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DROIT DES COLLECTIVITES TERRITORIALES

Introduction

I- Notion de collectivité territoriale

A- Définition du droit des collectivités territoriales

Le droit des collectivités territoriales peut être défini comme l'ensemble des règles juridiques se
rapportant à la création, à l’organisation, aux attributions, au fonctionnement et au contrôle des collectivités
territoriales. Il a donc pour objet les collectivités territoriales ou collectivité locale ou encore collectivités
décentralisée qui ne sont rien d’autres que de simples circonscriptions administratives auxquelles les
autorités publiques ont reconnu une personnalité juridique distincte de celle de l’Etat central, en vue de son
autonomisation.
Il s’agit d’une sous-partie du droit de l’organisation administrative qui, lui-même, relève du droit
public interne, notamment du administratif général. Le droit des collectivités territoriales tire ses sources des
textes constitutionnels, législatifs, réglementaires et jurisprudentiels.
Le cours du droit des collectivités territoriales vise divers objectifs qu’il est possible de regrouper en
deux rubriques, à savoir des objectifs d’ordre politique et ceux d’ordre scientifique.
L’essentiels des objectifs politiques se résume, selon l’esprit de la loi d’orientation dee
l’administration territoriale de 2001, en ces points que sont : le rapprochement des populations de
l'Administration, la démocratisation à la base, la mise en place de structures locales de gouvernance, la
correction des inégalités et une meilleure répartition des fruits de la croissance, la promotion de la bonne
gouvernance, la promotion du développement local, la promotion de l'aménagement et le développement du
territoire, le développement des économies locales et la réduction de la pauvreté.
L'un des objectifs essentiels de la décentralisation territoriale réside dans la volonté de l'État de
rapprocher l'Administration des populations locales. En effet, dans l'organisation administrative, les
collectivités territoriales facilitent l'accès aux services publics par la réduction de la distance, raccourcissant
ainsi le chemin qui mène vers l'Administration et le rendant moins long et tortueux. Les populations d'un
territoire érigé au statut de Commune par exemple, n'auront plus à parcourir du chemin pour aller faire
connaître au Maire siégeant dans une localité plus éloignée, les besoins de développement primaire des
populations tels, que la salubrité, les besoins d'une école primaire etc. De même, les populations qui étaient
tenues de parcourir des distances importantes pour solliciter l'établissement de documents administratifs tels
que les extraits d'actes de naissance, en sont exemptées avec la politique de décentralisation. Et cette

1
situation est particulièrement appréciable dans les pays africains où, l'outil internet n'est pas encore entré
dans les' habitudes administratives pour que de tels documents puissent être délivrés sans déplacement. Elle
contribue de ce fait à des gains de temps et à la diminution des coûts pour l'obtention des documents
administratifs, tout en améliorant la qualité du service public par la fourniture de réponses adaptées aux
préoccupations des citoyens.
Le droit des territoriales a d'abord et avant tout un objectif de démocratisation par la mise en place de
structures locales de gouvernance. La décentralisation territoriale permet notamment â une communauté
humaine de s'administrer elle-même, sous le contrôle de l'État, en vue de gérer les affaires qui lui sont
propres et qui sont appelées affaires d'intérêt local. Ce mode de gestion offre, en principe l'opportunité aux
populations locales de choisir librement,· par la voie des élections, les personnes appelées 'à agir en leur
nom et pour leur compte. Ces personnes, qui sont les élus locaux, sont celles qui seront amenées à conduire
le développement de la communauté locale et à déterminer ainsi sa destinée. Les Conseillers Municipaux ou
les Conseillers Régionaux, selon le cas, sont, en principe, les représentants de la population au sein des
assemblées délibérantes et doivent porter et traduire ses aspirations et ses besoins de développement. Ce sont
en effet, ces conseillers qui détiennent en principe le pouvoir réel, en ce qu'il leur appartient de prendre les
délibérations qui adoptent les principales décisions de la vie de la collectivité territoriale telles que le budget
ou le programme triennal, les règles de gestion du domaine public ainsi que les infrastructures à initiées.
Dans la mise en place de ces structures de gouvernance locale, les populations manifestent leur libre choix
des Conseillers Municipaux et Régionaux à travers leur participation aux processus électoraux. Ces
processus sont ainsi l'occasion de la confrontation des différents courants politiques et visions du
développement.
La mise en place des organes des collectivités territoriales permet à toutes les sensibilités politiques
et aux personnes ne revendiquant aucune étiquette politique de s'engager dans la compétition électorale pour
rechercher les suffrages des populations. Et, ce sont donc les populations qui sont les maîtres du jeu et les
arbitres des confrontations électorales.
Ces personnes, qu'elles soient de différentes tendances politiques ou pas, sont unies par une
communauté d'intérêt et de destin, parce qu'appartenant à la même aire géographique et sociologique. Le
vote, qui est le principe de base de la mise en place des structures locales, conduit à faire émerger la volonté
majoritaire qui primera donc sur les différentes tendances minoritaires exprimées par les populations Ces
tendances minoritaires, de par le principe de démocratie, ont le droit d'exprimer leurs points de vue qui
représente certainement la vision du développement de certains habitants de localité. Il reste entendu que la
démocratie doit former les populations locales sur la prééminence, pour la collectivité territoriale, de la
volonté générale sur les volontés individuelles. Par ailleurs, la décentralisation territoriale doit permettre aux
populations de comprendre que la gestion de la cité conduit à laisser s'exprimer la tendance idéologique
dominante, étant entendu que la démocratie peut apparaître comme la dictature de la majorité. À cet effet,
les lois ivoiriennes prévoient que la liste majoritaire obtient de facto la moitié des sièges du Conseil, l'autre
2
moitié devant être répartie entre toutes les listes, y compris la liste majoritaire. Le principe démocratique
gouverne également l'action des organes. En effet, ceux-ci doivent définir, à travers un processus participatif
consistant à consulter régulièrement la population, la politique générale de la collectivité territoriale
concernée, afin de choisir les actions et les projets d'investissement qu'ils estiment convenir à leur mandant,
à savoir la population locale: C'est, en effet, cette population qui a placé sa confiance en eux dans le but
d'assurer son bien-être. Les plans et programmes de développement ainsi que les budgets sont élaborés par
l'organe exécutif, mais soumis au vote des représentants des populations locales regroupés au sein de
l'organe délibérant. À cet effet, l'ordonnance d'orientation sur l'organisation générale de l'Administration
Territoriale de l'État suscitée dispose, en son article 38 : «Les collectivités territoriales sont librement
administrées ». Ce qui signifie notamment que les représentants des populations que sont les Conseillers, se
voient investis d'une lourde responsabilité, celle de choisir, eux-mêmes, ensemble, en dépit des divergences
politiques éventuelles, les actions de développement de leur localité sans attendre l'État.
L'un des objectifs de la décentralisation territoriale consiste à corriger les disparités locales qu'une
politique, par endroit trop centralisatrice, a pu faire naître dans les différentes localités. À cet effet, la
décentralisation permet à l'État de responsabiliser les élites et les populations locales, en leur donnant
l'occasion de créer les conditions d'un développement plus collé à leurs réalités. En effet, les élus locaux,
étant plus proches des réalités locales, sont censés être plus à même d'apprécier les besoins de la population
et donc d'initier des projets qui permettent de corriger les lacunes observées dans leur niveau de
développement.
En effet, les organes élus, qu'ils soient exécutifs ou délibérants, apparaissent mieux indiqués que
l'État pour élaborer les plans de développement, les programmes triennaux et autres documents de gestion
financière en vue de réaliser les investissements et entreprendre toute action de nature à contribuer à la
promotion du développement local et corriger les disparités observées. Chaque collectivité territoriale
disposant d'un budget, les élus locaux ont donc la latitude de décider de la réalisation des investissements
qu'ils estiment opportuns et de nature à corriger les dysfonctionnements observés afin de combler les retards
éventuels observés comparativement aux localités voisines.
Les investissements pourront ainsi être programmés et financés en fonction des constats de
défaillances faits relativement à certains types d'infrastructures nécessaires. Ils devront alors permettre aux
différentes collectivités territoriales, qui observent un retard dans certains secteurs de leur développement,
de corriger cet état de fait pourvu que leurs élus soient porteurs d'initiatives innovantes, adaptées et
appropriées.
Avec la décentralisation, le développement des différentes localités est censé se bâtir sous le regard
vigilant des populations, à travers leurs élus au sein des divers Conseils. Dans cette optique, le Président du
Conseil régional et le Maire sont régulièrement confrontés aux questions, demandes d'informations et
d'éclaircissement des Conseillers qui, au cours des sessions, ont la latitude de vérifier les actions entreprises
par l'exécutif. Mieux, les séances des conseils, étant selon la loi, publiques, les populations non membres de
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ces Conseils, notamment les chefs de villages et les acteurs locaux issus des différentes couches
socioprofessionnelles, sont amenées à écouter les débats des conseillers et les délibérations prises par le
Conseil Régional ou le Conseil Municipal concernant le développement et la gestion des affaires de la
collectivité territoriale. Par ailleurs, aux termes de la loi, notamment l'article 35 de la loi portant organisation
des collectivités territoriales, tout habitant ou contribuable a le droit de demander communication, sans
déplacement, de prendre copie totale ou partielle des procès-verbaux du Conseil, des budgets et des comptes
de la collectivité territoriale ainsi que des arrêtés. Cette disposition légale est donc de nature à accroître le
regard extérieur des populations sur la gestion des affaires de la collectivité territoriale par les élus locaux.
Bien entendu, l'idéal est qu'un mécanisme soit trouvé pour permettre une participation beaucoup plus active
des populations aux séances du Conseil. Ainsi, en matière de gestion des ressources et de développement,
l'introduction de la notion de budget participatif par certaines collectivités territoriales est à encourager. Le
budget participatif est un concept né en 1989 à Porto Alegre, au Brésil qui permet d'associer les populations
d'être associées aux choix d'investissements et de répartition des ressources publiques de la collectivité
territoriale. De même, la représentation de différentes tendances politiques au sein du Conseil est de nature à
permettre à la minorité de faire entendre sa voix et de veiller au contrôle des actions de la majorité au sein
du Conseil. Il appartient à ces tendances minoritaires au sein du Conseil de ne pas pratiquer la politique de
«la chaise vide » consistant soit à démissionner soit à s'absenter régulièrement ou alors à se désintéresser des
affaires locales, même en étant présentes. Les réunions de Conseils, qui ne sont pas des moments de bataille,
doivent être des lieux de débats intellectuels au cours desquels, preuves à l'appui, les différents Conseillers,
surtout ceux issus des partis minoritaires, vérifient la régularité et l'opportunité des différents projets de
développement ainsi que la concordance des déclarations de l'exécutif avec la réalité. Tout ceci contribue à
créer auprès des exécutifs des collectivités territoriales des contre-pouvoirs qui favorisent la bonne
gouvernance en contribuant à assurer une gestion beaucoup plus équilibrée et équitable des ressources de la
collectivité. Ceci ouvrira certainement la voie à une plus grande solidarité entre les membres de la
communauté pour permettre à tous et à chacun de bénéficier du bien-être dans son quartier, son village ou
son campement.
En décidant de confier aux collectivités territoriales le droit et le pouvoir de gérer, pour le compte des
populations locales, les affaires jugées par l'État d'intérêt local, l'État fait peser sur les élus locaux et les
populations concernées une responsabilité essentielle, celle de promouvoir le développement local. En effet,
l'article premier de la loi n°2003-208 du 07 juillet 2003 portant transfert et répartition de compétences de
l'État aux collectivités territoriales stipule que « Les collectivités territoriales concourent avec l'État au
développement économique, social, sanitaire, éducatif, culturel et scientifique des populations et, de
manière générale, à l'amélioration constante de leur cadre de vie ». Mieux, au nombre des missions
essentielles confiées par l'État aux collectivités territoriales et contenues dans l'article 38 de l'ordonnance
d'orientation sur l'organisation générale de l'Administration Territoriale, il est clairement précisé que les
collectivités territoriales ont, entre autres missions, « la promotion et la réalisation du développement local
4
». Les collectivités territoriales ont, sur ce point d'ailleurs, vis-à-vis des populations locales, une
responsabilité plus importante que celle de l'État à .l'égard desdites populations puisque, selon l'article 40 de
l'ordonnance d'orientation suscitée, « Dans le domaine de leurs compétences, les collectivités territoriales se
substituent à l'État ». Il s'agit donc pour les collectivités territoriales d'utiliser l'outil de développement qu'est
la décentralisation territoriale pour réaliser la transformation qualitative de la société au profit des
populations selon leurs besoins et avec leur participation active. Les élus ne feront pas le développement
local en s'enfermant dans leur bureau pour décider tout à la place des populations dans leur intérêt supposé.
L'exposé des motifs de l'ordonnance d'orientation générale sur l'organisation générale de
l'Administration territoriale de l'État contient, entre autres objectifs, la promotion de l'aménagement 'et le
développement du territoire national. En fait l'aménagement du territoire et la décentralisation sont
intimement liés en tant qu'outils de développement local. En effet, l'aménagement du territoire est présenté
comme la politique et les moyens qui visent à une utilisation économique et humaine plus rationnelle de
l'espace géographique, l'objectif étant de faire en sorte que l'espace de la collectivité territoriale fasse l'objet
d'une l'implantation harmonieuse des infrastructures et des structures et l'activité des populations.
Aux termes de l'article 1er de la loi portant transfert et répartition de compétences de l'État aux
collectivités territoriales suscitée, les collectivités territoriales concourent avec l'État au développement
économique des populations. Il s'agit pour les collectivités territoriales de créer des emplois ou d'en stimuler
la création afin de permettre aux populations locales de produire des biens et services leur permettant de se
prendre en charge et de lutter ainsi efficacement contre la pauvreté. La décentralisation ne doit pas être pour
les élus locaux un moyen de s'enrichir au détriment des populations et de la collectivité. Mais, l'institution de
la Commune et de la Région doit être l'occasion de créer des emplois aussi divers que variés en fonction des
ressources financières de la localité, des besoins des populations et des potentialités de développement. Il
s'agit également pour les élus locaux d'exploiter judicieusement les potentialités économiques ou de créer les
conditions de leur émergence, afin de créer une véritable économie locale qui servira de support à la création
de ressources propres. Ces emplois créés avec ou sans l'appui de partenaires extérieurs devraient viser
comme objectif la réduction de la pauvreté dans la collectivité territoriale. Cet objectif de réduction de la
pauvreté, par l'emploi, est visé également par l'opportunité offerte aux collectivités territoriales de créer des
emplois, par le recrutement de personnels aux différentes fonctions administratives, financières et techniques
des entités décentralisées. Il s'agit à la fois de fonctionnaires et agents de l'État et des agents recrutés
localement. Il convient de savoir, sur ce point, que ce recrutement doit tenir compte à la fois des moyens de
la collectivité territoriale et de ses besoins administratifs réels. Ainsi, l'article 7 du décret n°2013-476 du 02
juillet 2013 fixant les modalités d'établissement du cadre organique des emplois des collectivités territoriales
précise que les dépenses de personnel des entités décentralisées ne doivent pas excéder trente pour cent
(30%) du budget de fonctionnement.
Pour ce qui des objectifs scientifiques, ils visent à donner une formation de pointe aux étudiants en
droit public, ou en science politique, aux candidats aux concours administratifs, aux élus locaux et à leurs
5
différentes faitières, aux agents des collectivités locales, aux juristes conseils des collectivités territoriales
(…), et ceci, en vue de leur permettre de mieux maîtriser les outils se rapportant à la gestion d’une
administration locale, notamment à tout ce qu’il convient à une collectivité décentralisée d’assumer
pleinement son autonomie administrative et financière. A ce titre, il y a lieu d’énumérer, sans besoin d’entrer
dans les moindres détails, les points suivants :
 exercer les métiers de conseil juridique des collectivités territoriales ;
 comprendre, surveiller et anticiper le contexte juridique, administratif et institutionnel;
 acquérir les principes juridiques relatifs à l'organisation et au contentieux des collectivités
territoriales;
 développer et améliorer l’expertise en matière de gouvernance des finances publiques locales de la
politique de décentralisation;
 intégrer les méthodes de diagnostic, audit, évaluation des politiques publiques;
 proposer les outils de gestion des affaires relevant du développement local;
 combler les lacunes découlant de l’absence d’une fonction publiques locale;

Ce cours a, par ailleurs l’avantage pratique de déboucher sur un certain nombre d’emploi. L’on
citera, entre autres, ceux-ci :

 emplois d'encadrement, dans les services des collectivités territoriales et de leurs groupements,
 emplois de conseil juridique dans les cabinets prestataires des collectivités territoriales,
 avocats;
 conseil en management public local;
 ingénierie contractuelle;
 conseil en gestion de projet;
 expertise en fiscalité locale.

B- Historique de la séparation des collectivités territoriales de l’Etat

II- L’évolution des collectivités territoriales ivoiriennes


Pour mieux comprendre l’évolution du droit des collectivités territoriales ivoirien, il suffit de
rappeler l’évolution des collectivités en ayant résulté, d’une part, de l’époque coloniale à la proclamation de
l’indépendance, et de la date de cet évènement à nos jours.

A- Les collectivités territoriales de l’époque coloniale


L’histoire de la politique de décentralisation territoriale de la Côte d’Ivoire remonte, en effet, comme
a bien pu le témoigner Alice DEGNI-SEGUI, des années 1912 avec l’institution d’une politique communale
comprenant « des municipalités de second ordre (la commune mixte et communes de moyen exercice) au
statut très restrictif où les délégués municipaux se voient imposés leur premier magistrat (et quelques
communes privilégiées [communes de plein exercice] qui n’avaient rien à envier à leurs homologues de la
métropole puisqu’elles jouissaient de la plénitude de leur compétence1) ».

1
- Alice DEGNI-SEGUI, « Les propositions du colloque international sur la décentralisation » in La décentralisation, Etudes
comparées des législations ivoiriennes et françaises, étude précitée, p. 24.

6
Ce premier mouvement de décentralisation couvre toute la période coloniale, soit de 1893, date de
l’érection de la Côte d’Ivoire en colonie française à celle de 1960 marquant l’avènement de son
indépendance ; il est marqué, comme souligné plus haut, par une évolution du régime municipal ayant donné
trois (3) catégories de commune : les communes mixtes, les communes de moyen exercice et les communes
de plein exercice.
Les communes mixtes, les toutes premières instituées par l’autorité coloniale par le biais du décret du
15 mai 1912, étaient dotées de trois types d’organes propres : l’assemblée délibérante, l’administrateur-
maire et la commission municipale. Quoique ces organes furent différents de ceux de l’administration
centrale et que l’on ait eu à ce titre à qualifier lesdites communes mixtes de collectivités territoriales,
elles « ne bénéficiaient en réalité que d’un statut de simple déconcentration […] que certains auteurs
nomment en France la décentralisation technique ou par service 2 », eu égard au fait que l’exécutif colonial
s’arrogeait le droit d’user du procédé discrétionnaire de la nomination pour leur mis en place. Voilà la
position qui, aux antipodes de la doctrine majoritaire3, refuse de faire coïncider la décentralisation avec la
démocratie4. C’est dire que la première phase de communalisation de l’Etat colonial ivoirien n’était que de
nom, les organes ainsi nommés pouvant à tout moment, grâce au principe du parallélisme des compétences 5,
être démis par le pouvoir exécutif. Seules Grand-Bassam et Abidjan ont eu, respectivement en 1914 et en
19156, à bénéficier de ce régime.
La technique de nomination cessera d’être exclusive à partir des années 50 avec l’avènement d’une
loi marquant la volonté du législateur colonial d’arrimer le système municipal des colonies à celui de la
métropole française. Ainsi, la loi n° 55-1489 du 18 novembre 1955 rendra applicable à l’A.O.F.7, à l’A.E.

2
- Serge REGOURD, « Rapport de synthèse » in La décentralisation, Etudes comparées des législations ivoiriennes et françaises.
Actes du colloque international, organisé par la Faculté de Droit de l’Université Nationale de Côte d’Ivoire et l’Université des
Sciences Sociales de Toulouse I. Abidjan le 9-12 mai 1998, p. 216.
3
- La technique de décentralisation est tenue par la doctrine majoritaire comme le corolaire de la démocratie. Voir à ce titre,
Maurice HAURIOU : Précis de droit constitutionnel, 2ème édition, Paris, Sirey, 1929, p. 189 ; Jean-Marie AUBY, et Robert
DUCOS-ADER, Les institutions administratives, Paris, LGDJ, 1971, p. 85.

4
- Charles EISENMANN s’oppose vigoureusement à la doctrine dominante, estimant pour sa part qu’il n’existe pas
nécessairement de lien entre la décentralisation et la démocratie. Voir à ce titre Charles EISENMANN, Intervention au colloque
sur « L’objet local », 1977, édition 10-18, p. 67, cité par Placide MOUDOUDOU, « Les tendances du droit administratif dans les
Etats d’Afrique francophone », Revue juridique et politique des Etats francophones, 2010, p. 93 ; Paterne MAMBO, « Réflexion
sur la libre administration des collectivités territoriales en Côte d’Ivoire », étude précitée, p. 118. Voir aussi Serge
REGOURD, « La décentralisation dans ses rapports avec la démocratie : genèse d’une problématique », RDP, 1990, n° 4, p. 963
et suivants ; pour le même auteur, voir « Le modèle français de décentralisation » in La décentralisation, Etudes comparées des
législations ivoiriennes et françaises, étude précitée, p. 47.

5
- « Principe général consacré par la jurisprudence suivant lequel, lorsque l’autorité compétente pour modifier ou abroger un
acte administratif n’a pas été désignée par les textes, cette autorité est la même que celle à laquelle ces textes ont attribué
compétence pour édicter ce texte ». Cf. Gérard CORNU, op. cit, p. 731.

6
- Idem, p. 261.

7
- L’Afrique Occidentale Française (A.O.F.).

7
F8., au Togo, au Cameroun et à Madagascar, la charte municipale française du 5 avril 18859. Cette loi a eu à
créer les communes de moyen exercice10et de plein exercice ; les deux bénéficiant de la personnalité morale,
mais différentes en bien des points.
« Considérée comme une mineur, une stagiaire qui attend de faire ses preuves de bonne gestion
administrative et financière, sous la direction et le contrôle de l’administration coloniale pour accéder au
stade supérieur, étant promue à la plénitude de ses compétences11 », la commune de moyen exercice était
dirigée par des conseils municipaux élus, ayant à leur tête un administrateur-maire nommé par le Lieutenant-
gouverneur qui était d’ailleurs compétent pour ériger telle ou telle agglomération en commune de moyen
exercice. A ce titre, six (6) localités seront élevées au rang de communes de moyen exercice, à savoir :
Abengourou, Agboville, Daloa, Dimbokro, Gagnoa et Man.
Pour parvenir au contraire au stade de communes de plein exercice avec la plénitude des
compétences, les communes de moyen exercice devaient justifier d’un niveau de développement
conséquent, c’est-à-dire, évoluer à un niveau des centres urbains susceptibles d’abriter les institutions
importantes de l’administration coloniale, et de servir de lieux de résidence de l’élite coloniale12. Crées par
le gouvernement de la métropole, elles étaient administrées par des conseils municipaux élus avec à leur tête
des maires tout aussi élus. Les communes ayant pu bénéficier de ce statut sont Abidjan, Bouaké et Grand-
Bassam.
L
B- L’évolution des collectivités territoriales sous la Côte d’Ivoire indépendante
La deuxième phase de la décentralisation commence par les réformes initiées de 1960 à 1980, par les
nouvelles autorités de la Côte d’Ivoire indépendante. Ladite phase caractérisée par un quasi-blocage de la
politique communale13, s’explique essentiellement par la volonté des autorités politiques d’asseoir d’abord la
jeune république, non seulement sur des bases économiques et sociales solides, mais sur celles du
renforcement de l’unité nationale, et surtout sur la question de la souveraineté.
En « Côte d’Ivoire, l’application de la démocratie au niveau local a toujours posé des problèmes
difficiles. A l’origine de ces difficultés l’on trouve l’attachement viscéral des héritiers du pouvoir colonial à

8
- L’Afrique de l’Est française (A.E.F.).

9
- Cf. René DÉGNI-SÉGUI, op. cit. p. 261.

10
- Jean GBIDI, « Partis politique et démocratie local », in La politique de décentralisation en Côte d’Ivoire, Etude, analyses et
contributions présentées par Centre Ivoirien de Recherche et d’Etudes juridiques et Friedrich Ebert Stiftung, édition CIREJ, p. 77.
11
- René DÉGNI-SÉGUI, op. cit. p. 263.

12
- L’une des raisons qui légitimait la colonisation était, selon les écrits de LESCARBOT, de transférer « le surplus de la
population » métropolitaine dans les territoires nouvellement conquis au moyen de la colonisation. Voir à ce titre Okou LEGRE,
Histoire des institutions et du droit colonial, édition Lumière de DEASSA, 2010, p. 48.

13
- Alice DEGNI-SEGUI, étude précitée, p. 25.

8
l’inviolabilité de la souveraineté nationale14 ». La nation n’est, à ce titre, pas vue à leurs yeux comme une
collectivité d’hommes différents ou de territoires que la géographie a rendu diverses, mais plutôt comme
« un peuple de citoyens bâti, sur le même modèle, uni par les mêmes intérêts 15 » qu’il faut protéger de tous
les indices pouvant occasionner une quelconque déchirure. Il s’agissait, en effet, de développer chez les
populations, le sentiment du rattachement à l’idéal national, avant d’engager progressivement la politique de
décentralisation, du reste, empreint de conservatisme.
Mais, au fur et à mesure de l’écoulement du temps, la nécessité d’une décentralisation s’est avérée de
plus en plus pressante, au regard de l’émergence d’aspirations à relent sécessionniste dans certaines zones du
pays (les affaires Sanwis et Guébiés) ; indices traduisant le profond désir d’une partie de la population
ivoirienne à une ouverture politique. Cette attente populaire sous-jacente ne manquera pas d’attirer
l’attention du président de la république qui n’a pas tardé à énoncer que « le développement général de la
nation doit passer par le développement des collectivités territoriales cohérentes, solidaires et
économiquement fortes, grâce à la participation volontaire et effective des populations, condition de la paix
et d’une démocratie véritable 16».
Cette volonté politique détectée dans « les premiers discours favorables à une extension de la
décentralisation en 1974, au moment de la visite du président de la république dans le nord du pays 17 »,
conduira à la réforme ayant abouti au vote de la loi n° 78-07 du 9 janvier 1978 qui fut le premier acte majeur
de la nouvelle politique de décentralisation de la Côte d’Ivoire indépendante, dans la mesure où il a unifié le
régime des communes ivoiriennes sous le statut des communes de plein exercice ; reniant par-là les
catégories de communes mixtes et de moyen exercice créées par le colonisateur. Mais, quoi qu’ayant fait
passer le nombre des communes de plein exercice de six (6) à vingt-six (26), cette loi ne connaitra pas une
application immédiate jusqu’en 1980.
La volonté de décentralisation affichée par les autorités n’a, dès lors, guère permis de diluer les effets
du monopartisme dont le jacobinisme fut diversement critiqué par la doctrine ivoirienne, comme en
témoignent si éloquemment les écrits de Martin BLEOU en ces termes : « au surplus, le parti domine la vie
politique. On le sent dans le recrutement de l’Assemblée Nationale et surtout dans l’action de celle-ci. On le
sent parfois et directement dans la marche de la justice. Mieux, le parti est inspirateur autant que
l’initiateur de la vie politique. Il entend occuper tout l’espace étatique. Comment peut-on dès lors, croire

14
- Basile KOBY, « Bilan et perspective du processus de communalisation en Côte d’Ivoire : Le pouvoir communal », in La
politique de décentralisation en Côte d’Ivoire, Etude, analyses et contributions, présentées par Centre Ivoirien de Recherche et
d’Etudes juridiques et Friedrich Ebert Stiftung, édition CIREJ, p. 102.
15
- idem.

16
- Tiré de Les discours du Président FÉLIX HOUPHOUËT BOIGNY, p. 45, document consulté aux archives de la Direction
Générale de la Décentralisation et du Développement local (DGDDL).

