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Karim DOSSO, Maitre de conférences CAMES, enseignant chercheur à l ’Université

Alassane OUATTARA

INTRODUCTION
Le droit de la fonction publique constitue une branche du droit administratif dédiée à
l’organisation et au fonctionnement des relations d’emplois particulières que développent les
employeurs chargés de missions d’intérêt général avec leurs agents . Si le droit de la fonction
publique fait partie du droit administratif, il a acquis, cependant, suffisamment d’autonomie
pour justifier qu’il soit traité à part.
Comme les entreprises privées, les personnes publiques (Etat ou collectivité
territoriale) disposent, pour employer un langage contemporain, de « ressources humaines »
qui conduisent concrètement les tâches qui leur incombent 1. Sous le bénéfice de cette
présentation, le droit de la fonction publique constitue mutatis mutandis le droit du travail de
l'administration.
Il convient cependant de ne pas confondre droit de la fonction publique et droit du
travail. En droit du travail, la base de la relation juridique est le contrat, sous la forme
individuelle du contrat de travail et sous la forme collective des conventions collectives. En
revanche, dans la fonction publique, les agents publics ou fonctionnaires sont dans une
situation statutaire et règlementaire, d’après la formule employée dans la loi et dans
la jurisprudence.
Sous ce rapport, le droit de la fonction publique est entendu comme désignant les
règles applicables aux agents publics ou aux fonctionnaires et à leur activité professionnelle.
Ce droit est caractérisé par sa complexité et la grande variété des normes applicables et des
situations. Ainsi, parmi les agents de l’administration, il faut faire une place à part aux
fonctionnaires, agents nommés dans un emploi permanent et titularisés dans un grade de la
hiérarchie administrative ; et qui sont, vis-à-vis de l’administration, dans une situation légale
et règlementaire.
Pourtant, par abus de langage, l’expression « fonction publique » est utilisée pour
désigner l’ensemble des personnels qui incarnent l’administration 2. Il convient, en réalité,
d’exclure les personnes qui n’occupent pas de fonctions administratives à titre professionnel . Il
en va ainsi de ceux qui occupent des fonctions politiques, dévolues par l ’élection ou la
nomination, les collaborateurs occasionnels de l’administration et les officiers ministériels.
En fait, dans une approche juridique stricte, la fonction publique se caractérise par
deux principaux points :
 Elle regroupe tous ceux qui occupent à titre professionnel des fonctions
administratives c’est-à-dire ceux qui exercent à titre permanent une activité
d’intérêt général au service de l’État ou des autres collectivités publiques ;

 Ces personnes qui occupent à titre professionnel des fonctions administratives,


sont soumises à un régime particulier de droit public.

1
Jean-Marie AUBY ; Jean-Bernard AUBY, Didier JEAN-PIERRE, Antony TAILLEFAIT, Droit de la fonction
publique, Etat-collectivités locales-hôpitaux, Dalloz, 2005, p.4.
2
Roger GREGOIRE, La fonction publique, Dalloz, paris, 2005,p.11.

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Ce personnel chargé de la marche des services publics s’est considérablement accru au
fil des années. En 2023 le nombre de fonctionnaires en Côte d’Ivoire est de 247.161. Le
besoin de recrutement s’élève à 39013. En fait, tant que l ’État se bornait à ses fonctions
régaliennes, un nombre restreint d’agents suffisait à faire face à ses tâches. Toutefois,
l’interventionnisme de l’État en matière économique et sociale a occasionné une augmentation
du nombre de personnes chargé de faire fonctionner le service public. Ces agents des services
publics sont subordonnés au gouvernement. L’Administration doit ainsi exécuter la décision
du pouvoir politique.
Très longtemps, cette considération a paru tellement primordiale qu ’on avait estimé
que les agents devaient être choisis en fonction des critères politiques. Cependant, tout en
maintenant la subordination de l’Administration au pouvoir politique d ’autres considérations
sont apparues. En effet, la nécessité de protéger l’agent contre les abus du pouvoir politique, la
volonté de lui assurer une certaine sécurité dans son emploi d ’une part, le développement des
idées démocratiques liée à la reconnaissance du droit syndical et le principe de l ’égale
admissibilité aux emplois publics d’autre part, entrainent un recrutement davantage fondé sur
les capacités que sur les choix politiques3.
La subordination hiérarchique, qui reste un élément fondamental de la fonction
publique, a donc été atténuée pour éviter sa politisation excessive. D ’ailleurs, cette situation
était devenue inévitable en raison du fait que les agents sont devenus beaucoup plus
nombreux, remplissant souvent des fonctions techniques. On peut aussi noter la participation
des syndicats et des responsables de personnel aux décisions portant sur la carrière des
fonctionnaires.
Apprécier tous ces enjeux passe par l’évocation théorie générale de la fonction
publique (partie I). Un tel examen nous conduira logiquement à mettre le curseur sur la
fonction publique ivoirienne (partie II)

PARTIE I : LA THÉORIE GÉNÉRALE DE LA FONCTION PUBLIQUE


3
Sur l’évolution de la fonction publique voir Roger GREGOIRE, La fonction publique,p.44

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Dans tous les pays, sans distinction de système politique, économique et social, l ’État
réalise son action par le truchement des services publics. GASTON JÈZE affirmait en effet
que « la fonction publique demeure tout entièrement vouée à la réalisation des missions de
services publics dont elle a la charge »4.
Entendue dans son sens le plus large, l’expression « Fonction publique » désigne
l’ensemble des agents qui est à la disposition des pouvoirs publics pour assurer la marche des
services publics. Il importe de noter qu’il existe plusieurs systèmes de fonction publique.
Avant l’examen de ces systèmes, il convient de préciser davantage la notion et
l’environnement de la fonction publique. Mais, l’examen de la notion autant que celui de
l’environnement de la fonction publique n’est pas suffisant pour épuiser la théorie générale de
la fonction publique. Pour en avoir une vue complète, les bases juridiques de la fonction
publique seront examinées.
CHAPITRE I : NOTION ET ENVIRONNEMENT DE LA FONCTION PUBLIQUE.
La fonction publique occupe aujourd’hui une place importante au sein de la
communauté nationale dans la mesure où elle est indissociablement liée aux interventions et à
l’exercice du pouvoir de l’État. Évoquer la notion de fonction publique revient à définir à la
fois la fonction publique et ceux qui l’animent, les fonctionnaires. A la suite de cet exercice
de définition, il conviendra de mettre en évidence, les éléments de l ’environnement dans
lequel s’insère ou prend place concrètement l’exécution de ces missions.
SECTION I : LA NOTION DE FONCTION PUBLIQUE.
Le recrutement des fonctionnaires est le premier et le plus indispensable des moyens
de gestion des services publics, en ce sens que la fonction publique ne peut assumer sa
mission que grâce à des fonctionnaires. Ce postulat invite à préciser les notions de fonction
publique et de fonctionnaire. Ce préalable réglé, il sera aisé d ’appréhender les systèmes de
fonction publique.
PARAGRAPHE I : LA NOTION DE FONCTION PUBLIQUE ET DE
FONCTIONNAIRE
L'expression « fonction publique » est susceptible de diverses significations. Considérée
dans un sens large, elle désigne l'ensemble du personnel utilisé par les collectivités publiques
pour assurer le fonctionnement des services publics. En fait, la fonction publique désigne à la
fois une institution, un personnel et un ensemble de mission qui ont en commun de relever de
l’administration publique, On verra cependant que ce personnel n'est pas soumis à un régime
juridique uniforme. Employée dans un sens plus étroit, l'expression désigne la catégorie
d'agents publics que sont les fonctionnaires. Préciser la notion de fonction revient à mettre
en exergue ses aspects généraux, un tel exercice permettra de saisir celle de fonctionnaire.
A- Les caractères généraux de la Fonction publique
Pour assurer sa mission, la personne publique fail appel à un personnel. Dans cette
perspective, la fonction publique peut être assimilée à ce personnel. Il importe alors de mettre en
lien fonction publique et personnel de l’administration. Ce personnel, notamment les
fonctionnaires sont soumis à un régime dérogatoire du droit commun du travail. Cette situation
nous conduit à mettre en rapport la fonction publique et les relations de travail.
1-Fonction publique et personnel de l’administration

4
Gaston JEZE, Les principes généraux du droit administratif, Paris, Dalloz, Tome II, 2004, p.11.

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La fonction publique s’assimile à l’ensemble du personnel de l ’Administration. Ce
personnel est soumis à un régime juridique variable en fonction des liens unissant l’agent à
l’administration : situation de type « statutaire » ou lien de nature contractuelle.
En fait, dans une assertion ou conception étroite, la fonction publique peut être
appréhendée comme ne désignant que les seuls agents publics, voire même, parmi ceux-ci, les
seuls qui ont acquis la qualité de fonctionnaire. Sous ce rapport, certaines catégories d’agents
sont exclues de la fonction publique alors même qu’elles effectuent des tâches pour le service
public.
C’est d’abord le cas de la catégorie de personnel qu’on qualifie de politique. Ne font
pas partie de la fonction publique, toutes les autorités politiques, qu ’elles soient nationales ou
locales. En conséquence, le chef de l’Etat, les membres du Parlement et les élus des
collectivités territoriales sont étrangers à la fonction publique. L ’exercice de leur fonction
« publique » par toutes ces personnes n’est pas fait à titre professionnel. En réalité, il n ’y a pas
de profession de chef de l’Etat, de député ou de maire.
Il importe de signaler que le cadre d’exercice de l ’activité de ce personnel est le service
public. En effet, pour faire partie du personnel de l’administration, il est nécessaire d ’être
employé dans un service public. Cette exigence conduit à exclure de la fonction publique les
diverses catégories de collaborateurs externes de l ’administration. Il s ’agit principalement des
fournisseurs de l’administration, des entrepreneurs, des concessionnaires de service public qui
ont en commun d’entretenir une collaboration étroite avec l ’administration et participent à
l’exécution des taches d’intérêt public. On peut citer tous les officiers ministériels : notaires,
commissaires de justice. Bien que toutes ces personnes soient investies de leur office par une
décision de l’autorité administrative et apportent leur concours au service public de la justice.
En fait, elles ne sont que des collaborateurs statutaires de l’administration.
2- Fonction publique et relation de travail
La fonction publique correspond à une activité de nature originale si on la rapproche
d’autres, activités dont la caractéristique réside dans une collaboration permanente et
professionnelle à l’action des pouvoirs publics administratifs. Une telle situation appelle
soumission des fonctionnaires à un régime juridique dérogatoire au droit commun.
L’expression « particularisme de la fonction publique » utilisée par Roger Grégoire 5 traduit
l’idée que le droit de la fonction publique s’être construit par soustraction au droit commun du
travail, en marge de ce dernier. Trois raisons au moins ont conduit à ce choix.
Première raison, le caractère embryonnaire du droit commun du travail, donc insusceptible
d’apporter aux fonctionnaires la protection recherchée, lorsque la question d ’un statut de la
fonction publique s’est posée en France, dès le milieu du XIXe siècle.
Deuxième raison, une certaine conception de l’État excluant tout type d ’assimilation des
agents de l’État à ceux du secteur privé, avec en arrière-plan le spectre de la négociation
collective et du droit syndical, voire du droit de grève.
La troisième raison est d’ordre juridique ; elle tient au principe posé dès 1790 d’une
séparation stricte des pouvoirs, interdisant aux tribunaux judiciaires de se mêler de l ’action
administrative, ce qui conduisait naturellement à soustraire les fonctionnaires au juge
ordinaire et à les soumettre à un juge et un droit spécifique.
Le particularisme de la fonction administrative est marqué par un certain nombre de
principe régissant les relations de travail au sein de la fonction publique. Il s’agit :
5
Roger GREGOIRE, La fonction publique,p.26.

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-du principe de la neutralité politique : La neutralité s’explique par le fait que les
fonctionnaire sont au service de l’intérêt général . deux conséquences intimément liées peuvent
être tirées de cette situation.
La première c’est que la neutralité politique gouverne les relation entre gouvernants et
fonctionnaires. Les fonctionnaires ne sont pas au service d’un gouvernement particulier . C’est
pourquoi la fonction publique survit au gouvernement successif. Les fonctionnaires incarnent
la permanence de l’administration. Celle-ci doit être neutre dans l ’accomplissement de sa
mission. Cette neutralité est une exigence dans les rapports avec les administrés.
Deuxièmement politique s’impose aux fonctionnaires eux-mêmes. Chargé d’exécuter
les décisions politiques des représentant du peuple, les fonctionnaires doivent observer une
loyauté vis-à vis des gouvernants. Au surplus, les fonctionnaires sont tenus à une obligation
de réserve et de neutralité dans l’expression de leur opinion
-le principe hiérarchique
Le principe hiérarchique est une caractéristique de l’organisation administrative. Il se
traduit par l’exercice d’une autorité qui suppose une structure pyramidale des tâches et des
rapports de subordination entre ceux qui les accomplissent. Chaque supérieur dispose en
effet d'un ensemble de prérogatives qui correspondent à l'organisation et à la direction
du service, à la manière dont les agents qui en dépendent doivent exercer leur fonction et
au contrôle des actes juridiques pris par eux. Le pouvoir d'instruction et de contrôle du
supérieur hiérarchique sur les subordonnés s'exerce dans le cadre des compétences telles
qu'elles sont fixées par les textes. Autrement dit, la subordination ne repose pas sur des
liens de dépendance personnelle. C ’est en cela que Gaston JEZE affirmait : « Les agents
font leur devoir, non pour contenter leur chef mais pour assurer le fonctionnement
régulier et continu du service public. Le fonctionnement continu et régulier du service,
violà l ’idée qui doit inspirer toute l ’activité des agents publics »6. La subordination
résulte d'un système de règles impersonnelles et objectives qui déterminent les fonctions
et la conduite des agents. Ceux-ci ne sont tenus d'obéir que dans le cadre des obligations
de fonction. L'obligation d'obéissance hiérarchique représente dès lors une subordination
globale au service public et à l'intérêt général. (Sur l ’affirmation et la portée du pouvoir
hiérarchique voir les commentaires du Professeur BLEOU Martin sous l ’arrêt CSCA,
Dame NEMEHOU née KINDA Assiata Opportune, Les grands arrêts de la jurisprudence
administrative ivoirienne).
La notion de fonction publique qui vient d’être définie est intimement liée à celle de
fonctionnaire qu’il convient de préciser maintenant.
B- Le fonctionnaire
Pour assurer l’exécution des tâches qui leur sont confiées, les personnes publiques
utilisent une masse considérable d’agents. Selon une vue sommaire, tous ces collaborateurs de
l’Administration sont des fonctionnaires. Est fonctionnaire « tout homme dont on suppose la
rémunération prélevée sur les contribuables ou sur les usager »7. En réalité, il n’en est rien en
ce que l’Administration utilise les services de personnes dont les régimes juridiques sont très
variés. Il convient dès lors, pour préciser la notion de fonctionnaire, d ’établir au préalable une
double distinction
-distinction entre salariés de droit commun et agents publics
6
Gaston JEZE, Les principes généraux du droit administratif, p.11.
7
Roger GREGOIRE, La fonction publique,p.11.

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-distinction des agents publics fonctionnaires et des agents publics non fonctionnaires.
1-Distinction salariés de droit commun et agents publics

La conception même de la fonction publique en Côte d’Ivoire, considérée comme une


véritable incarnation de la puissance publique, conduirait à considérer tous les collaborateurs
comme agents publics soumis à un statut particulier et donc dérogatoire au droit du travail.
Toutefois, l’observation donne de constater que l’administration pouvait fait appel à un
personnel soumis au droit privé (voir article 15 du statut de la fonction publique en Côte
d’Ivoire). Une telle situation conduit à distinguer les salariés de droit commun des agents
publics. La doctrine fait à un certain nombre de critères. Ces critères se rapportent
essentiellement la nature du service.
Il convient, en effet, de distinguer les services publics administratifs des services
publics à caractère industriel et commercial.
Dans les services publics administratifs, plusieurs distinctions peuvent être faites.
Lorsque l’agent est soumis à un statut, on est en présence d’un agent public. A également la
qualité d’agent public, depuis l’arrêt CSCA, Arrêt n° 180 du 22 juillet 2015, Etat de Côte
d’Ivoire c/Tabley Dedy Raphael Axel, les agents liés à l ’Administration par un contrat
administratif. Dans la décision précitée, le juge estime, en effet, que « monsieur TABLEY
Dedy Raphaël Axel, qui participait directement au fonctionnement et à l ’exécution de la
mission de service public de la Présidence de la République, avait la qualité d ’agent public lié
à l’Etat de Côte d’Ivoire par un contrat administratif, échappant donc à l ’application du code
du travail, la Cour d’Appel a violé l’article 2 alinéa 3 susvisé dudit code ».
Les agents autres agents, les agents temporaires et contractuels relèvant du droit privé.
Il importe de signaler une évolution, en France, de l ’état de la jurisprudence. En effet,
lorsque l’agent était lié à l’Administration par un contrat, il fallait déterminer jusqu ’à une
décision de 1996 si on était en présence d’un contrat administratif ou de droit privé (salarié de
droit commun). Depuis l’Arrêt Berkani du T.C., 25 mars 1996, les agents non statutaires
travaillant pour le compte d’un service public à caractère administratif sont des agents
contractuels de droit public, quel que soit leur emploi.
A contrario, les agents travaillant pour le compte d'un service public industriel et
commercial sont liés à leur employeur par un lien de droit privé. Plus exactement, dans les
services publics industriels et commerciaux, la jurisprudence notamment la jurisprudence
distingue la situation des agents subalternes de celle de ceux chargé de la direction de
l’ensemble du service. Les premiers n’ont pas la qualité de fonctionnaire. En revanche, ont la
qualité d’agent public, l’agent chargé de la direction de l’ensemble des services et le chef de la
comptabilité s’il a la qualité de comptable public (C.E. Jalenques de Labeau-Level 08 mars
1957. A l’origine, tous les agents exerçant des fonctions de direction avaient été considérés
comme étant des agents publics CE 26 janvier 1923 de Robert Lafreygère).

2-Distinction entre agent public fonctionnaire et un agent public non fonctionnaire


On parle « d’agents publics » pour désigner la catégorie générale d'agents employés
par les personnes morales de droit public. On utilisera le terme « fonctionnaire » pour
désigner les agents titulaires de leur grade et de « non titulaires » pour désigner toutes les
catégories d'agents publics non titulaires de leur grade.
Qui est fonctionnaire ? Quel est l’intérêt de la distinction entre fonctionnaire et agent public
non fonctionnaire ?
a-La notion de fonctionnaire

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Pour Maurice HAURIOU, « on peut considérer comme fonctionnaires tous ceux qui,
en vertus d’une nomination de l’autorité publique, sous le nom de fonctionnaires, employés,
agents ou sous-agents, occupent un emploi dans les cadres permanents d ’un service régit par
l’Etat ou les autres administrations publiques »8.
La notion de fonctionnaire est précisée par la loi n°92-570 du 11 septembre 1992
portant statut général de la Fonction publique reprend cette conception. Aux termes de
l’article premier « sont fonctionnaires les personnes qui, nommées à titre permanent pour
occuper un emploi dans l’Administration centrale de l ’État, les services extérieurs qui en
dépendent, les établissements publics de l’État, ont été titularisées dans un grade de la
hiérarchie administrative ». Il ressort de cette définition, des éléments importants qui
permettent de caractériser le fonctionnaire.
-La nomination pour occuper un emploi dans l’administration
Le fonctionnaire occupe un emploi dans l’administration publique. Seuls ces
fonctionnaires peuvent être nommés de façon unilatérale par l ’administration. Une telle
situation permet d’exclure dans la qualité de fonctionnaire, des agents contractuels qui
exercent dans l’administration et même dans le secteur privé.
-La permanence de l’emploi
La permanence de l’emploi constitue un élément fondamental. Il existe dans les
diverses administrations, des emplois publics qui sont des postes de service ayant une
existence objective, indépendamment de celui qui en est le titulaire. Par permanence de
l’emploi, on entend aussi bien l’existence de l’emploi créé à titre permanent que la permanence
de l’occupation d’emploi. Ainsi, l’occupant non fonctionnaire permanent d ’un emploi même
permanent n’a pas la qualité de fonctionnaire.
-La titularisation
Après avoir été nommé en qualité de fonctionnaire stagiaire, à la suite d ’un concours
réussi ou d’une promotion interne, et s’il a fait preuve, au cours de son stage des aptitudes
professionnelles requises pour l’exercice de ses fonctions, l ’agent est titularisé à la fin de son
stage. La titularisation est donc la décision qui intervient ultérieurement et de façon explicite
après l’entrée du fonctionnaire à la fonction publique . Avant d’être titularisé, le fonctionnaire
doit effectuer un stage probatoire. Ce stage est généralement d ’une année. Il est en période
d’apprentissage des fonctions auxquelles les agents sont destinés et au cours de laquelle ils
doivent faire preuve de leur aptitude à ces fonctions. A l ’issue de stage, si les résultats sont
probants, le fonctionnaire stagiaire est titularisé. Dans le cas contraire, il lui est accordé une
seconde année. La titularisation confère au fonctionnaire un statut c'est-à-dire la garantie de
l’emploi, donc une situation stable et protégée qui s ’améliore par le déroulement régulier de sa
carrière jusqu’à son terme : la retraite à moins d’un incident, parcours (révocation, invalidité).
Ces éléments permettant de saisir le fonctionnaire présente un intérêt.
b-L’intérêt de la distinction
Les fonctionnaires sont soumis à un statut législatif et réglementaire qui détermine
leurs droits et obligations. Si de par leur situation ils doivent subir toutes les modifications
que pourra subir leur statut, celui-ci leur confère, en revanche, une grande stabilité d ’emploi et
de nombreuses garanties de carrière. S’agissant des agents contractuels, une évolution notable
a été opérée depuis l’arrêt CSCA du 22 juillet 2015, Etat de Côte d’Ivoire c/ Tabley Dedy
Raphael Axel.
8
Maurice HAURIOU, Précis de droit administratif et de droit public, paris, Dalloz, p.729.

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Avant cet arrêt, la situation du personnel est indifférente selon la nature du service
public. Le droit ivoirien n’avait pas tiré toutes les conséquences juridiques de la distinction
service public administratif et service public industriel et commercial. En d ’autres termes, la
distinction agent contractuel de droit public (agent public) et agent contractuel de droit privé
était totalement ignorée. En conséquence, le personnel des services publics quel que soit sa
nature se composait indifféremment de fonctionnaire et d’autres agents temporaires ou agents
contractuels. Ces derniers relevaient tous du droit privé. En fait, le droit de la fonction
publique ivoirienne ne retenait qu’une seule catégorie d’agent public, le fonctionnaire.
C’est à cette situation que l’arrêt de la CSCA du 22 juillet 2015, Etat de Côte
d’Ivoire c/ Tabley Dedy Raphael Axel va mettre fin. Le juge décide en effet que « monsieur
TABLEY Dedy Raphaël Axel, qui participait directement au fonctionnement et à l ’exécution
de la mission de service public de la Présidence de la République, avait la qualité d ’agent
public lié à l’Etat de Côte d’Ivoire par un contrat administratif, échappant donc à l ’application
du code du travail, la Cour d’Appel a violé l’article 2 alinéa 3 susvisé dudit code ». La notion
de fonction publique et de fonctionnaire saisie, on peut logiquement évoquer les systèmes de
fonction publique.
PARAGRAPHE II- LES SYSTEMES DE FONCTION PUBLIQUE
Selon les États, selon les régimes politiques et administratifs, diffèrent les conceptions
de la fonction publique. Les spécialistes de droit comparé distinguent, dans un souci de
simplification, deux modèles antithétiques, deux pôles extrêmes, que l ’on appellera avec eux
fonction publique à structure ouverte et fonction publique à structure fermée :
- Fonction publique à structure ouverte (système de l’emploi)
- Fonction publique à structure fermée (fonction publique de carrière)

A- Le système de l’emploi
Mettons d’abord en exergue les traits caractéristiques de ce système avant de voir ses
effets.
1-Les traits caractéristiques du système de l’emploi
Le système de l'emploi part de l’idée que l'administration publique ne présente
pas de spécificité par rapport aux entreprises privées. La fonction publique est
assimilable à une entreprise privée. Elle recrute et gère son personnel dans les mêmes
conditions que les entreprises commerciales ou industrielles du secteur privé. Sous ce
rapport, l'administration est dépourvue de tout caractère spécifique susceptible d'être
dicté par sa mission publique. Dans la fonction publique d’emploi, les agents sont recrutés
pour occuper un emploi donné; s’ils entendent occuper un autre emploi, ils entrent en principe
en concurrence avec les autres candidats potentiels. Autrement dit, à chaque fois, il est
pourvu à un seul emploi en retenant le candidat qui répond le mieux aux qualifications
recherchées. En fait, les agents n’ont pas de carrière organisée. Recruté par contrat,
l'agent n'a aucune garantie de durée dans l'administration. Ce sont les clauses de ce
contrat de droit privé qui régissent sa situation juridique.
2 Les implications du système de l’emploi
En principe l'agent est libre de quitter l'administration, sur un simple préavis,
pour aller vers le secteur privé. En sens inverse, l'administration peut mettre fin aux
fonctions de l’agent soit pour suppression d'emploi, soit lorsqu'elle considère que l'agent
ne correspond pas aux qualités ou compétence exigées par le poste . Par ailleurs, la
situation de l'agent dans l'administration ne peut être modifiée tant qu'il occupe l'emploi
qui lui a été confié initialement. Certes, le contrat peut prévoir par exemple un

