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Université Gaston Berger de Saint-Louis

UFR DES SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES

SECTION : Droit public

NIVEAU : Master 1

SUJET : La séparation des pouvoirs au Sénégal :


des textes aux faits

Présentée par : Sous la direction de :


Ouleye SARR
P28 491 Dr. El Hadj Tafsir DIOUF

Année universitaire :
2021-2022
INTRODUCTION :

La considération selon laquelle le pouvoir politique est à l'origine du droit existant pose la
question essentielle des rapports qu'entretient le pouvoir politique avec le droit. L'État de droit
se réalise par la soumission du pouvoir politique au droit. Une fois la Constitution établie et les
organes habilités à créer des droits institués, il s'agit, pour le pouvoir politique, de respecter
l'ordre juridique afin de préserver la cohérence du système constitutionnel et politique 1. La
notion d'État de droit est ainsi animée de l'idée de limitation du pouvoir. Il s'inspire de la volonté
d'encadrer le rôle de l'Etat afin de limiter sa puissance et de lutter contre l'arbitraire. L'époque
révolutionnaire qui marque l'origine du développement du concept d'État de droit en France, en
retient une vision essentiellement libérale conforme à celle qu'elle tend à reconnaître à l'État
entendu comme un État gendarme nécessairement restreint dans ses capacités d'interventions.2
Ainsi, la limitation du pouvoir à laquelle aspire l'Etat de droit s'obtient ici par un effacement de
l'Etat, par la liberté d'exercice des activités sociales selon la règle du non-interventionnisme
étatique. Cette règle en constitue un fondement essentiel mais non exclusif qui trouve dans la
notion des droits de l'homme et dans le concept de séparation des pouvoirs deux autres modes
de limitation du pouvoir de l'Etat.

De ce fait, l'invocation des droits de l'homme vise à sauvegarder l'individu des excès de l'État.
La reconnaissance de droits fondamentaux est un gage de protection de l'exercice des libertés.
La théorie libérale de l'Etat de droit repose entièrement sur cette règle fondée sur
l'individualisme, insuffisante toutefois à elle seule pour être un instrument de limitation du
pouvoir. En effet, l’effectivité de la soumission du pouvoir politique au droit suppose ainsi
préalablement une organisation de l'ordre juridique qui se caractérise par une hiérarchisation
des normes. L'État agira donc au moyen du droit selon l'ordonnancement des normes juridiques
retenu. Il s'agit là d'une garantie de protection contre l'arbitraire qui toutefois ne se suffit pas à
elle-même. L'exigence d'une hiérarchie des normes impose d'en assurer le respect. Celui-ci

1
- voir BAGHESTANI Laurence, Fiches de droit constitutionnel : Rappels de cours et
exercices corrigés, 7e édition, Ellipses, 2022, page 24.
2
- voir BAGHESTANI Laurence, Fiches de droit constitutionnel : Rappels de cours et
exercices corrigés, 7e édition, Ellipses, 2022, page 28.

1
suppose l'institution d'un contrôle juridictionnel dont la mission est précisément de veiller à
l'absence de violation de l'ordre juridique en écartant toute transgression de la norme supérieure
par la norme inférieure. La détermination du rang occupé par la norme juridique repose sur le
principe du calque de la hiérarchie des normes juridiques sur celle des organes auteurs de ces
normes. Cette règle issue de la philosophie politique des Lumières induit, sur le plan normatif,
la conformité des règlements de l'organe exécutif à la loi votée par le législateur laquelle doit
elle-même être conforme à la Constitution. Le contrôle juridictionnel institué en vue d'assurer
cet agencement des normes est dénommé contrôle de légalité.3 Il implique nécessairement le
respect par toute règle de droit de la hiérarchie dans laquelle elle s'insère. Seule la Constitution
échappe, par nature, à toute procédure de contrôle.

Ainsi, l'exercice du contrôle juridictionnel participe à la garantie des droits, condition inhérente
à la réalisation de l'Etat de droit et sans laquelle l'Etat ne peut être manifestement de droit. Il
s'agit là d'une exigence essentielle qui, comme le rappelle l'article 16 de la Déclaration des
droits de l'homme de 1789, se double d'un autre impératif, l'institution de la séparation des
pouvoirs en vue de l'accomplissement effectif de l'État de droit. Cette dernière désigne la
distinction entre les différentes fonctions de l’État. Elle est mise en œuvre afin de limiter
l’arbitraire et d’empêcher les abus liés à l’exercice de la souveraineté. Cette doctrine, élaborée
par Locke (1632-1704) et Montesquieu (1689-1755), est au cœur de l’organisation actuelle des
institutions Sénégalaise. En effet, le principe de l'adhésion du Sénégal à l'État de droit est posé
avec force par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 auquel renvoie
le préambule de la Constitution. En effet, dans son article 16, celle-ci proclame solennellement
que « toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des
pouvoirs déterminée n’a point de Constitution ». Ainsi, la séparation des pouvoirs est un
impératif dans un Etat de droit. Elle distingue trois fonctions fondamentales : l’exécutif, le
législatif et la judiciaire. Elle a été consacrée par de nombreux textes notamment au niveau
international comme au niveau national. En effet, étant un des fondements majeurs d’un Etat
de droit, la séparation des pouvoirs est une condition sine qua non. Cependant, son application

3
- Dans un sens général, contrôle exercé par une autorité administrative ou juridictionnelle,
destiné à assurer la conformité d’un acte administratif aux règles juridiques de valeur
supérieure, voir LEXIQUE DES TERMES JURIDIQUES, DALLOZ, 2018-2019, page 296.

2
telle qu’elle est consignée dans les textes est différente dans la pratique. En effet, il y’a une
légère immiscion entre les différents pouvoirs surtout celui de l’exécutif sur les autres pouvoirs.

Vu l’état actuel de la séparation des pouvoirs, il urge de mener une étude de son application au
Sénégal qui est marquée par des ingérences entre les différents organes détenteurs du pouvoir
d’où l’intitulé du sujet ainsi libellé : « la séparation des pouvoirs au Sénégal : des textes aux
faits ».
En effet, entendu que l’un des premiers jalons indispensables à toute réflexion est de l’ordre de
la définition, il sied de cerner le sens des termes essentiels du sujet notamment « séparation des
pouvoirs », « textes » et « faits ». On entend par séparation des pouvoirs un principe essentiel
du libéralisme politique qui tend à prévenir les abus du pouvoir en confiant l'exercice de celui-
ci non à un organe unique, mais à plusieurs organes, chargés chacun d'une fonction différente
et en mesure de se faire mutuellement contrepoids4. Par texte on entend les termes ou phrases
qui constituent un écrit ou une œuvre. Et enfin on entend par faits les événements qui ont eu
lieu, considérés dans leur réalité objective.

Ce sujet peut être appréhendé de différentes manières mais dans notre étude nous nous
contenterons de montrer la consécration textuelle de la séparation des pouvoirs et aussi une
fragilité dans son application au Sénégal.

Ce sujet revêt un intérêt historique et juridique dans la mesure où il nous permet de voir l’origine
de la séparation des pouvoirs au Sénégal qui est un legs colonial. En effet, au lendemain des
indépendances, le Sénégal a déclaré son adhésion à la déclaration des droits de l’homme et du
citoyen de 1789 et affirme ainsi le principe de la séparation des pouvoir qui ainsi
consacrée représente aussi un droit constitutionnel, celui que tout justiciable sénégalais se
prévaut en vue d’obtenir le respect de ses prérogatives et intérêts personnels dans la mise en
place des compétences établies par la Constitution. Le principe de séparation des pouvoirs est
un principe protecteur du citoyen. Il a été capable de s’actualiser afin de satisfaire une
application comme droit, toujours dans l’objectif de protéger les individus. Il est ainsi devenu
un principe et un droit fondamental constitutionnellement garanti. Mais ce sujet revêt aussi d’un
intérêt pratique dans la mesure où il nous permet de voir l’application du principe de la
séparation des pouvoirs qui est quelque peu différente des textes.

4
- Voir LEXIQUE DES TERMES JURIDIQUES, DALLOZ, 2018-2019, page 990.

3
Ainsi, il revient de poser la question à savoir : Existe-t-il un décalage entre les textes et la
pratique à propos de la séparation des pouvoirs au Sénégal ?

La séparation des pouvoirs est un principe suffisamment consacré par des textes mais malgré
cela son application au Sénégal est fragile.

L’adoption de cette démarche nous permet de cerner le sujet dans sa globalité à savoir les textes
précurseurs qui ont consacré la séparation des pouvoirs dans un but de limitation des pouvoirs
publics mais aussi de protection des droits de l’homme et aussi l’affirmation de ce principe dans
la constitution sénégalaise qui est toutefois remise en cause dans son application.

Dès lors, il convient de montrer dans un premier temps La séparation des pouvoirs au Sénégal,
un principe suffisamment consacré par des textes (chapitre I) et d’appréhender dans un
deuxième temps la séparation des pouvoirs au Sénégal, un principe fragilisé dans la pratique
(chapitre II).

