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SYLLABUS DU COURS DE METHODOLOGIE EN DROIT

Par Aboudramane OUATTARA, Agrégé des Facultés de droit


Cours de LICENCE 1 EN DROIT
Université Félix HOUPHOUET-BOIGNY, Cocody-Abidjan

La méthodologie est dérivée du latin methodus, lui-même emprunté au grec


ancien, méthodos, (poursuite ou recherche d’une voie), et de logos, c'est-à-
dire, la science des savoirs, de la connaissance, dans le sens de la logique, de
la rationalité.

La méthode s’entend de la manière, de la démarche dont on use pour


conduire sa pensée, le style de pensée, de dire ou de faire quelque
chose, suivant certains principes et avec un certain ordre.

La méthodologie désigne, en conséquence, la démarche scientifique, logique


et rationnelle que l’on utilise dans le discours d’une discipline et dans
l’acquisition des connaissances et du savoir de ladite discipline.

En cela, toutes les matières obéissent nécessairement à une méthodologie


et, cela, tant dans leur assimilation et dans leur maîtrise.

Le Droit n’échappe pas à cette dynamique, en tant que science sociale,


même si le discours juridique a une nature hybride. En effet :

En tant qu’il est fondé sur le raisonnement logique et aristotélicien


(Aristote) et fait souvent un recours à des postulats (textes de lois,
jurisprudence, usage coutume…), le discours juridique en emprunte aux
sciences dites dures (mathématiques) ;

En tant qu’il s’applique à une société humaine qui ne peut, hélas, pas
toujours tout prévoir, et qu’il a vocation, par ailleurs, à régir des situations
diverses et particulières, le savoir juridique se nourrit largement des modes
de raisonnement des sciences humaines et sociales (empirisme, induction
déduction, prospective, réfutation, dialectique, rationalisme…)

La connaissance juridique est arrimée (ou repose sur) à la maîtrise de


quatre type d’exercices.
Autrement dit, le juriste qui prétend postuler au savoir juridique est tenu de
maitriser la technique des exercices suivants :
- Le Cas pratique,
- La Consultation juridique,
- Le Commentaire de textes ou de décisions et
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- la Dissertation juridique.
Certes, de nombreux ouvrages de méthodologie en droit existent. Toutefois,
à titre indicatif, les étudiants pourront se référer au manuel le plus courant
et le plus accessible :
 Isabelle DEFRENOIS-SOULEAU, Je veux réussir mon droit Méthodes de
travail et clé du succès, Dalloz.

Les exercices en droit seront indiqués selon la chronologie décrite ci-haut.

I- Le cas pratique

Il s’agit de l’exercice classique le plus usité en droit, en raison de sa


potentialité à résoudre, de manière concrète, les problèmes usuels de la vie
juridique.

Spécifiquement, l’exercice du cas pratique consiste à répondre à une


question ou à une série de question ou de préoccupations précises et
libellées expressément dans le sujet.

La démarche méthodologique à observer pour la résolution du cas pratique


peut être divisée en trois (3) parties établies selon le schéma suivant :

1- L’« introduction » du cas pratique

Elle consiste en trois étapes :

 Le Résumé ou dans la Synthèse des faits les plus pertinents de


l’espèce : il s’agit de relever les éléments de faits les plus pertinents et
susceptibles de guider dans la recherche de la solution à la question
posée.

 La Qualification juridique déduite ou induite des faits de l’espèce : il


s’agit de relever le domaine (notion, concept, situation ou catégorie
juridique) dont relève le problème posé.

 Le Problème de droit : il appelle à formuler, exprimer, énoncer la


préoccupation, la difficulté que pose le cas pratique.

2- Le « développement » du cas pratique

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Il s’agit de résoudre concrètement la question de droit posée. Dès lors :

 Si plusieurs problèmes sont posés, l’on peut rappeler brièvement les


faits et le problème spécifique à élucider ou résoudre.
 L’on énonce, ensuite, la règle de droit de principe (loi, jurisprudence,
coutume, principe général de droit…) qui prévaut en la matière ;
 L’on confronte ou l’on applique cette règle de droit aux faits de
l’espèce ;
 L’on déduit, alors, la solution.

3- La « conclusion » du cas pratique

Il s’agit, simplement de répondre à la question posée, en donnant la solution


qui s’est dégagée à la suite de la confrontation des faits à la règle de droit de
principe applicable à l’espèce.