17
- Appia KABRAN, « Bilan et perspectives du processus de communalisation en Côte d’Ivoire. Le pouvoir local », in La
politique de décentralisation en Côte d’Ivoire, Etude, analyses et contributions présentées par Centre Ivoirien de Recherche et
d’Etudes juridiques et Friedrich Ebert Stiftung, p. 188.
9
qu’il laisse quelque espace inoccupé, même dans le domaine administratif ? Sa vocation s’y oppose18 ». Ce
témoignage dépeint, avec soin, la prépondérance du système de déconcentration qui a fini par rendre
théorique toute idée de démocratie locale durant les vingt (20) premières années de la première république.
On le voit, la deuxième phase de décentralisation, qui part de 1960 à 1980, était en réalité une étape
initiatique traduisant le tâtonnement des nouvelles autorités fraîchement affranchies du joug colonial, au
demeurant, confrontées à la complexité de la politique de décentralisation pour laquelle le nouvel Etat de
Côte d'Ivoire n’avait ni expérience propre, ni personnel qualifié en nombre suffisant.
La troisième phase, qui part de 1980 à 1995, marque la période de démarrage effectif de l’opération
de communalisation du territoire ivoirien. Elle répondait ainsi aux enjeux que les autorités politiques ont,
quelques années plus tôt, bien voulu lui assigner au plan politique, économique et administratif.
Politiquement, il s’agissait d’intégrer une « bonne part des cadres qui exprimaient de plus en plus leur désir
de participer à la gestion des affaires et pour qui les places du bureau politique du PDCI n’étaient pas
extensibles. Et cette intégration était d’autant plus exigée que les postes de responsabilité étaient rares du
fait de la crise du secteur public en voie de dissolution rapide 19 ». Au plan économique, il fallait bâtir une
administration de développement à travers une politique communale repensée. Ainsi, trouve-t-on « en tout
cas en bonne place dans la conclusion des séminaires organisés par le ministère de l’Intérieur, l’idée que
les communes ivoiriennes doivent être des administrations chargées d’assurer à la base le progrès socio-
politique du pays20 ». Enfin, du point de vue administratif, et selon le contenu des messages du
gouvernement, l’administration communale devait revendiquer un certain nombre de qualité, à savoir : « une
administration de proximité, dynamique, moderne, sous la surveillance bienveillante d’une tutelle soucieuse
de l’intérêt communal que les autorités locales elles-mêmes21».
Ces idées ont conduit à l’élaboration d’un ensemble de textes dont il convient d’énumérer quelques-
uns dans la liste ci-dessous :
 la loi n° 80-1182 du 17 octobre 1980 portant statut de la ville d’Abidjan qui créa dix (10) communes
nouvelles à l’intérieur de l’agglomération d’Abidjan ;
 la loi n° 85-1085 du 17 octobre 1985 créant 98 communes, portant le nombre total des communes à
12522 ;

18
- Martin BLEOU, « Parti unique et décentralisation l’exemple ivoirien » in La décentralisation, Etudes comparées des
législations ivoiriennes et françaises. Actes du colloque international, organisé par la Faculté de Droit de l’Université Nationale
de Côte d’Ivoire et l’Université des Sciences Sociales de Toulouse I. Abidjan le 9-12 mai 1998, p. 82 ; voir aussi Francis
WODIE, Institutions politiques et droit constitutionnel en Côte d’Ivoire, op. cit., p. 82.
19
- Appia KABRAN, étude précitée, p. 119.

20
- Idem, p. 121.

21
- Appia KABRAN, étude précitée, p. 122.

22
- Pour la liste complète des communes créées, voir René DÉGNI-SÉGUI, op. cit., p. 228.

10
 le décret n° 95- 941 du 13 décembre 1995, portant création de nouvelles communes, fit passer ce
nombre de 125 à 187 par la création de 61 communes23.

La troisième phase de la politique de décentralisation ivoirienne de la première république, part de


1995 à 2000. Elle s’inscrit dans une logique d’approfondissement de cette politique avec la loi n° 95-893 du
27 octobre 1995 relative aux communautés rurales. La création des communautés rurales répondait à
l’objectif de la diversification de la politique de communalisation ; celle-ci avait déjà introduit la ville dans
le système municipal dans l’ordonnancement juridique ivoirien au début des années 80, par la loi n° 80-1182
du 17 octobre 1980 portant statut de la ville d’Abidjan.
Mais, au-delà de la création des communautés rurales, cette dernière phase de la politique de
décentralisation de la première république répondait tout aussi au souci de donner vie à la politique de
décentralisation régionalisation pour laquelle une diversité de textes fut élaborée24.
Quoique traduisant l’intention irrévocable des derniers gouvernants de la première république, de
faire de la décentralisation régionale une réalité palpable, toutes les lois ci-dessus évoquées ne parviendront
pas à faire atteindre cet objectif. Les communautés rurales, de même que les collectivités régionales « n’ont
[en effet] pu être installées du fait du coup d’Etat du 24 décembre 1999 25 » qui a brutalement occasionné la
fin de la première république (par ordonnance n° 01/99/PR du 27 décembre 1999 portant suspension de la
constitution du 3 novembre 1960 et organisation provisoire des pouvoirs publics), et par voie de
conséquence, l’avènement de la deuxième république, portée par la constitution du 1er août 2000.
L’année 2000, marquée par la fièvre du renouveau, aussi bien au plan politique, qu’administratif,
sera le point de départ d’une série de réforme, notamment dans le domaine de la décentralisation, et ce, sous
la houlette des gouvernements successifs de la deuxième et de la troisième république. D’abord, sous la
junte militaire, du 24 décembre 199926 au 22 octobre 200027, ensuite sous la gouvernance du pouvoir dit de

23
- Voir le quotidien gouvernemental ivoirien, Fraternité Matin du 14 décembre 1995, p. 2.

24
- Les textes témoignant de la volonté politique des gouvernants de parachever le cadre juridique de la région sont les textes ci-
dessous :
- la loi n° 98-387 du 2 juillet 1998 portant révision de la constitution ;
- la loi n° 98-485 du 4 septembre 1998, relative à l’organisation régionale ;
- la loi n° 98-486 du 4 septembre 1998, portant loi électorale régionale ;
- la loi n° 98-487 du 4 septembre 1998, portant attribution de compétence aux régions ;
- la loi n° 98-488 du 4 septembre 1998, portant régime financier des régions ;
- la loi n° 98-489 du 4 septembre 1998, portant régime domanial des régions.
25
- Voir Martin BLÉOU,Cours de Droit Administratif, Licence II , dispensé à l’Université Félix Houphouët Boigny de Cocody,
année académique 2014-2015.

26
- La date du coup d’Etat ayant renversé le Président Henri Konan Bédié.

27
- Date d’investiture du Président Laurent GBAGBO.

11
la « Refondation », du le 22 octobre 2000 au 11 avril 201128, et enfin, depuis cette dernière date, sous la
conduite du gouvernement dit des « Houphouëtistes29 ».
Le nouveau dynamisme observé à partir de l’an 2000 met en exergue la volonté résolument affirmée,
consistant à accroître la participation des populations locales à la gestion des affaires publiques. Visant à
donner suite aux dernières réformes de 1998 brutalement interrompues par le coup d’Etat militaire du 24
décembre 1999, les innovations initiées par les gouvernements sus indiqués constituent ensemble, bien
attendu avec leurs contradictions internes, ce qu’il y a lieu d’identifier sous l’appellation de « la politique
ivoirienne de décentralisation de la deuxième république à nos jours ». Voilà dévoilé le centre d’intérêt,
ou plus exactement, le thème autour duquel tourneront nos argumentations, et sur lequel pas mal d’hommes
et de femmes politiques, de journalistes, d’universitaires, d’institutions internationales… entretiennent des
débats permanents et parfois passionnés. C’est donc un sujet d’importance capitale qui, en tant que tel,
soulève une problématique dont il convient de dévoiler la portée dans la section ci-dessous.

28
- Le 11 avril 2011 est la date marquant le renversement du président Laurent GBAGBO, suite aux contestations des résultats du
second tour de l’élection présidentielle du 8 novembre 2010.

29
- Les Houphouëtistes ou plus précisément le Rassemblement des Houphouëtistes pour la recherche de la Démocratie et de la
Paix (RHDP), est une association de partis politiques d’opposition se reconnaissant dans les idéologies du premier président de la
république ivoirienne, feu Félix HOUPHOUËT BOIGNY. L’association se composait, au moment de sa création en 2003, des
partis de PDCI RDA, du RDR, du l’UDPCI et du MFA.
12
PREMIERE PARTIE

LES CONDITIONS D’EXISTENCE DES COLLECTIVITES


TERRITORIALES

L’existence des collectivités territoriales obéit à l’existence d’un certain nombre de condition qu’il
convient d’appréhender sous deux angles, à savoir la reconnaissance de la personnalité morale et

d’intérêts propres d’une part, et de l’autre, l’institution d’un contrôle de tutelle.

CHAPITRE I : La reconnaissance de la personnalité morale et d’intérêts propres

L’existence la décentralisation territoriale se reconnait par la présence d’un certain nombre de


conditions ou critères30, à savoir : la reconnaissance d’« affaires locales » ou plus précisément d’un domaine
réservé de compétences locales ; l’octroi de la personnalité morale ; l’organisation d’élection comme gage
de la légitimité démocratique et de l’autonomie des autorités décentralisées vis-à-vis du pouvoir central ;
l’existence d’un pouvoir de tutelle permettant de maintenir l’unité de l’action administrative ; la
reconnaissance de moyens humains, matériels et financiers propres31. Toutes ces conditions peuvent, pour
des exigences d’une étude synthétique, être regroupées en trois grandes rubriques comprenant « la
reconnaissance de la personnalité juridique, la nécessité d’existence d’intérêts et d’organes propres 32 ».
Aussi, convient-il de les passer en revue, en appréhendant d’abord la reconnaissance de la personnalité
juridique et d’organes propres (Section I) avant d’en venir en ensuite à l’existence d’intérêts propres
(Section II).

Section I -La reconnaissance de personnalité juridique et d’organes propres.

Paragraphe I- La personnalité juridique


La personnalité juridique constitue, au sein des conditions présidant à l’existence de la
décentralisation, l’élément le plus important, dans la mesure où elle se positionne comme un véritable garant

30
- Serge REGOURD, étude précitée, p. 49.

31
- Voir Jacqueline MORAND-DEVILLER, Droit Administratif, Cours, Thèmes de réflexion, Commentaires d’arrêts avec
corrigés, 13ème édition, Paris, Montchrestien, 2013, p. 150.
32
- Idem.

13
duquel découlent les autres. C’est le facteur provoquant non seulement la disparition du lien hiérarchique
entre autorité centrale et autorité locale33, mais aussi la conversion d’un service général donné en service
spécialisé. La reconnaissance de la personnalité juridique occasionne donc la transmutation de la
circonscription administrative en collectivité territoriale et l’érection d’une régie donnée en établissement
public.
Elle préside donc au fondement de l’existence juridique des collectivités territoriales et des
établissements publics qui, par le changement intervenu dans leur statut, acquièrent la pleine capacité leur
permettant de recruter et de révoquer leur personnel, de contracter, d’ester en justice et de répondre des
conséquences dommageables de leurs actes.
La reconnaissance de la personnalité s’avère à ce titre indispensable à la réalisation de
l’autodétermination, qui se traduit par la faculté reconnue aux nouvelles personnes ainsi crées de disposer
d’un patrimoine propre, et de le gérer elles-mêmes sous le contrôle et la surveillance de l’Etat central. Ces
entités se retrouvent conséquemment détachées et érigées en de nouvelles personnes morales de droit public,
des démembrements de l’Etat central. Ils deviennent à ce titre différents de lui, tout comme des personnes
morales de droit privé et des personnes physiques.
Si la capacité juridique s’acquiert34à la naissance pour les personnes physiques, donc
automatiquement, elle s’obtient au contraire différemment pour les personnes morales, c’est d’ailleurs pour
cette raison « qu’il n’est pas exact de penser que le processus juridique utilisé pour protéger les intérêts des
personnes morales est identique à celui des humains35 ».
La personnalité juridique des personnes physiques diffère en bien des points de celle des personnes
morales, comme ont pu magistralement le démontrer Jean RIVERO et Jean WALINE36qui, en les opposant,
ont fait émerger les points de divergence à cinq niveaux comme énumérés ci-dessous :

1- la personne morale échappe à la précarité des personnes humaines parce que sa durée n’est pas
limitée par la mort ;

2- alors que la personne humaine est libre et peut poursuivre n’importe quel objet licite, la personne
morale ne peut agir qu’en fonction des intérêts pour les services desquels elle est créée : c’est le

33
- Martine LOMBARD, Gilles DUMONT, Jean SIRINELLI, Droit administratif, op. cit., p. 106.

34
- La théorie juridique dite de « infans conceptus », en matière de donation, de succession et de testament, fait remonter
l’acquisition de la personnalité juridique à la date de conception de l’enfant. C’est une fiction qui fait dire que l’enfant a la
personnalité juridique avant sa naissance. Mais cette règle ne peut prospérer que s’il y a un intérêt pour l’enfant et que si celui-ci
est né vivant et viable. Il apparait, dans ces conditions, qu’un parent peut faire un testament au profit de son enfant à naître.

35
- Cf. Jean-Claude DOUENCE, La spécialité des personnes publiques, Paris, RD pub, 1972, p. 753.
36
- Jean RIVERO et Jean WALINE, op. cit., p. 43.

14
principe de la spécialité qui gouverne toutes les activités des personnes morales à l’exception de
celles de l’Etat central37;

3- la personnalité juridique est acquise de plein droit ou automatiquement à toute personne humaine ; au
contraire, il faut l’intervention de l’autorité publique pour fonder l’existence de la personnalité
morale, soit directement, soit en fixant les conditions auxquelles les particuliers devront satisfaire
pour créer une personne morale d’un certain type, notamment la loi sur les associations et sur les
sociétés ;

4- alors que les personnes physiques jouissent normalement toutes de la même capacité, celle des
personnes morales peut être plus ou moins large, le législateur restant maître du niveau de protection
qu’il consent leur accorder en fonction de leurs objets (politique, financier, social, cultuel,
culturel…) ;
5- les personnes morales se différenciaient de la personne physique dans la mesure où, contrairement à
celle-ci, elles échappaient à toute répression pénale. Toutefois, le nouveau code pénal français38 a mis
fin à cette situation en posant notamment le principe de la responsabilité pénale des personnes
morales, à l’exception de l’Etat.

Paragraphe II- La reconnaissance d’organes propres

Si la dévolution de la personnalité morale a été considérée comme fondamentale pour la réalisation


de la décentralisation, c’est bien parce qu’elle implique des conséquences, et parmi celles-ci, la
reconnaissance d’organes propres aux entités décentralisées. Il en découle que les collectivités territoriales,
de même que les établissements bénéficient d’organes propres, autonomes, agissant en leur nom et pour leur
compte.
Au sein de ces démembrements de l’Etat, se retrouve une forme classique de séparation des pouvoirs
législatifs et exécutif : le pouvoir normatif est essentiellement, mais pas exclusivement, confié à une
assemblée délibérante, alors que le pouvoir exécutif est dévolu à un ou plusieurs individus. Pour les
collectivités territoriales, notamment la région, les organes délibératifs prévus par le pouvoir législatif sont
au nombre de trois, à savoir le conseil régional, le bureau du conseil régional et le comité économique et
social régional39 .

37
- Sur ce point, voir CE 29 avril, Soc. Unipain, p. 280 ; AJDA, 1970, p. 430, concl. Guy BRAIBANT, RDP 1970, p. 1423, note
Marcel Waline.

38
- Lire à ce titre l’article 121-2 du code pénal français.

39
- Cf. article 48 de la loi n° 2012-1128 du 13 décembre 2012 portant organisation des collectivistes territoriales.

15
Quant aux établissements publics, et plus précisément les sociétés d’Etat 40, le législateur les a
structurées autour d’une Assemblée Générale (AG), d’un conseil d’administration pour servir d’organe
délibérant, et du Directeur Général (DG) comme exécutif.
Pour garantir ces organes, notamment ceux des collectivités locales, contre les risques des
désinvestitures41 arbitraires du pouvoir central, ils ont été soustraits de la procédure autoritaire de la
nomination pour voir leur cooptation échoir en général au système électif. Les autorités élues ont, par
principe, plus de chance de rester indépendantes de l’Etat central parce qu’affranchies de la hiérarchie
administrative par rapport aux autorités déconcentrées. Pour cette raison, toutes les autorités dites
décentralisées devraient être démocratiquement choisies. Et si ce n’est pas encore le cas en Côte d’Ivoire,
notamment pour les dirigeants des établissements publics tout comme pour le gouverneur du district, il
devrait leur être imposé un nombre de mandat à ne pas franchir ; ce qui éviterait de transformer certains
postes en des « tentes viagers », totalement ménagés des surprises liées aux aléas des compétitions
électorales.
Le fait que les conseils municipaux aient cessé d’être nommés en Côte d’Ivoire à partir des années 80
pour être finalement élus au suffrage universel direct, tout comme les maires ont été à leur tour élus, a suffi à
légitimer les dirigeants locaux et à poser conséquemment les fondements de la démocratie locale, voire de la
libre administration des collectivités locales, sachant bien que celle-ci s’apprécie, par ailleurs, au regard des
rapports existant entre lesdits dirigeants et l’autorité de tutelle. Le cas des départements a tout aussi été
illustratif depuis que les préfets ont cessé d’être leurs autorités exécutives pour laisser la place aux présidents
des conseils généraux de 2002 à 2013.
L’existence d’organes propres participe certes des conditions d’existence de la décentralisation, mais
celle-ci ne sera nullement réelle, c’est-à-dire qu’elle se sera que de façade ou purement théorique aussi
longtemps que lesdits organes ou certains d’entre eux seront nommés par l’exécutif, comme ce fut le cas des
maires ivoiriens avant 198042 et des gouverneurs de districts de 2002 à nos jours.
La décentralisation tout aussi théorique aussi longtemps que l’Etat pérennisera la tutelle assistance-
conseil43en continuant automatiquement, parmi tant d’autres actions, à mettre à la disposition des
40
- Le régime juridique des entreprises publiques dont fait partie les sociétés d’Etat, est mal maîtrisé en droit ivoirien. Tout
d’abord, les entreprises publiques, qui n’ont pas de signification juridique, sont constituées sous diverses formes, à savoir les
établissements publics industriels et commerciaux (EPIC), les sociétés d’Etat, les sociétés à participation financière publique
(SPFP) qui succèdent aux sociétés d’économie mixte (SEM). La notion d’entreprise publique a plutôt un caractère
économique dans la mesure où son contrôle est entièrement ou partiellement assuré par les personnes publiques. En 1980, la
plupart des sociétés d’Etat ont été transformées en EPIC afin de renforcer le contrôle de l’Etat, ce qui donne de constater que la
Côte d’Ivoire ne comporte plus que deux catégories d’entreprises publiques : les sociétés d’Etat dont le capital est entièrement
détenu par une personne publique, et la société à participation financière publique (SPFP) ayant le capital partiellement public et
partiellement privé.

41
- René CHAPU, Droit administratif général, Tome 1, 15ème édition, Paris, Montchrestien E.J.A., 2001, p. 568.

42
- Voir à ce titre Alice DEGNI-SEGUI, « L’évolution du processus de décentralisation en Côte d’Ivoire », étude précitée, p. 29.

43
- Au regard de l’article 139 de la loi n° 2002-04 du 3 janvier 2002 portant statut du personnel des collectivités territoriales, « la
tutelle de l'Etat sur les collectivités territoriales comporte des fonctions :1- d'assistance et de conseil, de soutien de leur action et
d'harmonisation de cette action avec celle de l'Etat et des autres collectivités territoriales […] ».
16
collectivités locales, même les plus anciennes et plus expérimentées, certains des agents et fonctionnaires.
Pourtant, cette forme de tutelle était destinée à guider les pas des premiers dirigeants locaux après que la
Côte d’Ivoire ait été affranchie du joug colonial pour voler désormais de ses propres ailes, c’est à dire, en
comptant sur ses nationaux.
Il s’agissait, en effet, d’accompagner progressivement les premiers maires nommés par le président
de la république, en vue de les faire profiter de la solide expertise de l’administration centrale, notamment en
leur mettant à disposition un certain nombre de fonctionnaires et agents de l’Etat. Au début de la
proclamation de l’indépendance, cette démarche trouvait son justificatif dans le manque ou la rareté de
ressources humaines en qualité et en nombre, mais surtout dans l’absence d’une auto-administration réalisée
par les natifs ivoiriens, parce que la quasi-totalité des communes héritées de la coloniale étaient tenues par
des administrateurs français ou assimilés.
Ainsi, l’idée d’asseoir, à terme, une administration décentralisée solide a trouvé écho, dès 1980, dans
la charte municipale dont les dispositions pertinentes ont reprises par l’article 3 de la loi n° 2002-04 du 3
janvier 2002 portant statut du personnel des collectivités territoriales. Ce dernier dispose en effet que « des
fonctionnaires ou agents de l'Etat peuvent être affectés à l'exécution des tâches d'encadrement ou
d'exécution dans les collectivités territoriales. Ils sont dans ce cas placés sous l'autorité de l'exécutif de la
collectivité territoriale : ils sont en position d'activité (mise à disposition)».
Les collectivités partageant la plus longue expérience en la matière sont les communes, puis la ville
d’Abidjan, pour avoir été les premières à en bénéficier tout au long de la première république. Elles se sont
ainsi vues mettre à disposition notamment des Secrétaires Généraux, de responsables des services financiers,
administratifs, techniques et d’autres agents. Depuis la réforme portée par la loi d’orientation de 2001, il est
apparu une nouvelle nomenclature dans l’organisation des districts et régions44, à savoir la Direction
Générale d’Administration. Le Directeur Général d’Administration (DGA) est à ce titre l’équivalent du
Secrétariat Général (SG) des communes et villes.
Pour qu’existe enfin la décentralisation, il faut, au-delà de la reconnaissance de la personnalité
morale et d’organes propres, que les démembrements de l’Etat puissent revendiquer un intérêt dissociable de
celui dont le pouvoir central constitue le garant. On parle alors de reconnaissance d’intérêts propres ou d’«
affaires locales45».

Section II- La reconnaissance d’intérêts propres aux collectivités territoriales.

44
- L’article 82 loi n° 2012-1128 du 13 décembre 2012 portant organisation des collectivités territoriales est topique au titre
quand il annonce que : « le Directeur Général d'Administration [est] mis à disposition de la Région […] par l'autorité de
tutelle ».

45
- Jean CHAPUISAT, Les affaires communales, Paris, AJDA, 1976, p. 470, lire aussi Jacques MOREAU, Administration
régionale, départementale et municipale, 12ème édition Memento Dalloz, 1998 ; lire aussi Isabelle MULLER-QUOY, Le droit des
assemblées locales, Paris, LGDJ, 2001.

17
Les intérêts seront analysés, ici, sous formes de biens, ceux dont l’Etat central s’est départis au profit des
collectivités d’une part, et d’autre part les transferts de compétences réalisés pour le compte de ces dernières

Paragraphe I-Reconnaissance de biens propres aux collectivités territoriales

La décentralisation n’a de sens que si les collectivités décentralisées bénéficient d’intérêts propres,
c’est-à-dire, de moyens techniques et financiers suffisants dont la détermination relève, sur habilitation du
pouvoir constituant46, de la compétence du législateur ; lequel identifie les affaires devant être tenues par les
autorités gouvernementales, et celles susceptibles de relever de la gestion des élus locaux ; parce qu’il
n’existe pas « d’affaire qui par nature relèverait du « local » et d’autres « du national », la ventilation dans
l’une ou l’autre catégorie ne peut provenir que des dispositions énumératives et contingentes adoptées par
le législateur 47».
L’on assiste par cela à une catégorisation des intérêts publics dans l’Etat, donnant de voir, d’un
côté, les intérêts nationaux dont la satisfaction est du ressort du pouvoir central, et de l’autre, les intérêts
locaux ou sectoriels, relevant respectivement de la compétence des collectivités territoriales et des
établissements publics. De là, tout comme l’Etat, les collectivités locales poursuivent un but d’intérêt
général.
Et comme il n’y a pas de critères légaux objectifs susceptibles de faire la part entre intérêt national
et intérêt local ou sectoriel, et entre ceux-ci et les intérêts privés, des risques d’empiétement ou de
désinvestiture arbitraires sont réels ; des réappropriations indues pouvant être du fait de l’Etat au détriment
des entités décentralisées, tout comme il peut être le cas de la part de ces derniers contre les intérêts privés et
inversement.
La contradiction des intérêts en découlant conduit bien souvent à des conflits de compétences dont
le règlement incombe en dernier lieu au juge en cas d’échec des médiations administratives. « Ce dernier se
détermine fréquemment, pour apprécier les effets de l’intervention locale sur les habitants, en tenant compte
de l’évolution de l’opinion, car ce qui, à un moment donné, peut être considéré comme n’étant pas d’intérêt
public, peut le devenir et inversement48».
Une jurisprudence abondante, notamment française, précise les conditions devant guider les
décisions publiques locales aux fins de la préservation des intérêts nationaux et de ceux des particuliers.
46
- L’article 119 de la constitution du 1er août 2000 dispose à ce titre que « le législateur à détermine les principes fondamentaux
de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources ».

47
- Georges VEDEL, Droit administratif, 5ème édition, Paris, PUF, 1973, p. 642.
48
- Jean GIRARDON, Les Collectivités Territoriales collection, op. cit., P. 67; lire aussi Claudette BRUNET-LESCHENAULT,
La décentralisation et le citoyen, avis et rapport du Conseil économique et social, juin 2000 ; Bernard DEFFLON, Gestion des
finances publiques locales, 2ème édition, Paris, Economica, 1998.

18
Ainsi, a été considérée comme d’intérêt public communal, l’octroi d’une bourse à des étudiants étrangers
originaires de villes jumelées, parce qu’il est de nature à faciliter les échanges fructueux pour le tissu
universitaire, administratif et économique49.
En Côte d'Ivoire, depuis 2000, le premier texte général se rapportant spécifiquement aux intérêts des
collectivités territoriales est la loi n° 2003-484 du 26 novembre 2003 portant régime financier, fiscal et
domanial des collectivités territoriales. Au moment de leur création, les collectivités locales n’ont pas de
biens propres, l’Etat étant chargé de mettre à leur disposition, ou de leur céder des biens situés sur leur
territoire, et nécessaires au fonctionnement des services locaux. Ces biens d’ordre mobilier et
immobilier50sont administrés grâce aux compétences transférées51 aux collectivités décentralisées, ce qui
suppose que leur patrimoine procède exclusivement du démembrement ou de la cession du patrimoine de
l’Etat. L’article 203 de la loi précitée établit à ce titre deux régimes de composition du patrimoine desdites
collectivités, à savoir le régime de la déclaration et celui d’acquisition.
Le régime de la déclaration fait appel à un décret pris en conseil des ministres, lequel décide de
qualifier d’intérêt local (régional, communal, de district, départemental ou communal) tel ou tel bien situé
sur le territoire de telle ou telle collectivité territoriale. Les modalités d’acquisition des biens et droits des
collectivités sont prévues par l’article 204 de la loi susmentionnée, notamment en matière de leur domaine.
Ainsi, ledit bien est constitué (1) soit par transfert ou cession de bien de l’Etat, d’une autre collectivité
territoriale, à titre onéreux ou gratuit, (2) soit par acquisition à titre gratuit, à la suite de dons ou de legs reçus
et acceptés, ainsi que par d’autres voies de droit telles la prescription, la saisie, la confiscation au profit de la
collectivité territoriale,(3) soit par acquisition à titre onéreux et notamment par suite d’achat, d’échange, de
marché, d’expropriation ou de préemption.
Malgré tous ces procédés de dévolution de biens, il subsiste des inquiétudes, eu égard au fait que le
régime des mises à disposition, de par son imprécision et son incertitude, laisse la latitude aux
administrateurs, tant centraux que locaux, à se livrer à une interprétation souvent malencontreuse de la
consistance de leurs domaines.
L’administration centrale n’a pas toujours une nette compréhension que l’idée de décentralisation
suppose une distinction de patrimoine et donc une séparation de biens, laquelle séparation implique une
autonomie de gestion. Il en découle que la gestion ou l’administration des biens des collectivités locales ou

49
- CE 28 juillet 1995 Commune Villeneuve-D’ascq, req.

50
- Voir l’article 202 de la loi n° 2003-408 du 26 décembre 2003 portant régime financier, fiscale et domanial des collectivités
territoriales.

51
- L’article 10 de la loi n° 2003-208 du 07 novembre 2003 portant transfert et répartition des compétences l’Etat aux collectivités
territoriales mentionne 16 domaines de compétences établies au profit des régions, districts, départements, villes et des communes.