CHAPITRE I : La séparation des pouvoirs au Sénégal, un principe suffisamment consacré par


des textes

Pendant longtemps, on a considéré que le pouvoir venait de Dieu et que le prince n'était que
son représentant sur terre. Progressivement, à partir du XVIe siècle notamment s'est développée
l’idée que l’origine du pouvoir résidait dans un pacte (un Contrat social)5 passé entre le prince
et ses sujets. Parallèlement est apparue l’idée qu'il convenait d'organiser de façon cohérente et
rationnelle les gouvernements en fixant leur fonctionnement et limite de leurs pouvoirs dans un
texte précis. Ainsi la séparation des pouvoirs fait l’objet de consécration par des textes
internationaux précurseurs (section 1) et aussi d’une consécration constitutionnelle protectrice
(section 2).

Section 1 : Une consécration par des textes internationaux précurseurs

5
- C’est une thèse soutenu par ROUSSEAU et selon laquelle une organisation sociale juste
repose sur un pacte garantissant l’égalité et la liberté entre tous les citoyens. C’est une
convention tacite et librement consentie entre les membres du corps social, entre les
gouvernés et les gouvernants, entre l’individu et l’Etat. Cette convention permet aux hommes
de coexister pacifiquement.

4
La séparation des pouvoirs est consacrée par de nombreux textes internationaux qui en assurent
la protection. Il s’agit ainsi de la déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen
(paragraphe 1) mais aussi du pacte international relatif aux droits civils et politiques
(paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Une consécration par la déclaration des droits de l’homme et du citoyen (1789)

La Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyens a été établie en 1789, suite à la Révolution
Française. Elle met fin à une royauté pour laisser la place à une monarchie constitutionnelle et
à la Première République. En effet, la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789
(DDHC) a été rédigée par les représentants du tiers état aux Etats généraux, réunis par le roi de
France Louis XVI à Versailles. C’est le résultat d'une volonté tenace de ces hommes d'en finir
avec les abus de pouvoir nombreux et répétés de la monarchie absolue et de son système. Pour
ce faire, ils cherchent à ce que soient respectées l'égalité et la liberté, valeurs que le régime
démocratique incarne et protège le mieux aujourd'hui. Ils rédigent cette déclaration, cependant,
afin de donner à toute société comme but et fondement les droits de l'homme, seul rempart
contre les abus de pouvoirs qui les ignorent en régime monarchique. Au-delà de la valeur
universelle et de l'aspect très général que revêtent certains articles, l'article 16 de cette DDHC
nous apparaît beaucoup plus pratique. En effet, il pose les conditions à un fondement
démocratique du pouvoir (le respect des droits de l'homme et la séparation des pouvoirs), mais
donne également un cadre général à l'organisation de cette société sans abus de pouvoirs: la
Constitution. On retrouve donc ici un souci d'efficacité de cette déclaration en proposant des
solutions au problème des abus de pouvoirs.

La déclaration met en exergue plusieurs principes fondamentaux: la définition des droits et des
libertés des citoyens, ainsi que la séparation des pouvoirs et la souveraineté du peuple. L'article
16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen met l'accent sur l'importance de ces
deux principes. Dans cet article nous pouvons déjà ressortir les deux points essentiels à la mise
en place d'une Constitution. Le premier c'est l'assurance de la garantie des droits, c'est à dire
que les droits des citoyens ne pourront plus être oublié, ignoré ou méprisé.

Lors des séances du 20 au 26 août 1789, les droits de l'Homme et du Citoyen ont été déclarés
par l'Assemblée Nationale. Cette Déclaration s'inscrit dans la volonté révolutionnaire de
transformer le régime français, de lui fixer un nouveau statut juridique, d'organiser ses pouvoirs
publics et par la même occasion de lui attribuer une constitution nouvelle. L'article 16 de la

5
déclaration vient informer des conditions sine qua non de l'existence et de la validité d'une
constitution, en énumérant ses éléments constitutifs essentiels : « Toute société dans laquelle la
garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de
constitution».
En outre, la séparation des pouvoirs et garantie des droits 6 sont donc des principes qui doivent
être établis et protégés au sein d'une société pour que celle-ci puisse se réclamer d'une
constitution légitime. L'importance de ces deux principes est telle qu'ils figurent dans la
constitution sénégalaise (dans son préambule comprenant la déclaration des droits de l'Homme
et du Citoyen). L'article 16, en les proclamant essentiels et tout en faisant partie d'un texte
universellement reconnu, donne une définition incontournable des impératifs que doit protéger
une constitution pour exister ou être légitime. En effet, pour qu'un pays puisse en avoir une, il
faut que les pouvoirs soient séparés et que la garantie des droits fondamentaux du citoyen soit
assurée. Au moment où cet article fut adopté, celui-ci ne permettait pas de préfigurer la forme
du gouvernement que choisiraient les constituants. La déclaration universelle des droits de
l’homme et du citoyen témoigne de la volonté même des révolutionnaires de modifier le régime
français, l'organisation et la pratique du pouvoir, et donc par ce biais, de lui attribuer une
constitution nouvelle définissant ces changements. Les conditions de l'existence d'une
constitution valide sont définies par cette Déclaration par son article 16. Le respect des principes
de garantie des droits et de séparation des pouvoirs apparaît donc comme les bases
indissociables de l'existence d'une constitution. Si ces deux principes ne sont pas établis et
protégés, un pays ne peut pas prétendre avoir de constitution légitime. Cet article a vocation à
être universel puisqu'il ne s'adresse non seulement à la France mais aussi à l'ensemble des pays
du monde en leur imposant les principes libéraux permettant de prétendre à une constitution.
Ils donnent ainsi pour contrainte à tout pays voulant rédiger une constitution de garantir un Etat
de droit.

6
- La séparation des pouvoirs est une théorie née sous la révolution anglaise grâce à John
Locke, puis reprise par Montesquieu, afin de lutter contre les formes absolutistes du pouvoir.
C’est une doctrine libérale qui veut protéger les droits et les libertés des individus en évitant la
concentration du pouvoir entre les mains d’une seule institution et en prônant la nécessité
d’instaurer des contres pouvoirs et la garantie des droits quant à elle, doit assurer que les
libertés et les droits fondamentaux, exprimés d'ailleurs par la Déclaration des droits de
l'homme (comme l'égalité des droits entre les individus ou la libre communication des
pensées), soient respectés.

6
L'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 est à lui seul un
condensé du droit constitutionnel et un des fondements de notre démocratie. Il est devenu, au
fil des années et grâce notamment à la question prioritaire de constitutionnalité, la garantie que
les autres droits et libertés proclamés par la Constitution seront respectés. Il consacre, en
particulier, le droit à un recours effectif devant un juge indépendant et impartial dans le respect
des droits de la défense et l'interdiction non justifiée des lois rétroactives. C'est en ce sens que
l'on peut affirmer qu'il constitue la clef de voûte de ces droits et libertés7.

Le principe de la séparation des pouvoirs donnent des garanties contre l'arbitraire et protègent
les droits fondamentaux des hommes. De ce fait, il fait aussi l’objet d’une consécration par le
pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966.

Paragraphe 2 : Une consécration par le pacte international relatif aux droits civils et politiques
(1966)

Le lien entre le concept politique et les concrétisations juridiques de la séparation des pouvoirs
se comprend à la lumière du libéralisme qui entretient avec le pouvoir politique une relation
complexe. S’il le considère comme un phénomène nécessaire à la bonne organisation des
sociétés, ce courant de pensées le tient néanmoins en suspicion en raison des atteintes aux
libertés qu’il peut engendrer dans son exercice. Pour transcender cette contradiction, la
séparation des pouvoirs est avancée comme la première concrétisation juridique du
constitutionnalisme8 moderne, la clé de voûte de l’organisation politique de l’Etat, dont les deux
principes constitutifs, l’autorité et la liberté, antagonistes par nature, se trouvent articulés dans

7
-Voir FRAISSE Régis, « l’article 16 de la déclaration, clef de voûte des droits et libertés »,
Nouveaux cahiers du conseil constitutionnel n°44 (Le conseil constitutionnel et le procès
équitable), juin 2014.
8
- Conception apparue au cours du XVIIIe siècle, ayant influencé l’adoption de certaines des
premières constitutions écrites (en Amérique en 1787, en France 1791), ayant également
animé au XIXe siècle les fondateurs du droit constitutionnel en tant que discipline juridique
qui lie la notion de constitution à celle de régime libérale (cf. DDHC, article 16). Son
prolongement actuel met en avant la suprématie de la constitution, garantie par l’existence
d’un contrôle de constitutionnalité. Voir Lexiques des termes juridiques 2018-2019 26 e édition
DALLOZ.

7
un exercice raisonné, entendons constitutionnel du pouvoir. Depuis que Montesquieu a averti
qu’un organe ne peut concentrer deux fonctions sans verser dans un autoritarisme destructeur
des libertés, l’ingénierie constitutionnelle de l’Etat moderne s’’efforce de réaliser une
distribution des trois grandes fonctions régaliennes du pouvoir politique (législative,
gouvernementale et judiciaire) entre différents organes constitutionnels au sein de l’Etat. Dans
l’ère politique moderne, entendons depuis les grandes révolutions démocratiques, les
constitutions auront une fonction clairement assignée : établir les conditions juridiques d’une
relation faite de collaboration et de contrôle entre les organes de gouvernement, de sorte que se
freinant les uns des autres, ils puissent mettre la puissance au service des droits naturels pour la
conservation et le développement desquels les citoyens entrent dans l’Etat social, et consentent
à obéir à l’exercice de ces dits organes de gouvernement.