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avancement financier, mais il ne saurait y avoir d'occupation de nouvelles fonctions sans
la conclusion d'un nouveau contrat.
Ce système est souvent qualifié d ’« ouvert » à cause de la possibilité qui est
offerte aux agents de quitter l'administration et d'y revenir, et à l'administration de
pouvoir faire appel à tout moment à des personnes ayant les qualifications correspondant
aux fonctions. Le mouvement du personnel qui en résulte ainsi est considéré comme
enrichissant à la fois pour les agents et pour la fonction publique elle-même. Mais il
présente l'inconvénient de ne pas offrir à l'administration publique un personnel
permanent rompu aux pratiques administratives. Dans ce système, les fonctionnaires ne
sont pas soumis en principe un régime juridique particulier. En conséquence le contentieux va
ressortir de la compétence des juridictions ordinaires.
Cette présentation est toutefois schématique, car dans la pratique, dans les systèmes
d’emploi, les personnels en fonction sont les mieux placés pour se faire apprécier et donc être
retenus pour occuper d’autres emplois, et les agents bénéficient en fait d’une carrière.
B- Le système de carrière
Le système de carrière s’éclaire par l’étymologie du terme qui lui a donné naissance.
La carrière, c’était l’arène pour les courses de chars dans l ’Antiquité. Cette course, comme la
trajectoire du fonctionnaire est jalonnée d’avancements. Il est appelé également système fermé
parce qu’il tend à engager durablement l’agent et, partant, à exclure toute ouverture
professionnelle vers d’autres activités. C’est le choix opéré par la Côte d’Ivoire. Envisageons
d’abord les caractéristiques de ce système avant de voir ses implications.
1-Les caractéristiques du système de carrière
Au système de l'emploi s'oppose, point par point, celui de la carrière. En effet, les
agents de l'administration ne sont pas recrutés pour exercer une fonction ou occuper un
emploi bien précis. Ils le sont pour faire « carrière » pendant toute leur vie active, sauf
sanction disciplinaire graves. Il en résulte deux caractéristiques principales. D'abord, une
hiérarchisation des grades et emplois. Le recrutement des agents conduit ainsi à les
intégrer et les positionner dans des groupes restreints au sein desquels ils sont appelés à
assumer des fonctions comparables. Ils appartiennent à des familles d’emplois. Une telle
appartenance donne vocation à occuper non pas un seul emploi, mais divers postes de
niveaux variables qui permettent à l'agent de progresser dans la carrière et, en
conséquence, bénéficier d'une amélioration régulière de sa rémunération.
La deuxième caractéristique de ce système est celle de la situation statutaire des
agents de l'administration. Ce lien statutaire et règlementaire implique que la situation
juridique des fonctionnaires est déterminée unilatéralement par l'administration. Il en
résulte que la réglementation qui les régit est générale et impersonnelle. Sa modification
éventuelle s'applique de plein droit à tous les fonctionnaires en exercice. Ils sont en
outre soumis à des obligations et sujétions dictées par les nécessités du service public.
En contrepartie, la situation statutaire confère aux fonctionnaires certains droits et
avantages inconnus dans les autres professions.
2-Les implications du système de carrière
Fonction publique de service, car le service de l ’État ne saurait y être conçu comme un
métier parmi d’autres, la fonction publique de carrière est dominée par l ’idée de régime
dérogatoire au droit commun. La fonction publique est donc soumise à un régime autonome,
différent du droit privé, exclusif des clauses et des règles qui s’appliquent au contrat de travail.
Ce système est tout entier dominé par le souci d’assurer le fonctionnement continu, efficace,
régulier du service public. Dans l’intérêt du service, il est nécessaire de les soumettre à un

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régime dérogatoire : le régime particulier à la fonction publique. Quel que soit le système
choisi, la fonction publique baigne dans un environnement qu’il convient de d’analyser.
SECTION II : L’ENVIRONNEMENT DE LA FONCTION PUBLIQUE
L’étude de fonction publique ne peut être menée abstraction faite de l ’environnement
dans lequel elle prend place. En effet, au-delà de son rôle politique, la fonction publique a des
implications sociales et économiques. En fait, des facteurs sociaux, politiques et économiques
exercent une influence sur l’emploi dans l’administration publique. Étudier donc
l’environnement de la fonction publique, revient donc à l ’envisager sous l ’angle socio-
économique d’une part et, d’autre part sous l’angle institutionnel.
PARAGRAPHE I- LA FONCTION PUBLIQUE ENVISAGEE SOUS L’ANGLE
SOCIO-ECONOMIQUE.
La fonction publique est une réalité sociale. Cette réalité a des implications
économiques importantes.
A- La fonction publique envisagée sous l’angle sociologique
Le monde et la société ivoirienne se transforment en profondeur. Des mutations
radicales nous affectent aujourd’hui toutes et tous. Au service du bien commun, les politiques
publiques sont là pour que la collectivité nationale soit plus libre, plus égale et plus fraternelle
dans ces métamorphoses, au lieu d’y perdre sa cohésion. La fonction publique, issue du corps
social et soumise aux mêmes tensions que lui, est un acteur majeur de ces politiques : ses
domaines d’intervention, ses principes d’organisation et de fonctionnement, son adaptation
continue et la qualité des réponses qu’elle apporte aux attentes collectives constituent donc des
enjeux politiques et sociale de première importance.
En fait, en tant que réalité sociale, la fonction publique correspond tout simplement
aux collectivités territoriales et aux personnels de l ’État . Ce personnel chargé de la marche du
service public s’est considérablement accru. Tant que l’État se bornait à exercer un rôle de
police, un nombre restreint d’agents s’impliquait à faire face à ses tâches. L ’intervention de
l’Etat en matière économique et sociale a considérablement a eu pour effet l’augmentation du
nombre de personnes charger de faire marcher le service public. L’effectif actuel de
fonctionnaires est 265499. A cela il faut ajouter 28575 non fonctionnaires 9. L’accroissement
du nombre de fonctionnaires a des implications sur le plan économique.
B- La fonction publique envisagée sous l’angle économique
La variation de l’emploi, des salaires et des conditions de travail à un lien avec la
situation de l’économie. Une diminution des recettes de TVA, de l ’impôt sur le revenu, sur les
sociétés, des taxes foncières et sur les plus-values, associée à une hausse des dépenses pour
financer les plans de relance et la protection sociale, influencent les choix politiques et
budgétaires des gouvernements. Deux exemples accréditent cette thèse. La première s’adosse
à un constat. C’est que les salaires dans l’administration publique augmentent à un rythme plus
lent que dans le secteur privé. D’ailleurs, pour rappel, c’est en 2014, que le Président de la
République, Alassane Ouattara a mis fin au blocage des salaires en vigueur depuis 1989, c ’est-
à-dire pendant vingt-cinq ans. Depuis lors, les fonctionnaires et agents de l’État connaissent
systématiquement des augmentations de salaires, tous les deux ans.
La seconde se rapporte aux mesures de baisse de salaire, essentiellement dans le cadre
des plans d’assainissement des finances publiques coordonnés avec les institutions
internationales. On se rappelle qu’en raison d'une crise économique sans précédent, le

9
Source secrétariat général du gouvernement : Conseil des ministres séance du 07 juin 2023.

97
gouvernement ivoirien prit une série de mesures dont le raccrochage des enseignants par
décret n°91-818 du 11 décembre 1991. A compter de cette date, tout enseignant recruté en
octobre de la même année devait recevoir un salaire représentant la moitié de celui de son
collègue recruté avant.
A la vérité, dans les pays en voie de développement, ou l’on note la faiblesse du
secteur privé, la fonction publique le premier secteur pourvoyeur d ’emplois. En Côte d ’Ivoire,
les recettes fiscales affectées à la masse salariale sont au-dessus de 43% alors que la norme
communautaire est de 33%. Le volume total de la masse salariale en Côte d ’Ivoire a carrément
doublé en 10 ans passant de 453,5 milliards en 2000 à 800,5 milliards en
2010. L’environnement économique à un impact sur la fonction publique. Il en va de même
pour l’environnement institutionnel.
PARAGRAPHE II- LA FONCTION PUBLIQUE ENVISAGEE SOUS L’ANGLE
INSTITUTIONNEL
Quel que soit le régime politique, quelle que soit la période, l ’organisation juridique de
la fonction publique pose toujours certains problèmes. Ces problèmes de base tournent en
somme autour des rapports entre la fonction publique et les pouvoirs.
A- Le principe de la dépendance de l’administration au pouvoir politique
« Je compte sur vous comme sur mes généraux » disait Napoléon à ses fonctionnaires.
Cette formule énonce la stricte dépendance dans la quelle devaient se trouver placés les
fonctionnaires français à l'égard du pouvoir et de l'État.
On peut objecter que cette formule n’est plus d’actualité. En réalité, Elle comporte
encore une part de vérité. En effet, comme les généraux sur un champ de bataille, dans la
stratégie de l'État, les fonctionnaires constituent un élément essentiel de la stratégie
administrative. ils forment une catégorie particulière d'agents dont le sort et le statut ne
peuvent être assimilés en rien à ceux des autres travailleurs de la Nation

L’administration y est considérée comme un appareil subordonné au pouvoir politique,


lequel décide seul des politiques publiques et en confie ensuite l ’exécution à l ’administration.
Cette séparation entre politique et administration est en outre accompagnée – et garantie – par
un devoir de neutralité très stricte imposé aux fonctionnaires dans l ’exercice de leurs
fonctions.
Mais en réalité, ce modèle ne se vérifie pas vraiment à l ’épreuve des faits, la relation
étant davantage de nature dialectique que subordonnée. En raison de la technicité et de la
complexité croissantes des problèmes à traiter par les autorités politiques, les hauts
fonctionnaires sont amenés à s’immiscer dans la sphère réservée au politique en jouant un rôle
dans l’élaboration et la prise des décisions . Réciproquement, l’autorité politique ne se prive
pas, lorsque ses intérêts sont en jeu, d’intervenir – à la marge ou de manière plus prononcée
suivant les pays – dans la gestion de l’appareil administratif. Comment se manifeste cette
dépendance de l’administration au pouvoir politique.
B- Les manifestations de la dépendance de l’administration au pouvoir politique
Si l’on prend le cas du système constitutionnel ivoirien, la dépendance de l ’administration
vis-à-vis du pouvoir politique s’établit dans ses grandes lignes de la manière suivante :
*La dépendance au pouvoir législatif : cette dépendance revêt plusieurs aspects
- Le parlement a d’abord compétence pour fixer les règles de droit qui s ’imposent à
l’administration. (Principe de légalité) et elle doit alors en assurer l’application ,

97
- Le parlement détermine lui-même, dans une certaine mesure, le statut du personnel
administratif ; la Constitution lui réserve le droit de fixer les règles concernant le statut
général de la fonction publique.
- Le pouvoir financier du parlement lui permet encore de jouer un rôle essentiel dans la
création d’emplois administratif. L’on ne peut éluder également son rôle dans la
détermination des dotations budgétaires des différentes administrations.
*La subordination à l’égard du pouvoir exécutif apparaît encore plus nettement :
- L’article 46 de la Constitution fait du Président de la République le chef de
l’administration. Il est donc à la tête de la fonction publique. C ’est fort justement qu ’il
nomme aux emplois civils et militaires,
- Une importante partie du personnel administratif est placée dans les départements
ministériels. Elle est, par conséquent, sous la dépendance hiérarchique des ministres
qui, à côté de leur qualité d’autorité administrative sont des organes gouvernementaux
des organes politiques. La théorie générale ne s’épuise dans la notion et
l’environnement de la fonction publique. Il importe alors, pour en avoir une vision
complète d’examiner les bases juridique de la fonction.

CHAPITRE II : LES BASES JURIDIQUES DE LA FONCTION PUBLIQUE

97
En raison de la répartition des compétences entre le pouvoir législatif et le pouvoir
exécutif, c’est le premier qui fixe le statut des fonctionnaires. Le second, tenant compte des
spécificités propres à chaque corps ou l’intérêt général, interviendra pour fixer ou déterminer
les modalités d’application. D’après l’expression consacrée, on dit que le fonctionnaire est
dans une situation légale et règlementaire. Cependant si le statut de la fonction publique est
assurément marqué par l’idée ou l’esprit de puissance publique, il connait aujourd’hui quelques
assouplissements.
SECTION I : LA NATURE DES LIENS UNISSANT LE FONCTIONNAIRE A
L’ADMINISTRATION
Selon ROGER GRÉGOIRE, dans la conception née de la Révolution, les hommes
formés spécialement pour le service de l’État ne sont pas des employés au sens du droit privé,
mais ces “agents“. La fonction publique constitue, pour lui, un monde à part. C ’est
certainement ce qui a fait dire à DANIEL LOSCHAK que « le libéralisme s’arrête aux portes
de la fonction publique. Cette réalité se traduit par la nature statutaire ou légale et
règlementaire des liens unissant l’État à ses agents. Cette situation statutaire prend place dans
le statut général de la fonction publique et dans les statuts particuliers.
PARAGRAPHE I- LA SITUATION STATUTAIRE DU FONCTIONNAIRE
La nature de la situation des agents publics ou des fonctionnaires a longtemps fait
l’objet de débats doctrinaux. La jurisprudence considérait en 1909 dans l'affaire winkell que la
grève constitue une rupture de contrat et qu'un contrat de fonction publique liait les
fonctionnaires à l'administration.
Cette conception, trop fragile, cèdera aux attaques du doyen Hauriou. Celui-ci
défendait une conception statutaire des fonctionnaires. Il n’est pas inutile d’exposer ce débat
avant de voir le triomphe de la thèse statutaire.
A- La controverse doctrinale
Jusqu’à ce que la controverse soit définitivement tranchée par les textes, il est classique
d’opposer deux thèses :
*La thèse contractuelle
*La thèse règlementaire
1-Le prétendu contrat de Fonction publique
L'idée du lien contractuel fut développé par le Conseil d'Etat dans ses arrêts « Winkell
» et «Rosier». Plus exactement, dans ces arrêts, il fut admis qu’« en se mettant en grève les
agents préposés au service public, ( ... ) se placent eux-mêmes, par un acte collectif en dehors
de l'application des lois et règlements édictés dans le but de garantir l'exercice des droits
résultant pour chacun d'eux du contrat de droit public qui les lie à l'administration». Avec
cette idée contractuelle à laquelle fit appel le Commissaire du Gouvernement Tardieu dans ses
conclusions, il fut transposée dans le cadre de la fonction publique la jurisprudence analogue
de la Cour de cassation sur les effets de la grève au contrat de travail conclu selon le droit
privé. Ainsi le but d'évincer les grévistes du service public conduisit le Conseil d'Etat à
adopter un fondement juridique analogue à celui adopté par la Cour de cassation et tel était
l'argument tiré du caractère contractuel qui unissait l'agent à son service public.
L’analyse contractuelle repose sur une simple constatation des éléments qui se présentent
au moment de l’entrée de l’agent dans la fonction publique. Juridiquement, l’opération se
décomposerait ainsi :

97
 Au départ, il y aurait une offre d’accès à la fonction publique émanant de
l’Administration
 Ensuite, il y aurait acceptation de cette offre par le candidat à la fonction publique.
 Enfin, il résulterait ainsi de cette rencontre de volonté la formation d ’un contrat qui
déterminerait, par la suite, la nature juridique du fonctionnaire.
Très discutable dans la doctrine, cette idée de la rupture d'un prétendu contrat de
fonction publique fut finalement abandonnée en 1937 dans l'arrêt «Demoiselle Minaire et
autres. (C.E., Sect., 22 octobre 1937, Dlle Minaire et autres).
2-La thèse statutaire
Cette part du postulat que les agents publics se trouvent dans une situation légale et
réglementaire qui peut être modifiée à tout instant dans le but d'assurer au mieux la
satisfaction des besoins d'intérêt général qui constitue le but de leur action.
C’est conformément à cette idée que Gaston JEZE et Maurice HAURIOU ont rejeté avec
force toute idée de l'existence d'un contrat qui lie l'agent public à un service public et il
critiquait les théories qui adoptaient l'idée de l'existence d'un tel lien contractuel, soutenues
particulièrement par Dareste et Perriquet et partiellement par Laferrière.
Plus précisément, il considérait qu'un individu entre dans le service public par un acte-
condition qui a pour effet juridique non pas de créer pour lui une situation juridique
individuelle mais de l' «investir» d'une situation juridique légale et réglementaire. L'acte
juridique par lequel un service public est organisé, par lesquels sont déterminés les pouvoirs et
les devoirs des agents affectés à ce service, c'est une loi ou un règlement. D'ailleurs, c'est
également par un acte-condition qu'un individu sort du service public car cet acte est «une
manifestation de volonté» le plaçant dans une situation générale et impersonnelle (celle du
retraité, du démissionnaire, etc.). Enfin, la sanction des pouvoirs et des devoirs des agents
publics est la « sanction des situations juridiques générales et impersonnelles et non celles des
situations juridiques individuelles »
Pour Maurice HAURIOU, les tenants de la thèse contractuelle font une confusion entre
contrat et accord de volontés. Pour HAURIOU : « Le fonctionnaire est membre de l’institution
administrative comme le citoyen est membre de l’institution de l ’État. Il n ’y a pas dans
l’opération de recrutement des fonctionnaires ni les éléments de forme ni les éléments de fond
d’un contrat, d’autre part, il y a bien plus qu’un contrat, il y a des liens moraux faits
d’avantages et de devoirs qu’incorporent le fonctionnaire à sa fonction et par là à l ’institution
administrative ».
Léon DUGUIT abonda dans le même sens quand affirme : « … dans la nomination
des fonctionnaires il y a concert de volontés, mais il n ’y pas contrat parce que l ’acte de volonté
de l’État (le décret) qui nomme n’est point déterminé par l ’acte de volonté du fonctionnaire qui
accepte, mais seulement par la nécessité d’assurer le fonctionnement du service public . Dès
lors, l’acceptation est simplement la condition à l ’arrivée de laquelle est subordonné l ’effet de
l’acte de volonté de l’Etat qui a nommé ; mais comme tout acte conditionnel, l’acte de volonté
est juridiquement parfait en lui-même. L’idée de contrat de service public est dès lors
étrangère à la fonction publique. C’est cette position qui sera consacrée par le droit positif.
B- Le triomphe de la thèse statutaire
C’est vrai il y a un échange de consentement en apparence à l'entrée dans la fonction
publique. Mais du point de vue juridique il n'y a aucunement contrat : la nomination est un
acte unilatéral de l'administration qui a des conséquences juridiques directes, tout en étant
affecté d'une condition résolutoire qui est le refus éventuel du fonctionnaire. Dans sa quasi-

97
unanimité, la doctrine s’était ralliée à la théorie statutaire. Cette théorie sera consacrée par le
Conseil d’État et par le législateur.
1-La consécration jurisprudentielle
Le Conseil d’État va consacrer la théorie statutaire des liens unissant le fonctionnaire à
l’Administration. En effet, revenant sur la jurisprudence WINKELL, il indiquera clairement
dans l’arrêt MINAIRE de 1937 « Qu’en se mettant en grève, les agents préposés au service
public ne commettent pas seulement une faute individuelle, mais qu ’ils se placent eux-mêmes
par un acte collectif en dehors de l’application des lois et règlements édictés afin de garantir
l’exercice des droits qui leur appartiennent à l ’égard de la puissance publique ». Par ce
considérant principal, l’idée de l’existence d’un contrat de fonction publique est abandonnée.
C’est cette position qui sera confirmée par le législateur.
2-La consécration législative
A l’heure actuelle, le caractère statutaire et règlementaire de la situation du
fonctionnaire ne fait l’objet d’aucun doute. En Côte d ’Ivoire tout comme en France ce
caractère statutaire et règlementaire de la situation du fonctionnaire est admis de la façon la
plus claire. Le statut de la fonction publique en Côte d’Ivoire de 1992 autant que le statut de la
fonction publique en France indique clairement que « Le fonctionnaire est vis-à-vis de
l’administration dans une situation statutaire et règlementaire ». Si le fonctionnaire est soumis
à un statut, on peut s’interroger sur les modalités d’organisation de ce lien statutaire.
PARAGRAPHE II- L’ORGANISATION STATUTAIRE
Au même titre qu'il existe un seul Code du travail pour tous les salariés du secteur
privé, le législateur a prévu d'assujettir les agents du secteur public à un ensemble de règles
communes. Cet ensemble est appelé le « statut général de la Fonction publique ». Ce statut
général est précisé par des statuts particuliers ne s'appliquant qu'à certains agents publics. Au
surplus, exceptionnellement, certaines professions nécessitent d'écarter l'application du statut
général au profit d'un statut autonome. Avant d’examiner en profondeur le champ
d’application de la situation du fonctionnaire, il n’est pas inutile de préciser la notion de statut.
A- La notion de statut
L’existence d’un statut se justifie par trois raisons :
- Le statut, en premier lieu, est la concrétisation du système de fonction publique fermé
ou de carrière ;
- En second lieu, le statut répond à un besoin de simplification et de coordination en
codifiant dans un texte unique l’ensemble des règles relatives aux agents des personnes
de droit public.
- En troisième lieu, le statut est l’expression d’une démocratisation de la fonction
publique. Tant dans le statut de 1964 (JO 1965) que dans celui de 1992, le statut est
marqué par la volonté de consacrer les droits et garanties des fonctionnaires face à
l’autorité. L’existence d’un statut général est une garantie pour les fonctionnaires
contre l’arbitraire.
La notion de statut sera précisée à travers sa définition et ses implications.
1-La définition

97
La notion de statut fait référence à plusieurs idées. Elle renvoie à l ’acte matériel c'est-
à-dire au texte juridique ayant vocation à régir la situation d ’une communauté de travailleurs,
mais également un état juridique caractérisé par la permanence de ses règles.
Le contenu du statut limite les prérogatives de l ’autorité hiérarchique au profit de
l’extension des droits des fonctionnaires : liberté d’opinion, du droit syndical, droit de grève.
En fait, dans le droit de la fonction publique, le statut est un texte ou un ensemble de
textes déterminant les règles relatives à fonction publique, en particulier celles qui fixent les
droits et obligations des fonctionnaires. Un statut général a vocation à s’appliquer à l’ensemble
des fonctionnaires.
Dire alors que le fonctionnaire est dans une situation statutaire, signifie qu ’il est
soumis à l’ensemble des mesures législatives et règlementaires émanant de l ’autorité publique .
Pour Serge SALON l’expression « situation statutaire » renvoie l’idée, de « soumission du
fonctionnaire à l’ensemble des mesures applicables au fonctionnaire émanant de l ’autorité
publique ».
2-Les implications de la notion de statut
Affirmer que le fonctionnaire est vis-à-vis de l’administration dans une situation
statutaire et règlementaire signifie simplement que leur situation est définie unilatéralement
par des dispositions générales et impersonnelles édictées sous la forme de loi ou règlement
qui constituent leur statut. Cette situation, qui fait prévaloir l’intérêt du service sur toute autre
considération, a une double conséquence juridique :
-L’interdiction des accords individuels
-La mutabilité de la situation des agents

a- L’interdiction des accords individuels


Le caractère légal et règlementaire de la situation des agents publics a pour
conséquence que les droits et obligations qui les régissent découlent exclusivement des
statuts. Ces règles sont déterminées de façon générale et abstraite. En conséquence, il est
impossible pour l’administration et ses agents de négocier des conditions particulières
d’emploi de rémunération ou d’avancement. Seules les dispositions statutaires sont
applicables, et ceci à l’exclusion d’aménagement ou additif aussi dans l ’intérêt de
l’administration que celui de l’agent. Quelle que soit leur forme, de tels arrangements sont
considérés comme nuls. Ils ne sont créateurs ni de droit ni d’obligation.
b-La mutation de la situation des agents
La deuxième conséquence de la situation légale et règlementaire des agents est que
ceux-ci n’ont aucun droit de demeurer régis par la réglementation en vigueur au moment de
leur recruteur. Il y a là application d’un principe général selon lequel l ’administration peut
modifier à tout moment la réglementation en vigueur pour l ’adapter aux nécessités du service
y compris celles relatives à la carrière du fonctionnaire. Le principe de mutabilité ainsi
affirmé signifie qu’en fonction de l’intérêt général ou des besoins au service la situation des
agents est modifiable par le législateur ou, dans les limites de ses compétences par l ’autorité
détenant le pouvoir règlementaire. Les droits et obligations peuvent être accrus ou amoindris
sans que les agents puissent se prévaloir d’un quelconque droit acquis. Au surplus , il ressort
de l’arrêt du 19 novembre 2014, Tchape Holo André C / Ministre de la fonction publique et de
la reforme que le fonctionnaire qui est dans une situation légale et réglementaire n ’est pas
recevable à attaquer sa décision d’affectation à moins qu ’il prouve qu ’il a été porté atteinte à

97
son statut. Cependant, l'exercice de cette attribution par l'autorité hiérarchique implique des
garanties au profit du fonctionnaire. En fait, comme il ressort de l ’arrêt Chérif VAHIVOUA
c / Ministère des ressources pétrolière du 24 juin 1998, la décision d'affectation ne doit pas
revêtir le caractère d'une sanction disciplinaire déguisée et s'apparenter à un déplacement
d'office.
B- La pluralité des statuts
Le statut général ne s'applique pas à certaines catégories d'agents. En Côte d’Ivoire, en
France, le statut s’applique aux seules personnes qui nommées à titre permanent pour occuper
un emploi dans l’administration centrale de l’État, les services extérieurs qui en dépendent, les
établissements publics de l’État et qui ont été titularisés dans un grade de la hiérarchie
administrative. Dans la tradition du droit français, c ’est le cas en Côte d ’Ivoire, le statut
général peut néanmoins connaitre à la fois des exceptions, des dérogations règlementaires et
législatives. À côté du statut général, l’on note l ’existence de statuts autonomes, de statuts
particuliers.
1-Le statut général
Le statut général a vocation à régir la situation de la majeure partie des agents publics. En
effet, le statut général de la fonction publique est, en principe, le corps de règles commun à
tous les agents publics. Ce statut a valeur législative. Il est composé d'un « bloc dur » de
règles. Plus concrètement, le statut de la fonction publique désigne l’ensemble des règles
juridiques qui régissent les conditions et l’activité professionnelle des fonctionnaires . Ces
dernières portent respectivement selon une présentation formelle pouvant varier ici ou là sur
le recrutement, la rémunération, les avantages sociaux, la notion et l’avancement, la discipline,
les positions et la cessation des fonctions.
Le domaine d’application du statut, comme le suggère le qualificatif utilisé est assez large,
sans s’étendre pour autant à la totalité des fonctionnaires a fortiori des agents de
l’administration (État et collectivités territoriales). L ’art. 1 er du statut général de la fonction
publique précise le champ d’application des statuts généraux. Il se réserve l ’application du
statut général au personnel titulaire de l’État et des établissement publics administratifs de
l’État. Sont exclus de l’application du statut les agents temporaires et les agents contractuels .
Le statut général offre aux agents publics l'avantage d'une certaine uniformité. Tous les
agents sont titulaires des mêmes droits et soumis aux mêmes obligations. Il importe de noter
cependant que le statut général est précisé par de nombreuses dispositions réglementaires.
C’est dire que l’existence du statut général n’est pas incompatible avec d’autres statuts.
2- Les limites du champ d'application du statut général des fonctionnaires
A côté du statut général, l’organisation statutaire des fonctionnaires connait d ’autres
catégories de statuts. Les uns sont dits autonomes parce qu ’ils ne procèdent pas du statut
général de la fonction publique et n’ont aucun lien avec lui, les autres sont des statuts
particuliers qui ont un lien avec le statut général.
a- Les statuts autonomes
Certaines professions échappent au statut général pour relever de statuts dits autonomes. À
l'image du statut général, le statut autonome doit alors également être complété par des
décrets simples. Ces statuts n’ont aucun lien avec le statut général. Aux termes de l ’article 101
de la Constitution du 8 novembre 2016, principalement huit catégories d'agents de la Fonction
publique sont concernées par les statuts autonomes :

97
 le statut des magistrats,
 le statut des officiers ministériels et des auxiliaires de Justice ;
 le statut du Corps préfectoral ;
 le statut du Corps diplomatique ;
 le statut du Personnel des collectivités territoriales ;
 le statut de la Fonction militaire :
 le statut des Personnels de la Police nationale
(voir article 101 de la Constitution du 8 novembre 2016)
b- Les statuts particuliers
Alors que le statut général est de nature légale, les statuts particuliers revêtent un caractère
réglementaire et sont librement déterminés par l’administration dans le respect de celui-ci et
afin d’en permettre l’application à toutes les catégories de fonctionnaires . En fait, certaines
professions nécessitent qu'il soit dérogé au statut général sur certains points. Les statuts
particulier visent à prendre en compte les difficultés particulières à certaines fonctions. Ils
fixent en général pour chaque corps de fonctionnaires les dispositions d ’application du statut
général dont ils relèvent. On peut citer le décret 93-609 du 02 juillet 1993 portant modalité
particulière d’application au statut général de la fonction publique. Ces statuts sont assez
nombreux et concernent de très nombreux agents publics. On peut citer
-Décret no 97-372 du 2 juillet 1997 instituant en faveur des fonctionnaires et agents de
l'Etat occupant certaines fonctions, une indemnité mensuelle contributive aux frais
d'utilisation de leurs véhicules personnels pour les besoins du service.
-Décret no 94-412 du 3 août 1994 relatif aux concours professionnels spéciaux réservés à
certains fonctionnaires.
-Décret no 93-219 du 3 février 1993 portant création d'une indemnité particulière en faveur
des personnels des établissements sanitaires et publics.
Si le fonctionnaire est dans une situation statutaire et règlementaire, l ’évolution du
droit de la fonction publique donne de constater un assouplissement de ce lien.