19
de celle des établissements publics ne saurait relever de la compétence des autorités centrales, ce serait
renier le sacré principe de la libre administration.
Les élus locaux, de leur côté, interprètent souvent mal les textes, croyant souvent à tort que tout bien
situé dans le périmètre de leur collectivité locale leur appartient automatiquement.
Le cadre territorial étant l’assiette physique de l’exercice des compétences des collectivités territoriales, leur
sert de zone, à l’intérieur de laquelle se combinent les biens publics locaux, les biens publics nationaux et les
biens des particuliers. De la sorte, le territoire d’une commune peut comprendre des dépendances
domaniales appartenant à d’autres personnes morales de droit public. Bien que situés dans le périmètre
d’une collectivité territoriale, certains biens appartiennent exclusivement au domaine de l’Etat, surtout ceux
du domaine public naturel, sauf s’ils ont fait l’objet de transfert exprès.
Raisonner autrement sur le seul critère territorial d’appartenance des biens, reviendrait à postuler que
l’Etat n’aura plus de domaine, lorsque le pays serait totalement communalisé. C’est le lieu de préciser que
rien n’interdit qu’une collectivité publique, notamment l’Etat, ne puisse détenir une dépendance de son
domaniale sur le territoire d’une autre. Il en découle qu’un bien, qui n’aura pas été acquis par une
collectivité territoriale au moyen des procédés sus-énoncés, ne saurait ipso facto lui appartenir.
En Côte d’Ivoire, très peu de textes52 font la démarcation des domaines entre l’Etat et les collectivités
locales, à tel point que celles-ci ne connaissent pas ou connaissent mal l’exacte consistance de leurs biens. Il
importe pour les collectivités locales, à travers leurs faîtières (U.V.I.C.O.C.I et A.D.D.C. I53), d’unir leurs
efforts afin de pousser l’Etat à délimiter avec précision leur territoire et à inventorier la consistance de leur
domaine, et par conséquent leur permettre la maîtrise de leurs intérêts propres.
Par ailleurs, l’exigence d’intérêts propres aux collectivités locales ne saurait se limiter aux seuls
contenus des domaines publics ou privés, l’Etat devant leur transférer une partie de ses attributions. La
reconnaissance de pouvoirs de décision aux élus locaux est la résultante de la reconnaissance de la
personnalité juridique aux structures décentralisées.

Paragraphe II-Le transfert de compétences de l’Etat aux collectivités territoriales

En côte d’Ivoire, depuis la deuxième république, le principe du transfert de compétences trouve son
fondement dans l’article 1er de loi n° 2003-208 du 07 juillet 2003 portant transfert de compétences de l’Etat
aux collectivités territoriales. Il se donne ainsi à lire : « les collectivités territoriales concourent avec l’Etat
au développement économique, social, sanitaire, éducatif, culturel et scientifique des populations et, de
manière générale, à l’amélioration constante de leur cadre de vie. A cet effet, elles jouissent d’une
compétence générale et de compétences spéciales attribuées par les lois et règlements ».
52
- Loi n° 83-788 du 2 août 1983, les décrets n°84-851 et n° 84-852 du 4 juillet 1984, tous ces textes relatifs au domaine de l’Etat
et de ceux des collectivités locales.

53
- Avec les reformes de 2011, la suppression des départements et districts a de fait empoté suppression de l’ADDCI.

20
De ce principe fondamental du transfert des compétences, découlent plusieurs autres permettant de
mieux cerner sa portée, notamment les principes de subsidiarité, de dévolution de plein droit des
compétences, d’autodétermination, de tutelle, de délégation de puissance et de consultation préalable. Il y a
lieu de les passer en revue, ne serait-ce que succinctement :
Le principe de subsidiarité signifie qu’une compétence donnée est transférée par l’Etat à une
collectivité locale ou à un établissement public, qui de par sa taille, sa position géographique, son
organisation et fonctionnement, est plus apte à l’exercer. Il en découle que pour toute action donnée, un
gouvernement supérieur (le pouvoir central) ne doit intervenir que si les objectifs visés ne peuvent pas être
atteints par un gouvernement de niveau inférieur, ou si en raison de ses dimensions et de ses effets, l’action
engagée ne peut être mieux réalisée que par l’échelon supérieur. C’est dire que tout ce qui peut être bien fait
à l’échelon local doit lui être laissé au détriment de l’échelon supérieur. Selon Alain BOCKEL, il s’agit d’«
abandonner à des administrations autonomes la solution des problèmes qui les concernent »54.
Le principe de la subsidiarité permettant ainsi de faire droit aux aspirations des autorités locales qui,
non sans raison, s’estiment mieux informées que l’Etat central pour administrer leur localité et décider de
leur avenir dans le respect de leur originalité socio-culturelle. Vu sous un autre angle, le principe fait
apparaitre lesdites collectivités locales comme « de véritables contre-pouvoirs55» de l’Etat central ; c’est
pourquoi il a longtemps essuyé la résistance du pouvoir central avant d’être finalement tenu pour acquis. Il a
en effet suscité bien des controverses doctrinales, notamment en France entre Jacobins56 et Girondins au
è
XVIII siècle ; entre autoritaires et libéraux au XIXè siècle, et entre centralisateurs et autogestionnaires au XXè
siècle. Si la controverse a, de nos jours, perdu de son ampleur, elle n’a toutefois pas complètement disparu et
demeure sous-jacente des décisions ayant pour objet d’accroitre ou de renforcer les capacités opérationnelles
des entités décentralisées.
Pour le premier groupe de penseurs, du reste, qualifiés de conservateurs, l’Etat doit garder la maîtrise
de l’action publique, d’autant qu’il demeure le seul détenteur de la souveraineté dont aucune section du
peuple, ni aucun individu ne saurait s’attribuer l’exercice. En d’autres termes, l’Etat est considéré comme la
seule collectivité publique à même de présider à la préservation l’intérêt général.
Pour le second, au contraire, « les collectivités territoriales doivent se voir confier le plus grand
nombre de compétences et de libertés possibles, au motif qu’elles sont placées le plus près des citoyens, de
sorte qu’elles sont à la fois mieux contrôlées (argument politique) et plus réactives (argument technique)
qu’un pouvoir central éloigné57 ». Devant ce qui précède, la consécration du principe de subsidiarité par le

54
- Alain BOCKEL, Droit Administratif, DAKAR, NEA, Coll. Du CREDILA, 1978, p. 249.

55
- Ferdinand SOUCRAMANIEN, Droit constitutionnel, 25ème édition, Paris, Dalloz, 2006, p. 43.

56
3- Les partisans du courant idéologique, qui soutiennent la concentration de tous les pouvoirs d’Etat entre les mains de l’autorité
centrale.

57
- Philippe BLUTEAU, Leçons de Droits des collectivités territoriales, op. cit., p. 13 ; lire aussi Georges DUPUIS, Le centre et la
périphérie en France : essai historique et juridique, Paris, LGDJ, 2000.
21
pouvoir constituant français58 traduit quelque peu la victoire d’un courant doctrinal sur un autre, le triomphe
des Girondins sur les Jacobins.
Les vieilles réticences philosophiques à la décentralisation, au nom des considérations tenant à l’unité
nationale et à la souveraineté, ont cédé le pas devant la persévérance et l’intransigeance du courant adverse.
La consécration du principe du transfert des compétences en est la conséquence immédiate ; le postulat de
l’inviolabilité de l’unité nationale a dès lors perdu de son acuité pour faire perdre à l’Etat central le
monopole dans la satisfaction de l’intérêt général. Des entités décentralisées, et plus exactement les
collectivités territoriales, peuvent ainsi être tenues pour mieux assurer la préservation de l’intérêt public
local. C’est là un héritage qu’elles entendent assumer pleinement, en s’opposant aux éventuels voltes faces
de l’Etat central, qui reste encore nostalgique de l’époque révolue du jacobinisme. Le principe fondamental
du transfert des compétences, en plus de la règle de subsidiarité, laisse entrevoir un autre dit de principe de
dévolution de plein droit des compétences transférées.
Le principe de dévolution de plein droit des compétences transférées trouve son fondement dans
l’article 4 de la loi n° 2003-208 du 07 juillet 2003 portant transfert et répartition de compétences de l'Etat
aux collectivités territoriales qui, pour conforter « les gouvernements locaux » dans leur souci
d’autodétermination, prescrit que « les affaires transférées en application des dispositions de la présente loi
sont dévolues de plein droit à la région, au département, au district, à la ville ou à la commune et sont
gérées, selon le cas, par les conseils de ces collectivités territoriales ».
Ce principe permet ainsi aux élus locaux, de même qu’aux gestionnaires des établissements publics,
de se substituer à l’Etat central, d’exercer les attributions en cause, et qui sont, le cas échéant, désormais
classées d’intérêts locaux ou sectoriels. Il s’agit en d’autres termes du principe de subrogation59 qui ne
traduit autre chose qu’une délégation de compétences encadrée par des textes protecteurs. Et l’Etat est
d’autant contraint à respecter ses engagements vis-à-vis des nouveaux attributaires qu’il lui est, sauf
intervention de nouveaux textes contraires, interdit d’intervenir à nouveaux dans les matières dont il s’est
dessaisies. Désormais, il s’établit dans la gestion de l’intérêt général, non pas une relation de concurrence,
mais celle de complémentarité, d’où le principe de complémentarité.
Le principe de la complémentarité tient son fondement de l’article 1er de la même loi de transfert de
compétences. Il prescrit en effet que « les collectivités territoriales concourent avec l'Etat au développement
économique, social, sanitaire, éducatif, culturel et scientifique des populations et, de manière générale, à
l'amélioration constante de leur cadre de vie ».
Ce principe aboutit à une répartition et à une stratification des actions et des équipements en fonction
de leur aire d’influence théorique, qui sont nationale, régionale, départementale, districale, urbaine et
58
- Le principe de subsidiarité a acquis une valeur constitutionnelle en France, notamment à travers l’article 72 de la constitution
de 1958 modifiée par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003. Il dispose en effet que « les collectivités territoriales ont vocation à
prendre des décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur niveau ».
59
- Voir à ce titre l’article 36 de la loi n° 2001- 476 du 9 août 2001 d'orientation sur l'organisation générale de l'administration
territoriale, énonce ceci : « dans le domaine de leurs compétences, les collectivités territoriales se substituent à l'Etat. »

22
communale. Dans cet ordre d’idée, toute action lancée au plan national dans un domaine donné, n’est plus
forcément celle réalisée uniquement par l’administration centrale, mais peut bien être la somme des actions
conjuguées des différents délégataires ayant bénéficié d’une parcelle de pouvoir en la matière. Par exemple,
dans le domaine de la santé et de l’hygiène publique et de qualité, les actions du gouvernement se
complètent avec celles des collectivités, notamment en termes de réalisation d’infrastructures.
En effet, pendant que l’Etat central se charge de bâtir les Centres Hospitaliers Universitaires (CHU),
le district prend en compte la construction, la gestion et l’entretien des hôpitaux généraux et des
établissements d’hygiène publique et alimentaire. Quant à la commune, elle s’occupe de la construction, de
la gestion et de l’entretien des centres de santé, des formations sanitaires… (voir à ce titre l’annexe IX,
relatif au tableau récapitulatif des conflits de compétences). La politique d’investissement et d’équipement
sanitaire en Côte d’Ivoire n’est plus, de ce fait, que l’ensemble des réalisations opérées conjointement par le
ministère de la santé, les districts, départements, communes et les régions. Toutefois, la liberté laissée aux
collectivités d’agir de façon autonome n’est pas absolue, parce que l’Etat conserve toujours son droit de
regard qui se manifeste par un contrôle de tutelle.
Le principe du contrôle de tutelle : différent du contrôle hiérarchique exercé dans le cadre de
l’administration déconcentrée par l’autorité supérieure sur le subordonné, le contrôle de tutelle « décrit le
rapport qui s’établit […] entre l’autorité de tutelle et l’autorité décentralisée60», entre l’intérêt national et
l’intérêt local, entre deux intérêts pouvant entrer en conflit. L’on ne doit pas perdre de vue que la
décentralisation, notamment territoriale se situe dans le cadre des Etats unitaires et qu’elle a dû s’affranchir
des excentricités du jacobinisme qui, pour des raisons de souveraineté, d’unité ou de cohésion nationale,
refusant de tolérer les forces centrifuges61. Etant en effet en rapport et souvent aux prises avec l’influence
des forces extérieures des autres nations, l’Etat unitaire pourrait se retrouver dans une situation délicate,
d’autant que son intégrité ou sa souveraineté trouverait à être remise en cause de l’intérieur par ses différents
démembrements. Voilà du point de vue politique, ce qui fonde le droit de regard que détient le pouvoir
central sur les organes et actes des collectivités territoriales.
Mais la réussite de la décentralisation dépend de la plus ou moins grande rigueur de ce contrôle de
tutelle ; s’il est trop léger ou trop lointain, la souveraineté et la cohésion nationale s’en trouveront atteintes.
S’il s’avère au contraire trop pesant ou trop étroit, c’est la décentralisation qui risque d’en faire les frais, au
point de n’être que de la pure théorie, une vue d’esprit. Pour ces raisons, le contrôle de tutelle parait délicat,
devant concilier deux intérêts apparemment contradictoires : la cohésion nationale et l’autonomie des
collectivités territoriales. C’est peut-être à cause de la peur de porter atteinte à l’unité nationale que l’Etat
n’est nullement enthousiasmé lorsqu’il est question de clarifier les transferts de compétences qu’il réalise au

60
- René DÉGNI-SÉGUI, L’organisation Administrative, tome 1, 3ème édition, op. cit., p. 67.

61
- Ferdinand SOUCRAMANIEN, Droit constitutionnel , 25ème édition, Paris, Dalloz 2006, op. cit., p 44.

23
profit des collectivités. Mais alors que le flou lui profite pleinement, il exige le respect du principe de la
délégation de puissance entre les organes des collectivités locales.
Le principe de la délégation de puissance, qui inclut tant la délégation de pouvoir que celle de
signature, permet aux collectivités et plus précisément à leur exécutif de déléguer par arrêté une partie de
leurs fonctions à un ou à plusieurs de leurs collaborateurs. Le principe est posé, pour ce qui concerne le cas
du maire, par la loi en ces termes : « en sa qualité d'autorité municipale, le Maire est chargé de
l'administration de la Commune. Il peut, sous son contrôle et sa responsabilité, déléguer par arrêté une
partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses Adjoints et, en l'absence ou en cas d'empêchement de ceux-
ci, à des membres du Conseil Municipal. Ces délégations subsistent tant qu'elles ne sont pas rapportées
dans les mêmes formes. Toutefois, elles cessent sans être expressément rapportées lorsque le Maire est
suspendu, révoqué ou démis de son mandat62 ».
A propos de la délégation que le maire peut consentir en matière d’Etat civil, l’hypothèse comporte
deux remarques importantes : la première est que si la délégation peut être conférée à un ou plusieurs de ses
adjoints, il ne peut y avoir plus d’une délégation pour chacun d’entre eux. La seconde est que la délégation
ne peut échoir aux simples conseillers municipaux qu’en cas d’empêchement ou d’absence d’adjoints, ou
dans le cas où tous les adjoints en place seraient déjà titulaires d’une telle délégation. Mais l’acte de
délégation à un conseiller doit expressément faire mention de l’empêchement des adjoints.
Les mêmes exigences s’imposent au maire en ce qui concerne les délégations de pouvoir portant sur
des objets autres que l’Etat civil ; le maire étant habilité à faire recours aux adjoints et aux conseillers 63.
Mais il peut en outre déléguer ses pouvoirs à plusieurs agents communaux, à condition que ceux-ci soient
majeurs et qu’ils bénéficient de sa confiance. Les agents reçoivent le plus souvent de délégation en matière
de réception des déclarations, la rédaction, la transcription et la mention en marge des actes de l’Etat civil
prévus. Peuvent ainsi valablement être délivrés, sous le contrôle et la responsabilité de l’officier de l’état
civil, tous extraits, copies et bulletins d’état civil, quelle que soit la nature de l’acte. Ceci permet au
délégataire d’être pleinement conscient de son champ d’action, et aussi au délégant de savoir l’étendue de
son contrôle en ce qui concerne les matières déléguées.
Mais selon le principe du parallélisme des formes, le délégant peut tout aussi retirer au bénéficiaire
toute délégation qu’il lui aurait précédemment confiée sans être forcément tenu de motiver sa décision, mais
à condition qu’un tel retrait respecte la procédure exigée. L’arrêté pris en la matière doit être transmis à
l’autorité de tutelle et au procureur de la république près le tribunal de première instance dans le ressort
duquel se situe la commune intéressée. La raison est qu’une telle décision n’est, notamment en droit
français, pas a priori considérée comme une sanction par le juge. Toutefois, en cas de recours, cette décision
devra être justifiée par des motifs matériellement exacts et par « la bonne marche de l’administration
62
- L’article 6 de la loi n° 2003-489 du 7 juillet 2003 portant transfert de compétences de l’Etat aux collectivités territoriales
stipule : « Les collectivités territoriales peuvent déléguer l’exercice de compétences qui leur incombent en vertu de la loi aux
associations de collectivités territoriales dont elles sont membres. »

63
- Voir l’article 62 (nouveau-Loi n° 85-578) de la loi municipale.
24
communale » (CE, 18 février 1998, n° 168760) et non par une mésentente mineure entre le maire et l’adjoint
ou par des motifs purement politiques d’équilibre entre les différents courants de la majorité municipale.
Ceci traduit, tout de même, qu’un minimum de contrôle est exercé par le juge sur les motifs de retrait d’une
délégation de pouvoir. Des motifs autres que ceux présidant à la bonne marche de l’administration locale
sont en effet rejetés par le juge.
La loi donne même la possibilité au conseil de s’opposer ou d’entériner la décision de retrait de
délégation du maire. En effet, afin d’éviter qu’un adjoint privé de délégation puisse rester en fonction et
bénéficier par conséquent des indemnités de fonction y afférentes, la loi du 13 août 2004 a prévu que
« lorsque le maire a retiré les délégations qu’il avait données à un adjoint, le conseil municipal doit se
prononcer sur le maintien de celui-ci dans ses fonctions » ; le conseil peut alors, soit le maintenir en
fonction, soit lui retirer sa qualité d’adjoint. Dans ce dernier cas, l’intéressé redevient un simple conseiller
municipal.
En Côte d’Ivoire, une telle éventualité sonnerait d’autant comme une véritable révolution que les
maires, présidents de conseils généraux, gouverneurs et présidents de conseils régionaux donnent
l’impression d’être au-dessus de tout contrôle. En effet, ils font et défont à leur guise des délégations de
pouvoir et de signature souvent même à de simples agents dans des domaines où les textes exigent des
adjoints aux maires ou à défaut, des conseillers.
Si pour les possibilités de délégations de pouvoir et de signature ont été reconnues à l’exécutif de la
commune, et par de-là à celui du district, du département et de la région, elle a été, au contraire, refusée aux
organes délibératifs, qui ne peuvent déléguer leurs attributions ; et même lorsque l’exécutif peut intervenir
dans le champ de l’organe délibérant en cas d’extrême urgence et lui rendre compte à la prochaine rencontre,
il ne s’agit pas d’une délégation ; parce que celle-ci doit être expressément donnée. Ne constitue pas non
plus une délégation de pouvoir le quitus donné par les conseils lorsque ceux-ci donnent leur accord à
d’autres organes les sollicitant préalablement pour avoir leurs avis sur telle ou telle question relevant de leur
compétence consultative. C’est la traduction d’un autre principe découlant de celui du transfert de
compétences, et dit de principe de la consultation préalable.
Le principe de la consultation préalable, qui constitue l’un des corolaires du principe du transfert
des compétences, met en avant le contrôle d’autorisation préalable. Celui-ci se rapporte à des mesures
envisagées, qui ne peuvent effectivement être exécutées qu’après que des organes compétents en la matière
aient préalablement donné leur quitus ou l’autorisation.
Ce principe peut être déduit de l’article 7 de la loi n° 2003-489 du 7 juillet 2003 portant transfert de
compétences de l’Etat aux collectivités territoriales dont les dispositions se laissent saisir ainsi : « la
réalisation d’un équipement sur le territoire d’une collectivité territoriale ne peut être entreprise par l’Etat
ou une autre collectivité territoriale sans la consultation préalable de la collectivité concernée ».
La collectivité dont l’avis est ainsi demandé ne peut agir que par le biais de ses organes les plus
outillés pour les matières concernées, et il peut s’agir en général de son organe délibératif, mais
25
principalement d’un organe spécial, lorsque ladite collectivité en est pourvue, parce que toutes n’en
possèdent pas. Il s’agit du comité économique et social dont ont pu seulement bénéficier les départements et
les régions, alors que les autres catégories de collectivités territoriales (la ville, le district et la commune) en
ont été dépourvu. Pour ne prendre que le cas de la région, la loi prescrit ce qui suit : « les organes de la
région sont : le conseil régional ; le bureau du conseil régional ; le président du conseil régional ; le comité
économique et social régional 64[…] ».
Les règles relatives à ses attributions, de mêmes que celles se rapportant à sa saisine ont été déterminées par le
législateur en tant que « le comité économique et social régional donne son avis sur toute matière, soit sur saisine du
président du conseil régional, soit de sa propre initiative, soit à la demande du conseil régional ou de l'autorité de
tutelle. Il se réunit au moins deux fois par an, sur convocation de son président, le président du conseil régional étant
dûment représenté65 ».
Et comme on le lit, sa compétence s’étant sur toutes les matières d’intérêt régional, et à ce titre, elle
peut s’auto saisir tout comme elle peut l’être par le président du conseil régional, le conseil régional ou par
l'autorité de tutelle. Du point de vue de leur force probante, les avis qu’elle livre en ces matières sont
facultatifs, les décideurs n’étant ni contraints de les solliciter ni même de les suivre.
Mais des décisions ne peuvent être prises dans un certain nombre de matières sans que les autorités
compétentes n’aient à solliciter obligatoirement son avis, notamment les domaines portant sur les budgets
annuels, les différents plans et programmes de développement régional, l'implantation et la gestion des
équipements collectifs, la protection de l'environnement et la gestion des ressources naturelles et minières,
les litiges domaniaux et fonciers, les plans d'aménagement régional, et les propositions d'entente
interrégionale66.
Si le président du conseil régional, le conseil régional, de même que l'autorité de tutelle sont astreints
par le législateur à requérir l’avis du comité économique, ceux-ci ne sont pourtant pas obligés de les suivre,
ce qui fait dudit comité non pas un organe décisionnel. Il en serait autrement si certaines de ses propositions
avaient le caractère d’avis conformes. Le fait qu’ils ne revêtent que le caractère obligatoire pose le problème
même de l’utilité du comité économique et social régional. A quoi sert-il de donner des avis lorsqu’on sait
pertinemment qu’ils ne seront jamais suivis par les organes décisionnels qui peuvent impunément s’en
passer ? C’est donc à juste titre que certains pensent que le comité économique et social est finalement une
institution inutile.

64
- Voir à ce titre l’article 39 de la loi n° 2001- 476 du 9 août 2001 d'orientation sur l'organisation générale de l'administration
territoriale, repris par l’article 43 de l’ordonnance n° 2011-262 du 28 septembre 2011 portant orientation de l’organisation
générale de l’Administration Territoriale de l’Etat, lequel a été à son tour par l’article 39 de loi n° 2014-451 du 5 août 2014
portant orientation de l’organisation générale de l’administration territoriale.

65
- Cf. l’article 162 loi n° 2012-1128 du 13 décembre 2012 portant organisation des collectivistes territoriales.

66
- Lire à ce titre l’article 164 de loi n° 2012-1128 du 13 décembre 2012 portant organisation des collectivités territoriales.
26
Or, le principe de la consultation préalable répond à une finalité, celle de faire participer des
spécialistes ou personnes ressources à la prise de décision, notamment en leur permettant d’éclairer les
décideurs à édicter des actes pertinents. « L’on veut de la sorte répondre aux exigences modernes de la
politique consensuelle, dite de concertation67 », exigences sans lesquelles les effets néfastes de
l’analphabétisme et l’incompétence de bien des élus locaux n’auraient pas été endigués. On le sait, les
conditions d’éligibilité au plan local n’exigent ni diplômes ni compétences professionnelles de sorte que les
vainqueurs des élections ne sont pas toujours sans reproche quant à leur aptitude à administrer.
Il en résulte qu’un bon nombre de collectivités ivoiriennes continueront encore d’avoir à leur tête des
élus qui savent à peine lire et écrire, donc incapables d’administrer leurs populations sans avoir recours à
une kyrielle de conseillers qui n’ont, pour la plus part, de fonction que de nom, alors qu’ils émargent sur les
budgets des collectivités.
Le comité économique et social, qui devait valablement jouer un rôle de contrepoids contre l’inertie,
l’incompétence…et la gestion patrimoniale des autres organes locaux, a été réduit à une boîte de résonnance,
parce que sans réel pouvoir de décision. Il aurait été loisible de revêtir certaines de ses propositions du
caractère d’avis conforme, précisément dans les différentes matières énumérées plus haut, et qui sont de ce
fait considérées comme vitales pour la réalisation de l’autonomie des collectivités locales.
Le transfert de compétences, avec ses différents corolaires, participent du renforcement de l’idée
d’intérêt local dont on sait pertinemment qu’elle constitue la condition matérielle de la réalisation concrète
d’une véritable décentralisation, quelles qu’en soient ses modalités.

CHAPITRE II : L’existence d’un contrôle de tutelle

Par l’article 53 de la loi n° 2011-476 du 9 août 2001 portant loi d’orientation sur l’organisation générale de
l’administration territoriale, la tutelle a priori sur les collectivités territoriales s’est transformée en tutelle a
posteriori : « Le contrôle de l’autorité de tutelle est un contrôle a posteriori, sauf dans les cas limitativement
énumérés par la loi. » Les lois et textes d’application susceptibles d’apprécier les contours de la « nouvelle
tutelle » ne sont toutefois que partiellement intervenus pour le moment. Aujourd’hui, en dehors des cas
énumérés par la loi, tout acte des collectivités locales est exécutoire 15 jours après sa transmission à
l’autorité de tutelle, sous réserve de notification ou publication. L’autorité de tutelle dispose donc de 15
jours après réception de l’acte pour en demander une seconde lecture. Dans ce cas l’exécution de l’acte est
suspendue.

67
- René DEGNI-SEGUI, Droit administratif général, tome 1, 4ème édition, op. cit., p. 154.

27
L’on distingue deux fonctions : d’assistance et de conseil d’une part, et de contrôle, d’autre part. La loi
ne donne pas de précision quant au contenu d’assistance et conseil alors que la fonction d’assistance répond
d’un contenu varié comme le témoigne la liste ci-après :
1 L’approbation ;
2 L’autorisation ;
3 La suspension ;
4 La révocation ;
5 La constatation de la nullité ;
6 L’annulation ;
7 La substitution;
8 L’inspection ;
9 La démission ;
10 La dissolution ;
11 La réformation et l’instruction68 ;
12 la saisine des juridictions ;
13La seconde lecture ;
14 La réception des démissions volontaires ;
15 La convocation des conseils des collectivités…

Ces différentes compétences s’exercent selon deux modalités bien distincts, à savoir le contrôle a
priori et le contrôle a posteriori. Ils s’exercent tout aussi suivant deux procédés, notamment le contrôle sur
les personnes et le contrôle sur les actes.

Section I : La tutelle sur les personnes

La tutelle sur les organes comporte 9 modalités qu’il convient de passer en revue les unes après les autres.

Paragraphe I : La démission, la substitution d’office, la suspension et la suspension


A-La démission

1- La démission volontaire
: ici, l’initiative de partir du conseil appartient à l’élu lui-même. Ce départ peut être dû à plusieurs raisons
non cumulatives :
- Soit une mésentente entre élus et le premier responsable de la collectivité territoriale ;
- soit pour éviter de participer à une gestion présumée scabreuse du premier magistrat de la collectivité
territoriale ;
- soit pour inéligibilité ou incompatibilité, après les élections ;

68
- ces deux pouvoirs sont exercés par la tutelle sur le maire en sa qualité d’agent de l’Etat
28
- soit pour indisponibilité de l’élu local qui est absorbé par les tâches professionnelles qui ne lui permettent
pas de faire face à ses fonctions de conseiller ;
- soit par ce que l’espérance qui l’a conduit à être candidat n’est pas comblée.
Cette ouverture faite permet de percevoir la vraie physionomie du conseil.
La démission volontaire obéit à une procédure. La procédure varie en considération de l’organe auquel
appartient l’élu qui présente sa démission. S’agissant des conseillers, la démission est adressée à l’autorité
de tutelle. Il s’agit du Ministre de tutelle pour le district, la commune et la ville. Le Préfet pour le Président
du conseil régional et le Président du conseil général. L’autorité de tutelle accuse réception de la demande de
démission d’un membre de conseil, à défaut de l’accusé de réception ou en cas de silence de l’autorité de
tutelle, la démission est définitive un mois après un nouvel envoi de la démission constatée par lettre
recommandée. Dans tous les cas de figure, le conseiller démissionnaire continue d’assumer ses fonctions
jusqu’à l’installation de son successeur. Cette contrainte a été instaurée par le législateur pour faire respecter
le principe de la continuité du service public local. Pour des causes énumérées par la loi, l’autorité de tutelle
procède par une démission d’office.
Les démissions volontaires : adressées à l’autorité de tutelle, elles ne sont définitives qu’à compter de
l’accusé de réception « un mois après un nouvel envoi de la démission constatée par lettre recommandée ».