Les libertés et droits des citoyens font l’objet de protection vigoureuse par les textes
internationaux. En effet, le pacte international relatif aux droits civils et politiques se consacre
uniquement à veiller à l’épanouissement des citoyens. De ce fait, il fait pesait sur les Etats
membres de ce pacte l’obligation de respecter et de faire respecter les droits civils et politiques
contre tout abus quelque soit sa provenance. Il donne la possibilité aux victimes de faire des
recours afin d’obtenir une réparation. Les Etats parties au Pacte s'engagent à garantir que toute
personne dont les droits et libertés reconnus dans le présent Pacte auront été violés disposera
d'un recours utile, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant
dans l'exercice de leurs fonctions officielles. Et ce même pacte intime aux états membres de
garantir que l'autorité compétente, judiciaire, administrative ou législative, ou toute autre
autorité compétente selon la législation de l'Etat, statuera sur les droits de la personne qui forme
le recours et développer les possibilités de recours juridictionnel9. On peut donc en déduire que
de par l’énumération des différents organes de l’Etat, ce présent pacte procède à une distinction
de ses organes. En effet, un Etat de droit est organisé de telle sorte que le pouvoir est réparti
entre plusieurs organes à savoir l’exécutif, le législatif et la judiciaire. Ce principe
d’organisation qui permet d’atteindre la modération dans l’exercice de la puissance publique
vise à faire respecter les droits des personnes et à garantir sa jouissance. Il constitue une arme
à la disposition de l’individu qui peut la retourner contre chacun des trois pouvoirs lorsqu’il

9
-Voir l’article 2 du pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966.

8
sent sa liberté mise en danger par des actions intrusives entreprises par l’État. Il n’est plus
question de modérer la puissance illimité du monarque absolu, mission que
les anciennes théories des XVIe et XVIIe siècles 10 entendent assigner au principe, il s’agit
davantage d’élaborer, par le contrôle et la limitation réciproques, un système modéré.

Le pacte international relatif aux droits civils et politiques fait de l’individu le centre de l’ordre
juridique, qui ne se trouve pas isolé, mis sur un piédestal, mais s’inscrit dans une construction
globale censée le protéger des abus du pouvoir étatique et de l’intrusion de la puissance
publique dans sa sphère privée. Désormais, l’État ne peut plus s’immiscer dans la sphère privée,
des espaces exempts de la présence de la puissance publique se créent où la liberté d’agir ou de
penser en n’étant déterminé que par soi-même est rendue possible. La séparation des pouvoirs
apparaît ainsi comme le corollaire indispensable de la protection des droits naturels de
l’homme. En effet, le contrôle mutuel qu’exercent les trois pouvoirs les uns envers les autres
préserve l’individu des atteintes à ses droits fondamentaux. C’est un élément indispensable de
la protection des droits naturels de l'homme et par conséquent de sa liberté.

La dimension juridique de la séparation des pouvoirs met en évidence la fonction protectrice


de la liberté individuelle des mécanismes de division et de contrôle, alors sa dimension
démocratique met l’accent sur la qualification politique de certains organes. La séparation des
pouvoirs est entendue comme une condition de la formation autonome de la volonté, qui peut
être formée individuellement ou collectivement comme partie inhérente au processus de
légitimation démocratique11. La libre formation de la volonté politique suppose l’existence d’un
régime démocratique et libéral qui place l’individu et sa liberté d’agir au centre de son système.
Si le principe de la séparation des pouvoirs était violé, la distinction des organes et des fonctions
n’aurait aucun sens, et l’exercice collectif de la liberté se trouverait corrompu.

10
- Des théories axées sur une forme mixte de gouvernement composé de différents groupes y
exerçant leur pouvoir. C’était plus un concept de pouvoir pluriel que de séparation des
pouvoirs au sens strict.
11
- fondée sur l’investiture populaire des gouvernants. En effet, l’exercice collectif de la
liberté est rendu possible par les votations et élections auxquelles l’individu peut participer. Il
légitime ainsi les organes chargés de l’exécution des trois fonctions.

9
La sauvegarde de la liberté individuelle par la mise en œuvre du principe de séparation des
pouvoirs ne signifie pas uniquement la protection de liberté d’agir, mais la protection de
l’exercice collectif de la liberté des citoyens qui participent au processus de formation de la
volonté politique en optant, par exemple, pour un parti politique déterminé qui représente leurs
idées et se trouve légitimé par leurs voix.

Après avoir vu la consécration du principe de la séparation des pouvoirs par des textes
précurseurs, il revient de montrer qu’il fait aussi l’objet d’une consécration constitutionnelle.

Section 2 : Une consécration constitutionnelle protectrice

Au sens moderne, la Constitution est la Loi que s'est donnée le peuple afin de régir tant les
modalités de dévolution et d'exercice du pouvoir que les rapports entre gouvernants et
gouvernés.12 Ainsi , la constitution est un texte fondateur qui confère à l’État sa structure
juridique et politique. Elle limite à ce titre les pouvoirs publics et les partages entres différents
organes. Ce principe de partage du pouvoir autrement appelé la séparation des pouvoirs est
affirmée dans le préambule de la constitution sénégalaise (paragraphe 1) et fait aussi l’objet
d’une séparation textuelle dans le texte de la constitution (paragraphe 2)

Paragraphe 1 : Un attachement rappelé dans le préambule de la constitution Sénégalaise

La Constitution n’est pas seulement un ensemble de procédures. À travers son texte, s’exprime
une vision de la société, un projet politique. Ainsi, lorsque la Constitution sénégalaise précise

12
- Voir BROUSSOLLE Yves, Fiches d’introduction au droit public : rappels de cours et
exercices corrigés, Ellipses, 2019, page 16.

10
que le Sénégal est une république laïque, démocratique, et sociale 13, cela n’est pas neutre
politiquement. Mais c’est surtout dans les déclarations des droits que s’exprime la philosophie
d’un régime politique. Ainsi, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789
exprimait une philosophie individualiste visant à protéger les individus contre les interventions
de l’État14. De ce fait, la constitution n’est plus ici appréhendée dans son sens simplement
organisationnel comme outil de régulation interne des pouvoirs mais dans une dimension plus
large qui correspond à sa fonction politique, définie par le théoricien et constitutionnaliste
autrichien Hans Kelsen, comme celle de poser des limites juridiques à la limitation du pouvoir.
L’identification de ces limites juridiques est clairement mise en évidence par la Déclaration
des droits de l’homme et du citoyen de 1789 dont le Sénégal est adhéré. Ce dernier affirme une
séparation des pouvoirs. Il s’agit-là d’une exigence à laquelle doit nécessairement répondre
la norme constitutionnelle afin de garantir la limitation du pouvoir. Elle doit rendre effective
la séparation des pouvoirs constitués. En effet, la concentration du pouvoir favorise l’abus de
pouvoir. Cet écueil ne peut être écarté qu’en structurant le pouvoir sur le fondement du principe
de la séparation des pouvoirs envisagé selon un double point de vue, dans sa régulation
des rapports entre les pouvoirs constitués et dans celle intéressant le pouvoir constituant et les
pouvoirs constitués15.

Les normes constitutionnelles sont aujourd’hui constituées par le texte même de la


constitution qui contient donc, à côté du mode d’emploi des organes constitutionnels, des
préceptes généraux et aussi du préambule de la Constitution. Ce dernier, œuvre du constituant
et produit du souverain, il appartient aux systèmes des normes de l'ordre constitutionnel d'un
État. Il possède de ce fait, du simple point de vue formel, la qualité de texte normatif. Cet
argument formel est suffisant pour transformer sa valeur juridique incertaine en texte juridique
certain.

13
- Voir l’article 1er de la constitution sénégalaise du 22 janvier 2001.
14
-Voir BROUSSOLLE Yves, Fiches d’introduction au droit public : rappels de cours et
exercices corrigés, Ellipses, 2019, page 17.
15
-Voir BAGHESTANI Laurence, Fiches de droit constitutionnel : Rappels de cours et
exercices corrigés 7e édition, Ellipses, 2022, page 48.

11
Au Sénégal, le constituant a choisi comme le constituant français, de faire précéder le dispositif
de la constitution d'un préambule, celui-ci n'est pas un simple exposé des motifs, il a une autre
signification, une structure latente. En effet, il peut créer des droits fondamentaux juridiquement
invocables, ou au moins de contribuer à leur création ou à leur interprétation, et de soumettre
les pouvoirs publics à des principes ou à des règles assez précises pour orienter, voire régir leurs
comportements.