SECTION II : L’ASSOUPLISSEMENT DU LIEN STATUTAIRE : LA


PARTICIPATION DANS LA FONCTION PUBLIQUE
Le lien statutaire n’exclut pas la participation des fonctionnaires à la gestion de leur
carrière. En effet, pour faciliter la prise de décision, divers organes de participation sont
prévus par le statut général. Il s’agit des organes consultatifs de la fonction publique. Cette
association des fonctionnaires à la gestion de la fonction publique connait cependant des
limites.
PARAGRAPHE I LE PRINCIPE DE LA PARTICIPATION
Le principe de la participation représente sans doute un des éléments marquant de
l’évolution des relations de travail dans la fonction publique. Il traduit l ’idée d ’une certaine

97
démocratisation de la fonction publique. On le sait, la fonction publique était dominée par le
principe d’autorité et de puissance publique. Cette situation a permis la reconnaissance au
profit des fonctionnaires certains sociaux au même titre que les travailleurs du secteur privé :
Droit syndical, droit de grève. Ces droits faut-il le rappeler, ont une base constitutionnelle.
Il importe de noter que sous la pression des syndicats on assiste à l ’apparition d ’une forme de
concertation non institutionnalisée qui débouche parfois sur des « accords » entre
l’administration et les syndicats de fonctionnaires. Ce mouvement que la doctrine appelle
« contractualisation » des rapports collectifs dans la fonction publique joue un rôle désormais
important dans l’élaboration des réglementations relatives aux conditions de travail . En porte
témoignage, le protocole portant trêve sociale 2022-2027 en Côte d’ivoire signé entre le
gouvernement et les centrales syndicale et les faitières des organisations syndicales des
fonctionnaires et agents de l’Etat le 8 août 2022.
Mais plus significative est la reconnaissance par le statut général de la fonction publique
d’organe de participation. Le principe trouve donc une application importante puisque le
comité consultatif de la fonction publique, Le conseil de discipline, La commission de la
réforme donnent une traduction institutionnelle à la participation des fonctionnaires à leur
propre gestion
PARAGRAPHE II : LES LIMITES DE LA PARTICIPATION
La participation connait des limites infranchissables. Elles se rapportent aux pouvoirs
de ces organes paritaires, investis d'une mission uniquement consultative.
En outre, les accords concertés — qui ont le corps d'un contrat — n'en produisent pas
pour autant les effets : ils n'entraînent aucune obligation juridique réciproque pour les parties.
Administration et syndicats restent en principe libres de n'en tenir aucun compte. Ce ne sont
pas a fortiori des décisions unilatérales susceptibles d'entraîner par elles-mêmes application.
De tels accords ne peuvent de leur propre fait, modifier la situation statutaire et réglementaire
des fonctionnaires. Le principe reste — en droit — que le contenu des accords concertés ne
peut être introduit dans l'ordonnancement juridique et rendu obligatoire que par une décision
unilatérale de la puissance publique.
En fait, les dispositions de ces accords ne sont pas susceptibles d'être utilement
invoquées à rencontre d'une disposition réglementaire qu'elles n'ont pu avoir pour effet de
rendre caduque . Ces accords ne constituent donc guère plus sur le plan du droit que « de
simples engagements d'honneur n'entraînant aucune obligation juridique entre les parties,
mais les liant moralement » 10. Ils s'apparentent comme le fait remarquer Yves SAINT-JOURS
à des « gentlemen's agreements » de droit international en ce que « tout comme une
convention internationale doit pour pouvoir s'insérer dans un ordre juridique interne être
ratifiée par le pouvoir souverain de l'État considéré un accord concerté doit pour acquérir une
force obligatoire faire l'objet, d'une « ratification » par la puissance publique en la forme
législative ou réglementaire »11
C’est dire que le statut demeure la pierre angulaire de la fonction publique. La fonction
publique ivoirienne en est la traduction topique.

10
Y. Saint-Jours, Les relations du travail dans le secteur public, Paris, L.G.D.J., 1977, p. 247.
11
Ibid.

97
PARTIE II: LA FONCTION PUBLIQUE IVOIRIENNE
« Le présent statut s’applique aux personnes qui nommées, à titre permanent pour
occuper un emploi dans l’administration centrale de l ’État, les services extérieurs qui en
dépendent et les établissements publics de l’État ont été titularisé dans un grade de la
hiérarchie administrative ». L’article 1er de la loi n° 92-570 du 11 septembre 1992 portant
Statut général de la fonction publique en Côte d’Ivoire , qui vient d’être rappelé, éclaire le
choix de la Côte d’Ivoire quant à sa conception de la fonction publique.
Héritier du droit français français, la Côte d’Ivoire a reçu et consacré le système de la
fonction publique de carrière. Ce système de carrière s’oppose au système de l’emploi qui
repose sur la recherche de candidats qui sont les mieux adaptés aux contraintes et aux profils
du poste qu’ils seront amenés à occuper. Le recours au contrat est, d’ailleurs, le principe dans

97
ce type de système. Le système de l’emploi met implicitement l ’accent sur la responsabilité et
la performance individuelle de l’agent.
La fonction publique ivoirienne est donc marquée par son unicité et par sa spécificité.
On peut vérifier ce postulat en étudiant successivement les principes de base de la fonction
publique ivoirienne (CHAPITRE I) et le régime juridique de la fonction publique
(CHAPITRE I).

CHAPITRE I : LES PRINCIPES DE BASE DE LA FONCTION PUBLIQUE


IVOIRIENNE
La Côte d’Ivoire, nous l’avons indiqué précédemment a opté, à l’image de la France,
pour le système de fonction publique de carrière. Il ne pouvait en être autant, car ce système a
connu un certain succès en France ; il constitue d’ailleurs, pour certains, un gage d’efficacité
pour les administrations africaines qui y trouve de véritables instruments de modernisations.
L’étude des bases de la fonction publique ivoirienne nous amènera à voir
successivement, la conception de la fonction publique, ses sources et son organisation.

SECTION I: SOURCES ET SYSTEME DE LA FONCTION PUBLIQUE EN COTE


D’IVOIRE

97
Les sources du droit de la fonction publique sont de divers ordres. Elles sont à la fois
écrites (la constitution, les traités, les lois, les règlemente) et non-écrites ( la jurisprudence ).
Le choix de la Côte d’Ivoire à propos de système de fonction publique est sans ambigüité.
L’option pour le système de carrière a été clairement exprimé par le législateur.
PARAGRAPHE I : LES SOURCES DE LA FONCTION PUBLIQUE IVOIRIENNE
Ce sont principalement des sources de droit interne. En fait, la part du droit
international reste assez faible. Pour les commodités du cours, exposons d ’abord les sources
écrites avant de voir les sources non-écrites.
A : Les sources écrites
Les sources écrites de la fonction publique se ramènent essentiellement aux normes
constitutionnelles, au traité relatif à l’OFPA, à la loi et aux règlements.
1-Les bases constitutionnelles de la fonction publique
La Constitution est la première source du droit de la fonction publique en Côte
d’Ivoire. Plusieurs dispositions de la Constitution du 8 novembre 2016 intéressent le droit de
la fonction publique.
La première catégorie se rapporte aux droits et libertés consacrés au titre I de la
Constitution. Il s’agit notamment de l’article 14 qui garantit l ’égal accès aux emplois publics et
privés à tous. Ce même article prohibe toute discrimination dans l ’accès ou l ’exercice des
emplois fondés sur le sexe, les opinions politiques, religieuses ou philosophiques. Quant à
l’article 17 il consacre le droit syndical et le droit de grève. Le droit de syndical et de grève
sont reconnus aux travailleurs des secteurs public et privé. Toutefois, ces droits sont exercés
dans limites fixés par la loi.
La deuxième catégorie est relative aux matières couvertes par la loi. L ’article 101 qui
fixe les domaines respectifs de la loi et du règlement, annonce que la loi fixe les règles
concernant :
-le statut des magistrats ;
-des officiers ministériels et des auxiliaires de justice ;
-Le Statut général de la Fonction publique ;
-le statut de corps préfectoral ;
-le statut de corps diplomatique ;
le statut du corps des personnels des collectivités locales ;
le statut du corps de la fonction militaire ;
le statut des personnels de la police nationale.
2-Les sources internationales
Contrairement au droit de la Fonction publique en France ou désormais le droit
communautaire est de plus en plus présent, en droit de la fonction publique ivoirienne les
normes internationales et communautaires sont quasiment absentes. On peut toutefois
mentionner le traité relatif à l’observatoire des fonctions publiques africaines (OFPA).
3-Les sources législatives et réglementaires

97
Fixée par la Constitution, la compétence du législateur s’exprime essentiellement dans
le statut général. Actuellement, les fonctionnaires sont régis par la loi 92-570 du 11 septembre
1992 portant statut général de la fonction publique. À côté du statut général de la fonction
publique, d’autres textes législatifs se rapportent à la fonction publique.
Il s’agit notamment de la loi n° 92-571 du 11 septembre 1992 relative aux modalités de
la grève dans les services publics ; la loi n° 92-572 du 11 septembre portant abrogation de la
loi 77-526 du 30 juin 1977 fixant la durée minimum du service à accomplir dans
l’administration par les pharmaciens, chirurgiens et médecins dentistes ; la loi 92-574 du 11
septembre 1992 accordant aux fonctionnaires administratives bénéficie du départ volontaire
de la jouissance anticipée de la pension proportionnelle.
Les sources réglementaires sont constituées essentiellement des actes du pouvoir
exécutif. Ce dernier détient une large compétence pour déterminer l ’application de statut
général. La compétence du législateur étant limitée en profondeur, il ne peut ni juridiquement
en principe ni matériellement en pratique fixer les détails des règles applicables aux
fonctionnaires. Cette mission revient gouvernement.
D’une manière générale, la loi confie au gouvernement le soin de prendre les
règlements permettant l’application complète du statut général. À titre d ’exemple, on peut
citer :
 Décret no 97-372 du 2 juillet 1997 instituant en faveur des fonctionnaires et agents de
l'Etat occupant certaines fonctions, une indemnité mensuelle contributive aux frais
d'utilisation de leurs véhicules personnels pour les besoins du service.
 Décret no 95-690 du 6 septembre 1995 portant modalités particulières d'exécution du
service minimum en cas de grève dans les services publics.
 Décret n° 95-92 du 1er février 1995 portant organisation de la formation
professionnelle des candidats fonctionnaires, des fonctionnaires et agents relevant des
ministères, établissements publics nationaux et collectivités locales.
 Décret no 94-412 du 3 août 1994 relatif aux concours professionnels spéciaux réservés
à certains fonctionnaires.
 Décret no 93-611 du 2 juillet 1993 fixant les conditions de maintien en activité pour
nécessité de service au-delà de trente années de service effectif.
 Décret no 93-608 du 2 juillet 1993 portant classification des grades et emplois dans
l'administration de l'Etat et dans les établissements publics nationaux.
 Décret n° 93-609 du 2 juillet 1993 portant modalités particulières d'application du
statut général de la fonction publique.
 Décret n° 93-607 du 2 juillet 1993 portant modalités communes d'application du statut
général de la fonction publique.
 Décret n° 93-485 du 3 mai 1993 relatif aux départs volontaires des fonctionnaires et
agents de l'Etat.
 Décret no 93-219 du 3 février 1993 portant création d'une indemnité particulière en
faveur des personnels des établissements sanitaires et publics.
 Décret n° 2020-528 du 24 juin 2020 portant création de régime de retraite
complémentaire par capitalisation au profit des fonctionnaires et agents de l'Etat.

97
 Décret n° 2017-83 du 8 février 2017 portant création, attributions, organisation et
fonctionnement de l'Observatoire du Service public, dénommé OSEP.
 Décret n° 2016-1155 du 28 décembre 2016 portant attributions, organisation et
fonctionnement de l'Ecole nationale d'Administration, en abrégé ENA.
 Décret n° 2015-68 du 4 février 2015 portant création, attributions, organisation et
fonctionnement du système intégré de gestion des fonctionnaires et agents de l'Etat, en
abrégé SIGFAE.
 Décret n° 2012-652 du 11 juillet 2012 portant fixation d'âge statutaire de départ à la
retraite des personnes civiles de l'Etat régis par le Statut général de la Fonction
publique.
 Ordonnance n° 2012-303 du 4 avril 2012 portant organisation des régimes de pensions
gérés par la Caisse générale de retraite des agents de l'Etat (CEGRAE).
 Décret n° 2009-35 du 12 février 2009 portant fixation de la limite d'âge statutaire de
départ à la retraite de certaines catégories de personnels civils de l'Etat régies par le
Statut général de la Fonction publique.
B- Les sources non écrites
Il s’agit essentiellement de la jurisprudence administrative. Cette jurisprudence vient
compléter le tableau des sources du droit de la fonction publique en Côte d’Ivoire.
La jurisprudence administrative a place très important dans la création du droit de la
fonction publique. C’est vrai que l’édiction ou l’existence d’un statut semble lui réserver une
place résiduelle, mais la part du droit jurisprudentiel ne doit pas être négligée. D ’une manière
générale, le juge interprète le statut, en précise le contenu notamment en ce qui concerne les
droits et libertés des fonctionnaires ou le pouvoir de l ’autorité disciplinaire . D’ailleurs, le
contentieux de la fonction publique est présenté comme ayant donné à la chambre
administrative ses lettres de noblesse12. Il est quantitativement, est l’un de ses aspects les plus
féconds du droit jurisprudentiel en Côte d’Ivoire.
PARAGRAPHE II- LA CONCEPTION DE LA FONCTION PUBLIQUE EN COTE
D’IVOIRE
A-Le choix du système de la fonction publique fermée
Traditionnellement, deux grands types de fonction publique sont distingués, la
fonction publique de carrière, modèle français, et la fonction publique d ’emploi, modèle
anglo-saxon. La première option de la Côte d’Ivoire, les agents sont appelés à dérouler toute
leur vie professionnelle dans la fonction publique, en occupant une variété d ’emplois et en
étant assurés de perspectives d’évolution de carrière, c ’est-à-dire d ’avancement et de
promotion.
La fonction publique de carrière implique une séparation entre le fait d’appartenir à la fonction
publique, qui est un acquis durable, et le fait d’occuper un emploi, toujours temporaire ; c ’est
ce que l’on appelle la séparation du grade et de l ’emploi , dont la meilleure illustration est à
rechercher dans l’exposé des motifs de la loi Gouvion-Saint-Cyr du 19 mai 1834 sur l ’état des
officiers, qui comporte la célèbre formule « si le grade appartient à l’officier, l’emploi
appartient au roi ; le Gouvernement peut retirer à un officier l ’emploi dont il l ’avait investi ;
mais l’officier [ ] conserve ses droits à l’avancement, à la réforme ou à la retraite ».
12
Pierre-Claver KOBO, « La Chambre administrative, juge de la fonction publique », La tribune de la chambre
administrative, no 9, janvier 2018, p. 4

97
B-L’existence d’éléments du système de la fonction publique de l’emploi
Les emplois civils de l'Etat et des établissements publics visés à l'article sont occupés
par des fonctionnaires. Toutefois, par dérogation à ce principe, des agents non fonctionnaires
peuvent être recrutés pour occuper des emplois de la catégorie A lorsque la nature des
fonctions et les besoins des services le justifient. Un décret en Conseil des ministres fixe les
modalités d'engagement des agents contractuels. En fait, l ’article 15 du statut général a ainsi
ouvert une brèche dans le statut de la fonction publique en autorisant un recours accru aux
contractuels
Les agents ainsi recrutés sont engagés par contrat pour une durée déterminée qui ne
peut excéder deux (2) ans ; ce contrat n'est renouvelable qu'une seule fois. Mais l’observation
donne constater que ces agents occupent ces emplois largement au-delà des deux ans fixés par
le statut général de la fonction publique. On assiste dans cette perspective à la cohabitation de
deux formes de fonction publique : l’une statutaire faite de fonctionnaires, l’autre contractuelle
faite d’agents recrutés par contrats de droit public. On peut légitimement s ’interroger si l ’on ne
s’achemine pas vers une carrière du contractuel dans la fonction. A ce stade du propos on
peut entrevoir l’organisation de la fonction publique.
SECTION II-L’ORGANISATION DE LA FONCTION PUBLIQUE
L’organisation de la fonction publique est dominée par deux préoccupations. La
première se rapporte à la volonté d’assurer l’indispensable unité de direction impliquée par le
système de carrière. Cette unité de direction est assurée par des autorité de décision. La
seconde renvoie à l’idée de participation des fonctionnaire à la gestion de leur carrière.
Evoquée l’organisation de la fonction publique suggère également l’examen de sa
structure interne. Sous ce rapport, il convient d’examiner les organes de gestion de la fonction
publique et sa structuration interne.
PARAGRAPHE I- LES ORGANES DE GESTION DE LA FONCTION PUBLIQUE
La gestion de la fonction publique est partagée entre des organe principaux, (les
organes de décision) et des organismes consultatifs . Ces secondes tendent à permettre la
participation des fonctionnaires à la gestion des carrières, au régime disciplinaire, et à
l'organisation des services. Examinons successivement ces deux catégories d’organes.
A- Les organes de décision
En tant que détenteur exclusif du pouvoir exécutif, le président de la République est le
chef de l’Administration. À ce titre, il nomme aux emplois civils et militaires. Mais de
manière concrète, le Président délègue une partie de ses pouvoirs. En ce qui concerne la
gestion du personnel civil de l’État, elle est confiée à un ministre spécialisé : le ministre
chargé de la fonction publique. Le ministère dispose d ’organes spécialisés en matière de
recrutement, de gestion de la carrière et de la fin de la carrière du fonctionnaire. Cependant les
ministères techniques sont dotés de pouvoirs limités en matière de gestion (décision de projet,
affectation à l’intérieur du ministère, notation de fonctionnaire, les sanctions du premier
degré )
Le ministère de la Fonction publique peut être doté de plusieurs directions et services (voir
décret 2000-194 du 17 mars 2000 portant organisation du ministère de l ’Emploi et de la
Fonction publique).
B-Les organes consultatifs

97
En application du principe de participation, les fonctionnaires sont associés à la gestion de
leur carrière. Aux termes de l’article 29 du statut général de la fonction publique des
organismes consultatifs sont placés auprès du ministre chargé de la Fonction publique. Il
s’agit :
 le Comité consultatif de la Fonction publique ;
 le Conseil de Discipline ;
 la Commission de Réforme ;
 les Commissions administratives paritaires
Le comité consultatif de la fonction publique connait de toute question d’ordre
générale intéressant les fonctionnaires. Il est saisi par écrit soit par le ministre de la Fonction
publique soit par le tiers de ses nombres. Pour les compétences composition, l’organisation et
le fonctionnement du comité consultatif de la Fonction publique voir le décret 93-607 du 2
juillet 1993 portant modalités communes d’applications du statut général de la fonction
publique en son article 103 et suivants.
Le conseil de discipline fait des propositions de sanction de second degré, donne un
avis sur les demandes de retrait de sanction disciplinaire (voir arts 120 et suivants du décret
précité).
La commission de la reforme donne un avis sur les allocations temporaires
d’invalidité, les demandes de rente en cas d’accident de travail ou de maladie professionnelle,
demande de départ à la retraite pour invalidité (voir décret précité).
Les commissions administratives paritaires : pour chaque grade, il est créé une
commission comprenant en nombre égal des représentants de l’Administration et des
représentants du personnel assisté de leurs syndicats.
La commission administrative paritaire donne un avis sur le tableau annuel
d’avancement de classe, les propositions de fin d’engagements pour insuffisance
professionnelle et les propositions de retenue sur pensions (voir arts 136 et suivants du décret
précité).
PARAGRAPHE II- LA STRUCTURE DE LA FONCTION PUBLIQUE
La structure ou la structuration de la fonction publique illustre la persistance du
principe hiérarchique. La situation juridique des fonctionnaires est tributaire de leur
appartenance à une famille d'emploi, à une catégorie, à un grade, à un échelon et
éventuellement à une classe.
A-Les grades dans la fonction publique
Aux termes l’article 10 de la loi n°92-570 du 11 septembre 1992, portant statut général
de la fonction publique, le grade est le titre acquis par le fonctionnaire, à l'intérieur de sa
catégorie, et qui lui donne vocation à occuper un emploi d'un certain niveau, dans sa
spécialité, et dans la hiérarchie administrative. À chacun des grades correspond une échelle de
traitement qui comprend des classes et des échelons. Les différents grades et les échelles de
traitement sont fixés par décret un conseil des ministres.
Il faut noter qu’il existe un rapport entre les grades et les emplois ; il en résulte que le
nombre des grades institués est en relation avec la différenciation et la hiérarchie des emplois,
c’est-à-dire des tâches.

97
Mais le grade ne se confond pas avec l’emploi, en ce que le premier, contrairement au
second ne constitue pas une fonction. Il s’agit, en réalité, titre du fonctionnaire définissant sa
position dans la hiérarchie. Les grades sont désignés par une lettre qui est celle de la
catégorie, suivie d’un chiffre.
Ainsi, aux termes de l’article 3 du décret no 93-608 du 02 juillet 1993, portant
classification des grades et emplois dans l’administration de l’État et dans les établissements
publics nationaux, les grades rattachés à chacune des quatre catégories (ABCD) sont fixés
comme suit dans l’ordre croissant :
- Catégorie A, sept grades : A1 à A7
- Catégorie B, trois grades : B1 à B3
- Catégorie C, trois grades : C1 à C3
- Catégorie D, deux grades : D1 à D2
Classification des fonctionnaires : les catégories
En fonction de leur niveau de formation et de leur qualification professionnelle, les
fonctionnaires sont classés en quatre catégories désignées dans l ’ordre hiérarchique
décroissant par les lettres A, B, C, D.
Aux catégories correspondent des fonctions de différents niveaux :
- À la catégorie A correspondent les fonctions d’études générales, de conception de
direction et de supervision ;
- À la catégorie B, les fonctions d’application, consistant à traduire en mesures
particulière les principes généraux arrêtés ;
- À la catégorie C et D, correspondent les fonctions d’exécution.
Les fonctionnaires de la catégorie A doivent être titulaires de diplômes de
l’enseignement secondaire du second cycle général et technique ou diplômes reconnus
équivalents par la commission consultative des équivalences de diplômes.
Les fonctionnaires de la catégorie C doivent être titulaires des diplômes de
l’enseignement primaire, le certificat d’études primaires élémentaires.
B-Les familles emplois
.Il importe ici de préciser la notion d’emploi avant de présenter les familles d ’emplois.
1-La notion d’emploi.
Aux termes de l’article 5 du décret n° 93-608 du 02 juillet 1993 précité , l’emploi est la
profession exercée par l’agent en fonction d’une qualification acquise soit après une formation
initiale, soit à la suite d’une formation continue. Sur le plan budgétaire, on peut dire que
l’emploi est un poste budgétaire prévu et susceptible d’être occupé par un fonctionnaire.
L’emploi est différent du grade. C’est ce qui ressort de l ’article 10 du statut général de la
Fonction publique. Le statut dispose clairement que ‘‘le grade ’’ est distinct de ‘‘l ’emploi ’’. On
connait la célèbre formule tirée de l’exposé des motifs de la loi du 19 mai 1834 en France
« sur l’état des officiers »: « si le grade appartient à l’officier, l’emploi appartient au roi ; le
gouvernement peut retirer à un officier l’emploi dont il l ’avait investi ; mais l’officier [...]
conserve ses droits à l’avancement, à la réforme ou à la retraite. ».
Ce principe a en théorie une double portée, précieuse en matière de gestion des
ressources humaines, sans parler de la garantie particulièrement sensible aux agents, de la
conservation de leur grade en cas de suppression de leur emploi et subordonnant donc le
licenciement à une loi de dégagement des cadres, hypothèse rarissime : il fait de

97
l’administration la « maîtresse de l’emploi » qu’il s’agisse d’affecter, de muter, de retirer
l’emploi dans l’intérêt du service, de choisir les titulaires de certains emplois ou même de
procéder à des recrutements dérogatoires pour mieux pourvoir à certains emplois ; il permet
ensuite d’attacher une certaine reconnaissance spécifique à certains emplois ou de les valoriser
pour les rendre plus attractifs ou compenser certaines contraintes, sans que puisse être
opposée à une telle politique une méconnaissance du principe de l’égalité de traitement.
Un arrêt du Conseil d’Etat français est démonstratif à ce égard. Il est estime que bien
que le statut définisse le grade comme ouvrant « vocation » à l’emploi, cette vocation « ne fait
pas obstacle à ce que, dans la mesure où l’intérêt du service l ’exige, un chef de service confie
au titulaire d’un grade déterminé des fonctions qui sont normalement remplies par des agents
d’un grade inférieur » (CE. 10 janvier 1958, portes A.J.D.A 1958, II, 161).
2- Les familles d’emplois
Les familles d’emplois sont fixées par le décret n°93-608 du 02 juillet 1993 modifié
successivement par les décrets n° 2015-432 du 10 2015 et le décret n°2020 du 24
2020(modifiant et complétant le décret 2015) portant classification des grades et emplois dans
l’Administration de l’Etat et dans les établissements publics nationaux. Ce décret en son article
6 qui dispose que dans la fonction publique ivoirienne, les emplois sont regroupés en six
ensembles de spécialités ou familles d’emplois.
- Les emplois de l’éducation et de la formation
- Les emplois scientifiques et techniques
- Les emplois à caractère administratif et juridique
- Les emplois de gestion économique et financière
- Les emplois des affaires sociales
- Les emplois de production littéraire et artistique
*Emplois de l’éducation et de la formation,
-Assistant de l’enseignement supérieur : A4 (Doctorat+CNRES)
-inspecteur pédagogique, inspecteur, professeur de lycée : A4 (Maîtrise ou diplôme
équivalent +concours+formation de 2ans.
*Emplois de gestion économique et financière : Administrateur principal des services
financiers : A5 (douanes, impôts, trésor, finances générales, santé, commerce,
assurance, banque)
* Emplois des affaires sociales,
- Administrateur principal social : A5
-Inspecteur principal (Éducation surveillée-Éducation spécialisée, orientation) : A5
* Emplois de production littéraire et artistique,
Journalistes principal, les producteurs, les conservateurs des archives, de
bibliothèques, de musée, les conseillers d’action culturelle : A5
3-Le régime des emplois supérieurs
Si l’administration dispose d’une certaine liberté à l ’égard des emplois en général, cette
liberté est beaucoup plus grande encore à l’égard des emplois dits « supérieurs ». La raison est
bien simple : les aptitudes que requiert l’emploi supérieur, les responsabilités qu ’il implique, le
fait qu’il est souvent à mi-chemin entre les fonctions administratives et les fonctions

97
politiques, entrainent en contrepartie un certain risque d ’instabilité pour son titulaire ; c’est un
domaine ou dans la conciliation de l’idée de garantie et de l ’idée de hiérarchie, la seconde
l’emporte nettement.
Le régime juridique de l’emploi supérieur est ainsi caractérisé par un large pouvoir
discrétionnaire du Gouvernement à la fois en matière de recrutement et d ’exclusion .
S’agissant du recrutement, il importe qu’aux termes de l'article 71 de la Constitution de
novembre 2016 que le Conseil des ministres délibère obligatoirement des nominations aux
emplois supérieurs de l'Etat. Ces nominations sont aux termes de l’article 13 alinéa 2 du statut
général laissées à la discrétion du gouvernement.
S'il s'agit de fonctionnaires, ils sont généralement placés en position de détachement.
Des non-fonctionnaires peuvent être nommés à de tels emplois, ce qui accentue, en ce qui les
concerne, la dissociation du grade (ici absent) et de l’emploi. Il faut noter que si un non-
fonctionnaire est nommé à un tel poste, il n'est pas titularisé dans la fonction publique : il n'a
donc pas droit à la sécurité de l'emploi et ne peut prétendre à retrouver un autre poste dans la
fonction publique.
Relativement à l’exclusion, les occupants des emplois supérieurs sont révocables « à la
discrétion du Gouvernement ». L’article 13 précité dispose en effet que les nominations aux
emplois supérieurs sont révocables, qu’elles concernent des fonctionnaires ou des non-
fonctionnaires. En fait, le Gouvernement peut mettre fin à leurs fonctions sans formalités et
sans garanties particulières envers les intéressés pour des motifs qu’il apprécie librement.

