délivrée par l’autorité compétente, […] utiliser [le domaine public] dans des
limites excédant le droit d’usage qui appartient à tous sur les parties de ce domaine affecté au
public 498 ». La disposition ainsi consacrée vise à éviter des pratiques non conformes à la
destination des dépendances domaniales dans le cadre de leur usage collectif. Elle montre
qu’aucun usager du domaine public n’a le pouvoir de restreindre le droit d’usage qui
appartient à tous sur ledit domaine.

En application de cette disposition générale du code du domaine de l’État, la partie


règlementaire du code de l’urbanisme dispose qu’ « il est défendu à toute personne
d’embrasser, obstruer, encombrer, ou empiéter de quelques articles, effets, ou véhicules

497
P.-C. Kobo, Droit administratif des biens, Édition 2010, Les éditions ABC, Abidjan, 2010, p. 82.
498
Voir article 20 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.

Page 149
quelconques, ou au moyen d’objets ou de matériaux de quelque nature que ce soit, incluant
gravats et sable, les voies publiques, rues, ruelles, trottoirs ou places publiques rendant
difficile la desserte des terrains 499 ». De même, le décret relatif à la pose ou dépose de
conduites diverses et à l’occupation de l’emprise des routes du réseau routier classé 500 affirme
qu’ « il est interdit […] le stockage des matériaux de construction, notamment du sable, des
agglos, des graviers, du bois, le fer, les carreaux, le ciment ou tout autre matériau ou
matériel sur l’emprise du réseau routier classé501 ».

À côté des voies publiques, le domaine public martime fait également l’objet de mesures
de préservation de son bon état à servir à l’usage collectif. Il ressort de la loi relative à la
police des ports maritime un certain nombre d’interdits visant à prévenir les gênes à l’usage
des équipements portuaires. En effet, ladite loi défend « […] de faire des dépôts de décombres
ou d’immondices de quelque nature que ce soit sur les quais, les terre-pleins et dans les
hangars des ports […] 502 ». Cette disposition cherche à éviter tout encombrement des
dépendances portuaires afin de garantir la commodité de la circulation du public sur les quais
et terre-pleins, ainsi que la conservation des ouvrages d’accostage.

En substance, ces articles visent à éviter tout encombrement des dépendances domaniales
affectées à l’usage public. En effet, lesdites dépendances sont destinées à assurer la libre
circulation des piétons, des automobilistes et autres. Les interdictions ainsi posées permettent
à celle-ci de s’effectuer en toute sûreté. En conséquence, le public usager ne peut faire des
voies publiques ou des installations portuaires des lieux de stockage de certains objets ou
matériaux pouvant constituer de véritables obstacles à l’usage auquel elles sont destinées.

Ces interdictions présentent toute leur importance lorsque l’on se préoccupe de la


préservation de l’affectation principale de ces catégories de dépendances domaniales. En

499
Voir article R 226 du décret n° 2009-1450 du 30 décembre 2009 portant partie règlementaire du code de
l’urbanisme, JORS N° 6525 du 8 mai 2010
500
Le réseau routier classé renvoie aux routes qui ont fait l’objet d’un acte de classement, qui a pour effet
d’incorporer au domaine public routier le sol des emprises de la route et de créer éventuellement des servitudes
de voiries sur les terrains situés en bordure (voir article 3 de la loi n° 74-20 du 24 juin 1974 portant classement
du réseau routier national et fixant le régime domanial de ce réseau, JORS N° 4367 du 20 juillet 1974 ). A
l’opposé, le réseau routier non classé correspond aux routes qui n’ont pas fait l’objet d’un acte de classement,
c’est-à-dire les routes dont l’utilisation comme voie de ciommunication résulte seulement d’un usage ou d’un
état de fait, qui n’emportent pas incorporation du sol de la route le domaine public routier (voir article 4 de la loi
n° 74-20 du 24 juin 1974 portant classement du réseau routier national et fixant le régime domanial de ce réseau,
JO préc.).
501
Voir article 9 du décret n° 2010-1445 du 4 novembre 2010 relatif à la pose ou dépose de conduites diverses et
à l’occupation de l’emprise du réseau routier classé, JORS N° 6569 du 5 mai 2011.
502
Voir article 2-b) de la loi n° 2010-09 du 23 avril 2010 relative à la police des ports maritimes, JORS N° 6559
du 4 décembre 2010.

Page 150
effet, si nous prenons l’exemple des voies publiques, la circulation publique ne peut s’exercer
convenablement si la voirie est obstruée ou bouchée par des tas de sables, de gravats,
d’ordures, de briques, de fer, de ciment, d’épaves de voitures, d’élevage d’animaux
domestiques. Dans son ensemble, la règlementation précitée s’oppose à toute forme
d’occupation des voies publiques qui est de nature à entraver le libre accès et la libre
circulation sur lesdites voies.

Pourtant, il est de pratique courante et fréquente que des usagers se servent des voies
publiques pour le stationnement ou l’abandon de leurs véhicules, le stockage de leurs
matériels de construction, le dépôt prolongé de gravats. Ainsi, en dépit des interdictions,
l’encombrement des voies publiques constitue une réalité, et la libre circulation du public
affectataire se trouve constamment limitée. Le respect de la règlementation existante appelle
donc à une répression adaptée et effective à ces manquements. Sans cela, l’encombrement des
voies publiques ne saurait s’estomper.

Il faudrait également songer à la mise en place d’un système de contrôle et de surveillance


afin de s’assurer du respect des interdictions faites au public usager du domaine public. Cela
permettrait de constater régulièrement les encombrements des dépendances domaniales
affectées à la libre circulation du public et de procéder à leur enlèvement. Ce dispositif est
d’ailleurs initié au niveau de la gendarmerie nationale. En effet, en 2007, il est créé au sein de
ce corps une section spéciale chargée de la surveillance domaniale503. Il s’agit d’une section
qui pour missions d’assurer la surveillance du domaine privé de l’État, du domaine public et
du domaine national504. De même, il existe spécifiquement pour le domaine public maritime
un dispositif de surveillance de son occupation. En effet, le décret portant création de
l’Agence Nationale pour les Affaires Maritimes (ANAM) retient que ladite agence a pour,
entre autres missions, de constater les obstacles temporaires mis en place par des utilisateurs
dudit domaine et de suivre les suites réservées aux mesures prises en matière d’enlèvement ou
de démolition505. La généralisation de ce système de surveillance et de contrôle à l’ensemble
des dépendances domaniales affectées à l’usage collectif pourrait aider à mieux assurer le
désencombrement des voies publiques.

503
Voir décret n°2007-868 en date du 7 août 2007 portant création au sein de la Gendarmerie nationale d’une
section spéciale chargée de la surveillance domaniale, JORS N°6381 du 22 décembre 2007.
504
Voir article 3 du décret n°2007-868 en date du 7 août 2007 portant création au sein de la Gendarmerie
nationale d’une section spéciale chargée de la surveillance domaniale, JO préc.
505
Voir article 3, alinéa 2, paragraphe 5 du décret n° 2009-583 du 18 juin 2009 portant création, organisation et
fonctionnement de l’Agence nationale des affaires maritimes (ANAM), JORS N° 6489 du 19 septembre 2009.

Page 151
Indépendamment de l’opposition à l’encombrement des dépendances domaniales, la
préservation de l’intégrité physique desdites dépendances de nature à répondre correctement à
leur destination s’est également traduite par la prohibition des actes qui peuvent les mettre en
mauvais état.

2. La prohibition des actes de dégradation

C’est le code du domaine de l’État qui pose l’interdiction générale des actes de
dégradation des dépendances domaniales. En retenant que « les actes de nature à gêner ou
empêcher l’application ou l’exercice des servitudes d’utilité publique ainsi que les actes de
dégradation ou de destruction de dépendances du domaine public 506 » sont passibles de
sanctions, le législateur révèle en même temps que de tels actes sont prohibés. De façon plus
concrète, un certain nombre de textes spéficifiques contient des dispositions qui traduisent la
préservation du domaine public contre les actes de destruction des dépendances domaniales
ouvertes à la libre circulation du public, notamment le domaine public maritime (a) et le
domaine public routier (b).

a) La prévention des occupations détériorant le domaine public


maritime

Dans le cadre de l’utilisation du domaine public maritime, le code de l’environnement


préconise la prévention des atteintes à l’intégrité physique du littoral. Il dispose, en effet, que
les occupations admises sur le domaine public maritime ne doivent pas « […] être source
d’érosion ou de dégradation du site 507 ». Cette disposition emporte une contrainte de
protection dudit domaine pesant à la fois sur l’administration domaniale et sur les occupants.
Il est interdit à l’autorité domaniale d’accorder sur la grève des occupations qui sont de nature
à modifier son assiette. Celle-ci ne doit y autoriser que des « installations légères, mobiles ou
démontables508 ».

Ces prescriptions s’opposent à l’admission sur les dépendances du domaine public


maritime de tout titre juridique qui est source de dégradation desdites dépendances. Ainsi, les
constructions en dur, l’extraction du sable marin et l’excavation des côtes maritimes, par

506
Voir article 20 in fine de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.
507
Voir article L 69, alinéa 1 de la loi n° 2001-01 du 15 janvier 2001 portant code de l’environnement, JORS N°
5972 du 10 mars 2001.
508
Voir article L 69, alinéa 2 de la loi n° 2001-01 du 15 janvier 2001 portant code de l’environnement, JO préc. ;
article 12 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.

Page 152
exemple, ne sauraient être autorisées par l’autorité domaniale. Celle-ci endosse donc la
première responsabilité de mettre à l’abri le littoral des formes d’occupations qui portent
atteinte à son intégrité physique. De son attitude dépendra, en principe, celle des personnes
habilitées à s’installer sur ledit domaine. En effet, lorsque l’autorité domaniale se conforme
aux types d’autorisations préconisées par lestextes, les occupants du domaine public maritime
ne peuvent, sur la base de ces titres juridiques, poser des actes qui entraînent la destruction de
l’espace littoral. Ils ne peuvent jouir que d’autorisations qui permettent de préserver l’assiette
du domaine pubic maritime.

Il s’avère, tout de même, utile de noter que ces prescriptions formelles ne sont pas
rigoureusement observées. Ibrahima Ly fait remarquer ce constat en écrivant que « le littoral
sénégalais fait l’objet de nombreux empiétements et occupations le plus souvent en violation
des lois et règlements en vigueur509 ». En effet, loin des contraintes posées par les textes, le
domaine public maritime est constamment agressé par des pratiques nuisibles à la
conservation matérielle de son assiette.

Indépendamment des phénomènes naturels, l’érosion côtière est accentuée par les
prélèvements frauduleux du sable marin et autres sédiments sur les plages, les constructions
en dur sur la zone des pas géométriques. Le ministère de l’environnement et de la protection
de la nature a pris la mesure de ces pratiques en soulignant dans une note sur les dispositions
nationales prises face à l’érosion côtière au Sénégal que « les problèmes d’érosion côtière
pourraient être fortement relativisés si les activités humaines étaient mieux règlementées510 ».
Ce constat semble révéler qu’il faille, en plus des mesures d’interdiction, d’autres mécanismes
pour parer aux nombreuses et incompatibles convoitises auxquelles le littoral fait l’objet.

Cette nécessité de renforcer la prévention des actes de dégradation du domaine public


maritime a pris forme dans le cadre de la création de l’Agence pour les Affaires Maritimes
(ANAM). L’autorité règlementaire a complété les mesures d’interdiction par un dispositif de
contrôle et de surveillance de l’utilisation dudit domaine. En effet, il est retenu, parmi les
missions de cette agence, que cette dernière est associée à la délivrance de concession du
domaine public maritime ; qu’elle participe à la surveillance des occupations de ce domaine ;
qu’elle procède aux constats administratifs des anomalies constatées relatives aux installations

509
I. LY, « Le projet de loi sénégalais sur le littoral : enjeux et perspectives, protection de l’environnement pour
un développement durable », Forum scientifique de la 21e FIDAK, Dakar, Décembre 2012, p. 10.
510
Voir Note sur les dispositions nationales prises face à l’érosion côtière au Sénégal,
MEPN/DEEC/DCCPL/agd, juillet 2012, sans numéro, non publié, p. 3.

Page 153
non déclarées, aux appontements privatifs, aux occupations abusives par les complexes
touristiques, soit par défaut de concession, soit pour non-respect des clauses511.

Il s’agit là de diverses mesures de précaution qui permettent, conformément à l’article


L 69 du code de l’environnement précité, de lutter contre l’érosion et la dégradation du
littoral. L’association de l’Agence à la délivrance de concession du domaine public maritime
est de nature à s’opposer à toute autorisation d’occupation qui peut être source d’érosion ou
de dégradation de l’espace côtier, alors que ses missions de surveillance et de constat des
anomalies permettent de limiter les atteintes à l’assiette du domaine public maritime. La
prévention des utilisations détéroriant l’assiette dudit domaine se trouve ainsi combattue par
des mesures d’interdiction et un dispositif de surveillance. La combinaison des deux semble
constituer un encadrement adéquat des activités humaines pour limiter l’érosion côtière.

La volonté de soustraire les dépendances domaniales d’actes de dégradation trouve


également son expression au niveau du domaine public routier où les autorités publiques ont
mis en place des mesures de sauvegarde.

b) La sauvegarde des voies publiques

Selon l’autorité règlementaire, « le réseau routier national constitue un patrimoine dont la


sauvegarde est une préoccupation majeure de l’État, compte tenu du rôle prépondérant qu’il
joue dans le développement économique du pays 512 ». Cette affirmation traduit une claire
volonté de prévenir et de s’attaquer aux pratiques occasionnant des destructuctions au
domaine public routier. L’autorité règlementaire a alors agi sur les travaux de pose ou dépose
sur le réseau routier classé et sur le contrôle de la charge maximale à l’essieu.

- La règlementation des travaux de pose ou dépose

Les travaux de pose ou dépose renvoient, d’une part, aux travaux relatifs à l’ouverture et à
la fermeture des tranchées réalisées par une entreprise et, d’autre part, aux travaux de pose
proprement dite, du changement ou de la réparation des installations et équipements, à savoir
les conduites, les câbles, les regards513.

511
Voir article 3, alinéa 2, paragraphe 5 du décret n° 2009-583 du 18 juin 2009 portant création, organisation et
fonctionnement de l’Agence nationale des affaires maritimes (ANAM), JO préc.
512
Voir Rapport de présentation du décret n° 2010-1445 du 4 novembre 2010 relatif à la pose ou dépose de
conduites diverses et à l’occupation de l’emprise du réseau routier classé, JORS N° 6569 du 5 mai 2011.
513
Voir article 5, alinéa 3 du décret n° 2010-1445 du 4 novembre 2010 relatif à la pose ou dépose de conduites
diverses et à l’occupation des emprises du réseau routier classé, JO préc.

Page 154
En d’autres termes, ces travaux correspondent aux tranchées opérées sur les voies
publiques par les concessionnaires de services publics de production et/ou de distribution
d’énergie électrique, de télécommunication, d’eau, d’assainissement sur leurs réseaux
souterrains. Ce sont des ouvertures qui occasionnent fréquemment la dégradation des voies
affectées à la circulation publique en ce sens qu’elles « sont, dans la plupart des cas,
exécutées et comblées de manière non – conformes, déformant le revêtement de la route et
facilitant les infiltrations d’eau de pluie, avec, à terme, une dégradation accélérée et quasi
irréversible de la route514 ».

Les conséquences néfastes de ces travaux sur l’état des voies publiques avaient très top
interpellé les autorités publiques. En effet, ces dernières avaient, dès 1974, procédé à la
règlementation de la pose ou de la dépose de conduites diverses dans l’emprise des routes et
des voies classées pour veiller sur la qualité du réseau routier classé515. Cette règlementation,
instituée par un arrêté ministériel, a été jugé inappropriée par rapport aux sanctions
pécuniaires prévues en la matière. C’est pourquoi elle a été abrogée et remplacée en 2010 par
un nouveau dispositif prévu par un décret516.

Dans le rapport de présentation du nouveau texte, l’autorité règlementaire affirme que


« l’objet du présent décret est d’améliorer la politique de sauvegarde du patrimoine routier
en prévoyant des mesures régissant la pose et la dépose de conduites diverses ainsi que
l’occupation des emprises du réseau routier classé ». Cette volonté s’est matérialisée par la
mise en place d’un dispositif juridique préventif des altérations de la voie publique que les
travaux de pose ou de dépose pourraient occasionner.

La nouvelle règlementation se traduit, en effet, par un assujetissement desdits travaux à


une procédure normale et d’urgence reflétant un véritable suivi et contrôle des travaux de
pose ou dépose effectués par les personnes physiques ou morales. Dans le cadre de la
procédure normale, la première obligation consiste pour le demandeur à obtenir une
autorisation administrative préalable avant de procéder à toute opération de pose ou de dépose
de conduites dans l’emprise des voies et routes du réseau routier classé517. Cette contrainte

514
L. Nguessan, « Le secteur des transports au Sénégal : enjeux et défis pour la réalisation des objectifs de
croissance durable et de réduction de la pauvreté », PFANE-GT Transport, novembre 2009, p. 52.
515
Arrêté ministériel n° 9644 M.T.P.U.T. du 27 août 1974 portant règlement de la pose ou de la dépose de
conduites diverses dans l’emprise des routes et voies classées, JORS N° 4380 du 28 septembre 2008.
516
Voir décret n° 2010-1445 du 4 novembre 2010 relatif à la pose ou dépose de conduites diverses et à
l’occupation des emprises du réseau routier classé, JO préc.
517
Voir article 3 du décret n° 2010-1445 du 4 novembre 2010 relatif à la pose ou dépose de conduites diverses et
à l’occupation des emprises du réseau routier classé, JO préc.

Page 155
permet à l’autorité en charge de la gestion du domaine public routier de fixer les modalités
d’exécution des travaux. Ce qui constitue une garantie à la remise en l’état de l’emprise des
routes dans le respect des normes.

Il est également imposé aux concessionnaires de réseau public une obligation de


déclaration préalable des travaux projetés dans l’année. Le décret relatif à la pose ou dépose
de conduites diverses indique que « nonobstant l’obligation d’informer le mandataire dans
les cas prévus à l’article 5 du présent décret, les concessionnaires de réseau public doivent
faire connaitre chaque année au mois de septembre au plus tard, le programme des travaux
qu’ils projettent de réaliser » 518 . Il est fait obligation auxdits concessionnaires d’aviser
l’Agence des Travaux et de Gestion des Routes (AGEROUTE), au moins trois (03) mois
avant le début de chaque année, les travaux de pose ou dépose qu’ils entendent effectuer.

Le décret précité exige ainsi une déclaration préalable de la part des concessionnaires de
travaux sur l’emprise du réseau routier classé. Cette déclaration commande la possibilité
d’effectuer les travaux evisagés. C’est que précise l’article 7 précité en disposant que « le
non-respect de cette disposition par le concessionnaire de réseau public empêche ce dernier
de procéder à des travaux de tranchées sur les routes nouvellement construites ou
réhabilitées dans un délai qui ne peut être inférieur à sept (07) ans, à compter de la date de
réception provisoire 519 ». Ainsi, tout concessionnaire de travaux sur l’emprise du réseau
routier classé qui faillirait à cette obligation ne saurait effectuer ses travaux et lorsqu’il s’agit
d’une route nouvellement construite, l’interdiction vaut pour sept (07) ans.

Au regard de ces différentes contraintes, l’administration domaniale dispose d’un droit de


regard permanent sur l’ensemble des travaux de pose ou dépose qui sont effectués sur les
emprises du réseau routier classé. Il s’agit d’une présence qui lui permet de suivre et de
contrôler lesdits travaux et de s’assurer, en conséquence, de la préservation de l’état et de la
qualité des routes. Ainsi, toute dégradation du réseau routier serait synonyme de sa carance ou
de son laxisme.

Mais, tout cela suppose que les différents travaux à effectuer soient déclarés et autorisés.
Dans le cas contraire, la mission de sauvegarde des voies publiques de l’AGEROUTE ne
serait-elle pas vaine ? En effet, il indéniable que tous les travaux de pose ou dépose sur le

518
Voir article 7, alinéa 3 du décret n° 2010-1445 du 4 novembre 2010 relatif à la pose ou dépose de conduites
diverses et à l’occupation des emprises du réseau routier classé, JO préc.
519
Voir article 7, in fine du décret n° 2010-1445 du 4 novembre 2010 relatif à la pose ou dépose de conduites
diverses et à l’occupation des emprises du réseau routier classé, JO préc.

Page 156
réseau routier classé ne passent pas par la procédure établie. Si l’on peut avoir une
présomption favorable à l’égard des concessionnaires de réseau public, on peut, par contre,
douter du respect de cette procédure par certaines personnes. D’ailleurs, il n’est pas rare de
constater des excavations de voies publiques par des riverains – personnes physiques ou
morales – et, qui, à la fin de leurs travaux, ne remettent pas en bon état les sections de routes
ouvertes. Ce qui ne devrait pas être le cas si la procédure avait été respectée. L’autorité
gestionnaire des routes aurait dans ce cas la lattitude de contrôler et de s’arrurer de la remise
correcte de la voie publique dans son état. En conséquence les travaux effectués en marge de
la procédure instituée limitent considérablement la mission de prévention des actes de
dégradation du domaine public routier.

Mais, il semble que l’Agence fait face à ces agissements en marge de la règlementation
par une mission de surveillance. En effet, le responsable du service juridique de ladite agence
renseigne que l’AGEROUTE a signé une convention avec un bureau de surveillance dont la
mission est de surveiller le réseau routier classé et de constater les dégradations. A la suite de
ce constat, l’agence adresse une injonction d’arrêt des travaux à la personne incriminée et lui
propose un règlement à l’amiable. Ce dernier consiste pour l’incriminé à arrêter les travaux et
à réfectionner la voirie conformément aux normes et dans les règles de l’art. En cas de refus,
l’agence entreprend une action en justice520. Il apparaît, en conséquence, que la mission de
sauvegarde du réseau routier classé par l’AGEROUTE engloble une phase de prévention et
une phase de surveillance des dégradations des voies publiques.

À côté de l’encadrement des travaux de pose et dépose de conduites diverses sur le réseau
routier classé, la sauvegarde des voies publiques est également assurée par le contrôle de la
charge maximale à l’essieu.

- Le contrôle de la charge maximale à l’essieu

La charge maximale à l’essieu est définie comme « le poids maximal pour l’utilisation en
trafic d’un essieu ou d’un groupe d’essieux chargé521 ». Elle est règlementée par le décret n°
2004-13 du 19 janvier 2004 fixant les règles d’application de la loi n° 2002-30 du 24

520
Informations recueillies lors d’un entretien avec Mme THIAM, responsable du service juridique de
l’AGEROUTE, le 27 décembre 2013.
521
Voir article 1.3. du Règlement n° 14/2005/CM/UEMOA du 16 décembre 2005 relatif à l’harmonisation des
normes et des procédures du contrôle du gabarit, du poids et de la charge à l’essieu des véhicules lourds de
transport de marchandises dans les États membres de l’UEMOA, [en ligne], disponible sur :
www.uemoa.int/sites/default/files/bibliotheque/reglement_14_2005_cm_uemoa.pdf, consulté le 12 janvier 2014.

Page 157
décembre 2002 du code de la route522, notamment les articles B2 et B9 de l’annexe B dudit
décret523.

Il ressort de ces textes que la charge à l’essieu autorisée est fixée à 11, 5 tonnes et que le
poids total autorisé en charge (PTAC), c’est-à-dire « le poids total maximal d’un véhicule
chargé pour son utilisation sur la voie, déclaré admissible par l’autorité compétente » 524,
dépend du nombre d’essieux et dont les limites sont fixées par l’article B2 de l’annexe B du
décret d’application du code de la route précité. La détermination d’une charge maximale à
l’essieu est destinée à éviter la surcharge des véhicules sur le réseau routier classé.

Cela tient au fait que la surcharge des véhicules constitue une source de dégradation des
voies publiques. En effet, le ministère des infrastructures, des transports terrestres et du
désenclavement souligne qu’« au Sénégal, l’extrême surcharge [surcharge dépassant 40% du
poids total autorisé en charge admis par le règlement de l’UEMOA] représente 10% du trafic
poids lourds en surcharge et dégrade à hauteur de 50% les infrastructures routières525 ». Une
étude ménée sur le secteur des transports au Sénégal révélait en 2009 que « 20% seulement du
réseau routier revêtu était en bon état, le reste du réseau routier revêtu étant, soit en mauvais
état, soit en très mauvais état526 ».

L’une des principales causes de cette détérioration du réseau routier classé est imputée à la
surcharge à l’essieu. Cette dernière accélère le viellissement et l’usure des routes et génère des
coûts et remise en état très importants pour l’État. C’est à ce tite que, dans une étude ménée
en 2005 par la Direction des Transports Public (DTP), il a été recommandé « la nécessité de
renforcer le dispositif opérationnel de contrôle de la charge à l’essieu 527 ». Dans la même
période et dans le même contexte, l’Union Economique et Monétaire de l’Oeust Africain
(UEMOA) adopta un Règlement relatif à l’harmonisation des normes et des procédures du

522
Décret n° 2004-13 du 19 janvier 2004 fixant les règles d’application de la loi n° 2002-30 du 24 décembre
2002 du code de la route, JORS N° 6151 du 6 mars 2004.
523
Voir Annexe B du décret n° 2004-13 du 19 janvier 2004 fixant les règles d’application de la loi n° 2002-30 du
24 décembre 2002 du code de la route intitulé « Dispositions applicables aux véhicules automobiles et ensemble
de véhicules », JO préc.
524
Voir article 1.3. du Règlement n° 14/2005/CM/UEMOA du 16 décembre 2005 relatif à l’harmonisation des
normes et des procédures du contrôle du gabarit, du poids et de la charge à l’essieu des véhicules lourds de
transport de marchandises dans les États membres de l’UEMOA, préc.
525
Voir Ministère des infrastructures, des transports terrestres et du désenclavement, « La charge à l’essieu et
préservation du patrimoine routier », [en ligne], disponible sur : www.mittd.gouv.sn/fr/content/la-charge-à-
lessieu-et-preservation-du-patrimoine-routier, consulté le 23 janvier 2018.
526
L. Nguessan, « Le secteur des transports au Sénégal : enjeux et défis pour la realisation des objectifs de
croissance durable et de rédiuction de la pauvreté », PFANE-GT Transport, novembre 2009, p. 47.
527
MIETTMI, Etude sur la gestion du contrôle de la charge à l’essieu, CONSILIUM, Etude DTP, Décembre
2005, non publié.

Page 158
contrôle du gabarit, du poids et de la charge à l’essieu des véhicules lourds de transport de
marchandises dans les États membres de l’UEMOA528. En application de ce Règlement, les
autorités publiques sénégalaises expérimentent le mécanisme de contôle de la charge à
l’essieu institué par ledit Règlement.

Dans le cadre de la sauvegarde du réseau routier des États membres, le Règlement n°


14 préconise un système de contrôle qui commence avant la mise en circulation du véhicule et
qui se poursuit au moment de la circulation.

Relativement au contrôle en amont, le Règlement impose à toutes les plateformes, les


établissements d’entreposage et de stockage, les établissements industriels ou miniers
émettant un trafic routier annuel de marchandises par véhicule lourd de plus de 200 000
tonnes de se doter d’équipements en installations et matériels de vérification des gabarits, les
poids et charges à l’essieu des véhicules lourds au niveau des sources d’émission du trafic et
de procéder à la vérification avant leur mise en circulation529.

Concernant le contrôle en cours de circulation, le Règlement impose à tous les États


membres de mettre en place un système de contrôle sur route de la charge à l’essieu. Cette
exigence englobe à la fois deux types de contrôle pour parer à toute fraude sur la charge des
véhicules. Il s’agit d’un système de contrôle fixe530 et d’un système de contrôle mobile531. Le
premier mécanisme se traduit par la mise en place dans les différents États membres de postes
fixes de contrôle sur route des véhicules routiers lourds.

Ce dispositif est destiné à assurer le pesage des véhicules pour contrôler la charge à
l’essieu et le poids total du véhicule ainsi que la mesure du gabarit, c’est-à-dire « l’ensemble
des trois dimensions, largeur, longueur et hauteur caractérisant la forme de l’ensemble lié et
consolidé du véhicule et de son chargement, ou de l’ensemble de véhicules et de son

528
Voir Règlement n° 14/2005/CM/UEMOA du 16 décembre 2005 relatif à l’harmonisation des normes et des
procédures du contrôle du gabarit, du poids et de la charge à l’essieu des véhicules lourds de transport de
marchandises dans les États membres de l’UEMOA, site préc.
529
Voir article 11.a. du Règlement n° 14/2005/CM/UEMOA du 16 décembre 2005 relatif à l’harmonisation des
normes et des procédures du contrôle du gabarit, du poids et de la charge à l’essieu des véhicules lourds de
transport de marchandises dans les États membres de l’UEMOA, site préc.
530
Voir article 13.1.a. du Règlement n° 14/2005/CM/UEMOA du 16 décembre 2005 relatif à l’harmonisation
des normes et des procédures du contrôle du gabarit, du poids et de la charge à l’essieu des véhicules lourds de
transport de marchandises dans les États membres de l’UEMOA, site préc.
531
Voir article 13.2.a. du Règlement n° 14/2005/CM/UEMOA du 16 décembre 2005 relatif à l’harmonisation
des normes et des procédures du contrôle du gabarit, du poids et de la charge à l’essieu des véhicules lourds de
transport de marchandises dans les États membres de l’UEMOA, site préc.

Page 159
chargement532 ». Quant au second système de contrôle, il consiste pour les États membres de
l’UEMOA de disposer d’équipements mobiles de contrôles outre les postes fixes.

Ce dispositif de contrôle en amont et en aval prend en considération toutes les


possibilités de contournement de la règlementation, notamment les fraudes au niveau des
sources d’émission du trafic ou des pèse-essieux fixes. En effet, les postes de contrôle fixes
permettent de rattraper l’extrême surcharge effectuée par des véhicules en dehors des sources
d’émission du trafic. De même, les pèse-essieux mobiles servent à effectuer des contrôles
inopinés et à arrêter les véhicules surchargés qui auraient échappé aux postes de contrôle
fixes. Il s’agit là de tout un dispositif de dissuasion de toute tentative d’extrême surcharge à
l’essieu.

La mise en œuvre de ce système de contrôle par les États membres de l’UEMOA


constitue un gage de sauvegarde de leur réseau routier. Le Sénégal, faisant de cette dernière
une forte préoccupation, a entrepris l’application du Règlement n° 14. Il avait, à ce titre,
commencé le contrôle sur route, qui a démarré avec les pèse-essieux mobiles et la
construction progressive de seize (16) postes de contrôle fixes dans le cadre d’un contrat de
concession signé avec la société Afrique Pesage en juillet 2012. Dans une communication
récente, le ministère des infrastructures, des transports terrestres et du désenclavement
informe de l’application intégrale du Règlement n° 14 en 2017533.

S’agissant du contrôle au niveau des sources d’émission de trafic, il renseigne que le


Port Autonome de Dakar s’est équipé en pèse-essieux et a démarré à partir du 1er février 2017
le pesage avec délestage et amende. Quant au contrôle sur route, le ministère indique que les
pèse-essieux fixes et mobiles sont opérationnelles depuis le 1er avril 2017 sur toute l’étendue
du territoire national534.

Il ressort de ces informations une réelle volonté de lutte contre l’extrême surcharge à
l’essieu. Le système de contrôle mis en place permet non seulement de prévenir la circulation
de véhicules lourds en surcharge, mais aussi d’intercepter ceux qui le seraient sur les voies
publiques.

532
Voir article 1.3. du Règlement n° 14/2005/CM/UEMOA du 16 décembre 2005 relatif à l’harmonisation des
normes et des procédures du contrôle du gabarit, du poids et de la charge à l’essieu des véhicules lourds de
transport de marchandises dans les États membres de l’UEMOA, site préc.
533
Voir Ministère des infrastructures, des transports terrestres et du désenclavement, « La charge à l’essieu et
préservation du patrimoine routier », [en ligne], disponible sur : www.mittd.gouv.sn/fr/content/la-charge-à-
lessieu-et-preservation-du-patrimoine-routier, consulté le 23 janvier 2018.
534
Idem.

Page 160
Au demeurant, il apparaît que le contrôle en amont de la mise en circulation reste
encore très limité puisque n’étant effectif, pour le moment, que sur une seule source
d’émission de trafic. Ce faible niveau d’équipements des plateformes d’émission de trafic,
même s’il peut être pallié par le contrôle sur route, n’est pas sans conséquences sur les routes.
Les risques de dégradation du réseau routier, compris entre ces établissements non équipés et
les points d’interception par les pèse-essieux fixes ou mobiles, restent réels. Il semble donc
utile de renforcer le contrôle en amont pour mieux garantir la sauvegarde du domaine public
routier.

Au-delà de la garantie de la commodité de l’usage collectif du domaine public, les


pouvoirs publics ont également cherché à assurer la salubrité dudit domaine en s’opposant à
sa pollution.

B / La prohibition de la pollution des dépendances domaniales

La question de la salubrité publique des dépendances domaniales n’a pas été occultée par
la législation. C’est dans le cadre de textes spécifiques que l’on retrouve des dispositions
précises prévenant l’état insalubre de biens faisant partie du domaine public, notamment les
lieux recevant du public (1) et les ressources hydrauliques (2).

1. La prévention de l’insalubrité des dépendances recevant du public

C’est au niveau des voies publiques (a) et du domaine public maritime (b) que l’on
remarque un ensemble de mesures destiné à assurer au public usager un cadre salubre.

a) Au niveau des voies publiques

Le maintien de la salubrité des voies affectées à la circulation publique a été pris en


compte dans le cadre de la règlementation des ordures ménagères 535 . C’est le décret
règlementant l’évacuation et le dépôt des ordures ménagères qui a instauré un mécanisme de
nettoiement qui ne laisse point de possibilité de salissement des dépendances domaniales
affectées à la circulation publique.

D’un côté, ladite règlementation prévoit un système de balayage, somme toute


prétentieux, qui incombe à la fois aux autorités locales et aux populations riveraines des voies

535
Voir le décret n° 74-338 du 10 avril 1974 règlementant l’évacuation et le dépôt des ordures ménagères, JORS
N° 4354 du 10 avril 1974.

Page 161
publiques. En effet, selon que la collectivité locale dispose ou non d’un service de balayage, il
est fait respectivement obligation aux propriétaires riverains des voies livrées à la circulation
publique d’assurer la propreté du trottoir qui les concerne ou de balayer ou faire balayer, après
arrosage, les façades de leurs propriétés sur une largeur égale à celle de la moitié desdites
voies536.

D’un autre côté, le décret n° 74-338 fait assortir le mécanisme de nettoiement des voies
publiques d’une interdiction d’en faire des dépotoirs d’ordures. Il dispose en effet qu’ « il est
interdit de déposer les ordures ménagères sur la voie publique, que ces ordures soient mises
en tas ou dans des récipients collectifs. Toutefois, lorsque les nécessités de la collecte
l’exigent, l’autorité locale peut, exceptionnellement, par arrêté, fixer des points de collecte où
ces ordures sont déposées dans des récipients collectifs537 ». Ce qui est loin d’être le cas ; il
n’existe point de lieux déterminés de collecte des ordures.

L’analyse de cette règlementation montre sans nul doute que les pouvoirs publics se sont
préoccupés de la propreté des voies publiques. Le système mis en place reflète une volonté
manifeste d’offrir au public usager desdites voies un cadre salubre. Il responsabilise non
seulement les collectivités locales, mais aussi les populations elles-mêmes dans la prise en
charge de la salubrité du domaine affecté à l’usage de tous. Ce qui laisse entrevoir une
impossibilité de faire dudit domaine un espace insalubre, un dépotoir anarchique d’ordures.

Une bonne coordination des actions des acteurs ciblés devrait conduire à assurer la
salubrité publique recherchée. En effet, les collectivités publiques ont, dans le cadre de leur
mission de police administrative, la responsabilité d’assurer le bon ordre, qui englobe, outre la
sûreté et la tranquilité publiques, la salubrité 538 . Ainsi, la prévention de l’insalubrité les
incombe en premier lieu. À ce titre, elles devraient rendre effectives les exigences faites par
les textes.

Il semble que c’est à ce niveau que la règlemention mise en place manque d’effectivité.
En effet, le domaine public affecté à l’usage de tous est fortement marqué par une certaine
insalubrité. Les ordures jonchent à tout bout de champ les voies publiques, les dépotoirs
sauvages d’ordure se font pêle-mêle sur la voirie et beaucoup de dépendances du domaine

536
Voir article 3, alinéas 1 et 2 du décret n° 74-338 du 10 avril 1974 règlementant l’évacuation et le dépôt des
ordures ménagères, JO préc.
537
Voir article 4 du décret n° 74-338 du 10 avril 1974 règlementant l’évacuation et le dépôt des ordures
ménagères, JO préc.
538
Voir article 119, alinéa 1 de la loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 portant code général des collectivités
territoriales au Sénégal, JORS N° 6765 du 28 décembre 2013.

Page 162
public routier serevent d’urinoir, de satisfaction de besoin naturel et de déversement d’eaux
usées. Toutes choses qui sont dues à une quasi-inexistence de points de collecte indiqués des
ordures, à une insuffisance de bacs à ordure au niveau des voies et espaces publics et à une
inexistence de toillettes publiques.

Tous ces manquements des pouvoirs publics font que la mission de salubrité publique est
vouée à l’échec. Le préalable à la salubrité publique fait pour le moment défaut. Il faut que
tout ce système soit mis en place pour que les usagers des voies et lieux publics puissent
suivre la politique de salubrité entreprise. Sans cela, il est vain d’exiger des populations un
comportement irréprochable en matière de salubrité. L’accomplissement par les pouvoirs
publics de ces impératifs à l’existence d’un cadre de vie salubre au niveau des voies publiques
semble donc conditionner l’attitude responsable du public usager. Lorsque ces outils sont
existants, il serait possible aux autorités en charge de la gestion de ce domaine de réprimander
et de sanctionner les récalcitrants.

La même exigence de salubrité que le domaine public routier se retrouve par ailleurs au
niveau des dépendances maritimes.

b) Au niveau des dépendances maritimes

Les pouvoirs publics ont cherché à assainir l’espace naturel littoral. C’est dans ce cadre
que les parties législative et règlementaire du code de l’environnement interdisent « tous
déversements, écoulements, dépôts directs ou indirects, tout fait en général susceptible de
polluer les eaux continentales ou marines ; tous rejets à partir de la côte d’eaux de toutes
substances usées, de déchets industriels, de toutes substances solides ou liquides toxiques
pouvant entrainer la pollution des plages et des zones littorales539 ». De même, les pouvoirs
publics se sont également préoccupés de la propreté des dépendances portuaires en défendant
tout jet de décombres, ordures et autres matières dans les eaux portuaires et de leurs
dépendances ou d’y verser des liquides insalubres540.

En plus de ces prohibitions, l’autorité règlementaire a également prévu un dispositif de


contrôle de la qualité des eaux de baignade. Elle a retenu que « les services du ministère de la
santé et de l’environnement et tout autre service compétent en la matière effectuent un
539
Voir articles L 63 et L 64 de la loi n° 2001-01 du 15 janvier 2001 portant code de l’environnement, JORS N°
5972 du 10 mars 2001 ; article R 56 du décret n° 2001-282 du 12 avril 2001 portant application du code de
l’environnement, JORS N° 5985 du 5 mai 2001.
540
Voir article 2, alinéa 2.a) de la loi n° 2010-09 du 23 avril 2010 relative à la police des ports maritimes, JORS
N° 6559 du 4 décembre 2010.

Page 163
contrôle trimestriel des zones de baignade pour évaluer leur degré de salubrité et s’assurer
que la qualité des eaux répond aux normes fixées par l’arrêté interministériel. En cas de
pollution constatée, ces services interdisent purement et simplement la baignade 541 ». La
combinaison de ces dispositions montre que le domaine public maritime fait l’objet d’un
encadrement qui s’oppose à toute pratique incommodant son utilisation. Il s’agit d’un
encadrement juridique qui combine à la fois interdictions et contrôle régulier de la qualité des
eaux. À ce titre, toute violation des interdictions qui affecterait défavorablement les
ressources hydriques sera constatée par le contrôle trimestriel. Il s’agit d’un ensemble de
prescriptions nécessaires à la préservation de la qualité de l’eau et de la grève permettant aux
usagers de se mouvoir dans un espace sain.

En outre, ce dispositif renferme des préoccupations d’ordre environnemental. Il crée une


imbrication entre la protection de l’intégrité physique du domaine public et celle de
l’environnement. En effet, empêcher la pollution du milieu marin, c’est éviter « tout acte
susceptible d’affecter défavorablement une utilisation du milieu profitable à l’homme ; de
provoquer ou de risquer de provoquer une situation préjudiciable à la santé, à la sécurité et
au bien-être de l’homme, à la flore, à la faune, à l’atmosphère, aux eaux et aux biens
collectifs et individuels 542 ». Ainsi, les mesures de préservation de la propreté des
dépendances maritimes constituent des règles de conservation et d’utilisation durable des
ressources environnementales. Elles sont destinées à protéger le milieu profitable à l’homme,
à la flore et à la faune marine de toute situation préjudiciable à leur bien-être.

Il faut relever que l’interdiction absolue de dépôt de déchets sur le domaine public
maritime 543 manque d’effectivité. Dans certaines localités, une partie du domaine public
maritime, notamment la plage, est difficilement fréquentable à cause de son état insalubre.
Les populations riveraines, confrontées aux difficultés de la collecte des ordures ménagères et
de l’absence de réseau d’assainissement, font de la plage le réceptacle de leurs ordures et eaux
usées. À cela s’ajoute les déversements effectués par les sociétés industrielles installées dans
les alentours. L’affirmation de Mamadou Aliou Diallo est édifiante sur la question. Celui-ci

541
Voir article R 58 du décret n° 2001-282 du 12 avril 2001 portant application du code de l’environnement, JO
préc.
542
Voir article L 2-25. de la loi n° 2001-01 du 15 janvier 2001 portant code de l’environnement, JO préc.
543
Voir article L 35, alinéa 2 de la loi n° 2001-01 du 15 janvier 2001 portant code de l’environnement, JO préc.

Page 164
écrit que « les plages de Pikine ne sont plus fréquentables, praticables du fait de la pollution
des eaux par les usines de la SOTIBA et les déversements des déchets de la SERAS544 ».

Le manque de rigueur dans l’application de la règlementation bien élaborée entraîne un


laisser aller total au niveau de cet espace sensible du domaine public. À titre illustratif, nous
pouvons prendre le cas de la Baie de Hann qui est devenue très polluée et toxique alors
qu’elle faisait jadis partie parmi les plus somptueuses baies du monde avec la baie de Rio de
Janeiro au Brésil545. Située sur la façade orientale de la presqu’île du Cap Vert, elle occupe
une position stratégique ayant favorisé l’implantation d’unités industrielles et d’infrastructures
portuaires. Selon une étude de la Direction de l’Environnement et des Établissements Classés
(DEEC), des quatités importantes d’eaux usées sont rejetées sur la baie par les industries
installées sur le domaine portuaire546. Ainsi, les causes de la situation écologique critique de
la baie de Hann sont liées à la proximitéde de la zone industrielle et ses déversements
d’effluents non assainis, et non contrôlés, ainsi que l’eutrophisation massive provoquée par
les effluents urbains 547. Des causes qui témoignent alors du laxisme qui règne en matière
d’application et de respect de la règlementation. C’est ce que relèvent d’ailleurs les rédacteurs
du rapport d’Aide Transparency sur le domaine public martime de Dakar. Ces derniers
soutiennent que « la suroccupation [de la Baie de Hann] a accéléré la dégradation du milieu
marquée par la pollution des eaux, l’insalubrité de la plage, et la prolifération de certaines
maladies, et s’est faite en méconnaissance des textes relatifs à l’hygiène, à l’environnement, à
l’eau et à l’urbanisme548 ».

Au total, il ne se pose pas un problème d’absence règlementation interdisant la pollution


du domaine public maritime ; au contraire, c’est une inapplication des textes existants qui est
à l’origine de la situation de dégradation avancée des dépendances du domaine public
maritime. Ainsi, là où l’observation rigoureuse des prescriptions textuelles devrait rendre ce
domaine propre, attractif et générateur de richesse pour les collectivités publiques, le laxisme

544
M.-A. Diallo, « La difficle gestation d’un droit littoral au Sénégal », Thèse, UCAD, Dakar, 2012, p. 241.
545
M. Bonnin, I. Ly, B. Queffelec et M. Ngaido, (eds), 2016. Droit de l’environnement marin et côtier au
Sénégal, IRD, PRCM, Dakar, Sénégal, p. 292.
546
Voir Direction de l’Environnement et des Établissements Classés, 2005, Étude sur la gestion de la pollution
industrielle dans la baie de Hann, Partie III-Étude des stratégies de contrôle de la pollution.
547
M. Bonnin, I. Ly, B. Queffelec et M. Ngaido, (eds), 2016. Droit de l’environnement marin et côtier au
Sénégal, op.cit. ; p. 292.
548
Aide Transparence, Le domaine public maritime de Dakar : élites, pouvoir et impunité, Etude réalisée par J.-
H. Sy (dir.), M.-A. Diallo et P.-S. Kane, Dakar, 2009, p. 59.

Page 165
de ces dernières en fait un espace pollué dans certains endroits, source de maladies pour les
hommes, de dégradation de la faune et de la flore marine, et budgétivore549.

De même que les dépendances domaniales recevant du public, les ressources


hydriques font également l’objet d’une protection contre l’insalubrité.

2. La prévention de l’insalubrité des ressources hydrauliques

La nécessité de préserver la qualité des ressources en eau semble constituer une exigence
pour les pouvoirs publics. Considérées comme partie intégrante du domaine public 550 , les
ressources hydrauliques sont entourées d'un ensemble de mesures visant à prévenir leur
altération.

C’est à ce titre que le législateur manifeste clairement sa volonté de soustraire l’eau de


toute « utilisation anarchique, tout gaspillage, tout acte entrainant volontairement ou
involontairement sa pollution, tous faits qui vont à contre-courant de l’intérêt général551 ». La
matérialisation de cette volonté s’est traduite par la mise en place de polices de protection des
eaux (a) et par l’adoption d’une norme règlementant le rejet des eaux usées (b).

a) L’institution de polices de protection des eaux


La protection des ressources en eau avait donné lieu, à la suite de l’adoption du code de
l’eau, à la mise en place d’un réseau de suivi basé sur la collecte et le traitement des données
relatives aux caractères physio-chimiques des nappes d’eau souteraines et des cours d’eau. Il
s’agissait d’un dispositif destiné à assurer le suivi de l’évolution quantitative et qualitative des
ressources en eau. Mais, à la fin des années 1990, les autorités publiques ont constaté que les
dispositions prises ne permettaient pas une gestion efficace des eaux. Elles ont imputé cette
situation à l’absence d’une règlementation rigoureuse relative à l’utilisation des ressources
hydriques.

Pour pallier à cette insuffisance, les pouvoirs publics ont considéré qu’il est devenu urgent
de mettre en place un cadre institutionnel et juridique en vue de la protection des ressources

549
Pour le cas de la baie de Hann, un projet de dépollution a été initié en application du principe pollueur payeur
dont le financement est estimé à hauteur de 33 milliards de francs CFA en vue de la construction d’un collecteur
gravitant en front de mer sur 13 km, une station d’épuration et un émissaire en mer de 3 km de longueur
(Archives Enda Tiers monde, Journal Le Soleil du Samedi 7 et dimanche 8 janvier 2012).
550
Voir article 2 de la loi n° 81-13 du 14 mars 1981 portant code de l’eau, JORS N° 4828 du 11 avril 1981.
551
Voir Exposé des motifs de la loi n° 81-13 du 14 mars 1993 portant code de l’eau, JO préc.

Page 166
en eau552. C’est de là que sont nées la police de l’eau553, puis la police de la pollution554,
respectivement pour les eaux souteraines et de surface, et les eaux maritimes.

Ces polices spéciales s’identifient à un ensemble de mesures juridiques visant à assurer la


qualité des ressources en eau. S’agissant de la police de l’eau, le décret y afférant dispose que
« les dispositions du présent chapitre ont pour objet la lutte contre la pollution des eaux et
leur regénération […]555 ». Quant à la police de la pollution, le code la marine marchande
retient que « les dispositions du présent livre ont pour objet la protection des eaux de la mer
contre toute pollution, de manière à satisfaire ou à concilier, lors des différents usages,
activités ou travaux, les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile,
[…] 556 ». C’est à travers ces dispositions que les textes déterminent les polices de protection
des eaux.

Ainsi, la police de l’eau comme celle de la pollution correspondent à un dispsoitif


juridique ayant pour finalité de préserver la qualité des eaux souteraines et de surface, ainsi
que maritimes. Le code de l’environement illustre parfaitement ce point de vue en disposant, à
propos de la police de l’eau, que c’est « l’ensemble des règles destinées à protéger les
ressources hydrauliques par la surveillance et le contrôle de la qualité de l’eau en vue de
prévenir sa pollution557 ».

La mise en place de ces polices spéciales s’inscrit essentiellement dans une perspective de
lutte contre la pollution de l’eau et celle du milieu marin. En effet, à la différence du sytème
de suivi initialement retenu, le nouveau cadre juridique pose des interdictions assorties de
sanctions. Il s’agit d’un système qui ne se contente plus de procéder au constat de la bonne ou
mauvaise qualité de l’eau et d’y remédier, mais il s’agit d’une règlementation qui prévient la
détérioration de la qualité des ressources hydrauliques et réprime les auteurs d’actes de
pollution.

Pour les eaux souterraines et de surface, le décret portant police de l’eau consacre
qu’ « aucun déversement, écoulement, rejet, dépôt direct ou indirect dans une nappe

552
Voir Rapport de présentation du décret n° 98-556 du 25 juin 1998 portant application des dispositions du
Code de l’eau relatives à la police de l’eau, JORS N° 5814 du 8 août 1998.
553
Voir décret n° 98-556 du 25 juin 1998 portant application des dispositions du code de l’eau relatives à la
police de l’eau, JO préc.
554
Voir loi n° 2002-22 du 16 août 2002 portant code de la marine marchande, JORS N° 6060 du 17 août 2002.
555
Voir article 2 du décret n° 98-556 du 25 juin 1998 portant application des dispositions du code de l’eau
relatives à la police de l’eau, JO préc.
556
Voir article 576 de la loi n° 2002-22 du 16 août 2002 portant code de la marine marchande, JO préc.
557
Voir article L 2-30. de la loi 2001-01 du 15 janvier 2001 portant code de l’environnement, JO préc.

Page 167
souterraine ou un cours d’eau susceptible d’en modifier les caractéristiques […], ne peut être
fait sans autorisation accordée, après enquête, par les ministères chargés de l’hydraulique et
de l’assainissement558 ». S’agissant du milieu marin, le code de l’environnement ainsi que le
code de la marine marchande prohibe tout rejet, écoulement et déversement, direct ou
indirect, des substances nuisibles à la qualité des eaux continentales et/ou de mer559.

Ces différentes interdictions s’opposent à tout fait susceptible de rendre les ressources en
eau impropres à la consommation et à tout autre usage légitime auxquelles elles sont
destinées. On cherche à préserver les caractéristiques physiques ou biologiques de cette
composante du domaine public. En tant que bien destiné à l’usage de tous, l’intégrité
physique de l’eau ne doit pas être altérée de sorte à compromettre la santé des ses
destinataires. C’est cela qui explique également l’adoption d’une norme règlementant les
rejets d’eaux usées.

b) L’adoption d’une norme règlementant les rejets d’eaux usées


Les dispositions précitées de la partie législative et règlementaire du code de
l’environnement ont été complétées par d’autres mesures règlementant les rejets d’eaux usées,
notamment les eaux d’origine industrielle (toutes les eaux résiduaires issues d’un procédé
industriel) et les eaux d’origine domestique (toutes les eaux usées issues des ménages). Il
s’agit notamment de la norme NS 05-061 et son arrêté d’application du 15 mars 2002560.

S’agissant de la norme NS 05-061, elle règlemente toute forme de rejet des eaux usées
dans les milieux récepteurs tels que les eaux de surface, souterraines ou marines. Elle a, ce
titre, prescrit des valeurs seuils définissant les caractéristiques physio-chimiques des rejets
liquides dans des milieux récepteurs. Ainsi et comme le souligne une note de la Direction de
l’Environnement et des Établissements Classés (DEEC), la norme NS 05-061 interdit « tout
rejet d’effluents liquides pouvant entrainer des stagnations, des incommodités pour le
voisinage, ou des pollutions des eaux de surface, souterraines ou marines »561.

558
Voir article 13, alinéa 1 du décret n° 98-556 du 25 juin 1998 portant application des dispositions du code de
l’eau relatives à la police de l’eau, JO préc.
559
Voir article L 63 de la loi n° 2001-01 du 15 janvier 2001 portant code de l’environnement, JORS N° 5972 du
10 mars 2001 ; article 597, aliéna 1 de la loi n° 2002-22 du 16 août 2002 portant code de la marine marchande,
JO préc.
560
Arrêté interministériel n° 1555 en date du 15 mars 2002 fixant les conditions d’application de la norme NS
05-061 sur les rejets d’eaux usées, JORS N° 6058 du 3 août 2002.
561
Voir Note sur les dispositions nationales prises face à l’érosion côtière au Sénégal,
MEPN/DEEC/DCCPL/agd sans numéro, juillet 2012.

Page 168
Pour la mise en œuvre de ces mesures protectrices de l’environnement, l’arrêté
d’application de la norme NS 05-061 consacre deux zones avec des régimes à degré de
protection inégal.

Il préconise une première zone où il est souhaité d’arriver à aucun niveau de rejet d’eaux
usées. Celle-ci couvre « les milieux à usages multiples (lacs, étangs, mares et réserves d’eau),
surtout pour l’alimentation humaine et animale, la pêche, l’approvisionnement en eau à
usage alimentaire (procédé industriel) où un niveau de rejet zéro est à atteindre » 562 . La
formulation de cette disposition préconise un idéal à atteindre, c’est-à-dire zéro niveau de
rejet, tout en n’occultant pas la possibilité de rejet d’eaux usées dans ces milieux à usages
multiples.

Il y a, à ce niveau, une certaine prise en compte des réalités du monde rural. En effet, dans
ces endroits, ce sont les mares, les rivières qui servent encore à la fois à l’alimentation
humaine et animale, et aux emplois domestiques, notamment de lavage du linge. En
conséquence, les eaux issues de ces travaux se déversent directement dans les réceptacles
considérés ci-haut. Même si de telles pratiques ne sont pas souhaitables, il serait superflu de
vouloir les interdire systématiquement compte tenu des réalités du milieu.

La seconde zone instituée par l’arrêté ci-dessus concerne les milieux qu’il considère
comme des « zones à protection spéciale… où les niveaux de rejet sont plus
contraignants »563. Il s’agit de certaines mers fermées et baies, comme la baie de Hann. Pour
cette seconde zone, les rejets d’eaux usées ne peuvent avoir lieu que sur la base « d’un
protocole d’accord entre le générateur de l’effluent, le gestionnaire de la station d’épuration
et le ministre chargé de l’environnement »564. C’est le cas essentiellement en matière de rejet
d’eaux usées par les unités industrielles. Pour que ces dernières puissent rejeter leurs eaux
usées sur la mer, il faut au préalable un protocole d’accord. Celui-ci a pour objet, à la suite
d’ « études d’impacts au cas par cas »565 de préciser « les caractéristiques exigées pour le
rejet de l’effluent et les obligations qui incombent au générateur de l’effluent » 566 . Ceci

562
Voir article 2 de l’arrêté interministériel n° 1555 du 15 mars 2002 fixant les conditions d’application de la
norme NS 05-061 sur les rejets d’eaux usées, JO préc.
563
Idem.
564
Voir article 3 de l’arrêté interministériel n° 1555 en date du 15 mars 2002 fixant les conditions d’application
de la norme NS 05-061 sur les rejets d’eaux usées, JORS N° 6058 du 3 août 2002.
565
Voir paragraphe 2.2.du chapitre 3, section 2de la norme NS 05-061 sur les rejets d’eaux usées, préc.
566
Voir article 4 de l’arrêté interministériel n° 1555 en date du 15 mars 2002 fixant les conditions d’application
de la norme NS 05-061 sur les rejets d’eaux usées, JO préc.

Page 169
permet à l’autorité administrative de s’assurer que les eaux rejetées sur la mer ne sont pas de
nature à modifier ses principales caractéristiques.

Ce dispositif s’accompagne aussi d’un mécanisme de contrôle et de surveillance afin


de protéger les milieux récepteurs. La norme NS 05-061 instaure une obligation de
prélèvement avant rejet dans le milieu récepteur, suivi d’analyses, au moins deux fois par an,
de chaque rejet.

L’objectif poursuivi par ces prélèvements obligatoires est de « permettre la maitrise


des caractéristiques physiques, chimiques, bactériologiques selon le cas, des effluents rejetés
... la détermination du degré de pollution des effluents, et du taux de la taxe à payer par
l’exploitant »567. Il s’agit là d’un dispositif qui permet de s’assurer que les eaux usées rejetées
n’altéreront en aucun cas la qualité des eaux du milieu récepteur. Ce faisant, elles pourront
satisfaire correctement les multiples usages auxquels elles sont destinées.

À côté de ce cadre juridique visant à empêcher l’altération de la qualité des


dépendances domaniales, le maintien de l’intégrité physique desdites dépendances implique
aussi qu’elles soient bien entretenues.

Paragraphe 2 : L’obligation d’entretien du domaine public

La protection de l’intégrité physique du domaine public passe également par


l’entretien des dépendances domaniales.

Au sens général, l’entretien se définit comme les « soins, réparations, dépenses


qu’exigent le maintien de certaines choses en bon état 568 ». Au sens du droit domanial,
l’entretien peut être entendu « comme l’opération ayant pour but de garder le domaine dans
un bon état afin qu’il soit utilisable par le public auquel il est destiné569 ». Il s’agit du moyen
normal destiné à maintenir les dépendances domaniales dans un état à répondre correctement
à leur destination.

Cet entretien du domaine public semble constituer une contrainte juridiquement


sanctionnée, c’est-à-dire une opération qui incombe aux personnes en charge de la gestion
des dépendances domaniales, à défaut de laquelle leur responsabilité pourra être engagée.

567
Voir paragraphe 1.4 du chapitre 3, section 1 de la norme NS 05-061 sur les rejets d’eaux usées, préc.
568
V. Cabrol, « L’obligation d’entretien du domaine public », Droit et Ville n° 52/2001, p. 233.
569
Idem.

Page 170
L’obligation d’entretien du domaine public sera alors envisagée du point de vue de son
régime juridique, à savoir la contrainte aux gestionnaires dudit domaine à son entretien (A) et
l’engagement de leur responsabilité pour défaut d’entretien (B).

A / La contrainte des gestionnaires à l’entretien du domaine

À l’analyse des textes, l’obligation d’entretien se présente comme la manifestation du


pouvoir de gestion des dépendances domaniales. L’entretien des biens qui constituent le
domaine public s’impose à l’ensemble des personnes qui assurent la gestion desdits biens. Il
s’agit à la fois de la personne publique étatique (1) et des personnes bénéficiaires d’un
transfert de gestion (2).

1. L’obligation d’entretien à la charge de l’État


Aux termes de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État,
l’obligation d’entretien des dépendances domaniales incombe, en premier lieu, à l’État
propriétaire du domaine public. Cette obligation trouve son fondement dans le pouvoir de
gestion de l’administration domaniale. En effet, le législateur retient que « l’État assure la
gestion du domaine public naturel. Il gère les dépendances du domaine public artificiel
[…] 570 ». Au-delà de ce pouvoir de gestion, la personne publique étatique est également
assujettie à l’obligation d’entretien sur le fondement de sa responsabilité en matière de
travaux publics. Elle a l’obligation de maintenir les ouvrages publics dans des conditions
acceptables de réception du public usager. Cette obligation charge l’État à entretenir son
domaine public afin qu’il puisse répondre au besoin de son affectation 571 . Dans le cas
contraire, il ne pourra plus, à la longue, servir au besoin du public usager ou des services
publics affectataires.

Cette obligation d’entretien se manifeste plus nettement au niveau des différentes


composantes du domaine public. À titre d’exemple, la loi n° 74-20 du 24 juin 1974 portant
classement du réseau routier national et fixant le régime domanial de ce réseau dispose que
« le classement d’une route ou son reclassement à la catégorie supérieure ne peut être
prononcé que dans la mesure où les dépenses d’entretien ont été prévues par la loi de

570
Voir article 10 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JORS N° 4506 du 28
juillet 1976.
571
A. Ley, Le régime domanial et foncier et le développement économique de la Côte d’Ivoire, Paris, L.G.D.J.,
1972, p. 80.

Page 171
finances de l’année où intervient le classement ou le reclassement 572 ». À travers cette
disposition, le législateur assujettit l’entrée d’une route dans le réseau routier classé à
l’inscription des dépenses nécessaires à son entretien par la loi de finances.

On peut en déduire que c’est parce que l’administration est soumise à une obligation
d’entretien du domaine public qu’elle est contraint de prévoir les dépenses afférentes à cette
opération. Si l’entretien ne constituait pas un devoir pesant sur la personne publique étatique,
le législateur n’irait pas jusqu’à conditionner l’élargissement du domaine public routier à la
prévision des dépenses d’entretien. Donc, comme l’ont soutenu Charles Debbasch et autres,
« l’administration propriétaire du domaine public a l’obligation d’entretenir ce domaine.
C’est une obligation à laquelle elle ne peut se soustraire573 ».

Il s’avère utile de préciser que les textes ne précisent pas le caractère de l’obligation
d’entretien. Mais, il semble que l’État est soumis à une obligation de moyens et non à une
obligation de résultat car aucun objectif ne lui est fixé a priori dans le cadre de la protection
domaniale574.

Cette obligation fait peser sur la personne publique étatique la charge de procéder aux
travaux d’entretien nécessaires pour conserver aux biens du domaine public la destination
qu’ils ont reçue575. Elle doit non seulement apporter aux dépendances domaniales les soins
nécessaires à leur maintien en état de satisfaire correctement à leur affectation, mais aussi
remédier à leurs dégradations éventuelles. Ainsi, un certain nombre d’actions incombe à
l’État, mais il s’agit de travaux d’entretien qui diffèrent en fonction des différentes
composantes du domaine public.

Sans prétendre à l’exhaustivité, l’on peut se baser sur quelques dépendances


domaniales, notamment les domaines publics routier et fluvial, pour présenter des travaux
d’entretien qui peuvent être entrepris par l’État en exécution de son obligation.

S’agissant de l’entretien du réseau routier classé, il est confié depuis 2010 à


l’AGEROUTE Sénégal576. Il résulte des dispositions instituant cette agence que celle-ci « est

572
Voir article 8 de la loi n° 74-20 du 24 juin 1974 portant classement du réseau routier national et fixant le
régime domanial de ce réseau, JORS N° 4367 du 20 juillet 1974.
573
C. Debbasch, J. Bourdon, J.-M. Pontier, J.-C. Ricci, Droit administratif des biens, 3e éd., Paris, PUF, 1999, p.
150.
574
V. Cabrol, « L’obligation d’entretien du domaine public », Droit et ville, 2002, n° 53-54, p. 218.
575
J. Dufau, Le domaine public, tome 1, Éd. Le Moniteur, 1986, p. 299.
576
Depuis 2010, l’entretien et la gestion du réseau routier national sont pris en charges par l’AGEROUTE
Sénégal. Cette agence d’exécution a remplacé l’Agence Autonome des Travaux Routiers (AATR), mise en place

Page 172
chargée de la mise en œuvre de tous les travaux (…) d’entretien des routes, des ponts et
autres ouvrages d’art…577 ». Pour la concrétisation de cette mission, l’AGEROUTE assure
des travaux d’entretien de deux ordres afin de fournir aux usagers une offre routière
satisfaisante.

Il s’agit d’une part de travaux d’entretien courant, et d’autre part de travaux d’entretien
périodique.

Les premiers sont des travaux constitués d’interventions légères et récurrentes de


maintenance. En effet, la voirie fait souvent l’objet de dégradations avec « les nids de
poules », ou bien de végétation au niveau de ses emprises qui nécessitent des entretiens
courants. Dans ce cadre, l’agence procède au bouchage des nids de poule, au curage des
fossés et au débroussaillage.

Pour mieux maîtriser ces travaux d’entretien récurrents sur l’étendue du territoire
national, l’AGEROUTE a entrepris une politique de décentralisation de sa mission
d’entretien. Celle-ci consiste en la mise en place d’un système de cantonnage manuel au
niveau de chaque collectivité locale. Selon Pierre Sène, cette mission est « confiée à des
bureaux de contrôle qui sont chargés de recruter des cantonniers, de les former aux métiers
d’entretien récurrent de la voirie et de suivre la qualité d’exécution des travaux »578. Il s’agit
là d’une politique qui vise à rapprocher les acteurs de l’entretien du réseau routier aux lieux
d’intervention et à réduire considérablement les retards d’intervention qui sont souvent des
facteurs d’aggravation de l’état de dégradation de la voirie.

Quant aux travaux d’entretien périodique, il s’agit de travaux qui sont relatifs à des
interventions semi lourdes. C’est le cas notamment de dégradations très avancées de la
chaussée où le revêtement devient un impératif. Dans ce cas, l’AGEROUTE est appelée à
intervenir afin de préserver la structure de la chaussée. Son action se traduira par le
renouvellement de la couche de surface de la chaussée. Il s’agit ici d’une réfection totale de la
chaussée qui est dégradée.

en 2000 pour corriger les dysfonctionnements de l’ancienne Direction des Travaux Publics (voir rapport de
présentation du décret n° 2010-430 du 1er avril 2010 portant création et fixant les règles d’organisation et de
fonctionnement de l’Agence des Travaux et de Gestion des Routes (AGEROUTE Sénégal), JORS N° 6560 du 11
avril 2010.
577
Voir article 2 du décret n° 2010-430 du 1er avril 2010 portant création et fixant les règles d’organisation et de
fonctionnement de l’AGEROUTE, JO préc.
578
Propos recueillis lors d’un entretien avec M. Pierre Sène, Administrateur Technique et Financier du Fonds
d’Entretien Routier Autonome (FERA), le 27 décembre 2013.

Page 173
Concernant le domaine public fluvial, les travaux d’entretien s’effectuent
essentiellement au niveau des fleuves, des cours d’eau et des lacs. A ce niveau, les actions de
la personne publique étatique peuvent consister soit au dragage et au curage des voies
navigables, soit au faucardrage de certaines plantes envahissantes, comme le typha.

Dans la première catégorie de travaux, l’entretien porte essentiellement sur le maintien


ou l’augmentation de la profondeur du niveau des eaux, mais également sur le dégagement
des zones d’eau ensablées. Il s’agit de travaux d’entretien destinés à faciliter la navigabilité et
à améliorer la sécurité de la navigation sur les fleuves, lacs ou cours d’eau. Dans la seconde
catégorie, l’entretien consiste à couper et exporter les herbacées qui rendent difficile l’accès à
l’eau, freinent l’écoulement des eaux au niveau des canaux ou bloquent les pompes. Ce sont
des travaux d’entretien qui permettent d’améliorer la disponibilité de l’eau pour ses différents
usages (pêche, agriculture, transport, eau potable).

Au regard de ce qui précède, les travaux d’entretien du domaine public représentent


des opérations indispensables à la conservation matérielle des dépendances domaniales. C’est
pourquoi la personne publique étatique doit se doter d’une politique d’entretien appropriée
pour l’ensemble des composantes du domaine public. En termes d’actions, c’est le domaine
public routier qui bénéficie plus d’une programmation optimale pour son entretien. En effet,
l’État a mis en place une agence spécifiquement dédiée à la gestion des routes (AGEROUTE).
Dans le cadre de ses missions, l’AGEROUTE est chargée d’élaborer un programme
d’entretien routier annuel (PERA)579. Ainsi, le réseau routier classé fait, chaque année, l’objet
d’un programme d’entretien dont la mise en œuvre s’articule autour de travaux d’entretien
courant, périodique, de conservation des ouvrages hydrauliques et de cantonnage580.

Un tel dispositif n’est pas reproduit pour les autres dépendances domaniales. En effet,
concernant les travaux d’entretien des fleuves, cours d’eau, bras de mer et lacs, par exemple,
les opérations de dragage sont presque inexistantes. Le dragae du fleuve Casamance en 2015
s’avère être la première en la matière 581 . La rareté de ces travaux d’entretien fait que la
navigabilité sur les eaux intérieurs du Sénégal est pratiquement impossible pour les gros

579
Voir article 2, alinéa 2 du décret n° 2010-430 du 1er avril 2010 portant création et fixant les règles
d’organisation et de fonctionnement de l’AGEROUTE, JO préc.
580
Voir Rapport de présentation du programme d’entretien routier annuel (PERA) 2016, Ministère des
infrastructures, des transports terrestres et du désenclavement, AGEROUTE, novembre 2015, p. 12, [en ligne],
disponible sur : www.ageroute.sn/index.php/rapports-de-presentation-pera.html?view=docman, consulté le 16
mars 2016.
581
Voir « Casamance : les travaux de dragage du fleuve lancés », [en ligne], disponible sur :
www.anam.gouv.sn/nod/30, consulté le 18 mars 2016.

Page 174
navires. De même, l’existence de beaucoup de bras de mer et de vallées est menacée par
l’ensablement.

Lorsque nous nous limitons sur ces composantes du domaine public, les travaux
d’entretien qui incombe à la personne publique étatique sont en priorité orientés vers le
domaine public routier. Ce choix s’explique par le rôle important des infrastructures routières
dans l’économie du pays. Ces dernières assurent, en effet, plus de 80% des besoins en
déplacements et constituent le patrimoine le plus important de l’État582.

Si cette priorisation se justifie, il s’avère également important d’entreprendre


régulièrement des travaux d’entretien pour les autres dépendances domaniales. Cela
contribuerait à la meilleure conservation des biens constitutifs du domaine public et à les
permettre de répondre convenblement à leur destination. Une redynamisation globale de
l’économie nationale pourrait, par exemple, passer par la revitalisation des vallées de
l’intérieur du pays, ainsi que le dragage des principaux fleuves. De tels travaux d’entretien
impacteraient positivement la pêche, l’agriculture et le transport maritime et fluvial.

L’obligation d’entretien du domaine public qui incombe à l’État vaut également pour
tous les bénéficiaires d’un transfert de gestion de dépendances domaniales.

2. L’obligation d’entretien à la charge des bénéficiaires de transfert de


gestion
Le devoir d’entretien n’incombe à l’État que lorsque l’ouvrage public n’a pas « fait l’objet
d’un transfert de gestion au profit d’une autre personne morale publique, d’un
concessionnaire de service public, […] 583 ». Dans le cas où il y a transfert de gestion, la
charge de l’entretien de la dépendance domaniale revient à la personne bénéficiaire du
transfert. Celle-ci peut être soit une personne publique autre que l’État, soit une personne
privée bénéficiaire d’une concession domaniale.

Lorsqu’une collectivité publique est bénéficiaire d’un transfert de gestion, il lui


appartient d’assurer le bon état des dépendances mises à sa disposition. Cet impératif apparait
à travers certains textes. C’est le cas de la loi portant code général des collectivités
territoriales. Cette dernière dispose que « sont obligatoires les dépenses induites par les
transferts de compétences de l’État aux collectivités territoriales dans les conditions précisées

582
Voir Rapport de présentation du programme d’entretien routier annuel (PERA) 2016, préc.
583
Voir article 10 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.

Page 175
par la loi de transfert 584 ». Il ressort de cette disposition qu’une collectivité décentralisée
bénéficiaire d’un transfert de gestion a l’obligation d’inscrire dans son budget les dépenses
afférentes à l’entretien des dépendances domaniales qui lui sont transférées.

L’inscription d’office de ces dépenses dans le budegt révèle que les collectivités
décentralisées sont tenues d’exécuter leurs obligations d’entretien. Car, il faut le rappeler, le
budget d’une collectivité locale ne peut être adopté lorsqu’une dépense obligatoire n’y est pas
inscrite ou l’est avec une somme insuffisante. Si tel est le cas, le représentant de l’État adresse
une mise en demeure à la collectivité locale concernée et lorsque celle-ci ne corrige pas le
manquement dans un délai d’un mois, celui-là procède aux rectifications et rend exécutoire le
budget585.

L’inscription d’office des dépenses obligatoires constitue ainsi un procédé qui permet à
l’État de contraindre les collectivités locales à maintenir le bon état des dépendances
domaniales dont la gestion leur est transférée. Il s’agit d’une véritable garantie à l’exécution
des travaux d’entretien qui incombent aux autorités décentralisées.

Outre les collectivités territoriales, les établissements publics bénéficiaires d’un transfert
de gestion de dépendances domaniales sont également assujettis à l’obligation d’entretien. On
peut, à titre illustratif, prendre le cas de l’Office National de l’Assainissement du Sénégal
(ONAS)586.

Il résulte, en effet, de la loi portant création dudit établissement public à caractère


industriel et commercial que « l’Etat transfère à l’ONAS du Sénégal la gestion physique,
comptable et financier des biens du domaine public nécessaire à la réalisation de son objet
social587 ». Le transfert de « la gestion physique » emporte que c’est à l’ONAS qu’il revient la
charge de prendre des actes de gestion des biens du domaine public. Parmi ces actes figure
principalement l’entretien des ouvrages publics nécessaires à la réalisation de la mission
d’assainissement.

584
Voir article 203 de la loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 portant code général des collectivités territoriales,
JORS N° 6765 du 28 décembre 2013.
585
Voir article 264 de la loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 portant code générale des collectivités territoriales,
JO préc.
586
Voir loi n° 96-02 du 22 février 1996 autorisant la création de l’Office Nationale de l’Assainissement du
Sénégal, JORS N° 5676 du 24 février 1996.
587
Voir article 5 de la loi n° 96-02 du 22 février 1996 autorisant la création de l’Office Nationale de
l’Assainissement du Sénégal, JO préc.

Page 176
Ainsi, dans le cadre de ses missions, il est assigné à l’ONAS « l’exploitation et la
maintenance des installations d’assainissement d’eaux usées et d’eaux pluviales588 ». L’État
procède par là à une délégation de l’entretien des ouvrages d’assainissement à l’organe
spécialisée en la matière. À ce titre, l’ONAS établit annuellement un programme d’entretien
du réseau d’assainissement qui comprend un curage préventif et un curage curatif 589. Des
travaux d’entretien sont donc annuellement réalisés sur les collecteurs fermés ou ouverst afin
de prévenir ou de remédier à tout entrave à l’évacuation des eaux usées et pluviales,
notamment l’ensablement ou l’introduction de corps solides dans le réseau d’assainissement.

Dans le cas où le transfert de gestion est opéré au profit d’une personne privée titulaire
d’une concession domaniale, le devoir d’entretien incombe à cette personne concessionnaire.
On retrouve une affirmation expresse de cette obligation dans le code de l’environnement.
Ledit texte dispose, en effet, que « l’obligation générale d’entretien à laquelle sont soumis les
concessionnaires du domaine public comporte celle d’éliminer ou de faire éliminer ou de
recycler les déchets qui s’y trouvent590 ». Cette disposition laisse clairement apparaître que,
dans le cadre des concessions domaniales, l’État se décharge de son obligation d’entretien sur
les dépendances concédées. Ces dernières doivent être entretenues par la personne privée
concessionnaire.

L’entretien des dépendances concédées constitue ainsi une charge à laquelle sont assujettis
les concessionnaires domaniaux. Le cas de l’autoroute à péage par exemple reflète cette
délégation des actes d’entretien de l’État à la personne privée concessionnaire. En effet, la
convention de concession et le cahier des charges incluent dans l’objet du contrat l’entretien
de l’ouvrage et en font obligation au concessionnaire591. Ainsi, dans le cadre des concessions
domaniales, l’obligation d’entretien du concessionnaire est comprise dans le contrat
d’occupation privative du domaine public.

Il ressort de cette délégation de l’obligation d’entretien de l’État aux personnes


bénéficiaires d’un transfert de gestion un meilleur maintien en bon état des dépendances
domaniales. En effet, le domaine public dont la gestion est transférée est celui qui a un rapport
588
Voir article 3, alinéa 3 de la loi n° 96-02 du 22 février 1996 autorisant la création de l’Office Nationale de
l’Assainissement du Sénégal, JO préc.
589
I. Diop, “Contribution à l’amélioration du réseau d’assainissement pluvial de Dakar”, UCAD, Ecole
Supérieure Polytechnique de Thiès, Génie civile 0331, 2006, p. 4.
590
Article 35 de la loi n° 2001-01 du 10 février 2001 portant code de l’environnement, JORS N° 5972 du 10
mars 2001.
591
Voir Titre I. 2 et Titre III. 18 de la convention de concession du 2 juillet 2009 pour la conception, le
financement, la construction, l’exploitation et l’entretien de l’autoroute à péage entre la Patte d’Oie et
Diamniadio, JORS N° 6481 du 5 septembre 2009.

Page 177
avec l’objet social du bénéficiaire du transfert. Il en découle que l’entretien de ces
dépendances est confié à des organes spécialisés. Ainsi, du fait de l’expertise de ces derniers,
le domaine public recevra les travaux d’entretien les plus adéquates. En outre, le transfert de
l’obligation d’entretien décharge l’État « d’obligations financières pesantes592 ». Le poid des
dépenses d’entretien de la personne pubique étatique est, en effet, allégé. Le transfert de
gestion de dépendances domaniales lui permet de partager ce lourd fardeau avec les
bénéféciaires de ce transfert.

Dès lors qu’une obligation d’entretien pèse sur l’État propriétaire du domaine public et
les bénéficiaires d’un transfert de gestion, l’inobservation de cette obligation doit est
sanctionnée par l’engagement de la responsabilité du gestionnaire défaillant.

B / L’engagement de la responsabilité des assujettis à l’obligation


d’entretien

L’obligation d’entretien à laquelle sont assujettis les gestionnaires du domaine public


ne saurait être effective en l’absence de sanction pour manquement à cette obligation. Au
regard de la finalité de l’obligation d’entretien, c’est-à-dire le maintien en bon usage de
l’ensemble des dépendances domaniales affectées à l’usage de tous, tout dommage causé aux
affectataires du domaine public à l’occasion de cette utilisation doit normalement engager la
responsabilité du gestionnaire défaillant.

Cette responsabilité repose sur le défaut d’entretien du domaine public. Ce dernier


renvoie à un comportement passif plutôt qu’actif, c’est-à-dire la défaillance du gestionnaire
domanial non dans ce qui a été fait mais dans ce qui n’a pas été fait593. Il convient d’étudier
ce défaut d’entretien en fonction du domaine public artificiel (1) ou domaine public naturel
(2).

1. La responsabilité pour défaut d’entretien du domaine public artificiel

Dans le cadre du domaine public artificiel, la défaillance du gestionnaire domanial peut


être analysée sous l’angle du défaut d’entretien normal d’un ouvrage public. En effet, le
domaine public artificiel et l’ouvrage public présentent une similitude en ce sens qu’ils sont
tous caractérisés par l’intervention humaine pour leur réalisation. Le domaine public artificiel

592
V. Cabrol, « L’obligation d’entretien du domaine public », Droit et Ville n° 52/2001, p. 273.
593
J. Morand-Deviller, Droit administratif des biens, 7e éd., Paris, Montchrestien, 2012, p. 658.

Page 178
« est constitué de l’ensemble des biens du domaine public résultant du fait de l’homme et non
de phénomènes physiques ou naturels594 ».

Quant à l’ouvrage public, il est défini comme « un immeuble résultant d’un travail ou
d’un aménagment et affecté à l’intérêt général595 ». Selon Alain Bockel, il s’agit de « tout
bien immobilier affecté à la satisfaction d’un besoin d’intérêt général ; c’est généralement
une dépendance du domaine public faisant l’objet d’un aménagement spécial : route, voie
ferrée, canalisations et câbles électriques, bâtiments affectés aux services public […] 596 ». Il
s’agit ainsi d’une analogie qui fait que la responsabilité pour défaut d’entretien du domaine
public artificiel sera analysée sous l’angle de la responsabilité pour défaut d’entretien normal
d’un ouvrage public, notamment celle à l’égard des usagers.

Sous ce rapport, il semble important d’envisager d’emblée les défaillances à l’obligation


d’entretien qui peuvent être constitutives de défaut d’entretien d’un ouvrage public. Cela
permettra de mieux cerner le contenu de ce manquement à l’obligation d’entretien.

En effet, le défaut d’entretien normal, entendu dans un sens restreint, « recouvre les
hypothèses dans lesquelles le maître de l’ouvrage n’a pas correctement entretenu un ouvrage
qui, à l’état neuf, ne présentait aucun défaut597 ». Mais, à l’analyse des charges qui incombent
aux gestionnaires de dépendances domaniales, le défaut d’entretien normal peut recouvrer
d’autres hypothèses. Il ressort de l’obligation d’entretien que les gestionnaires domaniaux
sont appelés, au-delà de l’entretien normal de l’ouvrage public, à prévenir ou à siganler les
dangers que les usagers dudit ouvrage peuvent rencontrer.

C’est sur la base de ces devoirs essentiels qu’il est possible de déterminer quelques
défaillances constitituves de défaut d’entretien normal du domaine public artificiel.

D’abord, il y a les faits qui tiennent au mauvais état des ouvrages. Il en est ainsi, par
exemple, des excavations sur la chaussée ou les trottoirs, les regards non fermés, le
dérèglement des feux de signalisation. C’est le cas dans l’affaire Amadou Bassirou Dia contre
État du Sénégal du 29 mai 1971 où un affaissement de la chaussée avait occasionné un

594
P.-C. Kobo, Droit administratif des biens, Édition 2010, Les éditions ABC, Abidjan, 2010, p. 37.
595
J. Morand-Deviller, Droit administratif des biens, op.cit., p. 510.
596
A. Bockel, Droit administratif, NEA, 1978, p. 372 ; A. Bockel, « Les conditions d’engagement de la
responsabilité publique », in Encyclopédie juridique de l’Afrique, tome 9, NEA, 1982, p. 422.
597
J.-M. Auby, P. Bon, J.-B. Auby, Ph. Terneyre, Droit administratif des biens, 7e éd., Paris, Dalloz, 2016, p.
425.

Page 179
accident598, ainsi que dans l’affaire Alassane Diallo contre Mamadou Diallo du 5 février 1977
où le dérèglement des feux de signalisation d’un carrefour a provoqué un accident599.

Ensuite, il y a la présence d’obstacles intempestifs, comme des matériaux abandonnés par


les services d’entretien des routes, des poteaux ou arbres abattus par une tempête. A titre
d’exemple, on peut citer l’affaire Mor Diaw contre Commune de Dakar du 9 janvier 1970 où
il était question d’absence d’enlèvement du dépôt d’ordure sur l’ouvrage public constitué par
la voie publique et ses abords600.

Enfin, l’absence ou l’insuffisance d’un dispositif de signalisation d’un danger sur le


domaine public. Il est ainsi, par exemple, de la non-signalisation de l’interruption de la route,
coupée par un fleuve que l’on franchit au moyen d’un bac601, ainsi que de la signalisation
insuffisante d’une déviation d’une route sur laquelle un pont était en chantier602.

Il résulte de cette catégorisation que le défaut d’entretien du domaine public artificiel tient
au mauvais accomplissement par les personnes publiques ou les concessionnaires en charge
de la gestion dudit domaine de leurs devoirs d’entretien, de prévention et de signalisation des
dangers encourrus par le public usager.

Lorsque cette inaction est à l’origine de dommages, l’usager, à savoir « la personne qui
utilise effectivement un ouvrage public et subit un dommage à l’occasion de cette
utilisation603 », peut évoquer le défaut d’entretien normal pour engager la responsabilité de la
personne publique défaillante.

Le code des obligations de l’administration (COA) offre une base juridique à


l’engagement de sa responsabilité. Il dispose en effet que « les usagers ont droit à la
réparation du dommage causé par une faute relative à ces travaux ou par le fonctionnement
défectueux d’un tel ouvrage604 ». Cette disposition laisse apparaître que l’usager, victime d’un
dommage, doit établir une défaillance, c’est-à-dire une faute de l’administration relative à
l’exécution d’un travail public ou au fonctionnement défectueux d’un ouvrage public. Elle
reprend la jurisprudence française selon laquelle « la réparation des dommages que l’usager
598
Voir TPI de Dakar, 29 mai 1971, Amadou Bassirou Dia c/ Etat du Sénégal, ASERJ, 1971, n° 2, II, p. 167.
599
TPI de Dakar, 5 février 1977, Alassane Diallo c/ Mamadou Diallo, Rec. Penant, 1978, p. 591.
600
Voir CA de Dakar, 9 janvier 1970, Mor Diaw c/ Commune de Dakar, ASERJ, 1970, n° 1, II, p. 13.
601
Voir Tribunal de Dakar, 14 décembre 1963, cts feuillâtre, cité par A. Bockel, « Les conditions d’engagement
de la responsabilité publique », op.cit., p. 422.
602
Voir TPI de Dakar, 1er mars 1969, Sékou Badio, Revue Sénégalais de Droit, septembre 1969, p. 85.
603
J. Morand-Deviller, Droit administratif des biens, op.cit., p. 654.
604
Voir article 143, alinéa 2 de la loi n° 65-51 du 19 juillet 1965 portant code des obligations de l’administration,
modifiée, JORS N° 3763 du 23 août 1965.

Page 180
peut subir à l’occasion de cet usage exige que soit établie une défaillance de l’administration
dans l’exécution du travail ou de l’entretien de l’ouvrage605 ».

Ainsi, la nature de la responsabilité pour défaut d’entretien normal d’un ouvrage public est
une responsabilité pour faute. Donc, les usagers ne pourront obtenir réparation que lorsqu’une
faute de l’autorité gestionnaire est établie.

La responsabilité pour faute qui est retenue ici est mise « en œuvre sous une forme qui
équivaut à un régime de présomption de faute606 ». En effet, le juge sénagalais a consacré
dans l’affaire Mor Diaw que les usagers des ouvrages publics bénéficient d’un régime de
responsabilité pour faute présumée. Il affirme clairement ceci : « attendu que les usagers des
ouvrages publics n’ont pas, tout comme les tiers, à apporter la preuve d’une faute de
l’administration, mais celle-ci, à la différence de sa respoinsabilité vis-à-vis des tiers, peut
s’exonérer en prouvant notamment que l’ouvrage public était normalement entretenu607 ».

Ce considérant montre qu’en la matière, il ne s’agit pas d’une responsabilité pour faute
prouvée, car ce n’est pas à la victime de prouver l’existence d’une faute. Celle-ci est
dispensée de la charge de la preuve608. Elle n’a qu’à prouver seulement l’existence d’un lien
de causalité entre le dommage et l’ouvrage609. C’est à l’administration qu’il incombe donc de
prouver qu’elle a entretenu normlement l’ouvrage public 610 . Ndèye Madjiguène Diagne
souligne, à ce titre, que « l’administration ne peut s’exonérer de toute responsabilité […] que
si elle démontre qu’il n’y a pas eu un défaut d’entretien normal611 ». Ce qui révèle que la

605
Voir CE, 6 octobre 1944, Streichenberger, RDP, 1946, p. 325, cité par Y. Gaudemet, Droit administratif des
biens, 15e éd., Paris, L.G.D.J., 2014, p. 644.
606
Y. Guaudemet, Droit administratif des biens, op.cit., p. 644.
607
Voir CA de Dakar, 9 janvier 1970, Mor Diaw c/ Commune de Dakar, ASERJ, 1970, n° 1, II, p. 13.
608
Il faut préciser que ce régime de renversement de la charge de la preuve n’est pas unanimement admis dans la
jurispriudence sénégalaise. Il y a une sorte de tergiversation de la part du juge. Consacré par la Cour d’appel en
1970, il a été ignoré par le Tribunal de Première Instance de Dakar un an plutard. Dans l’affaire Bassirou Niang
du 29 mai 1971, le Tribunal a enjoint à la victime d’apporter la preuve des faits de nature à démontrer la
défaillance du gestionnaire de l’ouvrage ou l’absence de sa propre imprudence (TPI, 29 mai 1971, Bassirou
Niang c/ Etat du Sénégal, op.cit., p. 167). Quelques années après, le Tribunal de Première Instance de Dakar est
revenu sur sa position pour suivre celle de la Cour d’appel. Il considère que "le dérèglement inopiné des feux de
carrefour constitue un défaut d'entretien normal des ouvrages publics dont la collectivité propriétaire doit
répondre, à moins qu'elle n'apporte la preuve que l'ouvrage public a été normalement entretenu ou que le
dommage est dû à un événement de force majeure ou à une faute de la victime" (TPI de Dakar, 5 février 1977,
Alassane Diallo c/ Mamadou Diallo, op.cit., p. 591). Ce retour à la présomption de faute par le Tribunal de
Première Instance semble montrer que la solution Bassirou Niang ne constituait pas un revirement de
jurisprudence, mais s’agissait plutôt d’une maladresse.
609
V. Cabrol, « L’obligation d’entretien du domaine public », Droit et ville, 2002, n° 53-54, p. 230.
610
Voir CE, 22 avril 1966, Ville de Marseille, Rec. Leb. p. 278.
611
Nd.-M. Diagne, Les métodes et les tehniques du juge en droit administratif sénégalais, Thèse, UCAD, Dakar,
1995, p. 345.

Page 181
présomption de faute n’est pas irréfragable. Elle peut, en effet, être renversée si la personne
dont la responsabilité a été mise en cause prouve l’absence de défaut d’entretien normal.

Pour les concessionnaires domaniaux, le défaut d’entretien normal constitue une violation
d’une obligation contractuelle, car les cocontractants de l’administration sont tenus d’exécuter
les obligations qui les incombent612. En effet, « l’obligation d’entretien étant contenue dans le
cahier des charges, si l’entretien n’est pas opéré, cette abstention constituera un non-respect
des clauses contractuelles 613 ». Dans ce cas, après une mise en demeure infructueuse, le
cocontractant va être sanctionné par l’administration contractante pour inexécution de ses
obligations.

La sanction encourrue revêt des catégories diverses : elle peut être pécuniaire, coercitive
et résolutoire 614 . De même, le concessionnaire domanial peut voir sa responsabilité
contractuelle engagée pour manquement à une de ses obligations. Basée sur une faute
simple615, il ne pourra s’en décharger qu’en cas de force majeure, de fait du prince ou de
clauses de non responsabilités616.

Mis à part le défaut d’entretien du domaine public artificiel, la responsabilité de l’autorité


en charge de la gestion du domaine peut également être engagée pour défaut d’entretien du
domaine public naturel.

2. La responsabilité pour défaut d’entretien du domaine public naturel

S’agissant du domaine public naturel, les dépendances domaniales ne constituent pas des
ouvrages publics. Elles sont constituées de biens qui ont pour origine les phénomènes naturels
et qui ne résultent pas de travaux humains617. Elles ne peuvent, à ce titre, être assimilées à des
ouvrages publics. Yves Gaudemet souligne, à ce propos, que « c’est tout le domaine public
naturel qui échappe ainsi à la qualification d’ouvrage public618 ».

612
Voir article 62, alinéa 1 de la loi n° 65-51 du 19 juillet 1965 portant code des obligations de l’administration,
modifiée, JO préc.
613
V. Cabrol, « L’obligation d’entretien du domaine public », op.cit., p. 228.
614
Voir articles 78 à 88 de la loi n° 65-51 du 19 juillet 1965 portant code des obligations de l’administration,
modifiée, JO préc.
615
Voir article 94 de la loi n° 65-51 du 19 juillet 1965 portant code des obligations de l’administration, modifiée,
JO préc.
616
Voir articles 89 à 93 et articles 103 à 104 de la loi n° 65-51 du 19 juillet 1965 portant code des obligations de
l’administration, modifiée, JO préc.
617
P.-C. Kobo, Droit administratif des biens, op.cit., p. 36.
618
Y. Gaudemet, Droit administratif des biens, op.cit., p. 543.

Page 182
Mais, le fait que les biens constitutifs de ce domaine ne puissent pas être assimilés à des
ouvrages publics ne signifie pas que la responsabilité de l’État ne pourra pas être engagée
pour défaut d’entretien. En effet, compte tenu de la nature de ces dépendances domaniales,
l’État dispose d’une certaine marge de manœuvre en ce qui concerne leur entretien. Il
apprécie discrétionnairement l’opportunité d’entrenir les biens qui constituent le domaine
public naturel.

Toutefois, lorsque des conséquences dommageables résultent d’un défaut d’exécution des
opérations d’entretien, sa responsabilité pourra être engagée. Valerie Cabrol écrit, à ce titre,
que l’administration ayant l’opportunité de procéder au curage des cours d’eau domaniaux
sera tenue responsable des conséquences dommageables qui découlent du défaut d’exécution
de cette opération619. Ainsi, en prenant l’exemple des fleuves et cours d’eau navigables, l’État
a la charge de procéder à leur dragage ou curage afin de maintenir leur navigabilité. En
conséquence, il sera tenu responsable des conséquences dommageables qui résultent de
l’échouement d’un navire à cause de la difficulté de navigation liée à l’absence d’un dragage.
Donc, c’est le défaut d’exécution de l’opération d’entretien de la dépendance du domaine
public naturel qui fonde la responsabilité de l’État.

À côté de l’interdiction de ces attitudes préjudiciables à la sûreté et à la salubrité du


domaine public affecté à l’usage de tous, l’utilisation collective du domaine public connait
aussi d’autres restrictions à travers l’exigence d’une autorisation préalable à l’exercice de
certaines activitées.

Section 2 : La subordination relative des usages privatifs du domaine public

Le domaine public destiné à l’usage direct du public peut être diversement utilisé par
ses destinataires. La variété des utilisations découle du fait que l’administration domaniale
peut mettre en œuvre son pouvoir de gestion pour permettre sur le domaine public soit la
réalisation d’activités d’intérêt général, soit l’exercice d’activités pouvant lui procurer des
revenus. Ainsi, le domaine public destiné à l’usage de tous peut faire l’objet d’utilisations
collectives ou d’utilisations privatives. Ces dernièree qui supposent l’occupation exclusive ou
privilégiée d’une dépendance domaniale, s’opposent à d’autres utilisations collectives ou
privatives ou tout au moins les gênes. Elles peuvent être, soit conformes à la destination du
domaine, soit ne pas en être conformes mais utiles au public, principal utilisateur des

619
V. Cabrol, « L’obligation d’entretien du domaine public », op.cit., p. 231.

Page 183
dépendances domaniales 620 . C’est pourquoi l’autorité domaniale est tenue de concilier ces
utilisations avec le respect de la faculté qu’a tout usager d’utiliser les dépendances domaniales
conformément à leur destination. Elle doit s’assurer de la compatibilité des activités à exercer
sur le domaine public avec sa destination.

En conséquence, ces formes d’utilisations du domaine sont soumises à un régime de


contrôle et non à celui de liberté. Ce régime se traduit non seulement par l’assujetissement des
occupants à l’obtention d’une autorisation administrative préalable, mais aussi par la
reconnaissance à l’autorité domaniale de larges pouvoirs d’appréciation dans la délivrance des
titres d’occupation. Il faut tout de même relever que dans la pratique, il y a une certaine
inobservation de l’exigence d’une autorisation avant toute occupation domaniale, surtout en
matière d’exercice d’activités marchandes sur les voies et lieux publics.

Cela nous amène à voir d’abord l’exigence inobservée d’une autorisation


administrative préalable (Paragraphe 1) avant d’aborder les larges pouvoirs d’appréciation
de l’autorité domaniale (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : L’exigence inobservée d’une autorisation administrative

Les utilisations privatives du domaine public correspondent à celles qui ont pour objet
de soustraire une portion de ce domaine à l’usage commun au profit d’un particulier
déterminé621. Il s’agit d’occupations qui limitent le droit d’usage qui appartient à tous sur les
dépendances domaniales. On ne peut, à ce titre, occuper une portion du domaine public à titre
personnel que sur la base d’une autorisation de l’autorité domaniale.

Cette autorisation doit être sollicitée par toute personne qui désire utiliser une
dépendance domaniale de façon privative. Le législateur a institué un régime d’autorisation
préalable pour les usages non conformes à la destiantion du domaine public (A). Mais ce
régime n’est pas toujours respecté par tous les occupants privatifs. Certains d’entre eux font fi
de l’obligation instituée par les textes (B).

A / L’institution d’un régime d’autorisation préalable

Les utilisations privatives du domaine public, considérées comme des occupations qui
limitent le droit d’usage qui appartient à tous sur les dépendances domaniales, doivent se faire

620
Voir à ce propos PH. Godfrin, Droit administratif des biens, 5 ème édition, Paris, Armand Collin, 1997, p.97
621
J. Dufau, Le domaine public, tome 2, Édition Le Moniteur, Paris, 1987, p. 359.

Page 184
sur la base d’une autorisation de l’autorité administrative. Le législateur soumet les usages
non conformes à un régime d’autorisation préalable.

Ce régime signifie que la personne qui désire occuper une dépendance domaniale à
titre exclusif doit adresser une demande à l’autorité compétente avant de s’installer sur la
dépendance concernée. Ce qui implique l’obligation d’adresser une demande à l’autorité
compétente (1) et l’obtention de son autorisation (2) pour pouvoir soustraire une portion du
domaine public de l’usage de tous.

1. L’obligation d’une demande administrative préalable

Les textes domaniaux laissent apparaître que les occupants privatifs du domaine public
sont tenus de solliciter auprès des autorités en charge de la gestion du domaine des
autorisations d’occuper. En effet, le législateur retient dans le code du domaine de l’État que «
nul ne peut, sans autorisation délivrée par l’autorité compétente, occuper ou exploiter une
dépendance du domaine public ou l’utiliser dans les limites excédant le droit d’usage qui
appartient à tous sur les parties de ce domaine affectées à l’usage de tous622 ». Cette exigence
se retrouve également au niveau de textes particuliers relatifs aux diverses dépendances
domaniales, qu’il s’agisse du domaine public terrestre, du domaine public maritime, du
domaine public aérien et aéroportuaire623.

Le choix du régime de l’autorisation préalable est clairement décliné dans le cadre de


l’occupation des voies et lieux publics. En effet, la loi n° 67-50 du 29 janvier 1967 relative à
la règlementation des activités qui s’exercent sur la voie et dans les lieux publics dispose que
les décrets qui peuvent être pris dans le cadre de la règlementation d’activités professionnelles
sur lesdits endroits « peuvent … soumettre l’exercice desdites activités à déclaration ou à
autorisation préalable 624 ». En application de cette disposition, l’autorité règlementaire
affirme dans le décret n° 76-012 du 6 janvier 1976 règlementant la vente sur les voies et lieux

622
Voir article 20, aliéna 1er de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’Etat, JORS N°
4506 du 28 juillet 1976.
623
On peut citer entre autres textes la loi n° 81-13 du 14 mars 1981 portant code de l’eau (article 2), JORS N°
4828 du 11 avril 1981 ; la loi n° 2011-01 du 24 février 2011 portant code des télécommunications (article 71 et
article 96), JORS N° 6576 du 14 mars 2011 ; la n° 2015-10 du 4 mai 2015 abrogeant et rmplaçant la loi n° 2002-
39 du 12 décembre 2002 portant code de l’aviation civile, JORS N° 6872 du 22 août 2015 ; le décret n° 2009-
1450 du 30 décembre 2009 relatif à la partie règlementaire du code de l’urbanisme (article R 223), JORS N°
6225 du 8 mai 2010 ; le décret n° 2010-1445 du 4 novembre 2010 relatif à la pose ou dépose de conduites
diverses et à l’occupation de l’emprise des routes du réseau routier classé (article 3, aliéna 1), JORS N° 6569 du
5 mai 2011.
624
Voir article 2de la loi n° 67-50 du 29 janvier 1967 relative à la règlementation des activités qui s’exercent sur
la voie et dans les lieux publics, JO préc.

Page 185
publics625 que « nul ne peut exercer sans autorisation du ministre chargé du commerce la
profession de marchand dit tablier626 ». Elle soumet l’exercice de la profession de marchand
tablier à l’autorisation de l’autorité compétente.

Une lecture a contrario de cette exigence montre que l’autorisation d’occuper est à
demander aux autorités compétentes. L’occupant doit, avant toute chose, s’adresser au
préalable à l’autorité en charge de la gestion du domaine. C’est à lui de manifester au
gestionnaire domanial son désir de jouir d’une dépendance domaniale à titre personnel.

Ainsi, toute personne qui veut se réserver l’usage d’une dépendance domaniale doit
solliciter l’accord du maître du domaine. Il n’est pas permis de s’installer d’abord sur une
portion du domaine public pour ensuite demander la persmission. L’occupant privatif doit
toujours introduire une demande auprès de l’autorité en charge de la gestion du domaine et
attendre la réponse de celle-ci. La législation domaniale en fait un préalable indispensable à
toute utilisation non conforme à la destination des biens du domaine public. À ce titre, Pierre-
Claver Kobo écrit que « l’autorisation est accordée par l’autorité compétente suite à une
demande627 ».

Donc, il ne peut pas y avoir d’occupation privative du domaine public sans demande
administrative préalable. Mais, en tant que régime d’autorisation préalable, l’introduction de
la demande à elle seule ne suffit pas ; il faut obtenir l’accord du gestionnaire domanial pour
pouvoir s’installer sur la dépendance concernée.

2. La nécessaire disposition d’un titre d’occupation

Au titre des textes précités, l’occupation du domaine public à titre exclusif n’est pas
libre, elle est assujettie à l’obtention d’une autroisation. C’est sur la base d’un titre juridique
délivré par les autorités compétentes qu’une personne peut utiliser une dépendance domaniale
dans les limites excédant le droit d’usage qui appartient à tous sur cette dépendance. En effet,
l’introduction de la demande d’occuper doit être assortie d’une réponse favorable pour donner
lieu à une installation sur la portion du domaine concernée.

625
Voir Décret n° 76-018 du 6 janvier 1976 règlementant la vente sur la voie et dans les lieux publics, JORS N°
4473 du 14 février 1976.
626
Voir article 4 du décret n° 76-018 du 6 janvier 1976 règlementant la vente sur la voie et dans les lieux publics,
JO préc.
627
P.-C. Kobo, Droit administratif des biens, Édition 2010, Les éditions ABC, Abidjan, p. 94.

Page 186
La personne qui formule la demande ne peut occuper la dépendance sollicitée sans
avoir obtenu l’autorisation du gestionnaire domanial. On n’en déduit que l’usage exclusif,
privilégié d’une dépendance domaniale « implique un acte d’investiture préalable, un titre
juridique attribué au bénéficiaire nommément désigné628 ». Cela amène à considérer qu’une
autorisation est toujours requise pour toute occupation privative du domaine public.

Cependant, cette exigence est assortie d’une dérogation expressément admise par
l’autorité règlementaire. Celle-ci dispose, en effet, dans le décret règlementant la vente sur la
voie et dans les lieux publics que « les dispositions du présent décret ne sont pas applicables
à la vente des journaux, arachides, colas, fleurs et tableaux, ainsi que de tous les articles
désignés par arrêté du ministre chargé du commerce629 ». Cette disposition soustrait ainsi les
personnes qui se livrent à cette liste énumérative et non exhaustive d’activités à l’obtention
préalable d’un titre juridique à l’occupation du domaine public routier.

Dans les cas où l’autorisation d’occuper est requise, l’occupant doit disposer d’une
autorisation écrite et non tacite. La formule employée par l’article 20 du code du domaine de
l’État laisse apparaître que l’autorisation d’occuper revêt un caractère écrit. Elle ne peut être
ni verbale ni tacite. Cela est confirmé par le décret relatif à la pose ou dépose de conduites
diverses et à l’occupation de l’emprise des routes et voies du réseau routier classé qui affirme
clairement que l’occupation privative ne peut se faire qu’après l’obtention d’une autorisation
écrite630.

L’exigence d’une autoristion écrite se justifie par la nécessité pour l’autorité


domaniale de déterminer les conditions utiles à la conciliation de l’occupation privative de la
dépendance à sa destination et à la conservation de son intégrité physique. Cela fait donc que
toute autorisation acordée de façon tacite est illégale.

On retrouve une confirmation de l’illégalité des autorisations tacites dans la


jurisprudence du Conseil d’État français. Ce dernier a, en effet, retenu « que le pouvoir
règlementaire ne pouvait donc légalement instaurer un régime d’autorisation tacite
d’occupation du domaine public, qui fait notamment obstacle à ce que soient, le cas échéant,
précisées les prescriptions d’implantation et d’exploitation nécessaires à la circulation

628
J. Dufau, Le domaine public, tome 2, op.cit., p. 359.
629
Voir article 15 du décret n° 76-018 du 6 janvier 1976 règlementant la vente sur la voie et dans les lieux
publics, JO préc.
630
Voir article 3, alinéa 5 du décret n° 2014-1445 relatif à la pose ou dépose de conduites diverses et à
l’occupation de l’emprise des routes et voies du réseau routier classé, JORS N° 6569 du 5 mai 2011.

Page 187
publique et à la conservation de la voirie631 ». C’est donc un souci de protection du domaine
public qui fonde l’exigence d’une autorisation en bonne et due forme.

Au reagrd de la loi n° 76-66 du 2 juilllet 1976 portant code du domaine de l’État, le


titre juridique indispensable à l’occupation privative varie en fonction du type d’utilisation.
L’article 11 dudit code retient la permission de voirie, l’autorisation d’occuper, les
concessions et les autorisations d’exploitation.

Lorsque l’utilisation projetée n’emporte pas emprise ou modification de l’assiette


domaniale, l’occupant doit disposer d’une permission de voirie. Ce titre juridique n’autorise
que des installations légères, démontables ou mobiles632. Il est requis pour les occupations de
courte durée et qui ne nécessitent pas d’investissements importants633. C’est le cas en matière
d’occupation du domaine public routier (étals, kiosques à journaux, terrasses de café,
emplacements réservés au stationnement des taxis, et autres) et du domaine public maritime,
fluvial (cabanons, cases en paille et autres).

Ces titres juridiques sont délivrés soit par le ministre en charge du commerce en ce qui
concerne les marchands tabliers634, soit par les maires en ce qui concerne les stationnements
ou les dépôts temporaires sur la voie publique, sur les rivières, ports et quais fluviaux et autres
lieux publics635.

Dans le cas où l’utilisation envisagée est de nature à porter emprise ou à modifier


l’assiette du domaine public, l’occupant doit disposer d’une autorisation d’occuper636, d’une
concession ou autorisation d’exploitation637. Ce sont ces titres juridiques qui donnent lieu à
une occupation du domaine public avec des investissements importants638. On les retrouve en
matière d’occupation du domaine public routier (stations d’essence, kiosques à journaux sur
une dalle de béton encastrée dans le sol, canalisations pour le transport, la conduite de l’eau,
du gaz, de l’électricité), en matière d’occupation du domaine public portuaire, en matière

631
Voir CE, 21 mars 2003, Syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour l’électricité et les réseaux
(SIPPEREC), GDDAB, Paris, Dalloz, 2013, n° 48, p. 420.
632
Voir article 12 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JORS N° 4506 du 28
juillet 1976.
633
P.-C. Kobo, Droit administratif des biens, op.cit., p. 89.
634
Voir article 4 du décret n° 76-018 du 6 janvier 1976 règlementant la vente sur la voie et dans les lieux publics,
JO préc.
635
Voir article 121, alinéa 2 de la loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 portant code général des collectivités
territoriales, JORS N° 6765 du 28 décembre 2013.
636
Voir article 13 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.
637
Voir article 16 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.
638
P.-C. Kobo, Droit administratif des biens, op.cit., p. 91.

Page 188
d’exploitation des ressources du sous-sol (exploitation de mines et carrières, d’eau, de pétrole
et du gaz), ainsi qu’en matière d’exploitation du domaine public hertzien (fréquences
radioélectriques). Il faut préciser que l’autorisation d’occuper accordée dans le cadre de
l’occupation du domaine public portuaire et de l’exploitation des ressources du sous-sol et du
domaine public hertzien valide une concession d’exploitation dont les obligations et les droits
des parties sont déterminées par un cahier des charges.

Les titres juridiques donnant lieu à une occupation emportant une emprise sur
l’assiette domaniale relèvent de la compétence d’autorités diverses. Il peut s’agir des autorités
décentralisées, notamment les maires pour l'établissement dans le sol de la voie publique, des
canalisations destinées au passage ou à la conduite de l'eau, du gaz, de l'énergie électrique ou
du téléphone 639 . Il peut également s’agir des personnes publiques spécialisées, comme le
directeur de l’AGEROUTE pour les travaux de pose ou dépose de conduites souteraines
diverses ou de réseaux aériens dans l’emprise du réseau routier classé 640 et l’autorité de
régulation des télécommunications pour l’attribution des fréquences radioélectriques 641 . Il
peut enfin s’agir des autorités centrales, comme le ministre en charge de l’hydraulique et de
l’assainissement pour les autorisations d’exploitation des ressources en eau642.

Le droit domanial pose là une contrainte qui se justifie par la nécessité de maîtriser les
usages non confromes qui s’effectuent sur le domaine public. Elle donne à l’autorité
domaniale un moyen de pouvoir conserver les dépendances domanailes dans un état à
répondre correctement à leur destination. Celle-ci dispose à travers l’autorisation à délivrer
d’un pouvoir de déterminer les prescriptions d’implantation et d’exploitation nécessaires à la
circulation publique et à la conservation des dépendances domaniales. Christian Lavialle
souligne, à ce propos, qu’ « il est impossible de ne pas conditionner et soumettre à
autorisation la privatisation des parcelles du domaine, sauf à le faire disparaitre comme
espace public643 ». C’est donc la nécessité de s’assurer de la compatibilité des occupations
privatives avec la destiantion des dépendances domaniales en causes qui fonde l’impossibilité
de s’installer librement sur le domaine public à titre privatif.

639
Voir article 121, in fine de la loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 portant code général des collectivités
territoriales, JO préc.
640
Voir article 2 du décret n° 2010-1445 du 4 novembre 2010 relatif à la pose ou dépose de conduites diverses
et à l’occupation de l’emprise des routes et du réseau routier classé, JORS N° 6569 du 5 février 2011.
641
Voir article 70, alinéa 2 de la loi n° 2011-01 du 24 février 2011 portant code des télécommunications,
modifiée, JORS N° 6576 du 14 mars 2011.
642
Voir article 7 de la loi n° 81-13 du 14 mars 1981, portant code de l’eau, JORS N° 4828 du 11 avril 1981.
643
Ch. Lavialle, « L’occupation sans titre du domaine public », AJDA, 1981, p. 563.

Page 189
L’exigence d’une autorisation administrative préalable avant toute utilisation privative
du domaine public peut constituer une entrave à l’accomplissement de travaux par les sociétés
concessionnaires d’énergie électrique, d’eau, d’assainissement, de télécommunications,
notamment en cas d’urgence. En effet, ces sociétés sont dotées de réseaux publics enfouis
dans l’assiette domaniale. Ce réseau peut connaître des fuites, des cassures, ou coupures
nécessitant des travaux d’urgence. Dans ce cas, le régime de l’autorisation préalable serait
inadapté à l’exécution urgente de travaux sur le domaine public. La possibilité de cette
situation d’urgence appelle alors un aménagement de ce régime.

L’autorité règlementaire a pris en compte cet état de fait en matière d’utilisation


privative du domaine pubic. En effet, elle a apporté une dérogation au régime de l’autorisation
préalable en cas de nécessité d’une occupation urgente. Le décret relatif à la pose ou dépose
de conduites diverses et à l’occupation de l’emprise des routes et voies du réseau routier
classé consacre qu’ « en cas d’urgence (fuites, affaissements, cassures et coupures de la
route), le concessionnaire de réseaux publics (eau, assainissement, électricité et téléphone)
peut, à titre exceptionnel, faire exécuter les travaux, sous réserve d’en informer le mandataire
dans les 24 heures suivantl’exécution ou le démarrage desdits travaux, en lui fournissant
toutes les informations sur la nature et les causes des problèmes qui ont nécessité son
intervention en urgence et les dispositions techniques prises pour effectuer les travaux,
conformément aux normes et dans les règles de l’art […]644 ».

Cette disposition déroge à l’exigence d’un acte d’investiture préalable lorsque


l’utilisation privative est justifiée par l’urgence. Il s’agit d’une position adéquate et conforme
aux situations auxquelles les concessionnaires de réseaux publics peuvent être confrontés. La
règlementation domaniale s’est ainsi adaptée à la réalité.

Après avoir passé en revue l’exigence posée par la législation domaniale en matière
d’utilisation privative du domaine public, il s’avère utile de relever le grand écart qui existe
entre la théorie et la pratique. Il y a un grand nombre d’occupants privatifs qui ne sont pas en
conformité avec l’obligation d’obtention d’une autorisation administrative préalable.

644
Voir article 4 du décret relatif à la pose ou dépose de conduites diverses et à l’occupation de l’emprise des
routes et voies du réseau routier classé, JO préc.

Page 190
B / L’irrespect sectoriel du régime de l’autorisation préalable

L’obligation faite à tout occupant privatif du domaine public de disposer d’une


autorisation préalable de l’autorité comptétente n’est pas rigoureusement observée en matière
d’exercice d’activités marchandes sur les voies et lieux publics et en matière d’apposition
d’affiches et de dispositifs de publicité. Pour élucider cette situation, nous arpenterons une
démarche qui consistera d’abord à faire le constat (1) avant d’essayer de donner l’explication
(2).

1. Le constat

Les voies et lieux publics, destinés à l’usage de tous, font l’objet d’un « usage
professionnel 645 », c’est-à-dire des dépendances domaniales qui donnent lieu à l’exercice
d’activités économiques. Ces dernières sont définies comme des activités « de production, de
transformation, de distribution de biens et de prestations de services ou de certaines de ces
fonctions indépendamment de la nature des biens ou des services ou de la qualité ou du statut
de celui qui exerce cette activité646 ».

D’après le législateur, ces activités économiques « s’exercent librement647 ». Lorsqu’elles


sont pratiquées sur le domaine public, se pose le problème de leur conciliation avec le respect
de la destination dudit domaine. Chahira Boutayeb écrit, à ce titre, que « le souci de maintenir
l’ordre public, de protéger l’utilisation collective et de veiller au respect d’une certaine
destination de la voie publique devra composer avec le droit reconnu à tout individu
d’exercer une activité commerciale ou industrielle648 ».

Dans le cadre de cette conciliation, les impératifs de protection du domaine public


semblent avoir pris le pas sur la liberté de commerce et d’industrie. Cette dernière est
amoindrie au profit de la préservation de l’utilité publique à laquelle les dépendances
domaniales sont destinées 649 . Le législateur consacre, à ce propos, que « les activités
économiques s’exercent librement sauf dans le cas où pour des raisons de sauvegarde de

645
Ch. Boutayeb, « Liberté d’utilisation du domaine public et affectation domaniale », RDP - n° 1-2001, p. 233.
646
Voir article premier, alinéa 1 de la loi n° 94-69 du 22 mars 1994 fixant le régime d’exercice des activités
éconiomiques, JORS N° 5595 du 27 août 1994.
647
Voir article 2, alinéa 1 de de la loi n° 94-69 du 22 mars 1994 fixant le régime d’exercice des activités
éconiomiques, JO préc.
648
Ch. Boutayeb, « Liberté d’utilisation du domaine public et affectation domaniale », op.cit., p. 233.
649
Voir à ce propos Moncef KDHIR, « Le principe de la liberté du commerce et de l’industrie : mythe ou
réalité », Rec. Dalloz, Sirey, 1994, 4e Cahier. – Chr., p. 30.

Page 191
l’intérêt général l’autorisation de la puissance publique est requise650 ». La loi apporte là une
dérogation à la liberté d’exercice des activités commerciales lorsque les exigences de l’intérêt
général la nécessitent.

En empruntant cette brèche, le législateur retient dans la loi n° 67-50 du 29 janvier 1967
relative à la règlementation des activités qui s’exercent sur la voie et dans les lieux publics qu’
« indépendamment de la règlementation particulière relative à l’occupation du domaine
public, les activités qui s’exercent sur la voie et dans les lieux ouverts au public, notamment
de marchand ambulant ou non, de gardien ou laveur de voiture, de cireur, peuvent être
règlementées par décret651 ». Dans le décret d’application de cette loi, l’autroité règlementaire
assujettit les marchands dit tabliers à disposer d’une autorisation administrative préalable du
ministre en charge du commerce652.

Il en résulte que les marchands tabliers, c’est-à-dire les « personne[s] qui s’installe[nt]
sur la voie et dans les lieux publics, pour son compte ou celui d’autrui, en vue de mettre en
vente des produits industriels locaux ou importés, des denrées alimentaires et des produits de
l’arisanat 653 », ne peuvent librement exercer leurs activités sur la voie et dans les lieux
publics. Ils doivent au préalable sollicter et obtenir une autorisation du ministre en charge du
commerce pour se livrer légalement à leurs activités sur ces dépendances diomaniales.

La même exigence se trouve également posée en matière d’affichages publicitaires sur le


domaine public. En effet, les pouvoirs publics ont assujetti l’affichage et la publicité sous
toutes ses formes à l’obtention d’une autorisation administrative préalable d’appostion
d’affiches et de dispositifs de publicité sur des emplacements réservés654.

Cette exigence se justifie par les besoins de conservation de l’usage auquel les voies et
lieux publics sont destinés, ainsi que la préservation du cadre architectural. En effet, l’activité
de marchand tablier emporte l’installation d’étals sur l’emprise du domaine public. Toute
chose qui n’est pas sans gêner la circulation publique. Laisser libre l’exercice d’une telle

650
Voir article 2, alinéa 1 de la loi n° 94-69 du 22 mars 1994 fixant le régime d’exercice des activités
éconiomiques, JO préc.
651
Voir article 1er de la loi n° 67-50 du 29 janvier 1967 relative à la règlementation des activités qui s’exercent
sur la voie et dans les lieux publics, JORS N° 3930 du 9 décembre 1967.
652
Voir article 4 du décret n° 76-018 du 6 janvier 1976 règlementant la vente sur la voie et dans les lieux publics,
JO préc.
653
Voir article 3 du décret n° 76-018 du 6 janvier 1976 règlementant la vente sur la voie et dans les lieux publics,
JO préc.
654
Voir article premier de la loi n° 64-51 du 1à juillet 1964 realtive à l’appostion d’affiches et de dispositifs de
publicité, modifiée, JORS N° 3696 du 8 août 1964 ; article 5 du décret n° 64-750 du 5 novembre 1964 relatif à
l’apposition d’affiches et de dispositifs de publicité, JORS N° 3714 du 28 novembre 1974.

Page 192
profession pourrait donner lieu à des occupations anarchiques qui réduiraient à néant la
principale destination des voies et lieux publics. C’est dans cette perspective que des « voies
et moyens susceptibles d’éviter l’encombrement de certains lieux publics des villes par des
mendiants, lépreux, marchands ambulants, etc.655 » ont été étudiés par les pouvoirs publics et
ont abouti à l’adoption du décret n° 76-018 du 6 janvier 1972 précité. De même, ne pas
contrôler l’apposition d’affiches et de dispositifs de publicité sur le domaine public pourrait
occasionner un certain désordre. Cela pourrait être source d’affichages anarchiques sur les
dépendances domaniales créant une pollution visuelle. Le régime de l’autorisation préalable
institué semble alors constituer l’outil adéquat de lutte contre l’utilisation anarchique de ces
dépendances domaniales.

Cependant, les occupations privatives du domaine public par les marchands tabliers et
l’apposition d’affiches et de dispositifs de publicité se particularisent par une inobservation du
régime de l’autorisation. En effet, la situation dans laquelle se trouvent les voies et lieux
publics dans les centres urbains révèle un libre exercice de l’activité de marchands tabliers.
Les personnes qui se livrent à cette activité sont pratiquement tous en marge de la
règlementation. Elles se sont installées sur le domaine public sans avoir demandé et obtenu
l’autorisation de l’autorité compétente. A ce titre, le contrôle de l’occupation des voies et
lieux publics échappent au gestionnaire domanial. Ce qui fait que ces dépendances
domaniales sont devenues des zones de non droit où règne une anarchie totale avec son lot de
conséquences néfastes.