Par ailleurs, le préambule de la constitution sénégalaise affirme son adhésion à la déclaration


des droits de l’homme de 1789 et ainsi proclame des principes fondamentaux auxquels un Etat
de droit doit se soumettre afin de garantir la démocratie et les droits et libertés des citoyens.
Parmi ces principes il y’a la séparation et l’équilibre des pouvoirs. Ce principe est une des bases
d’un Etat de droit dans la mesure où il vise à éviter la détention du pouvoir par une seule et
même personne. C’est une exigence de la démocratie. C’est ce qui ressort de l’article 16 de la
déclaration qui stipule que « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée,
ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de constitution »16. On peut donc noter que
la déclaration de 1789 fait de la séparation des pouvoirs une des conditions majeures d’un Etat
de droit. En effet, la constitution est nécessaire et obligatoire pour un Etat de droit, elle pose
les fondements d’un Etat et détermine ses grandes orientations. De ce fait, l’inapplication de ce
principe de séparation des pouvoirs considéré comme une condition à l’existence même de la
constitution remet en cause la démocratie et la protection des droits et libertés des citoyens. En
outre, le préambule de la constitution sénégalaise fait partie intégrante de la constitution. Ce
qui donne une valeur constitutionnelle aux principes dégagés par cette déclaration. En effet,
tous les principes et normes dégagés dans le préambule de la constitution ont une valeur
juridique incontestée. De ce fait il convient de noter qu’ils ne peuvent être modifiés ni
enfreints par les détenteurs des pouvoirs publics puisque l’étendue de leurs pouvoirs est
limité. Ainsi, le constituant sénégalais qui a choisi de faire précéder le dispositif de la
constitution d'un ensemble d'énoncés normatifs contenus dans le préambule, a voulu par-là
mettre en évidence les principes structurants de l'ordre constitutionnel que la doctrine qualifie
en termes plus contemporains d'identité constitutionnelle. Cette identité qui constitue la force
de référence de tout ordre juridique étatique se présente comme le modèle sans lequel un Etat

16
- Voir la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

12
précis cesse d'être lui-même, comme le standard dont la disparition conduit inéluctablement au
changement de l'ordre constitutionnel. Ces normes juridiques identitaires ou ces principes
matriciels ont ainsi force de référence parce qu'ils sont le creuset de l'esprit des Constitutions.

Ainsi, la structuration des relations entre les pouvoirs publics politiques (les pouvoirs
législatif, exécutif et judiciaire) repose essentiellement sur le principe de la séparation des
pouvoirs17 et garantie par la constitution puisque faisant partie des principes énoncés dans le
préambule de la constitution qui fait partie intégrante de la constitution. À cet égard, la théorie
de la séparation des pouvoirs a fait l’objet de diverses interprétations selon que la séparation
des pouvoirs a été entendue de manière rigide en cantonnant chaque pouvoir dans une
fonction déterminée, ou au contraire, de manière souple, en organisant une collaboration
entre eux. Au-delà de ces interprétations une certitude demeure : la séparation des pouvoirs
permet l’équilibre des pouvoirs sur la base duquel s’ordonnent les rapports internes aux
pouvoirs publics politiques selon une double forme qu’illustrent les modèles de régimes
politiques de référence, le régime parlementaire et le régime présidentiel.

Outre l’affirmation de la séparation des pouvoirs dans le préambule de la constitution


sénégalaise, le constituant sénégalais a opéré une séparation textuelle des différents pouvoirs.

17
- pensé sous la plume de Montesquieu (Esprit des lois, 1748) comme un gage de protection
de la liberté dès lors qu’il aboutit à une distribution du pouvoir entre plusieurs organes. Il
s’agit d’éviter toute concentration du pouvoir entre les mains d’un seul à l’image de
l’absolutisme monarchique, du parlementarisme tout puissant ou encore du parti unique
dominant. Les trois pouvoirs politiques majeurs doivent être répartis entre trois autorités
différentes, même si sur la scène politique et selon la conception de Montesquieu, les
pouvoirs législatif et exécutif disposent d’une place privilégiée (« des trois puissances
dont nous avons parlé, celle de juger est, en quelque façon, nulle ») qui leur octroi la faculté
de statuer et celle de s’empêcher mutuellement

13
Paragraphe 2 : une séparation textuelle des différents pouvoirs dans le texte de la constitution

Le Sénégal se définit comme une république caractérisée par trois pouvoirs : un pouvoir
exécutif, un pouvoir législatif et un pouvoir judiciaire. Ces pouvoirs doivent répondre à une
nette séparation pour promouvoir la démocratie, système dans lequel s’inscrit le Sénégal. Ainsi,
le pouvoir exécutif représenté par le chef de l’Etat se distingue du pouvoir législatif qui élabore
et vote les lois et du pouvoir judiciaire qui interprète et confirme ou invalide ces mêmes lois.

De ce fait, comme dans toutes les constitutions, on retrouve dans le texte constitutionnel
des acteurs incontournables sur le plan institutionnel : le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif,
l’autorité judiciaire, tous organisés et organiquement séparés. Pouvoirs qui, surtout pour
les deux premiers, sont destinés à assurer le bon gouvernement du peuple lequel fait
aussi partie des pouvoirs institués. Il s’agit des acteurs de l’organisation constitutionnelle
initiale des pouvoirs au sein de la République du Sénégal.

Ainsi, la constitution sénégalaise consacre un des piliers fondamentaux d’un état de droit et
opère une séparation textuelle des pouvoirs.

Ainsi affirmé, le principe de la séparation des pouvoirs reçoit application par la Constitution
en ce qu’elle pose le principe de l’indépendance de l’autorité judiciaire ou définit les rapports
entre les pouvoirs exécutif et législatif tout en instaurant un dispositif apte à assurer le
respect de la séparation entre ces deux pouvoirs. L'existence d'un pouvoir judiciaire
indépendant est mentionnée pour la première fois dans la Constitution sénégalaise du 7 mars
196318. Les constitutions précédentes parlaient plutôt « d'autorité judiciaire ». L'expression «
pouvoir judiciaire » et « autorité judiciaire » recouvre cependant les mêmes réalités. À la vérité
il s'agit d'une simple question de terminologie. L'éminent professeur Seydou Madany Sy, ancien
doyen de la Faculté de Droit et ancien recteur de l'Université de Dakar, a tenté de donner
l'explication de ce changement de terminologie. Il avance deux arguments : en premier lieu, le
changement de terminologie intervenu en 1963 résulte de la volonté du président Léopold Sédar
Senghor, premier chef de l'État du Sénégal indépendant, de renforcer le prestige et l'autorité des
cours et tribunaux par la création d'un véritable pouvoir judiciaire apte à servir de garantie à
chacun des pouvoirs, législatif et exécutif, contre les abus et empiétements toujours possibles

18
-Voir l’article 88 de la constitution de la République du Sénégal du 7 mars 1963.

14
d'un des pouvoirs à l'encontre de l'autre. La seconde explication avancée par le professeur Sy
réside dans le caractère libéral du régime sénégalais. Pour le professeur Sy, l'insistance mise
par la constitution à proclamer en détail les libertés publiques et les droits fondamentaux des
citoyens ne servirait à rien si un corps de magistrats indépendants ne pouvait défendre, le cas
échéant, les individus contre d'éventuelles violations par les pouvoirs publics de leurs droits et
libertés, Le pouvoir judiciaire se trouve ainsi investi de fonctions déterminantes dans le
fonctionnement de l'État19.

Le contrôle de la répartition des compétences normatives entre les pouvoirs exécutif et


législatif est exercé par le Conseil constitutionnel20 . Cela participe largement à la garantie
de l’effectivité de la séparation des pouvoirs constitués que le juge constitutionnel préserve
tant dans son principe à travers la protection de l’exécutif contre les empiétements du Parlement
que dans ses implications immédiates.

Ainsi, de façon originale, la Constitution de 2001 définit globalement les missions du Président
de la République à l'article 42. En vertu de cette disposition, il veille au respect de la
Constitution; il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics, ainsi
que la continuité de l'État; il est le garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire
et du respect des traités.

En ce qui concerne les prérogatives du pouvoir législatif, ils sont consacrés aux articles 67 et
suivants. En effet il dispose de large compétence en matière législative mais aussi en matière
de contrôles de l’exécutif même si ce dernier reste limité dans une perspective de respecter la
séparation des pouvoirs et ainsi éviter une possible ingérence. Le pouvoir législatif est composé

19
- Voir DIOP Mamadou, La GOUVERNANCE JUDICIAIRE : Promouvoir au Sénégal une
justice moderne et efficiente, l’Harmattan, 2017, pages 37, 38.

- Voir l’article 92 de la constitution de la République du Sénégal Du 22 janvier 2001


20

modifiée.

15
d'un parlement monocaméral21 . Elle exerce le pouvoir législatif. Elle vote, seule, la loi, contrôle
l'action du Gouvernement et évalue les politiques publiques.

En conséquence, la constitution reparti les pouvoirs publics entre les différents organes.
Cependant, malgré toute la protection que confèrent les différents textes qui consacrent le
principe de la séparation des pouvoirs, ce dernier rencontre des entraves dans son application.
Dés lors, après avoir vu une consécration textuelle de la séparation des pouvoirs, il convient de
montrer la fragilité de son application.

Chapitre II : La séparation des pouvoirs au Sénégal, un principe fragilisé dans la pratique

La séparation des pouvoirs au Sénégal bien qu’affirmé dans le préambule de la constitution


rencontre des difficultés dans son application. En effet, son application n’est pas conforme à
l’idée dégagée par le principe. Il y’a une ingérence notoire de l’exécutif sur les autres pouvoirs
(section 1) mais aussi des exceptions à ce principe (section 2) sont aménagées.

Section1 : une ingérence notoire de l’exécutif sur les autres pouvoirs

Les interventions de l’exécutif ne se limitent plus à son domaine de prédilection mais s’étend
sur le domaine des autres pouvoirs. En effet, le législatif censé créer les lois est sous l’influence
de l’exécutif à travers une majorité absolue détenue par ce dernier (paragraphe 1). Il en est de
même pour la justice dont l’indépendance du parquet est ineffective à cause de la relation
ombilicale qu’il entretient avec l’exécutif (paragraphe 2).