Cette règle vise à assurer le Gouvernement, pour ces emplois sensibles, une loyauté
particulière et une adhésion suffisamment forte aux politiques menées. Ces emplois sont en
effet divisés en deux catégories : les emplois civils et les emplois militaires.

Cependant, le Conseil d’État a jugé en France que la règle de la communication


obligatoire du dossier s’applique aux titulaires d’emplois supérieurs. (C.E. 24 juin 1949,
Nègre D. 1949, 570 ; 13 mars 1953, Teissier, D. 1953, 735).
Le régime juridique des emplois supérieurs étant ainsi marqué d ’un particularisme très
net. La question se pose de savoir quels emplois présentent ce caractère. La loi n°70-486 du
03 Août 1970 établit la liste des emplois supérieurs de l'Etat de Côte d'Ivoire. Ces emplois
sont en effet divisés en deux catégories : les emplois civils et les emplois militaires.
Au titre des emplois civils, sont obligatoirement nommés en Conseil des Ministres, les Préfets
; les Premiers Présidents, les Procureurs généraux, les Doyens de Faculté, les Présidents de
Chambre et Avocats généraux de la Cour d'Appel, les Président et Procureur de la République
de tribunal de première instance, les Recteurs d'Université, les Secrétaires généraux du
Conseil économique et social, le Secrétaires général du Gouvernement, le Secrétaire général
de la Grande Chancellerie, le Secrétaire général de Ministère, le Secrétaire général de
Préfecture, les Sous-préfets, les Chefs de Mission diplomatique, les Chefs de Service
autonome, les Conseillers à la Cour suprême, les Contrôleurs d'Etat, les Directeurs généraux
d'Administration centrale, les Directeurs d'Administration, les Directeurs de Grande Ecole, les
Inspecteurs d'Académie, les Inspecteurs généraux des Services administratifs, les Inspecteurs
des Services administratifs, les Inspecteurs généraux de Ministère, et les Inspecteurs des
Services judiciaires.

Au titre des emplois militaires, seuls les Chefs d'Etat Major et sous-chefs d'Etat Major, les
Commandants de la Gendarmerie, adjoints au commandants de la Gendarmerie et

97
commandants militaires départementaux, les Commandants de Légion de la Gendarmerie ; les
Inspecteurs de la Gendarmerie ; et les Inspecteurs généraux des Forces armées, sont
obligatoirement nommés en Conseil des Ministres.

4-Création, suppression, transformation d’emploi


Aux termes de l’article 2 du décret n° 93-607 DU 2 juillet 1993, portant modalités
communes d'application du statut général de la fonction publique les créations,
transformations ou suppressions de grade ainsi que leur classement hiérarchique et les
modifications à ce classement sont prononcés par décrets en Conseil des ministres sur rapport
conjoint du ministre chargé de la Fonction publique et ministre chargé des Finances. C’est
ainsi qu’aux termes l’article 6 du décret n° 2007-695 du 31 décembre 2007 modifiant et
complétant le décret n° 93-608 du 2 juillet 1993 portant classification des grades et emplois
dans l'administration de l'état et dans les établissements publics nationaux, les emplois de
Professeur certifié (grade A 3), de Professeur licencié (grade A 2) et de Professeur CAP/CM
(grade A 1) sont supprimés. Ils sont remplacés par les emplois de Professeur de Lycée (grade
A 4) et de Professeur de Collège (grade A 3). L'accès à ces nouveaux emplois des
fonctionnaires enseignants en fonction se fait par la voie de dispositions particulières dont
l'organisation de concours exceptionnels de promotion jusqu'à extinction des effectifs
composant les différents emplois supprimés.
L’effectif théorique et le nombre maximum de fonctionnaires à admettre dans les
emplois des différents grades sont fixés chaque année dans la loi des finances. Des décrets en
conseil des ministres fixent les emplois et les fonctions que les fonctionnaires de chaque grade
ont vocation normale à occuper.

CHAPITRE II : LE RÉGIME JURIDIQUE DE LA FONCTION PUBLIQUE


Le régime juridique se rapporte à l’ensemble des règles applicables aux fonctionnaires .
Les agents de la fonction publique sont investis d’une mission d’intérêt général et du fait de
cette particularité ils ne sont pas soumis aux dispositions du code du travail. Le fonctionnaire
bénéficie d’un statut qui définit ses conditions d’accès, de déroulement et la fin de de la
carrière du fonctionnaire.
SECTION I- LA CARRIÈRE DANS LA FONCTION PUBLIQUE
L’accès des citoyens à la fonction publique est dominé par un principe général de
valeur constitutionnelle, celui de « l’égale admissibilité ». Des conditions d’accès sont
cependant fixées par le statut général de la fonction publique. C ’est lorsque ces conditions
sont remplies que le candidat peut prétendre à son recrutement et sa nomination définitive
dans un emploi qui correspond à sa qualification.
PARAGRAPHE I : L’ADMISSION AUX EMPLOIS PUBLICS
Le régime d’admission aux emplois publics s’emploie à déterminer et à organiser les
conditions que les candidats à la fonction publique doivent remplir. Ces conditions sont
commandées par le principe d’égale admissibilité.
A: Les conditions

97
Pour être admis au service de l’État en qualité de fonctionnaire, le candidat doit
remplir certaines conditions. De l’économie des textes, l ’on peut dégagées des conditions
générales et des conditions particulières. S’agissant des condition générales, elles peuvent être
déduites de l’article 3 du statut général. Pour avoir la qualité de fonctionnaire il faut :
 avoir la nationalité ivoirienne ;
 remplir les conditions d'âge pour l'accès à la Fonction publique;
 jouir de leurs droits civiques et d'une bonne moralité ;
 être en position régulière au regard des lois sur le recrutement de l'Armée ;
 remplir les conditions d'aptitude physique et mentale exigées pour occuper l'emploi
En ce qui concerne les conditions particulières, sont généralement déterminées par les
statuts particuliers ou les règlements des concours. Elles sont en relation avec l ’emploi à
occuper. Il s’agit notamment du niveau des connaissances des candidats, la possession de
certains diplômes ou titres et l’aptitude physique.

B- Le principe de l’égale admissibilité aux emplois publics


On est en présence d’un principe essentiel du droit de la Fonction publique. L’égale
admissibilité aux emplois publics est, en effet, un corollaire du principe d ’égalité devant la loi.
C’est un principe à valeur constitutionnelle qui interdit toutes les formes de discrimination
entre les candidats aux emplois publics.
1-La signification du principe
L’article 14 de la Constitution du 8 novembre 2016 dispose en son alinéa 2 que
« L'accès aux emplois publics ou privés est égal pour tous, en fonction des qualités et des
compétences. Est interdite toute discrimination dans l'accès aux emplois ou dans leur
exercice, fondée sur le sexe, l’ethnie ou les opinions politiques, religieuses ou
philosophiques ». Il ne pouvait en être autrement, le préambule de la Constitution dispose que
le peuple de Côte d’Ivoire proclame son adhésion aux droits et libertés telle que définie dans
la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 et dans la charte africaine des droits
de l’homme et des peuples de 1981. Ces deux instruments internationaux de protection des
droits de l’homme consacrent également le principe de l’égale admissibilité aux emplois
publics.
Le principe signifie d’abord que tous les citoyens peuvent avoir accès à la fonction
publique. Naturellement, ils doivent satisfaire aux « conditions générales d’accès » fixées par
le statut général. Il interdit que la Fonction publique soit réservée à une catégorie de citoyens
ou encore que la fonction publique soit fermée à certaines catégories de citoyens.
Une seconde conséquence du principe de l’égal accès se rapporte plus spécialement à
l’épithète « égal ». L’idée d’égale admissibilité implique, en effet, que dans l’accès à la
ponction publique, que les citoyens sont placées sur un pied d’égalité.
Cependant, le principe d’égale admissibilité connait des correctifs. Ces correctifs
doivent être regardés comme un « rééquilibrage » du principe plutôt que comme des mesures

97
dérogatoires. À ce stade il suffit d’évoquer le cas de ce qui est convenu d ’appeler les emplois
réservés. D’ailleurs l’article 14 du statut dispose que « les modalités spécifiques peuvent, en
raison des conditions d’aptitude physique ou de sujétions propres à certaines fonctions, en
réserver l’accès aux candidats de l’un ou l’autre sexe ».
2- Les effets du principe de l’égale admissibilité
De l’ensemble des textes évoqués ci-dessus, il ressort que la mise en œuvre du principe
d’égale admissibilité exclut les discriminations en raison des opinions politiques, des
convictions religieuses, de ethnie et du sexe.
a-L’interdiction des discriminations liées aux croyances et opinons
Dans la droite ligne de la Constitution, le statut général garantit la liberté d ’opinion aux
fonctionnaires et exclut toute distinction entre eux sur la base de leurs opinions. Il importe de
noter cependant l’autorité administrative à qui il revient d'arrêter la liste des candidats admis à
concourir, d'apprécier, dans l'intérêt du service, si les candidats présentent les garanties
requises pour l'exercice des fonctions. Il peut, à cet égard, tenir compte de faits et
manifestations contraires à la réserve que doivent observer ces candidats. En revanche il ne
saurait, sans méconnaître le principe de l'égalité de l'accès aux emplois et fonctions publics,
écarter de ladite liste un candidat en se fondant exclusivement sur ses opinions politiques. Un
recours à la jurisprudence administrative française permet d ’éclairer davantage ce principe. En
fait, par décisions des 3 et 7 août 1953, le secrétaire d'État à la présidence du conseil refusa
cinq candidatures au concours d'entrée de l'Ecole nationale d'administration. Quelques jours
plus tard, la presse publiait un communiqué d'après lequel un membre du cabinet du secrétaire
d'État avait déclaré que le gouvernement ne voulait accepter aucun candidat communiste à
l'E.N.A. Les cinq intéressés, dont M. Barel, saisirent le Conseil d'État de recours en
annulation, en soutenant que l'autorisation de concourir leur avait été refusée uniquement en
raison des opinions politiques qui leur avaient été imputées. Par l'affaire Barel, le Conseil
d'État a jugé que l'administration ne pouvait, sans méconnaître le principe de l'égalité d'accès
de tous les Français aux emplois et fonctions publics, inscrit dans la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789, écarter quelqu'un de la liste des candidats au concours de
l’E.N.A en se fondant exclusivement sur ses opinions politiques . C’est par l’arrêt Barel que le
Conseil d’État a pour la toute première fois reconnu explicitement le principe de l ’égalité de
tous les Français aux emplois publics. Ce célèbre arrêt est donc le point de départ de la
reconnaissance de l’égale admissibilité de tous aux emplois publics. Ce principe devient ainsi
non seulement effectif, mais surtout un droit subjectif opposable à l’administration.
Le statut interdit également les discriminations fondées sur les croyances religieuses.
Cette discrimination se trouve confortée par le principe de la laïcité. Les candidats aux
emplois publics sont libres d’adopter les croyances de leur choix, et même ne pas en avoir. Si
l’Administration doit rester indifférente à ce que sont les croyances des candidats, elle ne peut
au contraire demeurer indifférente aux conséquences que ces croyances pourraient avoir sur
les usagers du service public. Là encore on peut convoquer un arrêt du Conseil d ’État, Abbé
Bouteyre en 1912, à titre de droit comparé. L'abbé Bouteyre s'inscrit au concours
d'agrégation de l'enseignement secondaire. Le ministre de l'instruction publique le disqualifie
de ce concours en jugeant que l'état ecclésiastique auquel il s'était consacré s'oppose à ce qu'il
soit admis dans le personnel de l'enseignement public par principe de laïcité. L'abbé Bouteyre
demande au juge administratif d'annuler la décision pour excès de pouvoir. Le a admis la
légalité du refus d’admettre un prêtre catholique à présenter le concours d ’agrégation de
philosophie en ce que si les idées les opinions se manifestent ou se sont manifestées avant la
candidature aux fonctions publiques, par un fait individuel, par un acte public, qui par sa

97
nature serait incompatible avec l'exercice des fonctions sollicitées, il rentrera certainement
dans les droits d'appréciation de l'Autorité qui fait la nomination, et qui peut légitimement
écarter un candidat qui se sera livré à cette manifestation ou qui aura accompli un acte de cette
nature. Il s'agit ainsi de l'exclusion d'un individu et non pas une catégorie de citoyen. En
l'occurrence, l'état ecclésiastique du candidat constitue une manifestation extérieure de sa
conviction religieuse que l'État est en droit de juger qu'elle serait incompatible avec la
fonction à laquelle il va prétendre (professeur de l'enseignement secondaire). Ce refus de se
justifie pas pour autant pour l'enseignement supérieur public : les élèves sont désormais en
âge de juger.

b- L’interdiction des discriminations ethnique et sexuelle


Les inégalités professionnelles entre hommes et femmes sont proscrites dans l’accès à
la fonction publique. La Constitution du 8 novembre 2016 est très claire sur ce point. En effet,
aux termes de l’article 14 de la Constitution : « L'accès aux emplois publics ou privés est égal
pour tous, en fonction des qualités et des compétences. Est interdite toute discrimination dans
l'accès aux emplois ou dans leur exercice, fondée sur le sexe, l’ethnie ou les opinions
politiques, religieuses ou philosophiques ».
Le statut générale évoque également l’interdiction des discriminations liées au sexe.
L’article 14 dispose en effet que : « Pour l'accès à la Fonction publique, aucune distinction ne
doit être faite entre les deux sexes ». Ce principe est assorti cependant d’exception. Il importe
de noter cependant que « des modalités spécifiques peuvent, en raison des conditions
d'aptitude physique ou à sujétions propres à certaines fonctions, en réserver l'accès aux
candidats de l'un ou de l'autre sexe ».
Ce point qui précède traduit, en réalité, une évolution substantielle en la matière de
discrimination liée au sexe. En effet, pendant longtemps, l ’interdiction de la discrimination se
rapportait exclusivement aux femmes. Celles-ci étaient écartées d ’un grand nombre d ’emplois
par le fait de l’exigence de l’accomplissement du service militaire. Appliquant les textes à la
lettre, le Conseil d’Etat n’a pas hésité à confirmer la discrimination (CE 26 juillet 1912, Dlle
Cuisset). Il reviendra sur sa position en 1936 dans l’arrêt Dlle Bobard. La Dlle Bobard et
quarante de ses collègues du Ministère de la Guerre attaquèrent devant le Conseil d ’Etat un
décret de 1934 réservant au personnel masculin l’accès aux échelons élevés de la hiérarchie de
l’administration centrale du Ministère de la Guerre.

Par son arrêt Dlle Bobard du 3 juillet 1936, la Haute juridiction administrative
française rejeta le recours et affirma la légalité du décret attaqué, considérant que les
restrictions qu’il apportait à l’avancement du personnel féminin répondaient aux exigences du
service.

L’intérêt de l’arrêt réside dans le fait que désormais il est établi que seules des raisons
de service pouvaient justifier des restrictions à l’admission et à l ’avancement du personnel
féminin dans la fonction publique, le Conseil d’Etat se réservant de vérifier si la mesure prise
n’était pas motivée par d’autres considérations.
Les conditions d’accès aux emplois ayant été identifiées, on peut examiner à cet stade du
propos, le recrutement proprement dit.
PARAGRAPHE II- LE RECRUTEMENT
Le recrutement des fonctionnaires est toujours une opération importante et délicate ;
les méthodes employées sont fort diverses. Pour pouvoir aux emplois vacants ou
nouvellement créés, l’Administration peut procéder, d’une manière générale, à un recrutement

97
interne ou externe. Le premier s’adresse aux agents qui sont déjà dans la Fonction publique et
qui souhaitent évoluer dans leur carrière. Le second est destiné à faire entrer dans la fonction
publique, des personnes qui, jusque-là lui étaient étrangères. Qu ’il soit interne ou externe, le
principe du recrutement est le concours. Des dérogations existent cependant.
A- Le principe du recrutement par concours
Le concours est la règle de principe pour le recrutement des fonctionnaires. Il permet
d'assurer l'égalité d'accès des candidats en évitant les discriminations à l'embauche et de
vérifier les compétences des candidats. Le statut général consacre le principe et détermine les
modalités de mise en œuvre du concours.
1- La consécration du principe
Le statut général de la fonction publique autant que le décret portant modalités communes
d’application du statut général de la fonction publique pose le principe du concours. Aux
termes des articles 33 et 3 respectivement statut général de la fonction publique et du n° 93-
607 du 2 juillet 1993, portant modalités communes d’application du statut général de la
fonction publique « les fonctionnaires sont recrutés par voie de concours, sauf dérogations
prévues par décrets ».
Le procédé du concours de recrutement est à la fois, le plus habituel à l ’époque actuelle et
le plus caractéristique de la tendance à limiter la liberté de choix de l ’autorité administrative
sans lui enlever cependant tout pouvoir. Le concours représente un instrument au bénéfice de
l’administration publique, qui permet d’assurer la sélection des candidats les plus capables
selon des critères objectifs, fondés sur le mérite, et donc libres de tout conditionnement
politique ou de tout clientélisme (principe d’impartialité ). Il protège ainsi l’image et l’efficacité
de l’organisation publique. Le concours répond ainsi à une triple exigence de garantie : pour
l’administration, il permet de choisir les candidats les meilleurs en fonction de leur aptitude
vis-à-vis de l’emploi à pourvoir ; pour les candidats, il garantit un choix impartial et donc un
accès à l’emploi potentiellement ouvert à tous ; pour les usagers, il assure l’impartialité du
service public. Le principe constitutionnel est aujourd’hui mis en œuvre par des dispositions
qui imposent aux administrations publiques de recruter leurs personnels « par le biais de
procédures de sélection [ ] ayant pour finalité vérifier l’exigence de professionnalité » et
« garantissant l’accès de l’extérieur », à la suite d’une « publicité adéquate » et selon une
procédure impartiale, économique et rapide, qui permet de vérifier que chaque candidat
possède les « aptitudes et qualités professionnelles en relation avec le poste à pourvoir ».
En fait, les concours sont ouverts en fonction des besoins programmés et budgétisés.
Lorsque la nomination dans l’emploi est subordonnée à l’obtention d’un titre ou diplôme
délivré par un établissement de formation de fonctionnaires, le concours d ’entrée à la fonction
publique.
Les concours de recrutement sont ouverts aux candidats et aux fonctionnaires justifiant
de certains diplômes ou titres ou d’un certain niveau d ’études. Ces concours organisés par le
ministre chargé de la fonction publique en collaboration avec le ministre technique intéressé.
L’âge minimum pour être recruté en qualité de fonctionnaire est à dix-huit (18) ans ; l’âge
maximum à quarante (40) ans pour les agents dont la limite d ’âge est fixée à cinquante-cinq
(55) ans et à quarante-cinq (45) ans pour ceux dont la limite d ’âge est fixée à soixante (60)
ans.
Tout candidat à un emploi public doit produire un dossier comprenant notamment les pièces
suivantes :

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- Un extrait d’acte de naissance ou de jugement supplétif en tenant lieu, ayant moins de
six (6) mois de date ;
- Un certificat de nationalité ivoirienne ;
- Un extrait de casier judiciaire ayant moins de trois (03) mois de date ;
- Un état signalétique et des services militaires ou toute autre pièce établissant que
l’intéressé est en règle vis-à-vis des lois sur le recrutement dans l’armée ;
- Un certificat de visite et de contre visite médicale délivrée par des médecins de
l’Administration et indiquant que l’intéressé remplit les conditions d ’aptitude physique
et mentale exigées pour occuper l’emploi et qu’il est indemne de toute affection grave
ou contagieuse, dont la liste est fixée par décret en Conseil des ministres ;
- Les diplômés ou titres exigés par les dispositions particulières applicables à l ’emploi
ou les copies certifiées conformes de ces documents ;
- Une demande de candidature, établie sur papier libre écrite datée et signée de la main
du candidat et précisant l’emploi pour lequel il postule.
Les dossiers de candidature doivent parvenir à l’autorité qui a ouvert le concours trente
jours au moins avant la date fixée pour le début des épreuves. La liste des candidats admis à
concourir est arrêtée par le ministre chargé de la fonction publique, quinze jours au moins
avant le début des épreuves. Les candidats admis à concourir sont avisés par tout moyen.
2- Les modalités de mise en œuvre
Conformément aux dispositions de l’article 7 du statut général de la fonction publique,
les niveaux de qualification exigés des candidats aux concours de recrutement sont fixés
comme suit, pour chacune des catégories :
- Catégorie A : diplôme de l’enseignement supérieur, général, technique et professionnel
- Catégorie B : diplôme de l’enseignement secondaire du second cycle général et
technique ou diplôme reconnus équivalents par la commission consultative des
équivalences de diplômes.
-Catégorie C : diplôme de l’enseignement secondaire du premier cycle général et
technique ou diplômes reconnus équivalents ;
-Catégorie D : diplôme de l’enseignement primaire : Certificat d’Etudes Primaires
Élémentaires.
En fait, les concours sont ouverts par arrêté du ministre chargé de la Fonction
publique au moins quarante-cinq jours avant la date fixée pour le début des épreuves. L’arrêté
désigne les emplois concernés et détermine les épreuves et les conditions d ’organisation des
concours. Il est publié au Journal officiel de la République de Côte d’Ivoire.
La liste des matières, la durée des épreuves, les coefficients et les notes éliminatoires, le
cas échéant, sont fixés par arrêté conjoint du ministre technique intéressé et du ministre
chargé de la Fonction publique.
Le ministre chargé de la Fonction publique désigne par arrêté les membres de la
Commission de surveillance des concours, les membres du jury du choix des épreuves, les
correcteurs des épreuves écrites et les membres du jury des épreuves orales.
Les fonctionnaires désignés pour faire partie du jury ou désignés en qualité de
correcteurs ou examinateurs doivent appartenir à des emplois d ’un niveau au moins équivalent
à celui de l’emploi auquel le concours donne accès. Le jury de délibération des concours
comprend des membres choisis parmi les correcteurs des épreuves écrites, il est présidé par un