2- La démission d’office.

Elle est prononcée par l’autorité de tutelle à la suite d’un acte illégal relevé par l’autorité de tutelle ou porté à
sa connaissance. Il s’agit, dès l’hors, de sanction prévue par la loi pour faire percevoir aux élus locaux
l’importance de leurs fonctions qui sont de véritables devoirs vis-à-vis des collectivités, des populations
qu’ils représentent. La sanction peut intervenir dans les cas suivants :

- Il est interdit à un membre du conseil de s’absenter indûment des réunions du conseil ; s’il manque à
4 réunions successives ou à plus de la moitié des réunions tenues dans l’année sans motifs légitimes
reconnus par le conseil, la sanction peut être prononcée par l’autorité de tutelle, en l’occurrence le
Ministre chargé des collectivités territoriales, sur rapport du Préfet et au vu de la délibération du
conseil.

- Le membre du conseil ne doit pas refuser de remplir, sans excuses valables, les fonctions qui lui sont
dévolues par les lois et règlements, sous peine de sanction.

- Le membre du bureau ou de la municipalité ne doit pas accepter d’être nommé à une fonction
incompatible avec son mandat. S’il en est autrement, il est tenu de faire une déclaration d’option
dans un délai de quinze jours.

- Le conseiller ne doit pas se retrouver postérieurement à son élection dans un cas d’incompatibilité,
tel que le stipule article 33 de la loi relative à l’organisation du département. Les fonctions
incompatibles avec celles d’un conseiller sont celles de :
●Préfet ;
●Secrétaire Général de Préfecture ;
●Sous –préfet ;
●Chef de Cabinet de Préfecture ;
●Magistrature de l’ordre judiciaire ;
●Militaire, gendarme ou sapeur –pompier ;
29
●Fonctionnaire public chargé d’attributions de tutelle ;
●Secrétaire General ou Directeur d’Administration, employé d’administration locale ;

3-La démission de plein Droit :


Au niveau des districts d’Abidjan et de Yamoussoukro, selon l’article 51 des lois portant statut des
deux districts, les conseillers dont le conseil d’origine est dissous sont démis de plein droit et remplacés par
les membres de la délégation spéciale en attendant les élections spéciales pour renouveler le conseil
municipal dissout.

B- La substitution d’office et la suspension


1- La substitution d’office
: elle est de la compétence du Ministre de tutelle.
C’est en cas de refus ou de négligence constatée de la part de l’autorité locale, dans l’exécution de
mesures prescrites par les lois et règlements, et après une mise en demeure écrite, assortie d’un délai, restée
infructueuse. Alors, l’autorité de tutelle se substitue à l’autorité locale (au Maire, au Président du conseil
général, au Gouverneur du district et au Président du conseil général) et prend à cette fin toutes les mesures
appropriées. La substitution de l’autorité de tutelles aux autorités municipales intervient ou « en cas
d’inexécution des mesures prescrites par la loi et le règlement ou en vertu de ceux-ci » et après une mise en
demeure. La démission : on en distingue deux types :
La démission d’office d’un conseiller municipal est prononcée par l’autorité de tutelle dans deux cas et sous
certaines conditions :
Les deux cas sont les suivants :
1° manquement « sans motifs légitimes reconnus par le conseil », à plus de la moitié des séances tenues dans
l’année.
2° refus de remplir une des fonctions prévues par la loi (lato sen su art. 44), « sans excuse valable ». Le refus
peut résulter d’une déclaration écrite ou rendue publique ou d’une abstention persistante après avertissement
de l’autorité de tutelle.
Les conditions sont communes aux deux cas : elles sont au nombre de trois :
1° l’intéressé doit avoir été mis en mesure de présenter ses explications,
2° le conseil municipal doit avoir « pu… en apprécier la légitimité »,
3° l’intéressé ne doit pas avoir exercé de recours devant la juridiction compétente

2 - La suspension : elle relève de l’autorité de tutelle


Cette sanction peut frapper le conseil régional, le conseil du district, le conseil général, le conseil
municipal ou les différents conseils et de la municipalité. C’est une mesure conservatoire permettant de
vérifier une situation donnée, dans le but d’éviter le pire éventuel si la présomption était vérifiée.
C’est en ce cas de dissension au sein du conseil mettant en péril le fonctionnement normal et la gestion
de la collectivité territoriale, l’autorité de tutelle doit chercher à aplanir la dissension. En cas d’échec,

30
l’autorité de tutelle rend compte par une communication en conseil des Ministres qui autorise
éventuellement la suspension du conseil.
Quand l’autorisation est acquise, le Ministre de tutelle, ou, en cas de délégation au Préfet, cette autorité
prend un arrêté pour suspendre le conseil et confier la gestion de la collectivité territoriale à l’administration
à titre provisoire pour s’occuper de la gestion courante. Si la dissension grave a disparu, après trois mois ou
six mois suivant le cas, le conseil reprend ses fonctions, sinon, de la suspension l’on peut aboutir à la
dissolution, la solution extrême.
La suspension peut concerner aussi les membres des bureaux, des municipalités, des délégations spéciales et
des commissions administratives dont les Présidents, les Gouverneurs et les Maires. Pour ces autorités, la
suspension peut être prononcée dans un certain nombre d’hypothèses :
- Refus de démissionner alors qu’il y a un cas d’incompatibilité ou d’inéligibilité ;
- Détournement de fonds publics ;
- Concussion ou corruption ;
- Prêt d’argent sur les fonds de la commune ;
- Faux écriture publique ;
- Etablissement de documents administratifs intentionnellement erronés ;
- Endettement de la commune résultant d’une faute de gestion ou d’un acte de mauvaise foi ;
- Refus de signer et de transmettre à l’autorité de tutelle une délibération du conseil municipal ;
- Refus de réunir le conseil municipal conformément à la loi municipale.

Ces mêmes fautes peuvent aussi entraîner la révocation des autorités susvisées de la commune:
- Refus de démissionner alors qu’il y a un cas d’incompatibilité ou d’inéligibilité ;
- Refus de signer et de transmettre à l’autorité de tutelle une délibération du conseil ;
- Refus de réunir le conseil conformément à la loi ;
- Soumission aux marchés du département ou du district, suivant le cas.

La suspension relève de la compétence du Ministre de tutelle. La suspension du conseil peut être autorisée
par le conseil des ministres sur communication de l’autorité de tutelle. Celle-ci doit rendre compte d’une
« dissension grave entre le maire et le conseil municipal, mettant en péril le fonctionnement normal de la
gestion de la commune ». La suspension ne peut durer plus de trois mois (art. 47).

Paragraphe II : La révocation, la dissolution, la traduction devant la juridiction suprême et l’inspection


des autorités locales
1-La révocation
La révocation des membres des bureaux, des délégations spéciales et des commissions administratives,
et ses causes : il y a lieu de préciser que la révocation est de la compétence du Président de la République
qui prend à cet effet un décret en conseil des Ministres.
La révocation est la sanction administrative suprême qui peut frapper une autorité locale. Toutefois, il faut
noter que l’élu révoqué demeure en fonction jusqu’à l’installation de son successeur. La révocation se fonde
sur les fautes suivantes :
- Détournement de fonds publics ;
- Concussion ou corruption ;
- Prêt d’argent sur les fonds de la collectivité territoriale ;
31
- Faux en écriture publique ;
- Etablissement de documents administratifs intentionnellement erronés ;
- Endettement de la commune résultant d’une faute de gestion ou d’un acte de mauvaise foi ;
- Acquisition ou location de biens immeubles appartenant à la collectivité territoriale par un membre
du conseil sans autorisation de la cour des comptes.
-
2- La dissolution

La dissolution : elle n’est prononcée que par décret en conseil des Ministres.
Cette sanction peut frapper le conseil régional, le conseil du district, le conseil général, le conseil de la ville
et le conseil municipal.
La dissolution est fondée par le cas de dissension grave au sein du conseil mettant en péril le
fonctionnement normal et la gestion de la collectivité territoriale. Dès lors, l’autorité de tutelle doit chercher
à aplanir la dissension. En cas d’échec, l’autorité de tutelle rend compte par une communication en conseil
des Ministres. Et c’est à la suite de ce compte rendu que le décret de dissolution est signé par le Président de
la République. Le processus est le suivant :
- Dissension constatée ;
- Recherche de solution à la crise ;
- Echec consommé ;
- Compte rendu en conseil des Ministres ;
- Dissolution du conseil.

La dissolution du conseil entraine un certain nombre de conséquences. En effet, le conseil cesse


immédiatement ses activités. La mise en place par l’autorité de tutelle d’une délégation spéciale dont le
nombre des membres varie de sept (07) à quinze (15) suivant la taille démographique de la collectivité
assortie d’un bureau faisant office de bureau du conseil ou de municipalité dont les membres sont désignés
par la même occasion pour être Président et vice-président. Ils bénéficient des mêmes avantages que ceux
qu’ils remplacent. La mise en place d’une commission administrative ou spéciale lorsqu’il s’avère que le
conseil ne peut être renouvelé.
La délégation spéciale est une instance » temporaire à pouvoirs limités. Elle est temporaire, car elle est
juste destinée à gérer les affaires courantes en attendant le renouvellement du conseil dans les trois mois qui
suivent sa nomination.
Toutefois, ce délai peut être prorogé dans deux cas. D’abord, lorsque la dissolution intervient moins
d’un an avant le renouvellement général des conseils municipaux, elle peut être maintenue en fonction
jusqu’à ce renouvellement. Ensuite, « dans les autres cas », le Ministre chargé des attributions de tutelle peut
proroger le délai de trois mois pour une période de trois mois renouvelable trois fois (art. 49 nouveau, alinéa
1).
Mais, sir le conseil municipal ne peut être renouvelé à l’expiration de ces prorogations, pour des
raisons d’ordre public, « la commune est placée sous l’administration directe de l’Etat par décret en conseil
des ministres jusqu’aux élections générales dans les communes ». A cet effet, il est nommé par l’autorité de
tutelle, une commission de dix personnes dont le préfet du département dans le ressort duquel se situe la
commune et le sous-préfet de la localité ; ils assurent respectivement la présidence et la vice-présidence.
En cette qualité, ces deux autorités jouent le rôle de maire, pour la première et d’adjoint au maire, pour
la seconde. Dès lors, elles bénéficient des indemnités attachées à l’exercice de ces fonctions. La commission
assume les attributions du conseil municipal » (art. 49 nouveau, alinéa. 2 et 3).
32
Les pouvoirs publics n’ont pas été respectueux des dispositions similaires contenues dans la législation
antérieure et que la charte ne fait que reproduire. En effet, à la suite de la dissolution des conseils
municipaux des communes de Grand-Bassam et de Daloa, les délégations spéciales, nommées
respectivement le 13 janvier 1960 et le 8 mai 1964, ont continué à fonctionner, substituées aux conseils
municipaux dissouts, la première jusqu’en 1965, date de la suppression de la commune de Grand-Bassam, et
la seconde jusqu’en 1980, date historique, marquant le démarrage de notre « démocratie »69. Cette ère
nouvelle semble être au respect des formes, cf. décret n°87-829 du 21 août 1987 portant dissolution du
conseil municipal de la commune d’Agboville.

3 - La traduction devant la juridiction suprême :


Il s’agit de poursuites judiciaires en cas de fautes au sens des articles 78 de la loi sur la région, 74 de la loi
sur le district, 97 de la loi sur le département et 87 de la charte municipale, commises par une autorité locale
telles que :
- Détournement de fonds publics ;
- Concussion ou corruption ;
- Prêt d’argent sur les fonds de la collectivité territoriale ;
- Faux en écriture publique ;
- Etablissement de documents administratifs intentionnellement erronés ;
- Endettement de la commune résultant d’une faute de gestion ou d’un acte de mauvaise foi ;
- Acquisition ou location de biens immeubles appartenant à la collectivité territoriale par un membre
du conseil sans autorisation de la cour des comptes.

4- L’inspection des autorités locales

L’inspection des autorités locales : L’inspection se réalise au moins une fois par an et fait l’objet d’un
rapport déposé auprès du ministère en charge des collectivités territoriales. L’inspection et la substitution
L’inspection, effectuée par l’autorité de tutelle, a lieu au moins une fois par an. Les autorités municipales
doivent en être informées.

Section II-La tutelle sur les actes


Tous les actes des autorités locales doivent être pris dans le respect des lois et règlements qui
régissent l’organisation et le fonctionnement des collectivités territoriales. La réaction de l’autorité de
tutelle, dans le cadre du contrôle exercé vis-à-vis de l’autorité locale, est tant à priori qu’à postériori, de
même qu’il est un contrôle de la légalité externe et de la légalité interne. Principalement, les points suivants
de l’acte doivent faire l’objet du contrôle :
a) Le timbre ;
b) La devise du pays ;
c) Le titre ou l’intitulé de l’acte (objet) ;
d) Le numéro d’enregistrement de l’acte ;
e) L’auteur de l’acte ;
f) Les visas ;
69
Il faut préciser que l’article 20 du code d’administration communale est même un peu plus sévère que la charte, puisqu’il
prescrit que le renouvellement du conseil dissout doit avoir lieu, non pas dans les trois mois, mais dans les deux mois qui
suivent, non la nomination de la délégation, mais la dissolution. Sur ces points, voir A. Dégni-Ségui, thèse précitée, p. 137 et s.
33
g) La mention du quorum quand l’acte émane d’un organe collégial ;
h) La mention décide ;
i) Le dispositif ;
j) La date de l’acte et le lieu où il a été pris ;
k) La signature et le cachet.

Ces différentes mentions doivent faire l’objet d’un contrôle attentif de la part de l’autorité de tutelle
déconcentrée et en tirer les conséquences qui s’imposent. Les décisions qui sont prises en violation de ces
règles ci-dessus rappelées peuvent faire l’objet d’approbation, d’autorisation préalable, de suspension d'une
délibération, de nullité de plein droit, d'annulation, de substitution d'office, de demande d’une seconde
lecture, de sursis à exécution, de déféré et de saisine du juge administratif.

Paragraphe I : approbation préalable, autorisation préalable et suspension d'une délibération

A- approbation préalable, autorisation préalable

1- L'approbation

Au terme de l'article 141 de la loi n°2012-1128 du 13 décembre 2012 portant organisation des collectivités
territoriales, l'approbation ou l'autorisation est donnée de façon expresse. Elle est toutefois réputée acquise
trente (30) jours à partir de la date de l'accusé de réception de l'acte délivré par l'autorité de tutelle. Cette
disposition reprend l'article 139 de la loi relative à l'organisation de la Région. Par ailleurs, lorsque l'autorité
de tutelle refuse son approbation ou son autorisation préalable, le Conseil peut exercer les recours prévus par
la loi. Les autres délibérations qui ne sont pas soumises à approbation ou à autorisation préalable deviennent
exécutoires quinze (15) jours après leur transmission à l'autorité de tutelle. En comparaison, dans l'ancienne
loi municipale, aucun délai n'était prévu pour l'approbation des documents. L’approbation de certaines
délibérations : il y a cependant lieu de distinguer le principe, du fait :
Le principe qui prévaut, c’est l’absence d’approbation ou d’autorisation préalable, car les délibérations du
conseil deviennent exécutoires quinze jours après leur transmission à l’autorité de tutelle. Celle-ci peut
abréger ce délai par arrêté. L’article 13 précise même que « les actes des autorités municipales ne sont
soumis à approbation ou à autorisation préalable que dans les cas formellement prévus par la loi ». C’est le
cas notamment de l’article 27 qui dresse une liste des délibérations soumises à l’approbation de l’autorité de
tutelle.
En fait, c’est la règle inverse qui prévaut, à en juger de par la longueur de la liste non limitative qui
comprend, de surcroît, les décisions les plus importantes : création, modification ou suppression des marchés
ou foires ; budget communal et ses modifications en cours d’exercice ; création et suppression des services
publics communaux, concessions et affermages… Rien ne semble échapper à la tutelle. On pourrait donc
poser qu’en fait, la règle, c’est l’approbation et l’exception, l’absence d’approbation.
L’approbation est en principe expresse, mais elle peut être tacite, résultant du silence gardé par l’autorité de
tutelle pendant trente jours après la réception de l’acte délivré. En cas de refus d’approbation par le ministre
de l’intérieur, le conseil municipal peut, dans les deux mois qui suivent, exercer les voies de recours, c’est-à-
dire le recours administratif préalable et le recours pour excès de pouvoir.

2- L'autorisation préalable
34
Dans cette situation, avant qu'un acte de la collectivité territoriale ne soit pris, il faut, au préalable,
l'autorisation de l'autorité de tutelle, et cela dans des domaines bien déterminés. Cette autorisation doit être
expressément demandée par l'autorité investie du pouvoir exécutif de la collectivité territoriale avant que
l'acte ne soit posé. Selon l'article 21 de la loi portant organisation des collectivités territoriales, huit actes
sont concernés: la tenue des réunions du conseil en dehors de la collectivité territoriale; l'ouverture d'un
compte hors budget autre que ceux prévus par la loi; la modification de l'affectation des fonds de concours
et d'aide extérieure ; l'immobilisation des capitaux par acquisition de valeur de portefeuille ou de
placements à terme; le partage des services d'un même responsable de service de la collectivité territoriale
ou d'un même receveur entre deux ou plusieurs entités territoriales; la mise en œuvre des procédures
d'expropriation pour cause d'utilité publique; l'ouverture d'un compte bancaire dans les limites et conditions
déterminées par décret; la création d'usines de traitement d'ordures ménagères décidées en conformité avec
les dispositions de l'article 129 de la présente loi. L'ancienne loi municipale (article 28 nouveau) ajoutait un
neuvième acte à cette liste, à savoir la création d'une contribution extraordinaire.
Par exemple, pour réunir le conseil municipal dans des locaux autres que ceux de la mairie, l’autorité
locale, en l’occurrence le maire, doit obtenir de l’autorité de tutelle une autorisation expresse ou tacite. En
effet, elle est réputée acquise si elle n’a pas été notifiée à la collectivité territoriale dans un délai de trente
jours ou d’un mois à compter de la date de l’accusé de réception de l’acte délivré par l’autorité de tutelle

B- La suspension d’une délibération et la nullité de plein droit

2- La suspension d’une délibération

La suspension d’une délibération d’une décision, ou d’un règlement est la mesure prise par l’autorité
de tutelle à l’encontre d’un de ces actes de sorte que ceux-ci ne puissent pas provisoirement produire les
effets de droit escomptés. Elle peut être d’office ou à la requête de tout intéressé. Elle est prise à l’encontre
d’actes présentant un intérêt personnel pour l’une ou l’autre des autorités ayant participé à la décision, soit
en personne, soit par mandataire ou personne interposée. Il est accusé réception des requêtes en annulation.
La suspension peut être suivie de la décision d’annulation s’il s’avère que l’irrégularité est patente.
Dans le cas contraire, la suspension est levée et l’acte peut alors produire les effets de droit escomptés. C’est
une mesure conservatoire dont l’objectif est d’éviter l’aggravation d’une situation déjà difficile. Il est
question d’éviter le pire.

2- La nullité de plein droit

Sur ce point, les articles 142 et 143 de la loi portant organisation des collectivités territoriales, qui est
une reprise des articles 14 et 15 nouveau de la loi municipale stipule que sont nuls de plein droit toutes
décisions, tous règlements, toutes proclamations et adresses, tout vœux qui sortent des attributions des
autorités des collectivités territoriales, ceux qui sont contraires aux lois et règlements et ceux qui sont pris
par des organes illégalement constitués ou réunis. Cette nullité peut être invoquée ou opposée à tout moment
par les parties intéressées. Elle est constatée par l’autorité de tutelle et notifiée à l’autorité investie du
pouvoir exécutif de la collectivité territoriale, qui en informe le Conseil à sa première réunion. Par ailleurs,
lorsque le Conseil de la collectivité territoriale délibère hors de sa réunion légale, ou lorsqu’il est
illégalement constitué, l’autorité de tutelle constate la nullité des actes et prend, le cas échéant, toutes
mesures nécessaires pour que l’Assemblée se sépare immédiatement. Il y a lieu de noter également les cas
de nullité prévus par l’article 24 de la loi portant organisation des collectivités territoriales. Il s’agit ici des
cas de nullité de nul effet qui portent sur des objets sensiblement identiques que ceux de la nullité de plein
droit, Ce cas de nullité concerne en effet des actes ou délibérations : portant sur des objets étrangers aux
compétences des conseils des collectivités territoriales ; formulant des proclamations, adresses et vœux
politiques ; pris en dehors des réunions légales ;
35
visant à caractériser la collectivité territoriale - :S9 !- des bases tribales, ethniques ou religieuses. Cette
nullité est constatée par courrier de l’autorité de tutelle. La nullité de plein droit frappe les délibérations
prises en dehors des attributions du conseil ou par un conseil irrégulièrement réuni ou constitué ou celles qui
sont contraires à la légalité. Cette nullité, qui peut être invoquée par tout intéressé, est imprescriptible. Elle
est constatée par l’autorité de tutelle et notifiée au maire qui en informe le conseil à sa première réunion.

Paragraphe II : L'annulation, la substitution d'office et la demande de la seconde lecture

1- L'annulation

Contrairement à l'ancienne loi municipale, où cette disposition faisait partie de l'article 16 relatif à la
suspension, la loi de 2012 portant organisation des collectivités territoriales dissocie la suspension et
l'annulation. En effet, l'annulation fait l'objet d'un article distinct, l'article 145, alors que la suspension est
contenue dans l'article 144. La requête en annulation, précise la loi, doit être déposée, à peine de déchéance,
dans un délai de quinze jours. L'autorité de tutelle doit-statuer dans un délai d'un mois, Elle prononce alors
l'annulation d'office, qui doit intervenir dans les trente jours. Les délais ci-dessus commencent à courir :
- en ce qui concerne l'autorité de tutelle, à partir de la date de l'accusé de réception.
- en ce qui concerne toute autre partie intéressée, à partir de la date de publication de l'acte incriminé.
Par ailleurs, l'autorité investie du pouvoir exécutif de la collectivité territoriale peut intenter un recours en
annulation pour excès de pouvoir devant le juge administratif pour tout acte de l'autorité de tutelle qu'il
estime entaché d'irrégularité. La requête en annulation doit être adressée dans les 15 jours qui suivent la
publication de l’acte, à l’autorité de tutelle, qui dispose, pour statuer, d’un mois à compter de la date de
l’accusé de réception.

2-La substitution d'office

Elle se produit en cas d'inexécution, par les autorités exécutives des collectivités territoriales, des
mesures prescrites par les lois et règlements. Elle n'est possible qu'après mise en demeure de ces autorités
par l'autorité de tutelle. Elle est prévue par l'article 61 de la loi portant organisation des collectivités
territoriales, qui est plus précise que la disposition de l'article 17 de l'ancienne loi municipale. En effet,
l'article 61 stipule clairement que cette inexécution doit résulter du refus ou de la négligence de l'autorité
investie du pouvoir exécutif de la collectivité territoriale d'accomplir un des actes qui lui sont prescrits par
les lois et règlements ou qui s'imposent absolument dans l'intérêt de la collectivité territoriale. L'article 17 de
l'ancienne loi municipale, quant à elle, se contentait de parler « d'inexécution des mesures prescrites par les
lois et règlements ou en vertu de ceux-ci». Par ailleurs, l'article 61 prescrit clairement la forme de la mise en
demeure. Elle doit se faire par écrit et indiquer le délai imparti à l'autorité investie du pouvoir exécutif de la
collectivité pour accomplir les missions qui lui incombent. Ce délai ne peut excéder trois mois. Il y a lieu de
noter que l'ancienne loi relative à la région prévoyait, en son article 137, que: « Pour les actes énumérés ci-
dessous, l'autorité de tutelle dispose d'un délai de sept jours pour en demander une seconde lecture. Cette
disposition n'a pas été reprise par la loi portant organisation des collectivités territoriales.

3- La demande de seconde lecture

36
A la fin de l’examen de l’acte de l’autorité locale, l’autorité de tutelle peut adopter l’une ou l’autre des
attitudes suivantes : elle peut, soit décider de la fin provisoire du contrôle de l’égalité, soit entamer la
procédure de contrôle administratif et judiciaire. Dans le second cas, l’on y distingue la demande de la
seconde lecture et la saisine du juge :
La demande de la seconde lecture est un acte administratif de l’autorité de tutelle par lequel celle-ci
demande à l’autorité locale de relire son acte en vue de faire les corrections que nécessitent les observations
faites par écrit, et ceci, dans un délai est de quinze (15) jours. La demande de seconde lecture doit indiquer
clairement les points qui feront l’objet de correction et ce qu’il y a lieu de faire pour que les corrections
soient appropriées afin d’éviter la saisine du juge administratif.

Il convient d’apporter un soin tout particulier à cette information préalable qui peut être l’occasion
d’un dialogue fructueux entre l’autorité de tutelle et l’autorité locale et qui s’inscrit pleinement dans la
mission de conseil des collectivités territoriales dévolue au Ministre de tutelle, à ses services, au Préfet,
suivant le cas.
L’exercice d’un recours administratif gracieux par l’autorité de tutelle n’est pas interdit. Il s’agit
d’une lettre par laquelle l’autorité de tutelle expose les illégalités entachant un acte de l’autorité locale et
invitant celle-ci à le réexaminer et à le retirer ou à le modifier pour le mettre en conformité avec la légalité.
C’est une sorte de demande de seconde lecture. Il interrompt le délai de recours contentieux quand il est
introduit avant l’expiration de ce délai.
Quand cette procédure de seconde lecture, qui s’analyse comme un recours gracieux, n’est pas
respectée par l’autorité locale, l’autorité de tutelle peut exercer recours gracieux dans le délai de deux (02)
mois imparti. Et ce recours est resté sans suite, quatre (04) mois après, l’autorité de tutelle a encore deux
(02) mois pour le recours contentieux à la fin de cette période de quatre mois ou à partir de la réponse
négative de l’autorité locale : la saisine du juge administratif pour obtenir l’annulation de l’acte considéré
comme étant entaché d’illégalité.

Paragraphe II : La saisine du juge administratif par l’autorité de tutelle

Si l’autorité de tutelle estime que l’acte de l’autorité décentralisée est contraire à la légalité, il lui
appartient de saisir le juge administratif d’une demande d’annulation totale ou partielle dudit acte. Selon le
droit positif ivoirien, c’est le Conseil d’Etat, la juridiction administrative Suprême, qui est compétent pour
connaître du contentieux de la légalité des actes des autorités administratives locales.
Selon l’article 174, de la loi n°2001-477 du 09 Août 2001 relative à l’organisation du département,
l’autorité de tutelle défère au Conseil d’Etat les actes des autorités locales qu’elle estime entachés
d’illégalité dans les deux (2) mois qui suivent leur réception. Dès lors, l’autorité de tutelle tenant de la loi
pouvoir général de déférer au juge administrative les actes administratifs des autorités locales jugés illégaux,
n’a pas, contrairement à un requérant ordinaire, à justifier d’un intérêt à agir. A ceci, il convient d’ajouter le
sursis à exécution de certains actes contestés dont les effets peuvent être graves.

La qualité pour agir en la matière, c'est-à-dire, pour saisir le juge administratif, revient à l’autorité de
tutelle. Or, conformément à l’article 52 de la loi n°2001-476 du 09 Août 2001 d’orientation sur
l’organisation générale de l’administration territoriale, la tutelle de l’Etat sur les collectivités territoriales est
confiée au Ministère chargé des collectivités territoriales. Dès lors, sauf délégation expresse donnée à une
autorité par le Ministre de tutelle, aucune autre personne ne peut saisir le juge administratif d’un recours en
annulation des autorités locales.

37
Seuls les actes « faisant grief » susceptibles d’être déférés au tribunal administratif. Un acte qui
faisant grief, par définition, est une décision administrative, qui, d’une part, modifie la situation juridique
préexistante, soit en créant des droits, soit en imposant des obligations, et qui, d’autre part, emporte des
conséquentes suffisamment importantes pour retenir l’attention du juge. Au regard de ce qui précède, les
décisions ne faisant pas grief ne peuvent faire l’objet de déféré devant le juge administratif.