- C’est-à-dire composé d’une seule chambre élue comme c’est le cas au Sénégal qui porte le
21

nom d’assemblée nationale.

16
Paragraphe 1 : Une mainmise de l’exécutif sur l’assemblée nationale à travers une majorité
absolue

Les moyens d’influence dont jouit le gouvernement sur le Parlement se situent dans le cadre de
l’action législative. À ce titre, la subalternisation de la représentation nationale avant les
transitions démocratiques va globalement se poursuivre après celles-ci. La domination
gouvernementale, qui s’inscrit dans le sillage de la rationalisation du parlementarisme chère à
Boris Mirkine-Guetzévitch, se manifeste aussi bien à travers le domaine de la loi. Sur ce dernier,
il y’a le passage d'une définition formelle de la loi qui débouchait sur un domaine législatif
illimité 22 , à une définition matérielle limitant le dit domaine, a eu pour conséquence
l'accroissement considérable du domaine réglementaire.

En effet, les propositions venant de l’assemblée nationale sont donc rares, lorsqu'elles ne sont
pas simplement inexistantes. Cette réalité s'explique par un double facteur. Le premier est
d'ordre pratique. Il tient, d'une part, à la nature même de la fonction exécutive qui est de définir
et de conduire la politique de l'État. À ce titre, le pouvoir exécutif a plus intérêt à initier les lois
pour mettre en œuvre sa politique générale en même temps qu'il possède de meilleurs moyens
techniques pour la conception et l'élaboration des projets législatifs 23 . Il tient, ensuite, à la
coloration généralement monolithique des Parlements africains qui les transforme en
spectateurs de la vie politique dénués de toute envie d'initier les textes législatifs et sont à la
merci de l’exécutif. En effet, au fil du temps, une suprématie de l'Exécutif s'est installée. Au

22
- En vertu de ce domaine illimité, le Parlement pouvait légiférer sur tout, y compris sur la
détermination du nombre de chevaux dans les haras nationaux. Voir Gilles TOULEMONDE,
Le déclin du Parlement, mythe et réalités, thèse, université de Lille 2, 1998, p. 231. Pour
certains auteurs, cette situation était critiquable dès lors qu'elle obligeait la loi à légiférer sur
l'infiniment petit de l'administration et la gestion du quotidien alors même que son domaine
devra être la formulation des principes généraux. Voir Jean Charpentier, « Les lois cadres et la
fonction gouvernementale », RDP 1958, p. 253.

23
- ce qui se justifie a fortiori pour la loi de finances à propos de laquelle le gouvernement
jouit d'une initiative exclusive.

17
Sénégal, cette prépondérance de l'Exécutif a eu pour conséquence l'apparition d'un pouvoir
présidentiel, synthèse entre le pouvoir gouvernemental et le pouvoir parlementaire. Et ce
pouvoir présidentiel a généré une crise de la représentation parlementaire.
En principe, les parlementaires doivent assurer la continuité du dialogue entre le peuple et
l’exécutif.
Pourtant, en période de concordance des majorités parlementaire et présidentielle (extrêmement
fréquente au Sénégal), certains députés sont allés, dans certains débats publics, jusqu'à se
déclarer être les députés du président de la République ! De telles déclarations sont la marque
d'une véritable crise de la représentation parlementaire et elles dévoilent aussi l'un des
inconvénients majeurs de la concordance des majorités présidentielle et parlementaire. Au
Parlement, les députés exclusivement soucieux de l'intérêt de la nation représentent
malheureusement une minorité et les actes soumis à l'approbation des parlementaires sont
généralement validés sans rechigner par une majorité obéissante. En effet, ces députés étant
membres du parti du régime en place approuvaient tout ce que ce dernier proposait à
l’assemblée nationale. Ce qui est contraire à l’idée d’origine d’une Assemblée nationale. Cette
dernière doit représenter le peuple et rien que les intérêts du peuple alors s’il arrive qu’elle dévie
de sa vocation en favorisant les intérêts de l’exécutif il y’aura une véritable crise de la vocation
première du parlement. Et pourtant c’est ce qu’il y’a lieu de noter au Sénégal qui depuis son
indépendance le régime en place est majoritaire à l’assemblée nationale. Faisant ainsi de
l’assemblée nationale un outil au service de l’exécutif. En effet, ce dernier ne peut espérer
exercer une présidence prééminente qu’à la condition de bénéficier d’un franc soutien d’une
majorité législative. En effet, une majorité législative indisciplinée ou relative l’expose à
l’impuissance ou à l’inertie. L’exécutif doit avoir les moyens de mettre en œuvre la politique
qu'il définit. Comme le reconnaît Georges Burdeau, « un gouvernement dépourvu de la faculté
de légiférer serait aussi désarmé qu'un pilote privé de gouvernail. Cependant, l’influence
qu’exerce l’exécutif sur le législatif est contraire au principe de la séparation des pouvoirs. Il
n’y a pas d’équilibre entre les pouvoirs mais une collusion entre le législatif et l’exécutif si on
peut le dire ainsi. La collusion entre le Parlement et l'Exécutif est tellement grande que le projet
de loi instaurant un ticket présidentiel ne fut retiré que sous la pression du peuple et non par une
réaction des représentants du peuple guidés par le sens de leur responsabilité.

18
Par conséquent, l'heure est au renforcement des moyens juridiques qui permettraient aux
parlementaires de retrouver leur place dans les institutions de la République. Mais cela ne peut
se faire qu'avec la volonté politique des gouvernants en place.

L'idéal serait donc d'instituer un système qui prenne en compte à la fois l'autonomie des
assemblées et les impératifs du pouvoir24.

Cependant, on peut noter un léger bouleversement de l’emprise de l’exécutif sur l’assemblée


nationale. En effet, exerçant une domination sur l’assemblée principalement dû à la majorité
dont l’exécutif détenait il y’a eu un changement de pourcentage découlant des dernières
élections législatives. En effet, l’exécutif a bien une majorité des voix dans l’assemblée
nationale mais comparée aux années précédentes c’est minime et presque insignifiant. Une
majorité absolue, la plus courte possible, s’est finalement dessinée à l’Assemblée nationale
sénégalaise. Cette majorité absolue est fragile. Le cas échéant, l'absence ou la défection d'un
seul député du camp présidentiel pourrait être fatale à certaines lois. La majorité est si étriquée
que le pouvoir pourrait avoir des difficultés à gouverner et à contrôler le Parlement, car le
perchoir pourrait revenir à l'opposition. Une majorité qualifiée aux trois cinquièmes de
l'Hémicycle est aussi requise pour faire passer des lois organiques ou pour modifier la
Constitution. L’exécutif ne pourra plus faire certaines réformes majeures sans négocier.

Au-delà de la mainmise de l’exécutif sur l’assemblée, la séparation des pouvoirs est aussi mise
à l’épreuve du fait de la relation qu’entretiennent l’exécutif et le pouvoir judiciaire.

Paragraphe 2 : Une relation ombilicale entre l’exécutif et le pouvoir judiciaire : le parquet

24
-Voir Claude F. Momo, Eric- Adol T. GATSI, « l’exécutif dualiste dans les régimes
politiques des Etats d’Afrique noir francophone », les Annales de droit, Openedition, 2020.

19
Il peut paraitre curieux et même paradoxal d’évoquer la notion d’hiérarchie en matière de justice
dès lors qu’elle implique une idée de subordination qu’il est difficile de concevoir dans ce
domaine. Il faut cependant accepter l’idée que la justice, en tant que service public, est
également concernée par la hiérarchie. L’organisation hiérarchique permet non seulement de
structurer le corps judiciaire, mais elle protège le citoyen contre l’arbitraire grâce au recours
qu’il pourra éventuellement exercer lorsqu’il fait l’objet d’une décision de justice qui ne lui
donne pas satisfaction.

Ce principe de hiérarchie touche à la fois les magistrats (qui forment ainsi un corps hiérarchisé)
et les juridictions ; il permet de situer les responsabilités et donne une certaine cohésion au
corps judiciaire. En matière de justice toutefois, cette hiérarchie est particulière et n’entraîne
pas une dépendance du juge à l’égard de ses supérieurs ou de sa juridiction lorsqu’il s’agit des
juges du siège. Tel n’est pas le cas pour les magistrats du parquet qui obéissent à d’autres règles
à ce sujet.25

En effet, les magistrats du parquet jouent un rôle important dans l'administration de la justice.
Étant chargé de l'exercice de l'action publique, le Ministère public est la vitrine de la justice
pénale. Sous ce rapport, le Parquet conditionne pour une large part, la représentation que le
Public se fait de la justice. Or, au Sénégal, le Ministère public reste subordonné au pouvoir
exécutif. Ainsi, l'article 28 du Code de procédure pénale précise que « le Garde des Sceaux,
Ministre de la Justice, peut dénoncer au Procureur général les infractions à la loi pénale dont il
a connaissance, lui enjoindre d'engager ou de faire engager les poursuites, ou de saisir la
juridiction compétente de telles réquisitions écrites que le ministre juge opportunes ». Aux
termes de l'article 25 du même Code, « Le Ministère public est tenu de prendre des réquisitions
écrites conformes aux instructions qui lui sont données dans les conditions prévues aux articles
28 et 29 ».