97
représentant du ministre chargé de la Fonction publique, assisté d ’un représentant du ministre
technique intéressé.
Le secrétariat est assuré par la direction ou l ’organisme chargé des concours au
Ministère chargé de la Fonction publique. Au besoin, des centres de concours peuvent être
ouverts dans le chef-lieu de région par arrêté du ministre chargé de la Fonction publique.
Il importe de noter que des sélections peuvent être réservées aux fonctionnaires ou
contractuels en service auprès de l’administration (promotions ou « progressions verticales »).
Ces concours réservés trouvent application dans les récents concours d ’intégration des
contractuel dans le fonction publique. En avril 2023 le ministère de la fonction publique a
lancé au titre de cette année, sur étude de dossier un concours exceptionnel d ’intégration
d’agents contractuels à la fonction publique pour 200 postes budgétaires. Peuvent faire actes
de candidature, les agents contractuels de nationalité ivoirienne exerçant au ministère de la
santé, de l’hygiène publique et de la couverture maladie universelle dans le domaine de la
santé titularisations des emplois
Dans la limite du nombre de places mises au concours, le ministre chargé de la
Fonction publique a arrêté le tableau de classement établi par le jury de délibération.
B- Les dérogations au principe du recrutement par concours
Le principe du concours peut connaître des assouplissements. Ceux-ci peuvent être
dictés par l’intérêt du service, voire par l’intérêt général. L ’article 33 du statut général de la
fonction publique indique effectivement que des dérogations peuvent être portées par décret
au principe du concours. L’article 3 du décret 93-607 portant modalités communes
d’application du statut général de la Fonction publique reprend la même formule.
C’est ainsi qu’à l’issue des travaux de la Commission de Recrutement dérogatoire
composée des représentants de l’Administration publique et de ceux des organisations de
personnes en situation de handicap, les 200 postes budgétaires des grades D1 à A4 prévus
pour la session 2022 ont tous été pourvus 13. « Ainsi, ont été retenus sur 1 012 dossiers valides,
100 handicapés moteurs, soit 50%, 35 handicapés auditifs, 17,5%, 37 handicapés visuels,
18,5% et 25 personnes, soit 12,5%, portant des handicaps liés au trouble du développement »,
a dit Amadou Coulibaly, par ailleurs ministre de la Communication et de l ’Économie
numérique.
D’ailleurs Prenant en compte la volonté du Chef de l ’État de faire de l ’année 2023
l’année de la Jeunesse et tenant compte de l’équité de cette initiative, le Conseil a instruit le
ministre de l’Emploi et de la Protection sociale et l ’ensemble des ministres concernés afin de
prendre les dispositions idoines, en vue d’ouvrir, pour l’année 2023, une autre session de
recrutement dérogatoire à la Fonction publique des personnes en situation de handicap.
Une autre dérogation au principe du recrutement par concours se manifeste à travers les
emplois à la discrétion du gouvernement. Il ressort de l ’article 13 du statut général de la
Fonction publique que la nomination aux emplois supérieure est laissée à la discrétion du
gouvernement compte tenu des critères fixés par décret.
PARAGRAPHE III- NOMINATION ET TITULARISATION DU FONCTONNAIRE
La mise en œuvre des procédés de recrutement débouche logiquement sur des
décisions de nomination émanant des autorités compétentes.
A- La nomination
13
Source : Conseil des ministres, le mercredi 22 mars 2023

97
La nomination est le procédé par lequel une autorité affecte une personne à un poste
ou à une fonction. Du point de vue du droit public, il s’agit de l’acte par lequel une autorité
administrative affecte à un emploi ou à une fonction publique une personne, qui en remplit les
conditions d’accès. La nomination revêt un caractère formel, se concrétisant par un acte
unilatéral, et un caractère substantiel, en consacrant l ’aptitude à l ’exercice d ’une fonction.
Comme une majorité d’États modernes, l’administration ivoirienne est marquée par le principe
de la nomination (opposé à celui de l’élection). Elle intervient après que le fonctionnaire ait
satisfait aux conditions légales et réglementaires pour son recrutement.
À cet égard, le droit positif, éclairé par son héritage historique, oscille entre la
consécration de la nomination comme un pouvoir discrétionnaire de l ’autorité administrative,
et l’encadrement de ce pouvoir comme vecteur d’une professionnalisation des fonctions
publiques. En fait, le succès à un concours n’emporte pas automatiquement nomination . La
Chambre administrative de la Cour Suprême a effet estimé dans l ’arrêt GBOKO Koré Jean
Paul Claude C/ ministère de l’emploi, de la fonction publique et de la prévoyance sociale de
27 janvier 1997, « qu'une fois arrêtée la liste des candidats déclarés admis, le jury épuise sa
compétence et l'autorité administrative a seul pouvoir de nommer le candidat dans l'emploi si
le concours avait pour but de pourvoir directement un emploi, ou de l'autoriser à accéder à
l'établissement de formation ». Au surplus, cette autorité n'est pas tenue d'autoriser un
candidat à accéder à la formation s'il se révèle une faute grave de nature à justifier son
exclusion. En revanche lorsque la nomination intervient, l’administration est tenue d’affecter
les agents dans un délai raisonnable. C’est ce qui ressort de l’arrêt KOUAKOU Adonis Robert
c / ministre de la fonction publique et de la réforme administrative du 18 mars 2015. Le juge
considère « qu’il est de principe que l’Administration est tenue de placer ses agents dans une
situation régulière et de les affecter, dans un délai raisonnable, à des fonctions effectives »
L’approche juridique demeure fortement teintée par la dimension politique de toute
nomination. L’histoire de la nomination est celle d’un acte marquant la volonté souveraine de
l’autorité exécutive, et même « la plus noble et la plus importante » de ces marques (C. Le
Bret, De la souveraineté du Roi, II, 1). Les théoriciens de la souveraineté en font la
prérogative royale par excellence, servant l’unité et l’autorité du pouvoir. C ’est le Roi qui
nomme, et révoque, les grands commis de l’État, nomination imprégnée d ’un fort intuitu
personae. S’installe alors une véritable tradition, dépassant l ’instauration du régime
républicain : l’exécutif est l’autorité de nomination de droit commun . La désignation de
l’autorité compétente découle des règles constitutionnelles. La constitution désigne le
Président de la République comme l’autorité détenant la compétence de principe en matière de
nomination aux emplois civils et militaires de l’État.
B- La titularisation
Alors que la nomination se fait dans un emploi, la titularisation se fait quant à elle dans
un grade. En fait, toute personne admise à occuper un emploi en qualité de fonctionnaire est
soumise à un stage probatoire d'une (1) année.
S’agissant des fonctionnaires stagiaires admis à un emploi de la catégorie A, lorsqu'ils
ne sont pas titulaire du diplôme du cycle supérieur de l ’Ecole nationale d'Administration,
doivent suivre pendant leur stage probatoire une formation administrative de base.
Une fiche d’appréciation du stagiaire est adressée au ministre chargé de la Fonction
publique et au ministre technique intéressé par les directeurs des services ou organismes dans
lesquels le stage probatoire a été effectué. A l'issue du stage d'une année, si les résultats sont
probants, le fonctionnaire stagiaire est titularisé. Dans le cas contraire, il est autorisé à
effectuer une seconde année de stage.

97
La décision de ne pas le titulariser en fin de stage doit être fondée sur l'appréciation
portée par l'autorité compétente sur son aptitude à exercer les fonctions auxquelles il peut être
appelé et, de manière générale, sur sa manière de servir. En fait, l'autorité compétente ne peut
donc prendre légalement une décision de refus de titularisation, qui n'est soumise qu'aux
formes et procédures expressément prévues par les lois et règlements, que si les faits qu'elle
retient caractérisent des insuffisances dans l'exercice des fonctions et la manière de servir de
l'intéressé. En définitive, c’est par la titularisation le fonctionnaire acquiert les droits et
prérogatives attachés à son grade.
Il importe de noter que a notion de titularisation est liée à la distinction entre le grade
et l’emploi. Ceci entraine plusieurs conséquences. D ’abord dans la mesure où la titularisation
intègre l’agent dans la fonction publique , elle est un acte définitif qui n’a pas besoin d’être
renouvelé en cours de carrière. En revanche, les changements successifs de l ’agent en cours de
carrière peuvent s’accompagner d’autant de nomination. Ensuite, il peut y avoir simultanéité
de la nomination et la titularisation. C’est le cas notamment lorsque l’agent est dispensé du
stage. Enfin, la titularisation est impossible pour les emplois hors carrière, tels que ceux à
discrétion du gouvernement.

SECTION II- LE DÉROULEMENT DE LA CARRIÈRE DU FONCTIONNAIRE


Le déroulement de la carrière peut s’analyser successivement à travers les positions
qu’occupent les fonctionnaires dans la fonction publique, la notation et les avancements, et la
fin de la carrière du fonctionnaire.
PARAGRAPHE I-LES POSITIONS DES FONCTIONNAIRES
Le déroulement de la carrière du fonctionnaire n’est pas linéaire. Différentes positions
peuvent jalonnées la carrière du fonctionnaire. De façon générale, on distingue la position
normale des positions exceptionnelles.
A- La position normale : la position d'activité
L’activité est la position du fonctionnaire qui, titulaire d ’un grade, exerce effectivement
les fonctions de l’un des emplois correspondant à ce grade . » La position d’activité est la
position principale pour le fonctionnaire : c’est la position source dont toutes les autres
procèdent. Pour accéder à une autre position telles celles du détachement ou de la
disponibilité, il faut soit déjà se trouver en position d ’activité, soit y revenir. Dans la définition
ci-dessus, il convient de préciser la notion d’exercice effectif des fonctions. Celle-ci n ’exige
pas la présence physique permanente au travail. Dans certaines situations, l ’absence du
fonctionnaire ne fait pas échec à son maintien en position d ’activité. Être en activité n’impose
donc pas d’être en service de façon continue . On ainsi assimile à la position d’activité les
situations suivantes :
- Les congés
Les congés n’interrompent pas l’activité. Ils constituent un droit pour le fonctionnaire.
 Les congés annuels : chaque année le fonctionnaire a droit à un congé de 30 jours pour
se reposer et surtout reconstituer ses aptitudes physiques et mentales. Le fonctionnaire
en congés reçoit l’intégralité de son salaire comme s’il était effectivement en fonction.
 Les congés de maladie : accordés au fonctionnaire atteint de maladies l ’empêchant
d’exercer ses fonctions.
- Congé de maladie de courte durée, dès lors que cette durée maximale est de 6 mois avec
salaire intégral.
- Congé maladie de longue durée : la durée maximum est de 5 ans. Les 6 premiers mois avec
intégralité de salaire (considérés comme courte durée) et le reste du temps avec la moitié du
salaire.

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- Congé de maternité : accordé à la demande de la femme fonctionnaire au vu d ’un certificat
médical. La durée est de 14 semaines avec traitement intégral (en principe 8 semaines avant
l’accouchement et 6 semaines après l’accouchement).
B- Les positions exceptionnelles
Répondant au souci d’aménagement des carrières dans l’intérêt du service et en vue de
donner plus de mobilité au fonctionnaire dans un système de fonction publique dite fermée, le
fonctionnaire peut amener à occuper d’autres positions. Il s’agit du détachement, de la mise
en disponibilité et sous les drapeaux.
1. Le détachement
Le détachement est la position du fonctionnaire autorisé à interrompre temporairement
son activité pour exercer un emploi ou un mandat public national ou international, un mandat
syndical ou une fonction ministérielle. Sous ce rapport, le détachement permet de modifier
l’affectation du fonctionnaire, tout en préservant leurs droits. Il favorise la mobilité entre les
fonctions publiques dans lesquelles son régime est quasi uniforme. Il permet aussi d ’exercer
certaines activités privées sans avoir l’obligation de se mettre en disponibilité.
Le détachement place toutefois l’agent titulaire dans une situation bipolaire, puisqu ’il
s’agit de la position du fonctionnaire qui, « placé hors de son corps ou cadre d’origine,
continuer à bénéficier dans ce corps ou dans ce cadre d’emplois de ses droits à l ’avancement et
à la retraite ». Les hypothèses de détachement sont nombreuses : auprès d’un établissement
public national, d’une collectivité territoriale (commune, région, district), d ’une entreprise
publique (les sociétés d’État), d’une mission d’enseignement ou mission publique, pour
exercer des fonctions de ministre, une entreprise privée en accord avec le conseil des
ministres.

Les conditions, la durée et la rémunération en cas de détachement sont strictement


encadrés.
Le détachement peut être à la fois à l’initiative du fonctionnaire ou être prononcé s ’il
s’agit des détachements auprès des établissements publics nationaux ou des collectivités
territoriales. L’accord préalable du gouvernement est nécessaire dès lors que le détachement
se fait auprès d’un État étranger . En revanche, le détachement est de plein droit dès lors qu ’il
porte sur l’exercice des fonctions ministérielles.
Le détachement s’inscrit dans une durée. Il peut être de courte durée. Dans cette hypothèse sa
durée est de 6 mois maximum non renouvelable. si le détachement est pour un enseignement à
l’étranger la durée est de 1 an.
Le détachement peut être de longue durée. Ici le détachement ne peut excéder 5 ans et est
renouvelable par période de 5 ans.
A l’expiration du détachement, le fonctionnaire est obligatoirement réintégré dans un
emploi de son grade par le ministre chargé de la Fonction publique. Mais Quel est le sort du
fonctionnaire qui s’abstient de faire une demande de réintégration à la fin du détachement?
L’arrêt TIADE Lama c/ Ministre de la fonction publique est sur ce point éclairant. Il importe
de reproduire intégralement son considérant principal : « considérant que s’il est établi que le
fonctionnaire en détachement a droit, à la fin de celui-ci, à réintégration dans un emploi de
son grade, celle-ci ne peut intervenir qu'à la suite d'une demande de réintégration formulée
auprès du Ministre de la fonction publique par le fonctionnaire détaché;

Mais considérant, que, même si Monsieur TIADE a obtenu son détachement en 1985
sous l’empire de la loi du 21 décembre 1964 sur la Fonction Publique, il n ’en reste pas moins,
qu’il s’est abstenu de demander sa réintégration à la fin de son détachement de 5 ans; qu ’il a
prolongé de plusieurs années la période dudit détachement qui a ainsi durée 13 ans, sans
sollicitation et obtention d’une décision administrative auprès de l’autorité compétente;

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Que par ailleurs, en s'abstenant de se faire recenser lors du recensement général des
fonctionnaires en mars 1996 et en introduisant, auprès du Ministre de l ’agriculture, une
demande de réintégration seulement en 2001, soit 3 ans après son licenciement par la PALM-
CI, qu’il a attaquée pour rupture abusive de contrat devant le tribunal de travail, lorsque celle-
ci a entendu le remettre à ta disposition de la Fonction Publique, Monsieur TIADE Lama a
abandonné son poste et ainsi, rompu unilatéralement, le lien qui l'attachait à la Fonction
Publique; que dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que le refus implicite de l'administration
de le réintégrer est entaché d'excès de pouvoir »

L’arrêt BALIMA Née SUMBUGMA Marie-Christine C/ Académie Régionale des


Sciences et Techniques de la Mer d’Abidjan dite ARSTM est également instructif quant à la
situation du fonctionnaire qui prolonge le détachement sans l’accord de l’administration. Le
juge estime en effet, que « faute pour l’ARSTM, d’établir que le détachement a été prorogé, le
maintien du fonctionnaire à l’ARSTM s’analyse en un contrat de travail dès lors qu ’elle s ’est
engagée à mettre son activité professionnelle, sous la direction et l’autorité de l’ARSTM,
moyennant rémunération ; que la Cour d’Appel, en affirmant que dame BALIMA née
SUMBUGMA Marie-Christine n’est pas une salariée au sens du code du travail, a violé les
dispositions dudit code ».

Le détachement peut prendre fin avant son terme soit à l’initiative de l ’autorité
administrative soit à la demande du fonctionnaire. Dans l ’arrêt SIE SEREOUE ALPHONSE
C/ MINISTERE DE L’ENSEIGNEMENT TECHNIQUE ET du 23 février 2005 , à la requête
du Monsieur SIE qui estime qu’il été mis fin illégalement à son détachement, le juge rappelle
« qu'il ressort du statut général de la Fonction Publique notamment de l'article 27 du décret
93607 du 02 juillet 1993, portant modalités communes d'application dudit statut, «qu'il peut
être mis fin, par arrêté du Ministre chargé de la Fonction Publique, au détachement avant le
terme fixé, à la demande soit de l'administration ou de l'organisme d'accueil, soit de
l'administration d'origine».
Considérant que le Directeur du Centre de Formation Professionnelle, qui est habilité à
organiser son service selon les objectifs qu'il s'est fixé, a, en remettant Monsieur SIE à la
disposition de son Ministère d'origine, agi en conformité avec les textes susvisés et n'a
commis, en l'absence de preuves fournies par le requérant, aucun détournement de pouvoir;
que dès lors, Monsieur SIE n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du Ministre
de l'Enseignement Technique et de la Formation Professionnelle.
Le fonctionnaire détaché ou en détachement est rémunéré par son établissement
d’accueil. Mais cette administration d’accueil devra verser à l ’Administration d ’origine les
retenues au titre des pensions et prestations sociales. Il importe de noter qu ’en cas fin
prématurée du détachement à l’initiative du ministre de la Fonction publique, l ’agent
continuera d’être rémunéré par l’organisme de détachement jusqu’à sa réintégration .
En revanche dans l’hypothèse où la demande est faite par le fonctionnaire avant le terme, il
cesse d’être rémunéré au cas où sa réintégration n’est pas immédiate .

2-La mise en disponibilité

Aux termes de l’article 45 du statut général de la fonction publique, la mise en


disponibilité est la position du fonctionnaire dont l’activité est suspendue temporairement, à sa
demande, pour des raisons généralement personnelles. L’article 47 du statut général de la

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fonction publique précise les hypothèses dans lesquelles la mise en disponibilité est accordée
au fonctionnaire :

 Accident ou maladie grave du conjoint ou d’un enfant (durée maximum : 1 an


renouvelable 1 fois)
 Suivre son conjoint fonctionnaire en service à l’étranger (durée maximum : 1 an
renouvelable 1 fois)
 Suivre son conjoint non-fonctionnaire résidant hors du lieu d’affectation du
fonctionnaire (durée maximum : 1 an renouvelable 1 fois)
 Convenance personnelle (durée maximum : 1 an renouvelable 1 fois)
Dans le 1er cas, la disponibilité est accordée de droit à la femme fonctionnaire (accordée
automatiquement)

Mais le fonctionnaire ne peut être considéré comme étant en disponibilité que s'il est
placé dans cette position par une décision de l'autorité de nomination, en l'occurrence le
Ministre de la Fonction Publique. Sous ce rapport, la Chambre administrative de la Cour
suprême considère, dans l’arrêt ZADI Bakre Georges C/ Ministère de la fonction publique du
31 mai 1989 « qu'en décidant d'arrêter son service, sans attendre une telle décision, ZADI
BAKRE a commis un manquement à ses obligations de nature à justifier une sanction
disciplinaire ».
Par ailleurs, contrairement au détachement, la mise en disponibilité entraine une
rupture temporaire des liens du fonctionnaire avec le service. Sous ce rapport, et aux termes
de l’article 46 du statut général de la fonction publique, le fonctionnaire perd à la fois son droit
à rémunération et à la retraite. Cependant, la femme fonctionnaire, chef de famille placée en
disponibilité, pour accident ou maladie d'un enfant, perçoit la totalité des allocations
familiales.

À la fin de la période de la disponibilité, le fonctionnaire doit demander sa


réintégration auprès du Ministre de la fonction publique, deux mois avant l ’expiration de la
période. Il a droit de réintégrer la fonction publique lorsqu’il se présente à l ’expiration de la
période de disponibilité. S’il se présente après expiration du délai de la période de
disponibilité, le fonctionnaire n’a plus droit à la réintégration . Cela relève de l’appréciation de
l’Administration. La carrière du fonctionnaire n’est pas figée . Le fonctionnaire peut connaitre
des promotions.

PARAGRAPHE II-LA PROMOTION DES FONCTIONNAIRES


La promotion des fonctionnaires est un enjeu capital dans tout système de fonction
publique fermé. C’est pourquoi elle est soigneusement organisée afin qu ’elle puisse exercer un
attrait sur les potentiels candidats à la fonction publique. La promotion est basée sur la
notation qui détermine les régimes d’avancement.

A-La notation
Durant leur carrière, la plupart des fonctionnaires sont notés par leur supérieure
hiérarchique. Il convient de voir les éléments de la notation et son contentieux.
1-Les éléments de la notation
Aux termes, de l’article 52 du Statut général de la Fonction publique, il est attribué
chaque année à tout fonctionnaire en activité ou en service détaché, une note chiffrée, suivie
d’une appréciation générale exprimant sa valeur professionnelle.

97
Le pouvoir de notation appartient au ministre ou au Directeur de l ’établissement dont
dépend l’intéressé. Un exemplaire du bulletin de notation est remis au fonctionnaire.
Le Décret N° 93-607 du 2 juillet 1993, portant modalités communes d'application du
statut général de la fonction publique indique en son article 43 que la notation du
fonctionnaire est formulée dans le bulletin de notation. Le bulletin de notation comprend :
1°)- Les mentions portées par le fonctionnaire et relatives à son identité, à l ’évolution de sa
carrière, à l’emploi, aux fonctions exercées le cas échéant et à celles qu’il souhaite exercer ;
2°)- La note chiffrée : cotée de 1 à 5, elle constitue la synthèse d’une série d’appréciations
détaillées portées sur le bulletin et basées elles aussi sur une cotation de 1 à 5 correspondent
aux appréciations suivantes :
1-Mauvais
2-Insuffisant
3-Bon
4-Très bon
5-Exceptionnel
3°)- L’appréciation générale destinée à exprimer la valeur professionnelle du fonctionnaire,
elle décrit brièvement les tâches qui lui ont été confiées au cours de la période couverte par la
notation ainsi que la manière dont il s’en est acquitté. Cette appréciation est la traduction de la
note chiffrée. Elle doit également évaluer, l’aptitude éventuelle du fonctionnaire à occuper une
fonction supérieure ;
4°)- Une proposition relative à l’avancement d’échelon ou de classe.
Les appréciations détaillées visées au 2° du présent article (article 52 ci-dessous cité)
concernant :
 Connaissance et aptitude professionnelle
 Esprit d’initiative
 Le sens des responsabilités
 La puissance de travail
 Le civisme
 Intégrité morale
 Le sens du service public
 Le sens social et des relations humaines
 Esprit de discipline
 La ponctualité et l’assiduité
 La tenue et la présentation
La note porte sur l’évaluation des services accomplis du 1 er juin de l’année précédente
au 31 mai de l’année en cours. Elle produit ses effets en cours de l’année civile suivante. Tout
fonctionnaire doit s’assurer du respect de ces dispositions et faire diligence pour leur
application. La notation est proposée par le supérieur hiérarchique désigné à cet effet par le
ministre intéressé.
Le supérieur hiérarchique remet au fonctionnaire concerné, une copie du bulletin de
notation complétée par la proposition de notation.
2- Le contentieux de la notation
Il convient de distinguer ici les réclamations introduites devant l ’autorité
administrative du contentieux juridictionnel

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a- Les réclamations
Aux termes de l’article 44 du décret n° 93-607 du 2 juillet 1993, portant modalités
communes d'application du statut général de la fonction publique, Le fonctionnaire peut dans
les huit (8) jours de réception du bulletin individuel de notation introduire une réclamation
écrite contre la note chiffrée proposée à son sujet, accompagné de l ’éventuelle réclamation, au
ministre compétent ou à son délégué.
Cette réclamation peut être remise au supérieur hiérarchique ou adressé directement au
ministre compétent ou son délégué. À l’expiration du délai ci-dessus, le supérieur hiérarchique
adresse le bulletin individuel de notation, accompagné de l ’éventuelle réclamation, au ministre
compétent ou à son délégué. Celui-ci arrête définitivement la notation, après avoir statué sur
l’éventuelle réclamation.
La notation individuelle arrêtée par le ministre ou son délégué, la copie du bulletin
individuelle est adressée au ministre chargé de la Fonction publique, au supérieur hiérarchique
et au fonctionnaire intéressé.
Les différentes copies du bulletin doivent obligatoirement parvenir à leurs
destinataires au plus tard le 30 septembre de l ’année en cours. Si, à cette date, le fonctionnaire
n’a pas reçu copie du bulletin de sa notation, il est fondé à s ’adresser par écrit à l ’autorité
censée avoir la notation. Il dispose à cet effet d ’un délai d ’un mois. Passé ce délai et
lorsqu’aucune suite n’a été réservée à sa demande, le fonctionnaire peut dans la limite d ’un
nouveau délai de quinze (15) jours, saisir directement le ministre chargé de la Fonction Public
qui prend alors toutes mesures appropriées. Lorsque, de son fait, un fonctionnaire n’a pu être
noté dans les délais réglementaires, l’année considérée n ’est prise en compte pour son
avancement.
La procédure de notation déterminée au présent décret ne s ’applique pas aux
fonctionnaires placés en position de détachement pour exercer les fonctions de membres de
gouvernement, une fonction publique élective ou un mandat syndical.
b- Le contentieux juridictionnel
La note a été pendant considéré comme un acte ne faisant pas grief en ce qu ’elle était
assimilée à « une mesure préparatoire » de décisions ultérieures. Dans cette perspective, la
voie juridictionnelle de contestation de la notation a été pendant longtemps fermée aux
fonctionnaires. Sous le bénéfice de cette présentation, le recours dirigé contre la notation était
irrecevable. Son illégalité ne pouvait être invoquée qu ’à l ’appui du recours contre les décisions
qui en résultent.
Sur ce point, le droit positif connait une évolution substantielle. En effet la note n ’est
plus considérée par le juge comme un acte non décisoire. Sous ce rapport, le fonctionnaire
peut déférer à la censure du juge de l’excès de pouvoir la note qu ’il estime entachée illégalité.
Dans l’affaire YAO DOUKA Anderson, la Chambre administrative de la Cour suprême a en
effet jugé que les notes et appréciations dont les fonctionnaires sont l’objet, de la part de
l’autorité hiérarchique, sont au nombre des décisions administratives susceptibles d ’être
déférées à la chambre administrative de la Cour Suprême par la voie du recours pour excès de
pouvoir. La note sera annulée si elle est entachée « d’erreur manifeste au détournement de
pouvoir ». Le juge a confirmé cette position dans l’arrêt DELAGOULE Evarice c/ Premier
President de la Cour d’Appel de Bouaké du 20 février 2019 en ces termes : « Considérant que
la notation du fonctionnaire, en l’occurrence la note chiffrée et les appréciations du Magistrat,
constitue une décision administrative faisant grief et qui peut être contestée devant le juge de
la légalité ».