En effet, au-delà de la transgression du bon ordre, ces installations mettent les usagers des
voies et lieux publics dans une situation inconfortable. Il est de nos jours difficile pour les
piétons d’arpenter ces artères en toute sécurité et aux automobilistes de circuler
tranquillement et librement. Les trottoirs, voire même une partie de la chaussée servent
beaucoup plus de lieux d’implantation de tabliers que de lieux de passage des piétons et des
automobiles. Toutes choses qui font qu’il y a dans les centres villes une cohabitation
dangereuse entre ces derniers : les piétons ne pouvant plus circuler sur les trottoirs se trouvent
obliger de partager la chaussée avec les automobiles.

Du point de vue esthétique, les dépendances du domaine public sont dans une large
mesure dégradées par l’affichage sauvage. L’apposition d’affiches publicitaires sur les

655
Voir Rapport de présentation du décret n° 76-018 du 6 janvier 1976 règlementant la vente sur la voie et dans
les lieux publics, JO préc.

Page 193
immeubles dépendant du domaine public se fait en marge de toute règelementation. Elle
occasionne des dégradations visuelles à l’espace public. De même, les panneaux publictaires,
librement installés sur les emprises du réseau routier, constituent de véritbales sources
d’insécurité pour la circulation publique.

Au total, il semble que la maîtrise de l’utilisation privative des voies et lieux publics
voulue par l’institution du régime de l’autorisation préalable n’a pas produit les effets
escomptés. Ce que l’on craignait s’est malheureusement produit. Il convient d’envisager son
explication.

2. L’explication

Le déclage entre le régime de l’autorisation administrative préalable et la pratique en


cours sur les voies et lieux publics semble trouver principalement son explication dans
l’inapplication de la règlementation par les autorités publiques d’une part, et dans l’irrespect
de l’exigence d’une autorisation préalable à l’exercice de l’activité de marchand tablier
d’autre part.

S’agissant de l’inapplication de la règlementation, il convient de préciser que les textes


applicables en la matière ont établi une démarche qui permettait de contrôler facilement
l’occupation des voies et lieux publics par les marchands tabliers.

En effet, les pouvoirs publics ne se sont pas seulement limités à exiger des marchands
tabliers et des auteurs d’affiches et de dispositifs de publicité l’obtention d’une autorisation
administrative préalable. Ils ont, en outre, exigé la détermination par les autorités
administratives compétentes de zones d’implantation des tabliers et d’emplacements réservés
à l’affichage publictaire. On peut lire, en effet, dans le décret règlementant l’activité de
marchands tabliers « les zones d’implantation des étals sont fixées par arrêté du gouverneur
de région 656 ». C’est également le cas pour le décret relatif à l’affichage publicitaire qui
dispose que « sur les immeubles ou le domaine de l’État et des collectivités publiques,
l’affichage et la publicité sous toutes ses formes ne peuvent être faits qu’à certains
emplacements désignés par les autorités administratives […] 657 ».

656
Voir article 2, in fine du décret n° 76-018 du 6 janvier 1976 règlementant la vente sur la voie et dans les lieux
publics, JO préc.
657
Voir article 5, alinéa 1 du décret n° 64-750 du 5 novembre 1964 relatif à l’apposition d’affiches et de
dispositifs de publicité, JO préc.

Page 194
Il ressort de ces dispositions que l’activité de marchands tabliers ainsi que les affichages
publicitaires ne peuvent être exercées sur n’importe quel endroit des voies et lieux publics.
Elles doivent être effectuées au niveau des endroits qui sont déterminés par les autorités
administratives compétentes, à savoir les gouverneurs pour l’implentation des étals658 et les
autorités locales pour les emplacements réservés à l’affichage publicitaire659. À ce titre, les
autorisations à solliciter doivent se faire en fonction des lieux d’implantation spécialement
dédiés à ces activités. Ainsi, l’autorisation accordée à un marchand, par exemple, ne permet
l’établissement de son commerce que dans les zones fixées par l’autorité administrative
déconcentrée.

La combinaison de l’obtention d’une autorisation administrative préalable et la


détermination de zones d’exercice d’activités de marchands tablier et d’affichages
publicitaires offre une réelle garantie de conservation de l’usage auquel les voies et lieux
publics sont affectés et de protection du cadre de vie.

Mais, lorsque nous observons la pratique en cours, nous nous rendons vite à l’évidence
que les autorités administratives ont failli à leurs missions. Ces dernières ne semblent pas
jouer le rôle qui leur est assigné par la règlementation. En effet, l’installation d’étals, ainsi que
l’apposition d’affiches et de dispositifs de publicité se font de manière anarchique sur les
dépendances domaniales. Or, c’est cette occupation sauvage de l’espace public que la
règlementation cherchait à éviter. Sur la base de la compétence qui leur est reconnue, les
autorités compétentes ont non seulement la charge d’indiquer clairement les points dédiés à
ces diverses activités, mais aussi de veiller au strict respect de l’implantation des étals et de
l’apposition d’affiches dans ces zones. Toutes choses qui ne semblent pas être mises en
œuvre. Les autorités compétentes n’ont donc pas su mettre en œuvre les moyens efficaces mis
à leur disposition pour lutter contre l’occupation anarchique des voies et lieux public et les
affichages sauvages de publicité.

Devant cet état de fait, les autorités locales sont obligées de mettre en branle leur pouvoir
de police pour garantir le bon ordre en ce qui concerne l’occupation anarchique des voies et
lieux publics par les marchandes. En effet, ces autorités sont chargées d’assurer « la sûreté et
la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend le

658
Voir article 2, in fine du décret n° 76-018 du 6 janvier 1976 règlementant la vente sur la voie et dans les lieux
publics, JO préc.
659
Voir article unique de la loi n° 2004-31 du 25 août 2004 modifiant l’article 29 de la loi n° 96-07 du 22 mars
1996 portant transfert de compétence aux régions, aux communes et aux communautés rurales, JORS N° 6187 du
16 octobre 2004.

Page 195
nettoiement, l’éclairage, l’enlèvement des encombrements, la démolition ou la réparation des
édifices menaçant ruine, l’interdiction de ne rien exposer aux fenêtres ou autres parties des
édifices qui puissent causer des dommages ou des exhalaisons nuisibles […] 660 ». Il s’agit
pour elles de prévenir toute situation qui risque de compromettre le bon usage des voies et
lieux publics.

Cette mission pouvait leur être facilitée par les autorités déconcentrées en matière
d’occupation des voies publiques. Il suffisait à ces dernières de procéder au fur et à mesure du
développement des centres urbains à la détermination de zones d’exercice de l’activité de
marchands tabliers. Cela épargenrait aux autorités locales, notamment celles des grand centres
urbains, toutes les difficultés qu’elles rencontrent de nos jours à lutter contre l’occupation
anarchique du domaine public destiné à la libre circulation du public.

La même difficulté se présente également en ce qui concerne la lutte contre les affichages
sauvages de publicité. On a même l’impression qu’aucune action n’est menée à ce titre titre.
En effet, il est rare de constater l’enlèvement d’affichages publicitaires par l’autorité de police
municipale. Or, c’est de cela qu’il s’agit de faire si une fois la détermination des
emplacements réservés à la publicté à été accompli. Pour entreprendre cette action, il faudrait
que la règlementation soit complétée par l’obligation à toute personne autorisée à apposer une
publicité sur le domaine public de mentionner son nom et son adresse. Cela permettrait à
l’autorité de police de pouvoir procéder à l’enlèvement systématique de tout affichage
anonyme et à l’enlèvement aux frais de la personne qui a apposé l’affiche ou qui a installé le
dispositif de publicité en dehors des emplacements réservés.

L’anarchie ainsi constatée dans l’occupation des voies et lieux publics et dans l’apposition
d’affiches et de dispositifs de publicité trouve également son explication dans l’irrespect de
l’exigence d’une autorisation préalable par les occupants. En effet, rares sont les tabliers ou
les auteurs d’affiches qui se sont installés sur les voies et lieux publics ou qui ont apposé leur
publicité sur le domaine public sur la base d’un titre juridique. En réalité, il suffit à ces
derniers de constater l’existence d’un espace public disponible pour établir leurs tables de
commerce ou installer leurs dispositifs de publicité.

660
Voir article 119, alinéa 2-1. de la loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 portant code général des collectivités
territoriales au Sénégal, JORS N° 6765 du 28 décembre 2013.

Page 196
Cette anarchie est, cependant, facilitée par l’indétermination des espaces dédiés à ces
activités. En effet, quand l’autorité compétente ne détermine pas les zones d’exercice de
l’activité de marchand tablier ou d’apposition d’affiches publicitaires, peut-elle reprocher aux
marchands tabliers ou aux auteurs d’affiches d’avoir ignoré la loi ? Il nous semble que non
car, pour que ces derniers puissent se conformer à la règlementation, il faut, au préalable, que
les autorités administratives mettent en place les indications de la règlementation. Sans cela, il
est possible de considérer que les personnes récriminées de non respect des textes ne sont pas
enclines à savoir que toute occupation de l’emprise des routes et des voies publiques doit se
faire dans des endroits préalablement déterminées. L’administration est donc en grande partie
responsable pour défaut d’indication des emplacements réserés à ces activités, sans invoquer
les nombreuses carences allant du défaut de surveillance à l’absence de constatation et de
poursuite de ces irrégularités.

Il est alors utile de créer une collaboration entre les autorités centrales et celles
décentralisées, surtout en matière d’occupation des voies et lieux publics. En effet,
l’implication des collectivités territoriales dans la gestion des occupations des voies et lieux
publics aurait être d’un grand apport. Il est possible d’améliorer le décret en demandant aux
collectivités locales du ressort territorial de zones d’implantation d’étals d’équiper ces zones
et de procéder à l’attribution des étals. En d’autres termes, les gouverneurs de régions se
chargeraient de fixer les lieux d’exercice de l’activité de marchand tablier et les autorités
locales procéderaient à leur équipement et à la délivrance des titres d’occupation. La mise en
œuvre concrète de cette collaboration contribuerait à limiter l’occupation anarchique des voies
et lieux publics.

Dans le cas où des zones d’installation d’étals, équipées, sont clairement identifiables, les
personnes qui veulent exercer l’activité de marchands tabliers se rendraient compte de la
nécessité de se rapprocher des autorités compétentes avant de s’y installer. D’ailleurs, dans le
cadre de la mise en œuvre de son pouvoir de police contre l’encombrement, la ville de Dakar,
par exemple, va jusqu’à chercher, à ses frais, des sites de recasement pour les marchands
tabliers. Si les autorités administratives avaient véritablement joué leur rôle, l’anarchie
actuelle dans les voies et lieux publics aurait pu être amoindrie. Il ne faudrait peut-être pas
que la même carence se reproduise au niveau des nouveuax centres urbains.

Page 197
L’impératif de protection du domaine public ayant justifié l’exigence d’une
autorisation administrative préalable confère également à l’autorité domaniale de larges
pouvoirs dans le cadre de la délivrance des autorisations d’occuper.

Paragraphe 2 : La délivrance discrétionnaire des autorisations domaniales

Le sort des demandes d’autorisation d’occuper les dépendances domaniales dépend de


l’appréciation exclusive de l’autorité compétente. Cette dépendance tient au fait qu’en matière
d’utilisations privatives du domaine public la règle est, en principe, l’absence de droit à
l’obtention d’une autorisation d’occupation661.

L’autorité domaniale devant s’assurer de l’opportunité de soustraire une partie du domaine


public à l’usage de tous n’est pas obligée de délivrer le titre d’occuper. Elle se livre à une
appréciation, au cas par cas, des demandes qui lui sont adressées. L’analyse des textes révèle
que ce pouvoir d’appréciation ne repose pas sur des critères précis d’une part (A) et est
pratiquement incontrôlable par le juge d’autre part (B).

A / L’imprécision des critères d’appréciation des demandes

L’habilitation faite à l’autorité en charge de la gestion du domaine public d’autoriser


l’occupation privative ne circonscrit pas rigoureusement les prérogatives du maître du
domaine. Celui-ci se base sur un cadre général pour décider du sort d’une demande (1) et
dispose d’une diversité de motifs pour refuser d’accorder une autorisation d’occuper (2).

1. Le cadre général du pouvoir d’appréciation

À l’analyse de la législation domaniale, l’appréciation de l’autorité en charge de la gestion


du domaine public ne se fonde pas sur des bases précises. C’est le fondement de l’exigence
d’une autorisation administrative préalable, à savoir la maîtrise des usages privatifs, qui
détermine le pouvoir d’appréciation. Il faut rappeler que les utilisations privatives du domaine
public peuvent être des usages non-conformes (kiosques à journaux sur les trottoirs, stations
d’essence, terrasses de café) ou des usages conformes (places dans les halles et marchés) à la
destianation domaniale.

L’étude du pouvoir d’appréciation se focalisera essentiellement sur les usages privatifs


non-conformes. Car, pour les usages privatifs conformes, c’est la disponibilité ou non de

661
Voir CE, 2 novembre 1956, Biberon, Rec. Leb. p. 403.

Page 198
places qui détermine le pouvoir de l’autorité gestionnaire. Ainsi, ces types d’utilisation
présentent moins d’intérêt que la liberté d’appréciation du maître du domaine concernant les
occupations privatives non-conformes.

Lorsque les usages privatifs envisagés ne sont pas conformes à la destiantion des
dépendances domaniales, l’autorité domaniale doit s’assurer de l’opportunité de les accorder.
En effet, ces utilisations doivent, au moins, être compatibles avec l’affectation domaniale pour
être autorisées sur le domaine public. Il apparaît là que c’est un problème de compatibilité qui
se pose devant l’autorité chargée de délivrer l’autorisation d’occuper. Celle-ci doit toujours
vérifier, avant d’accorder une autorisation, que l’utilisation envisagée est compatible avec
l’affectation et ne compromet pas la conservation du domaine public.

Il est alors important de connaître sur quoi l’autorité domaniale se base pour opérer cette
vérification. Les textes ne semblent pas donner d’élements précis de vérification de la
compatibilité des usages non-conformes à la destianation des dépendances concernées. Au
contraire, ils exigent que les autorisations à délivrer ne puissent compromettre le droit d’usage
qui appartient à tous sur les dépendances domaniales sans pour autant dégager des éléménts
de vérification de la compatibilité recherchée.

En guise d’illustrations, on peut se baser sur le cadre général de l’article 20 du code du


domaine de l’État qui interdit toute utilisation du domaine public excédant le droit d’usage qui
appartient à tous sur ce domaine sans autorisation préalable. De même, on peut s’apuyer sur la
loi portant code de l’environnement qui consacre que « l’autorisation d’occupation du
domaine public maritime ne doit pas entraver ni le libre accès au domaine public maritime et
fluvial, ni la libre circulation sur la grève, ni être source d’érosion ou de dégradation du
site662 ».

Au reagrd de ces dispositions, il apparaît que le législateur laisse à l’autorité domaniale la


liberté d’apprécier la compatibilité d’une occupation privative à la destianation du domaine.
Les formules consacrées reconnaissent une large part de manœuvre à l’administration
domaniale. Celle-ci apprécie donc les demandes d’occupation en prenant en considération la
compatibilité des usages projetés à l’affectation du bien ainsi que les exigences de
préservation des dépendances du domaine public.

662
Voir article L 69 de la loi n° 2001-01 du 15 janvier 2001 portant code de l’environnement, JORS N° 5972 du
10 mars 2001.

Page 199
Ce cadre général du pouvoir d’appréciation de l’autorité domaniale est retenu par la
jurisprudence. On apprend, à travers le juge administratif français, que l’administration « doit
rechercher dans chaque cas particulier non seulement si les intérêts proprement dits du
domaine dont elle a la garde sont ou non conciliables avec l’admission de la demande dont
elle est saisie, mais encore si cette admission ne serait pas de nature à compromettre la
sauvegarde d’autres intérêts de caractère général 663 ». Il ressort de cette solution des
conditions générales d’appréciation de chaque demande adressée à l’autorité domaniale.
Celle-ci est tenue, selon le juge, de procéder à la vérification de la conciliabilité et de la
sauvegarde des intérêts de caractère général du domaine public avec l’occupation privative
envisagée.

En déterminant ainsi le pouvoir d’appréciation du maître du domaine, le juge, au même


titre que le législateur, n’indique pas sur quoi l’autorité domaniale doit se baser précisément
pour apprécier la compatibilité ainsi que la préservation des intérêts de caractère général du
domaine par rapport à un usage privatif déterminé. Donc, en l’absence de conditions
d’évaluation précises, l’administration domaniale « jouit d’un pouvoir très large
d’appréciation664 » pour accorder ou refuser les autorisations d’occuper le domaine public.

C’est à juste titre alors que la doctrine a relevé que l’autorité domaniale dispose d’une
large part d’opportunité en matière d’octroi des titres d’occuper des dépendances du domaine
public. C’est, à tout le moins, le point de vue que nous inspirent les écrits de certains auteurs.
Par exemple, pour René Chapus, l’administration doit, dans le cadre de son appréciation, «
faire en sorte que les dépendances domaniales puissent être utilisées de façon normale
conformément à leur affectation ou, au moins, d’une manière compatible avec elle665 ». Quant
à Jacqueline Morand-Deviller, elle écrit que l’autorité administrative « doit faire le meilleur
choix au regard des intérêts généraux complémentaires de l’affectation domaniale : intérêt de
la police de l’ordre public, intérêt de la conservation du domaine et intérêt de la meilleure
gestion économique et patrimoniale […] 666 ». Ces positions doctrinales font montre d’une
certaine liberté reconnue au maître du domaine pour décider si une occupation privative
envisagée sur le domaine public se concilie avec ses intérêts de caractère général et ne les
compromet pas. L’administration n’est pas figée dans l’appréciation qu’elle a faire d’une

663
Voir C.E., 5 novembre 1937, Société Industrielle des schistes et dérivés, Rec. Leb. p. 897.
664
J. Morand-Deviller, Droit administratif des biens, 7e éd., Paris, Montchrestien, 2012, p. 214.
665
R. Chapus, Droit administratif général, tome 2, 15e éd., Paris, Montchrestien, 2001, p. 476.
666
J. Morand-Deviller, Droit administratif des biens, op.cit., p. 214.

Page 200
demande d’occupation privative par rapport à la destination et à la conservation du domaine
public.

En plus du cadre général du pouvoir d’appréciation de l’autorité domaniale, l’absence


de critères précis d’appréciation se manifeste également par la diversité des motifs de refus
d’autorisation.

2. La diversité des motifs de refus

L’idée selon laquelle « nul n’a droit à l’obtention d’une permission d’occupation
privative, que celle-ci soit conforme ou simplement compatible667 » emporte que les demandes
d’autorisation peuvent ne pas être accordées par l’autorité domaniale. Celle-ci disposant d’un
large pouvoir d’appréciation peut s’appuyer sur des motifs divers pour refuser d’autoriser une
occupation privative du domaine public. En effet, c’est sur la base des conditions générales
d’appréciation – la considération des intérêts proprement dits du domaine (la compatibilité de
l’usage privatif à la destianation du bien) ; la sauvegarde d’autres intérêts de caractère général
(la conservation du domaine public) – que l’administration peut fonder son refus.

Il apparaît au niveau des textes exigeant une autorisation administrative préalable avant
toute occupation privative d’une dépendance domaniale que le refus de délivrer un titre
d’occuper peut emprunter des finalités variées.

D’abord, l’autorité domaniale peut se baser sur un motif de police d’ordre public pour
justifier son refus. En effet, on retrouve des composantes de la notion d’ordre public, à savoir
« le bon ordre, la sûreté, la tranquilité, la sécurité et la salubrité publics 668 », parmi les
motifs qui peuvent amener une autorité domaniale à ne pas délivrer un titre d’occuper. Il en
est ainsi lorsque le législateur dispose, par exemple, que l’autorisation à accorder doit « […]
avoir lieu sans gêner la voie publique, la navigation et la circulation669 » ; qu’elle « […] ne
doit entaver ni le libre accès au domaine public maritime et fluvial, ni la libre circulation sur
la grève670 ». C’est également le cas lorsuqu’il retient dans le code des télécommunications
comme motifs de refus d’accorder les autorisations d’utilisation des fréquences

667
Voir CE, 21 octobre 1983, Jacques Bricard, D.A. 1983, n° 415.
668
Voir article 119, alinéa 1 de la loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 portant code général des collectivités
territoriales au Sénégal, JORS N° 6765 du 28 décembre 2013.
669
Voir article 121, alinéa 2 de la loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 portant code général des collectivités
territoriales au Sénégal, JO préc.
670
Voir article L 69 de la loi n° 2001-01 du 15 janvier 2001 portant code de l’environnement, JO préc.

Page 201
radioélectriques « la sauvegarde de l’ordre public, les besoins de la défense nationale ou de
la sécurité publique671 ».

Le législateur invite ainsi l’autorité domaniale à refuser d’autoriser une occupation qui est
de nature à porter atteinte à la sécurité et à la tranquilité du public usager. Toute utilisation
privative qui peut compromettre la commodité de l’usage de la dépendance en cause ou qui
peut être source de nuisance pour le public destinataire ne doit pas être autorisée. L’autorité
domaniale doit « se demander si l’autorisation sollicitée est de nature à gêner sérieusement la
circulation ou d’une manière générale à porter atteinte à l’ordre public 672 ». Elle est donc est
appelée à préserver le mode d’utilisation normale des dépendances domaniales, notamment la
libre circulation, la promenade et la baignade sur les domaines publics routier et maritime.

Ensuite, l’administration domaniale peut fonder son refus sur le motif de l’esthétique
publique. Ce motif de refus peut intervenir essentiellement en matière d’affichage sur les
dépendances du domaine public. En effet, dans le cadre de l’utilisation du domaine public à
des fins publicitaires, l’autorité règlementaire a retenu que « l’affichage et la publicité sous
toutes ses formes ne peuvent être faits qu’à certains emplacements désignés par les autorités
administratives […]673 ». De même, elle ajoute que « l’affichage ou l’installation dispositifs
de publicité est interdit dans les sites, sur les monuments naturels ou ensembles
architecturaux dont la protection présente un intérêt artistique, historique, scientifique
légendaire ou pittoresque […]674 ».

Il ressort de la combinaison de ces dispositions que l’autorité compétente a l’obligation de


ne pas autoriser des affichages publicitaires qui sont de nature à compromettre l’esthétique
publique. On semble ainsi se préoccuper du respect du cadre architectural au titre duquel
l’administration doit prévenir l’affichage anarchique.

Puis, le refus de l’autorité domaniale peut se fonder sur un motif de conservation du


domaine public. C’est la sauvergarde de l’intégrité physique de la dépendance domaniale
concernée qui justifie le refus d’accorder le titre d’occuper. C’est ce que le législateur indique
dans la loi portant code de l’environnement en affirmant que l’autorisation d’occuper le

671
Voir article 72, alinéa 1 de la loi n° 2011-01 du 24 février 2011 portant code des télécommunications,
modifiée, JORS N° 6576 du 14 mars 2011.
672
Ph. Godfrin, Droit Administratif, 5e éd., Paris, Armand Colin, 1997, p. 133.
673
Voir article 5 du décret n° 64-750 du 5 novembre 1964 relatif à l’apposition d’affiches et de dispositifs de
publicité, JORS N° 3714 du 28 novembre 1964.
674
Voir article 7 du décret n° 64-750 du 5 novembre 1964 relatif à l’apposition d’affiches et de dispositifs de
publicité, JO préc.

Page 202
domaine public maritime ne doit pas « […] être source d’érosion ou de dégradation du
site675 ».

La même exigence se pose également au niveau du domaine public routier où l’autorité


règlementaire affirme que l’Agence de Gestion des Routes au Sénégal (AGEROUTE Sénégal)
est chargée « d’assurer la gestion des emprises des routes du réseau routier classé et de
veiller par tous les moyens à la préservation du patrimoine routier676 ».

Ces textes font ressortir une obligation faite à l’administration domaniale de mettre en
avant les intérêts de la conservation de l’intégrité matérielle des biens domaniaux. Elle ne doit
pas accorder les demandes qui peuvent donner lieu à des occupations occasionnant des
dégradations ou destructions des dépendances occupées.

De même, le maître du domaine peut fonder son refus sur l’intérêt financier du domaine
public. En effet, le législateur ayant retenu que la redevance domaniale « est révisable chaque
année677 », rien ne semble s’opposer à ce que l’autorité compétente puisse se baser sur le tarif
de la redevance pour refuser un titre d’occuper à un occupant privatif. Il peut en être le cas
lorsque celle-ci décide de relever le montant de la redevance. C’est l’intérêt financier qui
découle de ce relèvement qui nous amène à considérer qu’elle peut refuser l’occtroi d’un titre
d’occuper sur cette base. Il s’agit pour l’autorité domaniale de chercher un meilleur
rendement des autorisations d’occuper le domaine public.

En attendant d’avoir la position du juge sénégalais sur ce motif de refus, on peut recourir à
la jurisprudence administrative française qui a admis l’intérêt financier comme motif de refus
d’accorder une autorisation d’occuper678. Il a, dans ce cadre, considéré qu’un profit supérieur
au montant de la redevance antérieurement perçue envisagé avec un nouveau partenaire
justifie le refus par l’autorité compétente de renouveler une autorisation d’occuper des
garages dépendant du domaine public ferroviaire679. De même, il a décidé de la légalité d’une
décision de refus de non renouvellement d’un titre d’occuper du fait du refus du bénéficiare
d’accepter une augmentation sensible du montant de la redevance680. Donc, la recherche d’un

675
Voir article L 69 de la loi n° 2001-01 du 15 janvier 2001 portant code de l’environnement, JO préc.
676
Voir article 3 du décret n° 2010-430 portant création et fixant l’organisation et le fonctionnement de
l’AGEROUTE Sénégal, JORS N° 6560 du 11 décembre 2010.
677
Voir article 17 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.
678
Voir CE, 2 mai 1969, Société Affichage Giraudy, AJDA, 1970. II. 110.
679
Voir CE, 18 mars 1963, Cellier, Rec. Leb. p. 189.
680
Voir CE, 23 juin 1986, Thomas, Rec. Cons. d’Ét., p. 15.

Page 203
meilleur profit de l’occupation privative du domaine public constitue un motif de refus
d’octroi d’une autorisation d’occuper.

Enfin, l’administration peut se baser sur la protection de l’environnement pour refuser


d’accorder un titre d’occuper. En effet, l’imprégnation de la domanialité publique par les
éléments fondamentaux de la protection de l’environnement681 fait que l’autorité domaniale
peut s’appuyer sur des considérations d’ordre environnemental pour justifier un refus
d’autorisation. Ainsi, en se fondant sur les dispositions pertinentes du code de
l’environnement, il est possible de soutenir que l’autorité en charge de la gestion du domaine
doit opposer son refus à toute demande d’occupation privative du domaine public qui peut
être source de pollutions et de nuisances pour l’homme et le milieu naturel682. Il en est de
même lorsque l’occupation projetée est susceptible de compromettre l’intégrité des plages,
des dunes et autres, notamment en matière d’extraction de sable, de minerais683.

La diversité ainsi constatée des motifs de refus d’autorisation prouve que l’occupation
privative du domaine public ne devrait être une chose aisée. Elle offre un large champ
d’intervention à l’autorité domaniale en matière d’appréciation des demandes d’autorisations
d’occuper le domaine public à titre personnel. À ce titre, il ne devrait y avoir des installations
privatives qui sont sources de nuisance pour le public usager ou qui dégradent l’intégrité des
dépendances occupées. Cette « large palette de motifs de refus684 » s’inscrit en parfait accord
avec la nécessité de n’admettre sur le domaine public que des usages privatifs qui sont
compatibles avec sa destination et qui ne compromettent pas sa conservation matérielle.

Indépendamment de son pouvoir d’appréciation libre et très étendu, l’administration


semble également se délier de tout contrôle en ce sens que son refus de délivrer une
autorisation d’occuper est pratiquement à l’abri de toute critique contentieuse.

681
J. Morand-Deviller, Droit administratif des biens, op.cit., p. 216.
682
Voir articles L 9 à L 14 ; article L 65 de la loi n° 2001-01 du 15 janvier 2001 portant code de
l’environnement, JORS N° 5972 du 10 mars 2001.
683
Voir articles L 69 et L 81 de la loi n° 2001-01 du 15 janvier 2001 portant code de l’environnement, JO préc.
684
C. Chamard-Heim, « L’illégalité des autoirisations tacites d’occupation du domaine public », Observations
sous CE, 21 mars 2003, Syndicat intercommunal de la périférie de Paris pour l’électricité et les réseaux
(SIPPERC), Grandes décions du droit administratif des biens, Dalloz, 2013, p. 423.

Page 204
B / L’improblable critique contentieuse du refus d’accorder un titre
d’occuper

Le refus d’accorder des autorisations d’occupation privative du domaine public


soulève deux problèmes majeurs du point de son contrôle par le juge.

Le premier réside dans la possibilité même d’attaquer ce refus devant le juge :


l’absence, en principe, de droit à l’obtention d’un titre d’occuper fait qu’aucun droit n’est lésé.
Sur cette base, le refus de déliver une autorisation d’occuper semble se ranger dans la
catégorie des actes soustraits du contrôle juridictionnel (1). Le second trouve sa source dans la
possibilité du juge de contrôler la régularité des motifs de refus. Pour ce faire, le juge doit
normalement se baser la motivation par l’administration domaniale de son motif de refus. Or,
il semble, à l’état actuel du droit positif sénégalais, que celle-ci n’est pas obligée de motiver
son refus d’autoriser un usage privatif du domaine public (2).

1. Le principe de l’incontestabilité de la décision de refus

Par souci d’équilibre entre les pouvoirs prépondérants de l’autorité domaniale et les
intérêts des occupants privatifs du domaine public, on peut être tenté de penser que les
occupants potentiels dont les demandes d’autorisation n’ont pas été acceptées peuvent
attaquer le refus d’autorisation de l’autorité compétente devant le juge. Mais, lorsque l’on
analyse de près la situation de ces personnes qui désirent faire de certaines dépendances
domaniales des usages exclusifs, on se rend vite à l’évidence qu’aucun de leur droit n’est lésé
par le refus de l’administration.

En effet, la législation domaniale ne fait pas de l’autorisation d’occuper une dépendance


du domaine public un avantage dont l’octroi constitue un droit. Les différents textes afférents
à l’occupation privative du domaine public ne reconnaissent pas, en principe, aux occupants
potentiels un droit à l’obtention d’un titre d’occuper. Le droit positif sénégalais reprend ainsi
le principe consacré en droit domanial français selon lequel « les occupants potentiels n’ont
pas de droit à l’obtention d’une autorisation d’occupation du domaine public685 ». On peut
donc retenir qu’en matière d’utilisation privative du domaine public, « il n’y a pas un droit à
autorisation686 ».

685
Voir CE, 2 novembre 1956, Biberon, Rec. Leb. p. 403.
686
J. Morand-Deviller, Droit administratif des biens, op.cit., p. 214.

Page 205
Il apparaît à partir de là que l’administration n’offre qu’une faveur à une personne
d’utiliser une dépendance domaniale à titre personnel. Lorsqu’elle refuse d’accorder cette
faveur, il ne semble pas possible de considérer qu’un droit a été lésé. A ce titre, les occupants
potentiels dont les demandes n’ont pas été autorisées ne peuvent pas se sentir frustrés pour
contester le refus de l’autorité domaniale devant le juge. Ce refus ne constitue pas une atteinte
à un droit pouvant justifier un recours contentieux.

En attendant d’avoir la position du juge sénéglais, l’absence de droit lésé par le refus de
l’administration domaniale est ce qui est retenue par le juge administratif français. Selon ce
dernier, « le refus d’accorder une permission est un acte purement administratif qui n’est pas
de nature à être déféré au Conseil d’État par la voie contentieuse 687 ». Cette solution
implique que l’autorité administrative compétente qui ne délivre pas un titre d’occuper ne lèse
ni un droit, ni même un intérêt. Selon Edouard Laferrière, « elle s’abstient d’accorder une
faveur, elle se borne à refuser d’agir688 ». Dès lors qu’aucun droit n’est lésé, il n’y a pas
d’intérêt pour l’occupant potentiel à attaquer le refus de l’administration devant le juge. Cela
fait donc que le refus d’autoriser une utilisation privative du domaine public ne peut être
critiqué par la voie contentieuse.

Il faut tout de même relever que la soustraction du refus d’accorder un titre d’occuper de
toute critique contentieuse doit être relativisée. En effet, il semble exister dans la législation
domaniale des textes qui font bénéficier à certains occupants un droit à l’utilisation privative
du domaine public. C’est le cas des concessionnaires de transport ou de distribution
d’éléctricité qui ont le droit d’exécuter sur les voies publiques et leurs dépendances tous
travaux nécessaires à l’établissement et à l’entretien des ouvrages de transport689. Il s’agit
également des opérateurs de réseaux de télécommunications ouverts au public qui bénéficient
d’un droit de passage sur le domaine public690.

Pour ces usagers du domaine public, les textes y afférents consacrent implicitement la
possibilité d’un refus de l’autorité domaniale, mais un refus qui ne peut être justifié que par

687
Voir C.E., 19 mars 1880, Cie du gaz, Rec. Leb. p. 333.
688
E. Laferrière, Traité de la jurisprudence administrative, tome 1, 2e éd., p. 553, cité par J.-F. Denoyer,
L’exploitation du domaine public, Thèse, Paris, L.G.D.J., 1969, p. 109.
689
Voir article 33, alinéa 4 de la loi n° 98-29 du 14 avril 1998 relative au secteur de l’électricité, modifiée, JORS
N° 5797 du 24 avril 1998.
690
Voir article 94, alinéa 1 de la loi n° 2011-01 du 24 février 2001 portant code des télécommunications,
modifiée, JORS N° 6576 du 14 mars 2011.

Page 206
les nessécités de sauvegarde de l’utilité publique du domaine 691 . Ainsi, dans le cas où
l’administration refuse une autorisation en dehors de toutes considérations d’intérêt général,
elle lèse un droit. Le refus qui s’appuie ainsi sur des préoccupations étrangères à la
sauvegarde de l’utilité publique du domaine constitue une illégalité justifiant nécessairement
un recours contentieux. À ce titre, les bénéficiaires d’un droit à l’utilisation privative peuvent
contester le refus de l’autorité domaniale devant le juge.

La difficulté de contrôler le refus de l’autorité domaniale se manifeste également au


niveau des motifs de refus à cause de l’absence d’obligation de motivation du refus
d’autorisation.

2. L’absence d’obligation de motivation des décisions de refus

Le pouvoir discrétionnaire de l’autorité domaniale en matière d’octroi des


autorisations d’occuper le domaine public n’est pas arbitraire. En effet, lorsque l’autorité
saisie d’une demande décide de ne pas accorder le titre d’occuper, elle doit fonder son refus
sur des motifs tirés de la préservation de l’utilité publique du domaine. Il apparaît à ce niveau
que l’acte de refus doit toujours reposer sur des motifs valables. En conséquence, les motifs
de refus doivent pouvoir être contrôlés par le juge de l’excès de pouvoir pour s’assurer de leur
régularité.

Mais, l’exercice de ce contrôle pose problème en ce sens que l’administration n’est pas
tenue de faire figurer les motifs de son refus sur l’acte : la motivation, qui est « l’exposé des
raisons de droit et de fait qui ont déterminé l’autorité administrative à agir692 », ne s’impose
pas à l’autorité domaniale.

En l’état actuel du droit positif sénégalais, le principe « pas de motivation sans texte »,
dégagé par le juge français693, demeure. Cela signifie que la motivation n’est obligatoire pour
l’administration que lorsqu’elle est prévue par un texte. La Cour suprême l’a clairement
consacré en affirmant qu’ « une autorité administrative n’est pas tenue de motiver ses

691
Voir article 33, alinéa 4 de la loi n° 98-29 du 14 avril 1998 relative au secteur de l’électricité, modifiée, JO
préc. ; article 72 de la loi n° 2011-01 du 24 février 2011 portant code des télécommunications, modifiée, JO
préc.
692
A. Dièye, « Le juge et la motivation des actes administratifs au Sénégal », EDJA, n° 81, avril-mai-juin 2009,
p. 6.
693
Voir CE, 30 novembre 1880, Harouel et Morin c/ Ministre de la guerre, Rec. Leb. p. 419.

Page 207
décisions en l’absence de disposition législatives et règlementaires lui imposant une telle
obligation694 ».

C’est ce principe qui prévaut en matière d’autorisations d’occuper le domaine public.


En effet, les différentes exceptions que connaissent ce principe n’intègrent pas encore le refus
de délivrer un titre d’occuper695. Ce dernier n’a pas à être motivé par l’autorité domaniale.
L’explication réside dans le fait que l’autorisation d’occuper une dépendance du domaine
public n’est pas un avantage dont l’attribution constitue un droit.

L’évolution notée en droit domanial français sur cette question n’est pas encore prise
en compte au Sénégal. En effet, c’est la même situation qui prévalait en France jusqu’en
1986. C’est la modification de l’article premier de la loi du 11 juillet 1979 sur la motivation
des actes administratifs par la loi du 17 janvier 1986 qui a intégré la disposition générale selon
laquelle doivent être motivées les décisions qui « refusent une autorisation 696 ». Reprise
récemment par l’ordonnance du 23 octobre 2015 697 , cette dispsotion intègre le refus
d’occorder une autorisation d’occuper le domaine public parmi les actes administratifs soumis
à l’obligation de motivation. Elle oblige « l’administration à indiquer les motifs sur lesquels
elle fonde son refus698 ». Donc, contrairement au Sénégal, il est devenu obligatoire, en droit
français, pour l’autorité domaniale de motiver les refus d’octroi d’une autorisation
d’occupation du domaine public.

L’absence d’obligation de motivation limite le contrôle du juge sur les motifs de l’acte
de refus. En effet, le refus de délivrer un titre d’occuper ne saurait être entaché d’un vice de
forme pour défaut de motivation. Ainsi, le juge saisi ne peut se baser sur la non-indication des
motifs de refus sur l’acte pour le déclarer illégal. Il doit s’appuyer sur les motifs retenus par
l’autorité domaniale pour apprécier la légalité ou non du refus ; ce qui n’est pas aisé à faire en
ce sens que les motifs ne sont pas expressément formulés sur l’acte.

694
Voir CS, 6 février 1985, Charles Maurice Diop, inédit.
695
Du point de vue des textes, l’obligation de motivation est imposée pour les décisions défavorables aux
employés (article 188 du Code du travail) et pour les refus d’enregistrement (article 812 du code des obligations
civiles et commerciales). Au niveau de la jurisprudence, l’obligation de motivation couvre les mesures de
sanction des employés (CE, 27 avril 1994, Ousmane Kane Camara et autres), les mesures de police (CE, 27
octobre 1993, Seydou Mamadou Diarra, CE, 25 novembre 1999, LD/MPT).
696
Voir article 26 de la loi n° 86-76 du 17 janvier 1986 portant diverses dispositions d’orde social, JORF du 18
janvier 1986, disponible sur : www.legifrance.gouv.fr, consulté le 8 janvier 2017.
697
Voir article L. 211-2 de l’ordonnance n° 2015-1341 du 23 octobre 2015 portant Code des relations entre le
public et l’administration, disponible sur : www.legifrance.gouv.fr, consulté le 8 janvier 2017.
698
Ph. Godfrin, Droit Administratif, op.cit., p. 113.

Page 208
L’absence des motifs de refus sur l’acte ne facilite donc pas le contrôle du juge sur la
régularité des motifs invoqués par l’administration. En effet, le juge, devant cette situation,
dispose de la faculté d’exiger de l’administration qu’elle révèle ses motifs lors de l’instance.
C’est ce qu’a conclu le commissaire du gouvernement Letourneur dans l’affaire Barel en
retenant que « la règle suivant laquelle les actes administratifs n’ont pas à être motivés […]
n’a ni pour but, ni pour effet de soustraire l’administration à l’obligation de faire connaître
au juge de l’excès de pouvoir les motifs des actes attaqués devant lui699 ». Il apparaît là que
l’absence de motivation est une source de ralentissement du travail du juge. Lorsque celui-ci
tient à connaître les motifs de la décision de refus, il sera obligé de pratiquer « la chasse aux
motifs700 ». Donc, le principe de la motivation facultative des actes de refus d’autoriser une
occupation privative du domaine public constitue un inconvénient majeur sur le contrôle du
juge.

Au total, le cadre juridique domanial assoit une réelle prévention des usages qui
peuvent compromettre l’intégrité physique du domaine public. Dans le cas où la prévention
fait défaut, ceux qui utilisent de façon malveillante les dépendances domaniales font l’objet
d’une sévère répression.

699
Letourneur, Conclusions sous CE, 28 mai 1954, Barel, GAJA, 17e éd., n° 70, Paris, Dalloz, 2009, p. 454.
700
G. Lebreton, Droit administratif général, 4e éd., Paris, Dalloz, 2007, p. 236.

Page 209
CHAPITRE 2 :

LA CONSÉCRATION D’UN RÉGIME RÉPRESSIF RIGOUREUX

L’édiction de règles juridiques visant à prévenir les atteintes à l’intégrité physique du


domaine public ne saurait à elles seules suffire pour garantir une réelle conservation
matérielle de ce domaine. Il faut nécessairement les associer avec des mesures ayant pour
objet de réprimer les usagers qui outrepassent les interdits. Le régime juridique du domaine
public traduit cette nécessité de dissuader les agressions à l’intégrité matérielle dudit domaine
en instituant un régime de répression assez contraignant. C’est ce que l’on qualifie de
protection pénale du domaine public qui doit être entendue comme l’ensemble des
dispositions pénales qui punissent ceux qui utilisent mal le domaine public.

La protection pénale mise en place se manifeste, en premier lieu, par une incrimination
de divers comportements des usagers du domaine public, qui n’en constituent pas moins des
agressions à son intégrité physique. Le législateur a déterminé un ensemble de
comportements, de faits imputables aux usagers du domaine comme des infractions
domaniales (Section 1). En second lieu, la protection pénale se matérialise par diverses
mesures de sanctions, prononcées à la suite d’une procédure particulière, réprimant les
usagers coupables d’atteintes à l’intégrité matérielle du domaine public (Section 2).

Section 1 : La détermination d’infractions au domaine public

La protection pénale du domaine public s’est inscrite dans la même logique que le
droit pénal général. Ce dernier est gouverné par le principe de légalité701, consacré par la
constitution en ces termes : « nul ne peut être condamné si ce n’est qu’en vertu d’une loi
entrée en vigueur avant l’acte commis702 ». Il signifie qu’ « un comportement ne tombe sous
le coup de la répression qu’une norme claire et précise préexistait au jour de la commission
des faits703 ». Ce principe de droit pénal général fait foi également en droit domanial. Le
législateur a prévu dans le du code du domaine l’État et dans les textes particuliers afférents

701
R. Merle et A. Vitue, Traité de droit criminel, 7e éd., Paris, Cujas, 1997, p. 235 ; Y. Mayaud, Droit pénal
général, 4e éd., Paris, PUF, 2013, p. 21.
702
Voir article 9 de la loi n° 2001-03 du 22 janvier 2001 portant Constitution du Sénégal, modifiée, JORS N°
5963 du 22 janvier 2001.
703
B. Niang, « Le principe de la légalité de la répression au Sénégal », p. 1, [en ligne], disponible sur :
www.afrilex.u-bordeaux4.fr, consulté le 18 mai 2018.

Page 210
au domaine public les différents comportements des usagers du domaine public qui tombent
« sous le coup de la loi pénale704 ».

Ces différents faits répréhensibles peuvent être regroupés dans deux catégories : les
occupations irrégulières du domaine public d’une part (Paragraphe 1), et les actes de
dégradation dudit domaine et gênes aux servitudes d’utilité publique d’autre part
(Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les occupations irrégulières

Le législateur retient dans le code du domaine de l’État que « les agents de l’État ou
les autres personnes habilitées à cet effet constatent les infractions aux dispositions de
l’alinéa précédent […] 705 ». Il est, en effet, consacré dans l’alinéa 1 de l’article 20 dudit code
que toute occupation, exploitation ou utilisation du domaine public dans les limites excédant
le droit d’usage qui appartient à tous sur ce domaine doit être autorisée par l’autorité
administrative compétente.

Il en résulte que les infractions visées correspondent aux occupations des dépendances
domaniales sans autorisation administrative préalable. C’est ce que l’on qualifie
d’occupations irrégulières du domaine public, c’est-à-dire une emprise ou une occupation
privative faite en violation des lois et règlements en vigueur706. Elles procèdent de plusiseurs
situations pouvant être regroupées en deux groupes d’infractions : les utilisations privatives
sans aucun titre juridique (A) et les utilisations privatives sur la base de titres irréguliers (B).

A / Les occupations sans titre juridique

L’utilisation du domaine public sans titre juridique est la situation par laquelle une
personne occupe, utilise ou exploite une dépendance domaniale à titre personnel sans avoir
sollicté et obtenu l’autorisation de l’autorité compétente. Il s’agit d’une situation qui peut
résulter soit de l’inexistence réelle d’une autorisation (1), soit de l’extension de l’usage
privatif au-delà des limites fixées par le titre juridique (2).

704
Voir M. Cavérivière et M. Débène, Le droit foncier sénégalais, Paris, Berger-Levrault, 1988, p. 272.
705
Voir article 20, alinéa 2 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JORS N° 4506
du 28 juillet 1976.
706
I. Ly, « Les pouvoirs de l’État dans la régulation du système foncier en droit sénégalais », Annales Africaines,
Nouvelle série, Volume 2, décembre 2017, N°7, p. 38.

Page 211
1. L’inexistence réelle d’une autoirisation d’occupation

En application de l’alinéa 1 de l’article 20 du code du domaine l’État, l’inexistence réelle


d’un titre d’occuper renvoie à la sitiuation d’un occupant privatif d’une dépendance
domaniale qui n’a pas cherché à disposer d’une autorisation l’habilitant à s’y installer. Il
s’agit, selon Christian Lavialle, de l’occupant « […] qui s’est installé de sa propre autorité
sur le domaine public sans en avoir le droit, en un mot le squatter707 ». C’est quelqu’un « qui
n’a jamais bénéficié d’un titre de ce genre708 » et qui soustrait une partie du domaine public
de l’usage de tous.

En outre, l’inexistence réelle d’un titre d’occuper renvoie à la situation de l’occupant qui
bénéficie d’une simple tolérance de l’administration. La tolérance administrative correspond,
en effet, à la volonté des autorités gestionnaires du domaine public de ne pas agir face à un
fait – une occupation sans titre du domaine – dont elles ont connaissance709. L’illustration est
la situation des marchands tabliers établis sur les voies et lieux publics. Cette tolérance de
l’administration est constitutive d’une « situation en marge de la légalité710 » en ce sens que
l’autorisation d’occuper doit être un acte exprès, fromel et explicite. En conséquence, elle ne
saurait dispenser l’occupant de l’obtention d’un titre juridique. Car, comme le souligne
Caroline Chamard-Heim, « la tolérance n’est qu’un fait, qui peut certes exister, mais qui ne
produit pas d’effets juridiques en la matière711 ».

À ce titre, la tolérance de l’administration ne peut en aucun cas régulariser la situation de


la personne qui en bénéficie. Elle ne peut pas se substituer à l’autorisation administrative
préalable exigée par les textes domaniaux. Le juge administarif français nous renseigne que la
tolérance de l’administration, quel que soit la durée, ne peut avoir la même valeur juridique
que l’autorisation administrative712. Elle permet tout simplement à des personnes d’occuper le
domaine public sans titre juridique.

Il arrive même que, dans le cadre de cette tolérance administrative, l’autorité domaniale
perçoit des redevances sur les occupants. Au demeurant, l’occupant reste dans une situation

707
Ch. Lavialle, « L’occupation sans titre du domaine public », AJDA, 1981, p. 563.
708
J.-M. Auby et P. Bon, Droit administratif des biens, 3e éd., Paris, Dalloz, 1995, p.150.
709
F. Lombard, « Les tolérances administratives en matière d’occupation du domaine public », RRJ 2007, p. 807.
710
L. Tallineau, « Les tolérances administratives », AJDA, 1978, p. 3.
711
C. Chamard-Heim, Observations sous CE, 21 mars 2003, Syndicat intercommunal de la périférie de Paris
pour l’électricité et les réseaux (SIPPERC), op.cit., p. 425.
712
Voir CE, 24 mai 1995, Choukroum, SARL Galerie des tissus et SARL Galerie Les bons tissus, Rec. Leb. p.
781.

Page 212
irrégulière puisque l’usage privatif qu’il fait du domaine ne repose sur aucun titre juridique.
Là aussi, nous apprenons à travers la jurisprudence administrative française que « cette
tolérance, même si elle est matérialisée par la perception d’une redevance, ne saurait suffire
pour conférer un titre juridique valable 713 ». Il s’avère donc que sans la détention d’une
autorisation valablement délivrée par l’autorité domaniale, l’occupant privatif reste dans une
situation irrégulière. Des utilisations privatives tolérées par l’administration qui, en plus, en
perçoit des redevances, constituent des infractions domaniales.

Par ailleurs, il existe une manifestation particulière de l’occupation sans titre juridique,
notamment en ce qui concerne les installations édifiées sur le domaine public maritime. En
effet, les titres d’occupation de ce domaine n’autorisent que des installations légères, mobiles
ou démontables714. Ils s’opposent à l’édification de constructions entrainant une modification
de l’assiette dudit domaine. Or, comme le font ramarquer Monique Cavérivière et Marc
Débène, « il n’est pas rare aujourd’hui de voir les anciennes cases de paille remplacées par
de véritables maisons en dur qui se dressent au centre d’un terrain soigneusement
clôturé 715 ». Mis à part les constructions édifiées sur les parties déclassées, toute autre
construction en dur sur la zone des pas géométriques ne repose sur aucun titre régulier. Il
s’agit d’installations qui procèdent d’une transformation de l’objet du titre juridique par les
occupants. Ainsi, comme le souligne Ibrahima Ly, « […] ces personnes ont cru à tort
bénéficier d’une prescription acquisitive leur permettant de faire des construction en dur716 ».
Elles constituent alors des occupations sans titre juridique parce que reposant sur des
permissions de voirie. L’absence d’autorisation administrative préalable habilitant ces
constructions place ces occupants dans une position irrégulière.

L’occupation privative du domaine public en l’absence de tout titre juridique constitue


une infraction domaniale. En effet, le principe codifié par l’article 20 du code du domaine de
l’État est que personne ne peut occuper une dépendance domaniale sans disposer d’un titre l’y
habilitant, sous peine d’être considérée comme un occupant irrégulier. Lorsqu’un usager se
trouve dans cette position, il est dans une situation irrégulière puisqu’il crée un trouble au
domaine public. Christian Lavialle écrit, à ce propos, que « dès l’instant où le domaine public

713
Voir CE, 11juin 1971, Dame Chanuel, Rec. Leb. p. 439.
714
Voir article 12 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc. ; article L 69,
alinéa 2 de la loi n° 2001-01 du 15 janvier 2001 portant partie législative du code de l’environnement, JORS N°
5972 du 10 mars 2001.
715
M. Cavérivière et M. Débène, Le droit foncier sénégalais, op.cit., p. 267.
716
I. Ly, « Les pouvoirs de l’État dans la régulation du système foncier en droit sénégalais », op.cit., p. 39.

Page 213
est occupé sans titre, il y a trouble 717 ». Cela se conçoit, par exemple, à travers
l’encombrement grandissant des emprises du réseau routier par les marchands tabliers, les
gargottes, les ateliers de menuiserie, les garages de mécaniciens et autres. Ces occupations
sans titre constituent des troubles au domaine public en ce sens qu’elles détournent
complètement les voies publiques de leur destiantion principale.

L’occupation irrégulière du domaine public est également le fait d’une extension de


l’autorisation accordée par l’autorité compétente.

2. L’extension du titre d’occupation

L’autorisation unilatérale ou contarctuelle accordée à un occupant privatif du domaine


public porte sur une surface domaniale dont l’étendue est nettement déterminée. Pour s’en
convaincre, on peut se baser sur une décision du juge administratif français qui fait de la
détermination de l’étendue du domaine à occuper une condition de validité de l’autorisation.
En effet, la Cour d’appel administrative de Marseille a retenu qu’aucune convention
d’occupation domaniale n’existe en l’absence d’accord des parties sur l’étendue du domaine
concédé718. Dès lors que l’autorisation délimite la surface domaniale à occuper, le bénéficiaire
d’un titre juridique qui outrepasse les limites fixées par son titre procède à son extension.
L’extension du titre d’occuper correspond alors à la situation dans laquelle l’occupant privatif
occupe une dépendance domaniale en excédant les dimensions de la zone autorisée.

Cette situation se matérialise souvent dans les cas où le bénéficiaire d’une autorisation
administrative « annexe » quelques mètres de surface domaniale à son titre juridique. C’est le
cas généralement des détenteurs de cantines, de magasins et autres qui n’hésitent pas
entreposer leurs produits, leurs marchandises sur les emprises des voies publiques. Le même
constat est également fait au niveau du domaine public maritime. En effet, selon Mamadou
Aliou Diallo, des « formes d’irrégularités peuvent être constatées à Pikine, Cambérène où les
titulaires d’autorisation de construire construisent au-delà de l’autorisation, « gagnant »
toujours quelques mètres de plage719 ». Dans tous ces cas, on est en présence d’occupation de
dépendances domaniales irrégulière. Il s’agit d’occupations qui ne rentrent pas dans les
limites fixées par le titre juridique. En conséquence, elles ne reposent sur aucune autorisation
administrative de l’autorité compétente et constituent des occupations irrégulières.

717
Ch. Lavialle, « L’occupation sans titre du domaine public », op.cit., p. 564.
718
Voir CAA de Marseille, 2 juillet 2009, Société Dyneff c/ Commune d’Alès, AJDA, 2009, p. 2224.
719
M.-A. Diallo, La difficile gestation d’un droit littoral au Sénégal, Thèse, UCAD, Dakar, 2012, p. 122.

Page 214
Les auteurs de tels comportements commettent une atteinte au principe de l’obligation de
solliciter et de d’obtenir l’accord de l’autorité domaniale avant de s’installer sur le domaine
public. Ils sont alors coupables d’une infraction domaniale en application de l’article 20 du
code du domaine de l’État. Cela tient au fait que ces agissements occasionnent souvent des
désagréments aux dépendances domaniales. Les débordements constatés sur les voies
publiques limitent la libre circulation du public usager, et les constructions édifiées sur le
domaine public maritime modifient son assiette tout en le fragilisant et portent atteinte au
libre accès du public au littoral.

L’autre infraction tenant aux occupations irrégulières a trait à l’utilisation privative d’une
dépendance domaniale sur la base d’un titre irrégulier.

B / Les utilisations basées sur un titre irrégulier

L’irrégularité de l’autorisation d’occuper une dépendance du domaine public peut


découler soit de son origine (1), soit de sa caducité (2).

1. L’irrégularité du titre à l’origine

Le titre juridique irrégulier dès l’origine concerne les cas pour lesquels l’autorité qui a
octroyé l’autorisation n’est pas compétente et les cas où l’objet du titre d’occuper n’est pas
conforme aux prescriptions légales.

S’agissant de l’irrégularité tenant à l’incompétence de l’auteur de l’acte, il convient de


préciser que la législation domaniale répartit les compétences en matière d’autorisation
d’occupation du domaine entre l’autorité de police municipale720 et les autorités en charge de
la gestion du domaine public721 et l’autroité centrale722. Ce qui fait qu’il peut y avoir dès fois
des risques de conflit de compétence.

En effet, lorsque l’on prend, par exemple, l’utilisation des voies et lieux publics, les textes
domaniaux habilitent plusieurs autorités à délivrer les autorisations d’occupation. Au titre du

720
Voir article 121, alinéa 2 de la loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 portant code général des collectivités
territoriales JO préc.
721
Pour l’exploitation des ressources en eau, les autorisations sont accordées par les ministres chargés de
l’hydraulique et de l’assainissement (article 7 de la loi n° 81-13 du 14 mars 1981, portant code de l’eau, JORS N°
4828 du 11 avril 1981), s’agissant du réseau routier classé, les autorisations de travaux sont délivrées par
l’AGEROUTE (article 3 du décret n°2010-430 du 1er avril 2010 portant création et fixant les règles
d’organisation et de fonctionnement de l’AGEROUTE Sénégal, JORS N° 6560 du 11 décembre 2010), et autres.
722
L’exercice de la profession de marchand tablier est autorisé par le ministre en charge du commerce (article 4
du décret n° 76-018 du 6 janvier 1976 règlementant la vente sur la voie et dans les lieux publics, JORS N° 4473
du 14 février 1976).

Page 215
décret n° 76-018 du 6 janvier 1976 règlementant la vente sur la voie et dans les lieux publics,
le ministre en charge du commerce est compétent pour autoriser les marchands tabliers à
s’installer sur ces dépendances723. Le code général des collectivités territoriales, de son côté,
attribue au maire la compétence de délivrer les permis de stationnement ou de dépôt
temporaire sur la voie publique et autres lieux publics 724 . Sur les mêmes dépendances, la
partie règlementaire du code de l’urbanisme confère au représentant de l’État dans le
département d’accorder les conventions d’occupation temporaires sur les voies du réseau
routier classé et le domaine public725.

Il y a ainsi plusieurs autorités qui se partagent un même domaine de compétence. Cet état
de la règlementation domaniale pose un problème de compétence. Ce qui implique que tout
titre juridique accordé par une autorité qui n’a pas la compétence est irrégulier. Par exemple,
une autorisation accordée à un marchand tablier par un maire n’est pas régulière ; cette
autorisation est de la compétence du ministre du commerce. Le détenteur d’une telle
autorisation se trouve dans situation irrégulière. Son titre juridique est entaché d’un vice de
compétence, notamment l’incompétence matérielle.

En conséquence, le titulaire d’une telle autorisation est un occupant du domaine public


sans titre juridique. Il y a alors nécessité à harmoniser les textes, et conférer la compétence
d’attribution des autorisations d’occupation privative du domaine, plus particulièrement sur
les voies et lieux publics à une seule autorité. Il est plus approprié de conférer ce pouvoir aux
autorités locales qui disposent de la police sur les voies publiques, sur les rivières, sur les
ports et quais fluviaux et autres lieux publics726.

L’irrégularité de l’autorisation d’occuper à l’origine peut également procéder d’une


violation des prescriptions légales. En effet, le code du domaine de l’État répartit les titres
d’occuper en fonction de la nature de l’occupation envisagée. Lorsque l’utilisation n’emporte
pas emprise sur l’assiette domaniale, l’occupant potentiel a besoin d’une permission de voirie,
alors que lorsque l’utilisation emporte emprise sur le domaine public, l’usager potentiel a
besoin soit d’une autorisation d’occuper, soit d’une concession ou autorisation

723
Voir article 4 du décret n° 76-018 du 6 janvier 1976 règlementant la vente sur la voie et dans les lieux publics,
JO préc.
724
Voir article 121, alinéa 2 de la loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 portant code général des collectivités
territoriales, JO préc.
725
Voir article R 223, alinéa 5 du décret n° 2009-1450 du 30 décembre 2009 portant Partie règlementaire du
code de l’urbanisme, JORS N° 6225 du 8 mai 2010.
726
Voir article 121, alinéa 2 de la loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 portant code général des collectivités
territoriales, JO préc.

Page 216
d’exploitation727. Dans le cas où, par exemple, l’autorité compétente délivre une autorisation
d’occuper sur le domaine public maritime, ce titre juridique est irrégulier à son origine en ce
sens que ledit domaine ne peut faire l’objet que d’ « installations légères et démotables728 ».
L’objet de cette autorisation n’étant pas conforme au contenu de la loi, le titre d’occuper est à
l’origine irrégulier et le bénéficiaire est un occupant sans titre.

En plus de l’irrégularité à l’origine, l’autorisation d’occuper peut être irrégulière du


fait de sa caducité.

2. La caducité du titre

Au sens du droit civil, la caducité renvoie à l’ « état d’un acte juridique valable mais privé
d’effet en raison de la survenance d’un fait postérieurement à sa création729 ». Appliquée au
droit domanial, la caducité de l’autorisation d’occuper correspond au titre juridique
valablement délivré mais qui est devenu irrégulier à cause de la surevenance d’un fait
remettant en cause son existence juridique. Christian Lavialle écrit, à ce titre, que l’absence de
titre de l’occupant tiendra le plus souvent au fait que le fondement juridique de son
occupation, bien qu’étant régulier à l’origine, se trouvera, pour une raison ou pour une autre,
remis en cause 730 . C’est donc l’avènement de sitiuations postérieures privant le titre
d’occuper d’effet qui traduit la caducité d’une autorisation domaniale.

Les faits postérieurs qui rendent caducs le titre juridique procèdent de diverses raisons. Il
s’agit généralement des cas d’expiration ou de résiliation d’une autorisation, de ceux de
retrait ou de non renouvellement d’un titre, ou des cas de décès du bénéficiaire de
l’autorisation. Il en est de même du titre juridique qui est délivrée sans recevoir un
commencement d’exécution au bout d’un certain temps. Par exemple, le code des
télécommunications retient que « l’autorisation de l’autorité compétente pour l’établissement
et l’entretien des lignes et des équipements de télécommunications est périmée de plein droit
s’il n’est pas suivi d’un commencement d’exécution dans les six mois suivant la date de
notification731 ». Le décret relatif à la pose ou dépose de conduites diverses et à l’occupation
de l’emprise des routes et voies du réseau routier classé retient également que « toute

727
Voir article 12, 13 et 16 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.
728
Voir article L 69, alinéa 2 de la loi n° 2001-01 du 15 janvier 2001 portant code de l’environnement, JORS N°
5972 du 10 mars 2001.
729
R. Guillien et J. Vincent, Lexique des termes juridiques, 15 e éd., Paris, Dalloz, 2003, p. 89.
730
Ch. Lavialle, “L’occupation sans titre du domaine public”, op.cit., p. 563.
731
Voir article 98 de la loi n° 2011-01 du 24 février 2011 portant code des télécommunications, modifiée, JORS
N° 6576 du 14 mars 2011.

Page 217
autorisation est caduque au bout de trois mois si les travaux y afférents n’ont pas
démarré732 ».

L’autorisation d’occuper atteinte de ces différentes situations devient périmée ; elle n’est
plus valable. En conséquence, l’occupant ne dispose plus d’une autorisation rendant légal
l’occupation d’une portion du domaine public. Toute utilisation privative du domaine
postérieure à la survenance de l’une quelconque de ces faits devient irrégulière. Celui qui
continue d’en faire usage commet ainsi une infraction domaniale.

Il convient de souligner qu’en dépit de la caducité de l’autorisation d’occuper, l’autorité


domaniale peut ne pas agir, en connaissance de cause, contre l’utilisation postérieure qui
continue à être faite de la dépendance domaniale ; elle tolère cet usage qui ne repose plus sur
aucun fondement juridique. Dans ce cas, comme cela a été évoqué précédemment, la
tolérance administrative ne saurait rendre la situation de l’occupant régulière.

La jurisprudence administrative française aide à mieux élucider cette utilisation irrégulière


de l’occupant en dépit de la non-oppostion de l’autorité domaniale. En effet, le Conseil d’Etat
français considère dans l’arrêt Compagnie des Sablières de la Seine du 19 mars 1943 que la
tolérance dont ladite compagnie « a bénéficié, pendant une longue période, de la part de
l’administration, ne peut être regardée comme ayant constitué un droit au maintien de ses
installations sur le domaine public fluvial 733 ». Cette décision indique qu’en cas de non
renouvellement, de résiliation ou de retrait de l’autorisation d’occuper, l’inaction de
l’administration face à l’occupation continue ne peut constituer une base juridique valable. De
même, la personne titulaire d’un titre d’occuper qui décède et dont l’emplacement continue à
être utilisé par ses héritiers sans l’opposition de l’autorité domaniale ne met pas ces derniers
en sitiuation régulière. Le titre juridique étant personnel, il cesse de produire des effets à la
mort du titualire ; il est intransmissible734.

En clair, il convient de retenir que tout titulaire d’un titre juridique devenu caduc qui
continue à occuper une portion déterminée du domaine public se trouve dans une situation
irrégulière, même si l’occupation est tolérée par l’autorité domaniale. Cela ne change en rien
sa situation juridique. Il faut donc à l’occupant privatif dont l’acte d’investiture est devenu

732
Voir article 6, alinéa 2 du décret n° 2010-1445 du 4 novembre 2010 relatif à la pose ou dépose de conduites
diverses et à l’occupation de l’emprise du réseau routier classé, JORS N° 6569 du 5 mai 2011.
733
Voir CE, 19 mars 1943, Compagnie des Sablières de la Seine, Rec. Leb. p. 74.
734
Voir articles 12 et 13 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.

Page 218
caduc une nouvelle autorisation administrative. Sans cela, il demeure sur la dépendance
domaniale en tant que « squatteur ». Ce qui constitue un trouble au domaine public.

Outre les comportements revêtant la forme d’une occupation irrégulière, les autres
catégories d’actes répréhensibles sur le domaine public correspondent aux actes contrariant
l’intégrité physique dudit domaine, à savoir les dégradations qui lui sont portées ainsi que les
gênes aux servitudes d’utilité publique.

Paragraphe 2 : Les actes contrariant l’intégrité matérielle du domaine


public

Dans le souci de préserver l’intégrité physique du domaine public, le législateur a


ajouté au niveau de l’alinéa 3 de l’article 20 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code
du domaine de l’État d’autres infractions domaniales. Ces dernières sont constituées d’une
part des gênes aux servitudes d’utilité publique (A), et d’autre part des actes de dégradation
ou de destruction des dépendances domaniales (B).

A / Les gênes à l’exercice des servitudes d’utilité publique

Aux termes des dispositions du code du domaine de l’État, constitue une atteinte aux
servitudes d’utilité publique « le fait de gêner ou d’empêcher l’application ou l’exercice des
servitudes d’utilité publique735 ». En effet, les servitudes d’utilité publique, au sens de l’article
6 du code du domaine de l’État, sont instituées afin de contribuer à la conservation, à la
protection et à l’utilisation du domaine public. Ces servitudes qui sont destinées à garantir la
correcte réalisation de l’utilité publique du domaine doivent être respectées par les usagers des
dépendances domaniales. Ainsi, les actes qui sont de nature à gêner ou empêcher l’application
ou l’exercice de ces charges spéciales sont considérés comme des infractions au domaine
public.

Au titre de ces atteintes, on peut partir de celles portées aux servitudes établies au
profit du domaine public maritime. C’est les cas de l’érection de construction au niveau de la
grève entrainant l’inaccessibilité des plages par le public usager 736 . Il s’agit aussi de
l’exécution de travaux dans les zones pour lesquelles il est formellement interdit d’ériger des

735
Voir article 20 in fine de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.
736
Voir article 4, alinéa 3 de l’arrêté ministériel fixant les modalités d’aménagement et d’occupation du domaine
public maritime, non daté et non publié ; article L 69 de la loi n° 2001-01 du 10 février 2001 portant code de
l’environnement, JO préc.

Page 219
constructions, notamment dans les zones non aedificandi et les zones réservées 737 .
Globalement, les atteintes ainsi visées couvrent toutes les constructions qui sont édifiées dans
un but essentiellement commercial ou d’habitation au détriment de l’intérêt général. En effet,
l’établissement de ces servitudes est destiné à garantir le libre accès et la libre circulation le
long de la grève ; la réception et la rétention naturelle des eaux pluviales. Or, en procédant à
ces constructions, les occupants gênent considérablement l’effectivité de cette utilité publique
des dépendances causes. Il s’agit de constructions qui hypothèquent les droits et libertés des
citoyens d’accéder au littoral, qui obstruent les voies d’évacuation naturelles des eaux
pluviales et en conséquence facilitent les innondations.

De même, il y a également les actes qui empêchent ou perturbent la réalisation des


servitudes établies au profit des concessionnaires de service public d’eau, d’énergie
électrique, de télécommunication. Il est ainsi lorsqu’un assujetti s’oppose à l’élagage des
branches d’arbres qui se trouvent à proximité des conducteurs aériens d’énergie électrique,
qui pourraient par leurs mouvements ou leurs chuttes occasionner des courts-circuits ou des
avaries aux ouvrages ou à la fixation sur son immeuble de consoles nécessaires au transport
de l’énergie électrique 738 . C’est le cas également du propriétaire privé qui refuse la
modification de son immeuble pour la protection des communications radioélectriques 739. Ces
refus constituent des infractions domaniales parce qu’ils empêchent la correcte réalisation de
l’utilité publique de ces dépendances domaniales.

En outre, il existe comme obstacles à l’exécution des servitudes d’utilité publique les
atteintes aux servitudes aéronautiques. C’est le cas des propriétaires riverains des aéroports ou
aérodromes qui entreprennent des travaux sur les zones réservées desdites dépendances
domaniales. Il en est de même lorsqu’ils refusent d’exécuter des travaux qui constituent des
obstacles à la circulation aérienne ou des gênes au fonctionnement des dispositifs de sécurité

737
Voir article 11-7°) de la loi n° 2008-43 du 20 août 2008 portant partie législative du code de l’urbanisme, JO
préc ; article 3 de l’arrêté ministériel fixant les modalités d’aménagement et d’occupation du domaine public
maritime, non daté et non publié ; article R 218 du décret n° 2009-1450 du 30 décembre 2009 portant partie
règlementaire du code de l’urbanisme, JO préc.
738
Voir article 33 de la loi n° 98-29 du 14 avril 1998 relative au secteur de l’électricité, JORS N° 5797 du 24
avril 1998 ; article R 257 du décret n° 2009-1450 du 30 décembre 2009 portant partie règlementaire du code de
l’urbanisme, JORS N° 6525 du 8 mai 2010.
739
Voir article 99 de la loi n° 2011-01 du 24 février 2011 portant code des télécommunications, modifiée, JO
préc. ; article 6 du décret n° 2005-1182 du 6 décembre 2005 relatif aux prérogatives et servitudes des exploitants
de réseaux de télécommunication ouverts au public, JORS N° 6268 du 11 mars 2005.

Page 220
de la navigation aérienne740. Ces comportements créent des troubles au domaine public en ce
sens qu’ils compromettent la sécurité de la navigation aérienne.

Dans l’ensemble, les gênes aux servitudes d’utilité publique constituent des
comportements d’une particulière gravité. Elles sont toutes sources de nuisances énormes
pour les dépendances domaniales. À ce titre, elles portent atteientes à l’intégrité physique du
domaine public et compromettent la réalisation de l’utilité publique dudit domaine.

À ces atteintes s’ajoutent également d’autres infractions qui affectent l’intégrité


matérielle du domaine public, à savoir les actes de dégradation ou de destruction des
dépendances domaniales.

B / Les actes de dégradation des dépendances domaniales

Les actes de dégradation ou de destruction de dépendances domaniales revoient à tout


fait matériel d’un usager qui affecte la conservation du domaine public ou qui nuit à l’usage
auquel il est destiné. Ils se traduisent, dans l’ensemble, par des atteintes à l’intégrité physique
du domaine public (actes de détérioration, de dégradation) d’une part, et par des nuisances à
l’usage auquel les dépendances domaniales sont destinées (dépôts, stationnements abusifs,
pollution) d’autre part741.

Ces dommages au domaine public sont divers et varient en fonction des différentes
dépendances domaniale.

S’agissant du domaine public routier, les actes de dégradation renvoient au stockage


de matériaux de construction sur l’emprise du réseau routier classé, à la surcharge des
véhicules de transports de marchandises. Ils correspondent également aux travaux irréguliers
sur le réseau routier, comme les excavations non autorisées de la chaussée, l’érection, la
construction, l’aménagement ou l’installation d’un ouvrage de quelque nature que ce soit
emportant un empiétement dans l’emprise d’une voie publique, le dépôt sauvage de déchets
sur l’emprise des routes742. Il s’agit enfin des actes de destruction des dépendances du réseau

740
Voir article 154 de la loi n° 2015-10 du 4 mars 2015 portant code l’aviation civile, JORS N° 6872 du 22 août
2015.
741
P. Subra de Bieusse, Le droit administratif des biens, in Droit public, tome 2, 3e éd., Paris, Économica, 1995,
p. 1028.
742
Voir à ce propos l’article R 222 du décret n° 2009-1450 du 30 décembre 2009 portant partie règlementaire du
code de l’urbanisme, JO préc. ; article 9 du décret n° 2010-1445 du 4 novembre 2010 relatif à la pose ou dépose
de conduites diverses et à l’occupation de l’emprise du réseau routier classé, JO préc. ; article 4 décret n° 74-338
du 10 avril 1974 règlementant l’évacuation et le dépôt des ordures ménagères, JORS N° 4354 du 10 avril 1974 ;
Règlement n° 14/2005/CM/UEMOA relatif à l’harmonisation des normes et des procédures du contrôle du

Page 221
routier, que ces actes soient volontaires ou accidentelles. Le juge sénégalais a eu à retenir que
« la destruction du dallage séparant les deux voies de la route743 » et « la destruction d’un
lampadaire double pôles complètement cassé et se trouvant à même sur le sol 744 »,
occasionnées par des accidents, constituent des actes de dégradation de biens faisant parties
du domaine public.

Concernant le domaine public maritime, sont, entre autres, constitutifs d’actes de


destrruction, les extractions de sable marin ou autres sédiments sans autorisation, les actes de
pollution des eaux continentales ou marines, des plages et des zones littorales, les
constructions de bâtiments sur les plages745. S’agissant de la pollution du milieu marin, le juge
sénégalais l’a retenue comme infraction domaniale dans l’affaire opposant l’État du Sénégal
aux membres de l’équipage du navire Ulmadraba Uno. Il a, en effet, considéré que dans les
conditions décrites par le procès-verbal, c’est-à-dire le déversement en mer d’hydrocarbures
(gazoile, huiles, et eaux ballastes) et de produits dangereux (amoniac) par le navire
Ulmadraba Uno qui a échoué aux larges de l’île des serpents, « l’infraction de pollution des
eaux de mer […] est suffisamment établie746 ». On peut aussi ajouter les actes de dégradations
des installations portuaires, notamment la destruction des ouvrages d’accostage et de balisage,
le fait de rendre insalubre les quais, les terre-pleins et les hangars des ports en y jetant des
décombres, des ordures747.

En somme, il s’agit pour le domaine public routier et le domaine public maritime de


l’ensemble des embarras et des nuisances de toute sorte qui se trouvent sur les chemins, les
trottoirs, les passages d’eau, les ponts, les cours d’eau, les ports. Les auteurs de ces nuisances
sur lesdites dépendances domaniales sont des contrevenants à la législation domaniale.

Pour ce qui est du domaine public aéroportuaire, les actes de dégradations visés par le
code de l’aviation civile concernent les destructions ou tentatives de destruction des

gabarit, du poids et de la charge à l’essieu des véhicules lourds de transports de marchandises dans les États
membres de l’UEMOA, préc.
743
TR hors classe de Dakar, 28 novembre 2012, AGEROUTE c/ Demba Makhou Diop, n° 2596, non publié
744
TR hors classe de Dakar, 28 novembre 2012, AGEROUTE c/ Gora Seck, n° 2599, non publié.
745
Voir article L 35 et suivant de la loi n° 2001-01 du 15 janvier 2001 portant code de l’environnement, JORS
N° 5972 du 10 mars 2001 ; article R 56 et suivant du décret n° 2001-282 du 12 avril 2001 portant application du
code de l’environnement, JORS N° 5985 du 8 mai 2001.
746
Voir TR hors classe de Dakar, 9 octobre 2013, Ministère public et Direction de la marine marchande c/ Jésus
Antonio Azkaraté, José Antonio Amparan Cuadra et Goodwin Emmanuel Wobenetsi, n° 5424/2013, non publié.
747
Voir la loi n° 2010-09 du 23 avril 2010 relative à la police des ports maritimes, JORS N° 6559 du 4 décembre
2010.

Page 222
installations ou services de la navigation aérienne, les perturbations du fonctionnement de ces
services susceptibles de compromettre la sécurité de la navigation748.

Quant au code de l’eau, il considère comme acte constitutif de dégradation des


ressources en eau, les agissements par lesquels une personne introduit des matières
susceptibles de nuire à la salubrité de toute eau, ou abandonné des objets des corps
putréfiables dans les infrastructures naturelles ou artificielles 749 . Cette clause générale
mériterait d’être nuancée au regard de la pratique au niveau de certaines localités. En effet,
quand des populations lavent leurs linges ou nettoient leurs ustensiles au niveau des mares,
lacs et fleuves, elles ne peuvent être considérées comme des auteurs d’actes de dégradations
du domaine public. Il s’agit de comportements au quotidien auxquels toute tentative de
récrimination serait vouée à l’échec.

La partie règlementaire du code de l’urbanisme, de son côté, retient comme actes de


dégradation des ouvrages d’assainissement, c’est-à-dire les ouvrages de collectes et
d’évacuation des eaux usées et des eaux pluviales, le fait d’introduire dans les égouts des
corps solides, des ordures et autres750. Il est complété par le code de l’assainissement au titre
duquel les altérations, obstructions, détériorations ou destructions des égouts publics et de
leurs annexes ; ainsi que le fait de les dérober constituent des dégradations aux ouvrages
d’assainissement751.

Globalement, il s’agit de diverses agressions que les usagers font subir aux
dépendances domaniales entrainant leur détérioration ou leur difficile utilisation. Ce sont des
comportements qui atteignent le domaine public dans son intégrité physique. Ils occasionnent
sa dégradation ou constituent des obstacles à la satisfaction normale de l’usage auquel le
domaine est affecté. Ces infractions qui sont jugées intolérables à cause de leurs conséquences
néfastes sur la conservation matérielle du domaine public sont sévèrement réprimées.

Section 2 : La sévère répression des infractions domaniales

Après avoir légalement établi les infractions domaniales, les pouvoirs publics ont
prévu des mesures de sanctions particulières. Ainsi, la situation illégale de l’occupant entraîne

748
Voir article 154 de la loi n° 2015-10 du 4 mars 2015 portant code l’aviation civile, JO préc.
749
Voir article 101 de la loi n° 81-13 du 14 mars 1981 portant code de l’eau, JORS N° 4828 du 11 avril 1981.
750
Voir article R 299 du décret n° 2009-1450 du 30 décembre 2009 portant partie règlementaire du code de
l’urbanisme, JORS N° 6225 du 8 mai 2010.
751
Voir article L 35 de la loi n° 2009-24 du 8 juillet 2009 portant code de l’assainissement, JORS N° 6493 du 10
octobre 2009.

Page 223
des poursuites à son encontre. C’est dans ce cadre que les textes législatifs et règlementaires
afférents au domaine public ont institué un régime répressif conçu pour punir les atteintes à la
conservation matérielle dudit domaine et pour restaurer son intégrité physique. Ce qui s’est
traduit par l’aménagement d’une procédure contentieuse dérogatoire au droit commun
(Paragraphe 1) et par l’application de diverses sanctions aux usagers coupables d’infractions
domaniales (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : L’aménagement d’une procédure contentieuse particulière

L’application des mesures répressives suppose dans un premier temps la constatation


de l’infraction et dans un second temps la décision de la faire sanctionner 752 , c’est-à-dire
l’engagement de poursuite contre le contrevenant. Il s’agit de deux phases pour lesquelles les
textes domaniaux ont mis en place une procédure qui contraint l’autorité domaniale à rétablir
le domaine public dans son intégrité. C’est, d’une part, une phase singulière de constatation
des infractions (A) et, d’autre part, une obligation de poursuite à la charge de l’administration
en cas de constation de l’infraction (B).

A / La singularité de la constatation des infractions

La constatation de l’infraction domaniale est aménagée de sorte à ne laisser aucune issue


au contrevenant. Elle est reconnue à une pluralité d’agents (1) et s’opère suivant une
procédure inéquitable entre l’administration et le contrevenant (2).

1. La pluralité des agents de constatation

En matière d’infractions pénales, les crimes, délits et contraventions sont constatés soit
par les officiers et agents de police judiciaire, soit par des fonctionnaires et agents des
administrations et services auxquels certains pouvoirs de police judiciaire sont attribués par
des textes spéciaux753.

La législation domaniale s’est inscrite dans cette dynamique en diversifiant les agents
chargés de rechercher et de constater les infractions domaniales. C’est ainsi que la recherche
et la constatation des agissements portant atteintes à l’intégrité physique du domaine public
relèvent de plusieurs catégories d’agents qualifiés et appartenant à divers services de l’État754.

752
Ch. Lavialle, « L’occupation sans titre du domaine public », AJDA, 1981, p. 571.
753
Voir Titre premier du Livre premier de la loi n° 65-61 du juillet 1965 portant code de procédure pénale,
modifiée, JORS N° 3777 du 25 octobre 1965.
754
Voir article 20, alinéa 2 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.

Page 224
Ces agents de constatation s’identifient d’une part à des agents à compétence générale, et
d’autre part à des agents à compétence bien délimitée, c’est-à-dire des fonctionnaires et agents
dûment commissionnés à cet effet755.

Au titre des agents à compétence générale, la loi vise essentiellement les officiers et les
agents de police judiciaire. S’agissant des officiers de police judiciaire, ils sont constitués des
officiers de gendarmerie, des sous-officiers de gendarmeries exerçant les fonctions de
commandant de brigade, des commissaires de police, des officiers de police, des élèves
officiers et sous-officiers de gendarmerie et des fonctionnaires du cadre de la police
nominativement désignés par arrêté. Quant aux agents de police judiciaires, ils s’identifient
aux militaires de la gendarmerie et aux membres de forces de police756.

Au titre des agents à compétence bien délimitée, la législation domaniale vise les
fonctionnaires et agents dûment commissionnés à la constattion d’infractions domaniales. Il
s’agit d’agents spécifiquement mandatés d’une telle mission en fonction d’une dépendance
domaniale bien déterminée. À titre d’exemple, le code de l’eau dispose que les agents et
fonctionnaires habilités à constater les atteintes aux ressources en eau « doivent relever des
services de l’hydraulique, de l’équipement rural, de l’assainissement, de la santé, de
l’environnement ou des eaux et forêts 757 ». De même, la loi portant classement du réseau
routier national et fixant le régime domanial de ce réseau dispose que « […] les infractions à
la conservation du domaine public affecté à la voirie routière sont constatées par les agents
assermentés du ministère des travaux publics […] 758 ». Il faut ajouter à cela la « section
spéciale chargée de la surveillance domaniale » qui est créée au sein de la gendarmerie
nationale en 2007759. En plus de la mission d’assurer la surveillance du domaine privé de
l’État, du domaine public et du domaine national, cette section est également chargée « de la
constatation des infractions relatives à l’occupation des sols 760 ». Ainsi, bien qu’étant

755
Voir par exemple article 89 de la loi n° 81-13 du 14 mars 1981 portant code de l’eau, JO préc. ; article 17 de
la loi n° 74-20 du 24 juin 1974 portant classement du réseau routier national et fixant le régime domanial de ce
réseau, JO préc. ; articles R 373 et R 379 du décret n° 2009-1450 du 30 décembre 2009 portant partie
règlementaire du Code de l’urbanisme, JO préc. ; article 13 de la loi n° 2010-09 du 23 avril 2010 relative à la
police des ports martimes, JORS N° 6559 du 4 décembre 2010 ; articles R 59 et R 60 du décret n° 2001-282 du
12 avril 2001 portant application du code de l’environnement, JO préc.
756
Voir articles 15 et 19 de la loi n° 65-61 du juillet 1965 portant code de procédure pénale, modifiée, JO préc.
757
Voir article 89 de la loi n° 81-13 du 14 mars 1981 portant code de l’eau, JO préc.
758
Voir article 17 de la loi n° 74-20 du 24 juin 1974 portant classement du réseau routier national et fixant le
régime domanial de ce réseau, JO préc.
759
Voir article premier du décret n° 2007-868 en date du 7 août 2007 portant création au sein de la Gendarmerie
nationale d’une section spéciale chargée de la surveillance domaniale, JORS N°
760
Voir article 3 du décret n° 2007-868 en date du 7 août 2007 portant création au sein de la Gendarmerie
nationale d’une section spéciale chargée de la surveillance domaniale, JO préc.

Page 225
constitué d’un personnel de la gendarmerie, il s’agit d’une section qui a des compétences
biens définies dont la constatation des infractions domaniales, notamment les occupations
irrégulières.

Sur le plan conceptuel, cette diversification des agents de constatation des infractions
domaniales s’inscrit dans l’impérieuse nécessité de faire cesser toute entrave à la conservation
matérielle des dépendances ainsi qu’à leur correcte utilisation. Elle est efficace pour faire
cesser tout trouble au domaine public. En effet, en confiant cette mission à des agents autres
que les officiers et agents de police judiciaire, la législation domaniale cherche à parer à toute
défaillance de la part de l’une quelconque de ces catégories d’agents. Car il peut arriver que
des agents de constatation d’atteintes au domaine public ne jouent point pleinnement leur rôle.
Dans ce cas, leurs carences peuvent ne pas être constatées du fait de l’intervention des autres
agents.

La possibilité de juguler la carence d’agents de constatation peut se vérifier au niveau des


officiers et agents de police judiciaire. En effet, la pratique montre que ces agents sont moins
enclins à constater les infractions au domaine public que de poursuivre les infractions de droit
commun. Par exemple, l’agent de police sur la circulation routière se préoccupe beaucoup
plus du respect du code de la route par les automobilistes que de l’occupation régulière des
emprises du domaine public routier. Ainsi, le fait de confier à des agents assermentés du
ministère des travaux la mission de constatation des infractions sur ledit domaine devrait
permettre de combler l’inertie des officiers et agents de police judiciaire. De ce fait, même si
un contrevenant n’est pas appréhendé par un officier ou agent de police judiciaire, il n’est pas
à l’abri d’une interpellation de la part d’un agent des services de l’État commis à cet effet.

Cependant, il faut remarquer que l’efficacité recherchée à travers la diversification des


agents de constatation ne produit pas les effets escomptés. En effet, les dépendances
domaniales sont sérieusement, suffisamment et constamment troublées par des occupations
irrégulières et des actes de dégradation. Cette pérennité des infractions au domaine public
semble se justifier par l’inaction des agents habilités à les constater. Il n’est pas rare en effet
de voir un camion rempli de sable et dégoulinant d’eau dépasser un officier ou un agent de
police judiciaire sans être interpellé. Combien sont-ils à occuper de façon anarchique
l’emprise des voies et lieux publics, l’emprise des voies ferrées, les zones non aedificandi
sans être inquiétés dans leur position ? Combien d’épaves de voitures sont abandonnées
constamment sur les emprises des voies publiques ?

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Toutes choses qui permettent de soutenir que la diversification des agents en charge de la
recherche et de la constatation des infractions domaniales est en soi bien pensée, mais les
acteurs ne prennent pas la mesure de leur mission. Il y a une sorte d’inertie devant les
nombreuses atteintes à l’intégrité physique du domaine public. Ce qui peut être confirmée par
l’absence quasi générale de jurisprudence sur cette question. Car si les nuisances répétées à
l’usage auquel les dépendances domaniales sont destinées étaient constatées et poursuivies, le
contentieux domanial s’en trouverait enrichi.

De ce fait, le domaine public affecté à l’usage de tous est de plus en plus vulnérable et
moins attentivement protégé. Ne faudrait-il pas alors procéder à la création d’une police
spéciale du domaine public ou que le droit domanial – à travers les textes ou la jurisprudence
– reconnaisse au public usager le droit de dénoncer auprès des autorités administratives les
obstacles à l’exercice du droit d’usage qui lui appartient sur les dépendances domaniales. De
telles inovations feraient de cette police spéciale et des usagers de véritables ramparts pouvant
juguler les carances actuelles dans la constatation des infractions.

Un exemple concret en la matière concerne les associations de défense du littoral (SOS


Littoral, Collectif pour la Défense du Littoral) qui ont eu à dénoncer et obtenir en 2014 l’arrêt
de la construction d’ambassades au niveau de la corniche ouest de Dakar, qualifiée de « mur
de la honte ». Il ne serait peut-être pas trop également d’accorder une valeur juridique à ce
pouvoir de dénonciation. Ce qui ferait que le refus d’agir de l’autorité domaniale auprès de
qui une dénonciation aurait été faite pourrait être attaqué en recours pour excès de pouvoir.
Cela permettrait donc au public destinataire des dépendances domaniales et aux associations
intéressées de lutter contre l’inertie des autorités domaniales.

À côté de la diversité des agents, la procédure de constatation des infractions domaniales


s’inscrit aussi dans la logique de préservation des dépendances domaniales en conférant à
l’administration d’importantes prérogatives au détriment du contrevenant.

2. La procédure inéquitable de constatation des infractions

La procédure applicable en matière d’infractions à la conservation matérielle du domaine


public renferme des mesures particulièrement défavorables au contrevenant. Il s’agit d’une
procédure qui est essentiellement écrite et non contradictoire.

En effet, le point de départ de la procédure est la constatation de l’infraction. En matière


d’atteintes au domaine public, l’infraction est constatée par un procès-verbal établi par les

Page 227
personnes ayant la qualité d’officiers et d’agents de police judiciaire, ainsi que par les autres
agents y ayant autorité. Selon les dispositions de la législation domaniale, les agents chargés
de la recherche des atteintes au domaine public dressent, en cas d’atteinte à l’intégrité
physique du domaine ou de gêne à l’usage auquel il est affecté, un procès-verbal de
constatation de l’infraction761. Il s’agit, en effet, pour l’agent verbalisateur de faire un état
précis des faits dont il a été personnellement témoin. L’établissement du procès-verbal repose
ainsi sur la transcription des faits constatés par l’agent verbalisateur.

Toutefois, il peut arriver que les poursuites soient engagées sans l’établissement d’un
procès-verbal. Les agents compétents peuvent, dans certains cas, procéder directement à
l’arrestation du contrevenant et qu’ils mettent à la disposition de la justice. Il en est ainsi en
cas de flagrant délit. En effet, il ressort de certains textes domaniaux que les agents habilités à
constater les infractions « peuvent, en cas de flagrant délit, procéder à l’arrestation des
délinquants et les conduire devant le procureur de la République762 ». Dans cette situation,
l’agent de constatation de l’infraction n’a pas besoin d’établir un procès-verbal sur la base
duquel les poursuites vont être engagées. Il procède directement à l’arrestation du
contrevenant et à sa conduite devant le procureur.

Dans le cadre de l’établissement du procès-verbal de constatation de l’infraction


domaniale, l’occupant incriminé ne semble pas disposer de la faculté de discuter les faits qui
lui sont reprochés. En effet, il ne ressort pas de la législation domaniale que le contrevenant
doit être mis à mesure de discuter les griefs formulés contre lui. Selon le code du domaine de
l’État, les personnes attitrées à la constatstion des troubles au domaine public « constatent les
infractions […] en vue de poursuivre les contrevenants […]763 ». Les autres textes ajoutent
que « les infractions constatées font l’objet d’un procès-verbal dûment notifié au
contrevenant764 ».

761
Voir article 91 de la loi n° 81-13 du 14 mars 1981 portant code de l’eau, JO préc. ; article 17 de la loi n° 74-
20 du 24 juin 1974 portant classement du réseau routier national et fixant le régime domanial de ce réseau, JO
préc. ; article 121 de la loi n° 2011-01 du 24 février 2011 portant code des télécommunications, modifiée, JO
préc. ; article R 373, alinéa 2 du décret n° 2009-1450 du 30 décembre 2009 portant partie règlementaire du code
de l’urbanisme, JO préc. ; article R 50 du décret n° 2011-245 du 17 février 2011 portant décret d’application de
la loi portant code de l’assainissement, JO préc. ; article R 66, alinéa 1 du décret n° 2001-282 du 12 avril 2001
portant application du code de l’environnement, JO préc.
762
Voir article 95 dela loi n° 81-13 du 14 mars 1981 portant code de l’eau, JO préc., Rapport de présentation du
décret n° 76-018 du 6 février 1976 règlementant la vente sur la voie et dans les lieux publics, JORS N° 4473 du
14 février 1976.
763
Voir article 20, alinéa 2 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.
764
Voir article 91 de la loi n° 81-13 du 14 mars 1981 portant code de l’eau, JO préc.

Page 228
Au regard de ces dispsotions, l’établissement du procès-verbal n’obéit pas à une procédure
contradictoire, telle que cela est éxigée en droit administratif général 765. Il repose sur la seule
constatation des comportements portant atteintes à l’intégrité physique du domaine public par
l’agent habilité à cet effet. Celui-ci n’a pas besoin d’entendre et de recueillir l’avis du
contrevanant. Il se limite à une simple constatation des faits et les matérialise dans un procès-
verbal.

Lorsque ce dernier est notifié au contrevenant, celui-ci ne semble pas également disposer
d’un droit de réponse. La notification du procès-verbal ne lui est pas faite pour produire un
mémoire de défense contre les griefs qui lui sont reprochés auprès de l’autorité domaniale ; ce
mémoire de défense ne sera produit que devant le juge. Il s’agit donc d’une signification de
l’infraction commise sur le domaine public et de la poursuite engagée en son encontre. Le
procès-verbal de constatation de l’infraction domanial constitue ainsi un acte procédural non
contracdictoire, alors qu’il représente l’acte d’accusation du contrevenant.

La législation domaniale n’a pas aussi déterminé un délai de notification du procès-verbal


au contrevenant par l’administration. Si l’on sait que cette notification se fait avec une citation
à comparaître, il serait important que la personne incriminée puisse connaître dans les plus
brefs délais les griefs retenus contre elle. Cela pourrait l’aider à mieux préparer son mémoire
de défense devant le juge, puisque n’ayant pas pu, au préalable, discuter le constat fait dans le
procès verbal. Il semble donc, pour l’instant, en attendant d’avoir la position du juge, que les
procès-verbaux n’ont pas à être établis contradictoirement.

Cette procédure non contracdictoire de constatation des nuisances au domaine public


trouve son explication dans le fait que les infractions domaniales sont totalement
indépendantes de l’intention de leurs auteurs. Il s’agit d’une « infraction purement matérielle,
ne requérant aucun élément intentionnel766 ». En effet, ce sont des faits objectifs qui sont
seulement rapportés par l’agent verbalisateur. Celui-ci ne fait que constater les faits qui sont
constitutifs d’une atteinte à l’intégrité physique du domaine public et dont il est
personnellement témoin.

Il n’est point besoin alors d’avoir la version du contrevenant sur les faits qui lui sont
reprochés. Ces derniers ne sont pas établis en prenant « en considération la bonne foi de

765
Voir CE, 5 mai 1944, Dame veuve Trompier Gravier, GAJA, 17e éd., Paris, Dalloz, 2009, n° 55, p. 342 ; CS,
18 mars 1981, Ndiogou Sall, GDJAS, p. 526.
766
J. Morand-Deviller, Droit administratif des biens, 7e éd., Paris, Montchrestien, 2012, p. 162.

Page 229
l’intéressé, sa conscience ou sa volonté de commettre un acte irrégulier767 ». Dès lors que
l’intention dérrière ou les raisons qui sont à l’origine des nuisances ne sont pas recherchées
par l’agent verbalisateur, il semble inutile de faire de la constatation de l’infraction domaniale
une procédure contradictoire.

En outre, il faut noter que la législation domaniale attache une force probante aux procès-
verbaux. Le législateur consacre en effet que « le procès-verbal fait foi jusqu’à preuve du
contraire768 ». Le droit domanial se rapproche ici du droit douanier769 et se singularise par
rapport au droit pénal où le code de procédure pénal dispose que « sauf dans les cas où la loi
dispose autrement, les procès-verbaux et les rapports constatant les délits ne valent qu’à titre
de simples renseignements770 ».

La lecture de ces dispositions laisse clairement apparître que les procès-verbaux en


matière domaniale ne valent pas à titre de simples renseignements ; ils ont une force probante
en raison du caractère matériel des infractions domaniales. Le procès-verbal constitue, à ce
titre, la base de l’accusation d’un comportement portant atteinte au domaine public et est « à
l’origine des poursuites 771 ». Il représente l’acte qui permet non seulement de relater les
constatations faites par l’agent verbalisateur, mais aussi de fournir la preuve de l’infraction. À
cet égard, le procès-verbal ne tombe que devant l’inscription de faux des constatations
matérielles qu’il relate par le contrevenant dans son mémoire de défense devant le juge. En
l’absence de cette contestation, le procès-verbal servira de base à la condamnation du
contrevenant. On peut ainsi considérer que le procès-verbal de constatation d’une infraction
domaniale constitue un acte authentique difficile à remettre en cause.

Lorsque le procès-verbal de constatation de l’infraction est transmis à l’autorité


administrative compétente, celle-ci est tenue par la législation domaniale d’engager les
poursuites contre le contrevenant.

767
J.-M. Auby, « L’action domaniale », AJDA, 1983, p. 511.
768
Voir par exemple article R 66, alinéa 2 du décret n° 2001-282 du 12 avril 2001 portant application du code de
l’environnement, JO préc. ; article 14 de la loi n° 2010-09 du 23 avril 2010 relative à la police des ports
maritimes, JORS N° 6559 du 4 décembre 2010.
769
En matière de constatation d’infractions douanières, le code des douanes retient que les procès-verbaux de
douane font foi jusqu’à preuve contraire (articles 314 et 315, alinéa 1 de la loi n° 2014-10 du 28 février 2014
portant Code des douanes, JORS N° 6787 du 26 avril 2014).
770
Voir article 417 de la loi n° 65-61 du juillet 1965 portant code de procédure pénale, modifiée JORS N° 3777
du 25 octobre 1965.
771
R. Chapus, Droit administratif général, tome 2, 15e éd., Paris, Montchrestien, 2001, p. 444.

Page 230
B / L’obligation de poursuite contre le contrevenant

En matière d’engagement des poursuites contre les auteurs d’infractions domaniales


constatées, l’administration se trouve dans une situation de compétence liée. Une fois le
procès-berbal établi, elle ne dispose pas, comme en matière d’engagement de poursuites
pénales, d’un pouvoir d’apprécier l’opportunité de poursuivre772.

La protection pénale du domaine public se singularise ainsi par cette absence de pouvoir
d’appréciation de l’opportunité des poursuites (1). Dans le cadre de cette saisine du juge,
l’administration domaniale dispose d’une dualité de modes d’action orientée beaucoup plus
vers la réparation de l’intégrité physique du domaine public que vers la punition du
contrevenant. Cela fait de la procédure de répression des infractions domaniales une
procédure particulière par rapport aux poursuites pénales proprement dites (2).

1. L’absence de pouvoir d’appréciation de l’opportunité de poursuivre

L’inapplication de l’opportunité des poursuites en matière de troubles constatés sur le


domaine public repose sur la nécessité pour l’autorité domaniale de faire cesser toute atteinte
à l’intégrité physique dudit domaine (a). Etant assujettie à une obligation d’agir,
l’administration peut voir sa responsabilité engagée en cas d’inertie devant une infraction
connue (b).

a) La nécessité de faire cesser toute infraction domaniale

Après constatation d’une infraction domaniale, l’agent verbalisateur transmet à l’autorité


administrative compétente le procès-verbal en vue de l’engagement des poursuites contre le
contrevenant. Au regard de la législation domaniale, les citations à comparaître des personnes
incriminées relèvent de la compétence des différentes autorités en charge de la gestion des
dépendances domaniales.

En effet, la loi portant code de l’eau dispose que « les actions et les poursuites sont
exercées directement par le ministre en charge de l’hydraulique et de l’assainissement ou
leurs représentants dûment mandatés, devant les juridictions compétentes, sans préjudice du
droit du ministère public près lesdites juridictions773 ». De même, le code de l’environnement

772
Voir article 32, alinéa 1 de la loi n° 65-61 du juillet 1965 portant code de procédure pénale, modifiée, JO
préc.
773
Voir article 94 dela loi n° 81-13 du 14 mars 1981 portant code de l’eau, JO préc.

Page 231
retient que « le Ministre chargé de l’Environnement, ou son représentant engage sans
préjudice des prérogatives des autres départements ministériels, les poursuites judiciaires
pour infraction aux dispositions du présent Code, quel que soit le service dont relève l’agent
verbalisateur774 ». Il y a là aussi une sorte de diversification des autorités ayant pouvoir légal
à saisir le juge d’une infraction domaniale.

Chaque autorité gestionnaire d’une dépendance domaniale dispose de la compétence de


déférer devant le juge le procès-verbal de constatation portant sur cette dépendance. Le droit
domanial sénégalais ne s’est pas ici aligné à celui français où l’engagement des poursuites
relève, en principe, de la compétence du préfet ou de son représentant quelle que soit la
personne publique propriétaire de la dépendance domaniale775. Ce choix de la diversification
des autorités a le mérite d’éviter une centralisation de tous les procès-verbaux au niveau de
l’autorité déconcentrée. Ce qui devrait normalement juguler toute lenteur dans le
déclenchement des poursuites.

Dans le cadre de leurs pouvoirs de gestion, les autorités domaniales sont tenues,
conformément aux principes protecteurs du domaine public, de veiller à la sauvegarde des
biens affectés à l’usage de tous. Cette mission globale emporte qu’elles doivent mettre en
œuvre leurs prérogatives en vue d’assurer la conservation du domaine public. Ainsi,
lorsqu’elles sont en présence d’atteintes à l’intégrité physique du domaine, elles sont
légalement tenues d’en poursuivre l’auteur et de le déférer devant le juge.

La nécessité de maintenir les dépendances domaniales en état de répondre correctement à


la destination qu’elles ont reçue s’oppose à ce que l’administration puisse avoir la lattitude
d’apprécier l’opportunité de poursuivre. Lui reconnaître ce pouvoir discrétionnaire
consisterait à dépouiller de tous effets les principes domaniaux, en particulier la règle de
l’inaliénabilité du domaine public. Face à cette exigence de garantir l’intégrité matérielle des
biens affectés à l’usage de tous, l’administration ne saurait bénéficier d’un pouvoir
discrétionnaire en matière d’engagement des poursuites. Ce dernier constituant un moyen de
réparation des atteintes causées au domaine, l’autorité domaniale a l’obligation de poursuivre
les auteurs d’infractions domaniale et ne saurait s’y soustraire pour des raisons de simples
convenances administratives.

774
Voir article L 102, alinéa 5 de la loi n° 2001-01 du 15 janvier 2001 portant code de l’environnement, JORS
N° 5972 du 10 mars 2001.
775
Voir CE 25 juillet 1986, Syndicat intercommunal d’électricité et de gaz du Puy-de-Dôme, A.J.D.A. 1986, p.
659.

Page 232
Même si l’on ne dispose pas encore d’une disposition textuelle ou d’une solution
jurisprudentielle consacrant expressément cette obligation de poursuite, l’on tire cette
exigence des conséquences des principes de la domanialité publique, notamment celui de
l’inaliénabilité.

Cette position peut être confortée par un emprunt du droit domanial français. En effet, le
juge administratif français a eu à retenir en ce qui concerne la conservation de voies
naviagbles que les autorités compétentes « sont tenues, en principe, d’exercer les pouvoirs
qu’elles tiennent de la législation en vigueur pour faire enlever ou détruire les obstacles qui
s’oppose à l’utilisation normale du domaine public fluvial 776 ». Le commissaire du
gouvernement Bacquet, inspiré de cette solution, invita le Conseil d’État en 1979 « a décidé
que l’autorité qui a la charge d’assurer la protection du domaine public maritime et de veiller
à ce qu’il soit utilisé conformément à sa destiantion est tenue, lorsqu’elle a connaissance de
faits qui s’opposent à une telle utilisation, de poursuivre l’auteur des ces faits pour
contravention de grande voirie après en avoir fait dresser un procès-verbal777 ». Il fonde son
argumentaire sur l’idée selon laquelle « le régime juridique […] très rigoureux de la
domanialité publique est en effet dominé par l’idée que le domaine public est inaliénable et
que l’administration doit exercer des pouvoirs très étendus pour en garantir l’intégrité. Elle a
dans ce domaine une véritable obligation de résultat, et la procédure de répression des
contraventions de grande voirie est précisément à sa dispsotion pour y parvenir778 ». Il a été
suivi par la Haute juridiction administrative qui a décidé que l’autorité domaniale est tenue, en
vertu des principes régissant la domanialité publique, de poursuivre les contrevenants pour
faire cesser les atteintes au domaine public779.

La référence par le Conseil d’État aux principes régissant la domanialité publique


implique ainsi que toutes les autorités domaniales ont l’obligation d’engager des poursuites
dès lors que qu’il y a troubles au domaine public. La doctrine française, de son côté, partage
également cette dérogation au principe de l’opportunité des poursuites pénales sur le

776
Voir CE 27 mai 1977, SA Victor Delforge et Cie, Rec. Leb. p. 253
777
Voir A. Bacquet, Conclusions sous CE, 23 février 1979, Ministre de l’Equipement c/ Association « des amis
des chemins de ronde », Rec. Leb. p. 75 ; R.J.E. 3 – 1979, p. 216.
778
Idem.
779
Voir CE, 23 février 1979, Ministre de l’Equipement c/ Association « des amis des chemins de ronde », Rec.
Leb. p. 75 ; CE 22 juin 1984, Secrétaire d’Etat auprès du ministre des Transports chargé de la mer c/ Sté Sealink
UK Ltd, Rec. Leb. p. 253 ; CAA Paris, 18 novembre 1993, Socété Sanara-Cierna, LPA, novembre 1994, p. 6.

Page 233
fondement de la règle de l’inaliénabilité qui justifie l’obligation de faire qui pèse sur
l’administration en matière d’infractions domaniales780.

L’obligation de poursuite qui procède ainsi des principes de la domanialité publique


constitue un « aspect particulièrement remarquable du régime de l’engagement des
poursuites781 ». Il s’agit d’une véritable exigence procédurale qui permet de faire cesser les
comportements nuisibles à la conservation matérielle des dépendances domaniales. Amavi
Kouévi écrit, à ce titre, qu’ « elle requiert, de la part des autorités responsables de la police
de conservation, une attitude dynamique, une attention constante visant au maintien en l’état
du domaine dans son intégrité matérielle et dans son affecttion782 ».

Il est donc constant que l’autorité en charge de la gestion d’une dépendance domaniale est
obligée de faire cesser toute infraction domaniale afin d’assure la conservation du domaine
public.

Cependant, il faut souligner que cette obligation qui résulte de la nécessité de faire cesser
toute nuisance au domaine public n’est pas absolue. On relève de la jurisprudence
administrative française des limites pratiques à l’obligation d’agir qui pèse sur l’autorité
domaniale. En effet, le Conseil d’État, dans son arrêt Ministre de l’Equipement c/ Association
« des amis des chemins de ronde », avait retenu que « si l’obligation ainsi faite à ces autorités
trouve sa limite dans les autres intérêts généraux dont elles ont la charge et, notamment, dans
les nécessités de l’ordre public, elles ne sauraient légalement s’y soustraire, en revanche, par
des raisons de simples convenances administratives783 ». Il ressort de ce considérant que seuls
les autres intérêts généraux divergents à ceux de la protection de l’intégrité du domaine public
peuvent soustraire l’autorité domaniale de son obligation d’agir.

L’admission de cette réserve à l’obligation de poursuite induit que la protection du


domaine public contre les nuisances « ne doit pas conduire à réduire l’administration à une
sorte de robot qui, en tout temps et en tout lieu, doit engager les poursuites 784 ». Le juge
invite l’autorité domaniale à faire le bilan entre les intérêts généraux en présence avant de
déclencher les poursuites.

780
Voir entre autres Ch. Lavialle, « L’occupant sans titre du domaine public », op.cit., p. 571 ; R. Chapus, Droit
administratif général, tome 2, Paris, L.G.D.J., 2001, p. 447 ; A. Kouévi, « L’obligation de poursuite en matière
de contravention de grande voirie », A.J.D.A. 2000, p. 394.
781
R. Chapus, Droit administratif général, op.cit., p. 447.
782
A. Kouévi, « L’obligation de poursuite en matière de contravention de grande voirie », op.cit., p. 394.
783
Voir CE, 23 février 1979, Ministre de l’Equipement c/ Association « des amis des chemins de ronde », op.cit.,
p. 216.
784
A. Kouévi, « L’obligation de poursuite en matière de contravention de grande voirie », op.cit., p. 401.

Page 234
Ainsi, son abstention d’agir est préférable à l’engagement des poursuites qui entraînerait
des troubles plus graves, des conséquences plus dommageables que la situation de la
contravention. Le commissaire du gouvernement Michelle Rougevin-Baville soutient, à ce
propos, qu’« il est des circonstances où la répression d’une infraction à la loi soulèverait de
telles réactions que l’intérêt général commande l’abstention, si peu glorieuse soit-elle 785».
C’est dans cette perspective que le Conseil d’État français a reconnu la régularité de l’inertie
de l’autorité domaniale en raison de risque de désordres 786. Le maintien de l’ordre public
justifie ici le refus de rétablissement de l’intégrité physique du domaine public. De même, il a
considéré que le refus de poursuivre un contrevenant peut justifier par les incovénients
d’ordre économique et social que les sanctions entraîneraient787. Cette limite pratique réside
dans le fait que l’autorité domaniale cherche à préserver des « avantages économiques et
sociaux que lui procurent non pas les occupations irrégulières du domaine public, mais les
activités qui s’y déroulent788 ».

Au regard de ces réserves à l’obligation de poursuite, l’autorité domaniale se livre à une


hiérarchisation des intérêts généraux divergeants avant d’initier une poursuite contre un
contrevant. Il s’agit de limites qui ont toute leur importance pratique si l’on sait que les
autorités domaniales n’ont pas seulement à préserver l’intégrité du domaine public. Cette
mission doit pouvoir être conciliée avec les autres exigences de l’intérêt général. Donc, si la
paix sociale est menacée par l’engagement de poursuites contre des contrevenants au domaine
public, l’autorité administrative doit pouvoir y renoncer.

L’administration domaniale sur qui pèse l’obligation de mettre un terme à toute nuisance
au domaine, sauf dans les cas où son action peut entraîner des risques de désordre ou avoir
des répercussions d’ordre social ou d’ordre économique, peut voir sa responsabilité engagée
pour refus d’engager des poursuites.

b) L’engagement possible de la responsabilité de l’autorité domaniale

L’inertie de l’administration face à une atteinte au domaine public constitue un


manquement à son obligation d’engager des poursuites. Cette inaction se révèle
particulièrement défavorable à la préservation matérielle des dépendances domaniales et peut
785
M. Rougevin-Baville, Conclusions sous CE 20 mars 1974, Ministre de l’Aménagement du territoire, de
l’Equipement et du Logement c/ Navara, Rec. Leb. p. 200.
786
Voir CE 27 mai 1977, SA Victor Delforge et Cie, op.cit., p. 253 ; CE, 16 novembre 1979, Sté
Schiffsgemeinschaft Alb-Murg et autres, Rec. Leb. p. 415.
787
Voir CE, 6 février 1981, Comité de défense du site de la Forêt de Fouesnant, Rec. Leb. p. 64.
788
A. Kouévi, « L’obligation de poursuite en matière de contravention de grande voirie », op.cit., p. 396.

Page 235
être source de nuisances pour le public destinataire de ces dépendances. Dans ce cas,
l’abstention de l’autorité sur qui pèse l’obligation de poursuite peut engager sa responsabilité.

L’analyse de cette responsabilité appelle à l’envisager sous l’angle d’un refus injustifié
d’une part, et d’un refus justifié d’autre part.

Dans le cas où l’autorité domaniale a failli à l’exigence procédurale de poursuivre le


contrevenant pour simples convenances administratives, sa responsabilité pourra être engagée
pour faute de service puisqu’il s’agit d’un refus injustifié. En effet, l’abstention de
l’administration est constitutive d’une faute en ce sens qu’elle révèle une carence de
l’administration à garantir le respect les principes protecteurs du domaine public.

Cette responsabilité pour faute de service s’inspire, non pas d’une disposition textuelle ou
d’une solution jurisprudentielle en matière domaniale, mais plutôt du régime général de la
responsabilité administrative. En effet, le législateur dispose dans le code des obligations de
l’administration que « les tiers et les usagers ont droit à la réparation du dommage causé par
le fonctionnement défectueux du service public 789 ». Ce qui semble être le cas avec
l’abstention d’agir de l’autorité domaniale pour simples convenances administratives. Elle
peut être considérée comme un fonctionnement défectueux du service public par rapport à son
fonctionnement normal. Lorsque des usagers du domaine public en subissent des préjudices,
l’administration est fautive d’une carence à faire respecter la correcte utilisation des
dépendances domaniales.

Cependant, il faut préciser que le fonctionnement défectueux du service par rapport à son
fonctionnement normal doit présenter un certain degré de gravité variable en fonction des
activités de l’administration et compte tenu des difficultés présentées pour l’exercice de cette
activité et des moyens dont disposait l’administration pour éviter le dommage 790. Au regard
de ce contenu de la faute de service, l’abstention à poursuivre une infraction domaniale ne
sera constitutive d’une faute que lorsqu’elle révèle une carence manifeste de l’autorité
domaniale.

En se référant au droit domanial français, on retrouve une application concrète de cette


responsabilité pour faute de service en matière domaniale. Le Conseil d’État a eu à retenir que

789
Voir article 142 de la loi n° 65-51 du 19 juillet 1965 portant code des obligations de l’administration (COA),
modifiée, JORS n° 3763 du 23 août 1965.
790
Voir CA de Dakar, 9 janvier 1970, Mor Diaw c/ Commune de Dakar, ASERJ, 1970, n° 1, II, p. 13 ; article
142, alinéa 1 de la loi n° 65-51 du 19 juillet 1965 portant code des obligations de l’administration (COA),
modifiée, JO préc.

Page 236
toute abstention de poursuite non justifiée s’analyse en une discrimination négative pouvant
« éventuellement engagée la responsabilité sur la base d’une rupture d’égalité devant les
charges publiques791 ». Il a eu, en effet, à condamner l’administration à verser une indemnité
au plaignant ayant subi des dommages du fait de négligences de l’autorité domaniale à laisser
une tierce personne implanter sans permis de construire un cabanon à proximité immédiate de
sa maison.

Il est donc admis que le manquement fautif de l’autorité domaniale à l’exigence


procédurale de poursuites engage sa responsabilité pour faute de service.

Lorsque l’autorité domaniale refuse de poursuivre un contrevenant en raison d’autres


intérêts généraux dont elle a la charge, sa responsabilité ne pourra pas être engagée sur le
fondement d’une faute. En effet, il s’agit d’un refus justifié, c’est-à-dire une carence
administrative non-fautive puisqu’étant justifiée par les limites pratiques à l’obligation de
poursuite. À ce titre, les préjudices subis par des usagers du domaine public du fait de cette
inaction ne peuvent pas être réparés sur la base d’une faute de service.

La responsabilité de l’administration doit être recherchée ici sur la base d’une


responsabilité sans faute. Cette dernière ne se rattache pas à l’idée de risque, mais plutôt à une
rupture de l’égalité devant les charges publiques. En effet, lorsque des raisons d’intérêt
général ou de nécessité de l’ordre public font obstacle à l’engagement des poursuites, les
usagers qui en subissent des préjudices supportent, au nom de l’intérêt général, des charges
particulières par rapport à d’autres membres de la collectivité. On retrouve là l’esprit de la
responsabilité pour dommage anormal et spécial dû à un « refus de prêter main forte à
l’exécution d’une décision de justice […] justifié par des raisons tirées de la sauvegarde de
l’ordre public792 » que le code des obligations de l’administration a puisé de l’arrêt Couitéas
du juge administratif français793.

En s’appuyant sur cette responsabilité sans faute, on conçoit aisément son applicabilité en
matière domaniale lorsque des usagers sont victimes de dommages résultant d’un refus
justifié de l’autorité domaniale d’exécuter son obligation de poursuite. Cela tient au fait que
l’administration est en possession d’un procès-verbal constatant une infraction et exigeant des

791
Voir CE, 20 mars 1974, Ministre de l’aménagement du territoire, de l’équipement et du logement c/ Navarra,
Rec. Leb. p. 200.
792
Voir article 142, alinéa 2-b) de de la loi n° 65-51 du 19 juillet 1965 portant code des obligations de
l’administration (COA), modifiée, JO préc.
793
Voir CE, 30 novembre 1923, Couitéas, GAJA, 17e n° 45, Paris, Dalloz, 2009, p. 239.

Page 237
poursuites ; qu’elle a refusé de mettre en mouvement l’action domaniale pour un fondement
valable ; et que son refus a fait supporter à des usagers des charges qui ne devraient pas
normalement leur incomber. L’autorité domaniale est donc tenue de réparer cette rupture
d’égalité. Le juge administratif français a admis cette responsabilité sans faute en matière
domaniale. Il a condamné, à plusieurs reprises, l’administration à réparer les préjudices
anormaux et spéciaux subis par des usagers du domaine public du fait d’une inertie
justifiée794.

Donc, l’abstention justifiée de l’autorité domaniale d’engager des poursuites contre des
contrevenant n’est pas constitutive d’une faute, mais elle engage la responsabilité sans faute
de l’administration en cas de dommage anormal et spécial.

Au-delà de l’obligation d’engager les poursuites contre les délinquants, l’administration


dispose de voies de droit particulières pour faire cesser les atteintes au domaine public.

2. La singularité des voies de droit répressives

Lorsqu’une dépendance domaniale subit un préjudice, l’administration ne peut pas, en


principe, se faire justice elle-même pour faire cesser l’atteinte à la dépendance. Elle est
appelée à saisir le juge pour faire rétablir l’intégrité physique de la dépendance affectée. Ce
n’est à qu’à titre exceptionnel que l’administration peut user de ses propres pouvoirs pour
faire cesser les nuisances au domaine public.

Ainsi, l’administration domaniale dispose de deux modes d’action : le premier lui permet
de recourir au juge, alors que le second permet lui d’agir de son propre chef. Ce qui revient à
voir dans un premier temps la voie de droit juridictionnelle (a) avant d’aborder dans un
second temps la voie de droit non juridictionnelle (b).

a) La voie de droit juridictionnelle

La saisine du juge en cas d’infractions au domaine public obéit à deux types d’action : une
action destinée à punir l’auteur de l’infraction, dite action répressive et une action visant à
rétablir l’intégrité de la dépendance domaniale en cause, appelée action domaniale.

794
Voir par exemple CE, 27 mai 1977, SA Victor Delforge et Cie, op.cit., p. 253 ; CE, 7 décembre 1979, Sté Les
Fils de Henri Ramel, D. 1980, p. 303 ; CE, 11 mai 1984, Port autonome de Marseille et Sté navale de Chargeurs
Delmas-Vieljeux, Rec. Leb. p. 178 ; AJDA, 1984, p. 708 ; CE, 12 octobre 1988, Secrétaire d’Etat chargé de la
mer c/ Compagnie nationale algérienne de navigation, Rec. Leb. p. 339.

Page 238
- L’action répressive

Elle est la voie de droit qui « vise à faire infliger par le juge à l’auteur [d’une atteinte au
domaine public] les sanctions pénales prévues par les textes795 ». C’est l’action par laquelle
l’administration demande la punition de toute personne coupable d’une atteinte, d’emprise, de
dégradation et de tout usage abusif du domaine public. Le juge saisi est appelée à condamner
l’occupant qui a violé les principes protecteurs du domaine. L’administration cherche à
infliger une correction au délinquant par l’application de peines d’amendes et/ou
d’emprisonnement.

À partir du moment où le dommage dont on demande la réparation puise sa source de la


commission d’une infraction, la demande de réparation doit être portée devant le juge
répressif. Lorsque l’infraction est un délit, l’action répressive est portée en premier ressort
devant le Tribunal de grande instance796. Dans le cas où l’infraction est une contravention,
c’est le Tribunal d’instance qui en est saisie en premier ressort797. Le Sénégal n’a pas ainsi
dérogé, en matière de contentieux de la protection du domaine public, à la compétence de la
juridiction judiciaire dans les États qui ont opté pour le système juridictionnel moniste798.

Cette voie de droit pour l’application de peines au contrevenant protège plus ou moins le
domaine public au moins pour deux raisons.