D'autre part, les magistrats du parquet sont dans un véritable lien de dépendance vis-à-vis de
leurs autorités hiérarchiques, même dans leur prise de décision, à l’opposé des magistrats du
siège. Ainsi ils sont placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et sous

25
-Voir FALL Alioune Badara, «Les menaces internes à l’indépendance de la justice »,
L’indépendance de la Justice, 2007.

20
l’autorité du garde des sceaux, ministre de la justice 26 . En effet, soumis au principe de la
hiérarchie qui veut que la volonté du ministre de la Justice soit la leur27. Il en résulte que les
magistrats du parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et
sous l’autorité du ministre de la Justice.

A la lumière de ce qui précède, le Garde des Sceaux est le chef des magistrats debout à qui il
donne des ordres. La loi aménage toutefois une toute petite parcelle de liberté aux hommes du
parquet qui seraient intéressés d’en user, en s’éloignant des jougs de l’Exécutif.

Cependant, c’est comme si l’Etat retirait de la main gauche ce qu’il donne de la main droite. En
effet, le principal problème des magistrats du parquet, c’est qu’ils n’ont pas la même garantie
de ‘’l’inamovibilité’’ accordée à leurs homologues du siège. En effet, l’article 7 prévoit, à son
dernier alinéa, « qu’ils peuvent être affectés sans avancement par l’autorité de nomination d’une
juridiction à une autre, s’ils en font la demande ou d’office, dans l’intérêt du service, après avis
du Conseil supérieur de la magistrature ». Cet avis n’étant que consultatif.

Ainsi, combinée aux pouvoirs du ministère public, cette subordination hiérarchique du parquet,
permet indirectement, au Ministre de la Justice de s'immiscer dans le traitement des affaires
pénales. Ce qui, à l'évidence, pose un sérieux problème pour l'indépendance institutionnelle de
la justice28. De ce fait, les germes de suspicion commencent à naitre si le législatif ou l’exécutif
s’interfère pour orienter, dicter ou indiquer au pouvoir judiciaire la démarche à suivre. Il est
ainsi à déplorer le fait que les Magistrats du Parquet soient sous la subordination du Ministre
de la Justice Garde des Sceaux. En effet, l’article 7 du statut des Magistrats dispose que : « les
Magistrats du Parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et
sous l’autorité Ministre de la Justice». Ainsi, cette subordination qui lie le maître des poursuites,
le Procureur de la République à son supérieur hiérarchique est si complexe que l’indépendance
des Magistrats du Parquet soulève des contestations. Cette thèse est d’autant plus appuyée si on
observe des dignitaires du régime en place impliqués dans des scandales financiers et

26
- Voir FALL Alioune Badara, « les menaces à l’indépendance de la justice »,
L’indépendance de la justice, 2007.
- Voir l’article 7 de la loi organique n°2017-10 du 17 janvier 2017 portant statut des
27

magistrats.
28
- Voir TELIKO Souleymane, « L’indépendance de la justice au Sénégal », DALLOZ, 2019,
page 491.

21
économiques ne seront pas inquiétés alors que des adversaires politiques feront l’objet de
poursuites. La fréquence de la délinquance financière et politique s’est accentuée au point
qu’elle occupe un temps bref de l’actualité alarmant ainsi la population qui ne suit plus le
rythme des procédures judiciaires. Pourtant après le bouclage de la période allant des années
2000 à 2012 ,une forte pression populaire scandait la restauration de la légalité des poursuites
judiciaires et aussi la reddition des comptes des acteurs politiques cités par les rapports des
corps de contrôles judiciaires et extrajudiciaires .Il en résulte une ferme volonté d’une reprise
en main par le pouvoir élu au lendemain du scrutin présidentiel de 2012 .Cette volonté s’est
fortement traduite en actes par le biais de la mise en branle de la Cour de Répression de
l’Enrichissement Illicite(CREI) ,une juridiction d’exception mal comprise et redoutée par
l’opposition d’être utilisée comme une arme d’oppression à leurs encontre. Ce souci de
transparence dans la gestion des affaires publiques semble s’éclipser durant une période récente
au moment où des dignitaires du pouvoir en place sont cités dans de gros scandales portant sur
le blanchiment de capitaux et la gestion des ressources minières et gazières.29

Après avoir vu l’ingérence notoire de l’exécutif sur les autres pouvoirs qui est contraire au
principe de la séparation des pouvoirs, il revient de montrer qu’il y’a quand même des
exceptions qui sont aménagées.

Section 2 : Des exceptions entravant l’effectivité de la séparation des pouvoirs

L’exécutif détermine la politique de la nation. De ce fait il dispose des marges de manœuvres


devant lui permettre de prendre des décisions et aussi tout coordonner pour mener à bien ses
missions d’intérêt général. Ainsi, il a la possibilité d’intervenir dans les domaines réservés aux
autres pouvoirs. En effet, il peut prendre des décisions dans le domaine de la loi (paragraphe 1)

29
- Voir SALL Ousmane, « Justice au Sénégal : regard croisé sur l’indépendance du pouvoir
judiciaire », 2020.

22
et aussi le président de la république préside le conseil supérieur de la magistrature (paragraphe
2).

Paragraphe 1 : La prise de décisions par l’exécutif dans le domaine de la loi : les ordonnances
ou décret-loi

Parmi les missions essentielles dévolues au pouvoir législatif, monocaméral ou bicaméral, celle
de « fabrication » de la loi est très certainement la plus importante et la mieux perçue. De façon
péremptoire, presque toutes les constitutions, l’ont consacrée avec solennité. Ici, « la loi est
votée par le Parlement », là, « la loi est votée par l’Assemblée nationale ». Cette option
monopolistique de la fonction de « voter la loi » est renforcée dans certaines Constitutions par
le rajout de l’adjectif « seule». Ainsi, il y’a une exclusivité renforcée en matière législative. En
parallèle, ces mêmes Constitutions vont habiliter l’Exécutif et lui permettre d’intervenir dans le
domaine de la loi. En effet, la constitution sénégalaise assigne au président de la république le
pouvoir de signer les ordonnances et les décrets 30 . En effet ce dernier chargé de définir la
politique de la nation dispose des prérogatives qui lui permettent de mener à bien sa mission.
Cependant cette intervention de l’exécutif dans le domaine de la loi est encadrée. En effet il
faut au préalable une loi d’habilitation pour que l’exécutif puisse agir dans le domaine de la loi.
De ce fait, l’assemblée nationale peut habiliter par une loi le Président de la République à
prendre des mesures qui sont normalement du domaine de la loi 31 . Longtemps demeurées
épisodiques et parcellaires, les lois d’habilitation tendent, aujourd’hui, de plus en plus à la
systématisation. En effet, la vogue est aujourd’hui à la question de la loi d’habilitation. Elle
occupe le devant de la scène. La conséquence immédiate de cette nouvelle donne est la montée
en puissance de l’Exécutif, et par voie de corollaire, la « mise en parenthèse » concomitante du
Législatif. Le principe à valeur constitutionnelle de la séparation des pouvoirs, radicalement
hostile à l’idée d’une délégation des formes de volonté, répudie, a priori, toute délégation de

30
- Voir l’article 43 de la constitution sénégalaise de 2001.
31
- Voir l’article 77 de la constitution sénégalaise de 2001.

23
pouvoirs. La séparation des pouvoirs est portée par l’un des grands piliers du
constitutionnalisme consistant dans l’affirmation dogmatique selon laquelle : « la loi est votée
par le Parlement ». A l’unisson, les constituants consacrent la mission essentielle confiée à la
représentation nationale confondue dans l’exercice du pouvoir législatif. C’est précisément ce
que prévoit l’article 24 de la Constitution française de 1958 aux termes duquel : « le Parlement
vote la loi ». Cette proclamation sera reprise dans les différents corpus constitutionnels des Etats
africains de succession francophone. La confusion des pouvoirs se manifeste dans ces mêmes
Constitutions à travers les mécanismes de « législation déléguée » pour reprendre l’heureuse
formule de Jean-Marc Sauvé. Ceux-ci se distinguent des mécanismes de la « délégation
permanente ». A l’unisson également, ces mêmes Constitutions vont reprendre, avec une
fidélité variable, les dispositions de l’article 38 de la Constitution française de 1958. Par ce fait,
tous nos Etats témoins ont adhéré à cette « délégation du pouvoir législatif ». Technique qui
consacre l’intrusion de l’Exécutif dans l’espace législatif. Sous l’influence agissante de la
Constitution française, qui est la référence matricielle en la matière, les corpus constitutionnels
consacrés dans les Etats d’Afrique noire francophone l’ont très favorablement accueillie32.

A la suite de l’accession du Sénégal à la souveraineté internationale, plusieurs lois


d’habilitation ont été adoptées par le Parlement. Il s’agit notamment de la loi n° 60-43 du 20
août 19604, dont l’article 1er dispose que le Gouvernement de la République du Sénégal est
habilité pendant un délai de trois mois à compter de sa date, et en cas de besoin, avant la
promulgation, « à régler par voie d’ordonnance toutes les matières relevant de la compétence
de l’Assemblée nationale ». Les pouvoirs publics ont eu aussi recours à la procédure
d’habilitation législative dans des périodes de turbulence économique. La loi n° 89-11 du 17
janvier 1989 portant loi d’habilitation a autorisé le Président de la République, et pendant deux
(2) ans « en cas d’urgence et de nécessité impérieuse d’intérêt national, à apporter des
modifications, par ordonnances aux droits d’importation et d’exportation inscrits au tarif des
douanes et aux impôts, droits et taxes prévus par le Code général des Impôts »33.