DEUXIEME PARTIE

Structures et fonctionnement des collectivités territoriales

CHAPITRE I : Le régime général d’organisation et de fonctionnement des collectivités


territoriales

Section I : L’organisation des collectivités territoriales

38
La législation adoptée après l’accession à l’indépendance législation rompt avec sa devancière sur la dualité
du régime municipal pour se rapprocher davantage de la législation française. Comme en France, toutes les
collectivités territoriales ont trois types d’organes : l’organe délibératif, l’organe exécutif l’organe
consultatif.
Paragraphe I : L’organe délibératif : le conseil

Le conseil constitue l’assemblée délibérante de la collectivité territoriale. Aussi, avant d’examiner ses
attributions et le contrôle exercé sur lui, est-il indiqué de voir préalablement son organisation et son
fonctionnement.
A-Composition

La composition du conseil varie en fonction de l’importance démographique de la collectivité en cause, qu’il


s’agisse de la région, de la commune ou de tout autre structure à statut particulier tel le district..
Le minimum, pour ce qui concerne la commune, est de 25 membres pour les communes de 10 000 habitants
et moins. Ainsi, Jacqueville disposait, en 1996, de 25 conseillers pour 4 68O habitants.
Le maximum est de 50 membres pour les communes de plus de 100 000 habitants : Bouaké disposait, dans
la même période, de 50 conseillers pour 269 916 habitants.
B-Conditions d’accès

Pour acquérir la qualité de membre et siéger au conseil, il faut être éligible, élu, ne se trouver dans aucune
situation d’incompatibilité : pour être éligible, il faut être électeur70 et avoir « des intérêts dans la
collectivité ». Deux cas d’inéligibilité sont prévus :
Les inéligibilités absolues frappent les personnes placées sous la protection de la justice ou secourues sur le
budget de la commune et les conseillers démis office pour malversation ;
Les inéligibilités relatives interdisent que certaines personnes ne se fassent élire dans le ressort territorial où
ils exercent leurs fonctions. Ce sont notamment les différents responsables des préfectures, des magistrats,
les militaires…
L’élection du conseil a lieu au suffrage universel direct et au scrutin de liste majoritaire à un tour sans vote
préférentiel ni panache. La durée du mandat est de 5 ans renouvelable, et lorsque le conseil a perdu le tiers
de ses membres, des élections partielles peuvent avoir lieu71. Les contestations sont de la compétence du
conseil d’Etat, qui statue dans un délai d’un mois à compter de la date de la saisine (art. 159 du code
électoral du 1er août 2000 reprenant l’article 135 de la loi n° 94-642 du 13 décembre 1994 portant code
électoral).
Le mandat de conseiller est incompatible avec les fonctions de certaines personnes, notamment celles citées
ci-dessus (ex. : Préfet, Sous-préfet). L’incompatibilité ne fait pas obstacle à l’élection de ces personnes.
Mais, celles-ci, une fois élues, disposent d’un délai de 15 jours pour opter entre la conservation de leur
emploi et le mandat, faute de l’avoir fait (déclaration adressée à l’autorité de tutelle) elles sont réputées avoir
choisi le mandat de conseiller.

Section II -Le fonctionnement des collectivités territoriales


70
Pour être électeur, il faut être de nationalité ivoirienne, avoir 21 ans et jouir de ses pleins droits civils et politiques et être
régulièrement inscrit sur la liste électorale de son domicile (art.2).
71
La législation antérieure, qui contenait les mêmes dispositions, n’a pas été respectée. Les conseils municipaux n’ont été
renouvelés ni intégralement ni partiellement (cf. A. DEGNI-SEGUI, Thèse précité, p. 140 et s.).
39
Comme le conseil général, le conseil municipal fonctionne par sessions et par séances.
a-Les sessions

Les sessions sont de deux sortes : ordinaires et extraordinaires.


Les sessions ordinaires ont lieu au moins une fois par trimestre. Chacune ne peut excéder 15 jours, sauf
autorisation de l’autorité de tutelle.
Les sessions extraordinaires peuvent avoir lieu sur convocation du maire, à la demande motivée de la moitié
des conseillers et sur prescription de l’autorité de tutelle dans un délai de quinze jours. La convocation doit
contenir un ordre du jour précis et le conseil ne peut délibérer que sur celui-ci. Le maire informe l’autorité
de tutelle de chaque réunion du conseil municipal.
Les sessions déterminent le temps pendant lequel siège un corps délibérant, et dans notre cas, le conseil
général. Les cessions désignent donc les réunions au cours desquelles les conseillers organisent leurs
travaux, mais elles sont de deux ordres, à savoir: les sessions ordinaires et les sessions extraordinaires.

Le système de fonctionnement des assemblées est obligatoirement fixé par la loi, puis par le
règlement intérieur, qui reprend les dispositions législatives et réglementaires en vigueur, et dont le contenu
relate la manière dont l’assemblée se réunie et les conditions dans lesquelles elle délibère. Dans le
département, comme dans toutes les collectivités territoriales, l’assemblée délibérante se réunie au moins
une fois par trimestre, voire quatre (4) fois par an, sur convocation de son président, l’exécutif local. Au-
delà de ce dernier, l’initiative de la rencontre peut provenir du tiers (1/3) des membres du conseil, ou même
de celle du représentant de l’Etat, le préfet. La convocation devant intervenir quinze72 (15) jours au plus tard
avant la date de la réunion, la convocation doit être accompagnée de l’ordre du jour et d’autres informations
nécessaires relatives à la date, à l’heure, et éventuellement au lieu, si la rencontre devait se tenir ailleurs
qu’au siège du département, pour que chaque élu puisse au mieux se préparer pour la réunion. La
délibération ne peut concerner que l’ordre du jour annoncé, sauf événement grave et imprévu73.

Pour que les délibérations soient légalement valables, elles se doivent de remplir un certain nombre
de conditions et plus particulièrement celle tenant au nombre de conseillers nécessaire pour le démarrage de
la rencontre, le quorum. L’article 48 de la charte départementale exige « la majorité absolue » des membres
du conseil. Cependant, le quorum peut ne pas être atteint après une première réunion régulièrement
convoquée ; dans ces conditions, le président convoque à nouveau le conseil, à quinze (15) jours
d’intervalle. Mais lorsque ledit quorum n’est pas atteint avec cette seconde tentative, les délibérations sont
valables, quel que soit le nombre des membres présents74. Cependant, en situation exceptionnelle, c’est-à-

72
- La convocation est de8 jours pour les conseillers municipaux (article 32) de la loi n°80-1180 du 17 octobre relative à
l’organisation municipale modifiée par les lois n° 85-578 du 29 juillet 1985,95-608 et 95-611 du 3 août 1995 ainsi que n°98-485
du 4 septembre 1998.

73
- article 43 de la charte départementale.

74
- article 48 de la charte départementale.

40
dire, durant les guerres, les calamités naturelles, les mouvements populaires (révolutions ou grèves) et, peut-
être même suite à des actes terroristes, le conseil peut délibérer valablement après une seule convocation,
quel que soit le nombre des membres présents. L’urgence et la nécessité de maintenir la continuité du
service public, ou du moins un service minimum, implique que l’on épargne aux organes, les longues
tergiversations procédurales pour emprunter un chemin raccourci menant droit au but, c’est-à-dire aux
questions de fond. Il est permis aux conseillers, en cas d’empêchement, de donner aux collègues de leur
choix, pouvoir d’écrire et de voter en leur lieu et place. Ce mandat ne devant concerner qu’un seul
conseiller, ne peut être valable pour plus de deux séances consécutives, sauf en cas de maladie dûment
constatée par le conseil. Le mandant conserve de droit de mettre fin à tout moment à la délégation.
Pour étudier les affaires qui lui sont soumises et préparer les décisions qui lui incombent, l’assemblée
peut répartir ses membres dans des commissions spécialisées75. Les six (6) commissions permanentes
auxquelles peuvent éventuellement s’adjoindre d’autres commissions ad-hoc, sont chargées chacune des
questions suivantes :

- planification, développement et coopération décentralisé ;


- budget et finances ;
- environnement, santé publique et action sociale ;
- équipement, infrastructures et transports ;
- sécurité et protection civile ;
- éducation, formation et culture.

Selon les collectivités, un élu peut appartenir à une ou à plusieurs commissions. Chargées d’étudier
et de suivre les questions spécifiques, ces commissions peuvent se composer, non seulement d’élus, mais
aussi « de toute personne physique ou morale ayant une compétence reconnue dans la matière concernée.
(Article 57) ». Les commissions départementales sont de droit présidées par le président du conseil général,
mais cette règle ne s’applique pas aux autres types de collectivité dont les commissions spécialisées ont leur
propre président. Le nombre des commissions spécialisées effectivement créées est très variable d’une
collectivité à l’autre. Dans les collectivités importantes, leur fonctionnement est intense et régulier. Ii est
beaucoup plus réduit et irrégulier dans les petits départements. Généralement, la commission aux
compétences financières76 et budgétaires, commission de synthèse, est la plus recherchée, s’y retrouvent les
membres les plus influents de l’assemblée. Les autres commissions dépendent des compétences propres à
chaque type de collectivités, ainsi que des caractères spécifiques de son territoire et du niveau de sa

75
- Selon l’article 57 de la charte départementale, « le conseil crée en son sein six commissions permanentes chargées d’étudier
et de suivre les questions suivantes … D’autres commissions peuvent être créées par délibération du conseil. Les commissions
peuvent s’adjoindre toute personne physique ou morale ayant une compétence reconnue dans la matière concernée ».

76
- La commission des affaires économiques, financières et domaniales et la commission des affaires sociales et culturelles.

41
population. Un rapporteur désigné dans chacune d’elles présente les conclusions de la commission à
l’assemblée plénière.
Pour ce qui est des sessions extraordinaires, elles se tiennent également sur convocation du président
du conseil, soit à son initiative, soit à celle de la majorité des conseillers ou encore à celle du préfet du
département. Le président convoque le conseil dans le même délai de quinze jours et sur l’ordre du jour
proposé par l’initiateur de la session. Une fois les conditions tenant à la mise en place des conseillers sont
remplies en amont, peuvent alors commencer les travaux ou encore les séances.

a-Les séances

Les séances, présidées par le maire, sont en principe publiques. Mais, le conseil peut, à la demande du maire
ou du tiers de ses membres, décider, sans débat, du huis-clos.
Le quorum est la majorité des membres en exercice. Mais, après une nouvelle convocation, à huit jours au
moins d’intervalle, le conseil peut délibérer, même si le quorum n’est pas atteint, c’est-à-dire quel que soit le
nombre des membres présents. Et, en cas de guerre ou de calamité, le conseil peut également valablement
délibérer sans atteindre le quorum et à la suite d’une seule convocation.
3- Les attributions
Le processus législatif comporte deux techniques attributives de compétence : la première est constituée par
la cause générale de compétence et la seconde p ar les lois spéciales attributives de compétence 77.
a-La clause générale de compétence

La clause générale de compétence est contenue dans l’article 24 de la charte municipale qui dispose que :
« le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune ». La loi confère ainsi une
compétence de droit commun au conseil. La doctrine parle de clause générale de compétence sans perdre de
vue que c’est l’Etat qui procède à la répartition des affaires locales et des affaires générales.
Les attributions qui en découlent sont relativement nombreuses et comprennent : la gestion des affaires
communales, le vote du budget et les attributions consultatives.
La gestion des affaires communales : certaines de ces attributions sont classiques et d’autres modernes, étant
en quelque sorte propres à la Côte d’Ivoire :
Les attributions classiques sont contenues dans la liste non limitative de l’article 27. On peut citer à titre
d’exemples : création et suppression des services publics communaux ; création et modalité de perception
des impôts, droits et taxes ; acceptation de dons et legs grevés de charge, mode de gestion des propriétés
communales…
Les attributions modernes sont propres à la Côte d’Ivoire et répondent à l’objectif de développement
économique. Si l’article 27-11 cite dans la liste énumérative « les programmes d’action et de développement
de la commune », l’article 24 précité, qui contient la clause de compétence générale, ajoute à son alinéa 2
que, « en harmonie avec les orientations nationales », le conseil « programme et met en œuvre les opérations
et les actions de développement de la commune en vue d’assurer les meilleures conditions de vie l’ensemble
de la population ».

77
Voir sur tous ces points la communication de Monsieur et Madame DEGNI-SEGUI et présentée par Mme DEGNI-SEGUI au
séminaire de l’UVICOCI à Yamoussoukro le 27 novembre 1987.
42
Le vote du budget communal : la discussion et le vote du budget communal constituent l’une de ses
compétences principales. Aux termes de l’article 1er de la loi n° 81-1129 du 30 décembre 1981 portant
régime financier des communes… « le budget communal est la traduction financière annuelle du
programme d’action du développement de la commune ».
Il se compose de deux titres, le titre I correspondant au budget de fonctionnement et le titre II au budget
d’investissement. L’article 5 de la loi précitée précise que le budget de la commune couvre un exercice
annuel qui coïncide avec l’exercice du budget de l’Etat.
Le projet de la loi portant transfert des compétences… et instituant le régime financier reprend, en ses
articles 1 et 2, les mêmes dispositions.
Enfin, le budget communal se présente de la même manière que le budget départemental avec la distinction
entre dépenses obligatoires et dépenses facultatives. L’article 53 contient la liste des « dépenses
obligatoires ». le projet de loi précité fournit une liste de 19 cas en son article 80. Le dix-neuvième cas est
relatif à « toutes les dépenses que la loi met à la charge des communes, sous réserve et dans les limites de
l’intérêt communal ».
Les attributions consultatives : le conseil peut donner son avis lorsque l’autorité supérieure le sollicite.
L’article 25 énumère les cas où il est obligatoirement consulté. A titre d’exemples : lorsque les lois et les
règlements prévoient ; pour les allocations de secours et subventions ; pour les changements d’affectation
d’un immeuble domanial bâti ou non bâti… pour les dispositions du plan national de développement
intéressant la commune.
Enfin, le conseil peut émettre des vœux sur toutes questions ayant un intérêt local. Le conseil dispose d’un
délai d’un mois pour donner son avis. Faute de s’être prononcé, il peut être passé outre.
b- Les lois spéciales attributives de compétences

Les lois spécifiques qui ouvrent l’intérêt communal aux aspects locaux de la politique nationale sont
appelées à connaître une évolution sensible. Les lois antérieures des années 80 vont, en effet, faire l’objet
d’une réforme par le projet de la loi portant transfert de compétences.
Les lois des années 80 : les lois actuelles resteront en vigueur jusqu’à la mise en œuvre des nouvelles
dispositions contenues dans le projet de loi précité. On peut ainsi distinguer dans cette phase, des lois
spécifiques de la loi particulière de 1985.
Les lois spécifiques sont celles qui interviennent dans un domaine bien précis, y attribuant compétence aux
communes. Sans entrer dans les détails du contenu de ces textes, on se bornera à mentionner
principalement :la loi n°81_1129 du 30 décembre 1981 portant régime financier, la loi n°81-1130 du 30
décembre 1981 portant régime fiscal, la loi n°83-788 du 2 aout 1983 déterminant les règles d’emprise et de
classement des voies de communication et des réseaux divers des communes et de la ville d’Abidjan et la loi
n°84-1244 du 8 novembre 1984 portant régime domanial.
La loi particulière qui, à la différence des précédentes, reste générale et ne mentionne aucun domaine
d’intervention, est la loi n°85-582 du 29 juillet 1985 portant « régime des transferts de compétence de l’Etat
aux communes et à la ville d’Abidjan ». Elle fixe les règles relatives aux conditions du transfert à leur
domaine et à leurs effets.
1° Deux types de conditions sont prévues. En la forme, les transferts sont décidés par décret en conseil de
ministres (art. 6) et doivent faire l’objet d’une publicité. Au fond, le décret portant transfert « détermine
obligatoirement les mesures d’accompagnement » (art. 7). Celles-ci s’entendent des biens, services et crédits
nécessaires à l’exercice effectif des compétences transférées.

43
2° L’autorisation donnée, le législateur laisse à l’exécutif le soin de déterminer les affaires à transférer dans
le domaine de son choix. Usant de la possibilité à lui offerte, le gouvernement a pris le 25 juin 1986, 8
décrets portant transfert des compétences dans des domaines assez divers, allant de la culture à l’agriculture
en passant par l’éducation et la santé78.
3° L’article 4 est sans équivoque sur l’effet du transfert lorsqu’il énonce que « les affaires transférées…
deviennent de plein droit d’intérêt communal ou d’intérêt urbain… ». Le même article précise que le
transfert bénéficie au conseil municipal. A la vérité, les décrets portant transfert de compétences visent des
affaires qui, de toute évidence, revêtent déjà le caractère d’intérêt local. Il s’ensuit qu’ils expliquent la clause
générale de l’article 24 et n’opèrent aucun transfert de compétence. Car, nemo plus juris transferre potest
quam ipsehabet (nul ne peut transmettre plus de droit qu’il n’en a). Le ministre de l’intérieur, ministre de
tutelle, l’a expressément reconnu lorsqu’il a déclaré que « l’intérêt général bien compris devrait inciter à
transférer, de l’Etat aux communes ou à la ville d’Abidjan, un certain nombre d’affaires qui présentement
continuent, en droit, à dépendre des décisions de l’autorité centrale et de ses services alors même qu’elles
sont de toute évidence des affaires relevant de l’intérêt local »79.
Le projet de la loi portant transfert de compétences ouvre davantage l’intérêt communal. Il amène ainsi le
conseil municipal à intervenir dans les seize blocs de compétences transférées à la commune.
Sans entrer dans les détails des compétences attribuées, on distinguera les compétences générales des
compétences spécifiques.

Les compétences générales sont celles que la commune partage avec les autres collectivités locales. Dans
cette hypothèse, elle peut intervenir au mois à trois titres.
Ce peut être d’abord à titre consultatif. Il en va notamment ainsi en matière de politique nationale de sécurité
de la commune.
Ce peut être ensuite une compétence reconnue indistinctement à chaque collectivité locale. Il en va du
soutien et de l’appui aux actions de lutte contre le SIDA ou de la politique de lutte contre les feux de
brousse, ou encore de la promotion des sports et loisirs ou des nouvelles technologies de l’information.
Ce peut être enfin, une compétence à exercer dans l’intérêt local, mais, en harmonie avec la politique de la
ville ou du département. C’est notamment le cas de l’élaboration et de la mise en œuvre des « schémas
directeurs d’aménagement du territoire communal » ou du « plan de développement communal » ou encore
du plan communal de « promotion du développement économique ».
Les compétences spécifiques sont celles qui, sans être exclusives, restent dans les domaines de prédilection
de la commune en tant que collectivité de proximité, de contact. Celle-ci a, en effet, en charge les besoins
quotidiens des administrés.
Une diversité d’attributions lui sont de ce fait, reconnues. Elle a ainsi compétence pour construire les
logements sociaux ; instruire et délivrer le permis de construire des maisons d’habitation ; construire, gérer
et entretenir des centres de santé ; ou encore construire ou gérer des écoles primaires, maternelles, des
crèches, des jardins d’enfants, des centres d’apprentissage et d’éducation féminine. La commune est
également compétente pour créer, gérer et administrer des marchés et des foires d’intérêt communal ; pour
assurer et organiser l’alphabétisation et apporter l’assistance aux indigents. Elle est enfin, compétente en
matière « d’hygiène, de salubrité et de balisage des zones de baignade jusqu’à une limite de 100 mètres ».

78
Les décrets, qui vont du numéro 86-448 au numéro 86-459, portent respectivement sur les matières suivantes : culture ; santé
publique ; espaces verts ; pépinières ; parcs et jardins ; urbanisme et constructions ; bornes fontaines et puits à eau publics ;
éducation ; hygiène publique vétérinaire ; domaine social.
79
Allocution d’ouverture de la réunion générale d’information sur la politique générale de décentralisation : 25 avril 1985.
44

« Les séances se rapportent à l’accès aux travaux, aux conditions d’adoption des décisions et à la
procédure y afférente80». Elles sont en principe publiques, mais le conseil peut, à la demande 81 de son
président, ou d’un tiers de ses membres, décider sans débat du huis clos. Le huis clos est toutefois
obligatoire pour toutes les délibérations portent sur certains points bien précis (mesures individuelles,
conclusions de rapports d’inspections, circonstances particulières).
L’assemblée prend ses décisions à travers le vote de ses membres. Celui-ci intervient de trois
manières : à main levée, au scrutin public, au scrutin secret. A main levée, se dégage publiquement une
opinion, mais sans identification officielle du vote des élus. Il intervient avec le scrutin public qui est le
mode de votation ordinaire, mais impossible avec le scrutin secret. C’est dire que le principe qui prévaut en
la matière, est que le vote a lieu au scrutin secret. L’exception est le scrutin public, à main levée. On y a
recours dans deux cas : pour les questions de procédure, et lorsque le tiers des conseillers présents le
réclament. Dans tous les cas, les questions d’ordre financier ne peuvent être adoptées à main levée. Enfin, le
vote par procuration est autorisé, mais il est limité à un seul mandat82.
La police de l’assemblée, par laquelle peut être expulsé de la salle tout individu troublant l’ordre
public appartient seul au président de séance, ou à son représentant, lorsqu’il n’est pas présent. Les réunions
du conseil sont ouvertes à certaines personnalités. D’abord, le préfet ou son représentant peut y assister avec
voix consultative ; ses déclarations sont mentionnées au procès-verbal des délibérations et son rapport
spécial annuel débattu en sa présence. Ensuite, le secrétaire général du département y assiste sans voix
délibérative83, tout en assurant le secrétariat et établissant le procès-verbal des délibérations qu’il signe. Le
président de séance les contresigne. Les délibérations sont prises à la majorité des suffrages exprimés. En
cas d’égalité des voix, la voix du président est prépondérante. Tandis que les sujets relatifs à la procédure
sont tranchés à la majorité simple, ceux tenant aux questions de fond nécessitent la majorité absolue. A
l’exception des délibérations prises au cours d’une séance tenue à huis clos, tout habitant ou contribuable a
le droit de demander à ses frais, communication de copie totale ou partielle des procès-verbaux du conseil
général, des budgets et des comptes du département et des arrêtés départementaux.
Les sessions et séances qui viennent d’être vues sont en réalité les règles de fonctionnement du
conseil général, lesquelles lui permettent de prendre ses premiers actes parmi lesquels figurent : l’élection du
président du conseil général, l’adoption de son règlement intérieur, la création des six commissions
permanentes et la mise en place du bureau.
80
- Droit Administratif général, Tom I du professeur René Dégni-Ségui, page 190.

81
Le quart des membres présents pour le conseil municipal.

82
- Article 50 : Un conseiller général empêché peut donner à un collègue de son choix pouvoir écrit de voter en ses lieu et place.
Nul ne peut être porteur de plus d'un mandat. Le mandat est toujours révocable. Sauf cas de maladie dûment constatée, il ne peut
être valable pour plus de deux séances consécutives.

83
- Article 55 de la charte départementale.

45
SECTION I : Le droit commun d’organisation des collectivités territoriales
Paragraphe I : Les organes décisionnels des collectivités territoriales
A: Les organes délibératifs
B: Les organes exécutifs
Paragraphe II : Les structures d’accompagnement des collectivités territoriales
A:Les commissions permanentes et spéciales
B: Les structures consultatives
SECTION II : Le droit commun de fonctionnement des collectivités territoriales
Paragraphe I : Les opérations préliminaires aux délibérations
A: L’établissement de l’ordre du jour
B: la convocation aux réunions
Paragraphe II : Les travaux de fond
A: la conduite des réunions et leur finalité
B: l’établissement de la preuve des réunions.

CHAPITRE II : Le régime particulier du district

Le district a fait sa première apparition au sein des collectivités territoriales ivoiriennes avec la loi
n°2001-476 du 9 août 2001 portant orientation sur l’organisation générale de l’administration territoriale.
Celle-ci dispose, à ce titre, en son article 32 que « l'administration décentralisée est assurée dans le cadre de
collectivités territoriales qui sont : les régions ; les départements ; les districts ; les villes ; les communes ».
Le législateur interviendra par la suite pour mettre sur pied des textes spécifiques y relatifs, notamment, la
loi n°2001-478 du 9 août 2001 portant statut du district d’Abidjan et la loi n°2002-44 du 21 janvier 2002
portant statut du district de Yamoussoukro.
Mais avec le changement politique intervenu en Côte d’Ivoire à partir du 11 avril 2011, une vague de
réformes va, comme sus énoncé, provoquer une profonde transformation, voire une métamorphose des
statuts initiaux des districts, pour en faire des entités dont la nouvelle nature reste à déterminer. C’est
d’ailleurs tout l’intérêt de cette étude appréhendée sous la thématique des « avatars du district dans
l’administration territoriale ivoirienne ».
Pour avoir curieusement été en si peu de temps, soit de 2011 à 2014, la seule entité territoriale à
cumuler le plus grand nombre de réformes, le district se révèle d’un intérêt indéniable, et conduit
incidemment à ce que l’on s’y intéresse de près. Il n’est donc à ce titre pas risqué d’aborder ce thème en
46
mettant en évidence l’importance des enjeux sous-tendus par le district, cette institution singulière
constituant à la fois un trait d’union et de discorde entre les orientations politiques exécutées de 2000 à 2010
et celles en cours d’exécution depuis 2011.
L’enjeu n’est pas moins politique, l’érection d’Abidjan et de Yamoussoukro en districts n’est pas
fortuite, les deux agglomérations constituant en effet, respectivement la capitale économique et politique de
la Côte d’Ivoire. Le souci de soustraire leur gestion de l’escarcelle des partis d’opposition a, semble-t-il
poussé, chacun des dirigeants successifs de la deuxième république à tailler sur mesure leur statut. La
nomination du gouverneur, en lieu et place de son élection, n’est pas sans intérêt sur les enjeux du district ;
c’est une technique susceptible de servir de gage contre le risque84que pourrait faire courir un système
électoral85quant au choix du gouverneur, parce que le scrutin, du reste empreinte d’aléas, pourrait réserver
des surprises désagréables. Le district se révèle dès lors comme un incontournable levier aux mains du
pouvoir central, qui est ainsi à l’abri des incertitudes liées aux compétitions démocratiques.
Pour les raisons sus évoquées, et pour d’autres tenant à l’importance du rôle 86 à lui reconnu, le
district continue d’être, depuis la deuxième jusqu’à la troisième république, une véritable curiosité, tant au
sein des collectivités territoriales qu’au sein des circonscriptions administratives ivoiriennes. Cela suscite
tout naturellement un certain nombre de questions : pourquoi le district a-t-il été supprimé en tant que
collectivité territoriale87par ordonnance en 2011 ? Quelles sont les raisons de sa transformation en une
circonscription administrative de type nouveau ? Qu’est ce qui explique l’échec du maintien de ce nouveau
statut de circonscription administrative ? Pour quelle raison a-t-il voulu renouer avec son premier statut de
collectivité territoriale à partir de 2014 ? … En un mot, quels sont les différentes mutations subies par le
statut du district de la deuxième à la troisième république ivoirienne ?
Pour appréhender l’ensemble de ces questions, il y a lieu de faire une approche synthétique,
consistant d’abord à analyser le premier changement du statut district à partir de 2011 (I), puis le troisième
changement ayant fait de ce district une entité sui generis en 2014, suite de la deuxième tentative
infructueuse de lui redonner sa nature de collectivité décentralisée (II).

Section I -Le premier changement du statut du district

Quoi que le système de décentralisation soit de plus en plus sollicité grâce à son caractère
démocratique88, il reste cependant en compétition, ou du moins, essuie la résistance 89du système autoritaire
de la déconcentration. Les deux mécanismes, au demeurant antinomiques 90, ne rencontrent pas le même
accueil sur le terrain de la pratique, l’un étant, selon les régimes ou pouvoirs en place, préféré 91à l’autre, et
inversement.

84
- Philippe Blutteau, Leçon des collectivités territoriales, Ellips Edition Marketin S.A., 2009, page 6.
85
- Cf. l’article 87 loi n° 2002-44 du 21 janvier 2002 portant statut du district de Yamoussoukro, qui énonce que « …Les décisions
du bureau sont prises à la majorité des suffrages exprimés. En cas d'égalité de voix, celle du gouverneur du district est
prépondérante ».
86
- voir l’article 13 de la loi n° 2003-208 du 7 juillet 2003 portant transfert et répartition de compétences de l’Etat aux collectivités
territoriales.
87
- Jean Marie PONTIER, l’Etat et les collectivités locales : la répartition des compétences, LJDJ, 1978, p. 302. Pour cet
auteur, les collectivités sont des démembrements de l’Etat au niveau local ».
88
- A. BOCKEL : Droit administratif. C.R.E.D.I.L.A., N.E.A., Dakar, 1978, p.249. Voir aussi à ce titre, Jean-Bernard AUBY,
Remarques préliminaires sur la démocratie administrative, Revue française d’administration publique, n° 137-138, p. 13 à 19.
89
- Philipe BLUTTEAU : Leçon de droit des collectivités territoriales, Ellipeses Edition Marketing S.A., 2009, p. 7.
90
- Martine LOMBARD, Gilles DUMONT, Jean SIRINELLI, Droit administratif, Dalloz, 10 e édition, n°190, p. 106,
91
- Gérard CONAC, Le développement administratif des Etats d’Afrique noire, in : (sous la dir. de), Les institutions
administratives des Etats francophones d’Afrique noire, Economica, Paris, 1979, p. XXV.
47
La politique du district semble témoigner de ce fait, parce qu’après avoir fonctionné en plein temps,
de 2001 à 2010, en tant que collectivité territoriale de type particulier (A), il sera mué en circonscription
administrative à partir de 2011(B).