N.B. :

Il peut arriver que la règle de droit de principe soit assortie d’une Exception.
Le cas échéant, il faudra alors appliquer cette dérogation au principe et
l’appliquer aux faits de l’espèce, afin de vérifier si elle aboutit également à
une solution du problème.

En définitive, et de manière succincte, l’on peut décliner la méthodologie


suivante pour le cas pratique :

1- Introduction :
 Résumé- synthèse des faits ;
 Qualification juridique ;
 Problème de droit ;

2- Développement-Résolution :
 Enoncé du principe-règle de droit ;
 Application du principe à l’espèce ;
 Déduction-solution

Le cas échéant (s’il existe une exception à la règle de droit de principe) :

 Enoncé de l’exception au principe ;

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 Application de cette exception aux faits de l’espèce ;
 Déduction-solution
II- La consultation juridique

La consultation juridique consiste en un exercice très similaire au cas


pratique dont il emprunte, au demeurant la méthodologie, donc le schéma
de résolution.

Les différences avec le cas pratique se situe, notamment :

Au niveau de la formulation du problème dans l’énoncé de l’exercice : dans


le cas pratique, la question est précise. Au contraire, dans la consultation
juridique, l’on requiert de l’étudiant qu’il conseille utilement le destinataire
de la consultation. Autrement dit, l’étudiant formule, lui-même, les
questions que lui inspire l’énoncé du texte.

Egalement, à la fin de sa démonstration, il doit pouvoir choisir, entre


plusieurs solutions qu’il propose, celle la mieux adaptée à la résolution de la
situation qui lui est exposée.

III- La dissertation juridique

Il s’agit de l’exercice le plus ouvert à la libre expression de son opinion. La


dissertation juridique permet à l’étudiant de se prononcer, de manière
argumentée et après une démarche dialectique, sur un sujet d’ordre
juridique (notion, concept, réalité, fiction, catégorie, théorie, institution,
personne, chose, doctrine, législation, théorie générale…).

L’exercice comprend trois étapes :

- Une introduction,
- Un développement,
- Une conclusion.

1- L’introduction de la dissertation

A titre préliminaire, il est indispensable de bien lire le sujet, à plusieurs


reprises, si cela semble opportun afin d’en saisir le sens.

L’introduction proprement dite se décline en plusieurs étapes :

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 Les généralités : elles consistent à « situer » le sujet, à le
contextualiser, à le délimiter, à le ranger dans la thématique
globale qu’il concerne.
 La définition des termes du sujet : consiste à présenter le sens des
mots ou groupe de mots qui constituent le sujet, afin d’en saisir le
sens qui correspond le mieux au sujet proposé.
 La détermination de l’intérêt du sujet : il s’agit de révéler
l’importance, l’utilité d’aborder un tel sujet (principalement,
intérêt théorique, intérêt pratique. Toutefois, il peut y avoir
d’autres types d’intérêts : intérêt économique, sociologique,
politique…).
 L’énoncé, l’annonce du problème ou des questions que soulève le
sujet. Il convient de ne pas confondre le « problème »posé par le
sujet et la « problématique » que suscite ledit sujet.
 La proposition d’un plan susceptible d’aider à la résolution du
problème que pose le sujet.
Il est nécessaire, dans la mesure du possible, de justifier le plan que
l’on propose pour le traitement du sujet.
NB :En droit, le formalisme est primordial dans la démarche
méthodologique : c’est le sens de l’adage « la forme prime sur le
fond ».
Il est fortement conseillé de privilégier un plan en deux parties. Le
plan en trois parties peut être toléré, à la condition qu’il soit
justifié par la nature même du sujet, ce qui est rare, en pratique.

2- Le développement de la dissertation

Le développement consiste à répondre, de manière argumentée et logique,


au problème posé par le sujet et spécifié dans l’introduction.

En principe, le plan imagé de la dissertation, à l’instar de tout exercice


théorique en droit (dissertation, commentaire) obéit au schéma suivant : I-
(A-B) ; II-(A-B).

La dialectique du raisonnement devra être juridique (raisonnement a pari, a


fortiori, a simili, a contrario, a minima, a maxima, par analogie, par
téléologie, par induction, par déduction, par l’absurde…). Elle sera fondée
essentiellement sur la référence aux sources du droit (textes, jurisprudence,

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coutume, doctrine…). Toutefois, l’on pourra faire référence, de manière
subsidiaire et seulement le cas échéant, à la morale, à la théologie, à la
sociologie, à l’économie…

Chaque idée devra être présentée de manière distincte (paragraphes), dans


un langage convenable et cohérent.