32
-Voir NDIAYE Ameth, « la loi d’habilitation dans les systèmes constitutionnels d’Afrique
Francophone », Afrilex, 2016, page 2.
33
- Voir TOURE Papa Assane, « L’ordonnance : un instrument normatif hybride au service
de la riposte contre le Covid 19 », 2020, page 2.

24
Ainsi, le Président de la République est habilité à prendre par voie d’ordonnance des mesures
qui relèvent entièrement du domaine de la loi. Il en est ainsi notamment des droits civiques, des
garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques, de
l'assiette, du taux et des modalités de recouvrement des impositions de toutes natures et des
garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l'Etat, etc.

En outre, le Chef de l’Etat peut signer des ordonnances dans les matières qui relèvent
partiellement du domaine législatif, c’est-à-dire celles dans lesquelles la loi ne détermine que
les principes fondamentaux. Il en est ainsi notamment de la libre administration des collectivités
territoriales, de l’enseignement, du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale,
etc. Mais il faut relever que l’habilitation donnée au pouvoir exécutif d’intervenir dans le
domaine du pouvoir législatif n’est ni un blanc-seing, ni une renonciation parlementaire à des
attributions conférées par la Constitution. Elle comporte des limites prévues par la Constitution.

D’une part, il y a des limites temporelles, puisque dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire
de la Covid 19 par exemple, le Président de la République est habilité à « légiférer » dans un
délai de trois mois, à compter de la date de publication de la loi d’habilitation. Dès lors, toute
ordonnance prise après le délai fixé par la loi d'habilitation est considérée comme un acte
administratif empiétant irrégulièrement sur le domaine de la loi et serait entachée d’illégalité
comme émanant d’une autorité incompétente. D’autre part, l’habilitation législative est
enfermée dans des limites matérielles (limites de compétence). En effet, elle n’a été consentie
qu’afin de faire face « aux besoins d’ordre économique, financier, budgétaire, sécuritaire et
sanitaire » liés à la pandémie du Covid-19. Les ordonnances adoptées qui ne rentreraient pas
dans les besoins limitativement énumérés par la loi d’habilitation sont susceptibles de faire
l’objet d’une annulation devant le juge compétent. Par dérogation aux règles relatives à
l’applicabilité des textes législatifs et réglementaires prévues par la loi n°70-14 du 06 février
1970 fixant les règles d’applicabilité des lois, des actes administratifs à caractère réglementaire
et des actes administratifs à caractère individuel, modifiée, les ordonnances entrent en vigueur
dès leur publication. Mais elles peuvent avoir une « durée de vie » assez éphémère. En effet,
les ordonnances deviennent caduques si le projet de loi de ratification n'est pas déposé sur le

25
bureau de l'Assemblée nationale avant la date fixée par la loi d'habilitation, c’est-à-dire dans un
délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.34

Comme l’a écrit Michel Verpeaux, « les ordonnances sont un moyen volontaire de méconnaître
la répartition des compétences normatives entre la loi et le règlement ». Source de dérèglement
juridique et politique, mécanisme de désinvestiture du législateur, vecteur d’une confusion des
pouvoirs, caractère massif et expansif. Comme a pu le faire remarquer l’ancien Vice-président
du Conseil d’Etat, Jean-Marc Sauvé, en dépit de toutes ces objurgations doctrinales, la
législation déléguée, autrement dit les ordonnances, semblent promises à un bel avenir. L’année
2020, du fait de la crise sanitaire liée à l’épidémie du Covid-19 aura été très favorable à la
résurrection spectaculaire et massive des lois d’habilitation, et par voie de conséquence des
ordonnances qui en sont la matérialisation35.

Outre l’intervention de l’exécutif dans le domaine de la loi, la présidence du conseil supérieur


de la magistrature par le président constitue aussi une exception.

Paragraphe 2 : la présidence du conseil supérieur de la magistrature par le président

Les constituants des Etas francophones d'Afrique ont fait du Président de la République un «
homme fort » caractérisé d'une part par son omniprésence institutionnelle marquée par une
concentration des pouvoirs entre ses mains et, d'autre part, par une prédation des contre-

34
-Voir TOURE Papa Assane, « L’ordonnance : un instrument normatif hybride au service de
la riposte contre le covid-19 », 2020, pages 3-4.
35
-Voir NDIAYE Ameth, « La loi d’habilitation dans les systèmes constitutionnels d’Afrique
francophone », Afrilex, 2016, pages 27-28.

26
pouvoirs. Dans ce contexte, si l'emprise du Président de la République sur le pouvoir exécutif
est réelle, elle n'apparaît pas moins sur l'organe judiciaire dont le conseil supérieur de la
magistrature constitue l’épicentre.

Le Conseil Supérieur de la Magistrature36 est l'organe chargé de gérer la carrière des magistrats
et de veiller au maintien de la discipline au sein de la magistrature. Si la composition de l'organe
semble attester du joug de l'exécutif, il ne faut guère perdre de vue, que le corporatisme est un
sentiment très vivace dans la magistrature et qu'une telle composition peut le conjurer dans
l'intérêt du justiciable.

Ainsi, il en va de soi que l’ascendant de l’exécutif sur la judiciaire n’est plus à prouver. En effet,
le conseil supérieur de la magistrature qui a pour mission de veiller au respect de l’indépendance
de la justice et des règles de fonctionnement du pouvoir judiciaire est piloté par le président de
la république qui est le garant de l’indépendance de la justice. Il y’a une emprise du pouvoir
exécutif sur le pouvoir judiciaire qui est révélée par le fait que celui-ci pourvoit à la fois au
recrutement des membres du Conseil supérieur de la magistrature et à l'organisation de son
travail. Il s'agit d'un organe noyauté et contrôlé. Faut-il d'ailleurs s'en étonner dans la mesure
où la « haute mission » du conseil se limite à « assister » le président de la république.
Cependant, si pour certains l'indépendance totale de la justice passe par la rupture du lien
hiérarchique, il y’a lieu de noter que cette rupture méconnaitrait la compétence
gouvernementale en matière de définition de la politique pénale. En effet, pour mener à bien sa
mission le président est chargé de déterminer la politique de la nation et il en va de soi que ceci
concerne tous les secteurs la justice y compris.

36
- Le conseil supérieur de la magistrature est l’organe constitutionnel destiné à garantir
l'indépendance de l’autorité judiciaire. Le CSM comprend une Formation compétente à
l'égard des magistrats du siège et une autre pour les magistrats du parquet. La formation
compétente pour les magistrats du siège fait des propositions pour les nominations à la Cour
de cassation et celles de premier président de cour d'appel ou de président d'un TGI. Les
autres magistrats du siège sont nommés sur son avis conforme. La formation relative aux
magistrats du parquet donne un avis sur les nominations. Le Conseil statue également comme
conseil de discipline pour les magistrats du siège et donne un avis sur les sanctions
disciplinaires relatives aux magistrats du parquet voir lexique des termes juridiques, page
542, 2017 2018.

27
Ainsi, au Sénégal, si le conseil supérieur de la magistrature a le mérite d’exister et de
fonctionner plus ou moins régulièrement il porte, dans sa composition comme son mode de
fonctionnement, les germes de sa dépendance vis-à-vis de l’exécutif, dont il est pourtant censé
limiter l’influence. En effet, la constitution investit le Conseil Supérieur de la Magistrature
d'une mission d'assistance du Président de la République pour la garantie de l'indépendance de
la justice. Concrètement, le rôle d'un conseiller ne se limite pas à répondre à une demande, il
lui appartient notamment à la différence d'un courtisan d'assurer une mission de veille, alertant
sur une difficulté ou de suggérer des propositions promptes à pallier les atteintes à
l'indépendance de la justice. Il ne faut pas nier que les initiatives du CSM en ce domaine ne
sont pas sans irriter les politiques.

De ce fait, s’agissant de sa composition, le CSM est dirigé par le président de la république qui
en est le président et le ministre de la justice qui y fait office de vice-président37. Ce qui fait
qu’ils en sont les principaux décideurs donc leur avis et décisions pèsent sur la balance. Il s’y
ajoute que sur les seize magistrats qui siègent au sein de cet organe, douze sont des membres
de droit nommés par l’exécutif. En outre, dans la répartition des attributions on note que la part
du lion est réservée au Ministre de la Justice et au Président de la République qui exerce
respectivement le pouvoir de proposition et de nomination, les magistrats se contentant de
donner leurs avis qui, dans certains cas, ne lient pas l'autorité de nomination. Au regard d'une
telle configuration, il est clair que le CSM du Sénégal ne peut ni incarner, ni assumer le côté de
sentinelle de l'indépendance que l'on est en droit d'attendre de lui38.