D’une part, il s’agit d’une action qui se limite seulement à la condamnation du


contrevant. Elle est simplement destinée à sanctionner pénalement l’auteur d’une infraction
domaniale. Or, comme le souligne Patrice Gélard, « la simple condamnation à une amende ne
peut pas permettre la réparation de dommages causés au domaine public799 ». Donc, la seule
punition du contrevenant ne constitue pas une garantie à la conservation de l’intégrité
physique du domaine public.

D’autre part l’action répressive est une voie de droit dont la mise en œuvre n’est pas
perpétuelle. Elle peut être éteinte soit par l’effet du temps, c’est-à-dire par la prescription, soit

795
Voir J.-M. Auby, « L’action domaniale », AJDA, 1983, p. 509.
796
Voir article 18, alinéa 1 du décret n° 2015-1145 du 3 août 2015 fixant la composition et la compétence des
Cours d’appel, des Tribunaux de grande instance et des Tribunaux d’instance, JORS N° 6869 du 18 août 2015.
797
Voir article 4 du décret n° 2015-1145 du 3 août 2015 fixant la composition et la compétence des Cours
d’appel, des Tribunaux de grande instance et des Tribunaux d’instance, JO préc.
798
J.-M. Breton, « Le domaine de l’Etat » in Encyclopédie juridique de l’Afrique, tome 5, NEA, 1982, p. 218.
799
P. Gélard, « Le caractère mixte de la contravention de grande voirie », AJDA, 1967, p. 145.

Page 239
par par l’amnistie800. Au titre de l’extinction de l’action répressive par le temps, le code de
procédure pénale consacre qu’ « en matière de contravention, la prescription de l’action
publique est d’une année révolue […] 801 ». C’est dans ce cadre que Jean Marie Auby écrit que
l’action répressive « obéit à la prescription annale802 ». Ainsi, l’autorité domaniale qui ne
poursuit pas un contrevenant au bout d’un an révolu ne pourra plus le faire. En conséquence,
l’auteur de l’infraction domaniale se voit libéré de sa responsabilité pénale. De même, l’action
répressive se trouvant éteinte par l’amnestie, l’autorité domaniale ne pourra plus évoquer les
faits reprochés au contrevenant qui en a bénéficié.

Toutes choses qui font que l’action répressive ne présente pas suffisamment de garantie
pour la réparation du préjudice subi par le domaine public. C’est pourquoi la législation
domaniale ne se contente pas seulement de cette action, elle reconnaît à l’autorité domaniale
une voie de droit qui permet d’obtenir la restauration de l’ingrité physique du domaine
public : c’est l’action domaniale.

- L’action domaniale

C’est la « voie de droit juridictionnelle destinée à obtenir la remise en état d’une


dépendance du domaine public803 ». Elle a essentiellement pour objet de rétablir le domaine
public dans son intégrité ; elle a donc un caractère restitutif804. En effet, l’action domaniale est
destinée à mettre fin à tout fait « de nature à compromettre la conservation du domaine public
ou à nuire à l’usage auquel il est légalement destiné805 ». C’est une voie de droit qui ne vise
pas à sanctionner par une amende l’atteinte portée à l’intégrité physique du domaine public
mais à réparer le préjudice causé à ce dernier.

La sanction prononcée par le juge appelle donc le contrevenant à remettre en état le


domaine public par la cessation des empiétements, l’enlèvement des ouvrages implantés au-
delà des limites domaniales, la réparation des atteintes à la matérialité des biens domaniaux, la

800
Voir article 6 de la loi n° 65-61 du juillet 1965 portant code de procédure pénale, modifiée, JORS N° 3777 du
25 octobre 1965.
801
Voir article 9 de la loi n° 65-61 du juillet 1965 portant code de procédure pénale, modifiée, JO préc.
802
J.-M. Auby, « L’action domaniale », op.cit., p. 510.
803
J.-M. Auby, « L’action domaniale », op.cit., p. 510.
804
P. Gélard, « Le caractère mixte de la contravention de grande voirie », op.cit., p. 145.
805
R. Odent, Contentieux administratif, tome 1, Paris, Dalloz, 1980-1981, p. 217, cité par J.-M. Auby, « L’action
domaniale », op.cit., p. 510.

Page 240
cessation des situations de nature à compromettre l’usage de la dépendance domaniale, la
cessation des situations de nature à compromettre l’usage de la dépendance domaniale806.

Au regard de cette fonction restitutive, l’action domaniale se présente comme une


véritable voie de droit protectrice de l’intégrité physique du domaine public.

En plus de cela, il s’agit d’une action qui résiste à l’usure du temps. En effet, l’action
domaniale n’obéit pas à la prescription en matière pénale. Elle est régie par la règle de
l’imprescriptibilité. Ce principe protecteur du domaine public la soustrait du champ de la
prescription extinctive. Ainsi, la prescription annale de l’action pénale ne lui est pas
applicable. C’est l’une des conséquences qui découle de la consécration de l’imprescriptibilité
par l’article 9 du code du domaine de l’État.

On trouve une confirmation jurisprudentielle de l’imprescriptibilité de l’action domaniale


en référence à la jurisprudence administrative française. En effet, le Conseil d’État français a
retenu que « la prescription de l’action répressive ne s’applique pas, en raison de
l’imprescriptibilité du domaine public, à l’action en réparation des dommages causés audit
domaine807 ». C’est ce qui fait écrire à Jean-Marie Auby que le régime juridique de l’action
domaniale comporte plusieurs règles exorbitantes du droit commun, mais aussi inusitées dans
le contentieux administratif808.

L’autorité domaniale a en effet le pouvoir de sanctionner une atteinte au domaine public à


n’importe quel moment. Il n’y a pas de délai déterminé dans lequel est enfermée l’action en
remise en état du domaine. Ainsi, le contrevenant n’est jamais à l’abri d’une action
domaniale. De même, il ne saurait également bénéficier de l’amnistie. Dans plusieurs
décisions, la Haute juridiction administrative française a retenu que l’action en réparation est
soustraite aux effets de l’amnistie qui ne concerne que l’action publique809.

Aussi, l’action domaniale se singularise par le fait qu’elle ne se trouve pas éteinte par le
décès du contrevenant avant le jugement. Là où l’action répressive s’éteint par la mort du
prévenu 810 en raison du principe de la personnalité des peines, l’action en réparation des

806
J.-M. Auby, « L’action domaniale », op.cit., p. 510.
807
Voir CE, 27 mai 1959, Secrétaire d’Etat aux transports publics c/ Baylaucq, Rec. Cons. d’Ét., p. 323 ; CE, 27
décembre 1965, Commune de Thyl, AJDA, 1966. II. 231 ; CE, 2 novembre 1966, Société Poléna, Rec. Cons.
d’Ét., p. 577.
808
J.-M. Auby, « L’action domaniale », op.cit., p. 512.
809
Voir CE, 16 novembre 1934, Tardivier, Rec. Cons. d’Ét., p. 1066 ; CE, 13 juillet 1966, Pazzy, Rec. Cons.
d’Ét., p. 473 ; CE, 19 avril 1972, Vacher, Rec. Cons. d’Ét., p. 298.
810
Voir article 6 de la loi n° 65-61 du juillet 1965 portant code de procédure pénale, modifiée, JO préc.

Page 241
dommages causés au domaine survit au décès du contrevenant. La remise en état du domaine
public incombe dans ce cas aux héritiers du défunt. Ces derniers peuvent être condamnés à
exécuter les travaux nécessaires ou à supporter les frais de la remise en état811.

Si l’administration doit, en principe, faire recours au juge pour faire cesser les troubles à la
conservation matérielle des dépendances domaniales, il arrive des cas où elle peut ne pas ester
en justice et agir de son propre chef.

b) La voie de droit non juridictionnelle

Toutes les atteintes à l’intégrité physique du domaine public ne donnent pas toujours
lieu à des actions en justice. L’administration peut, dès fois, mettre en œuvre ses pouvoirs
propres pour faire cesser l’infraction. L’analyse de la législation domaniale fait ressortir deux
cas de figure : le recours à l’exécution d’office et la possibilité de transiger.

- L’exécution d’office

C’est la procédure qui permet, de façon générale, à l’administration d’appliquer une


décision sans recourir au juge812. Elle est une véritable mise en œuvre des prérogatives de
puissance publique. L’administration, ayant pour tâche de satisfaire l’intérêt général, doit
pouvoir le réaliser sans attendre l’intervention du juge. C’est en ce sens que Charles Debbasch
écrit que « l’administration est exécutive et non pas judiciaire. Elle ne peut se défaire de ses
prérogatives pour demander au juge de prendre la décision à sa place813 ».

Ce pouvoir d’action d’office de l’administration est admis par certains textes


domaniaux, à titre dérogatoire ou en cas d’urgence, pour lui permettre de mettre fin à une
atteinte au domaine public. Il en est ainsi en matière d’exécution de travaux autorisés sur le
réseau routier classé, mais non terminés. En effet, le décret relatif à la pose ou dépose de
conduites diverses et à l’occupation de l’emprise des routes du réseau routier classé prévoit
qu’en cas d’arrêt des travaux pendant une semaine ou de dépassement du délai accordé pour
l’exécution des travaux, le mandataire saisit la caution et achève les travaux restants aux frais
du demandeur814. C’est le cas également en matière de circulation sur les voies publiques. Le
décret d’application du code de la route autorise les autorités administratives à procéder à

811
Voir TA Châlons-sur-Marne, 10 mai 1960, Préfet de l’Aisne c/ Héritiers Talle, Rec. Leb., p. 785.
812
Voir J. Morand-Deviller, Droit administratif des biens, 7e éd., Paris, Montchrestien, 2012, p. 165.
813
Ch. Debbasch, Procédure administrative contentieuse et procédure civile, Paris, LGDJ, 1962, p. 17.
814
Voir article 6, alinéa 2 et article 8 du décret n° 2010-1445 du 4 novembre 2010 relatif à la pose ou dépose de
conduites diverses et à l’occupation de l’emprise des routes du réseau routier classé, JO préc.

Page 242
l’immobilisation, à la mise en fourrière, au retrait de la circulation et, le cas échéant, à
l’aliénation ou à la livraison à la destruction des véhicules dont la circulation ou le
stationnement constitue une menace pour la conservation des voies ou leurs dépendances, ou
gêne l’utilisation normale de ces voies815.

De même, d’autres textes admettent que l’administration peut mettre fin par voie
d’action d’office à une atteinte au domaine public en mettant en avant « l’hypothèse de
l’extrême urgence816 ». Cette condition de mise en œuvre de l’exécution forcée est reconnue
en matière d’occupation irrégulière emportant l’obstruction des voies et lieux publics, des
passages d’eaux, des ponts et des cours d’eaux817, en cas d’encombrement d’une piste, d’une
bande, d’une voie de circulation du domaine aéroportuaire818.

Dans ces divers cas, l’administration peut prendre d’office toutes les dispositions utiles
pour enlever ou faire disparaitre les embarras et nuisances aux dépendances domaniales
lorsqu’il y a urgence aux frais et risques de la personne en défaut. C’est cette solution qui est
également retenue en droit français819 où il est même admis « que la possibilité d’agir d’office
en cas d’extrême urgence, notamment pour la conservation du domaine public ou pour sa
sécurité, est un pouvoir de l’administration qui existe même sans texte820 ».

Toutefois, il faut noter qu’en France, la tendance sur cette question est beaucoup plus
au recours au juge des référés que l’exécution d’office. En effet, il est considéré que le recours
de l’administration à l’action d’office l’expose souvent à la commission d’une faute ou d’une
voie de fait à cause de l’emploi de la force publique se traduisant généralement par des
mesures brutales. Dans ce cas, la solution préconisée est le recours à la procédure de référé821
qui expose moins l’administration étant donné qu’elle lui permet de se procurer rapidement un
titre justifiant l’emploi de la contrainte822. Cette solution épouse parfaitement les écrits de
Pierre Pactet qui soutenait que « l’exécution forcée d’une obligation ou, d’une manière

815
Voir chapitre II du Titre V du décret n° 2004-13 du 9 janvier 2004 fixant les règles d’application de la loi n°
2002-30 du 24 décembre 2002 portant code de la route, JORS N°
816
M. Cavérivière, M. Débène, Le droit foncier sénégalais, Berger-Levrault, Paris, 1988, p 270.
817
Voir article 18 de la loi n° 74-20 du 24 juin 1974 portant classement du réseau routier national et fixant le
régime domanial de ce réseau, JO préc. ; articles R 379 et R 380 du décret n° 2009-1450 du 30 décembre 2009
portant partie règlementaire du code de l’urbanisme, JO préc.
818
Voir article 155 de la loi n° 2002-39 du 12 décembre 2002 portant code de l’aviation civile, JO préc.
819
Voir C.E. 8 avril 1961, Dame Klein, Rec. Leb. p. 216 ; C.E. 20 mars 1968, Entreprise Lioté, Rec. Leb. p. 195.
820
M. Rougevin-Baville, Conclusions sur C.E. 25 janvier 1980, Société des terrassements mécaniques (OTEM),
AJDA, 1980, p. 615.
821
Voir CE, 25 janvier 1980, Société des terrassements mécaniques mécaniques SOTEM, AJDA, 1980, p. 615.
822
M. Rougevin-Baville, Conclusions sur C.E. 25 janvier 1980, Société des terrassements mécaniques (OTEM),
op.cit., p. 615 ; J. Morand-Deviller, Droit administratif des biens, op.cit., p. 166.

Page 243
générale, la réalisation matérielle d’un droit par la contrainte et la coercition, nonobstant
toute opposition, doit être précédée d’un recours aux tribunaux seuls habilités à délivrer la
formule exécutoire sur le vu de laquelle la force publique peut être mise en mouvement 823 ».
L’idée est donc d’éviter toute intervention non assignée par le juge et qui pourrait exposer
l’administration à une action en responsabilité.

Il apparaît en définitive qu’au Sénégal l’existence de l’extrême urgence permet de


recourir à l’action d’office, alors qu’en France, en plus de l’exécution d’office, elle permet
aussi de s’adresser au juge des référés. La réforme de 2017 sur la Cour Suprême du Sénégal
ne prend pas en compte la question du domaine public dans la procédure de référé qu’elle a
instituée.

- La faculté de transiger

Elle renvoie à un règlement administratif du paiement de l’amende par le contrevenant. Le


droit domanial fait là recours à l’idée de transaction dans le cadre du règlement des infractions
domaniales. En matière civile, le code des obligations civiles et commerciales (COCC) retient
que « la transaction est le contrat par lequel les parties mettent fin à une contestation par des
concessions mutuelles824 ».

Appliquée en matière domaniale, la transaction permet à l’autorité domaniale de trouver


avec le contrevenant un accord, un arrangement sur les sommes à payer afin d’éviter toute
action en justice tendant à le punir. C’est ce qui ressort, en effet, d’un certain nombre de
textes afférents aux infractions domaniales. Ces textes reconnaissent aux auteurs d’infractions
domaniales la possibilité d’effectuer entre les mains de l’agent verbalisateur le paiement
d’une amende forfaitaire825. Cela permet à l’administration de se faire payer une amende sans
avoir à recourir au juge. La procédure de transaction est donc exercée avant jugement et selon
les règles en vigueur.

Le droit domanial se rapproche ainsi du droit douanier en termes de règlement


d’infractions. En effet, le code des douanes reconnaît à l’administration douanière le droit de

823
P. Pactet, Essai d’une théorie de la preuve devant la juridiction administrative, Thèse, Paris, 1952, p. 65.
824
Voir article 756 de la loi n° 63-62 du 10 juillet 1963 portant code des obligations civiles et commerciales,
JORS N° 3624 du 31 août 1963.
825
Voir article 31 de la loi n° 2010-09 du 23 avril 2010 relative à la police des ports maritimes, JORS N° 6559
du 4 décembre 2010 ; article R 46 du décret n° 2011-245 du 17 février 2011 portant décret d’application de la loi
portant code de l’assainissement, JORS N° 6588 du 14 mai 2011 ; article L 103 de la loi n° 2001-01 du 15
janvier 2001 portant code de l’environnement, JO préc., article R 62 du décret n° 2001-282 du 12 avril 2001
portant application du code de l’environnement, JORS N° 5985 du .

Page 244
transiger avec les personnes poursuivies pour infractions douanières 826 . C’est ce que l’on
qualifie de transaction douanière. Cette dernière est entendue comme « le contrat par lequel
l’administration des douanes et une personne poursuivie pour infraction douanière terminent
un litige à des conditions convenues entre elles, dans la limite des pénalités fixées par la
loi 827 ». De la même manière qu’en matière domaniale, l’administration douanière peut
procéder à un règlement administratif de l’infraction constatée et reconnue pour vider
l’affiare. Dans les deux domaines, la transaction a pour objet un règlement pécuniaire de
l’affaire sans l’intervention du juge. Elle offre ainsi à l’autorité administrative « un moyen
souple, rapide et efficace de recouvrer ce qui lui est dû828 ».

La transaction en matière domaniale présente, en revanche, une différence


fondamentale avec la transaction douanière. En effet, en termes d’effets, la transaction
douanière entraîne l’oubli judiciaire de l’infraction, mais surtout empêche le dépôt de la
plainte visant les faits, ou la continuation de la procédure829. Il apparaît là que la transaction
douanière éteint totalement les poursuites à l’égard du contrevenant ; le litige ne plus être
porté devant un tribunal. Elle éteint donc l’action publique.

Cet effet radical sur les poursuites ne se produit pas en matière de transaction relative à
des infractions domaniales. En effet, il ressort des textes que la transaction a pour effet
d’arrêter toute poursuite sauf si l’infraction constatée a exposé son auteur soit à une sanction
autre que pécuniaire, soit à la réparation du dommage causé, soit aux peines qui s’appliquent à
la récidive830. Cette disposition laisse apparaître que la transaction en matière domaniale éteint
seulement les poursuites pour la réparation pécuniaire. Elle ne fait pas obstacle à la mise en
mouvement des autres actions domaniales, notamment l’action en remise en état du domaine
et celle en vue de l’application de peines privatives de liberté. Ainsi, le contrevenant qui paie
l’amende forfaitaire ne neutralise pas l’ensemble des voies de droit dont dispose l’autorité
domaniale pour faire cesser les nuisances au domaine public. Celle-ci reste tenue de porter

826
Voir article 330 de la loi n° 2014-10 du 28 février 2014 portant code des douanes, JORS N° 6787 du 26 avril
2014.
827
M. Faye, Le droit dounaier sénégalais, Paris, L’Harmattan, 2015, p. 142.
828
Idem.
829
F. Boulan, La transaction douanière, Etude de droit pénal douanier, Annales de la Faculté de droit d’Aix-en-
Provence, PUF, 1968, cité par M. Faye, Le droit douanier sénégalais, op.cit., p. 142.
830
Voir article 32, alinéa 3 de la loi n° 2010-09 du 23 avril 2010 relative à la police des ports maritimes, JO
préc. ; article R 51 du décret n° 2011-245 du 17 février 2011 portant décret d’application de la loi portant code
de l’assainissement, JO préc. ; article L 103 in fine article L 103 de la loi n° 2001-01 du 15 janvier 2001 portant
code de l’environnement, JO préc. ; article R 67 du décret n° 2001-282 du 12 avril 2001 portant application du
code de l’environnement, JO préc.

Page 245
l’infraction devant le juge pour le rétablissement du domaine public dans son intégrité
physique.

Il convient par ailleurs de préciser que la procédure de transaction est exclue d’office
par la loi lorsque l’auteur des faaits incriminés est un récidiviste. Autrement dit, la récidive
s’oppose au recours à la transaction et appelle à poursuivre le contrevenant devant le juge. De
même, l’action en justice n’est pas totalement éteinte par l’utlisation de la transaction. S’il
arrive un défaut d’exécution de la transaction dans le délai imparti, l’auteur de l’infraction
domaniale est directement poursui devant le juge.

Les infractions commises sur le domaine public sont passibles de sanctions


particulièrement dissuasives.

Paragraphe 2 : La lourdeur des sanctions pénales

La volonté de conservation de l’intégrité physique du domaine public a donné lieu à


l’instauration de mesures de sanctions qui répriment lourdement les comportements portant
atteintes aux dépendances domaniales. Les textes domaniaux ont prévu un ensemble de
sanctions qui reflète une volonté de dissuader toute atteinte à l’intégrité physique du domaine
(A) se caractérisant par une certaine inflexibilité (B).

A / L’application d’une pluralité de sanctions

Les sanctions visant à réprimer les atteintes à la conservation matérielle du domaine


public sont de divers ordres. Il s’agit de sanctions comportant à la fois des pénalités (1) et une
réparation en nature (2).

1. Les pénalités

Selon les dispositions de l’article 20 du code du domaine de l’État et des autres textes
domaniaux, l’auteur d’une infraction domaniale est passible de peines sévères en raison de
leur nature et de leur degré. Les sanctions encourues par le contrevenant se singularisent par
leur diversité en termes d’atteintes au patrimoine du contrevenant (a) et par leur sévérité en
termes de peines privatives de libertés (b).

Page 246
a) La diversité des sanctions patrimoniales

La personne coupable d’une atteinte à la conservation matérielle du domaine public peut


être passible de peines portant atteintes à son patrimoine. À l’analyse de la législation
domaniale, celles-ci sont constituées de peines pécuniaires et de la confiscation.

- Les peines pécuniaires

La personne poursuivie d’une infraction domaniale peut être condamnée à la fois au


paiement d’une amende et au paiement d’indemnités.

 L’amende

L’amende renvoie au paiement d’une somme d’argent au Trésor public. Son montant
est fixé par la loi. Au regard de la législation domaniale, ce montant varie suivant un plancher
et un planfond, et en fonction de la qualification de l’infraction domaniale.

Dans certains, les actes de dégradation du domaine public ou de gênes à


l’utlisation des dépendances domaniales sont qualifiés de contraventions. C’est le cas des
personnes qui rendent difficile la desserte des voies publiques, des trottoirs ou places
publiques en les embarrassant, obstruant, encombrant ou empiétant au moyen de quelques
articles que ce soit831. Il s’agit également du cas des auteurs d’actes de dégradation des égouts
publics et de leurs accessoires de façon accidentelle832. Pour ces infractions, le législateur a
retenu que ces contrevenants sont poursuivis pour le paiement de l’amende prévue à l’article 3
du code des contraventions 833 . Selon cette disposition, « les amendes pour contravention
pourront être prononcées depuis 200 francs jusqu’à 20.000 mille francs834 ».

Il s’agit là de simples peines de police qu’encourent les auteurs des infractions


qualifiées de contravention. C’est une amende légère qui s’avère facile à acquitter. Les textes
ainsi considérés dérogent à l’article 20 du code du domaine de l’État en rendant plus légère la
peine d’amende encourrue. Le caractère accidentel des actes de dégradation des ouvrages

831
Voir article R 226 du décret n° 2009-1450 du 30 décembre 2009 portant partie règlementaire du code de
l’urbanisme, JORS N° 6225 du 8 mai 2009.
832
Voir article L 35 et article L 105 de la loi n° 2009-24 du 8 juillet 2009 portant code de l’assainissement, JORS
N° 6493 du 10 octobre 2009.
833
Voir article 10 du décret n° 65-557 du 21 juillet 1965 portant code des contraventions, JORS N° 3763 du 23
août 1965 ; article L 35 et article L 105 de la loi n° 2009-24 du 8 juillet 2009 portant code de l’assainissement,
JO préc.
834
Voir article 3 du décret n° 65-557 du 21 juillet 1965 portant code des contraventions, JO préc.

Page 247
d’assainissement de même que les gênes à la desserte des voies publiques et trottoirs semblent
justifier l’application de ces peines.

Mis à part ces contrevenants à qui on applique des amendes légères, toutes les
personnes coupables d’infractions domaniales sont fortement atteintes dans leur patrimoine
par rapport à l’amende à payer. Les infractions commises sont passibles de peines
correctionnelles. C’est le cas des occupations irrégulières du domaine public pour lesquelles
le législateur prévoit une amende comprise dans l’intervalle de vingt mille (20.000) francs
CFA à soixante millions (60.000.000) de francs CFA. À titre illustratif, la loi n° 76-66 du 2
juillet 1976 portant code du domaine de l’État dispose que les occupations irrégulières « […]
sont passibles d’une amende de vingt mille francs à deux millions de francs […] 835 ». De
même, le code des télécommunications retient qu’une personne qui aura utilisé le domaine
public hertzien sans l’aval de l’autorité de régulation des télécommunications sera punie
d’une amende de trente à soixante millions de francs CFA836. Enfin, les actes de dégradation
ou les gênes aux servitudes d’utilité publique, la peine d’amende se situe dans l’intervalle de
vingt mille (20.000) francs CFA à sept millions de francs CFA837.

Au regard de ces sommes fixées, l’amende qui doit être acquittée par le contrevenant
est d’une certaine lourdeur. Le jugement du Tribunal régional hors classe de Dakar du 9
octobre 2013 à propos du navire Almadraba Uno en constitue une parfaite illustration. Dans le
cadre de cette affaire, le juge avait conclu, en application de l’article L 98 du code de
l’environnement, que ce navire, qui avait échoué sur les rochers aux abords de l’île des
Serpents le 2 août 2013, avait occasionné la pollution des eaux marines par le rejet en mer

835
Voir article 20 in fine de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JORS N° 4506 du
28 juillet 1976.
836
Voir article 114 de la loi n° 2011-01 du 24 février 2011 portant code des télécommunications, JORS N° 6576
du 14 mars 2011.
837
Voir par exemple article 24 de la loi n° 2010-09 du 23 avril 2010 relative à la police des ports maritimes, JO
préc. ; article 101 de la loi n° 81-13 du 14 mars 1981 portant code de l’eau, JORS N° 4828 du 11 avril 1981 ;
article L 104 de la loi n° 2009-24 du 8 juillet 2009 portant code de l’assainissement, JORS N° 6493 du 10
octobre 2009 ; article L 97 de la loi n°2001-01 du 15 janvier 2001 portant code de l’environnement, JORS N°
5972 du 10 mars 2001 ; article 14.6.a. du Règlement n° 14/2005/CM/UEMOA relatif à l’harmonisation des
normes et des procédure du contrôle du gabarit du poids et de la charge à l’essieu des véhicules lourds de
transport de marchandises dans les États membres de l’UEMOA du 16 décembre 2005 ; article 14.6.a.2. du
Règlement n° 14/2005/CM/UEMOA relatif à l’harmonisation des normes et des procédure du contrôle du gabarit
du poids et de la charge à l’essieu des véhicules lourds de transport de marchandises dans les États membres de
l’UEMOA du 16 décembre 2005 ; article 171, alinéa 1 de la loi n° 2015-10 du 4 mars 2015 portant code de
l’aviation civile, JORS N° 6128 du 22 août 2015.

Page 248
d’hydrocarbures. Il a, à ce titre, condamné les coupables au paiement de la somme de cents
millions (100.000.000) de francs FCA838.

L’amende à payer en matière d’infraction domaniale présente un caractère pénal.


Elle vise à réparer tous les préjudices subis par le Trésor public. Ainsi, en cas de cumul
d’infractions, les amendes applicables aux différentes infractions sont cumulées. Cela permet
une réparation intégrale de l’ensemble des dommages causés au domaine. Cette globalisation
de la réparation la différentie de la répartion civile qui entraîne une seule amende quel que
soit le nombre de personnes mises en cause. On peut alors en déduire que l’amende en matière
d’infractions domaniales présente une certaine efficacité.

Elle joue à ce titre un rôle dissuasif. Les montants à payer n’étant faciles à régler
dans l’ensemble dissuadent non seulement les usagers du domaine public à ne point
commettre les infractions incriminées, mais aussi les personnes qui en sont condamnées à
tenter à recommencer.

En plus de l’amende, les personnes poursuivies pour occupations irrégulières sont


également soumises au paiement d’indemnité.

 Le paiement d’indemnités

Le code du domaine de l’État, après avoir qualifié d’infractions domaniales les


occupations sans titre du domaine public, a retenu que les auteurs sont poursuivis pour « […]
le recouvrement des indemnités correspondant aux redevances dont le Trésor a été frustré,
[…] 839 ». Le législateur instaure là le paiement d’indemnités totalement indépendant de la
peine d’amende. Cette disposition s’explique par le fait que la personne qui occupe une
dépendance domaniale en l’absence d’autorisation administrative préalable ne s’acquitte pas
du paiement de la redevance domaniale. Elle prive alors le Trésor public de la contrepartie
financière aux avantages qu’il tire de son installation sur le domaine public.

En cas de constatation de l’occupation irrégulière, le contrevenant n’est pas


seulement poursuivi pour le paiement d’une amende ; il est également tenu de payer des
indemnités. En effet, l’alinéa 2 de l’article 20 du code du domaine de l’État exige à ce qu’il

838
Voir TR Hors Classe de Dakar, 9 octobre 2013, Ministère publique et Direction de la marine marchande c/
Jésus Antonio Azkaraté, José Antonio Amparan Cuadra et Goodwin Emmanuel Wobenetsi, n° 5424/2013, non
publié.
839
Voir article 20, alinéa 2 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JORS N° 4506
du 28 juillet 1976.

Page 249
soit tenu de s’acquitter des montants correspondant à la somme des redevances qu’il aurait dû
payer sur la base d’une autorisation dûment délivrée. Mamadou Aliou Diallo souligne, à ce
titre, que « le législateur fait ici jouer à la redevance le rôle de sanction à la violation des
règles d’occupation du domaine public ou aux conditions financières de celle-ci 840 ». Les
indemnités versées au Trésor public viennent combler la période de non acquittement de la
redevance. Ainsi, l’usager qui s’est installé sur le domaine public de façon irrégulière se
trouve dans une position de débiteur vis-à-vis du Trésor. Le jour où sa situation sera constatée
et poursuivie, il sera condamné à rembourser sa dette.

Le paiement d’indemnités rétablit non seulement le Trésor public dans ses droits,
mais aussi l’égalité entre les occupants privatifs du domaine public en termes de paiement de
la redevance domaniale. En effet, là où les occupants réguliers s’acquittent de leur
contrepartie financière, les occupants irréguliers tirent un avantage du domaine public sans en
supporter une contrepartie. Ne pas les tenir redevables au Trésor public leur serait trop
bénéfique. Donc, lorsque l’infraction d’occupation irrégulière est constatée, il est plus que
salutaire que les personnes incriminées s’acquittent de la redevance domaniale au même titre
que les occupants réguliers.

Indépendamment des sanctions pécuniaires, le patrimoine de l’auteur d’une


infraction domaniale peut également être atteint par la confiscation de ses biens.

- La confiscation

La confiscation est définie comme « l’attribution à l’État en toute propriété des


biens qui ont fait l’objet d’une infraction ou qui ont été utilisés par les prévenus pour
commettre une infraction 841 ». Elle fait partie des sanctions patrimoniales aux infractions
domaniales. Il convient de préciser qu’elle n’est pas prévue par le code du domaine de l’État,
mais qu’elle est retenue par des textes spécifiques afférents à des composantes du domaine
public.

C’est le cas du code des télécommunications qui consacre qu’ « en cas de


condamnation pour l’une des infractions prévues au présent titre, le tribunal peut, en outre,
prononcer au profit de l’autorité de régulation, la confiscation des matériaux et installations
constituant le réseau de télécommunications ou permettant la fourniture du service de

840
M.-A. Diallo, La dificile gestation d’un droit littoral sénégalais, Thèse, UCAD, Dakar, 2014, p. 305.
841
M. Faye, Le droit douanier sénégalais, op.cit., p. 98.

Page 250
télécommunications […] 842 ». On retrouve également la confiscation dans le code de
l’aviation civile qui dispose que « la confiscation des objets et appareils régulièrement saisis
est prononcée par le tribunal 843 ». Mais, dans ce domaine, ce n’est pas la sanction
d’infractions domaniales qui sont spécifiquement visées, mais plutôt la répression des
infractions en matière d’aviation civile de façon générale. C’est la confiscation prévue par le
code des télécommunications qui nous servira de base d’étude.

Au regard de la disposition précitée, la confiscation en matière d’atteintes au


domaine public renvoie à une dépossession du contrevenant de l’ensemble des biens qui ont
servi à commettre l’infraction au profit de l’autorité administrative. Elle concerne, dans le
domaine cité, les matériaux et installations de télécommunications ayant servi à la
commission de l’infraction.

L’introduction de cette sanction patrimoniale dans le cadre de la répression des


infractions domaniales rapproche le droit domanial au droit douanier. En effet, dans ce droit,
la confiscation constitue également une sanction patrimoniale du contrevenant. Elle a pour
objet les marchandises de fraude, les marchandises sur lesquelles porte l’infraction, les objets
servant à masquer la fraude 844 . À noter qu’en droit douanier, la confiscation peut être en
nature, c’est-à-dire qu’elle porte sur l’objet même de la fraude, ou en valeur, c’est-à-dire le
paiement d’une somme équivalente à la valeur représentée par lesdits objets845. Ces modalités
de la confiscation douanière n’apparaissent pas toutes dans le cadre de la confiscation prévue
par le code des télécommunications. L’article précité ne prévoit que la confiscation faite en
nature, à savoir la dépossession du contrevenant de ses marériaux et installations constituant
le réseau de télécommunications ou permettant la fourniture du service de
télécommunications.

En outre, la formule consacrée par le législateur fait ressortir que la confiscation ne


constitue pas une peine principale. Elle est prononcée par le juge en guise de peine
complémentaire. Cela révèle une plus grande sévérité de la répression d’une infraction
commise sur le domaine public hertzien. La confiscation vient s’ajouter à une peine
principale, à savoir le paiement d’une amende et/ou le paiement d’indemnités. Ainsi, la
confiscation constitue une sanction de plus qui pèse sur le contrevenant.

842
Voir article 122 de la loi n° 2011-01 du 24 février 2011 portant code des télécommunications, modifiée,
JORS N° 6576 du 14 mars 2011.
843
Voir article 132 in fine de la loi n° 2015-10 du 4 mars 2015 portant code de l’aviation civile, JO préc.
844
M. Faye, Le droit douanier sénégalais, op.cit., pp. 98-99.
845
Idem.

Page 251
Au total, l’auteur d’une infraction domaniale est diversement atteint dans son patrimoine.
En plus de cela, il peut également être privé de sa liberté d’aller et de venir.

b) La sévérité des peines privatives de liberté

Le législateur a prévu des peines d’emprisonnement sévères pour les personnes qui
portent atteintes au domaine public. Ces peines accompagnent souvent la peine d’amende, soit
de façon simultanée, soit de façon alternative, c’est-à-dire une punition de l’une ou de l’autre
de ces deux peines.

La peine d’emprisonnement qui s’ajoute à aux peines pécuniaires présente la


particularité d’être lourde. En effet, dans la majorité des cas, les peines d’emprisonnement
prévues par les textes domaniaux s’apparentent à des peines correctionnelles846. Rares sont
celles qui rentrent dans la catégorie des peines de police 847. C’est essentiellement le code
l’urbanisme qui prévoit une application de l’article 2 du code des contraventions. En effet, il
résulte de la partie règlementaire du code de l’urbanisme que les personnes qui auront enlevé
du domaine public des pierres, de la terre, du sable, du gravier sans en avoir l’autorisation ou
qui auront embarrassé la voie publique sont coupables de contraventions de police 848 . En
conséquence, ils sont passibles d’une peine d’emprisonnement qui « […] ne pourra être
moindre d’un jour, ni excéder un mois849 ». Cette sanction semble indiquer que les infractions
visées sont d’une faible gravité si l’on se réfère à l’article premier du code pénal.

Mis à part cette peine d’emprisonnement allant d’un jour à un mois maximum, les
autres peines d’emprisonnement apparaissent beaucoup plus lourdes. Le législateur est résolu
à dissuader les usagers du domaine public à porter atteinte à son intégrité physique ainsi qu’à
l’usage auquel il est destiné.

Cela apparaît d’abord à travers la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du
domaine de l’État qui réprime les récidivistes et ceux qui refusent d’exécuter les travaux
prescrits « d'un emprisonnement de un mois à six mois850 ». À côté du code du domaine de

846
En référence au code pénal, les peines d’emprisonnement en matière correctionnelle sont celles dont la durée
est supérieure à un mois sans dépasser dix ans, sauf en cas de récidive ou autres exceptions (article 33 de la loi n°
65-60 du 21 juillet 1960 portant code pénal, JORS N° 3767 du 6 septembre 1965).
847
En référence au code des contraventions, la peine d’emprisonnement applicable aux infractions que la loi
qualifie de contraventions est celle dont la durée ne pourra être moindre d’un jour ni excéder un mois (article 2
du décret n° 65-557du 21 juillet 1965 portant code des contraventions, JORS N° 3763 du 23 août 1965).
848
Voir article R 225 et R 226 du décret n° 2009-583 du 30 décembre 2009 portant partie règlementaire du code
de l’urbanisme, JORS N° 6225 du 8 mai 2010.
849
Voir article 2 du décret n° 65-557 du 21 juillet 1965 portant code des contraventions, JO préc.
850
Voir article 20 in fine de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.

Page 252
l’État qui consacre la peine d’emprisonnement en cas de récidive ou de refus d’obtempérer,
d’autres textes prévoient à la condamnation directe à une peine de prison. C’est le cas de la loi
relative à la police des ports maritimes. Ce texte prévoit pour les auteurs d’actes de
dégradation des ouvrages portuaires une peine d’ « emprisonnement de six mois à trois
ans851 ». Le code de l’eau dispose, de son côté, que toute personne coupable de nuisance à la
salubrité des ressources en eau « sera punie d’un emprisonnement de deux mois à deux ans
[…] 852 ». La même peine est également prévue par le code de l’environnement pour les
auteurs d’altérations des égouts publics et de leurs annexes853.

Quant aux textes règlementant la vente sur la voie et dans les lieux publics, au-delà de
l’apllication directe de la peine d’emprisonnement, ils ont endurcit la peine de prison des
usagers qui occupent lesdites dépendances sans autorisations administrative préalable. En
effet, cette peine, initialement fixée de « un à six mois854 », a été jugée peu dissuasive. Ainsi,
en 1975, la loi modifiant celle n° 67-50 du 29 novembre 1967 établissant cette peine, ainsi
que son décret d’application, ont disposé que les infractions à la règlementation de
l’occupation privative des voies et lieux publics « sont punies d’un emprisonnement de 1 mois
à 2 ans […] 855 ». La peine d’emprisonnement a été ainsi alourdie en passant du simple au
double.

En clair, toute atteinte à la conservation matérielle des dépendances domaniales se révèle


intolérable. L’administration domaniale la réprime sévèrement en portant atteinte non
seulement au patrimoine du contrevenant, mais aussi à sa liberté. Indépendamment de ces
sanctions, la répression d'une infraction domaniale peut consister à condamner le contrevenant
à réparer les dommages causés au domaine public.

851
Voir article 14 de la loi n° 65-32 du 19 mai 1965 relative à la police des ports maritimes, JORS N° 3751 du 28
juin 1965.
852
Voir article 101 de la loi n° 81-13 du 14 mars 1981 portant code de l’eau, JORS N° 4828 du 11 avril 1981.
853
Voir article 106 de la loi n° 2009-24 du 8 juillet 2009 portant code de l’assainissement, JORS N° 6493 du 10
octobre 2009.
854
Voir article 4 de la loi n° 67-50 du 29 novembre 1967 relative à la règlementation des activités qui s’exercent
sur la voie et dans les lieux publics, JORS N° 3930 du 9 décembre 1967.
855
Voir article premier de la loi n° 75-105 du 20 décembre 1975 modifiant et complétant la loi n° 67-50 du 29
novembre 1967 relative à la règlementation des activités qui s’exercent sur la voie et dans les lieux publics,
JORS N° 4468 du 22 janvier 1976.

Page 253
2. La réparation en nature

Pour cette sanction, Platon écrivait que « celui qui sera convaincu d’avoir corrompu
l’eau, outre la réparation du dommage, sera tenu de nettoyer la source ou le réservoir856 ». Il
ressort de cette affirmation que l’auteur d’un acte de dégradation d’une dépendance du
domaine public est, en plus des pénalités qui peuvent lui être infligées, tenu de réparer les
dommages causés à ce domaine.

C’est ce qui est retenu dans le code du domaine de l’État lorsque le législateur dispose que
la punition à des peines d’amendes et d’emprisonnement est « sans préjudice de la réparation
des dommages857 ». Cette disposition est complétée par d’autres textes domaniaux à la lecture
desquels le juge est appelé à condamner le contrevenant à faire cesser le trouble ou à réparer
ses conséquences dommageables. Ces mesures de remises en état des lieux peuvent être
accomplies par le contrevenant lui-même (a) ou par l’administration aux frais du contrevenant
(b).

a) La remise en état du domaine public par le contrevenant

La condamnation du contrevenant à remettre lui- même le domaine public en l’état peut se


traduire soit par une cessation des troubles au domaine public, soit par une réparation du
dommage causé au domaine.

- La cessation des troubles

C’est le premier cas de remise en état du domaine public. Elle apparait dans la loi portant
classement du réseau routier national et fixant le régime domanial de ce réseau. Ce texte
dispose que l’auteur d’empiétement du réseau routier classé peut être condamné « à la
réparation de l’atteinte portée au domaine public routier et, notamment à l’enlèvement des
ouvrages faits858 ». Le code de l’aviation civile, de son côté, dispose que « l’enlèvement d’un
aéronef qui encombre, pour quelque cause que ce soit, une piste, une bande, une voie de

856
Platon, Les lois, cité par J. Morand-Deviller, Droit administratif des biens, 7ème édition, Montchrestien, 2012,
p. 164.
857
Voir article 20 in fine de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JORS N° 4506 du
28 juillet 1976.
858
Voir article 18 de la loi n° 74-20 du 24 juin 1974 portant classement du réseau routier national et fixant le
régime domanial de ce réseau, JORS N° 4367 du 20 juillet 1974.

Page 254
circulation, une aire ou leurs dégagements doit être effectué par le propriétaire de l’aéronef
ou par l’exploitant de l’aéronef sur l’ordre qu’il reçoit des autorités aéroportuaires859 ».

Il ressort de ces différents textes que le contrevenant est passible d’une condamnation lui
imposant la remise en état effective des dépendances domaniales. Il lui est demandé de faire
cesser le trouble au domaine public. Cela se traduit concrètement par une démolition des
ouvrages ou une évacuation des lieux, par un enlèvement des dépôts et des installations qui
empêchent le domaine public de répondre correctement à l’usage auquel il est destiné.

- La réparation du préjudice subi par le domaine public

C’est le deuxième cas de remise en état du domaine public. Elle consiste pour le
contrevenant à prendre en charge les frais de réparation des conséquences dommageables de
l’infraction. En effet, lorsqu’une personne porte une atteinte à une dépendance domaniale, elle
peut être condamnée à payer les frais de réparation du préjudice. C’est ce qu’a décidé le
Tribunal Régional Hors Classe de Dakar sur des affaires qu’il a eu à connaître et portant sur
des actes de dégradation de dépendances du domaine public.

Dans l’affaire opposant AGEROUTE Sénégal au sieur Demba Makhou Diop, le juge a
conclu à la responsabilité du sieur Diop à payer à l’AGEROUTE les frais de réparation du
préjudice subi par une dépendance du domaine public routier. En l’espèce, le sieur Demba
Makhou Diop, à bord de son véhicule, a fait un accident de la circulation sur la route de
l’aéroport occasionnant la destruction du dallage qui sépare les deux voies. L’AGEROUTE,
après avoir établi le procès verbal de constatation du préjudice subi par la dépendance
domaniale, l’a assigné en responsabilité pour destruction d’une dépendance du domine public
routier et en paiement d’une somme de 1.500.000 francs CFA comme frais de réparation du
préjudice.

Dans sa décision, le Tribunal régional hors classe de Dakar déclare « Demba Makhou
Diop entièrement responsable des conséquences dommageables résultant du sinistre survenu
le 10 juillet 2010 causé par le véhicule DK 7677 Z sur la route de l’aéroport et de le
condamner à payer à l’AGEROUTE la somme de 1.500.000 francs CFA 860 ». Cette solution a
été encore retenue sur un autre cas portant toujours sur un accident de la circulation
occasionnant la destruction d’une dépendance du domaine public routier, plus précisément la

859
Voir article 166 de la loi n° 2015-10 du 4 mars 2015 portant code de l’aviation civile, JO préc.
860
Voir TR Hors Classe de Dakar, 28 novembre 2012, AGEROUTE c/ Demba Makhou Diop, n° 2596, inédit.

Page 255
destruction d’un lampadaire double pôles. Dans ce cas d’espèce opposant l’AGEROUTE au
sieur Gora Seck, le Tribunal régional hors classe de Dakar a, sur la base du procès-verbal de
constatation du dommage, reconnu le propriétaire du véhicule entièrement responsable du
préjudice subi par la dépendance domaniale et l’a condamné à la réparation du préjudice pour
un montant de 1.500.000 francs CFA861.

Ces jurisprudences reflètent une position ferme du juge à décider du rétablissement du


domaine public dans son intégrité physique. Il apparaît dans les deux cas que quelle que
puisse être l’origine du dommage, le juge se limite au constat de l’atteinte portée à un bien
affecté à l’usage de tous et condamne le contrevenant à la réparer. Cela emporte que toute
personne qui dégrade une dépendance du domaine public, quelle qu’en puisse être la cause,
supporte les coûts de la réparation du préjudice.

Lorsque le contrevenant est condamné à remettre en état le domaine public et ne


s’exécute pas, l’administration se substitue à lui, mais à ses frais.

b) La remise en état des lieux aux frais du contrevenant

L’autre type de mesure restitutive consiste pour l’administration à procéder aux mesures
de remise en état du domaine public aux frais et risques du contrevenant, qu’il s’agisse de la
cessation des troubles ou de la réparation des dommages. Il s’agit ici d’une intervention qui
découle de la défaillance du contrevenant, soit par son refus, soit par sa négligence. En effet,
il peut arriver que le contrevenant qui est tenu de remettre en état des dépendances du
domaine public ne s’exécute pas. Dans ce cas, l’administration procède soit aux opérations
d’enlèvement, soit la réparation du dommage subi par le domaine public à la place du
réfractaire. Mais, les frais occasionnés par l’exécution de ces travaux seront à la charge du
contrevenant. Celui-ci sera condamné à payer les frais de remise en état du domaine public.
La personne réfractaire supporte, en outre, tous les risques qui peuvent procéder des mesures
d’enlèvement, de démolition sur ses installations862.

Les textes domaniaux consacrent là une sorte de substitution de responsabilité en matière


d’infractions domaniales : l’administration se substitue à la personne du contrevenant pour
861
Voir TR Hors Classe de Dakar, 28 novembre 2012, AGEROUTE c/ Gora Seck, n° 2599, inédit.
862
Voir article 18 de la loi n° 74-20 du 24 juin 1974 portant classement du réseau routier national et fixant le
régime domanial de ce réseau, JO préc. ; article R 379 du décret n° 2009-1450 du 30 décembre 2009 portant
partie règlementaire du code de l’urbanisme, JO préc. ; article 6, alinéa 4 du décret n° 2010-1445 du 4 novembre
2010 relatif à la pose ou dépose de conduites diverses et à l’occupation de l’emprise des routes et voies du réseau
routier classé, JO préc. ; article 155 de la loi n° 2015-10 du 4 mars 2010 portant code de l’aviation civile, JO
préc.

Page 256
remettre le domaine public à son état. Mais, ici, à la différence des régimes de substitutions de
responsabilité en droit administratif général863, l’administration ne se subtitue au contrevenant
que lorsque ce dernier, condamné à remettre le domaine public en son état, refuse de
s’exécuter ou le fait sans respecter les règles de l’art. La nécessité de rétablir le domaine
public dans son intégrité amène l’administration à agir à la place du contrevenant défaillant.

Mais, la réparation faite par l’administration ne libère pas le contrevenant ; les textes
précisent que cette réparation se fait aux frais du contrevenant. Cela signifie que l’autorité
domaniale est appelée à exercer une « action récursoire » contre ce dernier. En effet,
l’administration se retourne contre lui pour se faire rembourser les sommes dépensées en vue
de la réparation du préjudice. Il s’agit là d’un mécanisme adéquat de garantie de la remise en
état du domaine public. Le législateur y a trouvé un moyen de juguler l’inertie des auteurs de
troubles au domaine public. Ainsi, en aucun cas, ces derniers ne peuvent se soustraire de
l’obligation de réparer le préjudice subi par le domaine public : soit ils exécutent correctement
leur condamnation, soit ils sont condamnés à supporter les frais et risques découlant de la
remise en état faite par l’administration à leur place.

La règlementation ainsi analysée révèle une certaine intolérance des atteintes qui peuvent
être causées aux dépendances du domaine public. Les auteurs de ces actes sont passibles de
sévères sanctions pour lesquelles il leur est difficile de s’en sortir. La règlementation se
particularise par une certaine inflexibilité.

B / La rigidité des sanctions aux infractions domaniales

La règlementation domaniale s’inscrit dans une ferme volonté de dissuader les agressions
du domaine public. Les sanctions auxquelles les contrevenants sont passibles présentent une
certaine rigidité traduisant une impossibilité de s’y soustraire. Car, non seulement les peines
sont alourdies en cas de récidive (1), mais aussi les causes d’exonération sont très limitées (2).

1. L’alourdissement des peines en cas de récidive

Il ressort de la législation domaniale une rigueur dans la sanction des infractions au


domaine public visant à décourager les agressions renouvelées. En effet, l’essentiel des textes
domaniaux prévoit une aggravation des peines à l’encontre des personnes qui ont subi une

Voir articles 146 et 147 de la loi n° 65-51 du 19 juillet 1965 portant code des obligations de l’administration,
863

modifiée, JORS N° 3763 du 23 août 1965.

Page 257
peine prononcée pour une première infraction et qui ont commis une ou plusieurs autres, à
savoir les récidivistes.

La récidive, qui est « le fait pour une personne, déjà condamnée définitivement pour une
première infraction, de commettre une autre infraction 864 », est sévèrement réprimée. Les
textes rendent le plus souvent la répression plus lourde. Cela est perceptible au niveau du code
du domaine de l’État. Selon les dispositions dudit code, le récidiviste est passible « d’un
emprisonnement de un à six mois et d’une amende de vingt mille francs à deux millions de
franc sans préjudice de la réparation des dommages865 ».

Cette disposition se particularise par la lourdeur de la sanction. En effet, si pour la


première infraction le délinquant est puni d’une peine d’amende, en cas de récidive, il se voit
sanctionner à la fois d’une peine privative de liberté, d’une peine d’amende élevée et d’une
obligation de faire cesser le préjudice subi par le domaine. À la différence du code du
domaine de l’État, le code de l’environnement double le montant de la peine principale
encourue pour la seconde infraction en disposant qu’ « en cas de récidive, le montant maximal
des peines est doublé866 ».

Il résulte de ces diverses dispositions que la réglementation domaniale n’a pas dérogé aux
implications de la récidive, notamment l’aggravation des peines encourues.

Au-delà de cette lourdeur des peines, la sévérité des textes domaniaux en cas de récidive
se révèle aussi au niveau de certains aspects liés à ce dernier. Il s’agit d’une part de la nature
du second terme de la récidive, c’est-à-dire le type d’infraction pouvant être constitutif de la
récidive. En effet, les textes domaniaux sont muets sur la question, ils ne précisent pas si la
récidive n’est constituée que lorsque la nature de la seconde atteinte au domaine public est
identique ou du moins assimilable à la première infraction ayant fait l’objet d’une
condamnation définitive. Dès lors, il est peut-être permis de considérer que n’importe quelle
nouvelle infraction suffit à constituer la récidive et à aggraver les peines encourues. Les
dispositions ainsi posées semblent, de toute évidence, adopter le système de la récidive

864
H.-W. Renout, Droit pénal général, Manuel DEUG DROIT, 2001-2002, CPU, 2001, pp. 322-323.
865
Voir article 20 in fine de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.
866
Voir article L 97 de la loi n° 2001-01 du 15 janvier 2001 portant code de l’environnement, JO préc.

Page 258
générale 867 en prévoyant l’alourdissement de la sanction quelle que soit l’infraction
constituant le second terme de la récidive.

Il s’agit d’autre part de la question du délai de commission de la seconde infraction. Il faut


retenir pour ce cas que la législation domaniale n’a pas fixé de délai dans lequel doit
intervenir la seconde infraction pour que la récidive soit constituée. Il ne serait pas alors
risqué de dire que la récidive est perpétuelle868 car aucun délai entre les deux termes n’est
posé. Le silence des textes semble permettre de retenir que la récidive peut être constituée
quel que soit le délai qui s’est écoulé depuis la première condamnation. Ce qui permet de
retenir la gravité attachée aux infractions domaniales pour que le législateur n’en puisse pas
déterminer un délai déterminé. Ce qui épouse parfaitement un grand principe du droit pénal
général qui veut que la récidive soit générale et perpétuelle pour les infractions les plus
graves869.

Cependant, en matière de surcharge à l’essieu occasionnant la dégradation prématurée des


chaussées, le Règlement n° 14 de l’UEMOA prévoit une récidive temporaire. En effet, il
résulte de ce texte communautaire que la récidive en matière d’infractions aux normes de
gabarit et aux normes de chargement confondues, la récidive est constituée à partir de la
quatrième infraction dans la même année calendaire870. Dans ce cas, l’amende est majorée
pour toute infraction supplémentaire par application d’un taux de n fois 10%, n désignant la
nième infraction supplémentaire 871 . Il y a ainsi, au même titre que les autres textes
domaniaux, une aggravation de la sanction. Il convient alors de considérer que la récidive
donne lieu à une aggravation des peines encourues, quel que soit le délai écoulé.

Cette aggravation de la répression est compréhensible en ce sens que le contrevenant


apparait particulièrement dangereux pour la conservation matérielle du domaine public
puisque l’exécution de la peine prononcée pour la première infraction ne l’a nullement

867
En droit pénal général, la question du type d’infraction constitutif de la récidive a donné lieu à la distinction
entre la récidive générale, c’est-à-dire celle existant quelles que soient les infractions commises, et la récidive
spéciale, qui n’existe qu’en cas de répétition de la même infraction ou du moins assimilable à la première
infraction.
868
Relativement à la question du délai de commission de la seconde infraction pour que la récidive soit
constituée, il est établit une distinction entre deux types de récidive : la récidive perpétuelle et la récidive
temporaire. La récidive est perpétuelle lorsque l’aggravation est admise quel que soit le délai séparant les deux
infractions. Elle est temporaire lorsque l’aggravation est subordonnée à la commission de la seconde infraction
dans un délai déterminé.
869
Voir J. Pradel, Droit pénal général, 19e éd., Édition CUJAS, 2012, p. 579.
870
Voir article 14.7 du Règlement n° 14/2005/CM/UEMOA du 16 décembre 2005 relatif à l’harmonisation des
normes et des procédures du contrôle du gabarit, du poids et de la charge à l’essieu des véhicules lourds de
transports de marchandises dans les États membres de l’UEMOA.
871
Idem.

Page 259
ébranlé. La récidive se manifeste ainsi comme une circonstance aggravante ; lorsqu’elle est
constituée, le contrevenant se voit sévèrement réprimé.

Lorsqu’il est poursuivi, l’auteur de l’infraction ne bénéficie paratiquement pas de causes


exonératoires.

2. Le champ restreint des causes exonératoires

La législation domaniale est fortement ancrée à dissuader les atteintes à la conservation


matérielle du domaine public. Les contrevenants se voient appliqués des peines lourdes qui
peuvent même être aggravées et qu’ils peuvent difficilement échapper.

En effet, les textes domaniaux n’assortissent pas la répression des infractions domaniales
de causes exonératoires. Il n’apparait presque pas dans ces textes des éléments permettant
d’exonérer le contrevenant de sa responsabilité. Les sanctions prévues sont applicables dans
toute leur rigueur sans que les contrevenants puissent bénéficier de causes exonératoires.

Cette rigueur du droit positif semble découler de la nature des dommages causés au
domaine public. En effet, les infractions à l’intégrité du domaine public ont un caractère
matériel 872 : l’élément constitutif de l’infraction réside dans l’existence matérielle du fait
punissable. La législation domaniale se préoccupe moins des personnes que des choses, à
l’inverse de la législation pénale dont l’objet essentiel est d’infliger des peines aux
délinquants. Elle tend beaucoup plus à faire disparaitre les conséquences matérielles de
l’infraction.

Il suffit donc qu’il y ait occupation irrégulière ou acte de dégradation d’une dépendance
domaniale pour que l’infraction soit établie ; l’intention coupable n’est pas requise873. Ce qui
fait que l’absence d’élément intentionnel, c’est-à-dire la conscience ou la volonté de
commettre un acte irrégulier, ou la bonne foi du contrevenant ne peuvent constituer des causes
d’exonération 874 . C’est sans nul doute ce qui explique que la législation domaniale,
définissant les infractions au domaine public, ne fait allusion à aucune cause de non-
imputabilité, notamment l’intention, l’imprudence du contrevenant, la tolérance de
l’administration, la force majeure et la faute de l’administration, ou bien même « les excuses
absolutoires admises devant le juge judiciaire, telles que la démence, la contrainte morale ou

872
LAMY Doit Public des affaires, Édition Lamy, op.cit., p. 1459.
873
R. Chapus, Droit administratif général, op.cit., p. 419.
874
LAMY Doit Public des affaires, Édition Lamy, op.cit., p. 1459.

Page 260
la minorité875 ». Le contrevenant n’a donc pas de prétextes à faire valoir pour se soustraire de
la rigueur des peines prévues.

Cependant, il apparait à travers le code de l’assainissement une sorte de prise en charge


d’une circonstance atténuante pour le contrevenant. En effet, ledit texte fait une
différenciation des sanctions applicables aux personnes coupables d’altération, d’obstruction,
de détérioration ou de destruction des égouts publics et de leurs annexes en s’appuyant sur le
caractère accidentel ou non de l’acte de dégradation. La peine applicable varie selon que
l’auteur de l’acte a pu établir ou non le caractère accidentel de son acte. Ainsi, si le
contrevenant apporte la preuve du caractère accidentel de son acte, il est passible seulement
de peines contraventionnelles, c’est-à-dire une peine d’emprisonnement qui ne peut être
moindre d’un jour ni excéder un mois, et d’une peine d’amende allant de 200 à 20.000 francs.

Par contre s’il a agi volontairement aux fins de nuire ou de dérober, ou pour toutes autres
raisons, il est sanctionné d’une peine d’emprisonnement de deux mois à deux ans et d’une
amende de 20.000 à 300.000 francs876. La gravité de la sanction réside ici dans l’intention du
contrevenant, c’est-à-dire selon qu’il a agi volontairement ou accidentellement. Mais, dans
tous les cas, le contrevenant n’est pas exonéré ; il est toujours passible d’une peine
d’emprisonnement et/ou d’amende. Le caractère accidentel de son acte ne lui libère pas
totalement de sa responsabilité mais atténue seulement la peine applicable.

La jurisprudence, de son côté, ne renseigne non plus sur l’existence de causes


exonératoires pour la personne coupable d’atteinte à la conservation matérielle du domaine
public. Il n’y a pas à notre connaissance de jurisprudence dans laquelle le juge sénégalais a
admis de causes d’exonération pour les contrevenants 877 . Ce qui n’est pas le cas en droit
français. En effet, lorsque l’on se réfère à la jurisprudence française, le juge a reconnu aux
auteurs de troubles au domaine public la possibilité de se libérer de leur responsabilité.

Mais, il s’agit d’un régime d’exonération très restrictif878. Deux causes exonératoires sont
seulement prises en compte 879 : la force majeure d’une part, la faute de l’administration
assimilable à un cas de force majeure d’autre part.

875
Amavi Kouévi, « L’obligation de poursuite en matière de contravention de grande voirie », op.cit., p. 400.
876
Voir article L 35 de la loi n° 2009-24 du 8 juillet 2009 portant code de l’assainissement, JO préc.
877
Le dépouillement effectué sur la jurisprudence relative au domaine public n’a pas permis de trouver une
décision portant sur la question des causes d’exonération des contrevenants à l’intégrité physique du domaine
public.
878
A. Kouévi, « L’obligation de poursuite en matière de contravention de grande voirie », op.cit., p. 400.

Page 261
S’agissant de la force majeure, le juge administratif français a retenu que la force majeure
ne peut être retenue, à propos d’une tempête, pour servir de cause d’exonération que lorsque
celle-là est d’une violence exceptionnelle880, lorsqu’elle prend, par exemple, la forme d’une
mini-tornade881. Cela implique qu’elle doit procéder d’un élément extérieur, imprévisible et
irrésistible. En ce qui concerne la seconde cause exonératoire, c’est-à-dire le fait de
l’administration assimilable à un cas de force majeure, il concerne les cas où « la personne a
été mise dans l’impossibilité de prendre les mesures propres à éviter tout dommage882 ».

Le Conseil d’État français l’a d’abord admise en cas de dommages causés à des barrières
de passage à niveau par des automobiles, alors que la barrière avait été fermée de manière
précipitée, ou était mal signalée la nuit 883 . Il a aussi considéré que des renseignements
insuffisants donnés par les autorités d’un port au capitaine d’un navire qui a amarré à un poste
où il était exposé à être entraîné par un fort courant provoquant la destruction des installations
portuaires884 permet de se libérer de sa responsabilité. Puis, la haute juridiction administrative
a retenu que des indications manifestement trompeuses fournies à une entreprise entrainant
l’endommagement de canalisations téléphoniques 885 constituent des fautes administratives
assimilables à un cas de force majeure exonérant le contrevenant de sa responsabilité.

Au regard de ces jurisprudences, le droit français semble plus ou moins flexible que celui
sénégalais à l’endroit des auteurs d’actes de dégradation des dépendances domaniales. Le
droit positif sénégalais prévoit une sévère répression aux atteintes à l’intégrité physique du
domaine public. Un développement ultérieur de la jurisprudence domaniale sénégalaise sur la
question pourrait peut-être donner lieu à l’admission de causes d’exonération pour amoindrir
la rigidité des sanctions.

879
Voir J. Morand-Deviller, Droit administratif des biens, op.cit., p. 162.
880
Voir CE, 19 novembre 1954, Société d’armement Gautier, Rec. Leb. p. 610.
881
Voir CAA Nantes, 1er février 2005, Guérin.
882
R. Chapus, Droit administratif général, op.cit., p. 449.
883
Voir CE, 27 mai 1959, Secrétaire d’Etat aux Travaux publics, Rec. Leb. p. 359.
884
Voir CE, 13 juillet 1959, Ministre des Travaux publics, Rec. Leb. p. 414.
885
Voir CE, 22 avril 1983, Entreprise Caroni, Rec. Leb. p. 60.

Page 262
CONCLUSION TITRE II

Le domaine public ne saurait satisfaire convenablement à sa destination si son intégrité


physique est menacée. Le lien étroit qui existe entre la conservation matérielle des
dépendances domaniales et la réalisation normale de l’usage auquel ces dépendances sont
affectées a nécessité la mise en place d’un dispositif juridique particulier de préservation du
domaine public. L’analyse de ce cadre juridique fait montrer comment est prise en charge la
question du maintien en bon état de l’intégrité matérielle du domaine.

Le dispositif juridique s’inscrit d’une part dans une perspective préventive avec des
règles juridiques et un cadre institutionnel établis pour l’essentiel des dépendances
domaniales. Lorsqu’un tel régime s’applique effectivement, il sera difficile de constater une
menace à l’intégrité du domaine public. Mais, quoi que pertinent en théorie, l’applicabilité de
cet arsenal juridique reste limitée entrainant ainsi certaines pratiques nuisibles à la
conservation matérielle des dépendances du domaine public.

De tels faits justifient sans nul doute l’autre orientation du cadre juridique qui consiste
à réprimer les auteurs de comportements portant atteinte au domaine public. La législation de
la domanialité publique s’est inspirée ici du principe de légalité en droit pénal en instituant
clairement les infractions à la règlementation domaniale qu’elle fait ensuite assortir de
sanctions assez sévères.

Ce régime particulièrement dissuasif se heurte à une seule tare : celle de la poursuite


des contrevenants devant la juge. Malgré l’aménagement d’une procédure contentieuse
principalement protectrice des dépendances domaniales, l’administration peine à faire
appliquer les sanctions préconisées. Il faut, à la suite de l’institution d’un cadre juridique
globalement soucieuse de la conservation des biens du domaine public, que l’administration
prenne suffisamment en considération l’intérêt qu’il y a à assurer le maintien du domaine
public conformément à l’usage auquel il est destiné.

Page 263
CONCLUSION PREMIÈRE PARTIE

L’idée selon laquelle le domaine public mérite d’être protégé a été bien prise avec
rigueur par la législation domaniale sénégalaise. L’étude de cette partie laisse apparaitre que
la protection des dépendances domaniales constitue une forte préoccupation des pouvoirs
publics.

Du point de vue conceptuel, les règles de protection ont été pensées en fonction de la
garantie de l’utilité publique du domaine public et de la préservation de son intégrité
physique. Dans le cadre du maintien de l’affectation du domaine public à l’utilité publique, la
législateur s’est efforcé de protéger les dépendances domaniales à la fois contre
l’administration et contre les particuliers. La consécration des principes d’inaliénabilité,
d’imprescriptibilité et d’insaisissabilité encadre fortement les pouvoirs de l’administration
domaniale dans le cadre de la gestion du domaine public, tout en lui servant de moyens de
parer à toute dépossession des biens qui constituent ce domaine. De là également, le
législateur soustrait lesdits biens de toute apparopriation des particuliers au détriment de la
collectivité.

Pour répondre à l’exigence de garantir la conservation matérielle du domaine public, la


législateur a suivi une démarche de complémentarité entre des mesures préventives et des
mesures répressives. Les usagers des biens qui constitiuent le domaine public sont astreints à
adopter des comportements non nuisibles à l’intégrité des dépendances domaniales. Dans le
cas contraire, les auteurs de nuisances au domaine public sont réprimés à la hauteur des
troubles qu’ils ont occasionnés à l’usage normal des biens destinés à l’usage de tous.

L’intention révélée de protéger le domaine public tant d’un point de vue administratif
que pénal souffre d’une réelle matérialisation. La pratique en cours sur les différentes
composantes du domaine donne l’impression que les autorités publiques ne s’occupent guère
de la protection instituée par les textes. Le décalage entre la théorie et la pratique laisse
supposer que le domaine public est une zone de non-droit. Ces errements tenant peut-être à
une inadéquation de la règlementation aux réalités culturelles, sociales et économiques, et
sûrement à une carence des autorités domaniales font perdre au domaine public toute son
utilité. Sa destiantion et son intégrité physique étant constamment compromise sans effort des
gestionnaires domaniaux d’y parer contraste avec l’impératif de protection, de façon spéciale,
des biens qui sont destinés à l’usage de tous ou au service public.

Page 264
DEUXIÈME PARTIE :

LA VALORISATION INSUFFISANTE DU DOMAINE PUBLIC

L’analyse de la législation domaniale montre une certaine rigidité des règles qui
encadrent le domaine public. Mais cette exorbitance du régime domanial n’est pas totalement
réfractaire à une valorisation des dépendances domaniales. Il y a lieu de remarquer une prise
de conscience de la valeur économique du domaine public et la volonté d’une exploitation des
richesses qu’il comporte. Les pouvoirs publics ont cherché à inscrire le domaine public dans
une perspective de développement économique. Ils ont, depuis la loi portant code du domaine
de l’État, progressivement adopté des mécanismes juridiques allant dans le sens de tirer profit
des dépendances dudit domaine.

Toutefois, il faut relever que l’effort de rentabilisation du domaine public reste encore
très en deçà des potentialités économiques de ce domaine. La lourdeur des règles de
protection ainsi que la faiblesse des garanties pour la réalisation de certains investissements
sur le domaine continuent à freiner les initiatives de valorisation des dépendances du domaine
public.

À la lumière de ces considérations, il convient de voir dans un premier temps


l’infléchissement économique de la législation domaniale (Titre I), avant d’aborder dans un
second temps l’incomplétitude de la mutation économique des règles domaniales (Titre II).

Page 265
TITRE I :

L’INFLÉCHISSEMENT DE LA LÉGISLATION DOMANIALE VERS


UNE EXPLOITATION ÉCONOMIQUE

Au regard des dispositions du code du domaine de l’État, le pouvoir exercé par


l’administration sur le domaine public n’est pas seulement un pouvoir de police, c’est-à-dire
un pouvoir de garde, de protection des dépendances domaniales en les plaçant hors
commerce. Il se manifeste, dans une certaine mesure, en un pouvoir de gestion.

Le législateur a pris l’option de ne pas considérer le domaine public comme un


domaine improductif, c’est-à-dire un domaine qui n’est pas destiné à procurer à l’État des
revenus. Au contraire, il l’appréhende comme un ensemble de biens sur lesquels l’État peut
tirer profit. C’est en cela qu’il reconnait à l’administration un pouvoir de gestion sur le
domaine public. Le Titre II de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de
l’État est consacré, entre autres, à la gestion des dépendances domaniales comportant des
mesures susceptibles de générer des revenus à l’État. Il est ainsi possible de soutenir que le
législateur a admis la gestion patrimoniale du domaine public (Chapitre 1).

La recherche de la rentabilité du domaine public, admise, s’est progressivement


renforcée avec la mise en place, suivant des phases plus ou moins grandes, de modes de
gestion principalement orientés vers la valorisation économique du domaine public. La
rigueur du droit domanial a fait l’objet de certains assouplissements et les dépendances
domaniales sont devenues le support d’opérations qui permettent d’en tirer des ressources et
de faire fructifier la richesse qu’elles présentent. On assiste globalement à un essor de
l’exploitation économique du domaine public (Chapitre 2).

Page 266
CHAPITRE 1 :

L’ADMISSION D’UNE GESTION PATRIMONIALE DU DOMAINE


PUBLIC

La quête d’une rentabilité économique du domaine public comme objectif valable de


la gestion dudit domaine se trouve affirmée dans la législation de la domanialité publique. Le
législateur sénégalais est, dans une certaine mesure, résolu à mettre le domaine public au
service du développement du pays. La loi portant code du domaine de l’État reflète une
certaine volonté de faire du domaine public une source de revenus pour l’État.

La patrimonialisation du domaine public s’est d’emblée manifesté au niveau de la


définition dudit domaine avant de se matérialiser par des règles de gestion impliquant la
rentabilisation des dépendances domaniales. Le législateur a non seulement tenu à faire du
domaine public un objet de propriété de l’État, mais aussi à étendre sa consistance à des biens
d’intérêts économiques. Pour matérialiser sa vision économique du domaine, il met en place
des outils de gestion qui rendent le domaine public productif.

Ces considérations nous amènent à étudier d’abord la perception économique du


domaine public (Section 1) avant d’envisager les mesures de rentabilisation des biens
domaniaux qui sont adoptées (Section 2).

Section 1 : La perception économique du domaine public

La considération selon laquelle le domaine public fait l’objet d’une gestion


économique trouve son fondement dans deux aspects majeurs de la loi portant code du
domaine de l’État.

Le premier est lié à l’affirmation selon laquelle les biens du domaine public
« appartiennent à l’État ». Il résulte de cette affirmation une appropriation dudit domaine par
l’État qui sous-tend nécessairement une logique de valorisation des biens domaniaux. Ce qui
donne nécessairement lieu à une gestion économique du domaine public (Paragraphe 1). Le
second a trait à la consistance de ce domaine qui s’est élargie sur des dépendances à forte
potentialité économique. Ce qui laisse apparaitre une affectation du domaine public à une
mission de politique économique (Paragraphe 2).

Page 267
Paragraphe 1 : L’apparition d’une gestion économique du domaine public

En affirmant à l’article 2 de la loi domaniale que le domaine public appartient à l’État,


le législateur a entendu soumettre les biens de ce domaine à un régime de propriété qui est de
nature à faciliter sa valorisation économique.

Pour mieux appréhender la propriété de l’État sur son domaine public comme un
fondement de la gestion économique de ce domaine, il est nécessaire d’abord de décliner la
nature hybride de la propriété de l’État sur le domaine public (A) avant de donner l’inhérence
de la gestion économique au droit de propriété de l’État sur ledit domaine (B).

A / La nature hybride de la propriété de l’État

La propriété, traditionnellement appréhendée comme un attribut des particuliers, est,


de nos jours, reconnue à l’État sur son domaine public. Avant d’aborder la manifestation de la
nature hybride du droit de propriété de l’État, c’est-à-dire la combinaison « propriété
administrative886 » - propriété privée (2), il est utile de s’attarder d’abord sur la consécration
de la propriété de l’État sur son domaine public (1).

1. La consécration de la propriété de l’État sur le domaine public

C’est la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État qui affirme
l’appartenance des biens qui constituent le domaine à la personne publique étatique. Elle
dispose en effet que « le domaine public et le domaine privé s’entendent de tous les biens et
droits mobiliers et immobiliers qui appartiennent à l’État887 ».

Cette disposition fait ressortir que les deux masses qui forment le domaine de l’État sont
objets de propriété. Charles Lapeyre n’a pas manqué de relever cette admission de la propriété
de l’État sur le domaine public en écrivant que « l’article 2, alinéa 1 reconnaît le droit de
propriété de l’État sur son domaine public888 ». Il s’avère ainsi que le législateur a coupé
court à toute velléité de débat sur l’existence d’un droit de propriété exercé par la personne
publique étatique sur l’ensemble des biens qui constituent son domaine. C’est de façon

886
La « propriété administrative » est une expression que nous empruntons à Maurice Hauriou qui l’a utilisée
dans son Précis de droit administratif, 11ème éd., Sirey, 1927, p. 24, pour qualifier la nature de la propriété de
l’Etat sur le domaine public.
887
Voir article 2, alinéa 1er de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JORS N° 4506
du 28 juillet 1976.
888
Ch. Lapeyre, « Aperçu de la loi n° 76-66 portant code du domaine de l’État au Sénégal », AA, 1976, p. 86.

Page 268
officielle que l’idée de propriété de l’État sur le domaine public s’est posée. Le législateur a
fait de l’État le propriétaire exclusif du domaine public.

À travers cette affirmation, il est possible de retenir que l’admission en France de


l’idée selon laquelle l’État exerce un droit de propriété sur le domaine public « a imprégné la
législation nouvelle889 » sénégalaise. En effet, au moment de l’adoption de la loi domaniale, la
reconnaissance d’un droit de propriété de l’État sur le domaine public ne faisait plus l’objet
d’un doute en France890.

À l’opposé de la position de Jean Baptiste Victor Proudhon qui défendait que « le


domaine public diffère essentiellement du domaine de propriété puisqu’il ne s’applique qu’à
des choses qui n’appartiennent propriétairement à personne891 », la majorité de la doctrine et
la jurisprudence s’étaient ralliées à l’idée que les collectivités publiques exerçaient un droit de
propriété sur le domaine public892. C’est sans doute la raison pour laquelle le commissaire du
gouvernement Guldner déclarait, dans ses conclusions sur l’affaire Société générale d’éditions
cinématographiques de 1957, qu’ « aujourd’hui, la jurisprudence et la presque totalité des
auteurs admettent que les collectivités publiques ont un droit de propriété sur le domaine
public […]893 ».

C’est à juste titre donc que le législateur sénégalais a tenu à consacrer ce droit de
propriété dans le code du domaine de l’État. Il semble permis de considérer qu’il avait
compris que cette reconnaissance était irréversible puisque, depuis 2006, la propriété de l’État
sur les dépendances domaniales en France repose désormais sur une assise textuelle, à savoir
le code général de la propriété des personnes publiques894. Ainsi, là où en France, il y a eu
pendant longtemps des controverses doctrinales sur l’exercice d’un droit de propriété sur le
domaine public par les collectivités publiques, ce débat ne s’est pas posé au Sénégal dès lors
que le législateur a élucidé la question dans la loi domaniale.

889
Ch. Lapeyre, « Aperçu de la loi n° 76-66 portant code du domaine de l’État au Sénégal », op.cit., p. 86.
890
Ch. Lavialle, « Des rapports entre la domanialité publique et le régime des fondations », RDP, 1990, p. 471.
891
J.-B.-V. Proudhon, Traité du domaine public, tome 1, Dijon, 1833-1834, p. 269.

892
Voir, par exemple, pour la doctrine M. Hauriou, Précis de droit administratif, Paris, 1892 ; R. Pelloux, La
notion de domanialité publique depuis la fin de l’Ancien droit, Thèse, Grenoble, 1932 ; J.-B. Simonet, Traité
élémentaire de droit public et administratif, 3e éd., 1897 ; Lechalas, Manuel de droit administratif, t. II, 2e partie,
1898 ; L. Bernard, Du droit de propriété de l’Etat sur les biens du domaine public, Thèse, Sirey, 1910 ; voir, par
exemple, pour la jurisprudence CE, 16 juillet 1909, Ville de Paris, Rec. Leb. p. 707 ; CE, 17 janvier 1923,
Piccioli, RDP, 1923, p. 572 ; CE, 28 juin 1935, Marécar, RDP, 1935, p. 590.
893
Voir CE, 20 décembre 1957, Société générale d’éditions cinématographiques, S. 1958. 73.
894
Voir ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 relative à la partie législative du code général de la propriété
des personnes publiques, JORF du 22 avril 2006.

Page 269
Au-delà du code du domaine de l’État, le droit de propriété de la personne publique
étatique sur les biens qui constituent le domaine public est également consacré par un texte
particulier. Il s’agit de la loi règlementant le secteur de l’électricité. C’est à l’occasion de la
modification de la loi n° 98-29 du 14 avril 1998 relative au secteur de l’électricité en 2002
que le législateur sénégalais a encore affirmé que l’Etat dispose d’un droit de propriété sur les
dépendances domaniales.

En effet, après avoir soustrait les lignes électriques du domaine public895, les pouvoirs
publics ont décidé en 2002 de les réintégrer dans ledit domaine. Dans l’exposé des motifs de
la loi de 2002 modifiant la loi n° 98-29 du 14 avril 1998 relative au secteur de l’électricité, le
législateur affirme clairement que « le gouvernement a retenu de ramener les installations de
production, de distribution et de transport de l’énergie électrique à la propriété de l’État896 ».
De même, on peut ajouter la disposition pertinente des codes pétrolier et minier qui dispose
que « les substances minérales contenues dans le sol et le sous-sol du territoire de la
République du Sénégal, ses eaux territoriales et son plateau continental sont la propriété de
l’Etat […] 897 ». L’emploi du terme « propriété de l’État » renseigne à suffisance que le
législateur fait du domaine public une propriété étatique. Donc, l’idée d’un droit de propriété
de l’État sur les biens qui constituent le domaine public s’impose en application des textes.

Indépendamment de cette affirmation expresse, la propriété de l’État sur le domaine


public apparaît également à travers les différentes prérogatives reconnues au maître du
domaine. En effet, l’administration dispose d’un certain nombre de privilèges sur le domaine
public que seul un droit de propriété peut donner un fondement. Il s’agit, entre autres, du droit
d’obtenir réparation des dommages causés au domaine, du droit de bénéficier de l’action
possessoire et de l’action en revendication des dépendances domaniales 898 , du droit de
percevoir les fruits naturels desdites dépendances, du droit d’imposer des servitudes aux
propriétés riveraines du domaine public, du droit de réprimer les attientes audit domaine.

De tels pouvoirs ne peuvent en effet s’expliquer que par une appropriation des biens
domaniaux par la personne publique étatique. C’est ce qu’affirme d’ailleurs Jean François
Denoyer en écrivant que « c’est parce que le domaine public appartient à la personne

895
Voir loi n° 98-29 du 14 avril 1998 relative au secteur de l’électricité, JORS N° 5797 du 24 avril 1998.
896
Voir Exposé des motifs de la loi n° 2002-01 du 10 janvier 2002 abrogeant et remplaçant l’article 19, aliénas 4
et 5 et le chapitre IV de la loi n° 98-29 du 14 avril 1998 relative au secteur de l’électricité, JORS N° 6032 du 23
février 2002, pp 926-927.
897
Voir article 3 de la loi n° 98-05 du 8 janvier 1998 portant code pétrolier, JORS N° 3786 du 21 février 1998,
article 3 de la loi n° 2016-32 du 8 novembre 2016 portant code minier, JORS N° 6974 du 24 novembre 2016.
898
Voir article 20 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.

Page 270
publique étatique qu’elle peut revendiquer la propriété d’une dépendance domaniale entre les
mains d’un possesseur d’une part, qu’elle peut demander qu’un usager qui utilise mal le
domaine public soit sanctionné d’autre part899 ». Dans le cas contraire, l’État ne pourrait pas
se prévaloir de telles prérogatives.

À côté, la personne publique étatique est soumise à un certain nombre de devoirs. Elle
ne peut pas, en principe, aliéner les biens qui constituent le domaine public, d’où son
obligation de protéger sa propriété sur ledit domaine. Elle est, en outre, soumise à une
obligation d’entretien des dépendances domaniales afin de les maintenir dans un état à
répondre correctement à leur destination. Tous ces éléments font montre de l’existence d’un
droit de propriété de l’État sur le domaine public.

Dès lors que la propriété de l’État sur le domaine public est admise, il reste maintenant
à déterminer la nature de cette propriété.

2. La combinaison « propriété administrative »-propriété privée

La réflexion consiste ici à déterminer si la propriété admise par le législateur sur le


domaine est semblable à celle exercée par les particuliers sur leurs biens. À la lecture de la loi
domaniale, aucune position officielle n’est retenue sur la nature exacte de cette propriété.

Mais, à l’analyse, il semble que la propriété de l’État sur le domaine public revêt une
double nature : une nature administrative et une nature privée. Il s’agit d’une propriété de
nature « ambiguë […] dans la mesure où beaucoup des attributs de la propriété sont absents
et où les usagers du domaine ont une situation tout à fait priviligiée puisqu’il semble n’exister
que pour eux900 ». Ainsi, il est possible de la considérer comme une propriété principalement
administrative d’une part (a) et comme une propriété accessoirement privative d’autre part
(b).

a) Une propriété principalement administrative

Le législateur, dans le cadre de la loi domaniale de 1976, semble mettre en avant une
nature particulière du droit de propriété de l’État sur les biens qui constituent le domaine
public. C’est une propriété qui ne se confond avec celle que l’État dispose sur le domaine
privé, qui s’identifie à la propriété privée. Elle semble correspondre à celle que Maurice

899
J.-F. Denoyer, L’exploitation du domaine public, Thèse, Paris, L.G.D.J., 1969, p. 27.
900
Ch. Lavialle, « Des rapports entre la domanialité publique et le régime des fondations », RDP, 1990, p. 471.

Page 271
Hauriou désignait sous le vocable de « propriété administrative ». Selon cet auteur, « la
propriété du domaine public est une transposition de la théorie civiliste, opérée en tenant
compte du fait de l’affectation des dépendances domaniales à l’utilité du public ou aux
services publics901 ». Il ressort de la pensée de l’auteur que la propriété admise sur le domaine
public est une translation de la proipriété privée dans le droit public mais avec une adaptation
à la finalité assignée au domaine public.

C’est en fonction de la destination des biens qui constituent le domaine public que leur
appartenance à l’État se différncie de la propriété privée. Jacqueline Morand-Deviller
souligne, à ce propos, que « le droit du domaine public est un droit de propiété modifié dans
ses effets par l’utilité publique902 ». Ainsi, la propriété privée définie, du point de vue civiliste,
comme « le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu
qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements903 », se distingue de
la propriété sur le domaine public du point de vue l’exercice de cette dernière.

En effet, dans le cadre de la propriété sur le domaine public, l’État exerce ce droit
beaucoup plus dans l’intérêt du public destinataire que pour sa propre satisfaction. Ce que
relève Christian Lavialle en écrivant que « les dépendances domaniales sont avant tout
caractérisées par leur destination publique, c’est dire qu’elles doivent être envisagées
essentiellement du point de vue de leurs usagers que de celui de leur détenteur904 ». À ce titre,
l’État a l’obligation de les conserver afin qu’ils soient toujours à la disposition de ses
destinataires. Il apparaît donc que même si le domaine public est une propriété de l’État, il est
beaucoup plus conçu pour la satisfaction des besoins du public ou du service public
destinataire que celle de l’État propriétaire905. Les règles qui règissent cette propriété sont
établies avant tout dans l’intérêt général plutôt que dans celui de la personne publique
étatique.

En parcourant la partie du code du domaine de l’État consacrée au domaine public, on


se rend à l’évidence de cette nature particulière de la propriété de l’État sur ledit domaine.
C’est un domaine qui appartient à l’État, non pas pour qu’il en dispose à sa guise, mais, pour
qu’il le gère au service du public ou du service public destinataire. En effet, le pouvoir de

901
M. Hauriou, Précis de droit administratif, 11e éd., Sirey, 1927, p. 24, cité par A. Camus, Le pouvoir de
gestion du domaine public, Thèse, Université Paris Ouest Nanterre La Défense, 2013, p. 76.
902
J. Morand-Deviller, Droit administratif des biens, 7e éd., Paris, Montchrestien, 2012, p. 33.
903
Voir article 544 de la loi du 21 mars 1804 portant code civil des français, modifiée.
904
Ch. Lavialle, « Des rapports entre la domanialité publique et le régime des fondations », op.cit., p. 475.
905
Idem.

Page 272
libre disposition que le propriétaire privé dispose sur ses biens est méconnu à l’État,
propriétaire du domaine public. Celui-ci est strictement encadré dans son pouvoir de gestion
afin de préserver la finalité d’intérêt général du domaine public.

Le législateur a assigné à l’autorité domaniale une sorte de mission de « garde ou


d’administration906 » des dépendances du domaine public « pour en garantir la jouissance à
tous les individus qui peuvent en avoir besoin907 ». C’est une fonction de conservation de la
destination des biens du domaine public qui domine. La consécration des principes
d’inaliénabilité, d’imprescriptibilité et d’insaisissabilité, ainsi que leurs conséquences
témoignent de la différence entre la propriété sur le domaine public et la propriété privée. Il
s’agit d’un ensemble de règles juridiques qui « exclut certains éléments de la propriété privée
tels que le droit d’aliéner, la possibilité de se voir opposer la prescription, de démembrer
celle-ci par la constitution de servitudes ou d’hypothèques ou même d’être exproprié908 ».
L’État, propriétaire du domaine public, est donc astreint à conserver et à mettre les biens qui
constituent ledit domaine au service de la collectivité.

Toutefois, la propriété admise sur le domaine public n’est pas exclusivement une
« propriété administrative », elle est accessoirement privative.

b) Une propriété accessoirement privative

Le législateur n’a pas manqué de faire de cette propriété une propriété ordinaire. Cela
apparaît à travers l’existence de caractéristiques de la propriété privée que comporte le
domaine public. Il a, dans une moindre mesure, cherché à l’assimiler à la propriété privée. Il
est constant que l’usus existe sur le domaine public avec l’utilisation qui en faite par le public
ou les services publics destinataires. Ensuite le fructus est présent sur ledit domaine avec la
faculté reconnue à la personne publique étatique de pouvoir tirer profit des dépendances
domaniales. C’est dans ce cadre que s’incrivent la possibilité pour elle d’aliéner, à titre
exceptionnel, certains biens qui constituent le domaine public par la technique du
déclassement909 et la possibilité de développer une gestion patrimoniale avec les occupations
privatives910. La recherche de revenus ainsi admise sur le domaine public laisse subsiter l’idée

906
J.-B.-V. Proudhon, Traité du domaine public, tome 1, Dijon, 1833, pp. 269-270.
907
Idem.
908
Ch. Lavialle, « Des rapports entre la domanialité publique et le régime des fondations », op.cit., p. 474.
909
Voir article 19 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.
910
Voir articles 11 et suivants de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.

Page 273
d’une propriété privée. Enfin, l’abusus est sous-entendu puisqu’il a fallu le principe de
l’inaliénabilité pour s’y opposer911.

La personne publique étatique dispose, en matière de gestion du domaine public, d’un


certain nombre d’attributs et de prérogatives de la propriété qu’elle peut mettre en œuvre sans
avoir à compromettre la destination d’utilité publique dudit domaine. On observe, à travers
cette logique de tirer profit des dépendances domaniales, une certaine assimilation de la
propriété de l’État sur le domaine public à la propriété privée.

Cette nature hybride de la propriété admise sur le domaine public révèle, de la part du
législateur, une logique de gestion économique des dépendances domaniales.

B / L’inhérence de la gestion économique au droit de propriété de l’État

La nature administrative particulière de la propriété étatique ne permettrait pas de tirer


profit du domaine public. Sa consécration exclusive ne serait pas adaptée au contexte du
Sénégal indépendant. Ce contexte marqué par un sous-développement du pays et une
nécessité d’aller vers le développement devait reposer sur un droit capable d’accompagner
l’État dans cette dynamique.

Le droit domanial devait constituer un droit du développement, surtout qu’il régit les
biens meubles et immeubles de l’État, considérés, désormais, comme productifs. Autrement
dit, il devait représenter une technique juridique et une méthode de législation propre à sous-
tendre le développement économique et social912. Ainsi, il fallait que la propriété de l’État,
qu’elle porte sur le domaine public ou sur le domaine privé, soit « source de valeur, de
richesse 913 ». Voilà pourquoi on retrouve, en dépit de la propriété administrative sur le
domaine public, des outils juridiques permettant d’assurer une exploitation rationelle des
potentialités économiques des biens qui constituent ledit domaine.

La reconnaissance d’un droit de propriété de l’État sur le domaine public assimilable à


la propriété privée a donné lieu à un pouvoir de gestion économique du domaine public. En
effet, le législateur a consacré la bonne partie du deuxième Titre du Livre II de la loi n° 76-66

911
A. Ley, Le régime domanial et foncier et le développement économique de la Côte d’Ivoire, Paris, L.G.D.J.,
1972, p. 66.
912
Voir sur la question du droit du développement K. Mbaye, « Le droit au développement », Éthiopiques n° 21,
Revue socialiste de culture négro-africaine, janvier 1980, p. 4.
913
Y. Gaudemet, Droit administratif des biens, 15e éd., L.G.D.J., 2014, p. 23.

Page 274
du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État à la gestion des dépendances
domaniales914.

L’introduction de ce pouvoir de gestion prédispose indubitablement l’État propriétaire


à procéder à la rentabilisation du domaine public. Car, comme l’écrit Jean François Denoyer,
le droit de propriété de la personne publique étatique sur le domaine public comprend le droit
d’exploiter ou de faire exploiter les dépendances domaniales et d’en percevoir les revenus ; le
droit de désaffecter une dépendance du domaine public et de percevoir une indemnité
correspondant à la valeur vénale du bien lorsque la dépendance domaniale est aliénée après
déclassement915. En effet, cette faculté de rentabiliser les dépendances domaniales procède du
fait que le législateur les considère comme objets de propriété. En le faisant, ce dernier
reconnaît à l’État une valeur en capital. Ainsi, les biens qui constituent le domaine public, loin
d’être improductifs, sont sources de richesse pour la personne publique étatique. Celle-ci est
alors en droit d’en retirer toutes les utilités économiques.

Toutes choses qui appellent à une gestion économique de la part de l’administration


domaniale. Le code du domaine l’État s’est inscrit dans cette perspective. En effet, le
légilsateur a institué, à côté des mesures visant à conserver la destination d’utilité publique du
domaine public, des actes de gestion qui tendent « essentiellement vers une fin d’ordre
économique916 ». C’est tout le sens des dispositions relatives aux occupations privatives des
dépendances domaniales, de l’exception de déclassement de la zone des pas géométriques.

Il s’agit là d’actes de gestion au titre desquels l’État aura à percevoir les revenus y
afférents. Ils révèlent un « aspect économique et patrimoniale du domaine public917 ». Ce sont
des actes qui constituent le soubassement d’une valorisation des biens qui constituent le
domaine public. Cette logique de gestion patrimoniale des dépendances domaniales ne saurait
alors être possible en l’absence d’un droit de propriété de l’État sur lesdites dépendances.
Ainsi, l’admission de l’appartenance du domaine public à l’État a entraîné un changement de
paradigme dans la conception des pouvoirs de l’État sur ledit doimaine. Le législateur n’a pas
voulu inscrire la mission de l’État sur le domaine public dans une logique simplement « de

914
Voir Tire II, articles 10 à 19 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JORS N°
4506 du 28 juillet 1976.
915
J.-F. Dénoyer, L’exploitation du domaine public, Thèse, Paris, 1969, p. 49.
916
Guldner, Conclusions sur CE, 20 décembre 1957, Société Nationale d’Éditions Cinématographiques, Rec.
Leb. p. 702.
917
Idem.

Page 275
garde et de surintendance 918 » « pour en garantir la jouissance à tous les individus qui
peuvent en avoir besoin919 ». Il a également tenu à l’amener à rentabiliser les dépendances
domaniales. En conséquence, la gestion du domaine public n’est pas purement une gestion
administrative, elle comporte également une part de gestion économique tenant compte du
respect de la destination d’utilité publique dudit domaine.

L’admission de l’idée de propriété sur le domaine public emportant une valorisation


des biens qui constituent ce domaine s’est également accompagné d’un élargissement de la
composition du domaine public à des zones d’intérêts économiques.

Paragraphe 2 : L’élargissement du domaine public à des zones d’intérêt


économique

Le domaine public constitue la masse de biens appartenant à l’État qui sont destinés à
l’intérêt général, c'est-à-dire à l’usage de tous ou au service public. Mais avec la loi n° 76-66
du 2 juillet 1976 portant code du domaine l’État, le législateur sénégalais semble confier à ce
domaine une finalité patrimoniale. C’est à ce titre que s’incrit l’adjonction au domaine public
de biens à forte potentialité économique. Ce fut le cas pour le domaine public maritime qui a
connu, de façon temporaire, une extension vers des espaces productifs de richessse (A). C’est
également le cas avec l’incorporation du sous-sol dans le domaine public (B).

A / L’adjoinction temporaire d’espaces productifs

Le législateur sénégalais, en dotant le pays d’une loi sur le domaine de l’État en 1976,
a opéré un choix très significatif dans la détermination des biens qui constituent le domaine
public, plus particulièrement le domaine public maritime. Il a élargi, de façon temporaire, la
consistance de ce domaine en y incorporant la mer territoriale920 et le plateau continental921

918
Demolombe, Cours du Code Napoléonien, t. IX, n° 457, cité par J.-F. Denoyer, L’exploitation du domaine
public, Thèse, Paris, L.D.G.J., 1969, p. 20.
919
J.-B.-V. Proudhon, Traité du domaine public, tome 1, Dijon, 1833, p. 269.
920
La mer territoriale est définie par le droit international de la mer comme la zone de 12 milles marins à partir
des lignes de base et qui s’étend non seulement sur la colonne d’eau mais également sur l’espace aérien qui la
surplombe, le fond et le sous-sol de la mer (voir articles 2 et 3 de la Convention des Nations Unies sur le droit de
la mer du 10 décembre 1982, [en ligne], disponible sur :
www.un.org/depts/los/convention_agreements/texts/unclos//unclos_f.pdf, consulté le 16 mars 2015).
921
Selon le droit international de la mer, le plateau continental d’un État côtier comprend les fonds marins et leur
sous-sol au-delà de la mer territoriale, sur toute l’étendue du prolongement naturel du territoire terrestre de cet
État jusqu’au rebord externe de la marge continentale, ou jusqu’à 200 milles marins des lignes de base à partir
desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale, lorsque le rebord externe de la marge de continentale se
trouve à une distance inférieure (voir article 76.1 de la Convention de Montego Baie du 10 décembre 1982,
préc.).

Page 276
qui sont des espaces à fortes potentialités économiques (1). Mais, au bout de quelques années,
le législateur est revenu sur ce choix en extirpant du domaine public lesdites dépendances
pour, dit-il, se conformer aux règles du droit international ; ce qui est discutable (2).

1. L’incorporation temporaire de la mer territoriale et du plateau


continental

Le législateur sénégalais, contrairement aux autorités coloniales922, avait décidé d’inclure


dans le domaine public maritime la mer territoriale et le plateau continental923. Il s’agit là
d’une extension que certains auteurs ont considérée comme « une originalité du droit positif
sénégalais 924 » dans la mesure où le droit français, source d’inspiration du législateur
sénégalais, ne considérait pas ces dépendances comme faisant parties du domaine public
maritime. D’ailleurs, le juge administratif français, dans une décision du 24 mai 1935,
excluait cette partie de la mer des dépendances du domaine public925.

En choisissant d’inclure la mer territoriale et le plateau continental dans le domaine public


de l’État, le législateur national avait certainement en vue le souci de préservation et de
rentabilisation des potentialités économiques de ces zones. En effet, face au défi du
développement auquel l’État était confronté en ses débuts d’indépendance, les pouvoirs
publics sénégalais avaient grandement besoin de tout ce qui pouvait servir à l’émergence du
pays. Or, les deux composantes nouvelles du domaine public maritime regorgent d’énormes
potentialités économiques. En effet, le plateau cotinental est considéré comme riche en
ressources végétales et animales, tels que les goémons, les varechs, les épongés, les coraux,
les mollusques et les huîtres, alors que son sous-sol renferme des ressources précieuses
comme le charbon, le fer, l’étain et le pétrole926. Ainsi, ils constituent des dépendances qui
offrent à l’État non seulement la possibilité d’exploitation de ressources halieutiques, mais

922
Le décret du 29 septembre 1928 portant règlementation du domaine public et des servitudes d’utilité publique
en Afrique occidentale française, qui continuait à régir le domaine de l’Etat au Sénégal jusqu’en 1976 n’avait pas
inclus la mer territoriale et le plateau continental dans le domaine public maritime. Son article premier ne
retenait que les rivages de la mer, les cours d’eau navigables ou flottables, les sources et cours d’eau non
navigables ni flottables, les lacs, étangs et lagunes, les canaux de navigation et leurs chemins de halage, les
canaux d’irrigation et de dessèchement et les aqueducs (article 1 er du décret du 29 septembre 1928 portant
règlementation du domaine public et des servitudes d’utilité publique en Afrique occidentale française, JOAOF
N° 1261 du 10 novembre 1929).
923
Voir article 5-a) de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JORS N° 4506 du 28
juillet 1976.
924
Ch. Lapeyre, « Aperçu de la loi n° 76-66 portant code du domaine de l’État au Sénégal », AA, 1976, p. 94.
925
Voir CE, 24 mai 1935, « Thireault », S. 1936. 3.1.
926
Quoc Dinh (Ng.), Daillier (P.) et Pellet (A.), Droit international public, L.G.D.J., Paris, 1994, p. 1088.

Page 277
aussi des « possibilités d’exploitation du pétrole off-shore, et des nodules polymétallique
[c’est-à-dire le manganaise, le fer, le silicium, l’alluminium, le nickel, le cuivre ou le
cobalt]927 ».

Les pouvoirs publics sénégalais ont pris conscience des richesses que regorgent ces
espaces maritimes et de la nécessité de les protéger contre la surexploitation des navires
étrangers. Le Président Senghor notait déjà dans les années 70 que le Sénégal voit arriver au
large de ses côtes des navires de pêche de plus en plus nombreux et de mieux en mieux
armées, pour puiser dans les richesses halieutiques que contiennent ses eaux. Ces navires
battent tous le pavillon des États industrialisés, riches et puissants. Et si celles-ci (les activités
de pêche) sont enrichissantes pour les étrangers, elles sont, en revanche, appauvrissantes,
parce que dévastatrices, pour les sénégalais. Car les navires étrangers pratiquent la pêche sans
aucun souci de conservation, sans aucune préoccupation de l’avenir des ressources de la mer
[…]928. Ainsi, il y a lieu de protéger les richesses au large des côtes sénégalaises. Ce souci de
préservation était la chose la mieux partagée durant les années 70 et cela a abouti à une
réfonte du droit de la mer par l’adoption de la convention de Montégo Bay en 1982.

L’incorporation de la mer territoriale et du plateau continental dans le domaine public


répondait ainsi à un souci de les soumettre « au régime protecteur de la domanialité publique
et d’exploiter leurs ressources minérales et biologiques de façon efficiente929 ». L’idée était
de s’assurer que l’exploitation des richesses de ces espaces ne se fasse pas au détriment du
Sénégal comme le soulignait le président Senghor. En effet, l’application des règles de la
domanialité publique à la mer territoriale et au plateau continental fournit à l’État les moyens
nécessaires pour conserver et exploiter de façon rationnelle et durable les ressources
naturelles de la mer. Car la domanialité publique crée les conditions qui sont de nature à
limiter la liberté d’utilisation des espaces maritimes sous juridiction sénégalaise en vue de leur
meilleure gestion. Elle offre à l’administration un pouvoir de gestion qui lui permet de
délivrer ou de retirer des autorisations d’occupation de façon plus ou moins discrétionnaire ou
d’imposer certaines obligations au titulaire de l’autorisation.

927
A.-K. Guèye, Les problèmes juridiques posés par l’exploitation de la Z.E.E sénégalaise, Thèse de 3ème cycle,
Université des Sciences Sociales de Toulouse, 1982, p. 14.
928
« La pêche maritime », janvier 1970, p. 37, citée par D. Bardonnet, « La dénonciation par le Gouvernement
sénégalais de la Convention sur la mer territoriale et la zone contigüe et de la Convention sur la pêche et la
conservation des ressources biologiques de la haute mer », en date du 29 avril 1958 à Genève. In Annuaire
français de droit international, volume 18, 1972, pp. 127-128.
929
M.-A. Diallo, La difficile gestation d’un droit littoral au Sénégal, Thèse, UCAD, Dakar, 2012, p. 62.

Page 278
D’un côté, la logique de gestion instituée dans le titre II du Livre II du code du
domaine de l’État offre à la personne publique étatique la possibilité de consentir sur ces
espaces maritimes des autorisations d’exploitation, donc de monnayer ses ressources
naturelles. Il peut, en ce qui concerne les ressources halieutiques par exemple, accorder des
autorisations d’exploitation aux navires sénégalais d’une part et pour l’excédant des stocks
aux navires étrangers à qui l’État consentira ce droit conformément aux lois nationales d’autre
part. L’attribution de ces autorisations contribue au développement des pêcheries et avec
toutes ses activités connexes au développement économique et social du pays compte tenu des
revenus qu’elles procurent aussi bien pour l’État que pour les particuliers.

D’un autre côté, elles servent à l’État dans la protection et la préservation des
ressources halieutiques des côtes sénégalaises contre ceux qui les dévastent grâce à leurs
techniques très élaborés. Car, il faut rappeler, le code du domaine de l’État dispose dans la
partie relative à la gestion du domaine public que les concessions et autorisations
d’exploitation des dépendances domaniales « sont réservées aux installations ayant un
caractère d’intérêt général930 ». Une telle disposition contraint toujours l’État à tenir compte
des nécessités de l’utilité publique à laquelle le domaine est destiné dans l’octroi des
autorisations d’exploitation des dépendances domaniales.

Ainsi, avec le régime de la domanialité publique de la mer territoriale et du plateau


continental, le Sénégal a cherché à assurer la protection et la conservation des ressources
naturelles desdites espaces maritimes en vue de leur meilleure exploitation au service d’un
pays en voie de développement.

Cette optique semble reposer sur des préoccupations d’ordre environnemental et de


développement durable. En effet, la définition donnée au développement durable reflète
clairement cette vision. Le législateur le définit dans le code de l’environnement comme un
« développement qui répond au besoin du présent sans compromettre la capacité des
générations futures de répondre aux leurs931 ». L’encadrement de la mer territoriale et du
plateau continental par la domanialité publique répond donc à ce souci d’assurer une
exploitation rationnelle des ressources de ces espaces domaniaux. Il permet à l’État
d’encadrer les conditions d’accès à ces ressources et de fixer les préscriptions utiles à éviter
leur surexploitation.

930
Voir article 16 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.
931
Voir article premier de la loi n° 2001-01 du 15 janvier 2001 portant code de l’environnement, JORS N° 5972
du 10 mars 2001.

Page 279
C’est dans ce cadre que s’inscrivent, par exemple, les accords de pêche entre le
Sénégal et ses partenaires pour l’exploitation des ressources halieutiques. En effet, l’accord de
pêche donne un droit d’accès aux ressources halieutiques pour les navires étrangers en
précisant les conditions d’accès aux de zones de pêches. Selon Moussa Sonko, « ces
conditions sont négociées dans la recherche de l’équilibre des intérêts sur la base des
informations scientifiques et économiques disponibles sur l’état de la ressource et la valeur
des produits 932 ». À ce titre, l’État dispose d’un moyen de contrôler les navires étrangers
quant aux taux de capture et d’espèces autorisés puisque l’accord met toujours à la charge de
l’armateur l’obligation de débarquer dans les ports du Sénégal. Donc, avec l’incorporation de
la mer territoriale et du plateu continental dans le domaine public, l’État diposait du pouvoir
d’utiliser au mieux les ressources maritimes de ces espaces et en évitant la surexploitation.

Mais, une décennie après leur incorporation dans le domaine public, le législateur
sénégalais, sous prétexte de se conformer au droit international, a retiré la mer territoriale et le
plateau continental des dépendances domaniales.

2. L’exclusion injustifiée de la mer territoriale et du plateau continental

Au début des années 1980, le Sénégal a entrepris une réforme essentiellement axée sur la
modification du régime juridique de la mer territoriale et du plateau continental. Le législateur
est revenu sur sa décision d’incorporation desdites dépendances dans le domaine public en les
extirpant de ses composantes933. En effet, c’est à la suite de l’adoption de la Convention des
Nations Unies sur le droit de la mer à Montégo Bay le 10 décembre 1982 que le législateur
national a, dit-il, tenu à se conformer aux règles édictées par ladite convention. Celle-ci
reconnait, en effet, aux autres États le droit de passage inoffensif dans la mer territoriale pour
les navires 934 , et le droit de poser des câbles et pipelines sous marins sur le plateau
continental935.

Pour garantir l’exercice de ces droits, la Convention sur le droit de la mer assujettit l’État
côtier à ne point entraver le passage inoffensif des navires étrangers, ni percevoir des droits

932
M. Sonko, « Accord de pêche UE/Sénégal, Neptunus », revue électronique, Centre de Droit Maritime et
Océanique, Université de Nantes, 2007, Vol. 13 2007 /1, p. 2, [en ligne], disponible sur : http://www.cdmo.univ-
nantes.fr/centre-droit-maritime-oceanique/cdmo, consulté le 16 avril 2015.
933
Voir article premier de la loi n° 85-15 du 15 février 1985 abrogeant et remplaçant l’article 5 – a) de la loi n°
76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JORS N° 5053 du 9 mars 1985.
934
Voir article 17 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982, [en ligne],
disponible sur : www.un.org/depts/los/convention_agreements/texts/unclos//unclos_f.pdf, consulté le 16 mars
2015.
935
Voir articles 78 et 79 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982, préc.

Page 280
sur les navires étrangers qui transitent sur sa mer territoriale936, et à ne point porter atteinte à
la navigation ou aux droits et libertés reconnus aux autres États, ni gêner leur exercice sur le
plateau continental937.

Face à cette obligation négative, le Sénégal a tenu à s’abstenir de ne pas prendre des
mesures contraires au respect des dispositions de la convention. Mais, étant donné qu’il avait
déjà incorporé la mer territoriale et le plateau continental dans le domaine public, le
législateur a cru bon de supprimer ce régime qui lui paraît incompatible au nouveau droit de la
mer. En effet, la domanialité publique impose pour toute utilisation privative d’une
dépendance du domaine public l’obtention d’une autorisation administrative préalable938. Un
tel régime rendrait impossible l’exercice des libertés consacrées par la convention de Montégo
Bay.

La modification opérée sur le code du domaine de l’État a entrainé la soustraction au


domaine public d’espaces utiles à sa mise en valeur. Mamadou Aliou Diallo écrit, à ce propos,
que « l’attitude du Sénégal (…) a eu pour conséquence le rétrécissement de son domaine
public maritime et la perte de souveraineté sur un espace économiquement rentable939 ». En
effet, l’exclusion du domaine public maritime de la mer territoriale et du plateau continental
soustrait ces espaces maritimes du régime protecteur de la domanialité publique. La décision
de l’État du Sénégal de soumettre ces espaces maritimes au droit international et non au droit
interne de la domanialité publique a eu pour conséquence la réduction de la consistance du
domaine public maritime. L’application du droit international à la mer territoriale et au
plateau continental suppose qu’ils ne fassent plus partie des biens qui constituent le domaine
public de l’État.

Ce choix des pouvoirs publics sénégalais d’accepter de modifier le régime juridique de


la mer territoriale et du plateau continental a intrigué Mamadou Aliou Diallo. Celui-ci n’agrée
pas la position des autorités sénégalaises d’alors. Il soutient, en effet, dans sa thèse que « la
bonne attitude aurait été d’émettre des réserves940 sur la partie de la convention de Montégo

936
Voir articles 24 et 26 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982, préc.
937
Voir article 78-2. de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982, préc.
938
Voir article 20, alinéa 1er de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.
939
M.-A. Diallo, La difficile gestation d’un droit littoral sénégalais, op.cit., p. 87.
940
La réserve « s’entend d’une déclaration unilatérale, quel que soit son libellé ou sa désignation, faite par un
Etat quand il signe, ratifie, accepte ou approuve un traité ou y adhère, par laquelle il vise à exclure ou à modifier
l’effet juridique de certaines dispositions du traité dans leur application à cet Etat » (article 2-d) de la convention
de Vienne sur le droit de traité du 23 mai 1969).

Page 281
Bay relative au régime juridique de cette zone riche en ressources biologiques941 ». Mais, ce
point de vue ne saurait prospérer dans le cadre de la Convention des Nations Unies sur le droit
de la mer. L’auteur semble occulter l’interdiction faite aux États parties de la convention de
Montégo Bay de recourir aux réserves. En effet, l’une des conditions de validité des réserves
réside dans son autorisation par le traité lui-même942. Or, la convention sur le droit de la mer
interdit strictement l’utilisation des réserves943. Le Sénégal ne pouvait donc par recourir à ce
procédé. Dès lors qu’il y a adhéré, il ne pouvait que se conformer à l’accord qu’il a librement
souscrit.

Mais, tout compte fait, l’attitude de l’État du Sénégal est problématique. Car, rien ne
semble obliger les autorités sénégalaises à modifier le régime de la domanialité publique de la
mer territoriale et du plateau continental. Si l’on se réfère à l’obligation posée par la
convention de Montégo Bay à l’encontre des États côtiers, le Sénégal était tout simplement
contraint à une abstention, c'est-à-dire à ne pas entraver le libre exercice des droits et libertés
reconnus aux autres États. En effet, dans les espaces où le Sénégal a opéré un changement de
régime juridique, la convention des Nations Unies sur le droit de la mer n’a pas du tout remis
en cause les prérogatives des États côtiers en termes d’exploitation économique de leurs
richesses. Au contraire, elle accorde la souveraineté exclusive et des droits souverains
finalisés sur la mer territoriale et le plateau continental.

Pour la mer territoriale, la convention de 1982 reconnaît à l’État côtier la souveraineté


exclusive sur les eaux de surface, le sol et le sous-sol maritime944, sauf à prendre en compte le
droit de passage inoffensif 945 . Pour le plateau continental, la convention de Montégo Bay
accorde aux États côtiers des droits souverains à finalités économiques. En effet, elle consacre
que « l’État côtier exerce des droits souverains […] aux fins de son exploration et de
l’exploitation de ses ressources naturelles946 ». Elle dispose également que les droits reconnus
à l’État côtier « sont exclusifs en ce sens que si l’État côtier n’explore pas le plateau
continental ou n’en exploite pas les ressources naturelles, nul ne peut entreprendre de telles
activités sans son consentement exprès 947 ». Il ressort de ces dispositions que l’État a des

941
M.-A. Diallo, La difficile gestation d’un droit littoral sénégalais, op.cit., p. 87.
942
Voir article 19-a) de la Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969.
943
Voir article 309 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982, préc.
944
Voir article 2 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982, préc.
945
Voir article 17 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982, préc.
946
Voir article 77-1. de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982, préc.
947
Voir article 77-2. de la Convention des Nations Uniessur le droit de la mer du 10 décembre 1982, préc.

Page 282
droits souverains exclusifs pour tout ce qui concerne l’exploitation économique du plateau
continental.

En clair, la Convention de Montégo Bay ne remet pas en cause l’exercice des droits
souverains de l’État côtier en matière économique. Au contraire, elle lui garantit la pleine
exploitation des ressources naturelles de cet espace maritime. Il est seulement imposé à l’État
côtier de garantir les droits et libertés reconnus aux autres États. Il n’a pas à compromettre le
passage inoffensif sur sa mer territoriale, à porter atteinte à la navigation ou aux droits et
libertés reconnus aux autres États, ni à gêner l’exercice de manière injustifiable sur son
plateau continental.

C’est pour observer cette obligation que les autorités publiques sénégalaises des
années 80 ont jugé nécessaire de soustraire la mer territoriale et le plateau continental du
domaine public. Le législateur soutient que « ces zones ne peuvent bénéficier de la même
protection juridique que les éléments constitutifs du domaine public naturel948 ». Il indique
que la domanialité publique de la mer territoriale et du plateau continental est incompatible
aux dispositions de la convention de Montégo Bay. Le légisalteur met ainsi en avant les droits
et libertés reconnus aux autres États et relègue au second plan les droits souverains de l’État
du Sénégal. Ce qui constitue une position maladroite. Il n’avait pas à supprimer la domanialité
publique de la mer territoriale et du plateau continental. Il fallait maintenir ce régime juridique
et l’assortir simplement de quelques exceptions permettant d’observer l’obligation posée par
le droit de la mer. Ce qui reviendrait à ne pas assujettir les usages reconnus aux autres États
sur ces espaces maritimes au régime permissif et onéreux des utilisations privatives du
domaine public.

Ainsi, l’État pourrait garantir les droits reconnus par la convention aux autres États
sans pour autant soustraire lesdits espaces du régime de la domanialité publique et perdre son
droit de propriété sur ces zones. D’ailleurs, la Résolution 1803 (XVII) de l’Assemblée
générale des Nations unies en date du 14 décembre 1962 sur la « souveraineté permanente sur
les ressources naturelles » pouvait servir de prétexte au maintien du régime de la domanialité
publique. En effet, cette Résolution déclare « le droit de souveraineté permanente des peuples
et des nations sur leurs richesses et leurs ressources naturelles doit s’exercer dans l’intérêt
du développement national et du bien-être de la population de l’État intéressé ; la

948
Voir Exposé des motifs de la loi n° 85-15 du 25 février 1985 abrogeant et remplaçant l’article 5-a) du code
du domaine de l’État, JORS N° 5053 du 9 mars 1985.

Page 283
prospection, la mise en valeur, la disposition de ces ressources ainsi que l’importation de
capitaux étrangers nécessaires à ces fins devraient être conformes aux règles et conditions
que les peuples nations considèrent en toute liberté comme nécessaires ou souhaitables pour
que ce qui est d’autoriser, de limiter ou d’interdire ces activités949 ».

Il ressort de ces deux dispositions le droit souverain de chaque État de disposer


librement de ses richesses et ressources naturelles. Les autorités sénégalaises disposaient là
d’un instrument juridique favorable au maintein de son pouvoir de contrôle sur le plateau
continetal et la mer territoriale. L’idéal aurait été, en tant que pays en voie de développement,
de continuer à les assujettir aux règles protectrices du domaine public pour tirer au mieux
profit des potentialités économiques qu’ils regorgent. Car, avec ce régime, l’État serait
contraint en à assurer une meilleure protection et une exploitation rationnelle des ressources
naturelles de la mer territoriale et du plateua continental pour éviter leur dilapidation et leur
dévastation.

À côté de la mer territoriale et du plateau continental finalement soustraits du domaine


public, l’autre extension de ce domaine à connotation économique porte sur l’incorporation du
sous-sol dans le domaine public.

B / L’incorporation du sous-sol dans le domaine public

L’adoption de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État a


introduit une innovation majeure dans la détermination des éléments constitutifs du domaine
public de l’État. En effet, le législateur sénégalais a procédé à une extension de la consistance
du domaine public naturel en y incorporant le sous-sol 950 . A travers cette mesure, l’État
intègre dans les biens lui appartenant la totalité du sous-sol et devient « le seul et unique
propriétaire tréfoncier951 ».

Cet élargissement du domaine public naturel au sous-sol semble répondre à une


préoccupation d’ordre économique. En effet, face au défi du développement, le Sénégal, pays
nouvellement indépendant, ne pouvait se permettre d’exclure de son patrimoine un espace à
forte potentialité économique. Le sous-sol, au regard de sa diversité, constitue une richesse

949
Voir Résolution 1803 (XVII) de l’Assemblée générale des Nations unies en date du 14 décembre 1962 :
« souveraineté permanente sur les ressources naturelles », [en ligne], disponible sur :
www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/PagesNaturalRessources.aspx, consulté le 28 avril 2015.
950
Voir article 5-f) de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JORS N° 4506 du 28
juillet 1976.
951
M. Cavérivière et M. Débène, Le droit foncier sénégalais, Paris, Berger-Levrault, 1988, p.107.

Page 284
énorme qui doit être mise au service du développement du pays. Il s’agit d’un espace dont les
ressources, diverses et variées, se regroupent en deux blocs. Il y a le bloc des ressources
minières d’une part, et celui des ressources gazeuses et liquides d’autre part. Ces richesses
naturelles constituent sans nul doute un levier important pour une économie durable et forte,
surtout pour un pays en voie de développement.

Pour inscrire les ressources naturelles du sous-sol dans la perspective du


développement économique du pays, le Sénégal a pris l’option d’incorporer le sous-sol dans
le domaine public. Il s’agit là d’une affirmation du principe de l’appartenance des richesses du
sous-sol à l’État952 et leur soumission aux règles de la domanialité publique. Les autorités
sénégalaises affirment ainsi la souveraineté permanente du Sénégal sur les ressources du sous-
sol.

Cette appropriation couvre à la fois le sous-sol terrestre et celui maritime


contrairement à l’idée avancée par certains doctrinaires selon laquelle l’État du Sénégal a
abandonné sa propriété sur le sous-sol maritime. En effet, Monique Cavérivière et Marc
Débène, commentant la loi n° 85-15 du 25 février 1985 qui a modifié la composition du
domaine public naturel, ont affirmé que « […] le législateur a aussi retiré du domaine public
le sol et le sous-sol de la mer territoriale ainsi que le plateau continental, abandonnant
totalement la notion de mer patrimoniale pourtant protectrice des ressources naturelles !953 ».

Mais, ce point de vue semble ne pas refléter l’état du droit positif sénégalais. En effet,
le législateur, dans l’exposé des motifs de la loi n° 85-15, n’a pas évoqué le régime domanial
du sous-sol comme étant incompatible avec les droits et libertés reconnus aux autres États par
la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Il soutient tout simplement qu’ « en
vertu du droit international, le passage inoffensif s’applique à la mer territoriale alors que les
eaux subjacentes du plateau continental sont soumises à la liberté de navigation, à la liberté
de poser des câbles et des pipelines 954 ». Au regard de ces motifs, l’exclusion de la mer
territoriale et du plateau continental du domaine public par le législateur sénégalais ne saurait
emporter l’abandon de la propriété de l’État sur le sous-sol maritime. En plus, le législateur ne
mentionne en aucun cas dans la nouvelle détermination du domaine public naturel que le
sous-sol maritime n’est plus une composante du domaine public de l’État.

952
Voir article 1er de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.
953
M. Cavérivière et M. Débène, Le droit foncier sénégalais, op.cit., p. 107.
954
Voir Exposé des motifs de la loi n° 85-15 du 25 février 1985 abrogeant et remplaçant l’article 5-a) du code
du domaine de l’État, JO préc.

Page 285
Par ailleurs, les codes minier et pétrolier du Sénégal réaffirment avec netteté
l’appartenance du sous-sol maritime à l’État. Selon lesdits codes, « les substances minérales
contenues dans le sol et le sous-sol du territoire de la République du Sénégal, ses eaux
territoriales et son plateau continental sont propriété de l’État […] 955 ». La notion de mer
patrimoniale n’est donc pas abandonnée par l’État du Sénégal ; il continue toujours à intégrer
le sous-sol maritime dans son patrimoine.