Les transitions entre les différentes idées, sous-parties et parties du


développement devront être respectées.

3- La conclusion de la dissertation

Elle consiste à faire une brève synthèse de ses propos développés, mais, en
outre, à faire une projection au-delà des aspects présentés.

La conclusion doit tendre à envisager d’autres aspects de la question,


d’autres implications éventuelles en rapport avec le sujet présenté.

NB : la conclusion doit être brève ; elle ne doit pas servir de prétexte au


prolongement du développement.

IV- Le commentaire de textes

Le commentaire de textes consiste à critiquer (apprécier positivement et


négativement) un texte.

L’exercice du commentaire peut porter sur une pensée d’auteur, un article


de doctrine, une disposition législative ou réglementaire…: l’on parle, dans
ce cas, d’un commentaire de texte ;

Egalement, l’exercice du commentaire peut s’entendre de l’analyse d’une


décision de justice (décision du conseil constitutionnel, arrêt de juridiction
suprême ou de cour d’appel, jugement de tribunal… :l’on parle, dans cette
hypothèse, d’un commentaire d’arrêt ou de décision.

Pour la clarté du propos, l’on examinera, en premier lieu, le commentaire de


texte, puis en second lieu, le commentaire d’arrêt ou de décision.

1- Le commentaire de texte

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Le commentaire de texte est une méthode d’analyse critique d’un texte.

Il se décline en trois grandes phases :

Une introduction ;

Un développement ;

Une conclusion, avec la précision que cette étape est facultative dans le
commentaire.

a- L’introduction

L’introduction est articulée autour des éléments suivants :

 Les généralités : elles consistent à situer le texte (contexte général


dans lequel s’inscrit le texte : par exemple, s’agissant du texte d’un
auteur, l’identité de l’auteur, ses références, l’importance du texte
dans l’œuvre générale de l’auteur…) ;
 La restitution de l’idée générale du texte (de quoi parle le texte ?) ;
 L’intérêt du texte (théorique, pratique) ;
 Le(s) problème(s) que soulève le texte ou que tente de résoudre le
texte ;

L’annonce du plan.

NB : à l’instar de tout sujet théorique en droit, le plan doit être articulé en


deux grandes parties, elles-mêmes subdivisées en deux sous-parties, soit : I-
A-B ; II-A-B.

b- Le développement

Le développement, dans chacune de ses parties (I-A-B ; II-A-B), consiste


essentiellement à :

 Présenter le texte (ou une partie du texte) ;


 Expliquer le texte (ou une partie du texte) ;
 Critiquer, positivement ou négativement, le texte (ou une partie du
texte) ;

Dans cette esquisse, le commentateur s’efforcera, dans son développement


de chacune des parties, de restituer la valeur et la portée du texte.

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La valeur du texte : son importance, sa légalité, sa légitimité, sa pertinence
dans l’ordonnancement juridique ou dans la pensée juridique, vis-à-vis des
autres textes ou vis-à-vis de la doctrine.

La portée du texte : son influence potentielle, son impact ou ses


conséquences juridiques, politiques, sociologiques, économique…

Le commentaire requiert de soutenir son raisonnement par la convocation


de références pertinentes (Loi, jurisprudence, doctrine, coutume…).
Autrement dit, l’étudiant doit disposer, au préalable et en principe, d’une
connaissance ou culture juridique et générale minimale.

c- La conclusion

La conclusion n’est pas obligatoire, voire n’est pas conseillée, s’agissant du


commentaire de texte.

2- Le commentaire d’arrêt ou de décision de justice

Le commentaire d’arrêt est un exercice à la fois passionnant et redoutable


qui consiste à analyser de manière critique une décision de justice.

Il s’avère une activité passionnante car il donne l’occasion au commentateur


de la décision de faire la démonstration d’une connaissance certaine du
droit positif, de l’état de la jurisprudence relativement à l’espèce qui lui est
soumise, mais, également, de la position doctrinale s’il y a lieu, de ses
conséquences théoriques, pratiques, sociologiques, économiques…

Il est, toutefois, réputé pour être un exercice redoutable, dès lors que la
réussite de l’exercice suppose et nécessite des pré-requis sur l’état de la
question tranchée dans la décision à commenter.