97
En fait le contrôle du juge est un contrôle minimum, car le pouvoir de noter relève du
pouvoir discrétionnaire de l’autorité administrative.
B. Les régimes d’avancement
L’espoir et l’intérêt de tout fonctionnaire c’est d’avancer pour atteindre les grades les
plus élevés dans sa spécialité. Quant à l’Administration, son intérêt c ’est de voir les emplois
occupés les fonctionnaires les plus aptes. De ce double intérêt ont émergé les modalités de
l’avancement des fonctionnaires. Aux termes de l’article 54 du statut général de la fonction
publique, l'avancement des fonctionnaires comprend l'avancement d'échelon et l'avancement
de classe qui ont lieu de façon continue d'échelon à échelon et de classe à classe, à l'intérieur
de l'échelle de traitement
1. L’avancement à l’échelon ou à l’ancienneté
Il se détermine à partir de l’ancienneté et de la notation du fonctionnaire.
a- Son mécanisme
L’avancement d’échelon consiste pour le fonctionnaire à accéder à l ’échelon
immédiatement supérieur, dans les conditions fixées par le statut général.
- L’avancement d’échelon se fait tous les 2 ans. Mais ce délai peut être réduit de 3 à 6 mois
pour les fonctionnaires les mieux notés. Cette règle n’est pas applicable aux fonctionnaires de
2e classe, 1er échelon. À l’inverse ce délai peut être majoré de 3 à 6 mois pour les
fonctionnaires moins bien notés. Perd le bénéfice de l’avancement, le fonctionnaire qui au
cours des 2 années de référence a obtenu une note inférieure à 3 sur 5. Quel est l ’effet de
l’échelon ?
b- Son effet
Il se traduit par une augmentation de traitement et non un changement d’emploi .
2. L’avancement de classe
L’avancement de classe a lieu uniquement au choix parmi les agents les plus méritants.
Un tableau d’avancement est préparé chaque année par le ministre de la fonction publique.
Pour bénéficier d’une inscription, le fonctionnaire doit avoir passé deux ans dans l ’échelon le
plus élevé de sa classe et avoir été proposé par le supérieur hiérarchique. Le supérieur
hiérarchique qui propose ici a une compétence discrétionnaire dès lors qu ’il procède à
l’appréciation des mérites sans se fonder uniquement sur la notation . Quels sont les effets de
l’avancement de classe ?
L’avancement de classe se traduit uniquement par une augmentation de traitement . Il permet
donc de récompenser les fonctionnaires les plus aptes en leur offrant au sein de leur grade un
avancement plus rapide.
3. L’avancement de grade : la promotion
Aux termes de l’article 56 du statut de la fonction publique, la promotion est le passage
du fonctionnaire de son grade à un grade immédiatement supérieur. L’avancement de grade se
réalise dans des conditions identiques.
- D’abord l’avancement de grade n’a lieu que dans la mesure où il y’a vacance de poste
- La valeur professionnelle des agents.
L’avancement de grade s’effectue par voie de concours interne, sauf dérogation. En fait,
l’acquisition d'un diplôme, titre, ou attestation par un fonctionnaire en cours de carrière
n'emporte pas automatiquement son reclassement dans le grade supérieur. Le changement de
grade est subordonnée au succès à un concours professionnel. L’avancement de grade ouvre à
l’agent l’opportunité de se voir conférer un nouveau grade et un nouvel emploi et
naturellement un traitement supérieur. Le fonctionnaire évolue ainsi sur le plan administratif
et financier jusqu’au terme de sa carrière.

PARAGRAPHE III - LES MODALITÉS DE FIN DE CARRIÈRE DU


FONCTIONNAIRE

97
En règle générale, la carrière des fonctionnaires prend fin par la mise à la retraite.
Mais, si la retraite constitue la fin normale de la carrière d ’un agent public, différents cas de
figure peuvent l’amener, lui ou son employeur, à mettre fin à la relation de travail . Il existe en
effet, d'autres façons de quitter la fonction publique : la démission, le licenciement, la
révocation et l’abandon de poste. Sous ce rapport, on distingue en effet le mode normale des
modes exceptionnels de fin de carrière du fonctionnaire.

A-Le mode normal de fin de la carrière du fonctionnaire


Le principe de carrière implique que les personnes qui accèdent à la fonction publique
y demeurent toute la durée de leur vie active. Par conséquent, la carrière s ’achève
normalement par l’admission à la retraite. La retraite est la situation sociale et financière d ’un
individu qui, ayant atteint l’âge requis, cesse son activité professionnelle, en général de
manière définitive, et perçoit régulièrement un revenu sous forme de pension versée par l ’Etat
ou un organisme de sécurité sociale, en tenant compte des cotisations qui lui ont été prélevées
durant sa période d’activité.
Conformément à l’article 84 du statut général de la fonction publique, l'admission
d'office du fonctionnaire à la retraite a lieu soit à la date à laquelle le fonctionnaire compte
trente (30) années de service liquidables, soit lorsque le fonctionnaire a atteint la limite d ’âge
soit en cas d’invalidité. Le décret n°2012 -652 du 11 juillet 2012 fixe la limite d ’âge statutaire
de départ à la retraite des personnels civil de l’État. Désormais l’âge de retraite des
fonctionnaires des grades D à A3 passe de 57 à 60 ans et celui des agents de l ’Etat des grades
A4 à A7 passe de 60 à 65 ans. Il importe de noter que les fonctionnaires, aux termes de
l’article 83 du statut général de la fonction publique, peuvent à leur demande, être admis à la
retraite par anticipation.
En revanche, sauf exception prévues par les textes en vigueur, les fonctionnaires ne peuvent
être maintenus en service au-delà de la limite d’âge.

B-Les modes exceptionnelles de la fin de la carrière


Ces modes exceptionnelles de fin de carrière sont nettement moins fréquentes. Elles
peuvent être de la volonté de l'agent lui-même : démission ou abandon de poste, soit lui être
imposées : licenciement, révocation, soit constatées : comme la perte de nationalité française
par exemple.
1-La fin de la carrière à l’initiative du fonctionnaire : La démission

La démission traduit la volonté de l'agent de rompre sa relation de travail avec


l'administration et de quitter définitivement son emploi. Cependant, pour être valable et
produire ses effets, l’acte de démission doit respecter un certain nombre de conditions .

La démission du fonctionnaire ne peut résulter que d'une demande écrite de l'intéressé


(alors que le salarié du privé peut se contenter d'une démission verbale), elle est soumise à un
formalisme précis (lettre recommandée avec accusé réception) et doit exprimer sa « volonté
expresse et non équivoque » de quitter son administration.
Par ailleurs, la démission, aux termes de l’article 78 du statut général, doit être nécessairement
acceptée par l'administration. Sous ce rapport, dans l'attente de cette décision, l'agent doit
continuer à assurer son service. En fait, les textes entendent protéger ainsi l'agent des effets
irréversibles d'une position prise sous le coup de l'impulsion et mal considérée. C’est
pourquoi, jusqu’à l’acceptation, la démission peut encore être retirée

97
La réponse de l’autorité doit intervenir dans les deux mois à compter de la date de
réception de la démission. Passé ce délai et dans le silence de l ’autorité compétente, la
démission est réputée acceptée. Une fois acceptée, la démission est irrévocable et l'agent est
radié des cadres.

2- La fin de carrière à l’initiative de l’administration : le licenciement


Comme tout employeur, l’Administration peut décider de se séparer de ses agents dans
le respect des dispositions statutaires. L’Administration peut le faire à l’issue d’une procédure
disciplinaire, ce qui peut déboucher sur la révocation ou la mise à la retraite d ’office. Ou en
dehors de toute procédure disciplinaire sur la base du licenciement.
Le licenciement est une mesure administrative d’exclusion de la fonction publique.
Contrairement à ce qu’il représente ailleurs, le licenciement dans la Fonction publique n ’a pas
un caractère disciplinaire, car il n’a pas vocation à sanctionner une faute professionnelle . En
droit ivoirien, le licenciement est prononcé par le ministre de la Fonction (article 78 du statut
général et article 87 du décret 93-607). Il ressort du statut général de Fonction publique trois
motifs du licenciement :
-L’inaptitude physique ou mentale
C’est le cas d’agents qui après avoir bénéficié de congé de maladie de longue durée se
trouvent incapables de reprendre le service après constat du conseil de santé.
- Insuffisance professionnelle notoire
Elle est prononcée par le ministre de la Fonction publique après avis de la CAP et
conformément aux dispositions relatives à la notation des fonctionnaires. Le licenciement
sous ce motif est réalisé sous le contrôle du juge qui peut procéder à une nouvelle
qualification. Le fonctionnaire licencié pour insuffisance professionnelle notoire a droit à une
indemnité égale à un mois de traitement.
- la perte de la nationalité
La nationalité étant l’une des conditions d’accès à la Fonction publique, il est normal que le
fonctionnaire qui la perd sa nationalité ivoirienne perd aussi le droit de demeurer dans la
Fonction publique d’où son licenciement. Le fonctionnaire licencié dans ce cas ne perçoit pas
d’indemnité.
Il importe de noter que le juge vérifie si l’autorité administrative n ’a pas entaché sa
décision d’une erreur de fait, de droit ou d’un détournement de pouvoir et n ’a pas commis
d’erreur manifeste d’appréciation. Pour annuler la décision de licenciement par laquelle le
Ministre de l'Intérieur a décidé de la reverser à la vie civile pour inaptitude physique à la
fonction de policier, la Chambre administrative de la Cour suprême considère que
« l'Administration, dont les actes doivent toujours s'inscrire dans un cadre cohérent fondé sur
la légalité, ne peut sans se contredire, affirmer que l'état de santé physique de KONE Madjara
Yessonguedjou est incompatible avec la fonction de policier, alors que connaissant cet état
depuis le mois d'octobre 2007, elle l'a nommée en qualité de Sous-officier par arrêté
n°493/MI/DGPN/DFENP du 3 décembre 2007, pour compter du 03 août 2007 ; qu'elle lui a
délivré l'attestation de prise de service n°134/MI/DGPN/DFENP du 5 décembre 2007 ; qu'elle
l'a immatriculée sous le n°340939 P et l'a laissée poursuivre la formation du début à la fin,
faisant ainsi la démonstration implicite que l'affection diabétique dont est atteinte la
requérante ne la met pas dans une impossibilité définitive et absolue d'assurer l'exercice de la
fonction de policier ; qu'ainsi, l'acte attaqué qui, en plus d'avoir méconnu les droits acquis
résultant pour la requérante de sa nomination en qualité d'élève sous-officier de police, a été
pris en violation des dispositions légales susvisées portant statut et relatives au recrutement
des personnels de la Police Nationale, encourt annulation ».
A- Les effets de la fin de carrière

97
La fin de la carrière emporte plusieurs effets. Il convient de les examiner
successivement.
1- La rupture du lien de fonction publique
Cette rupture du lien entre l’agent et l ’Administration est réalisée par la radiation de
l’agent des cadres de la fonction publique et aussi par la perte corrélative de la qualité de
fonctionnaire ainsi que du statut qui s’y rattache.
En perdant son statut, l’agent perd également les droits qui en résultent. Il se trouve
également déchargé de ses obligations statutaires. Il conserve néanmoins un minimum de
droits tel que le droit à la retraite, le droit de conserver son titre. Il conserve le droit aussi de
se faire soigner dans les hôpitaux publics.
L’agent est également astreint à un minimum d’obligations et à un certain nombre
d’interdictions et incompatibilités. En conséquence, l’article 85 du statut général dispose que
« sous réserve des exceptions prévues par décret en Conseil des ministres, le cumul d'une
pension de retraite et d'une rémunération publique est interdit ».

2-Le contentieux des évictions de la fonction publique


Un agent public peut être irrégulièrement évincé du service. Dans une telle
hypothèse, le fonctionnaire évincé est recevable à former un recours en annulation
pour excès de pouvoir à l'encontre de cette décision : c ’est le contentieux de l ’éviction .
Lorsqu’une mesure défavorable relative à la carrière d ’un agent est annulée par le juge
administratif, l’agent n’a pas à subir les conséquences néfastes qui s ’attachent aux effets de
cette mesure
La carrière du fonctionnaire doit être reconstituée avec obligation de le réintégrer et
éventuellement de l’indemniser.
a- L’obligation de reconstitution de la carrière
La reconstitution de carrière est une mesure consécutive à l ’annulation d ’une décision
intéressant la carrière d’un agent public . L’objectif est de combler le vide juridique provoqué
par cette annulation en replaçant l’agent dans la position exacte qu ’il occuperait s ’il n ’avait pas
fait l’objet de la mesure annulée
Tout d’abord, l’annulation induit que l’administration adopte des mesures ayant un
effet rétroactif pour reconstituer la carrière de l ’agent depuis la date de la décision annulée et
lui redonne ainsi les avantages dont il a été illégalement privé. Cela suppose ensuite, d ’effacer
les effets de la décision annulée, laquelle est réputée n’avoir jamais existé.
En fait, dès lors que l’agent est censé n’avoir jamais cessé d’assurer son service,
l’Administration doit reconstituer sa carrière en se situant à la date de son éviction. Le juge
ivoirien dans l’arrêt chérif VAHIVOUA du 24 juin 1998 a manqué l ’occasion de préciser les
règles applicables au contentieux de l’éviction. En fait, l’arrêt annulant l’arrêté de mutation
illégale de monsieur CHERIF Vahivoua n’a pas ordonné sa réintégration . L’arrêt 26
décembre 1925 Rodière du Conseil d’Etat français, est ici, d’un secours précieux.
Tirant toutes les conséquences du caractère rétroactif de l'annulation contentieuse il
estime qu’il revient à l’administration de prendre les actes rétroactifs qu ’exige une décision
d’annulation, dans la mesure où l’acte annulé est réputé n ’avoir jamais existé. Le Conseil
d’État estima que le ministre avait correctement exécuté sa décision d'annulation en
reconstituant la carrière des intéressés comme s'ils n'avaient jamais été inscrits au tableau qui
avait été annulé. Mais la reconstitution de carrière suppose que l’agent ait été réintégré.
b-L’obligation de réintégration
Le fonctionnaire illégalement évincé a également droit à la reconstitution de sa
carrière depuis la date de son éviction illégale jusqu'à celle de l'annulation.
Par ailleurs, la reconstitution de carrière d’un agent irrégulièrement évincé implique la
reconstitution des droits sociaux et notamment des droits à pension de retraite qu ’il aurait

97
acquis s’il n’avait pas été illégalement évincé, et nécessite donc que l’administration verse des
cotisations nécessaires à cette reconstitution.
S’agissant du droit à au rappel du traitement, les principes régissant l ’indemnisation
d ’ un fonctionnaire irrégulièrement évincé ont été posés par l ’arrêt
d ’ Assemblée Deberles du 7 avril 1933.
En fait, jusqu’en 1933, le Conseil d’Etat estimait que le fonctionnaire dont l ’éviction
avait été annulée avait droit au rappel intégral du traitement et des indemnités accessoires
dont il avait été privé du fait de la mesure illégale. Cette règle n’était que la conséquence du
principe selon lequel l’acte annulé est censé n’être jamais intervenu. L ’arrêt Deberles est venu
mettre fin à cette règle en substituant au rappel du traitement, le versement d ’une indemnité
destinée à couvrir le préjudice réellement subi par l ’agent. Le Conseil d ’État posa ainsi le
principe d ’une « indemnisation du préjudice réellement subi » par l ’agent, appréciant
ainsi au cas par cas chaque situation, pour mieux appréhender « l ’ importance des
irrégularités », dont l ’agent avait été victime.

CHAPITRE III- LES DROITS ET OBLIGATIONS DES FONCTIONNAIRES


Tous les fonctionnaires, contractuels inclus, ont des droits et des obligations qui les
distinguent des salariés du secteur privé. Parce qu’elle est l’instrument de la puissance
souveraine, la fonction publique n’est pas un métier comme les autres . Les fonctionnaires sont
soumis à un statut particulier, qui leur reconnaît des droits et des obligations spécifiques . On
le sait, l'action administrative repose sur l'intérêt général qui fonde la notion de service public.
Sous ce rapport, il est normal que les fonctionnaires disposent de certains droits pour exercer
leurs missions et les mettre à l'abri de l'arbitraire.

97
Pour cette même raison, ils doivent également supporter les obligations inhérentes à
leurs charges. Les fonctionnaires doivent, en effet observer certaines obligations pour
respecter la légalité et l'équité. Le manquement à ces obligations entraine des sanctions.

SECTION I- LES DROITS DES FONCTIONNAIRES


Pas un salarié comme les autres du fait de l'intérêt général et du service de la
collectivité. Mais c'est un citoyen comme les autres, qui a droit au respect des libertés
fondamentales. Toute l'histoire de la fonction publique est une tentative de conciliation entre
les devoirs du fonctionnaire et ses droits. Les droits reconnus aux fonctionnaires s’analysent,
d’une part, en des avantages matériels et financiers, mais ils portent, d ’autre part, sur l ’octroi
de droits et de libertés .

PARAGRAPHE I- LES AVANTAGES MATÉRIELS ET FINANCIERS

termes de l’article 61 du statut général de la fonction publique, en contrepartie du


service fait, le fonctionnaire a droit à une rémunération comportant :
 le traitement soumis à retenue pour pension ;
 l'indemnité de résidence ;
 éventuellement des indemnités et prestations diverses instituées par un texte législatif ou
réglementaire.
Quant aux avantages matériels, ils sont fixés par 182 et suivants du décret n° 93-607 du 2
juillet 1993, portant modalités communes d'application du statut général de la fonction
publique.
En fait, ces avantages sont pour l’essentiel réservés aux fonctionnaires en activité et
accessoirement aux fonctionnaires à la retraite.

A- Les droits pécuniaires des fonctionnaires en activité (le traitement)


Le droit au traitement constitue pour le fonctionnaire la raison principale de son
engagement dans la fonction publique. Ce droit soulève cependant deux questions : l ’une
relative à son fondement, l’autre à son caractère.
1- Le fondement
On le sait, le salaire dans le secteur privé est conçu comme la contrepartie d ’un travail.
A rebours de cette conception, le traitement était, initialement, considéré comme une sorte
d’indemnité devant permettre au fonctionnaire de tenir le rang social correspondant à sa
fonction.
Cette conception traditionnelle, voire paternaliste, parce que liée à une appréciation
trop subjective et peu protectrice va être peu à peu abandonnée. Le traitement est alors
devenu, comme dans le secteur privé, la contrepartie d’un travail. C ’est pourquoi, le
fonctionnaire n’a droit au versement du traitement qu’après service fait, c'est-à-dire après qu ’il
ait exercé effectivement les fonctions que recouvrent son emploi.
La règle du service fait signifie, en effet, que les fonctionnaires n’ont droit au
traitement que dans la mesure où ils ont assuré leur service. Ce droit commence, aux termes
de l’article 165 décret n° 93-607 du 2 juillet 1993 portant modalités communes d'application
du statut général de la fonction publique, « pour le fonctionnaire à compter du jour où prend

97
effet l'acte portant sa nomination ; sauf indication contraire mentionnée dans l'acte de
nomination. Un certificat de prise de service doit être fourni dans tous les cas ». Cependant,
le droit au traitement peut cesser dans les hypothèses suivantes :
1° Pour le fonctionnaire frappé de la sanction disciplinaire de l'exclusion temporaire
des fonctions ou de la révocation, le lendemain du jour où il reçoit notification de la décision
de sanction. Le fonctionnaire suspendu de ses fonctions perçoit la moitié de son traitement, à
compter du lendemain du jour où il a reçu notification de la décision de suspension.
2° Pour le fonctionnaire démissionnaire, le lendemain du jour où il reçoit notification
de l'acception de sa démission ou le jour fixé pour la radiation des cadres par l'autorité qui a
accepté sa démission ;
3° Pour le fonctionnaire licencié pour inaptitude physique ou mentale, ou pour perte de
la nationalité, le lendemain du jour où il reçoit notification de l'acte de licenciement ;
4° Pour le fonctionnaire licencié pour insuffisance professionnelle notoire, le jour où il
cesse effectivement ses fonctions ; si l'acte de licenciement n'a pas prévu une date ultérieure
pour la cessation des fonctions, celle-ci doit avoir lieu le lendemain du jour où il reçoit
notification de l'acte de licenciement ;
5° Pour le fonctionnaire admis à faire valoir ses droits à la retraite, soit à sa demande,
soit à la date à laquelle il compte trente années liquidables pour la pension, soit parce qu'il a
atteint la limite d'âge de son emploi, le dernier jour du mois civil au cours duquel il est admis
à faire valoir ses droits à la retraite.
6° Le fonctionnaire absent irrégulièrement de son poste perd ses droits au traitement à
compter du lendemain du jour où son absence a été dûment constatée. Sous réserve des
mesures administratives qui peuvent être prises à son encontre, il recouvre ses droits au
traitement le jour où il reprend effectivement ses fonctions;
7° Le fonctionnaire détenu par décision de l'autorité judiciaire perd ses droits au
traitement le lendemain du jour de son incarcération.
Par ailleurs, il ressort de l’article 8 de loi n° 92-571 du 11 septembre 1992 relative aux
modalités de la grève dans les services publics que « l’absence de service fait, par suite d’une
cessation concertée du travail entraîne une réduction proportionnelle du traitement ou salaire
et de ses compléments, autres que les prestations familiales. Quel que soit le mode de
rémunération, la cessation du travail pendant une durée inférieure à une journée de travail
donne lieu à une retenue égale à la rémunération afférente à cette journée »
C’est dire que la simple présence de l’agent sur le lieu de travail n ’équivaut pas au
service fait, si l’agent reste les bras croisés ou s ’il ne s ’acquitte pas de la totalité de ses
obligations. En effet, selon l’article de la loi précitée, « est assimilé à l’absence de service fait
le service mal fait. Le service est mal fait lorsque l’agent s’abstient d’effectuer tout ou partie de
ses heures de service ou n’exécute pas tout ou partie des obligations de service qui s ’attachent
à sa fonction ».
En revanche le droit de tout agent à percevoir son traitement ne peut cesser que si l ’absence
d’accomplissement de son service résulte de son propre fait ou en cas d’abandon de poste .
C’est en substance l’économie de l’arrêt KOUAKOU Adonis Robert c / Ministre de la fonction
publique et de la reforme administrative du 18 mars 2015. Des faits, il ressort que monsieur
KOUAKOU Adonis Robert, nommé sous-préfet de Kouto par décret n° 2007-574 du 15 août
2007, a été remplacé dans lesdites fonctions et mis à la disposition de la Direction Générale de
l’Administration du Territoire (DGAT) par décret n° 2010-251 du 16 septembre 2010, puis
élevé au grade de Secrétaire Général de Préfecture, grade II, 3ème échelon et maintenu à la
DGAT par décret du 27 octobre 2010. Le requérant, faute de poste d’affectation précise
depuis sa nomination au grade de Secrétaire Général de Préfecture, n ’a pu produire
l’attestation de présence exigée de tout fonctionnaire dans le cadre de l ’opération

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d’identification des fonctionnaires et agents de l’Etat lancée par le Ministre de la Fonction
Publique et de la Reforme Administrative a vu mettre son salaire sous contrôle.
2-Les caractères du traitement
Comme le salaire, le traitement a un caractère alimentaire. À ce titre, il est incessible,
mais également insaisissable.
Le traitement du fonctionnaire a un caractère statutaire, règlementaire. Ce qui est différent du
salaire qui a un caractère contractuel.
Le traitement a un caractère impersonnel, c'est-à-dire qu ’il est fixé au regard du rang des
agents d’une même catégorie, c'est-à-dire en fonction des grades, des classes et des échelons.
En revanche, le salaire est fixé en fonction du profil de chaque travailleur. Lorsque le
fonctionnaire est admis à faire valoir ses droits à la retraite, il continue de recevoir une
rémunération : c’est la pension de retraite.

B-Les droits pécuniaires du fonctionnaire à la retraite (la pension de retraite)


La pension de retraite est la rémunération perçue par le fonctionnaire ayant cessé
d’exercer ses fonctions pour avoir été admis à faire valoir ses droits à la retraite . Quel en est le
fondement de la pension ? Quels sont les différents régimes ? comment la détermine-t-on le
montant et qui en sont les bénéficiaires ?
1- Fondement juridique de la pension de retraite
Aux termes de l’article 84 du statut général de la fonction publique, « en cas
d'admission à la retraite, le fonctionnaire a droit à une pension dans les conditions fixées par
la loi et les règlements en vigueur ». Le régime de la pension repose, en effet, sur
l’ordonnance 2012-303 du 4 avril 2012 portant organisation du régime des pensions gérées
par la CGRAE.
L’article 3 de l’ordonnance précitée conditionne l’octroi de la pension à l ’admis du
fonctionnaire à la retraite. Au sens de l’article 4 de l’ordonnance, la pension de retraite est une
allocation pécuniaire personnelle et viagère accordée aux fonctionnaire et, après leur décès, à
leurs ayants cause ( conjoint survivant, orphelins mineurs et assimilé).
La pension de retraite est accordée au fonctionnaire ou agent de l ’Etat dans les cas
suivants :
- à 60 ans pour les emplois de la catégorie D à la catégorie A, gradeA3
- à 65 ans pour les emplois de la catégorie A, grade A4 à a7
-Sans condition d’âge pour le fonctionnaire révoqué sans suspension de droits à pension après
trente de service
-Sans condition d’âge ni de durée de service :
-pour le fonctionnaire admis à la retraite pour invalidité
-pour le fonctionnaire licencié pour suppression d’emploi
-Lorsqu’il a effectué au moins quinze ans de service.
Dans une décision en date du 20 avril 2016, Goulohi André c/ Ministre de la Fonction
Publique de l’Emploi et de la Réforme administrative la Chambre administrative de Cour
suprême considère en effet, « qu’en refusant le bénéfice de la pension proportionnelle au
requérant qui a totalisé 23 années de services dans l ’administration, au motif qu ’il a
démissionné, le Ministre de l’Emploi et de la Fonction Publique a violé les dispositions de
l’article 4 alinéa 3 de la loi susvisée qui ne conditionne l’octroi de la pension proportionnelle
qu’à la seule durée de plus de 15 ans de services dans l’Administration ». Le régime de la
pension de retraite est connu une évolution subtantielle.
2-Les régimes de retraite
Il importe de noter que le principe des Caisses de retraites instauré par l'administration
coloniale et fondé sur le régime dit obligatoire et par répartition a été maintenu par l'État

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ivoirien dès l'accession du pays à l'indépendance. Mais aujourd ’hui à coté de régime de base a
été instauré un régime complémentaire.
a- Le régime de base
La Côte d’Ivoire a choisi au moment de la mise en place de son assurance vieillesse le
système de retraite par réparation contributive. Dans ce système de retraite contributive, la
cotisation à la pension de retraite est repartie entre l ’employeur et le travailleur. Ce système
repose sur une logique de tutelle exercée par l'État qui prend l'engagement, dans le cadre
d'une solidarité nationale, de veiller à ce que chacun de ses agents à la retraite bénéficie d'un
minimum de revenu. Cet engagement de l'État ivoirien est assorti d'une contrepartie pour les
agents qui ont l'obligation de contribuer au financement du système en leur qualité de
bénéficiaires potentiels sociale. C'est donc un régime contributif co-financé par le travailleur
et l’employeur (l’Etat). Système dit de répartition, il est fondé sur le principe de la solidarité
intergénérationnelle. L’idée c’est que les générations de fonctionnaires en activité, financeront
les retraites de leurs prédécesseurs, afin de bénéficier à leur tour de retraites financées par les
cotisations des générations d’actifs suivantes.