En faisant ainsi du sous-sol, terrestre comme maritime, une propriété de l’État régie
par les règles de la domanialité publique, l’État cherche à « assurer la protection des
richesses du sous-sol 956 » mais aussi à garantir leur exploitation rationnelle. Car, avec le
régime domanial, l’État est en mesure de garantir la conservation des ressources du sous-sol
pour assurer, au mieux, leur exploitation au service du développement du pays. L’État
cherche à défendre l’intérêt général mais aussi à faire jouer au secteur minier et celui des
hydrocarbures un rôle capital dans le développement économique du pays.

La logique de protection se révèle à travers le régime permissif institué par le code du


domaine de l’État, repris par la règlementation particulière des ressources du sous-sol. Ainsi,
qu’il s’agisse des substances minières, des hydrocarbures liquides ou gazeux, nul ne peut les
exploiter sans l’autorisation administrative préalable de l’autorité compétente957. Autrement
dit, la prospection, la recherche et l’exploitation des ressources du sous-sol doivent être
autorisées par l’État. Cela permet à la personne publique étatique d’exercer un contrôle sur les
ressources naturelles du sous-sol et d’orienter leur exploitation au service de la collectivité
publique. Cela est d’autant plus nécessaire que lesdites ressources sont essentiellement non
renouvelables. Il est donc important d’en assurer une gestion rationnelle afin d’inscrire leur
exploitation dans la durée. En conséquence, il faut considérer la soumission du sous-sol au
régime de la domanialité publique comme un moyen qui permet de préserver ses richesses et
d’éviter leur dilapidation.

La dimension économique se traduit par le fait que ce sont plutôt des considérations
d’ordre patrimonial que d’intérêt général au sens domanial du terme qui sont à l’origine de
l’incorporation du sous-sol dans le domaine public. Le législateur se base ici beaucoup plus
sur des facteurs politiques et économiques que sur l’aspect purement juridique. En effet, le

955
Voir article 3 de la loi n° 98-05 du 8 janvier 1998 portant code pétrolier, JORS N° 3786 du 21 février 1998,
article 3 de la loi n° 2016-32 du 8 novembre 2016 portant Code minier, JO préc.
956
M. Cavérivière et M. Débène, Le droit foncier sénégalais, op.cit., p. 107.
957
Voir article 4, alinéa 2 de la loi n° 98-05 du 8 janvier 1998 portant code pétrolier, JO préc. ; article 6 de la loi
n° 2016-32 du 8 novembre 2016 portant code minier, JO préc.

Page 286
législateur a préféré soumettre à chacune des composantes des richesses et ressources
naturelles du sol et du sous-sol à une législation spécifique958.

Cette approche montre que les principes traditionnels de la gestion du domaine public
ne sont pas adéquats à l’objectif qui leur est assigné. Ce sont des dépendances domaniales
dont la gestion « ne répond ni à l’exigence de l’exécution d’un service public, ni à l’exercice
des libertés publiques, mais à un tout autre objectif : le développement économique959 ». Il
s’agit, en effet, de dépendances domaniales qui sont prédisposées à une gestion en
exploitation et deviennent ainsi indispensables au développement économique du pays. Leur
utilisation est par excellence privative en ce sens qu’elles constituent des domaines
d’intervention favoris des opérateurs économiques. C’est la raison pour laquelle elles sont
soumises à des modes d’utilisation qui permettent l’exploitation des richesses dont elles
regorgent et procure des revenus substanteilles à l’État.

Après avoir fait du domaine public un objet de propriété et procédé à son


élargissement sur des espaces économiquement rentables, le législateur sénégalais a mis en
place des mécanismes permettant de tirer profit de la richesse que constitue le domaine public.

Section 2 : L’instauration d’outils de valorisation économique du domaine


public

Les pouvoirs publics sénégalais ont pris conscience des richesses non négligeables du
domaine public et l’ont inscrit dans la perspective du développement du pays. Ils ont pris
l’option de faire du domaine public un outil de promotion du développement économique à
travers l’exploitation de ses richesses.

La législation domaniale, mise en place, conçoit le domaine public comme un


ensemble de biens pouvant servir à la réalisation d’objectifs de développement économique et
social. A ce titre, elle ouvre le domaine public à l’exercice d’activités économiques
(Paragraphe 1). Au-delà de cela, la législation domaniale procède de plus en plus à la
rentabilisation de l’utilisation collective du domaine public (Paragraphe 2).

958
Voir loi n° 81-13 du 4 mars 1981 portant code de l’eau ; loi n°98-05 du 8 janvier 1998 portant code pétrolier,
JORS N° 5786 du 21 février 1998 ; loi n° 2016-32 du 8 novembre 2016 portant code minier, JORS N° 6974 du
24 novembre 2016.
959
T. Khalfoune, Le domaine public en droit algérien : réalité et fiction, Paris, L’Harmattan, 2004, p. 481.

Page 287
Paragraphe 1 : L’admission d’activités économiques sur le domaine public

L’adoption de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État a


révélé un choix des pouvoirs publics sénégalais d’opérer une mise en valeur du domaine
public. La perspective d’une valorisation des dépendances domaniales est déclinée de façon
binaire. D’une part, le législateur a ouvert aux tiers la possibilité d’utiliser de manière
privative le domaine public sur autorisation de l’administration (A). D’autre part, il a reconnu
à l’État la faculté de sortir des biens du domaine public pour la réalisation de projets d’intérêt
économique ou social (B).

A / L’ouverture du domaine public à des usages privatifs

L’analyse des dispositions de la législation domaniale révèle que le domaine public est
non seulement utilisé en vue de l’intérêt collectif, mais également à titre privé. Cette forme
d’utilisation des dépendances domaniales est réservée à des usagers qui veulent tirer profit du
domaine public. Au regard de l’article 11 du code du domaine de l’État, il s’agit d’utilisations
privatives variées au titre desquelles les occupants se servent du domaine public comme
support à des activités économiques (1) ou comme objet d’exploitation (2).

1. Le domaine public, support d’activités économiques

Le législateur a reconnu à l’autorité domaniale la faculté d’accorder aux particuliers des


titres juridiques leur permettant de mener sur les dépendances domaniales des activités qui ont
une finalité commerciale. C’est ce qui ressort, en effet, du code du domaine de l’État lorsqu’il
dispose que « le domaine public peut faire l’objet de permissions de voirie, d’autorisations
d’occuper […] 960 ». Ces titres juridiques qui donnent droit à une utilisation exclusive d’une
portion du domaine public servent essentiellement à l’exercice sur ledit domaine d’activités
commerciales. Elles sont accordées à des personnes qui désirent s’insataller sur le domaine
public pour offrir des prestations et des services au public destinataire de ce domaine. Le
domaine public se présente comme un moyen en vue de l’exercice d’une activité économique.

À l’analyse, ces activités de commerce constituent des activités accessoires et utiles à


l’affectation principale d’un bien domanial. En effet, les personnes bénéficiaires de la
permission de voirie ou de l’autorisation d’occuper se procurent des revenus et rendent en
même temps service au public usager des dépendances domaniales. Il s’agit d’activités

960
Voir articles 11 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JORS N° 4506 du 28
juillet 1976.

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commerciales qui sont menées pout tirer profit de la clientèle que constituent les destinataires
du domaine public. Il en est ainsi des stations d’essence, des kiosques à journaux installés le
long des trottoirs qui sont destinés à assurer l’approvisionnement des automobilistes en
carburant et à procurer des services aux publics usagers. C’est le cas également au niveau des
gares des domaines publics ferroviaire, portuaire et aéroportuaire où des locaux sont accordés
à des commerçants pour permettre aux voyageurs en transit de s’approvisionner en produits
divers. À cela s’ajoutent les cafétérias, les débits de boisson, les tabliers, les boutiques, les
services de location et de vente de voitures installés sur les emprises des voies publiques, ainsi
que les étales dans les halles des marchés et les cabanons au niveau des plages.

Toutes ces activités qui procèdent des permissions de voiries et des autorisations
d’occuper sont dominées par des considérations commerciales. Il s’agit pour leur bénéficiaire
de mener sur les dépendances domaniales des activités génératrices de revenus. Seydou
Traoré écrit, à ce propos, que « les occupants privatifs entendent utiliser les dépendances dont
l’usage leur est consenti, dans le cadre d’une activité lucrative, transformant par la même
occasion les dépendances du domaine public en siège d’activités de production, de
distribution ou de services 961 ». Ainsi, l’ouverture du domaine public à ces activités
économiques le rend productif. Les dépendances domaniales génèrent des revenus et des
profits non seulement pour les occupants privatifs, mais aussi pour les autorités en charge de
la gestion de ces dépendances.

En plus d’être le support d’activités commerciales, le domaine public peut également faire
l’objet d’utilisations privatives qui constituent un mode d’exploitation de ses ressources.

2. Le domaine public, objet d’exploitation économique

Aux termes du code du domaine de l’État, l’ouverture du domaine public à des usages
privatifs se matérialise, au-delà des permissions de voirie et des autorisations d’occuper, par
des « concessions et autorisations d’exploitation962 ». Ces titres d’occuper s’inscrivent dans
une logique d’exploitation économique des dépendances domaniales. Il s’agit de types
d’autorisations au titre desquelles le titualire envisage exploiter les potentielles richesses dont
regorge le domaine public.

961
S. Traoré, Droit des propriétés publiques, Paris, Vuibert, 2008, p. 274.
962
Voir article 11 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.

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En effet, la concession domaniale constitue une « convention par laquelle une collectivité
va chercher à valoriser aux mieux de ses intérêts financiers un élément patrimonial, un bien
mis à la disposition d’un tiers contre le paiement d’une redevance963 ». C’est une autorisation
d’occupation privative du domaine public qui n’a pas pour objet de confier à un tiers la
gestion et l’exploitation d’un service public, comme c’est le cas avec la convention de
délégation de service public. Au contraire, elle est accordée par l’autorité domaniale afin de
rentabiliser une dépendance de son domaine public. Laurent Richer l’illustre en ces termes en
écrivant que « les contrats d’occupation du domaine public ont une place importante dans la
vie économique à la fois parce qu’ils constituent des instruments juridiques de l’exploitation
économique du domaine public par les collectivités publiques et parce que dans certains
secteurs, comme les transports et l’énergie, les entreprises privées et publiques ont besoin
d’utiliser le domaine public 964 ». Les conventions domaniales constituent ainsi des titres
d’occupation qui contribuent effectivement à l’exploitation économique du domaine public.

Il en est de même de certaines « autorisations d’occuper » qui sont des titres unilatéraux.
En effet, le législateur dispose que « les autorisations d’occuper nécessitées par les
exploitations de mines et de carrières sont accordées dans les formes et conditions prévues
par la règlementation fixant le régime des substances minérales et des hydrocarbures965 ».
Cette disposition laisse apparaître que les autorisations d’occuper servent non seulement à
l’exercice d’activités économiques sur le domaine public, mais aussi à l’exploitation des
richesses dudit domaine. Il s’agit de titres juridiques qui viennent autoriser une relation
contractuelle établie sur la base d’un cahier des charges fixant les droits et obligations des
parties.

On les retrouve dans le cadre de l’exploitation des richesses du sol, du sous-sol, du


domaine public hertzien, ainsi qu’en matière d’occupation du domaine public portuaire. Les
parties contractantes s’engagent sur les termes d’un cahier des charges, avalisé par la suite par
une autorisation de l’autorité compétente. On se trouve ainsi en présence d’une occupation
particulière du domaine public. Il s’agit d’une relation contractuelle qui s’exerce sur ledit
domaine sur la base d’une autorisation unilatérale.

963
F. Ho Si Fat, « Comment distinguer la délégation de service public et la convention d’occupation
domaniale ? », Conclusions sous Tribunal administratif de Versailles, 6 octobre 2003, Association pour
l’académie d’art équestre de Versailles c/ Etablissement public du musée et du domaine national de Versailles,
AJDA, 2004, p. 2275.
964
L. Richer, Droit des contrats administratifs, 2e éd., Paris, L.G.D.J., 1999, p. 465.
965
Voir article 15 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.

Page 290
Les formules employées dans le cadre de ces titres juridiques font apparaître qu’il s’agit
d’autorisations accordées en vue de la réalisation d’investissements importants sur le domaine
public qui requièrent une longue durée d’occupation966. C’est l’idée « d’exploitation » qui est
esssentiellement mise en avant. Il en résulte que le législateur a entendu faire appel aux
investisseurs pour assurer l’exploitation de la « richesse collective » que constitue le domaine
public. En effet, les concessions et autorisations d’exploitation, ainsi que les autorisations
d’occuper sont délivrées à des opérateurs privés qui entendent mettre à profit les ressources
domaniales. Cela semble se matérialiser dans les diverses composantes du domaine public.

D’une part, c’est le cas en ce qui concerne la réalisation d’infrastructures domaniales et


leur exploitation économique. En effet, dans le cadre de la gestion du domaine public
portuaire, le législateur reconnaît à l’autorité portuaire la possibilité de consentir des
autorisations d’occuper le domaine public portuaire qui doivent « avoir pour objet
l’installation et l’exploitation d’équipements directements liés aux opérations portuaires967 ».
Cette disposition indique une logique de développement des investissements à l’intérieur du
domaine portuaire. Les autorisations d’occuper à délivrer sont destinées à l’installation
d’équipements nécessaires au développement de l’activité portuaire. Elles permettent aux
entreprises maritimes, de transit, de fret et autres d’occuper le domaine portuaire et d’en
assurer l’exploitation.

De même, la technique contractuelle de la concession ainsi que celle du partenariat public-


privé sont utilisées pour la réalisation d’infrastructures autoroutières. C’est dans ce cadre que
rentre la convention de concession pour la conception, le financement, la construction,
l’exploitation et l’entretien de l’autoroute à péage entre Patte d’Oie et Diamniadio 968 .
L’utilisation de la concession domaniale permet ainsi à l’État de se doter d’infrastructures
autoroutières. Il renforce et améliore ainsi son patrimoine immobilier, et l’exploitation de
l’infrastructure constitue pour lui une source pérenne de revenus pour le budget.

D’autre part, c’est le cas en ce qui concerne les ressources naturelles du sol et du sous-sol,
le législateur a doté les pouvoirs publics de la possibilité d’assurer leur exploitation et d’en
tirer profit par le biais d’autorisations d’exploitation. Il en est ainsi en matière d’exploitation

966
P. Gonod, F. Melleray, Ph. Yolka, Traité de droit administratif, tome 2, Parsi, Dalloz, 2011, p. 322.
967
Voir article premier de la loi n° 92-63 du 22 décembre 1992 modifiant l’article 3 de la loi du 18 août 1987
autorisant la création du Port Autonome de Dakar, JORS N° 5505 du 30 janvier 1992.
968
Voir Convention de concession du 2 juillet 2009 pour la conception, le financement, la construction,
l’exploitation et l’entretien de l’autoroute à péage entre Patte d’Oie et Diamniadion, JORS N° 6481 du 5
septembre 2009.

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des hydrocarbures liquides ou gazeux. En effet, dans ce domaine, la législation pétrolière
reconnaît à l’État, propriétaire des ressources pétrolières et gazières 969, le pouvoir de délivrer
des autorisations d’exploration et éventuellement d’exploitation à des compagnies
pétrolières970. Ces dernières se résument en deux principaux régimes, à savoir le régime de la
concession et celui du contrat de partage de production.

Le régime de la concession couvre le permis de recherche et la concession d’exploitation.


C’est un régime qui permet à l’État « d’octroyer des titres miniers à un concessionnaire qui
recherche puis, en cas de découverte, exploite le pétrole ou le gaz dans le périmètre qui lui a
été octroyé 971 ». Dans le cadre des concessions d’exploitation, le titulaire du titre minier
« acquiert la propriété des hydrocarbures produits en tête de puits972 ». Selon Fary Ndao,
« l’expression en tête de puits signifie qu’au moment de leur sortie au niveau du puits, les
hydrocarbures n’appartiennent plus à l’État mais au concessionnaire973 ».

La propriété des hydrocarbures extraits ainsi concédée au titulaire du titre minier


d’exploitation s’inscrit dans la logique de la volonté clairement affichée du législateur d’
« offrir aux acteurs potentiels de l’industrie pétrolière des conditions attrayantes et
susceptibles de favoriser le développement des investissements pétroliers d’exploration ou de
production sur le territoire national 974 ». En effet, l’État ne disposant pas des capacités
techniques pour explorer et éventuellement exploiter les produits de pétrole ou de gaz
découverts devait se doter de techniques juridiques capables d’attirer les compagnies
pétrolières.

La concession d’exploitation consistue pour lui un outil juridique adéquat à l’exploitation


des hydrocarbures. Le concessionnaire qui a la libre disposition des produits extraits à la
garantie d’amortir et de fructifier ses investissements. De son côté, l’État gagne, en retour, des
revenus à partir des taxes sur la production, à savoir la redevance et la taxe pétrolière spéciale,
ainsi que l’impôt sur les bénéfices975.

Quant au régime de partage de production, il correspond au contrat de partage de


production qui « est un contrat de services à risques aux termes duquel, l’État ou une société

969
Voir article 3 de la loi n° 98-05 du 8 janvier 1998 portant code pétrolier, JORS N° 5786 du 21 février 1998.
970
Voir article 5 de la loi n° 98-05 du 8 janvier 1998 portant code pétrolier, JO préc.
971
F. Ndao, L’or noir du Sénégal : comprendre l’industrie pétrolière et ses enjeux au Sénégal, ILP Dakar, 2018,
p. 90.
972
Voir articles 24, alinéa 2 et 30 de la loi n° 98-05 du 8 janvier 1998 portant code pétrolier, JO préc.
973
F. Ndao, L’or noir du Sénégal : comprendre l’industrie pétrolière et ses enjeux au Sénégal, op.cit., p. 93.
974
Voir Exposé des motifs de la loi n° 98-05 du 8 janvier 1998 poirtant code pétrolier, JO préc.
975
Voir articles 41 et 42 de la loi n° 98-05 du 8 janvier 1998 poirtant code pétrolier, JO préc.

Page 292
d’État confie à une ou plusiseurs personnes physiques ou morales qualifiées l’exercice des
droits exclusifs de recherche et d’exploitation d’hydrocarbures à l’intérieur d’un périmètre
défini976 ». Il s’agit d’un procédé d’exploitation des produits de pétrole ou de gaz au titre
duquel l’État reste le propriétaire des hydrocarbures qui sont produits et en partage une partie
avec la compagnie pétrolière qui assume les risques d’exploitation.

L’utilisation du contrat de partage de production permet donc le développement et le


démarrage de la production du pétrole ou du gaz par le contractant de l’État. La production
ainsi obtenue fait l’objet d’un partage entre les parties au contrat de services.

Mais, il faut noter que ce n’est pas toute la production qui est répartie en deux parts. En
effet, comme le fait remarquer Fary Ndao, « avant de procéder au partage, une partie de la
production est réservée au contractant afin qu’il procède au remboursement des
investissements d’exploration et de développement977 ». C’est après le prélèvement de cette
partie consacrée au remboursement que le reste de la production est partagé entre l’État d’une
part et le contractant d’autre part. Le contrat de partage de production permet ainsi à l’État de
faire exploiter son pétrole ou son gaz, sans avoir à supporter les coûts de l’investissement et à
disposer d’une partie de la production.

Ce type de contrat est « le régime par excellence sous lequel l’État du Sénégal contracte
avec des compagnies pétrolières 978 ». Cela se confirme au regard des contrats pétroliers
publiés par l’État du Sénégal. Ils constituent tous des contrats de recherche et de partage de
production d’hydrocarbures979. L’État privilégie donc le régime de partage de production au
détriment du régime de la concession.

Tout compte fait, le régime de la concession et celui du partage de production constituent


dès lors des mécanismes juridiques par lesquels l’État exploite économiquement les
ressources d’hydrocarbures de son sous-sol.

976
Voir article 36, alinéa 1 de la loi n° 98-05 du 8 janvier 1998 portant code pétrolier, JO préc.
977
F. Ndao, L’or noir du Sénégal : comprendre l’industrie pétrolière et ses enjeux au Sénégal, op.cit., p. 96.
978
Idem.
979
Voir par exemple « Contrat de recherche et de partage de production d’hydrocarbures Rufisque offshore,
Sangomar offshore et Sangomar offshore profond » du 15 juillet 2004 entre l’État du Sénégal, SENEGAL
HUNT OIL COMPANY et PETROSEN; « Contrat de recherche et de partage de production d’hydrocarbures
Cayar offshore profond » du 17 janvier 2012 entre l’État du Sénégal, PETRO-TIM LIMITED et PETROSEN ;
« Contrat de recherche et de partage de production d’hydrocarbures Saint-Louis offshore profond » du 17 janvier
2012 entre l’État du Sénégal, PETRO-TIM LIMITED et PETROSEN ; « Contrat de recherche et de partage de
production d’hydrocarbures Bloc Diourbel » du 29 avril 2013 entre l’État du Sénégal, A-Z Petroleum et
PETROSEN, disponible sur : www.itie.sn/contrats-petroliers/, consulté le 16 mai 2018.

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Ce cadre juridique attrayant de la législation pétrolière semble avoir inspiré le législateur
dans le cadre de la politique d’exploitation des substances minérales. En effet, la réforme du
code minier a introduit, à côté des titres miniers, le contrat de partage de production980. Ainsi,
la législation minière comporte désormais deux régimes d’autorisations d’occuper pour
l’exploitation des substances de mines.

Le premier correspond aux titres miniers qui couvrent les activités de prospection, de
recherche et d’exploitation des substances minérales et de carrière981. Il s’agit d’autorisations
par lesquelles l’État permet à des entreprises privées de procéder à l’exploitation de ses mines
d’or, de phosphate, de zircon, de fer, de cuivre, de plomb et autres. Ainsi, les titulaires de ces
titres miniers d’exploitation acquièrent la propriété des substances minérales qu’ils
extraient982. L’État, de son côté, reçoit sa part de l’exploitation sur le paiement trimestriel de
la redevance minière, qui est due sur la production et la commercialisation des substances
minérales983.

Le second renvoie au contrat de partage de production. Ce dernier est une convention que
l’Etat conclue avec une entreprise privée pour la recherche et l’exploitation de substances
minérales984. Dans le cadre de cette autorisation d’exploitation, l’État reste le propriétaire des
substances minérales qui sont produites et en partage une partie avec la société minière qui
assure l’exploitation. La législation minière permet ainsi à l’État soit d’autoriser à des
entreprises privées d’exploiter pour leur compte les ressources minières en lui versant une
contrepartie, soit d’entreprendre pour son propre compte, directement ou par l’intermédiaire
d’investisseurs privés, toutes opérations minières avec un partage de la production.

Les formes d’occupation des dépendances domaniales précitées permettent d’appréhender


le domaine public comme objet d’exploitation économique. En effet, ce sont les richesses,
diverses et variées, des différentes composantes du domaine que le législateur cherche à
assurer l’exploitation par le secteur privé. Qu’il s’agisse des domaines publics terrestre,
maritime et aérien, le législateur a réussi à prévoir des outils juridiques permettant aux
investisseurs de pouvoir s’y installer et de mettre à profit les ressources qui s’y trouvent.

980
Voir Exposé des motifs de la loi n° 2016-32 du 8 novembre 2016 portant code minier, JORS N° 6974 du 24
novembre 2016.
981
Voir article 7 de la loi n° 2016-32 du 8 novembre 2016 portant code minier, JO préc.
982
Voir article 3 de la loi n° 2016-32 du 8 novembre 2016 portant code minier, JO préc.
983
Voir article 77 de la loi n° 2016-32 du 8 novembre 2016 portant code minier, JO préc.
984
Voir article 33 de la loi n° 2016-32 du 8 novembre 2016 portant code minier, JO préc.

Page 294
Il s’est fait une conception économique de l’utilisation privative du domaine public. Ainsi,
il semble faire des richesses et ressources naturelles du sol et du sous-sol un domaine
d’exploitation par excellence. Les modes de gestion de ces dernières sont plus que révélateurs
d’une idée d’exploitation du domaine public. Le législateur ne s’est pas trompé sur la nature
éminemment économique de ces dépendances domaniale. C’est pourquoi il a renvoyé à des
législations spécifiques pour en assurer une meilleure gestion. L’idée est d’assurer au domaine
public une utilisation conforme à son objectif d’intérêt général et d’en tirer un meilleur profit
économique.

Au-delà de ces utilisations privatives par lesquelles l’État exploite la richesse que
constitue le domaine public, le législateur a reconnu aussi à l’État le pouvoir de recourir au
déclassement de certaines dépendances domaniales pour les mettre dans le circuit
économique.

B / Le recours au déclassement pour la valorisation du domaine public


maritime

Selon le législateur, « le déclassement a pour effet d’enlever à un immeuble son


caractère de domanialité publique […] 985 ». Cette disposition laisse apparaître que le
déclassement constitue un assouplissement des principes d’inaliénabilité et
d’imprescriptibilité986 en ce sens qu’il permet de soustraire un bien du domaine public pour
procéder à son aliénation. La reconnaissance de ce pouvoir à l’autorité domaniale n’est pas
seulement destinée à faire perdre à des biens du domaine public leur caractère de domanialité
publique, mais elle est aussi orientée vers une valorisation optimale de la richesse que
constituent les dépendances du domaine public naturel.

En effet, derrière cet assouplissement se trouve une volonté de rentabilisation des


dépendances domaniales à forte potentialité économique que la rigueur de la domanialité
publique ne favorise pas. Le déclassement devait jouer une fonction économique (1). Ce qui
ne correspond pas toujours à l’usage qui en est fait ; il sert beaucoup plus à satisfaire des
intérêts individuels (2).

985
Voir article 19, alinéa 1er de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JORS N°
4506 du 28 juillet 1976.
986
S. Duroy, « La sortie des biens du domaine public : le déclassement », AJDA, novembre 1997, p. 822.

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1. La fonction économique du déclassement

Le recours au déclassement de biens appartenant au domaine public devait servir à


valoriser certaines dépendances domaniales. Le législateur sénégalais a préconisé le
déclassement pour permettre à l’administration domaniale d’inscrire certains biens du
domaine public dans le circuit économique. À ce titre, il a retenu parmi les biens pouvant faire
l’objet d’un déclassement ceux du domaine public maritime, à savoir la zone de cent mètres
de large en bordure du rivage de la mer, la zone de vingt-cinq mètres de large en bordure des
rives des cours d’eau navigables ou flottables, lacs, étangs et mares permanentes et la zone de
dix mètres de large en bordure des rives des cours d’eau non navigables ni flottables987.

À l’analyse, il s’agit là d’un ensemble de biens économiquement rentables que le


régime de domanialité publique ne permet pas d’assurer une meilleure exploitation. En effet,
il faut préciser que l’incorporation de ces espaces, dites « des cinquante pas géométriques »,
dans le domaine public permet à l’État de contrôler leur utilisation mais aussi de les protéger
contre tout accaparement par une élite privilégiée au détriment de la collectivité. Les
« cinquante pas géométriques » représentent ainsi pour l’État une sorte de réserve à fort enjeu
économique : c’est la zone du littoral qui est constituée de « terrains nécessaires aux
équipements portuaires ou touristiques988 ». Mamadou Aliou Diallo écrit, à ce propos, qu’ « il
s’agit de zones très propices au développement d’activités rentables pour l’Etat. Toutes les
activités liées à la pêche, aux ports, mais surtout au tourisme et à l’immobilier de loisir
trouvent là l’espace le plus propice à leur évolution 989 ». Ce sont des zones hautement
convoitées, mais protégées par le régime de la domanialité publique. Ce dernier ne favorisant
pas une mise en valeur optimale de la richesse que constituent les pas géométriques, le
législateur a préconisé la possibilité pour l’administration de les déclasser afin d’en tirer un
plus grand profit.

Ainsi, dans le cas où, par exemple, un promoteur touristique envisage d’investir sur le
domaine public maritime, l’État peut recourir au déclassement. Ce dernier permettra de
soustraire la parcelle domaniale du régime protecteur de la domanialité publique et permettre
à l’État de l’immatriculer à son nom. Celui-ci pourra dès lors « établir un bail au profit du

987
Voir article 19, alinéa 3 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.
988
M. Cavérivière, M. Débène, Le droit foncier sénégalais, Paris, Berger-Levrault, 1988, p. 109.
989
M.A. Diallo, La difficile gestation d’un droit littoral au Sénégal, Thèse, UCAD, Dakar 2012, p. 97.

Page 296
promoteur touristique et lui permettre de disposer d’une garantie auprès des institutions
financières pour la construction de son réceptif hôtelier990 ».

Le recours au déclassement répond ainsi à un souci de rentabilisation des pas


géométriques qui semble impossible avec les règles de la domanialité publique. Il peut alors,
comme l’écrit Stéphane Duroy, « être considéré comme une technique de gestion et de
valorisation du domaine991 ». C’est dans ce cadre qu’il est possible, par exemple, de ranger le
déclassement de dépendances du domaine public fluvial au niveau du fleuve Sénégal pour la
réalisation d’un complexe hôtelier « Bois des Amoureux » à Saint-Louis du Sénégal992. Il en
est de même pour certains déclassements opérés au niveau de la corniche de Dakar 993. Enfin,
pour la promotion du tourisme au niveau de la Petite Côte, l’État a décidé de recourir au
déclassement de terrains des domaines publics maritime et fluvial situés à Pointe Sarène,
Mbodiène, Joal Finio, Toubacouta, Foundiougne, Fimela et Ndangane en vue de la réalisation
du projet d’aménagement de nouveaux sites prioritaires pour le tourisme par la société
d’aménagement et de promotion des côtes et zones touristiques du Sénégal (SAPCO
Sénégal)994.

Au regard des effets économiques et sociaux qu’engendrent la réalisation de ces


projets immobiliers, il est permis de retenir que c’est par un souci d’optimisation de
l’exploitation du domaine public maritime que le législateur sénégalais a institué la possibilité
de déclassement des pas géométriques. Cela contribue à la réalisation de réceptifs hôteliers et
touristiques le long du domaine public maritime. En retour, l’État tire des revenus au travers
les loyers payés par les bénéficiaires de baux.

990
Voir à ce propos A. Sine et B.-M. Ndoye, « Les procédures foncières et domaniales au Sénégal : les basiques
à maîtriser », Revue « L’IMPOT », N° 14, 3ème trimestre 2003, pp. 17-18.
991
S. Duroy, « La sortie des biens du domaine public : le déclassement », op.cit., p. 822.
992
Voir décret n° 81-574 du 23 mai 1981 déclarant d’utilité publique le projet de construction par la Société
touristique du Fleuve d’un hôtel de 50 chambres, déclassant les parties des domaines publics fluvial et forestier
nécessaires à sa réalisation et prescrivant leur immatriculation au nom de l’État et prononçant leur désaffectation,
JORS N° 4856 du 12 septembre 1981, p. 849.
993
Voir décret n° 2009-837 du 7 août 2009 prononçant le déclassement d’un terrain dépendant du domaine
public maritime situé aux Almadies, d’une contenance de 1 ha 13 a 33 ca, qui fait partie de l’assiette foncière du
complexte hôtelier dénommé « Méridien Président », prescrivant l’immatriculation au nom de l’État du Sénégal,
en vue de sa cession dans le cadre de la privatisation dudit hôtel, JORS N° 6502 du 12 décembre 2009, p. 1353.
994
Voir décret n° 2009-1417 en date du 23 décembre 2009 déclarant d’utilité publique le projet d’aménagement
de nouveaux sites prioritaires par la SAPCO Sénégal sur des terrains situés à Pointe Sarène, Mbodiène et Joal
Finio, pour une superficie de globale de 1.478 ha 35 a 10 ca et à Toubacouta, Foundiougne, Fimela et Ndangane,
pour une superficie globale de 575 ha 48 a 18 ca, prononçant le déclassement des dépendances du domaine
public maritime et du domaine public fluvial comprise dans l’assiette dudit projet, prononçant l’incorporation au
domaine national des dépendances déclassées du domaine public maritime et du domaine public fluvial et
prescrivant leur immatriculation au nom de l’État des terrains du domaine national situé sur l’assiette du projet,
JORS N° 6519 du 3 avril 2009, p. 346.

Page 297
Il faut, toutefois, remarquer que la brèche ainsi ouverte sur le principe d’inaliénabilité
contribue également à satisfaire des intérêts individuels égoïstes au détriment des projets
d’intérêt économique et d’utilité publique.

2. La fonction détournée du déclassement

L’État doit normalement recourir au déclassement pour permettre la réalisation de


projets d’intérêt économique ou d’utilité publique sur le domaine public maritime. C’est ce
que souligne les inspecteurs des impôts et domaines, Allé Sine et Baye Moussa Cissé, en
écrivant qu’ « à titre exceptionnel, pour des raisons d’intérêt général, le domaine public
maritime peut faire l’objet de droits réels au profit des particuliers (bail, titre foncier)995 ».
Cette assertion indique que la zone littorale peut être le siège de baux et de titres fonciers,
mais qui ne seront attribués aux particuliers que si et seulement si ceux-ci envisagent d’y
réaliser des projets profitables à la collectivité.

Cependant, il faut la constater pour la déplorer, la pratique domaniale est tout autre,
surtout au niveau de la Corniche Ouest et Est de Dakar. Les dépendances domaniales
déclassées sur cette partie du domaine public maritime servent souvent d’assiette à
l’édification d’installations à usage d’habitation. Le déclassement n’est point utilisé pour
servir à des projets d’utilité publique ou d’intérêt économique, mais plutôt pour satisfaire des
intérêts individuels. Cela se vérifie au regard de la formulation de certains décrets de
déclassement et de l’observation faite sur les installations édifiées sur les dépendances du
domaine public maritime.

En effet, la rédaction de certains décrets de déclassement est entourée d’un voile qui
cache la finalité de l’opération projetée. À la différence des décrets précités dans lesquels
l’autorité règlementaire précise le but du déclassement, à savoir la réalisation de complexes
hôteliers, plusieurs décrets se limitent à indiquer seulement que le déclassement est effectué
« en vue de l’attribution [de la dépendance domaniale concernée] par voie bail996 ». Cette

995
A. Sine et B.-M. Cissé, « Les procédures foncières et domaniales au Sénégal : les basiques à maîtriser »,
op.cit., p. 17.
996
Voir, par exemple, décret n° 2011-1481 du 14 septembre 2011 prononçant le déclassement et l’incorporation
dans le domaine national d’un terrain du domaine public maritime située à Dakar, Corniche Ouest, d’une
superficie de 1.500 mètres carrés environ, prescrivant l’immatriculation dudit terrain au nom de l’État du
Sénégal, en vue de son attribution par voie de bail, JORS N° 6640 du 21 janvier 2012, p. 148 ; décret n° 2012-
228 en date du 1er février 2012 prononçant le déclassement d’un terrain du domaine public des Almadies, d’une
superficie de 1ha 28a 36ca ; prescrivant l’immatriculation au nom de l’État, en vue de son attribution par voie de
bail, JORS N° 6665 du 26 mai 2012, p. 745 ; décret n° 2012-229 du 1er février 2012 prononçant le déclassement
d’une dépendance du domaine public maritime des Almadies, d’une superficie de 15.000 mètres carrés ;

Page 298
formule lapidaire qui constitue l’ossature des actes de déclassement, sans aucune autre
précision sur l’objet du bail, laisse subsister un doute sur la véritable justification de la sortie
du bien au domaine public. Sur le terrain, il s’avère que les déclassements opérés sur le
domaine public maritime ne donne pas toujours lieu à l’édification d’édifices hôteliers ou
d’équipements liés aux activités maritimes. Les constructions « pied dans l’eau » sont, à côtés
des hôtels, des immeubles à usage d’habitation, des complexes résidentiels, des cliniques, des
écoles privées, des parcs d’attraction et des clubs privés997.

Ces pratiques vident complètement le domaine public de sa vocation et trahissent


l’esprit du législateur. Celui-ci, en instituant la possibilité de déclasser les dépendances du
domaine public maritime, avait pour ambition de les inscrire dans une dynamique de
développement. Mais, l’administration domaniale se livre à un véritable détournement
d’objectifs, facilité par l’absence de procédure de déclassement propre au domaine public
(Voir supra, pp. 73 et s). Mamadou Aliou Diallo n’a pas manqué de souligner ces dérives des
autorités administratives en charge de la gestion du domaine public. Selon lui, la pratique des
pouvoirs publics consistant à octroyer dans la zone littorale des cents mètres des titres
d’occupation privative à usage d’habitation dénote un réel manque de conscience, de la part
de ces autorités, de l’affectation d’une quelconque mission de politique économique au
domaine public998. Le déclassement qui devait normalement permettre une exploitation plus
rentable des pas géométriques contribue plutôt à permettre à une élite de s’accaparer de
terrains destinés à l’utilité publique. Ainsi, le littoral devient ainsi « un lieu privilégié de
développement de l’habitat permanant et des activités de toutes natures999 ».

Il s’en suit que le déclassement comme outil d’exploitation économique du domaine


public est dénué de tout son sens par les pouvoirs publics. Ces derniers ont cédé à ce que
Jacqueline Morand-Deviller appelle « la tentation d’une politique du court terme insouciante
des conséquences néfastes pour les générations futures de ce qui pourrait être interprété
comme une dilapidation 1000 ». L’option ainsi imprimée au déclassement n’est guère

prescrivant l’immatriculation dudit terrain au nom de l’État du Sénégal, en vue de son attribution par voie de bail
à monsieur Sérigne Mouhamadou Mansour Sy, JORS N° 6665 du 26 mai 2012, p. 745.
997
Voir Aide Transparence, Le domaine public maritime de Dakar : élites, pouvoir et impunité, Etude réalisée
par Jacques Habib Sy, Mamadou Aliou Diallo et Papa Samba Kane, p. 18, disponibles sur :
www.keurvision.net/public/newsletter/nl20130131/DPM_JACQUES_H_SY.pdf, consulté le 25 mars 2014.
998
M.-A. Diallo, La difficile gestation d’un droit littoral sénégalais, op.cit., p. 62.
999
Aide Transparence, Le domaine public maritime de Dakar : élites, pouvoir et impunité, Etude réalisée par
Jacques Habib Sy, Mamadou Aliou Diallo et Papa Samba Kane, p. 52, préc.
1000
J. Morand-Deviller, « La valorisation économique du patrimoine public », in Mélanges en hommage à
Roland Drago, Economica, 1996, p. 278.

Page 299
pertinente : non seulement elle réduit considérablement la consistance du domaine public,
mais aussi elle ne profite à long terme qu’aux bénéficiaires des actes de déclassement.

Devant cette situation déplorable, il s’avère important de reconsidérer la politique de


déclassement en la trouvant « un meilleur allié dans une politique d’encouragement aux
investisseurs productifs avec appel aux initiatives privées1001 ». Autrement dit, il faut, en lieu
et place des déclassements excessifs, s’orienter vers des occupations privatives permettant une
valorisation optimale des dépendances occupées.

À travers l’ouverture du domaine public à des occupations privatives et la possibilité


de déclassement des biens du domaine public maritime, l’administration domaniale trouve ici
les moyens d’assurer une exploitation optimale du domaine public pour en tirer beaucoup plus
de profits. Elle ajoute à cela une rentabilisation de plus en plus étendue de l’usage collectif du
domaine public.

Paragraphe 2 : La rentabilisation de l’usage collectif du domaine public

En matière d’utilisation du domaine public, il est de principe que l’occupation


privative soit assortie du paiement d’une contrepartie financière et que l’utilisation collective
soit gratuite. Mais la pratique de la gestion domaniale a révélé que les autorités publiques
n’entendent plus faire des utilisations privatives la seule source des revenus domaniaux ;
l’usage commun lui aussi peut être source de profits1002. C’est dans cette perspective que le
principe de gratuité de l’utilisation collective du domaine public, notamment routier a connu
progressivement des atteintes allant du stationnement payant (A) au péage (B).

A / L’instauration du stationnement payant

La voie publique qui est destinée à la libre circulation des automobiles, sert également
au stationnement de ces derniers. En effet, la liberté de circuler inclut la liberté de
stationner1003, car, comme l’indiquait le commissaire du gouvernement Rivet, « on ne circule
pas pour circuler mais pour arriver et pour s’arrêter 1004 ». Ainsi, par définition, « le
stationnement s’oppose à la circulation et désigne l’état d’immobilité d’un véhicule sur la

1001
J. Morand-Deviller, « La valorisation économique du patrimoine public », op.cit., p. 278.
1002
C. Teitgen-Colly, « Le principe de gratuité de la circulation », RDP, 1982, p.1082.
1003
M. Boubay-Pagès, « Le stationnement payant sur voirie », RFDA, 1996, n° 3, p. 38.
1004
Voir concl. Rivet sur CE, 18 mai 1928, Laurens, S. 1929. 3. 57.

Page 300
voie publique1005 ». Il fait partie de l’usage normal du domaine public routier, mais qui, de par
sa nature, peut se contrarier à la liberté de circuler. L’immobilisation des automobiles sur la
voie publique peut, en effet, entraîner des difficultés de circulation lorsqu’il n’est pas encadré.

C’est pourquoi, le stationnement, en application du code de la route, n’est admis que


lorsqu’il n’est pas abusif. Ainsi, il appartient aux autorités de police de le règlementer 1006. Au
titre de cette mission, l’autorité de police est chargée d’interdire les stationnements abusifs, de
déterminer les limites respectives du stationnement licite et du stationnement prohibé pour
assurer la facilité ou la sécurité de la circulation 1007 . Elle peut également, dans le cas où
l’immobilisation du véhicule excède l’utilisation normale de la voie publique, soumettre le
stationnement au versement d’une contrepartie financière.

Cette règlementation renvoie à ce que l’on appelle le stationnement payant sur voirie.
Ce dernier se définit comme « l’obligation faite aux usagers d’acquitter des droits lorsque
cette utilisation de la voirie excède l’usage collectif normal du domaine public1008 ». Il s’agit
d’un mode d’utilisation collective du domaine public qui permet à la collectivité publique
d’en percevoir une contrepartie financière.

Au regard de la législation en vigueur, le stationnement payant trouve son fondement


juridique aussi bien dans les dispositions du code général des collectivités territotiales que
dans celles de la partie règlementaire du code de la route. En effet, le décret n° 2004-13 du 19
janvier 2004 fixant les règles d’application de la loi n° 2002-30 du 24 décembre 2002 du code
de la route dispose que « les dispositions du présent décret ne font pas obstacle au droit
conféré par les lois et règlements aux préfets et aux maires de prescrire dans les limites de
leurs pouvoirs et lorsque l’intérêt de la sécurité ou de l’ordre public l’exige, des mesures plus
rigoureuses que celles édictées par le présent décret1009 ». De son côté, la loi n° 2013-10 du
28 décembre 2013 retient que le maire « peut, moyennant le paiement de droits fixés par un
tarif dûment établi, donner des permis de stationnement ou des dépôts temporaires sur la voie

1005
J.-M. Auby, « La règlementation administrative du stationnement des véhicules automobiles sur les voies
publiques », Dalloz, 1962, p. 83.
1006
Voir article 121, alinéa 1 de la loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 portant code général des collectivités
territoriales, JORS N° 6765 du 28 décembre 2013 ; article 140 Décret n° 2004-13 du 19 janvier 2004 fixant les
règles d’application de la loi n° 2002-30 du 24 décembre 2002 du code de la route, JORS N° 6151 du 6 mars
2004.
1007
J.-M. Auby, « La règlementation administrative du stationnement des véhicules automobiles sur les voies
publiques », op.cit., p. 86.
1008
M. Boubay-Pagès, « Le stationnement payant sur voirie », op.cit., p. 38.
1009
Voir article 140 du décret n° 2004-13 du 19 janvier 2004 fixant les règles d’application de la loi n° 2002-30
du 24 décembre 2002 du code de la route, JO préc.

Page 301
publique (…), sous réserve que cette attribution puisse avoir lieu sans gêner la voie publique
(…) et la circulation1010 ». La lecture combinée de ces dispositions montre que les autorités de
police peuvent, pour les exigences de la circulation routière, soumettre les usagers à des
prescriptions autres que la fixation de limites au stationnement ou sa prohibition. En effet,
elles peuvent aller jusqu’à assujettir le stationnement au paiement d’une contrepartie
financière, c'est-à-dire le soumettre à un régime analogue à celui de l’usage privatif du
domaine public auquel renvoie l’article 121 du code général des collectivités territoriales
précitées.

Cette prescription se justifie par le fait que le stationnement qui constitue un mode
d’utilisation collective du domaine public, se présente comme une occupation de la voie
publique dans les limites excédant le droit d’usage qui appartient à tous sur ce domaine. Il
apparaît comme un usage exclusif, privilégié de la voie publique que Michèle Boubay-Pagès
considère comme suffisant pour en « faire un usage anormal du domaine public1011 ». Dès
lors, une telle occupation qui représente une menace pour la libre circulation routière se voit
soumise au paiement de droits.

L’institution du stationnement payant s’inscrit ainsi dans une logique de régulation de


la circulation routière. En effet, dans les grands centres urbains où la circulation connaît des
difficultés majeures, les autorités de police municipale cherchent à « […] instaurer des
disciplines collectives et sévères de stationnement et de circulation […]1012 ». C’est à ce titre
qu’elles instaurent des zones de stationnement assorties de contreparties financières, qui
peuvent être des constructions en sous-sol de parcs de stationnement, des aménagements de
parcs de stationnement en surface, des places de stationnement le long des trottoirs.

L’objectif recherché est d’assurer la préservation de la libre circulation sur la voirie.


Car, comme l’écrit le professeur Jean-François Denoyer, « le stationnement payant a
l’avantage d’améliorer l’esthétique urbaine et de substituer l’ordre à l’anarchie : les places
étant délimitées, les voitures ne serrent plus pare-chocs contre pare-chocs, les piétons
peuvent circuler plus librement, les camions peuvent se ranger pour effectuer leurs
livraisons1013 ». D’ailleurs, le Conseil d’État français, pour justifier la légalité de l’institution
du stationnement payant le long des trottoirs, a retenu que c’est « en vue de réaliser un effet

1010
Voir article 121, alinéa 1 de la loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 portant code général des collectivités
territoriales, JO préc.
1011
M. Boubay-Pagès, « Le stationnement payant sur voirie », op.cit., p. 42.
1012
J.-F. Denoyer, L’exploitation du domaine public, Thèse, Paris, 1969, p. 85.
1013
Idem.

Page 302
de dissuasion1014 » sur la circulation automobile. En effet, il s’agit d’une pratique qui « permet
de libérer de manière régulière les places de stationnement et d’assurer ainsi une rotation
rapide des véhicules 1015 ». Donc, l’exigence de droits de stationnement vise à limiter le
stationnement anormal et à maintenir le bon ordre sur les voies publiques.

Cependant, force est de reconnaître que même si « l’institution du stationnement


payant ne saurait avoir un objet financier 1016 » ou « n’est pas commandée par des
préoccupations purement financières 1017 », il est indéniable qu’elle procure des recettes
supplémentaires aux collectivités publiques. En effet, l’utilisation des zones de stationnement
payant donne lieu au paiement de droits fixés par un tarif dûment établi par la collectivité
publique. L’autorité de police en règlementant ainsi l’utilisation collective de la voie publique
permet à la collective publique de se faire des revenus. Celle-ci perçoit des recettes sur les
permis de stationnement des automobiles sur la voie publique.

Dès lors, le stationnement payant porte atteinte au principe de la gratuité de


l’utilisation collective du domaine public en rendant onéreux un usage commun de la voie
publique. Il génère, au même titre que les occupations privatives, des recettes pour les
collectivités publiques. À titre d’exemple, le Conseil municipal de la commune de Dakar-
Plateau a, par une délibération, fixé le taux de la taxe pour les permis de stationnement des
véhicules sur la voie publique par année et par mètre linéaire à vingt cinq mille francs (25.000
frs), et à cinquante mille francs (50.000 frs) pour les réservations de stationnement
respectivement hors zone de péage et en zone de péage 1018 . Ces tarifs et leur mode de
détermination montrent que le stationnement payant entraîne des rentrées financières non
moins importantes pour les collectivités publiques.

Il faut, toutefois, noter que dans la pratique, beaucoup de ressources financières


échappent aux communes des centres villes. En effet, il y a une floraison de parcs de
stationnement « clandestin » le long des trottoirs qui sont contrôlés par de simples particuliers.
Ces derniers qui assujettissent les automobilistes à des taxes de chargement, se font
énormément d’argent. Pourtant, les « garages » qu’ils se créent occasionnent souvent des
stationnements anarchiques, entraînant une paralysie de la libre circulation routière. Toutes

1014
Voir CE, 26 février 1969, Fédération nationale des clubs automobiles de France, Rec. Leb. p. 121.
1015
M. Boubay-Pagès, « Le stationnement payant sur voirie », op.cit., p. 38.
1016
Idem.
1017
J.-M. Auby, « La règlementation administrative du stationnement des véhicules automobiles sur les voies
publiques », op.cit., p. 87.
1018
Voir article 1 de la délibération fixant les taux de stationnement des véhicules sur la voie publique,
Commune de Dakar-Plateau, Dakar, le 30 décembre 2014, non publié.

Page 303
choses qui font que les autorités de police doivent reprendre en main leurs attributions et
organiser ces zones de stationnement « clandestin ». Cela contribuerait non seulement à
limiter les gênes à la fluidité de la circulation, mais aussi à capter les sommes perçues par les
gérants de ces garages et à fournir des revenus supplémentaires aux collectivités.

À côté du stationnement payant, le principe de la gratuité de l’utilisation collective du


domaine public se voit également limiter par le péage.

B / L’avènement du péage autoroutier

Le domaine public routier est affecté à la libre circulation des automobiles. Celle-ci
constitue, en effet, l’utilisation conforme à la destination de ce domaine à l’usage du public.
Ainsi, en tant qu’utilisation collective et anonyme du domaine public, la circulation routière
est soumise à un « régime de liberté (qui) implique la gratuité1019 ». En effet, cette corrélation
entre les principes de liberté et de gratuité a longtemps été soutenue par le professeur Marcel
Waline qui affirmait que « l’usage du domaine public lorsqu’il est libre est par là même
gratuit1020 ». Ainsi, le principe de gratuité constitue avec la liberté et l’égalité « l’un des trois
principes régissant la circulation sur les voies publiques1021 ».

Mais, en partant de l’idée « qu’il n’existe pas de principe général de gratuité1022 », la


gratuité de la circulation routière n’a pas de portée absolue. Au Sénégal, elle a fait l’objet
d’une remise en cause à partir des années 2000 avec l’avènement des autoroutes.

En effet, les pouvoirs publics sénégalais se sont résolus à doter le pays « d’importants
projets d’infrastructures structurantes (…) destinées à satisfaire les besoins des populations
en matière de mobilité urbaine et interurbaine 1023 ». C’est dans ce cadre que le projet
d’autoroute Dakar-Diamniadio a été initié pour faciliter les entrées et sorties dans la capitale
sénégalaise. Pour édifier cette importante infrastructure routière, les autorités publiques ont
pris l’option d’en faire une « autoroute à péage1024 ». Autrement dit, il s’est agi de réaliser une

1019
C. Teitgen-Colly, « Le principe de gratuité de la circulation », op.cit., p.1081.
1020
M. Waline, Droit administratif, 8e éd., Paris, Sirey, 1959, p. 874.
1021
Ph. Godfrin et M. Dégoff, Droit administratif des biens, 7e éd., Paris, Armand Collin, 2007, p. 55.
1022
Y. Gaudemet, « La gratuité du domaine public », in Mélanges en l’honneur de P.-M. Gaudemet, Economica,
1984, p. 1023.
1023
Voir Exposé des motifs de la loi n° 2014-09 du 20 février 2014 relative aux contrats de partenariat, JORS N°
6781 du 25 mars 2014.
1024
Voir Exposé préalable de la Convention de concession pour la conception, le financement, la construction,
l’exploitation et l’entretien de l’autoroute à péage entre Patte d’Oie et Diamniadio du 2 juillet 2009, JORS N°
6487 du 5 septembre 2009.

Page 304
autoroute pour laquelle la circulation ne sera pas gratuite ; les usagers seront tenus de
s’acquitter d’un péage pour emprunter l’ouvrage.

Cela a été matérialisé dans la convention de concession de construction de l’autoroute


où il est clairement indiqué que le Titulaire, à savoir le concessionnaire, chargé de la
construction, de l’exploitation et de l’entretien de l’autoroute « […] perçoit en contrepartie
les péages sur les usagers […] 1025 ». Il apparaît ainsi que les autorités sénégalaises ont
autorisé le concessionnaire à percevoir des péages sur les automobiles circulant sur
l’autoroute. En conséquence, elles procèdent à la mise en place du péage sur les voies
publiques et rendent la circulation sur l’autoroute coûteuse pour l’usager.

L’atteinte au principe de gratuité de la circulation routière trouve ici sa justification sur


l’importance de l’investissement. Il s’agit, en effet, d’une dépendance domaniale dont la
réalisation a nécessité la mobilisation de ressources financières considérables faisant que
l’État s’est lié avec un partenaire privé pour sa construction. Au regard de ce poids financier
et de la modalité d’exploitation de cette autoroute, à savoir une gestion déléguée et non une
gestion en régie, il est concevable que les usagers de cet ouvrage soient tenus de s’acquitter
d’un droit d’utilisation.

La perception de péages s’inscrit ici dans la collecte de fonds destinés à assurer la


couverture totale des dépenses liées à la construction, à l’exploitation et à l’entretien de
l’infrastructure autoroutière. D’ailleurs, en droit français où le péage a été admis depuis les
années 1950 1026 , ce sont « les nécessités de la construction et de l’entretien des voies
publiques1027 » que le législateur a retenu comme les justifications de l’institution de cette
exception au principe de gratuité 1028 . Ce dispositif a été confirmé par le Conseil d’Etat
français qui a retenu que « le péage autoroutier ne doit pas servir à financer des activités
étrangères à l’exploitation de l’autoroute1029 ».

Les autorités sénégalaises s’inscrivent donc dans cette perspective en instituant le


péage autoroutier. L’admission de cette limite à la gratuité de la circulation autoroutière leur
permet ainsi de faire participer les usagers « […] au financement des équipements publics

1025
Voir Tite I, 2. de la Convention de concession pour la conception, le financement, la construction,
l’exploitation et l’entretien de l’autoroute à péage entre Patte d’Oie et Diamniadio du 2 juillet 2009, JO préc.
1026
Voir loi n° 55-453 du 18 avril 1955 portant statut des autoroutes, JORF du 20 avril 1955, p. 4023.
1027
C. Teitgen-Colly, « Le principe de gratuité de la circulation », op.cit., p. 1082.
1028
Voir article L. 122-4, alinéa 2 de la loi n° 89-413 du 22 juin 1989 portant code de la voirie routière, version
consolidée du 3 mars 2016, dispoible sur : www.legifrance.gouv.fr, consulté le 9 mars 2016.
1029
Voir CE, 30 octobre 1996, Mme Wajs et Monnier, AJDA, 1996, p. 973.

Page 305
routiers les plus importants, ceux qui sont les plus lourds pour le budget de l’État 1030 ».
L’État y a donc trouvé un moyen « […] de faire financer et gérer un investissement par les
intéressés eux-mêmes 1031 ». Dès lors, l’utilisation collective du domaine commence à
rapporter des revenus aux pouvoirs publics au même titre que les occupations privatives. Sa
mise en place répond donc à des préoccupations purement financières.

Il convient de préciser que la mise en place du péage se limite pour le moment aux
autoroutes. Elle n’est pas encore appliquée aux ouvrages d’art, à savoir par exemple les ponts
et tunnels, comme c’est le cas en droit français1032. Si cela peut se comprendre par la faiblesse
de tels ouvrages dans le patrimoine infrastructurel du Sénégal, il n’est pas exclu que cela
puisse voir le jour dans un horizon plus ou moins lointain. En effet, les autorités sénégalaises
se sont fixées comme objectif dans le cadre du Plan Sénégal Emergent (PSE) de doter le pays
d’au « moins sept (07) ponts et ouvrages d’art1033 ». À la lumière de ce qui existe pour les
autoroutes, il peut être envisageable d’assister à un moment donné à une mise en place du
péage pour utilisation des ouvrages d’art.

Il est alors nécessaire pour les pouvoirs publics de prendre les devants et aller dans le sens
de l’élaboration d’une législation relative à la limitation de la gratuité de la circulation dans
certaines infrastructures. D’ailleurs, le péage en cours sur l’autoroute ne procède que de la
convention de concession pour la réalisation de cette infrastructure autoroutière. Il n’y a pas
encore dans le dispositif juridique actuel un texte législatif ou règlementaire relatif au péage.
Or, pour une « exception [aussi] importante à la gratuité1034 », il est fort souhaitable d’avoir
une législation qui l’encadre en lieu et place de son institution au cas par cas par les
dipsositions contratractuelles. Le cadre général doit pouvoir être déterminé par un texte
législatif ou règlementaire, et laisser le soin aux stipulations contractuelles de préciser les
modalités d’application.

Au total, il résulte de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État
un certain nombre de dispositions qui militent en faveur d’une productivité du domaine
public. Le législateur, après avoir affirmé la propriété de l’État sur le domaine public, a mis à

1030
C. Teitgen-Colly, « Le principe de gratuité de la circulation », op.cit., 1982, p.1083.
1031
J.-F. Denoyer, L’exploitation du domaine public, Thèse, Paris, LGDJ, 1967, p. 83.
1032
Voir loi n° 79-591 du 12 juillet 1979 relative aux ouvrages d’art, JORF du 13 juillet 1979, p. 1822.
1033
Voir chapitre IV, 4.3. du Plan Sénégal Émergent, février 2014, p. 96, [en ligne], disponible sur :
www.gouv.sn/IMG/pdf/PSE.pdf, consulté le 9 mars 2016.
1034
G. Peiser, Droit administratif des biens, 20e éd., Paris, Dalloz, 2010, p. 55.

Page 306
sa disposition des outils juridiques permettant d’opérer la rentabilisation de l’ensemble de
richesses que constituent les dépendances domaniales.

C’est dans cette perspective que les bases posées par le code de 1976 vont connaître,
depuis quelques temps, des compléments et des améliorations pour mieux asseoir la mise en
valeur du domaine public.

Page 307
CHAPITRE 2 :

L’AMÉLIORATION PROGRESSIVE DE LA GESTION


PATRIMONIALE

La loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État qui a jeté les bases
d’une conception économique du domaine public a été progessivement enrichie par d’autres
textes. Différentes réformes sectorielles ont été entreprises dans le sens d’une amélioration
des règles de gestion des dépendances domaniales d’une part, et, d’une augmentation des
revenus perçus sur lesdites dépendances d’autre part.

Dans la première situation, des textes particuliers ont cherché à équilibrer la relation
partenariale entre l’État et les occupants privatifs du domaine public. Ils ont cherché à juguler
la rigidité des régles domaniales contenues dans le code du domaine de l’État qui se sont
révélées peu favorables à un partenariat équilibré entre ces acteurs domaniaux et peu propices
à une productivité du domaine. Dans la deuxième situation, il s’est agi pour l’État de corriger
la faiblesse des revenus tirés du domaine public. Il a cherché à rentabiliser davantage
l’utilisation dudit domaine en corrigeant les insuffisances de la tarification de la redevance
domaniale pour usage privatif.

Au regard de ces considérations, nous proposons d’envisager en premier lieu


l’allègement tendantiel des modalités d’exploitation du domaine public (Section 1) et en
second lieu l’effort d’accroissement de la productivité des dépendances domaniales (Section
2).

Section 1 : L’allègement tendantiel des modalités d’exploitation du domaine


public

Face au besoin pressant d’infrastructures sur certaines dépendances domaniales,


comme les domaines publics routier, ferroviaire, portuaire et aéroportuaire, et de
l’exploitation des richesses du sol et du sous-sol, les pouvoirs publics sénégalais ont senti la
nécessité d’atténuer la lourdeur des règles domaniales qui bloquent le développement des
investissements. Ils ont ainsi cherché à modifier le cadre juridique de l’occupation privative
du domaine public afin d’attirer les investisseurs. Ce qui s’est traduit par un renforcement
sectoriel de la sécurité juridique d’occupants privatifs (Paragraphe 1) et par une
diversification des procédés de gestion du domaine public (Paragraphe 2).

Page 308
Paragraphe 1 : Le renforcement sectoriel de la sécurité juridique des
occupants privatifs

La sécurité juridique qui est un principe général du droit communautaire1035 fait l’objet
d’une application dans les domaines variés du droit. Étant invoquée dans la perspective d’une
amélioration rédactionnelle de la norme1036, elle renvoie à l’existence de normes juridiques
précises, claires, intelligibles et dont l’application est prévisible, c’est-à-dire un droit qui tend
vers l’accessibilité, la stabilité et la prévisibilité. Ainsi, la sécurité juridique désigne
l’exigence d’un développement continu et maîtrisé des normes juridiques, conciliant leur
nécessaire mutabilité avec un impératif de stabilité1037. En droit des affaires, elle appelle «
l’édiction de règles modernes, simples, adaptées à l’environnement des affaires, stables et
prévisibles1038 ». Autrement dit, il s’agit de l’existence de règles juridiques qui favorisent la
réalisation durable et effective de projets par les sujets de droit et qui les protègent contre les
effets pervers du droit. Il s’agit donc

En matière d’occupations privatives du domaine public, les principes protecteurs dudit


domaine, notamment l’inaliénabilité, ne garantissent pas suffisamment cette sécurité juridique
aux investisseurs avec les caractères personnel, précaire et révocable de leurs titres
d’occupation privative. Ces traits caractéristiques se traduisent en grande partie par une
instabilité de l’occupation privative du domaine public. Or, les opérateurs privés qui
s’installent sur ledit domaine ont besoin d’activités stables et durables pour pouvoir fructufier
leurs investissements. C’est pour aller dans ce sens que les pouvoirs publics ont jugé opportun
de stabiliser la situation juridique de certains occupants privatifs (A) et de leur reconnaitre des
droits protégeant leur situation (B) afin de favoriser le développement des activités
économiques sur les dépendances domaniales.

A / La stabilisation de la situation juridique d’occupants privatifs

Le régime des autorisations d’occupation temporaire du domaine public se


particularise par une durée relativement courte (Voir infra p. 417 et s). Cette caractéristique

1035
CJCE, 6 février 1962, Bosch, 13/61, Rec. 89
1036
Conseil d’État, De la sécurité juridique, Rapport public pour 1991, E.D.C.E., La documentation française.
1037
Jean-Marc Sauvé, Intervention lors du Colloque portant sur « L’entreprise et la sécurité juridique », organisé
par la Société de législation comparée au Conseil d’État le vendredi 21 novembre 2014, https://www.conseil-
etat.fr/actualites/discours-et-interventions/l-entreprise-et-la-securite-juridique.
1038
P.-T. Fall, Sécurité des investissements et cohérence de l’ordre juridique : la problématique de l’application
des normes OHADA dans l’ordre interne, Éditions Universitaires Européennes, Saarbbrücken/Allemagne, 2013,
p. 17.

Page 309
connaît des aménagements pour les occupations privatives nécessitant la réalisation
d’investissements lourds.

Les pouvoirs publics ont retenu pour ces occupations des titres d’occupation incitatifs à
l’investissement. Ils ont établi des autorisations d’occuper de longue durée (1) et
reconnaissent un droit au renouvellement de l’autorisation d’occuper à certains occupants
privatifs (2).

1. L’établissement de titres d’occupation de longue durée

La loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État a ouvert une brèche
par laquelle elle autorise le recours à des titres d’occuper plus aptes à favoriser l’exploitation
de certaines dépendances domaniales. En effet, elle prévoit la possiblité pour l’État
d’autoriser des occupations privatives du domaine public sur la base de « concessions et
autorisations d’exploitation1039 ». Ces titres d’occuper sont sollicités par les opérateurs privés
lorsqu’ils envisagent de réaliser des investissements importants sur le domaine public ou
lorsque l’activité qu’ils comptent mener sur ledit domaine requiert une longue durée
d’occupation 1040 . C’est au regard de cet objet que les autorisations contractuelles sont
accordées pour des durées relativement longues.

Cela s’est matérialisé au niveau des législations minière et pétrolière. Ces textes ont retenu
des autorisations d’occupation privative qui s’inscrivent pour l’essentiel dans la durée.

Concernant l’exploitation des substances minérales, le code minier prévoit que « nul ne
peut entreprendre ou conduire une activité régie par la législation minière en vigueur au
Sénégal, sans avoir au préalable obtenu un titre minier dans les conditions fixées par cette
législation1041 ». Il en découle que c’est le titre minier qui constitue le titre juridique donnant
droit à lexploitation des substances minérales.

À l’analyse du code minier, le titre minier d’exploitation prend la forme d’un permis
d’exploitation minière. Selon le législateur, « le permis d’exploitation minière est délivré par
décret, pour une période minimum de cinq (05) ans n’excédant pas vingt (20) ans,
renouvelable. La durée de validité du permis d’exploitation minière est fixée suivant

1039
Voir article 16 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.
1040
P. Gonod, f. Melleray, Ph. Yolka, Traité de droit administratif, tome 2, Paris, Dalloz, 2011, p. 322.
1041
Voir article 6 de la loi n° 2016-32 du 8 novembre 2016 portant code minier, JORS N° 6974 du 24 novembre
2016.

Page 310
l’importance des réserves prouvées mises en évidence dans une étude de faisabilité et des
investissements nécessaires pour le développement de l’exploitation1042 ». Cette disposition
renseigne à suffisance de la volonté du législateur d’offrir à l’exploitant minier une certaine
stabilité.

Le mode de fixation de la durée de l’occupation prend en compte non seulement les


intérêts de l’exploitant, mais aussi ceux de l’État. Il s’agit d’une durée qui repose sur des
bases claires, à savoir l’importance des réserves à exploiter et celle des investissements
nécessaires à l’exploitation. Cette détermination de la durée de l’occupation emporte une
double conséquence. D’une part, cela permet à l’autorité domaniale de ne pas délivrer des
permis d’exploitation minière d’une durée anormalement longue puisque non justifiés par les
substances à exploiter et l’investissement réalisé. D’autre part, cela évite à l’État d’octroyer
des titres miniers d’une durée courte par rapport à la quantité de substances à extraire et le
poids de l’investissement de l’exploitant minier.

Ainsi, le bénéficiaire d’un permis d’exploitation minière peut s’assurer de disposer d’une
autorisation d’occuper d’une durée adaptée à son investissement. Le législateur laisse
clairement apparaître que la fixation de la durée du permis d’exploitation doit être faite de
façon à permettre à l’exploitant d’avoir un retour sur investissement.

Le même constat se décline également dans le cadre de l’exploitation des hydrocarbures


liquides ou gazeux. En effet, il ressort du code pétrolier que les gisements d’hydrocarbures ne
peuvent être exploités qu’en vertu soit d’une autorisation d’exploitation provisoire, soit d’une
concession1043. Cette dernière constitue dès lors le titre juridique donnant droit à l’exploitation
définitive d’hydrocarbures. C’est le titre qui permet au concessionnaire, en cas de découverte
commerciale, d’exploiter le gaz ou le pétrole dans le périmètre qui lui est octroyé.

Relativement à sa durée, le législateur dispose que « la concession d’exploitation


d’hydrocarbures est octroyée au titulaire pour une durée ne pouvant excéder vingt-cinq ans.
Toutefois la durée de validité de cette concession peut être prorogée par décret pour une une
période maximale de dix ans, renouvelabe une fois, selon les conditions fixées dans la
convention, si le titualire justifie qu’une production commerciale est encore possible à
l’expiration de la période initiale, ou, le cas échéant, à l’expiration de la première période de

1042
Voir article 24 de la loi n° 2016-32 du 8 novembre 2016 portant code minier, JO préc.
1043
Voir article 23 de la loi n° 98-05 du 8 janvier 1998 portant code pétrolier, JO préc.

Page 311
renouvellement1044 ». Il ressort de cette disposition que la concession d’exploitation pétrolière
est d’une durée minimale de 25 ans et peut atteindre au maximum une durée de 45 ans. Ces
délais consacrés par le code pétrolier dénotent la recherche d’une situation juridique stable
pour les compagnies pétrolières. Le législateur retient là une durée qui s’avère suffisante à la
rentabilisation des investissements nécessaires à l’exploitation des hydrocarbures liquides ou
gazeux.

Ainsi, le choix de la concession comme régime d’exploitation des hydrocarbures tient à la


stabilité que le législateur compte accorder aux investisseurs. En effet, le procédé de la
concession constitue un régime contractuel garantissant la stabilité du promoteur et
l’amortissement de son investissement 1045 . Il comporte toujours une période suffisamment
longue pour permettre à l’investisseur de pouvoir fructifier son investissement. Le choix porté
par le législateur sur ce régime répond donc à une logique d’offrir aux acteurs de l’industrie
des hydrocarbures un titre juridique attrayant et capable de favoriser le développement des
investissements pétroliers.

La logique de stabilisation de l’occupation privative semble également avoir inspiré


les autorités portuaires. Ces dernières ont décidé de modifier le temps d’installation sur les
dépendances domaniales portuaires en rallongeant la durée des autorisations d’occuper. En
effet, le domaine public portuaire qui renvoie aux ports maritimes et fluviaux avec leurs
dépendances1046 est « un lieu aménagé pour accueillir les navires, leurs passagers et leurs
cargaisons1047 ». Autrement dit, il s’agit d’une superficie de terrain et d’eau comportant des
aménagements et des installations qui permettent la réception des passagers, le chargement et
le déchargement des marchandises destinées à être stockées ou acheminées par voie terrestre,
et les activités d’entreprises liées au transport maritime1048.

Il résulte de cette définition que le domaine public portuaire a un besoin constant


d’infrastructures nécessaires à la correcte prise en charge du rôle qui est le sien. Or, comme le
souligne Khalifa Ababacar Kane, « les autorités portuaires n’ont pas les moyens de

1044
Voir article 27 de la loi n° 98-05 du 8 janvier 1998 portant code pétrolier, JO préc.
1045
A. Zejjari, « Levée d’un obstacle juridique à l’investissement sur le domaine public : l’apport de la loi 17-
98 », L’Economiste, décembre 1999, p. 1, [en ligne], disponible sur : www.maghress.com/fr/leconomiste/27358,
consulté le 31 mars 2015.
1046
Voir article 6. b) de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JORS N° 4506 du 28
juillet 1976.
1047
Voir article 10 de la loi n° 2002-22 du 16 août 2002 portant code de la marine marchande du Sénégal, JORS
N° 6060 du 17 août 2002.
1048
G. Gueguen-Hallouet, L’application du droit communautaire aux ports maritimes, Thèse, Brest, 1999, p. 19.

Page 312
rentabiliser seules le domaine public portuaire, elles ont grandement besoin des
investisseurs1049 ». Ce qui signifie que les infrastructures nécessaires au développement de
l’activité portuaire doivent être installées par les opérateurs privés.

Il reste que la convention portant autorisation d’occuper le domaine public portuaire


comportait un certain nombre d’obstacles juridiques au développement des investissements
sur ledit domaine. C’est le constat que fait le législateur en 1992 en affirmant que « la
délivrance des autorisations d’occupation temporaire pour l’installation des équipements
nécessaires au développement de l’activité portuaire s’opère en effet dans des conditions trop
1050
restrictives ». Parmi ces obstacles juridiques figure en premier lieu la durée de
l’autorisation d’occuper. En effet, le législateur relève que « la durée de l’autorisation (9 ans)
est trop courte pour permettre l’amortissement des investissements dans des conditions
financièrement satisfaisantes1051 ». Il apparaît ainsi que la période de 9 ans qui représente le
temps d’installation et d’exploitation d’équipements portuaires constitue un frein au
développement des investissements à l’intrieur du port. Elle constitue une condition non
incitative à la réalisation d’investissements sur le domaine public portuaire.

Face à la volonté des autorités portuaires d’entreprendre la réalisation de grands


projets portuaires à travers « les chantiers du futur »1052, les pouvoirs publics ont fait adopter
une modification majeure de la loi n° 87-28 du 18 août 1987 autorisant la création de la
Société nationale du Port Autonome de Dakar. Cette réforme a essentiellement consisté à
compléter la loi de 1987 par des dispositions qui visent, entre autres, à remédier à l’instabilité
à laquelle les occupants privatifs sont confrontés. Elle a procédé à un rallongement de la durée
d’occupation des dépendances portuaires. En effet, la loi de 1992 retient que les autorisations
d’occuper sont consenties pour « une durée au plus égale à 25 ans1053 ». Cette disposition qui
fait passer la durée du titre d’occuper de 9 à 25 ans opère une stabilisation significative du
temps d’installation des opérateurs économiques sur le domaine portuaire.

1049
Kh.-A. Kane, Droit portuaire en Afrique, Aspects juridiques de la gestion et de l’exploitation portuaire au
Sénégal, L’Harmattan, 2012, p. 211.
1050
Voir Exposé des motifs de la loi n° 92-63 du 22 décembre 1992 modifiant l’article 3 de la loi du 18 août
1987 autorisant la création de la Société Nationale du Port Autonome de Dakar, JORS N° 5505 du 30 janvier
1993.
1051
Voir Exposé des motifs de la loi n° 92-63 du 22 décembre 1992 modifiant l’article 3 de la loi du 18 août
1987 autorisant la création de la Société Nationale du Port Autonome de Dakar, JO préc.
1052
M.-L. Diatta, M. Guèye, I. Sané, « Port Autonome de Dakar : un pôle de compétitivité et d’intégration sous
régionale », Le Soleil, Etude n° 6, mars 2007, p. 7.
1053
Voir article premier de la loi n° 92-63 du 22 décembre 1992 modifiant l’article 3 de la loi du 18 août 1987
autorisant la création de la Société Nationale du Port Autonome de Dakar, JORS N° 5505 du 30 janvier 1993.

Page 313
La réforme de la durée des occupations temporaires des dépendances du domaine
portuaire a permis de juguler un frein au développement des investissements à l’intérieur
dudit domaine. Elle a réussi à trouver un remède à l’insatbilité qui caractérisait les
occupations privatives. Désormais, l’entreprise qui est titulaire d’une autorisation d’occuper le
domaine public portuaire dispose d’un temps pendant lequel il peut financer son activité,
l’exploiter convenablement et amortir son investissement 1054 . Donc, la durée légalement
retenue est de nature à inciter les entreprises portuaires à venir s’installer sur le domaine
public portuaire.

Il ressort de ces textes que le recours aux autorisations contractuelles répond à une volonté
d’occorder une stabilité à l’occupant privarif. Les pouvoirs publics ont cherché à satisfaire à
l’exigence de sécurité économique et financière indispensable aux investissements, à savoir la
durée1055. En effet, l’opérateur privé titulaire d’une convention domaniale dispose d’un temps
d’occupation normalement suffisant pour pouvoir amortir son investissement dans des
conditions financières satisfaisantes. La durée d’occupation est fixée en fonction de
l’importance des investissements à réaliser sur le domaine public. Ce qui permet au titulaire
de la convention domaniale de bien rentabiliser son opération domaniale. La stabilisation de
l’occupation privative dans la durée est renforcée par la reconnaissance d’un droit au
renouvellement du titre d’occuper.

2. La reconnaissance d’un droit au renouvellement du titre d’occuper

La précarité qui résulte de l’inaliénabilité du domaine public fait que le titulaire d’une
autorisation d’occupation privative n’a pas un droit au renouvellement de son titre juridique
(Voir infra, p. 419 et s). Il est autorisé à occuper et utiliser une dépendance domaniale pendant
une période bien déterminée à la fin de laquelle il est appelé à la libérer. Pour mieux stabiliser
la situation juridique d’opérateurs privés sur le domaine public, des textes particuliers ont
assoupli ce principe en consacrant le droit au renouvellement du titre d’occuper.

Le droit au renouvellement de l’autorisation d’occupation privative est reconnu aux


bénéficiaires de titres d’occuper le domaine public portuaire. La réforme de 1992 a consacré

1054
Kh.-A. Kane, Droit portuaire en Afrique, Aspects juridiques de la gestion et de l’exploitation portuaire au
Sénégal, op.cit., p. 211.
1055
Ph. Godfrin et M. Degoffe, Droit administratif des biens, 8e éd., Paris, Sirey, 2007, p. 166.

Page 314
que « ces autorisations sont renouvelables1056 ». C’est le cas également des concessionnaires
d’exploitation des ressources du sous-sol. La loi du 8 février 1998 portant code pétrolier
dispose que la durée de validité d’une concession d’exploitation d’hydrocarbure « peut être
prorogé par décret pour une période maximale de dix ans, renouvelable une fois […] si le
titulaire justifie qu’une production commerciale est encore possible à l’expiration de la
période initiale, ou, le cas échéant, à l’expiration de la première période de
renouvellement 1057 ». La reconnaissance du droit au renouvellement de la concession
d’exploitattion d’hydrocarbure est ici soumise à une condition. L’entreprise pétrolière ne peut
en bénéficier que lorsqu’elle justifie de la disponibilité de réserve d’hydrocarbures
commerciables.

Au niveau de l’utilisation du domaine public hertzien, l’autorité règlementaire a


organisé « un véritable droit au renouvellement des autorisation d’utilisation des
fréquences 1058 ». En effet, elle consacre le caractère renouvelable de l’autorisation 1059 et
précise en même temps la procédure du renouvellement. Le décret du 17 février 2003 indique
que « le titulaire d’une autorisation est tenu d’aviser [l’ARTP] de son intention de renouveler
son autorisation au plus tard trois (03) mois avant son expiration1060 ». Il en résulte que le
renouvellement, même s’il constitue un droit, il n’est effectif que dans le respect d’une double
condition : la manifestation du besoin de renouvellement par le bénéficiaire du titre d’occuper
et l’introduction de la demande dans le délai de trois (03) mois qui précède la fin de
l’autorisation.

C’est dans le respect de ces conditions que la Société Nationale de


Télécommunications (SONATEL) a bénéficié du renouvellement de sa licence
d’établissement et d’exploitation de réseaux de télécommunications ouverts aux publics. En
effet, ladite société à laquelle l’État du Sénégal avait octroyé une concession relative à
l’établissement et à l’exploitation de réseaux publics de télécommunications et de fourniture
de services de télécommunications en 1997 s’est rapprochée des autorités compétentes en vue

1056
Voir article premier de la loi n° 92-63 du 22 décembre 1992 modifiant l’article 3 de la loi du 18 août 1987
autorisant la création de la Société Nationale du Port Autonome de Dakar, JO préc.
1057
Voir article 27 de la loi n° 98-05 du 8 février 1998 portant code pétrolier, JO préc.
1058
Y. Gaudemet, Droit administratif des biens, 15e éd., Paris, L.G.D.J., 2014, p. 322.
1059
Voir article 16, in fine du décret n° 2003-64 du 17 février 2003 relatif aux fréquences et bandes de
fréquences radioélectriques, aux appareils radioélectriques et aux opérateurs de ces équipements, JORS N° 6088
du 17 février 2003.
1060
Voir article 23 du décret n° 2003-64 du 17 février 2003 relatif aux fréquences et bandes de fréquences
radioélectriques, aux appareils radioélectriques et aux opérateurs de ces équipements, JORS N° 6088 du 17
février 2003.

Page 315
de procéder au renouvellement de sa convention. Après discussions entre les parties, l’État du
Sénégal s’est engagé à procéder au renouvellement de la convention de concession de la
SONATEL pour une durée de 17 ans à compter du 8 août 20171061.

Cette dérogation à l’absence de droit au renouvellement de l’autorisation d’occuper


arrivée à terme constitue une garantie à l’utilisation privative du domaine public durant une
période suffisamment longue. Cela favorise davantage la rentabilisation de l’investissement
opéré par l’opérateur économique. En effet, le cumul de la durée initiale de l’autorisation à
celle du renouvellement stabilise réellement l’occupant privatif. Celui-ci détient un titre
juridique qui lui procure une longévité d’installation sur le domaine public. Il est alors en
mesure d’effectuer non seulement les investissements appropriés à l’exploitation de la
dépendance domaniale, mais aussi un retour sur investissement. Ainsi, les titres d’occuper de
longue durée accordent « aux concessionnaires un minimum de sécurité et de stabilité en
mesure de les inciter à développer des investissements adéquats1062 » sur ledit domaine. Ils
rendent alors le domaine public attractif à l’investissement privé.

Au-delà de la stabilisation de certaines occupations temporaires du domaine public, la


législation domaniale reconnaît également aux occupants privatifs un certain nombre de droits
protecteurs de leur situation juridique.

B / La reconnaissance de droits protecteurs aux occupants privatifs

La règle de l’inaliénabilité du domaine public et ses conséquences connaissent des


assouplissements en termes de négation de droits particuliers au profit de l’occupant privatif.
Afin d’attirer les opérateurs économiques sur les parties du domaine public où le besoin
d’investissements est incontournable, les pouvoirs publics ont estimé utile d’accorder à
l’occupant privatif des droits réels, qui sécurisent davantage son occupation du domaine
public. Les droits les plus saillants sont la reconnaissance des attributs de la propriété (1) et
l’admission d’un droit à indemnité en cas de rupture anticipée de l’autorisation d’occuper (2).

1061
Voir décret n° 2016-1081 du 3 août 2016 portant approbation de la convention de concession et du cahier des
charges de la SONATEL, JORS N° 6954 du 4 août 2016.
1062
A. Brahiti, « Valorisation économique des dépendances du domaine public : l’apport de la révision de la loi
domaniale », ANIREF Voice, n° 03/octobre 2009, p. 8, [en ligne], disponible sur :
www.aniref.dz/documents/anirefv003.pdf, consulté le 29 avril 2016.

Page 316
1. L’admission de la propriété de l’occupant privatif sur ses installations

L’une des conséquences du principe d’inaliénabilité du domaine public est l’interdiction


d’attribuer un droit réel au titulaire d’un titre d’occupation privative. Cette conséquence est
confrontée à la question du propriétaire des constructions édifiées sur le domaine public par
l’occupant privatif pour les besoins de son entreprise. En application du principe de
l’inaliénabilité, celui-ci ne peut pas en être le propriétaire. Mais, cela semble connaître des
atténuations au regard de la législation en vigueur. Celle-ci admet de façon implicite (a) et
explicite (b) la propriété des constuctions au profit de l’occupant privatif pendant la durée de
l’autorisation.

a) L’admission implicite

La détermination du sort des équipements édifiés sur le domaine public à l’issue de


l’autorisation révèle implicitement que l’occupant privatif est le propriétaire des équipements
installés par lui. En effet, la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État
établit que le permissionnaire ou le bénéficiaire de l’autorisation qui renonce à son titre doit
délaisser l’immeuble en l’état où il se trouve si la remise en état des lieux ne lui est pas
imposée, ce qui est également le cas à la fin de la durée de l’autorisation1063.

Dans l’hypothèse où l’occupant délaisse l’immeuble en l’état où il se trouve, les


équipements qu’il avait réalisés tombent gratuitement dans le patrimoine de la personne
publique. Cette appropriation par le gestionnaire du domaine est explicitement consacrée par
la législation portuaire qui dispose que « […] si, à la demande du bénéficiaire,
l’administration accepte que des installations, en tout ou partie, ne soient pas enlevées,
celles-ci deviendront la propriété du P.A.D. sans que ce dernier soit tenu au versement d’une
indemnité à ce titre 1064 ». Il ressort de cette situation que l’administration ne devient le
propriétaire des équipements qu’à la cessation de l’autorisation.

Il se pose alors la question du propriétaire des équipements avant la cessation de


l’occupation. Pour Catherine Mamontoff « si l’administration devient propriétaire au moment

1063
Voir article 14 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JORS N° 4506 du 28
juillet 1976.
1064
Voir article 13 de la Convention type portant Cahier des Charges et comportant occupation temporaire de
dépendances du domaine portuaire, JORS N° 5505 du 30 janvier 1993.

Page 317
où elle autorise la non-démolition, c’est parce qu’elle ne l’était pas auparavant1065 ». Cette
position s’avère adéquate en ce sens que si les immeubles faisaient déjà partie de son domaine
public, il n’y aurait pas lieu de considérer qu’elle en acquiert la propriété. Donc, les
équipements édifiés par l’occupant privatif lui appartiennent pendant la durée de l’autorisation
d’occupation.

Cette appropriation par l’occupant se confirme davantage lorsque l’on prend


l’hypothèse par laquelle l’administration demande à l’occupant de remettre les lieux en l’état
où ils se trouvaient avant l’installation de ses ouvrages. Dans ce cas, le titulaire de
l’autorisation est dans l’obligation de démolir ou d’emporter ses équipements ; dans le cas
contraire, c’est l’autorité domaniale qui l’effectuera à ses frais1066. Dès lors qu’il incombe à
l’occupant privatif d’endosser l’enlèvement des installations qu’il a édifiées pour remettre la
dépendance occupée à son état primitif, celui-ci ne peut alors qu’être le propriétaire de ces
équipements. Car, il semble illogique d’imputer une telle obligation à quelqu’un qui n’a aucun
droit sur les équipements à démolir.

Il est en effet constant que « l’obligation de remise en état des lieux ne [peut
s’imposer] qu’au seul propriétaire des constructions 1067 ». C’est ce que l’on découvre
d’ailleurs dans la jurisprudence administrative française. En effet, la Cour administrative
d’appel de Lyon a consacré une solution très illustrative de la question en retenant : « [lorsque
des] ouvrages de caractère permanent à destination de mouillage de quelques bateaux de
plaisance [ont été] incorporés au domaine public de l’État par voie d’accession…,le
cocontractant de l’administration ne pouvait être condamné par le juge des contraventions de
grande voirie en raison de son refus de démolir à ses frais les ouvrages construits, ce que
l’autorité lui demande de faire à la suite du non-renouvellement de l’autorisation
susvisée 1068 ». Cette solution pose ainsi l’idée selon laquelle l’appropriation par accession
d’installations édifiées sur le domaine public par l’administration emporte qu’elle ne pourra
plus imposer la démolition au bénéficiaire de l’autorisation qui les a réalisées.

Il en résulte que si l’autorité administrative fait jouer la théorie de l’accessoire, elle


acquiert la propriété des équipements et, dans ce cas, elle ne peut plus exiger une remise en

1065
C. Mamontoff, Domaine public et entreprises privées : la domanialité publique mise en péril par le marché,
L’Harmattan, 2004, p. 66.
1066
Voir article 14 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.
1067
C. Mamontoff, Domaine public et entreprises privées : la domanialité publique mise en péril par le marché,
op.cit., p. 67.
1068
Voir CAA de Lyon, 20 mai 1992, Torre, Rec. Leb. p. 960.

Page 318
état des lieux au titulaire de l’autorisation. L’exigence de la remise en état des lieux à
l’occupant privatif implique nécessairement que c’est celui-ci qui est le propriétaire des
installations construites par lui. C’est cela qui peut justifier la sanction à son encontre en cas
de refus de démolition des équipements. Son appropriation des installations qu’il a édifiées se
manifeste par ailleurs lorsque l’occupant procède à leur destruction. Dans ce cas, il va
récupérer tout ce qui est démontable et en disposer à son gré.

Indépendamment de cette appropriation des ouvrages tirés de la question du sort des


installations à la cessation de l’autorisation, l’appropriation par l’occupant de ses équipements
pendant la durée du titre est expressément consacrée par des textes particuliers.

b) L’admission explicite

Il ressort formellement de dispositions législatives particulières que l’occupant privatif


du domaine public dispose des attributs de la propriété sur les installations édifiées par lui le
temps que dure son autorisation.

D’une part, il y a la loi n° 92-63 du 22 décembre 1992 modifiant l’article 3 de la loi du


18 août 1987 autorisant la création de la Société Nationale du Port Autonome de Dakar qui
consacre cette dérogation au principe d’inaliénabilité. Elle dispose, en effet, que « pendant la
durée de l’autorisation, l’affectataire exerce tous les attributs de la propriété sur les
constructions autorisées et sur les équipements immobilisés1069 ». D’autre part, c’est la loi du
20 février 2014 relative aux contrats de partenariat qui consacre cette remise en cause du
démembrement de la propriété de l’État sur le domaine public. Celle-ci affirme que « sauf
stipulation contraire du contrat, le titulaire a des droits réels sur les ouvrages et équipements
qu’il réalise. Ces droits lui confèrent tous les attributs et obligations du propriétaire, dans les
conditions et limites prévues par des clauses du contrat ayant pour objet de garantir
l’intégrité et l’affectation du domaine public 1070 ».

Ces dispositions montrent l’existence d’utilisations privatives du domaine public dans


lesquelles le droit de propriété est accordé à l’occupant sur les ouvrages qu’il a réalisés et ce,
pendant la durée de l’autorisation. Le législateur opère ainsi « la dissociation de la

1069
Voir article premier, alinéa 5 de la loi n° 92-63 du 22 décembre 1992 modifiant l’article 3 de la loi 18 août
1987 autorisant la création de la Société Nationale du Port Autonome de Dakar, JORS N° 5505 du 30 janvier
1993.
1070
Voir article 6, alinéa 5 de la loi n° 2014-09 du 20 février 2014 relative aux contrats de partenariat, JORS N°
6781 du 25 mars 2014.

Page 319
domanialité publique du sol et celle de l’ouvrage auquel il sert d’assise1071 ». Ce qui fait que
pendant la durée d’occupation privative, l’assiette domaniale demeure la propriété de l’État,
alors que les ouvrages financés et réalisés sur cette assiette sont la propriété de l’occupant.
Ainsi, en matière d’autorisation d’occuper le domaine public portuaire et de contrat de
partenariat, c’est l’occupation liée à ce titre « qui emporte de plein droit l’attribution de droit
réel1072 ». Ces autorisations d’occupation privative du domaine public reconnaissent à leurs
titulaires l’appropriation des équipements réalisés, sauf dans le cas où ces titres comportent
des clauses contraires.

Cette reconnaissance des attributs de la propriété ne vaut que pendant la durée du titre
d’occuper. L’appropriation des constructions prend fin à l’expiration du titre et les
installations tombent gratuitement dans le domaine public de l’État.

À côté de ces textes législatifs, la reconnaissance de l’appropriation des ouvrages


édifiés à l’occupant privatif est également consacrée par un procédé de l’administration, à
savoir un acte administratif bilatéral. En effet, la convention de concession de l’autoroute à
péage Dakar-Diamniadio a introduit au Sénégal le « système jurisprudentiel [français] qui
oppose les biens de reprise aux biens de retour, dans les concessions de service public1073 ».
C’est en déterminant les différents biens qui contribuent à l’exécution du travail public ainsi
que leur propriétaire qu’elle stipule que « pour l’exécution de la mission, les biens meubles ou
immeubles remis par l’Autorité Concédante ou réalisés ou acquis par le Titulaire se classent
en trois catégories : (i) biens de retour ; (ii) biens de reprise ; et (iii) biens propres1074 ».

Elle définit les « biens de retour » comme l’ensemble des biens meubles et immeubles
nécessaires à l’exécution de la mission, indispensable à celle-ci et qui sont la propriété de
l’autorité concédante dès leur achèvement ou leur acquisition. Quant aux « biens de reprise »,
ils sont constitiués des biens mobiliers propriété du Titulaire qui, sans être constitutifs ni
nécessaires à l’exécution de la mission, peuvent être utiles à la poursuite de l’exploitation et
l’entretien de l’ouvrage par l’Autorité Concédante en fin de contrat, mais qui demeurent la
propriété du Titulaire tant que l’Autorité Concédante n’a pas exercé son droit de reprise.

1071
J.-Ph. Brouant, Le régime domanial à l’épreuve de la valorisation économique, Thèse, Paris Panthéon
Sorbonne, 1995, p. 267.
1072
J.-F. Brisson, « Les aspects domaniaux des contrats de partenariat », AJDA, 2005, p. 594.
1073
Institut de la gestion déléguée, La gestion patrimoniale du domaine public, Rapport du groupe de travail,
avril 2001, p. 18.
1074
Voir Titre V. 36, alinéa 1 de la Convention de Concession pour la conception, le financement, la
construction, l’exploitation et l’entretien de l’autoroute à péage entre Patte d’Oie et Diamniadio, JORS N° 6481
du 2 juillet 2009.

Page 320
Enfin, elle qualifie les « biens propres » comme les biens non financés par des ressources de
la concession et qui demeurent la propriété du Titulaire pendant la durée du contrat et en fin
de contrat1075.

Il découle de ces différentes définitions que l’ensemble des biens utilisés par
l’occupant domanial ne tombe pas intégralement dans le patrimoine de la personne publique
concédante pendant la durée de l’autorisation. Lorsque les biens constituent des « biens de
retour », ils sont considérés comme appartenant ab initio à l’administration délégante parce
que devant obligatoirement lui revenir à l’expiration de la convention. Ainsi, pendant la durée
de l’autorisation d’occupation, ces biens sont la propriété de l’occupant privatif. En revanche,
si les biens sont des « biens de reprise », ils appartiennent au délégataire, qui continue à s’en
approprier pendant toute la durée de la convention. À la fin de cette dernière, ces biens
reviennent facultativement à l’autorité domaniale ; ils n’intègrent pas automatiquement et
obligatoirement son domaine public. Il résulte de cette détermination contractuelle que les
biens de reprise et les biens propres sont la propriété de l’occupant le temps que dure le titre
d’occuper.

Ces différents éléments réduisent la portée de l’absence de droit de propriété de


l’occupant sur les installations édifiées par lui sur le domaine public. Ces dérogations sont
constatées dans des secteurs où les besoins d’investissements privés sont pressants. Les
pouvoirs publics semblent avoir compris que l’attribution à l’occupant privatif de la propriété
des installations qu’il a construites cadre mieux avec ces secteurs. En effet, il s’agit de
secteurs dans lesquels il appartient à l’opérateur privé d’assurer, en tout ou partie, le
financement des ouvrages publics situés sur le domaine public. Ainsi, le fait de lui attribuer la
propriété des ouvrages qu’il aura réalisés semble être destiné à lui faciliter leur financement.
En effet, le droit de propriété qui lui est accordé confère à l’occupant domanial les attributs du
propriétaire 1076 . À ce titre, il semble possible pour lui de recourir aux techniques de
financement privé, notamment l’hypothèque ou le nantissement1077 pour financer la réalisation
des infrastructures nécessaires à la mission qui lui est confiée. On verra, cependant, toute la
difficulté qu’aura l’opérateur privée à proposer ces équipements en garantie au près des
organismes de financement (Voir infra, p. 470 et s).
1075
Idem.
1076
Voir article premier, in fine de la loi n° 92-63 du 22 décembre 1992 modifiant l’article 3 de la loi 18 août
1987 autorisant la création de la Société Nationale du Port Autonome de Dakar, JO préc. ; article 6, alinéa 5 de
la loi n° 2014-09 du 20 février 2014 relative aux contrats de partenariat, JO préc.
1077
Voir article premier, alinéa 2 de la loi n° 92-63 du 22 décembre 1992 modifiant l’article 3 de la loi 18 août
1987 autorisant la création de la Société Nationale du Port Autonome de Dakar, JO préc.

Page 321
En plus de l’appropriation des équipements qu’il a réalisés pendant la durée de son
titre d’occuper, l’occupant privatif du domaine public se voit également reconnaître un droit à
indemnité en cas de rupture anticipée de son titre juridique.

2. La reconnaissance d’un droit à indemnité à l’occupant évincé

Celui qui utilise le domaine public sur la base d’une autorisation contractuelle « est à la
fois titulaire d’un contrat administratif et un occupant du domaine public1078 ». Le code du
domaine de l’État n’a pas déterminé le régime indemnitaire de ces occupants en cas d’éviction
de leurs titres juridiques. Son silence laisse entrevoir que c’est le régime des contrats
aministratifs en général qui s’applique aux autorisations contractuelles, notamment la
reconnaissance d’un droit à indemnité en cas de résiliation unilatérale pour motif d’intérêt
général (a). En plus de cela, il ressort de législations spécifiques que l’occupant évincé du
domaine public a droit à une indemnisation (b).

a) L’application du régime indemnitaire des contrats administratifs

En matière d’autorisations contractuelles d’occupation privative du domaine public, le


législateur a fait un renvoi au titre contractuel liant les parties pour ce qui est de la
détermination des droits et obligations des parties. Il dispose, en effet, que « les concessions et
autorisations d’exploitation sont accordées […] aux clauses et conditions fixées dans chaque
cas 1079 ». Ce renvoi indique que le législateur laisse l’autorisation contractuelle réglée la
question de la garantie indemniataire en cas de résiliation. Cela doit alors se faire en se basant
sur le régime des contrats administratifs.

Ce régime, fixé par le code des obligations de l’administration (COA), ouvre, en principe,
un droit à indemnité au cocontractant de l’administration dont le contrat a été résilié. En effet,
ledit code assujettit la résiliation administrative sans faute d’un contrat administratif à l’octroi
d’une indemnité au cocontractant de l’administration1080. Il reprend ainsi le principe dégagé
par le juge français selon lequel c’est sous réserve des droits à indemnité des intéressés que

1078
F. Alhama, « L’indemnisation en cas de fin antcipée des autorisations domaniales », AJDA, 2010, p. 1516.
1079
Voir article 16 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.
1080
Voir article 137 de la loi n° 65-51 du 19 juillet 1965 portant code des obligations de l’administration (COA),
modifiée, JORS N° 3763 du 23 août 1965.

Page 322
l’autorité administrative peut procéder à la résiliation unilatérale d’un contrat administratif
pour motif d’intérêt général1081.

Il apparaît ainsi qu’en matière de contrat administratif, la résiliation unilatérale fondée sur
un motif d’intérêt général fait bénéficier au cocontractant un droit à une indemnisation. Il
s’agit pour la personne publique qui a prononcé la résiliation de rétablir l’équation financière
du contrat en indemnisant son cocontractant de l’intégralité du préjudicie subi, aussi bien les
pertes que le manque à gagner1082.

À côté de l’application du régime indemnitaire de la résilation des contrats


administratifs aux conventions domaniales, des législations particulières font bénéficier aux
occupants contractuels un droit à indemnité en cas de résiliation de leurs titres pour motif
d’intérêt général.

b) La reconnaissance d’un droit à indemnité par des textes particuliers

Il ressort de certains textes particuliers afférents au domaine public que l’occupant privatif
dont le contrat n’est pas arrivé à terme a droit à une indemnisation.

En effet, le législateur a retenu dans la loi de 1992 que « le retrait de l’autorisation


avant le terme ne peut être prononcé que pour cause d’utilité publique. En cas de retrait de
l’autorisation, l’affectataire bénéficiera d’une indemnité couvrant le dommage subi 1083 ».
Cela a été confirmé par le juge. Le Tribunal Régional Hors Classe de Dakar l’a rappelée en
2005 dans une affaire opposant le Port Autonome de Dakar à des entreprises portuaires. Il a
retenu que « l’occupant évincé pour un motif d’intérêt général peut bénéficier d’une
indemnisation lorsque l’édification de constructions ou d’installations d’intérêt général a été
expressément agréée par l’autorité portuaire du Port Autonome de Dakar 1084 ». Le juge
admet que l’occupant privatif du domaine public a droit à une indemnisation en cas de rupture
anticipée de la convention domaniale pour motif d’intérêt général.

1081
Voir CE, 20 février 1868, Goguelat, Rec. Leb. p. 198, cité par P. Gonod, F. Melleray, Ph. Yolka, Traité de
droit administratif, tome 2, Dalloz, 2011, p. 250 ; CE, 2 février 1983, Union des transports urbains et régionaux,
RDP, 1984, p. 212.
1082
P. Gonod, F. Melleray, Ph. Yolka, Traité de droit administratif, tome 2, Paris, Dalloz, 2011, p. 250
1083
Voir article 3, alinéa 3 de la loi n° 92-63 du 22 décembre 1992 modifiant l’article 3 de la loi du 18 août 1987
autorisant la création de la Société Nationale du Port Autonome de Dakar, JO préc.
1084
Voir TR Hors Classe de Dakar, Ordonnance de référé du 21 mars 2005, P.A.D. c/ GIE T. Darou Minam, GIE
Mouridoulah Société MATPS, GIE A. Ndiaye, Moussa Fall, non publié.

Page 323
Ainsi, les titulaires de concessions et autorisations d’exploitation du domaine public
évincés obéissent au même régime indemnitaire que les titulaires évincés de contrats
administratifs en général.

De même, dans le domaine des contrats de partenariat, le législateur dispose que


« l’opérateur du projet a, [en cas de résiliation pour motif d’intérêt général], droit à une
indemnité couvrant les charges exposées et le manque à gagner 1085 ». Ce texte aligne ainsi le
régime indemnitaire des conventions domaniales sur la base d’un contrat de partenariat au
droit commun des contrats administratifs. Le législateur a clairement déterminé l’exigibilité
de l’indemnité et son assiette. L’opérateur titulaire d’un contrat de partenariat emportant
occupation du domaine évincé a droit à une indemnité qui couvre non seulement la réparation
du préjudice subi et la perte des bénéficies découlant de la résiliation, mais encore les
dépenses qui auraient dû être couvertes au terme de l’occupation.

Ce dispositif va dans un sens favorable aux bénéficiaires de concessions et d’autorisations


d’exploitation du domaine public et aux titulaires de contrats de partenariat. En effet, ces
derniers n’ont pas à s’inquiéter de la menace permanente du retrait à tout moment de
l’autorisation d’occupation privative. Sa survenance, justifiée par l’intérêt général, ouvre
systématiquement droit à une indemnisation à leur profit. Ils ont dès lors l’assurance d’avoir
un retour sur investissement même si leurs titres d’occuper n’arrivent pas à terme.

Cette assurance se matérialise davantage par le fait que les parties fixent dans la
convention domaniale les éléments qui correspondent à la somme représentant le montant de
l’indemnité. À titre d’exemple, pour le cas des occupants du domaine public portuaire, la
Convention Type annexée à la loi de 1992 stipule que « le P.A.D. est tenu de verser au
bénéficiaire évincé une indemnité égale au montant hors taxes des dépenses exposées par le
bénéficiaire pour la résiliation des installations immobilières expressément autorisées et
subsistant à la date de retrait. Déduction faite de l’amortissement […] 1086 ». Cette clause
laisse apparaître que l’indemnisation prend en considération les « supposés dépenses
effectuées hors amortissement par l’occupant évincé1087 ». En conséquence, l’opérateur privé

1085
Voir article 35, alinéa 1 de la loi n° 2014-09 du 20 février 2014 relative aux contrats de partenariat, JORS N°
6781 du 25 mars 2014.
1086
Voir article 11 de la Convention Type portant cahier des charges et comportant occupation temporaire de
dépendances du domaine portuaire, annexée à la loi n° 92-63 du 22 décembre 1992 modifiant l’article 3 de la loi
18 août 1987 autorisant la création de la Société Nationale du Port Autonome de Dakar, JO préc.
1087
Kh.-A. Kane, Droit portuaire en Afrique : aspects juridiques de la gestion et de l’exploitation portuaire au
Sénégal, Paris, L’Harmattan, 2012, p. 218.

Page 324
est convaincu de rentabiliser son investissement sur le domaine public, que la durée de son
titre d’occuper arrive ou non à son terme.

La reconnaissance de droits réels sur les constructions, bien que sectorielle, constitue
une novation majeure en termes d’encouragement à l’investissement au niveau des secteurs
ciblés. Il s’agit d’un régime qui apporte une certaine sécurité juridique aux investisseurs. Non
seulement il accorde à l’occupant un droit réel sur les immeubles mis en place avec une durée
permettant d’amortir l’investissement, mais également il lui garantit une indemnité en cas de
rupture anticipée du titre pour motif d’intérêt général.

En sus du renforcement de la sécurité juridique des opérateurs privés sur le domaine


public, les pouvoirs publics ont également procédé à un allègement de la gestion des
dépendances domaniales en diversifiant les procédés de gestion.

Paragraphe 2 : La diversification des procédés de gestion du domaine


public

Le domaine public peut être directement utilisé par le public usager, c’est le cas des
voies publiques, des rivages de la mer, des cours d’eau et autres. Il peut également être utilisé
par l’intermédiaire d’un service public, c’est le cas des ports, des aéroports et aérodromes, des
voies ferrées, ainsi que les biens spécialement aménagés pour l’exécution d’un service public
(accès à l’eau, à l’électricité, aux télécommunications, à l’assainissement).

Pour assurer la gestion de ces différentes utilisations, le législateur a opté pour une
gestion décentralisée et libérale. C’est le code du domaine de l’État qui a initialement
consacré les différents procédés de gestion des dépendances domaniales. Il a retenu la
possibilité pour l’administration domaniale de gérer directement le domaine public ou bien de
l’externaliser à travers le transfert de gestion. Plus récemment, à partir des années 2000, la loi
relative au partenariat public-privé a intégré le contrat de partenariat public-privé parmi les
procédés de gestion du domaine public.

Ainsi, on assiste au maintien des techniques de gestion consacrées par le code du


domaine de l’État (A) et à l’avènement d’une technique nouvelle de gestion du domaine
public (B).

Page 325
A / Le maintien des techniques classiques de gestion du domaine public

Selon l’article 10 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de


l’État, « l’État assure la gestion du domaine public naturel. Il gère les dépendances du
domaine public artificiel qui n’ont pas fait l’objet d’un transfert de gestion au profit d’une
autre personne morale publique, d’un concessionnaire de service public ou d’un organisme
visé à l’article 11 de la loi relative au domaine national1088 ». Il ressort de cette disposition
que la personne publique étatique peut gérer directement le domaine public ou bien
l’externaliser.

Ainsi, le code du domaine de l’État permet à la personne publique étatique propriétaire


d’utiliser la gestion en régie (1) ou de recourir au transfert de gestion (2).

1. L’utilisation de la gestion en régie

La gestion en régie est un mode de gestion publique du service public en général qui
désigne la gestion par les pouvoirs publics d’activités diverses selon les modalités de la
gestion publique et les règles de droit public, ainsi que selon les modalités de la gestion privé
et les règles du droit privé1089. La gestion en régie est définie comme un mode de gestion
simple d’un service public assuré directement par la personne publique dont il dépend1090. Il
s’agit d’un procédé par lequel l’État, par ses propres moyens humains, matériels et financiers,
assure directement la gestion d’un service public qu’il a créé.

Dans le cadre du domaine public, la gestion en régie apparaît à travers la disposition selon
laquelle « l’État assure la gestion du domaine public naturel. Il gère les dépendances du
domaine public artificiel qui n’ont pas fait l’objet d’un transfert de gestion […]1091 ». Cette
disposition montre que la personne publique étatique prend en charge directement la gestion
de dépendances domaniales sans l’intermédiaire d’une autre personne. C’est cette prise en
charge directe de la gestion du domaine public qui renvoie à la gestion en régie.

Dans ce cadre, l’État met à la disposition de ses différents services les biens de son
domaine public nécessaires à la réalisation de sa mission de service public. Ce sont ses

1088
Les organismes visés à l’article 11 de la loi n°64-46 du 17 juin 1964 relative au domaine national (JORS N°
3692 du 29 août 1964) sont : les associations coopératives ou tous autres organismes créés sur l’initiative du
gouvernement ou avec son agrément et placés sous son contrôle.
1089
Voir à ce propos J. Chavaliier, Science administrative, 5e éd., Paris, PUF, coll. Thémis de droit, 2013, p. 178.
1090
G. Cornu, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, Paris, PUF, 2e éd., janvier 2001.
1091
Voir article 10 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.

Page 326
services internes qui assurent la gestion des dépendances du domaine public naturel ou
artificiel. Pour ce faire, l’État passera par un acte d’affectation. Ce dernier « revêt la forme
d’une affectation interne 1092 » en ce sens que les services qui en bénéficient sont
organiquement rattachés à l’État propriétaire du domaine public. Il s’agit de services qui ne
bénéficient ni d’une autonomie organique, ni d’une autonomie financière. Ce sont des
services propres à l’État auxquels il opère simplement une affectation de certaines
dépendances de son domaine public. Ainsi, la personne publique étatique devient à la fois
propriétaire et affectataire de ces dépendances domaniales. Le service affectataire ne bénéficie
que d’un droit exclusif de jouissance conformément à la destination prévue par l’acte
d’affectation.

Dans ce cas, ce sont les services centraux et déconcentrés de l’État qui assurent la gestion
des biens du domaine public mis à leur disposition. Ainsi, les utilisations, les investissements,
l’entretien, la perception de revenus, les dommages sont à la charge de l’État, du pouvoir
central dès lors que les services affectataires lui sont organiquement rattachés. On peut, à ce
titre, prendre l’exemple du ministère de l’économie et des finances qui, par le biais de sa
direction générale des impôts et domaines, assure la gestion des biens du domaine public qui
n’ont pas fait l’objet d’une affectation à d’autres ministères ou d’un transfert de gestion. Il en
était de même de la gestion du domaine public routier qui relevait du ministère des travaux
publics ou des transports1093 avant son transfert à l’AGEROUTE1094. Il s’agit là de services
propres à l’administration centrale qui assurent la gestion de biens faisant partie du domaine
public de l’État. Ce dernier ne cherche pas d’intermédiaires ou des relais pour lui prendre en
charge la gestion de son domaine public. Il s’appuie directement sur ses services internes pour
assurer la fonction d’utilité publique qui s’attache à ce domaine.

Au total, la personne publique étatique peut prendre en charge elle-même l’utilisation de


son domaine public à travers ses propres services. À côté de cette gestion en régie, l’État peut
décider d’externaliser la gestion de son domaine public en ayant recours au transfert de
gestion.

1092
T. Khalfoune, Le domaine public en droit algérien : réalité et fiction, Paris, L’Harmattan, 2004, p. 471.
1093
Voir article 10 du décret n° 74-718 du 19 juillet 1974 relatif au classement du réseau routier national, JORS
N° 4373 du 17 août 1974.
1094
Voir décret n° 2010-430 du 1er avril 2010 portant création et fixant les règles d’organisation et de
fonctionnement de l’AGEROUTE Sénégal, JORS N° 6560 du 11 décembre 2010.

Page 327
2. Le recours à la technique du transfert de gestion

L’État propriétaire du domaine public peut décider de mettre à la disposition d’autres


services, qui ne lui sont pas organiquement rattachés, des biens de son domaine. Il cherche à
assurer la gestion du domaine public par des personnes qui lui sont externes. Aux termes de
l’article 10 du code du domaine de l’État, cette gestion s’effectuera par le biais de la technique
du transfert de gestion.

Il convient de s’attarder sur le contenu de cette technique qui n’a pas été déterminé par le
législateur (a) avant de passer en revue sa fonction qui consiste à attribuer de compétences
domaniales à des personnes non propriétaires d’un domaine public (b).

a) Le contenu indéterminé du transfert de gestion

Une lecture a contrario de l’article 10 de la loi domaniale selon lequel l’État « […] gère
les dépendances du domaine public artificiel qui n’ont pas fait l’objet d’un transfert de
gestion au profit d’une autre personne morale publique, d’un concessionnaire de service
public ou d’un organisme visé à l’article 11 de la loi relative au domaine national » montre
que la personne publique étatique propriétaire du domaine public peut externaliser sa gestion
en ayant recours au transfert de gestion.

Dans le cadre du code du domaine de l’État, le législateur s’est contenté de consacrer la


technique du transfert de gestion sans procéder à sa définition. Par ailleurs, aucun texte
législatif ou règlementaire n’est venu préciser le contenu de cette technique de gestion du
domaine public. Mais, en dépit de cette absence de conceptualisation, il est possible de donner
un contenu au transfert de gestion à travers la façon dont le législateur l’a employé.

Le transfert de gestion s’analyse comme un procédé qui consiste pour l’État à confier la
gestion d’une dépendance du domaine public dont il reste propriétaire à une autre personne
publique ou à une personne privée pour lui permettre de gérer ces immeubles conformément à
leur destination. C’est un moyen de gestion par lequel l’État change le gestionnaire d’un
immeuble domanial sans procéder à une modification de sa destination. Le bien, objet du
transfert de gestion, continue à recevoir la même affectation, reste soumis au régime de la
domanialité publique et demeure une propriété de l’État.

Page 328
Il ressort de ce contenu que le transfert de gestion s’opère à un sens unique et au profit de
personnes de nature différente. En effet, seul l’État, propriétaire du domaine public, peut
confier la gestion d’immeubles de son domaine public à d’autres collectivités publiques ou à
des personnes privées. Le sens inverse n’est pas possible en ce qui concerne les personnes
publiques. Une collectivité territoriale ou un établissement public ne peut effectuer un
transfert de gestion au profit de l’État.

Le droit domanial sénégalais se différencie à ce niveau avec le droit domanial français.


En effet, l’ordonnance portant code général de la propriété des personnes publiques dispose
que « les personnes publiques mentionnées à larticle L 1 peuvent opérer, entre elles, un
transfert de gestion des immeubles dépendant de leur domaine public pour permettre à la
personne publique bénéficiaire de gérer ces immeubles en fonction de leur affectation1095 ». Il
découle de cette disposition que le transfert de gestion s’opère entre les différentes
collectivités publiques et ne peut pas bénéficier à des personnes privées. Ainsi, en France, les
collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics peuvent avoir
recours au transfert de gestion sur leur domaine public.

Cette différenciation du transfert de gestion en droit domanial sénégalais par rapport à


celui français s’explique par le fait qu’au Sénégal seul l’État est considéré comme propriétaire
d’un domaine public, alors qu’en France toutes les collectivités publiques en sont
propriétaires. Ainsi, dès lors qu’au Sénégal le domaine public n’appartient qu’à l’État, lui seul
est en mesure de rendre affectataire pour un droit d’usage de ses biens aux autres personnes
publiques.

L’autre particularité du transfert de gestion au Sénégal est la possibilité pour des


personnes privées d’en bénéficier. Cette ouverture du transfert de gestion aux
concessionnaires de services publics ou aux « associations coopératives ou tous autres
organismes créés sur l’initaitive du Gouvernement ou avec son agrément et placés sous son
contrôle1096 » témoigne d’une volonté d’externaliser la gestion du domaine public au secteur
privé tout en contiuant à préserver l’utilité publique dudit domaine. Il s’agit non seulement
pour l’État de mettre à la disposition des délégataires de service public les biens de son
domaine public nécessaires à la réalisation de leur mission, mais également de leur confier la

1095
Voir article L. 2123-3 de l’ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 portant code général de la propriété des
personnes publiques, modifiée, JORF du 22 avril 2006.
1096
Voir article 11 in fine de la loi n° 64-46 du 17 juin 1964 relative au domaine national, JORS N° 3692 du 29
août 1964.

Page 329
gestion de ces biens. Cela est bénéfique pour la personne publique étatique à plus d’un titre.
D’une part, le transfert de gestion aide à l’accomplissement de la mission de service public
déléguée et d’autre part, il permet à l’État de tirer profit de l’expertise privée dans la gestion
des biens de son domaine public.

Du point de vue de son champ d’application, le code domaine de l’État indique que le
transfert de gestion porte sur les biens du domaine public artificiel. Ce qui signifie que le
domaine public naturel reste entièrement géré par l’État lui-même. Cependant, ce principe
posé par l’article 10 de la loi n° 76-66 est assorti d’une exception par le législateur dans le
cadre de la décentralisation. En effet, la loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 portant code
général des collectivités territoriales, abrogeant et remplaçant la loi n° 96-07 du 22 mars 1996
portant transfert de compétences aux régions, aux communes et aux communautés rurales,
réaffirme à son tour que « l’État peut transférer à une collectivité locale la gestion d’une
partie de son domaine public1097 ». En déterminant les parties du domaine public de l’État
pouvant faire l’objet de ce transfert de gestion, le législateur retient à la fois des dépendances
du domaine public naturel et du domaine public artificiel.

Dans le Livre I où il fixe les compétences du maire, le législateur retient que le maire a la
compétence de délivrer des autorisations unilatérales d’occupation privative des domaines
publics routier et fluvial situés dans sa commune1098. De même, il dispose dans le Livre II que
« dans les zones du domaine public maritime et du domaine public fluvial, dotées de plans
spéciaux d'aménagement approuvés par l'État, les compétences de gestion sont déléguées par
ce dernier aux départements et communes concernés respectivement pour les périmètres qui
leur sont dévolus dans lesdits plans1099 », et également que « […] l’État peut transférer aux
collectivités locales suivant des modalités de classement qui sont fixées par décret, la gestion
des monuments historiques 1100 ». Il ressort de ces dispositions qu’à la différence de la loi
domaniale qui limite le transfert de gestion aux immeubles du domaine public artificiel, la loi
de la décentralisation l’étend également au domaine public naturel. Ainsi, les collectivités

1097
Voir article 13, alinéa 2 de la loi n°2013-10 du 28 décembre 2013 portant code général des collectivités
territoriales, JORS N° 6765 du 28 décembre 2013.
1098
Voir article 121, alinéas 1 et 2 de la loi n°2013-10 du 28 décembre 2013 portant code général des
collectivités territoriales, JO préc.
1099
Voir article 298, alinéa 1 de la loi n°2013-10 du 28 décembre 2013 portant code général des collectivités
territoriales, JO préc.
1100
Voir article 299, alinéa 2 de la loi n°2013-10 du 28 décembre 2013 portant code général des collectivités
territoriales, JO préc.

Page 330
décentralisées peuvent disposer d’un pouvoir de gestion à la fois sur le domaine public naturel
et sur celui artificiel.

Le transfert de gestion est un moyen juridique de gestion permettant à l’État de conserver


la consistance de son domaine public. Il constitue pour l’État une technique de gestion
d’immeubles domaniaux par d’autres personnes publiques ou par des personnes privées sans
avoir à soustraire les biens concernés du domaine public. En effet, le transfert de gestion ne
nécessite pas l’intervention d’un acte de déclassement. Il s’agit pour l’État de prendre un acte
d’affectation externe qui consiste simplement à mettre une dépendance de son domaine public
à la disposition d’une autre personne publique ou privée, qui n’en acquiert pas la propriété et
qui l’affectera au service dont elle a la charge.

L’acte d’affectation opérant le transfert de gestion ne confère au bénéficiaire que le


privilège de jouissance et d’utilisation du bien et non celui de pouvoir en disposer. Ainsi, il ne
peut ni céder le bien, ni le placer en garantie. Le bien dont la gestion est transférée demeure
donc une dépendance du domaine de l’État, mais il est destiné à l’exercice des compétences
du bénéficiaire du transfert. À l’Etat propriétaire, la loi domaniale ne lui reconnaît un droit à
indemnité du fait du transfert de gestion. Ainsi, ce transfert s’opère à titre gartuit au profit de
la personne bénéficiaire qui n’a pas à indemniser l’État pour les dépenses ou la privation de
revenus qui peuvent résulter du transfert.

La jurisprudence du Conseil d’État français renseigne, à ce titre, que le transfert de gestion


n’est accordé que pour un projet ou une activité déterminée1101. La personne bénéficiaire du
transfert de gestion dispose alors du droit de jouir de l’immeuble conformément à sa
destination et d’accomplir tous les actes de gestion, à l’exception des actes de disposition1102.
Cyrille Bardon note, à ce propos, que « la procédure du transfert de gestion n’entraîne aucun
transfert de propriété de l’immeuble entre la personne publique à laquelle il appartient et
celle à laquelle la gestion de l’immeuble est temporairement transférée. En conséquence, le
bénéficiaire du transfert de gestion dispose seulement du droit de jouir de l’immeuble et de
l’utiliser conformément à sa destination1103 ». Ainsi, l’immeuble domanial dont la gestion est
transférée demeure une dépendance du domaine public dès lors que l’État n’en perd pas la

1101
Voir CE, 8 décembre 1976, Dame X..., n° 92170, [en ligne], disponible sur : www.legifrance.gouv.fr,
consulté le 16 novembre 2015.
1102
Voir à ce propos : « Les transferts de gestion du domaine public », [en ligne], disonible sur :
www.collectivites-locales.gouv.fr/files/transfertsdgestion.pdf, p. 3, consulté le 16 novembre 2015.
1103
C. Bardon, « Le transfert de gestion : conditions et conséquences », Dr. adm., avril 2015, n° 4, pp. 51-52.

Page 331
qualité de propriétaire et que la personne chargée de la gestion ne peut l’aliéner. Celle-ci n’en
bénéficie que d’un droit exclusif de jouissance et d’utilisation conformément à son
affectation.