Le commentaire de d’arrêt peut être abordé en trois grandes phases :

Une introduction ;

Un développement ;

Une conclusion, avec la précision que cette étape est facultative dans le
commentaire d’arrêt.

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d- L’introduction

L’introduction est articulée autour des éléments suivants :

 Les références de la décision : elles consistent à indiquer tous les


éléments susceptibles d’identifier de manière certaine la décision
dont il s’agit : sa nature (arrêt, jugement ou décision…), sa date, la
juridiction qui a statué, le champ juridique dans lequel est intervenu
la décision, s’il y a lieu ;
 Le rappel des faits : il s’agit d’évoquer strictement les faits à l’origine
du litige, sans, toutefois, aller au-delà ;
 La procédure suivie : il s’agit de rappeler toute la procédure observée
par les parties jusqu’à la saisine de la juridiction dont il s’agit
d’analyser la décision. Cette partie permet, par ailleurs, de présenter
les MOYENS développés par la partie ou par les parties.
Le MOYEN = ■ Fondement (justification légale de la demande : loi,
jurisprudence, coutume, PGD, usage…)
■ Prétentions (ce que le plaideur ou justiciable souhaite
obtenir)
■ Argumentation (raisonnement qui lui permet
d’expliquer le bien-fondé de sa demande)

 Le problème de droit : il s’agit de la question juridique que


soulève le litige et dont la juridiction qui a rendu la décision a
été saisie. La question de droit ne doit pas être posée ou
formulée de manière spécifique, personnelle, mais plutôt de
manière générique, impersonnelle ;
 La solution : c’est la réponse donnée par la juridiction saisie à la
question de droit posée. A l’instar du moyen du justiciable, la
solution donnée par la décision comprend :
 Le DISPOSITIF : c’est la sentence que rend le juge et
qui est révélée par les expressions « condamne »,
« déboute », « infirme le jugement », « rejette le
pourvoi », « casse l’arrêt » ….
 Les MOTIFS ou la MOTIVATION du juge : ce sont les
raisons retenues par le juge pour motiver sa
sentence. Ces motifs comprennent :

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 Le FONDEMENT (justification légale du
juge pour fonder sa sentence : loi,
jurisprudence, coutume, PGD, usage…)
 La PRETENTION (ce que le juge estime
quant à la prétention du justiciable)
 L’ARGUMENTATION (le raisonnement
du juge qui lui permet d’expliquer le
bien-fondé du sens de sa sentence)

 L’annonce du plan : c’est l’articulation ou la subdivision qui va être


adoptée par le commentateur pour analyser la décision. Cette
articulation se déduit de la motivation du juge qu’il a utilisée au soutien
de sa décision, précisément, à la justification de son dispositif.

NB : à l’instar de tout sujet théorique en droit, le plan doit être articulé en


deux grandes parties, elles-mêmes subdivisées en deux sous-parties, soit : I-
A-B ; II-A-B.

e- Le développement

Le développement, dans chacune de ses parties (I-A-B ; II-A-B), consiste


essentiellement à :

 Présenter la motivation du juge (ou une partie de cette motivation) ;


 Expliquer la motivation du juge (ou une partie de cette motivation) ;
 Critiquer, positivement ou négativement, la motivation du juge (ou
une partie de cette motivation) ;

Dans cette esquisse, le commentateur s’efforcera, dans son développement


de chacune des parties, de restituer la valeur et la portée de la décision à
commenter.

La valeur de la décision : son importance, sa légalité, sa légitimité, sa


pertinence dans l’ordonnancement juridique ou dans la pensée juridique,
vis-à-vis des autres textes ou vis-à-vis de la doctrine.

La portée de la décision : son influence potentielle, son impact ou ses


conséquences juridiques, politiques, sociologiques, économique…

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Le commentaire requiert de soutenir son raisonnement par la convocation
de références pertinentes (Loi, jurisprudence, doctrine, coutume…).

Autrement dit, l’étudiant doit disposer, au préalable et en principe, d’une


connaissance ou culture juridique et générale minimale.

N.B. : Le commentateur doit éviter de se servir de la décision comme


prétexte au commentaire éventuel du jugement ou arrêt qui est censuré par
la décision à commenter.

f- La conclusion

La conclusion n’est pas obligatoire, voire n’est pas conseillée, s’agissant du


commentaire d’arrêt ou de décision.

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