Paragraphe I -Le district, une collectivité territoriale de type particulier de 2001 à 2010
Le tout premier district porté par la loi d’orientation de 2001, était soumis au régime général des
collectivités territoriales (1), avec toutefois un aspect particulier (2).

1-La soumission des districts de 2001 au régime général des collectivités territoriales

Les éléments caractéristiques de la nature juridique du district sont portés par la loi n°2001-476 du 9
août 2001 d'orientation sur l'organisation générale de l'administration territoriale.
Son article 32 est le texte qui inclut le district au sein des catégories de collectivités décentralisées,
reconnues comme telles par les premiers législateurs en 2001. Cet article dispose, en effet,
que « l'administration décentralisée est assurée dans le cadre de collectivités territoriales qui sont : les
régions ; les départements ; les districts ; les villes ; les communes… ». Le district figurait, à ce titre, au sein
des cinq (5) types de collectivités locales qu’a pu compter d’administration territoriale durant la première
décennie de la deuxième république ivoirienne.
Pour mettre en exergue les éléments assurant au district son autonomie, l’article 34 de la même loi
donne à lire que « les régions, les départements, les districts, les villes et les communes sont des collectivités
territoriales dotées de la personnalité morale et de l'autonomie financière ». C’est dire qu’au regard de la
personnalité morale dont il jouit, le district bénéficie d’une autonomie92 juridique, financière et
administrative, vis à vis des personnes morales de droit public que sont l’Etat central, les autres catégories
de collectivités territoriales (les régions, les départements, les villes et les communes) et des Etablissements
publics93, mais aussi à l’égard des personnes privées94, à savoir, les personnes morales de droit privé et les
personne physiques.
Pour parachever l’idée faisant du district une collectivité décentralisée, le législateur a rappelé, à
travers l’article 35 de la loi sus visée, le principe constitutionnel de la libre administration des collectivités
territoriales en disposant que « la loi détermine les principes fondamentaux de la libre administration des
collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources 95». Cette constitution n’ayant, elle-
même, pu donner la signification et la portée de ce principe de la libre administration, a autorisé le
législateur à le faire.
Mais si ce dernier ne fera pas mieux, s’étant contenté, hors mis les initiatives ayant porté sur
l’édiction des textes relatifs aux compétences96et ressources97des collectivités territoriales, de reproduire, « et
sans rien y ajouter, la même expression vague de la constitution : « les collectivités territoriales sont
librement administrées98… ». Le silence du législateur concède conséquemment au pouvoir central une large
marge d’interprétation. Il peut, le cas échéant, multiplier des textes à souhait sans les traduire dans les faits,
92
- Georges VEDEL, Le droit au logement et le principe de la libre administration des collectivités territoriales, Pouvoir locaux
N°7, 1990, p. 86.
93
- Jacqueline MORAND DEVILLER, Droit administratif, Cours, Thème de réflexion, Commentaires d’arrêts avec corrigés,
Montchrestien, Lextenso éditons, 2011, page 481 : « L’Etablissement se définit comme un service public personnalisé. L’octroi de
la personnalité morale le distingue des services en régie. Il se définit aussi comme une personne publique à vocation spécialisée,
afin de le distinguer des collectivités publiques, autres personnes publiques, mais à vocation générale ».
94
- René CHAPUS, Droit administratif général, Tom 2, 15e édition Montchrestien n°1071, page 848.
95
- Voir l’article 119 de la constitution du 1er août 2000.
96
- La loi n°2003-208 du 7 juillet 2003 portant répartition de compétences de l’Etat aux collectivités territoriales.
97
- La loi n°2003-489 du 26 décembre 2003 portant régime financier, fiscal et domanial des collectivités territoriales.
48
au point de maintenir la liberté d’administration des collectivités territoriales à son stade de pure théorie. Les
écrits de Michel TROPER, ne semble pas moins corroborer l’idée lorsqu’ils évoquent une « …utilisation
excessive, voire abusive (du concept de la liberté d’administration) alors que la réalité est tout autre…un
terrain vague, vide et, privé de référence99 ».

Au-delà de la loi d’orientation de 2001, la nature de collectivité territoriale du district s’est vue
confirmée par les lois spéciales suivantes : la loi n° 2001-478 du 9 août 2001 portant statut du district
d’Abidjan et la loi n°2002-44 du 21 janvier 2002 portant statut du district de Yamoussoukro. L’article
premier commun à ces deux statuts, dispose que « le district est une collectivité territoriale […] dotée de la
personnalité morale et de l'autonomie financière ». D’autres articles viendront en complément, portant sur
d’autres principes attestant de la nature de collectivité du district. A ce niveau, il y a lieu de mentionner le
principe des biens propres100, le principe du transfert des compétences101, et celui de la tutelle102. Au nom de
toutes ces règles, le district de 2001 était une entité territoriale soumis au régime général des collectivités
territoriales.
Toutefois, son statut comportait un certain nombre de règles faisant exception audit régime général
des collectivités territoriales, réalisant par cela même le caractère particulier du district.

2-Le district de 2001, une collectivité de type particulier103.

Le contenu de l’article 1er du district d’Abidjan, qui est d’ailleurs le même que celui du district de
Yamoussoukro, énonce que « le district […] est une collectivité de type particulier », confirmant ainsi
l’article 34 de la loi d’orientation de 2001 aux termes desquels « …la loi peut, pour tenir compte des missions
assignées à certaines collectivités territoriales, notamment les districts, autoriser la nomination du chef de
l’exécutif de ces collectivités… ». A ce titre, l’élément fondamental donnant au district son caractère
particulier est l’instauration d’un système de nomination, lequel réalise le recrutement du gouverneur, des
vices gouverneurs, et des secrétaires du district.

98
- Constaninos BACAYANNIS, Le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales, Presse
universitaire d’Aix-Marseille, Coll. Droit public positif, 1993, p. 36.
99
- Michel TROPER, « Libre administration et théorie générale du droit », in Jacques MOREAU et Gilles DARCY (sous la
direction), La libre administration des collectivités locales : Réflexion sur la décentralisation, éd. Economia-Presse universitaire
d’Aix-Marcelle, Coll. Droit public positif, 1984, p. 62.
100
- Atsé YAPO, « Les transferts de compétences de l’Etat aux communes en Côte d’Ivoire », in La politique de décentralisation
en Côte d’Ivoire. Etude, analyses et contributions présentées par Centre Ivoirien de Recherche et d’Etudes juridiques et Fridriech
Ebert Stiftung. Editées par CIREJ, p. 178.
101
- François-Xavier AMBRY, La décentralisation contre l’Etat : l’Etat semi centralisé, Paris LGDJ, 1992, p. 27. Pour l’auteur,
« le transfert de compétence est un dessaisissement volontaire de l’administration central au profit de l’administration locale ».
Cela est constitutif du principe du transfert des compétences, posé, en ce qui concerne de droit ivoirien en vigueur, par la loi n°
2003-208 du 7 juillet 2003, portant transfert et répartition de compétences de l’Etat aux collectivités territoriales.
102
- Vedel G. Droit administratif – PU.U.F. 5è – 1973, p. 642.
103
- Le district était, parmi les cinq (5) catégories de collectivités locales reconnues par la loi de d’orientation de 2001, le district
était le seul à bénéficier d’un régime particulier. Au contraire, en droit français, la législation a prévu de nombreuses dispositions
propres à certaines portions du territoire, ou à certaines situations particulières, qui font varier le droit des collectivités
territoriales. Cette particularité est rendue nécessaire soit par des raisons historiques et démographiques, comme c’est le cas de
Paris et la région parisienne et plus récemment Lyon et Marseille, soit par souci de respecter ou de promouvoir une identité
géographique et culturelle particulière. La révision constitutionnelle d’août 2003 a renforcé ces particularismes en donnant à des
entités territoriales la possibilité d’adapter des règles nationales à leur spécificité s’agissant de la Corse et de l’Outre-mer. Pour
plus de détail sur la question, voir Jacqueline MORAND-DEVILLER, Droit administratif, Cours, Thèmes de réflexion,
Commentaires d’arrêts avec corrigés, Montchrestion Lextenso éditions 2011, p. 165.
49
La loi d’orientation de 2001, en ayant créé cinq (5) catégories104de collectivité territoriale, a semblé
renforcer la démocratie locale105qui, au-delà de faire participer des populations locales à la gestion de la chose
publique, invite celles-ci à choisir leurs autorités administratives par la voie des élections 106. En France107par
exemple, après la réforme constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la
République, il a été reconnu aux régions, aux départements et aux communes, dans le souci de renforcer la
démocratie locale, le droit de recourir à la pétition108et au référendum109 local.
Pendant que des efforts tendent, sous d’autres cieux, à réduire la prééminence du pouvoir central
dans la politique de l’administration du territoire, et à corriger un tant soit peu sa propension naturelle au
jacobinisme, la Côte d’Ivoire semble ramer à contrecourant avec l’institution de la nomination du
gouverneur, ce qui n’est pas moins attentatoire à la logique même de la démocratie locale110. En effet,
l’article 66 alinéa 1erdu statut du district d’Abidjan111, qui a le même contenu de l’article 66 alinéa 1er du
district de Yamoussoukro112, dispose que « le gouverneur du district est nommé par décret du Président de
la République… ». A la lumière de ce texte, il est clairement reconnu au président de la république, le
pouvoir de choisir, discrétionnairement, le gouverneur du district.
Le district qui s’est substitué à la ville113, en a épousé le régime juridique (en général les règles
relatives à son organisation, à son fonctionnement, à la tutelle, aux attributions…) à l’exception de quelques
particularités114se rapportant notamment aux règles de désignation des organes de son exécutif. En effet, la
loi n°95-609 du 3 août 1995 déterminant le régime particulier des villes, énonçait pourtant en son article 13
que « nul ne peut être candidat au poste de maire de la ville d’Abidjan, s’il n’est maire d’une commune
composant la ville ». Il suit de là que le maire de la ville était d’abord maire de l’une des communes internes
d’Abidjan, puis maire d’Abidjan par une seconde élection dont les électeurs étaient constitués des maires des
dix (10) communes internes. Le maire d’Abidjan était donc issu d’une double élection, ce qui n’est
évidemment pas le cas du gouverneur, qui du reste, est discrétionnairement choisi par décret du président de
la république.
104
- Article 32.
105
- Martine LOMBARD, Gilles DUMONT, Jean SIRINELLI, Droit administratif, Dalloz 10e édition-2013, page 189.
106
- Pour Jean Marie Aubry et Robert Ducos, « …l’élection des instances locales au suffrage universel, est un critère d’assurer
l’autonomie organique des collectivités territoriales par rapport à l’Etat ». Voir pour ce faire, Jean Marie Aubry, Robert Ducos,
« Les institutions administratives », LGDJ, Paris 1971, p. 85.
107
- Jean Rivero et de Jean Waline, Droit administratif précis, 20e édition, p. 98.
108
- Lire à ce titre l’article 72-1 de la constitution française, qui dispose ceci :« la loi fixe les conditions dans lesquelles les
électeurs de chaque collectivité territoriales peuvent, par l’exercice d’un droit de pétition, demander l’inscription à l’ordre du
jour de l’assemblée délibérante de cette collectivité d’une question relevant de sa compétence ».Voir, pour un éclaircissement
plus détaillé, Jacqueline MAURAND-DEVILLER, Droit Administratif, Cours, Thèmes de réflexion, Commentaires d’arrêts avec
corrigés, Montchrestien Lextinso édition 2011, op. Cit., p. 194.
109
- Article 72-1, al. 2.
110
- La démocratie locale n’est pas passée inaperçue sous la plume de bien des auteurs ivoiriens tel Hubert OULAYE dont les
idées sont traduites dans les lignes qui suivent : « L’idée selon laquelle c’est au niveau local que l’apprentissage de la démocratie
de même que la gestion des affaires publiques ont le plus de chance d’efficacité, repose sur la croyance que la population locale
lorsqu’elles se sentent directement concernées, s’intéressent plus aux affaires locales et s’impliquent davantage à leur gestion.
Cette idée n’est pas propre aux dirigeants politiques ivoiriens. C’est une idée-force consubstantielle pour beaucoup au concept
même de décentralisation et qui est très largement partagée par les dirigeants politiques occidentaux ». Lire Hubert OULAYE et
Axel SCHMIDT, op. Cit., p. 13.
111
- Cf. la loi n°2001-478 du 9 août 2001 portant statut du district d’Abidjan.
112
- Voir la loi n°2002-44 du 21 janvier 2002 portant statut du district de Yamoussoukro.
113
- Avant la loi d’orientation de 2001, Abidjan était une ville, d’ailleurs la seule ayant existé de 1960 à 2000, parce que la
première république n’en ayant créé aucune autre. Ce n’est qu’en fin 2010 que certaines des grandes communes ivoiriennes ont
été, de façon presqu’imperceptible, transformées en villes, comme en témoigne le décret n°2010-232 du 25 août 2010 portant
transformation des anciennes communes de Bouaké, Daloa et Korhogo en villes.
114
- A la différence de la ville, qui ne se composait que de communes, et se confondait conséquemment avec leur territoire, le
district comprend en plus des sous-préfectures, selon les énonciations de l’article 44 de la loi d’orientation de 2001
susmentionnée. Par ailleurs, selon les dispositions de l’article 2 de la même loi, « les limites territoriales du district se (…)
confondent avec les limites du département » auquel il se substitue. Cet aménagement a, pour éviter les problèmes de
chevauchements territoriaux complexes et les conflits de compétences, éliminé les départements à l’intérieur du district.
50
« Le pouvoir discrétionnaire dont jouit le président de la république dans la nomination du
gouverneur du district peut-il favoriser une acceptation mutuelle entre ce dernier et ses collaborateurs
élus ? Ce gouverneur saura-t-il défendre les intérêts du district en se libérant des influences du pouvoir
central ? 115 ». Ces questions du professeur René DEGNI-SEGUI lèvent le voile sur d’autres préoccupations
suscitées par le statut particulier du tout premier district ivoirien. Ainsi, est-on en droit de s’interroger en ces
termes : le système de nomination du gouverneur du district constituait-il un essai, ou une situation
transitoire en attendant de laisser postérieurement libre cours au système électoral ? L’autonomie même du
district n’était-elle pas, pour cette raison, remise en cause ? Enfin, la nomination du gouverneur du district
ne répondait-il pas, comme il est souvent dit « à un moyen déguisé pour écarter les partis d’opposition de la
gestion du district ? ».
La dernière question a trouvé écho sur le terrain politique, lors de la désignation des tous premiers
gouverneurs des districts d’Abidjan et de Yamoussoukro, après les scrutins départementaux et de
district « qui ont fait coïncider les élections des conseillers généraux avec celles des conseillers
districaux116 » le 7 juin 2002. En effet, pour la formation des conseils de ces deux districts, ceux-ci étant tous
élus117, un compromis, dit-on, « aurait été trouvé entre l’un des partis d’opposition, le P.D.C.I118et le parti au
pouvoir, le F.P.I119., pour la mise sur pied d’une coalition contre le R.D.R120, un autre parti d’opposition.
Selon ce schéma, le district d’Abidjan devrait revenir au FPI et celui de Yamoussoukro au PDCI, étant
entendu que chacun des deux partis devait proposer au président de la république un nom en vue de la
nomination des gouverneurs. Si dans la pratique, monsieur Pierre Djédji AMONDJI aurait correspondu
effectivement au choix du F.P.I. pour administrer le district d’Abidjan, monsieur Apollinaire N’DRI, nommé
à la tête du district de Yamoussoukro, n’aurait pas été le choix du PDCI, ce qui aurait tout naturellement fait
réagir le PDCI, et à qualifier le système de nomination du gouverneur comme une stratégie politique tendant
à garder le contrôle des deux districts ».
N’ayant pas été expressément régie par des normes à valeur constitutionnelles121, ou du moins par des
lois organiques, la législation relative au district, notamment choix du gouverneur reste soumise aux aléas
des enjeux politiques.

Les prérogatives reconnues au président de la république dans le statut du district, ne concernent pas
que la nomination du gouverneur, d’autres organes en étant tout aussi l’objet, au regard des articles 66 et 65,
relatifs respectivement au statut du district d’Abidjan et à celui de Yamoussoukro. Le contenu commun de
ces deux textes donne ainsi à lire que « ...les Vice-gouverneurs sont nommés parmi les conseillers par décret
du Président de la République sur proposition du gouverneur… ».
Les vices gouverneurs, comme on le voit, sont tout aussi nommés par le président de la république,
mais selon une procédure limitant quelque peu sa marge de discrétion. En effet, alors que le président de la
république jouit d’une totale liberté pour nommer un gouverneur à l’intérieur, tout comme à l’extérieur du
115
- René DEGNI-SEGUI, Droit Administratif Général, l’Organisation Administrative, 4ème édition Abidjan, Tome 1, 2013, p. 301.
116
- Idem, p. 297.
117
- Selon l’article 10 de la loi n°2014-453 portant statut du district autonome d’Abidjan, « le conseil du district d'Abidjan
comprend des membres répartis comme suit - 1/3 des membres désignés au sein des conseils municipaux des communes qui
composent le district ; - 2/3 des membres élus au suffrage direct. La durée du mandat du conseil du district d'Abidjan est de cinq
ans. La qualité de membre du conseil du district ne fait pas obstacle à l'exercice du mandat de conseiller municipal. Sur
proposition de la commission chargée des élections, un décret pris en conseil des ministres fixe le nombre des membres du conseil
du district d'Abidjan ».
118
- Parti Démocratique de Côte d’Ivoire (P.D.C.I.).
119
- Front Populaire Ivoirien (F.P.I.).
120
- Rassemblement Des Républicains (R.D.R.)
121
- A la différence des régions et communes, qui bénéficient d’une valeur constitutionnelle, parce qu’ayant été les seules à être
créées par l’article 119 de la constitution du 1er août 2000, le district, tout comme d’ailleurs le département et la ville, a été créé
par le législateur, ce qui en donne une valeur législative, donc susceptible d’être supprimé de l’ordonnancement juridique par une
loi ordinaire, ou par une ordonnance.
51
conseil du district, le législateur le contraint, s’agissant du choix des vice-gouverneurs, à non seulement le
faire parmi les conseillers, mais parmi ceux préalablement proposés par le gouverneur.
Si la compétence de proposition reconnue ainsi au gouverneur semble, du moins du point de vue
purement juridique, limiter la marge de manœuvre du président de la république dans le choix des vice-
gouverneurs, rien en réalité ne conduit cependant à penser qu’il ne puisse passer outre la liste proposée par
le gouverneur. Celui-ci ne détient aucun moyen pour contraindre ledit président à respecter ses choix. Au
contraire, le gouverneur qui souhaite garder son poste, n’a aucun intérêt à proposer des conseillers qu’il sait,
ne seraient pas en odeur de sainteté avec le président, d’autant qu’il est lui-même nommé, et en tant que tel,
peut à tout moment être démis de ses fonction. De là, le pouvoir de proposition reconnu au gouverneur ne
peut avoir de sens que si les personnes à choisir comme vice-gouverneurs bénéficient préalablement de
l’assentiment du président de la république, et nullement le contraire. Il en découle, en réalité, que le choix
des vice-gouverneurs dépend, en premier et dernier ressort, de la seule et unique volonté du président de la
république, le rôle du gouverneur n’étant, à la limite, que procédural.
Le gouverneur retrouve cependant un réel pouvoir qu’en ayant été habilité par la loi à désigner le
secrétaire et le secrétaire-adjoint, parmi les conseillers du district. En effet, les articles évoqués dans les
lignes précédentes énoncent par ailleurs que « ...le secrétaire et le secrétaire-adjoint sont nommés par arrêté
du gouverneur parmi les conseillers ». Et tel que formulé, ce texte détermine une compétence autonome du
gouverneur, celui-ci n’étant plus, comme dans de cas de la proposition des vice-gouverneurs, appelé à
soumette des propositions au président de la république.
Les pouvoirs de nomination reconnus tant au président de la république qu’au gouverneur,
constituent autant de spécificités ayant fait du district une collectivité territoriale de type particulier. Mais, ce
statut, pour le moins dérogatoire au régime général des collectivités décentralisées, ne connaitra pas
d’évolution entre 2001 et 2010. L’année 2011 marquera, au contraire, un tournant décisif dans le statut du
district, celui-ci ayant été supprimé en tant que collectivité territoriale, pour ensuite se muer en
circonscription administrative d’un type nouveau.

Paragraphe II-La suppression du district en tant que collectivité territoriale et sa transformation en


Circonscription administrative de 2011 à 2013

Il sera question, ici, de montrer qu’avant de s’afficher comme un nouveau type de circonscription
administrative (2), le district a d’abord été supprimé de l’administration territoriale en tant que collectivité
territoriale (1).

A- La suppression du district en tant que collectivité territoriale.

L’ordonnance n°2011-262 du 28 septembre 2011 portant orientation de l’organisation générale de


l’administration territoriale de l’Etat est le texte qui a mis fin à la nature de collectivité territoriale du
district. Elle énonce, en effet, en son article 3 que « l’administration décentralisée est assurée dans le cadre
des collectivités territoriales que sont : les Régions ; les Communes… ». On le voit, certes le mot abrogation
n’apparait pas expressément dans ledit texte, mais y transparait en filigrane. Le district n’ayant pas été cité
aux côtés des catégories de collectivité, la région et la commune, retenues par ladite ordonnance, il y a lieu
d’affirmer qu’il a été supprimé du nouveau cadre des entités territoriales décentralisées. Il faut, pour mieux
s’en convaincre, consulter d’autres références textuelles.
52
En premier lieu, les idées défendues lors des campagnes présidentielles d’octobre 2010 préconisaient
déjà la suppression du district en ces termes : « Décentraliser aussi rapidement que possible et dans l'ordre,
oui. Décentraliser comme cela est fait depuis près de 10 ans dans la confusion et souvent dans
l'incohérence, certainement pas. C'est pourquoi nous allons reprendre en profondeur le processus de
décentralisation en commençant d'abord par sa préparation…Nous supprimeront les districts122… ».

En second lieu, le deuxième texte ayant extériorisé la volonté expresse du pouvoir central de retirer
le district du rang des collectivités locales, n’est rien d’autre que le communiqué du gouvernement du le 28
septembre123dont le contenu se donne à lire: « L’ordonnance prise en ce jour porte sur 3 points de
modification substantiels qui sont : la suppression du district en tant que collectivité décentralisée… ».
Pour justifier la suppression du district, et par-delà celle des départements et villes, le même
communiqué du gouvernement a par ailleurs relevé que « les mesures prises sont fondées sur la nécessité de
réduire le nombre de collectivités qui sont apparues comme source d’inertie en raison de nombreux conflits
de rattachements territoriaux consécutifs à leur création124».
Le problème de conflits de rattachements territoriaux soulevé, ici, est réel et constitue, à bien des
égards, une écharde dans la gestion efficiente des collectivités. Les nouveaux découpages125administratifs
réalisés en sont souvent les causes, vu qu’ils peuvent modifier des dénominations de bien de collectivités, en
changer le chef-lieu, et les limites territoriales. Les modifications portant sur les limites territoriales
demeurent les opérations les plus délicates, par cela qu’elles peuvent occasionner des situations nouvelles,
inattendues126, et parfois même allant à l’encontre des aspirations des populations locales. Elles contribuent
soit à l’émergence de nouvelles entités territoriales plus vastes, par la fusion de deux ou plusieurs petites
localités, soit à en réaliser de nouvelles plus réduites, au moyen de fractionnements ou de scissions d’autres.

La peur de perpétuer les conflits de rattachements territoriaux, ayant été au fondement de la


suppression de la collectivité de district, et partant, de celle de la ville et du département, il y a lieu de
s’interroger. Devrait-on comprendre qu’il ne pourrait plus avoir de découpages administratifs tendant à la
création de nouvelles catégories de collectivités au-delà de la région et la commune127 ? La région et la
commune sont-elles à elles seules de nature à rapprocher davantage les populations locales de
l’Administration ?

122
- Cf. Alassane OUATTARA, Vivre ensemble, p. 15, à consulter sur http://abidjandirect.net/index2.php?page=poli&id=9523, visité le vendredi
le 19 septembre 2014 à 11 h 42 mn.
123
- Le communiqué ayant sanctionné le Conseil des Ministres du mercredi 28 septembre 2011, tenu de 10 h à 12 h 30 à la
Fondation Félix HOUPHOUËT BOIGNY pour la recherche de la paix de Yamoussoukro. Voir à ce titre Fraternité Matin du jeudi
29 septembre 2011, p. 6.
124
- Voir le quotidien Le Mandat du mercredi 25 juillet 2012, p. 4.
125
- Le contenu de l’article 3 de la loi n°2001-477 du 9 août 2001 relative à l’organisation du département, en donne la teneur en
ces termes : « Les régions, les départements et les sous-préfectures sont créés, modifiés ou supprimés par décret pris en conseil
des ministres. Les villages sont créés, modifiés ou supprimés par un arrêté du ministre chargé de l’intérieur. Le décret ou l'arrêté
fixe le nom, le chef-lieu et le ressort territorial des circonscriptions administratives. Les circonscriptions administratives sont
créées, modifiées ou supprimées en vue du rapprochement de l'administration des administrés, de sa structuration pour
l'homogénéité du découpage et la correction des disparités régionales ».
126
- Les découpages administratifs élaborés par les gouvernements paraissent le plus souvent imposés aux populations locales
qu’ils se font sans consultation préalable des populations concernées.
127
- La loi n°2012-1128 du 13 décembre 2012 portant organisation des collectivités territoriales, est intervenue pour limiter
désormais les catégories collectivités territoriales ivoiriennes à deux, c’est-à-dire, à la région et à la commune.
53
Toutes ces mesures de suppression ayant concerné les districts, départements et villes, y compris la
suppression des 1126128nouvelles communes créées de 2005 à 2010129ont, en réalité, ramené la côte d’ivoire
à son niveau de décentralisation des années 1980, où elle ne comptait que deux catégories de collectivité
locales, à savoir la commune et la ville130. Le fait de passer de cinq (5) types de collectivité à deux (la région
et la commun), marque assurément, au moins du point de vue purement quantitatif, un recul de la politique
de décentralisation, qui dès lors rend illusoire l’idée de rapprochement de l’administration au plus près des
populations locales.
Au-delà du conflit de rattachement territorial ayant servi de motif pour supprimer le district en tant
que collectivité territoriale, il faut envisager d’autres hypothèses, qui pourraient être d’ordre politique et
économique.
Du point de vue politique, la raison ne serait pas différente de celle qui, à travers la loi d’orientation
de 2001, a guidé le législateur à supprimer les communautés rurales du cadre des collectivités locales, et
promouvoir ensuite le district et le département. En effet, le gouvernement de 2011, qui avait ses propres
priorités, n’a pas jugé utile de reconduire à son compte le projet des communautés rurales initié sous la
première république. Cette idée transparait clairement dans les déclarations qui suivent : « …quand j’étais
député, un projet de loi pour accroitre encore le nombre de communes nous a été soumis, mais d’un genre
nouveau : des Communautés Rurales, avec des spécificités nouvelles. Je me suis opposé à son texte, non pas
que je sois contre la création des communes, mais parce que je ne voulais pas de communautés rurales 131».
Voici donc ce qui a justifié le non maintien des communautés rurales dans l’arsenal juridique de la deuxième
république de 2001.
C’est, semble-t-il, la même logique, qui aurait en 2011, conduit à la suppression du district, du
département et de la ville de l’ordonnancement juridique, pour ne retenir que la région et à la commune. La
recherche d’une certaine originalité des réformes entreprises serait, en toile de fond, la raison des rejets
observés en 2001 et en 2011, chacun des gouvernants successifs voulant tracer ses propres sillons, sans
donner l’impression de faire du mimétisme.
Enfin, la suppression du district pourrait avoir été mise en œuvre pour des raisons purement d’ordre
financier, tant la Côte d’Ivoire, au demeurant sortant d’une crise armée profonde132, ne pourrait avoir de
ressources suffisantes pour continuer à faire fonctionner à la fois les communes, les départements, les
districts et, bientôt les régions. La suppression des districts pourrait, à ce titre, faire faire des bénéfices à
l’Etat, étant donné que leurs dotations budgétaires ne constituaient pas moins les plus importantes133à côté de
celles des départements et communes.
Mais, si le district a été supprimé en tant que collectivité territoriale, il n’a pour autant pas été exclus
de l’administration territorial, parce qu’il y figurera sous une nouvelle étiquette de circonscription
administrative d’un genre.