Il en résulte que les charges d’entretien normal de la dépendance domaniale dont la


gestion est transférée incombent à la personne affectataire. L’État propriétaire du domaine à
quant à lui un pouvoir de contrôle. Ce dernier lui permet de vérifier les conditions
d’utilisation du bien objet du transfert de gestion pour se rendre compte dans quel état de
conservation et d’entretien il se trouve. Ce pouvoir de contrôle lui permet également de
s’assurer que la dépendance domaniale n’est pas exploitée à des fins qui ne sont pas
conformes à son affectation. Enfin, lorsqu’elle se rend compte que le bien n’est plus utile à la
personne affectataire, l’État peut mettre fin au transfert de gestion.

Le transfert de gestion s’opère par voie législative ou règlementaire. Il s’agit pour l’État
d’adopter un acte législatif ou d’édicter un acte administratif unilatéral par lequel il confie à
une autre personne publique ou à une personne privée la gestion d’immeubles de son domaine
public.

À ce titre, le transfert de gestion ne doit pas être confondu avec des techniques voisines
telles que la convention de gestion, l’autorisation d’occupation privative et la superposition
d’affectation.

D’abord, le transfert de gestion ne constitue pas une convention de gestion. Cette dernière
est, selon le législateur français, une convention passée par l’État avec une collectivité locale,
un établissement public, une société d’aménagement foncier et d’établissement rural, une
association ou fondation reconnue d’utilité publique en vue d’assurer la conservation, la
protection ou la mise en valeur du patrimoine national1104. Il se pose ainsi une différence de
procédé et d’objet entre ces deux moyens juridiques de gestion du domaine public. D’une
part, le transfert de gestion procède d’un acte législatif ou règlementaire, alors que la
convention de gestion s’opère par voie contractuelle. D’autre part, le transfert de gestion sert à
l’exercice des compétences de son bénéficiaire sur un bien du domaine public de l’État et
conformément à la destination de ce bien, tandis que la convention de gestion est destinée, en
principe, à la protection de l’immeuble.

1104
Voir article L. 2123-2 de l’ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 portant code général de la propriété des
personnes publiques, modifiée, JO préc.

Page 332
Ensuite, le transfert de gestion ne constitue pas une autorisation d’occupation privative.
Cela tient au fait que le bénéficiaire ne formule pas au prélable une demande d’autorisation
d’occuper et n’est pas soumis au paiement d’une redevance domaniale, comme c’est le cas
pour l’occupant privatif. Puis, le transfert de gestion se distingue du transfert de propriété qui
permet au bénéficiaire du transfert d’acquérir la propriété de la dépendance domaniale.
Également, le transfert de gestion n’est pas un changement d’affectation. Ce dernier entraîne
la modification de l’affectation d’un immeuble domanial en ce sens que le bien ayant une
destination déterminée est mis à la disposition d’une autre personne publique afin que celle-ci
puisse assurer une nouvelle mission de service1105.

Enfin, le transfert de gestion se différencie de la superposition d’affectation qui consiste


pour une dépendance domaniale affectée à une utilité publique précise à faire l’objet d’une ou
de plusieurs affectations supplémentaires relevant de la domanialité publique dans la mesure
où celles-ci sont compatibles avec ladite affectation1106. La superposition d’affectation confère
ainsi à une dépendance domaniale plusieurs utilités publiques contrairement au transfert de
gestion qui ne répond qu’à une activité d’intérêt général bien déterminée. La superposition
d’affectation permet donc à la personne publique propriétaire de satisfaire diverses fonctions
d’intérêt général à travers une seule dépendance domaniale.

Au titre de ce contenu, il apparaît que le transfert de gestion a pour fonction d’attribuer


des compétences domaniales à des personnes qui ne sont pas proipriétaires d’un domaine
public.

b) L’attribution de compétences domaniales à des services externes


à l’État

L’institution d’un transfert de gestion du domaine public de l’État permet à ce dernier


d’attribuer des compétences domaniales à des personnes qui n’en sont pas propriétaires. Le
transfert de gestion se rapproche, à ce titre, de la notion d’externalisation qui est une notion

1105
Voir article L. 2123-3 de l’ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 portant code général de la propriété des
personnes publiques, modifiée, JO préc.
1106
Voir article L. 2123-7 de l’ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 portant code général de la propriété des
personnes publiques, modifiée, JO préc.

Page 333
polysémique 1107 et qui s’applique à plusieurs domaines comme la gestion immobilière, la
fiscalité, la comptabilité, la production industrielle, etc.1108

Appliquée en matière domaniale, il s’agit d’un transfert de l’exécution de missions


domaniales par lequel l’État confie à des partenaires, publics ou privés, des activités ou des
fonctions précedemment assurées par ses services. Ce qui dénote une diversité des
gestionaires domaniaux sous-tendue par la recherche de performance.

- La diversité des gestionnaires domaniaux

Au titre de l’article 10 du code du domaine de l’État, le transfert de gestion attribue des


compétences domaniales à des personnes publiques autres que l’État d’une part et à des
personnes privées d’autre part.

 Les personnes publiques gestionnaires

Au titre des personnes publiques autres que l’État disposant du pouvoir de gestion du
domaine public, nous avons les collectivités territoriales et les personnes publiques
spécialisées.

S’agissant des collectivités territoriales, la possibilité de gérér des biens appartenant au


domaine public de l’État est matérialisée par loi portant code général des collectivités
territoriales1109. La combinaison des articles 13, 298 et 299 dudit code fait ressortir que l’État
habilite les autorités locales à prendre tous les actes de gestion permettant l’utilisation et
l’exploitation des biens du domaine public de l’État dont la gestion leur a été transférée. C’est
à ce titre que Alassane Kanté écrit que « cette loi permet dorénavant à ces collectivités

1107
D’un côté, l’externalisation est définie comme « l’abandon d’une branche d’activité par une entreprise qui
la cède à une autre afin que cette dernière lui assure, en retour, la production ou le service pour laquelle ou
lequel ladite branche d’activité a été dédiée » (J. Dupouey, « Propos sur l’externalisation », Droit et patrimoine,
n° 59, avril 1998, p. 42). D’un autre côté, la définition de l’externalisation s’appuie non pas sur l’idée
« d’abandon », mais sur celle d’un trnasfert. Elle « consiste à transférer […] hors de l’administrationconcernée
nombre d’activités ou de fonctions jugées autrefois indispensables au sein même de cette dernière. Elle traduit
une nouvelle ligne de partage entre le faire et le faire-faire » (M. Dasseux, Rapport sur l’externalisation de
certaines tâches relevant du ministère de la défense, Rapport n° 3595, février 2002, p. 10, cité par M. Niang, Les
agences d’exécution et la modernisation de l’État, L’Harmattan-Sénégal, 2017, p. 155.) Cette définition reflète
mieux le transfert de gestion d’immeubles du domaine public.
1108
J.-D. Dreyfus, « L’externalisation, éléments de droit public », AJDA, 2002, p. 1214.
1109
Voir article 13, article 298, aliéna 1 et article 299, alinéa 2 de la loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 portant
code général des collectivités territoriales, JORS N° 6765 du 28 décembre 2013.

Page 334
décentralisées d’avoir des compétences en matière de domaines. Il s’agit exactement d’un
transfert de compétences en matière de gestion et d’utilisation du domaine public […] 1110 ».

Cette compétence domaniale des collectivités territoriales peut être constatée au niveau de
la gestion des emprises des routes du réseau routier classé, des dépendances du domaine
public fluvial et des autres lieux publics. Dans ces domaines, le législateur confère au maire la
compétence de délivrer les titres d’occupation privative. Il dispose que le chef de l’exécutif
local « peut, moyennant le paiement de droits fixés par un tarif dûment établi, donner des
permis de stationnement ou de dépôt temporaire sur la voie publique, sur les rivières, ports et
quais fluviaux et autres lieux public, sous réserve que cette attribution puisse avoir lieu sans
gêner la voie publique, la navigation et la circulation1111 ». De même, il ajoute que le maire
« accorde les permissions de voirie, à titre précaire et essentiellement révocable, sur les voies
publiques […]1112» en vue l'établissement dans le sol de la voie publique, des canalisations
destinées au passage ou à la conduite de l'eau, du gaz, de l'énergie électrique ou du
téléphone.

Il faut relever ici une différence de vocabulaire et non de contenu entre le code général des
collectivités territoriales et le code du domaine de l’État. En effet, là où le code du domaien de
l’État consacre le terme « permission de voirie » pour désigner les titres juridiques qui
n’autorisent que des occupations privatives n’emportant pas emprise sur l’assiette domaniale,
le code général des collectivités territoriales emploie le terme « permis de stationnement ». De
même, là où la loi portant code du domaine de l’État désigne les titres juridiques entraînant
une modification de l’assiette du domaine public par le terme « autorisation d’occuper », la loi
portant code général des collectivités territoriales utilise le terme « permission de voirie ».

À l’analyse, la loi relative à la décentralisation a repris les expressions employées en droit


domanial français au détriment de celles consacrées par la loi portant code du domaine de
l’État. Il y a donc lieu d’harmoniser la législation sur la question si l’on sait que les termes
utilisés par le code général des collectivités territoriales renferment d’autres significations en

1110
A. Kanté, « La privatisation du patrimoine de l’administration au Sénégal : enjeux et perspectives », Actes
du colloque L’administration d’hier à demain en Afrique francophone, Revue de Droit Sénégalais, novembre
2007, p. 264.
1111
Voir article 121, alinéa 2 de la loi n°2013-10 du 28 décembre 2013 portant code général des collectivités
territoriales, JO préc.
1112
Voir article 121 in fine de la loi n°2013-10 du 28 décembre 2013 portant code général des collectivités
territoriales, JO préc.

Page 335
droit français 1113 . Tout compte fait, c’est grâce au transfert de gestion que les autorités
décentralisées peuvent assurer la gestion d’immeubles du domaine public de l’État situés dans
leurs limites territoriales.

Au demeurant, les dispositions pertinentes du code général des collectivités


territoriales relatives aux transferts de compétences en matière de gestion et d’utilisation du
domaine public soumettent les actes de gestion des autorités décentralisées sur le domaine
public naturel à l’approbation du représentant de l’État1114. Il s’agit là d’une manifestation
concrète de la subsistance du contrôle a priori des actes des collectivités locales. Ce qui
constitue, pour Mamadou Aliou Diallo, « une situation choquante et illogique1115 ». Elle est
choquante dans la mesure où la personne publique affectataire est la mieux à même
d’apprécier les biens dont elle a besoin pour faire fonctionner le service dont elle a la charge.
Elle est illogique car elle est en porte à faux avec l’esprit d’autonomie prétendue des
collectivités locales …1116.

Mais, cette position, quoique compréhensible, s’écarte du cadre juridique du transfert


de gestion. Cette dernière n’emporte pas un transfert de propriété. Ainsi, l’État propriétaire
dispose d’un pouvoir de contrôle sur l’utilisation faite de son domaine public. Compte tenu de
l’importance et de la sensibilité du domaine public naturel, l’exercice de ce contrôle ne peut
se faire qu’a priori pour s’assurer de son usage conformément à sa destination. Il ne faut donc
pas s’étonner outre mesure de la soumission des actes de gestion du domaine public naturel à
un contrôle préalable du représentant de l’État.

L’attribution de compétences domaniales aux collectivités territoriales instaure une


gestion de proximité et une implication des autorités locales dans la gestion des biens du
domaine public de l’État se situant dans leurs limites territoriales. Cela est de nature à
favoriser une bonne utilisation et exploitation de ces biens en ce sens que l’autorité locale
semble être plus outillée à prendre les mesures les plus adéquates à la gestion d’immeubles
domaniaux se situant dans son terroir. En effet, elle maîtrise mieux les réalités du terroir pour

1113
En droit domanial français, le « permis de stationnement », non consacré par le code du domaine de l’État au
Sénégal mais le code général des collectivités territoriales, désigne les titres juridiques qui autorisent des
utilisations privatives n’emportant pas emprise sur l’assiette domaniale. Quant à la « permissions de voirie »,
diversement employée par les textes sénégalais, elle désigne les titres juridiques qui autorisent des occupations
privatives entraînant une modification de l’assiette du domaine public.
1114
Voir articles 296 à 298 de la loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 portant code général des collectivités
territoriales, JO préc.
1115
M.-A. Diallo, La difficile gestation d’un droit littioral sénégalais, Thèse, UCAD, Dakar, 2012, p. 185.
1116
Idem.

Page 336
pouvoir édicter les actes de gestion conformes ou compatibles avec l’utilité publique de la
dépendance domaniale dont le pouvoir de gestion lui est confié.

Par ailleurs, l’État crée au profit des collectivités locales bénéficiaires du transfert de
gestion des sources de revenus. C’est le cas dans l’octroi des titres d’occupation privative au
titre desquels la collectivité locale gagne des revenus en percevant la redevance domaniale.
Cela peut également être le cas avec les monuments historiques dont la gestion leur est
transférée. Il suffit à l’autorité locale de les mettre en valeur en les érigeant en sites culturelles
pour y développer une véritable industrie touristique.

Donc, le fait que l’État puisse confier aux collectivités décentralisées la gestion
d’immeubles de son domaine public peut non seulemnt améliorer la prise en charge de
l’utilité publique de ces biens, mais aussi contribuer au développement local.

Concernant les personnes publiques spécialisées, le transfert de gestion profite aux


établissements publics, administratifs ou industriels et commerciaux, et aux agences
d’exécution. Dans ce cadre, c’est l’acte de création de la personne publique spécialisée qui
opère la mise à la disposition des biens du domaine public de l’État au profit de la personne
public spécialisée. Ainsi, c’est sur la base de l’acte législatif ou règlementaire de sa création
que l’État accorde à l’établissement public ou à l’agence d’exécution la compétence de gérer
un bien de son domaine public artificiel conformément à son affectation. Donc, c’est l’acte
constitutif de la personne publique spécialisée qui consitue le fondement juridique de son
pouvoir de gestion sur des immeubles domaniaux appartenant à l’État.

Relativement au transfert de gestion opéré dans le cadre de la création d’un établissement


public, l’État cherche à accompagner la nouvelle structure en mettant à sa disposition les
biens indispensables à l’accomplissement de la mission qu’il lui a confiée. Le législateur
consacre constamment dans ce cas de figure que « l’État transfert [à la struture nouvellement
créée] la gestion physique, comptable et financière des biens du domaine public nécessaires à
la réalisation de son objet social1117 ». Ainsi, les dépendances domaniales dont la gestion est
transférée constituent des biens utiles et nécessaires à la réalisation de la mission confiée à la
personne publique spécialisée.

1117
Voir, par exemple, article 3 de la loi n° 96-02 du 22 février 1996 autorisant la création de l’Office National
de l’Assainissement du Sénégal, JORS N° 5676 du 24 février 1996 ; article 5 de loi n° 2014-13 du 28 février
2014 portant création de l’Office des Forages Ruraux (OFOR), JORS N° 6805 du 16 août 2014.

Page 337
C’est dans ce cadre que l’État s’est fait prendre en charge la gestion des infrastructures
nécessaires au sous-secteur de l’assainissement. Il a créé l’Office National de
l’Assainissement du Sénégal (ONAS) en lui confiant la gestion des ouvrages
d’assainissement, la construction des travaux des infrastructures d’assainissement d’eaux
usées et d’eaux pluviales, leur exploitation et leur maintenance1118. Selon le législateur, ce
transfert de gestion se justifie par la nécessité de juguler le retard noté dans le sous-secteur de
l’assainissement en termes de gestion des installations d’assainissement urbain 1119 . C’est
pourquoi l’État a tenu à séparer la gestion du service public d’eau potable à celle de
l’assainissement. Il a mis en place un organisme spécialement dédié à cette actvité. Ainsi, il
appartient à l’ONAS de dérouler son programme d’assainissement en milieu urbain et
périurbain afin d’améliorer les conditions sanitaires des populations, ainsi que leur cadre de
vie et environnemental.

De même, dans le but d’assurer de façon performante le service public de l’eau potable en
milieu rural, l’État a créé l’Office des Forages Ruraux (OFOR)1120. Cet établissement public à
caractère industriel et commercial dispose ainsi de la compétence de gérer, à la place de
l’État, les systèmes d’alimentation en eau potable et le patrimoine de l’hydraulique rurale,
notamment les forages et leurs dépendances1121. Ce transfert de gestion contribue à améliorer
les conditions d’accès à l’eau potable en milieu rural. Il permet à l’OFOR d’organiser la
gestion des infrastructures de l’hydraulique rurale afin de permettre une disponibilité de l’eau
potable en termes de qualité, d’accessibilité et de perennité.

Quant au transfert de gestion au profit des agences d’exécution, on peut prendre l’exemple
de l’Agence des Travaux et de Gestion des Routes du Sénégal (AGEROUTE) 1122. L’État a
confié à cette agence la gestion du réseau routier classé1123, à savoir les routes nationales, les
routes régionales, les routes départementales, les voiries urbaines et les pistes répertoriées qui

1118
Voir article 3 de la loi n° 96-02 du 22 février 1996 autorisant la création de l’Office National de
l’Assainissement du Sénégal, JO préc.
1119
Voir Exposé des motifs de la loi n° 96-02 du 22 février 1996 autorisant la création de l’Office National de
l’Assainissement du Sénégal, JO préc.
1120
Voir loi n° 2014-13 du 28 février 2014 portant création de l’Office des Forages Ruraux (OFOR), JO préc.
1121
Voir article 3 de la loi n° 2014-13 du 28 février 2014 portant création de l’Office des Forages Ruraux
(OFOR), JO préc.
1122
Voir article premier du décret n° 2010-430 du 1er avril 2010 portant création et fixant les règles
d’organisation et de fonctionnement de l’AGEROUTE Sénégal, JORS N° 6560 du 11 décembre 2010.
L’AGEROUTE s’est substituée à l’Agence Autonome des Travaux Routiers (AATR) en vue de mettre en
harmonie ses dispositions avec celles de la loi d’orientation du 4 mai 2009 fixant le cadre général des agences
d’exécution.
1123
Voir article 2 du décret n° 2010-430 du 1er avril 2010 portant création et fixant les règles d’organisation et de
fonctionnement de l’AGEROUTE Sénégal, JO préc.

Page 338
relient les routes départementales aux centres de production agricole. Il a, dans ce cadre,
défini dans une lettre de mission et un contrat de performance les activités de l’AGEROUTE
Sénégal1124. Ainsi, en termes de gestion, l’agence « a reçu de l’État du Sénégal mandat et
pouvoir de veiller à la sauvegarde du réseau routier et d’accorder les autorisations
nécessaires à l’occupation du réseau routier et de ses emprises1125 ». À ce titre, sur le plan
des travaux, elle met en œuvre la construction, la réhabiliation et l’entretien des routes, des
ponts et autres ouvrages d’art 1126 . Il s’agit là d’un triptique qui permet à l’AGEROUTE
d’assurer et de maintenir à un niveau normal le domaine public affecté à la circulation
publique. Sur le plan de l’occupation du réseau routier classé, l’agence délivre les titres
d’occupation relatifs aux travaux de pose ou dépose1127. Elle veille également au maintien en
bon état des routes et voies du domaine public routier en assurant la surveillance régulière du
réseau routier par des agents, ainsi que la constatation des dégradations et leurs poursuites.

 Les personnes privées gestionnaires

Au titre des personnes privées bénéficiaires d’un transfert de gestion, nous avons
principalement les sociétés nationales à qui l’État délègue son pouvoir de gestion du domaine
public. Dans la pratique, le transfert de gestion est matérialisé à travers l’acte de création de la
société nationale.

C’est ce qu’on a noté dans le cadre de la gestion du domaine portuaire1128. Ainsi, au titre
des missions de la Société Nationale du Port Autonome de Dakar, le transfert de gestion a eu
pour objet de permettre à ladite société d’assurer l’exploitation et l’entretien du port maritime
de Dakar et de ses dépendances, la gestion de son domaine mobilier et immobilier et

1124
Voir article 3, alinéa 1 du décret n° 2010-430 du 1er avril 2010 portant création et fixant les règles
d’organisation et fonctionnement de l’Agence des Travaux et de Gestion des Routes (AGEROUTE Sénégal), JO
préc.
1125
Voir TR Hors Classe de Dakar, 28 novembre 2012, AGEROUTE c/ Demba Makhou Diop, N° 2596 du28
novembre 2012, non publié ; TR Hors Classe de Dakar, 28 novembre 2012, AGEROUTE c/ Gora Seck, N° 2599
du 28 novembre 2012, non publié.
1126
Voir article 2 du décret n° 2010-430 du 1er avril 2010 portant création et fixant les règles d’organisation et
fonctionnement de l’Agence des Travaux et de Gestion des Routes (AGEROUTE Sénégal), JO préc.
1127
Voir article 3 du décret n° 2010-1445 du 4 novembre 2010 relatif à la pose ou dépose de conduites diverses
et à l’occupation de l’emprise des routes et voies du réseau routier classé, JORS N° 6569 du 5 février 2011.
1128
Voir article 3 de la loi n° 87-28 du 18 août 1987 autorisant la création de la Société Nationale du Port
Autonome de Dakar, JORS N° 5192 du 12 septembre 1987, modifiée.

Page 339
l’exécution des travaux d’amélioration et d’extension de ses installations 1129 . L’autorité
portuaire s’est vu attribuée les pouvoirs de développer les infrastructures à l’intérieur du port
afin de mieux satisfaire l’intérêt général poursuivi par le service public portuaire. Pour y
parvenir, la société nationale a élaboré une Convention type portant cahier des charges et
comportant occupation temporaire de dépendances du domaine portuaire1130. Cette dernière
lui sert de passerelle avec le secteur privé sur qui elle s’appuie pour réaliser des équipements
nécessaires au développement de l’activité portuaire. Car, les autorisations d’occuper à
délivrer doivent avoir pour objet l’établissement et l’exploitation d’équipements
portuaires1131.

Le procédé du transfert de gestion bénéficie également à des personnes privées


concessionnaires de missions de service public. Des textes législatifs ont réaffirmé ce transfert
de gestion prévu à l’article 10 du code du domaine de l’État.

C’est le cas de la loi relative au secteur de l’éléctricité où le législateur expose que


l’ensemble des installations de production, de distribution et de transport « seront mises à la
disposition de SENELEC dans le cadre d’une concession de service public de type
classique1132 ». C’est le cas également de la loi portant organisation du service public de l’eau
potable et de l’assainissement collectif des eaux usées domestiques dans lequel le législateur
retient que parmi les principes généraux de la délégation de l’exploitation du service public de
l’eau potable et de l’assainissement collectif figure « la mise à la disposition du délégataire
par l’autorité délégante des installations d’alimentation en eau potable et d’assainissement
collectif existantes ou à réaliser pour la durée de la délégation de gestion 1133 ». Ces
dispositions déterminent que des sociétés titulaires de concessions de service public peuvent
gérer des biens appartenant au domaine public de l’État. Elles semblent même en faire un
principe en matière délégation de service public.

1129
Voir article 2 de la loi n° 87-28 du 18 août 1987 autorisant la création de la Société Nationale du Port
Autonome de Dakar, JO préc.
1130
Voir Convention Type portant Cahier des Charges et comportant occupation temporaire de dépendances du
domaine portuaire, Annexe de la loi n° 92-63 du 22 décembre 1992 modifiant l’article 3 de la loi u 18 août 1987
autorisant la création de la Société Nationale du Port Autonome de Dakar, JORS N° 5505 du 30 janvier 1993.
1131
Voir article premier de la Convention Type portant Cahier des Charges et comportant occupation temporaire
de dépendances du domaine portuaire, Annexe de la loi n° 92-63 du 22 décembre 1992 modifiant l’article 3 de la
loi u 18 août 1987 autorisant la création de la Société Nationale du Port Autonome de Dakar, JO préc.
1132
Voir Exposé des motifs de la loi n° 2002-01 du 10 janvier 2002 abrogeant et remplaçant l’article 19, alinéa 4
et 5 et le chapitre IV de la loi n° 98-29 du 14 avril 1998 relative au secteur de l’électricité, JORS N° 6032 du 23
février 2002.
1133
Voir article 9 de la loi n° 2008-59 du 24 septembre 2008 portant organisation du service public de l’eau
potable et de l’assainissement collectif des eaux usées domestiques, JORS N° 6465 du 18 avril 2009.

Page 340
Ce cadre général fixé par la loi est complété et précisé par la convention de concession,
qui détermine les conditions de la mise à la disposition ainsi que les biens objets du transfert
de gestion. C’est dans ce cadre, par exemple, que la convention de concession entre l’État du
Sénégal et la SONES stipule que les biens dont la gestion est transférée au concessionnaire
sont les terrains, équipements et ouvrages du domaine public existants ou futurs et qui sont
affectés à la production et à la distribution d’eau potable en zone urbaine et périurbaine, ainsi
que les emprises et implantations du domaine public de l’autorité concédante nécessaires à la
réalisation des activités du concessionnaire1134. Ce cas précis révèle qu’ « il n’est alors pas
délivré au délégataire d’autorisation distincte1135 » pour pouvoir utiliser et gérer des biens du
domaine public de l’État. C’est le contrat lui-même qui confère au délégataire ce privilège.

Ce transfert de gestion est destiné à confier à un concessionnaire de service public la


gestion et l’utilisation de biens du domaine public de l’État. Il constitue un transfert de
compétences domaniales n’emportant pas un transfert de propriété. En effet, les biens, objet
du transfert de gestion, « appartiennent ab initio à la collectivité publique et relèvent donc de
son domaine public1136 ». Il s’agit en effet de biens indispensables au service pour lesquels la
propriété ne peut être conférée au délégataire de service public. C’est pourquoi ils sont
considérés comme des « biens de retour », c'est-à-dire des biens qui, au terme de la
convention de délégation de service public, sont immédiatement incorporés au domaine
public1137.

Ainsi, le délégataire est seulement habilité à user et à jouir des immeubles domaniaux
transférés, non pas sur la base d’un droit propre mais en vertu de la faculté que lui reconnaît la
personne publique concédante. À ce titre, le doyen Hauriou, dans ses notes sous l’arrêt du
Conseil d’État du 25 mai 1906, écrit que le délégataire ne dispose que d’un « droit exclusif de
jouissance 1138 ». L’autorité délégante accompagne le délégataire de service public dans
l’acomplissement de la mission d’intérêt général qu’elle lui a confiée. En retour, ce dernier a
l’obligation de se comporter en bon père de famille dans la jouissance des biens mis à sa

1134
Voir article 7.1 du contrat de concession de travaux publics et de gestion du patrimoine de l’hydraulique
urbaine en date du 15 avril 1996, [en ligne], disponible sur : www.sones.sen/texte-legislatif/texte.php, consulté le
18 avril 2015.
1135
L. Richer, Droit des contrats administratifs, 8e éd., Paris, L.G.D.J., 2012, p. 624.
1136
L. Richer, Droit des contrats administratifs, op.cit., p. 625.
1137
Voir CE, 22 mars 1985, Ministère de l’urbanisme c/ Société des Autoroutes du Sud de la France, Rec. Leb. p.
88.
1138
Hauriou, note sous CE, 25 mai 1906, Ministère du commerce c/ Compagnie de chemin de fer d’Orléans, S.
1908, 3, 65.

Page 341
disposition. Il est tenu de contrôler et d’assurer la bonne utilisation et la bonne exploitation
des infrastructures dont la gestion lui est confiée.

La gestion du domaine public fait l’objet d’une véritable externalisation avec la


diversité des personnes pouvant être investies de compétence domaniales. L’objectif
recherché dans le cadre de cette externalisation est la performance dans la gestion domaniale.

- La recherche de performance

La performance dans la gestion du domaine public peut être appréhendée comme une
meilleure utilisation des biens dont la gestion est transférée étant entendue qu’elle signifie
« réalisation, mise en œuvre ou résultats1139 ». En effet, le transfert de gestion permet aux
personnes bénéficiaires « d’exercer pleinement leurs compétences avec et sur les moyens
utiles à cette fin1140 ». Elles bénéficient d’un droit de jouir de l’immeuble conformément à sa
destination et d’un droit d’accomplir tous les actes de gestion, à l’exception des actes de
disposition1141 . Ainsi, en tant que personnes dotées d’un patrimoine propre et des moyens
(personnel et matériel) de gestion propres, elles disposent de compétences techniques
appropriées à la gestion des dépendances domaniales mises à leur disposition.

L’externalisation de la gestion domaniale révèle une clairevoyance de l’État d’atteindre


plus efficacement l’utilité publique attachée au domaine public en s’associant avec d’autres
segments de la société. Ce procédé peut être conçu comme un outil juridique d’amélioration
de la gouvernance du domaine public « afin d’y introduire la gestion par les
performances1142 ». L’État cherche à se démarquer du carcan classique de la gestion publique,
plus précisément de la gestion en régie, dominée par la règle et le caractère juridique de
l’action, loin de tout calcul utilitariste. L’externalisation de la gestion domaniale, quant à elle,
obéit plutôt à une logique d’utilisation des méthodes de gestion privée dans la gouvernance du
domaine public. Il préconise plus une gestion par les résultats.

L’idée de performance dans le transfert de gestion d’immeubles du domaine public


s’appréhende en termes d’amélioration de la qualité des services rendus aux destinataires

1139
C. Chol et F. Waintrop, « Une vision systématique de la perofrmance : quelques leçons tirées des
expériences étrangères », Paris, 13e colloque international de la Revue politique et management public, Institut
de la gestion publique et du développement économique, 2003.
1140
G. Peiser, Droit administratif des biens, 20e éd., Paris, Dalloz, 2010, p. 40.
1141
« Les transferts de gestion du domaine public », p. 3, [en ligne], disponible sur : www.collectivites-
locales.gouv.fr/files/transfertsgestion.pdf, consulté le 16 novembre 2015.
1142
M. Niang, Les agences d’exécution et la modernisation de l’État, op.cit., p. 18.

Page 342
desdits immeubles. En effet, dans les différents cas où le transfert de gestion d’immeubles du
domaine public est institué, les pouvoirs publics mettent en avant l’idée de « résultats » en
termes d’amélioration, de qualité, d’accessibilité des services à rendre au public usager de ses
dépendances1143. Il y a une sorte de priorisation du niveau qualitatif des services à offrir aux
destinataires du domaine des dépendances dont la gestion est transférée.

Cela se vérifie davantage avec l’utilisation des contrats de performance dans les relations
entre l’État et ses partenaires, publics ou privés. Cet outil juridique apparaît dans le cadre de
la gestion de biens du domaine public sur la base d’un transfert de gestion1144. Le décret relatif
au contrat de performance applicable aux agences d’exécution le défini comme une
convention dans laquelle les objectifs sont clairement fixés et les moyens nécessaires à
l’accomplissement de ses missions bien définies1145. Ainsi, il met en corrélation les objectifs à
atteindre et les moyens permettant de les réaliser. Il s’agit d’un outil par lequel le partenaire
de l’État s’engage à réaliser des objectifs mesurables en contrepartie desquels l’État garantit
les moyens nécessaires. En retour, l’État évalue périodiquement les performances attendues
de son partenaire en termes d’amélioration du niveau des services. En somme, le contrat de
performance repose sur deux piliers : l’engagement du gestionnaire sur des objectifs associés
à des indicateurs de performance prédéfinis et l’obligation de rendre compte de sa gestion et
de ses résultats en contrepartie des moyens affectés dans le cadre du contrat de
performance1146. Ce contrat apparaît ainsi comme une responsabilition du gestionnaire à faire
des résultats.

Son utilisation en matière de transfert de gestion peut contribuer à doter l’État


d’immeubles domaniaux en quantité et en qualité suffisante afin d’améliorer sensiblement les
services offerts au publicusager. Car, là où il est mis en oeuvre, le bénéficiaire du transfert de
gestion sera responsabilisé sur des objectifs mesurables et tenu de rendre compte de sa gestion
physique, comptable et financière des biens dont la gestion lui est transférée, ainsi que de ses
1143
Voir, par exemple, loi n° 87-28 du 18 août 1987 autorisant la création de la Société Nationale du Port
Autonome de Dakar, modifiée, JORS N° 5192 du 12 septembre 1987 ; loi n° 96-02 du 22 février 1996 autorisant
la création de l’Office National de l’Assainissement du Sénégal, JORS N° 5676 du 24 février 1996 ; décret n°
2010-430 du 1er avril 2010 portant création et fixant les règles d’organisation et de fonctionnement de
l’AGEROUTE Sénégal, JORS N° 6560 du 11 décembre 2010 ; loi n° 2014-13 du 28 février 2014 portant
création de l’Office des Forages Ruraux (OFOR), JORS N° 6805 du 16 août 2014.
1144
Voir, par exemple, décret n° 2010-1812 du 31 décembre 2010 relatif au contrat de performance applicable
aux agences d’exécution, JORS N° 6577 du 19 mars 201 ; contrat de performance entre la SONES et la société
d’exploitation, [en ligne], disponible sur : www.sones.sen/texte-legislatif/processus/contrat%20performance.pdf,
consulté le 18 avril 2015.
1145
Voir article 2 du décret n° 2010-1812 du 31 décembre 2010 relatif au contrat de performance applicable aux
agences d’exécution, JORS N° 6577 du 19 mars 2011.
1146
M. Niang, Les agences d’exécution et la modernisation de l’État, op.cit., p. 113.

Page 343
résultats. Ainsi, sa généralisation à tous les bénéficiaires d’un transfert de gestion aiderait
l’État à disposer d’un outil d’évaluation des résultats attendus des personnes concernées en
termes de gestion de biens du domaine public.

Au total, lorsqu’elle est mise en œuvre, la technique du transfert de gestion, offre à des
collectivités publiques autonomes de l’État, ainsi qu’à des personnes privées d’avoir des
compétences en matière domaniale et favorise une meilleure gestion des dépendances
domaniales. À côté d’elle, le législateur a récemment introduit une autre technique
d’externalisation de la gestion du domaine public, à savoir le contrat de partenariat public-
privé.

B/ L’avènement d’une nouvelle technique de gestion : le contrat de


partenariat public-privé

La gestion privée du service public au Sénégal a connu une évolution en termes de


procédés de gestion depuis le début des années 2000. Un nouveau procédé, finalement
dénomé contrat de partenariat et régi par la loi n° 2014-09 du 20 février 2014, a fait son
apparition dans le champ d’intervention de l’État. Cette technique de gestion privée est
admise comme un mode d’occupation privative du domaine public (a) et constitue, à ce titre,
un outil juridique de valorisation des dépendances domaniales (b).

a) Un nouveau mode d’occupation privative du domaine public

Le contrat de partenariat public-privé trouve sa consécration officielle au Sénégal dans la


loi n° 2006-16 modifiant la loi n° 65-61 du 19 juillet 1965 portant code des obligations de
l’administration (COA)1147. Il a, par la suite, fait l’objet d’un texte particulier en 20141148. Aux
termes des dispositions desdits textes, le contrat de partenariat est un « contrat par lequel une
personne publique confie à un tiers, pour une période bien déterminée, une mission globale
comprenant le financement et la réalisation, y compris la construction, la réhabilitation ou la
transformation, d’investissements matériels, leur exploitation ou leur gestion et, le cas
échéant, d’autres prestations, qui concourent à l’exercice par la personne publique concernée

1147
Voir article 10 nouveau de la loi n° 2006-16 du 30 juin 2006 modifiant la loi n° 65-61 du 19 juillet 1965
portant codes des obligations de l’administration, JORS N° 6291du 5 août 2006.
1148
Voir loi n° 2014-09 du 20 février 2014 relative aux contrats de partenariat, JORS N° 6781 du 25 mars 2014.

Page 344
de la mission de service public dont elle est chargée1149 ». Cette définition laisse apparaître
que le contrat de partenariat est un « contrat global1150 ». Il permet à la personne publique de
confier à un partenaire une pluralité de missions.

Il convient de rappeler que le contrat de partenariat a commencé à prendre forme au


Sénégal en 2004 sous une autre dénomination. En effet, c’est la loi n° 2004-13 du 1er mars
2004 relative aux Contrats de Construction-Exploitation-Transfert d’infrastructures, dite loi
CET, qui a amorcé le partenariat public-privé au Sénégal1151. Le contrat CET était considéré
comme une convention par laquelle l’État ou les autres collectivités publiques confie à un
tiers tout ou partie de la mission de financement d’une infrastructure d’utilité publique, sa
conception, sa construction, son exploitation, son entretien, voire son transfert à la personne
publique concédante1152.

Cette loi a servi de cadre juridique à la nouvelle voie tracée par les pouvoirs publics
sénégalais pour réaliser de « grandes infrastructures structurantes » sur la base d’un
partenariat public-privé. En effet, le législateur affirme dans la loi relative aux contrats de
partenariat, abrogeant la loi CET, qu’ « avec la loi n° 2004-13 du 1er mars 2004 relative aux
contrats de Construction-Exploitation-Transfert d’infrastructures … le Sénégal s’est doté
d’une législation permettant la réalisation et l’exploitation, en partenariat public-privé,
d’infrastructures d’intérêt public destinées à satisfaire les besoins des populations en matière
de mobilité urbaine et interurbaine 1153 ». Cette affirmation révèle, dans la pratique, une
satisfaction au niveau du secteur des infrastructures routières. En effet, c’est à travers les
contrats CET que l’État du Sénégal a entrepris et réalisé la construction de l’autoroute à péage
entre la Patte d’Oie et Diamniadio1154.

Mais, une évaluation entreprise autour du cadre institutionnel et juridique de cette loi a
révélé qu’elle comporte des insuffisances face au besoin croissant de financement
d’infrastructures d’intérêt collectif, notamment en ce qui concerne son champ d’application.

1149
Voir article premier, paragraphe 5 de la loi n° 2014-09 du 20 février 2014 relative aux contrats de
partenariat, JO préc. ; article 10 nouveau – II- de la loi n° 2006-16 modifiant la loi n° 65-61 du 19 juillet 1965
portant Codes des Obligations de l’Administration, JO préc.
1150
P. Delvolvé, « Les contrats globaux », RFDA, 2004, p. 1079.
1151
Loi n° 2004-13 du 1er mars 2004 relative aux contrats de construction-exploitation-transfert d’infrastructures,
abrogée et remplacée, JORS N° 6155 du 1er mars 2004.
1152
Voir article premier, aliénas 1 et 2 de la loi n° 2004-13 du 1er mars 2004 relative aux contrats de
construction-exploitation-transfert d’infrastructures, abrogée et remplacée, JO préc.
1153
Voir Exposé des motifs de la loi n° 2014-09 du 20 février 2014 relative aux contrats de partenariat, JORS N°
6781 du 25 mars 2014.
1154
Voir la Convention de concession pour la conception, le financement, la construction, l’exploitation et
l’entretien de l’autoroute à péage entre la Patte d’Oie et Diamniadio, JORS N° 6487 du 5 septembre 2009.

Page 345
C’est pour cela qu’elle fut abrogée et remplacée par un nouveau cadre juridique, à savoir la loi
n° 2014-09 du 20 février 2014 relative aux contrats de partenariat.

Cette dernière est venue, entre autres, consacrer la formule « contrats de partenariat
public-privé » à la place des « contrats de construction-exploitation-transfert
d’infrastructures », et corriger le champ d’application de la loi CET. En effet, les contrats
CET avaient un champ d’application restreint. Ils n’étaient prévus que pour les « seules
infrastructures constituant des dépendances du domaine public artificiel ou destinées à
constituer de telles dépendances1155 ». Ce champ d’application limité n’était pas de nature à
favoriser la diversification des équipements collectifs sur la base du partenariat public-privé
car le développement d’infrastructures nécessaires à la vie économique et sociale dépasse le
seul cadre des immeubles du domaine public artificiel.

C’est pourquoi les pouvoirs publics ont procédé à « l’élargissement du champ


d’application de la loi pour couvrir l’ensemble des secteurs prioritaires 1156 ». Dans la
nouvelle loi le partenariat public-privé s’applique à tous « les secteurs de la vie économique et
sociale, à l’exception des secteurs soumis à une règlementation particulière, notamment les
secteurs de l’énergie, des mines et des télécommunications1157 ». Issakha Ndiaye note, à ce
propos, que le partenariat public-privé couvre désormais les secteurs « que sont l’économie et
le social dont le développement ne peut aucunement se concevoir sans de solides
infrastructures1158 ».

Ainsi, au cadre resteint de la loi CET, la loi relative aux contrats de partenariat substitue
un champ d’application plus vaste. La formule globale employée par le législateur ne laisse en
rade aucun secteur vital au développement économique et social du pays qui nécessiterait la
réalisation de grands travaux d’infrastructures d’intérêt public. Il s’agit là d’une démarche
prudente puisqu’ « une énumération ne peut tout prévoir et comporte des lacunes 1159 ». Le
procédé contractuel du partenariat public-privé peut ainsi être utilisé par l’État afin de
développer son patrimoine immobilier, public comme privé.

1155
Voir article premier, alinéa 3 de la loi n° 2004-13 du 1er mars 2004 relative aux contrats de construction-
exploitation-transfert d’infrastructures, abrogée et remplacée, JO préc.
1156
Voir Exposé des motifs de la loi n° 2014-09 du 20 février 2014 relative aux contrats de partenariat, JO préc.
1157
Voir article 2, alinéa 3 de la loi n° 2014-09 du 20 février 2014 relative aux contrats de partenariat, JO préc.
1158
I. Ndiaye, Les contrats de partenariat public-privé et le développement des infrastructures au Sénégal, Paris,
L’Harmattan, 2015, p. 42.
1159
C. Lapeyre, « Aperçu de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État au Sénégal »,
AA, 1976, p. 101

Page 346
À la différence de la loi CET qui avait nommément retenu l’application de ce procédé
contracteul au domaine public artificiel, l’application du contrat de partenariat au domaine
public résulte désormais d’une formule globale. Il peut, en conséquence, être conclu sur toutes
les dépendances du domaine public, qu’il s’agisse du domaine public artificiel ou du domaine
public naturel.

Cela se vérifie à travers la détermination des infrastructures qui peuvent donner lieu à la
conclusion de ce procédé de gestion privée. Selon Issakha Ndiaye, le nouveau champ
d’application du partenariat public-privé vise non seulement le développement des
infrastructures d’intérêt économique, comme les infrastructures de transport terrestre et
ferroviaire (routes, autoroutes, lignes ferroviaires), de transport maritime (ports maritimes ou
fluviaux, embarcadères, voies navigables intérieurs), de transport aérien (aéroports,
aérodromes), celles touristiques et agricoles (retenues d’eau, aménagements hydro-agricoles),
mais aussi le développement des infrastructures sociaux de base, à savoir les infrastructures
d’assainissement et d’approvisionnement en eau potable, celles d’accès à la santé et à
l’éducation1160. À l’évidence, il s’agit d’infrastructures qui, dans une très large mesure, font
partie du domaine public, artificiel ou naturel. À titre d’exemple, les infrastructures de
transport constituent ou sont destinées à constituer des biens du domaine public artificiel,
alors que les installations touristiques et les ouvrages portuaires sont à ériger sur les
dépendances du domaine public naturel.

Il faut, cependant, relever que le tréfonds du domaine public et le secteur des


télécommunications1161 sont exclus du partenariat public-privé. Ainsi, pour l’exploitation des
ressources du sous-sol, à savoir les mines et l’énergie, et des fréquences radioélectriques,
l’Etat ne peut recourir aux contrats de partenariat public public-privé1162. Ces secteurs restent
soumis aux autorisations contractuelles d’occupation du domaine public, notamment les
concessions et autorisations d’exploitation. En dehors de ces dépendances domaniales, le
contrat de partenariat peut être autorisé sur toute portion du domaine public en vue de la
réalisation d’infrastructures d’intérêt collectif.

1160
I. Ndiaye, Les contrats de partenariat public-privé et le développement des infrastructures au Sénégal,
op.cit., pp. 27-28.
1161
Voir article 2, alinéa 3 de la loi n° 2014-09 du 20 février 2014 relative aux contrats de partenariat, JO préc.
1162
I. Ndiaye, Les contrats de partenariat public-privé et le développement des infrastructures au Sénégal,
op.cit., p. 44.

Page 347
De façon beaucoup plus précise, le dispositif de la loi relative au contrat de partenariat
confirme que ce procédé peut être utilisé sur le domaine public. En effet, le législateur y
retient que « lorsqu’un contrat de partenariat emporte occupation du domaine public, il vaut
autorisation d’occupation de ce domaine pour sa durée 1163 ». Il fait ainsi du contrat de
partenariat un mode d’occupation privative du domaine public. La formule du législateur fait
référence au domaine public de façon globale sans aucune autre précision. Cela implique que
le contrat de partenariat peut être autorisé à la fois sur le domaine public naturel et celui
artificiel. Ainsi, le droit domanial s’enrichit d’un nouveau procédé contractuel. Il faut,
désormais, compter, parmi les autorisations contractuelles d’occupation privative du domaine
public de l’État, les contrats de partenariat public-privé.

À partir du moment où le partenariat public-privé fait partie, désormais, des techniques


contractuelles applicables au domaine public, il devient nécessaire d’apporter une
modification à la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État. En effet, les
articles 11 et 16 dudit code consacrant respectivement les cas d’occupation privative du
domaine public et les autorisations contractuelles doivent être complétés. Le législateur doit
inclure dans le code du domaine de l’État les contrats de partenariat parmi les utilisations
privatives du domaine public. Cela va permettre non seulement de mettre à jour la loi n° 76-
66 du 2 juillet 1976, mais aussi et surtout d’harmoniser la législation.

L’intégration du contrat de partenariat public-privé dans les modes d’occupation privative


du domaine public confère à la personne publique étatique un outil de gestion privée de
valorisation dudit domaine. S’il ne fait plus l’objet d’un doute que le partenariat public-privé
s’applique sur l’ensemble des dépendances du domaine public, il convient de montrer que
cette technique contractuelle présente des atouts majeurs pour le développement des
infrastructures sur le domaine public.

b) Un outil juridique de valorisation du domaine public

Le procédé du contrat de partenariat se révèle être un outil juridique adapté à la


réalisation d’infrastructures d’intérêt collectif constituant des dépendances domaine public.
Cela tient au fait qu’il constitue un mécanisme de financement privé d’équipements publics,
assorti d’un certain nombre de garanties juridiques au profit du partenaire de l’État.

1163
Voir article 6 in fine de la loi n° 2014-09 du 20 février 2014 relative aux contrats de partenariat, JO préc.

Page 348
- Un mécanisme de financement privé d’infrastructures publiques

Jean-François Auby, s’interrogeant sur la nécessité des contrats de partenariat en


France, affirme que « si l’on en est venu à créer des contrats de partenariat, c’est bien a
priori parce qu’on a estimé que les dispositifs existants ne permettaient pas de répondre à
toutes les attentes de l’association entre les personnes publiques et les personnes privées pour
développer les équipements publics et améliorer l’efficience du service public 1164 ». Cette
assertion trouve toute sa pertinence dans l’admission du contrat de partenariat sur le domaine
public de l’État au Sénégal.

En effet, en 2004, les pouvoirs publics affirmaient sans détour que le Sénégal, jusque-
là, ne s’était pas doté d’une règlementation permettant la réalisation et l’exploitation, en
partenariat public-privé, d’infrastructures d’intérêt public1165. Dans le cadre de l’adoption de
la loi relative au contrat de partenariat, ils soutiennent dans l’exposé des motifs de ladite loi
que face à l’importance des investissements à réaliser, une baisse de l’aide au développement
et une croissance insuffisante, le budget de l’État, comme principale source de financement
des infrstructures, semble montrer ses limites. Dans ce contexte, un changement de paradigme
dans la satisfaction des besoins de financement de l’économie nationale s’impose. Il s’agit de
trouver des mécanismes de financement qui soulagent le budget de l’État. A cet égard, les
nouvelles propositions mettent en exergue la nécessité de s’approprier les avantages
qu’offrent les financements innovants1166.

Tout cela dénote une réelle volonté des pouvoirs publics de se doter d’un mécanisme
juridique permettant de faire financer la réalisation, ainsi que l’exploitation et l’entretien
d’équipements d’intérêt collectif par des partenaires privés. L’institution du contrat de
partenariat répond à cette préoccupation. Ce qui est confirmé par l’agence en charge de la
promotion de l’investissement au Sénégal (APIX) qui indique que le Sénégal a choisi le
mécanisme des partenariats public-privé, comme mécanisme de financement des
infrastructures1167.

1164
J.-F. Auby, « Le cas des contrats de partenariat : ces nouveaux contrats étaient-ils nécessaires ? », RFDA,
novembre-décembre 2004, p. 1095.
1165
Voir Exposé des motifs de la loi n° 2004-13 du 1er mars 2004 relative aux contrats de construction-
exploitation-transfert d’infrastructures, abrogée et remplacée, JO préc.
1166
Voir Exposé des motifs de la loi n° 2014-09 du 20 février 2014 relative aux contrats de partenariat, JO préc.
1167
APIX. SA, « Le partenariat public-privé au Sénégal, p. 2, [en ligne], disponible sur :
www.investinsenegal.com/IMG/pdf_partenariat_public_prive_au_senegal.pdf, non daté, consulté le 4 janvier
2015.

Page 349
Le contrat de partenariat se présente alors comme un mode de gestion privée du
domaine public qui soulage le budget de l’État. Il s’agit d’un procédé contractuel qui « confie
toujours le financement d’un investissement à l’entreprise partenaire 1168 ». Son utilisation
permet de régler la question du financement des investissements.

Le montage financier du contrat de partenariat charge le partenaire de l’État du


préfinancement de l’infrastructure et à l’État d’assurer sa rémunération tout au long du
contrat. C’est ce qui ressort de la loi relative au contrat de partenariat qui dispose que « la
rémunération du cocontractant, au titre d’un contrat de partenariat, provient essentiellement
de versements par la personne publique pendant toute la durée du contrat1169 ». Il apparaît
ainsi que l’État ne supporte pas d’entrée le coût du financement du projet.

C’est pour cette raison que Issakha Ndiaye écrit que « l’un des avantages des contrats
de partenariat public-privé est la prise en charge, par l’entreprise sélectionnée, des moyens
financiers de réalisation du projet1170 ». L’État assure, de façon échelonnée, la rémunération
du partenaire. En conséquence, le budget ne supporte pas d’un seul coup la charge financière
de réalisation de l’infrastructure. La dépense publique est alors différée et se paie de façon
allégée. Ainsi, « […] le préfinancement par les personnes privées permet à la collectivité
publique, non pas de se décharger du coût de l’investissement comme on le dit parfois, mais
de l’étaler dans le temps moyennant le paiement d’un prix1171 ».

L’atout du contrat de partenariat public-privé procède dès lors du préfinancement de


l’ouvrage par l’entreprise privée. L’État confie à un opérateur privé la mission de construire
un immeuble dépendant de son domaine public sans avoir à suporter au départ le coût de
l’investissement. Il est tenu, en revanche, de rémunérer l’investissement fourni par l’opérateur
privé. Cette rémunération étant étalée dans le temps, l’État supporte sa part financière du
contrat de façon allégée. A termes, il réussit à se faire construire une infrastructure d’intérêt
collectif qu’il va récuper à la fin de la validité du contrat.

Dès lors que le partenaire de l’État supporte d’entrée le coût de l’investissement, il est
important qu’il puisse disposer de garanties juridiques sur le domaine public pour sécuriser

1168
L. Richer, Droit des contrats administratifs, 8e éd., Paris, L.G.D.J., 2012, p. 707.
1169
Voir article 6, alinéa 1 de la loi n° 2014-09 du 20 février 2014 relative aux contrats de partenariat, JORS N°
6781 du 25 mars 2014.
1170
I. Ndiaye, Les contrats de partenariat public-privé et le développement des infrastructures au Sénégal, Paris,
L’Harmattan, 2015, p. 186.
1171
D. Casas, « L’ordonnance sur les contrats de partenariat était-elle légale ? », RFDA, novembre-décembre
2004, numéro 6, p. 1103.

Page 350
son investissement. La loi relative au contrat de partenariat semble répondre favorablement à
cette exigence.

- Un mécanisme juridique sécurisant les investisseurs

Le contrat de partenariat nécessite pour sa réalisation la mobilisation de ressources


financières importantes. Pour cela, les opérateurs privés ont nécessairement besoin de sécurité
juridique pour se rassurer. Car, comme le souligne Jean-François Auby, le contrat de
partenariat « ne peut connaître un véritable succès que si la communauté financière considère
qu’il garantit suffisamment ses intérêts pour qu’elle puisse assurer le financement 1172 ».
L’importance de la sécurisation des investissements réside dans le fait que l’investisseur a
recours essentiellement à l’emprunt pour mobiliser le capital financier nécessaire à la
réalisation de l’infrastructure. Car, « faute de pouvoir emprunter, on ne peut investir1173 ». Or,
l’obtention d’un prêt suppose que le partenaire de l’État dispose de garanties suffisantes à
placer auprès des institutions financières.

Pour cela, il doit pouvoir disposer sur le domaine public de droits réels mobilisables,
susceptibles d’être apportés en garantie dans la mesure où « toutes les sources normales du
crédit ont en commun le fait d’exiger de l’emprunteur, à titre de garantie, un droit réel
[…]1174 ». Il apparaît ainsi que l’acquisition de droits réels sur le domaine public constitue un
« préalable indispensable à la constitution des sûretés nécessaires au financement des
1175
infrastructures ou des équipements dont le domaine public est le siège ». La
reconnaissance de ces droits est utile à plus d’un titre : elle permet à l’opérateur privé d’avoir
accès au crédit d’une part, et aux institutions de crédit de disposer de garanties d’autre part.

Le législateur sénégalais semble avoir compris cet enjeu. Il a pris en compte cet aspect qui
est de nature à rassurer les investisseurs, à savoir la reconnaissance de droits réels aux
partenaires de l’État dont le contrat donne lieu à une occupation du domaine public.

1172
J.-F. Auby, « Le cas des contrats de partenariat : ces nouveaux contrats étaient-ils nécessaires ? », RFDA,
novembre-décembre 2004, p. 1096.
1173
M. Querrin, « Domaine public, protection, redéploiement, partenariat », Etudes foncières, n° 62, mars 1994,
p. 13.
1174
J.-Ph. Brouant, Le régime domanial à l’épreuve de la valorisation économique, Thèse, Paris Panthéon
Sorbonne, 1995, p. 252.
1175
G. Marou, « L’expérience française de financement privé des infrastructures et des équipements », in
Annuaire des collectivités locales, Tome 19, 1999, p. 62, [en ligne], disponible sur :
www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/coloc_0291-4700_1999_num_19_1_1330, consulté le 4
janvier 2015.

Page 351
La loi n° 2014-09 du 20 février 2014 relative aux contrats de partenariat a apporté une
révolution majeure sur les caractéristiques des autorisations d’occupation privative du
domaine public. Elle a assoupli considérablement l’interdiction du démembrement de la
propriété de l’État sur le domaine public 1176 , ainsi que la durée relativement courte de
l’autorisation domaniale.

Les pouvoirs publics ont essayé de surmonter les contraintes domaniales qui n’incitent pas
les opérateurs économiques à venir s’installer sur le domaine public et à y réaliser des
investissements importants. C’est tout le sens de la disposition suivante : « lorsqu’un contrat
de partenariat emporte occupation du domaine public, il vaut autorisation d’occupation de ce
domaine pour sa durée. Sauf stipulation contraire du contrat, le titulaire a des droits réels sur
les ouvrages et équipements qu’il réalise. Ces droits lui confèrent les prérogatives et
obligations du propriétaire, dans les conditions et limites prévues par des clauses du contrat
ayant pour objet de garantir l’intégrité et l’affectation du domaine public 1177 ». Cette
disposition n’envisage pas l’occupation d’une dépendance domaniale au titre d’un contrat de
partenariat sur la base des autorisations d’occupation temporaire prévues par la loi n° 76-66
portant code du domaine de l’État. Elle y déroge en consacrant que c’est le contrat de
partenariat lui-même qui vaut autorisation d’occupation du domaine public.

Ainsi, le partenaire de l’État n’a pas besoin de disposer d’un autre titre juridique pour
occuper les dépendances domaniales en cause. Indépendamment de cela, le législateur admet
la constitution de droits réels sur le domaine public au titre d’un contrat de partenariat. Il
accorde au bénéficiaire d’un contrat de partenariat des privilèges qu’il ne confère pas aux
titulaires de titres d’occupation privative ordinaires.

Le Séngal s’aligne ainsi à d’autres pays africains, notamment le Cameroun et la Guinée


qui ont reconnu aux partenaires de l’État des droits réels sur le domaine public1178. Il semble y
avoir un mouvement d’ensemble rendant attractif le domaine public. Cela tient

1176
Voir article 9 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JORS N° 4506 du 28
juillet 1976.
1177
Voir article 6, in fine de la loi n° 2014-09 du 20 février 2014 relative aux contrats de partenariat, JO préc.
1178
Voir article 17 de la loi camerounaise n° 2006/012 du 29 décembre 2006 fixant le régime général des
contrats de partenariat, [en ligne], disponible sur : www.ppp-cameroun.cm/uploads/Telechargements/cadre-
juridique-des-PPP-recueil-des-textes-fr.pdf, consulté le 15 janvier 2016 ; voir loi guinéenne L/97/012/AN du 1 er
juin 1998 autorisant le financement, la construction, l’exploitation, l’entretien et le transfert d’infrastructures de
développement par le secteur privé, cité par F. Lichere et B. Martor, « Essor des partenariats public-privé en
Afrique : réformes en cours et perspectives d’avenir », Revue du Droit des Affaires Internationales
(RDAI/IBLJ), N°3, 2007, p. 297.

Page 352
fondementalement au « manque évident d’infrastructures et de services en Afrique1179 ». Le
Sénégal ne pouvait donc pas rester en marge de cette dynamique face à l’importance des
investissements à réaliser en termes d’équipements d’intérêt collectif. Le contrat de
partenariat, comme titre d’occupation privative du domaine public, comporte des dispositions
qui sont de nature à rassurer les investisseurs.

Le premier élément d’attractivité du domaine public instauré par la loi n° 2014-09 repose
sur la stabilité offerte au partenaire de l’État. En effet, en disposant que le contrat de
partenariat qui emporte occupation du domaine public vaut autorisation d’occupation de ce
domaine pour sa durée, le législateur fait de ce procédé contractuel un titre juridique
d’utilisation privative du domaine public de longue durée. Il a voulu remédier aux
inconvénients de l’autorisation d’occupation temporaire. Cette dernière constitue, en effet, un
procédé qui « n’incite pas les grands promoteurs à réaliser leurs investissements sur le
domaine public en raison de l’instabilité de leur situation juridique sur ce domaine et de la
durée de l’occupation qui ne leur permet pas d’amortir leurs investissements1180 ».

En alignant la durée d’occupation du domaine public à celle du contrat de partenariat lui-


même, le législateur lève un obstacle majeur à l’investissement sur ledit domaine. Car, il est
retenu que ce type de contrat est prévu « pour une période déterminée en fonction de la durée
d’amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues 1181 ». Pour
Alain Ménéménis, « la référence à la durée d’amortissement est classique pour les contrats
de longue durée exigeant des investissements importants1182 ». Il en résulte que la durée du
contrat de partenariat correspond à une période assez longue qui permet au partenaire de
l’Etat d’amortir ses investissements dans des conditions financièrement satisfaisantes.

La lecture de la législation sénégalaise ne permet pas d’avoir une idée sur le nombre
d’années que doit durer un contrat de partenariat ; le texte ne fixe aucun délai déterminé, ni un
minima ni un maxima. Ainsi, le législateur semble laisser le libre-choix aux parties d’en
déterminer la durée au niveau du contrat. On retrouve la confirmation dans la convention de

1179
F. Lichere et B. Martor, « Essor des partenariats public-privé en Afrique : réformes en cours et perspectives
d’avenir », Revue du Droit des Affaires Internationales (RDAI/IBLJ), N°3, 2007, p. 297.
1180
A. Zejjari, « Levée d’un obstacle juridique à l’investissement sur le domaine public : l’apport de la loi 17-
98 », l’Economiste, le 3 décembre 1999, p. 1, [en ligne], disponible sur :
www.maghres.com/fr/leconomiste/27358, consulté le 18 janvier 2015.
1181
Voir article premier de la loi n° 2014-09 du 20 février 2014 relative aux contrats de partenariat, JO préc.
1182
A. Ménéménis, « La réforme du partenariat public-privé », AJDA, 2004, p. 1744 ; J.-F. Auby, « Le cas des
contrats de partenariat : ces nouveaux contrats étaient-ils nécessaires ? », RFDA, novembre-décembre 2004,
numéro 6, p. 1096.

Page 353
réalisation de l’autoroute à péage où les parties ont fixé la durée du contrat à trente (30)
ans1183. Par contre, en droit domanial algérien et français, le législateur a donné une idée sur le
délai d’exécution d’un contrat de partenariat en déterminant un plafond qui ne peut
respectivement excéder soixante cinq (65) ans et soixante-dix (70) ans1184.

Cela renseigne donc sur la longévité des contrats de partenariat. Ce qui permet ainsi de
retenir que le facteur temporel constitue un élément important dans cette technique
contractuelle faisant d’elle un type de montage favorable à des constructions contractuelles de
longue durée1185.

En conséquence, son application au domaine public permet de stabiliser la situation


juridique du titulaire de l’autorisation. Celui-ci dispose sur le domaine public d’un titre
juridique qui lui garantit un retour sur investissement. Cela d’autant plus qu’en cas de
résiliation du contrat de partenariat pour un motif d’intérêt général, le contractant a droit à une
indemnité couvrant les charges exposées et le manque à gagner à l’opérateur du projet1186.
Donc, le contrat de partenariat portant sur le domaine public présente une garantie suffisante
pour le partenaire de l’État : sa durée permet l’amortissement des investissements, et dans le
cas où il n’arrive pas à terme, l’investisseur a droit à une indemnisation qui couvre non
seulement la perte subie, mais aussi le manque à gagner.

Le second élément d’attractivité du domaine public procède de la reconnaissance de droits


réels à l’occupant privatif. En effet, la loi n° 2014-09 relative au contrat de partenariat
consacre que l’occupation du domaine public au titre d’un contrat de partenariat est, sauf
stipulations contraires, attributive de droits réels sur les ouvrages et équipements réalisés par
l’occupant1187.

Ce dispositif apporte une innovation majeure en matière d’occupation privative du


domaine public. Il règle, en effet, « la question des droits du cocontractant sur les

1183
Voir Titre I. 3. de la Convention de concession pour la conception, le financement, la construction,
l’exploitation et l’entretien de l’autoroute à péage entre Patte d’Oie et Daimeniadio, JORS N° 6481 du 5
septembre 2009.
1184
Voir article 69 bis, alinéa 3 de la loi n° 2008-14 du 17 Rajab 1429 correspondant au 20 juillet 2008 modifiant
et complétant la loi n° 90-30 du 1er décembre 1990 portant loi domaniale, JORA N° 44 du 3 août 2008 ; article L.
2122-6 de l’ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 relative à la partie législative du Code général de la
propriété des personnes publiques, JORF du 22 avril 2006.
1185
J.-F. Auby, « Le cas des contrats de partenariat : ces nouveaux contrats étaient-ils nécessaires ? », RFDA,
novembre-décembre 2004, p. 1101.
1186
Voir article 35 de la loi n° 2014-09 du 20 février 2014 relative aux contrats de partenariat, JORS N° 6781 du
25 mars 2014.
1187
Voir article 6 in fine de la loi n° 2014-09 du 20 février 2014 relative aux contrats de partenariat, JO préc.

Page 354
installations qu’il réalise […] au titre du contrat1188 ». Le partenaire de l’État, chargé de la
réalisation d’ouvrages sur le domaine public au titre d’un contrat de partenariat, est désormais
titulaire de droits réels sur les équipements qu’il met en place. En conséquence, toute
occupation privative du domaine public liée à l’exécution d’un contrat de partenariat confère à
son titulaire des droits réels sur les ouvrages qu’il réalise.

Il faut préciser que l’occupation du domaine public au titre d’un contrat de partenariat
attributive de droits réels ne concerne que les seuls cas où l’opérateur privé est chargé de
réaliser des ouvrages. En effet, dans le cas où le contrat donne lieu à la transformation
d’équipements, le partenaire de l’État ne peut prétendre à aucun droit réel1189. De tels travaux
ne sont pas visés par les textes reconnaissant ces droits ; ils ne visent que les équipements que
l’opérateur privé réalise1190.

Les droits réels ainsi reconnus aux partenaires de l’État sur les ouvrages qu’ils édifient sur
le domaine public constituent pour eux un gage de sécurité juridique. En effet, en plus du
droit à une indemnité en cas de résiliation du contrat pour motif d’intérêt général, la loi
relative aux contrats de partenariat dispose que les droits réels accordés à l’occupant
« lui confèrent les prérogatives et obligations du propriétaire […] 1191 ». À travers les
prérogatives du propriétaire, le partenaire privé a la faculté de céder, sous conditions, son
droit réel, de s’en servir pour mobiliser les capitaux nécessaires à la réalisation de ses
ouvrages. C’est ce que souligne Pierre Delvolvé en écrivant que « le cocontractant peut
recourir à un financement en garantie duquel il peut utiliser les droits réels dont il
dispose1192 ». Ainsi, l’intérêt du droit réel sur les équipements à réaliser réside dans la faculté
qu’a le partenaire de l’État de préfinancer ses ouvrages par des investisseurs privés1193 . Nous
verrons, plus tard, toute la difficulté à assurer ce préfinancement en droit domanial
sénégalais1194.

Il faut relever que François Lichère et Boris Martor soutiennent que la législation
sénégalaise consacrant le partenariat public-privé, au même titre que celle du Cameroun et de

1188
Y. Gaudemet, Droit administratif des biens, tome 2, 15e éd., Paris, L.G.D.J., 2014, p. 315.
1189
E. Fatôme et L. Richer, « Contrat de partenariat immobilier : réalisation, paiement et statut des équipements
et ouvrages », ACCP septembre 2004, p. 24.
1190
Voir article 6 in fine de la loi n° 2014-09 du 20 février 2014 relative aux contrats de partenariat, JO préc.
1191
Voir article 6 de la loi n° 2014-09 du 20 février 2014 relative aux contrats de partenariat, JO préc.
1192
P. Delvolvé, « De nouveaux contrats publics : Les contrats globaux », RFDA, novembre-décembre 2004, p.
1084.
1193
J.-F. Brisson, « L’adaptation des contrats administratifs aux besoins d’investissement immobilier sur le
domaine public : les aspects domaniaux des contrats de partenariat », AJDA, 2005, p. 594.
1194
Voir infra, p. 399 et s.

Page 355
la Guinée Conakry, comporte une « limite tenant au fait que […] le cocontractant ne peut pas
devenir propriétaire des terrains ni même à proprement parler des ouvrages, […]1195 ». En
effet, le législateur sénégalais n’est pas allé jusqu’à reconnaître au partenaire de l’État la
propriété des terrains et des équipements qu’il édifie sur le domaine public pendant la durée
du contrat de partenariat.

Considérer cette position comme un frein à l’attrait des investisseurs sur le domaine public
revient à ignorer même la nature dudit domaine au Sénégal. En effet, le législateur sénégalais,
en définissant le domaine public, a retenu qu’il est constitué de biens qui « ne sont pas
susceptibles d’appropriation privée 1196 ». Dès lors, il ne pouvait, sans violer la législation
domaniale, permettre au partenaire de l’État d’être propriétaire des dépendances domaniales
qu’il occupe et des installations qu’il y édifie.

Cette méconnaissance d’un titre quelconque de propriété au partenaire de l’État ne


constituerait une limite que lorsqu’il était possible pour un particulier de s’approprier les biens
constituant le domaine public, comme c’est le cas pour le domaine privé. Du moment que cela
n’est pas permis, le titulaire d’un contrat de partenariat emportant occupation du domaine
public ne pouvait prétendre mieux que les droits réels qui lui sont reconnus.

Par ailleurs, il faut noter que la dénégation d’une quelconque propriété au partenaire de
l’État peut également trouver son explication dans la finalité d’intérêt général des biens du
domaine public. En effet, les terrains domaniaux ainsi que les ouvrages qui y sont édifiés
servent à la satisfaction des besoins de service public. Dès lors, ces biens ne doivent pas être
appropriés par le titulaire du contrat de partenariat en ce sens qu’ils doivent être protégés pour
garantir leur affectation, notamment la continuité du service public.

Ces développements montrent que la gestion du domaine public de l’État obéit à une
« gouvernance partagée1197 » et non centralisée. L’autre élément d’amélioration de la gestion
de ce domaine réside dans la dynamique d’accroissement des revenus qui y sont tirés.

1195
F. Lichere et B. Martor, « Essor des partenariats public-privé en Afrique : réformes en cours et perspectives
d’avenir », op.cit., p. 299.
1196
Voir article 2, alinéa 2 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JORS N° 4506
du 28 juillet 1976.
1197
A. Sakho, Préface à l’ouvrage de M. Niang, Les agences d’exécution et la modernisation de l’État,
L’Harmattan-Sénégal, 2017, p. 15.

Page 356
Section 2 : L’effort d’accroissement des revenus tirés du domaine public

L’État se fait des revenus sur le domaine public à travers non seulement les
occupations privatives de ce dernier, mais de ses usages collectifs. Ces revenus sont de la
contrepartie financière, appelée redevance domaniale, exigée, en principe, à toutes les
personnes qui bénéficient d’un usage exclusif d’une dépendance domaniale (Paragraphe 1).

Cette redevance domaniale rentre dans la catégorie des recettes budgétaires que la loi
de finances qualifie de « revenus des domaines1198 » et qui contribuent à l’alimentation du
budget de l’Etat. Pour accroître cette fonction, les pouvoirs publics sénégalais ont tenu, à
partir des années 2000, à faire jouer aux revenus tirés du domaine public un rôle de soutien
aux budgets publics face à la raréfaction des ressources publiques. Ils ont tenu à réadapter les
modalités de fixation des redevances domaniales (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : L’exigence d’une redevance domaniale à l’usage privatif

Le domaine public, à côté de sa destination à l’usage direct du public ou au service,


fait également l’objet d’utilisations privatives. Cette dérogation à la destination principale des
dépendances domaniales s’accompagne également d’une exception au principe de la gratuité
de l’usage collectif.

Le législateur a assorti l’usage privatif du domaine public au paiement d’une


contrepartie financière, appelée redevance domaniale. L’occupation du domaine public
constitue ainsi une source de revenus pour la personne publique étatique propriétaire ou son
gestionnaire. Il s’avère alors utile de s’intéresser d’abord à ce principe de non-gratuité de
l’occupation privative du domaine public (A) avant d’envisager le caractère économique de la
redevance domaniale (B).

A / Le principe de non-gratuité de l’occupation privative

Le caractère onéreux de l’occupation privative du domaine public appelle à indiquer


qu’il constitue une prérogative dont dispose l’autorité domaniale. Celle-ci a l’obligation
d’instituer une redevance domaniale pour tout usage privatif d’une dépendance domaniale (1).

1198
Voir article 8 de la loi n° 2011-15 du 8 juillet 2011 portant loi organique relative aux lois de finances, JORS
N° 6618 du 15 octobre 2011.

Page 357
Toutefois, il faut retenir que cette exigence a une portée relative. Le législateur a soustrait des
cas d’utilisations privatives du domaine public au paiement de la contrepartie financière (2).

1. L’obligation de percevoir une redevance domaniale

Il ressort du code du domaine de l’État que « le domaine public peut faire l’objet de
permissions de voirie, d’autorisations d’occuper, de concessions et d’autorisations
d’exploitation donnant lieu, […], au paiement de redevances1199 ». Le législateur a prescrit là
que toute personne qui jouit d’un usage exclusif d’une dépendance domaniale est tenue de
s’acquitter du paiement d’une redevance domaniale. C’est pourquoi ce principe s’applique à
la fois à l’usage privatif compatible au domaine public (a) et à l’usage privatif conforme au
domaine public hertzien (b).

a) La redevance domaniale pour usage privatif compatible au domaine


public

En matière d’utilisation privative du domaine public, on considère qu’ « à défaut


d’être conforme à l’affectation de la dépendance domaniale, l’occupation privative doit au
moins être compatible avec elle1200 ». Ainsi, l’usage privatif compatible au domaine public
correspond à l’utilisation privative de ce domaine qui n’est pas conforme à sa destination mais
qui en est compatible. Cette forme d’occupation du domaine public donne lieu au paiement
d’une redevance domaniale.

Cette dernière renvoie à la contrepartie financière de l’avantage qu’a un usager à


utiliser à titre personnel une portion des biens affectés à l’usage de tous. En effet, le domaine
public étant destiné à l’usage de tous, l’autorité domaniale est obligé de percevoir une
contrepartie financière à chaque fois qu’elle soustrait une dépendance domaniale de l’usage
de tous au profit exclusif d’un usager. L’article 11 du code du domaine de l’État constitue la
base juridique à l’obligation qui pèse sur la personne publique propriétaire ou l’autorité
gestionnaire de percevoir la redevance domaniale. Ce dernier ne peut pas, en principe,
permettre l’utilisation privative du domaine public à titre gratuit.

1199
Voir article 11 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JORS N° 4506 du 28
juillet 1976.
1200
J.-M. Auby, P. Bon, J.-B. Auby, Ph. Terneyre, Droit administratif des biens, 7 ème éd., Dalloz, Paris, 2016, p.
127.

Page 358
La soumission des utilisations privatives du domaine public au paiement d’une
redevance trouve ainsi son explication dans la nature de ces formes d’usage du domaine. Il
s’agit, en effet, de modes d’occupation par lesquels un particulier utilise à son profit et de
manière exclusive une dépendance domaniale. Il en résulte qu’une portion du domaine public
qui fait l’objet d’un usage privatif est soustraite de l’utilisation collective, elle est enlevée à la
jouissance de la collectivité. Or, la destination normale du domaine public est son usage par
tous, en principe, libre, égal et gratuit.

Dans le cas où un particulier bénéficie d’une situation privilégiée sur le domaine


public, il s’avère logique qu’il soit assujetti au paiement d’une contrepartie financière.
Analysant la situation d’une personne attributaire d’un titre d’occupation privative, Jean
François Denoyer soutient que cette autorisation constitue « […] une faveur, […] une
tolérance qui lui a été consentie, en retour de laquelle il est juste qu’il fournisse un équivalent
pécuniaire1201 ». Pierre ROQUES considère même que cette exigence financière de l’autorité
domaniale sur l’occupant privatif « est une question d’équité 1202 ». Il estime que « le
bénéficiaire d’une utilisation privative doit être débiteur d’une compensation à l’égard de la
personne qui lui a consenti le droit dont il jouit 1203 ». Il ressort de ces positions que la
redevance domaniale correspond à une contrepartie de l’avantage particulier conféré au
titulaire d’une autorisation d’occupation privative. C’est parce que l’autorisation domaniale
lui procure des avantages individuels que l’occupant privatif doit verser à l’État une
compensation financière.

Avec la base légale du paiement de la redevance domaniale, le maître du domaine ne


peut pas librement consentir des libéralités aux particuliers qui souhaitent occuper le domaine
public à titre exclusif. En référence à la jurisprudence administrative française, le Conseil
d’État français a retenu que le principe de gratuité est inapplicable aux autorisations
d’occupation privative du domaine public1204. Dès lors, « l’autorité domaniale ne peut pas
librement dispenser l’occupant du paiement d’une redevance1205 ». Elle est tenue de percevoir
une contrepartie financière à chaque fois qu’elle autorise un particulier à utiliser à titre privé
une dépendance domaniale.

1201
J.-F. Dénoyer, L’exploitation du domaine public, Thèse, Paris, L.G.D.J. 1969, p. 56.
1202
P. Roques, « La redevance due pour utilisation privative des voies publiques », RDP, 1934, p. 42.
1203
Idem.
1204
Voir C.E., 11 février 1998, Ville de Paris c/ Association pour la défense des droits des artistes peintres sur la
place du Tertre, Rec. Leb. p. 46.
1205
Ph. Godfrin, M. Dégoffe, Droit administratif des biens, 10ème édition, Sirey, 2012, p. 163.

Page 359
Pour consolider cette obligation, le juge administratif français a érigé le principe de
non-gratuité des occupations privatives au rang de principe général du droit domanial. En
effet, dans une décision rendue en 2004, la Cour administrative d’appel de Marseille a décidé
que compte tenu de « l’avantage particulier procuré à leurs bénéficiaires par les occupations
privatives du domaine public, lesdites occupations doivent être réputées soumises à un
principe général de droit de non-gratuité […]1206 ».

Cette jurisprudence implique qu’en matière domaniale, il existe un principe qui


subordonne l’occupation privative dudit domaine au paiement d’une redevance imposée au
bénéficiaire de l’autorisation. C’est dans ce sens que Samuel Déliancourt écrit qu’il « est donc
clairement affirmé que le domaine public ne peut être gratuitement soustrait de son
affectation publique dans l’intérêt d’un seul1207 ». Donc, toute personne qui bénéficie d’un
droit d’usage d’une dépendance domaniale à titre exclusif doit, en principe, s’acquitter du
paiement d’une redevance.

L’affirmation de ce principe implique que l’autorité domaniale doit toujours exiger une
contrepartie en échange de la mise à disposition d’une dépendance domaniale à un occupant
privatif. Cela traduit une certaine démarcation avec un propriétaire privé qui jouit d’une
certaine liberté à exiger ou non une contrepartie à l’usage de son bien. Fabrice Melleray
l’exprime clairement en écrivant que « l’exigence d’une redevance est en effet obligatoire et
non facultative alors qu’une personne privée est en principe nettement plus libre de permettre
l’occupation de son bien à titre gratuit1208 ». Ainsi, l’autorité domaniale doit toujours recevoir
une compensation en retour des privilèges qu’elle accorde aux particuliers sur le domaine
public. Dès lors, les occupations privatives du domaine se révèlent onéreuses. Elles sont
sources de rentrées financières pour l’État.

À côté de cette redevance domaniale qui est exigée en cas d’utilisation du domaine public
qui s’oppose à sa destiantion mais qui y est compatible, la redevance domaniale est également
exigée en ce qui concerne l’utlisation du domaine public hertzien, dont l’usage privatif
constitue son utilisation normale.

1206
Voir CAA Marseille, 6 décembre 2004, Commune de Nice, AJDA, 2005, p. 832.
1207
S. Deliancourt, note sous CAA Marseille, 6 décembre 2004, Commune de Nice, AJDA, 2005, p. 834.
1208
F. Melleray, « L’onérosité ou la gratuité des utilisations et occupations du domaine public », Observations
sur Cons. const. 12 juillet 1979, n° 79-107 DC, Loi relative à certains ouvrages reliant les voies nationales ou
départementales, GADAB, Dalloz, 2013, n° 62, p. 551.

Page 360
b) La redevance domaniale pour usage privatif conforme au domaine
public hertzien

Contrairement aux autres dépendances domaniales qui sont affectées à l’usage direct du
public et pouvant faire l’objet d’occupations privatives compatibles à leur destination, le
domaine public hertzien est destiné à l’usage privatif. Ainsi, son usage, bien qu’étant une
utilisation privative, consititue celui que les usagers sont normalement en droit d’y exercer. Il
s’agit de l’utilisation qui est conforme à la destination de ce domaine.

Avant de poursuivre sur cette forme d’utlisation du domaine public hertzien, il importe de
préciser d’abord le sens de ce domaine. En effet, contrairement à la France où l’appartenance
du spectre hertzien au domaine public a pu être contestée 1209 avant sa consécration
officielle 1210 , au Sénégal le débat n’a pas eu lieu. Le législateur a coupé court à toute
controverse en la matière en consacrant que « le spectre des fréquences radioélectriques fait
partie du domaine public de l’État1211 ». Il a ainsi étendu la propriété de la personne publique
étatique sur des choses incorporelles, immatérielles. Cette intégration du spectre hertzien au
domaine public a donné lieu à ce que l’on appelle le domaine public hertzien.

Ce domaine est défini comme « l’ensemble des ondes radioélectriques dont la fréquence
est comprise entre 3 KHz et 300 GHz 1212 ». Autrement dit, c’est l’espace « accueillant la
circulation des ondes ou accueillant le dispositif fonctionnel permettant la production et la
diffusion de ces ondes1213 ». Il sert de support aux activités des services de communication. La
domanialité publique de ces biens tient à deux justifications. Elle se justifie d’une part par la
volonté de les protéger « au regard de [leur] caractère indispensable pour l’exercice
d’activités de télécommunications et/ou audiovisuelles.1214 ». Elle justifie d’autre part par la
volonté de se procurer des revenus dans le cadre de leur utilisation.

1209
Voir P. Delvolvé, « Le code général de la propriété des personnes publiques. Regard extérieur sur le code »,
R.F.D.A. 2006, p. 904 ; J. Dufau, « Le domaine public hertzien : un concept juridiquement contestable », M.T.P.
9 mars 2001, p. 96 ; D. Truchet, « Controverse : les ondes appartiennent-elles au domaine public ? », RFDA
1989, p. 251.
1210
Voir article L.2111-17 de l’ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 relative à la partie législative du code
général de la propriété des personnes publiques, JORF du 22 avril 2006.
1211
Voir article 70 de la loi n° 2011-01 du 24 février 2011 portant code des télécommunications, modifiée, JORS
N° 6576 du 14 mars 2011.
1212
Voir article 3 de la loi n° 2011-01 du 24 février 2011 portant code des télécommunications, modifiée, JO
préc.
1213
Y. Gaudemet, Droit administratif des biens, tome 2, 15e éd., Paris, L.G.D.J., 2014, p. 108.
1214
A. Sakho, « Libertés et contraintes dans la règlementation du marchés des télécommunications en Afrique de
l’Ouest : exemple du marché sénégalais », Revue Lamy de la concurrence, 2014 – n° 40 du 07/2014, p. 12.

Page 361
Comme cela est prédemment indiqué, le domaine public hertzien n’est pas destiné à
l’usage de tous comme les autres composantes du domaine public. Il constitue la composante
du domaine public de l’État dont l’usage normal est l’utilisation privative. C’est ce qui ressort
en effet du code des télécommunications où le législateur dispose que « l’utilisation, par les
titulaires d’autorisation, de fréquences radioélectriques disponibles sur le territoire de la
République du Sénégal constitue un mode d’occupation privatif du domaine public de
l’État 1215 ». Cette disposition assimile l’utilisation du domaine public hertzien à une
occupation privative.

Cette assimilation s’appuie sur le fait que les fréquences hertziennes ont pour vocation à
être utilisées par les opérateurs de télécommunications en vue de la diffusion des
communications. Il s’agit, en effet, de dépendances domaniales qui sont destinées à des
occupations individualisées. C’est pourquoi elles sont qualifiées, en droit français, de
dépendances originales en ce sens que l’utilisation privative, par une personne privée ou une
personne publique, en constitue la destination habituelle1216.

L’assimilation de l’utilisation du domaine public hertzien à une occupation privative


signifie que les pouvoirs publics ont voulu le soustraire du principe de gratuité qui régit les
utilisations collectives. Son usage est assujetti à l’article 11 du code du domaine de l’État qui
exige l’acquittement d’une contrepartie financière en cas d’occupation privative du domaine
public. C’est ce que font remarquer Jean-Marie Auby et autres en écrivant que « le principe
de gratuité […] ne s’étend aucunement aux utilisations privatives1217 ». Ainsi, la destination
principale de ce domaine qui n’est pas l’usage collectif, libre et gratuit, mais plutôt l’usage
individualisé, contraignant et onéreux, donne lieu au paiement d’une contrepartie financière.

1215
Voir article 70 de la loi n° 2011-01 du 24 février 2011 portant code des télécommunications, modifiée, JO
préc.
1216
Voir Conseil d’État, Section du rapport et des études, Redevances pour services rendus et redevances pour
occupation du domaine public, Étude adoptée le 24 octobre 2002 par l’assemblée du Conseil d’État, p. 55, [en
ligne], disponible sur :
www.conseiletat.fr/content/download/3058/9202/version/1/file/etude_redevances_service_rendu_occupation__d
omaine_public_2002.pdf ; Le système français d’exploitation du domaine public hertzien et d’attribution des
fréquences radioélectriques, Rapport du groupe de travail composé de M. Yves Gaudemet, M. André
Chaminade et M. Thomas Pez-Lavergne, Paris, mars 2010, p. 10, [en ligne], disponible sur : www.fondation-
droitcontinental.org/fr/wp-content/uploads/2014/01/rapport_mai_2010.pdf, consultés le 10 février 2016.
1217
J.-M. Auby, P. Bon, J.-B. Auby et Ph. Terneyre, Droit administratif des biens, 7e éd., Paris, Dalloz, 2016, p.
126.

Page 362
Donc, c’est parce que l’utilisation des fréquences radioélectriques est qualifié d’occupation
privative du domaine public qu’elle donne lieu à la perception de redevances domaniales1218.

C’est en application de cette exigence que le droit des télécommunications, aussi bien le
dispositif législatif que règlementaire, consacre que l’utilisation des fréquences
radioélectriques donne lieu au paiement de redevances1219. Le décret du 2 juillet 2004 fixant
les redevances pour assignation des fréquences radioélectriques dispose que « les redevances
sont ainsi constituées : des frais d’études de la demande payables une seule fois au moment
du dépôt ; des frais de gestion de l’autorisation de la ressource spectrale payables
annuellement ; des redevances de mise à disposition de fréquences payables
annuellement1220 ».

Il ressort de ces éléments constitutifs de la contrepartie financière la présence de deux


catégories de redevances : une redevance pour service rendu et une redevance domaniale. En
effet, la redevance domaniale n’est pas à confondre avec la redevance pour service rendu.
Cette dernière est définie comme les sommes « demandées aux usagers en vue de couvrir les
charges d’un service public déterminé ou les frais d’établissement et d’entretien d’un ouvrage
public et qui trouvent leur contrepartie directe dans les prestations fournies par le service ou
dans l’utilisation de l’ouvrage1221 ».

Il résulte de cette définition que la redevance pour service rendu comporte trois éléments
essentiels : d’abord elle est demandée à des usagers, ensuite elle doit être demandée en vue de
couvrir les charges d’un service public déterminé ou les frais d’établissement et d’entretien
d’un service public, et enfin elle doit correspondre à la valeur de la prestation ou du
service1222. Ces trois éléments constitutifs de la redevance pour service rendu ne se retrouvent
pas dans la redevance domaniale.

1218
Voir Le système français d’exploitation du domaine public hertzien et d’attribution des fréquences
radioélectrique, Rapport préc., consulté le 17 février 2016.
1219
Voir articles 72, alinéa 2-3) et 73 de la loi n° 2011-01 du 24 février 2011 portant code des
télécommunications, JO préc ; voir articles 13, alinéa 1 et 72 du décret n° 2003-64 du 17 février 2003 relatif aux
fréquences et bandes de fréquences radioélectriques, aux appareils radioélectriques et aux opérateurs de ces
équipements, JORS N° 6088 du 17 février 2003.
1220
Voir article 3 du décret n° 2004-837 du 2 juillet 2004 fixant les redevances pour assignation de fréquences
radioélectriques, JORS N° 6180 du 4 septembre 2004.
1221
Voir C.E., 21 novembre 1951, Syndicat national des transports aériens, Rec. Leb. p. 572 ; D. 1959, p. 475 ;
AJDA, 1958, p. 471.
1222
Voir Conseil d’État, Section du rapport et des études, Redevances pour services rendus et redevances pour
occupation du domaine public, Étude préc. ; C.E., Ass. 16 juillet 2007, Syndicat national de défense de
l’exercice libéral de la médecine à l’hôpital et autre, RFDA 2007, p. 1269 ; AJDA, 2007, p. 1439.

Page 363
Cette dernière correspond à la contrepartie d’un avantage particulier conféré au titulaire
d’une autorisation d’occupation privative du domaine public. Ainsi, la redevance domaniale
est demandée aux occupants privatifs du domaine public et trouve sa contrepartie directe dans
la prestation constituée par la mise à disposition d’une portion du domaine public1223, mais
elle n’est pas destinée à couvrir les charges, frais d’établissement et d’entretien d’un service
public 1224 . Elle est directement liée à l’occupation du domaine public et constitue la
contrepartie financière de l’avantage individuel qu’une personne tire de son autorisation
d’occupation privative. Elle ne consiste pas à rémunérer un service rendu, mais elle est un
équivalent pécuniaire à une faveur, une tolérence qui a été consentie à quelqu’un sur le
domaine public.

Il apparaît dans les éléments constitutifs des redevances d’assignation de fréquences


hertziennes que les deux premières composantes correspondent à des redevances pour service
rendu. Il s’agit de redevances qui sont dues en vue de la couverture des coûts auxquels
l’administration est exposée dans l’étude de la demande et dans la gestion de l’autorisation.
Les frais ainsi demandés se rapportent à une redevance « qui a normalement pour objet de
couvrir les coûts administratifs de gestion des autorisations et qui se rattache plutôt à la
rémunération d’un service rendu 1225 ». Ils représentent donc la contrepartie d’un service
rendu.

En revanche, le dernier élément, à savoir « la redevance de mise à disposition de


fréquences1226 », correspond à la redevance domaniale. Il est celui qui est dû pour utilisation
privative du domaine public hertzien. Il représente la contrepartie financière de la mise à
disposition par l’État de fréquences hertziennes au profit des opérateurs de
télécommunications. L’utilisation du domaine public hertzien par ces derniers entraîne
impérativement donc l’acquittement d’une redevance domaniale.

En définitive, lorsqu’il y a occupation privative du domaine public, le bénficiaire du titre


d’occuper a l’obligation de s’acquitter d’une redevance domaniale. Au demeurant, ce ne sont

1223
Voir CS, Chambre administrative, 09 février 2017, SONATEL c/ Commune de Mboumba et État du
Sénégal, inédit.
1224
O. Fouquet, « Le contentieux des redevances domaniales pour occupation du domaine public », Conclusions
sur C.E., Section, 22 décembre 1989, Chambre de commerce et d’industrie du Var, RFDA, 1989, p. 644.
1225
Voir Conseil d’État, Section du rapport et des études, Redevances pour services rendus et redevances pour
occupation du domaine public, Étude préc.
1226
Voir article 3 du décret n° 2004-837 du 2 juillet 2004 fixant les redevances pour assignation de fréquences
radioélectriques, JO préc.

Page 364
pas toutes toutes les utilisations privatives des biens qui sont assujetties à l’onérosité. Il existe
des occupations privatives qui sont exonérées du paiement de la redevance domaniale.

2. L’exonération de certains usages privatifs

La consécration de l’onérosité de l’utilisation privative du domaine public n’emporte


pas exclusion de toute forme de gratuité. Le législateur sénégalais, après avoir posé ce
principe, prévoit la possibilité d’y déroger. Les exceptions au principe de non-gratuité sont
prévues à la fois dans le code du domaine de l’État et dans des textes particuliers.

Au niveau de la loi domaniale, le législateur dispose que « les autorisations d’occuper


et les concessions et autorisations d’exploitation du domaine public peuvent être accordées à
titre gratuit lorsqu’elles revêtent un caractère prédominant d’utilité publique ou d’intérêt
économique ou social et sous réserve qu’elles ne constituent pas pour le bénéficiaire une
source directe ou indirecte de profits 1227 ». Il admet là une possibilité de dérogation à
l’onérosité de l’occupation privative tout en la limitant dans son étendue.

Le législateur conçoit ainsi la gratuité dans deux cas de figure bien précis. D’une part,
c’est lorsque l’occupation privative revêt un caractère prédominant d’utilité publique ou
d’intérêt économique ou social. D’autre part, c’est lorsque l’usage privatif ne constitue pas
pour le bénéficiaire une source directe ou indirecte de profits. Ainsi, le caractère d’intérêt
général de l’activité de l’occupant privatif justifie la gratuité.

Les occupations privatives exclues du paiement de la contrepartie financière


constituent des utilisations au titre desquelles l’activité autorisée par l’État concoure à la
satisfaction de besoins d’intérêt général. En effet, à la différence de celles soumises au
paiement de la redevance domaniale, l’avantage procuré à l’occupant privatif profite en même
temps à la collectivité publique. La soustraction de la dépendance domaniale à l’usage
collectif n’en constitue pas moins une utilité pour le public destinataire. Car, c’est une
utilisation privative qui ne vise par l’exercice d’une activité lucrative, mais qui a une finalité
soit d’intérêt général ou social, soit d’intérêt économique, sans avoir à procurer à l’occupant

1227
Voir article 18 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JORS N° 4506 du 28
juillet 1976.

Page 365
des revenus. Ainsi, comme l’écrit Seydou Traoré, « c’est la présence d’un intérêt public, d’un
service public qui réalise la gratuité1228 ».

Le législateur a en effet visé les postulants à l’usage privatif du domaine public qui
accompagnent l’État dans la satisfaction de besoins collectifs. Il peut en être le cas pour un
occupant privatif qui compte exécuter ou réaliser sur le domaine public un équipement qui
bénéficie gratuitement à tous. De même, cela peut être le cas pour les associations à but non
lucratif qui concourent à la satisfaction d’un intérêt général.

L’admission de la gratuité d’un usage privatif semble s’expliquer par le fait que le
privilège accordé à un occupant se justifie par l’intérêt de la collectivité publique elle-même.
Il y a donc une sorte de correspondance entre l’usage privatif et la destination principale du
domaine public et, dans ce cas, l’État ne semble pas trouver un intérêt à demander une
contrepartie financière à un occupant privatif qui se met au service de la collectivité.

Cela se vérifie concrètement au niveau de l’utilisation du domaine public hertzien. En


effet, le décret du 17 février 2003 relatif aux fréquences radioélectriques et bandes de
fréquences radioélectriques, aux appareils radioélectriques et aux opérateurs de ces
équipements prévoit une liste d’utilisateurs des fréquences hertziennes qui sont exemptés du
paiement des redevances1229. Il s’agit essentiellement des autorités publiques, notamment les
ministères et les services en charge de la sécurité et les organismes à statut diplomatique. Ces
personnes bénéficient de la gratuité d’accès au spectre hertzien en raison des obligations de
service public qui leur sont assignées. Le décret précité dispose, à ce titre, que certaines
entreprises ou organismes concourant à l’exercice d’un service public ou de bienfaisance
peuvent partiellement ou totalement bénéficier de la libéralité d’accès au domaine
hertzien1230. C’est donc le caractère prédominant d’utilité publique de l’occupation privative
qui justifie l’exonération partielle ou totale.

Au niveau des textes particuliers, comme le code minier et le code pétrolier, le


législateur exonère certains exploitants de ressources du sol et du sous-sol du paiement de la

1228
S. Traoré, Droit des propriétés publiques, Paris, Vuibert, 2008, p. 277.
1229
Voir article 74, alinéa 1 du décret n° 2003-64 du 17 février 2003 relatif aux fréquences et bandes de
fréquences radioélectriques, aux appareils radioélectriques et aux opérateurs de ces équipements, JO préc.
1230
Voir article 74, alinéa 2 du décret n° 2003-64 du 17 février 2003 relatif aux fréquences et bandes de
fréquences radioélectriques, aux appareils radioélectriques et aux opérateurs de ces équipements, JO préc.

Page 366
redevance domaniale. Il s’agit des exploitants de substances minérales ou d’hydrocarbures
avec lesquels l’État a signé un contrat de partage de la production1231.

Il faut, toutefois, noter que l’exonération ne concerne que la part variable de la


redevance domaniale et non la part fixe. C’est ce qui apparaît en effet dans les législations
pétrolière et minière où le législateur dispose respectivement que le bénéficiaire d’un contrat
de partage de production n’est pas assujetti « au paiement de la redevance sur la
production1232 » et « au paiement de la redevance minière1233 ». Ainsi, le titulaire d’un contrat
de partage de production reste seulement soumis au paiement de la redevance supérficiaire,
mais il ne s’acquitte pas de la redevance sur la valeur des substances minérales ou
d’hydrocarbures produites.

Cette exonération s’explique par le fait que dans le cadre des contrats de partage de
production, l’exploitant n’est pas le propriétaire des produits extraits alors que c’est lui qui
investit dans l’activité risquée de l’exploitation. Ce serait alors dépouiller de toute attractivité
cette technique d’exploitation des ressources domaniales si le contractant devait encore
supporter une contrepartie financière sur sa part du partage de la production. Ainsi, à travers
cette exonération, le législateur a cherché à favoriser une répartition équitable des revenus
entre l’État et l’investisseur.

Toutjours est-il que l’État ne perd pas totalement des revenus sur la part reçue par le
contractant après le partage de production puisque ce dernier est tenu de s’acquitter de l’impôt
sur les sociétés1234.

La redevance domaniale exigée, en principe, contre les occupations privatives du


domaine public présente en outre un caractère économique qu’il convient d’envisager.

B / Le caractère économique de la redevance domaniale

La redevance domaniale constitue pour l’État une manière indirecte d’exploitation du


domaine. L’autorité en charge de la gestion du domaine public accorde des titres à usage
privatif des dépendances domaniales aux personnes physiques ou morales et, en retour, il a
droit à une quote-part. Le législateur a tenu à faire jouer à cette quote-part une fonction
1231
Voir article 48 de la loi n° 98-05 du 8 janvier 1998 portant code pétrolier, JORS N° 5786 du 21 février 1998 ;
articles 77 de la loi n° 2016-32 du 8 novembre 2016 portant code minier, JORS N° 6974 du 24 novembre 2016.
1232
Voir article 35, alinéa 2 de la loi n° 98-05 du 8 janvier 1998 portant code pétrolier, JO préc.
1233
Voir article35 de la loi n° 2016-32 du 8 novembre 2016 portant code minier, JO préc.
1234
Voir article 42 de la loi n° 98-05 du 8 janvier 1998 portant code pétrolier, JO préc.

Page 367
économique en instituant un mode de calcul qui tient compte de tous les avantages procurés
par l’utilisation d’une part (1) et une révision périodique de son montant d’autre part (2).

1. La détermination variable de la redevance domaniale

Le législateur a cherché à faire de la redevance domaniale un instrument économique de


gestion du domaine public. En effet, il consacre dans la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant
code du domaine de l’État en complément de l’article 11 précité que « la redevance pour
occupation et concessions ou autorisations d’exploitation est fixée en tenant compte des
avantages de toute nature procurés au permissionnaire, bénéficiaire de l’autorisation ou
concessionnaire et des charges qui lui sont imposées1235 ».

Le législateur a posé ainsi un postulat de base pour déterminer le montant de la redevance


domaniale. Ce dernier doit être calculé par l’autorité domaniale en prenant en compte
l’ensemble des avantages que l’occupant privatif tire de la dépendance utilisée. Cela signifie
que la fixation du montant de la redevance doit prendre en compte les avantages économiques
que l’usager retire de l’utilisation du domaine, et non pas seulement de la surface occupée.
Cette règle générale de l’article 17 est correctement mise en application lorsque l’on se refère
aux différentes utilisations privatives du domaine public.

S’agissant des occupations temporaires destinées à l’exercice d’activités commerciales sur


le domaine public, il existait déjà un décret de 1960 qui fixait le taux des redevances
afférentes à ces occupations1236.

À la suite de l’adoption du code du domaine de l’État, les autorités administratives d’alors


n’avaient pas jugé nécessaire d’adopter une nouvelle règlementation fixant le tarif de la
redevance domaniale. Elles ont laissé subsister le décret de 1960 qui avait déjà établi les
éléments constitutifs de la redevance. En effet, ledit décret disposait que « toute redevance
stipulée au profit de l’État par les autorisations d’occupation temporaire du domaine public
est constituée par l’addition de deux éléments : un premier élément calculé dans les
conditions prévues à l’article suivant en fonction de la superficie de l’emplacement ou du

Voir article 17 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.
1235
1236
Voir Décret n° 60-036 M-F du 26 janvier 1960 portant fixation du taux des redevances pour occupation
temporaire du domaine public de l’tat, JORS N° 3358 du 6 février 1960.

Page 368
contenu du droit concédé, un second élément déterminé en fonction des avantages de toute
nature dont la concession peut être la source1237 ».

Il ressort de cette disposition que la redevance domaniale est divisée en deux éléments :
une partie fixe et une partie variable. La première partie est établie en fonction de la surface
de domaine occupée et dont le montant, une fois déterminé, restera invariable. La seconde
partie, quant à elle, tient compte des bénéfices dont l’occupation privative peut être la source.
Elle consiste à faire varier le taux au regard des avantages retirés par le bénéficiaire de
l’occupation privative. Ainsi, dans la règlementation des années 1960, plus le profit tiré de
l’utilisation est élévé, plus la part variable de la redevance augmente, et inversement. Mais, il
faut relever que cette logique de l’élément variable de la redevance domaniale est remise en
cause avec la réforme de 2010 sur la fixation du taux de la redevance. Désormais, la
règlementation détermine pour le second élémént de la redevance domaniale un pourcentage
fixe de 25% pouvant être réduit de moitié (Voir infra, p. 372 et s).

Cette variabilité de la redevance en fonction de l’augmentation ou de la diminution du


bénéfice tiré de l’utilisation privative permet de la considérer comme « une redevance
proportionnelle 1238 ». Ce cumul d’un élément fixe dépendant de la valeur locative de la
dépendance occupée et d’un élément variable en fonction du revenu obtenu permet à l’État de
faire évoluer le montant de la redevance domaniale. Il s’agit donc d’une détermination qui lui
permet de mieux tirer profit des occupations temporaires du domaine public.

Toutefois, il faut noter que les tarifs fixés par le décret de 1960 se sont révélés très
dérisoires pour permettre à l’État de se procurer des revenus importants sur le domaine public.
En effet, pour la partie fixe de la redevance, les montants prévus par ledit décret vont d’un
plancher de 6 francs à un plafond de 60 francs pour des surfaces occupées comprises de 0 à
1.000 mètre carrés1239. Même si de telles sommes pouvaient se justifier dans les années 60,
rien ne peut expliquer leur maintien jusqu’aux années 2000.

Ces montants sont particulièrement insignifiants au point qu’il est difficile à l’État de se
faire des recettes importantes provenant des redevances domaniales. Ce qui revient à
considérer que l’administration domaniale a, pendant longtemps, négligé l’apport financier de

1237
Voir article premier du décret n° 60-036 M-F du 26 janvier 1960 portant fixation du taux des redevances
pour occupation temporaire du domaine public de l’État, JO préc.
1238
P. Roques, « La redevance due pour utilisation privative des voies publiques », RDP, 1934, p. 63.
1239
Voir article 2 du décret n° 60-036 M-F du 26 janvier 1960 portant fixation du taux des redevances pour
occupation temporaire du domaine public de l’État, JO préc.

Page 369
la redevance domaniale dans l’alimentation du budget. Des portions entières du domaine
public ont été soustraites de l’usage collectif sans pour autant rapporter à la personne publique
étatique une contrepartie à la hauteur du privilège concédé à l’occupant privatif. Ce n’est que
tardivement que les pouvoirs publics se sont rendus compte de l’obsolescence du tarif
appliqué en matière de redevance domaniale, puisque c’est seulement en 2010 qu’ils ont
décidé de le modifier1240. Nous y reviendrons dans le paragraphe suivant.

Concernant les occupations privatives en vue de l’exploitation des ressources du sol et


sous-sol, le postulat de base de l’article 17 du code du domaine de l’État est repris. Il est
prévu une redevance comportant un élément fixe et un élément variable. Mais, lorsque l’on
parcoure les législations spécifiques à l’exploitation des ressources minérales et des
hydrocarbures liquides ou gazeux, la détermination de la contrepartie financière à
l’exploitation des richesses du sol et du sous-sol présente certaines particularités.

En matière d’exploitation des substances minérales, le législateur a retenu deux catégories


de redevances : une redevance superficiaire et une redevance minière. La redevance
superficiaire est celle qui est due par tout titulaire d’un titre miner. Elle est déterminée en
fonction de la surface occupée 1241 . Ainsi, il s’agit d’une redevance annuelle payée par
l’exploitant minier au titre de l’autorisation qui lui est délivrée. Elle correspond donc à la part
fixe de la redevance domaniale.

La redevance minière, quant à elle, est la contrapartie financière à l’activité d’exploitation


de substances minérales qui a pour assiette la valeur marchande du produit commercialisée
localement ou la valeur free on board (FOB) du produit exporté 1242 . Elle consiste à
l’application d’un taux sur la valeur marchande des produits extraits. À la différence de la
première, la redevance minière constitue une contrepartie financière variable. Elle est, en
effet, proportionnelle au volume de substances extraites. Ainsi, la redevance due au titre de
l’exploitation des ressources minières obéit à « un dispositif modulaire selon les substances
minérales extraites et le niveau de valorisation 1243 ». Le législateur procède ainsi à une
optimisation des revenus que l’État peut tirer des titres miniers.

1240
Voir décret n° 2010-399 du 23 mars 2010 abrogeant le décret n° 60-36 MF du 26 janvier 1960 portant
fixation du taux des redevances pour occupation temporaire du domaine public de l’Etat, portant fixation du
barème des redevances pour occupation temporaire du domaine public de l’Etat, JORS N° 6524 du 3 mai 2010.
1241
Voir article 75 de la loi n° 2016-32 du 8 novembre 2016 portant code minier, JO préc.
1242
Voir article 77 de la loi n° 2016--32 du 8 novembre 2016 portant code minier, JO préc.
1243
Voir Exposé des motifs de la loi n° 2016-32 du 8 novembre 2016 portant code minier, JO préc.

Page 370
En matière d’exploitation des hydrocarbures liquides ou gazeux, le code pétrolier prévoit
que « le ou les titulaires d’une concession d’exploitation d’hydrocarbures sont assujettis à
une redevance sur la valeur des hydrocarbures produits, à verser en espèces à l’État. La
redevance est calculée à partir des quantités totales d’hydrocarbures produits dans la
concession et non utilisés dans les opérations pétrolières1244 ». Cette disposition indique que
la redevance au titre de l’exploitation des hydrocarbures correspond à un pourcentage de la
production totale. Il s’agit à ce titre d’une redevance variable en ce sens qu’elle est déterminée
à partir des quantités totales produites.

Le montant des revenus à gagner dans le cadre des concessions d’exploitation


d’hydrocarbures évoluera donc en fonction de la situation de la production. La production
d’hydrocarbures étant de nature différente, le taux de la redevance n’a pas été détermnié de
façon uniforme. En effet, le législateur fixe le taux à un pourcentage entre 2 à 10 % pour la
production de pétrole sur terre et entre 2 à 8 % pour la production de pétrole en mer. En
revanche, s’agissant de la production de gaz, le taux de la redevance est fixé entre 2 à 6 %,
que la production se réalise sur terre ou en mer1245. Il apparaît ainsi que « la valeur de cette
redevance varie selon la nature de la production1246 ».

Indépendamment de cette variabilité, le mode de calcul ainsi fixé par le législateur offre à
l’État une marge de manœuvre dans le cadre de ses négociations avec les postulants à une
concession d’exploitation d’hydrocarbures. La détermination d’un pourcentage minimal et
maximal permet à l’État de pouvoir obtenir un taux de redevance à la hauteur de ses attentes.
Il faut souligner qu’au-delà de cette redevance variable, l’exploitant d’hydrocarbures est
également tenu de s’acquitter annuellement d’une redevance superficiaire. Il s’agit de la part
fixe à laquelle vient s’ajouter la redevance sur la valeur des hydrocarbures produits.

Au regard de son mode de détermination, la redevance domaniale permet de procurer des


ressources à l’État. Elle est fixée de nature à prendre en compte tous les avantages que
l’occupant privatif tire du domaine public. Ainsi, la distraction d’une dépendance domaniale à
l’usage de tous et au profit des tiers constitue une source de revenus pour le budget. L’État se
rémunère à la fois de l’abandon d’une portion du domaine qu’il a consenti et du profit que le

1244
Voir article 41, alinéa 1 de la loi n° 98-05 du 8 janvier 1998 portant code pétrolier, JORS N° 5786 du 21
février 1998.
1245
Voir article 41, alinéa 2 de la loi n° 98-05 du 8 janvier 1998 portant code pétrolier, JO préc.
1246
F. Ndao, L’or noir du Sénégal : comprendre l’industrie pétrolière et ses enjeux au Sénégal, ILP Dakar, 2018,
p. 93.

Page 371
permissionnaire tire du privilège qui lui est accordé sur le domaine public. C’est la prise en
compte de ce dernier élément qui permet de faire évoluer la part de revenus que l’État peut
tirer de l’ouverture du domaine public à des usages privatifs. Il s’agit d’une part qui est
appelée à croître au fur et à mesure que l’occupant rentabilise son activité. Ainsi,
l’augmentation de son profit aura toujours pour répercussion l’augmentation du gain de l’État.

Mis à part le mode de détermination, la révision périodique de la redevance domaniale


laisse également apparaître une volonté de tirer au mieux profit de l’utilisation privative du
domaine public.

2. Le caractère révisable du tarif de la redevance

La redevance due pour occupation privative du domaine public n’est pas fixée de façon
définitive et ne peut être considérée comme constante pour toute la durée de l’autorisation.
Son montant peut faire l’objet de modification périodique. C’est ce qui ressort, en effet, du
code du domaine de l’État dans lequel le législateur dispose qu’ « elle est révisable chaque
année1247 ». Il résulte de cette disposition que le montant de la redevance est fixé pour une
période d’un (01) an. Le législateur circonscrit ici la tarification des usages privatifs du
domaine dans le cadre annuel.

Ce qui revient à considérer que pour une autorisation d’occupation pluriannuelle, il doit y
avoir plusieurs redevances annuelles ; le montant de la redevance n’est pas pluriannuel. Ainsi,
à la fin de chaque année d’occupation, l’autorité administrative en charge de la gestion du
domaine devra procéder à la révision du montant de la redevance. Ce qui implique que le tarif
de la redevance sera variable en fonction du nombre d’années de l’autorisation d’occuper.

Cette disposition de la loi domaniale est de nature à permettre à l’administration d’adapter


la redevance aux opportunités qui s’offrent à l’occupant privatif lorsque son autorisation est
prévue pour une durée plus ou moins longue. En effet, dans le cas où l’autorisation est
pluriannuelle, les avantages que l’usager tire de la dépendance occupée, en fonction de la
situation économique, peuvent varier d’une année à une autre. Dès lors, la révision annuelle
du montant de la redevance permettra de prendre en compte ces fluctuations. Autrement dit,
elle est de nature à mettre les conditions financières des autorisations en harmonie avec la

1247
Voir article 17 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JORS N° 4506 du 28
juillet 1976.

Page 372
conjoncture économique, compte tenu notamment de ses répercussions sur l’importance du
profit procuré à l’occupant du domaine public1248.

Ainsi, à chaque fois que les circonstances économiques le justifient, l’autorité en charge
de la gestion du domaine ne manquera pas de revoir à la hausse le montant de la redevance au
moment de sa révision. Cela s’inscrit en droite ligne avec la formule consacrée par le
législateur selon laquelle la redevance doit tenir compte des avantages de toute nature
procurés au permissionnaire. Il s’agit ainsi pour l’État de faire jouer à la redevance domaniale
une fonction financière.

C’est cette idée même que le juge administratif français met en avant pour justifier le droit
de l’État de réviser en hausse le montant de la redevance. En effet, la haute juridiction
administrative a retenu que le relèvement du tarif de la redevance par l’administration
domaniale se justifie par un motif d’ordre exclusivement financier 1249 . Donc, c’est la
recherche de profits qui fonde l’institution de la clause de révision de la redevance domaniale.

Mais, cette quête du meilleur profit doit-elle amener l’État à relever de façon démesurée le
montant de la contrepartie financière pour occupation privative du domaine public ? Aucun
encadrement textuel, voire jurisprudentiel n’accompagne, au Sénégal, cette clause de révision
de la redevance domaniale. Il peut ainsi être considéré que l’administration domaniale jouit
d’une grande liberté dans la révision du montant de la redevance. Ce qui n’est pas le cas en
droit français où le juge a tenu à encadrer un peu plus le pouvoir de révision de l’autorité en
charge de la gestion du domaine1250, notamment en matière d’autorisation contractuelle. En
effet, il a retenu que la révision de la redevance ne peut intervenir que dans la mesure où le
rehaussement ne remet pas en cause l’équilibre financier de la concession1251.

Cela consiste à retenir que l’autorité administrative est tenue de préserver l’équilibre
financier des concessions domaniales toutes les fois qu’elle procède à la révision du tarif de la
redevance. Le juge administratif français fait de cet équilibre un critère qui s’impose à
l’administration domaniale concédante. Il exerce alors un contrôle sur le montant des

1248
J.-F. Dénoyer, L’exploitation du domaine public, Thèse, Paris, L.G.D.J. 1969, p. 172.
1249
Voir CE, 15 décembre 1923, Peysson, Rec. Leb. p. 826 ; C.E., 18 mars 1963, Cellier, AJDA 1963, n° 2, p.
484.
1250
Conseil d’État, Section du rapport et des études, Redevances pour services rendus et redevances pour
occupation du domaine public, Étude adoptée le 24 octobre 2002 par l’assemblée du Conseil d’État, p. 56, [en
ligne], disponible sur :
www.conseiletat.fr/content/download/3058/9202/version/1/file/etude_redevances_service_rendu_occupation__d
omaine_public_2002.pdf, consulté le 2 mars 2016.
1251
Voir CE, 7 mai 1980, SA « Les marines de Cogolin », Rec. Leb. p. 215.

Page 373
redevances révisées en s’appuyant sur la notion d’ « erreur d’appréciation 1252 ». Selon le
juge, il y a erreur d’appréciation chaque fois que la révision à la hausse de la redevance
domaniale remet en cause l’équilibre financier de la concession1253.

Il s’agit là d’une notion qui représente le déséquilibre constaté entre le relèvement du


montant de la redevance et les avantages que l’occupant tire de l’autorisation d’occuper.
L’erreur d’appréciation permet donc à la haute juridiction administrative française de veiller à
la préservation de l’équilibre financier des autorisations contractuelles. Olivier Fouquet écrit,
à ce titre, que « nous observons que vous exercez un contrôle normal sur le montant des
redevances exigées de l’occupant du domaine public et que vous sanctionnez l’erreur
d’appréciation commise éventuellement par l’autorité concédante en fixant le chiffre des
redevances à un niveau trop élevé 1254 ». Il apparaît, en conséquence, que l’administration
domaniale ne peut pas faire supporter aux occupants privatifs des charges trop importantes par
rapport au profit procuré par l’occupation.

C’est dans la perspective de mieux tirer profit des utilisations privatives du domaine
public que les pouvoirs publics ont décidé, à partir des années 2000, à réadapter les modalités
de fixation de la redevance domaniale.

Paragraphe 2 : La réadaptation des modalités de fixation des redevances


domaniales

Il a fallu un demi-siècle aux autorités sénégalaises pour se rendre compte des


manquements de la règlementation de la contrepartie financière des occupations privatives du
domaine public. Ce n’est qu’en 2010 qu’ils ont pris conscience non seulement de
l’inapplication de l’article 16 de la loi n° 76-66 aux domaines publics maritime et fluvial,
mais aussi de l’inadéquation des tarifs contenus dans le décret du 26 janvier 1960 portant
fixation du taux des redevances pour occupation temporaire du domaine public de l’État.

1252
O. Fouquet, « Le contentieux des redevances domaniales pour occupation du domaine public », Conclusions
sur CE, 22 décembre 1989, Chambre de commerce et d’industrie du Var, RFDA 1989, p. 650.
1253
Voir CE, 10 février 1978, Ministre de l’Economie et des Finances c/ Scudier, Rec. Leb. p. 66 ; C.E., 23
novembre, 1984, Société « marché aux cuirs de la Villette », [en ligne], disponible sur : www.legifrance.gouv.fr,
consulté le 2 mars 2016 ;
1254
O. Fouquet, « Le contentieux des redevances domaniales pour occupation du domaine public », op.cit., p.
650.

Page 374
Toutes choses qui ont poussé l’autorité règlementaire à adopter un nouveau décret
abrogeant celui de 19601255 par lequel elle procède à l’actualisation de la règlementation des
modalités de fixation des redevances annuelles d’occupation du domaine public maritime
d’une part (A) et à l’augmentation des tarifs des redevances domaniales d’autre part (B).

A / L’actualisation de la règlementation des redevances d’occupation du


domaine public maritime

Le décret n° 2010-399 est destiné à corriger la première insuffisance de la


règlementation des occupations privatives du domaine public. En effet, il a été constaté que
des autorisations d’occupation temporaire étaient régulièrement consenties sur les domaines
publics maritime et fluvial, moyennant une redevance annuelle dont aucun texte règlementaire
n’a été pris pour en déterminer les modalités de fixation1256.

Il ressort de cette affirmation que pendant longtemps des privilèges ont été accordés à
des particuliers sur des biens destinés à l’usage de tous sans que l’État puisse en tirer des
revenus à la hauteur des avantages qui leur sont concédés. Or, dans la loi n° 76-66 du 2 juillet
1976 portant code du domaine de l’État, il a été consacré que la redevance doit tenir compte
des avantages de toute nature procurés aux occupants privatifs1257. L’affirmation faite dans le
rapport de présentation du décret n° 2010-399 du 23 mars 2010 montre que cette disposition
n’a jamais été mise en ouvre pour les occupations privatives accordées sur les domaines
publics maritime et fluvial. La redevance annuelle qui était retenue ne s’appuyait sur aucune
modalité particulière.

Cela ne devrait pas se produire dans la mesure où, depuis 1960, le décret portant
fixation du taux des redevances pour occupation temporaire du domaine public de l’État
retenait que la redevance domaniale est constituée par l’addition de deux éléments : un
élément calculé en fonction de la superficie de l’emplacement et un élément déterminé en
fonction des avantages de toute nature que l’occupant tire du domaine1258. Il s’avère donc

1255
Voir décret n° 2010-399 du 23 mars 2010 abrogeant le décret n° 60-36 MF du 26 janvier 1960 portant
fixation du taux des redevances pour occupation temporaire du domaine public de l’Etat, portant fixation du
barème des redevances pour occupation temporaire du domaine public de l’Etat, JORS N° 6524 du 3 mai 2010.
1256
Voir Rapport de présentation du décret n° 2010-399 du 23 mars 2010 abrogeant le décret n° 60-36 MF du 26
janvier 1960 portant fixation du taux des redevances pour occupation temporaire du domaine public de l’Etat,
portant fixation du barème des redevances pour occupation temporaire du domaine public de l’Etat, JO préc.
1257
Voir article 17 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.
1258
Voir article premier du décret n° 60-036 MF du 26 janvier 1960 portant fixation du taux des redevances pour
occupation temporaire du domaine public de l’État, abrogée et remplacée, JORS N° 3358 du 6 février 1960.

Page 375
qu’il existait déjà un texte règlementant les modalités de fixation de la contrepartie financière
pour occupation privative du domaine public. Mais, c’est l’administration domaniale qui n’en
a jamais fait usage pour fixer les redevances concernant les utilisations des domaines publics
maritime et fluvial.

C’est ce manquement que le décret de 2010 est venu corriger et servir de base de
détermination des modalités de fixation des redevances pour occupation du domaine public
maritime. Dans le rapport de présentation, il est indiqué qu’en contrepartie de ces occupations
une redevance annuelle calculée à partir d’un élément fixe et d’un élément proportionnel est
due. Cette volonté a été concrétisée dans le dispositif où il est consacré que « les autorisations
d’occuper, à titre précaire et révocable, du domaine public maritime et du domaine public
fluvial sont concédées moyennant une redevance annuelle déterminée comme suit : un droit
fixe constituant le loyer d’occupation, calculé en fonction de la superficie concédée et selon la
valeur du mètre carré de terrain dans l’une des zones ci-après, augmenté du droit
proportionnel représentant la contrepartie du privilège de jouissance, égal à 25% du loyer
d’occupation1259 ».

À y voir de près, ce texte n’apporte pas grande-chose de plus par rapport au décret de
1960. En effet, du point de vue des modalités de fixation de la redevance, c'est-à-dire
l’élément fixe et l’élément variable, le nouveau texte ne fait que reprendre l’ancien décret.
C’est pourquoi, il nous semble qu’il est exagéré d’affirmer qu’il n’existait aucune
règlementation sur ces modalités ; il faudrait plutôt retenir une inapplication du dispositif
existant. Dès lors, au lieu de l’adoption d’un texte règlementaire déterminant les modalités de
fixation des redevances pour occupation des domaines publics maritime et fluvial, il s’agit
tout simplement d’une reprise, d’une actualisation de la règlementation de 1960.