Aux lendemains de l’indépendance jusqu’à fin 2011, l’Etat avait fixé à 18% les
cotisations de pension dont 12% comme la part de l’Etat et 6% supportés par le fonctionnaire
sur sa solde indiciaire. Avec l’entrée en vigueur de la réforme en 2012, les taux de cotisation
ont connu une hausse. Aux termes de l’article de 55 de l’ordonnance 2012-303 du 4 avril 2012
portant organisation du régime des pensions gérées par la CGRAE le taux de cotisation est
fixé à 25%.
Le décret 2012-365 du 18 avril 2012 fixant les modalités d ’application de l’ordonnance
2012-303 du 4 avril 2012 portant organisation du régime des pensions gérées par la CGRAE
détermine en son article 18 la part respective de l’Etat et du fonctionnaire. .. Ce régime, dit de
répartition, est basé sur la solidarité entre les générations ; les pensions de retraites sont
financées à partir des cotisations prélevées sur les salaires des actifs Ainsi, les taux de
cotisation pour pension sont passés de 6% à 8,33% pour les fonctionnaires et de 12% à
l’origine pour l’Etat à 16,67%. Au régime de base est venu s ’ajouter un régime
complémentaire.
b- Le régime complémentaire
Ce régime complémentaire est prévu le décret n° 2020 du 24 juin 2020 portant
création du régime de retraite complémentaire par capitalisation au profit des fonctionnaires
et des agents de l’Etat par est l’aboutissement d’un long dialogue entre l’IPS-CGRAE, le
gouvernement ivoirien et les partenaires sociaux. L’adhésion, aux termes de l ’article 4 du
décret précité, est obligatoire pour les fonctionnaires et agents de l ’Etat. Elle est toutefois
volontaire pour les fonctionnaire et agents de l’Etat en en activité avant l ’entrée en vigueur du
décret. Il importe de noter que l’adhésion peut être résiliée par le fonctionnaire.
Ce nouveau produit vise à combler les insuffisances du système de retraite
actuellement en vigueur. La faiblesse fondamentale du système de retraite par répartition, est
qu’il ne suffit pas à lui seul à assurer au fonctionnaire à la retraite un taux de remplacement
convenable ou acceptable du traitement indiciaire perçu en activité, à l ’exclusion des autres
composantes du salaire global
Sous ce rapport, le régime complémentaire dit de capitalisation, devrait permettre au
fonctionnaire, en plus du régime de base, se constituer un stock de capital, suivant le principe
de l’épargne individuelle. Il s’agit d’assurer aux fonctionnaires, à travers cette épargne, des
revenus de retraites plus élevés. Pour ce faire, les travailleurs pourront recourir à des
contributions additionnelles consistant au prélèvement d’un montant minimum de 5000 FCFA
sur le salaire pendant une période donnée ; ou à des versements libres représentant un montant

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à verser occasionnellement selon la convenance de l’agent de l ’Etat, mais ne pouvant être en
dessous de 25 000 FCFA.
En réalité, par le système complémentaire, le fonctionnaire devient un acteur majeur
de sa propre retraite . Le régime complémentaire devrait fort logiquement lui permettre de se
rapprocher au mieux, voire d’aller plus loin en fonction de l ’effort d ’épargne consenti, de la
rémunération perçue durant sa période d’activité. Mais comment est déterminé le montant de
la pension

3- La détermination du montant de la pension de retraite


Son montant est déterminé à partir de deux éléments :
 Le montant du dernier traitement brut perçu pendant au moins 6 mois avant la radiation des
cadres ;
 Le nombre d’annuité liquidable, le nombre d’années de service effectif bonifié le cas
échéant. Exemple de bonification : plus un an par enfant, né d’elle, pour la femme
fonctionnaire. Dans tous les cas, le nombre d’ annuité est compris dans une fourchette de 25
ans minimum et 40 ans au maximum les bonifications comprises. Le montant de la pension
annuelle est calculé en multipliant le nombre d ’ annuité liquidable par 2% du traitement
annuel considéré.
Exemple : Un agent au moment de son départ à la retraite percevait 100.000 par mois et son
nombre d’annuité liquidable est de 35 ans. Quel est le montant de sa pension de retraite
annuelle et celui de sa pension de retraite mensuelle ?
PM= 100000 X 2 X 35 / 35 = 70000
PA= 70000 X 12 = 840000
À ce montant s’ajoute :
 Une majoration de 10% si le fonctionnaire a élevé au moins 3 enfants de leur naissance
jusqu’à 16 ans.
 Une majoration de 5% par enfant au-delà du troisième enfant.
La pension de retraite ne bénéficie pas uniquement aux fonctionnaire. A côté du titulaire
principal, les ayants causes peuvent en jouir.
3- Les bénéficiaires de la pension de retraite
La pension de retraite est accordée au fonctionnaire ayant atteint l ’âge de la retraite .
Les bénéficiaires se répartissent en deux catégories : le titulaire principal et les ayants causes.
a- Le titulaire principal
Le retraité ayant droit à la pension est celui remplissant les conditions pour faire valoir
ses droits à la retraite. Le retraité percevra cette la pension jusqu ’à sa mort. Le décès du
fonctionnaire n’interrompt pas le versement de la pension. Une pension dite de réversion sera
versée aux ayants cause.
b-Les ayants causes
Les ayants cause sont les personnes qui tiennent un droit d ’une autre personne appelée
auteur. Aux termes de l’article 30 de l’ordonnance 2012-303 du 4 avril 2012 portant
organisation du régime des pensions gérées par la CGRAE, les ayants cause du fonctionnaire
sont le conjoint survivant, orphelins mineurs et assimilés. Ils bénéficient d’une pension de
réversion en cas de d’absence, de disparition ou de décès.
 La pension de réversion de veuve
La veuve d’un fonctionnaire a droit à une pension de réversion estimée à 50% de la
pension de retraite, à condition :
- être mariée légalement au moins deux ans avant le départ à la retraite du mari, peu importe
que la veuve se soit remariée ou vive en concubinage notoire après le décès de son mari.

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- La veuve divorcée ou séparée de corps a droit à la pension de réversion si le divorce ou la
séparation de corps n’a pas été prononcée à ses torts exclusifs et si elle ne s ’est pas remariée
avant le décès de son ex-époux.
- Les veuves d’un fonctionnaire polygame (marié avant la loi du 7 octobre 1964 au titre des
mariages déclarés) auront droit à une pension de réversion. La pension est divisée en part
égale entre les différents lits, représentés chacun par une veuve.
 La pension de réversion de veuf
Le veuf d’une fonctionnaire décédée a droit à une pension de réversion de 50% à condition
que :
 Le mariage date d’au moins deux ans avant le départ à la retraite de son épouse.
 Le veuf soit atteint d’une infirmité ou d’une maladie incurable le mettant dans
l’impossibilité de travailler ;
 Le veuf n’ait pas de ressources propres suffisantes.
 La pension de réversion d’orphelin
Les enfants légitimes ou naturels, conçus avant le départ à la retraite ont un droit à la pension
de réversion. Chaque orphelin a droit à 10% de la pension de réversion et le perçoit jusqu ’à 21
ans. En plus des avantages matériels et financiers, le fonctionnaire bénéficie de droits et
libertés.

PARAGRAPHE II- LES DROITS ET LES LIBERTÉS DES FONCTIONNAIRES


Léon Duguit dans son Traité de droit constitutionnel affirmait déjà à son époque que
rien ne pouvait justifier une atteinte aux libertés individuelles des fonctionnaires. Les
principaux droits des fonctionnaires définis dans la loi portant statut général de la fonction
publique relèvent des libertés individuelles et des droits liés à l’exercice de leur profession .
A-Les libertés individuelles
La liberté d’opinion est garantie à tout citoyen par la Constitution qui dispose que «
la liberté de pensée et d'expression, notamment la liberté de conscience, d'opinion religieuse
ou philosophique sont garanties à tous, sous la réserve du respect de la loi, des droits
d'autrui, de la sécurité nationale et de l'ordre public ». Cette liberté compte également parmi
les garanties statutaires. En effet, selon l’article 16 du statut général de la fonction publique,
« la liberté d'opinion est reconnue aux fonctionnaires. Aucune distinction ne peut être faite
entre ceux-ci en raison de leurs opinions politiques, philosophiques ou religieuses ».
La liberté d’opinion, qui se traduit par le principe de non-discrimination, s ’applique
aussi bien lors du recrutement, de la mise en œuvre des procédures disciplinaires que pour le
déroulement de la carrière des fonctionnaires. Sous ce rapport, les opinions du candidat à la
fonction publique ne peuvent justifier un refus d’accès à celle-ci. Au surplus, les mesures
prise par l’autorité administrative doivent être justifiées par l’intérêt du service. Dans l ’arrêt
DIWAR Zelato, le juge considère « qu'il apparaît de l'ensemble de l'affaire, que les mesures
incriminées et en particulier la décision attaquée ont été prises dans un esprit de brimade ou
de vengeance, en tous cas pour des motifs étrangers à l'intérêt du service; qu'il en résulte
que l'arrêté attaqué est entaché du détournement de pouvoir et doit, pour ce motif, être
annulé en tous cas pour des motifs étrangers à l'intérêt du service; qu'il en résulte que
l'arrêté attaqué est entaché du détournement de pouvoir et doit, pour ce motif, être annulé ».
D’ailleurs, il ressort de l’article 21 du statut général de la fonction publique qu’ « Il
ne peut être fait état dans ce dossier, de même que dans tout document administratif, des
opinions ou des activités politiques, syndicales, religieuses ou philosophiques de
l'intéressé ».
Le principe de la liberté de conscience et d ’opinion du fonctionnaire est assorti

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d’exceptions. De fait, le principe selon lequel l’autorité hiérarchique ne peut «léser» le
fonctionnaire en raison de ses opinions trouve une limite dans le régime des emplois
supérieurs. Il résulte, que la nomination autant que la révocation peut être gouvernée par des
considérations politiques ;
2-L’ extériorisation des opinions : la liberté d'expression
Les opinions peuvent par principe s’exprimer librement ; le fonctionnaire est un citoyen
comme les autres. Il peut donc, par exemple, s ’inscrire à un parti, y militer, être candidat à des
élections ou bien encore écrire des articles de journaux. Toutefois, cette liberté est limitée par
le respect des obligations déontologiques, telles que l’obligation de neutralité, l ’obligation de
réserve ou encore le devoir de loyalisme
Lorsque l'exercice de la liberté d'opinion ne se traduit plus seulement par une adhésion
intellectuelle, mais s'extériorise sous la forme d'attitudes, agissements, expression verbale ou
matérielle, liberté d'expression trouve ses limites. Il faut distinguer la situation du
fonctionnaire dans le service et hors service.
a- La liberté d’expression dans l'exécution du service
On conçoit que dans l'exécution du service, le fonctionnaire soit astreint, tant du point
de vue du bon fonctionnement du service que de celui de la subordination hiérarchique, à des
obligations qui limitent dans de très larges proportions la liberté d'expression.
En effet, le fonctionnaire ne doit pas faire de la fonction publique un instrument ou une
occasion de propagande quelconque. Il est astreint au devoir de stricte neutralité, de
loyalisme envers les institutions, voire, compte tenu de l'obéissance hiérarchique, envers le
Gouvernement. En dehors du service, le fonctionnaire bénéficie d’une plus grande liberté.
b- La liberté d'expression en dehors du service
En dehors du service, c'est la liberté d'expression qui constitue le principe.
L'appartenance, même militante, à un parti politique, l'action écrite ou verbale, fait par
exemple partie de cette liberté.
Cependant l'article 16 de la loi portant Statut général, en ses alinéas 2 et 3 dispose : «
l'expression de ces opinions ne peut mettre en cause la loi, les principes affirmés par la
constitution et par le présent statut. Elle ne peut être faite qu'en dehors du service, avec la
réserve appropriée aux fonctions qu'exerce l'intéressé ». En fait, le fonctionnaire en dehors du
service est le représentant de l’Etat dans la société. Sous ce rapport, il est soumis à un
certaines d’obligations pour préserver le crédit et l’honorabilité de l’Administration . A la
vérité, l’expression des opinions connaît une limite qui consiste dans un certain devoir de
réserve minimum. Au surplus Le fonctionnaire même dans sa vie privée, ne doit pas donner à
l’expression de ses opinions une forme grossière ou insultante à l’égard des pouvoirs publics et
de ses chefs hiérarchiques (CE: II juillet 1939, ville d’Armentières 468 : violentes attaques
écrites d’un fonctionnaire municipal contre son maire).
B- Les droits liées à l’exercice de la profession
Dans l’exercice de sa profession, le fonctionnaire bénéficie de libertés qui ne peuvent
exercer que collectivement. Par ailleurs, il bénéficie d’un régime de protection garanti dans le
cadre de ses fonctions.

1- Les libertés collectives


La plupart des libertés sont celles de la personne : ce sont des droits que chacun peut
exercer seul (liberté de conscience, liberté d'aller et de venir). Mais certaines libertés n'ont de

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sens que si plusieurs personnes les exercent ensemble : on les appelle libertés collectives. Il
s’agit essentiellement du droit syndical et du droit de grève qui comme on le sait sont
intimement liés.
a-Le droit syndical
L’exercice du droit syndical est garanti à tout citoyen par la Constitution et à tout agent
public. Ce droit à valeur constitutionnelle est accompagné d ’une garantie statutaire. Il ressort
de l’article 17 du statut général de 1992 que « le droit syndical est reconnu aux
fonctionnaires ». Toute organisation syndicale de fonctionnaires est tenue d’effectuer dans le
mois de sa création, le dépôt de ses statuts et la liste de ses administrateurs, auprès du ministre
en charge de l’Intérieur. Ce droit recouvre la liberté de constituer un syndicat, d’y adhérer et
d’y exercer des mandats. En outre, Les syndicats professionnels de fonctionnaires peuvent se
pourvoir contre les actes réglementaires concernant le statut du personnel et contre les
décisions individuelles et collectives portant atteinte intérêts collectifs des fonctionnaires.

b-Le droit de grève


Le droit de grève, aux termes de l’article 17 de la Constitution, est reconnu aux
travailleurs du secteur privé et aux agents de l ’Administration publique . Ce droit s’exerce dans
les limites déterminées par la loi. Cette formulation est reprise pour les agents publics dans
l’article 18 de la loi portant statut général de la fonction publique : « le droit de grève est
reconnu aux fonctionnaires pour la défense de leurs intérêts professionnels individuels et
collectifs. Il s'exerce dans le cadre défini par la loi. La réglementation de l ’exercice du droit de
grève garantit notamment le principe de continuité du service public.
Ce droit qui obéit à une procédure déterminée, comporte des limites et emporte des
effets précis.
b-1-La procédure du déclenchement de la grève dans la fonction publique
Les dispositions relatives aux modalités de la grève qui sont prévues par la loi n° 92-
571 du 11 septembre s'appliquent au personnel des entreprises, des organismes et des
établissements qui sont chargés de la gestion d'un service public.
Les différends collectifs qui pourraient naître entre le personnel et les collectivités,
entreprises, organismes ou établissements visés l’article premier de cette loi font
obligatoirement l'objet d'une tentative de conciliation entre le service ou l ’organisme
employeur et les agents, en liaison avec les services compétents du Ministère de l'Emploi et
de la Fonction publique.
Si aucune solution n'est trouvée, le ministre intéressé et le ministre chargé de la
Fonction publique sont saisis du différend par les parties au conflit,
En cas d'échec de la tentative de conciliation, le litige est porté au niveau du Chef de
gouvernement.
Si malgré l’intervention du Chef du Gouvernement, les parties n ’ont pu être conciliées
et que le personnel visé à l’article premier de la loi décide de faire usage du droit de grève, la
cessation collective et concertée du travail doit être précédée d'un préavis.
Le préavis est donné par l’organisation ou les organisations syndicales régulièrement
constituées conformément aux dispositions légales en vigueur, dans la catégorie
professionnelle ou dans l'entreprise, l'organisme ou le service intéressé,
Le préavis qui précise les motifs du recours à la grève doit être déposé simultanément
six Jours ouvrables avant le déclenchement de la grève, au ministère chargé de la Fonction
publique, la Direction de l’établissement, de l’entreprise ou de l'organisme intéressé, il fixe le
lieu, la date et l'heure du début ainsi que la durée limitée ou non, de la grève envisagée. Il est

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donné récépissé du dépôt de préavis de grève par le ministre chargé de la Fonction publique,
Le préavis ne fait pas obstacle à la négociation en vue du règlement du conflit.
En cas de cessation collective et concertée du travail du personnel visé à l’article
premier de la loi, l'heure de cessation et celles de reprise du travail ne être peuvent être
différentes pour les différentes catégories professionnelles et pour les divers membres du
personnel concerné. Sont interdits les arrêts de travail par échelonnement successif ou par
roulement concerté.
L'inobservation des dispositions de la loi entraine pour les fonctionnaires, l’application des
sanctions prévues pour le Statut général de la Fonction publique et par le Code du Travail
pour les agents non fonctionnaires
L’absence de service fait, par suite d'une cessation concertée du travail entraine une
réduction proportionnelle du traitement eu salaire et de ses compléments, autres que les
prestations familiales.
Quel que soit le mode de rémunération, la cessation du travail pendant une durée
inférieure à une journée de travail donne lieu à une retenue égale à la rémunération afférente à
cette journée.
Est assimilé à l’absence de service fait le service mal fait. Le service est mal fait lorsque
l’agent s'abstient d'effectuer tout ou partie de ses heures de service ou n’exécute pas tout ou
partie des obligations de service qui s’attachent à sa fonction.
En cas de grève, un service minimum doit être assuré dans les secteurs déterminés et suivant
les modalités fixées par décret pris en Conseil des Ministres.
b-2- Les limitations du droit de grève et les conséquences de la grève
-Limitation tenant à l’objet de la grève.
Certaines modalités de règles seront interdites. C’est le cas de la grève par roulement
ou échelonnement successif, en raison de leurs effets de désorganisation redoutables sur le
service public. On les appelle également des grèves perlées ou tournantes. Est interdite
également la grève sur le tas, c'est-à-dire accompagnée de l ’occupation des lieux de travail
parce qu’elle constitue un abus de droit et une atteinte au droit de propriété de l ’employeur
ainsi qu’à la liberté de travail de ceux qui ne désirent pas grever ;
- Au regard des personnes : certaines catégories de fonctionnaires sont exclues du droit de
grève soit en raison des fonctions qu’ils assument soit en raison de la nature du service public
en cause. Les responsables du service ou de l’organisme employeur sont les représentants de
l’État employeur et à ce titre, ils ne peuvent être grévistes. Exemple : préfet, sous-préfet, chef
de service, directeur d’EPN. Quant à la nature des services, certaines activités ne peuvent être
interrompues comme celles du ministère de l’Intérieur (les forces de maintien de l ’ordre), des
magistrats, du personnel diplomatique. À cela il convient d'ajoute certaines activités où les
grévistes ont l’obligation d’organiser un service minimum, à l’instar des services de santé, des
services de télécommunication, des services radiodiffusion. Lorsque ces règles
d’aménagement ne sont pas respectées, aussi bien dans la procédure que dans le fond, la grève
est qualifiée d’illégale.

c-Les conséquences du droit de grève


Qu’elle soit légale ou illégale, la grève emporte la perte du droit à rémunération pour la
période d’arrêt du travail. Il ne s’agit pas d’une sanction, mais de l’application de la règle du
service fait. La retenue est calculée sur la base du principe du trentième indivisible. Les agents

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grévistes ne peuvent pas échapper à la retenue par le rattrapage des tâches non effectuées, CE
18 avril 1980 Michéa.
La grève, quand elle est illégale entraine pour les auteurs, outre ce qui précède, des
sanctions disciplinaires. En effet, lorsque l’exercice du droit de grève ne respecte la
réglementation, les grévistes s’exposent à des sanctions disciplinaires . C’est ce qui ressort de
l’arrêt le Syndicat libre des agents de la construction dit SYLAC c/ ministre de la construction
et de l’urbanisme du 24 mai 2017. Le juge estime en effet que « si la grève est reconnue aux
fonctionnaires et agents de l’Etat, celle-ci doit être exercée dans le strict respect des conditions
définies par le Statut Général de la Fonction Publique » Sous ce rapport
Considérant qu’il appert des pièces du dossier que les grévistes ont, non seulement
empêché les non-grévistes de se rendre sur leur lieu de travail en bloquant l ’entrée principale
du Service du Guichet Unique, mais également exercé des violences sur ceux-ci et même
endommagé des serrures des bureaux ; que l’enquête diligentée à la suite de cette grève a
révélé que ce sont les membres du SYLAC qui sont les auteurs des violences et voies de fait
constatées ; Que, dès lors, le Ministre de la Construction et de l ’Urbanisme, en prenant la
décision querellée, sanctionnant les dirigeants du SYLAC, auteurs d ’actes de vandalisme, a
justifié sa décision et n’a commis aucune illégalité ».
Le gouvernement peut chercher à pallier aux effets de la grève par le recours à la réquisition
des agents grévistes.
2- La protection fonctionnelle du fonctionnaire
Le fonctionnaire bénéficie d’un régime de protection élargi dans le cadre de ses
fonctions. Cette protection est pose par l’article 19 du statut générale de la fonction publique
en ces termes : « Les fonctionnaires bénéficient, dans l'exercice de leurs fonctions, d'une
protection assurée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles
fixées par le Code pénal et les lois spéciales ». La protection fonctionnelle désigne
l ’ensemble des mesures de protection et d'assistance que doit prendre l'administration à
l ’égard de tout agent.
Le fonctionnaire bénéficie de cette protection en cas de poursuites civiles ou
pénales à raison d ’ une faute en lien avec le service (agent mis en cause). Aux
termes de l ’ article 19 statut général de la fonction publique «lorsqu'un fonctionnaire
est poursuivi par un tiers pour faute de service, la collectivité publique est responsable des
condamnations civiles prononcées contre lui, dans la mesure où une faute personnelle
détachable du service ne lui est pas imputable.

Cette protection est également assuré par l ’administration lorsque le


fonctionnaire est victime d'une infraction dans l'exercice de ses fonctions ou en
raison de ses fonctions (agent victime). Sous ce rapport, l’article 19 alinéa 20 du statut
générale de la fonction publique indique que « La collectivité publique est tenue de protéger
les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou
outrages dont ils pourraient être victimes, dans l'exercice de leurs fonctions et de réparer, le
cas échéant, le préjudice qui en est résulté ».

En fait, l’administration doit assurer la protection de ses agents dans certaines


circonstances, notamment lorsqu’ils sont victimes de menaces ou d ’injures de la part des
administrés ou de leurs collègues. Le but est de permettre à l’agent d’effectuer sa mission dans
des conditions sereines, pour satisfaire au mieux la mission de service public à laquelle il
participe.
Si le fonctionnaire bénéficie de libertés, il est tenu également d’obligations diverses.

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SECTION II- LES OBLIGATIONS PROFESSIONNELLES DES FONCTIONNAIRES
A tous les droits et libertés des fonctionnaires sont attachées des obligations dans
l'intérêt du service et pour les nécessités de l'ordre public. Le chapitre V du statut général de la
fonction publique portant droits et obligations des fonctionnaires détermine les obligations
auxquelles sont soumises ces derniers. L’appartenance à la fonction publique impose des
obligations communes à tous les agents publics dans l’exercice ou en dehors de leur fonction.
Elles tendent à garantir la satisfaction de l’intérêt du service, et de fait, de l ’intérêt général. On
distingue les obligations générales de celles qui sont spécifiques

PARAGRAPHE I- LES OBLIGATIONS LIEES A L’EXERCICE DE LA FONCTION


Dans l’exercice de ses fonctions, le fonctionnaire est soumis principalement à deux
obligations :
- l’obligation de servir
- le devoir d’obéissance
A-L ’obligation de servir
Le fonctionnaire a le devoir de consacrer son activité professionnelle à sa fonction
conformément aux règles d’organisation et de fonctionnement du service dans lequel il a été
affecté. C’est ce que laisse lire l’article 23 du statut général de la fonction publique : « Le
fonctionnaire doit consacrer l'intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont
confiées. Il ne peut exercer, à titre professionnel, une activité privée lucrative de quelque
nature que ce soit sauf dérogation accordée par décret »
En outre, aux termes de l’article 24 du statut général, « le fonctionnaire ne peut
prendre, par lui-même ou par personne interposée, dans une entreprise soumise au contrôle de
l'Administration à laquelle il appartient ou en relation avec cette dernière, des intérêts de
nature à compromettre son indépendance».
Cette règle vise à préserver l’indépendance des fonctionnaires et par voie de conséquence du
service public.
Des dérogations sont possibles. La règle du non cumul n’est pas applicable aux enseignants
qui peuvent exercer la fonction d’avocat.

B-L’obligation d’obéissance hiérarchique


L’obligation d’obéissance hiérarchique est d’une importance capitale dans la mesure où
il apparait comme le moteur ou le ressort qui détermine la mise en œuvre de la réglementation
indispensable au fonctionnement de l’administration. C’est pourquoi tout fonctionnaire quel
que soit son rang doit se conformer aux ordres de son supérieur hiérarchique. L ’article 28 du
statut général de la fonction publique dispose que : « tout fonctionnaire, quel que soit son rang
dans la hiérarchie, est responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se
conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique. Il n'est dégagé d'aucune des
responsabilités qui lui incombent par la responsabilité propre de ses subordonnés ».
Le pouvoir hiérarchique s’exerce à la fois sur les actes et sur la situation juridique
personnelle des agents publics. Sur les actes, le supérieur hiérarchique a un pouvoir
d’instruction et de réformation ; sur la situation personnelle des agents, il a le pouvoir de
définir le volume des missions, l’affectation des agents et de prendre des sanctions
disciplinaires. En conséquence, un agent ne peut exercer un recours contre les mesures
d’organisation du service ou les instructions du supérieur hiérarchique à moins qu ’elles ne
portent atteinte aux droits statutaires, au droit syndical ou au droit de grève. Dans l’arrêt du 19
novembre 2014, TCHAPE Holo André c / Ministre de la fonction publique et de la reforme le
juge considère que le fonctionnaire qui est dans une situation légale et réglementaire n ’est pas
recevable à attaquer sa décision d’affectation à moins qu ’il prouve qu ’il a été porté atteinte à
son statut.

97
En revanche le fonctionnaire a le devoir de désobéissance dans le cas où l’ordre donné
est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public. Le
fonctionnaire supporte d’autres obligations. Celles-ci se rapportent aux valeurs défendues par
l’Administration.