128
- Des centaines de nouvelles communes ont été créés par décret à partir de 2005. Et pour évoquer leur nombre, René DEGNI-
SEGUI reconnaissait que « la deuxième république a (…) créé à elle seule, de 2001 à 2010, près de 1126 communes ». Voir à ce
titre René DEGNI-SEGUI, op. cit., p. 271.
129
- « Pendant que les ivoiriens s’attendaient à un nouveau découpage municipal après la suppression des (1200) communes
créées tous azimuts par l’ancien président Laurent Gbagbo, le gouvernement a pris un autre virage à 180° pour annuler le projet
de décentralisation. Et pourtant, tout est prêt ». Voir le quotidien Le Mandat du mercredi 25 juillet 2012, p. 6.
130
-Hubert OULAYE et Axel SCHMIDT, La démocratie à l’échelon local en Côte d’Ivoire, op. cit., p. 17.
131
- Propos tenus lors des assises des Etats Généraux de la Décentralisation et du Développement Local, à Abidjan, à l’Hôtel Ivoire
du 15 au 18 janvier 2007. Voir à ce titre Etats Généraux de la Décentralisation et du Développement Local, Les Actes, page 25.
132
-Thomas HOFNUNG op.cit. p. 7.
133
- De 2003 à 2006 par exemple, le cumul du montant des budgets annuels des districts d’Abidjan et de Yamoussoukro sont
respectivement de : 2003(41.147.959. 920f), 2004(38.541.731.000f), 2005(27.828.944.350f) et 2006 (26.771.000.000 f). Cf. Voir
à ce titre Tableau récapitulatif des subventions annuelles des districts de 2003 à 2006, à consulter au département Archives de la
Direction Générale de la Décentralisation et du Développement Local (DGDDL) du Ministère de l’Intérieur et de la Sécurité.
54
B -La transformation du district en circonscription administrative de 2011 à 2013

Comme déjà dit, l’ordonnance de 2011 a supprimé le district du rang des collectivités territoriales et
l’a transformé en une nouvelle catégorie de circonscription administrative. Elle prescrit en son article 2
que « l’Administration Territoriale déconcentrée est assurée dans le cadre de circonscriptions
administratives hiérarchisées que sont : -les Districts ; -les Régions ; -les Départements ; -les Sous-
préfectures ; -les Villages ». Comme on le voit, le district est venu porter à cinq (5) le nombre des catégories
de circonscriptions administratives, qui n’en comptait que quatre (4) en 2010. Le système de la
déconcentration s’en est ainsi trouvé renforcé au détriment de celui de la décentralisation territoriale, donc
de la démocratie locale134.
A la suite de cette ordonnance, un décret d’application interviendra pour la création deux (2) districts
autonomes, le district autonome d’Abidjan et le district autonome de Yamoussoukro, et de douze (12) autres
districts135 qu’on pourrait qualifier de « simples ».
Tous ces districts au nombre total de quatorze (14) ayant été ainsi créés, il fallait parachever leur
cadre juridique par l’édiction de leur statut ; ce que fit le décret n°2013-293 du 2 mai 2013 portant
attributions, organisation et fonctionnement du district dont l’article 2 précise que « le district est une
circonscription administrative…situé à l'échelon supérieur de l'organisation territoriale déconcentrée ».
Le passage du district de sa nature de collectivité de type particulier à celle de circonscription
administrative appelle des conséquences juridiques théoriques : la perte de leur personnalité morale136 - la
perte du bénéfice du principe de l’autonomie administrative et financière137, et donc la perte du budget
autonome, des biens propres, d’organes propres - les gouverneurs devant désormais agir en tant que
représentants de l'État central, au même titre que les préfets, et non plus en tant que représentants des
populations locales138 comme l’est le maire139 - le reclassement des districts au sein des circonscriptions
administratives, au-dessus des régions, départements, sous-préfectures et villages, avec des missions
redéfinies140.

Ces mutations, qui devraient logiquement s’opérer automatiquement à la suite du changement de


statut du district, n’ont cependant pas eu lieu dans les faits. En effet, les deux districts d’Abidjan et de
Yamoussoukro n’ont connu, ni interruption, ni changement dans leur manière de fonctionner, vu que les
134
- Dr Gregor HAIMS : Fédéralisme et décentralisation. Expression des Etat fédéraux et centraux d’Europe. Séminaire sur la
décentralisation en Afrique de l’Ouest. Fondation Friedrich-EBERT, Bénin 6 mai 1994 : « La décentralisation peut accélérer la
démocratisation de l’Etat en augmentant l’influence des citoyens et celle des représentants élus au niveau local. Le renforcement
de leur responsabilité vis-à-vis de la commune ainsi que de leur initiative personnelle sont des conditions importantes pour le
fonctionnement de l’organisation démocratique d’un Etat ».
135
- L’article 3 du décret n°2011-263 du 28 septembre 2011 portant organisation du territoire national en districts et en régions
est libellé comme suit : « Sont créés les Districts ci-après:1.District du Bas-Sassandra ; 2.District de la Comoé ; 3.District du
Denguélé ; 4.District du Gôh-Djiboua ; 5.District des Lacs ; 6.District des Lagunes ; 7.District des Montagnes ; 8.District du
Sassandra-Marahoué ; 9.District des Savanes ; 10.District de la Vallée du Bandama ; 11. District du Woroba ; 12.District du
Zanzan ».

136
- Voir l’article 33 de la loi d’orientation de 2001, qui énonce que « Les régions, les départements, les districts, les villes et les
communes sont des collectivités territoriales dotées de la personnalité morale et de l'autonomie financière ».
137
- Idem.
138
- Le changement de statut réalisé en 2011 a fait perdre au gouverneur sa faculté de représenter le district, tel que recommandait
l’article 88 al.7 de la loi n°2014-453 du 9 août 2001 portant statut du district autonome d’Abidjan, qui énonce que le gouverneur «
représente le district sans préjudice des pouvoirs accordés par le conseil du district à des conseillers désignés pour représenter le
district au sein d'organismes extérieurs ».
139
- E. MELLA, « Contribution à la théorie de l’acte administratif local », Bibl. droit public, p.230.
140
- Les nouvelles attributions du district-circonscription administrative ont été, deux année après l’ordonnance de 2011,
déterminées par le décret n° 2013-293 du 2 mai 2013 portant attributions organisation et fonctionnement du district, notamment.
55
nouveaux gouverneurs nommés141en remplacement des premiers en exil, ont continué d’administrer
textuellement comme par le passé.
Le témoignage fourni par Charles Yao KOUASSI au sujet du dysfonctionnement de ces nouveaux
districts d’Abidjan et de Yamoussoukro, est assez topique, lorsqu’il laisse entendre ceci : « A l'analyse, force
est de constater toutefois que, jusqu'à ce jour, les districts autonomes d'Abidjan et de Yamoussoukro et leurs
autorités, (les Gouverneurs), continuent de fonctionner comme si ces structures administratives étaient des
collectivités décentralisés…de les faire approuver comme les communes et d'engager les projets comme les
collectivités décentralisées. Les gouverneurs de district d'Abidjan continuent d'engager des actions de
jumelage et de coopération décentralisée. Du reste, le gouverneur du district autonome d'Abidjan participe
régulièrement aux réunions des collectivités territoriales notamment au plan international. Il a même
participé à la dernière rencontre de l'Association Internationale des Maires Francophones (AIMF) tenue à
Abidjan en Côte d'Ivoire, où il a été élu Vice-président, alors qu'il ne préside pas aux destinées d'une
collectivité territoriale142».

Au-delà des deux nouveaux districts autonomes d’Abidjan et de Yamoussoukro, des difficultés d’un
autre ordre se sont présentées pour les douze143(12) autres districts (simples), qui attendaient de voir nommer
leurs gouverneurs. Ces derniers, à cause de la ferme opposition du corps préfectoral, ne seront jamais
nommés, laissant ainsi inachevée la première réforme du district, amorcée en 2011.
En ayant, en effet, placé ces gouverneurs au sommet de la hiérarchie des autorités déconcentrés, le statut
de 2013144 leur a, par voie de conséquence, reconnu une prééminence sur les « préfets de régions et de
départements 145». Il en a découlé, du moins théoriquement, la perte par les préfets, de leur titre honorifique
et de leur prestige au profit de ces nouveaux gouverneurs.
Pour tenter de contenir les conflits prévisibles à l’horizon, l’ordonnance de 2011 avait, de façon
prémonitoire, prévu en son article 9 que les rapports entre le gouverneur de district et le préfet seraient
déterminés par décret pris en conseil des ministres. Le décret du 2 mai 2013, pris à ce titre, fut contre toute
attente, celui-là même qui a accentuera les clivages entre les deux organes. Il dispose en effet en son article
8 que « le gouverneur du district est dépositaire de l’autorité de l’Etat dans le district », et chargé ce titre,
entre autres missions, de « représenter le président de la république, le gouvernement et chacun des
ministres » et de requérir en cas de besoin le « concours des autorités préfectorales ».
A la lecture, il ressort que le nouveau gouverneur s’est substitué aux préfets dans leur fonction de
représentants du président de la république, du gouvernement et des ministres, alors que la compétence en
question continuait de faire partie des attributions des préfets, vu que le nouveau statut de 2013 n’a
nullement mentionné146qu’ils n’en n’étaient plus dépositaires. Dès lors, l’on est fondé, à l’image de Charles
Yao KOUASSI147, à s’interroger en ces termes :

- le préfet de région devrait-il rendre compte de toutes ses activités au gouverneur, comme le sous-préfet le
fait au préfet ?
141
- Monsieur Robert Beugré MAMBÉ, en remplacement de Monsieur Pierre Djédji AMONDJI, ancien gouverneur du district
d’Abidjan et Monsieur Augustin TIAME, en remplacement de Monsieur Apollinaire N’DRI, ancien gouverneur de
Yamoussoukro.
142
- Voir Charles Yao KOUASSI, Le processus de la décentralisation en Côte d’Ivoire d’hier à aujourd’hui, 1èr édition Balafons
2013, page 130.
143
- Voir l’article 3 du décret n°2011-263 du 28 septembre 2011 portant organisation du territoire national en districts et en
régions.
144
Voir décret n° 2013-293 du 2 mai 2013 portant attributions organisation et fonctionnement du district.
145
- Idem, article 12.
146
- Les dispositions diverses et finales du décret (articles 44 et 45) ne mentionnent pas, comme si c’était fait en connaissance de
cause, la formule standard marquant la fin des nouvelles normes : « La présente ou le présent décret abroge toutes les dispositions
antérieures contraires ».
147
- Charles Yao KOUASSI, op. cit, page 137.
56
- le gouverneur aurait-il un simple pouvoir de coordination ou d'harmonisation en matière de
développement des actions des autorités préfectorales ?

- quel était le contenu du groupe de mots utilisé par l'article 8 du décret susmentionné, selon lequel le
gouverneur est dépositaire de l'autorité de l'État ?

- les autorités préfectorales seraient-elles désormais dépourvues de toute autorité à l’intérieur des districts ?

Ces quelques questions constituant la partie visible de l’iceberg, cachent en réalité une panoplie de
contradictions consubstantielles aux textes intervenus depuis 2011 pour transformer le district en
circonscription administrative. L’une des conséquences prévisibles est, comme l’on devait s’y attendre,
l’opposition catégorique du corps préfectoral à la nomination des 12 nouveaux gouverneurs restant à
nommer, après ceux d’Abidjan et de Yamoussoukro. La peur de se voir rétrogradés au second plan justifiait
ainsi l’hostilité lesdits préfets vis-à-vis de la finalisation du projet des 12 autres districts.
Si aucun des doux (12) gouverneurs districts n’a été nommé du 28 septembre 2011 148 au 5 août 2014149,
et que les autorités gouvernementales aient finalement décidé d’élaborer un troisième statut au district, c’est
dû aux difficultés, voire à l’impossibilité d’avoir pu concilier des fonctions desdits gouverneurs avec celles
des préfets. En effet, dit-on150, après maintes tractations menées par le l’autorité centrale auprès du corps
préfectoral, l’intransigeance de celui-ci aurait fini par infléchir la position du premier en ces termes : « C‘est
une question difficile. Je suis un démocrate et le gouvernement doit reprendre ces questions et nous faire des
propositions. C’est dire que les districts ne pourront pas être mis en place immédiatement 151 ». Comme si
c’était pour rassurer le corps préfectoral, du reste inquiet par la disparition de son prestige au profit des
gouverneurs, ladite autorité a poursuivi son propos comme suit : « je comprends vos interrogations et moi-
même j’en ai sur l’action à mettre en place…je demande au ministre de reprendre le dossier et de voir en
toute objectivité si nous devons mettre en place ces districts ou pas. J’ai des doutes comme vous152 ».
A l’analyse des propos ci-dessus énoncés, deux remarques se dégagent. D’abord, il revient que la
politique du district n’aurait pas été minutieusement ficelée en amont pour lever les éventuels écueils
susceptibles de bloquer sa réalisation. Ou du moins, si c’était le cas, elle l’aurait été d’autant précipitamment
qu’elle a minimisé le poids des obstacles y impliqués. Cela peut être traduit par l’idée émise, et qui tend, en
des termes ci-devant, à mener une autre étude : « Nous devons procéder à une nette appréciation de ces
question… je demande au ministre de reprendre le dossier et de voir en toute objectivité 153…». Il s’agit plus
concrètement de reprendre en main le dossier des districts-circonscriptions administratives, soit près de deux
(2) années après avoir rendu public le nouveau découpage administratif.
Mais, à regarder plus près, la nouvelle stratégie adoptée ressemble plus à un subtil abandon définitif
de cette politique de district qu’à sa réelle reprise par les services du ministère de l’intérieur. La raison tient
au scepticisme enveloppant les propos sus indiqués, exprimant le doute : « J’ai des doutes comme vous », et
la possibilité de mettre un terme à l’entreprise : « si nous devons mettre en place ces districts ou pas ».
Quand on sait que la suppression des départements, des district et villes est en partie intervenue en
2011 pour des raisons tenant à l’existence de conflits de rattachements territoriaux, il n’y a pas de doute que
la recherche de la simplicité ait été au fondement de ce désistement furtif du pouvoir central. Le souci

148
- Date à laquelle le district fut transformé en circonscription administrative.
149
- Date d’édiction du tout dernier statut de district, conçu pour contourner les difficultés impliquées dans celui de 2013.
150
- Information officieuse recueillie auprès d’une personnalité de la Direction Générale de la Décentralisation et Développement
Local (D.G.D.D.L.) ayant décidé de garder l’anonymat.
151
- Voir le quotidien Fraternité Matin du samedi 14 – dimanche 15 septembre 2013, p. 5.
152
- Idem.
153
- Ibidem.
57
d’éviter un conflit d’intérêts dans le champ du pouvoir154 entre les gouverneurs et les préfets, semble donc
être la cause du renoncement, à demi-mot, à la nomination des douze (12) gouverneurs manquant à l’appel.
Devant l’impossibilité de parachever la réforme tendant à transformer le district en circonscription
administrative, le gouvernement va se résoudre à lui élaborer un troisième statut en 2014. Mais, alors que la
nouvelle vision était censée restituer au district sa nature de collectivité territoriale, les nouveaux textes en
ont fait une entité sui generis155.

Section II-Le passage du district de sa nature de circonscription administrative à celle d’une entité
territoriale sui generis à partir de 2014

Avec le nouveau statut de 2014, le district s’affiche comme une entité sui generis, c’est-à-dire, une
catégorie d’entité territoriale atypique156 (B), suite à une tentative infructueuse officieuse menée pour lui
redonner sa nature de collectivité locale (A).

Paragraphe I-La tentative secrète et infructueuse de restauration du district dans son statut de
collectivité territoriale en 2014.

Si la suppression des départements, des villes et des 1283 nouvelles communes en 2011, n’a posé
aucune difficulté dans la poursuite de la politique de l’administration du territoire, il en est différemment en
ce qui concerne celle du district. La suppression de ce dernier n’a, au contraire, pas moins soulevé des
difficultés insurmontables, obligeant ainsi les autorités centrales à changer de stratégie. Les nouveaux
districts n’ayant pas pu fonctionner en tant que circonscriptions administratives, la solution préconisée a
d’abord tenté de rétablir, de façon « confidentielle » leur premier statut de 2001 (1), avant de se résoudre, en
second lieu, à éditer de nouveaux projets de lois (2).

A- La procédure « confidentielle » usitée pour redonner au district sa nature de collectivité


territoriale

154
-LABAZEE. Les dynamiques du champ du pouvoir en pays Kiebara (Côte d’Ivoire). Pouvoirs et cités d’Afrique noire. Paris
1993 : « L’arbitrage de l’Etat est un facteur déterminant dans l’issue des luttes démocratiques, les lignages…L’intervention
directe du pouvoir central dans le mode d’accès au pouvoir municipal n’est pas sans
conséquence… ».Voirhttp://www.google.com/search?
aq=f&cx=w&sourceid=chrome&ie=UTF&q=annexe+fiscale+de+cote+d'ivoire+de+2001, consulté le 12/09/2016 à 13h 28 mn.

155
- J.J.S.S. Le pouvoir régional. Paris Grenet 1971 p. 37 : « Les rapports entre l’Etat et les collectivités sont toujours imprégnés
par un esprit de domination d’autoritarisme du pouvoir central, qui altère en profondeur le fonctionnement de la démocratie et
nuit gravement à une bonne gestion du pays…Ainsi la France est, en effet gouvernée selon le plus vieux modèle : la hiérarchie.
C’est à la fois le signe et la raison du sous-développement français ».
156
-Définition tirée du « Dictionnaire Universel », Hachette Edicef.

58
Le caractère de confidentialité du projet ayant tenté de restaurer la nature initiale du district, tient non
seulement à l’intitulé même des documents fournis à ce sujet, mais aussi à la procédure suivie pour y
parvenir.
Il faut le rappeler, la procédure utilisée pour porter l’information du changement du statut district à la
connaissance de la population ivoirienne, a été des plus officielles. En effet, l’information fut rendue
publique par le communiqué de gouvernement du 28 septembre 2011, diffusé par la Radiodiffusion
Télévision Ivoirienne (R.T.I.) le même jour, par le quotidien gouvernemental, Fraternité Matin157, puis par
l’ordonnance n°2011-262 du 28 septembre 2011 portant orientation sur l'organisation générale de
l'administration territoriale de l'État.
Cette ordonnance sera suivie par la loi n°2012-1128 du 13 décembre 2012 portant organisation des
collectivistes territoriales, puis par le décret n°2013-293 du 2 mai 2013 portant attributions organisation et
fonctionnement du district. On le voit, la procédure utilisée a fait intervenir des moyens de communication
diversifiés pour rendre la réforme la plus accessible possible.
Au nom du principe du parallélisme des formes et de procédures, il aurait fallu que le retour du district à
sa nature initiale de collectivité décentralisée intervint dans les mêmes formes et procédures. Mais pour des
raisons non révélées, les autorités ont plus tôt voulu emprunter un chemin raccourci pour mettre fin au statut
litigieux du district de 2013, et ce, aux travers de deux notes confidentielles qu’il convient de présenter en
substance avant d’en donner quelque commentaire.

 La note confidentielle n°088/SGG/CF/M du Secrétariat du Gouvernement

Le 24 janvier 2014, le Secrétariat Général du Gouvernement a adressé au Ministre d’Etat, Ministre


de l’Intérieur et de la Sécurité, une note confidentielle ayant pour objet les « STATUTS DES DISTRICTS
D’ABIDJAN ET DE YAMOUSSOUKRO ». En voici le connu : « Monsieur le Ministre d’Etat, en exécution
des instructions relatives au statut des districts d’Abidjan et de Yamoussoukro que Monsieur le Président de
la République a bien voulu adresser au Secrétaire Général du Gouvernement au cours du conseil des
Ministres du mercredi 22 janvier 2014, j’ai l’honneur de vous faire tenir ci-joint, copie de l’Attestation du
Gouvernement n°5000bis/0001/SGG/CM du 22 janvier 2014 relative à la situation desdits districts. Je saisis
cette occasion pour porter à votre connaissance que les dispositions de l’ordonnance n°2011-262 du 28
septembre 2011 d'orientation sur l'organisation générale de l'administration territoriale de l'État ne sont
pas applicables au district d’Abidjan et de Yamoussoukro. En effet, la loi n°2001-478 du 09 août 2001
portant statut du district d’Abidjan et la loi n°2002-44 du 21 janvier 2002 portant district de
Yamoussoukro, sont toujours en vigueur et n’ont pas fait l’objet d’abrogation. Je vous prie d’agréer,
Monsieur le Ministre d’Etat, l’expression de ma considération distinguée ».

 La note 5000 bis/0001/SGG/CM du Secrétariat du Gouvernement

Edictée un (1) jour158 avant la première note ci-dessus, cette note est intitulée « ATTESTATION »,
énonce ceci : « Le secrétaire général du gouvernement atteste que le district d’Abidjan et de Yamoussoukro,
collectivités territoriales de type particulier dotés de personnalité morale et de l’autonomie financière, sont
régis respectivement par la loi n°2001-478 du 09 aout 2001 portant statut du district d’Abidjan et la loi
n°2002-44 du 21 janvier 2002 portant district de Yamoussoukro. La loi n°2001-478 du 09 aout 2001
portant statut du district d’Abidjan et la loi n°2002-44 du 21 janvier 2002 portant district de
Yamoussoukro, sont toujours en vigueur et n’ont pas fait l’objet d’abrogation. Par conséquent, les
157
- Voir Fraternité Matin du 29 septembre 2011.
158
- Abidjan le 23 janvier 2014.
59
dispositions de l’ordonnance n°2011-262 du 28 septembre 2011 d'orientation sur l'organisation générale
de l'administration territoriale de l'État, ne sont pas applicables aux districts d’Abidjan et de
Yamoussoukro. En foi de quoi, la présentation est délivrée pour servir et valoir que de droit ».

Le contenu commun de ces deux notes confidentielles appelle quelque commentaire, notamment en ce
qui concerne l’idée selon laquelle « la loi n°2001-478 du 09 août 2001 portant statut du district d’Abidjan et
la loi n°2002-44 du 21 janvier 2002 portant district de Yamoussoukro, sont toujours en vigueur et n’ont pas
fait l’objet d’abrogation ». L’objet est clair, celui de démontrer que les districts d’Abidjan et de
Yamoussoukro n’auraient pas été supprimés par l’ordonnance de 2011159 et que celle-ci les aurait laissés
subsister dans l’ordonnancement juridique. Pour en avoir le cœur net, il y a lieu de rappeler certaines
dispositions pertinentes de cette ordonnance.
En effet, il faut s’en tenir aux articles 36 et 52 de ce texte cadre pour apprécier le bien-fondé de ces
notes confidentielles. L’article 36, en premier, dispose que « l’administration décentralisée est assurée dans
le cadre de collectivités territoriales que sont : - les Régions ; - les Communes… ». L’article 52, quant à lui,
laisse lire ceci : « La présente ordonnance abroge et remplace la loi n°2001-476 du 09 août 2001
d’orientation sur l’organisation générale de l’administration territoriale ».
La remarque est que l’article 36 de l’ordonnance de 2011 ne mentionne expressément que deux (2)
catégories de collectivité, les régions et les communes, alors que la loi de 2001 qu’elle abroge 160 en
mentionnait cinq (5), à savoir, la région, le district, le département, la ville et la commune. En s’étant limitée
à la région et à la commune en tant que les seules catégories de collectivités décentralisées retenues, l’article
36 de l’ordonnance a au contraire, indirectement supprimé les districts, les départements et les villes créés
par la loi d’orientation de 2001. N’ayant donc pas été cité dans ladite ordonnance, le district a été tenu
implicitement comme retiré du rang des collectivités territoriales.
En outre l’article 52 de la même ordonnance vient confirmer tout aussi indirectement la même idée
en énonçant que : « la présente ordonnance abroge et remplace la loi n°2001-476 du 09 août 2001
d’orientation sur l’organisation générale de l’administration territoriale ». Pour rappel, le district tient
d’abord sa création de la loi d’orientation de 2001, laquelle loi trouvera ensuite son application à travers les
statuts des districts d’Abidjan et de Yamoussoukro susmentionnés. Ces deux statuts étant directement
dépendants de loi d’orientation de 2001, l’abrogation de celle-ci dernière emporte automatiquement la leur,
en l’absence de disposition spéciale contraire annonçant leur maintien dans l’ordonnancement juridique.
Si l’ordonnance de 2011 avait voulu laisser subsister les statuts des districts d’Abidjan et de
Yamoussoukro dans l’ordre juridique des collectivités décentralisées de 2011, il l’aurait spécialement
mentionné non dans ses dispositions, mais aussi dans le communiqué du gouvernement ayant porté la
réforme à la connaissance de la population le 28 septembre 2011. Or, c’est plutôt ledit communiqué qui a
véhiculé de façon la plus explicite l’idée de « …la suppression du district en tant qu’entité
décentralisée161 ».
Par ailleurs, loi postérieure n°2012-1128 du 13 décembre 2012 portant organisation des collectivités
territoriales, ne dit pas le contraire en mentionnant en ses articles 148162 et 170, la région et la commune les
seules catégories de collectivités retenues par le législateur ivoirien, parce que le district n’y figure pas.

159
- L’ordonnance n°2011-262 du 28 septembre 2011 portant orientation sur l'organisation générale de l'administration territoriale
de l'État.

160
- Article 32 : « l'administration décentralisée est assurée dans le cadre de collectivités territoriales qui sont : - les régions ; -
les départements ; - les districts ; - les villes ; - les communes… ».
161
- Fraternité Matin du 29 septembre 2011, op. cit., p. 6.
162
- L’article 148 est le premier des articles spécialement réservés à la région dans la loi n° 2012-1128 du 13 décembre 2012
portant organisation des collectivités territoriales. Pour la commune, il faut se rabattre sur l’article 170 et suivant.
60
Alors, d’où vient-il que ces notes confidentielles veuillent subitement faire croire que les statuts des
districts d’Abidjan et de Yamoussoukro n’auraient pas fait l’objet d’abrogation par l’ordonnance de 2011, et
qu’ils auraient par conséquent subsisté dans l’ordonnancement juridique d’après 2011 ? Par quelle alchimie
juridique peut-on croire que ces districts n’aient pas été supprimés en tant que collectivité territoriale du
cadre légal, alors qu’ils ne figurent nulle part dans la liste des collectivités dressée par l’article 37 de
l’ordonnance ? De quelle manière le district auraient-ils pu survivre à cette abrogation si les textes
postérieurs163relatifs aux collectivités décentralisées n’en ont aucunement fait mention ? Ou alors, comment
croire à cette note confidentielle alors que le communiqué de gouvernement du 28 septembre 2011
annonçait « …la suppression du district en tant qu’entité décentralisée » ? Enfin, comment ajouter foi aux
énonciations de ces notes confidentielles, alors que l’idée de la suppression des districts figurait déjà depuis
longtemps dans le programme de gouvernement164 défendu un an plus tôt par l’auteur de l’ordonnance de
2011 ? Comment une simple note pourrait-elle modifier une ordonnance ?
Contrairement donc à l’esprit des notes confidentielles présentées plus haut, ni l’ordonnance de 2011,
ni le communiqué de gouvernement qui l’a accompagnée, ni la loi n°2012-1128 du 13 décembre 2012
portant organisation des collectivités territoriales, ni le programme de campagne 2010 évoqué ici, ne laisse
transparaître, tant explicitement qu’implicitement, une quelconque idée du maintien des statuts des districts
d’Abidjan et de Yamoussoukro dans l’ordonnancent juridique de la Côte d’Ivoire après 2011. Cette
démarche, à moins de trouver un autre justificatif acceptable, demeure sans aucune logique juridique, et ne
saurait, loin s’en faut, convaincre.
Et c’est peut-être cette impossibilité de convaincre juridiquement, qui a conduit à une autre stratégie,
consistant cette fois-ci en l’adoption de nouveaux projets de lois pour aboutir aux mêmes fins.

B-Abandon de la procédure confidentielle pour l’officialisation du projet

La voie empruntée par les deux notes confidentielles n’ayant pu redonner aux deux districts
d’Abidjan et de Yamoussoukro leur premier statut de collectivité territoriale, il fallait y parvenir par d’autres
moyens. C’est le sens de la réforme de 2014, la troisième du genre depuis 2011, tendant à déterminer une
fois pour toute de nouveaux textes de lois portant, tant sur l’organisation de l’administration du territoire,
que sur le statut du district.
Cette troisième tentative pouvait aboutir à ses fins avec la réintroduction des statuts de 2001 par
ordonnance ou même par décret, les autorités ont préféré édicter des projets de lois. La question du district,
du reste, devenue préoccupante, pourrait peut-être trouver par là une issue définitive qu’étant soumise à la
sagacité des élus parlementaires.