En effet, le décret n° 2010-399 n’innove que par rapport à la détermination du


pourcentage de l’élément variable. À la différence du texte de 1960, il prévoit que le montant
du second élément de la redevance doit être « égal à 25% du loyer d’occupation 1260 ». Il
apparaît ainsi que si avec le décret de 1960 l’élément variable pouvait varier en fonction des

1259
Voir article premier, alinéas 1 et 2 du décret n° 2010-399 du 23 mars 2010 abrogeant le décret n° 60-36 MF
du 26 janvier 1960 portant fixation du taux des redevances pour occupation temporaire du domaine public de
l’Etat, portant fixation du barème des redevances pour occupation temporaire du domaine public de l’État, JO
préc.
1260
Voir article premier, aliéna 3 du décret n° 2010-399 du 23 mars 2010 abrogeant le décret n° 60-36 MF du 26
janvier 1960 portant fixation du taux des redevances pour occupation temporaire du domaine public de l’État,
portant fixation du barème des redevances pour occupation temporaire du domaine public de l’Etat, JO préc.

Page 376
avantages tirés de l’occupation, le texte de 2010 fige le droit proportionnel à un pourcentage
valable pour l’ensemble des occupations, et quels que soient les avantages dont l’autorisation
peut être la source. Ainsi, le second élément de la redevance domaniale ne tient plus compte
des avantages que l’occupant tire de l’utilisation du domaine, mais il est fixé sur la base d’un
pourcentage relatif à la valeur locative de la dépendance occupée.

De même, au-delà du caractère figé du second élémént de la redevance domaniale,


l’autorité règlementaire prévoit la réduction à moitié du pourcentage retenu pour certaines
occupations. En effet, elle retient que ce « droit proportionnel est réduit de moitié pour les
terrains effectivement utilisés à usage commercial1261 ». Pour l’autorité règlementaire, cette
réduction est instituée « à titre de mesure d’incitation à l’investissement1262 ». Il apparaît ainsi
que c’est pour attirer les investisseurs sur le domaine public qu’il est accordé un pourcentage
de 12,5% aux occupants domaniaux qui se livrent à des activités commerciales. Ce qui est peu
convaincant dans la mesure où ce n’est pas le pourcentage de 25% du loyer d’occupation qui
peut constituer un frein à l’investissement sur les dépendances des domaines publics maritime
et fluvial.

En effet, si on prend les tarifs nouvellement adoptés, le titulaire d’une autorisation


d’occuper d’une superficie de 300 m² dans la zone de Dakar à Rufisque, par exemple, où le
mètre carré pour cette superficie est de 700 francs, aura à payer :

- Pour l’élément fixe : 300 m² x 700 f = 210.000 francs


- Pour l’élément variable : 210.000 f x 25 / 100 = 52.500 francs

D’après la logique des autorités domaniales, la somme 52.500 francs est trop élevée pour
les personnes qui exercent des activités commerciales, et, pour cela, elle doit être divisée par
deux. Cette décision de diviser à deux le pourcentage de 25 % semble plutôt donner lieu à des
pertes de revenus pour le Trésor public étant donné que l’essentiel des installations sur les
dépendances domaniales visées sont principalement commerciales. Ce qui implique qu’à la
place du droit proportionnel de 25%, c’est celui de 12,5% qui est appliqué.

Or, il nous semble que c’est moins ce pourcentage qui va attirer les investisseurs que
l’atténuation de la « précarité congénitale1263 » du titre d’occupation. En effet, ce dernier qui

1261
Idem.
1262
Ibid.
1263
J.-P. Lebreton, « Le financement des investissements sur le domaine public », Le Moniteur des Travaux
Publics et du Bâtiment, mars 1978, Hors série, p. 27.

Page 377
est délivré pour une durée relativement courte, qui peut être retiré à tout moment et qui
n’accorde aucun droit réel à son titulaire est le principal handicap à l’incitation à
l’investissement sur le domaine public maritime.

Donc, la réduction à moitié du droit proportionnel ne nous semble pas opportune, surtout
que l’adoption de ce décret vise à « tirer des recettes budgétaires à la mesure du privilège
résultant de l’occupation privative du domaine public1264 ». C’est cette nécessité qui justifie
également la mise à niveau des tarifs de la redevance domaniale.

B / L’augmentation des tarifs des redevances domaniales

Pour les occupations privatives du domaine public terrestre, le décret du 26 janvier 1960
avait élaboré le taux des redevances applicables en guise de contrepartie financière à ces
privilèges sur des biens destinés à l’usage de tous pour occupation temporaire du domaine
public de l’État.

En termes de chiffres, ce décret indique que les tarifs applicables par mètre carré sont
compris entre huit (08) francs et soixante (60) francs CFA1265. Si de tels montants pouvaient
se justifier dans le contexte des années 1960, il est indéniable que leur prolongement dans le
temps ne pouvait occasionner que des pertes financières pour l’État. Pourtant, ces tarifs sont
restés en vigueur jusqu’en 2010.

C’est à cette date seulement que l’administration domaniale s’est rendu compte de leur
« caractère obsolète1266 ». Elle a compris que lesdits tarifs étaient totalement dépassés et que
l’administration ne tirait pas au mieux profit de son domaine public. C’est pourquoi les
autorités publiques ont jugé « nécessaire de le réadapter pour tenir compte de la nécessité de
tirer des recettes budgétaires à la mesure du privilège résultant de l’occupation privative du
domaine public qui, par définition, est affecté à l’usage de tous ou à l’utilité publique1267 ».
Elles ont ainsi adopté le décret n° 2010-399 du 23 mars 2010 abrogeant celui de 1960 et

1264
Voir Rapport de présentation du décret n° 2010-399 du 23 mars 2010 abrogeant le décret n° 60-36 MF du 26
janvier 1960 portant fixation du taux des redevances pour occupation temporaire du domaine public de l’État,
portant fixation du barème des redevances pour occupation temporaire du domaine public de l’État, JO préc.
1265
Voir décret n° 60-36 MF du 26 janvier 1960 portant fixation du taux des redevances pour occupation
temporaire du domaine public de l’État, abrogée et remplacée, JO préc.
1266
Voir Rapport de présentation du décret n° 2010-399 du 23 mars 2010 abrogeant le décret n° 60-36 MF du 26
janvier 1960 portant fixation du taux des redevances pour occupation temporaire du domaine public de l’État,
portant fixation du barème des redevances pour occupation temporaire du domaine public de l’État, JORS N°
6524 du 3 mai 2010.
1267
Idem.

Page 378
fixant les nouveaux barèmes des redevances pour occupation temporaire du domaine public
de l’État.

Dans le cadre de cette réadaptation, le décret n° 2010-399 a été beaucoup plus structuré
que celui de 1960. Au moment où ce dernier se limitait à une formule globale de redevance
pour occupation temporaire du domaine public terrestre de l’État, fixée en fonction du nombre
d’habitants et variable suivant la superficie occupée, le texte de 2010 procède à une
distinction entre les redevances pour occupation privative des domaines publics maritime et
fluvial et les redevances pour occupation privative des autres dépendances domaniales.
S’agissant de la première catégorie de dépendances domaniale, ledit décret, pour fixer le
barème de l’élément fixe de la redevance annuelle, répartit chaque catégorie de domaine en
zones : le domaine public maritime est découpé en cinq (05) zones et le domaine public
fluvial en une (01) zone.

En conséquence, le droit fixe de la redevance est « calculé en fonction de la superficie


concédée et selon la valeur du mètre carré de terrain dans l’une des zones1268 » retenues. Ce
qui donne pour le domaine public maritime des tarifs dégressifs de 550 francs/m² (de 1 à 300
m²) à 150 francs/m² (au-delà de 2.500 m²) pour la première zone qui va de la frontière avec la
Mauritanie à la limite nord-ouest de Dakar ; de 700 francs/m² à 300 francs/m² pour la
deuxième zone allant de la limite nord-ouest de Dakar à Rufisque ; de 650 francs/m² à 150
francs/m² pour la troisième zone qui s’étend de Bargny à Joal ; de 550 francs/m² à 150
francs/m² pour la quatrième zone partant de la limite sud de Joal à la frontière avec la
Gambie ; de 550 francs/m² à 150 francs/m² pour la cinquième zone qui va de la frontière avec
la Gambie à Cabrousse1269. Pour le domaine public fluvial, les tarifs varient de 400 francs/m²
à 100 francs/m²1270.

Il ressort de ces tarifications un certain équilibre entre la rentabilisation du domaine public


et l’incitation à l’occupation des dépendances domaniales. En effet, l’administration
domaniale a opéré un relèvement conséquent du taux de la redevance annuelle sans pour

1268
Voir article premier, alinéa 2 du décret n° 2010-399 du 23 mars 2010 abrogeant le décret n° 60-36 MF du 26
janvier 1960 portant fixation du taux des redevances pour occupation temporaire du domaine public de l’Etat,
portant fixation du barème des redevances pour occupation temporaire du domaine public de l’Etat, JO préc.
1269
Voir article premier, I- du décret n° 2010-399 du 23 mars 2010 abrogeant le décret n° 60-36 MF du 26
janvier 1960 portant fixation du taux des redevances pour occupation temporaire du domaine public de l’Etat,
portant fixation du barème des redevances pour occupation temporaire du domaine public de l’Etat, JO préc.
1270
Voir article premier, II- du décret n° 2010-399 du 23 mars 2010 abrogeant le décret n° 60-36 MF du 26
janvier 1960 portant fixation du taux des redevances pour occupation temporaire du domaine public de l’Etat,
portant fixation du barème des redevances pour occupation temporaire du domaine public de l’Etat, JO préc.

Page 379
autant verser dans la spéculation. Ainsi, les nouveaux tarifs permettent de tirer sur le domaine
public des recettes budgétaires à la hauteur du privilège accordé aux occupants privatifs. Ils
permettent dès lors d’atteindre l’effet recherché par l’instauration de la redevance, c'est-à-dire
l’exploitation rentable du domaine public.

En ce qui concerne les dépendances domaniales autres que maritime et fluvial, le décret de
2010 a été moins explicite. En effet, il n’établit aucun barème des redevances, mais il se limite
à affirmer que les occupations desdites dépendances « peuvent faire l’objet de tarification par
les collectivités et organismes compétents à cet effet1271 ». Cette disposition opère ainsi un
transfert du pouvoir de détermination du tarif de la redevance domaniale. Il appartiendra aux
personnes bénéficiaires d’un transfert de gestion de fixer au niveau de leur limite de
compétence le barème des redevances pour occupation temporaire du domaine public.

Il s’agit là d’une solution conforme à la pratique de gestion des dépendances autres que
maritime et fluvial. En effet, ces immeubles domaniaux correspondent essentiellement au
domaine public artificiel pour lequel l’État peut opérer un transfert de gestion au profit
d’autres collectivités publiques 1272 . Il est alors logique que l’autorité à qui la gestion du
domaine public est confiée puisse avoir la compétence de déterminer le tarif de la redevance
d’occupation domaniale.

C’est ce que consacre d’ailleurs le code général des collectivités territoriales en disposant
que le maire « peut, moyennant le paiement de droits fixés par un tarif dûment établi, donner
des permis de stationnement ou des dépôts temporaires sur la voie publique, sur les rivières,
ports et quais fluviaux et autres lieux publics, […]1273 ». Il apparaît à travers ces dispositions
qu’il appartient aux organes délibérants des bénéficiaires de transfert de gestion de fixer le
barème de la redevance annuelle. Il en résulte que pour ces dépendances, les barèmes vont
varier en fonction des différentes zones concernées. Chaque collectivité ou organisme
compétent fixera ses tarifs selon le niveau d’intérêt économique de la localité de sorte que la
redevance soit en corrélation avec le privilège résultant de l’occupation privative.

1271
Voir article 2 du décret n° 2010-399 du 23 mars 2010 abrogeant le décret n° 60-36 MF du 26 janvier 1960
portant fixation du taux des redevances pour occupation temporaire du domaine public de l’État, portant fixation
du barème des redevances pour occupation temporaire du domaine public de l’État, JO préc.
1272
Voir article 10 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JORS N° 4506 du 28
juillet 1976.
1273
Voir article 121, alinéa 2 de la loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 portant code général des collectivités
territoriales, JORS N° 6765 du 28 décembre 2013.

Page 380
CONCLUSION TITRE I
Nous avons constaté à travers l’étude de la législation domaniale un régime domanial
qui n’exclut pas totalement la valorisation des biens qui constituent le domaine public de
l’État.

D’une part, la tentative de conciliation s’est manifestée au niveau de la conception de


la finalité du domaine public. Ce dernier n’est pas seulement conçu comme un ensemble de
biens improductifs, mais des biens qui doivent être des sources de revenus pour la personne
publique étatique. C’est en cela que la « gestion » du domaine public est consacrée avec la
mise en place d’un dispositif ne visant pas exclusivement à protéger ledit domaine, mais aussi
en à tirer profit.

Il reste tout de même que des biens qui doivent normalement appartenir au domaine
public de l’État et qui sont constitutifs de sources de revenus non négligeables pour le Trésor
public sont exclus de ce domaine et du pouvoir de gestion de l’État propriétaire. Le
relèvement de la part des revenus du domaine public dans le budget devrait amener la
reconsidération de la position de l’État du Sénégal d’exclure le plateau continental et la mer
territoriale du domaine public, ou de déclasser des dépendances domaniales pour des besoins
à usage d’habitation.

D’autre part, la tentative de conciliation se constate au niveau de l’évolution


permanente de l’amélioration de la gestion du domaine public. Des réformes sectorielles ont
été introduites dans la législation domaniale afin de rendre le domaine public attractif à
l’investissement privé. En outre, l’État a tenu à corriger les insuffisances de la fixation de la
redevance domaniale et à élargir le champ d’application de cette dernière, qui porte désormais
sur les occupations privatives ainsi que celles collectives.

L’on note, malgré tout, une frilosité des pouvoirs publics à généraliser la sécurisation
juridique des occupants privatifs du domaine public. Il n’y a pas encore une vision globale sur
une politique de développement des investissements sur ledit domaine. Il faudrait que les
mutations sectorielles opérées puissent inspirer les décideurs pour une réforme globale et
harmonisée du régime applicable en matière de gestion du domaine public de l’État. Cela
aiderait non seulement à renforcer le niveau d’exploitation économique dudit domaine, mais
aussi à faciliter l’étude de son régime juridique.

Page 381
TITRE II :

L’INCOMPLÉTUDE DE LA MUTATION ÉCONOMIQUE DES RÈGLES


DOMANIALES

L’option des pouvoirs publics de tirer profit de la richesse que constitue le domaine
public ne se dissimule plus. Elle apparaît clairement dans les modalités de gestion des
dépendances domaniales précédemment abordées. À cela s’ajoute la rénovation sectorielle de
certaines règles de gestion afin de les adapter aux besoins d’investissement sur le domaine
public. Tout cela s’explique par la prise de conscience du rôle indispensable que le secteur
privé peut jouer dans la politique de développement économique du pays. L’idée est d’arriver
à capter les financements privés pour juguler les limites des budgets publics à assurer les
besoins pressants de financement d’équipements collectifs.

Toutefois, il faut signaler que la gestion dynamique enclenchée des dépendances


domaniales reste encore timide. Le poids de la logique de protection du domaine public pèse
toujours plus lourd que celui de son exploitation économique. L’équilibre à trouver ou la
conciliation à opérer entre les exigences de préservation de l’utilité publique qu’il représente
et l’impératif de la valorisation de la richesse qu’il constitue tarde à se matérialiser. Les
acteurs privés, principaux et indispensables alliés de l’Ètat dans la réalisation
d’investissements lourds sur le domaine public, ne disposent pas encore de réelles garanties
juridiques pour s’installer sur les dépendances domaniales. La législation domaniale ne leur
accorde pas suffisamment de sécurité juridique (Chapitre 1), mais aussi elle ne leur facilite
pas la levée de fonds sur le marché financier (Chapitre 2).

Page 382
CHAPITRE 1 :

L’INSUFFISANCE DE LA SÉCURITÉ JURIDIQUE SUR LE DOMAINE


PUBLIC

Les occupations privatives du domaine public, qui servent essentiellement soit à


l’exercice d’activités commerciales sur les dépendances domaniales, soit à l’exploitation des
richesses de ces dernières, soit à l’édification d’infrastructures, laissent apparaître que
« l’occupant domanial est généralement un investisseur ; le domaine occupé, le lieu
d’investissement1274 ». Ce qui fait que par les autorisations qu’il délivre, le gestionnaire du
domaine offre à certains opérateurs privés la possibilité d’investir sur le domaine public et de
fructifier leurs activités.

Servant ainsi de siège aux activités des opérateurs économiques, l’occupation du


domaine public nécessite d’être encadrée aussi bien au niveau de l’accès qu’au niveau de
l’occupation elle-même du domaine public pour offrir une certaine sécurité juridique aux
opérateurs privés. Il faut ici entendre par sécurité juridique la mise en place d’un dispositif
juridique relatif à l’activité économique sur le domaine public favorisant la promotion et la
protection des investissements. Or, en l’état actuel du droit positif, cette sécurité juridique
n’est pas bien assurée à cause de la faible inclusion du droit de la concurrence dans l’accès au
domaine public (Section 1) et de la protection relative de la situation de l’occupant privatif
(Section 2).

Section 1 : L’inclusion limitée du droit de la concurrence dans l’accès au


domaine public

À travers les occupations privatives du domaine public, il se créé entre


l’administration domaniale et les opérateurs privés une « collaboration économique 1275 ».
Mais, dans le cadre de cette collaboration, le maître du domaine dispose d’une grande marge
de manoeuvre dans la délivrance des autorisations domaniales. Cette dernière reste encore en

1274
Y. Gaudemet, « L’occupant privatif à l’épreuve de la loi », in Mélanges Guy Braibant, Paris, Dalloz, 1996, p.
309.
1275
Selon Sophie NICINSKI, la collaboration économique renvoie à « tout acte par lequel l’administration
procure un avantage économique à un opérateur en procédant à la dévolution d’une activité économique, en lui
adressant une commande […] plus simplement en l’habilitant à exercer une activité économique » (voir S.
Nicinski, « Faut-il soumettre la délivrance des titres d’occupation du domaine public à une procédure de mise en
concurrence ? », Bien public, bien commun, in Mélanges en l’honneur d’Etienne Fatôme, Dalloz, 2011, p. 386).

Page 383
marge de « l’impératif de concurrence [qui] innerve aujourd’hui l’ensemble des activités de
l’administration dans ses rapports avec les opérateurs économiques1276 ».

Le code du domaine de l’État n’assujettit pas l’autorité domaniale à un formalisme


rigoureux pouvant garantir une sélection transparente des candidats potentiels à l’occupation
du domaine public (Paragraphe 1). Mais cette négation de la mise en concurrence s’est
amoindrie récemment avec l’exigence du respect de formalités de publicité et de mise en
concurrence par certains textes particuliers emportant des occupations privatives du domaine
public (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La non-prise en compte d’une procédure de sélection


préalable

Le code du domaine de l’État prévoit deux catégories de titres d’occupations


privatives du domaine public. Il s’agit d’une part des autorisations unilatérales (permission de
voirie et autorisation d’occuper) qui sont des actes administratifs unilatéraux par lesquelles
l’autorité domaniale autorise un particulier à occuper privativement une parcelle du domaine
public. Il s’agit d’autre part des autorisations contractuelles (concessions et autorisations
d’exploitation) qui sont des contrats conclus entre l’administration et des particuliers en vue
de l’occupation privative des dépendances domaniales. Dans le cadre de la délivrance de ces
autorisations, la loi domaniale n’impose pas à l’autorité domaniale d’organiser une procédure
de sélection transparente et non discriminatoire entre les occupants potentiels des
dépendances domaniales.

S’agissant des autorisations unilatérales, le législateur n’avait prévu aucune procédure


pour leur délivrance alors que le contexte a changé. Ce qui fait que l’absence d’une procédure
d’attribution des autorisations unilatérales et dépassée (A). Quant aux autorisations
contractuelles, il instaure certes une procédure pour leur délivrance, mais il s’agit d’une
procédure dans laquelle l’autorité domaniale a une libreté de choix. Ce qui ne cadre plus avec
les exigences contemporaines de transparence (B).

Ch. Vautrot-Schwarz, « La publicité et la mise en concurrence dans la délivrance des titres d’occupation
1276

domaniale », AJDA, 2009, p. 568.

Page 384
A / L’absence de procédure d’attribution des autorisations
unilatérales dépassée

Les autorisations unilatérales constituent « une intervention unilatérale de l’autorité


publique1277 » pour conférer à un particulier le privilège d’occuper à titre exclusif une portion
du domaine public. Elles sont accordées soit par l’autorité de police lorsque l’occupation
n’emporte pas emprise du domaine, soit par l’autorité en charge de la gestion du domaine
dans le cas où l’utilisation entraîne une modification de l’assiette domaniale.

Ces autorités qui ont en charge la délivrance de ces titres juridiques bénéficient d’une
totale discrétion pour les octroyer. Si cela pouvait se comprendre au moment de l’adoption du
code du domaine de l’État (1), son maintien à nos jours s’avère injustifié (2).

1. L’exclusion explicable des autorisations unilatérales à une procédure


de sélection

Le code du domaine de l’État qui a institué en ses articles 12 et 13 la possibilité


d’occupation privative du domaine public sur la base de permission de voirie et d’autorisation
d’occuper s’est simplement limité à cette seule indication. Il n’est pas allé jusqu’à prévoir une
procédure que l’autorité domaniale doit suivre pour les octroyer. C’est ce que Charles
Lapeyre a relevé dans son analyse de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du
domaine de l’État en écrivant que « le code ne fournit aucune précision sur les modalités
d’octroi de telles occupations privatives […]1278 ». Il en découle que le législateur ne soumet
pas l’autorité domaniale à une procédure d’attribution des permissions de voiries et des
autorisations d’occuper.

Le choix du législateur de ne pas prévoir une procédure de sélection pour accorder les
titres unilatéraux d’occupation du domaine public trouve son explication dans la nature de ces
titres. En effet, les actes administratifs unilatéraux constituent des actes qui « manifestent le
plein exercice de l’autorité de puissance publique1279 ». À ce titre, ils ne rentrent pas dans le
champ d’application des procédés de l’administration assujettis à un formalisme de mise en
concurrence. Bertrand du Marais le souligne clairement en écrivant que « de tels

1277
J.-M. Breton, « Le domaine de l’État », in Encyclopédie juridique de l’Afrique, tome 5, Droit des biens,
NEA, 1982, p. 227.
1278
Ch. Lapeyre, « Aperçu de la loi n° 76-66 portant code du domaine de l’État au Sénégal », AA, 1976, p. 88.
1279
G. Gonzalez, « Domaine public et droit de la concurrence », AJDA, 1999, p. 387.

Page 385
encadrements par les textes n’existent pas pour les actes unilatéraux dont la formation
apparaît ainsi plus souple1280 ». Il est alors de principe que les actes administratifs unilatéraux
n’obéissent pas à une procédure de sélection préalable.

Leur utilisation dans le cadre de la gestion du domaine public n’a pas amené le
législateur à déroger à la règle. Ainsi, pour délivrer des permissions de voirie et des
autorisations d’occuper, « le maître du domaine est seul juge du choix de l’occupant ou de
l’utilisateur1281 ». Il n’est pas tenu de respecter une forme particulière de publicité et de mise
en concurrence.

Au-delà de la nature des autorisations unilatérales, le contexte de l’adoption de la loi


n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État peut également expliquer le
choix du législateur de ne pas assujettir ces autorisations, au même titre que celles
contractuelles, à une procédure d’attribution. Les préoccupations de transparence et de
traitement égalitaire des occupants potentiels du domaine public, telles qu’elles se présentent
de nos jours, n’étaient pas prises en considération à l’époque. Il s’agit de considérations qui se
fondent beaucoup plus sur l’objet de ces titres d’occuper, à savoir l’utilisation et l’exploitation
d’une dépendance domaniale. Or, il semble que le législateur n’avait pas intégré cette
dimension dans le cadre de leur instauration. Son choix reposait essentiellement sur la nature
unilatérale des permissions de voirie et des autorisations d’occuper. En s’appuyant ainsi
seulement sur l’unilatéralité de ces titres d’occuper, le législateur ne pouvait envisager de les
soumettre à des règles de publicités et de mise en concurrence.

S’il se pose aujourd’hui la question de la mise en place d’une procédure de sélection


transparente préalable à la délivrance d’autorisations unilatérales d’occupations du domaine
public, c’est parce que l’on intègre une dimension économique ou commerciale dans l’octroi
des ces autorisations. Ce nouveau paramètre fait que le maintien de l’exclusion des
permissions de voiries et des autorisations d’occuper le domaine public aux formalismes de
publicité et de mise en concurrence est injustifié.

1280
B. du Marais, « Quelques éléments de comparaison entre deux modalités de partenariat avec un opérateur
privé pour fournir le service public : le contrat et l’autorisation unilatérale », La Gazette du Palais, volume 126,
n° 71, 12 au 14 mars 2006, p. 7.
1281
G. Gonzalez, « Domaine public et droit de la concurrence », op.cit., p. 387.

Page 386
2. Le maintien injustifié de l’exclusion des titres unilatéraux à une
procédure de séléction

La prise en compte de l’objet des permissions de voirie et des autorisations d’occuper le


domaine public peut amener à reconsidérer l’absence d’instauration d’une procédure adéquate
à leur attribution. En effet, ces actes de gestion, qui constituent une permission à l’occupation
privative du domaine public, permettent en même temps aux dépendances domaniales de
« […] servir de support à des activités économiques1282 ». Il en est ainsi, par exemple, pour
l’installation de kiosques à journaux, de terrasses de café, de stations d’essence et de
panneaux publicitaires. C’est dans ce cadre que Charles Vautrot-Schwarz écrit que « siège de
l’activité économique des personnes privées, le domaine des personnes publiques acquiert les
qualités d’un bien rare pour les opérateurs économiques, et la possibilité de son occupation
devient un avantage, parfois même une nécessité pour pouvoir exercer leurs activités1283 ».

À travers cet objet, l’administration domaniale qui délivre les autorisations y afférentes se
présente comme « une personne publique offreuse sur un marché concurrentiel1284 ». Ce qui
fait que lorsqu’elle accorde un titre juridique, « l’occupation domaniale peut conférer un
avantage concurrentiel à son titulaire, susceptible de le placer dans une position
dominante […] 1285 ». Ainsi, en délivrant une permission de voirie ou une autorisation
d’occuper, l’autorité domaniale peut établir une discrimination entre les occupants potentiels
du domaine public. L’occupant qui en bénéficie n’a pas été mis en concurrence avec des
postulants éventuels. Cela crée donc une situation de privilège qui cadre mal avec les
impératifs contemporains de transparence et d’égalité de traitement. C’est pourquoi Aurélien
Camus soutient que que « le prisme concurrentiel épouse mieux l’objet des occupations
domaniales, il s’accorde avec la figure économique de la personne publique offreuse sur un
marché concurrentiel1286 ».

1282
Les entretiens du Conseil d’État en droit public économique, « La valorisation économique des propriétés
publiques », 6 juillet 2011, Introduction de Jean-Marc SAUVÉ, [en ligne], disponible sur : www.conseil-
etat.fr/Actualites/Discours-Interventions/La-valorisation-economique-des-proprietes-des-personnes-publiques,
consulté le 17 mai 2016.
1283
Ch. Vautrot-Schwarz, « La publicité et la mise en concurrence dans la délivrance des titres d’occupation
domaniales », op.cit., p. 568.
1284
A. Camus, Le pouvoir de gestion du domaine public, Thèse, Université Paris Ouest Nanterre La Défense,
2013, p. 480.
1285
A. Camus, Le pouvoir de gestion du domaine public, op. p. 480.
1286
Idem.

Page 387
Si le contexte des années 70 pouvait se concilier avec une délivrance d’autorisations
domaniales sans formalités préalables, cela ne semble plus possible dans le contexte actuel.
Ce derneir prône une gestion transparente et un traitement égalitaire de candidats à un marché
concurrentiel. Car, le domaine public fait l’objet de nombreuses convoitises de la part des
opérateurs économiques. Il se présente comme un marché économique où interviennement
plusiseurs opérateurs privés. C’est le cas des marchés, des foires, des halles, des trottoirs et
même des plages. À ce titre, « l’octroi d’une occupation domaniale s’analyse comme l’octroi
d’un droit exclusif ou spécial 1287 ». Il faudrait alors, comme le souligne Jean-Philippe
Brouant, que « les règles soient les mêmes pour tous et que la compétition entre ces
opérateurs, facteur naturel d’équilibre, soit la plus claire possible1288 ». L’enjeu est d’arriver
à avoir une attribution plus transparente des autorisations unilatérales en opérant une sélection
des occupants potentiels.

L’idée n’est pas de généraliser une procédure de publicité et de mise en concurrence à


l’ensemble des autorisations unilatérales. Il est question plutôt d’assujettir à une procédure de
sélection les autorisations qui sont de nature à conférer un avantage concurrentiel à leurs
titulaires. En effet, il est souhaitable que les permissions de voiries et les autorisations
d’occuper, à chaque fois qu’elles impliquent l’exercice d’activités économiques sur le
domaine public, obéissent à une procédure permettant un traitement égal des candidats
potentiels.

Cette exigence ne vise ni à « remettre en cause le principe même des pouvoirs de


l’autorité publique, de ses prérogatives, de ses responsabilités […], la part d’intuitu personae
dans le choix par la collectivité publique de son délégataire1289 », ni « à banaliser le domaine
public1290 ». Au contraire, c’est une préoccupation qui est destinée à réglementer l’accès à une
situation de privilège. Il s’agit de faire en sorte que « tous les partenaires potentiels
[disposent] d’un droit d’accès au partenaire de façon équivalente1291 ». Certes, nous sommes
en présences d’autorisations unilatérales, mais, au regard de leur objet, elles doivent, à chaque
fois qu’elles sont susceptibles de fausser le jeu de la concurrence, faire l’objet d’une

1287
S. Nicinski, Droit public de la concurrence, Paris, L.G.D.J., 2005, p. 88.
1288
J.-Ph. Brouant, Le régime domanial à l’épreuve de la valorisation économique, Thèse, Université Paris
Ouest Nanterre La Défense, 2013, p. 580.
1289
Voir conclusions Jacques-Henri Stahl sous CE, 3 novembre 1997, Société Yvonne Funéraire, Société
Intermarbres et Société Million et Marais, RFDA, 1997, p. 1235.
1290
G. Gonzalez, « Domaine public et droit de la concurrence », AJDA, 1999, p. 398.
1291
B. du Marais, « Quelques éléments de comparaison entre deux modalités de partenariat avec un opérateur
privé pour fournir le service public : le contrat et l’autorisation unilatérales », op.cit., p. 7.

Page 388
procédure de sélction transparente préalable. Cela contribuera à assurer un accès égalitaire au
domaine public par le biais d’autorisations unilatérales.

À la différence des autorisations unilatérales pour lesquelles aucune procédure


d’attribution n’est prévue, les autorisations contractuelles ont eu à faire l’objet d’un
encadrement procédural qui se concilie difficilement avec les exigences de publicité et de
mise en concurrence.

B / L’instauration d’une procédure allégée d’attribution des titres


contractuels

Les autorisations contractuelles d’occupation privative du domaine public constituent


des contrats administratifs 1292 que le législateur a tenu à soumettre à une procédure de
sélection préalable. À l’analyse, il s’agit d’un encadrement dans lequel le maître du domaine
dispose d’une liberté de choix de la procédure à suivre (1). Cette marge de manœuvre
reconnue à l’autorité semble se concilier difficilement avec les exigences de transparence.
Elle ne garantie pas un traitement égalitaire des candidats en matière de conclusion de
conventions domaniales (2).

1. La liberté de choix de l’autorité domaniale

Le législateur dispose dans la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de
l’État que « les concessions et autorisations d’exploitation sont accordées de gré à gré ou par
adjudication pour une durée déterminée ou non, aux clauses et conditions fixées dans chaque
cas 1293 ». Il résulte de cette disposition que l’attribution des conventions d’occupation du
domaine public peut être faite suivant deux règles de procédure, à savoir le gré à gré1294 et
l’adjudication, appelée désormais « appel d’offre » 1295 . Le législateur soumet ainsi les
autorisations contratctuelles à des procédures de passation.

1292
Voir article 56 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’Etat, JORS N° 4506 du 28
juillet 1976.
1293
Voir article 16 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.
1294
Le gré à gré est prévu à l’article 36 de la loi n° 65-51 du 19 juillet 1965 portant code des obligations de
l’administration (COA), modifiée, JO préc. Il est défini comme la procédure par laquelle une autorité
contractante engage directement les discussions utiles avec les candidats de son choix et attribue le marché au
candidat qu’elle a retenu.
1295
L’adjudication est prévue à l’article 24 de la loi n° 65-51 du 19 juillet 1965 portant code des obligations de
l’Administration, modifiée, JO préc. Elle est la procédure par laquelle une autorité contractante attribue le
marché, après appel à la concurrence, au candidat meilleur offrant, c'est-à-dire le moins cher. Il convient de
préciser que la réforme de la loi portant code des obligations de l’administration en 2006 a remplacé la procédure

Page 389
Le droit domanial sénégalais devance à ce titre celui français qui, jusqu’à une époque
récente, ne faisait pas obéir les conventions d’occupation domaniale à aucune règle de
procédure. C’est seulement en 2017, par le biais d’une ordonnance 1296 , que les pouvoirs
publics français ont instauré une procédure de séléction transparente préalable à l’attribution
des titres d’occupation privative du domaine public1297. Selon l’ordonnance du 19 avril 2017,
« l'autorité compétente organise librement une procédure de sélection préalable présentant
toutes les garanties d'impartialité et de transparence, et comportant des mesures de publicité
permettant aux candidats potentiels de se manifester1298 ». Cette disposition s’applique aux
titres juridiques à caractère unilatéral et conventionnel permettant à leurs titulaires d’occuper
ou utiliser le domaine public en vue d’une exploitation économique1299.

Désormais, ces titres ne pourront être consentis à leurs bénéficiaires qu'après que l'autorité
domaniale aura organisé une procédure de sélection transparente et non discriminatoire à cet
effet. Jean Marc Pastor écrit, à ce titre, que « l'ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017
tourne une page, celle de l'opacité du choix des occupants du domaine public. À compter du
1er juillet prochain [juillet 2017], l'occupation ou l'utilisation du domaine public en vue
d'une exploitation économique sera - sauf dispositions législatives contraires - soumise à une
procédure de sélection préalable entre les candidats potentiels1300 ».

Il apparaît, en conséquence, que c’est de façon récente que le droit domanial français a
apporté un encadrement procédural à l’octroi des autorisations domaniales, alors que le
législateur sénégalais l’a intégré depuis l’adoption de la loi portant code du domaine de l’État
de 1976 en ce qui concerne les autorisations contarctuelles. Celui-ci a ainsi le mérite d’avoir

de l’adjudication par celle de l’appel d’offre (Voir article 26 nouveau de la loi n° 2006-16 du 30 juin 2006
modifiant la loi n° 65-61 du 19 juillet 1965 portant codes des obligations de l’administration, JORS N° 6291 du 5
août 2006). Il faut toutefois relever que la formule de l’adjudication n’a pas totalement disparu du code des
obligations de l’administration. Le toilettage opéré sur cette question n’est pas complète. L’article 34 de la loi de
1965 clôturant la partie consacrée à l’adjudication n’a pas été supprimé par le texte de la réforme. Il s’agit là
d’un oubli qu’il faille coriger, au même titre que la loi domaniale afin d’avoir une bonne harmonisation des
textes.
1296
Voir Ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques JORF du 20
avril 2017.
1297
Voir au niveau de la doctrine : C. Maugüet et Ph. Terneyre, « Ordonnance domaniale : un bel effort pour la
modernisation du CGPPP ! », AJDA, 2017, p. 1606 ; J.-M. Pastor, « Obligation de publicité pour les
autorisations domaniales », AJDA, 2017, p. 836 ; B. Clamour, « La mise en concurrence domaniale », BJCP
2017, n° 113 ; Ch. Roux, « La dévolution transparente des titres d’occupation du domaine public », Dr. Adm.
2017, Etude 10.
1298
Voir article L. 2122-1-1 l’ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes
publiques JO préc.
1299
C. Maugüet et Ph. Terneyre, « Ordonnance domaniale : un bel effort pour la modernisation du CGPPP ! »,
op.cit., p. 1609.
1300
J.-M. Pastoré, « Obligation de publicité pour les autorisations domaniales », op.cit., p. 836.

Page 390
empêché, dès l’origine, à ce que les contrats d’occupations du domaine public échappent à
toute sélection préalable entre des postulants éventuels.

Le législateur a tenu à se conformer strictement à la lettre du code des obligations de


l’administration qui a encadré l’attribution des contrats administratifs en général. En effet,
dans sa rédaction, la loi du 19 juillet 1965, modifiée, a posé un principe général de liberté des
procédures de passation de tous les contrats administratifs1301. C’est ce principe de liberté de
choix des modes de conclusion des contrats administratifs que la loi domaniale a repris.

La formule employée par l’article 16 du code du domaine de l’État pose tout


simplement une alternative entre la procédure du gré à gré et celle de l’adjudication. Ainsi,
l’autorité domaniale a l’option de recourir à l’une d’entre elle. Le législateur n’a pas tenu à la
soumettre aux mêmes exigences de procédures applicables aux achateurs publics1302. Donc, la
rédaction du code du domaine de l’État écarte toute référence à un mode de procédure à
suivre en principe et un autre à utiliser à titre exceptionnel. L’autorité domaniale a la liberté
de choisir laquelle de ces procédures à mettre en œuvre pour passer des conventions
domaniales.

Cette liberté de choix du mode d’attribution des autorisations contratctuelles cadre


bien avec les règles de la domanialité publique. En effet, en matière d’occupations privatives
du domaine public, le maître du domaine dispose d’un pouvoir discrétionnaire. Il est libre
d’attribuer ou non un titre d’utilisation privative du domaine. La même liberté se retrouve
également dans sa décision d’octroyer un titre contractuel où il dispose aussi du libre choix de
la procédure à suivre. Ainsi, aucune contrainte ne pèse sur l’autorité domaniale en matière
d’octroi des titres d’occuper le domaine public. Même si elle est tenue de recourir à un mode
de passation des conventions domaniales, l’autorité domaniale préserve toujours sa
prérogative du libre choix des occupants privatifs du domaine public.

La liberté de choix au niveau du mode d’attribution des autorisations contractuelles


n’est pas sans conséquence sur le traitement égalitaire des postulants éventuels. En effet, les
deux modes de passation retenus par la loi domaniale ne présentent pas les mêmes garanties

1301
Voir article 23 nouveau de la loi n° 2006-16 du 30 juin 2006 modifiant la loi n° 65-61 du 19 juillet 1965
portant codes des obligations de l’administration, JO préc.
1302
En matière d’achats publics, les autorités administratives ne bénéficient pas du principe de liberté de choix
des modes de procédure : les règles de procédure applicables à cet effet les imposent de recourir, en principe, à
l’appel d’offre et, à titre exceptionnel, à l’entente directe (voir article 26 nouveau de la loi n° 2006-16 du 30 juin
2006 modifiant la loi n° 65-61 du 19 juillet 1965 portant codes des obligations de l’administration, JO préc.).

Page 391
en termes de transparence dans la sélection des candidats à une occupation privative du
domaine public. Les procédures à suivre ne sont pas les mêmes selon qu’on utilise le gré à gré
ou l’appel d’offre. Si celui-ci est soumis à l’accomplissement de formalités de publicité et de
mise en concurrence1303, celui-là n’obéit pas à cette exigence et donne lieu à des discussions
directes entre l’autorité domaniale et les candidats de son choix en attribuant l’autorisation au
candidat qu’elle a retenu.

Ainsi, à la différence de la procédure du gré à gré, la procédure de l’appel d’offre


donne lieu préalablement à l’atribution du titre d’occupation à l’organisation d’une publicité
adéquate permettant aux candidats potentiels de se manifester. Devant cette différence de
traitement égalitaire, il serait utile, au regard des avantages que procure une occupative
privative du domaine public, de soumettre l’autorité domaniale à l’utilisation, en principe, de
la procédure de l’appel d’offre. Le maintien de l’alternative dans le mode de passation des
conventions domaniales ne favorise pas un traitement égalitaire des candidats potentiels à
l’obtention d’une autorisation contractuelle.

2. L’inadaptation de l’encadrement procédural à un traitement


égalitaire

La transparence dans les actes de gestion des personnes publiques constitue une
exigence constitutionnelle au Sénégal. Elle est érigée « en principe constitutionnel1304 » par le
constituant qui proclame dans le préambule de la constitution du 22 janvier 2001 que le
peuple sénégalais s’attache « à la transparence dans la conduite et la gestion des affaires
publiques ainsi qu’au principe de bonne gouvernance1305 ». Cette exigence s’est concrétisée
dans la règlementation de la commande publique1306.

Ce mouvement doit aujourd’hui immerger la gestion domaniale. En effet, les


conventions domaniales constituent des actes de gestion qui permettent aux opérateurs

1303
Voir article 24 nouveau de la loi n° 2006-16 du 30 juin 2006 modifiant la loi n° 65-61 du 19 juillet 1965
portant codes des obligations de l’administration, JO préc.
1304
M. Diagne, « Les nouvelles tendances du droit des contrats administratifs au Sénégal », EDJA, n° 80 janvier-
février-mars 2009, p. 17.
1305
Voir loi n° 2001-03 du 7 janvier 2001 portant constitution de la République du Sénégal, JORS N° 5963.
1306
La modification du code des obligations de l’administration relativement aux modes de conclusion des
contrats administratifs s’inscrit, selon l’exposé des motifs de la loi n° 2006-16 du 30 juin 2006 modifiant la loi n°
65-61 du 19 juillet 1965 portant codes des obligations de l’administration, dans la logique d’harmonisation du
droit de la commande publique, notamment les procédures de passation des marchés publics et des contrats
portant participation du contractant de l’administration à l’exécution d’une mission de service public
conformément aux exigences de transparence et d’efficacité posées par la directive n° 04/2005/CM/UEMOA.

Page 392
économiques d’accéder aux dépendances domaniales. Ce sont des titres juridiques qui servent
de base à l’activité d’une pluralité d’acteurs. Ils donnent lieu à des activités de production, de
distribution et de service.

À ce titre, les autorisations contractuelles font du domaine public un marché ouvert


aux opérateurs privés. Elles sont ainsi « à l’origine d’une compétitivité entre les opérateurs
économiques1307 » et font donc du domaine « un marché ouvert à la concurrence1308 ». Ainsi,
« en accordant de telles autorisations d’occupation du domaine public, la personne publique
se retrouve alors en situation de favoriser l’une des entreprises au regard de ses concurrents,
[…] 1309 ». Il apparaît donc que l’autorité domaniale gère, certes, le domaine public dans
l’intérêt général, mais elle accorde des titres d’occuper qui donnent lieu à des activités
économiques.

C’est au regard de cette fonction que les exigences du droit de la concurrence frappe à
la porte du droit domanial. En effet, à partir du moment où on considère que « les conventions
d’occupation du domaine public […] sont la condition et le support d’activités économiques
pouvant se développer sur un marché ouvert à la concurrence, il parait inévitable de
considérer que ces conventions doivent faire l’objet d’une publicité adéquate […]1310 ». Il est
aujourd’hui indispensable que l’attribution des conventions domaniales se fasse dans des
conditions garantissant un traitement égalitaire des occupants potentiels.

Il faudrait, comme le soulignait Bertrand du Marais, que « tous les partenaires


potentiels [puissent] disposer de droit d’accès au partenaire de façon équivalente1311 ». Ces
positions reposent fondamentalement sur la nature des activités exercées au titre d’une
convention domaniale. Il est logique dans les cas où le domaine public est le siège d’activités
économiques que le droit de la concurrence puisse s’appliquer préalablement à l’attribution de
l’autorisation d’occuper. Ce n’est par le respect d’une procédure de sélection équitable
préalable que l’autorité domaniale arrivera à se conformer aux exigences de transparence.

Il reste que l’alternative créée par l’article 16 du code du domaine de l’État dans le
mode d’attribution des concessions et autorisations d’exploitation du domaine public ne

1307
J. Morand-Deviller, Droit administratif des biens, 7e éd., Paris, Montchrestien, 2012, p. 223.
1308
Y. Gaudemet, Droit administratif des biens, tome 2, 15e éd., Paris, L.G.D.J., 2014, pp. 285.
1309
M. Ubaud-Bergeron, Droit des contrats administratifs, Paris, LexisNexis, 2015, p. 196.
1310
Y. Gaudemet, Droit administratif des biens, op.cit., pp. 285-286.
1311
B. du Marais, « Quelques éléments de comparaison entre deux modalités de partenariat avec un opérateur
privé pour fournir le service : le contrat et l’autorisation unilatérale », La Gazette du Palais, volume 126, n° 71,
12 au 14 mars 2006, p. 8.

Page 393
satisfait pas totalement à la préoccupation d’un traitement égalitaire des occupants potentiels.
Le fait que l’autorité domaniale soit libre d’opter soit pour le gré à gré, soit pour l’appel
d’offre induit une part de favoritisme. En effet, ces deux modes de conclusion des
conventions domaniales ne faisant pas tous l’objet des mêmes exigences procédurales de
transparence, le choix de l’autorité domaniale ne débouchera pas toujours sur l’organisation
d’une procédure permettant à tous les candidats potentiel de se manisfester et de faire l’objet
d’une sélection transparente.

La non érection de l’appel d’offre en procédure de principe pour la délivrance des


autorisations contratuelles emporte que l’autorité domaniale peut, de façon normale, recourir
au gré à gré. L’utilisation de cette procédure entraînera la délivrance d’un titre contractuel
sans que celui qui en bénéficie soit mis en concurrence avec d’autres postulants. Ainsi, l’accès
au domaine public pour l’exercice d’activités économiques se fera en marge d’une sélection
présentant toute les garanties d’impartialité et de transparence.

Face à cette possiblité d’employer, en principe, une procédure qui ne garantie pas un
traitement égalitaire entre des occupants potentiels sur un marché concurrentiel,
l’encadrement procédural de la délivrance des autorisations contractuelles doit se mouvoir
vers beaucoup plus de transparence. Après avoir eu le mérite d’encadrer l’octroi des
conventions domaniales, le législateur doit pouvoir aujourd’hui compléter son œuvre. Il est
possible de remplacer l’alténative posée par l’article 16 du code du domaine de l’État par la
détermination d’un principe de délivrance des autorisations contractuelles qui répond aux
exigences de transparence.

Une telle modification érigera sur le domaine public l’utilisation d’une procédure qui
garantie un traitement égalitaire des occupants potentiels. Il est important de mettre en place
une procédure propre à garantir non seulement l’organisation préalable d’une publicité
permettant à tout occupant potentiel du domaine public de se manisfester, mais aussi
l’examen des candidats avec toutes les garanties de transparence.

L’enjeu est de nos jours d’arriver à une sélection plus transparente des candidats
potentiels pouvant s’établir sur le domaine public. Ce dernier, de par la richesse qu’il
constitue, ne doit plus être en marge des règles de transparence et de bonne gouvernance. La
gestion domaniale doit être en phase avec la constitution du 22 janvier 2001. Cet alignement
contribuerait, en conséquence, à assurer une valorisation la plus rentable possible du domaine

Page 394
public en ce sens que le choix du maître du domaine portera sur l’opérateur économique « la
mieux disante ».

Si le code du domaine de l’État n’exige pas encore, en principe, une procédure


préalable de traitement égalitaire des occupants potentiels du domaine public, il existe des
textes particuliers donnant accès au domaine public qui prennent en compte l’exigence de
transparence et ont intégré les règles de publicité et de mise en concurrence.

Paragraphe 2 : L’apparition d’une mise en concurrence dans l’accès au


domaine public

Certains textes donnant lieu à des occupations privatives du domaine public se sont
conformés aux exigences de transparence dans la délivrance des autorisations domaniales. Ils
imposent aux autorités compétentes de respecter les formalités de publicité et de mise en
concurrence avant toute attribution du titre emportant occupation du domaine public. Tel est
le cas pour l’attribution des fréquences hertziennes (A). Il en est également le cas au niveau
des contrats ayant pour objet une prestation emportant occupation du domaine public. Pour ce
cas, la mise en concurrence intervient dans la gestion du domaine public de façon connexe
(B).

A / L’existence d’une sélection transparente dans l’accès au domaine public


hertzien

L’accès au domaine public hertzien n’obéit pas au régime de délivrance des


autorisations domaniales du code du domaine de l’État. Il se fait selon les règles de la
législation des télécommunications qui exigent que les titres attribuant les fréquences
hertziennes soient consentis à la suite d’une procédure de publicité et de mise en concurrence.
Ces règles consacrent une procédure de sélection transparente préalable (1) afin de garantir
l’égal accès au domaine public hertzien dont l’usage conforme est l’utilisation privative (2).

1. La consécration d’une procédure de publicité et de mise en


concurrence

Le marché des télécommunications qui était, jusqu’à une époque récente, sous monopole
pour l’essentiel des pays africains, a fait l’objet, à partir de 2007, d’une ouverture progressive

Page 395
à la concurrence dans la sous région ouest africaine1312. Cette ouverture s’est inscrite dans
l’orientation donnée par l’Acte additionnel au traité de la Communauté Économique des États
de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), relatif au régime juridique applicable aux opérateurs et
fournisseurs de services1313.

Ce marché est maintenant ouvert à une pluralité d’acteurs. Ce faisant, l’utilisation des
fréquences radioélectriques devient concurrentielle.

À ce titre, le droit communautaire ouest africain des télécommunications a cherché à


harmoniser les procédures de délivrance des bandes de fréquences. Il s’est efforcé de
promouvoir le principe de concurrence dans le cadre de l’assignation des fréquences
hertziennes. La directive n° 02/2006/CM/UEMOA dispose, en effet, que « chaque État
membre veille à ce que les procédures d’autorisation soient établies selon des règles
transparentes, objectives et non-discriminatoires. À cette fin, tous les candidats sont soumis
aux mêmes procédures1314 ».

En application de cette disposition, le Sénégal reprend dans sa législation cette mesure


communautaire en indiquant que l’Autorité de régulation attribue les autorisations
d’utilisation des fréquences radioélectriques dans des conditions objectives, transparentes et
non discriminatoires1315. En effet, le code des télécommunications indique que l’établissement
et l’exploitation de réseaux ou services de télécommunications ouverts aux publics, faisant
appel à des ressources rares ou empruntant le domaine public, sont subordonnés à l’obtention
d’une licence délivrée par décret portant approbation d’une convention de concession et d’un
cahier des charges 1316 . Ainsi, l’autorité compétente qui doit délivrer cette licence ne peut

1312
Voir Exposé des motifs de loi n° 2011-01 du 24 février 2011 portant code des télécommunications, modifiée,
JORS N° 6576 du 14 mars 2011.
1313
Voir article 3 de l’Acte additionnel A/SA 3/01/07 du 19 janvier relatif au régime juridique applicable aux
opérateurs et fournisseurs de services, [en ligne], disponible sur : www.osiris.sn/Acte-additionnel-A-SA-3-01-
07-du.html, consulté le 31 mai 2016.
1314
Voir article 6, alinéa 1 de la directive n° 02/2006/CM/UEMOA du 23 mars 2006 relative à l’harmonisation
des régimes applicables aux opérateurs de réseaux et fournisseurs de services, [en ligne], disponible sur :
www.osiris.sn//IMG/pdf/directive_02_2006_CM_UEMOA.pdf, et article 13-1. a) de l’Acte additionnel A/SA
3/01/07 du 19 janvier relatif au régime juridique applicable aux opérateurs et fournisseurs de services, [en ligne],
disponible sur : www.osiris.sn/Acte-additionnel-A-SA-3-01-07-du.html, consulté le 31 mai 2016.
1315
Voir article 72 de la loi n°2011-01 du 24 février 2011 portant code des télécommunications, modifiée, JO
préc. ; article 8 du décret n° 2003-64 du 17 février 2003 relatif aux fréquences et bandes de fréquences
radioélectriques, aux appareils radioélectriques et aux opérateurs de ces équipements, JORS N° 6088 du 17
février 2003.
1316
Voir article 23 de la loi n°2011-01 du 24 février 2011 portant code des télécommunications, modifiée, JO
préc.

Page 396
librement et discrétionnairement le faire. Elle est tenue d’organiser une procédure de sélection
préalable et transparente.

C’est dans ce cadre que la procédure de l’appel public à candidature est retenue
comme mode d’assignations des fréquences hertziennes1317. Les pouvoirs publics ont soumis
l’Autorité de régulation des télécommunications à cette procédure unique et sans exception
qui garantie une mise en concurrence entre des utilisateurs potentiels. En effet, il ressort du
décret n° 2003-64 du 17 février 2003 que l’autorité compétente doit non seulement organiser
une publicité adéquate permettant à tous les candidats potentiels de se manifester, mais aussi
examiner les candidatures avec toutes les garanties d’impartialité et de transparence1318.

Il est établi, à la lumière de ces disposition, qu’ « en matière de fréquences, les titres
sont délivrés à l’issu de procédures particulières qui visent à assurer le respect de certains
impératifs tels que la libre et égale concurrence […] 1319 ». C’est ce que relève d’ailleurs
Abdoulaye Sakho en écrivant que « dans le sens de l’attribution, le régulateur procède à
l’assignation des fréquences, de manière non discriminatoire, conformément au Plan
National des Fréquences, dans le cadre d’une procédure transparente et objective 1320 ». Ce
qui s’est confirmé récemment concernant la décision du Sénégal d’autoriser l’établissement et
l’exploitation de réseau public de télécommunications mobiles « 4 G ». L’attribution de cette
licence a obéit à une procédure de publicité et de mise en concurrence1321 à la suite de laquelle
la Société Nationale des Télécommunications (SONATEL) a été retenue par l’État du
Sénégal1322.

L’instauration de ce principe de transparence en matière d’attribution des fréquences


garantie un égal accès au domaine public hertzien.

1317
Voir article 24, alinéa 3 de la loi n°2011-01 du 24 février 2011 portant code des télécommunications,
modifiée, JO préc. ; Voir article 12 du décret n° 2003-64 du 17 février 2003 relatif aux fréquences et bandes de
fréquences radioélectriques, aux appareils radioélectriques et aux opérateurs de ces équipements, JO préc.
1318
Voir article 12 du décret n° 2003-64 du 17 février 2003 relatif aux fréquences et bandes de fréquences
radioélectriques, aux appareils radioélectriques et aux opérateurs de ces équipements, JO préc.
1319
Voir « Le système français d’exploitation du domaine public hertzien et d’attribution des fréquences
radioélectrique », Rapport du groupe de travail composé de M. Yves Gaudemet, M. André Chaminade, M.
Thomas Pez-Lavergne, Paris, mars 2010, p. 11, [en ligne], disponible sur : www.fondation-
droitcontinental.org/fr/wp-content/uploads/2014/01/rapport_mai_2010.pdf, consulté le 1er juin 2016.
1320
A. Sakho, « Libertés et contraintes dans la règlementation du marché des télécommunications en Afrique de
l’Ouest : exemple du marché sénégalais », Revue Lamy de la concurrence, 2014 – n° 40 du 07/2014, p. 13.
1321
Voir Appel public à candidature pour l’attribution de licences et de fréquences autorisant l’utilisation de
technologie mobiles de 4ème génération en vue de l’établissement et de l’exploitation de réseau public de
télécommunications 4 G au Sénégal, [en ligne], disponibles sur : www.artpsenegal.net, consulté le 1er juin 2016.
1322
Voir article 2 du décret n° 2016-1081 du 3 août 2016 portant approbation de la convention de concession et
du cahier des charges de la SONATEL, JORS N° 6954 du 4 août 2016.

Page 397
2. La garantie d’un égal accès au domaine public hertzien

L’encadrement procédural de l’assignation des fréquences empêche l’État de fausser


le jeu de la concurrence puisqu’elle est la seule à permettre à tous les opérateurs de
télécommunications d’avoir accès au domaine public hertzien. L’objectif recherché est la
garantie d’un traitement égalitaire de tous les utilisateurs potentiels des fréquences. Cela
procède de deux raisons fondamentales.

D’une part, l’instauration du principe de transparence dans l’assignation des


fréquences hertziennes se justifie par le fait que le domaine public hertzien, à l’inverse des
autres dépendances domaniales, n’est pas affecté à l’usage direct du public, mais plutôt à une
utilisation privative. Ainsi, même si, à partir du critère de l’affectation, le domaine public est
l’ensemble des biens meubles et immeubles affectés à l’usage direct du public ou au service
public, il faut déduire de ces biens le domaine public hertzien pour lequel l’utilisation normale
est l’usage privatif.

Il en résulte que ses utilisateurs y disposent d’un droit d’accès. Mais ce droit étant
soumis à une autorisation administrative préalable, les titres qui le confèrent ne peuvent être
délivrées qu’en garantissant l’égal accès des occupants potentiels. Le Conseil d’État français
note, à ce titre, qu’ « en matière d’usages conformes, il existe un droit d’accès au domaine
public sur lequel la mise en concurrence pourrait intervenir afin de pallier les atteintes
potentielles au jeu de la concurrence, mais aussi afin de réguler les phénomènes de saturation
de l’accès spécifique au cadre domanial, comme c’est le cas pour le domaine public
hertzien 1323 ». Au regard de cette affectation, le domaine public hertzien intègre dans sa
gestion une logique concurrentielle puisque le propriétaire publique, lorsqu’il accorde une
autorisation, il délivre un droit exclusif à son titulaire. Pour éviter que l’octroi de ce titre, qui
confère un avantage concurrentiel, fausse le jeu de la concurrence, l’autorité publique insère
sa délivrance dans un formalisme qui offre aux concurrents potentiels un égal accès au
domaine.

D’autre part, l’obligation de publicité et de mise en concurrence trouve son fondement


sur le droit de la concurrence. En effet, les fréquences radioélectriques constituent, au regard

1323
Conseil d’État, La valorisation économique des propriétés des personnes publiques, La Documentation
française, « Droits et Débats », 2012, p. 56.

Page 398
de ce droit, « une ressource rare et précieuse [possédée par] l’État 1324 ». La notion de
ressource rare, essentielle « désigne des installations ou des équipements indispensables pour
assurer la liaison avec les clients et/ou permettre à des concurrents d’exercer leurs activités
et qu’il serait impossible de reproduire par des moyens raisonnables 1325 ». Les bandes de
fréquences radioélectriques et les numéros répondent à cette qualification en ce sens que les
opérateurs de télécommunications ne peuvent exercer leurs activités sans avoir accès au
domaine hertzien.

Or, dans ce domaine, le constat est qu’en dépit de l’introduction de la concurrence,


l’ancien monopole demeure l’acteur principal. À ce titre, Bertrand du Marais soutient que « la
survie des concurrents ne peut donc passer que par la protection offerte par cette nouvelle
forme d’action publique qu’est la régulation 1326 ». Et dans cette activité de régulation,
Abdoulaye Sakho fait noter que le régulateur se doit de garantir, entre autres, la règle visant à
autoriser l’entrée de nouveaux concurrents sur certains segments du marché, car le monopole
est censé céder la place de manière progressive à une concurrence bénéfique pour l’offre de
service, et la règle de l’aménagement de la structure des marchés ouverts en vue d’établir une
concurrence durable et de prévenir tout abus de position dominante de l’ancien monopole1327.

Il résulte alors de cette exigence que le régulateur doit non seulement offrir un accès
aux opérateurs de télécommunications à l’infrastructure qu’il détient, mais aussi offrir cet
accès dans des conditions équitables et non discriminatoires 1328 . Charles Vautrot-Schwarz
soutient, dans cette perspective, que « l’organisation d’une procédure de publicité et de mise
en concurrence peut, dès lors, être le seul moyen de maintenir l’équité et la non
discrimination1329 ». L’exigence de transparence se trouve donc ancrée dans ce secteur des
télécommunications.

1324
Voir L’économie de l’immatériel : La croissance de demain, Rapport de la commission sur l’économie de
l’immatériel, novembre 2006, [en ligne], disponible sur :
www.iesf.fr/upload/pdf/economie_de_l_immateriel.pdf, p. 28, consulté le 1er juin 2016.
1325
Voir Avis C. Conc. n° 02-A-08 du 22 mai 2002 relatif à la saisine de l’Association pour la promotion de la
distribution de la presse, p. 9, [en ligne], disponibles sur : www.autoritedelaconcurrence.fr/pdf/avis/02a08.pdf,
consulté le 2 juin 2016.
1326
B. du Marais, Droit public de la régulation économique, Presse de Sciences Po et Dalloz, coll. « Amphi »,
2004, p. 470.
1327
A. Sakho, « Libertés et contraintes dans la règlementation du marché des télécommunications en Afrique de
l’Ouest : exemple du Sénégal », op.cit., p. 2.
1328
Voir Avis C. Conc. n° 02-A-08 du 22 mai 2002 relatif à la saisine de l’Association pour la promotion de la
distribution de la presse, préc.
1329
Ch. Vautrot-Schwarz, « La publicité et la mise en concurrence dans la délivrance des titres d’occupation
domaniale », AJDA, 2009, p. 570.

Page 399
Mis à part les autorisations d’utilisation des fréquences radioélectriques, la mise en
concurrence s’impose également dans le cadre de la délivrance des contrats ayant pour objet
une prestation donnant lieu à l’occupation du domaine public.

B / L’introduction connexe d’une sélection transparente

Avec l’objectif de rentabilisation des dépendances domaniales, les contrats


d’occupations du domaine public ne se résument pas seulement à des autorisations donnant
lieu à des utilisations dans l’intérêt exclusif de l’occupant, c’est-à-dire pour l’exercice d’une
activité industrielle et commerciale. Il s’agit de contrats qui permettent également de satisfaire
un besoin de la personne publique à travers la réalisation d’ouvrages collectifs ou l’exercice
de missions de service public1330.

Ces contrats s’analysent comme des marchés de travaux 1331 donnant lieu à une
occupation du domaine public. Au Sénégal, ces types de contrats s’illustrent à travers les
concessions de service public et les contrats de partenariat déléguant une mission de service
public et incluant une occupation du domaine public. Ils constituent des contrats qui obéissent
aux règles de concurrence (1) et, par ricochet, intègrent ces règles en matière d’accès au
domaine public (2).

1. La soumission des contrats emportant occupation du domaine public


aux règles de concurrence

Les contrats administratifs donnant lieu à une occupation privative du domaine de


l’État sont soumis à des règles de publicité et de mise en concurrence. En effet, ils ne peuvent
être consentis à des opérateurs privés qu’à la suite de l’organisation d’une procédure de
sélection transparente à cet effet. C’est le principe de la mise en concurrence qui gouverne la
conclusion des contrats administratifs.

1330
Voir à ce titre M. Ubaud-Bergeron, Droit des contrats administratifs, Paris, LexisNexis, 2015, p. 195 et s ;
A. Camus, Le pouvoir de gestion du domaine public, Thèse, Université Paris Ouest Nanterre La Défense, 2013,
p. 481.
1331
Voir article premier de la Directive n° 04/2005/CM/UEMOA/ portant procédures de passation, d’exécution
et de règlement des marchés publics et des délégations de service public dans l’Union Économique et Monétaire
Ouest Africaine, [en ligne], disponible sur :
www.uemoa.int/Documents/Actes/directive_04_2005_CM_UEMOA.pdf, consulté le 06 juin 2016. Les marchés
de travaux sont définis comme des « contrats que se proposent de conclure les personnes publiques et certaines
personnes privées liées à ces dernières avec un entrepreneur et, ayant pour objet de réaliser, de concevoir et
réaliser ou de faire réaliser, par quelque moyen que ce soit, tous travaux ou ouvrages de bâtiments ou de génie
civil 1331 » (E. Fatöme, Ph. Terneyre, « Bail emphytéotique, domanialité publique et financement privé d’un
ouvrage public », CJEG, novembre 1994, p. 579).

Page 400
Selon le code des obligations de l’administration (COA), « les conventions de
délégation de service public et les contrats de partenariat constituent des contrats
administratifs. Leur passation est soumise aux principes et méthodes applicables aux achats
publics définis par les articles 23 à 33 du présent code, adaptés pour tenir compte de la
nature particulière de ces conventions et contrats […] 1332 ». En application de cette
disposition, la loi relative aux contrats de partenariat, par exemple, dispose que « la passation
d’un contrat de partenariat est soumise aux principes de liberté d’accès, d’égalité de
traitement des candidats et de transparence des procédures1333 ». Elle indique, à ce titre, que
la conclusion d’un contrat de partenariat public-privé « […] est précédée d’une publicité
permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes […]1334 ».

À ce titre, la procédure de l’appel public à candidature a été retenue, en principe, pour


la sélection de l’opérateur chargé de l’exécution du contrat1335. La sélection des candidats à un
contrat emportant occupation du domaine public passe donc par une procédure non
discriminatoire, en ce sens que tous les candidats potentiels sont informés et leurs
candidatures sont examinées en toute transparence.

Au regard de cette formalisation de la mise en concurrence, tous les partenaires


potentiels de l’autorité contractante disposent d’un droit d’accès au partenaire de façon
équivalente. C’est à ce propos que François Lichère et Boris Martor écrivent que « le Sénégal
apparaît comme le pays ayant le plus encadré le choix du concessionnaire en mettant en
place un appel public à la concurrence à l’échelon international, puis une phase de pré-
qualification des candidats sur la base de leurs capacités techniques, financières et juridiques
et de leur aptitude à assurer la continuité du service1336 ». En effet, comparé à d’autres pays,
le recours à la publicité et à la mise en concurrence est la règle en matière de conclusion des
contrats de concession et de partenariat. Par exemple, en Guinée, la publicité et la mise en

1332
Voir article 10 nouveau, alinéa 2 de la loi n° 2006-16 du 30 juin 2006 modifiant la loi n° 65-61 du 19 juillet
1965 portant codes des obligations de l’administration, JORS N° 6291 du 5 août 2006.
1333
Voir article 11 da la loi n° 2014-09 du 20 février 2014 relative aux contrats de partenariat, JORS N° 6781 du
25 mars 2014.
1334
Voir article 11 de la loi n° 2014-09 du 20 février 2014 relative aux contrats de partenariat, JO préc.
1335
Voir Section 3 du Chapitre IV de la loi n° 2014-09 du 20 février 2014 relative aux contrats de partenariat, JO
préc. Cette procédure se matérialise par l’appel d’offre qui « est la procédure par laquelle une autorité
contractante attribue le marché, après appel à la concurrence et ouverture publique des offres sans négociation,
au candidat réunissant les conditions de qualifications, que remet l’offre évaluée la moins disante, sur la base de
critères quantifiés en termes monétaires préalablement portés à la connaissance des candidats » (Article 26
nouveau de la loi n° 2006-16 du 30 juin 2006 modifiant la loi n° 65-61 du 19 juillet 1965 portant codes des
obligations de l’administration, JORS N° 6291 du 5 août 2006).
1336
F. Lichere et B. Martor, « Essor des partenariats public-privé en Afrique : réformes en cours et perspectives
d’avenir », RDAI/IBLJ, N°3, 2007, p. 306.

Page 401
concurrence ne sont pas sytématiques, en ce sens que le législateur a expressément retenu que
le code des marchés publics ne s’applique pas à ces contrats1337. De même, en Algérie, le
législateur n’a pas rendu obligatoire la procédure de sélection transparente préalable dès lors
qu’il consacre que le projet d’investissement se fait soit aux enchères publiques, soit de gré à
gré, au choix de la personne publique1338.

Là où dans ces pays, l’autorité administrative bénéficie d’une liberté de mouvement,


au Sénégal, elle est, en principe, tenue de mettre en œuvre la mise en concurrence, sauf en cas
d’extrême urgence ou lorsqu’un seul opérateur est en mesure de réaliser ou d’exploiter
l’ouvrage1339. Ainsi, la passation des contrats de concession et de partenariat est « soumise
aux principes de liberté d’accès, d’égalité et d’objectivité des procédures1340 ». Il s’agit donc
de contrats pour lesquels la logique concurrentielle est définitivement ancrée dans leur mode
de conclusion. Ces contrats qui emportent une occupation du domaine public ont dès lors
introduit la mise en concurrence dans l’accès audit domaine.

2. L’inclusion de la mise en concurrence dans le droit domanial

L’autorité administrative ne bénéficie pas de la liberté de choix du mode de délivrance


des conventions domaniale lorsqu’elle conclue des concessions de service public et les
contrats de partenariat. Ce n’est pas l’encadrement procédural de l’article 16 du code du
domaine de l’État qui est mis en œuvre, mais la procédure de publicité et de mise en
concurrence préconisée par le droit coimmunautiare UEMOA et retenue par le code des
obligations de l’administration1341. Ainsi, ces contrats, alors même qu’’ils valent autorisations
d’occupation du domaine public, sont consentis suivant une procédure de sélection
transparente préalable. L’autorité administrative a l’obligation de se conformer à l’exigence
de transparence au nom de l’égal accès à la commande publique.

1337
Voir article de la loi guinéenne L/98/012 du 1er juin 1998 portant sur le financement, la construction,
l’exploitation, l’entretien et le transfert d’infrastructures de développement par le secteur privé, citée par F.
Lichere et B. Martor, « Essor des partenariats public-privé en Afrique : réformes en cours et perspectives
d’avenir », op.cit., p. 306.
1338
Voir article 3 de l’ordonnance n° 08-04 du 1er septembre 2008 fixant les conditions et les modalités de
concession des terrains relevant du domaine privé de l’État destinés à la réalisation de projets d’investissement,
JORA N° 49 du 3 septembre 2008.
1339
Voir article 29 de de la loi n° 2014-09 du 20 février 2014 relative aux contrats de partenariat, JO préc.
1340
P. Delvolvé, « Le partenariat public-privé et les principes de la commande publique », R.D.I., 2003, p. 481.
1341
Voir Considérant 5 de la Directive n° 04/2005/CM/UEMOA/ portant procédures de passation, d’exécution et
de règlement des marchés publics et des délégations de service public dans l’Union Économique et Monétaire
Ouest Africaine, [en ligne], disponible sur :
www.uemoa.int/Documents/Actes/directive_04_2005_CM_UEMOA.pdf, consulté le 06 juin 2016 ; loi n° 2006-
16 du 30 juin 2006 modifiant la loi n° 65-61 du 19 juillet 1965 portant Codes des Obligations de
l’Administration, JORS N° 6291 du 5 août 2006.

Page 402
La formalisation de la mise en concurrence pour l’attribution des contrats de la
commande publique introduit l’utilisation d’une procédure de sélection préalable entre des
candidats potentiels à une utilisation privative du domaine public. En effet, ce n’est pas la
qualité de titres domaniaux de contrats de concession et de partenariat portant sur le domaine
public qui est mise en avant, mais la mission qui est confiée aux bénéficiaires de ces
autorisations. Ce sont des contrats qui emportent une occupation du domaine public, mais
cette occupation est l’accessoire d’autres choses, à savoir la satisfaction de besoins en travaux,
en service, ou en fourniture de la personne publique étatique1342.

C’est au regard de cet objet que ces contrats supposent la mise en œuvre d’une
procédure transparente. La confirmité de l’autorité administrative à cette exigence emporte
l’inclusion de la mise en concurrence en matière de délivrance de conventions domaniales.
Yves Gaudemet la souligne clairement en écrivant que « lorsqu’il est recouru à des procédés
contractuels et qu’il s’agit de réaliser un ouvrage pour le compte de la personne publique
[…] et dont elle aura la pleine disposition en fin de titre, la passation de ces contrats, en
considération de leur objet, relève du droit national et communautaire de la commande
publique et doit satisfaire les exigences de transparence et de mise en concurrence qu’ils
prescrivent 1343 ». Ainsi, la passation de ces conventions domaniales déroge à celle des
concessions et autorisations d’exploitation du domaine public au titre desquelles l’autorité
domaniale dispose d’une alternative dans la procédure à suivre. Elle traduit la présence d’une
procédure de sélection transparente préalable en matière de délivrance d’autorisations
domaniales contractuelles.

Lorsque le domaine public est le support d’activités de service public, il subit la


domination du régime applicable à l’activité en question qui fait aujourd’hui la part belle au
droit de la concurrence1344. L’attribution des contrats permettant la réalisation des ces activités
sur le domaine public répond à l’exigence de transparence. Elle se fait suivant une procédure
qui permet un traitement égalitaire de tous les occupants potentiels du domaine public. Ainsi,
l’accès audit domaine connaît, pour certaines occupations, les mêmes procédures que celles
de l’accès à la commande publique.

1342
Ch. Vautrot-Schwarz, « La publicité et la mise en concurrence dans la délivrance des titres d’occupation
domaniale », AJDA, 2009, p. 572.
1343
Y. Gaudemet, Droit administratif des biens, tome 2, 15e éd., L.G.D.J., 2014, p. 283.
1344
G. Gonzalez, « Domaine public et droit de la concurrence », AJDA, 1999, p. 398.

Page 403
En dépit de ces autorisations domaniales dont les attributions obéissent à une
procédure de sélection transparente prélable, la gestion du domaine public est encore, en
grande partie, en marge des exigences de transparence et de mise en concurrence mettant ainsi
les opérateurs privés dans des positions inégalitaires d’accès aux dépendances domaniales.

Au-delà de la realtivité du traitement égalitaire des candidats potentiels à une


occupation privative du domaine public, ceux qui y accèdent ne bénéifient pas non plus d’une
véritable protection juridique.

Section 2 : La protection relative de la situation des occupants privatifs

En matière de gestion du domaine public, les rapports entre l’autorité domaniale et les
occupants privatifs sont fortement marqués par la prépondérance et l’unilatéralité du pouvoir
du maître du domaine. Ce dernier dispose d’importantes prérogatives, commandées par la
protection de l’utilité publique du domaine, et place les occupants privatifs dans une situation
juridique incertaine.

Cette incertitude est fortement caractérisée par un amenuisement de leurs privilèges


sur les dépendances domaniales occupées. Même si des assouplissements aux prérogatives du
maître du domaine allant dans le sens d’un renforcement des garanties de l’occupant privatif
sont constatés dans certains types d’occupation privative, il reste que ces occupations se
caractérisent toujours par une faiblesse des droits de l’occupant (Paragraphe 1) et une
précarité de l’autorisation d’occuper (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La faiblesse des droits de l’occupant privatif

Les autorisations d’occupation privative du domaine public de l’État ne confèrent à


leurs bénéficiaires que de simples droits personnels. Ces derniers qui sont des droits qui
portent sur une personne et non sur une chose ne permettent pas à leurs titulaires de disposer
d’un lien de droit avec les dépendances occupées ; ils n’ont qu’un droit de jouissance. À ce
titre, ils ne disposent pas de droits réels sur le domaine public (A) et ne peuvent librement
transmettre leurs titres d’occupation privative (B).

A / L’absence quasi-général de droits réels sur le domaine public

L’occupation privative du domaine public passe par l’obtention d’un titre juridique l’y
autorisant. Les titres institués par le code du domaine de l’État répondent aux exigences du
Page 404
principe d’inaliénabilité en ce qu’ils n’opèrent aucun démembrement de la propriété de l’État
sur le domaine public. Le principe reste toujours l’inadmission d’autorisations constitutives de
droits réels (1). Des textes particuliers ont dérogé, dans une moindre mesure, à ce principe en
reconnaissant à l’occupant privatif un droit de propriété sur les installations qu’il a édifiées
sur le domaine public (2).

1. Le maintien du principe de l’inadmission de titres constitutifs de


droits réels

Le législateur a tenu à se conformer aux exigences du principe de l’inaliénabilité du


domaine public par rapport à l’interdiction de la division de la propriété de l’État sur ledit
domaine. Il a matérialisé cela dans le code du domaine l’État en instituant que des
autorisations non constitutives de droits réels, c’est-à-dire des titres d’occupation ordinaire
(a). Toutefois, il a, de façon isolée et quasi-inapperçue, dérogé à ce principe en consacrant
dans le code de l’eau la possibilité pour l’administration de délivrer un titre d’occuper
constitutif de droit réel (b).

a) La persistance des titres d’occupation ordinaire

L’autorisation constitutive de droits réels est celle qui confère à son titulaire un droit
perpétuel sur le titre avec la pleine maîtrise, c'est-à-dire le pouvoir de réaliser librement des
opérations juridiques comme la vente et l’hypothèque, d’exercer des prérogatives comme
celle de disposer matériellement du bien objet du titre, d’en modifier la structure ou d’en
changer la destination 1345 . Ce type d’autorisation n’est pas encore admis par le code du
domaine de l’État.

Lorsque l’on se réfère aux titres d’occuper institués par l’article 11 de la loi domaniale, les
permissions de voirie, les autorisations d’occuper, les concessions et autorisations
d’exploitation du domaine public ne sont pas constitutifs de droits réels pour leurs
bénéficiaires. Il s’agit de titres juridiques revêtus d’un caractère personnel, précaire et
révocable à tout moment1346. Il en résulte que celui qui en bénéficie n’a aucun droit direct sur
son titre. Il est juste détenteur d’un acte juridique totalement contrôlé par le maître du

1345
Voir à ce propos C. Mamontoff, Domaine public et entreprises privées : la domanialité publique mise en
péril par le marché, Paris, L’Harmattan, 2003, p. 62 ; Y. Gaudemet, « Les droits réels sur le domaine public »,
AJDA, 2006, p. 1096.
1346
Voir articles 12 et 13 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JORS N° 4506
du 28 juillet 1976.

Page 405
domaine. Ainsi, la relation entre le titre et son titulaire ne repose sur aucun rapport de droit
réel ; l’occupant domanial n’est titulaire que d’un droit de type personnel.

Des titres juridiques de cette nature n’ont aucune autre fonction que de pemetttre à
leurs titulaires d’avoir le privilège d’occuper à titre exclusif une portion déterminée du
domaine public. En effet, le régime juridique des autorisations de type personnel est « conçu
sous forme d’une relation simple entre la collectivité propriétaire et un occupant qui exploite
personnellement la parcelle mise à sa disposition1347 ». C’est un régime qui empêche à son
titulaire de prétendre à des utilités et garanties nécessaires à une valorisation optimale de son
activité sur le domaine public.

Ainsi, l’établissement de ces titres juridiques ne permet de répondre qu’à la


satisfaction des « seuls besoins de l’activité privée de l’occupant1348 ». Le législateur n’avait
pour autres préoccupations que d’autoriser des tiers à s’installer sur le domaine public pour
les seuls besoins de leur exploitation privée. Il n’avait pas inséré la dimension infrastructurelle
dans le cadre des utilisations privatives des dépendances domaniales. Car, l’autorisation de
type personnelle ne peut pas donner lieu à une occupation ayant pour objet la réalisation
d’équipements d’intérêt collectif sur le domaine public. Donc, le maintien des autorisations de
cette nature ne concoure pas à la valorisation optimale du domaine public.

Le régime des autorisations instituées par l’article 11 de la loi domaniale considère


l’occupant privatif comme un simple permissionnaire et non comme un investisseur. Si cette
vision pouvait se comprendre durant les années 70, elle semble aujourd’hui dépasser au
regard des besoins actuels d’investissements en infrastructures d’utilité publique. Les
occupants privatifs du domaine public doivent être considérés comme de véritbales
collaborateurs ou partenaires de l’État dans le cadre de la politique de réalisations
d’investissements structurants. C’est cela qui permettra de décharger la personne publique
ététique du lourd fardeau du financement des investissements à réaliser. Pour ce faire, une
réforme s’impose : celle du remplacement des autorisations de type personnel par des
autorisations constitutives de droits réels.

Cela a été, pourtant, amorcé dans une des composantes du domaine public, mais sans être
généralisé jusqu’à présent à l’ensemble des occupations privatives dudit domaine. Le

1347
J.-P. Lebreton, « Le financement des investissements sur le domaine public », Le Moniteur/Mars 1978, p. 29.
1348
Y. Gaudemet, Droit administratif des biens, tome 2, 15e éd., Paris, L.G.D.J., 2014, p. 299.

Page 406
législateur a admis, de façon isolée, une autorisation d’occupation privative constitutive de
droit réel en matière d’utilisation des ressources hydrauliques.

b) L’admission isolée d’un titre constitutif de droit réel

Le législateur a, dans la loi n° 81-13 du 14 mars 1981 portant code l’eau, réaffirmé le
caractère personnel de l’autorisation d’occuper une dépendance domaniale. Mais, il a, de
façon inédite, introduit une innovation de taille consistant à déroger au principe de
l’inaliénabilité du domaine public. Il a expressément consacré ceci : « toutefois, l’autorisation
de faire usage des eaux accordée spécialement et explicitement en vue d’une exploitation
agricole ou d’élevage, d’une exploitation industrielle ou touristique est un droit réel qui reste
attaché à cette exploitation en quelques mains qu’elle passe 1349 ». Cette disposition insère
dans le droit domanial sénégalais une autorisation d’occupation privative constitutive de
droits réels.

La formule employée par le législateur laisse clairement apparaître que le droit réel porte
sur l’autorisation elle-même. Il faut tout de même relever que ce titre constitutif de droit réel
ne profite pas à tous les usagers des ressources en eau ; il n’est reconnu qu’à des occupants
privatifs bien identifiés. Il s’agit seulement des exploitants agricoles ou d’élevage, des
exploitants industriels ou touristiques. Ainsi, en matière d’autorisation d’usage des ressources
en eau en vue d’une exploitation agricole ou d’élevage, industrielle ou touristique, le
bénéficiaire du titre juridique est titulaire d’un droit réel sur ce titre.

Il apporte là une exception significative à l’interdiction de constituer des droits réels sur le
domaine public. En effet, il s’opère dans ces domaines un véritable démembrement de la
propriété publique puisque le droit réel accordé porte sur l’occupation de la dépendance
domaniale elle-même. Les bénéficiaires de ces autorisations disposent alors d’un véritable de
droit de propriété sur les ressources hydrauliques pendant la durée de leurs titres. En
conséquence, les attributs de la propriété sont temporairement répartis entre un propriétaire
initial [l’État] et une sorte d’usufruitier à temps [l’exploitant]1350.

L’introduction de ce droit de type réel dans les domaines précités répond à une volonté de
sécurisation juridique des exploitants agricole ou d’élevage, industriel ou touristique. En effet,
ces exploitations se concilieraient difficilement avec une autorisation d’usage de l’eau de droit

1349
Voir article 15 de la loi n° 81-13 du 14 mars 1981 portant code de l’eau, JORS N° 4828 du 11 avril 1981.
1350
Y. Gaudemet, Droit administratif des biens, 15e éd., Paris, L.G.D.J., 2014, p. 321.

Page 407
de type personnel. Les caractéristiques de ces titres juridiques fragiliseraient constamment
l’exercice des activités agricoles ou d’élevage, des activités industrielles ou touristiques. Il
s’agit, en effet, de caractéristiques qui ne garantissent ni la pérennité, ni la transmissibilité de
l’autorisation d’user des ressources en eau.

Or, pour les activités en question, c’est-à-dire les exploitations agricoles ou d’élevages,
industriels ou touristiques, leur réussite dépend en grande partie de la disponibilité de la
ressource hydraulique. Ainsi, c’est pour éviter que la domanialité publique de l’eau ne
constitue un frein à des activités qui en dépendent que le législateur a tenu à reconnaître aux
exploitants agricole ou d’élevage, industriel ou touristique un droit réel sur leur titre. Il les
apporte plus de sécurité juridique en leur garantissant la pérennité du droit d’user des
ressources en eau. Ces derniers ont la certitude de pouvoir perdurer dans l’utilisation de la
ressource hydraulique en ce sens que l’autorisation constitutive de droit réel est toujours de
longue durée.

Au-delà de la permanence du droit d’user des ressources en eau, l’exploitant agricole ou


d’élevage, industriel ou touristique a la maîtrise juridique de son titre. En effet, ce titre,
constitutif de droit réel, confère à l’occupant privatif un certain nombre de droits et garanties.
Titulaire d’un titre constitutif de droit réel, l’exploitant agricole ou d’élevage, industrile ou
touristique dispose d’un droit direct sur son titre d’occuper. Il peut, à ce titre, le mobiliser au
service de la rentabilisation de l’utilisation qui lui est consentie. Ainsi, l’occupant privatif a la
possibilité de le transmettre ou le céder à des tiers ou à ses héritiers. De même, lorsque
l’autorité domaniale met fin au titre d’occuper avant son terme, l’occupant a droit à une
indemnisation. Il est titulaire d’un droit réel et doit, comme n’importe quel propriétaire, être
indemnisé par l’administration du préjudice né de l’éviction.

En outre, ce titre constitutif de droit réel lui confère la propriété des équipements réalisés
au titre de l’utilisation des ressources en eau pendant la durée de l’autorisation. Car, comme le
souligne Etienne Fatöme et Phillipe Terneyre, l’autorisation constitutive de droit réel fait
obstacle au jeu de la théorie de l’accession et donc permet à son titulaire d’être propriétaire
des ouvrages qu’il construit sur le domaine public1351. L’appropriation de ces équipements
pendant la durée de l’autorisation emporte que l’occupant privatif peut les apporter en
garantie pour financer son investissement. Il peut, en effet, s’en servir pour garantir des

1351
E. Fatôme et Ph. Terneyre, « Droits réels sur le domaine public de l’État : clarification ou multiplication des
interrogations ? », AJDA, 1995, p. 906.

Page 408
emprunts contractés en vue de financer la réalisation des ouvrages nécessaires au captage de
la ressource en eau.

Cet effort de sécurisation juridique des exploitants agricole ou d’élevage, industriel ou


touristique en matière d’usage des eaux montre que le législateur sénégalais est prompt à
répondre aux attentes des occupants privatifs du domaine public lorsque le besoin se présente.
En effet, rien ne laissait apparaître l’adoption d’une telle dérogation au principe de
l’inaliénabilité, dès lors que le droit domanial français, qui est sa source d’inspiration en la
matière, s’opposait à l’époque à la constitution de droits réels sur le domaine public 1352 .
L’admission de droits réels sur le domaine public en France date de 1988. C’est d’abord la loi
du 5 janvier 1988 dite loi d’amélioration de la décentralisation qui consacre les baux
emphytéotiques sur le domaine public des collectivités locales1353. C’est ensuite la loi du 25
juillet 1994 qui est venu instituer la possibilité de constituer des droits réels sur le domaine
public de l’État1354. Mais, dans tous ces cas, le droit réel accordé à l’occupant ne portait que
sur les ouvrages et installations édifiés et non sur l’occupation elle-même1355. Ce n’est enfin
qu’en 2006 avec la réforme majeure du droit domanial français que les occupations
constitutives de droits réels ont vu le jour1356.

Ainsi, loin d’un mimétisme, le choix du législateur tient ici à une volonté d’offrir à des
usagers du domaine public la sécurité juridique qu’exigent leurs activités. Il s’avère alors que
le régime de la domanialité publique n’est pas figé et qu’il peut être adapté aux réalités du
moment. Il faudrait donc que ce pas franchi en matière d’usage des eaux puisse s’étendre aux
autres occupations du domaine public afin de répondre aux besoins en investissement privé
sur les dépendances domaniales. Il est temps que le législateur songe à changer le rôle des
occupants privatifs pour en faire de véritables acteurs à la valorisation du domaine public.

1352
Voir CE, 6 mai 1985, Association Eurolat Crédit foncier de France, Rec. Leb. p. 141 ; AJDA 1985, p. 620.
1353
Voir article 13 de la loi n° 88-13 du 5 janvier 1988 d’amélioration de la décentralisation, JORF du 6 janvier
1988, [en ligne], disponible sur : www.legifrance.gouv.fr, consulté le 17 novembre 2013.
1354
Voir loi n° 94-631 du 25 juillet 1994 complétant le code du domaine de l’État et relative à la constitution de
droits réels sur le domaine public de l’Etat, JORF N° 171 du 26 juillet 1994, [en ligne], disponible sur :
www.legifrance.gouv.fr, consulté le 17 novembre 2013.
1355
Voir par exemple E. Fatôme et Ph. Terneyre, « Bail emphytéotique, domanialité publique et financement
privé d’un ouvrage public », C.J.E.G. novembre 1994, p. 569 ; E. Fatôme et Ph. Terneyre, « Droits réels sur le
domaine public de l’Etat : clarification ou multiplication des interrogations ? », AJDA 1995, p. 905 ; F. Llorens
et P. Soler-Couteaux, « Les occupations privatives du domaine public : un espoir déçu », RFDA septembre-
octobre 2006, p. 935.
1356
Voir article L.2122-6 de l’ordonnance du 21 avril 2006 portant code général de la propriété des personnes
publiques, modifiée, JORF du 22 avril 2006, [en ligne], disponible sur : www.legifrance.gouv.fr, consulté le
17novembre 2013.

Page 409
À côté de l’institution d’autorisations constitutives de droits réel en matière d’usage des
ressources en eau, le législateur a égélament admis la constitution de droits réels sur les
constructions édifiées par des opérateurs privés sur le domaine public. Mais, ces droits réels
sur les constructions n’ont qu’une portée limitée, ils ne sont pas reconnus à tous les occupants
privatifs.

2. La non généralisation de la reconnaissance de droits réels sur les


constructions

C’est au début des années 1990 que la constitution de droits réels sur les équipements
réalisés sur le domaine public est admise par des textes particuliers et ne concerne que
quelques parties bien déterminées du domaine public. Ils sont établis au profit des occupants
privatifs du domaine public portuaire et des titulaires de contrat de partenariat public-privé
emportant occupation du domaine public.

C’est à travers la modification de loi de 1987 autorisant la création de la Société Nationale


du Port Autonome de Dakar (SN PAD) que le législateur a admis la possibilité de constituer
des droits réels sur les dépendances domaniales portuaires. En effet, il dispose que « pendant
la durée de l’occupation, l’affectataire exerce tous les attributs de la propriété sur les
constructions autorisées et sur les équipements immobiliers1357 ». Il apparaît à travers cette
disposition que l’autorisation d’occuper le domaine public portuaire confère à son titulaire les
attributs de la propriété sur les installations édifiées par lui.

La législation portuaire procède ainsi à un « assouplissement des conséquences


qu’imposent les règles d’occupation du domaine public relatives aux droits réels de
l’occupant1358 ». Désormais, les affectataires des dépendances portuaires disposent d’un droit
réel de propriété sur les constructions et installations qu’ils édifient sur le domaine public
portuaire.

À côté des occupants des dépendances domaniales portuaires, ce sont les titulaires de
contrats de partenariat qui bénéficient de la même faveur sur le domaine public. En effet, la
loi n° 2014-19 du 20 février 2014 relative aux contrats de partenariat dispose que « lorsqu’un

1357
Voir article premier, alinéa 6 de la loi n° 92-63 du 22 décembre 1992 modifiant l’article 3 de la loi du 18
août 1987 autorisant la création de la Société Nationale du Port Autonome de Dakar, JORS N° 5505 du 30
janvier 1992.
1358
I. Diédhiou, « La nature et le régime juridique des terrains du domaine du Port Autonome de Dakar »,
Communication au colloque international Les ports africains : statuts juridiques et enjeux économiques, Dakar,
20 et 21 avril 2015 à la salle vidéo-conférence de l’UCAD II.

Page 410
contrat de partenariat emporte occupation du domaine public, il vaut autorisation
d’occupation de ce domaine pour sa durée. Sauf stipulation contraire du contrat, le titulaire a
des droits réels sur les ouvrages et équipements qu’il réalise. Ces droits lui confèrent les
prérogatives et obligations du propriétaire, dans les conditions et limites prévues par des
clauses du contrat ayant pour objet de garantir l’intégrité et l’affectation du domaine
public1359 ». Cette disposition admet des droits réels sur le domaine public dans le cadre des
contrats de partenariat qui emportent une occupation dudit domaine. Elle s’inscrit dans la
même logique que la réforme portuaire en reconnaissant au titulaire d’un contrat de
partenariat des droits réels sur les ouvrages et équipements qu’il réalise.

Ces textes apportent ainsi un assouplissement à l’exclusion de droits réels sur le domaine
public. Mais, c’est à un degré moindre que le démembrement de la propriété est opéré dans
ces domaines. En effet, l’État conserve la pleine propriété de la dépendance occupée ; il
attribut seulement à l’occupant la propriété de ses installations pendant la durée de
l’autorisation. Le législateur opère donc une dissociation de la propriété du sol de celle du
dessus. La propriété du sol n’emporte plus celle du dessus dans le cadre des occupations du
domaine public portuaire et des occupations du domaine public au titre d’un contrat de
partenariat.

Ces dérogations au principe de l’inaliénabilité sont justifiées par la volonté de répondre


aux besoins d’investissements des opérateurs privés dans des secteurs où leur intervention est
incontournable. L’objectif recherché est la sécurisation de l’investissement des opérateurs
économiques1360, tant par les droits réels qui s’attachent désormais aux installations que par
l’assurance d’une durée d’autorisation permettant d’amortir les investissements et dont
l’éventuelle interruption pour motif d’intérêt général sera indemnisée1361.

Cette logique d’adaptation du régime juridique du domaine public à la réalité économique


dudit domaine ne s’est pas encore généralisée à l’ensemble des occupations domaniales. Le
législateur semble opter pour une démarche progressive et sectorielle dans la reconnaissance

1359
Voir article 6 de la loi n° 2014-09 du 20 février 2014 relative aux contrats de partenariat, JORS N° 6781 du
25 mars 2014.
1360
Voir exposé des motifs de la loi n° 92-63 du 22 décembre 1992 modifiant l’article 3 de la loi du 18 août 1987
autorisant la création de la Société Nationale du Port Autonome de Dakar, JORS N° 5505 du 30 janvier 1993 ;
Exposé des motifs de la loi n° 2014-09 du 20 février 2014 relative aux contrats de partenariat, JORS N° 6781 du
25 mars 2014.
1361
Voir article 11 de la Convention Type portant Cahier des Charges et emportant occupation temporaire de
dépendances du domaine portuaire, annexée à la loi n° 92-63 du 22 décembre 1992 modifiant l’article 3 de la loi
du 18 août 1987 autorisant la création de la Société Nationale du Port Autonome de Dakar, JO préc. ; article 35,
alinéa 1 de la loi n° 2014-09 du 20 février 2014 relative aux contrats de partenariat, JO préc.

Page 411
de droits réels sur les installations édifiées sur le domaine public. Il n’est pas résolu à inscrire
tous les occupants domaniaux dans la logique de valorisation des dépendances domaniales. En
effet, les secteurs dans lesquels la constitution de droits réels sur les installations est reconnue
n’épuisent pas les possibilités d’occupation privative du domaine public. Il s’agit
essentiellement de l’utilisation des ressources en eau en matière d’activités agricoles ou
d’élevage, industrielles ou touristiques ; de l’occupation du domaine public portuaire ; de
l’occupation du domaine public sur la base d’un contrat de partenariat.

Mis à part ces dépendances domaniales, la grande masse des occupations privatives du
domaine est exclue du bénéficie de droits réels sur les constructions édifiées au titre d’une
autorisation domaniale. C’est le principe de l’inaliénabilité du domaine public qui continue à
s’appliquer dans toute sa rigueur. Tout occupant privatif non compris dans les secteurs
précités voit les contructions qu’il a édifiées échapper à son appropriation. Ainsi, l’objectif de
sécurisation juridique de l’occupant domanial n’est que sectoriel. Le législateur n’est pas
décidé à faire participer tous les occupants privatifs à la politique de constitution d’un
patrimoine public immobilier. Avec le régime des autorisations de type personnel, les
personnes qui en bénéficient sont placées dans une situation juridiquement défavorable1362 par
rapport à celles qui bénéificient de droits réels sur les constructions qu’ils ont réalisé.

La non généralisation de la reconnaissance des droits réels sur les constructions constitue
une limite aux possibilités d’investissements sur le domaine public. En effet, au moment où
les exploitants agricoles ou d’élevage, industriels ou toutistiques, les entreprises portuaires et
les titulaires de contrats de partenariat bénéficient d’un régime incitatif à l’investissement, les
autres occupants domaniaux se meuvent dans un régime caractérisé par la précarité. Ainsi, si
les premiers disposant de « garanties juridiques quant à la pérennité de leurs ouvrages et
installations1363 » peuvent prendre des engagements financiers pour investir sur le domaine
public, les seconds ne peuvent prétendre à la mobilisation de capitaux importants.

L’autorisation d’occuper à titre précaire présente une tare auprès des institutions
financières. Pour ces dernières, le problème essentiel réside dans des engagements qui
risquent de ne pas pouvoir être remboursés si l’autorisation d’occuper le domaine est trop

1362
J.-P. Lebreton, « Le financement des investissements sur le domaine public », Le Moniteur /mars 1978, p.
27.
1363
E. Fatöme et Ph. Terneyre, « Droits réels sur le domaine public de l’État : clarification ou multiplication des
interrogations ? », op.cit., p. 905.

Page 412
courte ou interrompue très tôt1364. Devant cette insuffisance, les occupants domaniaux non
titulaires de droits réels sur leurs constructions ne peuvent alors réaliser sur le domaine public
que des équipements légers et démontables, mobiles ou n’emportant pas emprise ou
modification importante sur l’assiette domaniale1365.

Il s’ensuit une impossibilité de réaliser un meilleur équipement des dépendances


domaniales par les occupants privatifs. Pourtant, quoi qu’étant de passage sur le domaine
public, ces occupants n’en méritent pas moins un régime juridique plus sûr, propre à asseoir
des investissements indispensables au fonctionnement même du service public1366. Faute de
quoi, l’essentiel des dépendances domaniales continuera à servir à la satisfaction des seuls
besoins de l’activité privée de l’occupant. La nature actuelle des titres domaniaux bloque donc
tout investissement exigeant un amortissement à long terme.

Dans les cas où un postulant à une occupation privative du domaine public est devant cette
exigence et ne rentre pas dans les catégories bénéficiants de droits réels sur les constructions
édifiées, l’État aura recours au déclassement des biens convoités. Ce procédé permettra de
sortir les biens en cause des rigueurs de la domanialité publique pour pouvoir faire l’objet de
droits réels. À ce rythme, le domaine public risque de dépérir.

L’expérimentation sectorielle de la reconnaissance de la propriété de l’occupant privatif


sur ses installations montre qu’il est possible d’admettre des droits réels sur le domaine public
sans compromettre sa destination. Cette solution semble plus adaptée à la conception
économique actuelle du domaine public que celle du déclassement. Il s’agit d’une solution qui
permet la valorisation d’une dépendance domaniale sans avoir à la sortir du domaine public. Il
semble donc nécessaire de songer à la rénovation du régime des occupations privatives du
domaine public afin de faire participer l’ensemble des occupants à l’augmentation ou à
l’amélioration du patrimoine immobilier de l’État.

1364
Institut de la Gestion Déléguée, La gestion patrimoniale du domaine public, Rapport du groupe de travail,
Avril 2001, p. 12, [en ligne], disponible sur :
www.fondation.igd.org/files/la%20gestion%20patrimoniale%20du%20domaine%20public205.pdf, consulté le
28 février 2017.
1365
Voir articles 12 et 13 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JORS N° 4506
du 28 juillet 1976.
1366
M. Rufin, Rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement d’administration générale sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale,
complétant le Code du domaine de l’Etat et relatif à la constitution de droits réels sur le domaine public, Sénat,
seconde session ordinaire de 1993-1994, n° 494, p. 6, [en ligne], disponible sur : www.senat.fr/rap/1993-
1994/i1993_1994_0494.pdf, consulté le 13 février 2017.

Page 413
La méconnaissance quasi-générale de droits réels sur le domaine public emporte
également une impossibilité pour l’occupant privatif de disposer librement de son titre
juridique.

B / L’absence de liberté de cession du titre d’occuper

Littéralement, la cessibilité s’entend de l’aptitude d’une chose à être objet d’une


cession, c'est-à-dire d’une transmission 1367 . Ce qui n’est pas le cas pour les autorisations
d’occupation privative du domaine public. Qu’elles soient unilatérales ou conventionnelles,
les autorisations d’occupation privative du domaine public ne peuvent être librement cédées.
Cette indisponibilité du titre d’occuper procède à la fois d’un principe qui interdit la cession
(1) et d’une exception à ce principe mais qui conditionne la cession (2).

1. Le principe de l’incessibilité de l’autorisation d’occupation

L’interdiction de la cession des titres d’occupation privative du domaine public trouve son
fondement dans le caractère personnel desdites autorisations, unilatérales comme
contractuelles.

S’agissant des autorisations unilatérales, le code du domaine de l’État consacre


expressément qu’elles sont délivrées à titre personnel1368. Même s’il n’en a pas fait de même
pour les autorisations contractuelles, il n’en demeure pas moins que celles-ci revêtent
également un caractère personnel en application de la théorie générale des contrats
administratifs. En effet, la loi n° 65-51 du 19 juillet 1965 portant code des obligations de
l’administration, modifiée dispose d’une part que « le cocontractant de l’administration est
tenu d’exécuter personnellement le contrat 1369 » et, d’autre part, que « Sauf autorisation
préalable de l’Administration contractante les cessions et sous-traitances sont prohibés1370 ».
La lecture combinée de ces deux dispositions montre que les contrats administratifs, dans
lesquels figurent les conventions domaniales1371, sont conclus intuitu personae.

1367
J. Laurent, La propriété des droits, Paris, L.G.D.J., « Bibliothèque de droit privé », 2012, p. 130.
1368
Voir articles 12 et 13 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’Etat, JO préc.
1369
Voir article 64 de la loi n° 65-51 du 19 juillet 1965 portant code des obligations de l’administration,
modifiée, JORS N° 3763 du 23 août 1965.
1370
Voir article 65 de la loi n° 65-51 du 19 juillet 1965 portant code des obligations de l’administration,
modifiée, JO préc.
1371
Voir article 56 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant Code du domaine de l’Etat, JO préc.

Page 414
Cette caractéristique des autorisations d’occupation privative du domaine public emporte,
en principe, une interdiction de cession, valable à la fois pour le titulaire de l’autorisation et
pour l’autorité domaniale.

D’une part, celui qui est titulaire d’une autorisation d’occupation privative du domaine ne
peut ni transmettre son titre par voie de succession, ni le céder à titre onéreux ou gratuit à un
tiers repreneur de l’activité. Cette opposition concerne aussi bien les autorisations unilatérales
et que les conventions domaniales.

En l’absence de solutions jurisprudentielles sénégalaises sur la question, la référence à la


jurisprudence du Conseil d’État français permet de conforter cette corrélation entre le
caractère personnel du titre d’occuper et son intransmissibilité. En effet, le Conseil d’État
soutient que les autorisations unilatérales ont un caractère personnel et ne peuvent pas être
transmises à des tiers 1372 . De même, il avance que les conventions portant autorisation
d’occupation privative du domaine public revêtent un caractère personnel et ne sont pas
cessibles1373. Il a, à ce titre, décidé que le cessionnaire qui ne fait pas l’objet d’un nouveau
contrat devient un occupant sans titre. Il est alors dans une situation irrégulière, passible de
poursuites et justifiant son expulsion1374.

D’autre part, l’autorité domaniale ne peut, de son côté, autoriser la transmission du titre
d’occuper à une tierce personne1375. Des solutions jurisprudentielles françaises peuvent aider à
étayer cette proscription qui est à la fois valable pour les autorisations unilatérales et
contractuelles. En effet, le Conseil d’État a retenu, concernant les titres unilatéraux, qu’ « il
n’appartient pas à l’administration de donner au titulaire d’une autorisation d’occupation du
domaine public maritime laquelle est, en raison de la nature même du domaine public,
strictement personnelle et révocable, l’autorisation de transférer cette autorisation1376 ».

La même prohibition est également faite à l’autorité domaniale qui accorde une
autorisation contractuelle. En effet, dans le célèbre arrêt Association Eurolat-Crédit foncier de

1372
Voir par exemple CE, 9 octobre 1963, Dame Veuve Arquier, AJDA, 1964, II, p. 241 ; CE, 21 novembre
1969, Sieur André et Manuel Koeberlin, AJDA, 1970, p. 160 ; CE, 1er décembre 1982, Cne d’Arcachon, Rec.
Leb. p. 1677 ; CE, 6novembre 1989, Claude Munoz, RDP, 1989, p. 1805 ; CE, 6 novembre 1998, Association
Amicale des bouquinistes des quais de Paris, D. 1999. R. 6.
1373
Voir CE, 14 octobre 1988, Hubert X, inédit ; CE, 31 juillet 2009, Sté Jonathan Loisirs, AJDA, 2010, p. 1515 ;
CE, 19 janvier 2011, Commune de Limoges, AJDA, 2011, p. 616.
1374
Voir CE, 25 novembre 1981, Commune de la Roche-sur-Foron, Rec. Leb., p. 745.
1375
L. Ragimbeau, « Le caractère personnel des autorisations d’occupation domaniale : de l’incessibilité à la
patrimonialité », RDP, n° 6, novembre 2016, p. 1784.
1376
Voir CE, 10 mai 1989, Claude Munoz, RDP, 1989, p. 1805.

Page 415
France, il avait été autorisé à l’association de céder librement son droit au bail à toute
personne de son choix que le syndicat s’engageait par avance à agréer et qui lui succéderait de
ce fait dans la gestion du service, sans autre formalité qu’une consultation préalable du
syndicat. Saisi de cette affaire, le Conseil d’État a jugé que « ces clauses, incompatibles avec
les principes de la domanialité publique comme avec les nécessités du fonctionnement d’un
service public, doivent être regardées comme nulles 1377 ». Cette solution emporte que le
titulaire d’une convention domaniale ne peut céder, par avance, son titre d’occuper à une
personne de son choix dès lors que la clause l’y autorisation est nulle.

Il est constant que les titres d’occupation privative du domaine public ne sont pas, en
principe, cessibles. Cette intransmissibilité réside essentiellement dans l’objet des droits que
l’occupant tire de son autorisation. En effet, il s’agit de droits qui ne portent pas sur une
chose, mais sur une personne. Ainsi, comme le souligne Cheikh Abdou Wakhab Ndiaye, le
titre d’occuper constitue un droit qui s’attache à la personne de son titulaire1378. Il n’est pas
une chose, un bien entre les mains de la personne qui en bénéficie, un bien dont il serait
titualaire.

À ce titre, le titre d’occuper ne crée de relation qu’entre la personne publique gestionnaire


du domaine public et le bénéficiaire de l’autorisation. Nul ne peut alors s’immiscer dans la
relation existant entre la personne publique gestionnaire du domaine public et le bénéficiaire
du titre en occupant à sa place la dépendance concernée1379. En conséquence, l’autorisation
d’occupation privative est frappée d’une indisponibilité, c’est-à-dire qu’elle ne peut être cédée
à un tiers, transmise à des héritiers, ou donnée en garantie1380.

Ce principe d’intransmissibilité des autorisations d’occupation privative du domaine est


assorti d’une exception qui est encadrée dans sa mise en œuvre.

1377
Voir CE, 6 mai 1985, Association Eurolat-Crédit foncier de France, RFDA, 1986, p. 26 ; AJDA, 1985, p.
620.
1378
Ch.-A.-W. Ndiaye, Droit sénégalais des contrats immobiliers, Dakar, CREDILA, L’Harmattan-Sénégal,
2017, p. 64.
1379
L. Ragimbeau, « Le caractère personnel des autorisations d’occupation domaniale : de l’incessibilité à la
patrimonialité », op.cit., p. 1784.
1380
Ch.-A.-W. Ndiaye, Droit sénégalais des contrats immobiliers, op.cit., p. 64.

Page 416
2. L’encadrement de la cessibilité de l’autorisation

La prohibition de la cession du titre d’occuper n’a pas une portée absolue. La législation
domaniale comporte des cas où il est possible à l’occupant domanial de transmettre son
autorisation d’occupation.

L’analyse des cas de transmissibilité de l’autorisation révèle que le pouvoir de cession est
conditionné ; il n’est point libre. En effet, les textes qui admettent la dérogation à
l’incessibilité disposent expressément que la cession ne peut se faire qu’avec l’accord de
l’autorité domaniale1381. Ils admettent que le titre d’occuper peut être cédé ou transmis, mais
sur la base d’une autorisation donnée par l’autorité domaniale. Ainsi, la législation domaniale
admet la cession des autorisations domaniales, mais elle s’oppose à leur transmissibilité libre
et automatique.

On retrouve une confirmation jurisprudentielle de cet encadrement en droit domanial


français. Le juge administratif qui s’opposait à la transmissibilité des titres d’occuper le
domaine public a fini par admettre leur cession condtitionnelle. Il consacre que :
« considérant qu’il ne peut y avoir transfert d’une autorisation ou d’une convention
d’occupation du domaine public à un nouveau bénéficiaire que si le gestionnaire de ce
domaine a donné son accord écrit1382 ». Il ressort de tout cela l’incessibilité des autorisations
domaniales n’est pas un principe absolu. Il est possible pour un occupant privatif de céder son
autorisation, mais à la condition que la personne publique gestionnaire du domaine donne son
autorisation, qui doit être écrite.

Ainsi, l’exception à l’intransmissibilité connaît une restriction : la cession, même si elle


possible, ne saurait échapper au contrôle du maître du domaine. Pour Etienne Fatöme et
Phillipe Terneyre, « cette cession […] n’est pas totalement libre, mais est toujours soumise à
agrément préalable de l’autorité qui a délivré le titre dont la cession est envisagée 1383 ».
L’absence d’une liberté de cession place ainsi l’occupant privatif dans une certaine

1381
Voir par exemple, article 14, alinéa 2 de la loi n° 81-13 du 4 mars 1981 portant code de l’eau, JORS N° 4828
du 11 avril 1981 ; article premier, in fine de la loi n° 92-63 du 22 décembre 1992 modifiant l’article 3 de la loi du
18 août 1987 autorisant la création de la Société nationale du Port Autonome de Dakar, JORS N° 5505du 30
janvier 1993 ; article 56 de la loi n° 98-05 du 8 janvier 1998 portant code pétrolier, JORS N° 5786 du 21 février
1998 ; article 28 de la loi n° 2011-01 du 24 février 2011 portant code des télécommunications, JORS N° 6576 du
14 mars 2011 ; article 34, alinéa 1 de la loi n° 2014-09 du 20 février 2014 relative au contrat de partenariat,
JORS N° 6781 du 25 mars 2014.
1382
Voir CE, 18 septembre 2015, Société Prest’air, Dr. Adm., janvier 2016, p. 13
1383
E. Fatôme et Ph. Terneyre, « Droits réels sur le domaine public de l’État : clarification ou multiplication des
interrogations ? », op.cit., p. 914.

Page 417
incertitude. Car, rien n’oblige l’autorité domaniale à agréer le cessionnaire. Il n’y a aucune
obligation juridique qui l’exige à le faire.

La soumission de la cession des autorisations domaniales à l’agrément du maître du


domaine semble se justifier par le besoin de préservation de la destination du domaine public.
En effet, l’autorité domaniale gère le domaine public au mieux dans l’intérêt général. C’est
pourquoi les autorisations d’occupation privative sont délivrées en raison de leur compatibilité
avec l’utilité publique à laquelle le domaine public est affecté. Il semble alors important que
le maître du domaine puisse avoir un droit de regard sur la cession du titre d’occuper par
l’occupant privatif. Cela lui permet d’éviter tout usage incompatible avec l’utilité publique de
la dépendance occupée.

En outre, le contrôle de la cession du titre par le maître du domaine répond à une volonté
de s’assurer de la correcte exécution de la mission d’intérêt général qui est l’objet de
l’autorisation d’occupation. En effet, certains titres d’occuper, notamment contractuels,
impliquent la gestion d’un service public, qui nécessite le contrôle de l’autorité domaniale.
Ainsi, l’exigence de l’accord de l’autorité domaniale à la cession permet d’avaliser le
changement du titulaire de l’autorisation tout en ayant la garantie de la bonne exécution des
prestations.

Cela est expressément retenu par les textes admettant la cession du titre d’occuper. Ils
consacrent que les personnes auxquelles les autorisations d’occupation sont transférées
doivent présenter des garanties financières, techniques et juridiques suffisantes et être
capables de poursuivre la continuité du service 1384 . Il s’agit là d’une forte précaution qui
empêche que la mutation de l’occupant privatif paralyse la correcte exécution de l’objet du
titre d’occuper. Ainsi, l’administration ne pourra avaliser la cession que lorsque le
cessionnaire remplit au moins les mêmes aptitudes qui avaient donné lieu à l’attribution de
l’autorisation initiale.

C’est ce qui apparaît clairement dans un avis du Conseil d’État français où la Haute
juridiction administrative affirme que « l’autorisation de cession ne peut être légalement
refusée pour un motif autre que ceux qui résultent […], notamment, [de] l’appréciation des
garanties professionnelles et financières que peut présenter le nouveau titulaire du

1384
Voir article 56 de la loi n° 98-05 du 8 janvier 1998 portant code pétrolier, JO préc. ; article 34, alinéa 2 de la
loi n° 2014-09 du 20 février 2014 relative au contrat de partenariat, JO préc.

Page 418
contrat…1385 ». Cet avis dégage le motif légal d’une opposition à la cession d’une autorisation
domaniale. Le gestionnaire du domaine public ne peut invoquer que des motifs tirés de
l’incapacité technique et financière pour refuser le cessionnaire de l’occupant domanial1386.
Cela démontre donc que c’est la sauvegarde de l’utilité publique des dépendances domaniales
qui fonde l’encadrement de la cessibilité des titres d’occuper.

Même si elle est encadrée, l’admission de la cession des autorisations domaniales présente
un grand intérêt pour la gestion du domaine public. En effet, elle semble tenir en compte de la
forte dimension économique inhérente à l’occupation privative des dépendances
domaniales1387. Ainsi, la substitution du titulaire de l’autorisation à une tierce personne peut
être de nature à mieux assurer la prise en charge de l’activité économique exercée sur la
dépendance occupée.

Les enjeux de cette cessibilité sont beaucoup plus perceptibles au niveau des autorisations
contractuelles. En effet, la cessibilité s’apparente ici à l’introduction d’une mutabilité de
l’organe chargé d’exécuter le contrat domanial. Elle permet d’assurer la continuité de la
gestion et de l’exploitation des dépendances domaniales sans qu’il y ait rupture du contrat
initial. Le recours à la cession permet de maintenir le contrat initial et suppose seulement un
transfert des droits et obligations du cédant au cessionnaire1388. L’autorité publique est à l’abri
d’une résiliation de l’autorisation initiale, entraînant un arrêt de l’exploitation des
dépendances concernées jusqu’à l’attribution d’une nouvelle autorisation. Toutes choses qui
répondent à ce que Marion Ubaud-Bergeron appelle « un souci de réalisme économique, qui
oblige à admettre une forme d’adaptabilité organique du contrat1389 ».

Il reste que la reconnaissance de la cession des autorisations d’occupation privative est


pratiquement sans intérêt au ragard de la nature de ces titres. En effet, l’essentiel des textes
qui admet cette cession ne consacre pas des titres d’occupation constitutifs de droits réels. Or,
comme le souligne Catherine Mamontoff, « en acceptant la cession de l’autorisation, il en

1385
Voir CE, avis du 8 juin 2000, AJDA, 2000, p. 758.
1386
A. de Laubadère, F. Moderne et P. Delvolvé, Traité des contrats administratifs, op.cit., p. 32 ; C.
Mamontoff, Domaine public et entreprises privées : la domanialité publique mise en péril par le marché, op.cit.,
p. 104.
1387
L. Ragimbeau, « Le caractère personnel des autorisations d’occupation domaniale : de l’incessibilité à la
patrimonialité », op.cit., p. 1785.
1388
Voir article 66 de la loi n° 65-51 du 19 juillet 1965 portant code des obligations de l’administration,
modifiée, JO préc.
1389
M. Ubaud-Bergeron, Droit des contrats administratifs, op.cit., p. 356.

Page 419
découle qu’il faut lui reconnaître une valeur 1390 ». Ce qui ne se conçoit pas avec des
autorisations revêtues d’un caractère personnel. Ces types d’autorisations domaniales ne
comportent aucune valeur dès lors que les bénéficiaires ne disposent pas de droits réels sur le
domaine public ; ils ne sont que de simples permissionnaires. Il est, à ce titre, loisible de se
demander ce que le titulaire de l’autorisation va céder. Seule l’existence d’un droit tiré du titre
juridique accordé peut ouvrir la possibilité d’une transmissibilité. Car, dans ce cas,
l’autorisation serait source de valeur, elle deviendrait « une chose, un bien entre les mains
d’un administré jouissant de la faculté de le transmettre à un tiers1391 ».

Mais, en l’état actuel du droit domanial, les autorisations unilatérales ne confèrent


aucun droit réel à leur titulaire. C’est pourquoi, il nous semble qu’avant d’envisager leur
transmissibilité, il faut d’abord préconiser qu’elles soient constitutives de droits réels comme
c’est le cas pour les titres juridiques accordés aux exploitants agricole ou d’élevage, industriel
ou touristique. Sans cela, il est vain de vouloir asseoir une idée de cessibilité des autorisations
unilatérales.

Au-delà de l’insuffisance des droits que l’occupant privatif tire de son autorisation
d’occupation du domaine public, il est également confronté à un problème de sécurisation
juridique de ses investissements à cause de sa situation précaire.

Paragraphe 2 : La précarité de l’autorisation domaniale

Le droit domanial sénégalais reprend la caractéristique essentielle de l’occupation du


domaine public à des fins autres que sa destination normale. C’est la précarité des titres
juridiques qui autorisent une utilisation privative du domaine public1392. La précarité signifie
que « les autorisations d’occupation privative peuvent, non seulement ne pas être renouvelées
lorsqu’elles arrivent à expiration, mais même être retirées avant leur terme1393 ». Il en résulte
que l’occupant domanial n’a pas la certitude de pouvoir perdurer dans l’emplacement où il va
s’implanter (A) et n’est pas assuré, le cas échéant, d’être indemnisé (B).

1390
C. Mamontoff, Domanialité publique et entreprises privées : la domanialité publique mise en péril par le
marché, L’Harmattan, 2003, p.101.
1391
A. Camus, Le pouvoir de gestion du domaine public, Thèse, Université Paris Ouest Nanterre la Défense,
2013, p. 599.
1392
Voir articles 12, 13 et 16 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JORS N°
4506 du 28 juillet 1976.
1393
P. Subra de Bieusses, Le droit administratif des biens, in Droit public, tome 2, 3e éd., Économica, 1995, p.
1036.

Page 420
A / L’instabilité permanente du titre d’occupation

La situation instable de l’occupant privatif du domaine public procède d’une part du


caractère temporaire de son titre juridique (1) et d’autre part de la révocation à tout moment
de ce titre (2).

1. Le caractère temporaire de l’autorisation

Le caractère temporaire de l’usage privatif du domaine public signifie que les


autorisations d’occupation privative des dépendances domaniales doivent être délivrées pour
une durée bien déterminée. Autrement dit, « le titre juridique par lequel est autorisée une
utilisation privative d’une dépendance du domaine public est tenu d’indiquer la durée pour
laquelle ladite utilisation est consentie au bénéficiaire1394 ». Il résulte de cette définition deux
implications majeures : l’autorisation d’occupation doit toujours fixée la durée de l’utilisation
privative (a) ; à la fin de cette durée, l’occupant n’a pas un droit au renouvellement (b).

a) La fixation d’une durée maximale de l’autorisation

La première implication de la temporalité de l’autorisation domaniale est l’obligation faite


à l’autorité administrative de prévoir toujours un terme à l’usage privatif du domaine public.
Ce terme constitue, selon Jacqueline Morand-Deviller, « une durée maximale, jamais
minimale1395 », à l’expiration de laquelle l’autorisation domaniale prend fin. La durée légale
de l’occupation privative n’est pas uniforme ; elle varie en fonction des autorisations
d’occupations.