PARAGRAPHE II : LES OBLIGATIONS LIEES AUX VALEURS DEFENDUES PAR


L’ADMINISTRATION

Il s’agit d’obligations relevant non plus des qualités professionnelles et techniques de


l’agent, mais de leur psychologie, de leur éducation et de leur morale (qualités humaines).

A-Le devoir de neutralité et à loyauté


Ce devoir de stricte neutralité exige que dans l’exercice de son activité professionnelle,
le comportement de l’agent soit entièrement indépendant de ses opinions politiques,
philosophiques religieuses ou ethniques. Il ne doit pratiquer aucune discrimination qui puisse
trouver un fondement dans ces opinions des agents publics. Ce devoir s’attache à tout service
public, car là où il y a service public, il y a nécessairement obligation de neutralité. Les agents
publics doivent, dans l’accomplissement de leur tâche, respecter le devoir de neutralité qui
s’impose à tout agent collaborant à un service public. Cela signifie que l’agent doit adopter
vis-à-vis des administrés un comportement indépendant de ses opinions politiques, religieuses
ou philosophiques. Cette obligation trouve sa source dans le principe d ’égalité des usagers
devant le service public et son corollaire dans le principe de laïcité. La Chambre
administrative de la Cour suprême rappelle cette obligation dans l ’arrêt DIARRASSOUBA
DAOUDA C/ Sous-préfet de Seydou du 22 avril 1996.
Cependant, estime le juge, « l’obligation de neutralité qui s'impose à l'Administration
ne s'oppose pas à ce que l'Autorité Administrative chargée de l'organisation des élections
s'assure de la stricte application des prescriptions légales par les Agents chargés de contrôler
le déroulement des opérations électorales ». Ainsi « qu'en demandant, comme en l'espèce, au
Président d'un Bureau de vote, de ne pas autoriser à siéger comme représentant d'une liste de
candidats des personnes dont il n'est pas contesté par le réclamant qu'elles n'étaient pas
inscrites sur la liste électorale de la Circonscription, le Sous-préfet n'a pas fait preuve de
partialité alors surtout qu'il n'est pas prouvé que des représentants de la liste adverse se
trouvaient dans le même cas et qu'en tout état de cause, aucune réclamation n'a été
mentionnée à cet égard sur le procès-verbal des opérations de vote ».
En outre, le fonctionnaire doit servir l'Etat avec loyauté. Cela signifie que les
fonctionnaires et agents de l’État n’ont pas le droit d’adopter une attitude antinationale,
antipatriotique. Être loyal, c’est montrer que l ’on aime son pays à travers ses symboles, ses
institutions, ses autorités. Exemple : disposer sur son bureau, un portrait du président de la
république ou le drapeau du pays. Par contre, être anti-loyal, c ’est montrer son aversion, sa
haine contre son pays à travers ses symboles. Exemple : déchirer ou brûler l’emblème du pays,
renverser la photo du président de la République.

B-Le devoir discrétion professionnelle


Le fonctionnaire est tenu au secret professionnel. Cette obligation tient d’abord aux
faits, informations ou documents dont le fonctionnaire a connaissance à l ’occasion de
l’exercice de ces fonctions Le fonctionnaire doit faire preuve de discrétion professionnelle
pour tous les faits, informations. Constitue une violation du secret professionnel la divulgation
intentionnelle de toute information qui relève du secret de la vie privée ou de tous les secrets
protégés par la loi (dossiers médicaux). Cette obligation vise à protéger l’administration contre

97
la divulgation d’informations relatives au service. Le fonctionnaire peut opposer cette
obligation aux personnes étrangères à l’administration ainsi qu’à d’autres fonctionnaires
En dehors des cas expressément prévus par les textes en vigueur, notamment en
matière de liberté d'accès aux documents administratifs, le fonctionnaire ne peut être délié de
cette obligation de discrétion professionnelle que par décision expresse du ministre dont il
relève. En fait, si les fonctionnaires ont le devoir d’informer les administrés, ils doivent le
faire dans le respect des règles afférentes au secret et à la discrétion professionnelle d ’autant
plus que ces notions sont édictées dans l’intérêt des particuliers.
Le secret professionnel a pour objectif de protéger les administrés mais aussi le
fonctionnaire au sein de son administration.

SECTION III- LES SANCTIONS DES OBLIGATIONS : LA RÉPRESSION


DISCIPLINAIRE

Tout agent de la fonction publique, qu'il s'agisse d'un stagiaire ou d'un titulaire, qui
commet une faute peut se voir infliger une sanction disciplinaire. Les sanctions disciplinaires
sont strictement encadrées par la loi et leur application implique que le fonctionnaire ait
commis une faute dans l'exercice de ses fonctions, ou à l'occasion de l'exercice de ses
fonctions. Des confusion peuvent naître entre sanction disciplinaire et des notions voisines :
sanction pénale, décisions juridictionnelles. A la suite de ces précisions, le régime juridique
des sanctions disciplinaires sera examiné.

PARAGRAPHE I- LA NATURE DE LA RÉPRESSION DISCIPLINAIRE


La nature de la répression disciplinaire peut être appréciée en mettant successivement
en lien la sanction disciplinaire et la répression et la sanction disciplinaire et les décisions
juridictionnelles.
A-Répression disciplinaire et répression pénale
La faute professionnelle d’un fonctionnaire peut être source, à la fois d ’une sanction
pénale et disciplinaire14. Mais si la répression disciplinaire peut parfois coïncider avec la
répression pénale, elle ne se confond pas à elle. Car, il existe bel et bien une différence de
nature entre les deux formes de répressions.
1-L’existence de lien entre la répression disciplinaire et la répression pénale

Un fonctionnaire qui adopte un comportement répréhensible constitutif d ’une faute


disciplinaire peut être concomitamment objet de poursuite pénale devant le juge ordinaire et
se voir puni pénalement. En fait, une faute commise dans l'exercice des fonctions peut
justifier une procédure disciplinaire par l'administration et des poursuites pénales .
Autrement dit, les mêmes faits peuvent constituer à la fois une faute professionnelle et
une infraction pénale. En outre, lorsqu'un agent est pénalement poursuivi pour des faits
sans lien avec le service, l'administration peut aussi décider d'engager une procédure
disciplinaire à son encontre si ces faits :

 Sont incompatibles avec l'exercice d'une fonction publique ,


 Portent atteinte à la réputation de l'administration,
 Représentent un manquement grave à la probité, propre à altérer la confiance
dans l'action publique, etc.

14
CSCA, 18 juillet 2007, Dibo Deye Bertin c/ Président de la République, http://
juris.consetat.ci/page_book.php (consulté le 10 juin 2022)

97
L’affaire Agnofé N’Douba a soulevé la question de la responsabilité pénale du
fonctionnaire non dépourvue de tout lien avec sa responsabilité disciplinaire. À ce propos, le
juge considère que les faits ayant donné lieu à une condamnation pénale « entachent la
moralité même de l’agent de l’État » et que, quoique « commis en dehors du service, ces faits
apparaissent comme manifestement incompatibles avec ses obligations professionnelles.

2-La répression disciplinaire indépendante de la répression pénale

Il n’existe pas, de « confusion des genres» entre la sanction disciplinaire et la sanction


pénale. En fait, alors que la faute pénale sanctionne un comportement antisocial, la faute
disciplinaire a un objectif plus spécifique dès lors qu ’elle n ’a pour but que de sanctionner un
manquement du fonctionnaire à ses obligations professionnelles. Pour Léon Duguit la
répression pénale est une décision juridictionnelle alors que la décision disciplinaire est au
fond et en la forme une décision administrative15

La distinction entre répression disciplinaire et répression pénale est clairement posé


par la loi. Effectivement, l’article 77 alinéa 4 de la loi portant statut général de la fonction
publique dispose qu’« en cas de manquement à ses obligations professionnelles, ou
d’infraction de droit commun commis dans le cadre professionnel, le fonctionnaire peut faire
l’objet d’une sanction disciplinaire indépendamment des poursuites pénales susceptibles d ’être
engagées contre lui ». C’est en substance ce qui transparaît également de l’article 63 alinéa 3
du décret du 6 juin portant règlement de discipline : « une même faute peut être sanctionnée à
la fois sur le plan pénal et sur le plan disciplinaire, l ’action disciplinaire est indépendante de
l’action pénale ». . Les deux procédures étant séparées ou distinctes, le juge considère que « le
pénal ne tient pas, le disciplinaire en l’état » et inversement. Dans l’arrêt KOMENAN Yao
Louis et Sery Ouanda Pierre c/ Ministère et de la Sécurité publique du 27 mai 1992 considère
en effet « que l'action pénale et l'action disciplinaire sont indépendantes l'une de l'autre; que
s'il est vrai que l'autorité qui exerce l'action disciplinaire doit attendre la fin de la procédure
pénale, il ne s'agit pas d'une exception préjudicielle véritable mais d'une simple mesure de
prudence édictée par la loi et applicable au cas où la répression disciplinaire est fondée sur des
faits dont la matérialité doit être établie par le Juge pénal.

Deux observations découle de la synthèse de la jurisprudence. La première observation


résulte de ce que le juge considère que la sanction disciplinaire n ’est pas régie par l ’équivalent
du principe de la légalité des délits, c’est-à-dire de la détermination des fautes susceptibles
d’être sanctionnées. C’est qu’en droit disciplinaire, on ne trouve pas de texte législatif
analogue au Code pénal dans lequel se trouveraient toutes les obligations des fonctionnaires et
toutes les fautes qu’ils pourraient commettre. En matière disciplinaire, ce qui peut être
sanctionné, c’est globalement tous les manquements aux obligations professionnelles, le cas
échéant en dehors même du service, dès lors que le comportement hors service peut affecter le
fonctionnement du service.

La seconde observation se rapporte à l’indépendance de l’action pénale et de l ’action


disciplinaire. D’une part, il se peut que les deux procédures soient déclenchées et qu ’elles se
déroulent parallèlement. En pareille circonstance, la faute disciplinaire n ’a pas besoin d ’être
constatée par le juge pénal avant d’être sanctionnée sur le plan disciplinaire 16. En d’autres
termes, le pouvoir disciplinaire n’est pas subordonné au jugement des tribunaux . Ainsi, au
15
L’État, les gouvernants et les agents, op. cit., p. 466.
16
CSCA, 27 octobre 1993, Nene Bi Doubi Richard c/ Ministère de la Sécurité intérieure ; 19 novembre 2008,
Ankoua N’Goran c/ Ministère de la Sécurité intérieure, voir www.consetat.ci

97
requérant qui soutenait à la fois que leur radiation est entachée de discrimination et qu ’elle a
été prononcée alors même que la décision pénale qui les sanctionne n ’est pas définitive, la
haute juridiction réaffirme sa jurisprudence de l’indépendance de la procédure pénale et
disciplinaire17.

Par ailleurs, Il se peut que pour un même fait, un agent soit acquitté au pénal sans que
cela fasse obstacle à une condamnation sur le plan disciplinaire. En effet, l’appréciation des
faits par l’autorité judiciaire et administrative peut être différente en ce qu ’il est possible qu ’ils
se fondent sur des éléments d’information tout aussi différents. C ’est le cas lorsque le
fonctionnaire dont l’administration est persuadée qu’il a commis un délit, mais qui est acquitté
par le juge au bénéfice du doute. C’est l’hypothèse de l’espèce Koffi N ’Dri François où le juge
estime que « l’action disciplinaire est indépendante de l’action pénale, le refus d ’ordre de
poursuivre, le non-lieu ou l’acquittement ne font pas obstacle à l ’exercice du pouvoir
disciplinaire pourvu que les faits soient établis»18. En conséquence, la relaxe par le tribunal
militaire n’entrave en rien la poursuite disciplinaire.

B-Décision disciplinaire et décision juridictionnelle


La décision disciplinaire, au sens formel, n’est pas une décision juridictionnelle. Il en
résulte que c’est par la voie du recours pour excès de pouvoir que le juge est saisi en vue du
contrôle de la légalité d’une mesure disciplinaire.
Il importe de noter que les mesures disciplinaires émanant des commissions
disciplinaires des ordres professionnels et du conseil de discipline des universités et la
commission permanente statuant en matière disciplinaire sont de nature juridictionnelle 19.

PARAGRAPHE II LE RÉGIME DE LA RÉPRESSION DISCIPLINAIRE


Ce régime repose sur la notion de faute disciplinaire. Le principe en droit pénal de
l’énumération légale des fautes n’est pas retenu en droit de la fonction publique. Par
conséquent, il appartient à l’autorité disciplinaire de déterminer la faute disciplinaire. Si la
sanction disciplinaire relève du pouvoir discrétionnaire de l ’autorité administrative, elle obéit
à une procédure rigoureuse.
A-La notion de faute et de sanction disciplinaire
L’autorité disciplinaire à le pouvoir de sanctionner un fonctionnaire ayant commis une
faute disciplinaire.
1- La notion de faute disciplinaire
La sanction disciplinaire, fait appel à la notion de faute. C ’est en effet la faute du
fonctionnaire qui l’expose à la mise en cause de sa responsabilité sur le plan disciplinaire . En
dépit de cet enjeu, la définition de la notion de faute est « introuvable».
A la vérité, les définitions légales et jurisprudentielles ne sont pas suffisamment
certaines et opératoires. Le statut général de la fonction publique se borne à énumérer un
certain nombre d’obligations auxquelles le fonctionnaire doit se soumettre sous peine d ’être
considéré comme en faute. En l’absence de définition légale, il appartient à l’autorité
disciplinaire d’apprécier et décider discrétionnairement si tel comportement est ou non une
faute disciplinaire. C’est ce que laisse entrevoir l’article 73 du statut qui dispose que toute
faute commise par un fonctionnaire l’expose à une sanction disciplinaire . Il incombe à

17
CSCA, 27 mai 1992, Komenan Yao Louis et Sery Ouanda Pierre c/ Ministère de la Sécurité publique, voir ibid
18
5 CSCA, 29 avril 1987, Koffi N’Dri François c/ Ministère de la Sécurité intérieure, voir www.consetat.ci.
19
Dans l’arrêt François Xavier Santucci, le juge considère que le conseil de l ’université et la commission
permanente des enseignants du supérieur sont des juridictions lorsqu’ils statuent en matière disciplinai

97
l’autorité disciplinaire de dire si tel comportement constitue une faute disciplinaire. Il dispose
là d’un trait large pouvoir discrétionnaire
Les incertitudes de la définition législative ne sont pas levées par le juge. Celui-ci
assimile effectivement la faute à tout manquement à ses obligations commis par un
fonctionnaire et qui justifie une sanction disciplinaire. Cette indétermination de la notion est
également observable dans la doctrine. Le doyen Léon Duguit y voyait l ’atteinte portée par le
fonctionnaire au lien qui l’unit à l’État dans le mauvais accomplissement de sa mission
fonctionnelle20.
1- La notion de sanction disciplinaire
Il importe de noter que l'autorité hiérarchique, investie du pouvoir disciplinaire exerce
celui-ci de façon discrétionnaire. En conséquence, la Chambre administrative de la Cour
Suprême dans l’arrêt KOMENAN Yao Louis et Sery Ouanda pierre c/ Ministère de la Sécurité
Publique du 27 mai 1992, estime que l'autorité judiciaire ne peut apprécié l'opportunité et la
gravité de la sanction prise sans faire acte d'administration. Cela dit, contrairement aux fautes
disciplinaires, les sanctions disciplinaires sont limitativement déterminées par le législateur.
Les sanctions disciplinaires sont, aux termes de l’article 74 du statut général de la fonction, de
deux ordres :
a- Les sanctions disciplinaires du premier degré
Ce sont :
- l’avertissement
- le blâme
- le déplacement ou l’affectation d’office.
Ces sanctions du premier degré sont des sanctions morales, de simples mises en garde,
sans incidence financière. Elles relèvent, aux termes de l’article 75 du statut général de la
fonction, de la compétence du ministre technique, du préfet ou du directeur de l ’établissement
public.
b- Les sanctions du second degré
Ce sont :
- la radiation du tableau d’avancement.
- La réduction du traitement de 25% maximum pour une durée de 30 jours maximum.
- L’exclusion temporaire pour six mois maximum.
- L’abaissement d’échelon.
- L’abaissement de classe.
- L’abaissement de grade.
- La révocation (avec ou sans suspension du droit à la pension).
Ces sanctions relève, d’après l’article 75 du statut général de la fonction publique de la
compétence du ministre chargé de la Fonction publique, qui l'exerce, sur saisine du ministre
technique ou du directeur de l'établissement, après communication au fonctionnaire incriminé
de son dossier individuel et consultation du conseil de Discipline.
c- La nature de la suspension
Aux termes de l’article 77 du statut général de la fonction publique, « en cas de faute
grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations
professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être
immédiatement suspendu par le ministre ou le directeur de l'organisme employeur ou par le
préfet en ce qui concerne les fonctionnaires en service dans son département après
confirmation du ministre technique intéressé. La suspension est-elle une sanction
disciplinaire.
Sur ce point la jurisprudence de la Chambre administrative est assez claire. La Chambre
administrative note dans l’arrêt KOULA KANHI Désirée Nathaly et 21 autres c/ Ministre de
20
Léon Duguit, L’État, les gouvernants et les agents, Paris, Dalloz, 2005, p. 463

97
l’éducation nationale et de l’enseignement technique du 26 juillet 2017 que la suspension de
fonctions n’est pas une sanction disciplinaire. Elle ne peut, en conséquence, être soumise aux
règles de la procédure disciplinaire.
En réalité, la suspension de fonctions consiste à éloigner temporairement du service un
agent public ayant commis des actes pouvant constituer une faute disciplinaire et perturber le
fonctionnement du service. En d’autres termes, il s’agit d’une mesure conservatoire.
Les effets d’une mesure de suspension sont assez claires. En effet, le fonctionnaire
suspendu de ses fonctions ne peut prétendre qu’à la moitié de sa rémunération. Cependant, il
continue à percevoir la totalité des prestations familiales. Cette situation du fonctionnaire
suspendu doit être définitivement réglée dans un délai de trois mois, à compter du jour où la
décision de suspension a pris effet. De fait, lorsqu’aucune décision n ’est intervenue au bout de
trois mois, l’intéressé reçoit à nouveau l’intégralité de sa rémunération, sauf s ’il est l ’objet de
poursuites pénales. Le pouvoir disciplinaire fait, à la vérité, l’objet d’un contrôle.
B-Le contrôle du pouvoir disciplinaire
La décision administrative infligeant une sanction disciplinaire doit respecter les
principes généraux du droit.
Au plan de la légalité externe, le juge administratif vérifiera le respect des règles de
compétence de l’autorité investie du pouvoir disciplinaire, le respect des droits de la défense
du fonctionnaire préalablement à la consultation du conseil de discipline, la motivation de la
sanction.
Au plan de la légalité interne, il vérifiera la réalité des faits, si les faits invoqués sont
constitutifs d’une faute disciplinaire et si l’appréciation de l ’autorité disciplinaire n ’est pas
entachée d’erreur manifeste d’appréciation. Sur ce point, on note une évolution substantielle
de la jurisprudence. Initialement, le juge se refusait d’apprécier la sanction prononcée par
l’autorité administrative. Dans By Jules, la chambre administrative estime en effet « qu’elle ne
peut apprécier l’opportunité et la gravité de la sanction prise par l ’administration sans faire
acte d’administration ; ce que lui interdisent les principes généraux ». Cette position initiative
va connaître une double évolution
C’est d’abord l’arrêt Néa Gahou Maurice qui pose les jalons de l ’évolution. Le juge
considère « qu’un retard de quelques jours mis par le fonctionnaire pour rejoindre son
nouveau poste d’affectation ne peut être regardé comme le refus de rejoindre son poste que si
le retard mis par Néa Gahou pour rejoindre son poste constituait une faute disciplinaire, celle-
ci ne pouvait justifier le licenciement pour refus de rejoindre son poste. La décision
administrative est annulée par cela seul qu’elle est jugée superflue ou excessive en raison de la
finalité de l’action administrative.
Mais l’évolution décisive viendra des arrêts Touré Nebetien et Coulibaly Nazoloma
Amara Dans le premier, tout en rejetant la requête tendant à l ’annulation d ’une sanction
d’exclusion temporaire de six mois, le juge fait observer que même si la sanction disciplinaire
relève du pouvoir discrétionnaire de l’administration et se trouve par la même insusceptible
d’être discutée devant le juge administratif, il peut en apprécier la valeur lorsque celle-ci « est
manifestement excessive »21.
C’est sans doute l’arrêt Coulibaly Nazoloma Amara qui a porté, dans la période récente,
le coup de grâce au refus d’apprécier le choix de la sanction infligée au fonctionnaire. Par cet
arrêt le juge introduit, expressis verbis, le concept de proportionnalité. Il pose le principe que
« la sanction disciplinaire infligée à un agent de la fonction publique doit être proportionnelle
à la faute commise ; qu’il appartient au juge de l’excès de pouvoir, saisi de moyen en ce sens,
à rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l ’objet d ’une sanction

21
CSCA, 18 décembre 2002, Touré Nébetien c/ Ministère du Travail et de la Fonction publique.

97
disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue
est proportionnelle à la gravité de ces fautes »22.
C-La procédure disciplinaire
Les autorités administratives sont tenues à l’obligation de respecter certaines règles de
forme et de procédure dans la mise en mouvement de leur pouvoir disciplinaire, c’est-à-dire
dans la mise en œuvre du pouvoir qu’elles ont de prendre des sanctions disciplinaires contre
les fonctionnaires coupables de fautes disciplinaires. Le respect des droits de la défense et la
motivation de la sanction en sont les manifestation topiques.
1- Le respect des droits de la défense
Le respect des droits de la défense est une exigence rituelle de la jurisprudence
administrative ivoirienne.23 Le principe de la communication du dossier, qui est un aspect des
droits de la défense, signifie qu’un fonctionnaire, objet d’une procédure disciplinaire, doit
prendre connaissance de son dossier personnel afin d’être informé des griefs formulés à son
encontre. Concrètement, l’administration met à la disposition de l ’administré les pièces qu ’elle
détient et qui constituent son dossier. Cela apparaît nettement dans la loi no 92-570 du
11 septembre et dans le décret du 2 juillet 1993 portant modalités communes d’application du
statut général de la fonction publique qui consacrent le principe des droits de la défense.
L’article 75 impose, en effet, aux autorités administratives investies du pouvoir de prendre des
sanctions de premier degré, l’obligation d’adresser au préalable une « demande d’explications
écrites à l’intéressé ».
La même obligation ressort de l’article 81 du décret du 2 juillet 1993. Aux termes du
décret, le fonctionnaire poursuivi dans le cadre d’une procédure disciplinaire doit être mis à
même de présenter sa défense, c’est-à-dire ses observations et objections relativement aux
motifs de la décision.
Cependant, le juge considère, dans l’arrêt 18 décembre 2013 YAO DOUKA Anderson
c/ Premier président de la Cour d’Appel de Bouaké, que la note et les appréciations qui sont le
résultat du contrôle de la valeur du fonctionnaire impliquant l ’appréciation de ses aptitudes
professionnelles et autres qualités ainsi que la manière dont il s’acquitte des fonctions qui lui
sont confiées en ce qu’elles ne constituent pas une sanction ne sont pas précédées d ’une
demande d’explication.
Le statut général de la fonction publique va plus loin pour les sanctions du second
degré qui ne peuvent être prises qu’à l’issue d’une procédure faisant intervenir le conseil de
discipline. Cette formalité substantielle est rappelée, à juste titre, par la chambre
administrative qui, convoquant le statut général de la fonction publique, en fait une
application rigoureuse24. Par ailleurs, la sanction disciplinaire doit être motivée.
2- La motivation de la sanction disciplinaire
En Côte d’Ivoire, aucune loi ou aucun principe général de droit ne fait obligation à
l’administration de faire figurer les motifs dans l ’acte concerné. Cette posture n ’est pas suivie
en toute circonstance. De fait, la liberté de l ’administration relative à l ’expression de ses
motifs s’arrête là où il existe le principe du respect des droits de la défense. Aux terme de
l’article 74 du statut général de la fonction publique, « la décision de sanction doit être
motivée ».
22
CSCA, 20 avril 2016, Coulibaly Nazoloma Amara c/ Ministère de la Fonction publique et de la Réforme
administrative
23
Yédoh Sébastien, Lath Allou et Elvis Adjaffi, « Les droits de la défense dans le contentieux de la fonction
publique devant la Chambre administrative », Tribune de la Chambre administrative, no 9, janvier 2018, p. 47
24
CSCA, 27 février 1974, Edi Ossohou Sévérin c/ Ministère de l’Intérieur ; 28 janvier 1987, Commissaire
Assiélou Koutou c/ Ministère de la Sécurité intérieure ; 30 juillet 1997, Commissaire Godrin Kouadio Roger c/
Ministère de la Sécurité intérieure ; 4 novembre 2000, Digbeu Gozé Albert c/ Ministère de la Sécurité intérieure
; 25 juillet 2001, Loua Zomi c/ Ministère de l’Énergie et du Transport, voir www. consetat.ci.

97
L’examen de la jurisprudence ivoirienne, relative à la motivation révèle que le juge a une
position bien nette25. La motivation devient obligatoire dès lors qu’il s’agit d ’une décision
administrative revêtant le caractère de sanction et portant gravement atteinte à une situation
individuelle. L’analyse des décisions révèle que le juge soulève d ’office ce moyen
d’annulation. En fait, alors même que les requérants n ’ont pas visé l ’exigence de motivation, le
juge vérifie si le fonctionnaire frappé par une sanction disciplinaire est, à la seule lecture de la
décision qui lui est notifiée, en mesure de connaître les motifs de droit et de fait. Dans l’arrêt
Youan Bi Trayé le juge considère en effet que « le ministre de l’Emploi et de la Fonction
publique qui, dans son mémoire en date du 25 juin 1990, conclut au rejet du recours comme
étant mal fondé en raison du contenu de la lettre de suspension de la solde, n ’a pu rapporter la
preuve que le requérant a été informé de la décision le mettant à la disposition du Directeur du
Personnel de l’Enseignement primaire ; que le ministre de tutelle à qui cette preuve a été
demandée par lettre en date du 12 mars 1992 du Conseiller rapporteur n’a pas cru devoir
répondre à cette demande, ce qui confirme l’absence de notification de la décision de mise à la
disposition, alléguée par le requérant ».

25
CSCA, 23 juin 2010, Boli Epse Hélène Dina Lacoste c/ Ministère de la Construction, de l ’Urbanisme et de
l’Habitat ; 6 janvier 2017, Diakité Mamadou c/ Ministère de la Construction et de l’Urbanisme

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