163
- La loi n°2012-1128 du 13 décembre 2012 portant organisation des collectivités territoriales ; le décret n°2011-263 du 28
septembre 2011 portant organisation du territoire national en Districts et en Régions, le décret n°2012-1153 du 19 décembre 2012
fixant la composition numérique des Conseils Régionaux et des Bureaux des dits Conseils ; le décret n°2012-1154 du 19
décembre 2012 fixant le nombre de Conseillers Municipaux et des Adjoints au Maire par Commune ; le décret n°2013-474 du 02
juillet 2013 fixant les conditions et modalités de l’utilisation des services déconcentrés de l’Etat implantés dans les collectivités
territoriales ; le décret n°2013-476 du 02 juillet 2013 fixant les modalités d’établissement du cadre organique des emplois des
collectivités Territoriales ; le décret n° 2013-477du 02 juillet 2013 fixant les modalités de fonctionnement des Municipalités et des
Bureaux des Conseils Régionaux ; le décret n°2013-478du 02 juillet 2013 portant institution d’indemnités et avantages en faveur
de certains fonctionnaires et agents exerçant dans les collectivités territoriales ; le décret n°2013-479 du 02 juillet 2013 fixant les
modalités de mise à disposition de la Région et de la Commune respectivement du Directeur Général d’Administration de Région
et du Secrétaire Général de Mairie par l’autorité de tutelle et définissant leurs attributions ; le décret n°2013-487 du 11 juillet 2013
portant institution, organisation et fonctionnement du Comité National de Coopération Décentralisée...
164
- Cf. le programme de gouvernement « Vivre ensemble » du candidat Alassane OUATTARA à l’occasion des élections
présidentielles de 2010, op., cit. Pour rappel, ledit programme énonçait au sujet des districts ce qui suit : « Décentraliser aussi
rapidement que possible et dans l'ordre, oui. Décentraliser comme cela est fait depuis près de 10 ans dans la confusion et souvent
dans l'incohérence, certainement pas. C'est pourquoi nous allons reprendre en profondeur le processus de décentralisation en
commençant d'abord par sa préparation…Nous supprimeront les districts d’Abidjan et Yamoussoukro… ».
61
L’option des projets de lois, pour le moins dilatoire165, peut se comprendre. L’ordonnance de 2011 et
le décret de 2013166 ont d’autant précipitamment remodelé le statut du district qu’ils n’ont pas suffisamment
eu le temps de voir venir les incohérences, qui ont fini par occasionner des obstacles insurmontables
manifestés, entre autres, par l’opposition du corps préfectoral dont les développements précédents ont fait
mention.
Par ailleurs, ce long détour pourrait avoir été suscité par certains écrits d’administrateurs et des
critiques de partis d’opposition. Pour ce qui concerne les premiers, il y a lieu de faire mention des
observations d’un auteur avisé, au regard de ses fonctions assurées en tant que Directeur des Affaires
Générales à la Direction de la Décentralisation et du Développement Local (DGDDL). Charles Yao
KOUASSI, a ainsi pu mettre en relief « les préoccupations posées par le nouveau statut du district » dans
son œuvre167. Et quant aux critiques des partis politiques, il faut s’en tenir à celles faites par un ancien
président de conseil général, membre du FPI. Ses propos168 portant tout aussi sur les réformes ayant modifié
le statut du district.
Le district ayant été officiellement retiré du rang des collectivités locales et transformé en
circonscription administrative, comment le ramener à son statut antérieur sans donner l’impression d’avoir
eu tort de l’avoir supprimé plus tôt ? Comment imprimer une marque d’originalité au nouveau district de
2014 en montrant qu’il a été méticuleusement repensé, muri, et donc complètement différent du statut avorté
de 2014 et de celui institué par décret en 2013 ? Voici autant de raisons qui, auraient conduit le législateur à
édicter de nouveaux textes à travers la démarche adoptée en conseil des ministres169le 2 juillet 2014, et qui a
abouti à la mise en place quatre projets de lois :

1- un projet de loi portant orientation de l’organisation générale de l’Administration territoriale de l’Etat


(en remplacement de l’ordonnance n°2011-262 du 28 septembre 2011 d'orientation sur l'organisation
générale de l'administration territoriale de l'État) ;

1- un projet de loi portant statut du District Autonome d’Abidjan (en remplacement de la loin°2001-478
du 09 août 2001 portant statut du district d’Abidjan) ;

165
- L’élaboration d’une loi nécessite une longue procédure, qui part de la préparation du projet, pour se terminer par sa
publication de la loi, en passant par sa soumission du projet aux commissions spéciales de l’Assemblée Nationale pour examen,
aux débats en assemblée plénière, à une éventuelle intervention du Conseil Constitutionnel, au vote de la loi, puis à sa
promulgation. Il faudra en plus, pour les rendre applicables, prendre des mesures d’exécution à travers des décrets, arrêtés
interministériels, arrêtés ministériels, circulaires, directives, notes de services…
166
- Cf. le décret n°2013-293 du 2 mai 2013 portant attributions organisation et fonctionnement du district
167
-Charles Yao KOUASSI, Le processus de la décentralisation en Côte d’Ivoire d’hier à aujourd’hui, 1èr édition Balafons 2013,
op. cit., p. 133-146. L’auteur n’est pas un inconnu des services l’Administration territoriale ivoirienne, ayant été Sous-Directeur
des circonscriptions administratives à la Direction Générale de l’Administration Territoriale (DGAT) en 2000, Directeur des
Affaires Générales à la Direction de la Décentralisation et du Développement Local (DGDDL) de 2006 à 2007, Directeur de la
Tutelle Economique et Finances à la DGDDL, 2007 à 2011 et depuis 2013, Conseiller Technique du Premier Ministre de
l’Economie et du Budget de Côte d’Ivoire.
168
- « … en avril 2011 ; les gouverneurs des districts d’Abidjan et Yamoussoukro ont été systématiquement remplacés (…) ces
deux districts ont été supprimés en tant que collectivité territoriale et remplacés par des circonscriptions administratives d’un
type nouveau (…) les conseils généraux supprimés ;les 1182 nouvelles communessupprimées (…) Si vous remarquez bien, la
politique mise en place (…) n’est rien d’autre que la manifestation de sa vision d’effacer tout ce qui porte la marque du FPI … ».
Propos de l’un des anciens Présidents des Conseils Généraux (voulant garder le secret de l’anonymat), dignitaire du FPI, se
prononçant, en 2014, à l’occasion des recherches en vue des travaux de cet article, sur la question de l’évolution de la politique de
décentralisation sous la deuxième république.
169
- Le conseil des ministres s’est tenu de 16 h 00 mn à 18h 30, au Palais de la Présidence de la République à Abidjan, sous la
présidence effective du Président de la République, Alassane OUATTARA. Voir : www.gouv.ci, consulté le 2 juillet 2014 à 23h
13.
62
2- un projet de loi portant statut du District Autonome de Yamoussoukro (en remplacement de la loi et
n°2002-44 du 21 janvier 2002 portant district de Yamoussoukro) ;

3- un projet de loi portant mode de création, attributions, organisation et fonctionnement du District


Autonome (en remplacement du décret n°1023-293 du 02 mai 2013 portant attributions, organisation
et fonctionnement du district).

Les projets ci-dessus deviendront effectivement des lois après leur adoption par le parlement et leur
promulgation par le président de la république le 5 août 2014. Ainsi sont apparues les nouvelles lois
suivantes : 1- la loi n°2014-451 du 5 août 2014 portant orientation de l’organisation générale de
l’administration territoriale ; 2- la loi n°2014-452 portant mode de création, attributions, organisation et
fonctionnement du district autonome ; 3- la loi n°2014453 portant Statut du district autonome d’Abidjan ; 4-
la loi n°2014-454 portant Statut du district autonome de Yamoussoukro.

Mais, ces quatre nouvelles lois, au lieu de redonner, comme prévu, au district sa nature de collectivité
territoriale, ont plus tôt abouti à la mise en place d’une entité territoriale sui generis.

Paragraphe -Le nouveau district autonome de 2014, une entité sui generis.

La nouvelle loi n°2014-451 du 5 août 2014 portant orientation de l’organisation générale de


l’administration territoriale, qui remplace l’ordonnance de 2011, apporte des innovations qui font du district
autonome une institution atypique, qui n’est ni circonscription administrative, ni collectivité territoriale (1),
mais dont la nature reste à déterminer (2).

A-Le district autonome de 2014, ni circonscription administrative ni collectivité territoriale.

La loi n°2014-451 du 5 août 2014 portant orientation de l’organisation générale de l’administration


territoriale, qui est la troisième du genre de la deuxième république après les textes de 2001170 et de 2011171,
apporte des surprises, alors qu’elle était censée poser un nouveau cadre territorial dans lequel le district
retrouverait sa place de collectivité locale aux côtés des régions et communes.
La curiosité s’annonce dès l’article 1er, qui présente les systèmes d’organisation à l’aune desquels
doit désormais s’appréhender l’administration territoriale ivoirienne. Il dispose en effet que
« l’administration territoriale est structurée selon les principes de la déconcentration, de la décentralisation
et l’entité territoriale particulière qu’est le district autonome… ».

170
- La première loi cadre de la deuxième république est loi n°2001-476 du 9 août 2001 portant loi d’orientation sur l’organisation
générale de l’Administration territoriale. Elle prévoyait quatre (4) catégories de circonscriptions administratives (la région, le
département, la sous-préfecture et le village) et cinq (5) types de collectivités décentralisées en son article 32, à savoir : la région,
le département, le district, la ville et la commune.
171
- L’ordonnance n° 2011-262 du 28 septembre 2011 portant orientation de l’organisation générale de l’Administration
Territoriale de l’Etat, constitue le deuxième texte cadre de la deuxième république, en ce qu’il prévoyait quatre (4) types de
circonscriptions administratives (la région, le département, la sous-préfecture et le village) et seulement deux (2) types de
collectivités décentralisées, la région et la commune. Pour justifier ce choix, le Directeur Général de la D.G.D.D.L., Monsieur
Parfait GOHOUROU a, à l’occasion d’une interview accordée à Fraternité Matin (le quotidien gouvernemental ivoirien) le lundi
12 mars 2012, laissé entendre qu’il s’agissait pour le gouvernement de « faire une stricte application de la constitution
ivoirienne… ». A ce sujet, il faut rappeler que l’article 120 de la constitution du 1 er août 2000 dispose que « Les collectivités
territoriales sont la région et la commune ».
63
Il s’agit là d’une trouvaille du législateur ivoirien qui, aura enrichi le système d’organisation
administrative d’un troisième élément suscitant la curiosité. Dorénavant, avec cette loi de 2014, il faudra
avoir à l’esprit qu’en Côte d’Ivoire, la politique de l’administration du territoire se conjugue à trois temps.
D’abord, le système de déconcentration régissant les circonscriptions administratives, lequel est
prévu à article 2 en ces termes : « L’administration territoriale déconcentrée est assurée dans le cadre de
circonscriptions administratives hiérarchisées que sont : les régions172; les départements ; les sous-
préfectures ; les villages ».
Le législateur a ensuite reconduit le système de décentralisation dans le titre II de ladite loi, et plus
précisément à l’article 32. Celui-ci énonce que « l’administration décentralisée est assurée dans le cadre de
collectivités territoriales que sont : les régions ; les communes … ». En matière de décentralisation, cet
article n’est rien d’autre que la réplique des dispositions de l’article 36 de l’ordonnance n° 2011-262 du 28
septembre 2011 qui avait, trois ans plus tôt, réduit à la région et à la commune les collectivités locales
ivoiriennes après le retrait des départements, districts et villes.
Enfin, en troisième lieu, il faut remarquer l’avènement d’un troisième système d’organisation
administrative, jusque-là inconnu. Et c’est là où le législateur ivoirien se démarque absolument des deux
systèmes classiques de déconcentration173et de décentralisation174, pour innover. Pour rappel, l’article 1er du
nouveau texte de 2014 se donne à lire : « l’administration territoriale est structurée selon les principes de la
déconcentration, de la décentralisation et l’entité territoriale particulière qu’est le district autonome… ».
Il est désormais clair que, si les circonscriptions administratives (les régions les départements ; les
sous-préfectures ; les villages) sont régies par le système de la déconcentration, et que les collectivités
territoriales (la région et la commune) par celui de la décentralisation, le district autonome de 2014 est
organisé selon le nouveau système d’organisation dénommé « l’entité territoriale particulière qu’est le
district autonome », une appellation, du reste incommode à cause de sa longue tirade. Le législateur aurait
dû trouver à sa place une expression ou un concept simple et univoque.
Ledit législateur aurait, peut-être, eu du mal à trouver un concept simple pour désigner son invention
(le troisième système d’organisation administrative), car la logique aurait voulu que le résultat fut obtenu par
la combinaison des deux termes de déconcentration et de décentralisation, du reste impliqués dans les
nouvelles règles d’organisation du district de 2014175. A ce titre, l’on aurait des hypothèses telles : la
« décondécentralisation », la « décentrodéconcentration », la « décendécontralisation », la
« concentrodécentralisation ». Il y a, là, une probabilité de créer un nombre infini de noms hybrides, et
c’est peut-être la crainte de susciter des controverses ou paradoxes, qui a conduit le législateur à se contenter
de cette longue et vague expression de « l’entité territoriale particulière qu’est le district autonome ». Mais,
n’ayant pu procéder autrement, l’entreprise du législateur ne laisse pas moins un goût d’inachevé, ce qui
incite à penser qu’il aurait fallu creuser davantage pour échafauder un vocable tout aussi atypique que le
système inventé.
Dans cette logique, ce nouveau système d’organisation pourrait tout simplement se nommer la
« Combinaison », entendue naturellement comme l’enchevêtrement les deux techniques classiques de
déconcentration et de décentralisation, mais sans besoin de les laisser transparaître phonétiquement. L’on
peut à ce titre relever que la nouvelle loi d’orientation de 2014 organise l’administration territoriale

172
- L’article 33 de la loi n°2014-451 portant orientation de l’organisation générale de l’administration territoriale : « Les régions
et les communes sont des collectivités territoriales dotées de la personnalité morale et de l’autonomie financière ».
173
- J. F. Auby, La décentralisation fait-elle naître de nouvelles tutelles ? AJDA, 1984, p.412.
174
Francis-Paul Benoit : Le droit administratif français, Dalloz, 1968, ns 201 et s, 275 et s.
175
- L’article 47 de la loi d’orientation de 2014 fait du district une entité territoriale particulière régie « par des règles de la
déconcentration et de la décentralisation ». Etant régi par un troisième système d’organisation dont l’appellation pose problème,
ne serait-il pas loisible de tenter d’inventer un concept combinant, ou du moins rappelant les termes de déconcentration et de la
décentralisation ?
64
ivoirienne autour de trois systèmes que sont la déconcentration, de la décentralisation et la
« Combinaison ».
Toutefois, des questions restent sans réponses. Si les régions, départements, sous-préfectures et
villages sont des circonscriptions administratives, et que les régions et communes sont des collectivités
décentralisées, que sont alors les nouveaux districts autonomes de 2014 ? Ou alors, si ces districts
autonomes ne sont ni des circonscriptions administratives, ni des collectivités locales, de quelle nature
d’entité territoriale se réclament-ils ?

B-Le district autonome de 2014, une entité dont la nature reste à déterminer.

Aucune disposition de la loi n°2014-451 du 5 août 2014 portant orientation de l’organisation


générale de l’administration territoriale ne permet d’affirmer que le district autonome, qui en est issu, est une
circonscription administrative ou une collectivité territoriale. Le premier texte à le prouver est l’article 2, qui
dispose que « l’administration territoriale déconcentrée est assurée dans le cadre de circonscriptions
administratives hiérarchisées que sont : les régions, les départements, les sous-préfectures et les villages…
».

Cet article, comme on le constate, dresse la liste des circonscriptions administratives ivoiriennes, c'est-à-
dire les entités territoriales régies uniquement par le système de la déconcentration. Mais, contrairement à la
liste de l’ordonnance de 2011176 et de celle du décret de 2013177, la liste de cet article 2 ne mentionne pas le
district autonome, preuve que ce dernier n’est plus considéré comme une circonscription administrative au
même titre que les régions, les départements, sous-préfectures et villages. N’étant donc pas une
circonscription administrative, le district autonome de 2014 est-il pour autant une collectivité décentralisée ?

Le deuxième texte à voir ne conduit non plus à considérer le nouveau district autonome comme une
collectivité territoriale. Il faut se porter à l’article 32 de cette même loi pour s’en convaincre, celui-ci
disposant que « l’administration décentralisée est assurée dans le cadre de collectivités territoriales que
sont : les régions ; les communes… ». Ici, une fois de plus, les catégories de collectivités territoriales
retenues par le législateur sont citées à l’exclusion du district autonome. Le district autonome n’est donc pas
une collectivité décentralisée, les seules retenues étant les régions et communes.
Alors, si le district autonome de 2014 ne peut être qualifié de circonscription administrative, ni de
collectivité territoriale, qu’est-il ? Sur cette question, les textes de la loi susmentionnée ne permettent pas,
une fois de plus, d’apporter une réponse claire, le législateur ayant laissé le lecteur sur sa faim.
Dans ces conditions, y a lieu, comme dans l’hypothèse précédente, de créer une expression de toute
pièce, sans forcément s’attendre à ce que les deux termes de référence de circonscription administrative et
collectivité territoriale, s’y harmonisent phonétiquement. Les hypothèses pourraient, entre autres,
s’appréhender en ces termes : la « circonscription-collectivité », la « collectivité-circonscription » ou la
« circoncollectivité ». Là encore, les supputations se veulent infinies, bien entendu avec leurs risques
d’amalgame et de paradoxes.
Alors, tout comme il a fallu échafauder le concept de « combinaison » pour désigner le nouveau
système d’organisation administration (l’entité territoriale particulière qu’est le district autonome) inventé
par le législateur en 2014, il y a eu lieu de créer un vocable susceptible de désigner l’entité territoriale en
découlant. A ce titre l’expression la « Centrolocale » pourrait combler le vide. C’est dire que, telle que la
176
- L’article 2 de l’ordonnance n°2011-262 du 28 septembre 2011 portant orientation de l’organisation générale de
l’administration territoriale de l’Etat : « L’administration territoriale déconcentrée est assurée dans le cadre de circonscriptions
administratives hiérarchisées que sont : les régions ; les départements ; les sous-préfectures ; les villages ».
177
- L’article 2 du décret n°2013-293 du 02 mai 2013 portant attribution, organisation et fonctionnement du district.
65
technique de la décentralisation débouche sur les collectivités territoriales (entités territoriales) dont se
réclament la région et la commune (unités territoriales), la nouvelle technique de la « combinaison »
débouche sur la « Centrolocale » (entités territoriales) dont dépend le district « unité territoriale ». Toutes
ces analyses sont synthétisées dans le tableau ci- dessous

N Les systèmes d’organisation Les catégories d’entités Les catégories


° administrative territoriales d’ « unités
territoriales ».
1 Les Régions ;
La déconcentration Les Circonscriptions Les Départements ;
Administratives. Les Sous-préfectures ;
Les Villages.
2
La décentralisation Les Collectivités Les Régions ;
Territoriales Les Communes.
3 L’entité territoriale
particulière qu’est le district Entité territoriale
autonome. particulière Le District autonome
La « Combinaison ». La « Centrolocale ».

Tableau traduisant la nouvelle politique de l’administration du territoire de la loi cadre n°2014-


451 du 5 août 2014 portant orientation de l’organisation générale de l’administration territoriale.

Au vu des éléments sus-analysés, il ressort que le statut du district autonome de 2014, soumis au
nouveau système d’organisation de la « combinaison », n’est ni une circonscription administrative, ni une
collectivité territoriale, mais ce qu’il convient d’appeler une « Centrolocale », et ce faisant complètement
différent de tous les statuts antérieurs.
Ces premiers districts de 2001 avaient certes une nature particulière, mais n’étaient pas moins des
collectivités territoriales selon les termes mêmes de la loi. En effet, l’article 1 er de la loi n°2001-453 du 9
août 2001 portant statut du district autonome d’Abidjan dispose à ce titre que « le district d'Abidjan est une
collectivité territoriale de type particulier dotée de la personnalité morale et de l'autonomie financière ».

Comparativement au district de 2001, celui de 2014 n’est nullement une collectivité territoriale,

66
même si certains178 et discours officiels tendent à le ranger aux côtés des régions et communes. Il n’est, du
point de vue juridique, qu’« une entité territoriale particulière, (régie) par des règles de la déconcentration
et de la décentralisation ».
Il peut tout au plus, à l’image de la chauve-souris, qui n’est ni oiseau ni mammifère, être qualifié
d’entité hybride, ou plus exactement d’entité mi-circonscription administrative, mi- collectivité territoriale.
Il tient ce caractère hybride, non seulement de son système d’organisation, mais aussi du système de
répartition des attributions qui lui sont dévolues.
Lesdites attributions sont, en effet, catégorisées par la loi en deux blocs. Le premier bloc répertorié
fait mention des compétences exercées par le district en sa qualité de collectivité territoriale. L’article 4 de la
loi dispose à cet effet ceci : « Dans le cadre de la décentralisation, le district autonome est chargé
d’assurer, dans le respect de l’intégralité territoriale, de l’autonomie et des attributions des autres
collectivités territoriales et en harmonie avec les orientations nationales :1-la protection de
l’environnement ;2-la planification de l’aménagement du territoire du district autonome ;3-la lutte contre
les effets néfastes de l’urbanisation ;4-la promotion et la réalisation des actions de développement
économique, social et culturel ;5-la lutte contre l’insécurité ;6-la protection et la promotion des traditions et
coutume ;8-l’entretien du patrimoine et des biens domaniaux de l’Etat transférés au district autonome ;8-les
travaux d’équipement rural ». Ces huit (8) chefs de compétences attribuées au district autonome sont ainsi
objets du contrôle179a priori de l’autorité de tutelle180.
Le second bloc regroupe, au contraire, les attributions énumérées par l’article 5 de la même loi,
comme exercées par le district en sa qualité de circonscription administrative. Ainsi, « Dans le cadre de la
déconcentration, le district autonome est chargé :
- de coordonner, de suivre et d’évaluer la bonne exécution des programmes, des projets et de toutes
actions de développement tels qu’adoptés par le Gouvernement, notamment en matière d’aménagement du
territoire, de planification du développement, de transport, de santé, de protection de l’environnement, de
l’agriculture, de gestion des ressources naturelles, d’enseignement et de formation professionnelle, d’action
sociale, culturelle et de promotion humaine, de promotion du développement économique, de promotion du
tourisme et des exigences techniques et financières ;
- d’assurer, en liaison avec les services déconcentrés des ministères techniques, le contrôle de la
bonne fin des opérations spécifiques de développement décidées par le Gouvernement et de veiller au
respect du calendrier et des exigences techniques et financière ;
- de susciter et d’animer en liaison avec les services extérieurs des ministères et des organismes
publics ainsi qu’avec le concours des commissions de développement régional, la réalisation d’études
178
- Se rapportant aux opérations et dotations transférées aux collectivités territoriales, l’annexe 5 à la loi de finances portant
budget de l’Etat pour l’année 2015 range le district au sein des collectivités territoriales en ces termes : « Au tire de la gestion
2015, le budget de l’Etat prévoit une contribution financière globale aux collectivités territoriales de 56, 1 milliards […] les
dépenses ordinaires se situent à hauteur de 23,9 milliard dont 6,2 milliards pour les dépenses du personnel et 17,7 milliards pour
les dépenses de fonctionnement. Ces dépenses ordinaires se répartissent par type de collectivité comme suit : District autonome
de Yamoussoukro : 2,1 milliards ; Régions : 13,1 milliards ; Communes : 8,7 milliards ». Manifestement, au regard de cette
disposition, il ressort que le législateur n’a pas tiré les conséquences de la loi qu’il a édicté une année plus tôt. En effet, au regard
de la loi n°2014-451 du 5 août 2014 portant orientation de l’organisation générale de l’administration territoriale, le district
autonome se révèle comme une entité particulière, qui n’est ni circonscription administrative, ni collectivité territoriale.

179
- « Le contrôle de tutelle s’exerce a priori ». L’article 80 de la loi n° 2014-452 du 5 août 2014 portant mode de création,
attribution, organisation et fonctionnement du district autonome. La mention de l’unique contrôle a priori a traduit l’exclusion du
contrôle a posteriori, c’est l’une des spécificités de ce district autonome par rapport aux tous premiers districts de 2001, qui étaient
soumis au contrôle a posteriori.
180
- « L’exercice de la tutelle de l’Etat sur le district autonome est assuré par un ministre chargé des Collectivités territoriales. La
tutelle sur le district autonome comporte des fonctions :
1) d’assistance, de conseil, de soutien de son action et d’harmonisation de cette action avec celle de l’Etat et des autres
collectivités territoriales ;
2) de contrôle ». Cf. l’article 79 de loi n° 2014-452 du 5 août 2014 portant mode de création, attribution, organisation et
fonctionnement du district autonome.
67
prospectives devant aboutir à l’établissement d’un schéma-directeur pour son développement ; de faire
approuver, par le gouvernement, le projet de schéma-directeur ».

En ces matières, le gouverneur181agira comme une autorité déconcentrée pour le compte182 de l’Etat
central et non plus en tant que représentant du district. Et c’est à ce titre qu’il a désormais rang de
ministre183avec une préséance sur le corps préfectoral.

Conclusion

Pour clore ce sujet, il y a lieu de relever que la politique de décentralisation amorcée en 2001 sous la
deuxième république, et poursuivie sous la troisième, est pleine de rebondissement, notamment en ce qui
concerne le cas particulier du district. Créé en effet par la loi d’orientation de 2001 en tant que collectivité
territoriale de type particulier, le district connaitra une vie administrative effective jusqu’en 2011, avant
d’être supprimé du rang des collectivités territoriales, puis transformé en une circonscription administrative
d’un nouveau type aux côtés des régions, départements, sous-préfectures et villages.
Mais, à peine le nouveau découpage administratif réalisé avec la création184de deux districts
autonomes (Abidjan et Yamoussoukro) et de douze (12) districts « simples », que des difficultés de
fonctionnement, dues à de multiples incompatibilités, sont intervenues notamment entre le statut des
181
- Les gouverneurs d’Abidjan et de Yamoussoukro ont été nommés bien avant le 28 septembre 2011, date de l’édiction de
l’ordonnance au fondement de la transformation du district en circonscription administratives. De cette date à 2014, soit 3 ans
après, les 12 districts créés par le décret n°2011-263 du 28 septembre 2011 portant organisation du territoire national en districts et
en régions, attendaient encore la nomination de leurs gouverneurs dont le statut n’a vu le jour que le 2 mai 2013, à travers le décret
n° 2013-293 portant attributions organisation et fonctionnement du district.
182
- « Le Gouverneur… représente le district autonome, sans préjudice des pouvoirs accordés par le conseil du district autonome
à des conseillers du district autonome désignés pour représenter le district autonome au sein d’organismes extérieurs ». Cf.
article 55 in fine de la loi n° 2014-452 du 5 août 2014 portant mode de création, attribution, organisation et fonctionnement du
district autonome.
183
- « Le gouverneur du district autonome est nommé par décret du Président de la République. Il a rang de ministre et a
préséance sur les préfets ». Voir à ce titre l’article 59 de la loi n° 2014-452 du 5 août 2014 portant mode de création, attribution,
organisation et fonctionnement du district autonome.
184
- Voir le décret n°2011-263 du 28 septembre 2011 portant organisation du territoire national en Districts et en Régions.
68
nouveaux gouverneurs et celui des préfets. Malgré les tractations initiées par le gouvernement et le
président de la république, ces difficultés se relèveront insurmontables, situation qui occasionnera l’abandon
du projet, pour susciter une nouvelle vision tendant à redonner au district sa nature de collectivité
décentralisée.
Cependant, après avoir été repensé et réorganisé par le législateur, le tout nouveau district se
retrouvera curieusement avec un nature atypique, tant les règles de son organisation sont à la fois basées sur
le système de la déconcentration et de la décentralisation, que sur un troisième système complexe185et flou
qu’il a fallu requalifier de « combinaison ». Il en résulte que le nouveau district de 2014 n’est entièrement
une collectivité territoriale, ni entièrement une circonscription administrative, mais une nouvelle entité
territoriale que le législateur n’a pas nommée, et qu’il convient d’identifier sous le vocable « centrolocale ».
L’avènement de la troisième république en 2016 n’ayant pas remis en cause ce troisième système
d’organisation, le district continuera encore de susciter des questionnements dans l’administrative territoriale
ivoirienne, étant notamment devenu difficilement classable.
La situation que voilà, ne donne-t-elle pas des raisons de croire que la politique du district n’a pas
fini de faire sa mue ?

185
- Cf. l’article 1er de la loi n°2014-451 du 5 août 2014 portant orientation de l’organisation générale de l’administration
territoriale qui dispose que « l’administration territoriale est structurée selon les principes de la déconcentration, de la
décentralisation et l’entité territoriale particulière qu’est le district autonome… ».

69

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