S’agissant des titres unilatéraux, ils fixent souvent une durée d’occupation d’un (01)
an 1396 . Quant aux autorisations contractuelles, elles prescrivent des durées maximales
beaucoup plus longues. Il s’agit souvent de périodes d’occupation de plus d’une dizaine
d’années puisque les titres contractuels tiennent compte de la nature de l’activité exercée, des

1394
S. Traoré, Droit des propriétés publiques, Paris, Vuibert, 2008, p. 264.
1395
J. Morand-Deviller, Cours de droit administratif des biens, 2e éd., Paris, Montchrestien, 2001, p. 278.
1396
Voir par exemple arrêté ministériel n° 5442 MEF-DGID-DEDT du 18 juin 2010 autorisant M. Mamadou
Sow agissant au nom et pour le compte de la société SEPROMER à occuper à titre précaire et révocable un
terrain, dépendant du domaine public maritime de Mbao, d’une superficie de 5000 m², JORS N° 6549 du 2
octobre 2010, p. 1103 ; arrêté ministériel n° 6686 MEF-DGID-DEDT du 19 juillet 2010 autorisant Mme
Maguette Diakhaté à occuper à titre précaire et révocable un terrain du domaine public maritime situé à Warang
dans le département de Mbour, d’une superficie de 4.982 m², devant servir d’assiette à un cabanon, JORS N°
6567 du 22 janvier 2011, pp. 89-90.

Page 421
équipements à installer, ainsi que de l’importance de l’investissement 1397 . Il apparaît, en
définitive, que quelle que soit la durée retenue, l’autorisation d’occupation privative du
domaine public prévoit toujours une limite temporelle.

Toutefois, la détermination de la durée d’occupation ne semble pas constituer une


condition de validité du titre d’occuper. D’ailleurs, le code du domaine de l’État a retenu que
les autorisations contractuelles « sont accordées […] pour une durée déterminée ou non
[…]1398 ». Cette disposition renseigne qu’une convention domaniale peut être délivrée sans
comporter une clause indiquant la durée légale d’occupation.

Il ne faudrait pas que cela soit conçu comme une possibilité pour l’autorité domaniale de
délivrer des autorisations d’occupation perpétuelle sur le domaine public. En effet, on tire de
la jurisprudence administrative française que l’absence de clause relative à la durée dans une
convention domaniale n’est pas de nature à entacher celle-ci de nullité, dans la mesure où
l’autorité gestionnaire du domaine peut mettre fin à tout moment, sous réserve de justifier
cette décision par un motif d’intérêt général, à l’autorisation qu’elle a consentie1399.

Selon le Conseil d’État, le silence de la convention domaniale sur ce point ne signifie pas
qu’elle est délivrée pour une durée indéterminée puisque le principe d’inaliénabilité implique
que l’autorisation d’occuper est nécessairement précaire 1400 . C’est dans ce cadre que
Alexandre Vanderpoorter et Karine Marciano écrivent que « l’absence de clause attachée à la
durée n’affecte pas le caractère temporaire et précaire de la convention, dans la mesure où
une personne publique dispose toujours du pouvoir de résilier une convention d’occupation
du domaine public pour motif d’intérêt général1401 ». Ainsi, la possibilité prévue par le code
du domaine de l’État d’accorder des conventions domaniales sans une durée déterminée n’en

1397
Voir par exemple article 17 du contrat de concession de travaux publics et de gestion du patrimoine de
l’hydraulique urbaine du 26 avril 1996, [en ligne], disponible sur : www.sones.sn/texte-legislatif/texte.php,
consulaté le 18 octobre 2016 ; article premier de la loi n° 92- 63 du 22 décembre 1992 modifiant l’article 3 e la
loi du 18 août 1987 autorisant la création de la Société Nationale du Port Autonome de Dakar, JORS N° 5505 du
30 janvier 1992 ; voir Titre 1-3 de la convention de concession du 2 juillet 2009 pour la conception, le
financement, la construction, l’exploitation et l’entretien de l’autoroute à péage entre Patte d’Oie et Diamniadio,
JORS N° 6481 du 5 septembre 2009.
1398
Voir article 16 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.
1399
Voir CE, 5 février 2009, Association Société centrale d’agriculture, d’horticulture et d’acclimatation de Nice
et des Alpes-Maritimes, AJDA, 2009, p. 704.
1400
Ibid.
1401
A. Vandepoorter et K. Marciano, « Une occupation à durée indéterminée ? », La Gazette, 25 octobre 2010, p.
51, [en ligne], disponible sur : www.seban-associes-avocats.fr/wp-
content/uploads/2015/08/pub.gaz40_analyse_dom_pub.pdf, consulté le 3 octobre 2016.

Page 422
fait pas moins des titres temporaires. Le maître du domaine préserve, dans cette situation, son
pouvoir de rompre l’autorisation à tout moment.

Le caractère temporaire de l’autorisation domaniale implique également que le


bénéficiaire n’a pas un droit au renouvellement de son titre.

b) L’absence de droit au renouvellement de l’autorisation

La seconde implication de la temporalité de l’autorisation domaniale est que l’occupant


dont le titre atteint son terme n’a pas un droit à son renouvellement. On considère, en effet,
que du fait de l’inaliénabilité, « le domaine public ne peut être occupé que pour une durée
1402
fixée en fonction de son affectation et éventuellement renouvelable ». Ainsi, le
renouvellement du titre d’occuper ne constitue qu’une éventualité et non un droit. Il s’agit
d’une faculté « dont dispose discrétionnairement l’administration au nom du principe de
précarité1403 ».

La jurisprudence du Conseil d’État français est édifiante à ce sujet. Le juge administratif a


retenu, d’une part, que l’administration domaniale « n’est pas tenue de renouveler le titre
d’occupation 1404 », et, d’autre part, que « les occupants du domaine public ne peuvent se
prévaloir d’un droit au renouvellement des autorisations qui leur ont été attribuées1405 ». Il a
fait même du non-renouvellement de l’autorisation un principe général de la domanialité
publique en retenant qu’« il résulte… des principes généraux de la domanialité publique que
les titulaires d’autorisations n’ont pas de doit acquis au renouvellement de leur
concession1406 ». Sauf dérogation expresse, le caractère temporaire de l’autorisation entraîne
l’absence de droit au renouvellement du titre arrivé à terme. Ce n’est donc qu’à titre
exceptionnel qu’un occupant privatif du domaine public peut bénéficier d’un droit au
renouvellement de son autorisation (Voir supra, p. 312 et s).

1402
Rufin (M.), Rapport fait au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale,
complétant le code du domaine de l'État et relatif à la constitution de droits réels sur le domaine public, Rapport
n° 494, Sénat, Seconde session ordinaire de 1993-1994, [en ligne], disponibles sur : www.senat.fr/rap/1993-
1994/i1993_1994_0494.pdf, consulté le 2 novembre 2016.
1403
J. Morand-Deviller, Cours de droit administratif des biens, op.cit., p. 278.
1404
Voir CE, 21 mars 1984, Mansuy, Rec. Leb. p. 616.
1405
Voir CE, 8 janvier 1960, Sieur Lafon, Rec. Leb. p. 14 ; CE, 12 juin 1963, Ville de Nice, RDP, 1963, p. 1215 ;
CE, 19 janvier 1998, Mme Noblet, Rec. Leb. p. 895.
1406
Voir CE, 14 octobre 1991, Helie, Rec. Leb. p. 927.

Page 423
Il peut arriver que des autorisations d’occupation privative prévoient des clauses de
reconduction tacite. On constate cela dans les arrêtés autorisant l’occupation temporaire du
domaine public. La formuelle usuelle suivante y est constamment reprise : « le
renouvellement de la présente autorisation d’occuper se fera par tacite reconduction, à la fin
de chaque année1407 ». La présence de cette disposition dans les autorisations domaniales ne
signifie pas que les occupants bénéficiaires de ces titres disposent d’un droit acquis au
renouvellement de leur autorisation. Elle ne soumet pas l’autorité domaniale à une obligation
de reconduction du titre d’occuper.

La présence de la clause de tacite reconduction doit être entendue comme une disposition
permettant la reconduction du titre d’occuper sans formalité particulière en l’absence de
décision contraire des parties à la fin de l’autorisation. En d’autres termes, il s’agit d’une
clause qui permet à l’occupant privatif de continuer à utiliser la dépendance domaniale de
façon régulière lorsqu’à la fin de l’année d’autorisation, il n’a pas manifesté sa volonté de
résilier son titre d’occupation. Dans ce cas, l’autorisation est considérée comme faisant l’objet
d’un renouvellement automatique au terme du délai initial si l’administration ne lui enjoint
pas de libérer les lieux. On considère ainsi que l’autorisation d’occuper est reconduite
lorsqu’aucune des parties n’a manifesté son souhait de cesser l’occupation. Donc, sans la
clause de tacite reconduction, toute occupation privative du domaine public au-delà du terme
de l’autorisation d’occuper constitue une occupation irrégulière.

Mis à part cela, la clause de tacite reconduction ne contraint nullement l’autorité


domaniale à renouveller l’autorisation qui atteint son terme. Selon le Conseil d’État français,
la clause de tacite reconduction dans l’autorisation domaniale ne lie pas l’autorité gestionnaire
du domaine 1408 . La Chambre administrative de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire a eu à
rappeler cette absence de droit au renouvellement du titre juridique arrivé à terme. Elle a
retenu que « […] que nul n’a de droit acquis au maintien sur le domaine public ou au
renouvellement d’une autorisation venue à échéance ; […] que le maintien sur une

1407
Voir par exemple article 4 des arrêtés ministériels n° 5442 MEF-DGID-DEDT du 18 juin 2010 autorisant M.
Mamadou Sow agissant au nom et pour le compte de la société SEPROMER à occuper à titre précaire et
révocable un terrain, dépendant du domaine public maritime de Mbao, d’une superficie de 5000 m², JORS N°
6549 du 2 octobre 2010, p. 1103 ; n° 6686 MEF-DGID-DEDT du 19 juillet 2010 autorisant Mme Maguette
Diakhaté à occuper à titre précaire et révocable un terrain du domaine public maritime situé à Warang dans le
département de Mbour, d’une superficie de 4.982 m², devant servir d’assiette à un cabanon, JORS N° 6567 du 22
janvier 2011, pp. 89-90 ; n° 6689 MEF-DGID-DEDT du 19 juillet 2010 autorisant Mlle Aïssata Tacco Laura
Ndongo à occuper à titre précaire et révocable un terrain du domaine public maritime situé à la Somone, d’une
superficie de 301 m², devant servir d’assiette à un cabanon, JORS N° 6567 du 22 janvier 2011, p. 91.
1408
Voir CE, 18 mars 1963, Sieur Cellier, Rec. Leb., p. 189.

Page 424
dépendance du domaine public, même connu et toléré par l’administration, n’équivaut pas à
une autorisation1409 ». Sa présence dans les titres d’occupation privative du domaine public
ne résiste pas à l’absence de droit au renouvellement1410. L’autorité domaniale garde toujours
le privilège de mettre fin à l’occupation au bout de la durée initiale de l’autorisation, que ce
titre prévoit ou non une clause de tacite reconduction.

Le caractère temporaire des autorisations d’occupation privative du domaine public


implique qu’elles doivent être accordées pour une durée bien déterminée à la fin de laquelle le
bénéficiaire ne peut prétendre, en principe, au renouvellement de son autorisation.

Cette absence de droit au renouvellement de l’autorisation domaniale constitue un élément


de différenciation entre l’occupation privative du domaine public et le bail à usage
professionnel. Il se trouve, en effet, que « les baux commerciaux comportent notamment un
droit au renouvellemnt du bail qui est en contradiction avec le caractère précaire des
occupations domaniales, lui-même valablement rattaché au principe d’inaliénabilité 1411 ».
Ainsi, le régime juridique du bail à usage professionnel se révèle incompatible avec les
prérogatives dont dispose le maître du domaine public sur les titres d’occuper. C’est un
régime qui « est caractérisé par une volonté de garantir la stabilité et la permanence des
entreprises1412 ». Il est en effet conclu soit pour une durée de trois années renouvelable par
tacite reconduction pour des périodes triennales ; soit pour une durée indéterminée1413. Ces
options de conclusion du bail à usage professionnel montrent toute la différence avec
l’autorisation d’occupation privative du domaine public, notamment celle contractuelle.

Les bénéficiaires des conventions domaniales ne peuvent invoquer, à leur profit,


l’application des dispositions législatives régissant les baux à usage professionnel. La
domanialité publique des dépendances domaniales occupées s’y oppose. C’est ce que relève
Mamadou Kéïta en écrivant que « le critère de l’exclusion des biens du domaine public du

1409
Voir CS, CA, 19 octobre 2012, L’Association Sportive Nautique Abidjannaise (ASNA) c/ Ministre des
transports, disponible sur : www.consetat.ci/les-publications/les-décisions, consulté le 28 novembre 2015.
1410
A. Camus, Le pouvoir de gestion du domaine public, op.cit., p. 622.
1411
Y. Gaudemet, Droit administratif des biens, tome 2, 15e éd., Paris, LGDJ, 2014, p. 202.
1412
Ch.-A.-W. Ndiaye, Droit sénégalais des contrats immobiliers, op.cit., p. 197.
1413
Voir article 571, alinéa 1 de la loi n° 63-62 du 10 juillet 1963 portant code des obligations civiles et
commerciales, modifiée, JORS N° 3624 du 31 août 1963.

Page 425
champ d’application du statut des baux à usage professionnel repose non pas sur la qualité
des parties au contrat, mais uniquement sur la nature du bien1414 ».

Le juge communautaire a affirmé cette impossibilité d’assimiler les autorisations


contractuelles d’occupation du domaine public à des baux à usage professionnel. Dans une
affaire opposant la Société AFRICARS à la Société Nationale du Port Autonome de Dakar
(SN PAD), la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’OHADA a réfuté toute
possibilité d’application du statut de bail à usage professionnel sur le domaine public.

Les faits de l’espèce sont les suivants : en 1992, la SN PAD avait donné à la Société
AFRICARS une convention d’autorisation d’exploiter dans l’enceinte portuaire un hangar et
une terre pleine relevant de son domaine public, moyennant le paiement d’une redevance
trimestrielle. Les parties avaient également convenu que la Société AFRICARS devait
occuper ces espaces pendant une période d’une année, renouvelable par tacite reconduction, et
que chaque partie pouvait dénoncer l’autorisation d’occupation à tout moment, à condition de
délivrer un préavis trois (03) mois à l’avance. En 2004, la SN PAD donne un préavis à la
Société AFRICARS de libérer les espaces domaniaux occupés. Cette dernière s’y oppose en
soutenant qu’elle est titulaire d’un bail à usage professionnel et invoque les dispositions
pertinentes de l’Acte uniforme révisé portant sur le droit commercial général du 15 décembre
2010.

N’ayant pas obtenu gain de cause devant les juridictions nationales 1415 , la Société
AFRICARS a porté l’affaire devant la CCJA. Pour départir les parties, la juridiction
communautaire retient : « […] attendu au demeurant que le statut des baux commerciaux ne
peut s’appliquer aux conventions ayant pour objet des biens dépendant du domaine public,
même si le bail est conclu entre deux personnes privées […] ; que partant, ce type de contrat
échappe à l’appréciation de la Cour de Céans et ne peut relever en l’état que du droit
national du Sénégal1416 ». Au regard de cet attendu, le juge communautaire coupe court à

1414
M. Kéïta, « Bail commercila conclu entre personnes privées sur une bien du domaine public », Note sous
Cass. civ. 3e, 20 décembre 2000, Sté Quimper Plaisance c/ Sté Odyssey, LPA, 24/08/2001, n° 169, p. 3.
1415
Il faut préciser que le juge sénégalais saisi de cette question d’assimilation de l’occupation privative du
domaine public, notamment le domaine public portuaire, s’est montré ferme en rejetant de façon constante
l’application du statut de bail à usage professionnel aux occupants privatifs du domaine public. Voir par
exemple : CA de Dakar, 22 février 2001, AFRIC-AZOT c/ SONAPAD, non publié ; CS, 21 août 2013, SN PAD
c/ Société Tehniques Industries Sarl dite STI et autres, non publié.
1416
Voir CCJA, arrêt n° 045/2012 du 7 juin 2012, Affaire Sté AFRICARS c/ SN PAD, [en ligne], disponible
sur : http://biblio.ohada.org, consulté le 25 février 2017.

Page 426
toute velléité d’application du statut de bail à usage professionnel à un occupant privatif du
domaine public.

Selon Jérémy Wambo, la CCJA a décidé qu’un bail à usage professionnel ne saurait être
conclu sur un domaine public ou une dépendance du domaine public 1417 . En effet, en
renvoyant aux dispositions pertinentes du droit national, elle conclut à l’impossibilité
d’assimiler l’occupation privative du domaine public à un bail à usage professionnel. D’après
la Convention Type portant cahier des charges et comportant occupation temporaire de
dépendances portuaire « […] la domanialité publique du terrain s’oppose à ce que le
bénéficiaire puisse invoquer, à son profit, l’application des dispositions législatives régissant
les baux à loyer d’immeubles ou de locaux à usage commercial ou industriel […] 1418 ». Il
ressort de cette disposition l’idée selon laquelle « en raison du caractère précaire et
personnel des titres d'occupation du domaine public et des droits qui sont garantis au
titulaire d'un bail commercial, un tel bail ne saurait être conclu sur le domaine public1419 ».
Ainsi, les occupations privatives du domaine public ne sauraient constituer des baux à usage
professionnel.

Il ressort de ce rejet que le bénéficiaire d’une autorisation domaniale ne peut en aucune


manière se prévaloir d’une éventuelle protection tirée des dispositions applicables aux baux à
usage professionnel. La stabilité que requiert le bail à usage professionnel n’est pas
envisageable sur le domaine public. La domanialité publique réduit ainsi les potentialités de
déploiement et de développement de l’activité des unités économiques établies sur le domaine
public. L’absence de droit au renouvellement de l’autorisation s’avère « incompatible avec
toute activité commerciale stable telle que recherchée par le droit des activités
commerciales1420 ».

La détermination de la durée de l’utilisation privative du domaine public n’implique pas


toujours une occupation à temps plein. L’autorité domaniale dispose du pouvoir de mettre, à
tout momment, un terme à l’occupation. Cela correspond au pouvoir de révocation qui

1417
J. Wambo, « Bail commercial et domaine public en droit OHADA : étude de jurisprudence, Revue de
l’ERSUMA : Droit des Affaires-Pratique Professionnelle, n° 2, mars 2013, Jurisprudence, p. 340, [en ligne],
disponible sur : http://revue.ersuma.org, consulté le 16 avril 2017.
1418
Voir article 11, alinéa 1 de la Convention Type portant cahier des charges et comportant occupation
temporaire de dépendances portuaires, Annexée à la loi n° 92-63 du 22 décembre 1992 modifiant l’article 3 de la
loi du 18 août 1987 autorisant la création de la Société Nationale du Port Autonoime de Dakar, JORS N° 5505
du 30 janvier 1993.
1419
CE, 24 novembre 2014, Société des remontées mécaniques Les Houches-Saint-Gervais, AJDA, 2014, p.
2279.
1420
J. Wambo, « Bail commercial et domaine public en droit OHADA : étude de jurispriudence, op.cit., p. 344.

Page 427
constitue l’autre manisfestation de la précarité de l’autorisation d’occupation privative, et
qu’il convient d’aborder.

2. La révocabilité de l’autorisation

Il est logique de considérer qu’une occupation privative du domaine public doit


normalement prendre fin à l’expiration de la durée maximale fixée par l’autorisation. Mais, la
libre disposition des biens du domaine public par l’autorité domaniale fait que celle-ci peut
mettre fin à tout moment à l’autorisation d’occupation. Elle tient cette prérogative du
caractère révocable des titres autorisant une occupation privative du domaine public, telle que
prévue par la législation domaniale. En effet, comme le souligne René Chapus, « le caractère
précaire et révocable des occupations compte au nombre des principes généraux de la
domanialité publique1421 ». Ainsi, les titres d’occuper ne peuvent pas créer un droit acquis au
maintien de l’utilisation privative du domaine public. L’autorité domaniale peut toujours les
révoquer quel que soit le terme indiqué pour la durée maximale.

Le Tribunal Régional Hors Classe de Dakar a confirmé ce pouvoir de révocation de


l’autorité domaniale dans une ordonnance prise en matière d’occupation de dépendances du
domaine public portuaire. C’est à l’occasion d’une affaire opposant le sieur Madiane KEBE
au Port Autonome de Dakar que le juge sénégalais a rappelé ce principe de la domanialité
publique. Dans cette affaire, l’autorité portuaire avait pris une décision sommant le sieur
Kébé, titulaire d’une autorisation d’occuper, de libérer la dépendance portuaire occupée. Ce
dernier, estimant que le délai fixé dans l’autorisation d’occuper n’était pas encore arrivé à
terme, soutient que l’autorité portuaire ne pouvait valablement pas mettre fin à son
occupation.

Saisi de ce litige en référé, le tribunal a débouté le requérant en retenant ceci : « attendu


qu’il était spécifié dans la lettre portant autorisation d’occuper que cette autorisation était
précaire et révocable à tout moment et que le site concerné devait être libéré sans condition
dès la première injonction de l’autorité portuaire 1422 ». Il indique que la révocabilité des
autorisations d’occupation privative du domaine public confère à l’autorité domaniale le
pouvoir prépondérant et discrétionnaire de mettre, à tout moment, un terme au titre d’occuper.
Ainsi, l’exigence faite au titre juridique de fixer sa propre durée de validité et celle de

1421
R. Chapus, Droit administratif général, tome 2, 15e éd., Paris, Montchrestien, 2001, n° 612.
1422
Voir TR Hors Classe de Dakar, Ordonnance de référé du 17 janvier 2004, Madiane Kébé c/ P.A.D., non
publié.

Page 428
l’occupation privative elle-même ne remet aucunement en cause le pouvoir reconnu à
l’autorité administrative compétente de provoquer une fin anticipée de ladite occupation1423.

Cette rupture anticipée de l’autorisation d’occupation vaut à la fois pour les titres
unilatéraux et contractuelles. En ce qui concerne les autorisations unilatérales, l’autorité
domaniale tire son pouvoir de révocation des dispositions du code du domaine de l’État qui
consacrent le caractère révocable des autorisations d’occuper. Elles disposent en effets que les
permissions de voirie et les autorisations d’occuper sont délivrées à tire « essentiellement
précaire et révocable1424 ». Quant aux autorisations contractuelles, à savoir les concessions et
autorisations d’exploitation, leur révocabilité tire sa source du pouvoir de résiliation
administrative fixé par le régime général des contrats administratifs. En effet, le code des
obligations de l’administration (COA) dispose que « l’administration peut, nonobstant les
clauses conventionnelles, résilier les contrats devenus inutiles ou inadaptés compte tenu des
nécessités du service public, […] 1425 ». Les conventions domaniales étant des contrats
administratifs, l’autorité domaniale peut alors les rompre avant leurs termes si les nécessités
du service public le justifient. Celles-ci correspondent ici à l’adaptation de l’occupation des
dépendances domaniales aux intérêts du domaine.

La jurisprudence du Conseil d’État français en fournit l’illustration lorsque le juge


considère que « l’autorité domaniale peut mettre fin avant son terme à un contrat portant
autorisation d’occupation du domaine public pour un motif d’intérêt général et en l’absence
de toute faute de son cocontractant 1426 ». Il apparaît ainsi qu’en matière d’occupation
privative du domaine public, les titres d’occupation présentent un caractère révocable dont la
mise en œuvre par l’autorité domaniale entraîne une double conséquence. Il s’agit de la
suppression du lien juridique d’une part, et de l’exclusion de l’occupant de la dépendance
occupée d’autre part.

La révocabilité de l’autorisation domaniale, qu’elle porte sur un titre unilatéral ou


contractuel, doit toujours reposer sur des motifs tirés de l’intérêt général1427. Il s’agit pour

1423
S. Traoré, Droit des propriétés publiques, op.cit., p. 265.
1424
Voir les articles 12 et 13 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.
1425
Voir article 137 de la loi n° 65-51 du 19 juillet 1965 portant code des obligations de l’administration (COA),
JORS n° 3763 du 23 août 1965, modifiée par la loi n° 2006-16 du 30 juin 2006, JORS N° 6291 du 5 août 2006.
1426
Voir CE, 31 juillet 2009, Société Jonathan Loisirs, GDDAB, Dalloz, 2013, n° 57, p. 504.
1427
En référence à la jurisprudence administrative française, les motifs relevant du « label de l’intérêt
général » du domaine pubic sont de plusieurs ordres : l’intérêt du domaine, c’est-à-dire sa conservation (CE, 1er
mars 1929, Société des transports en commun de la région toulousienne, Rec. Leb. p. 264) ; la sauvegarde des
intérêts à caractère général (CE, 5 novembre 1937, Société industrielle des schistes et dérivés, Rec. Leb. p. 897) ;

Page 429
l’autorité domaniale de préserver l’utilité publique du domaine public lorsqu’elle constate
qu’une occupation n’est plus compatible avec la destiantion de la dépendance ou qu’un
occupant privatif ne respecte pas ses engagements.

Le juge sénégalais a reconnu le dernier cas de motif comme un fondement légal de


révocation d’autorisations d’occupation privative du domaine public. En effet, dans l’affaire
opposant Mme Déribé née Ndella Wade à l’État du Sénégal, le juge sénégalais a suivi une
démarche pédagogique pour arriver à la conclusion de la légalité de la fin anticipée du titre
d’occuper du réquerant. D’une part, le juge suprême a tenu à rappeler le caractère précaire et
révocable de l’autorisation d’occuper le domaine public. D’autre part, il a indiqué que
l’autorisation peut être révoquée par tout motif légitime, notamment le non-paiement de la
redevance due au titre de l’occupation privative.

C’est à la suite de ce raisonnement qu’il a conclu au rejet de la requête de Mme Déribé en


retenant : « considérant qu’il ressort des articles 11 et 13 du code du domaine de l’État que
l’autorisation d’occuper le domaine public est un titre précaire et révocable que l’autorité
administrative peut, à tout moment, remettre en cause pour un motif légitime ; qu’en l’espèce,
le non-paiement de la redevance due au titre de l’occupation constitue un motif légitime de
résiliation1428 ». Cette solution inclut le motif tiré de l’intérêt financier du domaine public
dans l’intérêt général justifiant la rupture anticipée d’une autorisation d’occupation privative.
Le non-paiement de la redevance domaniale constitue donc une inobservation d’un
engagement par l’occupant privatif rendant légale la révocation de son titre d’occuper.

S’il est constant que c’est l’intérêt général qui constitue le motif de la révocabilité des
autorisations d’occupation privative du domaine public, il reste à déterminer si l’autorité
domaniale est tenue de motiver sa décision de retrait. Il ne ressort pas de la législation
domaniale une obligation pour l’autorité domaniale d’indiquer sur sa décision les motifs qui
justifient la révocation du titre. De même, le juge n’a pas encore assujetti l’administration à
cette exigence.

l’intérêt esthétique (CE, 25 mars 1953, Leleux, Rec. Leb. p. 153) ; la meilleure utilisation économique du
domaine public( CE, 11 janvier 1952, Consorts Seillier, Rec. Leb. p. 25) ; l’intérêt financier du domaine (CE, 24
avril 1959, SNCF c/ Burfin, Rec. Leb. p. 264) ; la protection de l’environnement (CAA Nancy, 30 avril 1992,
Amoros, Rec. Leb. p. 959) ; la recherche d’une meilleure exploitation financière du domaine public (CE, 23 mai
2011, Etablissement public pour l’aménagement de la région de La Défense, AJDA, 2011, p. 1115) ; l’érection
de l’activité de l’occupant en un service public (CE, 19 janvier 2011, Commune de Limoges, AJDA, 2011, p.
616).
1428
Voir CS, 10 février 2011, Mme Déribé née Ndella Wade c/ État du Sénégal, Bulletin des Arrêts, n° 2 et 3,
Années judiciaires 2010 et 2011, décembre 2012, pp. 210-211.

Page 430
En conséquence, le principe de la motivation facultative s’applique aux actes mettant fin
prématurément à une occupation privative du domaine public. L’occupant privatif se trouve
totalement désarmé face au pouvoir prépondérant du maître du domaine. N’ayant pas la
garantie de connaître les motifs de la révocation de son autorisation, il lui est particulièrement
difficile de pouvoir discuter les raisons de la suppression de son titre.

Cependant, il apparaît dans la législation des télécommunications une exigence de


motivation des décisions de révocation d’autorisations d’utilisation du domaine public
hertzien, notamment pour les autorisations d’exploitation de stations radioélectriques. Il
ressort, en effet, du décret du 17 février 2003 relatif aux fréquences et bandes de fréquences
radioélectriques et aux opérateurs de ces équipements que que « l’ [ARTP] doit notifier au
titulaire la révocation, par décision motivée, de son autorisation d’exploitation de stations
radioélectriques1429 ».

Cette disposition déroge au principe de la motivation facultative en matière domaniale et


impose à l’autorité de régulation de télécommunications l’obligation de motiver ses mesures
mettant fin à des autorisations d’utilisation des fréquences hertziennes avant leurs termes. Elle
apporte ainsi une certaine protection aux exploitants de satations radioélectriques. Ces
derniers sont mis à mesure de connaître les motifs de la révocation de leurs titres juridiques. À
ce titre, ils peuvent mieux préparer leur défense et s’opposer à tout abus de l’autorité
administrative.

Cette règlementation des télécommunications s’avère plus conciliable à la protection de


l’occupant privatif du domaine public. En effet, s’il est indéniable qu’il n’y a pas de droit au
maintien d’une autorisation domaniale jusqu’à son terme, il n’en demeure pas moins que la
révocation de l’autorisation retire un avantage à l’occupant privatif. Celui à qui on retire un
privilège doit ainsi pouvoir connaître les raisons d’une telle décision. Cela lui permettra de
bien apprécier le bien fondé de la révocation, qui doit reposer sur un motif d’intérêt général.

C’est sur la base de cette appréciation que l’occupant évincé pourra décider de la nécessité
de contester devant le juge la régularité de la décision lui retirant son privilège. Le juge saisi
d’une telle requête n’éprouvera pas de difficulté à exercer son contrôle de la légalité de la
déciosion de révocation de l’autorisation. Il semble donc utile que cette exigence de

1429
Voir article 21 du décret n° 2003-64 du 17 février 2003 relatif fréquences et bandes de fréquences
radioélectriques, aux appareils radioélectriques et aux opérateurs de ces équipements, JORS N° 6088 du 17
février 2003.

Page 431
motivation en matière de retrait d’autorisations d’utilisation de fréquences hertziennes soit
élargie à l’ensemble des mesures mettant fin prématurément à une occupation privative du
domaine public.

Au-delà de la question de la motivation, il est également important de voir si l’autorité


domaniale qui retire le titre juridique est tenue au préalable d’observer une procédure
contradictoire, c’est-à-dire de mettre le titulaire de l’autorisation en mesure de présenter sa
défense. Il faudrait ainsi, dans l’intérêt des occupants privatifs, faire la part des choses entre
les retraits justifiés par l’intérêt général et les retraits sanctions. Si pour les premiers rien
n’oblige l’autorité domaniale à respecter une procédure contradictoir, le caractère de sanction
des seconds devrait justifier le respect d’une telle procédure. En effet, quand l’autorité
domaniale décide de retirer un titre juridique pour un motif d’intérêt général, elle ne doit pas
être tenue à suivre la procédure contradictoire. D’ailleurs, c’est ce que le juge administratif
français a consacré en estimant qu'aucun principe n'impose à l'autorité gestionnaire de
respecter une procédure contradictoire lorsqu'elle prend une mesure dans l'intérêt du domaine
qui ne revêt pas le caractère d'une sanction 1430 . Par contre, lorsque le titualaire d’une
autorisation domaniale a commis une faute justifiant le retrait de son titre, l’autorité
domaniale doit être tenue de le mettre en mesure de se défendre, tel que cela est consacré dans
l’arrêt Dame Veuve Trompier-Gravier1431. Donc, le retrait d'une autorisation à raison d'une
faute commise par l'occupant est une sanction devant être précédée d'une procédure
contradictoire.

Au total, même si la révocation d’un titre juridique autorisant un usage privatif du


domaine public doit reposer sur un motif d’intérêt général, il reste qu’elle constitue une
menace permanente qui plane sur les occupants domaniaux. Ces derniers peuvent, à tout
moment, être enjoints de libérer les dépendances occupées dès lors que l’autorité domaniale
n’est pas tenue de laisser le titre aller jusqu’à son terme.

Cette situation place l’occupant privatif « dans une position très délicate car l’issue de ses
autorisations n’est pas toujours certaine 1432 ». Une chose qui n’est pas favorable au
développement d’une politique entreprenante de l’investissement sur les dépendances
domaniales. Cette dernière requiert une certaine stabilité que ne garantie pas la précarité de

1430
Voir CE, CE 16 juin 1995, Achache ; CAA Paris, 5 déc. 2006, EURL Mandon.
1431
Voir CE, sect., 5 mai 1944, Dame Veuve Trompier-Gravier, Lebon, p. 133 ; RDP, 1944, p. 256.
1432
Kh. A. Kane, « La précarité des occupations domaniales au Sénégal : l’exemple du Port Autonome de
Dakar », Annales Africaines, Nouvelles Séries, Vol. 2-décembre 2016, n° 5, Dakar, CREDILA, p. 343.

Page 432
l’autorisation domaniale. La menace permanente de la révocation du titre gêne constamment
l’occupant privatif dans ses décisions d’investissements. Il s’agit d’une caractéristique qui
constitue un handicap pour la rentabilité des investissements privés sur le domaine public.
Tout cela est couronné par l’absence d’un principe au droit à une indemnisation en cas de non
renouvellement ou d’éviction anticipée de l’autorisation.

B / L’absence d’un principe au droit à une indemnisation

L’occupant privatif du domaine public dont l’autorisation est révoquée ne dispose pas,
en principe, d’un droit à indemnité. Cette conséquence de la précarité des autorisations
domaniales est perceptible à travers les dispositions pertinentes du code du domaine de l’État.
Ces dernières révèlent, d’une part, une absence d’indemnisation en cas de non-renouvellement
de l’autorisation (1), et, d’autre part, une ambivalence sur l’existence d’un droit à indemnité
en cas de révocation de l’autorisation (2).

1. En cas de non-renouvellemnt de l’autorisation

En application de la précarité des autorisations d’occupation privative du domaine public,


le non-renouvellemnt d’une autorisation n’ouvre pas un droit à indemnité pour l’occupant.
Cela est commun aux titulaires de titres unilatéraux et de titres contractuels. Lorsque l’autorité
domaniale refuse de renouveler le titre d’occuper, le bénéficiaire ne peut pas faire valoir un
quelconque droit à indemnité. L’absence de renouvellement ne donne pas lieu au paiement
d’une somme d’argent par l’autorité domaniale.

Ce principe de non-indemnisation procède de l’absence d’un droit au renouvellement de


l’autorisation. En effet, le principe d’inaliénabilité du domaine public avec son corolaire la
précarité de l’occupation privative induit que l’occupant doit quitter la dépendance occupée si
l’autorité domaniale ne renouvelle pas son titre. En matière d’utilisation privative du domaine
public, il n’existe pas pas un droit au maintien dans les lieux occupés lorsque l’autorisation
arrive à terme1433. À ce titre, aucun occupant privatif ne peut se prévaloir d’un droit à être
indemnisé lorsque l’administration ne lui reconduit pas son acte.

Ainsi, sur la base des règles de la domanialité publique, l’absence de droit au


renouvellement de l’autorisation entraîne la méconnaissance d’un droit à indemnité. Ce lien
de cause à effet entre l’absence de droit au renouvellemnt et l’absence d’indemnité est

1433
Voir CE, 6 janvier 1967, Epoux Berthot, Rec. Leb. p. 3.

Page 433
clairement établi par le juge administratif français. Selon le Conseil d’État, « l’indemnisation
n’est en principe pas ouverte car le refus n’est pas constitutif d’une faute1434 ». Il ressort de
cette décision que c’est parce que le renouvellement ne constitue pas un droit pour le titulaire
de l’autorisation que celui-ci ne peut prétendre à une indemnisation. En refusant le
renouvellement, l’autorité domaniale ne lèse aucun droit de l’occupant. Cela ne doit donc pas
se traduire par le versement d’une indemnisation.

Il est établi que le titulaire d’une autorisation domaniale ne subit aucun préjudice du fait
du refus de l’autorité domaniale de renouveller son titre juridique. Ce refus ne lui cause pas de
dommage. Ainsi, l’occupant ne peut invoquer une responsabilité pour faute ou sans faute de
l’administration pour prétendre à une réparation. En effet, l’autorité domaniale ne commet
aucune faute en refusant de reconduire une autorisation domaniale. Dès lors qu’il n’y a pas
pas un droit au maintien dans les dépendances domaniales occupées, il n’est pas possible
d’imputer une faute quelconque à l’administration qui refuse de renouveller une autorisation.
Il appartient à l’occupant privatif de prendre toutes les dispositions adéquates pour ne pas
subir un préjudice quelconque au terme de l’autorisation. René Chapus considère, à ce titre,
qu’il doit se préparer en connaissance de cause « en organisant adéquatement
l’amortissement de ses éventuels investissements1435 ». Dans le cas contraire, il ne peut pas
prétendre à une indemnisation sur la base de la non-reconduction de son autorisation
d’occupation privative du domaine.

En outre, l’occupant privatif ne peut se servir de la responsabilité sans faute de


l’administration pour prétendre à une indemnisation en cas de non-renouvellement de son
autorisation. En effet, l’absence d’un droit au maintien dans les lieux à l’expiration du titre ne
constitue aucun risque pour l’occupant. Celui-ci ne peut se prévaloir, lorsque l’administration
décide de la non-reconduction du titre, d’un dommage anormal et spécial. De même, la
décision de non-renouvellement n’entraîne pas une rupture d’égalité devant les charges
publiques. Toutes choses qui tiennent au fait que « le non-renouvellement est une mesure
prévisible1436 ».

1434
Voir par exemple CE, 17 juin 1953, Cts Liguori, Rec. Leb. p. 288 ; CE, 21 décembre 1979, SCI rue
Ambroise Croizat, Rec. Leb. p. 733.
1435
R. Chapus, Droit administratif général, tome 2, 7e éd., Paris, Montcrestien, 1994, p. 454.
1436
J. Morand-Deviller, Cours de droit administratif des biens, op.cit., p. 219.

Page 434
Ainsi, celui qui bénéficie d’une autorisation domaniale doit « prendre ses dispositions
pour que les investissements qu’il a fait soient amortis1437 ». Dans le cas contraire, « il n’y a
pas de rupture d’égalité, ni de préjudice anormale lorsque l’autorité gestionnaire refuse la
reconduction 1438 ». C’est de sa négligence qu’il n’a pas pu se prémunir contre le non-
renouvellemnt de son autorisation. Il connaît la durée de son titre juridique et doit s’attendre à
ce qu’il ne soit pas renouvellé lorsqu’il arrive à terme. À ce titre, il ne peut établir aucun lien
de causalité entre le préjudice qu’il aurait subi et la décision de l’autorité domaniale de ne pas
reconduire son autorisation. On considère donc qu’aucun préjudice ne pouvant résulter d’une
mesure à laquelle pouvait s’attendre l’occupant privatif, il est normal qu’il ne puisse prétendre
à aucune indemnité en cas de non-renouvellement1439.

S’il est constant qu’il n’y a pas de droit à indemnité pour refus de renouvellemnt d’une
autorisation domaniale, il existe une certaine ambivalence sur l’existence de ce droit en cas
d’éviction anticipée de l’autorisation.

2. En cas de révocation du titre

La révocation des autorisations d’occupations privative du domaine public touche aussi


bien les autorisations unilatérales que les conventions domaniales. Il reste à se demander si
dans les deux cas, l’occupant privatif a droit à une indemnisation. La réponse à cette question
ne revêt pas la même teneur selon que la révocation concerne un titre unilatéral ou un titre
contractuel. Pour les autorisations unilatérales, il est certain que l’occupant évincé n’a pas un
droit à indemnité, alors que pour les autorisations contractuelles, il y a une certaine
incertitude.

S’agissant des autorisations unilatérales, le législateur affirme sans équivoque possible


que leur retrait n’entraîne pas le paiement d’une indemnité. En effet, le code du domaine de
l’État dispose que la révocation des permissions de voirie et des autorisations d’occuper « ne
donne lieu au paiement d’aucune indemnité1440 ». La formule employé par le législateur est
ferme et ne laisse subsister aucune hypothèse de reconnaissance d’un droit à indemnité. C’est

1437
Ibidem.
1438
A. Camus, Le pouvoir de gestion du domaine public, op.cit., p. 622.
1439
J. Morand-Deviller, Cours de droit administratif des biens, op.cit., p. 219.
1440
Voir article 12 et 13 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JORS N° 4506 du
28 juillet 1976.

Page 435
la consécration manifeste de l’absence d’un droit à une indemisation pour l’occupant
domanial titulaire d’un titre unilatéral qui n’est pas arrivé à terme1441.

Ainsi, l’autorité domaniale est totalement dispensée de l’octroi d’une indemnité


quelconque en cas rupture anticipée d’une autorisation unilatérale. L’occupant privatif évincé
ne peut dès lors prétendre à une contrepartie financière en guise de compensation de la rupture
prématurée de son autorisation. Le code du domaine de l’État a donc institué l’inexistence
d’un droit à indemnité en cas de révocation d’une permission de voirie ou d’une autorisation
d’occuper le domaine public.

Concernant les autorisations contractuelles, le législateur n’a pas adopté la même


posture de détermination de la question du droit à indemnité du titulaire d’un titre unilatéral
retiré. Il n’a pas consacré une disposition sur la reconnaissance ou non d’un droit à une
indemnissation en cas de résiliation d’une convention domaniale. Le législateur fait juste un
renvoi aux clauses contractuelles. En effet, ledit code dispose que « les concessions et
autorisations d’exploitation sont accordées […] aux clauses et conditions fixées dans chaque
cas1442 ». Cela veut dire que la question du paiement d’une indemnité en cas de résiliation doit
être réglée entre les parties à la convention domaniale. C’est ce renvoi aux clauses
contractuelles qui crée l’incertitude sur l’existence d’un droit à indemnité en cas de résiliation
d’une autorisation contractuelle.

L’interprétation de l’article 16 du code du domaine de l’État laisse apparaître que le


législateur laisse le champ libre à l’autorité domaniale et ses contractants de déterminer
l’ouverture ou non d’un droit à indemnité en cas résiliation pour motif d’intérêt général des
autorisations contractuelles. Il appartient à ces derniers de prévoir dans les conventions
domaniales des clauses relatives à la garantie indemnitaire en cas de résiliation fondée sur
l’intérêt du domaine.

Dans ce cas, une double situation se présente. La première est que l’occupant domanial
évincé a droit à une indemnisation lorsqu’une clause contarctuelle le prévoit. La seconde est
qu’en l’absence de stipulation contractuelle reconnaissant le versement d’une indemnité en
cas de résiliation, l’occupant domanial ne peut s’en prévaloir. Cette double interprétation fait
qu’il n’y a pas de certitude à affirmer le droit à une indemnisation pour tous les occupants

1441
Voir CE, 6 mai 1932, Demoiselle Taillandier, Rec. Cons. d’Ét. p. 466.
1442
Voir article 16 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’tat, JO préc.

Page 436
contractuels du domaine public. C’est donc au cas par cas qu’il faudra déterminer l’existence
ou non d’un droit à indemnité.

Cette posture du législateur sénégalais est moins tranchée comparée à certaines


législations étrangères. Par exemple, en droit domanial algérien, le législateur affirme
expressément qu’ « en cas de retrait de l’autorisation avant le terme prévu, pour un motif
autre que l’inexécution de ces clauses et conditions, le titulaire est indemnisé du préjudice
direct, matériel et certain né de l’éviction anticipée1443 ». Il pose la règle selon laquelle les
titulaires d’autorisations d’occupation du domaine public ont droit à une indemnité en cas de
révoaction de leurs titres pour motifs d’intérêt général.

Ce qui est remarquable dans cette disposition est l’absence de différentiation entre les
autorisations unilatérales et celles contractuelles. Le législateur algérien uniformise la garantie
indemnitaire en la reconnaissant à la fois pour les permissionnaires et les concessionnaires
domaniaux. Il s’agit là d’une avancée significative en termes de protection des intérêts
économiques et financiers des opérateurs qui s’installent sur le domaine public.

De même, en droit domanial français, le juge, devant l’absence de dispostion textuelle


reconnaissant le droit à indemnité à tous les occupants contractuels, a récemment consacré ce
droit. Le Conseil d’État a retenu clairement que « si l’autorité domaniale peut mettre fin avant
son terme à un contrat portant autorisation d’occupation du domaine public pour un motif
d’intérêt général et en l’absence de toute faute de son cocontractant, ce dernier est toutefois
en droit d’obtenir réparation du préjudice résultant de cette résiliation unilatérale dès los
qu’aucune stipulation contractuelle n’y fait obstacle 1444 ». Cette solution fait du droit à
indemnité un principe pour les titulaires d’autorisations contractuelles résiliées. Ce n’est que
lorsque des stipulations contracteulles y dérogent qu’un occupant domanial ne pourra
prétendre au versement d’une indemnisation pour résiliation du contrat. On considère ainsi
que cette solution a levé « les ambiguïtés dont de nombreuses décisions étaient
marquées1445 ». Pour Benoît Plessix, les « conventions domaniales rejoignent enfin le droit
commun des contrats administratifs1446 ».

1443
Voir article 69 sexies, alinéa 3 de la loi n° 08-14 du 17 Rajab 1429 correspondant au 20 juillet 2008
modifiant et complétant la loi n° 90-30 du 1er décembre 1990 portant loi domaniale JORA N° 44 du 3 août 2008,
http://www.joradp.dz/JO2000/2008/044/FP9.pdf, consulté le 28 octobre 2013.
1444
Voir CE, 31 juillet 2009, Société Jonathan Loisirs, GDDAB, Dalloz, 2013, n° 57, p. 504.
1445
F. Alhama, « L’indemnisation en cas de fin anticipée des autorisations domaniales », op.cit., p. 1517.
1446
B. Plessix, Droit administratif, Chr., JCP 2009, n° 317.

Page 437
Le juge administratif a modernisé la situation de l’occupant contractuel en posant le
principe de l’indemnisation à la suite d’une résiliation dès lors qu’aucune stipulation
contractuelle n’y fait obstacle 1447 . Ainsi, sur la question du droit à indemnité en cas de
révocation de l’autorisation, le droit domanial français se manifeste par une dichotomie du
régime indemnitaire des occupants évincés : les autorisations contractuelles obéissent au
principe d’indemnisation, alors que les autorisations unilatérales restent soumises à l’absence
d’indemnisation. Il n’y a donc pas de doute qu’en droit domanial algérien et français, le
titulaire d’une convention domaniale a droit à une indemnisation en cas de résiliation de son
titre pour un motif d’intérêt général.

L’incertitude du code du domaine de l’État sur le droit à indemnité des occupants


contractuels peut, toutefois, être dissipée lorsque l’on se rabat sur le régime général des
contrats administratifs. En effet, il se peut que les rédacteurs de la loi domaniale n’aient pas
voulu opérer une séparation de la situation du titulaire d’une convention domaniale à celle du
titulaire d’un contrat administratif en général. Ainsi, l’assimilation des autorisations
contratuelles à des contrats administratifs donnerait lieu à leur assujettissement au régime
général des contrats administratifs.

À ce titre, ce sont les dispositions du code des obligations de l’administration (COA)


relatives à la résiliation du contrat administratif qui s’imposeraient à la résiliation d’une
convention domaniale. La disposition selon laquelle « l’administration peut, nonobstant les
clauses conventionnelles, résilier les contarts devenus inutiles ou inadaptés compte tenu des
nécessités du service public, sous réserve d’indemnisation du cocontractant 1448
»
s’appliquerait alors aux contrats domaniaux. Ainsi, la résiliation d’une convention domaniale
pour motif d’intérêt général ouvrirait un droit à indemnité au profit de l’occupant domanial.
Le juge, saisi de cette question, pourrait élucider cette éventualité, soit en applicant le régime
indemnitaire de résiliation des contrats administratifs aux conventions domaniales, soit en
dissociant les deux et déterminer l’existence ou non d’un droit à indemnité en cas de résilation
d’une autorisation contractielle pour motif d’intérêt général.

Par ailleurs, il se décline du côté du législateur une tendance à l’aplication d’un


principe du droit à une indemnité. Des textes législatifs spécifiques donnant lieu à une
utilisation privative du domaine public ont expressément retenu ce droit au profit de

1447
A. Camus, Le pouvoir de gestion du domaine public, op.cit., p. 634.
Voir article 137 de la loi n° 65-51 du 19 juillet 1965 portant code des obligations de l’administration (COA),
1448

JORS N° 3763 du 23 août 1965, modifiée par la loi n° 2006-16 du 30 juin 2006, JORS N° 6291 du 5 août 2006.

Page 438
l’occupant contractuel évincé pour motif d’intérêt général (Voir supra, p. 318 et s). En
attendant d’avoir un texte ou une jurisprudence qui généralise ce régime indemnitaire à
l’ensemble des occupants contractuels du domaine public, l’incertitude subsiste, au regard de
la loi domaniale, sur l’existence d’un droit à idemnité en cas de résiliation d’une convention
domaniale pour motif d’intérêt général.

La situation juridique des occupants privatifs du domaine public reste encore marquée
par une certaine insécurité dont l’atténuation pourrait constituer un déclic à la ruée des
investisseurs sur les dépendances domaniales. Mais, il n’y a pas que cette insécurité qu’il
faille juguler, les opérateurs économiques se heurtent également à de nombreuses obstacles
pour assurer le financement de leurs investissements.

Page 439
CHAPITRE 2 :

LA DIFFICULTÉ DE FINANCEMENT EXTERNALISÉ DES


INVESTISSEMENTS SUR LE DOMAINE PUBLIC

L’occupation privative du domaine public donne lieu à de multiples utilisations. Il y a


des utilisations qui n’impliquent aucune emprise sur les dépendances domaniales. En
revanche, il y a des utilisations qui se font avec emprise et qui nécessitent l’édification
d’infrastructures importantes. La réalisation de ces équipements nécessite souvent des
investissements lourds. Il se pose alors la question de leur financement.

Lorsqu’il s’agit d’installations propres à l’actvité privée de l’occupant, celui-ci a


besoin de capitaux pour les réaliser. Il peut assurer le financement sur fonds propres. Mais, le
plus souvent, l’opérateur privé n’investit pas ses propres capitaux, il a recourt à l’emprunt.
Lorsqu’il s’agit de la réalisation d’infrastructures d’utilité publique sur le domaine public,
l’État a le choix entre un financement budgétaire et un financement externalisé, c'est-à-dire
par appel à des fonds privés dans le cadre de ce que l’on appelle volontiers aujourd’hui une
formule de partenariat1449. Devant la nécessité d’orienter les ressources limitées du budget de
l’État vers la satisfaction des besoins des services publics de base, l’option d’un financement
externalisé s’avère plus pertinente.

Sur ce plan, il apparaît un effort limité des pouvoirs publics sénégalais à explorer
plusieurs mécanismes de financement privé d’investissements d’infrastructures publiques.
Mis à part le contrat de partenariat, la législation domaniale n’a pas encore intégré d’autres
techniques de financement d’infrastructures publiques, telles que le bail emphytéotique et le
bail à constructruction. Cela révèle une inexploitation de techniques contractuelles favorables
à l’investissement privé sur le domaine public (Section 1).

Lorsque l’État a recours à l’investissement privé, son partenaire aura forcément


recours aux établissements de crédit pour réaliser les installations. Il se trouve qu’en l’état
actuel droit domanial, il est difficile pour un opérateur privé, établi sur le domaine public, de
bénéficier d’un crédit immobilier, notamment un crédit hypothécaire. À cela s’ajoute une

1449
Institut de la Gestion Déléguée, Rapport du groupe de travail, Valorisation des propriétés publiques, [en
ligne], disponible sur, www.fondation-
igd.org/files/pdf/la%20valorisation%20des%20pr<opriete%20publiques%206.pdf, pp. 7-8, consulté le 27 février
2017.

Page 440
impossibilité pour le partenaire privé de recourir au crédit-bail immobilier. Toutes choses qui
limitent considérablement ses capacités d’investissements (Section 2).

Section 1 : L’inexploitation de contrats de valorisation du domaine public

Devant les besoins en infrastructures d’intérêt public, le législateur sénégalais tente,


depuis le début des années 2000, à mettre en place un dispositif juridique capable d’y
répondre. Il a expérimenté et consolidé le procédé contractuel du partenariat public-privé,
comme mécanisme de financement privé d’équipements publics. L’État gagnerait à élargir les
outils juridiques permettant de résoudre durablement ses besoins en matière d’investissements
structurants sur le domaine public

Il exite en dehors du contrat de partenariat des techniques de préfinancement bancaire


capables de faciliter à l’État la valorisation de son patrimoine immobilier en se dotant
d’équipements d’intérêt collectif sans avoir à engager des dépenses excessives. Ce sont les
mécanismes du bail emphytéotique et du bail à construction par lesquels l’État peut se faire
réaliser, financièrement et matériellement, des ouvrages publics.

Ces techniques contractuelles existent, tous, dans la législation sénégalaise, mais le


bail emphytéotique n’est pas encore considéré comme un mode d’occupation privative du
domaine public (Paragraphe 1), alors que le bail à construction est méconnu sur ledit
domaine (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : L’inapplication du bail emphytéotique

Dans le cadre de la réforme de la loi relative aux contrats de Construction-


Exploitation-Transfert d’infrastructures, dite loi CET, les pouvoirs publics avaient préconisé
d’ouvrir le domaine public à d’autres modalités d’occupation privative. Ils avaient manifsté
dans le projet de loi abrogeant et remplaçant la loi CET la nécessité d’intégrer le bail
emphytéotique1450 parmi les contrats de valorisation économique du domaine public1451. Mais,
finalement, ce procédé contractuel a été retiré du texte définitif pour des raisons inavouées. À
l’analyse, cette inapplication du bail emphytéotique au domaine public semble tenir à
l’opposition apparente de la domanialité publique à cette technique contractuelle (A). Il reste

1450
Voir Exposé des motifs du projet de loi relatif aux contrats de partenariat public-privé et aux contrats de
valorisation du domaine public, décembre 2013, non publié.
1451
Voir Deuxième partie du projet de loi relatif aux contrats de partenariat public-privé et aux contrats de
valorisation du domaine public, non publié.

Page 441
qu’au fond, cette opposition n’est pas insurmontable. Le bail emphytéotique est conciliable
aux règles de la domanialité publique (B).

A / L’opposition apparente de la domanialité publique au bail


emphytéotique

Les pouvoirs publics sénégalais ne sont pas encore décidés à introduire le mécanisme
contractuel du bail emphytéotique parmi les modes d’occupation du domaine public. Cette
technique contractuelle, consacrée par le code du domaine de l’État, n’est retenue que pour
l’utilisation et la mise en valeur du domaine privé immobilier de l’État1452. Cette limitation du
champ d’application du bail emphytéotique tient à ses traits caractéristiques (1) qui sont
inerdits sur le domaine public (2).

1) Une opposition tenant aux caractères du bail emphytéotique

Même si le législateur n’a pas donné une définition précise au bail emphytéotique dans
le code du domaine de l’État, il y a indiqué un certain nombre d’éléments qui permettent de
conceptualiser ce bail. En effet, selon le législateur, le bail emphytéotique confère au preneur
un droit réel susceptible d’hypothèque ; il est conclu pour une durée de dix huit ans au
minimum et cinquante ans au maximum ; il comporte une obligation de mise en valeur de
l’immeuble occupée et à la fin du bail, l’État reprend l’immeuble dans l’État où il se trouve et
sans indemnité1453.

Au regard de ces éléments, il est possible de considérer le bail emphytéotique comme


un bail de longue durée conclu entre l’État, le bailleur, et une personne privée, le preneur ou
l’emphytéote, conférant à ce dernier un droit réel susceptible d’hypothèque en vue de
l’accomplissement, pour le compte de l’État, d’une mission de service public ou de la
réalisation d’une opération d’intérêt général relevant de sa compétence. Il ressort de ces
caractéristiques que le bail emphytéotique confère au preneur un certain nombre d’avantages
et lui assujettit à une obligation de résultat.

Les privilèges ou droits de l’emphytéote s’observent à travers les conditions


d’existence du bail emphytéotique. Selon Etienne Fatöme et Philippe Terneyre, l’existence du

1452
Voir article 36 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JORS N° 4506 du 28
juillet 1976.
1453
Voir article 39 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.

Page 442
bail emphytéotique est est subordonnée à « la réunion de trois (03) critères : une longue
durée (au minimum 18 ans) ; l’existence d’un droit réel immobilier ; la possibilité pour le
preneur d’hypothéquer pour la durée du bail le droit réel que le bail lui confère1454 ».

À l’analyse, ces droits constituent des garanties juridiques mises à la disposition du


preneur. Ce dernier bénéficie d’une autiorisation d’occupation de longue durée qui ne peut
être résiliée que pour certains motifs seulement ou sous réserve d’une indemnisation du
préjudice subi en cas d’éviction anticipée. Il est également titulaire d’un droit réel qu’il peut
apporter en garantie auprès des établissements de financement. Ainsi, les privilèges du
preneur se présentent comme des droits qui sont de nature à lui permettre de s’assurer un
préfinancement bancaire des travaux à réaliser et une relative permanence de leur droit
d’occupation1455. Donc, avec le bail emphytéotique, le preneur obtient des garanties juridiques
tenues pour suffisantes à la réalisation de son investissement.

Ces droits en faveur du preneur font que les traits caractéristiques du bail
emphytéotiques sont interdits sur le domaine public.

2) Des traits caractéristiques interdits sur le domaine public

Les caractères du bail emphytéotique s’opposent aux règles de la domanialité


publique, notamment la règle de l’inaliénabilité. Ce principe interdit leur application aux
dépendances du domaine public.

D’une part, la conclusion d’un bail emphytéotique sur le domaine public entrainerait
un démembrement de la propriété de l’État sur ledit domaine. C’est une convention domaniale
qui, à la différence des autorisations ordinaires d’occupation privative du domaine public,
confère au preneur un droit réel immobilier et la faculté de l’hypothéquer. Considéré comme
tel, le bail emphytéotique ne peut a priori porter sur un immeuble dépendant du domaine
public. Les contraintes de la domanialité publique font que ces privilèges qu’il accorde au
preneur sont inexistants. Elles interdisent non seulement la constitution de droits réels sur le
domaine public, mais aussi l’exercice des voies d’exécution forcée. À ce titre, sauf
dérogation, l’autorisation domaniale ne confère qu’un droit personnel et est incessible. Ce qui

1454
E. Fatôme et Ph. Terneyre, « Bail emphytéotique, domanialité publique et financement privé d’un ouvrage
public », CJEG, novembre 1994, p. 582.
1455
Idem.

Page 443
constitue le contraire des exigences du bail emphytéotique. En conséquence, ce dernier
devient sans intérêt sur le domaine public.

D’autre part, la durée qu’exige cette convention domaniale se contrarie avec la


précarité des autorisations domaniales. La règle de la temporalité des occupations privatives
du domaine public exige que ces dernières soient accordées pour une durée maximale et non
minimale, sans droit au renouvellement, et avec la possibilité pour l’État de les mettre fin à
tout moment. Cette instabilité des titres d’occupation privative du domaine public n’est pas le
propre du bail emphytéotique. Ce dernier requiert une certaine stabilité. Il exige une durée
minimale et ne peut être résilié par l’État sans indemnité que pour inéxécution par le preneur
de ses obligations1456. Ainsi, tout autre motif de résiliation ouvre droit à indemnité au preneur.
Ces privilèges qu’accorde le bail emphytéotique montrent sa réelle opposition au principe de
l’inaliénabilité du domaine public.

L’application de l’inaliénabilité du domaine public dans toute sa rigueur emporte une


impossibilité d’inclure le bail emphytéotique parmi les autorisations d’occupation privative du
domaine public. La rencontre des deux révèle des impératifs qui sont manifestement opposés :
les contraintes de la domanialité publique brise complètement les exigences du bail
emphytéotique ; à l’inverse, les privilèges de ce bail remettent totalement en cause les
interdictions des principes protecteurs du domaine public. Cela est, peut-être, à l’origine de la
décision du législateur de circonscrire le bail emphytéotique aux seules dépendances du
domaine privé.

Il reste que lorsque l’on prend en compte l’obligation qui pèse sur le preneur, il s’avère
utile d’envisager une conciliation de la domanialité publique au bail emphytéotique. Ce
dernier est une technique juridique principalement orientée vers la mise en valeur d’un
immeuble domanial. Il comporte une obligation de mise en valeur dans un délai déterminé1457
de l’immeuble objet du bail. Le bail emphytéotique n’est pas, à ce titre, étranger à la
conception moderne du domaine public.

Au regard de l’obligation de résultat que comporte le bail emphytéotique, l’État peut


l’intégrer parmi les titres d’occupation privative du doimaine public. Il suffira juste d’adapter
cette obligation aux besoins en infrastructures d’intérêt collectif et d’entourer sa conclusion de
certaines garanties permettant de préserver la domanialité publique des immeubles occupés.
1456
Voir article 39, alinéa 3 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.
1457
Voir article 39, alinéa 1-2° de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État, JO préc.

Page 444
C’est de cette manière que les pouvoirs publics français ont agi afin de rendre le domaine
public compatible avec le bail emphytéotique. En s’inspirant de cet exemple, il s’avère que ce
procédé contractuel est concialiable aux règles de la domanialité publique.

B / La conciliabilité du bail emphytéotique au domaine public

Les droits reconnus au preneur dans le cadre d’un bail emphytéotique peuvent
dissuader à intégrer ce procédé contractuel parmi les modes d’occupation privative du
domaine public. Mais, vu l’importance et la diversité des besoins en infrastructures d’intérêt
public, il est possible de trouver un juste milieu entre les contraintes du principe
d’inaliénabilité et les exigences du bail emphytéotique afin de les rendre compatibles. Ce qui
fait qu’il y a une adaption possible de ce bail avec la domanialité publique (1) afin de
valoriser le domaine public (2).

1) Une technique contractuelle adaptable à la domanialité publique

Pour rendre compatible le bail emphytéotique à la domanialité publique, il suffit


d’atténuer le protée des conséquences de la règle de l’inaliénabilité. Cette atténuation ne doit
pas poser problème si l’on sait que cela a été le cas avec le procédé contractuel du partenariat
public-privé. Il a fallu au législateur de déroger à l’interdiction de démembrer la propriété de
l’Etat sur le domaine public pour que le contrat de partenariat puisse porter sur ledit domaine.
Sans la reconnaissance au titulaire d’un contrat de partenariat emportant occupation du
domaine public des droits réels sur ses constructions pendant la durée de l’autorisation, cette
technique contractuelle serait en marge du domaine public. Rien n’empêche alors que cette
brèche ouverte sur le principe d’inaliénabilité pour intégrer le contrat de partenariat parmi les
modes d’occupation privative du domaine public puisse s’étendre au bail emphytéotique.

Si les pouvoirs publics nourissent des craintes vis-à-vis des privilèges que le bail
emphytéotique accorde à l’emphytéote par rapport à la préservation de l’utilité publique des
dépendances domaniales occupées, il s’avère que ces inquiétudes peuvent être dissipées. Il est
possible d’admettre le bail emphytéotique sur le domaine public sans affecter les fondements
de la domanialité publique. Le recours à l’analyse comparée permet de s’en convaincre.

Page 445
En effet, lorsque l’on se refère à des pays, comme la France, qui l’ont reconnu comme
mode d’utilisation privative du domaine public1458, l’on se rend compte de la compatibilité de
la domanialité publique et du bail emphytéotique. Après avoir accepté de relativiser la portée
de la règle de l’inaliénabilité, les pouvoirs publics français ont également procédé à un
encadrement des privilèges qu’offre le bail emphytéotique pour l’adapter aux contraintes de la
domanialité publique. Ils l’ont entouré d’un ensemble de « garde-fous » afin de préserver la
protection du domaine public. Ainsi, le bail emphytéotique qui peut porter sur le domaine
public « est un bail spécifique, propre au droit public1459 » ; prenant l’appellation de « bail
emphytéotique administratif »1460.

L’analyse des dispositions pertinentes de l’ordonnance du 21 avril 2006 relative au


code général de la propriété des personnes publiques révèle l’adoption d’un ensemble de
précautions destiné à adapter le bail emphytéotique à la réalité domaniale. La conclusion d’un
bail emphytéotique sur le domaine public est assujettie aux conditions suivantes : les droits
résultant du bail ne peuvent être cédés qu’avec l’agrément de la personne publique
propriétaire ; le droit réel qu’il confère au preneur ne peut être cédé qu’avec l’accord de
l’autorité compétente ; la personne publique propriétaire a le pouvoir de résiliation unilatérale
avec un droit à indemnité pour le preneur1461. C’est cet ensemble de conditions qui donne la
qualification de bail emphyétotique administratif.

Yves Gaudemet et Jacqueline Morand-Deviller soulignent, à ce propos, que le bail


emphytéotique administratif présente des particularités qui montrent que l’activité du preneur
est contrôlée par la personne publique propriétaire. Ils écrivent que la cession des droits
requiert l’agrément préalable de l’autorité compétente ; que le cessionnaire est subrogé dans
l’intégralité des droits et obligations du cédant ; que le droit réel du preneur ne peut être
hypothéqué qu’avec l’accord de la personne publique propriétaire qui doit approuver la
convention d’hypothèque, laquelle ne peut être souscrite que pour financer les obligations que

1458
C’est la loi du 5 décembre 1988 realtive à l’amélioration de la décentralisation (article 13) qui a, dans un
premier temps, introduit le bail emphytéotique parmi les modes d’occupation privative du domaine public des
collectivités territoriales. Par la suite, l’ordonnance du 21 avril 2006 portant code général de la priopriété des
personnes publiques, modifiée, l’a reconduit (article L. 2122-20) et l’a élargi aux immeubles appartenant au
domaine public de l’Etat (article L. 2341-1).
1459
Ph. Terneyre et B. Noyer, « Le bail emphytéotique administratif comme technique de contractuelle moderne
de valorisation du domaine public des coillectivités locales (1 re partie), LPA, juillet 1996, N° 83, p. 19.
1460
Voir CE, 25 février 1994, SA Sofap-Marignan Immoibilier, Rec. Leb. p. 94 ; RFDA, 1994, p. 510 ; AJDA,
1994, P. 550.
1461
Voir article L. 2341-1 de l’ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 relative à la partie législative du code
général de la propriété des personnes publiques, JORF du 22 avril 2006, [en ligne], disponible sur :
www.legifrance.gouv.fr, consulté le 16 juin 2017.

Page 446
le preneur tient du bail ; qu’ à l’expiration du bail, les ouvrages sont incorporés de plein droit
gratuitement au domaine public et, en cas de retrait anticipé des autorisations pour un motif
d’intérêt général, le titulaire pourra obtenir réparation du préjudice direct, matériel et certain
né de cette éviction1462.

Ces éléments montrent que le souci de protection du domaine public a engendré un


encadrement des privilèges que le bail emphytéotique accorde au preneur. Ainsi,
quoiqu’emprunté au droit privé, cette convention domaniale est adaptée aux exigences de la
domanialité publique. Elle se publicise de sorte à ne pas pouvoir échapper aux objectifs
d’intérêt général et au contrôle de l’administration domaniale1463.

Cette publicisation du bail emphytéotique n’a rien d’anormal. L’idée est d’arriver à
introduire une technique de droit privé sur le domaine pubic sans avoir à vider le principe
d’inaliénabilité de toutes ses contraintes. Philippe Terneyre et Bernard Noyer écrivent, à ce
propos, que si le souci de favoriser une meilleure exploitation économique du domaine public
peut conduire à déroger au principe d’inaliénabilité de ce domaine, en conférant les droits
réels aux investisseurs privés que l’on souhaite y attirer, cette « privatisation » du domaine
public ne saurait, constitutionnellement, dépasser certaines limites, au-delà desquelles elles
s’avereraient inconciliables avec les impératifs de protection du domaine public et les
exigences de bon fonctionnement des services publics auquel ce domaine se trouve
prioritairement affecté1464. Donc, le souci majeur de préserver les garanties et les exigences de
la domanialité publique explique cet encadrement du bail emphytéotique qui porte sur le
domaine public.

Tout de même, cet encadrement ne va pas jusqu’à dépouiller l’emphytéote de tout


droit. Cela le rendrait même inattractif. C’est pourquoi son adaptation au domaine public
s’inscrit dans une perspective de préservation à la fois des interêts du domaine public et ceux
de l’occupant privatif.

Ainsi, le bail emphytéotique administratif constitue un outil juridique très adapté et


adéquat à la valorisation du domaine public.

1462
Y. Gaudement, Droit administratif des biens, 15e éd., Paris, L.G.D.J., 2014, p. 318 ; J. Morand-Deviller, « La
valorisation économique du patrimoine public », in Mélanges en hommage à Roland Drago, Economica, 1996,
pp. 283-284.
1463
Voir Guide pratique d’utilisation du code général de la propriété des personnes publiques, p. 32, [en ligne],
disponible sur : www.dgcl.interieur.gouv.fr/guide_pratique CG3P.pdf, consulté le 7 avril 2017.
1464
Ph. Terneyre et B. Noyer, « Le bail emphytéotique administratif comme technique de contractuelle moderne
de valorisation du domaine public des coillectivités locales (1 re partie), op.cit., p. 19.

Page 447
2) Une technique contractuelle adéquate à la valorisation du domaine
public

Rendu compatible avec la domanialité publique, le bail emphytéotique peut


accompagner les personnes publiques à satisfaire leurs besoins en infrastructures publiques. Il
s’agit d’une convention domaniale qui assujettit l’emphytéote à mettre en valeur l’immeuble
occupé. Lorsque ce bail porte sur le domaine public, l’obligation de mise en valeur consiste
pour le preneur à accomplir une mission de service public ou à réaliser une opération d’intérêt
général relevant de la compétence de la personne publique. Ainsi, à la différence du bail
emphytéotique de droit privé qui n’impose, en principe, aucune obligation de construire sur le
fonds et d’entretenir les ouvrages implantés sur celui-ci, le bail emphytéotique administratif
comporte une telle obligation1465. Le preneur est tenu d’édifier sur le domaine public des
équipements d’intérêt collectif.

C’est pour cette raison que Jacqueline Morand-Deviller avance que la légitimité de
l’admission de cette technique contractuelle sur le domaine public réside dans le fait qu’elle
ne peut exister qu’en vue de l’accomplissement pour le compte de la collectivité publique
d’une mission de service ou de la réalisation d’une opération d’intérêt général, ce qui exclut la
réalisation d’opérations purement privées 1466 . En droit français, par exemple, le juge
administratif français a décidé de l’impossibilité de consentir un bail emphytéotique
administratif pour la réalisation d’un bar restaurant 1467
, et de la nullité d’un bail
emphytéotique administratif qui est jugé n’être pas conclu pour les besoins de la gendarmerie
mais d’une simple restauration, réhabilitation immobilière1468.

Le bail emphytéoitique administratif met ainsi à la charge du preneur l’obligation


d’exploiter son droit réel immobilier dans des conditions et à des fins strictement conformes à
l’intérêt général 1469 . Le preneur est tenu de réaliser des constructions destinées à être
directement utilisées par la personne publique bailleresse et de les maintenir en bon état

1465
Ph. Terneyre et B. Noyer, « Le bail emphytéotique administratif comme technique de contractuelle moderne
de valorisation du domaine public des coillectivités locales (1 re partie), op.cit., p. 19 ; (2ème partie), LPA, N° 84 –
juillet 1996, p. 11.
1466
J. Morand-Deviller, « La valorisation économique du patrimoine public », op.cit., p. 282.
1467
Voir CAA Lyon, 7 mars 2011, Syndicat des copropriétaires de la résidence Le Rond-point des pistes,
Contrats et Marchés Publics, juin 2011, p. 184.
1468
Voir TA Grenoble, 1er octobre 2010, Préfet de la Drôme c/ Cne de Romans sur Isère, AJDA, 2011, p. 510.
1469
Voir « Rapport final revu après l’atelier de restitution sur la mission de relecture du projet de loi relative à la
valorisation du patrimoine immobilier des collectivités publiques », à l’attention de l’Agence de gestion du
patrimoine bâti de l’Etat (AGPBE), réalisé par Me Mbaye Diagne et Me Issakha Ndiaye avec la collaboration du
Pr Mayatta Ndiaye Mbaye, janvier 2017, p. 15.

Page 448
jusqu’au terme du bail. Il s’agit pour lui de réaliser tous travaux d’amélioration, de
construction ou de démolition en vue de la restauration de l’immeuble ou de sa mise en
valeur. Donc, c’est à la seule condition de satisfaire à un besoin d’intérêt général qu’une
collectivité publique peut consentir un bail emphytéotique sur le domaine public.

Les pouvoirs publics sénégalais peuvent ainsi s’inspirer de ce cadre juridique français
pour décider de faire du bail emphytéotique un outil juridique de gestion du domaine public.
Il peut servir à la construction d’infrastructures d’intérêt collectif dans les secteurs divers de la
mission de service public de l’État.

Dans un document didactique élaboré au profit de l’Agence pour la gestion du


patrimoine bâti de l’État (AGPBE), Mayatta Ndiaye Mbaye et autres font ressortir les
avantages financiers du bail emphytéotique administratif. Selon eux, le financement des
constructions et améliorations de l’immeuble est assuré par le preneur. Ce dernier se charge
également de la gestion de l’immeuble, qu’il loue à l’administration, pendant la durée du bail
tout en versant une redevance périodique à la collectivité publique bailleresse. Et, à
l’expiration du délai de validité du titre d’occupation, les ouvrages réalisés par le preneur sont
incorporés de plein droit gratuitement au domaine public1470. La personne publique bailleresse
devient alors propriétaire d’un immeuble et de ses améliorations par l’intermédiaire d’un
investisseur privé.

Toutes choses qui font du bail emphytéotique administratif un outil de valorisation du


patrimoine bâti de l’État sans dépenses excessives. L’État n’est pas, en effet, tenu de payer un
prix comme dans le cadre des marchés de travaux publics. En conséquence, le bail
emphytéotique administratif s’opère suivant des conditions financières avantageuses et
stimulantes pour l’activité économique privée.

Il semble pourtant que les autorités sénégalaises se sont imprgné de ces avantages du
bail emphytéotique administratif. En effet, elles ont eu a élaboré un projet de loi dans lequel
elles proposaient d’intégrer ce procédé contractuel par les autorisations d’occupation privative
du domaine public. Il était indiqué dans l’exposé des motifs du projet de loi relatif aux
contrats de partenariat et aux contrats de valorisation du domaine public que « le bail

1470
Voir « Document didactique de présentation des différents contrats de valorisation du patrimoine immobilier
des collectivités publiques sénégalaises », présenté par Me Mbaye Diagne et Me Issakha Ndiaye avec la
collaboration du Pr Mayatta Ndiaye Mbaye à l’attention de l’Agence de gestion du patrimoine bâti de l’Etat,
janvier 2017, p. 3, non publié.

Page 449
emphytéotique administratif ne peut être conclu que dans le cadre d’une mission de service
public1471 ». À ce titre, le projet de loi disposait que le cadre d’application de ce bail est la
réalisation d’opérations liées aux besoins des établissements publics de santé, de la justice, de
la police ou de la gendarmerie nationale ou à la réalisation d’enceintes sportives et
d’équipements connexes1472.

Il ne fait pas alors de doute que les autorités sénégalaises sont conscientes de la
capacité qu’a le bail emphytéotique administratif à permettre à l’administration de valoriser
son patrimoine immobilier. C’est un procédé contractuel qui est de nature à contribuer à la
résorption de l’insuffisance du patrimoine immobilier. Son utilisation éviterait à l’État de
recourir à la location de bâtiments au près des bailleurs privés pour faire face à ses besoins de
plus en plus importants. Cela permettrait, en conséquence, « de réduire de façon substantielle
les charges locatives qui grèvent les budgets publics1473 ». Il faudrait donc que les réserves de
l’État sur le bail emphytéotique administratif qui ont justifié son retrait du texte définitif de
modification de la loi CET se dissipent et qu’il se décide à l’intégrer dans les outils de
valorisation du domaine public. C’est une technique contractuelle très avantageuse et qui est
compatible à la domanialité publique.

Le bail emphytéotique administratif n’est pas le seul type de contrat immobilier qui
manque à la politique de valorisation du domaine public. Il en est de même du bail à
construction.

Paragraphe 2 : La méconnaissance du bail à construction

Le bail à construction est prévu par le code de la construction. Il est défini comme « le
bail par lequel le preneur s’engage à édifier des constructions sur le terrain du bailleur et à
les conserver en bon état d’entretien pendant la durée du bail 1474 ». Cette définition fait
apparaître une contrariété entre ce procédé contractuel et la domanialité publique, d’où, peut-

1471
Voir Exposé des motifs du projet de loi relatif à la valorisation du patrimoine immobilier des collectivités
publiques au Sénégal, non publié.
1472
Voir Exposé de motifs et article 37, alinéa 4 du projet de loi relatif aux contrats de partenariat public-privé et
aux contrats de valorisation du domaine public, décembre 2013, non publié.
1473
Voir Exposé des motifs du projet de loi relatif à la valorisation du patrimoine immobilier des collectivités
publiques au Sénégal, in Rapport final revu après l’atelier de restitution sur la mission de relecture du projet de
loi relative à la valorisation du patrimoine immobilier des collectivités publiques, à l’attention de l’Agence de
gestion du patrimoine bâti de l’État (AGPBE), réalisé par Me Mbaye Diagne et Me Issakha Ndiaye avec la
collaboration du Pr Mayatta Ndiaye Mbaye, Agence de Gestion du Patrimoine Bâti de l’Etat (AGPBE), janvier
2017, p. 15, non publié.
1474
Voir article L 113 de la loi n° 2009-23 du 8 juillet 2009 portant code de la construction (Partie législative),
JORS N° 6491 du 3 octobre 2009.

Page 450
être, sa non-intégration dans les conventions domaniale (A). Mais, cela ne semble pas être
insurmontable. Le bail à construction peut recevoir des aménagements le rendant applicable
au domaine public (B).

A / La contrariété du domaine public au bail à construction

Le bail à construction est un contrat immobilier de droit privé qui semble difficilement
applicable au domaine public. Cette difficulté réside dans ses conditions de validité (1) ainsi
que dans les droits qu’il confère au preneur (2).

1. Une contrarieté tenant aux conditions de validité

Relativement aux conditions de vailidité, l’existence du bail à construction suppose la


présence de deux exigences : « d’une part, le bailleur doit diposer d’un droit réel immobilier
et, d’autre part, le contrat doit impérativement être passé devant notaire et publié au livre
foncier1475 ».

À l’analyse, ces exigences ne peuvent être remplies dans le cadre des immeubles
dépendant du domaine public. En effet, l’État à qui appartient le domaine public ne dispose
pas sur ledit domaine d’un droit de propriété qu’il peut aliéner. Son appropriation des biens
qui constituent le domaine public constitue une « propriété adminisrative » et non une
propriété au sens du droit civil. C’est une propriété qui est fortement encadrée, soustraite à la
libre disposition.

Ainsi, l’État ne peut librement ou de façon forcée céder un bien du domaine public tant
qu’il demeure destiné à l’usage direct du public ou au service public. Il apparaît ainsi que
l’État ne dispose d’aucun droit réel sur le domaine public. Quant à l’exigence tenant à la
conclusion du contrat devant notaire et à sa publication au livre foncier, elle ne peut
également être satisfaite sur le domaine public. En effet, les biens immobiliers du domaine
public sont exclus de l’immatriculation, sauf dans l’hypothèse ou un bien faisant partie du
domaine privé a été muté et incorporé dans le domaine public.

Il en résulte que la grande masse des dépendances du domaine public ne peuvent faire
l’objet de bail à construction. Il se posera alors le problème de l’inscription au livre foncier
pour la constitution du droit réel immobilier.
1475
Ch.-A.-W. Ndiaye, Droit sénégalais de contrats immobiliers, Dakar, CREDILA, L’Harmattan-Sénégal, 2017,
p. 267.

Page 451
La deuxième difficulté d’application du bail à construction sur le domaine public réside
dans les droits qu’il confère au preneur.

2. Une contrarieté tenant aux droits du preneur

En ce qui concerne les droits accordés au preneur, ils s’opposent, à titre principal, aux
principes de la domanialité publique. En effet, le bail à construction confère au preneur un
droit réel immobilier qu’il peut hypothéquer ainsi que les constructions édifiées, et cette
hypothèque ne s’éteint qu’à la date convenue pour l’expiration du bail, même en cas de
résiliation. De même, le preneur peut céder tout ou partie de ses droits ou les apporter en
société, et même consentir des servitudes passives indispensables à la réalisation des
constructions prévues au bail1476.

Tout cela constitue un ensemble de droits qui fait du bail à construction un procédé de
gestion difficillement envisageable sur le domaine public. C’est un mécanisme de
financement d’investissements qui déroge totalement aux conséquences de la règle de
l’inaliénabilité.

Par ailleurs, dans le cas où une hypothèque est consentie sur le domaine public, elle
s’éteind en cas de résiliation du titre conformément au principe de précarité des autiorisations
domaniales. Or, la rédaction de l’article L 117 du code de la construction révèle que
l’hypothèque consentie au titre d’un bail à construction ne s’éteind qu’à la date convenue pour
l’expiration dudit bail, même en cas de rupture anticipée. Ce dispositif va à l’encontre de la
précarité des occupations privatives du domaine public dès lors qu’il fait subsister la sûreté
alors que l’occupation n’est plus de droit. Ce qui crée un problème de survivance de la
garantie hypothécaire. Si l’on sait qu’à la suite de la résiliation du titre juridique les
équipements sont soit détruits, soit incorporés au domaine public, on se demande sur quoi va
porter la sûreté dès lors que son objet a disparu. Donc, le régime de l’hypothèque dans le
cadre d’un bail à construction est incompatible avec la réalité domaniale.

Il est possible, au regard de tous ces aspects, de considérer que le bail à construction « ne
peut être appliqué sur une dépendance domaniale 1477 ». Son régime juridique semble
totalement s’opposer à celui du domaine public. C’est pour cette raison qu’il est, peut-être,

1476
Voir articles L 115 et L 117 de la loi n° 2009-23 du 8 juillet 2009 portant code de la construction (Partie
législative), JO préc.
1477
J.-P. Brouant, Le régime domanial à l’épreuve de la valorisation économique, Thèse, Université Paris 1 –
Panthéon Sorbonne, 1995, tome 1, p. 353.

Page 452
méconnu sur le domaine public. Au demeurant, l’opposition entre la domnialité publique et le
régime du bail à construction ne s’avère pas insurmontable. Il est possible d’opérer des
aménagements réciproques pour adapter cet outil de gestion privée aux règles domaniales.

B / L’applicabilité du bail à construction sur le domaine public

À l’analyse, le bail à construction constitue un mécanisme de financement privé


d’équipements immobiliers. Ainsi, l’État qui est à la recherche de tels mécanismes pour la
réalisation d’infrastructures d’intérêt collectif, peut, comme cela a été fait pour les contrats de
partenariat public-privé, élargir le champ d’application du bail à construction au domaine
public artificiel en procédant à une remise en cause des règles de la domanialité publique. Il y
a donc une articulation possible du bail à construction avec les règles de la domanialité
publique (1) qui permettrait à l’État de bénéficier de bénéficier de ses avantages sur le
domaine public (2).

1. Une articulation possible avec la domanialité publique

Dans une étude commanditée par l’Agence de Gestion du Patrimoine Bâti de l’État
(AGPBE), les consultants se sont penchés sur une formule de bail à construction applicable à
la fois au domaine privé et au domaine public de l’État. Ils ont alors proposé la technique du
« bail administratif à construction1478 » qui repose sur un équilibre entre la reconnaissance de
garanties contractuelles au preneur et le maintien de la protection du domaine public.

En effet, dans un projet de loi élaboré à l’attention de ladite Agence, le « bail


administratif à construction » est défini comme le « contrat par lequel une personne, physique
ou morale, le preneur, s'engage, à titre principal, à édifier des constructions valorisantes sur
un terrain mis à disposition par l’État ou une collectivité locale, à les conserver en parfait
état d'entretien pendant toute la durée du bail et, au terme du bail, à restituer au bailleur le

1478
Voir Rapport final revu après l’atelier de restitution sur la mission de relecture du projet de loi relative à la
valorisation du patrimoine immobilier des collectivités publiques, à l’attention de l’Agence de gestion du
patrimoine bâti de l’État (AGPBE), réalisé par Me Mbaye Diagne et Me Issakha Ndiaye avec la collaboration du
Pr Mayatta Ndiaye Mbaye, Agence de gestion du patrimoine bâti de l’État, janvier 2017, non publié, p. 9.
Cette prise de conscience de la nécessité d’explorer d’autres contrats immobiliers pour la valorisation du
domaine ne devrait pas se résumer à la proposition d’une loi spécifique. Dès lors que cela touche à la fois le
domaine public et le domaine privé, il est préférable d’aller vers une réforme générale du code du domaine
l’État. Cela éviterait l’existence d’une législation disparate et rendrait plus accessible le droit applicable au
domaine de l’État.

Page 453
terrain et les constructions réalisées en parfait état1479 ». Dans cette technique contractuelle,
le bail vaut autorisation d’occuper le domaine public et confère au preneur un droit réel
immobilier avec toutes les prérogatives et obligations du propriétaire1480.

Cet infléchissement de la rigidité des règles domaniales est assorti de contraintes


visant à préserver les fondements du domaine public, à savoir sa destination et son
inaliénabilité. D’abord, le « bail administratif à construction » ne peut porter que sur les
dépendances du domaine public artificiel de l’État, autres que celles pouvant faire l’objet de
contrat de partenariat, c'est-à-dire les emprises des routes, des chemins de fer, des gares
routières et des voies de communication de toute nature, ainsi que les ports maritimes et
fluviaux avec leurs dépendances immédiates et nécessaires 1481 . Ensuite, le droit réel
immobilier dont le preneur est titulaire ne peut être cédé qu’avec l’accord du maître du
domaine1482. Celui-ci préserve enfin son pouvoir de résiliation unilatérale, et lorsque le bail
arrive à terme, le terrain objet du bail ainsi que les améliorations et constructions réalisées par
le preneur intègrent de plein droit et sans frais le domaine public1483.

Il ressort de cette articulation des droits du preneur et du bailleur une adaptation du


bail à construction aux contraintes de la domanialité publique ; c’est ce qui en fait un « bail
administratif ». L’État peut alors s’enservir pour le développement de ses infrastructures
d’intérêt collectif.

2. Une technique contractuelle bénéfique au domaine public

Engendrant les mêmes obligations que le bail à construction de droit privé, l’État, pour les
besoins d’équipements publics sur le domaine public, pourrait recourir au procédé du « bail

1479
Voir article 21 du projet de loi relatif à la valorisation du patrimoine immobilier des collectivités publiques
au Sénégal, in Rapport final revu après l’atelier de restitution sur la mission de relecture du projet de loi
relative à la valorisation du patrimoine immobilier des collectivités publiques, à l’attention de l’Agence de
gestion du patrimoine bâti de l’État (AGPBE), réalisé par Me Mbaye Diagne et Me Issakha Ndiaye avec la
collaboration du Pr Mayatta Ndiaye Mbaye, op.cit., p. 24.
1480
Voir articles premier et 6 du projet de loi relatif à la valorisation du patrimoine immobilier des collectivités
publiques au Sénégal, in Rapport final revu après l’atelier de restitution sur la mission de relecture du projet de
loi relative à la valorisation du patrimoine immobilier des collectivités publiques, préc.
1481
Voir article 22 du projet de loi relatif à la valorisation du patrimoine immobilier des collectivités publiques
au Sénégal, in Rapport final revu après l’atelier de restitution sur la mission de relecture du projet de loi
relative à la valorisation du patrimoine immobilier des collectivités publiques, préc.
1482
Voir article 24 du projet de loi relatif à la valorisation du patrimoine immobilier des collectivités publiques
au Sénégal, in Rapport final revu après l’atelier de restitution sur la mission de relecture du projet de loi
relative à la valorisation du patrimoine immobilier des collectivités publiques, préc.
1483
Voir article 31 du projet de loi relatif à la valorisation du patrimoine immobilier des collectivités publiques
au Sénégal, in Rapport final revu après l’atelier de restitution sur la mission de relecture du projet de loi
relative à la valorisation du patrimoine immobilier des collectivités publiques, préc.

Page 454
administratif à construction ». En effet, le preneur a d’abord une obligation de construire. Il
s’engage à édifier des constructions valorisantes sur un terrain mis à sa disposition par une
personne publique ou bien à démolir un immeuble bâti en vue de sa reconstruction. Ensuite, il
a une obligation d’entretien, c'est-à-dire qu’il doit conserver l’immeuble en parfait état
d’entretien pendant la durée du bail. Enfin, le preneur supporte toutes les charges, taxes et
tous les impôts afférents aux constructions et au terrain, et à l’obligation de payer un loyer
périodique1484.

Il s’agit là d’un ensemble d’obligations qui décharge totalement la personne publique


bailleresse pendant toute la durée du bail et qui, à la fin, va devenir propriétaire d’un
immeuble valorisé. Ainsi, sans avoir à supporter les coûts de la construction et de l’entretien,
l’administration rentabilise son patrimoine en récupérant des mains d’un investisseur un bien
immobilier en parfait état. En retour, le preneur, de son côté, bénéficie également d’avantages
considérables. En effet, en contrepartie de ses obligations, le bail à construction permet au
preneur de réaliser et d’exploiter un ouvrage pendant une durée suffisante pour permettre
l’amortissement financier, et ce sans avoir à supporter le coût d’acquisition du bien initial, en
ne payant qu’un loyer1485.

Il apparaît dans l’ensemble que le bail à construction peut être d’un grand apport pour
la personne publique étatique. Il lui permettra de se décharger du financement de
constructions et d’améliorations d’installations d’intérêt collectif, de valoriser son patrimoine
bâti et de rationaliser sa gestion 1486 . L’État pourrait ainsi soulager son budget en termes
d’investissement pour des ouvrages constituant son domaine public artificiel. Si d’un côté les
partenariats public-privé sont déployés dans le domaine des infrastructures de transport, le
« bail administratif à construction » pourrait aider à la prise en charge des équipements prévus
à l’article 6. c), d), e), f), g), i), f) de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine
de l’État. Il s’agit notamment des ouvrages en vue de l’utilisation des ressources hydrauliques,
les installations d’assainissement, électrique et de télécommunications, les halles et marchés.

1484
Voir articles L 113 et L 116 de la loi n° 2009-23 du 8 juillet 2009 portant code de la construction (Partie
législative), JO préc.
1485
J.-P. Brouant, Le régime domanial à l’épreuve de la valorisation économique, op.cit., p. 352.
1486
Voir Document didactique de présentation des différents contrats de valorisation du patrimoine immobilier
des collectivités publiques sénégalaises, présenté par Me Mbaye Diagne et Me Issakha Ndiaye avec la
collaboration du Pr Mayatta Ndiaye Mbaye à l’attention de l’Agence de gestion du patrimoine bâti de l’État,
janvier 2017, non publié, p. 4.

Page 455
De par la diversité de ces équipements et l’urgence des besoins, il ne fait pas de doute
que le « bail administratif à construction » peut être stimulant pour l’activité privé
économique. Les garanties juridiques qu’il accorde au preneur font qu’il constitue un outil
juridique d’occupation du domaine public attractif. Il est une réponse aux besoins de sécurité
juridique des opérateurs économiques sur le domaine public et un moyen permettant de
résoudre les besoins de l’État en termes d’équipements publics sans avoir en à supporter le
coût financier.

L’absence du bail emphytéotique et du bail à construction sur le domaine public


semble constituer un manque à gagner pour l’État devant ses besoins en infrastructures
d’intérêt public. Ces techniques contractuelles sont applicables aux dépendances domaniales
sans risque d’atteinte à leur destination. Elles favorisent plutôt le renforcement de
l’investissement privé sur le domaine public, la rationalisation des dépenses publiques et la
réalisation des missions de service public dont l’État à la charge.

Toujours est-il que même si ces contrats immobiliers sont admis sur le domaine
public, l’état actuel de la législation domaniale les rendrait ineffectif. Le poids des contraintes
des règles de la domanialité publique limitent considérablement les garanties proposables aux
organismes de financement par les partenaires de l’État établis sur son domaine public.

Section 2 : La limitation des capacités d’investissements des opérateurs


privés

La valorisation du domaine public dépend des garanties et facilités offertes à


l’occupant pour le financement de ses investissements1487. Le droit réel qui est la principale
garantie à l’obtention d’un crédit n’existe pas réellement sur le domaine public. La règle de
l’inaliénabilité dudit domaine s’y oppose.

Des législations spécifiques ont dérogé à ce principe en reconnaissant des droits réels à
l’occupant privatif sur les constructions qu’il a édifiées. La reconnaissance de ces droits réels
peut théoriquement laisser penser que l’occupant privatif a la possibilité de s’en servir pour
garantir des emprunts auprès des établissements de crédits. Mais, en pratique, cela s’avère
impossible.

1487
F. Llorens et P. Soler-Couteaux, « Les occupations privatives du domaine public : un espoir déçu », RFDA
septembre-octobre 2006, p. 942.

Page 456
Le régime domanial actuel révèle une grande difficulté voire une impossibilité pour les
opérateurs privés à bénéficier des techniques applicables à la propriété privée en garantie du
crédit, notamment le crédit hypothécaire (Paragraphe 1) et le crédit-bail immobilier
(Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Le difficile recours au crédit hypothécaire

Aux termes de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés, « l’hypothèque
est l’affectation d’un immeuble déterminé ou déterminable appartenant au constituant en
garantie d’une ou de plusieurs créances, présentes ou futures, à condition qu’elles soient
déterminées ou déterminables1488 ». Il s’agit d’une garantie protégeant l’organisme de crédit
du risque d’insolvabilité de son débiteur. En cas de défaillance de celui-ci, celui-la pourra
saisir l’immeuble hypothéqué, le vendre et se payer par préférence sur le prix de vente1489.
Ces prérogatives du créancier hypothécaire opposent l’hypothèque aux principes de la
domanialité publique.

Mais, la législation en vigueur a apporté des atténuations à cette opposition. Elle a tenu
à inclure le domaine public dans le champ d’application de l’hypothèque (A). Il se trouve que
cette inclusion n’a pas été accompagnée de toutes les adaptations nécessaires à la
conciliabilité de la domanialité publique avec l’hypothèque. Cela traduit ainsi une
impraticabilité de l’hypothèque sur le domaine public (B).

A / L’inclusion du domaine public dans l’assiette de l’hypothèque

L’analyse de la législation domaniale révèle désormais une certaine diversité des droits
des occupants privatifs du domaine public. Il existe des occupants privatifs à qui la propriété
des équipements réalisés échappe, alors qu’ils existent d’autres occupants privatifs qui
bénéficient des attributs de la propriété sur leurs constructions pendant la durée de
l’occupation.

Pour la deuxième catégiorie d’occupants privatifs, le droit OHADA organisant les


sûretés, ainsi que les textes dérogeant à l’interdiction de constituer des droits réels sur le

1488
Voir article 190, alinéa 1 de l’Acte Uniforme révisé portant organisation des sûretés, adopté le 15 décembre
2010, JO OHADA du 15 février 2011, [en ligne], disponible sur : www.ohada.com/acte-uniforme/938/acte-
uniforme-revise-portant-organisation-des-suretes.html, consulté le 22 mai 2017.
1489
Voir, à ce propos, Ph. Malaurie et L. Aynès, Droit civil, Les sûretés, La publicité foncière, 3e éd., Paris,
Cujas, 1990, p. 21.

Page 457
domaine public considèrent que ces derniers peuvent se servir des constructions édifiées sur le
domaine public pour garantir leurs investissements en remettant en contrepartie d’un
financement bancaire une hypothèque sur ces constructions. L’admission de l’hypothèque sur
le domaine public relève ainsi d’une consécration textuelle (1). Au demeurant, le statut des
immeubles qui constituent le domaine public fait que cette hypothèque ne pourra, en principe,
porter que sur une assiette très étroite (2).

1. La consécration textuelle

L’admission de l’hypothèque sur le domaine public résulte à la fois d’une consécration par
le droit communautaire (a) et par le droit national (b).

a) Par le droit communautaire

L’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés a élargi le champ d’application de
l’hypothèque sur des immeubles dépendant du domaine public de l’État. Il dispose, en effet,
que « celui qui possède un droit réel lui permettant de construire à son profit sur le fonds
d’autrui, sur le domaine public ou sur le domaine national peut hypothéquer les bâtiments et
ouvrages dont la construction est commencée ou simplement projetée ; en cas de destruction
de ceux-ci, l’hypothèque est reportée de plein droit sur les nouvelles constructions édifiées au
même emplacement1490 ». La lecture de cette disposition montre que des immeubles faisant
partie du domaine public de l’État peuvent être grevés d’hypothèques.

La consitution de l’hypothèque dépend de la possession d’un droit réel permettant à


l’occupant privatif de construire sur le domaine public. Le texte communautaire admet cette
hypothèse sur le domaine public. Il apporte, à ce titre, une dérogation à la règle de
l’inaliénabilité. L’interdiction de constituer des droits réels sur le domaine public n’a pas une
portée absolue. Il est possible que des occupants privatifs possèdent des droits réels leur
permettant de réaliser des équipements sur le domaine public.

L’admission du droit réel sur le domaine public ouvre la possibilité au bénficiaire


d’apporter en garantie les immeubles qu’il est autorisé à construire. Ainsi, lorsque celui qui
occupe une dépendance domaniale est titulaire d’un droit réel, il peut y conclure des

Voir article 203. 3°) de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés, adopté le 15 décembre 2010,
1490

préc.

Page 458
conventions d’hypothèques. Le droit OHADA fait de l’existence d’un droit réel la condition
d’admission de l’hypothèque sur le domaine public.

À côté du droit communautaire, le droit national admet également que des immeubles
édifiés sur le domaine public de l’État peuvent servir de garantie à des crédits hypothécaires.

b) Par le droit national

Il est apparu dans la législation domaniale des inclusions directes du domaine public dans
l’assiette de l’hypothèque. L’opposition au démembrement de la propriété de l’État sur le
domaine public par le principe d’inaliénabilité n’est plus d’application absolue.

Des textes spécifiques ont ouvert des brèches sur ledit principe en reconnaissant à des
occupants privatifs du domaine public des droits réels sur leurs constructions pendant la durée
de l’autorisation.

C’est le cas d’abord de la loi portant code de l’eau qui dispose que « l’autorisation de
faire usage des eaux accordée spécialement et explicitement en vue d’une exploitation
agricole ou d’élevage, d’une exploitation industrielle ou touristique est un droit réel qui reste
attaché à cette exploitation en quelques mains qu’elle passe 1491 ». Ensuite, il y a la loi
modifiant le texte autorisant la création de la Société Nationale du Port Autonome de Dakar
(SN PAD) dans lequel le législateur retient que « pendant la durée de l’occupation,
l’affectataire exerce tous les attributs de la propriété sur les constructions autorisées et sur
les équipements immoibilisés 1492 ». C’est le cas enfin de la loi relative aux contrats de
partenariat où le législateur consque que « sauf stipulation contraire diu contrat, le titulaire a
des droits réels sur les ouvrages et équipements qu’il réalise1493 ».

Ces textes sectoriels révèlent l’existence d’occupants privatifs du domaine public qui
possèdent les attributs de la propriété sur les immeubles qu’ils sont autorisés à réaliser
pendant la durée de leurs autorisations domaniales. En application de l’article 203.3°) de
l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés, le domaine public de l’État tombe
désormais dans l’assiette de l’hypothèque. Le droit réel qu’exige ce texte pour la constitution

1491
Voir article 15 de la loi n° 81-13 du 4 mars 1981 portant code de l’eau, JORS N° 4828 du 11 avril 1981, p.
411.
1492
Voir article premier, alinéa 5 de la loi n° 92-63 du 22 décembre 1992 modifiant l’article 3 de la loi du 18
août 1987 autorisant la création de la Société Nationale du Port Autonome de Dakar, JORS N° 5505, p. 33.
1493
Voir article 6 in fine de la loi n° 2014-09 du 20 février 2014 relative au aux contrats de partenariat, JORS N°
6781 du 25 mar 2014, p. 293.

Page 459
de l’hypothèque est bien présent dans les situations précitées. Il s’agit d’occupants privatifs du
domaine public à qui le législateur accorde, à titre dérogatoire au principe de l’inaliénabilité,
des droits réels sur les constructions qu’ils sont autorisés à y édifier.

Ainsi, les exploitants agricoles ou d’élevage, les exploitants industriels ou touristiques


autorisés à exploiter les ressources en eau, les occupants du domaine public portuaire ainsi
que les titulaires de contrats de partenariat peuvent recourir aux crédits hypothécaires. Car,
comme l’écrit Jean-Prière Lebreton, « l’occupant privatif, qui est titulaire des prérogatives et
obligations du propriétaire, peut grever de privilèges ou d’hypothèques ses installations1494 ».
Dans les textes précités, le législateur a clairement indiqué que les titualires des autorisations
domaniales possèdent les prérogatives et obligations du propriétaire pendant la durée de
l’autorisation. À ce titre, la législation portuaire dispose expressément que « l’affectataire
peut, sur les constructions autorisées et les équipements immobilisés, consentir des
hypothèques ou nantissements1495 ». Donc, la lecture littérale du droit domanial national rend
théoriquement possible l’hypothèque sur le domaine public de l’État.

Il reste que cette hypothèque admise sur le domaine public ne peut avoir, en principe, un
champ d’application limité.

2. L’étroitesse relative de l’assiette de l’hypothèque

Lorsque l’on aborde la nature des immeubles pouvant faire l’objet d’hypothèque, l’on se
rend compte de l’étroitesse du champ d’application des immeubles du domaine public
pouvant servir de garanties à un crédit hypothécaire. L’Acte uniforme révisé portant
organisation des sûretés pose, en principe, une condition qui ne concerne qu’une infime partie
des dépendances domaniales (a). Mais, la rédaction de l’Acte uniforme précité ne ferme pas
totalement le champ d’application de l’hypothèque, elle ouvre des possibilités de dérogations
à la condition posée en principe (b).

a) La limitation principielle de l’assiette de l’hypothèque

En donnant la nature des immeubles qui sont susceptibles de faire l’objet d’une
hypothèque, le droit OHADA exclue la grande masse des immeubles qui constituent le

1494
J.-P. Lebreton, « Le financement des investissements sur le domaine public » Le Moniteur des Travaux
Publics/mars 1978, Hors série, p. 27.
1495
Voir article premier, alinéa 2 de la loi n° 92-63 du 22 décembre 1992 modifiant l’article 3 de la loi du 18
août 1987 autorisant la création du Port Autonome de Dakar, JORS N° 5505 du 30 janvier 1992.

Page 460
domaine public. Seule une infime partie de dépendances domaniales peut être concernée. En
effet, l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés consacre que « sauf disposition
contraire, seuls les immeubles immatriculés peuvent faire l’objet d’une hypothèque », à savoir
« les fonds bâtis ou non bâtis et leurs améliorations ou constructions survenues […], les
droits réels immobiliers régulièrement inscrits selon les règles de l’État Partie »1496. Cette
disposition pose, en principe, une condition à la constitution d’une hypothèque, à savoir
l’immatriculation de l’immeuble.

Cette exigence fait que les immeubles constituant des dépendances du domaine public ne
peuvent pas majoritairement être hypothéqués. Il y a, en effet, une petite masse de biens
immobiliers du domaine public qui répond à cette exigence. En effet, l’immatriculation d’un
immeuble appartenant au domaine public de l’État « a un caractère exceptionnel1497 ». Cela
ne peut être le cas que pour les immeubles qui appartenaient au domaine privé de l’État avant
leur classement dans le domaine public. Ces immeubles, qui, en effet, étaient immatriculés,
préservent cette nature dans leur nouvelle situation juridique. Ainsi, la mutation de biens
immobiliers du domaine privé au domaine public de l’État permet d’avoir dans ce dernier des
immeubles immatriculés. Sans ce mouvement de biens, le domaine public serait
exclusivement constitué d’immeubles non immatriculés.

En tenant compte de l’exigence posée par l’article 192 de l’Acte uniforme précité, on
constate l’étendue étroite des immeubles du domaine public qui peuvent faire l’objet
d’hypothèques. C’est seulement dans l’hypothèse où un occupant privatif du domaine public
est titulaire d’un droit réel permettant de construire sur cette catégorie d’immeubles qu’il est
possible d’envisager la constitution d’hypothèques. Cela montre en pratique toute la difficulté
à placer en garantie des biens immobiliers appartenant au domaine public de l’État.

Au-delà de ces immeubles du domaine privé qui ont transité dans le domaine public,
l’essentiel des biens immobiliers de ce domaine ont un statut particulier. Ils sont
singulièrement constitués d’immeubles non immatriculés. Cette particularité fait que la grande
masse des immeubles du domaine public échappe à l’application de l’article 192 de l’Acte
uniforme révisé portant organisation des sûretés. Le statut de ces immeubles domaniaux
s’oppose manifestement à l’élément indispensable à la constitution de l’hypothèque.
L’immatriculation requise n’est pas remplie par cette masse de biens du domaine public.

1496
Voir article 192 de l’Acte Uniforme révisé portant organisation des sûretés, adopté le 15 décembre 2010,
préc.
1497
M. Cavérivière et M. Débène, Le droit foncier sénégalais, Paris, Berger-Levrault, 1988, p. 143.

Page 461
Il en découle que la reconnaissance de droits réels à des occupants privatifs du
domaine public ne sera pas suffisante pour la constitution d’hypothèques. En effet, pour que
cette dernière puisse exister, il faut que le droit réel immobilier soit régulièrement inscrit aux
livres fonciers. C’est ce que révèle l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés en
retenant que « l’hypothèque conventionnelle ne peut être consentie que par celui qui est
titulaire du droit réel immobilier régulièrement inscrit et capable d’en disposer 1498 ». Il
ressort de cette disposition le principe de l’inexistence de droit réel sans inscription.
Autrement dit, un droit réel n’existe que tant qu’il est rendu public et inscrit1499. Ainsi, la
seule reconnaissance des attributs du propriétaire à l’occupant domanial sur les ouvrages qu’il
est autorisé à réaliser ne suffit pas à lui permettre de passer une convention d’hypothèque.

Les droits réels que les textes spécifiques précités admettent sur le domaine public
n’auront de sens que lorsqu’ils coïncident avec des immeubles immatriculés du domaine
public. Car, comme l’écrit Cheikh Abdou Wakhab Ndiaye, « les droits réels énumérés à
l’article 19 de la loi n° 2011-07 du 30 novembre 2011 portant régime de la propriété foncière
n’existent, ne se conservent et ne produisent effet à l’égard des tiers qu’autant qu’ils ont été
inscrits sur le livre foncier, […] 1500 ». De ce fait, la grande masse des immeubles constituant
le domaine public n’étant pas immatriculée, l’on se demande si les droits réels reconnus aux
occupants privatifs pourront exister réellement. Lorsque les constructions portent sur des
immeubles insusceptibles d’immatriculation, il ne peut pas y avoir l’existence d’un droit réel.
Ces immeubles n’ayant aucune trace au niveau de la conservation foncière, il est impossible
de prétendre y disposer un droit réel. En conséquence, l’hypothèque supposant la détention
d’un droit réel immobilier régulièrement inscrit aux livres fonciers, il ne fait pas de doute
qu’elle est difficillement envisageable sur des immeubles qui ne peuvent pas être
immatriculés.

Si l’on soustrait ainsi la majorité des immeubles constituant le domaine public du terrain
de l’hypothèque, il ne restera à cette sûreté réelle qu’une assiette étroite. Il s’avère, toutefois,
possible de procéder à l’élargissement de cette assiette en empruntant les brèches ouvertes par
l’Acte uniforme organisant les sûretés.

1498
Voir article 201 de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés, adopté le 15 décembre 2010,
préc.
1499
F. Zeitoun, Le droit immobilier au Sénégal, Dakar, CREDILA, L’Harmattan-Sénégal, 2015, p. 77.
1500
Ch.-A.-W. Ndiaye, Le droit sénégalais des contrats immobiliers, Dakar, CREDILA, L’Harmattan-Sénégal,
2017, p. 22.

Page 462
b) L’extension possible de l’assiette de l’hypothèque

La rédaction de l’article 192 de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés
laisse des ouvertures qui peuvent présager une inclusion des immeubles non immatriculés
dans l’assiette de l’hypothèque. Ledit article permet aux législations nationales des États
parties de déroger au régime de l’immatriculation.

La première ouverture procède de l’expression « sauf disposition contraire […] » de


l’alinéa 1 de l’article 192. En disposant ainsi sans autre précision, les rédacteurs de l’Acte
uniforme donnent « un caractère supplétif auquel peuvent librement déroger les droits
nationaux1501 ». Fort de ce constat, Pierre Croq et autres affirment que « des immeubles non
immatriculés pourront donc faire l’objet d’hypothèques, à la seule condition que cela soit
expressément prévu par les dispositions des lois nationales 1502 ». En clair, des législations
nationales peuvent déroger à l’exigence de l’immatriculation et autoriser la possibilité
d’hypothéquer un immeuble non immatriculé. Dans ce cas, l’exigence de l’immatriculation
pour la constitution d’hypothèques ne constituera plus un impératif. C’est la dérogation faite
par la loi nationale qui va servir de base à la constitution de l’hypothèque.

La dérogation possible de la législation nationale au régime de l’immatriculation posé


par l’Acte Uniforme révisé portant organisation des sûretés se vérifie davantage au niveau de
la seconde ouverture. Cette dernière tient à la forme de publicité des droits réels à
hypothéquer. En effet, l’Acte uniforme révisé permet de constituer une hypothèque sur des «
droits réels régulièrement inscrits selon les règles de l’État partie1503 ». Il ressort de cette
rédaction une exigence d’inscription du droit réel, sans aucun assujettissement des États
parties à une forme particulière de publicité immobilière. À ce titre, l’Acte uniforme révisé
laisse grande ouverte la possibilité pour les États d’organiser la publicité des droits réels qu’ils
auraient créés afin de permettre la constitution d’hypothèques sur eux1504.

Rien ne semble donc s’opposer à ce que les droits réels admis sur le domaine puissent
être greffés d’hypothèques. Il suffit pour le législateur de prévoir une forme de publicité autre
que l’immatriculation pour permettre leur apport en garantie hypothécaire. Au regard des

1501
P. Crocq et autres, Le nouvel Acte uniforme portant organisation des sûretés : La réforme du droit des
sûretés de l’OHADA, Editions Lamy, 2012, p. 282.
1502
Idem.
1503
Voir article 192. 2°) de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés, adopté le 15 décembre 2010,
préc
1504
P. Crocq et autres, Le nouvel Acte uniforme portant organisation des sûretés : La réforme du droit des
sûretés de l’OHADA, op.cit., p. 282.

Page 463
systèmes fonciers existant, le législateur sénégalais peut prévoir pour le domaine public le
système de publicité foncière.

En effet, au Sénégal, l’inscription d’un droit réel immobilier est régie par le système
du livre foncier. Ce système dit de l’immatriculation consiste à l’organisation de la propriété
foncière en assurant aux titulaires la garantie des droits réels qu’ils possèdent sur les
immeubles, et en leur délivrant un titre foncier définitif et inattaquable. Il permet de mettre à
la disposition du public toutes les informations relatives à la propriété immobilière, de
faciliter les transactions et d’assurer la sécurité du crédit 1505. En d’autres termes, l’inscription
d’un droit réel immobilier au registre foncier a un effet constitutif. Aussi bien dans les
rapports des parties à l’acte que dans leurs rapports avec les tiers, le droit n’existe tant qu’il
n’a pas été inscrit au registre foncier 1506 . Ainsi, le système du livre foncier « impose un
formalisme rigoureux et fonde l’existence d’un droit réel immobilier sur son rapport avec le
sol et son inscription au livre foncier1507 ».

Il n’y a pas de doute que les droits détenus sur des immeubles dépendant du domaine
public ne peuvent pas en grande partie suivre ce formalisme. D’ailleurs, la loi portant régime
de la propriété foncière dispose expressément que « sont seuls susceptibles d’immatriculation
sur les livres fonciers les fonds bâtis ou non bâtis dépendant du domaine national1508 ». Donc,
avec le système de l’immatriculation il n’est nullement possible d’inclure la grande masse des
immeubles non immatriculés du domaine public dans l’assiette de l’hypothèque.

À partir du moment où l’essentiel des immeubles constituant le domaine public ne


peut faire l’objet de réquisition d’immatriculation, il est loisible aux pouvoirs publics
sénégalais, conformément aux ouvertures préconisées par le droit OHADA, d’envisager le
système de publicité foncière pour les immeubles non immatriculés du domaine public. C’est
un système qui consacre le principe de l’enregistrement des actes, c'est-à-dire que, sauf
exception, l’inscription d’un droit au registre de la conservation des hypothèques a
simplement pour conséquence de permettre l’opposabilité du droit réel aux tiers ou du moins

1505
Voir Exposé des motifs de la loi n° 2011-07 du 30 mars 2011 portant régime de la propriété foncière, JORS
N° 6607 du 13 août 2011.
1506
C. Laroumet, Droit – Les biens – Droits réels principaux, tome 2, 5e éd., Paris, Economica, 2006, p. 22.
1507
Voir Rapport final revu après l’atelier de restitution sur la mission de relecture du projet de loi relatif à la
valorisation du patrimoine immobilier des collectivités publiques, réalisé par Me Mb. Diagne et Me I. Ndiaye
avec la collaboration du professeur M. Ndiaye Mbaye, à l’attention de l’Agence de gestion du patrimoine bâti de
l’État (AGPBE), janvier 2017, non publié, p. 9.
1508
Voir article 36 de la loi n° 2011-07 du 30 mars 2011 portant régime de la propriété foncière, JORS N° 6607
du 13 août 2011.

Page 464
à certains d’entre eux. Il ne permet en aucun cas de faire la preuve d’un droit1509. Il s’agit
donc d’un régime non constitutif d’un droit, mais simplement déclaratif. L’inscription aux
registres fonciers a simplement pour objet de changer le titulaire ou de modifier les conditions
d’existence d’un droit réel. Elle est juste requise à titre de preuve1510.

Ce système présente ainsi moins de difficultés que le système de l’immatriculation.


Aujourd’hui que le financement de la construction de grandes infrastructures d’intérêt public
sonne comme un impératif, l’État du Sénégal gagnerait à s’engouffrer dans ses brèches
ouvertes par le droit OHADA des sûretés et permettre la réalisation d’hypothèques sur le
domaine public. Cela est d’autant plus nécessaire que les pouvoirs publics ont déjà admis la
cosntitution de droits réels sur le domaine public pour attirer les investisseurs. Il reste tout
simplement à organiser un régime d’exception de publicité immobilière pour ces droits réels.
Le système de la publicité foncière se concilierait avec la nature des immeubles dépendant du
domaine public qui ne peuvent faire l’objet de réquisition d’immatriculation.

En attendant d’avoir ces dérogations, l’état actuel du droit positif montre que seule une
petite partie des immeubles faisant partie du domaine public peut être concernée par
l’hypothèque. Il se trouve que, même dans cette situation, l’hypothèque est impraticable.

B / L’impraticabilité de l’hypothèque sur le domaine public

La constitution d’une hypothèque sur le domaine public rencontrera beaucoup de


difficultés pratiques. Les textes qui l’ont préconisée n’ont pas tenu compte de la spécifité du
domaine public. Ils n’ont pas su juridiquement organiser cette hypothèque pour la rendre
compatible avec les contraintes de la domanialité publique.

Dans ce cadre, le régime domanial en vigueur la rend impraticable. Il y a non


seulement une absence d’articulation de l’hypothèque aux exigences du domaine public (1),
mais aussi une absence de garanties alternatives au profit des créanciers hypothécaires (2).

1509
C. Laroumet, Droit – Les biens – Droits réels principaux, op.cit., p. 22.
1510
Voir à propos des systèmes fonciers, Rapport sur la maîtrise du foncier en Afrique : enjeu de développement
socio-économique, Union Internationale du Notariat (UINL), Commission des affaires Africaines (CAAF), 26 ème
Congrès des notaires d’Afrique des 11-14 novembre 2014, Editions GRADES, 2016, pp. 49-66.

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1. L’inexistence d’articulation de l’hypothèque à la domanialité
publique

L’hypothèque, telle qu’elle est conçue en droit civil, est impraticable sur le domaine
public. Il faudrait, dès lors qu’elle admise sur ledit domaine, songer à adapter ses
caractéristiques de droit civil aux contraintes de la domanialité publique (a). Il reste que,
même avec ses aménagements, elle s’oppose fondamentalement au titre juridique qui sert de
support aux équipements qui peuvent être apportés en garantie (b).

a) L’aménagement possible des caractères de l’hypothèque au domaine


public

Les textes ayant admis l’hypothèque sur le domaine public n’ont pas exhaustifs sur la
faisabilité de cette sûreté. En adoptant une démarche comparative, on se rend compte de la
possibilité d’adapter l’hypothèque à la réalité domaniale. Dans des pays comme la France et
l’Algérie, les législateurs ont réussi à la faire perdre ses caractéristiques de droit civil tant par
sa durée, son objet que par sa réalisation.

D’abord, pour adapter la durée de l’hypothèque aux principes domaniaux, une


dissociation doit être opérée entre sa fin et l’extinction de la créance. Il faudra aligner la fin de
l’hypothèque à celle de la durée du titre d’occupation. Ainsi, la durée d’une hypothèque
portant sur un immeuble domanial ne serait pas liée à l’extinction de la créance garantie, mais
plutôt à l’expiration de l’autorisation d’occuper. C’est cette solution que les législations
domaniales française et algérienne ont retenu1511. Philippe Godfrin et Michel Dégoffe notent,
à ce propos, que la durée de l’hypothèque est fonction de celle du titre d’occupation. Elle
s’éteint nécessairement, au plus tard, à l’expiration du titre, quelles qu’en soient les
circonstances et les motifs1512.

Il s’agit là d’une solution qui empêche l’hypothèque de subister à la fin de


l’autorisation d’occupation, même si la dette n’est pas intégralement remboursée. Ainsi, dans
le cas où l’autorisation d’occuper est révoquée par le maître du domaine, l’hypothèque
1511
Voir article L.2122-8 de l’ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 relative à la partie législative du code
général de la propriété des personnes publiques, JORF du 22 avril 2006, [en ligne], disponible sur :
www.legifrance.gouv.fr, consulté le 16 juin 2017 ; article 69 quinquies, alinéa 3 de la loi n° 08-14 du 17 Rajab
1429 correspondant au 20 juillet 2008 modifiant et complétant la loi n° 90-30 du 1er décembre 1990 portant loi
domaniale, JORA N° 44 du 3 août 2008, disponible sur : http://www.joradp.dz/JO2000/2008/044/FP9.pdf,
consulté le 16 juin 2017 .
1512
Ph. Godfrin et M. Degoffe, Droit administratif des biens, 8e éd., Paris, Sirey, 2007, p. 177.

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s’éteint en même temps. Il faudrait, dans ce cas, si la créance n’est pas intégralement payée
accorder des garanties alternatives au créancier.

Ensuite, l’objet de l’hypothèque doit être circonscrit, comme le prescrit le législateur


algérien et celui français, à la seule garantie des emprunts contractés par l’occupant domanial
en vue de financer la réalisation, la modification ou l’extension des ouvrages, constructions et
installations de nature immobilière situés sur la dépendance domaniale occupée. 1513. Ainsi, le
droit réel ne pourra pas servir à garantir n’importe quel emprunt, mais uniquement les
emprunts contractés par le titulaire de l’autorisation pour le financement des équipements à
réaliser sur la dépendance domaniale occupée1514. En effet, les droits réels étant reconnus à
l’occupant privatif du domaine public pour pouvoir financer les investissements à réaliser, il
est logique qu’ils ne puissent servir de garantie qu’à ses investissements. Ces pouvoirs
doivent être circonscrits pour éviter qu’il s’en serve pour coinsentir des hypothèques
successives sans rapport avec les investissements domaniaux. Dès lors, les immeubles
domaniaux sont soustraits des mesures conservatoires ou d’exécution forcée d’autres
créanciers hypothécaires que l’organisme prêteur dont la créance est née de l’exécution des
équipements sur le domaine public. Celui-ci échappe alors à la concurrence éventuelle de
ceux-là.