Par ailleurs, le déséquilibre résultant de la composition du CSM est plus perceptible quand on
évoque le rôle de garant de l'indépendance de la justice du Président de la République. Cette
disposition constitutionnelle n'est pas de nature à affermir l'autorité judiciaire et à renforcer le
lien de confiance entre les citoyens et l'institution judiciaire. D'ailleurs, selon la lettre
constitutionnelle, le CSM ne fait qu'« assister » le Président de la République dans sa mission
de gardien de l'indépendance de la justice à tel point qu'il existerait, selon la Constitution, et

37
- Voir l’article premier de la loi 2017-11 du 17 janvier 2017 portant organisation du conseil
supérieur de la magistrature.
38
- TELIKO Souleymane, « L’indépendance de la justice au Sénégal », DALLOZ, 2019,
page 490.

28
dans le cadre de cette mission, une dyarchie révélant l'emprise de l'exécutif, et donc confinant
plutôt à la hiérarchie, le Conseil Supérieur de la Magistrature ayant parfois du mal à se détacher
du lien qui l'unit au Président de la République. Ainsi, l'autonomie institutionnelle et les
conditions d'indépendance du CSM ne peuvent pas, à priori, être considérées comme réunies
tant que le Président de la République et le ministre de la Justice partagent avec le Président de
la Cour suprême, la présidence du Conseil. Il s’y ajoute qu’en dehors des domaines très limités
dans lesquels la loi donne un certain rôle au CSM, le ministre de la Justice, de qui relève la
gestion administrative de la justice, détient une autorité directe et parfois discrétionnaire sur la
carrière des magistrats. Il est le responsable principal de la planification stratégique et de la
gestion des ressources dans le domaine de la justice. À ce titre, il détermine les besoins en
ressources humaines dans le secteur judiciaire et c'est sur ses propositions que les candidats à
la magistrature sont présentés à la nomination du Président de la République. C'est donc en
réalité à une véritable tutelle de l'exécutif que la loi soumet le pouvoir judiciaire.

En conséquence, au lieu que la responsabilité d'assurer l'indépendance des magistrats repose


directement sur le Conseil, la subordination organique de ce Conseil à l'exécutif conjuguée à
son aliénation fonctionnelle montrent des limites réelles et incitent à conclure à son état de
vassal.

29
CONCLUSION :

La séparation des pouvoirs est un principe consacré par de nombreux textes tant au niveau
international que national. En effet, elle fait l’objet d’une protection par des textes tel que la
déclaration universelle des droits de l’homme de 1789 qui pose les premiers jalons de ce
principe et en fait une condition sine qua non d’un Etat de droit. En effet, un Etat de droit doit
impérativement avoir une constitution alors que cette dernière n’existe pas s’il n’y a pas de
séparation des pouvoirs. Cette situation permet de protéger les droits des personnes dans la
mesure où une limitation des pouvoirs est une mesure de prévention contre les abus pouvant
provenir des pouvoirs publics. C’est ce qui en ressort de l’objectif du pacte international relatif
aux droits civils et politiques. Ainsi consacré par des textes internationaux précurseurs, la
séparation des pouvoirs est retranscrite au niveau interne. En effet, au lendemain des
indépendances, le Sénégal s’érige en Etat de droit et se dote d’une constitution. Cette dernière
proclame, dans son préambule, le respect et la consolidation d'un État de droit dans lequel l'État
et les citoyens sont soumis aux mêmes normes juridiques sous le contrôle d'une justice
indépendante et impartiale et la séparation et l'équilibre des pouvoirs conçus et exercés à travers
des procédures démocratiques. Ainsi, le Sénégal se définit comme une république caractérisée
par trois pouvoirs : un pouvoir exécutif, un pouvoir législatif et un pouvoir judiciaire. Ces
pouvoirs doivent répondre à une nette séparation pour promouvoir la démocratie, système dans
lequel s’inscrit le Sénégal. Ainsi, le pouvoir exécutif représenté par le chef de l’Etat se distingue
du pouvoir législatif qui élabore et vote les lois et du pouvoir judiciaire qui interprète et
confirme. Cependant, cette séparation n’est que chimère puisque la réalité en est autre. En effet,
la constitution sénégalaise pose ce principe de la séparation des pouvoirs mais son application
n’est pas effective. Il y’a une ingérence notoire entre les pouvoirs notamment celle de l’exécutif
sur les autres pouvoirs. Ce dernier s’immisce dans les domaines du pouvoir législatif et
judiciaire. En effet l’exécutif intervient dans le domaine de la loi en ayant la possibilité de faire
des ordonnances même si ça reste encadré puisque nécessitant une habilitation de la part de
l’assemblée nationale. Il intervient aussi dans le domaine de la justice avec le pouvoir de grâce
du président et aussi de la présidence du conseil supérieur de la magistrature par le président de
la république mais aussi à cause de la subordination du parquet au ministère de la justice.

30
Ces interventions de l’exécutif dans les domaines réservés aux autres pouvoirs quoique
nécessaires puisqu’il est chargé de déterminer la politique de la nation et de ce fait a besoin des
marges de manœuvre lui permettant de mener à bien ses missions constituent des empiètements
à un principe fondamental d’un Etat de droit. Il semble donc que la séparation tripartite de
Montesquieu est insuffisante face à la complexité de l’Etat moderne où les fonctions de
l’exécutif se sont multipliées. Dés lors, il revient de s’interroger sur les conséquences des
multiples empiètements que subit le principe de la séparation des pouvoirs dans la démocratie ?
Et aussi de s’interroger sur la valeur juridique du principe de la séparation des pouvoirs dans
un Etat moderne ?

31
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES :

La loi n°63-32 du 7 mars 1963 portant constitution.

La loi N°2001-03 DU 22 JANVIER 2001 portant constitution, modifiée.

La loi organique n°2017-10 du 17 janvier 2017 portant statut des magistrats.

BAGHESTANI Laurence, Fiches de droit constitutionnel : Rappels de cours et exercices


corrigés, 7e édition, Ellipses, 2022.

LEXIQUE DES TERMES JURIDIQUES, DALLOZ, 2018-2019.

FRAISSE Régis, « l’article 16 de la déclaration, clef de voûte des droits et libertés », Nouveaux
cahiers du conseil constitutionnel n°44 (Le conseil constitutionnel et le procès équitable), juin
2014.

Le pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966.

La déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

BROUSSOLLE Yves, Fiches d’introduction au droit public : rappels de cours et exercices


corrigés, Ellipses, 2019.

DIOP Mamadou, La GOUVERNANCE JUDICIAIRE : Promouvoir au Sénégal une justice


moderne et efficiente, l’Harmattan, 2017.

32
CHARPENTIER Jean, « Les lois cadres et la fonction gouvernementale », RDP 1958.

Claude F. Momo, Eric- Adol T. GATSI, « l’exécutif dualiste dans les régimes politiques des
Etats d’Afrique noir francophone », les Annales de droit, Openedition, 2019.
Disponible en ligne à l’adresse : https://journals.openedition.org/add/1898

FALL Alioune Badara, «Les menaces interne à l’indépendance de la justice »,


L’indépendance de la justice, 2007.
Disponible en ligne à l’adresse : https//hal.archives-ouvertes.fr/hal-00490034v2

TELIKO Souleymane, « L’indépendance de la justice au Sénégal », DALLOZ, 2019.

Disponible en ligne à l’adresse : https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-de-la-justice-2019-3-


page-483.htm

NDIAYE Ameth, « la loi d’habilitation dans les systèmes constitutionnels d’Afrique


Francophone », Afrilex, 2016.

SALL Ousmane, « Justice au Sénégal : regard croisé sur l’indépendance du pouvoir


judiciaire », 2020.

TOURE Papa Assane, « L’ordonnance : un instrument normatif hybride au service de la riposte


contre le Covid 19 », 2020.

33
TABLE DES MATIERES :

CHAPITRE I : La séparation des pouvoirs au Sénégal, un principe suffisamment


consacré par des textes ..........................................................................................................................4
Section 1 : Une consécration par des textes internationaux précurseurs ........................4
Paragraphe 1 : Une consécration par la déclaration des droits de l’homme et du
citoyen (1789) ....................................................................................................................................5
Paragraphe 2 : Une consécration par le pacte international relatif aux droits
civils et politiques (1966) ...........................................................................................................7
Section 2 : Une consécration constitutionnelle protectrice ................................... 10
Paragraphe 1 : Un attachement rappelé dans le préambule de la
constitution Sénégalaise ................................................................................................ 10
Paragraphe 2 : une séparation textuelle des différents pouvoirs dans le
texte de la constitution ............................................................................................... 14

Chapitre II : La séparation des pouvoirs au Sénégal, un principe fragilisé dans la


pratique ..................................................................................................................................................... 16
Section1 : une ingérence notoire de l’exécutif sur les autres pouvoirs ...................... 16
Paragraphe 1 : Une mainmise de l’exécutif sur l’assemblée nationale à travers
sune majorité absolue.................................................................................................................. 17
Paragraphe 2 : Une relation ombilicale entre l’exécutif et le pouvoir judiciaire :
le parquet ..................................................................................................................................... 19
Section 2 : Des exceptions entravant l’effectivité de la séparation des
pouvoirs.................................................................................................................................... 22
Paragraphe 1 : La prise de décisions par l’exécutif dans le domaine de la
loi : les ordonnances ou décret-loi ............................................................................. 23
Paragraphe 2 : la présidence du conseil supérieur de la magistrature par
le président ..................................................................................................................... 26

34

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