Enfin, la réalisation de l’hypothèque doit être subordonnée à l’agrément de l’autorité


domaniale compétente1515. En effet, la constitution de l’hypothèque suppose la cession du titre
du droit réel. Cette cession ne doit alors être effective que lorsque le maître du domaine donne
son accord. Ainsi, l’occupant privatif ne pourra librement donner en garantie hypothécaire les
équipements immobiliers qu’il réalise sur le domaine public. La constitution de celle-ci sera
toujours fonction du pouvoir d’appréciation dont dispose l’autorité domaniale pour accorder
ou refuser l’agrément1516.

1513
Voir article 69 quinquies, alinéa 1 de la loi n° 08-14 du 17 Rajab 1429 correspondant au 20 juillet 2008
modifiant et complétant la loi n° 90-30 du 1er décembre 1990 portant loi domaniale, JO préc. ; article L.2122-8
de l’ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 relative à la partie législative du code général de la propriété des
personnes publiques, JO préc.
1514
J. Morand-Deviller, Droit administratif des biens, 7e éd., Paris, Montchrestien, 2012, p. 235 ; Ph. Godfrin et
M. Degoffe, Droit administratif des biens, op.cit., p. 177.
1515
Voir article 69 quater, alinéa 1 de la loi n° 08-14 du 17 Rajab 1429 correspondant au 20 juillet 2008
modifiant et complétant la loi n° 90-30 du 1er décembre 1990 portant loi domaniale, JO préc. ; article L.2122-7
de l’ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 relative à la partie législative du Code Général de la Propriété des
Personnes Publiques, JO préc.
1516
Ph. Godfrin et M. Degoffe, Droit administratif des biens, op.cit., p. 178.

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L’hypothèque qui peut être envisagée sur le domaine public serait ainsi entourée d’un
certain nombre de précautions qui sont propres à assurer la continuité du service public et à
maintenir les principes de l’inaliénabilité du domaine et de la précarité de l’occupation
privative. Elle n’altère en rien les exigences d’intérêt général du domaine public. On aura
réussi à maintenir le pouvoir de contrôle de l’autorité domaniale sur le titre d’occuper, donc
un affaiblissement des facilités que l’hypothèque offre au débiteur et au créancier, et à
préserver les garanties contractuelles de l’hypothèque, donc un infléchissement de
l’orthodoxie domaniale.

Même si on arrive à aménager les caractères de droit civil de l’hypothèque de sorte à


l’adapter au domaine public, cette sûreté réelle ne pourrait malgré tout être réalisée sur ledit
domaine si l’on n’aménage point les principales caractéristiques des occupations privatives.
Les caractères précaire, révocable et personnel des autorisations domaniales sont
pratiquement inconciables avec une garntie hypothécaire

b) L’opposition de l’hypothèque à l’autorisation domaniale

L’opposition entre l’hypothèque et réside dans le fondement juridique des


constructions édifiées sur les dépendances domaniales, à savoir l’autorisation domaniale.
Cette dernière ne se concilie pas avec les garanties contractuelles de l’hypothèque.

Cela tient au fait que les droits réels admis sur le domaine public ne bénéficient pas du
même rayonnement que les droits réels civils. En effet, pour l’école civiliste le droit réel
bénéficie d’une opposabilité erga omnes, il est un droit absolu, opposable à tout le monde et
chacun est tenu de s’abstenir de tout acte qui pourrait en entraver l’exercice1517. En revanche,
les droits réels reconnus sur les constructions ne bénéficient pas de cette opposabilité absolue.
Ils sont limités dans leur portée.

Cette limitation réside dans le fait qu’il s’agit de droits réels qui reposent sur une
autorisation non constitutive de droit réel. Ils sont, à ce titre fonction, du sort de ce titre
juridique, qui est précaire et personnel. Ainsi, les textes qui ont institué ces droits réels
retiennent que l’autorité en charge de la gestion du domaine public peut, à tout moment et

H. Capitant, Introduction à l’étude du droit civil, 5e éd., A. Pedone, 1929, p. 114, cité par A. Camus, Le
1517

pouvoir de gestion du domaine public, Thèse, Université Paris Ouest Nanterre La Défense, 2013, p. 492 ; J.
Ghestin, Traité de droit civil, Paris, L.G.D.J., 1994, p. 174.

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pour motif d’intérêt général, mettre fin à l’autorisation d’occuper1518. De même, la cession de
l’autorisation d’occuper est assujettie à l’autorisation préalable de l’autorité domaniale1519.

Ces pouvoirs reconnus au maître du domaine révèlent que le droit réel n’est pas
opposable à l’administration. Ainsi, la « précarité congénitale [de l’autorisation] ne permet
pas de tenir [le droit d’occuper] pour un droit réel, au moins au sens où l’entend le droit
civil1520 ». Il ne s’agit pas de véritable droit réel car, selon Jean-François Denoyer, « on ne
peut parler de droit réel que lorsqu’il y a une certaine stabilité, une certaine permanence de
l’occupant, étant observé cependant que si ce droit est en général opposable aux tiers, il
demeure plus ou moins précaire et révocable vis-à-vis de l’administration et est limité par
l’affectation 1521 ». Or, dans le cas des droits réels sur le domaine public, il manque non
seulement l’opposabilité à l’administration, mais encore le rapport direct avec le bien sans
intermédiaire1522.

Reposant sur un titre juridique accordé à titre personnel, précaire et révocable à tout
moment, les équipements sur lesquels l’occupant exerce les attributs de la propriété seront
soumis au régime de précarité, de révocabilité et de caractère personnel du titre sur laquelle
elles ont leur assise1523. Il faut donc se rendre à l’évidence que ce droit réel, inopposable à
l’administration, est instable et donc très éloigné de la notion de droit réel1524. C’est pourquoi
Yves Gaudemet le considère comme un droit qui « est tributaire des prérogatives que le droit
du domaine public reconnait au propriétaire domanial […] ce droit de propriété est amputé

1518
Voir article premier, alinéa 3 de la loi n° 92-63 du 22 décembre 1992 modifiant l’article 3 de la loi du 18
août 1987 autorisant la création de la Société Nationale du Port Autonome de Dakar, JORS N° 5505 du 30
janvier 1993 ; article 35, alinéa 3 de la loi n° 2014-09 du 20 février 2014 relative aux contrats de partenariat,
JORS N° 6781 du 25 mars 2014.
1519
Voir article 7, alinéa 3 de la loi n° 92-63 du 22 décembre 1992 modifiant l’article 3 de la loi du 18 août 1987
autorisant la création de la Société Nationale du Port Autonome de Dakar, JO préc. ; article 34, alinéa 1 de la loi
n° 2014-09 du 20 février 2014 relative aux contrats de partenariat, JO préc.
1520
J.-P. Lebreton, « Le financement des investissements dur le domaine public », Le Moniteur/mars 1978, Hors
série, p. 27.
1521
J.-F. Denoyer, L’exploitation du domaine public, Paris, LGDJ, 1969, p. 105.
1522
M. Rufin, Rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement d’administration générale sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale,
complétant le Code du domaine de l’Etat et relatif à la constitution de droits réels sur le domaine public, Sénat,
seconde session ordinaire de 1993-1994, op.cit., pp. 10-11.
1523
C. Mamontoff, Domaine public et entreprises privées : la domanialité publique mise en péril par le marché,
op.cit., p. 66.
1524
L. Trotabas, De l’utilisation du domaine public, Thèse, Paris, 1924, p. 90, cité par C. Mamontoff, Domaine
public et entreprises privées : la domanialité publique mise en péril par le marché, op.cit., p. 68.

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de beaucoup, sinon de l’essentiel puisqu’entièrement conditionné par une autorisation
administrative1525 ».

Au regard de ces caractéristiques de l’autorisation domaniale qui sert d’assise aux


droits réels sur les constructions, l’hypothèque consentie sur ces constructions demeurera
frappée d’incertitude. Le principe de précarité rend inefficace toute garantie placée sur les
ouvrages réalisés sur le domaine public. En effet, à supposer qu’une hypothèque soit placée
sur ces constructions, elle sera frappée de la même condition résolutoire que le titre
d’occupation ; elle ne survivra pas au terme normal ou anticipé de celui-ci. Ainsi,
l’hypothèque demeure menacée par le pouvoir qu’a l’administration de révoquer
l’autorisation, suspendu comme une épée de Damoclès1526.

Le principe de précarité fait planer sur les équipements une instabilité permanente. Il
paralyse toute possibilité de garantie à placer sur les ouvrages réalisés sur le domaine public.
En effet, aucune institution de crédit ne prendra le risque d’accepter en hypothèque un « droit
réel immobilier précaire ». Car, en cas de cessation de l’autorisation, les installations réalisées
sont, soit enlevées et les lieux remis en leur état primitif, soit remises à titre gratuit à l’autorité
domaniale. Dans l’une ou l’autre hypothèse, le créancier hypothécaire se trouve dépouillé de
tout droit.

S’agissant de l’hypothèse où l’immeuble hypothéqué est à enlever, à démolir, il pèse


sur l’occupant privatif une obligation de remise du domaine dans l’état où il l’avait trouvé
avant la construction des ouvrages. Cela emporte une démolition entière de toutes les
constructions. Dans ce cas, l’hypothèque placée sur ces ouvrages va disparaitre puisqu’elle
n’aura plus d’objet. Ainsi, en cas d’insolvabilité du débiteur, « le prêteur se trouve réduit à la
situation du créancier chirographaire, ne bénéficiant plus d’aucun privilège pour se faire
rembourser1527 ».

En ce qui concerne l’hypothèse où l’immeuble est à remettre à titre gratuit à l’autorité


domaniale, la théorie de l’accessoire fera que le bien tombe dans le domaine public. Dans ce
cas, les immeubles sur lesquels porte l’hypothèque seront soumis aux règles de la domanialité

1525
Y. Gaudemet, « Les constructions en volume sur le domaine public », C.J.E.G., 1991, p. 297.
1526
J.-P. Lebreton, « Le financement des investissements sur le domaine public », op.cit., p. 27.
1527
J.-P. Brouant, Le régime domanial à l’épreuve de la valorisation économique, Thèse, Université Paris 1 –
Panthéon Sorbonne, 1995, tome 1, p. 270.

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publique. Ils deviendront des biens inaliénables auquel cas le créancier hypothécaire ne pourra
plus en revendiquer la propriété. Il perdra alors sa garantie.

Il apparaît ainsi que la garantie accordée sur des immeubles reposant sur une
autorisation non constitutive de droit réels « est entachée de précarité et n’offre au créancier
hypothécaire qu’une piètre garantie de remboursement1528 ». L’hypothèque consentie sur ces
constructions est donc privée de toute efficacité pour les organismes de crédit. Elle sera alors
difficile à accepter.

En outre, le caractère personnel de l’autorisation limite l’effectivité de l’hypothèque.


En effet, comme le souligne Yves Gaudemet, « l’hypothèque comprend, pour le créancier
titulaire de cette sûreté, la possibilité de faire vendre l’immeuble en quelques mains qu’il se
trouve, pour se payer par préférence sur le prix de cette cession 1529 ». Ainsi, la garantie
hypothécaire d’un bien du domaine public suppose qu’en cas de défaillance de l’occupant
débiteur, le créancier procède non seulement à la saisie du bien hypothéqué en quelque main
qu’il se trouve, mais aussi à sa vente forcée en se payant sur le prix de l’immeuble, par
préférence aux autres créanciers 1530 . Elle implique donc un mécanisme de cession forcée,
imposée au propriétaire qui n’a pas acquitté sa dette. Cela rend indéniablement incompatibe
l’hypothèque avec le principe d’inaliénabilité du domaine public. Cette règle qui interdit à la
personne publique étatique de vendre les biens de son domaine public s’oppose également à
ce qu’il y soit contraint 1531. C’est également tout le sens du principe d’insaisissabilité des
biens du domaine public qui empêche l’utilisation des voies d’exécution de droit privé contre
ces biens1532.

En sus, le caractère personnel de l’autorisation d’occuper vide la vente de tout son


sens. Celle-ci n’a d’utilité que lorsque l’acquéreur des installations peut en profiter, c'est-à-
dire occuper à son tour le domaine public à la place du débiteur insolvable 1533. Ce qui est une
probabilité puisque l’acheteur n’en dispose d’aucun droit ; l’occupant débiteur insolvable ne
peut pas lui céder son titre d’occuper. Ce dernier étant personnel, toute nouvelle occupation
du domaine public est soumise à l’obtention d’une autorisation délivrée par le maître du

1528
Ibidem.
1529
Y. Gaudemet, « Hypothèque et domaines des personnes publiques », Dalloz AffaireS N° 2/1996, Article, p.
33.
1530
J.-P. Lebreton, « Le financement des investissements sur le domaine public », op.cit., p. 27.
1531
Voir à ce propos Y. Gaudemet, « Hypothèque et domaines des personnes publiques », op.cit., p. 33.
1532
Voir supra, p. 77 et s.
1533
J.-P. Lebreton, « Le financement des investissements sur le domaine public », op.cit., p. 27.

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domaine. Or, rien n’oblige celui-ci à l’accorder à l’acquéreur. L’occupation des lieux reste
alors suspendue au bon vouloir de l’autorité domaniale qui dispose d’un pouvoir
discrétionnaire pour accorder ou refuser l’autorisation. Ainsi, la vente d’un gage consenti sur
des immeubles établis sur le domaine public reste pleine d’incertitude pour l’acheteur. Une
situation qui ne facilite pas la tâche au créancier hypothécaire à trouver un acquéreur. En
conséquence, le caractère personnel du titre qui s’oppose à toute cession du droit d’occupation
fait que les ouvrages édifiés sur le domaine public ne peuvent constituer de réelles garanties
pour les prêteurs.

Les conséquences qui s’attachent à ce régime, aussi bien pendant la durée de


l’autorisation qu’à la fin de celle-ci, font que la reconnaissance de droits réels sur les
équipements n’offre nécessairement pas la stabilité que requièrent des investissements à long
terme. Le droit réel de l’occupant sur les constructions reste un droit des plus précaires, très
différent de l’opposabilité des droits réels immobiliers civils1534. Il s’agit d’un droit instable
au point que Catherine Mamontoff le considérer comme une « propriété parfaitement
illusoire1535 ». Il s’en suit que le fondement juridique du droit réel sur les constructions vide
ce droit de son intérêt, c'est-à-dire « l’opposabilité absolue, qui […] implique permanence et
stabilité […] 1536 ». Dès lors, la situation juridique de l’occupant privatif demeure dans
l’ensemble peu propice au développement des infrastructures sur les dépendances domaniales.
Elle n’est pas de nature à servir de garantie à des prêts hypothécaires.

Le risque permanent qui pèse sur l’hypothèque consentie sur des constructions
reposant sur un titre juridique précaire pouvait être pallié par la mise en place de garanties
alternatives au profit du créancier hypothéciare en cas de fin anticpiée de l’autorisation. Mais,
là encore, le législateur a fait preuve d’un mutisme totale ; les textes consacrant les droits réels
sur les constructions n’ont pas envisagé ces garanties.

2. L’absence de garanties alternatives au profit du créancier


hypothécaire

Il ne ressort pas dans la législation domaniale des mesures visant à atténuer les effets
du pouvoir qu’a l’autorité domaniale de résilier à tout moment le titre d’occuper vis-à-vis des
1534
E. Fatôme et Ph. Terneyre, « Bail emphytéotique, domanialité publique et financement privé d’un ouvrage
public », C.J.E.G, novembre 1994, p. 583.
1535
C. Mamontoff, Domaine public et entreprises privées : la domanialité publique mise en péril par le marché,
op.cit., p. 66.
1536
P. Kobo-Claver, Droit administratif des biens, Edition 2010, Les éditions ABC, Abidjan, 2010, p. 76.

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établissements prêteurs. Ce pouvoir qui fait peser un risque permanent sur l’hypothèque n’est
pas assorti de garanties alternatives au bénéfice du créancier hypothécaire. Lorsque l’autorité
domaniale procède à la révocation de l’autorisation d’occupation pour motif d’intérêt général
ou pour inexécution par l’occupant privatif de ses obligations, le créancier hypothécaire ne
bénéficie ni d’un doit de suite sur l’indemnité d’éviction (a) ni d’un droit personnel de
substitution (b).

a) L’inexistence d’un droit de suite sur l’indemnité d’éviction

Le droit de suite sur l’indemnité d’éviction de l’occupant privatif constitue un


mécanisme qui permet aux créanciers hypothécaires de ne pas perdre leurs garanties en cas de
rupture anticipée du titre d’occuper pour motif d’intérêt général. En effet, il est retenu dans le
cadre des textes reconnaissant des droits réels sur les constructions pendant la durée de
l’autorisation que l’éviction anticipée du titre pour des motifs autres que l’inexécution des
obligations contractuelles donne droit à une indemnité à l’occupant évincé. L’existence de
cette indemnité d’éviction devait être accompagnée par la reconnaissance d’un privilège au
profit des créanciers hypothécaires sur cette dernière. Cela consiste à reporter les garanties des
créanciers sur cette indemnité en cas de révocation de l’autorisation d’occupation. À ce titre,
les créanciers hypothécaires disposent, « dans l’ordre d’inscription de leur créance, le droit
de se payer par préférence sur l’indemnité d’éviction1537 ».

Ce mécanisme de subrogation qui consiste à conforter le droit des créanciers


hypothécaires n’a pas été retenu par les textes ayant consacré les droits réels sur les
constructions au profit des occupants qui les ont édifiées. Dans le cas où ces derniers ont
recourt à des crédits hypothécaires, rien n’indique dans les textes que leurs créanciers ont un
droit de suite sur l’indemnité qui leur est due lorsque l’administration procède à la révocation
du titre d’occupation. Cela constitue un manquement qui rend sans intérêt le recours à des
crédits hypothécaires. Le pouvoir qu’a l’autorité domaniale de mettre fin à tout moment
l’autrisation domaniale n’est comblé par aucune garantie au profit des créanciers
hypothécaires. Ces derniers sont totalement désarmés face au risque permanent qui pèse sur
l’hypothèque.

Le législateur a, certes, cherché à attirer les investisseurs privés sur le domaine public
en mettant en place des procédures d’indemnisation à leur profit en cas de révocation du titre

1537
J.-P. Brouant, Le régime domanial à l’épreuve de la valorisation économique, op.cit., p. 335.

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juridique d’occupation, mais il n’est allé jusqu’au bout de la logique. Pour rendre le domaine
public plus attractif à l’investissement privé, il fallait également songer à sécuriser les
établissements de crédits qui financent dans une très large mesure les investisements des
opérateurs privés. Sur ce point la législation domaniale est en retrait de la garantie des sûretés
réelles qui peuvent être consenties sur les ouvrages édifiés sur le domaine public. Elle ne
reconnaît pas un droit de suite sur l’indemnité d’éviction attribuée à l’occupant privatif.

Le droit domanial sénégalais s’avère ainsi moins attractif à l’investissement privé que
les droits domaniaux algérien et français. En effet, dans ces pays, le législateur consacre
expressément que « les droits des créanciers régulièrement inscrits à la date du retrait
anticipé sont reportés sur cette indemnité1538 ». Il donne au créancier hypothécaire un droit de
suite sur l’indemnité d’éviction de l’occupant privatif. Ainsi, l’hypothèque qui ne survit pas la
fin du titre d’occupation reste assortie d’une garantie alternative au profit du créancier. Dans
ces pays, le créancier hypothécaire ne se retrouve plus dépouiller de tout droit en cas de
révocation de l’autorisation d’occupation. Il a le droit de se payer sur l’indemnité à octroyer à
l’occupant privatif débiteur dont l’autorisation est retirée pour motif d’intérêt général.

Le droit de suite sur l’indemnité d’éviction permet d’éteindre la créance et apporte


ainsi une solution heureuse à la rupture prématurée du titre d’occuper. Il est, de ce fait,
considéré par Jean-Pierre Lebreton, comme un mécanisme qui est de nature à susciter la
confiance des établissements financiers prêteurs et finalement à permettre une meilleure
utilisation du domaine public 1539 . Il s’agit donc d’une garantie alternative qui concilie le
mécanisme de l’hypothèque avec le régime domanial.

La législation domaniale sénégalaise gagnerait à être complète dans le cadre de la


consécration des droits réels sur les constructions. Certes, le droit à indemnité en cas de
révocation du titre constitue une garantie juridique au profit des titulaires de droits réels.
Mais, il reste à accorder un droit de suite sur cette indemnité d’éviction au créancier
hypothécaire pour conforter leurs droits. C’est cela qui permettra de protéger à la fois
l’occupant privatif et éventuellement les créanciers hypothécaires face au pouvoir qu’a
l’autorité domaniale de résilier à tout moment l’autorisation domaniale.

1538
Voir article 69 sexies, alinéa 4 de la loi n° 08-14 du 17 Rajab 1429 correspondant au 20 juillet 2008
modifiant et complétant la loi n° 90-30 du 1er décembre 1990 portant loi domaniale, JO préc. ; article L. 2122-9
de l’ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 relative à la partie législative du code général de la propriété des
personnes publiques, JO préc.
1539
J.-P. Lebreton, « Le financement des investissements sur le domaine public », op.cit., p. 28.

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La révocation du titre d’occupation privative du domaine public peut également
découler d’une inexécution par l’occupant privatif des ses obligations. Dans l’hypothèse où
cet occupant a consenti une hypothèque sur les constructions qu’il a édifiées sur le domaine
public, le créancier hypothécaire mérite également d’être protégé d’autant plus qu’ici la
résiliation ne donne pas droit à indemnité. Une garantie alternative est envisagée à son son
profit, à savoir le droit personnel de substitution. Ce privilège accordé au créancier
hypothécaire n’a pas été également retenu par les textes qui reconnaissent aux occupants
privatifs des droits réels sur les équipements construits sur le domaine public.

b) L’absence d’un droit personnel de substitution

Le droit personnel de substitution constitue un mécanisme qui permet aux créanciers


hypothécaires de proposer à l’autorité domaniale la substitution d’un tiers à l’occupant
privatif dont le titre doit être résilié pour inexécution des clauses et conditions de
l’autorisation. Il s’agit d’une garantie qui vise à préserver les intérêts du créancier
hypothécaire lorsque le débiteur ne respecte pas ses obligations d’occupant privatif du
domaine public.

La violation des obligations par l’occupant domanial est un motif de révocation du


titre d’occupation 1540 . Lorsque cela se produit, les installations qui auront été édifiées par
l’opérateur privé sur le domaine public devront être enlevées et les dépendances occupées
remises en leur état primitif ou maintenues sur place et, en conséquence, deviendront des
dépendances du domaine public.

Au regard de ces effets de la révocation de l’autorisation domaniale pour


manquements aux conditions retenues dans le titre, les hypothèques consenties sur ces
installations se trouvent également menacées. En effet, lorsqu’un opérateur privé qui a placé
en hypothèques les ouvrages qu’il a édifiés sur le domaine public et manque à ses obligations
domaniales, le sort des ouvrages hypothéqués à la suite de la révocation rend l’hypothèque
sans objet. Ainsi, le créancier hypothécaire se trouve totalement dépouillé de toute possibilité
de se faire rembourser.

1540
Voir article premier, alinéa 4 de la loi n° 92-63 du 22 décembre 1992 modifiant l’article 3 de la loi du 18
août 1987 autorisant la création du Port Autonome de Dakar, JO préc. ; article 35, alinéa 1 de la loi n° 2014-09
du 20 février 2014 relative aux contrats de partenariat, JO préc.

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D’une part, la rupture anticipée de l’autorisation domaniale pour violation de ses
obligations par l’occupant privatif ne lui ouvre droit à aucune indemnité du fait de son
éviction1541. Dès lors, il n’y a aucune possibilité pour ses créanciers de se reporter sur une
indemnité quelconque pour effacer la dette. Le droit de suite sur l’indemnité d’éviction n’est
pas envisageable dans cette hypothèse de révocation du titre d’occupation. D’autre part, le
sort des immeubles sur lesquels porte l’hypothèque anéantit tout pouvoir de mettre en œuvre
par le crénacier hypothécaire. Ce dernier ne pourrait pas, dans l’hypothèse où les ouvrages
devront être maintenus sur le domaine public, procéder à leur saisie. Le principe
d’insaisissabilité du domaine public s’oppose à l’exercice par le créancier de son pouvoir de
saisir l’immeuble hypothéqué et de procéder à sa vente.

Ces conséquences de la rupture anticipée du titre d’occupation pour inexécution des


clauses et conditions de l’autorisation par l’opérateur privé font perdre aux créanciers
hypothécaires toute garantie de remboursement à partir des immeubles hypothéqués. Ainsi,
par la faute de leur débiteur, ils perdent à jamais toute possibilité de réaliser leur sûreté 1542. La
mise en œuvre du pouvoir de révocation de l’autorisation d’occupation privative constitue
alors un blocage majeur à la constitution d’hypothèques sur le domaine public.

Mais, ce blocage semble ne pas être insurmontable. Une solution palliative à la rupture
anticipée de l’autorisation pour faute de l’occupant privatif existe dans l’organisation d’une
procédure de substitution de l’occupant défaillant. Elle est prévue en droit domanial français
et algérien. Il est expressément retenu dans les législations domaniales de ces pays que « deux
mois (02) au moins avant la notification d'un retrait pour inexécution des clauses et
conditions de l'autorisation, les créanciers régulièrement inscrits sont informés des intentions
de l'autorité compétente à toutes fins utiles, et notamment pour être mis en mesure de
proposer la substitution d'un tiers au permissionnaire défaillant ou de s'y substituer eux-
mêmes 1543 ». Cette diposition organise une véritable garantie alternative au profit des
créanciers hypothécaires lorsque leurs débiteurs sont fautifs d’une violation des conditions de
leurs autorisations domaniales devant entraîner la mise en œuvre du pouvoir de révocation de
l’autorité domaniale. Elle les reconnaît un droit personnel de substitution.

1541
F. Llorens et P. Soler-Couteaux, « Les occupations privatives du domaine public : un espoir déçu », RFDA,
septembre-octobre 2006, p. 942.
1542
J.-P. Brouant, Le régime domanial à l’épreuve de la valorisation économique, op.cit., p. 336.
1543
Voir article 69 sexies, alinéa 5 de la loi n° 08-14 du 17 Rajab 1429 correspondant au 20 juillet 2008
modifiant et complétant la loi n° 90-30 du 1er décembre 1990 portant loi domaniale, JO préc. ; article L.2122-9
de l’ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 relative à la partie législative du code général de la propriété des
personnes publiques, JO préc.

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Ainsi, les créanciers hypothécaires régulièrement inscrits ont le droit d’être informés
par l’autorité domaniale de son intention de retirer l’autorisation au moins deux (02) mois
avant la notification à l’occupant. Cela permet aux créanciers d’être au courant de la
défaillance de leurs débiteurs et de pouvoir proposer à l’autorité domaniale la substitution
d’un tiers au titulaire de l’autorisation défaillant avant qu’elle ne prenne la décision de
révocation. Il s’agit donc d’un délai dont la finalité est d’assurer une substitution éventuelle de
l’occupant défaillant dans les meilleures conditions. En effet, une fois informés, les créanciers
hypothécaires ont la lattitude de trouver, dans le délai de deux (02) mois, un candidat
remplissant les capacités techniques et financières à agréer par le maître du domaine. Car, il
faut le souligner, la substitution de l’occupant défaillant n’est qu’une simple proprosition :
l’autorité domaniale n’est tenue du choix du créancier que lorsque le candidat préconisé
remplit les qualités requises.

L’objectif recherché est d’éviter la mise en œuvre du pouvoir de révocation et de


procéder à la cession de l’autorisation d’occupation privative du titulaire défaillant au
candidat de choix des créanciers remplissants les qualités requises. Ainsi, faute d’indemnité
sur laquelle ils peuvent se rabattre, les créanciers ont la possibilité de proposer à l’autorité
domaniale un tiers chargé de se substituer à l’occupant privatif défaillant.

Cette solution protectrice des intérêts des établissements de crédits n’apparaît pas
encore dans la législation domaniale sénégalaise, surtout au niveau des textes qui
reconnaissent à l’occupant privatif des droits réels sur les constructions. Ainsi, dans le cas où
un opérateur portuaire ou un titulaire d’un contrat de partenariat consent des hypothèques sur
ses installations et viole l’une quelconque des obligations de son autorisation, ses créanciers
n’auront aucune garantie pour se faire rembourser. Une telle situation ne rend pas possible et
acceptable le financement par crédit hypothécaire d’investissements sur le domaine public. Il
faudrait alors songer à protéger les créanciers hypothécaires de la situation fautive de leurs
débiteurs. Il suffit juste de s’inspirer de cette solution palliative qui n’affecte en rien le
pouvoir qu’a l’autorité domaniale de sanctionner un occupant privatif qui manque à ses
obligations domaniales.

Mis à part la difficulté à constituer une hypothèque sur les équipements à édifier sur le
domaine public, le développement des investissements sur le domaine public reste également
limité par l’impossibilité pour les occupants privatifs de recourir au crédit-bail immobilier.

Page 477
Paragraphe 2 : L’impossible recours au crédit-bail immobilier

Le crédit-bail immobilier constitue une technique de financement d’équipements


immobiliers. Il est défini comme une « opération par laquelle une entreprise finance, pour
son compte, l’achat et/ou la construction de biens immobiliers à usage professionnel afin de
les donner en location à des personnes à la demande desquelles elle a agi et qui pourront en
devenir propriétaire de tout ou partie, au plus tard à l’expiration du bail1544 ».

Au regard de cette définition, le crédit-bail immobilier ne peut pas servir de


financement à des équipements sur le domaine public. Il s’oppose manifestement au principe
d’inaliénabilité dudit domaine (A). Dans les hypothèses où des droits réels sont reconnus aux
occupants privatifs sur leurs constructions pendant la durée de l’autorisation, le recours au
crédit-bail s’avère également incompatible avec les traits caractéristiques du titre
d’occupation (B).

A / L’opposition manifeste entre crédit-bail immobilier et principe


d’inaliénabilité

Sur la base de la définition légale précitée, le crédit-bail immobilier constitue un «


arrangement contractuel qui permet à une partie (le crédit-preneur) d’utiliser un actif
appartenant à une autre personne (le crédit-bailleur) moyennant le paiement périodique
d’une somme convenue, avec une possibilité d’achat du bien1545 ». Autrement dit, il s’agit
d’un contrat à durée déterminée entre un bailleur et un preneur, comportant une option d’achat
de l’équipement en fin de contrat. Le bailleur (apporteur des capitaux) prend la responsabilité
du financement de l’ouvrage dont il est propriétaire, et qu’il loue à une société ou organisme
(preneur) chargé de son exploitation1546.

Manifestement, il y a une opposition entre le crédit-baillleur immobilier et la règle de


l’inaliénabilité du domaine public. Le premier donne lieu à un droit de propriété (1) alors que
le second empêche l’acquisition d’un titre de propriété sur les dépendances domaniales (2).

1544
Voir article 8-2) de la loi n° 2008-26 du 28 juillet 2008 portant règlement bancaire, abrogeant et remplaçant
la loi bancaire n° 90-06 du 26 juin 1990, JORS N° 6437 du 8 novembre 2008.
1545
Ch.-A.-W. Ndiaye, Le développement du crédit-bail au Sénégal, Thèse, UCAD, Dakar, 2013, p. 1.
1546
J.-P. Brouant, Le régime domanial à l’épreuve de la valorisation économique, Thèse, Université de Paris 1-
Panthéon Sorbonne, 1995, tome 1, p. 339.

Page 478
1. L’appropriation de l’immeuble, objet du crédit-bail par le bailleur

Le crédit-bail immobilier est considéré comme un moyen de financement


d’investissements immobiliers qui permet à l’utilisateur du bien d’autrui d’en devenir
propriétaire sans avoir au préalable à décaisser de l’argent.

Ce moyen de financement s’avère à ce titre avantageux à la fois pour le preneur et pour le


bailleur. En effet, le locataire bénéficie d’un financement à 100% de l’immeuble, sans faire
apparaître d’endettement1547. Il accède facilement à un fonds de commerce et à la propriété
immobilière sans pour autant même avoir beaucoup de moyens 1548 . Quant au bailleur, il
dispose d’une solide garantie étant donné qu’il est propriétaire du bien pendant la durée du
contrat et jusqu’à la levée de l’option d’achat. Il dispose ainsi d’une très grande sécurité
puisque tant que l’utilisateur de l’immeuble n’aura pas exécuté toutes ses obligations envers
lui, l’établissement de crédit reste propriétaire du bien.

Mais, quoique bénéfique, le crédit-bail immobilier ne peut être appliqué aux dépendances
du domaine public. En effet, ce mode de financement repose sur un impératif qui ne peut pas
prévaloir sur le domaine public. La loi bancaire considère que l’immeuble, objet du crédit-
bail, doit avoir été acheté pour l’opération1549. Cela suppose que l’établissement de crédit, le
bailleur est le propriétaire du bien financé pendant la durée du contrat. C’est ce qui est
formellement consacré par la loi sur le crédit-bail qui retient que « le crédit-bailleur a le droit
de propriété sur le bien loué1550 ». Avec cet objet, le crédit-bail s’identifie comme un moyen
d’acquérir la propriété 1551 en ce sens que le preneur pourra à la fin du contrat acheter
l’immeuble, objet du crédit-bail.

Il résulte de ces considérations que seuls les biens qui sont dans le commerce juridique
peuvent donner lieu à un contrat de crédit-bail immobilier. C’est ce que le législateur affirme
d’ailleurs, a contrario, en disposant dans loi sur le crédit-bail que « les biens qui ne sont pas

1547
Ibidem.
1548
D. Pohé, « Plaidoyer pour l’adoption du crédit-bail en Afrique en Droit OHADA », p. 1, [en ligne],
disponible sur : www.afrilex.u-
bordeaux4.fr/sites/afrilex/IMG/pdf/Denis_POHE_Le_Credit_Bail_en_Afrique_en_OHADA.pdf, consulté le 6
juillet 2017.
1549
Voir article 8-2) de la loi n° 2008-26 du 28 juillet 2008 portant règlement bancaire, abrogeant et remplaçant
la loi bancaire n° 90-06 du 26 juin 1990, JO préc.
1550
Voir article 30, alinéa 1 de la loi n° 2012-02 du 3 janvier 2012 sur le crédit-bail, JO préc.
1551
Voir Gyon, Note sous Cass. Com., 10 juin 1980, D. 1980, p. 706.

Page 479
en libre circulation en vertu de la législation en vigueur ne peuvent faire l’objet d’un contrat
de crédit-bail1552 ».

Sans les désigner directement, la formule employée par le législateur exclut, sans doute,
les immeubles dépendant du domaine public. Il s’agit d’immeubles peints du sceau de
l’inaliénabilité, donc interdits de vente.

2. L’interdiction d’acquisition d’un titre de propriété par l’inaliénabilité

Les immeubles dépendant du domaine public sont, par principe, indisponibles. À ce titre,
ils ne peuvent être crédit-baillés. La règle de l’inaliénabilité du domaine public se dresse
contre ce mode de financement. En effet, elle s’oppose à ce que des biens du domaine public
puissent faire l’objet, même de façon temporaire, de quelque appropriation privée que ce
soit1553. Lesdit biens appartiennent à la personne publique propriétaire qui ne peut les céder ni
à titre gratuit, ni à titre onéreux.

C’est à ce niveau que se situe le blocage à l’utilisation du crédit-bail sur le domaine


public. Il ne peut pas, à ce titre, porter sur des immeubles dépendant dudit domaine. Selon
Alain Robert « le crédit-bail ne peut porter sur des équipements à implanter sur le domaine
public car l’incorporation immédiate de ces équipements au domaine public apparaît
incompatible avec le droit de propriété du crédit-bailleur sur ces équipements pendant la
période du crédit-bail1554 ». Il ressort de la pensée de l’auteur que c’est l’appartenance de
l’immeuble au domaine public qui empêche le crédit-bail. En effet, cet immeuble sur lequel
doit porter l’opération de crédit-bail échappe au crédit-bailleur. Ce dernier ne peut pas en
acquérir la propriété tant qu’il demeure affecté à l’usage de tous ou au service public.

Il est alors possible d’affirmer, comme l’a fait Catherine Mamontoff, que « le crédit-bail
est impossible sur le domaine public car il établit au profit de l’organisme financier un droit
réel de propriété1555 ». Or, ce droit réel de propriété n’existe pas sur les immeubles faisant
parties du domaine public.

1552
Voir article 7, alinéa 2 de la loi n° 2012-02 du 3 janvier 2012 sur le crédit-bail, JORS N° 6663 du 12 mai
2012.
1553
J.-P. Brouant, Le régime domanial à l’épreuve de la valorisation économique, op.cit., p. 346.
1554
A. Robert, « Réaliser un équipement public », Paris, Nouvelles éditions fidiciaires, 1993, p. 92.
1555
C. Mamontoff, Domaine public et entreprises privées : la domanialité publique mise en péril par le marché,
Paris, L’Harmattan, 2003, p. 133.

Page 480
L’impossibilité de recourir au crédit-bail immobilier est à la fois valable pour le
financement des investissements privés de l’occupant privatif ainsi que le financement
d’infrastructures publiques. En effet, avec la règle de l’inaliénabilité, les biens appartenant au
domaine public « ne peuvent faire l’objet, même de façon temporaire, de quelque
appropriation privée que ce soit1556 ». Les occupants privatifs des dépendances domaniales
sont titulaires d’autorisations non constitutives de droits réels. Cette nature des titres
d’occuper fait que leurs bénéficiaires sont dans l’impossibilité de se servir du mécanisme de
financement par crédit-bail pour leurs investissements. Ils ne disposent, en effet, d’aucun droit
réel cessible sur la dépendance domaniale occupée. Ils n’ont alors rien à vendre ou à faire
acheter à l’établissement de crédit. Or, le crédit-bail immobilier suppose en amont l’achat
d’un bien.

Serait-il possible d’envisager le crédit-bail immobilier dans le cadre des atténuations du


principe d’inaliénabilité où l’occupant privatif est titulaire des attributs du propriétaire sur les
ouvrages réalisés pendant la durée de l’autorisation ? La reconnaissance de droits réels sur les
équipements édifiés ne semble pas pour autant être favorable au recours du crédit-bail
immobilier. Il y a une incompatibilité de ce mode de financement avec la réalité domaniale.

B / L’incompatibilité du crédit-bail immobilier à la réalité domaniale

L’incompatibilité du crédit-bail immobilier à la réalité du domaine public se manifeste


essentiellement au niveau des traits caractéristiques des autorisations d’occupation qui servent
de support aux constructions, objets des droits réels. Ces derniers se révèlent incompatibles
avec le crédit-bail immobilier, notamment le caractère précaire de l’autorisation (1) et son
caractère personnel (2).

1. L’inadéquation du crédit-bail avec le caractère précaire de


l’autorisation d’occuper

La précarité de l’autorisation d’occuper le domaine public fait que les droits réels qui
peuvent être reconnus au preneur ont peu de portée pratique. En effet, en l’état actuel du droit
domanial, toute « propriété, dépendante du titre d’occupation, reste précaire et

1556
J.-P. Brouant, Le régime domanial à l’épreuve de la valorisation économique, op.cit., p. 346.

Page 481
révocable 1557 ». Cette particularité des occupations privatives du domaine public s’oppose
fondamentalement aux pouvoirs du crédit bailleur.

Dans le cadre d’une opération de crédit-bail, la loi dispose que le droit de propriété du
crédit bailleur « ne souffre d’aucune restriction ni limitation d’aucune sorte […] 1558 ». Ce qui
revient à considérer que le preneur doit soumettre l’immeuble à son pouvoir comme le veut le
droit réel de propriété1559. Il a un pouvoir de contrôle, de direction et de disposition. Toutes
choses qui sont en parfaite inadéquation avec le principe de précarité. Ce dernier place le sort
du titre d’occuper entre les mains de l’autorité domaniale. C’est lui qui a la maîtrise sur
l’immeuble et non le crédit-bailleur.

En conséquence, le droit réel supposé est vidé de sa substance. Il ne représente, à ce titre,


aucun intérêt pour l’organisme financier car ce dernier n’a aucun contrôle sur le droit qui lui
est accordé. Il est donc évident que lorsque le crédit-bailleur ne peut prétendre à véritable
droit réel de propriété sur l’immeuble, le crédit-bail ne peut en aucun cas être utilisé.

En outre, le caractère personnel de l’autorisation vide également le crédit-bail immobilier


de son intérêt.

2. L’inconciliation du crédit-bail au caractère personnel de


l’autorisation d’occuper

Le crédit-bail a pour intérêt de permettre au crédit-preneur d’utiliser un bien grâce à un


contrat de location qui lui sera consenti par l’établissement de crédit, propriétaire1560. Dans le
cadre de l’utilisation du domaine public, cela suppose que l’organisme financier soit titulaire
de l’autorisation d’occuper et sous-loue la dépendance occupée à l’utilisateur.

Une telle situation fait apparaître « tout de suite les obstacles que le droit domanial peut
opposer à une telle formule, notamment le caractère personnel de l’autorisation, son
incessibilité et l’obligation qu’à, en principe, le titulaire d’utiliser lui-même le domaine
public 1561 ». En effet, l’intuitu personae de l’autorisation domaniale engendre l’obligation

1557
C. Mamontoff, Domaine public et entreprises privées : la domanialité publique mise en péril par le marché,
op.cit., p. 134.
1558
Voir article 30, alinéa 1 de la loi n° 2012-02 du 3 janvier 2012 sur le crédit-bail, JO préc.
1559
C. Larroumet, Droit civil, Paris, Économica, 1990, p. 300.
1560
C. Mamontoff, Domaine public et entreprises privées : la domanialité publique mise en péril par le marché,
op.cit., p. 134.
1561
J.-P. Brouant, Le régime domanial à l’épreuve de la valorisation économique, op.cit., p. 340.

Page 482
d’exploitation personnelle de l’occupation. Ce qui pose un sérieux problème à la modalité
d’exécution d’un contrat de crédit-bail. L’incessibilité des autorisations domaniales fait que la
condition préalable et nécessaire à l’opération de crédit-bail ne peut pas être remplie. Les
occupants privatifs du domaine public ne sont pas titulaires de titres d’occupation conférant
des droits réels cessibles. Ce qui les empêche à recourir au procédé du crédit-bail. Donc, avec
des titres d’occupation privative de type personnel, il est impossible à un occupant domanial
de recourir au crédit-bail pour financer des investissements sur le domaine public.

Au total, le financement privé d’investissements à réaliser sur le domaine public


s’avère difficile au regard des principes protecteurs de la domanialité publique. Ces derniers
dénient à l’opérateur privé de véritables garanties à placer auprès des établissements de
crédits. À cette difficulté s’ajoute une insuffisante adoption d’outils juridiques favorables à la
valorisation des dépendances domaniales. Certains contrats immobiliers sont encore absents
dans le droit applicable au domaine public.

Page 483
CONCLUSION TITRE II
L’étude de la dimension économique du régime juridique du domaine public a révélé
un certain nombre de manquements.

La sécurité juridique qui est le socle de tout investissement privé n’est pas encore
totalement garantie sur le domaine public. Cela se manifeste déjà au niveau de l’accès audit
domaine où le choix des postulants à une occupation privative ne suit pas une procédure de
sélection transparente. Le législateur n’a pas encore érigé les règles de transparence et de mise
en concurrence comme principe de sélection des candidats potentiels à l’occupation privative
du domaine public, sauf dans quelques secteurs particuliers. Il est temps d’aller dans le sens
d’une généralisation de la procédure de sélection transparente préalable qui, au-delà du
traitement égalitaire et transparent des postulants éventuels, permettra d’assurer une meilleure
exploitation du domaine public.

L’insécurité juridique atteint également les titulaires d’autorisations d’occupation


privative. Ces derniers sont placés dans une situation instable et ne peuvent prétendre à des
garanties alternatives lorsque l’autorité domaniale met en œuvre son pouvoir de libre
disposition des dépendances domaniales.

La perspective d’un meilleur équipement des dépendances domaniales justifiant


l’admission de droits réels sur les ouvrages édifiés par l’occupant privatif ne se concrétisera
que par des investissements qui doivent être financés. Ce qui semble encore difficilement
possible sur le domaine public. La législation domaniale se révèle peu favorable à la
réalisation d’investissements lourds par les opérateurs privés. Elle n’accorde pas
suffisamment de garanties au préfinancement bancaire des équipements à édifier sur le
domaine public. À côté de cela, elle n’intègre pas aussi des modalités de financement
d’investissements d’équipements d’intérêt collectif capable de soulager les budegts publics.

Page 484
CONCLUSION DEUXIÈME PARTIE

La logique de protection du domaine public n’a pas empêché l’éclosion d’une part
d’exploitation économique des dépendances domaniales. Les pouvoirs publics prennent de
plus en plus compte de la dimension économique du domaine public et de la nécessité de
l’intégrer dans le circuit de l’activité économique nationale. À ce titre, ils font du domaine
public le siège d’activités marchandes pour améliorer sa part de contribution dans le budget
national. De même, des novations majeures sont introduites dans la législation domaniale et
vont dans le sens de la sécurisation de l’investissement des occupants privatifs du domaine
public. L’idée est de capter le financement privé et de faire contribuer le secteur privé dans la
réalisation de projets d’infrastructures d’utilité publique.

Il se trouve cependant que cet élan ne s’est pas encore complètement déployé. Le
maître du domaine continue à préserver jalousement ses pouvoirs prépondérants de gestion
des dépendances domaniales bloquant ainsi les possibilités de déploiement des unités
économiques implantées sur le domaine public. La lourdeur des règles de la domanialité
publique crée une situation d’incertitude permanente de l’occupation privative du domaine
public. Elle se démarque de la sécurtirté juridique que requiert l’investissement privé.

Dans le même temps, les pouvoirs publics restent toujours hésitant à recourir à des
mécanismes juridiques adaptables aux principes domaniaux et capables de juguler le retard
constaté en termes d’équipements d’intérêt collectif. La législation domaniale ne prend pas
encore en considération des modalités de financement privé d’investissement d’équipements
collectifs. Elle délaisse le bail emphytéotique et le bail à construction qui sont de nature à
doter les collectivités publiques d’un patrimoine immobilier suffisant sans que ces dernières
aient à faire des dépenses excessives. Le besoin d’économie de ressources financières et leur
injection dans les services sociaux de base devait amener les autorités à se départir des
marchés de travaux pubics et à explorer ces mécanismes de financement privé
d’infrastructures d’utilité publique.

Page 485
CONCLUSION GÉNÉRALE

Ce travail de recherche a porté sur le régime juridique du domaine public de l’État au


Sénégal. La préoccupation essentielle qui a dicté les développements autour de ce sujet a été
d’établir l’attitude des pouvoirs publics sénégalais à l’égard de cette masse de moyens
matériels de l’État dans la conception des règles qui la gouvernent. À l’heure de la dimension
économique nouvelle du domaine public, il était intéressant de revisiter l’arsénal juridique qui
régit ledit domaine pour en mesurer le niveau de protection et de valorisation des dépendances
qui le constituent.

D’un côté, nous nous sommes rendu compte que le législateur n’a pas failli à
l’exorbitance de la domanialité publique. La finalité d’intérêt général du domaine public
nécessitant sa protection spéciale s’est nettement ancrée dans le dispositif qu’il a mis en place.
Il y a une prévalence des éléments de police qui se traduit par une diversité des règles
juridiques de protection des dépendances du domaine public. Le législateur a fait montre
d’une certaine rigueur dans le cadre de la préservation des biens d’utilité publique. Il a
protégé le domaine public non seulement contre les tiers, mais aussi contre l’administration
elle-même. Il a mis en place un arsenal de règles juridiques sauvegardant à la fois la
consitance et l’intégrité physique des dépendances dudit domaine. De même, cette protection
se singularise par son aspect à la fois préventif et répressif.

En déclinant les principales caractéritiques du domaine public, le législateur a indiqué


qu’il s’agit d’un domaine empreint du sceau de l’inaliénabilité et de l’imprescriptibilité. À ces
règles, s’ajoute le principe général d’insaisissabilité des biens des personnes publiques dont le
domaine public en constitue une composante. La consécration de ces règles fait du domaine
public un domaine mis à l’abri d’atteinte à sa consistance tant par l’État propriétaire que par
les tiers. Il est interdit à la personne publique étatique d’aliéner volontairement ou de façon
forcée les dépendances domaniales tant qu’elles demeurent affectées à l’usage de tous ou au
service. Ainsi, ces dernières sont sosutraites de toute opération de donnation, de vente et
d’expropriation pour cause d’utilité publique.

Ces interdictions sont, cependant, fortement atténuées par la faculté offerte à l’État de
déclasser les immeubles du domaine public artificiel et les dépendances du domaine public
naturel, alors même qu’elles contituent à répondre à leur destiantion. Ce procédé permet de
faire perdre à un immeuble son caractère de domanialité publique. En conséquence, le bien
déclassé ne bénéficie plus des principes protecteurs de la domanialité publique et pourra faire
Page 486
l’objet d’une aliénation. Le déclassement constitue dès lors un moyen pour l’État de réduire la
consistance du domaine public. Vu ses conséquences et la menace qu’il constitue sur la
consistance dudit domaine, il serait utile de circonscrire le champ d’application du
déclassement aux seules immeubles du domaine public artificiel. La nature particulière des
biens du domaine public naturel devrait amener à les soustraire des dépendances pouvant faire
l’objet d’un déclassement. Lorsqu’ils sont déclassés, les biens du domaine public naturel font
l’objet de transformations considérables dues à l’édification d’installations fixes modifiant
l’assiette domaniale. Toutes choses qui remettent en cause le caractère naturel de ces biens et
qui rendent difficle leur reconstitution.

Par ailleurs, pour limiter les abus dans l’utilisation du déclassement au regard de ses
conséquences négatives sur la consistance du domaine public, sa mise en œuvre est assujettie
à l’observation d’une procédure particulière, dite enquête de commodo incommodo. Il s’agit
d’une procédure qui garantie la justification du recours au déclassement vu qu’elle oblige
l’autorité domaniale à effectuer une enquête préalable avant l’édiction de l’acte de
déclassement. Il se trouve que le code du domaine de l’État n’a pas institué cette procédure. Il
s’est limité à reconnaître à l’autorité domaniale le pouvoir de déclasser sans indiquer la
procédure à suivre.

Ce vide juridique a amené l’administration domaniale à recourir à la procédure de


désaffectation des biens du domaine privé de l’État. Ce qui pose un problème de légalité,
notamment d’erreur de droit du déclassement des biens du domaine public étant entendu que
la procédure suivie est réservée aux seules dépendances du domaine privé. De même, le
recours à cette procédure exclut totalement le public affectataire du procéssus d’édiction de
l’acte de déclassement. Ce qui laisse apparaître dans la pratique beaucoup de déclassements
d’immeubles du domaine public natiurel à des fins privés. Au regard de cet usage pervers du
déclassement, le vide juridique sur sa procédure d’édiction mérite fortement d’être comblé si
l’on veut s’assurer de l’opportunité et de l’intérêt à soustraire des dépendances domaniales de
l’usage de tous ou du service public.

En sus, il faudrait également songer revoir les conditions de la sortie d’un bien du
domaine public. Aux termes de l’article 19 du code du domaine de l’État, l’édiction d’un acte
de déclassement suffit à soustraire une dépendance du domaine public peu importe que cette
dépendance continue à être destinée à l’usage direct du public ou au service. L’absence de
désaffectation de fait rend davantage plus facile les déclassements des biens du domaine

Page 487
public. Ainsi, pour mieux asseoir la vertu protectrice du déclassement au regard de sa
procédure et de ses conditions, il serait d’une grande utilité d’exiger à ce que l’acte formel de
déclassement ne puissent concerner que des dépendances qui ne répondent plus à une utilité
publique, c’est-à-dire celles qui ne sont plus utilisées par le public ou le service public. Il
s’agit donc d’exiger la double condition cumulative d’un acte formel de déclassement et d’une
désaffectation de fait pour la légalité d’un déclassement.

Nous avons également constaté que le domaine public est mis à l’abri non seulement
de toute prescription, mais aussi de toute voie d’exécution focée. Concernant les prescriptions,
la règle de l’imprescriptibilité s’oppose à la fois à la prescription extinctive et à la prescription
acquisitive. À ce titre, elle protège efficacement le domaine public dans le temps. Toute
dilapidation ou aliénation irrégulière de dépendances domaniales peut, à tout moment, être
corrigée par l’administration domaniale qui s’en rendrait compte. L’action en revendication
des biens du domaine public ne s’éteint pas par le temps. Ainsi, l’autotité domanaile peut
exercer à tout moment intenter une action en justice pour revendiquer des dépendances
domaniales qui seraient cédées à titre gratuit ou à titre onéreux. Il n’y a pas de condition de
délai pour l’exercice de l’action en revendication. L’imprescriptibilité du domaine public
permet dès lors de corriger et de dissuader tout contournement au principe d’inaliénabilité.

De même, les occupations prolongées sur des portions du domaine public ne peuvent
conférer aux occupants aucun droit de propriété. Ces parties demeurent, quelque soit le temps
écoulé, des biens relevant du domaine public de l’État. Les occupants de ces dépendances
domaniales ne sont titulaires que de simples droits de jouissance. L’administration domaniale
peut à tout moment les demander de les libérer sans qu’ils puissent lui opposer un titre de
propriété. Ces occupants ne peuvent non plus exercer des actions possessoires à l’encontre de
l’autorité domaniale. La règle de l’imprescriptibilité les rend irrecevable.

S’il peut théoriquement lui être attribué une fonction corrective et dissuasisve à toute
aliénation irrégulière d’une dépendance domaniale, la règle de l’imprescriptibilité est
timidement mise en œuvre dans la pratique. Il ne ressort pas du dépouillement de la
jurisprudence des décisions relatives à des actions afférentes à cette règle. Ce vide
jurisprudentiel témoigne soit d’une bonne administration du domaine public, soit d’une
carence de l’autorité domaniale à revendiquer ses dépendances irrguliérement aliénées.

Les biens qui constituent le domaine public sont également soustraits du champ
d’application des voies d’exécution forcée. Le principe général d’insaisissabilité et son

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corrolaire l’immunité d’exécution qui permet de protéger les personnes publiques contre la
saisie de leurs biens interdit aux créanciers de l’État de saisir des dépendances de son domaine
public pour se faire rembourser. Les biens qui constituent le domaine public ne peuvent pas
faire l’objet de mesures d’exécution forcée. Ainsi, lorsque l’État est débiteur, ses créanciers
impayés ne pourront en aucun cas saisir ses biens afin de les faire vendre et se payer sur le
prix de vente ou de se faire attribuer lesdits biens. Ces derniers ne peuvent jamais obtenir du
juge une décision contraignant l’autorité domaniale à s’exécuter. Les actions en exécution
forcée contre l’administration domaniale sont irrecevables en application de l’insaisissabilité
des biens des personnes publiques.

Au-delà de cette protection rigoureuse de la consistance du domaine public, son utilité


publique est également par ce qu’on appelle les servitudes d’utilité publique et contre les
servitudes de droit civil. Les premières permettent de grever les propriétés privées de toute
charge utile à la satisfaction normale de l’utilité publique du domaine public. Les secondes,
quant à elles, interdisent d’assujettir les dépendances domaniales de charges spéciales au
profit des propriétaires privés, sauf pour les riverains des voies publiques. Il faut, toutefois,
remarquer que dans les faits, les servitudes d’utilités publiques relatives aux interdictions de
construire dans les zones de réserve ou les zones non aedificandi sont marginalement
observées. Il y a une urbanisation qui fait souvent fi de ces exigences domaniales et qui, à la
longue, crée énormément de difficultés à la fois pour les occupants et pour l’État. Le retour de
la pluviométrie a par exemple révelé cette mauvaise urbanisation avec de nombreux quartiers
qui se sont retrouvé sous les eaux puisque construits sur des bas-fonds. Il faudrait ainsi que
dans les plans d’urbanisation, ces zones non aedificandi ne puissent pas être morcelées et être
préservées en tant que telles, voire même servir à des espaces verts ou à des parcs de détente
et de loisir.

Il faut, par ailleurs, noter que l’interdiction des servitudes civiles sur le domaine public
n’est pas sans conséquences négatives avec le développement de l’immobilier. La
construction d’ouvrages complexes où cohabitent domaine public et propriété privée n’est pas
envisageable avec cette situation juridique. Or, ces types d’ouvrages sont au cœur des
politiques actuelles de développement des infrastructures en Afrique. On le constate avec les
ouvrages réalisés dans le cadre des contrats de partenariat public-privé où la catégorisation
« biens propres-biens de retour-biens de reprise » montre la cohibitation entre domaine public
et propriété privée. Cela devient incontournable pour un fonctionnement normal de ces
infrastructures. En conséquence, il faut reconsidérer l’exclusion de servitudes civiles sur le

Page 489
domaine public en allant dans le sens d’une admission de servitudes conventionnelles
compatibles avec la destination de ce domaine comme c’est le cas actuellement en droit
français.

En plus de ces instruments juridiques qui servent à protéger la consistance et l’utilité


publique du domaine public, la législation domaniale comporte également un certain nombre
de dispositions qui assurent la protection de l’intégrité physique dudit domaine. Il s’agit d’un
ensemble de règles juridiques qui punissent sévèrement ceux qui utilisent mal les
dépendances domaniales.

D’une part, les pouvoirs publics ont cherché à prévenir le domaine public
d’utilisations nuisibles à son intégrité physique. On retrouve dans des textes épars un
ensemble de dispositions qui préviennent l’encombrement, l’insalubrité du domaine public,
ainsi que l’anarchie dans l’occupation de ce domaine. Il reste que ces dispositions pertinentes
ne produisent pas les effets escomptés dans la pratique. Il s’agit d’une situation qui découle de
deux facteurs. Le premier est lié une inadéquation de la règlementation à la réalité. Certaines
mesures ne sont plus adaptées aux situations qu’elles régissent. Si en 1976 il était possible de
concevoir une concentration de la délivrance d’autorisations pour l’exercice de marchands
tabliers, son maintien actuel pose problème non seulement avec une décentralisation
renforcée, mais aussi avec une reconnaissance de compétences domaniales aux collectivités
territoriales. Le second est lié à un laxisme des autorités chargées de mettre en application les
mesures édictées. Lorsque la loi indique par exemple qu’il appartient aux autorités
déconcentrées de déterminer les emplacements à l’exercice de marchands tabliers, aux
affichages publicitaires et aux dépotoires des ordures ménagères et que cela ne soit pas
matérialisé, on ne peut que constater l’anarchie. Ainsi, le domaine public se présente comme
un espace de non droit où règne le laisser-aller. Il faudrait donc que les autorités domaniales
exécutent les tâches qui les incombent en termes de prévention de l’encombrement et de
l’insalubrité sur les dépendances du domaine public.

D’autre part, les textes ont prévu des infractions domaniales assorties des sanctions
sévères. Au titre des infractions, les textes les régroupent en occupations irrégulières, en actes
de dégradation et en gênes aux servitudes d’utilité publique. Il s’agit là de toute mauvaise
utilisation des dépendances domaniales qui a pour conséquence de gêner celle des autres
usagers ou d’être la cause de dégradations. Ces différentes infractions sont réprimées
sévérement suivant une procédure assez particulière. Les infractions domaniales sont

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constatées dans un procès-verbal par un officier de police judiciaire ou toute autre personne
assermentée à ce titre sans procédure contradictoire ni prise en compte d’un élément
intentionnel. De même, lorsque l’infraction est constatée, l’autorité domaniale a l’obligation
de poursuivre le contrevenant sous peine d’engager sa responsabilité. Afin de dissauder la
mauvaise utilisation des dépendances domaniales, une diversité de sanctions est infligée aux
usagers incriminés. Il s’agit non seulement de peines à la fois pécuniaires et privatives de
liberté, mais aussi de remise en état du domaine public.

En somme, la législation domaniale a institué une protection administrative et une


protection pénale qui empêchent et dissuadent toute atteinte à la consistance et à l’intégrité
physique du domaine public. Il reste que ce cadre théorique pertinent s’est révélé ineffectif en
pratique. Le constat est qu’il y a un grand écart entre la théorie et la pratique en matière de
protection du domaine public. On a l’impression d’être en présence d’un domaine où il y a un
vide juridique. Le mérite du législateur d’avoir institué une règlementation qui protège
efficacement le domaine public n’a pas été consolidé par les autorités administratives
chargées de l’application des textes.

L’analyse du cadre juridique montre que ce décalage est en grande partie dû au


laxisme de ces dernières. Les autorités administratives ont une attitude répréhensible à deux
niveaux. D’une part, elles ne suivent pas souvent les prescriptions des dispositions législatives
et règlementaires pour éviter toute atteinte à la destiantion et à l’intégrité du domaine public.
D’autre part, elles font rarement réprimer les violations manifestes et récurrentes dont les
dépendances domaniales font l’objet. C’est pour cela qu’on note une rareté de jurisprudence
dans cette matière. Ce qui n’est pas de nature à enrichir le droit du domaine public.

La conjugaison des efforts entre autorités administratives et judiciaires à faire face aux
atteintes au domaine public aurait pu transformer la conception socio-culturelle du séngalais
des endroits et lieux publics. Considérés comme n’appartenant à personne, ils sont, pour le
commun des sénégalais, des zones de non droit où il est permis de tout faire. Devant de telles
attitudes, il est important d’avoir des gouvernants qui ne fléchissent pas trop devant les
agressions multiples que subissent les dépendances du domaine public. Ainsi, si cette
conception se cumule à un laxisme des autorités chargées de faire respecter la loi, il ne fait
pas de doute que le constat alarmant de la violation quotidienne de la règlementation
domaniale n’est pas prêt à se faiblir.

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D’un autre côté, nous avons pu noter que la législation domaniale n’a pas ignoré la
dimension économique du domaine public marquée par la nécessité de tirer profit du capital
financier que ledit domaine représente pour l’État. Elle a, dans une certaine mesure, admis la
recherche de rentabilité et de profit à travers l’utilisation et la gestion des dépendances et des
richesses qu’il regorge.

Le domaine public fait l’objet d’une appropriation au titre de laquelle l’État n’est pas
simplement assujetti à une « mission de garde et de surintendance1562 », mais il lui est accordé
un pouvoir de gestion dudit domaine. C’est ce pouvoir de gestion qui permet à l’autorité
domaniale d’accorder des utilisations privatives sur la base d’autorisations unilatérales et
contractuelles donnant lieu au paiement d’une redevance domaniale. Il s’agit, à travers ces
occupations, de pouvoir tirer des revenus sur le domaine public avec l’exercice d’activités
économiques et l’exploitation des richesses domaniales. Au-delà de ces usages privatifs, l’État
tire également des revenus à partir de l’utilisation normale du domaine public. Le principe de
gratuité qui régissait traditionnellement l’utilisation collective des dépendances domaniales ne
cesse d’être assoupli. Ainsi, l’État tire de plus en plus profit de ce mode d’utilisation de son
domaine public à travers le stationnement payant, le péage autoroutier et des ouvrages d’art.

À côté de cela, le législateur n’a pas manqué de relever l’importance de mettre en


valeur les richesses et ressources naturelles dudit domaine. Le fait qu’il ait renvoyé à des
législations spécifiques pour règlementer l’exploitation des ressources minières et minérales,
des hydrocarbures liquides et gazeux prouve l’attention particulière qu’il accorde à ses biens
qui sont prédisposés à une mise en valeur. Bien qu’étant des composantes du domaine public,
ces biens ont une vocation patrimoniale et constituent une source non négligeable de revenus
pour le budget public. À ce titre, des législations spécifiques sont les mieux à prendre en
compte cette exigence d’exploitation économique.

Le pouvoir de gestion de l’autorité domaniale est également orienté vers un meilleur


équipement des dépendances domaniales. Le législateur a diversifié les modes de gestion du
domaine public avec l’utilisation à la fois d’une gestion publique et d’une gestion privée.

La gestion publique se matérialise par l’emploi de la régie simple et de l’implication


des personnes publiques autonomes à l’État, notamment les collectivités territoriales, les
établissements publics et les agences d’exécution, dans la gestion des biens de son domaine

Demolombe, Cours du Code Napoléonien, t. IX, n° 457, cité par J.-F. Denoyer, L’exploitation du domaine
1562

public, Thèse, Paris, L.D.G.J., 1969, p. 20.

Page 492
public. Cette externalisation de la gestion domaniale procéde de la technique du transfert de
gestion, qui confert des compétences domaniales à ces personnes publiques. L’État profite
ainsi de leur expertise pour mieux valoriser son patrimoine immobilier. Il s’agit donc d’une
collaboration entre personnes publiques visant à asseoir une gestion de proximité des
dépendances domaniales et une gestion par des structures spécialement créées à cette fin.

Quant à la gestion privée, elle découle également du transfert de gestion au profit de


concessionnaire de service public, ainsi que de l’introduction du contrat de partenariat parmi
les modes d’occupatives privatives du domaine public. L’État s’associe, à ce titre, avec des
personnes privées pour mieux prendre en charge l’utilité publique à laquelle le domaine
public est destiné. Ces derniers concourent à la réalisation d’infrastructures d’intérêt collectif,
les exploitent, les entretiennent et versent des contreparties financières à l’État qui récupèrent
gratuitement les investissements à la fin de la convention domaniale. Ainsi, l’État se fait
prendre en charge la construction d’immeubles domaniaux, la gestion et l’entretien de ces
derniers et en tire profit. Il tire profit de l’expertise du secteur privé afin de mieux doter les
destinataires du domaine d’équipements structurants.

L’État du Sénégal a dès lors pris en compte l’idée selon laquelle les pouvoirs publics
ont intérêt à attirer les entreprises sur le domaine public car elles y investiront, l’aménageront
et leur paieront des redevances d’occupation1563. L’admission de la gestion privée du domaine
public constitue donc un moyen de valorisation dudit domaine en termes de réalisation
d’infrastructures d’intérêt collectif. Donc, l’externalisation de la gestion du domaine public au
secteur privé permet non seulement de soulager le budget de l’État en termes de dépenses
d’investissement et d’entretien de dépendances domaniales, mais aussi de lui procurer des
revenus et des actifs immobiliers.

Cette dynamique de valorisation des patrimoines publics avec l’aide d’investisseurs


privés implique, toutefois, que ces derniers puissent bénéficier d’occupations privatives du
domaine public comportant un certain nombre de garanties, notamment en ce qui concerne
leur durée et leur cessibilité1564. Il s’agit de les procurer une certaine stabilité afin de pouvoir
rentabiliser leurs investissements. Il se trouve que cette sécurité juridique que requiert

1563
Ch. Lavialle, « Biens-Propriétés publiques-Apports depuis l’entrée en vigueur du code général de la
propriété des personnes publiques », mars 2011, p. 6, [en ligne], disponible sur : www.ius-publicum.com,
consulté le 12 février 2018.
1564
Ph. Terneyre et B. Noyer, « Le bail emphytéotique administratif comme technique contractuelle moderne de
valorisation du domaine public des collectivités locales (1re partie), LPA, juillet 1996 – N° 83, p. 15.

Page 493
l’investissement privé fait encore défaut au regard de principes fondamentaux de la
domanialité publique, dominés par la règle de l’inaliénabilité et de l’imprescriptibilité.

Les conséquences qui découlent de ces principes font que l’utilisation privative du
domaine public manque encore d’attractivité en termes de garanties à accorder aux
investisseurs et aux établissements de crédits. La loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code
du domaine de l’État ne consacre que titres d’occupation privative qui sont précaires,
révocables et personnelles. Ces traits caractéristiques rendent inactractif l’installation sur le
domaine public de gros investisseurs.

Des textes sectoriels ayant trait à des dépendances domaniales à forte potentialité
économique ont essayé de juguler ces tares congénitales à l’occupation privative du domaine
public. Ils ont introduit des assouplissements à la rigidité des principes protecteurs de la
domanialité publique afin de rendre ces dépendances plus attractives à l’investissement privé.
Ainsi, la loi portant code de l’eau de 1981 accorde des titres juridiques constitutifs de droits
réels aux bénéficiaires d’autorisations d’user des eaux pour les besoins de leur exploitation
agricole ou d’élevage, industrielle ou toutristique. De même, la loi modifiant celle portant
création de la Société Nationale du Port Autonome de Dakar de 1992 et la loi relative aux
contrats de partenariat de 2014 attribuent aux occupants privatifs des droits réels sur les
constructions qu’ils sont autorisés à réaliser sur le domaine public. Il faut, par ailleurs, ajouter
que le droit OHADA, notamment l’Acte Uniforme révisé portant organisation des sûretés a
même inclu le domaine public dans le champ d’application de l’hypothèque. Mais, il faut
reconnaître que l’hypothèque sur le domaine public a une assiette très limité et est
difficilement réalisable.

Ces assouplissements sectoriels à l’interdiction du démembrement de la propriété de


l’État sur le domaine public constituent ainsi des avancées en termes de stabilisation de la
situation juridiques des occupants privatifs. Il s’agit d’un ensemble de garanties que l’on
accorde aux occupants privatifs pour les encourager à s’installer sur les dépendances
domaniales. Ce qui contribue dès lors à la promotion et à la protection des investissements sur
le domaine public.

Il faut, toutefois, relever que les textes qui ont admis des droits réels sur le domaine
public ne sont pas allés jusqu’à proposer des garanties alternatives au profit des créanciers des
opérateurs privés établis sur ledit domaine lorsque l’autorité domaniale met en œuvre ses
prérogatives. Les traits caractéristiques qui singularisent les occupations privatives du

Page 494
domaine public sont toujours maintenus. Il s’agit de titres juridiques qui restent toujours
précaires et révocables à tout moment. Ce qui vide les droits réels accordés aux occupants
priivatifs de tous leur sens. Sans garanties alternatives, à savoir un doit de suite sur
l’indemnité d’éviction ou un droit personnel de substitution, ces droits réels peuvent
difficlement être proposés en garantie au près des organismes de crédits. Donc, la persistance
des contraintes de la domanialité publique non assorties de garanties devant les besoins en
investissements sur ce domaine n’est pas de nature à attirer les investisseurs sur le domaine
public.

Il faut enfin constater que la législation domaniale sénégalaise reste encore en marge
de certaines techniques contractuelles pouvant aider à la réalisation d’équipements d’utilité
publique. Il en est ainsi du bail emphytéotique et du bail à construction qui ne sont pas admis
parmi les modes d’occupation du domaine public. Or, aujourd’hui que les ressources
publiques se rarifient et qu’il y a lieu de les orienter vers les services sociaux de base, l’État
gagnerait à explorer ces techniques contractuelles qui peuvent être adaptées aux exigences de
la domanialité publique. Ainsi, il suffit de rendre le domaine public plus attractif à
l’investissement privé pour pouvoir capter les opérateurs économique. Cela contribuera sans
doute à lui décharger de certains investissements, à soulager son budget et à l’aider à mieux
s’équiper en infrastructures d’intérêt collectif.

Toutes choses qui appellent donc une réforme globale de la législation domaniale. Il
est temps, après plus de quarante (40) ans d’existence, que la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976
portant code du domaine de l’État fait sa mue, surtout en ce qui concerne le domaine public.
Si pour ce dernier les règles de protection ne nécessitent que de simples compléments et
beaucoup d’apllication et de suivi, les règles de valorisation quant à elles nécessitent un
approfondissement considérable. Ainsi, les réformes sectorielles notées ça et là en termes de
mise en valeur des dépendances domaniales prouvent que c’est une législation qui a besoin
d’être adaptée aux circonstances du moment. La logique de simplification et d’accessibilité du
droit voudrait que tout cela soit uniformisé et qu’il soit institué une législation domaniale
capable de protéger correctement le domaine domaine public et de répondre favorablement
aux besoins des partenaires de l’État qui s’y établissent. Il s’agit en définitve de mettre en
place un régime juridique qui concilie protection et valorisation du domaine public.

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juillet 1976, pp. 1110-1118.

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- Loi n° 75-105 du 20 décembre 1975 modifiant la loi n° 67-50 du 29 novembre 1967 relative
à la règlementation des activités qui s’exercent sur la voie et dans les lieux publics, JORS N°
4468 du 22 janvier 1975, pp. 93-103.

- Loi n° 74-20 du 24 juin 1974 portant classement du réseau routier national et fixant le
régime domanial de ce réseau, JORS N° 4367 du 20 juillet 1974, pp. 1097-1160.

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sur la voie et dans les lieux publics, JORS N° 3930 du 9 décembre 1967, pp. 1687-1712.

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JORS N° 3763 du 23 août 1965, pp. 945-954.

- Loi n° 64-51 du 10 juillet 1964 relative à l’apposition d’affiches et de dispositifs de


publicité, JORS N° 3696 du 8 août 1964, pp. 1019-1054.

- Loi n° 64-46 du 17 juin 1964, relative au domaine nationale, JORS N° 3692 du 29 août
1964, p. 905.

- Loi n° 63-62 du 10 juillet 1963 portant code des obligations civiles et commerciales
(COCC), modifiée, JORS N° 3624, pp. 1203-1250.

- Loi n° 61-51 du 21 juin 1961 portant délimitation des eaux territoriales de la zone contiguë
et du plateau continental au large des côtes du Sénégal, JORS N° 3464 du 10 juillet 1964, pp.
1082-1094.

- Décret n° 2017-459 du 20 mars 2017 fixant les modalités d’application de la loi n° 2016-32
du 8 novembre 2016 portant code minier, JORS N° 7005 du 15 avril 2017, pp. 459-503.

- Décret n° 2016-1252 du 8 septembre 2016 portant création et fixant les règles d’organisation
et de fonctionnement de l’Agence Nationale des Chemins de Fer (ANCH), JORS N° 6966 du
7 octobre 2016, pp. 1425-1431.

- Décret n° 2016-1081 du 3 août 2016 portant approbation de la convention de concession et


du cahier des charges de la SONATEL, JORS N° 6954 du 4 août 2016, pp. 1067-1097.

Page 539
- Décret n° 2015-1145 du 3 août 2015 fixant la composition et la compétence des Cours
d’appel, des Tribunaux de garnde instance et des Tribunaux d’instance, JORS N° 6869 du 18
août 2015, pp. 787-827.

- Décret 2011-1113 fixant les taux et modalités de recrouvrement, d’utilisation et de gestion


de la redevance de développement des infrastructures aéroportuaires, JORS N° 6613 du 12
septembre 2013, pp. 2081-2084.

- Décret n° 2011-245 du 17 février 2011 portant décret d’application de la loi portant code de
l’assainissement, JORS N° 6588 du 14 mai 2011, pp. 539-358.

- Décret n° 2010-1812 du 31 décembre 2010 relatif au contrat de performance applicable aux


agences d’exécution, JORS N° 6577 du 19 mars 2011, pp. 311-339.

- Décret n° 2010-1445 du 4 novembre 2010 relatif à la pose ou dépose de conduites diverses


et à l’occupation de l’emprise des routes et du réseau routier classé, JORS n° 6569 du 5
février 2011, pp. 131-134.

- Décret n° 2010-430 du 1er avril 2010 portant création et fixant les règles d’organisation et de
fonctionnement de l’AGEROUTE, JORS N° 6560 du 11 décembre 2010, pp. 1307-1312.

- Décret n° 2010-399 du 23 mars 2010 abrogeant le décret n° 60-36 MF du 26 janvier 1960,


portant fixation du taux des redevances pour occupation temporaire du domaine public de
l’Etat, portant fixation du barème des redevances pour occupation temporaire du domaine
public de l’Etat, JORS N° 6524 du 3 mai 2010, pp. 453-455.

- Décret n° 2009-1450 du 30 décembre 2009, portant partie règlementaire du Code de


l’urbanisme, JORS N° 6225 du 8 mai 2010, pp. 497-554.

- Décret n° 2009-583 du 18 juin 2009 portant création, organisation et fonctionnement de


l’Agence Nationale des Affaires Maritimes (ANAM), JORS N° 6489 du 19 septembre 2009,
pp. 1049-1080.

- Décret n° 2008-1345 du 21 novembre 2008 fixant les taux et modalités d’utilisation de la


redevance pour l’utilisation des ouvrages et locaux d’usage commun servant à
l’embarquement, au débarquement et à l’accueil des passagers sur les aérodromes du Sénégal,
JORS N° 6544 du 4 septembre 2010, pp. 975-976.

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- Décret n° 2007-868 en date du 7 août 2007 portant création au sein de la Gendarmerie
nationale d’une section spéciale chargée de la surveillance domaniale, JORS N°

- Décret n° 2005-1182 du 6 décembre 2005, relatif aux prérogatives et servitudes des


exploitants des réseaux de télécommunications ouverts au public, JORS N° 6268 du 11 mars
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- Décret n° 2004-13 du 9 janvier 2004 fixant les règles d’application de la loi n° 2002-30 du
24 décembre 2002 du Code de la route, JORS N° 6151 du 6 mars 2004, pp. 361-464.

- Décret n° 2003-64 du 17 février 2003 relatif fréquences et bandes de fréquences


radioélectriques, aux appareils radioélectriques et aux opérateurs de ces équipements, JORS
N° 6088 du 17 février 2003, pp. 161-180.

- Décret n° 2001-282 du 12 octobre 2001 portant application du Code de l’environnement,


JORS N° 5985 du 5 mai 2001, pp. 313-328.

- Décret n° 81-557 du 21 mai 1981 portant application du Code du domaine de l’Etat en ce


qui concerne le domaine privé, JORS N° 4855 du 5 septembre 1981, pp. 820-826.

- Décret n° 81-401 du 31 mars 1981 complétant le titre du décret n° 61-008 portant création
d’une redevance d’usage des installations aménagées pour la réception des passagers sur les
aérodromes de Dakar-Yoff, Saint-Louis et Ziguinchor et abrogeant et remplaçant les
dispositions des articles 1er et 7 dudit décret, JORS N° du 2 mai 1981, p. 482.

- Décret n° 78-179 du 2 mars 1978 portant règlementation du trafic maritime au Sénégal,


JORS du 25 mars 1978, pp. 385-386.

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- Décret n° 77-563 du 3 juillet 1977, portant application de la loi relative à l’expropriation
pour cause d’utilité publique, JORS N° du 30 juillet 1977, pp.

- Décret n° 76-836 du 24 juillet 1976 fixant les conditions de délivrance des licences
d’armement à la pêche et leur taux de redevance, JORS N° 4520 du 2 octobre 1976, pp. 1525-
1544.

- Décret n° 76-018 du 6 janvier 1976 règlementant la vente sur la voie et les lieux publics,
JORS N° 4473 du 14 février 1976, pp. 207-262.

- Décret 74-718 du 19 juillet 1974 portant classification du réseau routier national, JORS N°
4373 du 17 août 1974, pp. 1299-1370.

- Décret n° 74-338 du 10 avril 1974 règlementant l’évacuation et le dépôt des ordures


ménagères, JORS N° 4354 du 4 mai 1974, pp. 669-710.

- Décret n° 65-557 du 21 juillet 1965 portant code des contraventions, JORS N° 3763 du 23
août 1965, pp. 945-956.

- Décret n° 64-750 du 5 novembre 1964 relatif à l’apposition d’affichage et dispositifs de


publicité, JORS N° 3714 du 28 novembre 1964, pp. 1569-1588.

- Décret n° 64-573 du 30 juillet 1964 fixant les conditions d’application de la loi sur le
domaine national, JORS N° du 29 aout 1964, p. 1123.

- Décret n° 60-036 du 26 janvier 1960 portant fixation des taux des redevances pour
occupation temporaire du domaine public de l’Etat, JORS N° 3357 du 5 février 1960, pp. 107-
129.

- Décret n° 52-679 du 3 juin 1952, portant modification des articles 1er et 3 du décret du 29
septembre 1928, règlementant le domaine public et les servitudes d’utilité publique en AOF,
JOAOF du 12 juillet 1952, p. 954.

- Décret du 7 septembre 1935, complétant l’article 9 du décret du 29 septembre 1928, portant


règlementation du domaine public et des servitudes d’utilité publique en AOF, JOAOF du 12
octobre 1935, p. 794.

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- Décret du 29 septembre 1928, portant règlementation du domaine public et des servitudes
d’utilité publique en Afrique Occidentale Française (AOF), JOAOF N° 1261 du 10 novembre
1928, pp. 783-785.

- Arrêté interministériel n° 1555 en date du 15 mars 2002 fixant les conditions d’application
de la norme NS 05-061 sur les rejets d’eaux usées, JORS N° 6058 du 3 août 2002, pp. 1425-
1460.

- Arrêté ministériel n° 10862 du 2 septembre 1981 règlementant la pêche de la crevette dans


le fleuve Casamance, JORS N° 4862 du 24 octobre 1981, pp. 969-986.

- Arrêté (sans numéro) du 22 décembre 1966 déterminant les limites, le classement,


l’utilisation, l’hygiène et la circulation sur les plages de Dakar, non publié

- Arrêté ministériel (sans numéro ni date) fixant les modalités d’aménagement et d’occupation
du domaine public maritime, 3 p, non publié.

- Arrêté du 24 novembre 1928 règlementant les conditions d’application du décret du 29


septembre 1928 sur le domaine et les servitudes d’utilité publique en AOF, JOAOF N° 1264
du 1er décembre 1928, pp. 908-910.

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p. 510.

Page 555
INDEX ALPHABÉTIQUE

A
C
accès au domaine public .............................................. 396
actes de dégradation ............................ 163, 222, 232, 267 caducité ....................................................................... 228
action d’office ..................................................... 254, 255 caractère personnel............................... 428, 485, 486, 496
action domaniale ......................................... 250, 252, 253 caractère révocable.............................................. 442, 443
action en réparation ....................................................... 94 caractère temporaire .................................................... 435
action en revendication............................................ 94, 96 causes exonératoires.....................................271, 272, 273
action répressive .................................................. 250, 251 cession ..................................... 57, 60, 428, 431, 432, 433
adjudication ................................................................. 403 cessions forcées............................................................. 63
affectation.......................................... 21, 56, 70, 108, 412 cessions volontaires ...................................................... 57
affectation du bien ......................................................... 20 changement d’affectation .............................................. 64
affichages publicitaires ................................ 204, 206, 214 charge à l’essieu .................................................. 169, 171
agents de constatation.................................. 236, 237, 238 concession ................................................................... 304
aisances de voirie ................................................ 141, 144 concession d’exploitation............................................ 327
aisances de voiries ....................................................... 143 concession domaniale ......................................... 302, 304
aliénations ............................................. 53, 56, 60, 62, 73 concessions .......................................... 302, 323, 336, 407
amende ................................................ 258, 259, 260, 271 concurrence . 396, 397, 401, 406, 408, 409, 410, 411, 412,
amnestie ...................................................................... 252 414, 415, 416
amnistie ....................................................................... 251 confiscation ......................................................... 262, 263
appel d’offre ................................................ 403, 405, 407 constatation de l’infraction................... 236, 239, 240, 241
appel public à candidature ................................... 410, 415 contrat de partage de production ..................304, 305, 307
autorisation administrative préalable .. 195, 201, 203, 206, contrat de partenariat public-privé ....... 357, 361, 363, 415
224, 293, 298, 412 contraventions ............................................................. 259
autorisation d’occupation privative ............................. 345 convention de gestion ................................................. 345
autorisation d’occuper ......................... 198, 200, 217, 348 crédit hypothécaire .............................................. 471, 474
autorisations contractuelles .335, 397, 402, 406, 428, 443, crédit-bail immobilier ..................................492, 493, 495
450 critère de l’impossibilité d’appropriation privée ........... 19
autorisations contratctuelles ........................................ 405 critètre de l’appartenance .............................................. 14
autorisations d’exploitation......... 302, 304, 323, 336, 407
autorisations d’occupation ........................................... 322
autorisations d’occuper................ 196, 301, 303, 306, 322
D
autorisations tacites ..................................................... 199
autorisations unilatérales ......397, 398, 399, 428, 443, 449 déclassement ..... 72, 73, 77, 78, 80, 82, 84, 287, 308, 309,
311, 312, 501, 502
défaut d’entretien ................................. 189, 190, 191, 193
B défaut d’exécution....................................................... 194
dégradation ................................................................. 169
bail à construction ........ 455, 464, 466, 467, 469, 500, 509 demande administrative préalable ............................. 196
bail à usage professionnel.................................... 439, 441 démembrement................. 57, 67, 133, 332, 457, 473, 509
bail administratif à construction ......... 467, 468, 469, 470 désaffectation .......................................................... 77, 80
bail emphytéoitique administratif ............................... 462 destination ............................................................... 20, 55
bail emphytéotique ...............455, 456, 458, 459, 499, 509 doit de suite ................................................................. 487
bail emphytéotique administratif ........ 460, 461, 463, 464 domaine de l’État ...............................................10, 11, 18
biens de reprise ...................................................... 18, 333 domaine des particuliers................................................ 11
biens de retour ....................................................... 17, 333 domaine national ................................................11, 18, 35
biens propres ......................................................... 18, 333 domaine privé ............................................................... 10
domaine public.............................................................. 10
domaine public aéroportuaire...................................... 234
domaine public artificiel ..................................29, 80, 189
domaine public fluvial .......................................... 27, 185

Page 556
domaine public hertzien ...................... 303, 328, 374, 409
I
domaine public maritime .......26, 126, 128, 162, 164, 175,
176, 224, 231, 233, 289, 290, 308
immatriculation ............ 35, 72, 92, 93, 476, 477, 478, 479
domaine public naturel ........................... 26, 81, 193, 297
immunité d’exécution ...... 97, 98, 101, 102, 103, 104, 503
domaine public portuaire ..................... 303, 325, 327, 424
impossibilité d’appropriation privée ...... 22, 23, 24, 25, 90
domaine public routier..........165, 198, 214, 233, 313, 317
imprescriptibilité . 32, 81, 87, 89, 91, 94, 95, 96, 106, 253,
dommages ................................................................... 232
500, 502
droit à indemnité.......................................................... 152
inaliénabilité ..32, 52, 55, 56, 58, 63, 70, 74, 90, 106, 133,
droit au renouvellement ............... 327, 328, 437, 439, 448
134, 136, 137, 322, 329, 421, 425, 426, 457, 458, 459,
droit d’arrêt.................................................................. 144
461, 468, 485, 492, 494, 500
droit de stationnement ................................................. 144
incorporation ....................................................55, 80, 290
droit personnel de substitution............................. 487, 489
indemnité .... 152, 155, 261, 334, 336, 337, 447, 450, 451,
droits réels ... 17, 38, 68, 69, 329, 364, 367, 368, 418, 421,
452, 490
424, 425, 426, 472, 476, 478, 489, 496, 508, 509
indemnité d’éviction ........................................... 487, 488
durée .....................................322, 324, 326, 366, 435, 458
infractions ................................................................... 222
infractions domaniales ................. 221, 236, 241, 257, 505
E insaisissabilité 99, 100, 101, 102, 103, 104, 485, 500, 503
intégrité physique 157, 175, 181, 214, 221, 230, 236, 244,
254, 267, 504
eaux usées ........................................................... 179, 180
interdiction de construire ............................................ 126
encombrement ............................................. 160, 161, 162
intransmissibilité ..........................................429, 430, 431
enquête de commodo incommodo .................... 85, 86, 501
entretien ....................................................................... 181
espace aérien ................................................................ 29
L
établissement des servitudes d’utilité publique ........... 145
exécution d’office ................................................ 254, 255
littoral........................................... 128, 129, 164, 175, 309
exploitation..... 44, 300, 302, 303, 304, 307, 312, 321, 395
exploitation économique ............................ 302, 303, 499
expropriation ............................................... 63, 64, 65, 66 M

marchands tabliers ............................... 203, 206, 209, 223


F
mer territoriale .................................................... 289, 292
motifs de refus .............................................212, 218, 220
force majeure ............................................................... 273
motivation ................................................................... 445

G
N
gênes aux servitudes d’utilité publique........ 222, 230, 232
nature du bien.......................................................... 19, 54
gestion ..... 36, 37, 280, 286, 287, 299, 321, 338, 347, 352,
non aedificandi ............................ 126, 128, 129, 231, 503
362, 395, 506, 507
non-renouvellement .................................................... 447
gestion en régie ........................................................... 339
gestion patrimoniale ............................................ 278, 286
gratuité ........................................................................ 379 O
gré à gré ....................................................... 403, 405, 407

obligation d’entretien ........................... 182, 186, 187, 189


obligation de laisser faire ............................................ 117
H
obligation de motivation ..............................218, 219, 220
obligation de poursuite ......... 235, 242, 244, 245, 246, 247
hypothèque .. 466, 471, 472, 473, 474, 475, 476, 477, 480,
obligations d’agir ........................................................ 123
481, 482, 485, 487, 488, 490, 509
occupation privative ............................................ 217, 224
occupations irrégulières .............................................. 222
occupations privatives .. 204, 288, 323, 378, 383, 396, 397
ouvrage public............................................................. 190

Page 557
responsabilité 189, 191, 192, 193, 194, 247, 248, 249, 448
P
responsabilité pour faute ..................................... 192, 248
responsabilité sans faute...................................... 249, 448
partage de production .................................................. 305
ressources en eau ................................................ 177, 234
partenariat public-privé ............................................... 304
révocation ................................................................... 449
pas géométriques ..................120, 122, 127, 128, 130, 309
péage ................................................... 313, 317, 318, 319
peine d’emprisonnement ............................................. 264 S
peine privative de liberté ............................................. 270
peines de police ........................................................... 264
salubrité publique ................................................ 172, 174
peines pécuniaires ....................................................... 258
sanction ............................................................... 193, 252
peines privatives de liberté ......................................... 263
sanctions .............................................. 235, 258, 269, 505
peines privatives de libertés......................................... 258
sécurité juridique................................................. 322, 396
performance................................................................. 354
servitude de passage ............................. 119, 120, 121, 122
permis de stationnement .............................................. 348
servitude de passage longitudinale .............................. 122
permission de voirie .................................... 199, 301, 348
servitude de passage tranversale ................................. 122
plateau continental............................................... 289, 293
servitudes administratives ........................................... 109
polices spéciales .......................................................... 178
servitudes aéronautiques ..................................... 124, 232
pollution ...................................................... 172, 178, 233
servitudes civiles ................................................. 133, 504
précaire ........................................................................ 426
servitudes conventionnelles ......... 133, 134, 135, 137, 138
précarité ............................................... 327, 434, 484, 496
servitudes d’utilité publique 108, 111, 112, 114, 116, 123,
prescription.......................................................... 251, 253
139, 146, 230, 232, 503
prescription acquisitive...................................... 88, 90, 93
servitudes de balisage ................................................. 125
prescription extinctive ................................................... 93
servitudes de dégagement ........................................... 124
principe de gratuité ...................... 313, 317, 318, 375, 506
servitudes de visibilité................................................. 123
principe de non-gratuité....................................... 370, 378
servitudes légales ........................................................ 133
procédure contradictoire ...................................... 240, 446
sous-sol .................................................. 28, 296, 297, 298
procédure d’établissement des servitudes d’utilité
stationnement payant ........................... 313, 314, 315, 316
publique .................................................................. 148
substitution de responsabilité ...................................... 268
procédure de constatation ............................................ 239
superposition d’affectation .................................. 345, 346
procédure de sélection 397, 399, 400, 401, 402, 403, 410,
sûretés réelles .............................................................. 103
414
procès-verbal ........................239, 240, 241, 242, 243, 505
propriété ...............................280, 283, 287, 305, 329, 332 T
propriété administrative .............................................. 284
propriété privée ........................................................... 286
théorie de l’accessoire ......................................... 331, 485
protection ..................... 77, 78, 80, 82, 108, 112, 132, 291
titres miniers ............................................................... 307
protection pénale ................................................. 221, 242
tolérance administrative ...............................223, 224, 229
transaction ........................................................... 256, 257
transfert de gestion 65, 188, 338, 340, 341, 343, 345, 346,
R
349, 350, 351, 353, 354, 393, 507
transfert de propriété ......................................66, 117, 349
récidive ........................................................ 269, 270, 271
transmission ................................................................ 429
reconduction tacite ...................................................... 438
travaux d’entretien .......................................183, 184, 186
redevance domaniale ... 214, 369, 370, 371, 372, 376, 380,
travaux de pose ou dépose ................... 166, 167, 168, 200
381, 382, 385, 387, 388, 390, 391, 444, 506
trottoirs................................................................ 205, 316
redevance pour service rendu ...................................... 376
refus d’autorisation ...................................... 212, 215, 216
refus injustifié.............................................................. 247 U
refus justifié ......................................................... 247, 249
régime juridique ............................................... 31, 32, 33
usage collectif ............................................................... 21
remise en état du domaine public ........................ 266, 268
usages privatifs conformes .......................................... 210
réparation ............................................................ 266, 268
usages privatifs non-conformes................................... 210
réparation en nature ................................................... 265
utilisation collective ............................................ 159, 313
réseau routier classé ............................................ 167, 183
utilisation privative ............................................. 307, 371
résiliation ..................................................................... 335

Page 558
utilisations privatives........................... 195, 209, 300, 332 voies publiques ............................ 165, 166, 168, 173, 218

V Z

valorisation ...... 38, 39, 277, 278, 300, 308, 361, 395, 455, zones réservées ............................................126, 130, 231
462, 470, 508
vente ................................................................ 57, 59, 486
voies d’exécution......................................................... 101

Page 559
Table des Matières

Dédicaces ............................................................................................................................................... iii


Remerciements...................................................................................................................................... iv
PRINCIPALES ABRÉVIATIONS ...................................................................................................... v
INTRODUCTION GÉNÉRALE .......................................................................................................... 1
A / La définition légale du domaine public ............................................................................. 5
B / Le régime juridique dual du domaine public .............................................................................. 22
1) Un domaine soumis à des règles de droit public ....................................................................... 22
2) Une application dérogatoire de règles de droit privé ............................................................... 27
III / INTÉRÊT ..................................................................................................................................... 31
IV / PROBLÉMATIQUE ................................................................................................................... 34
V / MÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE ..................................................................................... 36
LA PROTECTION RIGOUREUSE DU DOMAINE PUBLIC ...................................................... 40
TITRE I :.............................................................................................................................................. 41
LA CONSÉCRATION DE RÈGLES JURIDIQUES FORTEMENT PROTECTRICES DE
L’UTILITÉ PUBLIQUE DU DOMAINE PUBLIC ......................................................................... 41
CHAPITRE 1:...................................................................................................................................... 42
L’ADOPTION DES PRINCIPES PROTECTEURS DE LA CONSISTANCE DU DOMAINE
PUBLIC ................................................................................................................................................ 42
Section 1 : La limitation des pouvoirs de l’administration par le principe d’inaliénabilité ......... 42
Paragraphe 1 : La prohibition d’aliénations des biens du domaine public.................................... 43
A / La prévention d’abandon de dépendances domaniales.............................................................. 43
B / La conservation obligatoire de l’unité domaniale ....................................................................... 47
1. La prohibition de la cession des biens........................................................................................ 47
a) L’interdiction des cessions volontaires ...................................................................................... 47
b) L’interdiction des cessions forcées ............................................................................................. 53
2. L’exclusion du démembrement de la propriété publique ........................................................ 57
Paragraphe 2 : La sortie encadrée des biens du domaine public .................................................... 61
A / Les justifications ............................................................................................................................ 61
1. La réduction de la consistance du domaine public ................................................................... 61
2. L’aliénabilité des dépendances domaniales............................................................................... 64
B / Le formalisme incomplet de la sortie des biens du domaine public .......................................... 66
1. L’exigence d’un acte formel de déclassement ........................................................................... 66
2. L’imprévision d’une procédure d’édiction de l’acte de déclassement .................................... 73
Section 2 : L’exclusion d’acquisitions privatives de biens domaniaux ........................................... 77

Page 560
Paragraphe 1 : L’imprescriptibilité du domaine public .................................................................. 77
A / L’exclusion de la prescription acquisitive ................................................................................... 77
1. L’absence d’effet créateur de droit du temps ........................................................................... 78
2. L’utilité de l’exclusion de la prescription acquisitive ............................................................... 81
B / L’opposition à la prescription extinctive ..................................................................................... 83
1. Les hypothèses d’application de la prescription extinctive ..................................................... 83
2. L’inapplication de la prescription extinctive ............................................................................ 84
Paragraphe 2 : La saisie impossible des biens du domaine public .................................................. 86
A / Les garanties particulières à l’impossibilité de saisir les biens du domaine public ................. 86
1. L’immunité d’exécution de l’État .............................................................................................. 87
2. Le principe d’insaisissabilité des biens de l’État ...................................................................... 90
B / La prohibition des voies d’exécution............................................................................................ 91
1. L’impraticabilité des saisies........................................................................................................ 92
2. La prise en compte des nécessités de service public ................................................................. 95
CHAPITRE 2 :..................................................................................................................................... 98
L’ADOPTION DE MESURES PROTECTRICES DE L’UTILISATION DU DOMAINE
PUBLIC ................................................................................................................................................ 98
Section 1 : La protection de l’affectation domaniale par les servitudes ......................................... 98
Paragraphe 1 : La garantie du respect de la destination domaniale .............................................. 98
A / La globalisation des privilèges utiles aux affectataires du domaine ......................................... 99
1. Au regard du sens de la notion de servitude d’utilité publique............................................... 99
2. Au regard des composantes des servitudes d’utilité publique ............................................... 101
B / La protection des servitudes d’utilité publique......................................................................... 103
Paragraphe 2 : La limitation des gênes à l’affecation domaniale ................................................. 105
A / Les obligations consacrées .......................................................................................................... 106
1. Les obligations de laisser faire sur la propriété privée .......................................................... 106
a) Les obligations au profit des services publics ......................................................................... 106
b) Les obligations au profit du public usager .............................................................................. 109
2. Les obligations d’agissement .................................................................................................... 113
B / Les interdictions de construction ............................................................................................... 115
1. L’interdiction de bâtir sur les zones non aedificandi.............................................................. 116
2. L’interdiction de construire sur les zones réservées............................................................... 120
Section 2 : La protection du domaine public contre les propriétés privées ................................. 121
Paragraphe 1: Le principe de l’interdiction des servitudes sur le domaine public ..................... 122
A / L’exclusion discutable des servitudes civiles ............................................................................. 122
1. L’opposition de la domanialité publique aux servitudes ....................................................... 122

Page 561
2. La concialiabilité de l’inaliénabilité aux servitudes conventionnelles .................................. 124
a) L’assouplissement nécessaire de l’exclusion des servitudes conventionnelles ..................... 124
b) L’utilité de l’assouplissement ................................................................................................... 127
B / L’existence de servitudes d’utilité publique sur le domaine public ........................................ 128
1. Les servitudes au profit des concessionnaires de service public............................................ 128
2. Les servitudes au profit des riverains des voies publiques .................................................... 131
Paragraphe 2 : La relative protection des assujettis ...................................................................... 135
A / Le domaine restreint des servitudes soumises à une procédure d’établissement .................. 135
1. L’inexistence juridique d’une obligation procédurale ........................................................... 135
2. L’existence sectorielle d’une procédure d’établissement des servitudes .............................. 137
a) En matière de télécommunications .......................................................................................... 137
b) En matière de transport ou de distribution d’énergie électrique .......................................... 139
B / Le méconnaissance de principe d’un droit à indemnité ........................................................... 142
1. Le principe : l’inexistence d’un droit à indemnité.................................................................. 142
2. L’exception : l’indemnisation conditionnelle .......................................................................... 143
CONCLUSION TITRE I .................................................................................................................. 146
TITRE II : .......................................................................................................................................... 147
LA MISE EN PLACE D’UNE PROTECTION RIGIDE DE L’INTÉGRITÉ PHYSIQUE DU
DOMAINE PUBLIC ......................................................................................................................... 147
CHAPITRE 1 :................................................................................................................................... 148
L’ÉDICTION DE MESURES PRÉVENTIVES AUX UTILISATIONS MALVEILLANTES DU
DOMAINE PUBLIC ......................................................................................................................... 148
Section 1 : La prévention des nuisances au domaine public .......................................................... 148
Paragraphe 1 : Les restrictions à l’usage collectif du domaine public ......................................... 148
A / L’interdiction des incommodités à l’usage collectif.................................................................. 149
1. L’opposition à l’encombrement des dépendances domaniales .............................................. 149
2. La prohibition des actes de dégradation ................................................................................. 152
a) La prévention des occupations détériorant le domaine public maritime ............................. 152
b) La sauvegarde des voies publiques .......................................................................................... 154
B / La prohibition de la pollution des dépendances domaniales ................................................... 161
1. La prévention de l’insalubrité des dépendances recevant du public .................................... 161
a) Au niveau des voies publiques .................................................................................................. 161
b) Au niveau des dépendances maritimes .................................................................................... 163
2. La prévention de l’insalubrité des ressources hydrauliques ................................................. 166
a) L’institution de polices de protection des eaux ....................................................................... 166
b) L’adoption d’une norme règlementant les rejets d’eaux usées ............................................. 168

Page 562
Paragraphe 2 : L’obligation d’entretien du domaine public ......................................................... 170
A / La contrainte des gestionnaires à l’entretien du domaine ....................................................... 171
1. L’obligation d’entretien à la charge de l’État ......................................................................... 171
2. L’obligation d’entretien à la charge des bénéficiaires de transfert de gestion..................... 175
B / L’engagement de la responsabilité des assujettis à l’obligation d’entretien .......................... 178
1. La responsabilité pour défaut d’entretien du domaine public artificiel ............................... 178
2. La responsabilité pour défaut d’entretien du domaine public naturel ................................. 182
Section 2 : La subordination relative des usages privatifs du domaine public ............................ 183
Paragraphe 1 : L’exigence inobservée d’une autorisation administrative ................................... 184
A / L’institution d’un régime d’autorisation préalable.................................................................. 184
1. L’obligation d’une demande administrative préalable .......................................................... 185
2. La nécessaire disposition d’un titre d’occupation .................................................................. 186
B / L’irrespect sectoriel du régime de l’autorisation préalable ..................................................... 191
1. Le constat ................................................................................................................................... 191
2. L’explication .............................................................................................................................. 194
Paragraphe 2 : La délivrance discrétionnaire des autorisations domaniales .............................. 198
A / L’imprécision des critères d’appréciation des demandes ........................................................ 198
1. Le cadre général du pouvoir d’appréciation........................................................................... 198
2. La diversité des motifs de refus ................................................................................................ 201
B / L’improblable critique contentieuse du refus d’accorder un titre d’occuper ........................ 205
1. Le principe de l’incontestabilité de la décision de refus......................................................... 205
2. L’absence d’obligation de motivation des décisions de refus ................................................ 207
CHAPITRE 2 :................................................................................................................................... 210
LA CONSÉCRATION D’UN RÉGIME RÉPRESSIF RIGOUREUX ........................................ 210
Section 1 : La détermination d’infractions au domaine public ..................................................... 210
Paragraphe 1 : Les occupations irrégulières................................................................................... 211
A / Les occupations sans titre juridique .......................................................................................... 211
1. L’inexistence réelle d’une autoirisation d’occupation ........................................................... 212
2. L’extension du titre d’occupation ............................................................................................ 214
B / Les utilisations basées sur un titre irrégulier ............................................................................ 215
1. L’irrégularité du titre à l’origine ............................................................................................. 215
2. La caducité du titre ................................................................................................................... 217
Paragraphe 2 : Les actes contrariant l’intégrité matérielle du domaine public .......................... 219
A / Les gênes à l’exercice des servitudes d’utilité publique ........................................................... 219
B / Les actes de dégradation des dépendances domaniales ............................................................ 221
Section 2 : La sévère répression des infractions domaniales ......................................................... 223

Page 563
Paragraphe 1 : L’aménagement d’une procédure contentieuse particulière............................... 224
A / La singularité de la constatation des infractions ...................................................................... 224
1. La pluralité des agents de constatation ................................................................................... 224
2. La procédure inéquitable de constatation des infractions .................................................... 227
B / L’obligation de poursuite contre le contrevenant ..................................................................... 231
1. L’absence de pouvoir d’appréciation de l’opportunité de poursuivre ................................. 231
a) La nécessité de faire cesser toute infraction domaniale ......................................................... 231
b) L’engagement possible de la responsabilité de l’autorité domaniale .................................... 235
2. La singularité des voies de droit répressives ........................................................................... 238
a) La voie de droit juridictionnelle ............................................................................................... 238
b) La voie de droit non juridictionnelle ....................................................................................... 242
Paragraphe 2 : La lourdeur des sanctions pénales ......................................................................... 246
A / L’application d’une pluralité de sanctions ................................................................................ 246
1. Les pénalités ............................................................................................................................... 246
a) La diversité des sanctions patrimoniales ................................................................................. 247
b) La sévérité des peines privatives de liberté ............................................................................. 252
2. La réparation en nature ............................................................................................................ 254
a) La remise en état du domaine public par le contrevenant ..................................................... 254
b) La remise en état des lieux aux frais du contrevenant ........................................................... 256
B / La rigidité des sanctions aux infractions domaniales ............................................................... 257
1. L’alourdissement des peines en cas de récidive ...................................................................... 257
2. Le champ restreint des causes exonératoires .......................................................................... 260
CONCLUSION TITRE II ................................................................................................................ 263
CONCLUSION PREMIÈRE PARTIE ........................................................................................... 264
DEUXIÈME PARTIE :..................................................................................................................... 265
LA VALORISATION INSUFFISANTE DU DOMAINE PUBLIC ............................................. 265
TITRE I :............................................................................................................................................ 266
L’INFLÉCHISSEMENT DE LA LÉGISLATION DOMANIALE VERS UNE EXPLOITATION
ÉCONOMIQUE ................................................................................................................................ 266
CHAPITRE 1 :................................................................................................................................... 267
L’ADMISSION D’UNE GESTION PATRIMONIALE DU DOMAINE PUBLIC ..................... 267
Section 1 : La perception économique du domaine public ............................................................ 267
Paragraphe 1 : L’apparition d’une gestion économique du domaine public .............................. 268
A / La nature hybride de la propriété de l’État .............................................................................. 268
1. La consécration de la propriété de l’État sur le domaine public .......................................... 268
2. La combinaison « propriété administrative »-propriété privée ............................................ 271

Page 564
B / L’inhérence de la gestion économique au droit de propriété de l’État ................................... 274
Paragraphe 2 : L’élargissement du domaine public à des zones d’intérêt économique ............. 276
A / L’adjoinction temporaire d’espaces productifs ........................................................................ 276
1. L’incorporation temporaire de la mer territoriale et du plateau continental...................... 277
2. L’exclusion injustifiée de la mer territoriale et du plateau continental ............................... 280
B / L’incorporation du sous-sol dans le domaine public ................................................................ 284
Section 2 : L’instauration d’outils de valorisation économique du domaine public ................... 287
Paragraphe 1 : L’admission d’activités économiques sur le domaine public .............................. 288
1. Le domaine public, support d’activités économiques............................................................. 288
2. Le domaine public, objet d’exploitation économique............................................................. 289
B / Le recours au déclassement pour la valorisation du domaine public maritime .................... 295
1. La fonction économique du déclassement ............................................................................... 296
2. La fonction détournée du déclassement .................................................................................. 298
Paragraphe 2 : La rentabilisation de l’usage collectif du domaine public ................................... 300
A / L’instauration du stationnement payant ................................................................................... 300
B / L’avènement du péage autoroutier ............................................................................................ 304
CHAPITRE 2 :................................................................................................................................... 308
L’AMÉLIORATION PROGRESSIVE DE LA GESTION PATRIMONIALE .......................... 308
Section 1 : L’allègement tendantiel des modalités d’exploitation du domaine public ................ 308
Paragraphe 1 : Le renforcement sectoriel de la sécurité juridique des occupants privatifs....... 309
A / La stabilisation de la situation juridique d’occupants privatifs .............................................. 309
1. L’établissement de titres d’occupation de longue durée ........................................................ 310
2. La reconnaissance d’un droit au renouvellement du titre d’occuper ................................... 314
B / La reconnaissance de droits protecteurs aux occupants privatifs ........................................... 316
1. L’admission de la propriété de l’occupant privatif sur ses installations .............................. 317
a) L’admission implicite ................................................................................................................ 317
b) L’admission explicite ................................................................................................................. 319
2. La reconnaissance d’un droit à indemnité à l’occupant évincé............................................. 322
a) L’application du régime indemnitaire des contrats administratifs ...................................... 322
b) La reconnaissance d’un droit à indemnité par des textes particuliers ................................. 323
Paragraphe 2 : La diversification des procédés de gestion du domaine public ........................... 325
A / Le maintien des techniques classiques de gestion du domaine public .................................... 326
1. L’utilisation de la gestion en régie ........................................................................................... 326
2. Le recours à la technique du transfert de gestion................................................................... 328
a) Le contenu indéterminé du transfert de gestion ..................................................................... 328
b) L’attribution de compétences domaniales à des services externes à l’État .......................... 333

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B/ L’avènement d’une nouvelle technique de gestion : le contrat de partenariat public-privé . 344
a) Un nouveau mode d’occupation privative du domaine public .............................................. 344
b) Un outil juridique de valorisation du domaine public ........................................................... 348
Section 2 : L’effort d’accroissement des revenus tirés du domaine public .................................. 357
Paragraphe 1 : L’exigence d’une redevance domaniale à l’usage privatif................................... 357
A / Le principe de non-gratuité de l’occupation privative ............................................................. 357
1. L’obligation de percevoir une redevance domaniale.............................................................. 358
a) La redevance domaniale pour usage privatif compatible au domaine public...................... 358
b) La redevance domaniale pour usage privatif conforme au domaine public hertzien ......... 361
2. L’exonération de certains usages privatifs .............................................................................. 365
B / Le caractère économique de la redevance domaniale .............................................................. 367
1. La détermination variable de la redevance domaniale .......................................................... 368
2. Le caractère révisable du tarif de la redevance ...................................................................... 372
Paragraphe 2 : La réadaptation des modalités de fixation des redevances domaniales ............. 374
A / L’actualisation de la règlementation des redevances d’occupation du domaine public
maritime ............................................................................................................................................. 375
B / L’augmentation des tarifs des redevances domaniales ............................................................ 378
TITRE II : .......................................................................................................................................... 382
L’INCOMPLÉTUDE DE LA MUTATION ÉCONOMIQUE DES RÈGLES DOMANIALES 382
CHAPITRE 1 :................................................................................................................................... 383
L’INSUFFISANCE DE LA SÉCURITÉ JURIDIQUE SUR LE DOMAINE PUBLIC.............. 383
Section 1 : L’inclusion limitée du droit de la concurrence dans l’accès au domaine public ....... 383
Paragraphe 1 : La non-prise en compte d’une procédure de sélection préalable ....................... 384
A / L’absence de procédure d’attribution des autorisations unilatérales dépassée..................... 385
1. L’exclusion explicable des autorisations unilatérales à une procédure de sélection ........... 385
2. Le maintien injustifié de l’exclusion des titres unilatéraux à une procédure de séléction .. 387
B / L’instauration d’une procédure allégée d’attribution des titres contractuels ....................... 389
1. La liberté de choix de l’autorité domaniale............................................................................. 389
2. L’inadaptation de l’encadrement procédural à un traitement égalitaire............................. 392
Paragraphe 2 : L’apparition d’une mise en concurrence dans l’accès au domaine public ........ 395
A / L’existence d’une sélection transparente dans l’accès au domaine public hertzien .............. 395
1. La consécration d’une procédure de publicité et de mise en concurrence ........................... 395
2. La garantie d’un égal accès au domaine public hertzien ....................................................... 398
B / L’introduction connexe d’une sélection transparente .............................................................. 400
1. La soumission des contrats emportant occupation du domaine public aux règles de
concurrence ........................................................................................................................................ 400

Page 566
2. L’inclusion de la mise en concurrence dans le droit domanial.............................................. 402
Section 2 : La protection relative de la situation des occupants privatifs .................................... 404
Paragraphe 1 : La faiblesse des droits de l’occupant privatif ....................................................... 404
A / L’absence quasi-général de droits réels sur le domaine public ............................................... 404
1. Le maintien du principe de l’inadmission de titres constitutifs de droits réels ................... 405
a) La persistance des titres d’occupation ordinaire .................................................................... 405
b) L’admission isolée d’un titre constitutif de droit réel ............................................................ 407
2. La non généralisation de la reconnaissance de droits réels sur les constructions ............... 410
B / L’absence de liberté de cession du titre d’occuper ................................................................... 414
1. Le principe de l’incessibilité de l’autorisation d’occupation ................................................. 414
2. L’encadrement de la cessibilité de l’autorisation ................................................................... 417
Paragraphe 2 : La précarité de l’autorisation domaniale.............................................................. 420
A / L’instabilité permanente du titre d’occupation ........................................................................ 421
1. Le caractère temporaire de l’autorisation............................................................................... 421
a) La fixation d’une durée maximale de l’autorisation .............................................................. 421
b) L’absence de droit au renouvellement de l’autorisation ........................................................ 423
2. La révocabilité de l’autorisation .............................................................................................. 428
B / L’absence d’un principe au droit à une indemnisation ............................................................ 433
1. En cas de non-renouvellemnt de l’autorisation ...................................................................... 433
2. En cas de révocation du titre .................................................................................................... 435
CHAPITRE 2 :................................................................................................................................... 440
LA DIFFICULTÉ DE FINANCEMENT EXTERNALISÉ DES INVESTISSEMENTS SUR LE
DOMAINE PUBLIC ......................................................................................................................... 440
Section 1 : L’inexploitation de contrats de valorisation du domaine public ................................ 441
Paragraphe 1 : L’inapplication du bail emphytéotique ................................................................. 441
A / L’opposition apparente de la domanialité publique au bail emphytéotique .......................... 442
B / La conciliabilité du bail emphytéotique au domaine public .................................................... 445
Paragraphe 2 : La méconnaissance du bail à construction ........................................................... 450
A / La contrariété du domaine public au bail à construction ........................................................ 451
B / L’applicabilité du bail à construction sur le domaine public .................................................. 453
Section 2 : La limitation des capacités d’investissements des opérateurs privés ......................... 456
Paragraphe 1 : Le difficile recours au crédit hypothécaire ........................................................... 457
A / L’inclusion du domaine public dans l’assiette de l’hypothèque .............................................. 457
1. La consécration textuelle .......................................................................................................... 458
a) Par le droit communautaire ..................................................................................................... 458
b) Par le droit national .................................................................................................................. 459

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2. L’étroitesse relative de l’assiette de l’hypothèque .................................................................. 460
a) La limitation principielle de l’assiette de l’hypothèque ......................................................... 460
b) L’extension possible de l’assiette de l’hypothèque ................................................................. 463
B / L’impraticabilité de l’hypothèque sur le domaine public ........................................................ 465
1. L’inexistence d’articulation de l’hypothèque à la domanialité publique ............................. 466
a) L’aménagement possible des caractères de l’hypothèque au domaine public ..................... 466
b) L’opposition de l’hypothèque à l’autorisation domaniale ..................................................... 468
2. L’absence de garanties alternatives au profit du créancier hypothécaire............................ 472
a) L’inexistence d’un droit de suite sur l’indemnité d’éviction ................................................. 473
b) L’absence d’un droit personnel de substitution...................................................................... 475
Paragraphe 2 : L’impossible recours au crédit-bail immobilier ................................................... 478
A / L’opposition manifeste entre crédit-bail immobilier et principe d’inaliénabilité ................. 478
B / L’incompatibilité du crédit-bail immobilier à la réalité domaniale ........................................ 481
CONCLUSION DEUXIÈME PARTIE ........................................................................................... 485
CONCLUSION GÉNÉRALE........................................................................................................... 486
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................................ 496
INDEX ALPHABÉTIQUE ............................................................................................................... 556
Table des Matières............................................................................................................................. 560

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Nom et prénom : Mamadou DIANGAR
Titre de la thèse : LE RÉGIME JURIDIQUE DU DOMAINE PUBLIC DE L’ÉTAT AU SÉNÉGAL.
Date et lieu de soutenance : 19 janvier 2019 - FSJP – UCAD
Jury : Président : M. Ibrahima LY
Membres : M. Demba SY - Ndèye Madjiguène DIAGNE – M. Mouhamadou Moustapha AÏDARA – M. Urbain NGAMPIO
OBÉLÉ-BÉLÉ

RESUME

L’adoption de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant code du domaine de l’État au Sénégal est intervenue dans un contexte
de changement de perception sur le domaine public. Ce dernier, longtemps perçu comme un ensemble de biens à protéger,
est désormais conçu comme une richesse collective à valoriser.
Cette recherche essaie de montrer la manière dont le régime domanial sénégalais a pris en compte ces deux dimensions du
domaine public.
Le législateur sénégalais a adopté un régime juridique qui protège rigoureusement le domaine public aussi bien dans sa
consistance que dans son utilisation. Il s’est solidement appuyé sur les principes originaires de la domanialité publique
(inaliénabilité, imprescriptibilité et insaisissabilité) protégeant ainsi le domaine public à la fois contre l’administration elle-
même et contre les tiers. Ces derniers sont en outre assujettis, dans leur rapport de voisinage avec le domaine public, à des
servitudes d’utilité publique sans avoir la possibilité de bénéficier sur ce domaine de servitudes civiles. Enfin, le législateur a
tenu à préserver l’intégrité physique du domaine public avec non seulement une obligation d’entretien et une prévention des
nuisances des dépendances domaniales, mais aussi une sévère répression des auteurs d’infractions domaniales.
En revanche, le législateur n’a pas suffisamment pris en compte la dimension de valorisation du domaine public. Après avoir
admis la propriété de l’État sur ce domaine et élargi sa consistance sur des espaces d’intérêt économique, il y a introduit une
gestion patrimoniale. Cette dernière est toutefois plombée par la persistance de la rigueur de la domanialité publique rendant
difficile une exploitation optimale de la richesse que constitue ledit domaine. De même, l’accès au domaine public n’obéit
pas encore, en principe, à une procédure de sélection transparente préalable des occupants potentiels, et ceux qui s’y
installent sont dans une certaine insécurité juridique. Enfin, le législateur n’a pas pour l’instant introduit dans la gestion du
domaine public des techniques contractuelles de droit privé capables de répondre aux besoins de l’État en infrastructures
d’intérêt collectif et de soulager son budget.
Toutes choses qui appellent à adapter les contraintes de la domanialité publique à la demande économique afin d’avoir un
régime juridique protecteur de l'utilité publique du domaine public et attractif à l’investissement privé.

Mots clés : Sénégal, domaine public, gestion, protection, propriété, régime juridique, répression, sélection, servitudes,
utilisation, valorisation.

ABSTRACT

The adoption of law No. 76-66 of july 2, 1976 ont the code of the State domaine in Sénégal took place in a context of change
in perception of the public domain. The latter long perceived as a set of goods to be protected, is now conceived wealth to be
developed.
This research tries to show how Senegalese state regime has taken into account these two dimensions of the public domain.
The senegalese legislator has adopted a legal regime which rigorously protects the public domain both in its consistency and
in its use. It was firmly based on the original principles of public domaniality (inalienability, imprecritibility and
unseizability) thus protecting the public domain both against the administration itself an third parties. The latter are also
subject, in their relationship with the public domain, to public utility easements without having the possibility of benefiting
from civil easements on the latter. Finally, the legislator wished to preserve the physical integrity of the public domain with
not only an obligation of maintenance and a prevention of the state dependances, but also a severe repression of the authors
of state offenses.
On the other hand, the legislator did not sufficiently take into account the dimension of promotion of the public domain. After
admiting State owership over this area and broadening its consistency to areas of economic interest, it introduced heritage
management. The latter is however weighed down by the persistence of the rigor of public domain, making it difficult to
optimize the use of wealth that constitutes the said domain. Likewise, access of the public domain does not obey, in principle,
a prior transparent selection procedure for potential occupants and those who settle there are in a certain lega incerttainty.
Finally, the legislator has not yet intoduced into the management of the public domain any private law contractual
thechniques capable of meeting the States’s needs in infrastructure of collective interest and relieving its budget.
All things that call for adapting the contraints of public domain to economic demand in order to have a legal regime
protecting the public utility of the public domain and attractive to private investment.

Keywords : public domain, management, protection, property, legal regime, repression, selection, Senegal, easements,
use, enhancement.

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